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Deuxième séance du samedi 10 juillet 2004 

23e séance de la session extraordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE

Communication relative à la désignation
d'une commission mixte paritaire

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

                  « Paris, le 9 juillet 2004

« Monsieur le président,

« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la politique de santé publique.

« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.

« J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

    2

ASSURANCE MALADIE

Suite de la discussion,
après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie (nos 1675, 1703).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l'Assemblée s'est arrêtée aux amendements identiques nos 1084 à 1095 et n° 7621 à l'article 14.

Article 14 (suite)

M. le président. Ces treize amendements tendent à supprimer l'article 14.

La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Monsieur le président, monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, monsieur le rapporteur de la commission spéciale, cet amendement vise à supprimer l'article 14 qui subordonne à l'accord préalable du service du contrôle médical, pour une durée ne pouvant excéder six mois, la couverture des frais de transports ou du versement des indemnités journalières pour les médecins qui prescrivent des transports inadéquats ou des arrêts de travail sans justification ou au-delà de la moyenne de leurs confrères.

Le directeur de la caisse pourra décider que les prescriptions de transport ou d'arrêt de travail du médecin ne donnent pas lieu à prise en charge pendant une durée ne pouvant excéder six mois.

Aujourd'hui, l'assurance maladie ne dispose que de son pouvoir de persuasion - courriers d'alerte, rencontres entre le médecin-conseil de la caisse et le médecin - pour réorienter la pratique d'un médecin qui prescrit trop d'arrêts de travail ou de transports tels que les ambulances. La possibilité de sanctionner est donc une nouveauté et elle va loin. Dans un premier temps, un médecin visé doit demander l'autorisation de prescrire. Mais, dans un second temps, la non-prise en charge par l'assurance maladie de la prescription, qui prend l'assuré en otage, signe une véritable interdiction de prescrire : que vaut un arrêt de travail qui n'ouvre pas droit aux indemnités journalières ? Comment imaginer qu'un patient paie son ambulance ?

Cet article est très dangereux. Il est lourd de conséquences. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé ces amendements de suppression.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 7621.

Mme Martine Billard. Mon amendement vise également à supprimer cet article.

Je voudrais revenir sur les raisons justifiant les arrêts de travail. Une étude intéressante de l'Association française de médecine générale rend compte des principaux groupes de pathologies retrouvées dans les consultations donnant lieu à des arrêts de travail : accidents de travail, 8,13 % ; pathologies chroniques, 31,30 %, dont 4,1 % de cancers ; pathologies psychologiques ou psychiatriques, 29 % ; pathologies rhumatologiques correspondant, selon les constatations, à des maladies musculo-squelettiques, 28,46 % ; pathologies gastroentérologiques, 13 % ; pathologies cardio-vasculaires, 7,72 % ; pathologies dues au diabète, 6,10 % ; pathologies aiguës, 59 % et infections des voies aériennes supérieures, 19,92 %. De plus, une étude récente sur la rhinopharyngite montre que le taux d'arrêt de travail pour cette pathologie n'était que de 24 % en France, pour une durée médiane de trois jours, contre 83 % en Allemagne, pour une durée de quatre jours, et 55 % en Belgique pour une durée de trois jours. Comment parler d'abus, dans ces conditions ? Depuis un an et demi, environ, de nombreux organismes se penchent sur ces questions de l'arrêt de travail et de la souffrance au travail. Il ressort de leurs études que la souffrance psychologique au travail s'intensifie. Le nombre de morts par accidents du travail, quant à lui, n'a pas diminué. De plus, si les accidents du travail dans l'industrie ont diminué, leur gravité a, en revanche, augmenté, ce qui explique l'allongement de la durée des arrêts. Les nouvelles conditions de travail, l'introduction de processus de productions différentes ont fait exploser le nombre des maladies musculo-squelettiques et les pathologies liées au stress. Les salariés doivent, en effet, fréquemment répondre aux exigences de l'entreprise et à celles des clients. L'organisation du travail en flux tendus est souvent source de problèmes psychologiques avec les conséquences que l'on sait sur la santé, donc sur les arrêts de travail. Il conviendrait de réfléchir davantage sur la santé au travail, ce qui n'est pas aujourd'hui le cas, avant de songer à réprimer d'éventuels abus en matière d'arrêts de travail. Lorsque les conditions de travail se seront améliorées, lorsque les salariés les plus âgés seront pris en considération dans le cadre de leur maintien au travail, il sera alors temps de lutter contre les abus. Ne prenons donc pas le problème à l'envers !

Telles sont les raisons pour lesquelles je propose la suppression de l'article 14.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Des salariés abuseraient des arrêts de travail avec la complicité explicite, comme l'indique l'article, des médecins traitants et des médecins du travail. Toutes les études montrent que, d'une part, les arrêts de travail de moins de trois mois diminuent et que, d'autre part, ils augmentent avec l'âge, notamment dans la tranche des cinquante-cinq - soixante ans, ce qui est aisément compréhensible. Ce problème n'est donc absolument pas lié à la volonté ou non de se faire prescrire des arrêts de travail.

Mme Martine Billard. Absolument !

M. Maxime Gremetz. Vous méprisez l'attachement des salariés à leur activité ! Or ils ne se font jamais prescrire d'arrêt de travail de gaieté de cœur, au contraire ! Ils hésitent à s'arrêter de travailler parce qu'ils aiment leur travail mais aussi qu'ils craignent d'être licenciés ! Vous raisonnez complètement à l'envers ! Vous considérez les médecins, vos collègues pour un certain nombre d'entre vous, comme les complices de gens qui ne voudraient pas travailler ! C'est absurde ! Je rappelle qu'ils furent pendant un temps - mais sans doute était-ce naïf de ma part de le penser - l'essentiel de votre clientèle électorale ! Comment imaginer que votre électorat préféré puisse rédiger des arrêts de travail de complaisance ? Quelle bassesse ! De plus, vous mésestimez les qualités déontologiques des médecins !

À quoi les multiples arrêts de travail sont-ils dus aujourd'hui ? Les conditions de travail, quoi qu'on en dise, se détériorent. On nous dit qu'il n'y a plus d'industrie. C'est faux, notre pays compte beaucoup d'industries. Je vous rappelle que l'on a, un temps, considéré qu'il fallait réindustrialiser la France ! Donc, on compte toujours dans notre pays de graves accidents de travail, voire des morts au travail. De plus, les technologies nouvelles ont modifié les conditions de travail et produisent souvent des cadences aussi insupportables que les miennes lorsque je travaillais à la chaîne ! Ces salariés souffrent de nouvelles maladies et connaissent de nouvelles formes d'accidents de travail. Ils restent debout, ils téléphonent en permanence ! Ne vous étonnez pas que les arrêts de travail augmentent !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale. Ah ! Tu parles !

M. Maxime Gremetz. Quel est aujourd'hui le pouvoir réel des comités d'hygiène et de sécurité ? Quelles sont les conditions de travail dans l'entreprise ? Qu'en est-il des médecins du travail dans les grandes entreprises ? Sont-ils ou non indépendants ? Ne me dites pas qu'ils distribuent des arrêts de travail à tort et à travers ! Avec cet article, vous vous attaquez, en fait, à ceux qui produisent les richesses et à ceux sans lesquels nous ne serions pas là aujourd'hui. Sans production de richesses, une société ne peut pas vivre, les services ne peuvent pas se développer. Comment mettre en place les nouvelles technologies sans une véritable production de richesses ? On considérait à une époque que les salariés n'étaient plus utiles. Un grand patron a même proposé de créer des entreprises sans salariés ! On aurait alors résolu la question : personne ne travaillerait plus et il n'y donc plus d'accidents de travail !

M. le président. Je vous remercie, monsieur Gremetz ! Votre temps de parole est écoulé !

M. Maxime Gremetz. Non, monsieur le président !

M. le président. Vous n'avez pas fait démarrer votre « chrono » ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz. Si, monsieur le président !

M. le président. Je vous ai regardé ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz. J'ai encore trente secondes ! (Sourires.)

M. le président. Non, monsieur Gremetz ! Votre chronomètre n'est pas homologué ! La séance me fait savoir que vous avez dépassé les cinq minutes ! Il faut faire réparer votre appareil, monsieur Gremetz ! (Sourires.) À moins que ce ne soit un chronomètre du parti communiste ! (Sourires.)

Mme Janine Jambu. Il est homologué, monsieur le président !

M. Maxime Gremetz. Ce chronomètre porte la marque d'une grande entreprise !

M. le président. Monsieur Gremetz, je commence à vous connaître ! (Sourires.) Vous n'avez pas fait démarrer votre chronomètre !

M. Maxime Gremetz. Je le mettrai en marche, monsieur le président, quand vous annoncerez un scrutin public !

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. Et je décide que l'Assemblée se prononcera par scrutin public sur ces amendements.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements de suppression de l'article.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale. La commission les a rejetés, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale, pour donner l'avis du Gouvernement sur ces amendements.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Avis défavorable, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Cet article soulève un problème quant à ses objectifs et à leur crédibilité. Le Gouvernement prétend qu'il y a des abus en matière d'indemnités journalières et qu'il convient d'économiser, tantôt 1 milliard, tantôt 800 millions d'euros, sur les 5,2 milliards d'euros d'indemnités journalières. Il estime donc, sans d'ailleurs nous donner de précisions sur le choix de ces chiffres, qu'il y aurait 15 à 16 % de fraudes. D'où vient ce chiffre ? Nous n'avons jamais eu la moindre explication, sauf à penser que vous avez fait une colonne recettes et une colonne dépenses et que vous y avez placé les chiffres de façon à atteindre un équilibre. Pour étayer vos chiffres, vous pouvez disposer des analyses de la Caisse nationale d'assurance maladie. Un autre document aurait pu attirer votre attention, ce sont les statistiques qui émanent des entreprises privées qui, depuis que la loi leur en a donné la possibilité, effectuent des contre-visites. Ces entreprises ont elles-mêmes mis en exergue les arrêts maladie qui leur sont apparus contestables et contestés. Or le chiffre de la Caisse nationale d'assurance maladie et celui de ces assurances privées sont exactement les mêmes. Ils se situent entre 5 et 6 %, soit une charge de 100 à 300 millions, très éloignée des 800 millions que vous nous annoncez sans les justifier.

Deuxième observation, si, comme vous le pensez, c'est le système qui est défaillant, cela doit être une spécificité française. Or vous savez bien que c'est faux. Que constate-t-on aujourd'hui dans les pays qui présentent un même niveau de développement économique et technologique ? Le nombre d'arrêts maladie et d'accidents du travail explose partout, pour des raisons malheureusement identiques. Dès lors, par exemple, que l'on reconnaît les problèmes de dos - désignés sous l'appellation générale de « lombalgies » -, le nombre de maladies professionnelles augmente instantanément de 80 %, et ce n'est pas spécifique à la France. Puisque le phénomène des arrêts maladie, en particulier parmi les salariés âgés, n'est pas propre à la France, ce n'est pas notre système qui est en cause mais bien le mode de production et l'organisation du travail qui aboutissent à ce résultat.

Toutefois, loin de tenir compte de ces éléments objectifs, vous essayez, me semble-t-il, de pénaliser les salariés ; c'est tout à fait injuste.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Cette fois-ci, j'interviendrai non pas sur le fond, pour contester l'opportunité du texte, qui est une pure construction idéologique - notre collègue Alain Vidalies vient de le démontrer -, mais sur la méthode.

Tout d'abord, c'est la première fois, en matière médicale, qu'on retient un critère statistique comme facteur déclenchant de la pénalisation, comme élément discriminant, à l'exclusion de toute correction en fonction de l'implantation géographique, de la clientèle du médecin. Celui qui est installé, par exemple, dans un bassin industriel du Nord-Pas-de-Calais, où les conditions de travail, chacun le sait, sont relativement difficiles, ne trouvera pas forcément les mêmes statistiques que celui qui exerce dans le 16e arrondissement, à Nice ou dans toute autre zone où la population est semblable.

M. Maxime Gremetz. À Neuilly-sur-Seine, par exemple ! (Exclamations et rires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Attention ! N'oublions pas que certains habitants de Neuilly se dépensent énormément et sont très stressés ! Ne les méprisons pas autant ! Lorsqu'ils se rasent, le matin, il arrive même qu'ils aient des accidents domestiques ! (Sourires.)

Cette nouvelle notion de « délit statistique » est tout à fait choquante, soyons clairs, car elle n'a rien à voir avec l'approche médicalisée, elle est purement comptable. Des faits statistiques peuvent certes justifier une enquête plus approfondie. Si les sanctions s'appuyaient sur une telle enquête, diligentée à partir d'éléments statistiques, d'accord, mais ce n'est pas le cas ici : le texte prévoit qu'elles soient déclenchées automatiquement, en fonction de la moyenne statistique. Ainsi les médecins qui ont une clientèle ouvrière seront-ils davantage sanctionnés que ceux qui soignent les bourgeois ! Voilà ce que vous nous proposez, monsieur le ministre.

M. Hervé Morin. Il arrive aussi que les bourgeois travaillent !

M. Maxime Gremetz. Mais ils sont moins souvent victimes d'un accident du travail !

M. Jean-Marie Le Guen. Il semblerait en effet qu'ils bénéficient généralement - hormis les plus agités d'entre eux, dont je viens de parler -, de conditions de travail plus agréables que les employés de Metaleurop, par exemple.

Deuxièmement, toujours à propos de la méthode, je veux évoquer la composition de la commission. Vous nous annoncez tout de go qu'il y sera débattu ouvertement des problèmes médicaux des patients. Quid du secret médical, monsieur le ministre ? Des médecins et des salariés seront déférés devant elle, et l'on y étalera tranquillement le contenu des dossiers médicaux. Selon quelles modalités, exactement, ces commissions se réuniront-elles ? Qui y siégera ? Des médecins seront-ils présents ou bien seulement des administratifs, agents de l'assurance maladie, voire membres du conseil d'administration ? Ces personnes sont sans aucun doute compétentes dans leur domaine, mais j'imagine mal qu'elles soient amenées à débattre de problèmes médicaux personnels, en l'absence de représentants des assurés, de surcroît.

En effet, comme le faisait fort justement remarquer Claude Évin ce matin, les représentants du conseil d'administration de l'organisme d'assurance maladie seront là pour défendre l'assurance maladie, pas pour défendre le salarié. Quant aux professionnels de santé, vous avez prévu qu'ils soient défendus par leurs organisations professionnelles. Mais le salarié, lui, ne sera aidé par personne.

Votre système est mal orienté, il fonctionnera mal, il ne respectera pas le droit des personnes. Encore une fois, l'idée dominante du projet de loi est de retourner l'assurance maladie contre les assurés ; il offre une vision profondément dénaturée du fonctionnement du système et de ses principes.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. À ce stade du débat, il convient, monsieur le Guen, d'opérer une mise au point.

Le taux de progression des indemnités journalières versées a atteint 10 % en 2001 et en 2002.

M. Jean-Marie Le Guen. Mais il a baissé en 2003 !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Oui ! Il est tombé à 6 % !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. J'y viens, calmez-vous. La tendance à moyen terme est estimée à 8 %. Mais nous pensons qu'il est tout à fait possible, en réalité, de ralentir cette progression et de la ramener à 4 ou 5 %, afin de dégager les économies que le Gouvernement s'est fixé pour objectif de réaliser. Lorsque l'on cible les contrôles, on constate, je le rappelle, des taux d'indemnités journalières injustifiées de 13 à 15 %.

M. Jean-Marie Le Guen. Elles ne sont pas injustifiées !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Les différents organismes d'assurance maladie qui ont conduit ces études sont à votre disposition pour vous le confirmer, en particulier la caisse d'assurance maladie du Nord-Pas-de-Calais.

Par ailleurs, monsieur le Guen, vous prétendez que le recours aux statistiques est une nouveauté. Je rappelle que la majorité à laquelle vous apparteniez a mis en place, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, un dispositif spécifique en direction des « gros consommants » largement fondé sur une logique de repérage statistique. À cet égard, nous n'innovons donc pas puisque vous avez utilisé la même méthode lorsque vous étiez dans la majorité.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est inexact ! Les procédures que vous évoquez ne sont pas déclenchées automatiquement !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Arrêtez d'interrompre le ministre !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous tentez aussi de faire croire, monsieur Le Guen, que nous voulons remettre en cause le caractère médical de la prescription. Je répète que ce n'est pas notre philosophie.

J'ai déjà abordé la question de la pénibilité au travail en répondant à Mme Robin-Rodrigo. Vous considérez, monsieur le Guen, que nous mettons à plat les arrêts de travail et les frais de transport. Je me permets de rappeler que la majorité précédente, là encore, avait elle aussi pointé ces deux sujets dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, notamment en instaurant, à juste titre, la nécessité de donner une motivation médicale aux prestations en matière de transport. Souvenez-vous, vous étiez même à l'origine de la proposition.

M. Jean-Marie Le Guen. Le transport n'a rien à voir avec les IJ !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Enfin, M. Mariton, avant le déjeuner, a mis l'accent sur la nécessité d'élaborer un dispositif réellement efficace. Je voudrais l'en remercier parce que c'est en effet un objectif du Gouvernement. Dans chaque département, il faut donner aux acteurs locaux les moyens d'agir contre l'infime minorité de professionnels et d'assurés qui, on le sait, abuse du système, parfois depuis longtemps.

Vous avez parlé de « système policier », monsieur Liberti. C'est évidemment exagéré car nous ne remettons en cause aucun droit, ni pour le médecin ni pour le patient.

M. François Liberti. Vous plaisantez !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Nous essayons simplement de faire reposer l'arrêt de travail sur une justification médicale. Nous nous inscrivons donc bien, là encore, dans une démarche médicale.

Madame Billard, vous avez contesté la dérive des IJ prescrites. Le texte de l'article 14 est clair : sont uniquement visées les prescriptions significativement supérieures à la moyenne. Il ne s'agit donc pas d'organiser un contrôle tatillon mais de mettre un terme aux abus les plus flagrants. Nos concitoyens, je crois, n'ont d'ailleurs aucun mal à le comprendre.

Mme Robin-Rodrigo, ainsi que M. Gremetz et Mme Billard, ont évoqué la pénibilité au travail. C'est évidemment un sujet important, personne ne le conteste. Le plan de cohésion sociale présenté par M. Borloo comprend d'ailleurs un volet relatif à la santé au travail, sur lequel les partenaires sociaux doivent prendre des engagements, et, avec M. Borloo, nous proposerons, d'ici à la fin de l'année, un plan santé et travail.

Cela dit, l'écart de consommation d'arrêts de travail selon les départements, qui va, je le rappelle, de un à trois, montre que tout ne s'explique pas par la dureté du travail ou le stress.

Enfin, monsieur le président, Mme Guigou a eu raison, avant le déjeuner, de souligner que les praticiens à l'origine des dérives étaient peu nombreux et très connus ; tous les responsables des organismes d'assurance maladie le disent depuis longtemps.

Mme Martine Billard. Et alors ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je pense que nous pouvons sensiblement réduire le dynamisme des dépenses sans remettre en cause le droit à prescription et à indemnisation. L'orientation plus active des contrôles de la CNAM, engagée en 2003, a produit des effets sensibles, M. Le Guen vient de le dire, avec un ralentissement de la croissance des arrêts de travail de courte durée. Et le problème ne vient pas du nombre de médecins conseils mais du fait que ceux-ci ont été en partie détournés de leur fonction de contrôle, notamment pour les arrêts de travail.

Voilà, monsieur le président, les éléments d'explication que je voulais donner.

M. Maxime Gremetz. Je demande la parole !

M. le président. Non ! Vous avez présenté votre amendement, le Gouvernement et la commission ont donné leur avis,...

M. Maxime Gremetz. Mais nous n'avons pas répondu !

M. le président. ...deux orateurs leur ont répondu, M. le ministre est de nouveau intervenu, et nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements nos 1084 à 1095 et n° 7621 tendant à supprimer l'article 14.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur les amendements :

              Nombre de votants 37

              Nombre de suffrages exprimés 37

              Majorité absolue 19

        Pour l'adoption 16

        Contre 21

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Rappel au règlement

M. Jean-Marie Le Guen. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marie Le Guen. Alors que nous discutions de la santé au travail et de l'équilibre de l'assurance maladie, nous venons de lire, dans une interview du ministre de l'économie et des finances parue cet après-midi, qu'il envisageait deux mesures : l'augmentation du temps de travail, ce qui aura évidemment un impact direct sur les conditions de travail et donc sur la pénibilité ; pire encore, la diminution des cotisations sociales, plus exactement la suppression des majorations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, ce qui affaiblira les recettes de la sécurité sociale.

Ainsi, au moment même où nous discutons des problèmes de l'exploitation au travail, des cotisations sociales et de l'équilibre de l'assurance maladie, le ministre de l'économie et des finances propose tout bonnement d'augmenter le temps de travail réel des salariés et de réduire les cotisations sociales payées par les entreprises, qui alimentent pourtant l'assurance maladie.

M. Claude Goasguen. Pas du tout ! C'est faux ! Vous n'avez pas bien lu l'article !

M. Jean-Marie Le Guen. Par conséquent, monsieur le président, nous souhaitons entendre le Gouvernement pour qu'il requalifie, à l'aune des propositions du ministre de l'économie et des finances, la fameuse équité dont le ministre de la santé nous parle régulièrement.

M. le président. Votre souhait lui sera transmis.

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 60.

La parole est à M. François Guillaume, pour le soutenir.

M. François Guillaume. Ce matin, Mme Billard reconnaissait que les transports de malades étaient sources d'abus et donc de dépenses injustifiées. C'est tout à fait vrai. J'en connais un exemple dans certaine ville où il y a un hôpital et où le transport de malades représente la moitié des recettes des entreprises de transport. Notre collègue regrettait, en outre, que le projet soit trop imprécis sur le sujet. Mon amendement pourrait y remédier.

Je propose, d'abord, que le médecin soit vraiment le seul prescripteur, ce qui n'empêche pas, naturellement, qu'il puisse être contrôlé par qui de droit. En effet, il arrive que des caisses d'assurance maladie fassent pression sur les praticiens quand ils refusent de prescrire la prise en charge du transport, pour qu'ils finissent par l'accepter.

Deux cas peuvent se présenter, mais c'est toujours au médecin à déterminer s'il doit y avoir transport sanitaire parce que le malade est handicapé ou si, au contraire, il peut emprunter les transports en commun, voire son véhicule personnel, moyennant éventuellement une petite indemnité forfaitaire.

Voilà qui pourrait permettre de lutter contre des prescriptions coûteuses qui déséquilibrent le budget de l'assurance maladie.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement pour deux raisons.

L'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale prévoit déjà que la couverture des frais de transport est limitée aux assurés se trouvant dans l'obligation de se déplacer pour recevoir les soins ou subir les examens appropriés.

En outre, selon l'article L. 162-2-1 du même code, les médecins sont tenus à la plus stricte économie.

Votre amendement, monsieur Guillaume, n'est donc pas apparu nécessaire. C'est la raison pour laquelle la commission l'a repoussé, même s'il renvoie à un véritable problème.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. François Guillaume. Je retire mon amendement, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 60 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 7631.

La parole est à M. Hervé Morin, pour le soutenir.

M. Hervé Morin. Le dispositif de sanctions est déjà prévu dans les conventions. Celles-ci ne peuvent être prononcées que par des commissions paritaires composées de représentants des caisses et des syndicats médicaux représentatifs.

Je profite de l'occasion pour répondre à M. Gremetz qui dénonçait les conditions du travail. Il porte une lourde responsabilité, ainsi que nos collègues socialistes, dans leur aggravation. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. François Liberti. Provocation !

M. Hervé Morin. Eh oui ! Une très lourde responsabilité !

En effet, monsieur Gremetz, lorsque nous débattions, sous la précédente majorité, de la question des 35 heures, nous étions les premiers à expliquer à Mme Aubry, alors au banc du Gouvernement, et à nos collègues socialistes et communistes, que les 35 heures allaient avoir deux conséquences majeures : une intensité accrue et une dégradation des conditions de travail, d'abord ; la flexibilité, ensuite.

M. François Liberti. C'est gonflé !

M. Hervé Morin. On sait que les indemnités journalières ont augmenté de façon considérable depuis cinq ans. Par un hasard incroyable, cela correspond à la mise en œuvre des 35 heures ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. François Liberti. Ridicule !

M. Hervé Morin. Tous les salariés de ce pays qui sont passés aux 35 heures savent à quel point les conditions de travail se sont détériorées parce que la réduction du temps de travail a induit flexibilité, travail de jour, de nuit, de week-end, avec, je le répète, une intensité accrue.

Cela dit, monsieur le ministre, nous ne sommes pas convaincus que le dispositif que vous prévoyez permette des économies au niveau que vous dites. L'estimation a dû être faite au doigt mouillé ! Dans le Gard, le nombre de jours d'arrêt de travail serait de dix-huit par an, alors qu'il n'est que de six dans d'autres régions ! Je ne vois pas comment le dispositif pourrait remédier à de pareilles disparités.

On prétend que les économies pourraient atteindre 800 millions d'euros. Ce pourrait être aussi bien 300 ou 400 millions ! Pour ma part, je pense que, dans mon département comme ailleurs, il y a probablement quelques médecins dont on sait qu'ils ont une fâcheuse tendance à donner des arrêts de travail abusifs ; mais que nous puissions faire, en réprimant ces abus, 5 milliards d'euros par an, me paraît douteux. Où le Gouvernement va-t-il les trouver ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. L'intention de simplifier les choses est louable, mais il ne faut pas mélanger tous les dispositifs. C'est la raison pour laquelle la commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Les propos de M. Morin sont frappés au coin du bon sens. Certes, le niveau conventionnel est pertinent s'agissant de médecins. Mais je crains que, au niveau local, il n'y ait pas d'accord entre eux et les caisses sur ce sujet, car les médecins n'accepteront jamais des sanctions. Il n'y en aura donc pas.

Vous dites vrai, les 800 millions d'euros d'économies ne sont pas sûres. Il n'empêche que, selon les études de prévision ainsi que des notes signées par la CNAM que j'ai en mains, ce niveau d'économies - fixé pour 2007 car elles doivent augmenter progressivement - est tout à fait plausible.

Par conséquent, l'idée est bonne mais la mesure ne serait pas suivie d'effet au niveau local.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. M. le ministre pourrait-il nous faire passer les notes signées par la CNAM à propos des 800 millions ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Bien sûr !

M. Jean-Marie Le Guen. Avant la fin du débat ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je vous les transmettrai quand je le souhaiterai ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Depuis le début du débat, je me targue d'une transparence absolue.

Je crois même, monsieur Le Guen, que nos prévisions sont inférieures à celles de la CNAM !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, il y a une chose que vous ne prenez pas en compte et je voudrais attirer votre attention...

M. le président. Poursuivez donc, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Je ne voudrais pas interrompre la discussion entre M. le ministre et M. Le Guen !

M. Hervé Morin. Écoutons-le, à la fin !

M. Maxime Gremetz. Je voudrais que le débat profite à tout le monde !

M. le président. Allez-y donc, monsieur Gremetz, pour une fois que vous ne prenez pas la parole sans que je vous la donne !

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, vous devriez bien vous pencher sur la question des accidents de travail qui ne sont pas déclarés. Dans la zone industrielle d'Amiens, des entreprises comme Carbone Lorraine, Valéo ou Dunlop affichent sur d'immenses panneaux qu'il n'y aurait eu aucun accident de travail dans les six derniers mois. Mais on demande à un salarié blessé à la main de venir, même sans travailler, pour ne pas déclarer d'accident de travail !

Si cela existe dans ma circonscription, cela existe aussi ailleurs !

En ce qui concerne les 35 heures, monsieur Morin, les 12 000 salariés de la même zone industrielle qui font les trois-huit à la chaîne, eux, en sont très contents ! Leur peine s'en est trouvée allégée. Et s'ils vivent mieux aujourd'hui, c'est grâce à leurs syndicats qui sont forts et ont pu obliger leurs directions à appliquer la loi dans l'esprit où elle avait été votée.

Que des patrons aient utilisé la même loi pour imposer plus de flexibilité et plus de charges de travail, voire des baisses de salaire, c'est incontestable. Mais c'est à ceux-là qu'il faut vous en prendre !

Et puisque vous cherchez de l'argent, monsieur le ministre, je vais vous donner une piste.

Les salariés de PSA à Poissy m'ont écrit, hier, que la direction demandait aux syndicats de profiter de sa proposition d'accord intitulée « harmonisation des primes et indemnités de doublage au niveau du groupe » pour exclure une partie importante de l'ancienne prime de doublage de la partie servant au calcul des cotisations sociales employeur et salariés. Entendez-vous, monsieur le ministre ? C'est un véritable vol dont est victime la sécurité sociale !

Par conséquent, en plus des 20 milliards d'exonération de cotisations patronales, on trouve des moyens pour les alléger encore ! Et il y en a bien d'autres que celui que j'ai cité, je pense au fonds collectif par exemple.

Autant de rentrées en moins pour la sécurité sociale !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. M. Morin a établi un lien entre l'instauration des 35 heures et l'augmentation des arrêts de maladie. Le sujet est trop sérieux pour souffrir une telle approximation. Il faudrait qu'il fonde sa démonstration sur des données statistiques objectives.

Il a deux possibilités.

Il pourrait, d'abord, nous démontrer la spécificité française en matière d'évolution des pathologies au travail. Mais il serait bien incapable de le faire puisque les études montrent qu'il n'existe pas de corrélation entre cette évolution et le nombre d'heures travaillées, mais plutôt avec les techniques employées. En Allemagne, comme en Italie ou encore aux États-Unis, on assiste à une explosion des maladies professionnelles.

Par ailleurs, monsieur Morin, tous les salariés de ce pays ne sont pas aux 35 heures, puisque vous n'avez pas appliqué la loi à toutes les entreprises. Il vous faudrait donc démontrer que, dans les entreprises aux 35 heures, il y a augmentation des maladies professionnelles et des arrêts de travail, alors qu'il y aurait stabilisation dans toutes les autres. Or, on sait que c'est plutôt dans les petites entreprises que l'on fait ce constat, celles qui ont moins de vingt salariés et où, par conséquent, il n'y a pas de contrôle par les représentants du personnel, celles qui justement ne sont pas aux 35 heures.

Vos arguments sont purement idéologiques !

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Il est succulent de voir Maxime Gremetz défendre aujourd'hui Martine Aubry, quand on se souvient des débats sur les 35 heures !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Nous ne débattons pas des 35 heures, aujourd'hui !

M. Hervé Morin. Quant aux salariés, monsieur Gremetz, ils sont si heureux qu'en 2002, comme on sait, la gauche a obtenu une large majorité grâce aux 35 heures ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Et vous, monsieur Vidalies, vous dites qu'il n'y a pas de corrélation entre la mise en œuvre des 35 heures, la flexibilité et l'intensité du travail. Je ne dois pas rencontrer les mêmes salariés que vous !

M. Maxime Gremetz. Certainement pas !

M. Hervé Morin. Tous les salariés de ce pays disent aujourd'hui que les conditions de travail se sont détériorées depuis la mise en œuvre des 35 heures, parce qu'on leur réclame une productivité au travail beaucoup plus importante. Telle est la réalité !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7631.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de dix amendements identiques, nos 3184 à 3195.

La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Ces amendements visent à supprimer le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale créant un contrôle accru des arrêts de travail. Ainsi, la caisse pourra informer un employeur en cas d'arrêt abusif d'un de ses salariés ayant entraîné la suspension des indemnités journalières. Elle pourra aussi contrôler la fréquence des arrêts et non plus seulement leur durée.

M. Maxime Gremetz. C'est scandaleux !

Mme Janine Jambu. En cas de non-justification, elle pourra en exiger la suspension.

Actuellement, l'assurance maladie contrôle tous les arrêts de plus de trois mois. Sous l'impulsion d'un gouvernement persuadé de la malfaisance et de la paresse des assurés sociaux, dont les médecins sont les supposés complices, elle mettra plus souvent son nez dans les arrêts de courte durée, qui sont pourtant en forte baisse en 2003 et 2004. Cette consigne est difficile à appliquer sur le terrain et c'est déplacer des montagnes pour pas grand-chose : rappelons que seulement 6 % des arrêts de travail sont injustifiés.

Vous vous attaquez une fois de plus à un problème mineur, pour éviter de vous pencher sur d'autres questions essentielles dans le cadre de cette réforme. On ne voit pas l'opportunité d'une telle mesure, dont l'histoire, y compris récente, a montré qu'elle était loin d'être évidente.

Telle est la logique qui sous-tend cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je suis toujours aussi dubitative sur votre façon de régler le problème, monsieur le ministre. Vous avez déclaré, statistiques à l'appui, qu'il existait dans chaque département deux ou trois médecins spécialistes de l'arrêt maladie,

Mais si tel est le problème, cet article ne le résout en rien. Selon la CNAM, les abus sont aujourd'hui difficiles à sanctionner. Aussi, nous attendions un article proposant d'améliorer les procédures de contrôle sur les médecins qui abusent et prévoyant des sanctions à leur encontre. Pour l'heure, on peut soit envoyer une lettre d'avertissement, soit saisir le Conseil de l'ordre : ces outils ne sont guère dissuasifs.

Or, face à des cas ponctuels, vous mettez en place tout un mécanisme statistique pour établir une moyenne qui sera difficile à utiliser sur une même zone couverte par une URCAM. En effet, les conditions de travail des médecins peuvent différer selon le public qu'ils reçoivent et le nombre de personnes bénéficiant de la CMU.

Pour ce qui concerne la corrélation entre les 35 heures et l'augmentation des arrêts de travail, les statistiques montrent une diminution des arrêts maladie entre 1997 et 2001. Par conséquent, votre démonstration tombe à l'eau.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, vos déclarations réitérées sur les deux ou trois médecins qui, dans chaque département, seraient à l'origine des dérives nous ont surpris, surtout si l'on considère la méthode que vous retenez pour traiter cette question. Pourquoi ne pas avoir pris vos responsabilités avec les professionnels, en reconnaissant que vous n'aviez pas un problème de système, d'organisation globale, mais un problème qui concerne quelques individus ? Je suis tenté de vous dire que la mariée est trop belle ! Or le dispositif que vous proposez est hors de proportion avec ce constat. Par conséquent, soit ce constat est faux, et il n'a pour seul objectif que frapper les esprits, soit les causes de cette dérive sont bien plus complexes que de simples abus de prescription.

Si vous devez rechercher des économies sur les indemnités journalières, on ne peut que s'étonner que vous ne vous soyez pas posé la question essentielle à ce sujet : celle du transfert de charges du régime accidents du travail et maladies professionnelles vers l'assurance maladie.

On sait, depuis le rapport Masset, que certaines entreprises en ont fait leur sport national, parce que les cotisations en matière d'accidents du travail sont payées en fonction de l'accidentologie : le nombre d'accidents du travail se répercutera sur les cotisations de l'année suivante. Si ce système semble juste, il conduit cependant les entreprises à faire pression sur les salariés pour qu'ils ne déclarent pas leurs troubles au titre des accidents du travail, mais à celui de la maladie.

Nous avons enregistré la réalité de ce phénomène et nous avons décidé de le traiter de manière objective. Ainsi le droit positif a-t-il prévu une compensation forfaitaire du régime accidents du travail vers le régime général. On nous dit en somme : « Chacun est conscient que les entreprises pratiquent une fraude massive, une sous-déclaration des accidents du travail, mais on fait un transfert financier, et toutes les fraudes sont oubliées. » C'est inadmissible et si nous devions conduire une réflexion, elle devrait porter sur cette question.

Elle est d'autant plus actuelle qu'aujourd'hui, s'y ajoute un phénomène nouveau : l'utilisation de l'assurance maladie pour remplacer les mesures d'âge, appelées plus communément « préretraite », et que l'État a cessé de prévoir dans les plans sociaux. La suppression des mesures d'âge dans les plans sociaux a entraîné une explosion des arrêts maladie des salariés âgés de cinquante-cinq à soixante ans qui étaient autrefois les bénéficiaires de ces mesures. Il y aurait là un gisement d'économies à réaliser, en même temps qu'une mesure de justice sociale.

M. Maxime Gremetz. Absolument !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3184 à 3195.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7866.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le soutenir.

M. Jean-Marie Le Guen. L'amendement n° 7866 concerne les oubliés du système : les représentants des usagers, que le Gouvernement a méprisés et marginalisés depuis le début de ce débat.

Nous avons souligné le déséquilibre évident en matière de droits de recours et de défense entre les médecins, qui peuvent être assistés par des représentants professionnels, et les usagers, qui n'ont personne.

Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le ministre, les usagers ne sont pas représentés par les délégués paritaires de l'assurance maladie, qui défendent les intérêts de l'assurance maladie, non ceux des usagers. Pour éviter la confusion des intérêts, ce qui nuirait à l'équité du jugement, il est fondamental qu'il y ait des représentants des usagers. Mais voulez-vous véritablement que les usagers soient défendus ? Je ne le crois pas. Car la philosophie de votre projet de loi consiste à les matraquer. Les usagers seront les premières victimes de votre réforme.

Je rappelle que, dans la tradition médicale française, les indemnités journalières sont une prescription médicale. Ce n'est en aucun cas un avantage social, à la différence des transports. On prescrit un arrêt de travail pour des raisons médicales, parce qu'il fait partie d'une conduite thérapeutique. Vous voulez faire des indemnités journalières un droit social, pour mieux les réduire. Car vous n'acceptez pas que les médecins libéraux rendent des jugements médicaux adaptés et fondés scientifiquement. Vous voulez faire de ce droit un droit social, de sorte qu'il ne soit plus à la disposition du médecin dans sa stratégie thérapeutique.

M. Vidalies a raison : les chiffres disponibles sur la fraude justifient un montant de 300 millions d'euros - 6 % de 5 milliards - et non 800, comme vous le dites. En réalité, vous passez de 300 à 800 millions d'euros parce que vous avez l'intention de lutter non contre les abus, mais contre les indemnités journalières. C'est pourquoi vous les sortez du champ thérapeutique pour en faire un droit social.

Mais les médecins vous diront un jour que, si vous voulez en faire un droit social, c'est à vous de vous débrouiller avec les médecins de la sécurité sociale, qui, dorénavant, prescriront les arrêts de travail. Et qu'ils n'ont pas l'intention d'être soumis aux pressions de l'assurance maladie et au flicage de leurs prescriptions.

Chez nos voisins européens, les arrêts de travail sont prescrits hors des médecins libéraux et des stratégies thérapeutiques. Si nous suivons leur exemple, monsieur le ministre, cela coûtera beaucoup plus cher à la sécurité sociale. À trop tirer sur la corde, vous allez la casser et provoquer une détérioration profonde des relations médecin-malade et de la qualité des soins dans notre pays.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Encore une fois, des amendements sont repoussés sans explication. Or qui ne dit mot consent !

En réalité, vous refusez de vous attaquer aux entreprises qui utilisent les arrêts de travail pour remplacer les plans sociaux - qu'il serait plus logique d'appeler « plans antisociaux », puisqu'il s'agit de licenciements collectifs. Elles ne sont pas nombreuses et tout le monde les connaît. Mais vous ne vous en prendrez jamais à elles.

Une de mes collaboratrices a été convoquée à la médecine du travail. Et je suis à la médecine du travail.

M. Pierre Albertini. Nous n'en doutons pas !

M. Maxime Gremetz. Oh, ce n'est pas vrai pour tous les députés. Or il s'agit d'un droit pour les salariés et d'un devoir pour les employeurs. Il conviendrait d'ailleurs de vérifier si tous les attachés parlementaires sont bien inscrits au service médical interentreprises...

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Bonne remarque !

M. Maxime Gremetz. Absolument ! Ils ne sont sans doute pas nombreux dans ce cas. C'est pourtant prévu dans le contrat d'embauche et dans le code du travail.

Cette collaboratrice a donc passé une visite à la médecine du travail, où on lui a recommandé de faire effectuer par des spécialistes deux examens très importants. Sans la médecine du travail, cette femme ne se serait donc jamais aperçue que quelque chose n'allait pas bien. Et si elle était tombée malade et avait perçu des indemnités journalières, on aurait parlé d'abus !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Et le respect de la personne ?

M. le président. Monsieur Gremetz, ne violez pas le secret médical.

M. Maxime Gremetz. Je ne vous ai pas dit qui c'était.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Mais si !

M. Maxime Gremetz. Comment pouvez-vous parler du respect de la personne ? Vous, vous ne parlez jamais des gens, du concret ! Sarkozy fait de beaux discours dans Le Monde, mais on ne peut pas parler de respect de la personne dans son cas, parce que les personnes, il ne les connaît pas ! Il explique dans une longue interview ce que vous devriez faire, monsieur le ministre : est-ce une façon de vous respecter ? Il semble penser qu'il serait meilleur que vous au poste de ministre de la santé !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Monsieur le président, il a dépassé son temps de parole !

M. Maxime Gremetz. On cache la réalité des maladies et des accidents liés au travail, et vous le savez ! Ce sont pourtant les victimes que vous stigmatisez ! C'est toujours la même méthode.

Les gens veulent du travail, et quand ils en ont, ils veulent le préserver. Pour cela, ils sont près à accepter des conditions parfois inadmissibles, notamment au point de vue de la sécurité. Et c'est à eux que l'on s'en prend ! C'est incroyable !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Ça suffit !

M. Maxime Gremetz. Je le dis solennellement : sous aucun gouvernement de droite, on n'avait vu un tel comportement. Et on en a connu de très variés ! Jamais personne n'avait osé infliger cela à ces salariés, à ces gens qui souffrent. Vous ne pensez qu'au MEDEF : lui obtient exonération sur exonération !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais ils souffrent aussi, au MEDEF ! Vous êtes inhumain !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. L'amendement de nos collègues socialistes me paraît fondamental. Il semble normal que les travailleurs handicapés ou les victimes de l'amiante, par exemple, soient représentés à la commission chargée de discuter des cas d'utilisation abusive des prescriptions d'arrêt de travail ou de transports. Certains rapports ont montré que les deux pathologies pour lesquelles il est particulièrement difficile de déceler des abus sont les troubles musculo-squelettiques et les troubles mentaux. Il me paraît donc très important que les associations d'usagers participent à la décision, en particulier celles qui interviennent dans le monde du travail.

Ce projet de loi exclut systématiquement les représentants des usagers. Dans ce domaine, on avait pourtant connu des progrès avec la loi sur les droits des malades. Mais aujourd'hui, nous faisons du surplace - pour ne pas parler de recul. Nous sommes loin d'une représentation équilibrée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7866.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 110.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cet amendement est d'ordre rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. J'ai posé un certain nombre de questions au ministre, notamment au sujet de la position du ministre des finances ou de ce qui s'est passé au Sénat en matière de santé publique. Il me semble qu'il peut trouver, dans l'après-midi, le temps d'y réfléchir. En tout état de cause, je ne crois pas que nous pourrons aborder la séance de ce soir sans que des réponses sérieuses aient été données.

M. le président. Nous n'en sommes pas là.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je demande un scrutin public sur le vote de l'amendement n° 110. Ainsi, nous pourrons publiquement nous y opposer !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Vous alliez procéder au vote, monsieur le président !

M. le président. Monsieur Gremetz, je vais accéder à votre demande, mais c'est la dernière fois que je le fais dans ces conditions. Conformément au règlement, vous devez m'adresser une demande écrite avant le vote.

Sur le vote de l'amendement n° 110, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Le règlement nous imposant d'attendre cinq minutes avant de procéder au scrutin, je vais suspendre la séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 110.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 36

              Nombre de suffrages exprimés 36

              Majorité absolue 19

        Pour l'adoption 35

        Contre 1

L'Assemblée nationale a adopté.

Rappel au règlement

M. Jean-Marie Le Guen. Rappel au règlement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, je me félicite de voir la syntaxe française sauvée par le résultat de ce vote. (Sourires.) Mais je rappelle que le ministre nous avait promis une note de l'assurance maladie pour valider les chiffres qu'il avance. Je lui demande solennellement de nous la communiquer pendant la discussion sur les articles 14 et 15.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Bien sûr !

M. Maxime Gremetz. Il s'agit d'une demande légitime, et elle est soutenue sur tous les bancs !

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 3196 à 3207.

La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Ces amendements tendent à supprimer le 1°du texte proposé pour l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale, qui tend à soumettre les arrêts de travail et les bons de transport à un accord préalable. Décidément, on considère les patients comme des fainéants et les médecins comme des irresponsables, alors que seulement 6 % des arrêts de travail sont considérés comme injustifiés ! Que signifie d'ailleurs un arrêt de travail injustifié ? En situation de crise, de nombreux malades cherchent à diminuer le nombre de leurs arrêts. C'est ça la réalité du terrain !

On veut nous faire subir une charge bureaucratique supplémentaire pour les indemnités journalières ou les bons de transport. Un transport en taxi coûte dix fois moins cher qu'un transport en ambulance, mais, trop souvent, en raison de la difficulté à se faire rembourser un transport en taxi, on prescrit un transport en ambulance. Il faut développer le transport non médicalisé pris en charge à 100 %. Cela permettra de faire de vraies économies sans dégradation de la prise en charge des malades. Raison supplémentaire pour supprimer cet alinéa.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Rejet !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. J'approuve ce qu'a dit excellemment M. Liberti.

Le 1° du texte proposé pour l'article L. 162-1-15 prévoit de subordonner à l'accord préalable du service du contrôle médical, pour une durée ne pouvant excéder six mois, la couverture des frais de transports ou du versement des indemnités journalières pour les médecins qui prescrivent des transports inadéquats ou des arrêts de travail sans justification ou au-delà de la moyenne de leurs confrères. Le directeur de la caisse pourra aller jusqu'à décider que les prescriptions de transport ou d'arrêts de travail du médecin ne donneront pas lieu à prise en charge pendant une durée ne pouvant excéder six mois.

Aujourd'hui, l'assurance maladie ne dispose que de son pouvoir de persuasion - courrier, courrier d'alerte, rencontre entre le médecin-conseil de la caisse et le médecin -, pour réorienter la pratique d'un médecin qui prescrit trop d'arrêts de travail ou de transports par ambulance.

La possibilité de sanctionner est donc une nouveauté et elle va loin. Dans un premier temps, un médecin visé doit demander l'autorisation de prescrire, mais, dans un second temps, l'absence de prise en charge de la prescription par l'assurance maladie, qui prend l'assuré en otage, signe une véritable interdiction de prescrire. Que vaut un arrêt de travail qui n'ouvre pas droit à des indemnités journalières ? Comment imaginer qu'un patient paie lui-même son transport en ambulance ? Ces nouvelles prérogatives de l'assurance maladie dépossèdent dans certaines circonstances les médecins libéraux de leur liberté de prescrire des arrêts maladie ou des transports. Seuls les cas d'urgence avérée dispensent le médecin sous le coup d'une sanction de l'accord préalable de l'assurance maladie.

On voit bien l'objectif et toutes les conséquences, pour les assurés sociaux en particulier.

Voilà pourquoi nous soutenons ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3196 à 3207.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. Maxime Gremetz. Laissez-nous au moins le temps de lever la main ! Nous aimons bien assumer nos choix !

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 3208 à 3219.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Ces amendements visent à supprimer le 2° du texte proposé pour l'article L. 162-1-15. Puisque vous avez refusé de supprimer l'article, nous demandons successivement la suppression de tous les alinéas. Cela nous permet de vous poser à nouveau des questions, monsieur le ministre, auxquelles vous répondez, non pas jamais - ce serait exagéré -, mais très rarement. Ce qui est rare est précieux, c'est vrai, mais nous préférerions avoir un peu plus de réponses.

Vous remettez en cause la liberté du médecin de prescrire, le droit pour les assurés sociaux d'arrêter de travailler sur ordre médical et d'avoir des indemnités journalières.

Si des médecins doivent être sanctionnés, et j'en connais quelques-uns, il existe tout de même des dispositions aujourd'hui...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Non !

M. Maxime Gremetz. Ah bon ? Que fait le Conseil de l'ordre ? Rien ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je n'ai pas dit ça !

M. Maxime Gremetz. Moi, je pensais que les médecins étaient sous le contrôle du Conseil de l'ordre et que, s'ils ne faisaient pas bien leur travail, s'ils essayaient de voler la sécurité sociale, il se passait quelque chose. Si le Conseil de l'ordre ne sert à rien, il faut le supprimer. M. Bur, je crois, a dit qu'il était conservateur. S'il est conservateur et s'il ne fait rien, cela fait deux raisons de le supprimer.

Dans ma circonscription, il y a peut-être trois médecins à sanctionner. Sanctionnez-les, mais ne vous attaquez pas aux assurés sociaux et ne vous en prenez pas aux salariés qui sont victimes d'un accident du travail.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Rejet !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3208 à 3219.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7678.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le défendre.

Mme Martine Billard. Je ne suis pas contre le fait de sanctionner les abus, mais ce n'est pas normal de sanctionner le dépassement de moyennes statistiques. Cet amendement prévoit donc qu'on sanctionne les abus constatés en matière de prescription d'arrêts de travail donnant lieu au versement d'indemnités journalières.

Selon le 2° du texte proposé pour l'article L. 162-1-15, on peut subordonner à un accord préalable la couverture des frais de transport ou du versement des indemnités journalières en cas de contestation d'un nombre ou d'une durée d'arrêts de travail donnant lieu au versement d'indemnités journalières significativement supérieurs aux données moyennes constatées pour une activité comparable. Significativement supérieur, c'est à partir de 5, de 10 ou de 20 % ? Vous allez bien évidemment me répondre que ce sera fixé par décret, mais la situation évolue. Vous n'aurez pas le même nombre d'arrêts de travail dans le ressort d'une URCAM lorsqu'il y a des usines qui fonctionnent et lorsqu'il n'y en a pas. Lorsqu'une usine ferme, notamment si les conditions de travail étaient particulièrement dures, il y a des chances que vous ayez une modification du nombre d'arrêts de travail puisque, de toute façon, vous aurez moins de salariés au travail. Dans une région minière, le nombre d'arrêts de travail dans le ressort de l'URCAM de la région a chuté quand les mines ont fermé.

Une telle formule est injustifiée sur le fond parce qu'elle se fonde sur des moyennes et qu'on risque de sanctionner des médecins qui n'ont pas fait d'abus et de passer à côté de médecins qui en font. Par ailleurs, elle est difficilement applicable. La situation risque en plus de ne pas bouger. Il ne se passera rien, et les quelques médecins qui abusent, deux à trois par département, dites-vous, pourront continuer tranquillement à abuser parce que le système que vous proposez est ubuesque.

Si le système de sanction par le Conseil de l'ordre ne fonctionne pas, proposez-nous donc un autre système de sanction qui vise réellement les médecins qui pratiquent des abus sur les arrêts de travail, mais celui-ci, franchement, monsieur le ministre, ou il va frapper des innocents, ou il sera inutilisé compte tenu de sa complexité. Y aura-t-il d'ailleurs un décret prévoyant des données moyennes par URCAM ? La donnée moyenne sera-t-elle fixée au niveau national ? Tout cela m'a l'air un peu fumeux !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Rejet !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7678.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 3220 à 3231.

La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Ces amendements visent à supprimer une imperfection rédactionnelle au sein du 2° de l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale créant un contrôle accru des arrêts de travail. Nous l'avons déjà dénoncé, la caisse pourra contrôler la fréquence des arrêts, et non plus seulement la durée. En cas de non justification, elle pourra en exiger la suspension.

Actuellement, l'assurance maladie contrôle tous les arrêts de plus de trois mois. Sous l'impulsion d'un gouvernement persuadé de la malfaisance et de la paresse des assurés sociaux, dont les médecins sont les supposés complices, elle mettra plus souvent son nez dans les arrêts de courte durée, dont le nombre est pourtant en forte baisse en 2003 et 2004. C'est une consigne difficile à mettre en pratique sur le terrain, qui déplace des montagnes pour pas grand-chose : rappelons que seulement 6 % des arrêts de travail sont injustifiés

C'est encore s'en prendre à un problème mineur et éviter de se pencher sur d'autres questions pour réformer l'assurance maladie.

Ces amendements visent donc à supprimer la notion de « significativement », qui sera le seuil ouvrant les sanctions à l'égard d'un médecin en raison de sa prescription d'arrêt de travail à un niveau supérieur à la moyenne des médecins exerçant dans le ressort de la même union régionale. Sans connaître les critères de dépassement et sans chercher à en comprendre les raisons, on sanctionnera le médecin. C'est une curieuse considération de l'activité de médecin. Les professionnels de santé connaissent leur métier et savent utiliser à bon escient les arrêts de travail.

Le droit ne peut laisser l'arbitraire dicter les règles, il convient donc, dans un souci de bonne compréhension de la loi, gage de sa bonne application, de supprimer toute rédaction superfétatoire.

M. Maxime Gremetz. Très bien !

M. le président. La commission est contre ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Oui !

M. le président. Le Gouvernement également ...

M. Maxime Gremetz. Il n'y a pas de réponse ? Le Gouvernement est absent, éteint... On va demander une suspension de séance !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3220 à 3231.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de treize amendements pouvant être soumis à une discussion commune, l'amendement n° 7679 et douze amendements identiques, nos 3232 à 3243.

La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre l'amendement n° 7679.

Mme Martine Billard. Mon amendement vise à supprimer les quatrième et cinquième alinéas du texte proposé pour l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale. Il s'agit maintenant des prescriptions de transport.

Le rapport de l'IGAS d'avril 2004 évoque les fraudes des professionnels et explique qu'on peut surfacturer les soins effectués ou facturer des soins non effectués. Le secteur des transports sanitaires est particulièrement riche en la matière en raison de la faiblesse des contrôles à la liquidation. On y trouve par exemple l'utilisation de deux véhicules en même temps par un même ambulancier, le transport d'un même malade à plusieurs endroits différents à la même heure, la facturation de transports collectifs comme des transports individuels, des factures non conformes aux prescriptions médicales, des prescriptions non signées par un médecin, surtout à l'hôpital, l'utilisation de véhicules sans agrément, des suppléments de nuit pour des transports de jour, des kilométrages gonflées, des facturations multiples d'un même transport.

Quand on lit ça, on se dit qu'il y a un vrai problème et on s'attend à trouver des réponses à la hauteur des problèmes.

Je suppose, monsieur le ministre, que vous n'allez pas remettre en cause le très intéressant rapport de l'IGAS. Selon ce rapport, c'est du côté des entreprises de transport que se situe le problème. Or vous proposez de sanctionner à partir d'une moyenne des prescriptions. De plus, les prescriptions de transport ne seront pas les mêmes selon que l'URCAM se situera en zone urbaine ou en zone rurale. Il y aura nécessairement davantage de prescriptions en zone rurale, où la concentration de personnes âgées est importante qu'en zone urbaine, où la population est plus jeune. Cette moyenne n'aura donc aucun sens.

J'ajoute, pour revenir un instant sur notre discussion précédente, que, lorsqu'on n'a pas de véhicule personnel et qu'il n'y a pas de transport en commun, la solution peut être le taxi. D'ailleurs, même avec un véhicule personnel, après une opération du pied ou de la main, il est préférable de ne pas conduire. La prescription d'un taxi doit pouvoir être prise en charge par l'assurance maladie.

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Nos amendements tendent à supprimer le troisième alinéa du texte proposé pour l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale. Ils visent donc à supprimer les sanctions à l'égard d'un médecin en raison de prescriptions de transports à un niveau supérieur à la moyenne des médecins exerçant dans le ressort de la même union régionale.

C'est la même logique que pour les arrêts de travail : sans connaître les critères de dépassement et sans chercher à en comprendre les raisons, le médecin sera sanctionné ! C'est une curieuse façon de considérer l'activité de médecin. Les professionnels de santé connaissent leur métier et savent utiliser à bon escient les prescriptions de transports.

À ce sujet, avez-vous pris connaissance, monsieur le ministre, de la déclaration de la Fédération nationale des artisans du taxi qui dénonce, dans un communiqué, l'absence de réelles négociations sur le transport des « malades assis » dans la réforme de la sécurité sociale et s'inquiète de menaces pesant sur la continuité d'accès aux soins des plus démunis.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. N'importe quoi !

M. François Liberti. Soulignant que les taxis sont concernés au premier chef par la réforme de l'assurance maladie, la FNAT dénonce l'absence de réelles négociations en matière de transports de malades et l'incohérence des dispositions prises.

La FNAT s'indigne également des menaces qui pèsent sur la continuité d'accès aux soins et pénalisent les Français les plus démunis. En effet, les 44 190 taxis de France permettent chaque jour à environ 150 000 personnes d'accéder à leurs sites de soins - hôpitaux, médecins, centres spécialisés...

La FNAT regrette le refus du ministre de la santé, Philippe Douste-Blazy, de prendre en compte les propositions citoyennes et responsables qu'elle a faites.

Pour notre part, nous les avons prises en compte, ce qui nous a conduits à déposer cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements.

Monsieur Liberti, il faut des critères pour pouvoir comparer. Qui peut nier que l'activité moyenne des médecins exerçant dans la même région représente un critère significatif ?

Mme Martine Billard. Nous !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. L'objectif est d'apprécier quels sont les gros prescripteurs et d'améliorer éventuellement leur prescription. Rejet !

Mme Martine Billard. Et la réalité territoriale ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Cette mesure ne peut être envisagée comme une sanction vis-à-vis du médecin, monsieur Liberti, puisqu'elle ne remet pas en cause sa qualité de prescripteur.

La législation actuelle ne permet pas à l'assurance maladie d'intervenir efficacement lorsqu'elle constate une utilisation abusive des prescriptions de transport. La mesure proposée vise donc à permettre de contrôler l'activité de prescripteur du médecin par une subordination de la prise en charge, pour une durée maximale de six mois, à un accord préalable du service du contrôle médical.

De plus, cette mesure ne s'appliquera que si un dépassement « significativement » supérieur à la moyenne est observé pour une activité comparable.

M. Maxime Gremetz. Qu'est-ce que ça signifie ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il va de soi, comme le précise l'article 14, que la comparaison entre professionnels, je le répète, doit se faire à activité comparable, de telle sorte que soient pris en compte tous les critères - géographiques, démographiques... - pouvant modifier le nombre de prescriptions.

Seront donc seuls concernés les professionnels dont la suractivité ne sera pas justifiée par les caractéristiques des populations soignées.

Enfin, la mise sous entente préalable n'entrera en vigueur qu'au terme d'une procédure contradictoire au cours de laquelle le médecin pourra formuler ses observations, et après l'avis d'une commission composée de membres de l'assurance maladie et des professions de santé.

C'est la raison pour laquelle nous ne sommes pas favorables à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. D'un point de vue juridique, un dispositif qui précise que des sanctions interviendront lors d'un dépassement significatif par rapport à une base de référence n'a rien d'un travail d'orfèvre !

Évidemment, je pourrais m'en réjouir puisque la profession que j'exerce va manifestement trouver là un nouveau champ d'intervention. Mais est-il sérieux de légiférer dans ces conditions ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Oui !

M. Alain Vidalies. « Significativement » ? Le premier médecin qui se trouvera confronté à votre procédure ira consulter un de mes confrères pour lui demander ce que cela signifie. Le législateur n'ayant rien dit - vous ne renvoyez même pas à un décret - ce sera au juge de le définir.

M. Jean-Marie Le Guen. Bravo !

M. Alain Vidalies. Ce n'est pas de l'idéologie ! Puisque notre responsabilité est de faire la loi, ne la laissons pas aux juges ! Les tribunaux de première d'instance risquant d'avoir des appréciations divergentes, et pour peu que deux cours d'appel prennent des positions distinctes, il faudra attendre quelques années que la Cour cassation finisse par trancher. En attendant usagers, médecins, et probablement députés, à travers les questions écrites, continueront de s'interroger.

M. le président. La parole est à...

M. Alain Vidalies. Monsieur le président, j'ai une seconde observation à présenter... mais je peux le faire plus tard !

M. le président. Je suis sûr que vous en aurez l'occasion !

La parole est à M. Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet. Nous avons évoqué à plusieurs reprises l'existence de dérives, tant dans la prescription médicale d'arrêts maladie que dans les prescriptions de transports. Ces dérives sont connues et clairement identifiées. Les moyens existent aujourd'hui d'y mettre fin. Si on ne le fait pas, c'est qu'on ne le veut pas. Je m'interroge sur la volonté réelle du Gouvernement.

M. Jean-Marie Le Guen. Exactement !

M. Jean-Claude Viollet. Vous prévoyez « un nombre de prescriptions de transports significativement supérieur à la moyenne des prescriptions de transports constatée, pour une activité comparable ». On sait ce que sont les ressorts d'union régionale !

Pourquoi cette usine à gaz, qui n'est pas loin de l'arbitraire, sauf si votre intention réelle est de dissuader, de menacer de sanctionner jusqu'à l'autocensure, tant dans la prescription que dans l'usage du soin ? Si telle est votre volonté pour réduire la dépense de soins, alors nous ne pouvons qu'être en désaccord.

Si des dérives existent, les moyens d'y mettre fin existent aussi. Manifestement, vous n'avez pas cette volonté. Vous avez choisi un autre chantier, qui n'est pas celui de la santé publique, mais celui de la réduction des dépenses à partir de la dissuasion ou de la menace, tant vis-à-vis des médecins que des assurés.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, ce que vous proposez est inapplicable. Soyez clair : vous voudriez appliquer à chaque secteur un quota,...

M. Jean-Marie Le Guen. Bien sûr !

M. Maxime Gremetz. ...mais vous n'osez pas le dire !

M. Jean-Marie Le Guen. Il n'ose rien d'ailleurs !

M. Maxime Gremetz. Quelque chose de « significativement supérieur aux données moyennes », cela s'appelle les quotas !

Mme Janine Jambu. Très juste !

M. Maxime Gremetz. Alors que les fraudeurs sont connus, vous généralisez, ce qui n'est bien ni pour les assurés sociaux, ni pour les médecins. Pourquoi le faites-vous ?

M. Alain Vidalies. Ça fera du travail pour les avocats !

M. Maxime Gremetz. En effet !

M. Jean-Marie Le Guen. Les médecins passeront leur temps au prétoire !

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, soyez logique ! Allez donc jusqu'au bout de votre pensée : mettez en place des quotas ! Ainsi, les médecins déclareront chaque mois le même nombre d'actes, et il n'y aura pas de dépassement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, j'ai dû m'absenter quelques instants, et je ne sais pas si le ministre a pu distribuer la note sur l'assurance maladie. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Si nous n'avons pas cette note, nous serons obligés de considérer que le ministre a menti au Parlement (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Si vous le demandez comme cela, vous ne l'aurez jamais !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Pas de chantage !

M. Jean-Marie Le Guen. ...et qu'il a essayé d'impliquer dans sa politique les partenaires sociaux qui gèrent aujourd'hui la CNAM.

M. Charles Cova. Arrêtez ce cinéma !

M. Jean-Marie Le Guen. Si, comme je le pense, il s'est trompé, qu'il nous le dise.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Mauvais joueur !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais s'il a vraiment la note, qu'il la publie.

Soit il s'est trompé, soit c'est un menteur,...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est vous le menteur !

M. Jean-Marie Le Guen. ...mais je ne crois pas que l'on en soit encore là !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7679.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3232 à 3243.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 3244 à 3255.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, vous ne nous répondez pas, vous ne nous donnez pas les documents, mais nous sommes tenaces !

L'adverbe « significativement » n'a juridiquement aucune valeur. Qui jugera de ce qui est ou non significativement supérieur aux données moyennes ? Les avocats vont avoir du travail.

Votre politique consiste à réduire les moyens attribués à la politique de santé pour mieux dépenser ailleurs.

Monsieur le ministre, répondez-nous : qu'entendez-vous par « significativement » ? Ne serait-il pas plus efficace de mettre en place des quotas ? Je suis contre, mais c'est à cela que nous mène votre logique.

Monsieur le ministre, répondez-nous : je suis un métallo et je n'arrive pas à comprendre comment tout ça va marcher.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.

Pour les statistiques - et il faut en tenir compte lorsque l'on parle d'activités moyennes - « significativement » est significatif ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. C'est du jamais vu ! C'est une réponse géniale !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Oui, significatif, ça veut dire quelque chose. Rejet des amendements !

M. Maxime Gremetz. Enfin une réponse significative !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Lorsque vous nous répondez que « significatif » signifie « significatif », le débat sur ce mot a de beaux jours devant lui ! Un dépassement de 5 % ou de 10 % est-il « significatif » ? Avec ce mot qui n'a aucun sens juridique - ou qui, du moins, laisse au juge une marge d'interprétation -, vous ne prenez pas vos responsabilités.

Dans ce débat, comme l'a déjà dit M. Le Guen, nous manquons beaucoup d'information, et je souhaite donc poser une question quelque peu iconoclaste : y a-t-il un lien entre la démographie médicale et les prescriptions d'arrêts de travail ou de transport ? En d'autres termes, les différences que l'on constate dans les statistiques des prescriptions d'indemnités journalières s'expliqueraient-elles notamment par le fait que, dans certains départements, les médecins sont plus nombreux que dans d'autres pour une population active comparable ? Cette question est importante, et les éléments que j'ai étudiés me paraissent troublants. Il serait utile, à ce stade de notre débat, que le Gouvernement nous livre son analyse de la situation. En matière de prescriptions, l'offre crée-t-elle le besoin ?

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Ce qui est significatif, c'est la moyenne constatée - mais on peut craindre que cette démarche ne pousse à l'inflation, car il suffit que les données moyennes augmentent pour que le dépassement augmente aussi. Le dépassement est donc significatif dans une échelle, et non pas, statistiquement, à un moment précis. Or, selon vous, c'est le dépassement de la moyenne qui est significatif ! Rappelez-vous les débats auxquels a donné lieu la question savoir si un dépassement de la vitesse autorisée était significatif à partir de dix, quinze ou vingt kilomètres heure !

M. Alain Vidalies. Le problème est le même que pour le mot « ostentatoire » !

Mme Martine Billard. On ne fait que compliquer les choses en se référant à un chiffre « significativement supérieur » à une moyenne, alors que c'est cette dernière qui est significative !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3244 à 3255.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8126.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Sans souscrire pour autant à votre démarche, je souhaite, avec cet amendement, lui apporter une précision déterminante, qui la rendrait plus compréhensible et plus juste. Sans doute cette précision quant aux moyennes prises en compte est-elle déjà dans l'esprit des rédacteurs, mais, si elle n'est pas exprimée, le texte risque d'être appliqué d'une manière technocratique ou comptable, ce qui pourrait entraîner des décisions injustes ou inadmissibles sur le plan humain.

Les moyennes doivent être calculées en tenant compte des variables démographiques et socioprofessionnelles, car il n'existe pas, dans notre pays, une homogénéité des conditions sanitaires qui nous exonérerait de cette précision. Nous connaissons tous, parfois au sein d'une même région, des bassins d'emploi où les difficultés liées la nature du travail, à la pollution et à l'environnement se traduisent dans les statistiques.

Cet amendement, qui n'est pas inspiré par le souci de nourrir le débat - il a été proposé par la Fédération nationale des handicapés du travail -, est utile, car il laissera une certaine marge de manœuvre dans la mise en application du dispositif et lui permettra, en assurant la cohérence dans la comparaison des données, de s'appliquer sans arbitraire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. L'excellent juriste qu'est M. Vidalies s'est sûrement interrogé sur la signification juridique du mot « variable » - qui a, par ailleurs, une signification statistique. Sans s'attarder sur ces débats théoriques, la commission a accepté cet amendement plein de sens.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. J'ai bien compris le propos de M. Vidalies, et m'en remets à la sagesse de l'Assemblée, car je ne vois pas bien comment on pourra identifier les clientèles selon les catégories socioprofessionnelles ?

Toutefois, M. Vidalies a souligné à juste titre que le nombre de prescriptions et d'arrêts de travail augmente avec le nombre de médecins, et qu'il faut donc apparier en fonction du profil.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8126.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Alain Vidalies. La commission y était pourtant favorable !

M. le président. Je suis saisi de seize amendements identiques, no 111, no 74, nos 3256 à 3267, no 7630 et no 8120.

Les amendements nos 74 et 7630 ne sont pas défendus.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a adopté ces amendements, considérant que les patients ne devaient pas subir les conséquences des anomalies que pourraient receler les prescriptions de leur médecin.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Avis favorable à ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques no 111, nos 3256 à 3267 et no 8120.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 3268 de Mme Fraysse, 3269 de M. Gremetz, 3270 de M. Bocquet, 3271 de M. Chassaigne, 3272 de Mme Jacquaint, 3273 de M. Daniel Paul, 3274 de M. Brard, 3275 de M. Braouezec, 3276 de M. Biessy, 3277 de M. Dutoit, 3278 de M. Gerin et 3279 de M. Liberti n'ont plus d'objet, non plus que les amendements nos 7680 de Mme Billard, 8125 de M. Vidalies, 8213 de M. Villain, 7940 de M. Évin, 8124 de M. Vidalies et 8377 de M. Jean-Marie Le Guen.

Sur le vote de l'article 14, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais suspendre la séance dans l'attente du scrutin.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'article 14, modifié par les amendements adoptés.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 60

              Nombre de suffrages exprimés 60

              Majorité absolue 31

        Pour l'adoption 35

        Contre 25

L'Assemblée nationale a adopté.

Mes chers collègues, vous serez heureux d'apprendre qu'il ne nous reste plus que 3 857 amendements à examiner.

Rappel au règlement

M. Hervé Mariton. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, mon rappel au règlement a un motif très clair : lors de ce dernier scrutin public, il y a eu vingt-cinq voix contre. Or, tout le monde aura constaté qu'il y a dix collègues, au grand maximum, susceptibles d'avoir voté contre ! Chacun aura observé de quelle manière nos règles sont violées ! (Très vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Vous avez raison, monsieur Mariton !

M. le président. Monsieur Mariton, je constate que de votre côté, il y a vingt députés et trente-cinq votants ! Alors, ça suffit !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. Je suspends la séance.

(La séance, suspendue à dix-sept heures deux, est reprise à dix-sept heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Mes chers collègues, cet incident était parfaitement inutile. Les résultats sont seulement la preuve que certains collègues de la majorité se sont trompés. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je demande que M. Mariton présente ses excuses à l'opposition. Ce serait la moindre des choses.

M. le président. L'incident est clos. Prenons garde, nous sommes tous très fatigués.

M. Maxime Gremetz et M. Jean-Marie Le Guen. Pas du tout !

M. le président. Moi, si !

Après l'article 14

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7622, portant article additionnel après l'article 14.

La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre cet amendement, ainsi peut-être que l'amendement n° 7681.

Mme Martine Billard. L'amendement n° 7622 est défendu, de même que l'amendement n° 7681.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le Gouvernement est, lui aussi, défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7622.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7681.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 15

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 15.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous voulons attirer l'attention sur la gravité de cet article 15. Il instaure un contrôle accru des arrêts de travail dans des conditions inqualifiables, puisque la caisse pourra informer un employeur du caractère abusif d'un arrêt de travail par un de ses salariés si cet arrêt aura entraîné la suspension des indemnités journalières. La caisse pourra désormais non plus seulement contrôler la durée des arrêts de travail - elle contrôle ceux de plus de trois mois -, mais aussi leur fréquence. Elle pourra exiger la suspension du versement.

Ces mesures, qui mettent en cause à la fois l'honnêteté des patients et celle des médecins, ne sont pas justifiées par les études chiffrées dont nous disposons. En effet, les arrêts de travail de courte durée sont en forte baisse pour 2003 et 2004.

M. Jacques Myard. Ce n'est pas vrai !

M. Jean Tiberi. C'est faux !

Mme Jacqueline Fraysse. Si messieurs, vous pouvez vérifier.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Le ministre nous l'a confirmé tout à l'heure.

Mme Jacqueline Fraysse. Pourtant, les dispositions actuelles ne sont pas appliquées, ce qui prouve que cette baisse ne passe pas par des mesures de rétorsion. Il est certain que parler avec les salariés et avec les médecins est plus efficace que d'infliger des coups autoritaires.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Il faut la peur du gendarme !

Mme Jacqueline Fraysse. Les études font apparaître que seulement 6 % des arrêts de travail sont injustifiés.

Pourquoi jeter un soupçon de paresse sur nos concitoyens ? Il faut parler de la question des arrêts de travail avec les intéressés. Mais n'instaurez pas, comme vous envisagez de le faire avec cet article 15, un contrôle de type policier et ne transformez pas les caisses en policiers de la santé ! Transformez-les en instruments au service des gens, dans le respect de chacun !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, merci d'avoir rappelé nos chers collègues à l'ordre.

Permettez-moi d'introduire mon intervention sur cet article 15 par une citation : « L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature ; mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser : une vapeur, une goutte d'eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu'il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Amis de la pensée, bonsoir !

M. Maxime Gremetz. « Toute notre dignité consiste donc en la pensée. [...] Par l'espace, l'univers me comprend et m'engloutit comme un point ; par la pensée, je le comprends. »

Cette citation,...

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Est adoptée ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz. ...extraite des Pensées de Blaise Pascal, nous invite, face à la complexité et à l'immensité de l'univers, à adopter une démarche compréhensive.

Penser pour pouvoir comprendre, voilà une ligne de conduite que cet illustre philosophe nous propose de suivre, mais que vous n'avez manifestement pas souhaité prendre en compte tant cet article 15 semble voué à flatter les préjugés, les a priori, les prénotions, tout ce que le sociologue Pierre Bourdieu appelait le « sens commun ».

Depuis plusieurs mois, monsieur le ministre, pour ne pas dire depuis plusieurs années, divers commentateurs, spécialistes auto-proclamés et pourfendeurs émérites de l'assurance maladie, ne cessent de pointer la dérive des dépenses. Les assurés sociaux seraient trop dépensiers, donc irresponsables. De victimes, ils deviendraient coupables.

Pendant ce temps, le dynamisme insuffisant des recettes, sans lequel il est vain de prétendre comprendre, au sens de Pascal, les raisons du fameux « trou de la sécu », est savamment passé sous silence.

Comme dans le cas des retraites, nos concitoyennes et nos concitoyens sont sommés de se livrer à un exercice collectif de contrition destiné à asseoir le règne du masochisme social.

Plutôt que de penser la complexité du problème, on flatte donc ce sens commun qui tend à tout ramener à un excès de dépenses, bref à l'existence d'abus.

Cela n'est bien entendu pas acceptable pour quiconque se donne la peine de se livrer à cet exercice difficile, mais ô combien fécond : l'exercice de penser !

Le Gouvernement souhaite faire la chasse aux arrêts de travail injustifiés. Le drame, c'est qu'il est incapable d'avancer le moindre élément statistique permettant d'évaluer ce qu'il qualifie de fraude à l'assurance maladie. Pour notre part, nous avons signalé des fraudes, mais vous n'en parlez jamais. Ce n'est pas pris en compte.

Selon les diverses sources dont nous disposons, seulement 6 % des arrêts de travail seraient injustifiés. On voit bien que chasser les abus à ce niveau ne permettra de réaliser que des économies dérisoires - comme le soulignait d'ailleurs votre prédécesseur, M. Mattei -, qui ne remplaceront pas la mise en œuvre de la véritable réforme de la sécurité sociale, à savoir la réforme des modalités de financement. Mais vous ne voulez pas en parler.

Dès lors, cet article ne saurait constituer un pilier d'une quelconque réforme. En revanche, il est au fondement de la stratégie discursive gouvernementale que l'on pourrait ainsi résumer : toujours plus culpabiliser pour saper les solidarités ; toujours plus culpabiliser pour faire le lit de l'assurance privée.

Voilà le sens de cet article 15, qui est extrêmement dangereux.

M. le président. La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini. Avec cet article 15, qui complète l'article 14, relatif au contrôle des arrêts de travail, et précède l'article 16, qui se rapporte à la récupération des prestations indûment versées, nous sommes en droit de nous poser quelques questions de caractère général.

Le dispositif actuel ne fonctionne pas bien. Il y a en effet quelques abus, qui, sans être considérables, sont tout de même sources de dépenses supplémentaires. Il faut les pourchasser.

Mais votre solution ne fera qu'ajouter de la complexité à ces dysfonctionnements. Elle comporte un risque de stigmatisation envers le médecin prescripteur, envers l'employeur, supposé complice, et envers le patient.

Les réponses qu'apportent votre projet ne sont que des fausses solutions, très partielles et probablement inefficaces. Elles ne sauraient en tout cas se substituer aux actions qu'il convient de mener pour améliorer tant la responsabilité que l'équité dans le fonctionnement global du système. C'est dans le contrat, dans la convention et les objectifs que celle-ci doit se fixer, et dans la responsabilisation de tous les acteurs qu'il faut trouver les bonnes réponses, et non dans ce dispositif complexe qui ne fera qu'ajouter de nouvelles difficultés à l'inefficacité actuelle. Aussi restons-nous très sceptiques : en fait de résultats, les articles 14, 15 et 16 risquent fort de nous conduire à des déceptions supplémentaires au fil du temps.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous continuons dans les dispositifs de répression et de contrôle : cette information des employeurs, c'est la petite pastille Vichy qui met un peu d'ambiance dans le texte...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Pas de publicité !

M. Jean-Marie Le Guen. La publicité a déjà été faite voilà quelques années, monsieur le ministre, lorsque la dénonciation et la délation ont été érigées en mode de régulation des problèmes sociaux... Mais cette fois-ci, cela devient vraiment un peu particulier : c'est désormais l'assurance maladie qui préviendra l'employeur que tel ou tel de ses salariés aura touché des indemnités journalières à ses yeux injustifiées !

M. Jacques Myard. Et c'est très bien !

M. Jean-Marie Le Guen. Cela revient à transformer des organismes sociaux en organismes de délation. Cela paraît vous étonner, mais c'est pourtant bien ce que dit le texte. Du reste, je comprends que cela vous étonne...

M. Charles Cova. Non, c'est ce que vous dites qui nous étonne !

M. Jean-Marie Le Guen. Après tout, il est normal qu'une formation politique issue pour partie d'un courant de pensée qui a toujours refusé ce genre d'attitude puisse s'offusquer de voir l'assurance maladie envoyer des notes aux employeurs pour les avertir que leurs salariés font ceci ou cela.

M. Jacques Myard. Solidarité oblige !

M. Jean-Marie Le Guen. C'est tout de même assez surprenant de la part d'un organisme social, dont la vocation est d'aider les assurés sociaux à faire valoir leurs droits, de les conduire dans leur parcours de soin.

M. Jacques Myard. Le but est d'aider les gens qui sont dans le besoin !

M. François Liberti. L'assurance maladie est un organisme de solidarité !

M. Jean-Marie Le Guen. Il peut y avoir des abus ou des fraudes. Mais cela relève du pénal. Le rôle de l'assurance maladie n'est pas de réprimer les fraudes.

Mme Jacqueline Fraysse. Le système actuel le permet !

M. Jean-Marie Le Guen. Les institutions judiciaires sont là pour cela. Que les indemnités journalières aient été payées par l'assurance maladie ou par d'autres structures, il est normal que l'employeur soit prévenu d'une fraude. Mais c'est à la justice de s'en occuper. Là, il s'agit de tout autre chose : il n'est pas question de fraude avérée, mais d'une simple contestation du bien-fondé d'indemnités journalières et d'une interprétation de protocoles de soins, avant même que l'assuré ne puisse user d'un droit de recours et se faire entendre. Autrement dit, à la première contestation d'une indemnité journalière, sans même qu'il soit question de mauvaise foi de part et d'autre, vous organisez d'ores et déjà la fragilisation de l'assuré vis-à-vis de son employeur. Nous sommes dans l'outrance la plus totale !

M. Jacques Myard. C'est un spécialiste qui parle !

M. Jean-Marie Le Guen. Je comprends dans ces conditions que certains de nos collègues, qui, pourtant, ne siègent pas sur les bancs de la gauche, s'en émeuvent : peut-être s'efforcent-il de préserver un peu plus d'indépendance que vous, ou une tradition un peu plus humaniste que la vôtre. En tout cas, ils se posent à raison la question : où va-t-on, où va-t-on avec ce projet de loi ? Pourquoi tout cela ? Quel est le montant des sommes en jeu ? Rappelez-nous la note de la CNAM, monsieur le ministre ! Donnez-la nous !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous ne serez pas déçus !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous ne l'avons toujours pas. Elle affirmerait, à vous entendre, que les partenaires sociaux sont d'accord avec vos méthodes. C'est vous qui les avez entraînés dans votre action immorale. Donnez-nous cette note !

M. Maxime Gremetz. Oui, donnez-la nous !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous l'aurez !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous la voulons maintenant ! J'en prends à témoin tous mes collègues : le ministre confirme qu'il a bien cette note entre les mains.

M. François Liberti. Et il ne veut pas nous la donner !

M. Jean-Marie Le Guen. Chers collègues, voulez-vous disposer de tous les éléments pour délibérer ? Obtenez-nous cette note !

M. Maxime Gremetz. Allons, monsieur le ministre, informez-nous ! La démocratie passe par l'information !

M. le président. Je vous en prie, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Je ne parlais pas, monsieur le président...

M. le président. Mais je vous entendais !

M. Maxime Gremetz. Je réfléchissais !

M. le président. Mais vous réfléchissez tout haut !

Je suis saisi de vingt-sept amendements, nos 1096 à 1107 et nos 7234 à 7248, qui tendent à supprimer l'article 15.

La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. L'article 15 instaure un contrôle accru des arrêts de travail. Si cette disposition est adoptée, la caisse pourra informer un employeur du caractère abusif de l'arrêt de travail d'un de ses salariés, entraînant la suspension des indemnités journalières. Elle pourra également contrôler la fréquence des arrêts, et non plus seulement leur durée. En cas de non-justification, elle pourra en exiger la suspension.

Actuellement, l'assurance maladie contrôle tous les arrêts de plus de trois mois. Sous l'impulsion d'un gouvernement à l'évidence persuadé de la malfaisance et de la paresse des assurés sociaux, et dont les médecins sont les supposés complices, elle mettra plus souvent son nez dans les arrêts de courte durée alors même que ceux-ci, nous l'avons dit, ont enregistré une forte baisse en 2003 et 2004. Consigne difficile à mettre en pratique sur le terrain, et qui revient de surcroît à déplacer des montagnes pour pas grand-chose : rappelons que seulement 6 % des arrêts de travail sont injustifiés.

M. Hervé Mariton. Six pour cent, ce n'est pas négligeable !

M. Jean-Marie Le Guen. À croire ce que l'on nous dit de la note de la CNAM, ce serait trois fois plus !

M. François Liberti. Une fois de plus, on s'en prend à un problème mineur afin de ne pas avoir à se pencher sur d'autres questions pour réformer l'assurance maladie.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Retraçons le circuit dans lequel va nous entraîner l'application de cette disposition, afin que chacun en mesure bien les possibles conséquences.

Au départ, il y a le médecin traitant, qui examine son malade et qui lui accorde une période d'arrêt maladie déclenchant le versement d'une indemnité journalière. Intervient alors le service de contrôle de la caisse, dont l'appréciation, sur le fondement d'éléments dont j'ai parlé tout à l'heure,...

M. Jean-Marie Le Guen. De données statistiques !

M. Alain Vidalies. ...est différente. La caisse estime cet arrêt injustifié, supprime les indemnités journalières de l'intéressé et - c'est la nouveauté essentielle introduite par l'article 15 - en informe l'employeur.

Chacun est en droit de se demander pourquoi cette disposition dont on nous vante le pragmatisme n'a pas été appliquée plus tôt, et pourquoi on en est resté à la seule sanction prise par la caisse sans juger nécessaire d'aller en informer l'employeur...

Partant de là, deux questions se posent. Premièrement, que fera l'employeur de cette information le prévenant du caractère injustifié de l'arrêt de travail ? Pourra-t-il la considérer comme un motif réel et sérieux de licenciement du salarié ?

M. Jean-Marie Le Guen. Il l'utilisera !

M. Alain Vidalies. Autrement dit, la seule divergence d'appréciation entre le médecin traitant et le service médical de la caisse ne risque-t-elle pas de devenir un élément justifiant le licenciement du salarié, réduit à l'état de tiers dans cette affaire ?

Deuxièmement, que fera le salarié ? « Moi, je suis allé voir le médecin, dira-t-il. C'est lui qui m'a accordé un arrêt maladie. Que le service médical de la caisse soit d'un autre avis, passe encore ; mais en plus, on en informe mon employeur et celui-ci mon sanctionne ! Le responsable, c'est mon médecin traitant. »

En fait, votre système, une fois attentivement examiné par les syndicats médicaux entourés de tous les conseils juridiques nécessaires, n'aura qu'une conséquence : les médecins se garderont de prendre le moindre risque. On devine bien votre intention, mais, pour les salariés, ce sera extrêmement grave. C'est du reste la raison pour laquelle aucun gouvernement, de droite comme de gauche, n'avait osé depuis la Libération et la mise en place de l'assurance maladie organiser un tel système de dénonciation du salarié auprès de l'employeur.

M. Maxime Gremetz. C'est de la délation !

M. Alain Vidalies. C'est véritablement de la délation. Vous avez décidé de prendre ce risque ; encore faut-il en mesurer les conséquences sur toute la chaîne de soins, pour le salarié malade comme pour le médecin traitant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Cet article n'a qu'une seule ambition : donner aux caisses de vrais outils pour remplir efficacement leur mission de contrôle, partie intégrante de leur mission de service public. Comment ?

Premièrement, en améliorant la coordination avec les employeurs. En application soit de l'accord interprofessionnel sur la mensualisation - règle générale -, rendu obligatoire par la loi du 19 janvier 1978, soit des conventions collectives, ceux-ci sont fréquemment tenus de compléter les indemnités journalières versées par la sécurité sociale. A contrario, lorsque le versement des indemnités est suspendu, le complément peut être également suspendu par l'employeur.

Il est donc utile et logique que les caisses informent les employeurs lorsqu'elles suspendent les indemnités journalières. C'est du reste ce qu'elles font systématiquement dès lors que l'employeur est subrogé dans les droits de son salarié, c'est-à-dire lorsqu'il assure le maintien du salaire et qu'il se fait payer en compensation l'indemnité journalière par la caisse.

Deuxièmement, en rappelant l'obligation de se soumettre aux contrôles. S'il est certes admis que les assurés sociaux doivent se soumettre aux contrôles des services médicaux, cette obligation ne figure explicitement nulle part dans le code. L'article 15, monsieur Albertini, comble à cet égard une carence.

Il est donc tout particulièrement souhaitable que les assurés qui se soustraient à l'obligation de contrôle, alors qu'ils sont en arrêt de travail, en ne répondant pas aux convocations ou en s'absentant sans motif valable de leur domicile en dehors des heures de sortie autorisées, puissent voir leurs indemnités journalières suspendues.

Troisièmement, en ciblant mieux les contrôles. Parmi les cibles prioritaires des caisses figurent les assurés qui bénéficient de façon répétée d'arrêts de travail de courte durée. Les expériences menées par certaines caisses - je tiens à la dire ici - montrent qu'il est possible, grâce à une action de suivi continu, de faire évoluer les comportements. Je tiens à disposition de M. Le Guen ces fameux papiers dont je parle depuis tout à l'heure.

M. Jean-Marie Le Guen. Maintenant ! Donnez-nous la note de la CNAM !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je vous le redis : ce sera au Journal officiel.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous parlez bien de la note de la CNAM qui fait état de 800 millions de fraude ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il y en a plusieurs.

M. Jean-Marie Le Guen. Tout le monde aura entendu et ce sera au compte rendu !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Bien sûr ! Et je le redis !

Les expériences menées par certaines caisses, disais-je, montrent qu'il est possible, grâce à une action de suivi continu, de modifier les comportements et de réduire le nombre d'arrêts de travail et les dépenses au titre des indemnités journalières. La CNAM, sous l'impulsion du Gouvernement, entend systématiser ce type de démarches.

Le contrôle des arrêts de travail de courte durée est une tâche difficile, notamment par le fait que les services de contrôle médical en sont avertis tardivement. Il sera possible sous peu de les transmettre aux caisses par voie électronique, ce qui accélérera la liquidation des indemnités journalières et facilitera le contrôle précoce.

Considérez-vous normal, monsieur Le Guen, qu'un salarié dont le service médical de la CNAM aurait jugé l'arrêt injustifié continue à bénéficier de l'indemnité complémentaire payée par l'entreprise ? Moi, je trouve cela anormal. Et je l'assume !

M. Jacques Myard. Et le ministre a raison !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous trouvez normal de le mettre ainsi en difficulté devant son employeur ? Ce n'est pas lui qui a décidé cet arrêt de travail !

M. Hervé Mariton. Mais c'est lui qui abuse !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Enfin, madame Fraysse, si les indemnités journalières de courte durée ont effectivement baissé en 2003, cela tient à deux raisons : premièrement, à la conjoncture économique, qui joue sur les indemnités journalières de courte durée ; deuxièmement, à l'amorce de contrôles plus efficaces de la CNAM que son directeur a voulu intensifier dans le domaine des arrêts de travail.

Mme Jacqueline Fraysse. C'est donc possible !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est donc possible et cela prouve que ce genre d'action diminue le nombre des arrêts de travail.

Mme Jacqueline Fraysse. Cela prouve surtout que votre disposition est inutile !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, vous venez de faire un aveu de taille. Si c'est possible aujourd'hui, quel besoin a-t-on de mettre en place un tel dispositif ?

Voilà déjà longtemps que nous discutons de ces mesures. Voyons quelles économies elles doivent permettre pour l'assurance maladie. Vous avez avancé le chiffre de 80 millions. À Bercy, on parle seulement de 20 millions.

M. Hervé Morin. De 800 millions !

M. Maxime Gremetz. Non, monsieur Morin, je parle des indemnités journalières. Soyons précis. Le chiffre qu'a annoncé Bercy est bien de 20 millions.

C'est extraordinaire ! Tout cela pour 20 millions, monsieur le ministre, alors même qu'il serait si facile de faire rentrer les 2 milliards d'euros de dettes des entreprises et de s'en prendre aux quelques fraudeurs que vous prétendez connaître dans chaque département ! Je ne vous comprends pas. Serait-ce que votre objectif ne soit pas celui que vous avouez ?

Mes chers collègues, revenons-en au petit livre rouge, ou plutôt au petit livre jaune, que revendiquent le ministre et le secrétaire d'État.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il est vrai qu'il est excellent !

M. Maxime Gremetz. Tellement excellent qu'il n'est pas diffusé aux parlementaires !

Permettez-moi le citer : « Selon un rapport de l'IGAS, les arrêts maladie ont augmenté de 46 % en cinq ans, avec un taux de prescription variant considérablement d'un département à l'autre. » Ce rapport, que nous aimerions avoir en main, je l'ai cherché en vain. Serait-il confidentiel et réservé au ministre ?

M. François Liberti. Autant que la lettre de la CNAM ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz. Pour « permettre l'amélioration des dispositifs de contrôle », le petit livre jaune propose de « faire figurer sur l'avis d'arrêt de travail [...] les coordonnées téléphoniques de la personne afin de faciliter l'accès des agents enquêteurs au domicile de l'assuré » et de « rendre les contrôles plus efficaces, par l'utilisation du critère de fréquence d'arrêts, et par la mise en place de dispositifs de sanctions opérationnels et proportionnés à l'égard des patients : suspension du paiement des indemnités journalières, voire remboursement à l'assurance maladie des sommes indûment perçues. » Pas mal !

Je poursuis : « Le dispositif sera aménagé de manière à ce que l'assuré ne puisse pas être pénalisé si l'abus est imputable au médecin ou à l'entreprise. Une commission composée de représentants des assurés et de professionnels de santé devra notamment examiner si les arrêts de travail sont liés à une politique sociale de l'entreprise. » « Une surveillance accrue portant sur les gros prescripteurs » est également prévue.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Il faut bien éclairer l'Assemblée, monsieur le président ! Nous demandons des précisions mais M. le ministre ne veut pas les donner. Je fournis donc celles dont je dispose : je compense comme je peux !

À la question : « Y aura-t-il des pénalités prévues pour les médecins ? », le document répond ceci : « En cas d'utilisation abusive des prescriptions d'arrêts de travail, un dispositif de pénalités modulables et proportionnées sera mis en place pour les praticiens : procédure d'entente préalable en cas de prescriptions abusives et répétées d'arrêts de travail, potentielle pénalité financière à l'encontre du médecin. Dans tous ces cas, les décisions seront proportionnées à l'abus, et ces mesures n'interviendront qu'après que le médecin ait produit ses observations, et après avis d'une commission à laquelle participeront des représentants des professionnels de santé. »

Voilà l'usine à gaz que le Gouvernement a bricolée pour économiser seulement 20 millions d'euros !

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Nous aimerions croire comme vous, monsieur le ministre, que de telles dispositions permettront les économies escomptées. Mais, pour ma part, je songe avant tout à ce qu'a dit Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances : il faudrait avoir la volonté de mettre en œuvre des dispositifs existants.

M. Jean-Claude Viollet. Bien sûr !

M. Hervé Morin. Je me suis fait adresser par les services de l'Assemblée l'ensemble des textes en vigueur. Ils prévoient tout. L'ordonnance Juppé de 1996 donne mission au contrôle médical de constater les abus en matière de soins. Elle lui octroie également les moyens de mettre en œuvre des sanctions ou de faire procéder à une suspension des indemnités journalières.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Cela n'aboutit jamais !

M. Hervé Morin. Par ailleurs, l'employeur peut saisir un autre médecin privé pour qu'il vérifie par un contrôle médical si l'arrêt de travail est justifié. Et, dans le cas contraire, le médecin lui-même saisit le service du contrôle médical de la caisse.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Il ne le fait jamais !

M. Hervé Morin. Les deux dispositifs existent, ainsi que la possibilité de saisine du Conseil de l'Ordre. Ainsi, depuis 1978, la législation française, confirmée et complétée par les ordonnances Juppé de 1996, prévoit des dispositifs qui permettent à tout le monde de faire contrôler les arrêts de travail.

Plutôt que de légiférer encore et de donner aux Français l'impression que les choses se régleront avec une loi de plus, il faudrait déjà faire en sorte que les dispositions existantes soient appliquées !

Mme Martine Billard. Absolument !

Mme Jacqueline Fraysse. Pour une fois, nous sommes d'accord avec vous !

M. Maxime Gremetz. M. Morin parle avec un bon sens digne de Pascal !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. On ne peut que partager le point de vue de M. Morin.

De plus, si l'on s'en tient à la démonstration de M. le ministre, on a le sentiment que c'est le salarié qui se déclare lui-même en arrêt de maladie. Dans ce cas, le dispositif nous paraîtrait justifié.

M. Hervé Mariton. Cela arrive !

Mme Jacqueline Fraysse. Mais c'est de la rage !

M. Alain Vidalies. La remarque de M. Mariton est à peu près aussi intéressante que sa dernière intervention.

M. Jean-Marie Le Guen. Et sans doute aussi justifiée ! (Sourires.)

M. Alain Vidalies. N'oublions pas que la décision de l'arrêt de travail est d'abord le fait d'un médecin, qui est le grand absent de votre raisonnement, monsieur le ministre. Mais, comme on ne veut pas s'adresser à ce médecin, on vise uniquement le salarié en espérant que les risques qu'on lui fait courir finiront par être dissuasifs.

D'autres démarches étaient possibles, monsieur le ministre. Vous l'avez reconnu vous-même. Le transfert abusif des accidents du travail ou des maladies professionnelles vers l'assurance maladie offrait une première piste de réflexion. Un autre raisonnement s'impose : puisque, plus il y a de médecins dans un département, plus il y a d'arrêts de travail, c'est donc l'offre médicale qui est en cause, et non la fraude des salariés.

M. Hervé Morin. Mais comme il y a de moins en moins de médecins, il n'y a pas de quoi s'inquiéter ! (Sourires.)

M. Alain Vidalies. Voilà à quoi nous sommes arrivés ! Les chiffres sont terribles. Ils montrent bien que le nombre d'arrêt de travail ne tient pas aux difficultés sociales ou professionnelles que rencontreraient les salariés d'une région ou d'une branche, mais à la densité des médecins.

Dès lors, et puisque ce sont les médecins qui prennent la décision des arrêts de travail, il valait mieux entreprendre une démarche de concertation avec le corps médical, plutôt que de stigmatiser des salariés qui ne sont pas responsables.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Rappelons que nous sommes toujours dans le cadre des indus et non dans celui des abus ou de la fraude.

De quoi s'agit-il ? Demain, un médecin qui, selon le protocole de soins qu'il juge approprié à un malade, prescrit une semaine d'arrêt de travail, peut voir sa stratégie thérapeutique contestée, sur la base des RMO, par un médecin contrôleur de la sécurité sociale. Dès lors, l'assuré ne touchera plus ses indemnités journalières, et il sera poursuivi et pénalisé. Vous prévoyez même que l'assurance maladie puisse le dénoncer à son employeur, non sur la base d'un abus ni d'une fraude, mais uniquement en raison d'une divergence d'appréciation entre le médecin soignant et celui de la CNAM. Comme si le patient avait la moindre responsabilité dans l'affaire !

Or le contrat qui le lie à son médecin n'est pas un contrat de droit civil entre deux parties égales : il découle du droit de la sécurité sociale et de la déontologie médicale. Le patient ne peut donc pas être tenu pour responsable de la prescription qui lui est faite.

Vous rendez-vous compte des drames humains que vous allez déclencher au nom de cette chasse mesquine ? Priver un chef de famille de revenus, lui infliger une amende et même le dénoncer à son employeur : voilà ce que vous prévoyez en cas de contestation d'une prescription par le médecin de la sécurité sociale.

Vous créerez un désastre social qui amènera certains assurés à intenter un procès au médecin prescripteur dont la responsabilité civile se trouvera impliquée et qui devra payer le remboursement du dol versé à l'assuré. Après un ou deux procès - si tant est qu'ils ne soient pas intervenus plus tôt -, les syndicats préviendront les médecins que prescrire un simple arrêt de travail, justifié à leurs yeux, risque de les mener devant les tribunaux en cas de désaveu par le médecin-conseil de l'assurance maladie. C'est ahurissant !

M. François Liberti. En effet !

M. Jean-Marie Le Guen. Les médecins français devront renoncer à l'une de leurs spécificités et il faudra bientôt organiser un service public des arrêts de travail, d'une complexité bureaucratique et d'un coût faramineux. Il y aura moins de droits sociaux pour tous et le coût pour la collectivité sera considérable !

Mme Jacqueline Fraysse. C'est vrai !

M. Jean-Marie Le Guen. De manière obsessionnelle, vous mettez en place un système ubuesque car vous considérez, par le fait d'une idéologie invraisemblable, que les patients déclenchent les indemnités journalières, alors qu'ils ont engagé une relation avec un médecin qui, certes, peut parfois abuser, mais qui, dans ce cas, doit être tenu pour seul responsable.

D'ailleurs, monsieur le ministre, quand vous communiquez hors de l'hémicycle, vous passez ces mesures sous silence. Vous n'avez jamais osé dire aux Français qu'ils prenaient trop d'arrêts de travail ! Vous leur expliquez simplement que chaque département compte quelques médecins qui abusent ! Bravo !

M. Hervé Morin a rappelé le chiffre de 800 millions, sans doute calculé sur la base de cette note de la CNAM que nous attendons toujours. Croyez-vous que vous allez pouvoir nous amuser jusqu'à la fin du débat en la promettant toujours sans jamais la fournir ? Il y a tout de même un moment où votre crédibilité, déjà faible, s'effritera tout à fait. Je remarque d'ailleurs que, dans notre hémicycle comme au-delà de nos bancs, elle se réduit à bien peu de chose. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Et la vôtre ?

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Les propos de M. Le Guen sont scandaleux !

M. Jean-Marie Le Guen. Bref, nous attendons toujours la note que vous nous avez promise, signée par les partenaires sociaux de l'assurance maladie.

M. Jean-Yves Besselat. On a compris !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. On a l'impression que l'article 15 est fait uniquement pour l'opinion publique. M. Morin l'a montré : il n'apporte rien à la loi existante.

En matière de contrôle médical, une jurisprudence très abondante et très complète détaille déjà tous les cas de non-respect du contrôle médical, même celui d'une personne ayant laissé son téléphone décroché pendant ses heures de sortie. Il est donc parfaitement inutile d'ajouter le moindre article à la loi existante.

Il faut rappeler que 45 % des arrêts de travail sont prescrits dans le cadre d'une subrogation. Or seules les entreprises d'une certaine taille, relativement stables, peuvent recourir à cette procédure. C'est donc sur le salariat le plus précaire que va peser la menace de licenciement. À moins que l'on puisse prouver que des salariés ont volé un formulaire et imité la signature de leur médecin, la remise en cause de l'arrêt de travail prescrit résultera d'un désaccord entre le médecin traitant et celui de la caisse. Du reste, puisque vous voulez mettre en place une transmission des arrêts de travail entre les médecins et la caisse, la fraude, si tant est qu'elle ait pu exister, ne sera même plus possible.

Par ailleurs, en écoutant M. Gremetz, j'ai été étonnée d'apprendre que le livret que vous avez adressé aux médecins recommandait de faire figurer sur l'avis d'arrêt de travail les coordonnées téléphoniques du patient, afin de faciliter l'accès des agents enquêteurs au domicile de l'assuré. Outre que posséder un numéro de téléphone n'est pas encore une obligation légale - et c'est heureux -, cette disposition a été retirée du projet de loi sur l'avis du Conseil d'État. Cela signifie que ce livret a été rédigé avant le passage en Conseil d'État...

M. Jean-Marie Le Guen. De toute façon, il n'a rien à faire du Conseil d'État !

Mme Martine Billard. ...et qu'il fait circuler une information fausse.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1096 à 1107 et nos7234 à 7248.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 112 rectifié.

La parole est à M. Yves Bur, président de la commission spéciale, pour le soutenir.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Cet amendement tend à permettre au service du contrôle médical de s'assurer de l'identité du patient à l'occasion d'un examen individuel. Il est intéressant de noter que cette proposition a été suggérée par une association de directeurs de caisses d'assurance maladie, car ceux-ci reconnaissent ainsi implicitement que, même à ce niveau, il y a des fraudes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de treize amendements identiques, nos 3280 à 3291 et n° 7570.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Ces amendements tendent à supprimer le I de l'article 15.

Les caisses disposent déjà des moyens de contrôler les arrêts de travail. Il suffit donc de les mettre en œuvre, dans le respect de la personne. On pourrait finir par oublier que l'immense majorité de nos concitoyens et des professionnels de santé sont honnêtes, tant l'esprit de suspicion imprègne tous les articles de ce texte.

L'exposé des motifs de l'article 15, figurant à la page 12 du projet de loi, est très instructif. Je me permets de le résumer : cet article vise à inciter le service médical des caisses à contrôler les arrêts de travail, à veiller au respect des délais de transmission des avis d'arrêt de travail et à harmoniser les sanctions en cas de non-respect de ces délais, à faciliter l'accès des agents enquêteurs au domicile de l'assuré et à faire figurer sur l'avis d'arrêt de travail les coordonnées téléphoniques de la personne. Ne manque plus que l'obligation faite au patient de donner la clé de son domicile. (Sourires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Si un amendement avait été déposé en ce sens, vous l'auriez peut-être voté.

La terminologie utilisée ne laisse donc pas place au doute. L'article 15 est au cœur de la démarche répressive adoptée par le Gouvernement. Vous voulez faire de la sécurité sociale une institution de contrôle et de tous les hommes et toutes les femmes qui concourent à son fonctionnement de véritables auxiliaires de police.

À cet instant, je pense au philosophe Louis Althusser...

M. Jacques Myard. Halte, tu serres !

Mme Jacqueline Fraysse. ...qui, nous invitant à un peu plus de modestie et à moins de démagogie, considérait que le propre de l'idéologie est que les réponses précèdent les questions. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)

M. Hervé Mariton. En tout cas, vos réponses, nous les connaissons !

Mme Jacqueline Fraysse. Vous êtes-vous interrogé sur les véritables raisons du déficit de l'assurance maladie, monsieur le ministre ? Nous pourrions en douter. En réalité, peu vous importe, puisque vous avez déjà la réponse à la question : la responsabilité du déficit incombe aux assurés sociaux et à eux seuls. Une fois ce postulat ancré dans les esprits, les faits sont passés sous silence. Or, je le répète, 6 % seulement des arrêts de travail seraient injustifiés. Il s'agit donc d'un phénomène marginal d'un point de vue statistique.

M. Hervé Mariton. Avec 6 %, vous n'êtes pas marginaux, vous ? (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Jacqueline Fraysse. Et même si l'on réussissait à diviser par deux ou par trois les abus en la matière, l'économie resterait tout de même dérisoire et, en tout état de cause, insuffisante pour résoudre les problèmes rencontrés, compte tenu de l'ampleur des attaques dont l'assurance maladie a fait l'objet.

M. le président. Madame Fraysse...

Mme Jacqueline Fraysse. Vous ai-je convaincu, monsieur le président ?

M. le président. Ce n'est pas votre problème.

Mme Jacqueline Fraysse. Aussi sommes-nous partagés, à la lecture de l'article 15, entre l'indignation et la perplexité : l'indignation face à la volonté de culpabiliser systématiquement la population,...

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est obsessionnel !

Mme Jacqueline Fraysse. En tout cas, notre obsession est inverse de la vôtre.

...et la perplexité face à l'usine à gaz qui est mise en place et au caractère ridicule des moyens envisagés pour combler le déficit.

M. Charles Cova. Ils y participent !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, comme je l'ai déjà indiqué, 45 % des arrêts de travail sont prescrits dans le cadre d'une subrogation. Dans les autres cas, le salarié est indemnisé par la sécurité sociale, cette indemnisation étant ou non complétée par l'employeur selon la convention ou l'accord qui s'appliquent. Si vous avertissez leur employeur, les salariés risquent, en plus de voir leurs indemnités suspendues, de faire l'objet d'une procédure de licenciement pour faute grave.

En effet, la remise en cause de l'arrêt de travail résultera d'un désaccord entre le médecin traitant et celui de la caisse portant sur sa cause ou sa durée. Or l'employeur, qui n'a pas à connaître les raisons de l'arrêt, n'est pas en mesure de juger s'il est justifié ou non. Il risque donc de s'en remettre à l'avis de la caisse et, en particulier lorsqu'il s'agit d'emplois précaires, d'engager une procédure de licenciement. Avec cette mesure, vous offrez aux petites entreprises qui, contrairement à ce que dit la majorité, peuvent déjà recourir facilement à cette procédure, une possibilité supplémentaire de licencier. J'ajoute que les personnes concernées seront privées d'allocations de chômage, voire du RMI, qui est un revenu différentiel et qui dépend de la situation du foyer, alors qu'elles n'auront commis aucune faute. On risque d'aggraver un peu plus la pauvreté dans notre pays.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Comment Mme Fraysse et Mme Billard peuvent-elles considérer comme illégitime l'obligation de prévenir l'employeur en cas de suspension des indemnités journalières, alors que celui-ci peut verser un complément d'indemnisation ?

La commission a rejeté ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ce débat est assez étonnant, car tous les Français savent qu'il faut sauvegarder les arrêts maladie et combattre les abus.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous aussi, nous voulons combattre les abus !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. On pourrait croire que règne ici un microclimat. En tout état de cause, on ne comprend pas ce combat d'arrière-garde. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Par ailleurs, de plus en plus d'entreprises font appel à des sociétés pour qu'elles vérifient si les arrêts maladie sont justifiés. Est-ce le système que nous voulons ? Certainement pas. Si nous voulons éviter que cela se généralise, il faut sauver le système de l'arrêt maladie.

Tout à l'heure, j'ai fait référence à un document de la CNAM pour évoquer une économie de 800 millions d'euros. Je peux maintenant vous transmettre ce document, qui est d'ailleurs consultable sur le site Internet de la Caisse nationale d'assurance maladie. Il s'agit d'un rapport complet sur l'exécution de l'ONDAM 2003 qui comporte une partie intitulée « Plan d'action concernant les arrêts de travail ». Je le cite : « Dans le cadre de ce plan, plus de 55 000 assurés ont été contrôlés [...]. Pour 22 % d'entre eux, » - j'insiste sur ce chiffre - « un avis défavorable à la poursuite de l'arrêt de travail a été donné par les médecins conseils ».

Plusieurs députés du groupe socialiste. À la « poursuite de l'arrêt de travail » !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Les auteurs de ce rapport précisent qu'il convient d'ajouter à ces contrôles ceux opérés chaque année de façon systématique et rappellent qu'en 2002, 416 086 assurés ont été contrôlés et que le taux d'avis défavorables à l'arrêt de travail était de 16,2 %.

Mesdames, messieurs les députés, si j'appliquais le taux de 22 % au total des indemnités journalières, l'économie s'élèverait à près de 1,3 milliard d'euros.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est un scandale !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Mais, pour élaborer son plan, le Gouvernement a retenu une fourchette basse et a préféré tabler sur 800 millions d'euros.

Tout à l'heure, on soutenait que je n'avais pas ce document et que j'étais un menteur, monsieur Le Guen. Maintenant que vous pouvez en prendre connaissance, j'espère que vous ferez « low profile ».

M. Charles Cova. Des excuses !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour répondre au Gouvernement.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre, vous tordez les chiffres comme vous tordez la réalité ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce document ne concerne que la poursuite des arrêts de travail. De plus, vous faites une extrapolation. La CNAM s'est exprimée officiellement sur le sujet et vous êtes en contradiction avec ce qu'elle a dit. (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Accoyer. Voyou !

M. Jean-Marie Le Guen. Tous ces documents, qui ne sont d'ailleurs pas signés, ne sont absolument pas contradictoires avec les chiffres de la CNAM, qui eux sont publics, et qui disent invariablement la même chose : il y a 6 % d'arrêts de travail contestables, sur une masse de 5 milliards d'euros. Selon toutes les estimations de la CNAM, le coût de ces arrêts de travail se situerait entre 250 et 300 millions, mais n'atteindrait certainement pas les 800 millions avancés par le ministre. Il a beau dire, il a beau faire, toutes les estimations que la CNAM a fait officiellement connaître vont à l'encontre de ce qu'il prétend.

M. Hervé Mariton. Accablant !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je voudrais vous soumettre un second document, encore plus intéressant.

Il s'agit de l'avis officiel de la CNAM sur le projet de loi dont nous parlons : « Vis-à-vis de l'opinion publique, une action résolue contre les abus et les fraudes, qu'ils soient le fait d'assurés ou de professionnels, participe à la fois de la bonne gestion, de la morale publique, et donc de la crédibilité de l'institution et de la légitimité du système ».

Voilà ce que disent les partenaires sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. Votre mauvaise foi est patente ! Tout le monde l'aura constaté ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3280 à 3291 et n° 7570.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de treize amendements identiques, nos 3292 à 3303 et n° 8387.

La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Par ces amendements, nous proposons de supprimer le 1° du I de l'article 15. Nous refusons que le dernier alinéa de l'article L. 315-2 du code de la sécurité sociale soit complété par des dispositions obligeant la caisse à informer l'employeur du cas abusif d'un arrêt de travail par un de ses salariés.

Ce refus se justifie pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, nous récusons fermement l'idée selon laquelle de telles mesures sont susceptibles de contribuer à une réforme ambitieuse de la sécurité sociale.

Ensuite, nous constatons que, malgré sa totale inefficacité, une telle mesure revêt une portée symbolique non négligeable. Sous couvert de les responsabiliser, il s'agit en fait de culpabiliser nos concitoyennes et concitoyens, de les dresser les uns contre les autres, les bons d'un côté, les méchants de l'autre. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Une fois de plus, le Gouvernement parie sur l'efficacité de sa stratégie d'assujettissement des corps et des esprits. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Mariton. Mais enfin !

Mme Janine Jambu. À cet égard, Surveiller et punir, l'ouvrage majeur de Michel Foucault, disparu il y a vingt ans, vaut d'être lu et relu tant il demeure d'actualité.

M. Hervé Mariton. Après Althusser, Foucault !

Mme Janine Jambu. Finalement, le Gouvernement n'invente rien. Il recycle les idées produites dans les cercles de pensée néoconservateurs au cours des années soixante-dix et quatre-vingt.

C'est à cette époque en effet que l'on a vu fleurir une série de théories pseudo-économiques destinées à faire peser la responsabilité du chômage sur les salariés eux-mêmes. En clair, les victimes seraient leurs propres bourreaux.

Pourquoi y aurait-il du chômage ? Tout simplement parce que le travailleur serait poltron ; parce qu'il serait roublard ; parce qu'il serait fainéant ; parce qu'il serait primesautier ou encore parce qu'il serait méchant. Le travailleur, affublé d'autant de défauts, serait donc la source de tous les dysfonctionnements observés sur le marché du travail. Par sa faute, on ne pourrait fixer un prix d'équilibre sur ce marché ; le salaire serait donc supérieur au prix d'équilibre théorique, ce qui provoquerait l'apparition et la persistance du chômage.

On s'attardera un peu plus longuement sur la théorie du chômage dite « théorie du salarié tire-au-flanc ».

Carl Shapiro et Joseph Stiglitz, éminents économistes, ce dernier ayant même reçu le prix Nobel dans sa discipline, ont mis l'accent sur ce « modèle du tire-au-flanc » dans une étude parue en 1984 dans L'American Economic Review. Je vous livre un extrait de cet article, bien sûr traduit en français pour que tout le monde puisse en saisir la substantifique moelle :

« L'intuition derrière notre résultat est simple. Dans le cadre traditionnel de la concurrence, où tous les salariés perçoivent le salaire du marché et où il n'y a pas de chômage, le pire qui puisse arriver à un travailleur qui tire au flanc au travail est d'être mis à la porte. Cependant, puisqu'il peut immédiatement être réemployé, il ne paye aucune amende pour sa mauvaise conduite. Avec un contrôle imparfait et le plein-emploi, les travailleurs choisiront donc de tirer au flanc.

« Pour inciter ses travailleurs à ne pas tirer au flanc, la firme essaye de payer plus que le "salaire courant" ; ainsi, si un travailleur est pris en train de tirer au flanc et qu'il est renvoyé, il paiera une amende. Cependant, s'il est profitable pour une firme d'augmenter ses salaires, il sera profitable pour toutes les firmes d'augmenter leurs salaires. Quand elles augmentent toutes leurs salaires, l'incitation à ne pas tirer au flanc de nouveau disparaît. Mais comme toutes les firmes augmentent leurs salaires, leur demande de travail diminue, et il en résulte du chômage. Avec du chômage, même si toutes les firmes payent les mêmes salaires, un travailleur a une incitation à ne pas tirer au flanc. Puisque, s'il est renvoyé, un individu ne trouvera pas immédiatement un autre emploi. Le taux de chômage doit être suffisamment élevé pour qu'il soit payant pour les travailleurs de travailler plutôt que de prendre le risque d'être pris en train de tirer au flanc. »

Au-delà du fait que cette pseudo-théorie repose sur le postulat, fort contestable, que l'homme est intrinsèquement mauvais...

M. Bernard Accoyer. C'est une théorie communiste !

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Les communistes utilisent la même méthode !

Mme Janine Jambu. ...on s'aperçoit que Shapiro et Stiglitz sont absolument incapables d'expliquer comment les pays capitalistes au cours de leur histoire ont pu connaître des périodes de plein emploi.

Ce discours - qui ne mérite pas d'être qualifié de théorie - est donc grotesque. Il ne fait même pas preuve de cohérence interne. Bref, il ne vaut rien.

Si la persistance du chômage de masse ne peut pas être expliquée par le fait que le salarié serait prétendument, et par nature, paresseux, il semble inconcevable de vouloir rendre raison du déficit de la sécurité sociale en convoquant un modèle explicatif similaire, archisimpliste.

Mes chers collègues de la majorité, vous ne gagnez décidément pas à vous inspirer de ce genre de références !

M. Maxime Gremetz. Très bien ! Vous avez entendu ça, à droite ?

M. le président. Monsieur Gremetz, je ne vous ai pas donné la parole !

M. Maxime Gremetz. Je dis à nos collègues...

M. le président. Taisez-vous, monsieur Gremetz !

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, vous avez produit un document censé justifier des 800 millions annoncés sur la base d'une extrapolation. Votre mode de calcul est simple : vous avez pris en compte, non pas les arrêts de travail, mais les prolongations d'arrêt de travail. Les 800 millions que vous citez représentent à peu près 15 %, ce qui n'est pas le chiffre figurant dans la plupart des éléments statistiques, notamment le rapport de l'IGAS et le rapport des assurances privées, qui retiennent 6 %.

Ce débat n'est pas nouveau. Il a déjà eu lieu lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004. Vous aviez alors proposé que, lorsque les entreprises privées font appel à leur propre médecin contrôleur, elles aient la possibilité d'informer le service de contrôle de la sécurité sociale du résultat de cette enquête.

M. Hervé Morin. C'est ce qui est écrit dans la loi !

M. Alain Vidalies. C'était votre réponse il y a six mois, sur le constat communément admis d'un chiffre de 6 %, et ce dispositif figure en effet dans la loi. Mais pourquoi vouloir aujourd'hui imposer un autre système, basé sur l'information systématique de l'employeur, dont personne ne me semble avoir mesuré les conséquences en matière de responsabilités ?

Loin de nous l'idée de vouloir nier la fraude. Celle-ci existe, dans cette proportion unanimement admise de 6 %, et nous avons la volonté de lutter contre ce phénomène, afin que l'argent public soit mieux utilisé.

Ce qui nous gêne, c'est justement que vous fassiez fi de la réalité, adoptant sans raison valable une estimation de 15 %, à seule fin de mettre en place un système qui dissuade de recourir aux arrêts de travail, même à ceux médicalement justifiés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Il me semble que la note dont M. le ministre nous a lu un extrait mentionne tantôt le chiffre de 22 %, tantôt celui de 17 %, c'est-à-dire des estimations très supérieures aux 6 % que vous évoquez, mes chers collègues !

Nous sommes évidemment contre ces amendements, mais plus largement, j'ai envie de vous dire : « Ouvrez donc les yeux ! » (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Ouvrez les yeux et fermez la bouche, vous voulez dire ?

M. Hervé Mariton. Voulez-vous, oui ou non, comme tous nos concitoyens le souhaitent, lutter efficacement contre les abus ? Il ne s'agit pas de stigmatiser qui que ce soit. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mais tout le monde connaît l'expression, passée dans le langage courant, « se mettre en arrêt maladie ». (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Arrêtez ! C'est insultant !

M. Hervé Mariton. Mais dans quel monde vivez-vous ?

M. Maxime Gremetz. Et vous ? C'est à croire que vous n'avez jamais travaillé !

M. Hervé Mariton. De tels propos sont navrants, et il y a là une réalité à laquelle nous nous devons de répondre.

Mme Jacqueline Fraysse. C'est méprisant !

M. Hervé Mariton. Pour répondre à notre collègue Morin, je dirai qu'on ne peut que regretter l'inefficacité des dispositifs existants. S'ils étaient efficaces, cela se saurait. C'est pourquoi il paraît logique et cohérent de proposer un nouveau dispositif basé sur la responsabilisation et l'autodiscipline, dans l'intérêt de tous ceux qui n'abusent pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Extraordinaire ! Il a montré son vrai visage, celui d'un réactionnaire invétéré !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet. Les propos de M. Mariton sont inacceptables pour les salariés de ce pays. Dans leur très grande majorité, les arrêts de travail délivrés sont médicalement justifiés.

M. Hervé Mariton. Peut-être, mais il est tout de même nécessaire d'agir, afin de protéger les salariés qui ne commettent pas d'abus !

M. Jean-Claude Viollet. Les arrêts de travail abusifs constituent une réalité que personne ne songe à nier, pas plus qu'on a nié les abus en matière de consultation, ou ceux liés aux transports médicaux. Pour autant, ces abus sont limités, et peuvent être repérés et combattus au moyen des dispositions législatives et réglementaires existantes. Vous avez vous-même reconnu, monsieur le ministre, que, dans un certain nombre de départements, les caisses d'assurance maladie avaient mis en œuvre ces dispositions avec quelque succès.

En revanche, le dispositif que vous proposez nous paraît dangereux. Avertir l'employeur alors que le salarié n'a pas épuisé l'ensemble des voies de recours sur la suspension des prestations en matière de maladie fait en effet courir à ce salarié un certain nombre de risques, notamment sur la poursuite de son contrat de travail. Une faute pourra vraisemblablement être invoquée à son encontre, dans la mesure où on lui reprochera de s'être soustrait à l'obligation de fourniture de sa prestation de travail, contrepartie du versement de son salaire, dans le cadre du contrat qui le lie à son employeur. De ce point de vue, il nous semble que la moindre des choses est de faire en sorte que la sanction ne puisse être prise qu'après que le salarié a eu la possibilité de se défendre, jusqu'à épuisement des voies de recours actuellement offertes par la loi et par le règlement. C'est le sens de ces amendements.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Très bien !

M. Jean-Claude Viollet. À défaut, vous culpabilisez et fragilisez l'ensemble des salariés : ceux qui se rendent coupables d'abus, extrêmement limités en nombre, mais aussi tous les autres, dont la maladie justifie l'arrêt qui leur est accordé.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. On a souvent tendance, quelles que soient les majorités, à légiférer sous le coup de l'émotion ou pour donner l'impression d'agir en présentant des textes alibis. Je crains, monsieur Mariton, qu'une fois de plus, nous ne soyons dans ce cas de figure.

Pour vous en convaincre et pour éclairer l'Assemblée, je rappellerai ici les termes de l'ordonnance du 24 avril 1996 et plus précisément du II de l'article L. 315-1 du code de la sécurité sociale :

« II. - Le service du contrôle médical constate les abus en matière de soins, de prescription d'arrêt de travail et d'application de la tarification des actes et autres prestations.

« Lorsque l'activité de prescription d'arrêt de travail apparaît anormalement élevée au regard de la pratique constatée chez les professionnels de santé appartenant à la même profession, des contrôles systématiques de ces prescriptions sont mis en œuvre dans des conditions définies par la convention mentionnée à l'article L. 227-1.

« Lorsqu'un contrôle effectué par un médecin à la demande de l'employeur, en application du dernier alinéa de l'article 1er de la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 relative à la mensualisation et à la procédure conventionnelle, conclut à l'absence de justification d'un arrêt de travail, ce médecin transmet son avis au service du contrôle médical de la caisse. Si ce service conclut également, au vu de cet avis, à l'absence de justification de l'arrêt de travail, la caisse suspend le versement des indemnités journalières après en avoir informé l'assuré. »

Vous le voyez, tout est déjà prévu. Reste, malheureusement comme toujours, à mettre en œuvre.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Et voilà !

M. le président. Monsieur Gremetz, pour vous éviter d'avoir à présenter une demande de scrutin public, je décide d'en annoncer un moi-même sur les amendements identiques nos 3292 à 3303 et n° 8387.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, les éléments qu'a d'ores et déjà apportés Mme Jambu devraient vous amener à réfléchir.

Comment vous croire ? Comment avoir confiance dans les réponses que vous donnez ?

D'abord, tout document doit être lu dans sa totalité. On ne peut se contenter de lire une phrase sortie de son contexte.

Ensuite, vous prévoyez dans vos diverses propositions de faire rentrer 80 millions sur les indemnités journalières. Or, Bercy n'arrive qu'à 20 millions. Alors qui faut-il croire ? Bercy ou vous ? Bercy compte mieux en général. D'une manière générale, vous prétendez parvenir à 15 milliards d'économie, toutes mesures confondues, contre 7,8 milliards pour Bercy. Face à une telle différence de chiffres, vous comprendrez qu'on ait des doutes. Si c'était à un milliard près... Mais là, c'est du simple au double !

Tout cela me fait penser à un article dont le titre était tout à fait extraordinaire : « Les vaches et le coton plus aidés que l'Afrique ». Alors, vous allez me dire que cela n'a rien à voir avec notre sujet. Eh bien si, car c'est précisément la même démarche ! Les vaches et le coton comptent plus que les habitants d'Afrique. Et pour vous, le plus important c'est de faire rentrer de l'argent. Peu vous importe la situation réelle des gens.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Comme M. Morin vient de le montrer, nous avons d'ores et déjà tous les moyens d'agir. En outre, on se demande bien pourquoi des médecins accepteraient de délivrer des arrêts de travail non justifiés. Et si tel était le cas, pourquoi s'en prendre aux patients ?

M. le président. Concluez, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Avec les relations que vous voulez établir entre les médecins et les employeurs, des salariés pourraient se retrouver licenciés. Et tout cela pour rien.

M. le président. Si vous poursuivez, je vais vous mettre en arrêt de travail ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz. Vous savez très bien, en effet, monsieur le ministre, que les solutions ne sont pas là. Mais cela vous évite de parler des vrais sujets.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, vous êtes très doué dans l'art d'utiliser les textes à votre avantage en faisant simplement des extrapolations.

Le rapport d'exécution de l'ONDAM pour 2003, établi par la CNAM, dit en effet qu'il y a eu un plan d'action concernant les arrêts de travail avec des contrôles ciblés en fonction de critères variés : durée des arrêts de travail, pathologie déclarée par le prescripteur, nombre d'arrêts de travail de courte durée. Et sur cet échantillon très ciblé - 55 000 assurés -, on note qu'un avis défavorable a été émis pour la poursuite des arrêts de travail dans 22 % des cas.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Notre ministre ne sait pas lire !

M. Hervé Mariton. Parlez-nous donc des 16 % !

Mme Martine Billard. Il convient d'ajouter à ces contrôles ceux opérés de façon systématique. On rappelle ainsi qu'en 2002, 416 000 assurés ont été contrôlés. Soulignons-le, en 2001, le taux de contrôle était de 6,4 %. Nous n'avons pas le taux de 2002 mais, vu que le nombre de médecins contrôleurs n'a pas augmenté de façon notable, nous pouvons supposer - soyons généreux - qu'il doit être au maximum de 10 %. Or 16 % sur 10 % ne donne rien de significatif puisqu'on sait que la caisse axe ses contrôles sur les arrêts les plus longs et sur la base d'échantillons qu'elle détermine - elle le dit elle-même - à partir d'un certain nombre de critères. Vous ne pouvez donc pas faire d'extrapolations concernant l'ensemble des assurés sociaux. Un tel procédé est scandaleux. Cela revient à essayer de vendre à l'opinion publique une information totalement erronée.

M. Hervé Mariton. 16% !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Le journal La Croix du 21 juin 2004 a publié un article dans lequel il apparaît que près de 6 % des arrêts de travail ne seraient pas justifiés. Je reprends ici le passage de cet article qui fait référence au document d'enquête provenant de la Caisse d'assurance maladie sur l'exécution pour 2003 : « Les caisses d'assurance maladie ont procédé en 2003 au contrôle de 53 331 assurés et de 1 368 médecins. Il en résulte que, si la grande majorité de ces arrêts est justifiée, environ 6 % d'entre eux ne le sont pas. Les abus seraient en effet concentrés sur une minorité d'assurés et de professionnels. »

Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !

M. Alain Vidalies. Voilà les chiffres ! Voilà ce qui figure vraiment dans le rapport, monsieur le ministre. Maintenant, il s'agit de nous dire si cela est juste ou si le journaliste s'est lui aussi trompé.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je vous ai communiqué le texte !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. M. Dubernard s'est interrogé sur notre volonté éventuelle de ne pas lutter contre les excès, voire de cautionner ces excès. Je voudrais donc répéter ici clairement une fois de plus que, sur tous ces bancs, y compris de ce côté-ci de l'Assemblée, personne ne cautionne les éventuels excès.

M. Hervé Mariton. Que faites-vous pour les combattre ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Jacqueline Fraysse. Nous disons que ces excès doivent être combattus.

M. Hervé Mariton. Comment ?

Mme Jacqueline Fraysse. Mais nous disons aussi qu'ils sont limités. Du reste, le chiffre de 6 % le confirme et tout esprit honnête devrait nous en donner acte. Nous disons encore que ces excès sont repérés et que les outils pour les combattre existent, la meilleure preuve étant que le ministre nous a expliqué que certaines caisses ont pris des dispositions en ce sens et ont obtenu des résultats tout à fait significatifs.

Par conséquent, l'arsenal visant à lutter contre les excès existe bel et bien. Appliquons-le. Et ne modifions pas l'esprit de respect de la personne qui doit présider à tous ces contrôles.

Je rappellerai enfin notamment à M. Dubernard, puisqu'il est médecin et qu'il nous a interpellés, que, jusqu'à nouvel ordre, les arrêts de travail sont prescrits par des médecins.

M. François Liberti. Eh oui !

Mme Jacqueline Fraysse. Il y a donc un travail à mener en direction des médecins qui n'ont pas une activité normale - et ce sont là aussi des cas marginaux. Il y a un débat déontologique à conduire avec eux. Lorsque j'ai fait cette observation en commission, il m'a été répondu que ces médecins étaient l'objet de pression. J'ose espérer que les médecins ont suffisamment de conviction et de courage pour expliquer à un patient, dans un dialogue déontologique, que tel arrêt de travail n'est pas justifié. En tout cas, cela fait partie de leur travail.

M. Hervé Mariton. Ça ne marche pas !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements identiques nos 3292 à 3303 et n° 8387.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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M. le président. Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 54

              Nombre de suffrages exprimés 54

              Majorité absolue 28

        Pour l'adoption 15

        Contre 39

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 3304 à 3315.

La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Nos amendements précédents et ceux qui viennent d'être appelés visent à supprimer deux alinéas qui n'apportent rien de fondamental à la rédaction en vigueur de l'article L. 315-2 du code de la sécurité sociale.

Au-delà de notre opposition de fond à l'article 15 de votre projet de loi, l'adoption de nos amendements aurait une utilité d'un point de vue formel puisqu'elle permettrait d'éviter de surcharger la rédaction, déjà passablement compliquée, de l'article L. 315-2.

Nous aurions vraiment du mal à comprendre votre entêtement à maintenir ces deux alinéas. Une seule chose permettrait d'en comprendre la raison : votre volonté d'accroître, coûte que coûte, les contrôles pesant sur les assurés sociaux. C'est le retour de Torquemada, figure historique de l'Inquisition.

Soyons sérieux : de quoi s'agit-il ? L'article 15 vise à dégager des économies en limitant les abus d'arrêt de travail. Or, nous ne cessons de le dire, le nombre des arrêts de travail injustifiés est insignifiant. C'est le sens de la discussion que nous venons d'avoir.

Faire croire aux Françaises et aux Français que le déficit de l'assurance maladie est dû à leur comportement irresponsable est profondément démagogique. C'est comme si vous nous expliquiez que le chômage est dû à l'oisiveté de millions de femmes et d'hommes qui préfèrent être assistés plutôt que travailler. La solution miracle contre le chômage résiderait, selon une idée que vous contribuez à répandre, dans l'incitation au travail.

On reconnaît là les fondements du discours tenu par le ministre François Fillon lors de l'examen du projet de loi portant décentralisation en matière de RMI et créant le RMA. Or ce discours ne tient pas la route et François Fillon est le premier à le savoir.

En effet, le jeudi 19 février dernier, celui qui était encore ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité présentait un « plan national de lutte contre les difficultés de recrutement ». Ce plan d'action, qui est malheureusement passé inaperçu, fixe à l'Agence nationale pour l'emploi et à l'Association pour la formation professionnelle des adultes l'objectif de réduire de 100 000 le nombre annuel d'offres d'emplois non pourvues, lesquelles, selon l'aveu même du ministère des affaires sociales, s'élèveraient à 300 000.

D'un côté, 300 000 offres d'emplois non pourvues ; de l'autre, 3 millions de chômeurs, selon les statistiques officielles - plus du double en réalité si l'on ne s'en tient pas à la définition très restrictive du Bureau international du travail.

Quand bien même les 300 000 offres non pourvues s'expliqueraient par le supposé goût de l'assistanat des chômeurs, ce qui resterait à prouver, on mesure l'absurdité du discours selon lequel le chômage serait lié à la faiblesse des incitations au retour à l'emploi !

Le vrai problème est ailleurs : c'est l'insuffisance des emplois à pourvoir, qui rend inapplicable l'un des droits fondamentaux de l'individu, à savoir le droit au travail.

Mais pour en revenir à l'assurance maladie, j'ai envie de dire qu'il est tout aussi vain de prétendre combler le déficit de l'assurance maladie en proposant des dispositifs toujours plus sécuritaires voués à culpabiliser les assurés sociaux, comme vous essayez de le faire pour les chômeurs.

Au nom de ce constat, sévère à votre égard mais ô combien en adéquation avec l'essence de votre politique, nous vous proposons d'adopter nos amendements de suppression.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements. Dans la mesure où l'assuré en arrêt de travail est tenu de se soumettre au contrôle des services du contrôle médical de l'assurance maladie, qui ne comprendrait pas que la caisse puisse, en cas de refus, suspendre le versement des indemnités journalières ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie, pour donner l'avis du Gouvernement.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. L'avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3304 à 3315.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je vais suspendre la séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-neuf heures trente-cinq.)

M. le président. Nous poursuivons l'examen des amendements à l'article 15.

Je suis saisi d'un amendement n° 8254.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8254.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8121.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Dans sa rédaction actuelle, l'article 15 prévoit que la caisse, lorsqu'elle constate une irrégularité, « suspend » le versement des indemnités journalières. L'indicatif valant impératif, cette rédaction ne laisse à la caisse aucune marge d'appréciation pour décider au cas par cas de l'opportunité de cette décision, et la sanction tombe comme un véritable couperet. Or la caisse peut avoir connaissance de circonstances particulières, qui donnent à cette sanction un caractère démesuré.

Nous voulons, en substituant « peut suspendre » à « suspend », introduire un peu de souplesse - j'allais dire un peu d'humanité - dans la procédure. Une telle rédaction laisserait à la caisse une marge d'appréciation, au lieu que la rédaction actuelle entraînerait une application quasi automatique de la sanction envisagée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cet amendement a été repoussé par la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8121.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8127.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. J'observe, monsieur le président, que nous n'avons eu aucune explication justifiant le refus de notre précédent amendement. On peut légitimement s'en étonner car notre proposition relevait du bon sens et du pragmatisme. Mais puisqu'on ne veut pas nous répondre, nous n'en saurons pas plus.

L'amendement n° 8127, dans la même logique que le précédent, a pour but de corriger le caractère rigide et automatique de la procédure qui, non contente de ne laisser aux caisses aucune liberté d'appréciation, ne respecte même pas le principe du contradictoire. On va peut-être nous objecter que le respect de ce principe est garanti par d'autres textes - je ne le crois pas, mais je suis prêt à entendre les arguments de ceux qui daigneraient nous répondre.

On ne peut pas nier qu'il y ait un problème avec cet article. Il prévoit une sanction : or il est un principe général du droit qui pose que celui qui encourt une sanction doit être mis en mesure de présenter ses observations. C'est pourquoi notre amendement tend à ce qu'il soit précisé qu'« aucune sanction ne peut intervenir avant que l'assuré ait été mis en mesure de présenter ses observations ».

Vous avez déjà, en repoussant notre amendement précédent, refusé de laisser à la caisse une liberté d'appréciation ; vous ne pouvez pas en plus ignorer le principe qui commande qu'une procédure contradictoire précède toute sanction - d'autant qu'il ne s'agit pas d'une petite sanction, puisqu'elle consiste à supprimer des revenus de remplacement, qui constituent le seul revenu de nombreux foyers. C'est là faire fi, non seulement des principes de notre droit, mais encore des normes internationales, en particulier de la convention européenne des droits de l'homme.

Toutes nos propositions peuvent apparaître de pure forme, mais elles visent en réalité à améliorer une procédure, qui n'a certes pas notre faveur, mais dont il s'agit de limiter l'impact négatif sur les droits individuels. C'est pourquoi il me semble inacceptable qu'on ne nous apporte aucune réponse sur ces questions. Même si le législateur choisit de les ignorer, elles se poseront forcément devant les juridictions à un moment ou à un autre. C'est là précisément ce que le bon législateur s'efforce d'éviter. On devrait du moins nous expliquer pourquoi nos initiatives ne présentent pas d'intérêt.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Défavorable.

Demande de vérification du quorum

M. le président. La parole est à M. Accoyer, président du groupe UMP.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, mon intervention a plusieurs objets.

Je veux vous dire d'abord combien nous sommes préoccupés devant l'allongement que l'opposition impose à nos débats, alors que l'objet qui nous rassemble devrait nous conduire à nous efforcer de faire le mieux possible,...

Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. C'est ce que nous faisons !

M. Bernard Accoyer. ...c'est-à-dire d'apporter tous notre contribution à cette réforme extrêmement importante, que le précédent gouvernement a, cinq ans durant, refusée au pays.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Et pour cause ! Elle est mauvaise !

M. Bernard Accoyer. Je veux souligner ensuite qu'à force de multiplier les amendements sur le même objet, on perd de vue ce qui est important.

Puisque M. Vidalies a voulu donner une certaine solennité à ses propositions, je vous demande, monsieur le président, précisément sur cet amendement n° 8127, de bien vouloir faire procéder à la vérification du quorum de notre assemblée. Nous pourrons ainsi faire le meilleur usage du temps qui nous est imparti au cours de cette journée.

M. le président. Je suis saisi par le président du groupe UMP d'une demande, faite en application de l'article 61 du règlement, tendant à vérifier le quorum avant de procéder au vote sur l'amendement n° 8127.

Je constate que le quorum n'est pas atteint.

Conformément à l'alinéa 3 de l'article 61 du règlement, le vote sur cet amendement est reporté au début de la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à vingt et une heures trente.

    3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1675, relatif à l'assurance maladie :

Rapport, n° 1703, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission spéciale.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot