Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2003-2004)

 

ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 16 OCTOBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mercredi 15 octobre 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire «...».
2.  Questions au Gouvernement «...».

MÉDECINS URGENTISTES «...»

MM. Jean-Yves Hugon, Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

VISITE DU DALAÏ-LAMA EN FRANCE «...»

MM. François Loncle, Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

ACCESSION À LA PROPRIÉTÉ «...»

MM. Philippe Folliot, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports du logement, du tourisme et de la mer.

MISÈRE «...»

Mme Janine Jambu, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

SÉCURITÉ ROUTIÈRE «...»

MM. Jean-Michel Bertrand, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

ENFANCE MALTRAITÉE «...»

MM. Yves Bur, Christian Jacob, ministre délégué à la famille.

LA POSTE «...»

M. François Brottes, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.

CORPS EUROPÉEN DE GENDARMERIE «...»

M. Yves Fromion, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.

AVENIR DES DÉBITANTS DE TABAC «...»

MM. Christian Vanneste, Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

JOURNÉE NATIONALE D'HOMMAGE
AUX COMBATTANTS D'AFRIQUE DU NORD «...»

MM. Michel Dasseux, Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

ATTAQUES DE LOUPS «...»

M. Daniel Spagnou, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable.

ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE «...»

MM. Michel Roumegoux, Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN

3.  Loi de finances pour 2004. - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

Rappel au règlement «...»

MM. Didier Migaud, Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances.

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) «...»

MM.
Jean-Claude Sandrier,
Marc Laffineur,
Augustin Bonrepaux,
François Bayrou.
MM. le président, Didier Migaud.
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire ; M. François Bayrou.

Suspension et reprise de la séance «...»
Rappels au règlement «...»

MM. Jean-Pierre Brard, Augustin Bonrepaux.

Reprise de la discussion «...»

MM.
Victorin Lurel,
Eric Woerth,
Michel Pajon,
Laurent Hénart.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
4.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

    M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter la bienvenue, en votre nom, à une délégation parlementaire conduite par M. Mohammed Abbou, président du groupe d'amitié Algérie-France de l'Assemblée populaire nationale algérienne. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

MÉDECINS URGENTISTES

    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Hugon.
    M. Jean-Yves Hugon. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    La ville de Châteauroux accueille, à partir de ce soir et jusqu'à vendredi, le IXe congrès national du collège des médecins de réanimation et d'urgence des hôpitaux extra-universitaires de France. Je tiens d'ailleurs à vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir bien voulu accorder votre patronage à cette manifestation.
    Les médecins urgentistes, comme l'ensemble des personnels de soins, font preuve au quotidien d'un extrême dévouement et d'un grand courage. Ils l'ont encore prouvé dernièrement. Pourtant, cette fonction hospitalière indispensable est encore méconnue du grand public. Les protocoles d'admission, souvent très lourds, l'encombrement, difficile à gérer, démontrent le besoin de réorganisation du système des urgences. Pouvez-vous informer la représentation nationale des mesures que vous allez mettre en oeuvre dans le cadre du plan « Urgences » ? (« Allô ! Allô ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Quel message pouvez-vous transmettre aujourd'hui aux congressistes ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Quel message adresser aux urgentistes ? Un double message de reconnaissance, monsieur le député.
    Reconnaissance, d'abord, pour leurs compétences particulières, et c'est la raison pour laquelle la spécialité de médecin urgentiste sera créée au mois de septembre 2004, conformément aux engagements du Gouvernement.
    M. Gérard Bapt. Il était temps !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Reconnaissance, ensuite, pour leur dévouement et leur disponibilité. Aussi le Gouvernement s'est-il engagé dans un plan ambitieux et global de réorganisation des urgences. Il comprend trois volets.
    Avant les urgences, la permanence des soins en ville, l'articulation avec l'hôpital et la double régulation des centres 15 par les médecins libéraux et les urgentistes.
    Aux urgences, 700 millions d'euros d'investissements pour de nouveaux locaux ou des locaux rénovés : c'est le plan Hôpital 2007.
    M. Alain Néri. Il n'y a pas un sou !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. S'y ajoutent de nouveaux postes médicaux, soignants et de logistique, la création de lits-portes et de lits de gériatrie aiguë et, surtout, la contractualisation de l'établissement hospitalier.
    Enfin, après les urgences, aspect essentiel pour lutter contre l'engorgement, 15 000 lits de soins de suite et de réadaptation devront être créés en cinq ans, ainsi que 8 000 places d'hospitalisation à domicile.
    Voilà, rapidement décrites, les trois étapes d'un plan sans précédent pour les urgentistes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

VISITE DU DALAÏ-LAMA EN FRANCE

    M. le président. La parole est à M. François Loncle, pour le groupe socialiste.
    M. François Loncle. Monsieur le président, vous allez recevoir, après cette séance, le Dalaï-Lama, qui est un chef spirituel respecté, mais aussi le plus haut responsable politique du Tibet. Cette invitation, comme celles de votre prédécesseur Laurent Fabius et de Jack Lang en 1998, honore toute notre assemblée et nous souhaitions vous en remercier. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
    D'autant que le Président de la République, M. Chirac, le Premier ministre, M. Raffarin, le ministre des affaires étrangères, M. de Villepin, ont refusé de recevoir le Dalaï-Lama, contrairement au Président Bush et à M. Colin Powell. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Les choses ont évolué, messieurs, et vous devriez évoluer avec elles !
    D'autant que le président du Sénat, après avoir invité le leader tibétain, a annulé brutalement le rendez-vous.
    M. Augustin Bonrepaux. C'est scandaleux !
    M. François Loncle. Monsieur le Premier ministre, mes questions sont simples. Pourquoi ce refus ? Sur quelles pressions, quelles injonctions, quelles intimidations, venant de quel pays, (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) avez-vous été conduit à de tels manquements aux valeurs que nos dirigeants sont censés incarner au nom de la France ?
    Pourquoi fermez-vous les yeux si souvent lorsque les droits de l'homme sont bafoués ? (Même mouvement.)
    M. Eric Raoult. Accusation scandaleuse !
    M. François Loncle. Nous l'avons dénoncé s'agissant de la Libye, de l'Irak et, la semaine dernière encore, de la Russie en Tchétchénie.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Quelle honte !
    M. François Loncle. Monsieur le Premier ministre, pourquoi tant de complaisance à l'égard des régimes et des pratiques autoritaires, voire dictatoriaux ? Pourquoi ce cynisme et ce manque de courage politique quand il s'agit tout de même de l'essentiel ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
    M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le député, le Dalaï-Lama est en visite en France dans le cadre d'une tournée pastorale qu'il effectue en Europe pour rencontrer les fidèles, qui sont nombreux dans notre pays et dans d'autres.
    J'ai appris comme vous qu'il allait être reçu par le président de l'Assemblée nationale. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) A ma connaissance, il n'a pas demandé à l'être par les autorités gouvernementales.
    Sur le fond - parce que c'est ce qui compte plutôt que les amalgames exagérés que vous avez faits en concluant votre question -, sur la politique chinoise vis-à-vis du Tibet, la France exprime une position constante depuis plusieurs années. La Chine connaît bien cette position qui lui a été exposée à plusieurs reprises et au plus haut niveau politique. Je la rappelle : sans contester l'intégrité territoriale de la Chine, la France souhaite que la préservation de la personnalité culturelle du Tibet, ce qui inclut les croyances, soit garantie. Le Dalaï-Lama lui-même ne conteste pas cette situation puisqu'il demande non pas l'indépendance pour le Tibet, mais une autonomie authentique.
    Mme Martine David. C'est laborieux !
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Comme ses partenaires européens, la France a choisi de manifester sa vigilance sur les questions tibétaines à travers un dialogue avec la Chine sur la question des droits de l'homme, dialogue qui a été approuvé par le Dalaï-Lama lui même. Cette démarche apporte, je crois, des résultats concrets. C'est ainsi que la libération d'une jeune religieuse tibétaine a été obtenue récemment.
    Les contacts directs maintenant établis entre les autorités chinoises et les émissaires du Dalaï-Lama donnent l'espoir que cette question pourra trouver sa solution. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Martine David. Ce n'est vraiment pas convaincant !

ACCESSION À LA PROPRIÉTÉ

    M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe UDF.
    M. Philippe Folliot. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    En France, il n'y a pas assez de propriétaires. Avec à peine 56 % de propriétaires occupant leur logement, notre pays est très en deçà de la plupart de nos voisins européens, comme l'Espagne, la Belgique ou le Royaume-Uni, qui comptent plus de 70 % de propriétaires occupants.
    Un récent sondage indique que plus d'un locataire sur trois souhaite accéder à la propriété. C'est le cas, en particulier, pour les locataires de HLM. Cela confirme ce que nous savons tous : accéder à la propriété est une des aspirations les plus fortes de nos concitoyens.
    En effet, tous les élus savent parfaitement qu'un ménage qui est propriétaire de son logement a une autre approche de son environnement. C'est un facteur essentiel de stabilité du quartier et de mixité sociale dans la ville.
    De plus, nous savons aussi qu'être propriétaire de son logement, c'est une manière de préparer sa retraite pour ne plus avoir la même charge de loyer, ou bien de se constituer un capital afin de pouvoir réaliser tous les projets qu'on se réserve pour plus tard.
    M. Maxime Gremetz. Ne faites pas la question et la réponse !
    M. Philippe Folliot. Pourtant, nombre de Français hésitent encore à franchir le pas. Il faudrait bien souvent peu de chose pour déclencher une décision de leur part, pour que ce rêve devienne enfin réalité.
    Sensible aux aspirations de nos concitoyens, et compte tenu de la dimension éminemment sociale de cette question, le groupe UDF et apparentés estime que l'accession à la propriété doit être au coeur des priorités du Gouvernement. Monsieur le ministre, que prévoyez-vous pour que le plus grand nombre possible de nos concitoyens puissent devenir propriétaires de leur logement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. - « Allô ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, déjà en Grande-Bretagne ou en Belgique, 70 % des habitants ont réalisé ce rêve. Quant aux Espagnols, 90 % sont propriétaires de leur logement. En France, je ne sais par quelle lourdeur, habitude, culture probablement un peu socialisante, on a empêché nos concitoyens de devenir propriétaires. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.- Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Et pourtant vous avez raison : on s'épanouit certainement bien davantage dans un logement dont on est propriétaire, on respecte mieux son logement et on sait ce qu'est le respect du logement des autres. Et vous avez raison aussi : les retraités qui n'ont plus de loyer à payer ont un pouvoir d'achat accru.
    C'est pourquoi le Gouvernement est favorable à l'accession à la propriété et met aujourd'hui trois outils à la disposition des locataires.
    Tout d'abord, nous allons réformer le prêt à taux zéro. Il y avait des effets d'aubaine ; nous allons cibler les familles les plus modestes, par exemple en prolongeant le différé d'amortissement au-delà de dix-huit ans.
    M. François Lamy. Vous, vous êtes bientôt en fin de bail !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ensuite, nous allons faciliter la location-accession, c'est-à-dire permettre à des personnes aux revenus modestes d'acquérir leur logement avec un taux de TVA réduit de 19,6 % à 5,5 % et avec une exonération de taxe foncière pendant quinze ans. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Enfin, nous allons aussi permettre à des locataires de HLM d'acheter leur logement ; au bout d'un certain temps de location, ils pourront légitimement accéder à la propriété.
    M. Bernard Roman. Ce n'est pas nouveau !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. C'est un beau projet de société, mesdames et messieurs les députés. Je ne doute pas que sur tous les bancs de l'Assemblée vous appuierez les mesures...
    M. François Lamy. Socialisantes !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... que prend le Gouvernement pour favoriser l'accession sociale à la propriété. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

MISÈRE

    M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Mme Janine Jambu. Monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, après-demain, le 17 octobre, de très nombreuses initiatives de solidarité auront lieu dans le cadre de la Journée mondiale du refus de la misère. Dans notre pays, la misère est de plus en plus présente et prégnante. Elle a le visage des cinq millions d'hommes, de femmes et d'enfants qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, des trois millions de chômeurs, des deux millions de personnes vivant du RMI.
    M. Thierry Mariani. Vingt ans de socialisme ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Monsieur Mariani, on n'entend que vous !
    Mme Janine Jambu. Comme l'expriment si fortement les témoignages recueillis par ATD Quart-Monde, leur quotidien, c'est le recours à l'aide alimentaire, le mal-logement, les difficultés d'accès aux soins, l'illettrisme parfois, le mal-vivre et l'incertitude du lendemain toujours. Les plans sociaux, les délocalisations, la déréglementation impulsée par le MEDEF (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), relayée par le Gouvernement et la majorité, le démantèlement systématique des mécanismes de solidarité - retraites, sécurité sociale, droit du travail - auquel vous vous livrez sont directement responsables de l'extension de la précarité dans notre pays.
    Quelles réponses avez-vous choisi d'apporter, ces derniers mois, aux privés d'emploi, aux plus démunis ? La suppression de l'allocation de solidarité spécifique, qui plongera les chômeurs de longue durée dans le plus total dénuement, la caution fournie à l'accord UNEDIC, qui va diminuer, voire supprimer les droits à indemnisation de 850 000 chômeurs, et la mise en place, avec le revenu minimum d'activité, d'un véritable sous-salariat sans droits. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Nous le disons avec gravité : la fracture sociale, si chère au Président et si galvaudée, est devenue un gouffre béant entre les riches et les pauvres. Les orientations fiscales et budgétaires dont nous débattons depuis hier l'élargissent encore. (« La question ! La question ! » sur les mêmes bancs.)
    M. le président. Mes chers collègues, ces exclamations ne servent à rien ! Laissez Mme Jambu terminer !
    Mais posez votre question, madame.
    Mme Janine Jambu. Pourtant, d'autres choix sont possibles, pourvu qu'existe la volonté politique de taxer la spéculation, de contrôler les fonds publics, de mettre à contribution les revenus financiers (« La question ! » sur les mêmes bancs.). C'est en ce sens, parce que la résignation nous est insupportable (« La question ! » sur les mêmes bancs)...
    M. François Goulard. On en a pour une heure, monsieur le président !
    Mme Janine Jambu. ... que nous agissons dans cet hémicycle et dans le pays, avec toutes celles et tous ceux qui se mobilisent pour refuser la misère.
    Je pose ma question... (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Merci, madame Jambu. Reconnaissez que vous ne me facilitez pas la tâche !
    Mme Janine Jambu. Monsieur le ministre, allez-vous entendre leurs attentes et leurs signaux de détresse et engager une politique en leur faveur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Maxime Gremetz. Ils ne savent pas ce que c'est que la misère, les barons !
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, Mme Jambu a raison de dénoncer, à la veille de la Journée mondiale de refus de la misère, la montée de la pauvreté. Comme tous les acteurs de terrain, comme Dominique Versini, elle sait que, depuis le début des années 80, le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté n'a cessé d'augmenter dans notre pays. Comme tous les acteurs de terrain, elle sait que la loi de lutte contre l'exclusion de 1998, qui est en cours d'évaluation, a besoin d'être largement améliorée, notamment dans ses modalités d'application. Elle sait également que les slogans ne sont pas à la hauteur d'un enjeu complexe et douloureux.
    Le Gouvernement, madame Jambu, est engagé dans la lutte contre l'exclusion. Mme Versini (« Qui est-ce ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) a présenté, au printemps, un programme de renforcement de la lutte contre l'exclusion conçu autour de trois objectifs : l'amélioration de l'accès au droit et à la citoyenneté, de l'accès au logement, de l'accès aux soins.
    Un chiffre illustre la volonté du Gouvernement : les crédits consacrés aux situations d'urgence ont progressé de 210 millions d'euros entre 2002 et 2003. Voilà la réalité !
    M. Bernard Roman. C'est faux !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'ajoute que nous avons payé toutes les dettes de l'Etat vis-à-vis des associations, dettes dont certaines étaient bien antérieures à deux ou trois ans.
    M. Bernard Roman. Nous reposerons la question la semaine prochaine !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cela étant, la lutte contre l'exclusion ne peut être uniquement défensive. Il faut aussi agir en amont. Il faut également faire confiance aux capacités des individus à se réinsérer.
    L'ASS, madame la députée, n'est pas supprimée. Nous avons simplement voulu limiter son versement dans le temps.
    M. Maxime Gremetz. Et la réduire !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Sa réforme vise à mettre en oeuvre, pour les gens réellement en difficulté, non pas uniquement le versement d'une allocation,...
    M. Maxime Gremetz. Le RMA, oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... mais un véritable programme de réinsertion autour du revenu minimum d'activité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    La vérité, c'est qu'en 2001, quatre millions de personnes dans notre pays vivaient en dessous du seuil de pauvreté. La gauche n'a décidément pas le monopole du combat contre la misère et contre l'exclusion. C'est un combat collectif et moral, qui est fondé sur deux valeurs : la fraternité sociale, mais aussi la responsabilité individuelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

SÉCURITÉ ROUTIÈRE

    M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Bertrand, pour le groupe UMP.
    M. Jean-Michel Bertrand. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement et des transports. (« Encore ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Monsieur le ministre, en décidant de faire de la sécurité routière l'un des trois grands chantiers de son quinquennat, le Président de la République affirme son ambition de mettre un terme à ce qui apparaissait comme une funeste exception française : l'impossible baisse du nombre de tués et de blessés sur nos routes. Nous étions alors, en termes de statistiques - de trop mauvaises statistiques -, l'un des derniers pays de l'Union européenne, le mauvais élève de l'Europe, entendait-on dire régulièrement. En un peu plus d'un an, en préservant des milliers de vies et en épargnant des handicaps et des traumatismes trop souvent irréversibles à nos concitoyens, vous avez, avec vos collègues de l'intérieur et de la justice, réussi à placer la France dans la première moitié du classement en termes de résultats. Depuis dix mois, le nombre de blessés et de tués a ainsi diminué de 20 %, ce qui représente plus de mille vies épargnées.
    Ce résultat est le fruit d'un immense travail et d'une volonté sans faille au sein du Gouvernement, mais aussi d'une mobilisation totale de toute la société : associations, collectivités territoriales, médias, éducation nationale.
    Aujourd'hui, pour continuer à épargner des vies et des blessés et rendre durable votre action de lutte contre la violence routière, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, comment vous envisagez de poursuivre votre action en la matière et ce que vous attendez de la campagne lancée ce matin sur l'alcool au volant, à l'occasion de la quatrième semaine de la sécurité routière ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur Bertrand, au moment de faire le point sur cette grande cause nationale, lancée par le Président de la République le 14 juillet 2002, il faut rappeler les chiffres. Chaque année, hélas !, 8 000 tués ensanglantaient nos routes. Aujourd'hui, sur les douze derniers mois, on compte 1 498 décès et 26 000 blessés en moins ; soit une baisse de 19,8 % des accidents corporels sur les routes.
    Est-ce satisfaisant ? (« Non ! » sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Non ! puisque la route fait toujours 6 000 victimes par an, sans compter les blessés et les accidents matériels, bien entendu. Il faut savoir en outre que celles et ceux qui paient le prix fort sont les jeunes, les deux-roues et les piétons. On compte en effet 2 000 tués chez les jeunes. Pour les deux-roues, les risques sont multipliés par quinze. Quant aux piétons - et les automobilistes sont aussi des piétons - c'est la seule catégorie pour laquelle on a observé une augmentation du nombre des accidents.
    Face à cela, nous ne pouvons évidemment rester inertes. La semaine de la sécurité routière, qui commence aujourd'hui et au cours de laquelle 2 000 animations vont, dans chaque département, rappeler cette ardente obligation, vise à poursuivre l'action engagée par le Président de la République.
    De même, des assises départementales vont reproduire ce qui s'est passé l'année dernière avec les états généraux de la sécurité routière. Nous ferons le meilleur usage de la synthèse des différentes conclusions qui nous reviendront.
    Par ailleurs, il y a aussi la grande campagne contre l'alcool au volant. Rappelons en effet qu'au moins 30 % des victimes de la route sont dus au « trop d'alcool » des conducteurs au volant. Nous attendons une baisse significative des accidents grâce à cette campagne.
    Enfin, d'autres mesures sont prévues : le brevet de sécurité routière à partir du 1er janvier ; le permis probatoire à partir du 1er mars ; puis la pose, dans les prochains jours, avec Nicolas Sarkozy, du premier appareil de détection de l'infraction et de l'envoi automatique de la contravention chez l'auteur de l'infraction.
    Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, cette grande cause nationale n'est pas seulement l'oeuvre du Gouvernement. Nous en appelons au civisme de l'ensemble des Français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

ENFANCE MALTRAITÉE

    M. le président. La parole est à M. Yves Bur, pour le groupe UMP.
    M. Yves Bur. Monsieur le ministre délégué à la famille, récemment plusieurs faits dramatiques ont douloureusement remis sur le devant de l'actualité la nécessité de protéger les enfants, parfois même, et c'est terrible, contre leurs propres parents. Les chiffres communiqués par l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée, l'ODAS, comptabilisent près de 18 500 enfants maltraités en 2002, et 67 500 enfants en situation de danger.
    Pour lutter contre ces maltraitances qui nous interpellent, il nous faut améliorer les dispositifs d'alerte et de signalement pour mieux mobiliser les services concernés, et en particulier pour rendre plus efficace l'intervention des juges pour enfants, qui doivent travailler davantage en réseaux avec les acteurs de terrain.
    Monsieur le ministre, quelles actions entendez-vous engager pour mieux assurer la sécurité et la protection de ces enfants, en vous appuyant notamment sur l'action sociale de proximité conduite par les départements ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la famille.
    M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le député, comme vous, on ne peut être que révolté à la lecture des chiffres qui ont été donnés ce matin par l'ODAS. Nous envisageons trois moyens d'action. Tout d'abord, la mise en place d'un système d'alerte plus perfectionné avec la création de l'Observatoire national de l'enfance maltraitée, qui va être soumise dès demain au Sénat. Il s'agira pour cette instance non pas simplement de comptabiliser, mais au contraire de mieux identifier, de mieux repérer pour ensuite mieux traiter et mieux prévenir. Cet observatoire va s'appuyer sur trois collèges. Le premier reposera sur l'action des départements qui ont la compétence dans ce domaine et qui font un travail exceptionnel - je salue au passage le travail accompli par l'ODAS. Le deuxième rassemblera l'ensemble des administrations qui, à un niveau ou à un autre, sont concernées par les signalements - je pense à l'éducation nationale, à la justice, à la santé, à la police, à la gendarmerie. Le troisième travaillera avec les associations les plus représentatives dans le domaine de l'action et de la protection des droits de l'enfant.
    Notez ensuite qu'au-delà de cet observatoire, qui va nous permettre d'avoir une politique de prévention plus ciblée et plus efficace, nous allons développer les actions de sensibilisation. C'est ainsi que, le 4 novembre prochain, je vais, avec Luc Ferry et Xavier Darcos, présenter un plan de formation au signalement destiné aux enseignants et aux travailleurs sociaux, afin de les aider à mieux identifier et mieux signaler les cas repérés de maltraitance.
    Enfin, nous allons engager une action de sensibilisation en direction du grand public, avec un spot télévisé. Des affiches montreront aussi très concrètement aux enfants leurs droits et appelleront surtout à la responsabilité individuelle sur le signalement. N'oublions pas en effet que toutes les actions qui pourront être mises en place par les collectivités et par l'Etat ne remplaceront jamais la solidarité et la démarche individuelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

LA POSTE

    M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste.
    M. François Brottes. Monsieur le Premier ministre, je ne vais pas vous questionner sur les commis voyageurs, ni même sur les télégraphistes, mais plutôt sur les facteurs. En effet, votre gouvernement est en train de devenir le spécialiste des tournées à blanc, ou plutôt des tournées à découvert, autrement dit des tournées sans facteurs !
    M. René Couanau. C'est vraiment nul comme humour !
    M. Richard Mallié. C'est de l'humour de gauche !
    M. François Brottes. Si j'ai bien conscience que dans une période où la distribution de bonnes nouvelles est une source qui s'épuise (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), ...
    M. Jean-Pierre Brard. Même dans le Poitou !
    M. François Brottes. ... je ne m'explique pas le retard considérable que le Gouvernement est en train d'accumuler pour envoyer à La Poste sa nouvelle feuille de route. En effet, la signature du nouveau contrat de plan entre l'Etat et La Poste est reportée de semaine en semaine depuis des mois et des mois. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    C'est à croire que votre volonté est bien de laisser pourrir la situation : d'une part, pour justifier la fermeture presque annoncée de centaines et de centaines de bureaux de poste ; d'autre part, pour engager dans la foulée la privatisation de l'opérateur postal. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Monsieur le Premier ministre, quelles garanties votre gouvernement peut-il apporter à nos concitoyens que la présence postale sera maintenue sur l'ensemble du territoire et que le prix du timbre restera le même pour tous les Français ?
    M. Jean-Louis Idiart. Eh oui !
    M. François Brottes. Quelle est donc cette méthode de gouvernement qui laisse aux seules banques le soin de décider de l'avenir du service public (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et la présence postale en milieu rural, en s'opposant, par un lobbying insupportable, à l'élargissement des services rendus par La Poste, notamment en matière de services financiers ?
    Monsieur le Premier ministre, en refusant depuis des mois et des mois d'afficher une position claire, vous donnez le sentiment d'organiser le sabordage de La Poste, de ses dix-sept mille points d'accueil et de ses trois cent mille postiers. Pouvez-vous nous dire enfin quelles sont vos intentions pour le service public de La Poste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le député, le contrat de plan de La Poste est assurément un acte pour la communauté postale comme pour l'économie française. Que voulons-nous faire ?
    M. Maxime Gremetz. Rentabiliser !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Doter La Poste d'un vrai projet industriel dans chacune des trois formes de ses activités. C'est la condition nécessaire pour réussir l'ouverture à la concurrence.
    M. Jean-Pierre Brard. Et pour acheminer les lettres ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Nous voulons faire en sorte que La Poste demeure ce grand service public de proximité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et de qualité dont nous sommes fiers et auquel les Français sont très attachés.
    C'est pour cette raison, monsieur le député, que nous nous sommes attachés à tous les problèmes sensibles et stratégiques, ce que la précédente majorité n'a jamais eu le courage de faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ne soyez pas surpris dès lors que le Gouvernement, de concert avec La Poste, ait pris le temps de la réflexion. Aujourd'hui, je puis vous dire qu'après cette réflexion, nous sommes en mesure d'ouvrir le temps de la concertation. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je vais saisir incessamment la commission supérieure du service public des postes et télécommunications.
    La tâche à accomplir est immense. En effet, pour permettre à La Poste de rattraper son retard de cinq ans par rapport à ses concurrents, il va nous falloir réaliser de nouveaux investissements dans des machines de tri plus performantes. Il nous faudra aussi conforter les services financiers, dans le respect, bien sûr, des règles de la concurrence. Enfin, pour qu'elle reste un service public de proximité, nous devons maintenir La Poste dans les zones rurales (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste), grâce à une présence diversifiée, comme c'est le cas chez nos voisins européens.
    J'ajoute que ce gigantesque effort de modernisation de La  Poste est déjà en cours. Il doit continuer à se faire dans un dialogue approfondi avec les agents postiers (Mêmes mouvements) et les organisations syndicales, car ce dialogue intéresse à la fois l'entreprise et chacun de ses salariés, le tout, bien entendu, dans la concertation la plus étroite avec les élus. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

CORPS EUROPÉEN DE GENDARMERIE

    M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour le groupe UMP.
    M. Yves Fromion. Madame la ministre de la défense, vous avez rendu public, il y a quelques jours, le projet de création d'un corps européen de gendarmerie. Pour tous ceux qui sont attachés à la construction d'une défense européenne ambitieuse et efficace, c'est une annonce importante. Pouvez-vous nous préciser les modalités de ce projet ?
    M. le président. Voilà une question brève et bien posée !
    La parole est à Mme la ministre de la défense.
    Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur Fromion, les expériences des crises dans les Balkans ou en Afrique - en Côte d'Ivoire, tout récemment - nous ont montré que, après une période très violente, qu'on appelle de « haute intensité » et où seuls les militaires sont aptes à mener des opérations et avant que nous n'arrivions à une période de retour à la normale où les policiers sont à même de faire leur travail, il existe une période intermédiaire plus calme, mais où des poussées de violence peuvent survenir. Or ce sont les forces de gendarmerie qui, par leur formation et leurs compétences, sont les mieux à même de faire face à ces situations et notamment aux opérations de maintien des foules, sans ouverture de feu.
    En outre, un certain nombre de pays européens ont des forces de gendarmerie, la France, l'Italie avec les Caribinieri, l'Espagne avec la Guardia civil ; le Portugal avec la garde républicaine, l'Autriche, les Pays-Bas.
    Nous avons donc imaginé de mener une action commune qui nous permettrait d'avoir une force européenne de gendarmerie susceptible d'intervenir dans ces périodes intermédiaires. Nous avons décidé ensemble à Rome, au cours du dernier sommet informel des ministres de la défense, de conduire une étude qui aboutirait à un commandement multinational et à des entités, nationales, quant à elles, totalisant 800 à 900 hommes, qui seraient susceptibles d'être projetées dans ces opérations.
    Les études vont être menées et feront l'objet de propositions qui seront soumises à l'ensemble des ministres de la défense de l'Europe, au cours de notre prochaine réunion formelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

AVENIR DES DÉBITANTS DE TABAC

    M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste, pour le groupe UMP.
    M. Christian Vanneste. Ma question s'adresse à M. le ministre du budget et je voudrais y associer notre collègue Etienne Blanc, en tant que président du groupe d'études sur les zones frontalières.
    La consommation du tabac est en baisse en France et il faut s'en féliciter. Cela est sans doute dû aux différentes campagnes dissuasives qui ont été lancées, mais aussi, bien sûr, à la hausse des prix du tabac.
    En tout état de cause, on a noté une diminution de 4 % du nombre des fumeurs, durant les huit premiers mois de 2003 par rapport à 2002. Cela étant, on a observé aussi, dans le même temps, une baisse de 8 % de la vente du tabac. Comment expliquer cette différence ?
    Bien sûr, on pense aux ventes illégales. Mais il existe une autre raison, beaucoup plus importante, celle-là, c'est que de plus en plus de Français se fournissent désormais à l'étranger. C'est le cas, de manière régulière, d'un Français sur dix et de 22 % des habitants des départements frontaliers. Les buralistes de ces départements sont particulièrement touchés par ce phénomène. Dans le Nord, il y a ainsi deux fois plus de fermetures de bureaux de tabac que dans l'ensemble du pays en moyenne.
    Pendant très longtemps, les buralistes ont commercialisé un produit qui était fabriqué et vendu par et pour l'Etat. Aujourd'hui, l'Etat cherche légitimement à freiner la consommation du tabac pour des raisons de santé. Pour autant, le problème demeure. Les buralistes continuent à être des auxiliaires de l'Etat, d'une part parce qu'ils font rentrer des recettes ; d'autre part parce qu'ils continuent, à travers les charges d'emploi, à vendre des timbres fiscaux et postaux.
    Par ailleurs, et c'est l'essentiel, ce sont des commerçants de proximité qui jouent un rôle considérable et qui notamment diffusent d'autres produits. Je pense tout simplement à la presse quotidienne.
    C'est la raison pour laquelle je pense qu'il faut aujourd'hui songer à l'avenir de ces 32 000 entreprises, dont 3 500 sont situées dans les départements frontaliers,...
    M. le président. Monsieur Vanneste, pouvez-vous poser votre question, s'il vous plaît ?
    M. Christian Vanneste. ... et 1 200 dans le département du Nord.
    M. le président. Monsieur Vanneste, d'autres collègues doivent parler après vous. Quelle est votre question ?
    M. Christian Vanneste. Je suis en train de la poser, monsieur le président.
    M. Hervé Novelli. Laissez-le parler !
    M. le président. Allez-y.
    M. Christian Vanneste. Au nom de toutes ces entreprises, je demande à M. le ministre du budget quelles sont les mesures qu'il compte prendre pour pérenniser l'activité des buralistes dans ce pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le député, vous avez raison d'insister sur l'importance et sur l'utilité sociale...
    M. François Hollande. Des cigarettes ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... des débitants de tabac. Le Gouvernement est très attaché au rôle qu'ils jouent dans les villes et parfois plus encore dans le monde rural. Il est à leurs côtés face aux difficultés qu'ils rencontrent actuellement...
    M. François Hollande. Grâce à vous !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... et qui sont liées en effet à la hausse du tabac.
    M. François Hollande. Quelle hypocrisie !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous m'avez demandé ce que le Gouvernement faisait concrètement...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Rien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... en particulier à l'égard des débitants de tabac situés en zone frontalière, les plus touchés, en effet, par les hausses dont vous avez parlé.
    M. Maxime Gremetz. La taxe « BAPSA » !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Un plan a été mis en oeuvre...
    M. Bernard Roman. Un plant de tabac ?
    M. Albert Facon. Le plan Mattei ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... et rendu public, au nom du Gouvernement, par Renaud Dutreil. Il représente un montant de 120 millions d'euros.
    Ce plan comporte deux volets. Le premier permettra d'accroître de 10 % le revenu de chaque débitant de tabac. Il sera accompagné d'un volet supplémentaire en faveur des frontaliers, les plus touchés.
    M. François Hollande. C'est du vent !
    M. Albert Facon. Il ne risque pas de faire un tabac !
    M. Alain Néri. Ce n'est que de la fumée !
    M. Richard Mallié. Pas du tout !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Par ailleurs, il nous faudra continuer à travailler pour lutter contre la fraude.
    M. Marcel Dehoux. Vous supprimez des douaniers !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il vous sera proposé, à l'occasion de la loi de finances, le renforcement des peines et notamment des peines de prison. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous savons également que les débitants de tabac sont aux côtés de l'Etat pour lutter contre la fraude. Nous veillerons à répondre à leurs problèmes. (Mêmes mouvements.) Une charte sur l'avenir des débits de tabac est d'ailleurs en cours de discussion avec eux. Elle va justement dans le sens de l'extension des services qu'ils peuvent rendre à la population. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Monsieur Vanneste, si je me suis montré assez ferme sur la durée de votre intervention, c'est qu'après vous doivent s'exprimer un certain nombre de vos collègues et que chacun a le droit au même temps de parole. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

JOURNÉE NATIONALE D'HOMMAGE
AUX COMBATTANTS D'AFRIQUE DU NORD

    M. le président. La parole est à M. Michel Dasseux, pour le groupe socialiste.
    M. Michel Dasseux. Monsieur le Premier ministre, c'est avec stupéfaction et indignation que nous avons pris connaissance de la décision arbitraire du Président de la République de retenir la date du 5 décembre (Exclamations et protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) comme « journée nationale d'hommage aux combattants morts pour la France en Afrique du Nord ».
    M. Hervé Novelli. Lamentable !
    M. Michel Dasseux. Stupéfaction d'abord, sur la méthode employée : sans concertation avec le monde combattant (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française) et sans consultation du Parlement, contrairement à ce qu'avait fait le gouvernement de Lionel Jospin pour la date du 19 mars. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Indignation ensuite sur l'intitulé de cette journée et sur la date retenus : parler de « journée nationale de recueillement et de mémoire en souvenir de toutes les victimes de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc » aurait le mérite de rappeler la mémoire de l'ensemble des victimes du conflit - appelés, rappelés, maintenus, militaires de carrière, harkis, Français d'Algérie, populations algériennes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Thierry Mariani. C'est un mensonge !
    M. Michel Dasseux. Quant à la date en question, elle ne correspond à aucun événement historique ou symbolique. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Bernard Deflesselles. C'est faux !
    M. Michel Dasseux. Le 11 novembre, le 8 mai sont des dates symboliques de fin des hostilités. Pour la guerre d'Algérie, ce serait donc le 5 décembre, date d'inauguration en 2002, quai Branly, d'un mémorial dédié aux combattants d'Afrique du Nord ? Il s'agissait peut-être de la seule date disponible sur l'agenda du Président de la République... (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Deflesselles. C'est minable !
    M. Richard Mallié. C'est nul !
    M. le président. S'il vous plaît !
    M. Michel Dasseux. La preuve : prévue pour le 27 novembre, elle avait été repoussée au 5 décembre.
    A chacun ses symboles. Mais tous les anciens d'Algérie, leurs familles, et bien au-delà, rejettent votre choix qui divise. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Ma question est simple, monsieur le Premier ministre.
    M. Claude Goasguen. C'est de la provocation !
    M. le président. Posez votre question, monsieur Dasseux.
    M. Michel Dasseux. J'y viens, monsieur le président. Monsieur le Premier ministre, allez-vous persister (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) dans cette décision contraire au sens de l'histoire et qui méprise la volonté d'une large majorité...
    M. le président. Merci, monsieur Dasseux.
    M. Michel Dasseux. ... ou bien allez-vous avoir le courage d'entamer à nouveau un dialogue avec le monde combattant et soumettre votre choix à la représentation nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux ancien combattants.
    M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Monsieur le député, je vais essayer de quitter le terrain de la polémique et de l'agressivité pour me placer sur celui de la compréhension et de l'explication. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Enfin ! il a fallu quarante ans d'attente pour qu'on puisse rendre hommage officiellement à ceux qui ont été jusqu'au sacrifice ultime de leur vie pour notre pays. C'est bien là l'essentiel, mesdames et messieurs les députés ! Cette décision est en outre le résultat, monsieur Dasseux, de maintes concertations. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. François Lamy. Et le Parlement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants. En effet, j'ai reçu personnellement tous les présidents d'association en audience particulière. Une commission, la commission dite Favier, a été mise en place, dans laquelle siégeait l'ensemble des associations représentatives. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Glavany. Et le Parlement ? On est en démocratie parlementaire !
    M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Il était donc naturel de suivre son avis et de retenir la date du 5 décembre.
    Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe communiste. Non !
    M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants. J'ajoute, monsieur le député, que le 5 décembre renvoie à un moment exceptionnel dans notre pays, celui de l'unité nationale. Car étaient représentées, au moment de l'inauguration à laquelle vous avez fait allusion, toutes les sensibilités de votre assemblée (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) et toutes les associations concernées. C'est pourquoi la date significative du 5 décembre a été choisie. Vous comprendrez que nous ayons préféré retenir, plutôt que la date polémique que vous n'avez pas citée mais qui occupait vos pensées, celle du 5 décembre, car c'est une date qui nous honore et qui rassemble la confraternité combattante. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Huées sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communiste et républicains.)

ATTAQUES DE LOUPS

    M. le président. La parole est à M. Daniel Spagnou, pour le groupe UMP.
    M. Daniel Spagnou. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Elle peut sembler anodine à notre assemblée, mais revêt pourtant un caractère de gravité pour mon département. En effet, cet été, dans les départements alpins, nombre d'attaques de loups ont semé le désarroi et la colère chez les bergers et les éleveurs ovins. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Ces derniers sont démunis face aux agressions répétées des prédateurs, qui ont occasionné des pertes importantes tant chez le mouton que dans la faune sauvage. C'est une véritable hécatombe à laquelle nous sommes confrontés. Les éleveurs nous ont bien sûr fait part de leur mécontentement. Ils ont l'impression que le travail de réflexion, de constat et de proposition effectué dans le cadre de la commission d'enquête parlementaire présidée par M. Christian Estrosi, et dont j'ai été le rapporteur, n'a rien apporté de nouveau, et qu'il faut très vite légiférer. Il en va de l'avenir même de nos territoires de montagnes, dont le pastoralisme est l'une de nos richesses. Qui entretiendra la montagne s'il n'y a plus de troupeaux ?
    Aussi, je vous demande, madame la ministre, quelles sont vos intentions. Priorité sera-t-elle donnée enfin à l'homme dans la montagne face aux prédateurs ? Enfin, quand le Parlement sera-t-il saisi afin de voter une nouvelle loi ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - « Hou ! Hou ! » et rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Mes chers collègues, ne vous excitez pas !
    La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Ceux qui se moquent de cette question ont tort (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), car vous n'imaginez pas le désarroi, et parfois le désespoir, des pasteurs et des éleveurs qui voient, à la suite de dérochements, périr plusieurs centaines de leurs bêtes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Cher monsieur Daniel Spagnou, permettez-moi, avant de vous répondre, de vous apporter le témoignage de solidarité et d'émotion du Gouvernement, et je pense de vos collègues de l'Assemblée nationale, après l'attentat dont vous avez été victime dans votre mairie de Sisteron. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Vous notez une recrudescence des attaques de loups dans les départements alpins. La situation est en fait très contrastée. Ainsi, cette augmentation est particulièrement importante dans les Alpes-de-Haute-Provence que vous représentez.
    Là où je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous, c'est quand vous dites que les éleveurs et les pasteurs sont démunis devant cette situation.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Que fait le ministre de l'intérieur ?
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Le cadre d'action renforcé que nous avons mis en place avec Hervé Gaymard...
    M. François Hollande. Un autre jeune loup !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. ... à la suite des propositions de la commission d'enquête, présidée par Christian Estrosi...
    M. Albert Facon. Il chasse les loups avec sa moto ?
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. ... et dont vous étiez le rapporteur, a permis d'abaisser le seuil d'intervention lors des attaques de loups.
    Nous avons optimisé les moyens de prévention et nous avons prévu des mesures d'accompagnement en direction des éleveurs attaqués : effarouchement des loups, accompagnement psychologique des bergers et interventions des techniciens pastoraux.
    Tout cela, bien évidemment, n'est pas suffisant. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, ONCFS, de lancer un appel d'offres européen afin de trouver un laboratoire compétent et rapide pour l'élaboration d'analyses génétiques. Nous aurons les résultats de cet appel d'offres à la fin de cette semaine.
    De plus, nous mettons sur pied un plan de gestion du loup comprenant en particulier une dimension transfrontalière. Le groupe de travail est en train de se constituer et, bien entendu, monsieur le député, je vous invite à y participer.
    Le maintien du pastoralisme dans les régions alpines est absolument indispensable pour conserver la biodiversité. C'est la raison pour laquelle les techniques d'indemnisation et de prévention sont au coeur de la politique que nous menons avec Hervé Gaymard. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE

    M. le président. La parole est à M. Michel Roumegoux, pour le groupe UMP.
    M. Michel Roumegoux. Monsieur le secrétaire d'Etat aux personnes âgées, les événements de cet été ont fait davantage prendre conscience de l'importance du vieillissement dans notre pays et de la nécessité d'y faire face par une prise en charge adaptée et mesurée. L'allocation personnalisée d'autonomie est à cet égard une prestation essentielle pour aider les personnes âgées à préserver leur autonomie.
    En raison d'une montée en charge plus rapide que prévu, on pourrait dire aussi « aussi rapide qu'imprévue » et surtout de l'absence d'un financement initial pérenne imputable au précédent gouvernement - il manquait en effet pas moins de 1,2 milliard d'euros pour assurer le financement de l'APA -, l'équipe gouvernementale actuelle a dû mettre en oeuvre dans l'urgence au début de cette année une réforme indispensable pour préserver cette prestation en adoptant avec le Parlement des mesures visant à assurer des conditions de financement pour 2003.
    La question du financement reste entière ici, comme pour ce qui est souhaitable en terme de réforme, la seule solution avancée par la majorité précédente consistant à dire « l'Etat paiera », c'est-à-dire à accepter l'augmentation des déficits.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, qu'en sera-t-il donc pour 2004 ? Face à l'accroissement du nombre de personnes âgées dépendantes dans notre pays, pouvez-vous nous dire quel sera l'avenir de l'allocation personnalisée d'autonomie ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
    M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le député, il y avait, à la fin du mois de juin 2003, 743 000 bénéficiaires de l'APA. A la fin de l'année, ils seront 870 000 bénéficiaires. Nos prévisions effectuées à la fin de l'année 2002 se sont donc révélées exactes, et les mesures que nous avions prises ensemble pour réajuster et surtout sauvegarder et financer cette mesure sociale étaient bonnes.
    M. le Premier ministre annoncera dans quelques semaines un plan « vieillissement solidarité ». (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Roman. Avant les élections !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Nous allons, dans le cadre de ce plan, pérenniser l'APA et la financer pour les années à venir. C'est donc, monsieur le député, grâce au réalisme et à la responsabilité du Gouvernement (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-es communistes et républicains), que nous allons parvenir à préserver cette bonne mesure sociale. Mes chers collègues, la démagogie a ses limites (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), et la réalité impose un peu de dignité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq sous la présidence de M. François Baroin.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

3

LOI DE FINANCES POUR 2004

Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2004 (n°s 1093, 1110).

Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour un rappel au règlement.
    M. Didier Migaud. Monsieur le président, la commission des finances a commencé à examiner la semaine dernière le projet de loi de finances pour 2004 ; elle s'est encore réunie en fin de matinée. Or nous avons lu avec étonnement, voire stupéfaction, dans un journal quotidien que, conformément aux voeux du Premier ministre, le général Raffarin - le qualificatif est de moi ! - le président UMP de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Pierre Méhaignerie, avait annoncé, hier, le retrait de plusieurs des amendements au projet de loi de finances pour 2004 adoptés la semaine dernière par la commission.
    Nous nous étonnons, monsieur le président, et nous avons besoin de précisions pour la suite de nos travaux. En effet, soit ce qui est décidé en commission des finances a de la valeur et nous sommes d'accord pour continuer ; soit cela ne correspond à rien, ce n'est que du théâtre, de l'affichage et il est préférable de nous le dire clairement.
    Certes, l'UMP nous a déjà habitués à se coucher devant le Gouvernement ou à retirer des amendements après leur discussion, mais, en l'occurrence, l'intervention précède leur examen en séance. Cette précipitation pose tout de même un problème.
    Nous estimons même que cela est totalement contraire à l'esprit dans lequel travaille la commission des finances et aux habitudes parlementaires.
    Je voudrais donc que le président de la commission des finances nous rassure, car nous voudrions savoir si nous allons avoir un vrai débat en séance ou si, le général Raffarin...
    M. Jean-Louis Dumont. L'adjudant-chef !
    M. Didier Migaud. ... ayant rappelé ses troupes à l'ordre, la discussion est déjà close avant même d'avoir commencé.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, j'ai déjà rassuré M. Didier Migaud. Les amendements adoptés par la commission seront maintenus ce qui lui donnera peut-être l'occasion de les voter. Il sait d'ailleurs très bien que le président de la commission des finances n'a pas la capacité de retirer des amendements qu'elle a votés.
    Il sait aussi ce qu'il en est de la communication. Si l'information donnée est mauvaise, cela peut tenir à une erreur du communicant ; mais ce peut-être aussi de celui qui l'a diffusée. Je ne peux pas lui affirmer que tel a été le cas en l'occurrence, mais je peux le rassurer : les amendements adoptés par la commission viendront bien en discussion.

Discussion générale (suite)

    M. le président. Ce matin, l'Assemblée continue d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
    La parole est M. Jean-Claude Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. « Désormais, vous êtes sous le contrôle des marchés financiers. » Ces paroles, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, sont celles adressées aux chefs d'Etat réunis au Forum de Davos par M. Hans Tietmeyer, président de la Bundesbank en 1996. La gazette fait état d'applaudissements nourris de la part des chefs d'Etat. Cela signifie que, au-dessus des gouvernements - à moins que ceux-ci s'en fassent les complices -, au-dessus des parlements, des juges, des journalistes, des syndicats, des scientifiques, des églises, des armées, règnent les marchés financiers.
    Le projet de loi de finances pour 2004 qui nous est présenté aujourd'hui est le reflet de cet état du monde et de la France. Ainsi que cela a été écrit dans le journal Les Echos, il traduit de « vrais choix politiques ». Il est ajouté : « Cela est vrai notamment de la politique fiscale qui cible clairement les hauts revenus », pour les favoriser bien entendu ! Il s'agit donc d'un budget prisonnier des dogmes libéraux qui plongent le pays dans la tourmente.
    Quand tous les indicateurs sont négatifs - et c'est actuellement le cas - c'est bien l'essence même des choix qu'il faut remettre en cause : croissance proche de zéro, déficit record avec un déficit de rentrées fiscales de plus de 9 milliards d'euros, destruction de 58 000 emplois et record des « défaillances » d'entreprises durant le premier semestre, loi de finances 2003 complètement virtuelle, consommation des ménages en baisse, investissement productifs anémiés, chômage qui va atteindre les 10 % malgré les « nettoyages » des fichiers, record de hausse des prix - 2,2 % sur un an -, la liste est longue des motifs d'inquiétude. Et je n'insiste pas sur ce scandale des gels de crédits qui non seulement ont atteint un niveau record, mais, surtout, ont touché des domaines que vous présentiez aux Français comme prioritaires. Je ne donne que l'exemple des crédits de la sécurité maritime, celle de nos côtes, qui a subi une baisse de 20 % en fonctionnement et de 50 % en crédits de paiement par rapport au budget initial pour 2003. Où est donc la priorité proclamée haut et fort dans les médias ?
    Au pouvoir depuis dix-huit mois, votre responsabilité est pleinement engagée sur chacun de ces points.
    Ayant un bilan désastreux, le Gouvernement en est réduit à nous prédire des lendemains qui chantent. Cet optimisme est, comme le dit l'économiste historien Michel Beaud : « le masque d'intérêts acquis, le masque de l'impuissance, de l'incapacité ou du renoncement ». Cet optimisme affiché est surtout le refus de remettre à plat les politiques déflationnistes inscrites dans le marbre européen du pacte de stabilité, que les rodomontades de Matignon n'ont jamais réellement égratignées.
    La preuve, M. Pedro Solbes, commissaire européen, nous explique que « ramener en 2005 le déficit en dessous de 3 % ne peut se faire qu'au prix d'un effort en 2004 beaucoup plus important ». Le ton est donné. Surtout, cela veut dire que, une nouvelle fois, le budget que l'on nous présente risque d'être aussi virtuel que celui de 2003 !
    Nombreux sont d'ailleurs les économistes qui s'interrogent aujourd'hui sur la pertinence de la pression sur le coût salarial, sur le freinage des dépenses sociales, prétendument pour favoriser l'emploi. Ainsi un économiste américain - je pense qu'il n'est pas communiste ! -, Robert J. Gordon, explique, dans la revue de l'OFCE de janvier 2003, que la déformation du partage du revenu au détriment du salaire est la cause principale de cette croissance molle que nous connaissons.
    Rappelons-nous que la part des salaires et pensions est passée de 69 % de la valeur ajoutée en 1982 à 58 % aujourd'hui. Où est la primauté du travail qui est votre slogan ?
    La gangrène des marchés financiers est passée par là, stérilisant de plus en plus de ressources pour assurer à une caste de privilégiés des dividendes de 15 %, des augmentations de salaires de 20,75 % en moyenne en 2002 pour les vingt plus grands patrons de notre pays, alors que la croissance est à peine de 1 % et l'inflation de 2 %. Cherchez l'erreur ! Les voilà les responsables : ceux qui dévalorisent et découragent le travail !
    Face à une telle dictature des marchés financiers, face à une telle horreur économique, il est urgent de dire non. C'est ce qu'explique l'économiste-journaliste Jean-Claude Guillebaud dans son dernier ouvrage Le Goût de l'avenir.
    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Remarquable !
    M. François Bayrou. Oui, très bon livre !
    M. Jean-Claude Sandrier. Justement, je vais vous en donner une citation parce que vous ne devez pas connaître ce livre par coeur : « On connaît l'antienne opposée aux rêveurs » - ce doit être nous - « qui s'obstinent à croire qu'un autre monde est possible. Quelle situation concrète proposez-vous ? C'est cette inclinaison capitularde qu'il me paraît urgent de combattre [...] Au fond, il est urgent de ne pas consentir. Aimer l'avenir passe paradoxalement par un mot de trois lettres qu'il faut réapprendre à articuler : non ».
    Le Gouvernement est dans cette attitude d'accompagnateur des marchés financiers, du MEDEF et de la caste des puissants. Il s'agit d'un choix délibéré que l'on veut nous faire passer pour le seul possible. Ainsi que le dit le professeur Jacquard : « Cette société va dans le mur et tout le monde semble y aller joyeusement. » Et ce n'est pas la petite opération politicienne sur les 35 heures qui va rendre « sexy » votre bilan de dix-huit mois.
    Il est pathétique de vous voir sauter sur le moindre prétexte pour tenter de surnager au milieu de ce bilan catastrophique. Celui des 35 heures, qui seraient responsable de tous nos maux, a fait long feu. Comment expliquer, en effet, que l'Allemagne, l'Italie ou le Portugal soient en récession, ou presque, comme la France, alors que ces pays n'ont pas les 35 heures ? Comment, surtout, expliquer à deux Français sur trois, attachés à ces 35 heures qui ont permis de créer 350 000 emplois, de réaliser des gains de productivité de 4 % à 5 %, de donner du temps pour la famille et la vie associative sociale, que l'on va supprimer cette mesure ?
    J'ajoute que le risque, aujourd'hui, n'est pas seulement économique. Il est aussi politique, car vos choix peuvent jeter le pays dans une aventure populiste dangereuse, qui pourrait être tragique si l'on n'écoutait pas le pays réel. La précarisation de la vie, l'insécurité sociale, l'amoindrissement de tout dispositif de sécurité collective - que ce soit pour les retraites, la santé, le travail ou les services publics - participent de cette spirale négative. C'est dans ce cadre que vous avez construit le budget pour 2004.
    En ce qui concerne les hypothèses économiques que vous avez retenues, comment ne pas être circonspect devant l'annonce d'une croissance de 1,7 % l'an prochain, alors que l'année se termine sur une stagnation du PIB ? Que ce soit pour la loi de finances rectificative de 2002, ou pour la loi de finances 2003, vos prévisions ont été très approximatives. Et vous recommencez.
    Pourtant un rapport de la CNUCED précise que « les récentes performances américaines » - sur lesquelles vous appuyez beaucoup votre discours - « ne doivent pas faire illusion ». De plus, cette augmentation de 1,7 % est d'autant plus hypothétique qu'elle bute sur une politique budgétaire restrictive.
    Votre choix est de livrer aux appétits des marchés financiers des pans entiers de notre économie aujourd'hui épargnés, comme les services publics ou la protection sociale. Tout est fait pour briser notre modèle socio-économique issu de la reconstruction, un modèle mixte dans lequel le collectif assurait une cohésion sociale maximale.
    En Angleterre et aux Etats-Unis, ce vaste mouvement de casse a eu lieu dans les années 80, durant lesquelles Mme Thatcher affirmait doctement qu'il n'y avait pas de société, mais seulement des individus. C'est ce modèle que vous souhaitez nous imposer alors que l'on connaît les ravages qu'il cause dans la vie économique et sociale.
    Au cours des trois exercices où vous aurez eu les commandes, monsieur le ministre, vos choix auront contribué à générer plus de 160 milliards d'euros de déficit, Etat plus sécurité sociale. A cet égard, je le répète, n'allez pas accuser les autres, car personne ne comprendrait qu'à des déficits antérieurs, vous ayez délibérément ajouté d'autres déficits en 2002, en 2003 et en 2004.
    De plus, ce déficit, que vous continuez à alourdir, se sera révélé inefficace, car il n'aura permis aucune relance, ni la consommation des ménages ni la dépense publique ne pouvant soutenir la croissance pour 2004. Or l'examen des comptes de la nation pour 2001, et encore plus pour 2002, nous montre qu'il s'agit des deux moteurs principaux de la croissance, puisque celle de 1,2 % qu'a connue le PIB en 2002 n'a été obtenue que grâce à la progression de la consommation des ménages et des administrations publiques pour, respectivement, 0,6 % et 1 %.
    En la matière, il est faux de prétendre que vous ne pouvez agir sur la croissance, comme si elle était une sorte de phénomène extraterrestre. La réalité, c'est qu'une politique de croissance est incompatible avec une politique menée pour favoriser les riches et dirigée contre la consommation et l'investissement public. En effet, si les dépenses sociales et de développement sont attaquées, les prélèvements financiers continuent de plomber la valeur ajoutée.
    Cela justifie la baisse en francs constants de budgets dynamiques, comme celui de l'équipement, des transports et du logement, de budgets d'avenir. Le maintien en volume des dépenses d'Etat et une hausse excessive du budget de la défense démontrent que les considérations sécuritaires prévalent, sans effet sur l'emploi dans notre pays. D'ailleurs, l'exemple de GIAT en témoigne : un budget de la défense qui permet la suppression de 70 % des emplois de son principal industriel d'armement terrestre ne peut être bon.
    Ces choix sont profondément inégalitaires et, surtout, inefficaces.
    Il faut tordre le cou aux affirmations selon lesquelles les impôts baissent, car cela n'est pas vrai. En effet, un examen conjoint du PLF et du PLFSS montre que la totalité des hausses des prélèvements l'emporte sur le total des baisses. Dans ces conditions, je me demande comment vous pouvez prétendre que la baisse des impôts sera de 1,01 % ! Et il faut encore ajouter la hausse des taxes et impôts locaux. Il est vrai que ce ne sont pas les mêmes couches de population qui sont touchées par les unes et par les autres.
    Les plus fortunés seront les grands gagnants de ces choix - de classe, appelons-les par leur nom ! Ce n'est pas un journal communiste, loin s'en faut, mais l'hebdomadaire Le Point qui, dans un numéro récent, détaille les niches fiscales dont peuvent bénéficier les hauts revenus. Ainsi, un cadre dirigeant, célibataire, dont le salaire net est de 200 000 euros par an pourra, en cumulant la baisse de 3 % de l'impôt sur le revenu, la nouvelle réduction accordée pour les emplois à domicile, le nouveau plan d'épargne retraite et les mesures de réduction d'impôt pour l'aide aux PME et aux sociétés cotées, réduire le montant de son impôt sur le revenu de 34 %, le faisant passer de 72 000 euros en 2003 à 47 000 euros en 2004 ! Dans le même temps, une personne non imposable possédant un véhicule roulant au gazole, acquittant la taxe d'enlèvement des ordures ménagères - dont le montant explose partout en France -, et devant se rendre à l'hôpital, verra ses prélèvements s'accroître.
    Essayer de cacher des choix d'une telle violence envers les plus faibles derrière un raisonnement pseudo-économique n'est pas admissible. Or cette violence s'exprime aussi par la réduction des moyens accordés aux services et entreprises publics et elle vous conduit à opérer des choix profondément antisociaux, comme la diminution de la durée de l'allocation spécifique de solidarité qui va jeter des milliers, voire des centaines de milliers, de nos concitoyens dans le RMI, puis le RMA, conformément à votre volonté de fournir de la main-d'oeuvre à vil prix à un grand patronat conservateur et rétro, tout en alourdissant les impôts locaux pour payer la facture.
    Cette violence, elle s'exprime aussi dans la réduction de 7 % des crédits pour le logement, en particulier le logement social, ce qui contribue à l'exclusion. C'est un budget régressif, comme l'a souligné l'abbé Pierre.
    Cette violence, elle se voit également dans le budget de l'éducation nationale dont on voudrait nous faire croire qu'il est sanctuarisé. Mais ce n'est pas vrai puisque de nombreux postes sont supprimés et, surtout, qu'il y aura des milliers de jeunes adultes en moins, ce qui aura pour conséquence la disparition de l'aide aux devoirs et du travail sur ordinateur. Le pays n'investit pas suffisamment dans la formation, ni dans l'éducation de sa jeunesse, ni dans la recherche où l'augmentation prévue ne compense pas la baisse de cette année.
    Evidemment, les choix budgétaires opérés ont des conséquences néfastes sur les collectivités territoriales. Des projets majeurs de transport urbain ne bénéficieraient pas de l'aide promise par l'Etat. C'est également le cas pour les contrats de plan Etat-régions.
    La mise en place de transferts de charges s'annonce catastrophique pour les ménages. D'ores et déjà, la DGF attribuée aux communes, à périmètre constant, hors dotation d'aménagement, augmentera moins que l'inflation. C'est encore une fois le partage entre le travail et le capital qui va se déplacer au détriment des revenus du travail.
    Pour notre part, membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, nous proposons de sortir de cette dictature des marchés financiers, de retrouver des marges budgétaires, mais aussi monétaires, par le biais du crédit.
    Vivendi, Alstom, France Télécom, Daewoo, MetalEurop sont là pour nous alerter sur cette course folle à une concurrence destructrice et à des rendements financiers qui pèsent lourds dans les bilans.
    C'est l'ancien PDG d'Alstom qui dénonce les choix stratégiques effectués à partir de 1995 où « la logique financière préside à la mise sur le marché d'Alstom... ». Il affirme aussi que, pour séduire les marchés, on en est arrivé à un « enchaînement diabolique ».
    Il n'est pas étonnant que notre demande d'une commission d'enquête parlementaire sur les entreprises privées bénéficiant ou ayant bénéficié de marchés ou d'aides publics soit rejetée !
    A cette concurrence destructrice, il faut opposer le partage des coûts de recherche et un autre financement en fonction de l'emploi et des richesses créées.
    Choisir le travail plutôt que les dividendes, voilà la vraie question.
    Sur le plan budgétaire, nous préconisons un rendement de l'impôt sur le revenu qui atteigne, comme chez nombre de nos voisins européens, 8 à 9 % du PIB - on en est très loin.
    Dans le même temps, nous préconisons une baisse ciblée de TVA et une baisse de la TIPP, qui sont les prélèvements les plus injustes.
    Nous proposons également la suppression de l'exonération uniforme des cotisations patronales, car elle n'exige aucune contrepartie. Il faudrait moduler ces exonérations en fonction de l'emploi créé et des richesses produites.
    Pour enrayer cette gangrène des marchés financiers, nous mettrons en débat trois taxes : la taxe Tobin, qui pénalise les transferts de capitaux spéculatifs ; la taxe sur les investissements directs à l'étranger, applicable à tous les pays, avec un taux variable ; enfin, la création d'une taxe unitaire sur les bénéfices permettrait de déjouer la manipulation des multinationales qui mettent à l'abri leurs bénéfices réels.
    M. Marc Laffineur. Et la taxe sur le temps de parole ?
    M. Jean-Claude Sandrier. Ces trois propositions devraient d'ores et déjà être versées au débat européen, afin que l'Union européenne joue un rôle de régulation de la mondialisation financière.
    Concernant les collectivités locales, je voudrais rappeler ce que notre rapporteur général disait au Congrès des maires de France, en novembre dernier : « La fiscalité future devrait suivre l'évolution de l'économie en l'adossant aux activités en expansion. » Sur le constat, nous ne pouvons qu'être d'accord. Mais, si la taxe professionnelle en 1976, assise sur les activités productives, collait à peu près à cette définition, aujourd'hui la TIPP, dont on veut donner une part aux département et aux régions, n'y correspond nullement.
    Nous proposons une taxe additionnelle sur les actifs financiers des entreprises non financières. En 2001, la totalité de ces actifs représentait 4 000 milliards d'euros. En les taxant à 0,3 %, ce qui est très peu, 12 milliards d'euros pourraient être dégagés.
    Favoriser les crédits pour l'emploi, la formation, les salaires, en bonifiant les prêts et pénaliser les crédits finançant des opérations financières, tel devrait être l'objectif des banques centrales et de la Banque centrale européenne.
    Ce n'est manifestement pas le choix que vous avez fait avec ce budget pour 2004, un budget qui va enfoncer un peu plus le pays dans la crise, un budget insincère, un budget qui est construit contre l'emploi et pour les marchés financiers.
    Et je terminerai par où j'ai commencé. Le constat que nous faisons, c'est que les Etats sont contraints de céder sur leur territoire - à travers leurs politiques budgétaires et fiscales - aux diktats des sociétés financières ou industrielles transnationales. Vraiment, il faut savoir dire non !
    La privatisation de tout, y compris de l'Etat, détruit la liberté de l'homme. Elle anéantit la citoyenneté.
    Une économie qui génère et célèbre la concurrence individuelle à outrance, la précarité de l'emploi, la fragilité des statuts sociaux, le salaire au mérite, est une économie génératrice d'angoisses. Un homme qui a constamment peur pour son emploi, son salaire et ses droits, n'est pas un homme libre. C'est ainsi que l'on ouvre les portes à un dépérissement de la démocratie politique.
    Ainsi, au lieu de rassembler les forces vives, vous les divisez. Au lieu de revaloriser le travail, vous valorisez les dividendes. Car il n'y a qu'un moyen de revaloriser le travail, de créer des richesses nouvelles et de l'emploi, et d'assurer un nouveau développement social, c'est de remettre en cause le primat de la rentabilité financière !
    Vous faites l'inverse !
    Parce que la France des dividendes est en train de tuer la France du travail et que votre budget en est l'expression, les députés communistes et républicains voteront contre ce budget 2004, le pire présenté depuis au moins vingt-cinq ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur.
    M. Marc Laffineur. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous commençons la discussion du budget dans un contexte économique difficile. En effet, l'éclatement de la bulle internet et les incertitudes internationales au lendemain du 11 septembre ont conduit à une grave dégradation de la conjoncture mondiale depuis deux ans. La normalisation de la situation internationale et boursière ainsi que le soutien des politiques économiques laissent néanmoins présager une reprise de la croissance d'ici à la fin de l'année.
    C'est face à ces difficultés qu'a dû être bâti le projet de budget pour 2004, budget à la fois de transition pour préparer le retour de la croissance et de continuité quant à l'esprit qui préside à la réforme de l'Etat.
    Un contexte international et économique difficile, disais-je, car si la croissance française risque d'être l'une des plus basses des trente dernières années, l'amélioration des perspectives mondiales se reflète dans le redressement actuel des marchés financiers et la confirmation de la reprise aux Etats-Unis où on a enregistré, pour la première fois depuis le début de l'année, une création nette de 57 000 emplois.
    La reprise apparaît également bien engagée en Asie, où le Japon bénéficie d'un redémarrage plus prononcé que prévu de l'activité, en dépit de la déflation qui subsiste et de la faiblesse persistante des bilans financiers.
    La Chine garde quant à elle une croissance robuste tandis que les pays émergents de la zone profitent du redémarrage du commerce mondial, qui devrait croître de 5,2 % et 7,2 % en 2003 et 2004, après 0,3 % et 3,3 % seulement en 2001 et 2002.
    En Europe, dans un contexte international plutôt défavorable, le ralentissement conjoncturel s'est accentué au premier semestre, avec une stagnation générale de l'activité dans la zone euro. Le repli des exportations et des investissements, le ralentissement de la consommation des ménages au profit de l'épargne suite à l'absence de visibilité liée à la crise irakienne et la hausse temporaire du prix du pétrole qui s'ensuivit, et enfin la remontée du chômage, ont marqué, avec certes des situations nationales plus ou moins contrastées, la tonalité générale de l'économie européenne cette année.
    Ainsi, si l'Allemagne, l'Italie et le Portugal traversent une conjoncture très difficile, l'Irlande et surtout l'Espagne connaissent un taux de croissance soutenu et un taux de chômage en baisse.
    En effet, après un point bas au printemps, les derniers indicateurs font espérer une amélioration des perspectives d'activité pour les prochains mois. L'apurement des bilans, l'assouplissement des conditions monétaires et financières et la désinflation permise par le repli des prix du pétrole laissent présager un redémarrage de la demande interne au cours des prochains trimestres. Ce redressement devrait porter la croissance de la zone euro à 1,7 % en moyenne en 2004, après 0,4 % en 2003.
    Notre économie n'a pas été épargnée par le ralentissement conjoncturel du premier semestre. Le tassement de l'activité enregistré au printemps a été accentué par des facteurs exceptionnels, dont les grèves, mais leur dissipation laisse entrevoir que la croissance est de retour. Nous payons cependant toujours l'immobilisme des années antérieures. En plus des nombreuses dépenses incompressibles de fonctionnement engagées par le précédent gouvernement en période de croissance - 35 heures, APA, SDIS -, celui-ci avait décidé de reporter toutes les réformes de structure nécessaires au redressement de notre nation. De ce fait, les trois principaux moteurs de la croissance sont en panne. En premier lieu, nos exportations sont pénalisées par la persistance d'un euro fort par rapport au dollar, qui renchérit nos produits sur les marchés extérieurs. En deuxième lieu, l'investissement souffre de la position attentiste des chefs d'entreprise face à l'incertitude de la situation internationale. Enfin, la consommation demeure atone mais elle a de fortes perspectives d'évolution favorable, en raison notamment d'un taux d'épargne record.
    Il faut donc mettre le cap sur la croissance et l'emploi et, pour rebondir face à cette conjoncture dépressive, envoyer des signaux forts aux différents acteurs économiques, en s'appuyant sur une forte volonté ministérielle de maîtrise de la dépense, de relance de l'investissement en donnant un nouveau souffle à la recherche, de réhabilitation de l'effort et du travail, afin de créer les conditions nécessaires et indispensables à la refondation d'une croissance durable.
    On ne peut donc que se féliciter de ce budget et le soutenir. Réaliste et courageux, il s'inscrit dans la continuité de l'action menée par le Gouvernement depuis dix-huit mois et repose sur des prévisions de croissance que tous les experts s'accordent à dire prudentes. Dans un tel contexte, c'est certainement le meilleur budget que l'on puisse faire.
    Le budget 2004 s'articule donc autour de quatre grands axes : encourager le travail et favoriser l'emploi ; renforcer les solidarités intergénérationnelles ; stimuler la création d'entreprises dans les nouvelles technologies et dans les zones défavorisées ; maîtriser la dépense publique, poursuivre les réformes de structure, moderniser la procédure budgétaire et simplifier l'impôt. Au total, sur vingt-trois dispositions fiscales, vingt-deux sont favorables aux Français.
    Avant toute chose, ce budget replace le travail au centre de nos priorités. Sans travail, et donc sans incitation à travailler ou à se remettre au travail, il n'y a pas de croissance. C'est pourquoi le Gouvernement - et la majorité le soutient vivement dans cette démarche - entend remettre au coeur du fonctionnement de la société la valeur travail et la juste rémunération qui lui est inhérente.
    Le travail est au centre du projet personnel de la personne humaine. Il est source de liberté, d'épanouissement et d'accomplissement personnel...
    M. Augustin Bonrepaux. Surtout pour ceux qui n'en ont pas !
    M. Marc Laffineur. ... de progrès, au meilleur sens du terme ; c'est par lui que l'homme devient homme et s'intègre dans la société.
    C'est en ce sens qu'il faut interpréter la poursuite de la baisse de l'impôt sur le revenu qui atteint 10 % en deux ans, la revalorisation de la prime pour l'emploi comme de son mode de versement, l'augmentation sans précédent du SMIC l'été dernier - ce que vous n'aviez jamais fait -, la création du revenu minimum d'activité pour faire en sorte que le revenu du travail l'emporte sur le revenu d'assistance, mais aussi la baisse des charges sur les bas salaires afin d'encourager l'emploi des moins qualifiés.
    Ces mesures s'adressent donc à l'ensemble des catégories sociales, sans privilégier l'une ou l'autre.
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas vrai !
    M. Marc Laffineur. Elles reposent sur le simple constat de la nécessité de libérer le pouvoir d'achat des Français.
    Il en va de même pour le relèvement du plafond de la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, ainsi que pour la pérennisation du taux réduit de TVA sur les travaux portant sur les logements.
    Le deuxième axe de ce budget consiste à renforcer les solidarités entre générations. La canicule du mois d'août dernier a montré à quel point le lien social pouvait être dénoué. Il s'agit donc de rétablir cette solidarité entre les générations, indispensable pour la pérennisation de notre société. Pour cela, le projet de loi de finances instaure un plan d'épargne retraite populaire afin d'aider les épargnants à mieux préparer leur retraite. Les sommes placées sur ce plan seront déduites du revenu imposable dans la limite de 10 % du revenu professionnel.
    La solidarité envers les plus faibles s'exprime également par l'extension du crédit d'impôt aux équipements conçus pour les personnes âgées ou handicapées. Ces travaux d'équipement concernent les mécanismes de sécurité et d'accessibilité ainsi que les équipements sanitaires.
    Enfin, la transmission anticipée de patrimoine en faveur des jeunes générations sera encouragée par une réduction de 50 % des droits applicables aux donations en pleine propriété jusqu'au 30 juin 2005.
    Ce budget entend également redonner des marges de manoeuvre aux entreprises, principal pourvoyeur d'emplois des Français. Pour y contribuer les entreprises bénéficieront d'un volume global d'allégements de charges de 1,2 milliard d'euros. Pour stimuler l'innovation, le Gouvernement entreprend la modernisation et l'amplification du crédit d'impôt recherche et ce afin d'atteindre un niveau de dépenses de recherche et développement de 3 % du PIB. Désormais, le volume de dépenses de recherche, et non plus exclusivement leur évolution, sera pris en compte pour la déduction d'impôt, ce qui permettra de multiplier par sept le nombre d'entreprises bénéficiaires.
    Pour favoriser la création d'entreprises innovantes, notamment dans les PME, un statut pour les investisseurs providentiels sera instauré à travers la jeune entreprise innovante, d'une part, et la société unipersonnelle d'investissement à risque, d'autre part, l'une et l'autre visant à accompagner la croissance d'entreprises à un moment crucial de leur développement.
    Le volet entreprise du budget n'oublie pas les zones défavorisées puisqu'il étend dans le temps et dans l'espace le dispositif des zones franches urbaines : 41 viennent s'ajouter aux 44 existantes.
    Enfin, le budget pour 2004 traduit une réelle volonté de réforme de l'Etat et de discipline budgétaire, à travers plusieurs actions concurrentes.
    En premier lieu, les dépenses sont maîtrisées, suivant l'illustration de la norme « zéro volume ». Elles n'augmenteront que du niveau de l'inflation, soit 1,5 %. La progression des dépenses publiques est ainsi inférieure à la progression tendancielle du PIB. Cela constitue une réduction structurelle du déficit. Au total, après prise en compte des mesures fiscales, c'est-à-dire hors effet de la conjoncture, le déficit est réduit d'un demi-point de PIB.
    L'Etat, recentré sur ses fonctions régaliennes - sécurité, équipements de la défense, justice - financera ses priorités par un effort de redéploiement. Il en est de même pour d'autres efforts spécifiques décidés par le Gouvernement - culture, recherche, éducation nationale.
    Mais la maîtrise de la dépense publique repose également sur un effort de restructuration des effectifs. En 2004, 10 000 fonctionnaires partant à la retraite ne seront pas remplacés. Cela permet de créer 5 178 emplois dans les domaines prioritaires de l'action gouvernementale. Pour la première fois depuis près de trente ans, deux budgets successifs ne remplacent pas la totalité des départs en retraite.
    Par ailleurs, le projet de loi de finances propose une clarification des effectifs de l'éducation nationale. Cette réforme, qui conduit à affecter sur des emplois budgétaires l'ensemble des personnels de l'éducation nationale, indépendamment de leur fonction ou de leur statut, permet d'assurer une information complète au Parlement dans un souci salutaire de transparence et de rationalisation.
    Dans ce même souci de clarification et de transparence, l'Etat a décidé de réintégrer au budget général les crédits du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, qui est supprimé ainsi que les concours destinés à RFF.
    En outre, ce budget est marqué par l'entrée en vigueur de plusieurs dispositions de la nouvelle constitution financière en établissant une expérimentation de globalisation des crédits. Celle-ci permettra d'accroître l'efficacité de la dépense publique et de doter l'Etat d'un outil de pilotage pluriannuel de la dépense, fondé sur des critères de performances. Cette nouvelle procédure budgétaire doit s'accompagner d'une remise à plat de la politique fiscale dans le sens de sa simplification et dans un souci de plus grande efficacité dans la manière de recouvrer l'impôt.
    Enfin, à la suite de la réforme des retraites, qui permet de préserver et de rendre plus équitable notre système par répartition et dont le budget 2004 met en oeuvre la mesure concernant le plan d'épargne retraite populaire, le projet de loi prévoit la mise en oeuvre de deux autres grandes réformes de structure : la décentralisation, à travers des concours de l'Etat aux collectivités locales accrus et simplifiés et la poursuite des transferts de compétence, d'une part, la réforme de l'assurance maladie, dont l'objectif, avant le chantier de l'an prochain, est de stabiliser le déficit, d'autre part.
    Dans cet effort nécessaire de discipline budgétaire, car un bon budget, ce n'est pas dépenser plus mais dépenser mieux,...
    M. Augustin Bonrepaux. Qu'est-ce que vous faites avec le budget de la défense ? Ce n'est pas un bon budget ?
    M. Jean-Louis Idiart. Nous le dirons à Mme Alliot-Marie !
    M. Marc Laffineur. Vous vous y connaissez pour dépenser plus, monsieur Bonrepaux ! Pendant cinq ans, vous n'avez fait que dépenser, dépenser, dépenser, pour nous laisser le déficit qu'on a vu en 2002 !
    M. Didier Migaud. Vous faites mieux ! Je ne sais pas si vous avez vu les ordres de grandeur !
    M. Augustin Bonrepaux. C'est un bon budget, celui de la défense ?
    M. le président. On a compris, monsieur Bonrepaux ! Poursuivez, monsieur Laffineur !
    M. Marc Laffineur. La commission des finances de l'Assemblée nationale a tenu à modifier le projet du Gouvernement concernant la redevance de télévision. Plutôt que d'accroître le coût de recouvrement par le croisement des fichiers avec ceux des télévisions payantes, nous avons préféré attendre la réforme globale de 2005 pour nous inspirer du rapport de la MEC et décider éventuellement d'adosser la redevance à la taxe d'habitation.
    Par ailleurs, à un moment où le chef de l'Etat a fait de l'écologie et du développement durable une des priorités de son mandat avec notamment l'adoption prochaine de la charte constitutionnelle de l'environnement, il faudrait sans doute rétablir l'aide aux transports en commun en site propre.
    M. Augustin Bonrepaux. Avec la réduction des subventions ?
    M. Marc Laffineur. Au final, le projet de budget pour 2004 est un budget pour tous les Français, un budget qui réaffirme la solidarité de la nation.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous n'y croyez pas !
    M. Marc Laffineur. ... à l'égard de l'ensemble de ses concitoyens et notamment des plus faibles. Ainsi, parmi les priorités affichées par le Gouvernement, les mesures en faveur de la sécurité profiteront d'abord aux plus fragiles et aux plus démunis. Avec la réforme des retraites, pour la première fois, ceux qui ont commencé à travailler très tôt, entre quatorze et seize ans, pourront partir à la retraite avant soixante ans alors que vous, messieurs les socialistes, vous ne le vouliez pas !
    M. Augustin Bonrepaux. Les autres devront travailler plus longtemps !
    M. Marc Laffineur. Ceux qui ne sont pas touchés par la baisse de l'impôt sur le revenu, le Gouvernement ne les oublie pas puisque c'est à lui que revient d'avoir procédé à la hausse historique du SMIC, d'une part, à la revalorisation de la prime pour l'emploi...
    M. Didier Migaud. Un euro par mois !
    M. Marc Laffineur. ... et à l'accélération de son versement sous forme d'acompte, afin d'accompagner au plus près la reprise d'emploi, d'autre part. C'est ainsi que les crédits alloués au ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité constituent le troisième budget de l'Etat.
    Avec un tel budget, axé sur la croissance et l'emploi, la revalorisation du travail et l'assainissement des dépenses publiques, c'est-à-dire à la fois libéral et social, nous sommes prêts à affronter l'avenir avec sérénité et à recueillir les fruits d'une croissance durable, dont les effets seront partagés par tous. C'est un bon budget qui prépare l'avenir, c'est un bon budget que le groupe UMP soutient pleinement parce que nous partageons sa philosophie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Vous avez désormais la parole, monsieur Bonrepaux.
    M. Jean-Louis Idiart. Il va enfin pouvoir parler.
    M. Jean-Yves Chamard. Il a déjà tellement parlé !
    M. Augustin Bonrepaux. Au moment d'engager la discussion sur la loi de finances pour 2004, il me semble indispensable de faire un bilan de l'action de votre gouvernement depuis dix-huit mois, monsieur le ministre. Vous paraissez oublier qu'il y a plus d'un an, un an et demi exactement, que vous êtes là.
    M. Henri Emmanuelli. Eh oui !
    M. Augustin Bonrepaux. J'aimerais donc revenir sur ce bilan, même si le ministre des finances ne paraît pas y tenir puisqu'il nous expliquait hier qu'il suffisait de le faire tous les cinq ans.
    En juin 2002, l'audit que vous avez confié à M. Bonnet et à M. Nasse - les mêmes qui avaient réalisé celui de 1997 - situait le déficit de la France entre 2,4 % et 2,6 % du PIB. Vous avez choisi le haut de la fourchette, 2,6 %, et vous avez engagé le collectif pour, selon votre expression, « solder l'héritage socialiste ».
    A cette occasion, dès l'été 2002, vous avez pris des décisions malheureuses. La baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu pour les plus aisés, que vous avez préférée à une augmentation de la prime pour l'emploi pour les plus modestes, a réduit les recettes sans aucune incitation significative à la consommation. L'augmentation excessive des dépenses militaires a aggravé aussi le déficit, qui est passé dès la fin de 2002 à 3,1 %, passant la barre fatidique des 3 %.
    Ces mauvais résultats auraient dû vous servir de leçon pour 2003. Pourtant, tout à votre obstination à mettre en oeuvre votre idéologie libérale, vous avez réussi à faire encore pire. Après une prévision de croissance de 2,5 %, qui sera en réalité de moins de 0,5 % - vous voyez qu'il faut parfois être modeste sur les prévisions des autres -, avec des baisses d'impôts, comme en témoigne la réduction pour emploi à domicile, qui ne bénéficie qu'aux 70 000 familles les plus aisées, le déficit de nos finances atteint un niveau record correspondant à près de 4 % du PIB, ce qui place notre pays sous la tutelle de la Commission européenne et la menace de sanctions financières très lourdes. Quant à la dette, qui était de 57 % du PIB en 2001, elle est passée à 61 % en 2003.
    Les prévisions pour 2004 ne sont pas plus optimistes, puisque cette dégradation est tout juste enrayée, avec un déficit de 3,6 % du PIB et la dette à 63 %, bien au-dessous, là aussi, de la fourchette européenne.
    Devant une situation qu'un ancien Premier ministre que vous connaissez bien aurait qualifiée de calamiteuse, vous n'avez qu'un seul mot : maintenir le cap. Mais pour aller où ? Quel avenir préparez-vous à la France, quand nous constatons tous les jours à travers le malaise des Français l'échec de votre politique ?
    Vous soutenez la même logique : baisse des prélèvements, réduction des déficits et réformes économiques pour créer les conditions d'une France forte et durable. Ce ne sont que des mots.
    Votre obstination tient davantage de la méthode Coué et des incantations que de la réalité. Nous la combattrons au nom de l'intérêt général et de l'idée que nous nous faisons d'une France forte car solidaire.
    Aujourd'hui, vous nous dites la même chose que l'an dernier.
    M. Jean-Louis Idiart. Ils sont moins enthousiastes, tout de même !
    M. Augustin Bonrepaux. Le ministre des finances nous disait : « Des choix judicieux fondés sur des priorités claires, des dépenses maîtrisées, un service public plus performant, voilà le moyen de dynamiser l'activité économique tout en réduisant le déficit ; les baisses d'impôts et de charges que nous proposons ne sont pas financées à crédit. »
    Quel est le résultat ? La baisse des impôts a profité seulement à un petit nombre de privilégiés, qui bénéficient à plein, eux, de la baisse de l'impôt sur le revenu et de la réduction fiscale pour emploi à domicile. Mais, pour tous les autres, pour les plus modestes et les plus nombreux, c'est la hausse des prélèvements. La meilleure preuve est que le taux de prélèvements obligatoires n'a quasiment pas baissé en 2003, en dépit de l'ampleur des baisses médiatisées, ciblées sur les hauts revenus.
    Quant au déficit, vous disiez : « Les finances publiques dérivaient lorsque nous avons pris les rênes de ce pays. Notre premier objectif a donc été de stopper la dérive du déficit ». On voit le résultat. L'audit affichait un déficit de 2,6 %. Vous étiez à 3,1 % à la fin de 2003, et nous sommes à 4 % en 2004. Et vous voudriez nous faire croire que vous ne portez aucune responsabilité, que vos cadeaux fiscaux aux privilégiés, qui réduisent nos recettes sans aucun effet sur notre économie, que vos augmentations excessives et incontrôlées des dépenses militaires - vous refusez, monsieur le président de la commission des finances, de les faire contrôler par la mission d'évaluation et de contrôle -, et que la sanctuarisation de certains budgets n'y seraient pour rien.
    La faute en reviendrait aux autres, évidemment, à ceux qui ne travaillent pas du tout, à ceux qui ne travaillent pas assez, donc aux 35 heures, dont le coût a pourtant été chiffré et inscrit dans l'audit en 2002, aux grévistes, à ceux qui s'insurgeaient contre l'injustice de votre politique, aux effets de la canicule, et, pourquoi pas, prochainement, aux effets du froid cet hiver.
    Votre gouvernement ne serait donc responsable de rien ? Avons-nous un gouvernement d'irresponsables ?
    M. Pascal Terrasse. J'allais le dire !
    M. Augustin Bonrepaux. Les perspectives pour notre pays sont plutôt inquiétantes à plus ou moins long terme. Pour 2004, vous affichez une première estimation de la croissance à 1,7 %, en insistant sur le fait que tous les économistes sont d'accord, mais vous insistez moins sur le fait que les économistes prévoient un déficit plus proche de 4 % que celui que vous prévoyez.
    M. Jean-Louis Idiart. Hélas !
    M. Augustin Bonrepaux. Les premières mesures de rigueur s'amoncellent. L'équilibre des comptes de la sécurité sociale s'appuie sur une réforme de l'assurance maladie reportée, bien sûr, après les élections.
    M. Jean-Louis Idiart. Les bonnes choses avant, les mauvaises après !
    M. Augustin Bonrepaux. Mais je tiens à souligner d'ores et déjà quelles conséquences auront vos décisions en la matière : faire payer une fois de plus les plus pauvres parce qu'ils sont les plus nombreux !
    M. Pascal Terrasse. Ce n'est pas Robin des bois mais Robin des rois !
    M. Augustin Bonrepaux. Après vos promesses démagogiques pour la revalorisation des consultations médicales, ce sont les premières mesures brutales : déremboursement progressif des médicaments, augmentation brutale du forfait hospitalier, retour du projet de responsabilisation des usagers de l'aide médicale d'Etat, ce qui obligera les plus nécessiteux à payer un ticket modérateur. Et le plus dur reste à venir avec dès maintenant la préparation de l'opinion publique à une privatisation partielle de l'assurance maladie.
    Il faut dénoncer dès à présent ce que vous préparez pour l'avenir des Français. Ceux qui auront les moyens de s'offrir une assurance maladie privée, ce seront toujours les mêmes, les plus favorisés, qui pourront avoir les plus belles dents et la meilleure vue ! Les autres seront marginalisés, et notamment les enfants, car quelle intégration est possible dans la vie active pour ceux qui ne pourront se soigner correctement ?
    Tout cela est logique selon votre vision libérale de la société. Comme nous le disait M. Mer, tous ceux qui ne sont pas utiles au pays parce qu'ils ne gagnent pas assez ne méritent pas vos cadeaux fiscaux, ou alors seulement quelques miettes.
    Les mesures les plus impopulaires sont réservées après les élections régionales, car il faudra bien donner des gages à la Commission européenne. Après les déclarations démagogiques du Premier ministre à l'intention de la Commission, il a bien fallu faire preuve de bonne volonté et prendre des engagements en secret. Peut-être pourriez-vous d'ailleurs, monsieur le ministre, répondre aux questions que vous posait hier Didier Migaud à ce sujet : quelles mesures préparez-vous pour le mois de juin pour tenir vos engagements ? Très certainement des mesures drastiques et impopulaires. Il est d'ailleurs symptomatique que le Premier ministre revendique aujourd'hui l'application du volet croissance du pacte de stabilité, ajouté grâce à l'intervention de Lionel Jospin, alors Premier ministre, quand le Président Chirac était l'avocat le plus acharné des règles budgétaires communautaires les plus strictes. Il faut tout de même rappeler qu'il s'est opposé à la renégociation de ce pacte, demandée par Lionel Jospin.
    M. Jean-Louis Idiart. Eh oui !
    M. Augustin Bonrepaux. Les recettes du budget s'élèvent à 227,8 milliards d'euros, contre 228,1 milliards dans la loi de finances de 2003, 218,2 après révision. Il faut noter surtout que les recettes non fiscales sont largement sollicitées. Le patrimoine de l'Etat est bradé pour un total de 500 millions d'euros. Est également incluse l'affectation des réserves du FOREC pour 328 millions d'euros.
    Le Gouvernement racle les fonds de tiroirs. J'en veux pour preuve 300 millions d'euros prélevés sur les réserves du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, issu du Fonds de garantie contre les accidents de circulation et de chasse. De même, certains centres techniques sont mis à contribution et notamment celui du textile et de l'habillement, qui est amputé de 20,8 millions d'euros au moment où les entreprises de ce secteur rencontrent d'énormes difficultés.
    Quant aux mesures fiscales, vous poursuivez sans pudeur votre politique de cadeaux fiscaux aux plus aisés.
    Sur un total de 3,3 milliards d'allégements présentés dans ce projet, 2,8 concernent les ménages, mais seulement les plus aisés. Tout le monde sait bien que la moitié des ménages sont exclus de la mesure de baisse de l'impôt sur le revenu, qui représente 1,76 milliard d'euros au total. Cette nouvelle baisse, qui porte à un total proche de 5 milliards - pas étonnant que le déficit soit important ! - l'allégement depuis l'été 2002, ne bénéficiera pas aux 16 millions de foyers non imposables.
    Par contre, les 6 % des foyers les plus riches, dont le revenu imposable est supérieur à 50 000 euros, bénéficieront de 415 euros de réduction en moyenne, mobilisant à leur profit 50 % du coût de la mesure.
    Vous augmentez encore la déduction fiscale pour l'emploi à domicile qui n'apporte aucune incitation supplémentaire aux créations d'emplois et constitue essentiellement un cadeau fiscal, alors que le conseil des impôts constate qu'elle bénéficie « essentiellement aux foyers fiscaux dont les tranches de revenus sont les plus élevées, avec l'impossibilité, pour les foyers non imposables, de bénéficier de cet avantage ». Ce sont encore les plus modestes qui sont exclus de cette mesure. Là encore, le conseil des impôts le précise également, 70 % du coût de la réduction sont concentrés sur les 10 % de foyers les plus riches.
    C'est pour cela que nous vous proposons de remplacer cette mesure inéquitable par un crédit d'impôt qui bénéficierait à tous et serait plus incitatif pour l'emploi, mais il faudrait demander un petit effort aux privilégiés et, bien sûr, vous vous y opposez !
    M. Jean-Louis Idiart. Voilà !
    M. Augustin Bonrepaux. Ces deux mesures cumulées conduisent à rendre non imposables des foyers disposant de revenus particulièrement importants : par exemple, un célibataire déclarant 33 000 euros de revenus par an ou un couple avec deux enfants déclarant plus de 60 000 euros de revenus sur l'année.
    Poursuivons dans le registre libéral : la retraite par capitalisation est fiscalement encouragée, ce qui vient confirmer l'insuffisance de votre réforme des retraites et la condamnation de la retraite par répartition. De plus, le mécanisme prévu lui enlève tout caractère populaire puisqu'elle ne concerne que les revenus imposables, et encore, dans la limite de 10 % des sommes versées, jusqu'à 24 000 euros par an et par cotisant. Nous sommes bien là dans un régime de retraite à deux vitesses : ces déductions fiscales sont significatives mais, toujours pareil, pour ceux qui pourront en bénéficier.
    Ajoutons à cela le cadeau fiscal de l'ISF réalisé dans la loi d'initiative économique qui concernera seulement 200 000 familles imposées à l'ISF pour un montant de 500 millions, bien sous-évalué dans la présentation de ce budget, et quelques avantages pour les successions qui ne paraissent avoir aucune incidence sur l'économie et l'emploi dans une période aussi difficile pour nos finances.
    On voit que l'essentiel des allégements fiscaux sont ciblés vers les privilégiés. Pour les autres, il n'y a rien, ou alors une aumône avec la mesure concertant la prime pour l'emploi.
    La revalorisation de la prime pour l'emploi, pour un total de 480 millions d'euros, qui concerne plus de 8 millions de foyers, aura un coût égal à celui de l'allègement de l'impôt de solidarité sur la fortune, qui ne vise que 270 000 foyers. La hausse de la prime pour l'emploi représenterait donc un montant moyen de 60 euros par foyer sur l'année, autrement dit une hausse de 5 euros par mois.
    M. Pascal Terrasse. Un paquet de cigarettes !
    M. Augustin Bonrepaux. Il s'agirait bien d'une aumône, si c'était exact, parce que, en réalité, c'est une galipette comptable qu'a dénoncée Didier Migaud hier.
    M. Maurice Leroy. C'est un expert !
    M. Augustin Bonrepaux. En effet, la hausse prévue ne coûterait que 80 millions d'euros, le reste étant des mesures d'indexation de barème qui n'ont en aucun cas à être considérées comme une baisse d'impôts. Avec un montant de 80 millions d'euros, la hausse de la PPE serait seulement de 1 euro en moyenne par mois. C'est encore plus choquant lorsqu'on sait que ces 80 millions d'euros représentent moins de 10 % de la somme qui sera ponctionnée sur les ménages à travers l'augmentation des taxes sur le gazole !
    M. Jean-Louis Idiart. Eh oui !
    M. Philippe Auberger. Mais non !
    M. Augustin Bonrepaux. Ainsi, vous donnez une aumône d'une main et, de l'autre, vous en reprenez un gros paquet !
    M. Philippe Auberger. Comme s'il n'y avait que les particuliers qui paient le gazole ! N'importe quoi !
    M. Augustin Bonrepaux. Comment pouvez-vous avoir le culot de nous parler d'un treizième mois pour tous ceux qui vont subir une telle baisse du pouvoir d'achat quand s'y ajoutent les hausses des impôts locaux que vous provoquez ?
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Ah non ! C'est totalement faux !
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président de la commission des finances, nous allons parler de 2004, vous ne protesterez que lorsque j'aurai parlé ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Philippe Auberger. Il n'y a pas moyen de l'arrêter !
    M. Jean-Louis Idiart. Nous ne sommes pas des députés de la majorité, nous !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Les faits sont là !
    M. le président. Poursuivez votre démonstration, monsieur Bonrepaux !
    M. Augustin Bonrepaux. En effet, vos décisions de réduire les dotations et subventions aux collectivités locales ainsi que les transferts de charges non financés engendreront une escalade des impôts locaux. Il y a les réductions de subventions comme le FNDAE, amputé de 60 % en 2003 et insuffisamment réévalué en 2004, la suppression des subventions aux transports...
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Les 35 heures !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous n'êtes pas sourd, monsieur le président de la commission des finances ! Je peux parler des 35 heures mais, pour l'instant, je parle de la suppression des subventions aux transports...
    M. Jean-Louis Idiart. Exactement !
    M. Augustin Bonrepaux. ... et de l'incitation à augmenter la taxation des entreprises ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Ce n'est pas encore décidé !
    M. Augustin Bonrepaux. La réforme des dotations aux collectivités locales est, quant à elle, une manipulation...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Oh !
    M. Augustin Bonrepaux. ... en totale contradiction avec vos promesses sur la péréquation que vous avez inscrite dans la Constitution...
    M. Pascal Terrasse. C'est du vol organisé !
    M. Augustin Bonrepaux. ... mais qui est loin de se réaliser dans les faits !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous ne le croyez pas vous-même !
    M. Pascal Terrasse. Ce n'est pas un bilan, c'est un dépôt de bilan !
    M. Augustin Bonrepaux. Jusqu'à présent, les communes pauvres bénéficiaient d'une dotation au titre de la DSQ et de la DSR, en augmentation chaque année d'au moins 5 %. Cette année, il n'en sera rien. Ces dotations augmenteront de 1,5 %, dites-vous, monsieur le ministre, mais c'est au prix d'une présentation artificielle qui prend en compte l'utilisation de la revalorisation de la DGF qui était due au titre de 2003.
    C'est-à-dire que vous donnez d'une main ce que avez pris aux collectivités locales de l'autre l'an dernier. En réalité, le Gouvernement n'ajoute que 36 millions pour que ces dotations ne diminuent pas. Je souhaiterais que le rapporteur général le note, ce qui lui permettra d'éviter de dire que l'Etat abonde ces dotations de 96 millions, ce qui est faux. Résultat : l'augmentation sera inférieure à l'inflation. En effet, étant donné que le pacte de stabilité et de croissance...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Est tenu !
    M. Augustin Bonrepaux. ... va réduire ladite participation, c'est une baisse de 3,47 % de compensation de taxe professionnelle que vont subir toutes les communes, les pauvres contre les autres - ce qui n'était pas le cas auparavant. Les communes pauvres ne bénéficieront même pas d'une augmentation équivalente aux taux de l'inflation. Pour les autres, la situation sera encore pire...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous faisons plus pour les collectivités locales que pour l'Etat !
    M. Augustin Bonrepaux. ... puisque l'augmentation globale ne sera que de 1,2 %, alors que vous annoncez une hausse de la DGF de 1,93 %.
    La péréquation n'aura encore qu'un effet d'annonce. En effet, elle trouve ses limites quand il faut demander un effort aux privilégiés.
    M. Jean-Louis Idiart. Eh oui, ils souffrent !
    M. Augustin Bonrepaux. Cela vous fait mal et vous n'y arrivez pas, car, pour vous, plus on est riche et mieux cela va !
    Quant à la décentralisation nouvelle mode, c'est une idée qui a germé dans l'esprit du Gouvernement pour transférer le maximum de charges sur les collectivités locales et pour dégager des marges de manoeuvre pour poursuivre la baisse de l'impôt sur le revenu.
    Ces transferts ont d'ailleurs été préparés dans le budget de 2003, qui a réduit drastiquement les moyens affectés aux services dont le Gouvernement entend se débarrasser.
    Cela s'est traduit par une réduction de 25 % du fonds social du logement, une baisse du nombre des agents d'entretien de l'éducation nationale ou de celui des services affectés au RMI - ce que M. Chamard a dénoncé en commission des finances.
    M. Jean-Louis Idiart. M. Chamard est sensé !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous devez écouter les membres de votre majorité, monsieur le ministre.
    M. Maurice Leroy. C'est vrai !
    M. Augustin Bonrepaux. Cela s'est traduit aussi par une diminution du nombre des agents de l'équipement.
    La première phase de la décentralisation, qui porte sur le RMI-RMA, traduit les contradictions du Gouvernement quant à sa volonté d'assurer l'autonomie fiscale des collectivités locales. En effet, vous transférez une charge aux départements, alors que, en contrepartie, ils n'auront que le produit d'un impôt qui n'évolue pas, contrairement à ce qu'affirme le rapporteur général.
    Selon M. Carrez, le produit de la TIPP est toujours plus dynamique. Or, alors qu'il s'élevait à 24,641 millions d'euros en 1999, il n'était plus que de 23,409 millions d'euros en 2001 ! Où est l'évolution dynamique ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est parce que vous avez trop augmenté la TIPP !
    M. le président. Il faut conclure, monsieur Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le rapporteur général, il ne faut pas tromper les gens. Ces chiffres prouvent que cette dotation n'évolue pas et que, par conséquent, les collectivités locales vont subir une perte d'autonomie fiscale. Elle sera même plus forte, aggravée par le transfert de l'allocation spécifique de solidarité, l'accroissement du nombre des chômeurs et l'augmentation de la précarité, autant d'éléments qui vont gonfler les chiffres du RMI et provoquer un transfert de charges supplémentaires sur les départements et, bien sûr, une escalade des impôts locaux.
    Ne venez pas nous dire que c'est comme l'APA, car cette allocation a permis de créer un service, des emplois et des recettes supplémentaires.
    M. Philippe Auberger. A quel prix !
    M. Augustin Bonrepaux. En revanche, le transfert du RMI n'apporte rien de plus à ceux qui en bénéficient.
    Quant aux dépenses, la situation n'est pas plus encourageante. La rigueur s'installe pour l'année à venir et certainement pour celles qui suivront. Le budget de l'éducation n'est plus une priorité, celui de la recherche accuse une diminution de 0,56 % en volume. L'investissement civil est sacrifié. Le budget du ministère de l'équipement, des transports et du logement baisse de 4,3 % en valeur, soit de 5,8 % en volume.
    Les crédits d'investissement de l'Etat sont en régression. Se pose alors la question du respect des contrats de plan, cette baisse rendant leur réalisation encore plus hypothétique chaque jour. Cette situation justifie tout à fait, monsieur le président de la commission des finances, la création, comme nous le réclamons, d'une mission d'information sur l'exécution des contrats de plan.
    M. Pascal Terrasse. Absolument !
    M. Augustin Bonrepaux. C'est tout le territoire, particulièrement les zones défavorisées frappées par des licenciements massifs, qui va faire les frais de ce désengagement de l'Etat et de la suppression des services publics, qu'il s'agisse des services de la Banque de France, de ceux de La Poste ou de ceux du Trésor public.
    Dans le même temps, le budget de l'emploi baisse de 0,66 % en volume et s'accompagne de réductions drastiques du nombre des CES et des CEC. C'est certainement votre façon de répondre à la montée du chômage.
    Pour conclure, que dire de ce budget inégalitaire qui sacrifie les services publics, l'emploi et l'avenir ?
    Au nom de l'encouragement au travail, vos cadeaux fiscaux vont aux emplois les mieux rénumérés. Pour tous les travailleurs modestes, c'est au contraire la réduction du pouvoir d'achat et l'exclusion.
    Au nom de la réhabilitation du travail, vous remettez en cause les 35 heures et vous allongez la durée du travail de ceux qui ont un emploi. Mais vous ne faites rien pour les 2,4 millions de chômeurs qui sont à la recherche d'un emploi. Expliquez-nous comment, en augmentant la durée du travail de ceux qui en ont en, vous allez permettre à ceux qui n'en ont pas d'en trouver un !
    M. Pascal Terrasse. Quel bon sens !
    M. Augustin Bonrepaux. Pour poursuivre encore cette politique de baisse de l'impôt sur le revenu, vous accablez les collectivités locales, sacrifiez les investissements d'avenir dans l'éducation nationale et la recherhe, mais aussi les grands travaux d'aménagement du territoire.
    Bref, vous accentuez la fracture entre les citoyens, entre les générations, entre les territoires.
    Vous comprendrez, messieurs les ministres, que nous allons combattre ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Marc Laffineur. Quelle surprise !
    M. le président. La parole est à M. François Bayrou.
    M. François Bayrou. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au moment où débute ce débat budgétaire, le sujet de la rentrée, c'est le déclin. Les uns, comme Nicolas Baverez, parlent de déclin, les autres, comme Alain Duhamel, parlent de désarroi, d'autres encore parlent de crise prolongée. Toutefois, comme vous l'avez sans doute remarqué, personne ne vient dire que la France va bien.
    Cette idée de déclin, nous l'écartons, parce qu'elle suggère quelque chose d'irréversible.
    M. Jean Le Garrec. Très juste !
    M. François Bayrou. Pour nous, la seule question qui se pose est de savoir de quelle manière la France peut sortir de cette spirale de l'impuissance, de cet enchaînement dangereux des promesses et des déceptions. Et, pour nous, il n'y a qu'une réponse : une politique juste et énergétique, et la confiance des citoyens.
    Je ne confonds pas confiance et popularité. Les politiques justes et vraies ne sont pas toujours populaires. Toutefois, l'impopularité n'est pas si grave quand la confiance demeure dans la parole des dirigeants. Vous comprendrez qu'en disant cela à cette tribune, je pense à Raymond Barre.
    M. Maurice Leroy. Très bien !
    M. Gérard Bapt. Il faudrait qu'il revienne !
    M. François Bayrou. La confiance exige trois conditions : la vision qui entraîne la cohérence, la vérité et la justice. Et c'est parce qu'ellles ne sont pas remplies, que nous avons des interrogations et des insatisfactions.
    Bien entendu, le budget que vous nous présentez, messieurs les ministres, ne compte pas que de mauvaises choses ; il y en a même de bonnes.
    M. Henri Emmanuelli. Quelques-unes, très peu !
    M. François Bayrou. Je veux les signaler. L'an dernier, vous nous proposiez une hypothèse de croissance à 2,5 %. Elle aura été, finalement, de 0 %. Vous l'annonciez volontariste, alors que nous la disions irréaliste. Cette année, vous nous annoncez une croissance de 1,7 %. Je ne sais pas ce qu'il en sera, mais cette hypothèse est moins irréaliste que l'année dernière.
    M. Henri Emmanuelli. Vraiment ?
    M. François Bayrou. Parmi les bonnes choses, je citerai les mesures d'aide aux entreprises, la réforme du crédit d'impôt - recherche ou la baisse des charges. Nous saluons les efforts réalisés dans ces domaines car ils rendent service à la France.
    M. Henri Emmanuelli. Il n'y a qu'à voir le taux de chômage !
    M. François Bayrou. Mais ce projet de budget nous pose trois problèmes principaux. Le premier a trait à la dette - et plus précisément, au financement par la dette de la baisse de l'impôt sur le revenu -, le deuxième à l'augmentation du prix du gazole et le troisième à la suppression de l'ASS, c'est-à-dire l'allocation de fin de droits des chômeurs.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française. Très juste !
    M. François Bayrou. Ces trois problèmes sont des signes, et tous ont un lien avec la vision, la vérité et la justice.
    Il faut réduire les prélèvements obligatoires, qui sont trop lourds en France - tout le monde en convient à droite et à gauche. La question de savoir si, parmi les prélèvements, il faut baisser en priorité les impôts ou les charges sur le travail est débattue depuis longtemps. Vous savez que notre famille de pensée donne la priorité à la baisse des charges, car elle estime que le travail est mal payé en France - pas le travail du haut de l'échelle, mais celui du bas de l'échelle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Toutefois, ce n'est pas une affaire de dogme, et nous comprenons l'argument de ceux qui prétendent, comme ce gouvernement et le gouvernement précédent, qu'il faut baisser l'impôt sur le revenu pour libérer l'énergie des plus créatifs dans la société française. Nous nuançons cet argument, mais nous l'entendons.
    En tout cas, nous avons une certitude : l'impôt ne peut pas être baissé de manière artificielle, par une augmentation continue de la dette, déjà astronomique, qui pèse sur la France.
    M. François Sauvadet. Très juste !
    M. François Bayrou. Je place cette réflexion sur la dette au coeur du débat sur le « déclin » de la France. Pour ceux qui, comme moi - et j'imagine que nous sommes nombreux dans cet hémicycle -, refusent d'envisager un déclin irréversible, pour ceux qui savent que notre peuple a su trouver en lui-même, si souvent dans son histoire, l'énergie du redressement, qu'il a su refonder ses institutions, rendre à la démocratie sa vigueur et retrouver la voie de politiques justes et saines, pour tous ceux-là, l'avenir n'est pas bouché. Néanmoins, une menace pèse sur cet avenir,...
    M. Pascal Terrasse. Le Gouvernement !
    M. François Bayrou. ... c'est la dette, cette sorte de sac de plomb trop lourd à porter.
    Pour une famille française moyenne composée de cinq personnes - une personne âgée, deux adultes et deux enfants -, cette dette est de 80 000 euros, soit 560 000 francs. Je ne parle évidemment que de la dette publique et financière, laquelle serait augmentée de 700 milliards d'euros si l'on y ajoutait les engagements souscrits en matière de retraite des fonctionnaires de l'Etat.
    Si nous nous en tenons à la seule dette publique, soit 1 000 milliards d'euros, elle représente, par famille, l'équivalent du prix d'une petite maison. Tous les mois, chaque famille française est ponctionnée de quelque 700 euros, soit 5 000 francs, pour payer cette dette. Songez à ce que seraient le pouvoir d'achat et la capacité d'investissement de notre pays si cette somme ne l'épuisait pas ! Et encore sommes-nous dans une période où les taux d'intérêt bas confèrent à cette dette un caractère maîtrisé. Qu'adviendra-t-il de cette grenade dégoupillée, le jour où les taux d'intérêt repartiront à la hausse ?
    M. François Sauvadet. Il faut le dire !
    M. François Bayrou. Cette dette est récente. Quand Valéry Giscard d'Estaing et Raymond Barre ont quitté les responsabilités en 1981, la dette française atteignait à peine 20 % du produit intérieur but.
    M. Louis Giscard d'Estaing. Tout à fait !
    M. Henri Emmanuelli. Il y avait eu l'emprunt Giscard, tout de même !
    M. François Bayrou. Ce sont nos générations - celles des quarante ans, des cinquante ans et des soixante ans - qui vont imposer aux générations futures une charge qu'elles n'ont pas eu à assumer pour elles-mêmes.
    Chaque jour, l'Etat dépense 20 % de plus que ce qui rentre dans ses caisses. Nous vivons à crédit, non seulement pour l'ensemble de nos investissements, mais aussi pour une grande part de notre fonctionnement. S'il s'agissait d'une entreprise, elle serait au bord du dépôt de bilan. S'il s'agissait d'une famille, elle serait en situation de surendettement et les huissiers seraient tous les jours à sa porte.
    M. François Sauvadet. Eh oui !
    M. Henri Emmanuelli. Elle serait même en prison !
    M. François Bayrou. J'entends bien, ce n'est pas la première fois dans notre histoire que nous sommes endettés. Tous ceux qui ont vécu, ou au moins lu, l'histoire du dernier demi-siècle, se souviennent des temps malheureux de la IVe République finissante qui, pour boucler les fins de mois, allait quémander le chèque du FMI. Toutefois, la dette de l'époque n'était pas de même nature que l'actuelle, et ce pour deux raisons : d'abord, parce que cette dette découlait de la reconstruction du pays après la guerre ; ensuite, parce qu'elle était gagée sur le baby-boom, c'est-à-dire sur une démographie en explosion, qui garantissait que, dans l'avenir, son poids serait réparti entre les Français au travail.
    La situation actuelle est complètement différente. La dette financière va être alourdie et aggravée par la deuxième dette, qui est la dette démographique. En effet, l'explosion du baby-boom va être remplacée par celle du papy-boom, si bien que le nombre des Français au travail par rapport à celui des pensionnés baissera. Et la dette financière, au lieu d'être divisée, sera multipliée.
    Une seule politique sérieuse pouvait être conduite depuis des années, et ce quelle que soit la majorité en place : une politique de désendettement d'urgence, avant que ne survienne le choc des retraites.
    Eh bien, cette dette se paiera. Elle se paiera en baisse du niveau de vie, en augmentation des charges pesant sur le travail, en diminution du nombre des emplois, en délocalisations et en hausse du chômage.
    M. François Sauvadet. C'est vrai !
    M. François Hollande. Et elle se paiera politiquement !
    M. François Bayrou. Si nous étions sérieux et responsables (« Oh » sur les bancs du groupe socialiste), nous dirions : la dette, à un tel niveau, voilà l'ennemi ! Nous ne pouvons pas, pour baisser les impôts aujourd'hui, augmenter ceux de demain, qui sont déjà infiniment trop lourds.
    M. François Rochebloine. Très juste !
    M. François Bayrou. C'est pourquoi, au lieu de faire naître un débat malsain sur l'Europe, sur Bruxelles, sur les bureaux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. Henri Emmanuelli. Ça, c'est pour Raffarin !
    M. François Bayrou. ... sur des disciplines qui seraient excessives,...
    M. Augustin Bonrepaux. Chacun en prend pour son grade ! Il y en aura pour tout le monde !
    M. François Bayrou. ... nous aurions dû nous féliciter des disciplines européennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M.  François Hollande. Que se passe-t-il au sein de la majorité ?
    M. François Bayrou. Pour nous, il n'y a d'avenir français que dans l'Europe, il n'y a d'influence française en Europe, que si la France respecte la parole qu'elle a donnée et, plus encore, que si elle respecte l'engagement qu'elle a elle-même exigé des autres. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Didier Migaud. Ne tirez plus sur l'ambulance ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Bayrou. Je veux ajouter une dernière considération, inhabituelle, sur la dette : la dette de la France contribue à l'asphyxie du tiers-monde. La capacité financière de la planète est limitée. Tout l'argent que nous allons emprunter sur le marché mondial, et qui vient naturellement se placer chez nous parce que les garanties sont plus importantes dans un pays riche que dans un pays pauvre, ce sera autant de moins pour le développement du tiers monde, alors que celui-ci en a un besoin vital.
    Mme Anne-Marie Comparini. Absolument !
    M. François Bayrou. C'est un argent qui ne servira pas à construire l'équilibre entre le Sud et le Nord. En endettant la France, nous manquons en réalité au premier devoir de solidarité que nous prétendons avoir avec le tiers monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    Voilà pourquoi, malgré toutes les démonstrations, nous ne pouvons pas approuver une baisse des impôts financée par la dette. C'est un leurre.
    M. Didier Migaud. Bien sûr !
    M. François Bayrou. Et comme tous les leurres, c'est un danger pour la confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Deuxième différence, nous n'approuvons pas la hausse du gazole qui est prévue. Les conditions de son annonce en ont fait un signal politique désastreux.
    M. François Sauvadet. C'est vrai.
    M. François Bayrou. Les Français ne sont pas des « gogos ». C'est un vieux peuple de citoyens et de contribuables. Ils ont compris depuis longtemps que l'Etat était expert à reprendre d'une main ce qu'il faisait semblant de donner de l'autre.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Tout à fait.
    M. Henri Emmanuelli. Surtout les Béarnais ! (Sourires.)
    M. François Bayrou. Instantanément, les Français ont compris que lorsque la baisse des impôts est financée artificiellement...
    M. François Hollande. C'est le cas.
    M. François Bayrou. ... ils en trouvent la traduction immédiatement sur leurs feuilles d'impôts locaux, dans leurs bureaux de tabac et à la pompe.
    M. François Hollande. Eh oui !
    M. François Bayrou. Ils sont habitués, cela fait cinquante ans qu'on leur fait le coup. Rien de nouveau sous le soleil, hélas !, alors qu'il faudrait justement un élan de vérité.
    Permettez-moi de vous lire ce que m'a écrit, au lendemain de l'une de mes déclarations sur le sujet, un électeur de ma circonscription.
    M. Henri Emmanuelli. Je le connais ?
    M. François Bayrou. « Je viens de recevoir comme beaucoup l'avis de taxe foncière de 2002 et je dois dire que j'ai été pour le moins surpris : 18 % d'augmentation par rapport à 2002 pour une augmentation du coût de la vie autour de 2 %. »
    M. Augustin Bonrepaux. Eh oui !
    M. François Bayrou. « Augmentation de la taxe communale, plus 16,82 %, augmentation de la taxe départementale, plus 15,61 %. » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Louis Giscard d'Estaing. C'est la faute du conseil général !
    M. Hervé Mariton. C'est voté par le conseil général !
    M. François Bayrou. « Augmentation de la taxe régionale, plus 3,68 % » et il met entre parenthèses, se souvenant des années précédentes, « année électorale oblige ». (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. Maurice Leroy. Patientez, il y en aura pour tout le monde !
    M. François Bayrou. « Augmentation du ramassage des ordures ménagères, plus 29,07 % » et il met entre parenthèses « le conteneur coûte cher ».
    M. Augustin Bonrepaux. Et ce n'est pas fini. Ce sera pire en 2004 !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Moi, je n'ai pas augmenté les impôts locaux.
    M. Philippe Briand. Il devrait venir vivre en Indre-et-Loire !
    M. François Bayrou. Les Français comprennent très bien.
    M. Henri Emmanuelli. Ils souffrent surtout.
    M. François Bayrou. Dès lors, ils doutent de plus en plus. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François Hollande. Eh oui !
    M. François Bayrou. Voilà pourquoi l'augmentation du gazole est si désastreuse. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Non pas seulement parce qu'elle a été annoncée en même temps qu'on annonçait à son de trompe la baisse des impôts comme une sorte de « je donne et je reprends », mais parce qu'elle touche spécifiquement une catégorie de Français qui ne mérite pas qu'on la ponctionne ainsi. Vous dites, avec justesse, que votre but est de réhabiliter le travail, mais le gazole, c'est aussi le travail.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. L'essence également !
    M. François Bayrou. La clientèle des Français touchés directement par la hausse du gazole, c'est précisément pour une grande part, les commerçants, les artisans, les agriculteurs, les ouvriers et les employés (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française) qui, dans le monde rural, vivent loin de leur emploi ou qui, dans la banlieue parisienne, doivent se rendre très tôt le matin à leur travail à bord d'une petite voiture équipée d'un moteur Diesel pour faire des économies.
    M. Yves Fromion. Les bus au Diester, c'est mieux.
    M. François Bayrou. Ce sont ces personnes que vous ciblez. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. S'il vous plaît.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Il ne dit que des vérités !
    M. François Bayrou. Elles ont parfaitement compris le résultat de la manoeuvre.
    M. François Hollande. Renversons le Gouvernement.
    M. Didier Migaud. Raffarin démission !
    M. François Bayrou. Les quatre ou cinq euros par mois qu'ils économiseront sur leur feuille d'impôt...
    M. Didier Migaud. Même pas.
    M. François Bayrou. ... ou qu'elles recevront en plus au titre de leur prime pour l'emploi, elles les rendront à la pompe.
    M. Augustin Bonrepaux. Elles débourseront plus.
    M. François Bayrou. Ce n'est pas en traitant les gens ainsi qu'on peut construire une démocratie. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Il est un peu humiliant de vous entendre utiliser des prétextes pour justifier cette hausse. Vous feriez mieux de dire tout simplement...
    M. Henri Emmanuelli. On est fauchés !
    M. François Bayrou. ... que l'on cherche des sous partout où on le peut. Il est humiliant d'avoir prétendu que c'était pour financer le rail.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Pour le désendetter !
    M. François Bayrou. La dette de RFF est de 25 milliards d'euros tandis que l'annuité de RFF est de plus de 2 milliards. On voit bien que ce sera au remboursement de la dette que sera affectée l'augmentation de la TIPP. Le jour où l'on mettra en place un fonds qui garantira réellement et durablement les investissements routiers ou ferroviaires, on pourra discuter. En attendant, votre argument, c'est de la communication, ou plutôt de la « com ».
    M. Michel Bouvard. Nous aurions bien aimé avoir votre appui sur le FITTVN !
    M. Yves Fromion. Comment serait-il financé ce fonds ?
    Mme Christine Boutin. Ce sera le fonds sans fonds !
    M. François Bayrou. On pourra par exemple y consacrer les recettes des péages des autoroutes, à condition que l'on décide de ne pas les privatiser. Nous pourrions peut-être défendre un tel choix ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Mais nous aurons ce débat en d'autres temps.
    M. Henri Emmanuelli. Il a raison !
    M. François Bayrou. Tout aussi partial est l'argument selon lequel on augmenterait les TIPP sur le gazole au nom de la défense de l'environnement. Mais, mes chers collègues, l'effet de serre est dû principalement à la consommation d'énergies fossiles. Or le diesel consomme 30 % de carburant de moins que les moteurs à essence. Quant aux particules, l'industrie française a pris une grande avance : aujourd'hui, les automobiles disposent de filtres performants et les moteurs sont propres.
    J'ai également entendu dire que l'on voulait augmenter le gazole pour pénaliser le transport routier et favoriser le ferroutage.
    M. Hervé Mariton. C'est l'idée de M. de Robien !
    M. François Bayrou. Qu'il me soit seulement permis de rappeler sans cruauté que les camions de plus de 7,5 tonnes sont exonérés de l'augmentation de la taxe. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Hollande. Très juste !
    M. François Bayrou. Pour toutes ces raisons, qui touchent à la défense du monde du travail et à la véracité, nous ne pouvons pas accepter cette hausse du gazole.
    Nous avons un troisième différend sur votre projet de budget : la suppression de l'ASS, l'allocation spécifique de solidarité, pour les chômeurs en fin de droits.
    M. Pascal Terrasse. C'est scandaleux !
    M. François Hollande. Vous allez voter contre ?
    M. François Bayrou. Ici, ce n'est pas tant une question de vérité que de justice.
    M. François Hollande. Mais ils n'ont aucun sens de la justice !
    M. Didier Migaud. Ils ne savent pas ce que c'est !
    M. François Bayrou. Vous ne pouvez pas financer la baisse de l'impôt sur le revenu des catégories les plus favorisées par la suppression de l'allocation minimale allouée aux Français en fin de droits. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française, et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Pour la modique somme de 150 millions d'euros, alors que la baisse de l'impôt représente près de douze fois plus, vous envoyez un signal social désastreux.
    M. François Hollande. Ecoutez votre majorité, messieurs les ministres ! (Sourires.)
    M. Henri Emmanuelli. Il a raison ! Il essaie de vous sauver !
    M. François Bayrou. Je veux défendre devant vous l'idée que la clé de toute réforme, c'est la justice. Il n'y a pas d'adhésion populaire à une politique de réformes si le sentiment de la justice n'est pas dans tous les esprits. Il n'y a pas d'adhésion populaire si les citoyens n'ont pas le sentiment que les efforts sont équitablement répartis.
    M. François Rochebloine. Tout à fait !
    M. François Sauvadet. Eh oui !
    M. François Hollande. Il n'y a pas d'adhésion populaire au Gouvernement !
    M. François Bayrou. Que chacun participe selon ses moyens et à la mesure de ses difficultés.
    M. Jean-Claude Sandrier. On ne voit pas ce que vous faites au Gouvernement !
    M. Yves Fromion. Bonne question !
    M. François Bayrou. Je ne m'étais pas rendu compte, mon cher collègue, que j'étais membre du Gouvernement. (Rires.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Mais Robien si !
    M. Maurice Leroy. Il croyait que c'était Gayssot qui parlait !
    M. le président. Mes chers collègues, laissez M. Bayrou conclure sa démonstration.
    M. François Bayrou. Mes prédécesseurs ont parlé trente minutes. Je vous promets de faire moins.
    M. le président. Ils n'ont pas parlé tout à fait trente minutes. Mais je vous laisse terminer, si vos collègues veulent bien vous écouter dans le silence.
    M. François Bayrou. Vous ne pouvez pas mettre ainsi au centre de la cible les chômeurs de longue durée. Ce serait pour les inciter à retrouver de l'emploi, nous dit-on. Mais, monsieur le ministre, ce n'est pas en assignant les gens aux RMI qu'on les incite à retrouver un emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Dire les choses ainsi, c'est désespérer d'eux ! Nous ne désespérons pas d'eux !
    M. François Bayrou. Je ne vous pose même pas la question que les élus posent. Je n'insiste pas sur le tour de passe-passe qui consiste à faire financer par les départements, sans compensation, contrairement à ce que prévoit la Constitution, une aide qui dépendait jusqu'à présent de l'Etat. Je dis simplement que vous ne pouvez pas mettre 150 000 personnes, voire 300 000 bientôt, au RMI, comme si leur chômage était volontaire.
    Si vous étiez venu devant l'Assemblée nationale, avec une mesure d'insertion pour l'emploi, une mesure nouvelle, nous en aurions discuté. Le souci de la remotivation est légitime, mais le RMI ce n'est pas une remotivation, c'est une démotivation et parfois, pour beaucoup, une désespérance. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Henri Emmanuelli. C'est votre chemin de croix, monsieur le ministre.
    M. Michel Bouvard. Ce n'est plus le RMI, c'est le RMA !
    M. François Hollande. Il est où le RMA ?
    M. François Bayrou. Le groupe UDF a, le premier, défendu le RMA, avec des membres éminents de l'UMP d'ailleurs.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Avec Jean-Paul Virepoullé, qui est à l'UMP maintenant.
    M. François Bayrou. Durant toute la campagne de l'élection présidentielle, j'ai défendu la perspective d'un revenu minimum d'activité. Vous nous annoncez cette mesure pour l'année prochaine.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Cette année !
    M. François Bayrou. Très bien ! Mais vous ne pouvez pas, au nom de la justice, supprimer l'allocation de fin de droits avant de vous être assuré que quelque chose d'autre pouvait la remplacer.
    M. Michel Bouvard. Elle n'est pas supprimée !
    M. François Bayrou. Je vous fais une suggestion simple. Maintenez l'ASS et ouvrez les mécanismes du futur RMA aux bénéficiaires de l'ASS. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Il y a quelques années, la campagne présidentielle s'était organisée autour d'une intuition juste de Jacques Chirac, la fracture sociale. La fracture sociale n'a pas diminué dans notre pays, ni sous la gauche, ni sous la droite. La crise aidant, elle se creuse, elle touche des catégories nouvelles et elle menace l'âme française. Vous ne pouvez pas aggraver la fracture sociale par des décisions inconsidérées.
    M. Didier Migaud. Il faut voter contre le budget !
    M. François Hollande. C'est la fracture de la majorité !
    M. François Bayrou. C'est pourquoi le groupe UDF va défendre trois amendements principaux.
    Le premier proposera de rétablir l'allocation des chômeurs en fin de droits. (« Nous le voterons ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Le deuxième reviendra sur la hausse de la TIPP sur le gazole. (« Nous le voterons ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

    M. François Bayrou. Le troisième, pour équilibrer les deux premiers, encore que la commission des finances ou tel ou tel groupe pourrait très bien proposer des mesures d'économies pour marquer, au moins symboliquement, la volonté de réduire le déficit, consistera à adopter, comme l'année dernière, une baisse de l'impôt sur le revenu...
    M. François Hollande. Nous ne le voterons pas !
    M. François Bayrou. ... limitée à 1 %.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous avez retiré l'amendement en commission ! Vous manquez de courage !
    M. François Bayrou. D'un côté, le renoncement à la hausse de la TIPP représente à peu près 800 millions d'euros et le rétablissement de l'ASS 150 millions d'euros. De l'autre, une baisse des impôts de 1 % au lieu de 3 % rapporterait 1,1 milliard d'euros. Au final, le déficit, et donc la dette, serait réduit de 200 millions environ.
    M. Michel Bouvard. Mais comment financez-vous les investissements ?
    M. François Bayrou. J'entends ici ou là, je lis dans les journaux que le Gouvernement est décidé à n'accepter aucun amendement, qu'il en a persuadé sa majorité et même, mais cela a été démenti, que la commission des finances avait retiré ses amendements.
    M. Claude Bartolone. C'est la négation du rôle du Parlement !
    M. François Bayrou. Je veux défendre devant vous le droit d'amendement de l'Assemblée nationale, qui n'est pas autre chose que le droit de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Didier Migaud. La commission se couche avant la discussion !
    M. François Bayrou. Si le Gouvernement veut que tout le monde s'aligne, que sa majorité, que les députés dans leur ensemble ne soient que des exécutants, il se trompe. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Il n'aura échappé à personne que les amendements que je défends à cette tribune sont ceux-là mêmes qu'avait suggérés le président de la commission des finances, M. Méhaignerie (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française), ceux-là mêmes qu'avaient défendus des personnalités aussi éminentes de l'UMP que M. Madelin ou M. Mariton.
    M. Claude Bartolone. Il y a du sang sur les murs ! (Sourires.)
    M. le président. Il vous faut conclure rapidement, monsieur Bayrou.
    M. François Bayrou. Le montant de ces amendements représente à peine 0,2 % du budget que vous nous proposez, monsieur le ministre.
    M. Henri Emmanuelli. On va voir combien vous valez !
    M. François Bayrou. A quoi servirait une assemblée de 577 parlementaires qui discuterait pendant trois mois du budget de la nation sans pouvoir modifier le budget de 0,2 % ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Notre liberté, à l'UDF, est de pouvoir aller au bout de cette logique.
    M. Claude Bartolone. L'UMP s'en fout, elle a assez d'élus !
    M. François Bayrou. En défendant ces amendements jusqu'au bout,...
    M. Didier Migaud. Jusqu'au bout ?
    M. François Bayrou. ... ce n'est pas seulement la liberté de l'UDF que nous défendons, c'est une certaine conception de la démocratie française, dans laquelle le Parlement n'acceptera pas d'être une simple chambre d'exécution. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) S'il a pu être qualifié à une époque de godillot, dénomination au fond assez noble, il n'acceptera pas d'être réduit au silence, d'être interdit de toute remarque et de toute imagination.
    Mme Christine Boutin. On est libre à l'UMP ! Vos propos ne sont pas acceptables !
    M. Didier Migaud. Vous fâchez Mme Boutin !
    M. Philippe Briand. Elle a raison, Mme Boutin !
    M. François Bayrou. Ces amendements, la plupart d'entre vous les avez défendus, à un moment ou à un autre, devant les journalistes ou dans des conversations privées. Si le vote était vraiment libre, ces amendements recueilleraient l'assentiment d'une immense majorité de cette assemblée.
    M. Yves Fromion. Mais non !
    M. Didier Migaud. Courage, fuyons !
    Mme Sylvia Bassot. C'est complètement faux ! C'est insultant pour nous !
    M. François Bayrou. Le vote ou non de ces amendements sera la preuve de votre dignité, ou non, de parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Sylvia Bassot. On n'a pas besoin de vous pour défendre notre dignité !
    M. Michel Bouvard. Assez ! Démago !
    M. Jean-Yves Chamard. C'est vraiment la phrase de trop !
    M. Michel Bouvard. On saura s'en souvenir pour les régionales !
    M. le président. Chers collègues !
    M. Michel Bouvard. On n'a pas de leçon de dignité à recevoir ! On veut savoir comment il financera les investissements ! Il ne l'a pas dit !
    M. le président. Mes chers collègues, M. Bayrou a dépassé de huit minutes son temps de parole. Il doit donc conclure, si possible dans le silence.
    M. François Bayrou. S'il veut être le garant de la réforme, le Parlement ne peut pas être réduit au rôle d'exécutant. Il doit défendre sa légitimité, comme le président de l'Assemblée nationale l'y a très justement invité, et je soutiens les propos qu'il a tenus sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) C'est pourquoi ces amendements seront défendus par l'UDF jusqu'au bout !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Et ils seront rejetés !
    M. François Bayrou. C'est pourquoi le vote de l'UDF sur le budget dépendra de l'adoption, ou non, de tout ou partie de ces amendements. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Sylvia Bassot. C'est du chantage !
    M. François Bayrou. En réalité, ma formulation est inexacte.
    Mme Sylvia Bassot. Espèce d'intermittent de la majorité !
    M. François Bayrou. Du sort qui sera réservé à ces amendements...
    M. Philippe Briand. Des menaces, maintenant !
    M. François Bayrou. ... et je vous conjure d'y réfléchir - (« Oh !» sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) dépendra non seulement le vote de l'UDF, dont vous n'avez pas besoin pour faire une majorité,...
    M. Philippe Auberger. On peut en effet se passer de vous !
    M. François Bayrou. ... mais un peu du sens de votre action, l'avenir de la société et de la démocratie que nous voulons construire ensemble. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Grandiloquent !
    M. le président. Pour une parfaite transparence à ce stade de la discussion générale, je vous informe que M. Laffineur, pour le groupe UMP, s'est exprimé dix-sept minutes, M. Sandrier, pour le groupe communiste, vingt minutes, M. Bonrepaux, pour le groupe socialiste vingt-quatre minutes, et M. Bayrou, pour le groupe UDF, un peu plus de trente minutes.
    M. Philippe Auberger. C'était dix minutes de trop !
    M. le président. Le temps prévu était de vingt minutes pour chacun mais il était important de laisser les orateurs principaux de chaque groupe s'exprimer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Didier Migaud. Rappel au règlement !
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Je voudrais faire une simple suggestion : peut-être pourriez-vous, monsieur le président, décider une suspension de séance pour que nos collègues de l'UMP aient le temps de se remettre et de réfléchir aux propositions formulées par M. François Bayrou. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Chacun pourra apprécier le caractère malicieux de votre intervention ! (Sourires.)
    M. Didier Migaud. Je les trouve un peu gênés. (Rires sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Indifférents, surtout !
    M. le président. Merci, monsieur Migaud.
    La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Jean-Pierre Brard. Un silence sépulcral s'installe ! (Sourires.)
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, chers amis, nous allons essayer avec Alain Lambert de répondre aussi simplement que possible aux principales critiques ou remarques qui ont été formulées par les différents intervenants.
    M. Gérard Bapt. Vous ne serez pas trop de deux !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est mieux à deux, en effet. Je n'hésite pas à reconnaître que ma compétence n'est pas suffisamment encyclopédique pour ne pas avoir besoin de mon collègue Alain Lambert pour répondre à certaines questions. C'est ainsi que nous continuerons à travailler, je vous rassure !
    M. Philippe Briand. Ça change de votre prédécesseur !
    M. Michel Bouvard. Oui ! M. Fabius, lui, demandait si on avait les diplômes requis !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Sur un plan général, je voudrais relever quelques erreurs de présentation en ce qui concerne nos performances de croissance dans le passé, le présent et le futur, notamment en termes d'emploi. Sans faire de polémique, je voudrais remettre quelques pendules à l'heure !
    M. Jean-Pierre Brard. Surtout depuis qu'on n'a plus d'horlogerie ! (Sourires.)
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Durant la période faste qu'a connue l'Europe de 1998 à 2001, nous avons bien travaillé en France, avec une croissance de 3,3 %. Mais il ne faut pas donner le sentiment que nous avons mieux fait que les autres : en réalité, nous avons fait aussi bien que la plupart des pays, mis à part l'Allemagne et l'Italie qui, pour des raisons qui leur sont propres, ont fait beaucoup moins bien avec moins de 2 %. Tous les autres pays ont fait un peu mieux que nous. Par leur croissance, l'Allemagne et l'Italie rejoignent le peloton alors même qu'en 2002 et en 2003 la croissance globale de la zone euro n'a pas été brillante.
    Dans une zone économique telle que la zone euro, il n'y a pas de raison durable pour qu'un pays fasse significativement mieux, ou moins bien, que les autres. Aujourd'hui, le pays qui se porte le mieux en Europe - je préfère dire « le mieux » plutôt que « le moins mal » - est l'Espagne.
    M. Jean-Louis Idiart. C'est beaucoup dire !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'Espagne bénéficie encore d'un certain nombre d'avantages découlant de son entrée dans le marché commun, et surtout de son entrée dans la zone euro : une forte baisse des taux d'intérêt, notamment dans le domaine de la construction, a généré un boom qui est à l'origine du surcroît de croissance de ce pays. Je ne le conteste pas et je trouve même cela très bien, mais si vous déduisez cet élément de la croissance espagnole, les performances semblent malheureusement aussi peu brillantes que celles des autres pays européens dans le période 2002-2003.
    J'en viens à la consommation.
    Pour le cas où vous ne le sauriez pas, je rappelle que nous continuons d'avoir un taux de croissance de la consommation supérieur à celui du reste de la zone euro.
    Quant à nos perspectives de redémarrage, nous sommes modestes en prévoyant 1,7 %, pourcentage moyen que chacun s'accorde à reconnaître pour l'Europe et la zone euro. Si vous voulez évoquer des chiffres plus optimistes, prenez celui du Fonds monétaire international, qui nous octroie - cela n'engage personne car il ne s'agit que d'une prévision - 2 % de croissance pour l'année prochaine.
    M. Henri Emmanuelli. C'est ça ! L'année prochaine, on rase gratis !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce n'est qu'une prévision, je le répète, et c'est pourquoi je n'y attache pas une grande importance, rassurez-vous !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous nous avez rassurés depuis longtemps : le pire est devant nous !
    M. le président. Laissez M. le ministre s'exprimer !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En ce qui concerne l'emploi, il est clair que 1998-2002 a été une période de création significative d'emplois. Mais en ce domaine, nous aurions tort - je ne cherche pas à faire de polémique...
    M. Henri Emmanuelli. Bien sûr que non !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... de croire que nous avons fait mieux que les autres. Nous avons fait aussi bien que les autres, et c'est tant mieux, mais nous n'avons pas fait significativement mieux que les autres.
    M. Pascal Terrasse. Merci de le reconnaître !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pourquoi avons-nous fait aussi bien que les autres ?
    Soyons clairs : les emplois durables, ce sont les emplois marchands.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Absolument !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Et ce n'est pas faire de la polémique que de le rappeler.
    M. Henri Emmanuelli. Ce n'est pas de la polémique, c'est du dogmatisme. C'est de l'idéologie.
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Non, ce n'est pas du dogmatisme. Vous m'obligez à rappeler qu'entre 1998 et 2001 nous avons créé dans notre pays 150 000 emplois non marchands,...
    M. Pascal Terrasse. Sur combien d'emplois ?
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... 100 000 dans la fonction publique et 50 000 au titre des emplois-jeunes ou des emplois aidés.
    M. Henri Emmanuelli. Mais qu'est-ce qu'un « emploi marchand » ?
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous avons donc fait aussi bien que les autres, mais au moyen d'un effort un peu particulier qui ne s'est pas réellement traduit par la création d'emplois durables.
    M. Pascal Terrasse. Plus d'un million d'emplois marchands ont été créés !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce qui a été fait en matière de baisse des charges et qui continuera à l'être les prochaines années a été un élément tout à fait positif, qui a contribué à une évolution de l'emploi relativement satisfaisante en dépit de l'affaiblissement de la conjoncture en 2003.
    Je ne veux pas faire de provocation, mais vous devez reconnaître qu'entre juillet 2002 et fin 2003 le nombre de personnes au travail en France n'a pas baissé !
    M. Pascal Terrasse. Etre membre du cabinet du ministre, c'est occuper un emploi marchand ? (Sourires.)
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Peut-être y a-t-il une variation de l'ordre de 10 000 ou de 20 000, mais il faut la rapporter à 25 millions d'actifs.
    Ce qui est fondamental, ce n'est pas de s'amuser à faire une soustraction : population active moins personnes au travail égale nombre de chômeurs, mais c'est d'augmenter ou d'éviter de diminuer le nombre de gens qui travaillent. Telle est notre politique.
    Toute notre action, année après année, sera orientée autour de l'idée suivante : créer de l'emploi à travers l'entreprise, créer des emplois marchands qui se tiennent tout seul sans avoir besoin du soutien de l'Etat. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Henri Emmanuelli. Et la sidérurgie, elle n'a pas eu besoin du soutien de l'Etat, peut-être ?
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. D'ailleurs, c'est bien ce qui est en train de se produire. Dans le passé, si nous avions eu à affronter une réduction de la croissance comme celle que nous connaissons en 2003, nous aurions assisté à un effondrement important du nombre des personnes au travail. Or cela n'a pas été le cas depuis la mi-2002 parce que, y compris en raison de décisions prises par l'ancien gouvernement, nous avons rendu beaucoup moins sensible pour l'entreprise la charge des emplois.
    M. Henri Emmanuelli. On croit rêver !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Telle est la vérité !
    M. Henri Emmanuelli. Vous faites pire et c'est la faute des autres ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous continuerons à agir dans ce sens.
    Je préfère vous confirmer que, depuis un an, nous ne sommes pas loin des 100 000 contrats-jeunes, contrats à durée indéterminée, que vous annoncer que 100 000 emplois-jeunes auraient été pourvus dans l'administration. Je préfère de beaucoup...
    M. Henri Emmanuelli. Avoir 300 000 chômeurs !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... que 100 000 jeunes soient entrés sans grande qualification dans l'industrie plutôt que selon la manière précédente. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. )
    Si je dis cela, c'est pour remettre quelques pendules à l'heure.
    J'ajouterai avec audace que nous sommes probablement à la fin de la période de montée du chômage, pour des raisons que vous connaissez. Ainsi, nous devrions, l'année prochaine, assister à un début de reflux du chômage, c'est-à-dire à une augmentation du nombre des créations d'emploi,...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Bien sûr !
    M. Henri Emmanuelli. Espérons-le !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et donc à une augmentation du nombre de gens qui travaillent en France. C'est l'un de nos objectifs.
    M. Richard Mallié. Des « objectifs » ? Mais ils ne savent pas ce que c'est !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En tout cas, moi, je sais ce que c'est que des gens qui travaillent dans une entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Henri Emmanuelli. Moi aussi !
    M. Augustin Bonrepaux. Il n'y a pas que vous qui travaillez !
    M. Henri Emmanuelli. Vous devez aussi savoir ce que sont des subventions publiques ! Vous en avez reçu beaucoup !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Notre ami Didier Migaud a fait quelques remarques sur les ajustements structurels. Je tiens à sa disposition la démonstration selon laquelle, malgré la conjoncture adéquate et un déficit nominal qui, certes, baissait dans les années antérieures, on a déploré dans les années passées une détérioration de l'effort structurel sur le déficit. En dépit d'une situation désagréable, avec les 4 % de déficit en 2003 et les 3,6 % que nous essaierons d'atteindre en 2004,...
    M. Augustin Bonrepaux. Au point où l'on en est !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... on observera une amélioration du déficit structurel au cours des années 2003, 2004 et suivantes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).
    Je tiens également à rappeler que l'élément majeur de la partie économique, non de la partie sociale, de notre réforme des retraites, est l'assainissement structurel en termes de déficit, lequel peut être estimé à 1 %...
    M. Henri Emmanuelli. Cela ne veut rien dire du tout !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... d'après le calcul de la direction de la prévision, que je tiens, monsieur Migaud, à votre disposition.
    Tout cela doit vous convaincre non seulement que la réforme des retraites est utile pour sauver notre système de répartition,...
    M. Jean Le Garrec. Votre réforme des retraites ne marchera pas !
    M. Augustin Bonrepaux. Elle n'est pas financée !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... mais aussi qu'elle aura d'autres conséquences vertueuses sur le plan de la structure de nos déficits.
    M. Augustin Bonrepaux. Votre réforme est ultra-libérale !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mesdames, messieurs, je reste convaincu que le budget que nous vous présentons est correctement balancé.
    Cela dit, je voudrais répondre à la critique sur les baisses d'impôt. Pour ce faire, je ferai un parallèle qui pourra sembler un peu audacieux.
    M. Henri Emmanuelli. Ne vous en privez pas !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Quand une entreprise a des difficultés, qu'il s'agisse de son compte d'exploitation, de son chiffre d'affaires qui diminue ou de son endettement relatif,...
    M. Henri Emmanuelli. Elle peut demander des subventions à l'Etat !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... une solution s'offre à elle - je ne dis pas que c'est la seule - : elle doit en même temps serrer les boulons en matière de coûts - c'est ce que nous faisons avec la mise sous contrôle de la croissance de nos dépenses, en prévoyant une croissance de 0 % en volume - et baisser les prix (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Philippe Briand. Elle redevient alors compétitive !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... afin de jouer sur l'élasticité de la demande.
    M. Jean Le Garrec. A condition qu'il y ait une demande !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Elle peut ainsi améliorer ses coûts par un effet volume qui est la conséquence de la baisse des prix.
    Si l'on transpose le comportement de l'entreprise à l'Etat, on a raison, parce que l'on adopte un raisonnement dynamique et que l'on croit à ce que l'on fait, de baisser certains impôts, même si les baisses sont clairement financées par un accroissement de la dette.
    M. Didier Migaud. Ah ! vous le reconnaissez donc !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je n'ai aucune difficulté à le reconnaître.
    M. Didier Migaud. Contrairement au Premier ministre !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je vais vous expliquer pourquoi nous baissons les impôts. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Nous baissons les impôts pour démontrer aux acteurs économiques que ce que nous avons envie de faire, c'est de leur redonner plus de capacités de garder ce qu'ils ont gagné. Et nous le faisons même si, objectivement, cela se traduit par un léger accroissement de notre dette. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Augustin Bonrepaux. Tout pour les mêmes !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous le faisons aussi parce que nous sommes convaincus que le signal que nous envoyons aux acteurs économiques...
    M. Augustin Bonrepaux. A quels acteurs économiques ?
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... en leur disant qu'ils gagnent, avec les baisses d'impôts, 10 % de plus que ce qu'ils auraient gagné si nous n'avions pas été là, ce qui n'est pas négligeable,...
    M. Jean Le Garrec. Assurément !
    M. Augustin Bonrepaux. Surtout quand les autres ont moins !
    M. le président. Ecoutez le ministre en silence, s'il vous plaît !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... doit les convaincre de persister dans cette direction. Car ce sont les acteurs économiques qui créeront les conditions de ce supplément d'incitation au travail et qui feront en sorte que la dépense se traduise par une croissance de la consommation et des investissements. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Augustin Bonrepaux. On voit le résultat !
    M. Henri Emmanuelli. C'est la politique de l'offre !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je me permets de vous rappeler que les baisses d'impôts génèrent un supplément d'épargne, que cette épargne est structurellement, statistiquement parlant, consacrée à hauteur de 85 % à la consommation et à hauteur de 15 % à un supplément d'épargne.
    Aujourd'hui, nous sommes en train de créer les conditions pour que ces baisses d'impôts se traduisent, à la faveur de la relance, par une augmentation de la consommation, qui je vous le rappelle, n'a pas été chez nous plus faible que dans les autres pays européens.
    Notre raisonnement n'est donc pas comptable : il est dynamique et psychologique.
    M. Victorin Lurel. Il est plutôt probabiliste !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous disons : « Nous vous avons compris. Vous allez avoir un supplément de revenus, et vous en ferez ce que vous voudrez. Mais on va vous aider aussi à l'investir soit dans des initiatives économiques - cela s'appelle l'"épargne investie car, rassurez-vous, l'épargne ne dort pas - (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. Henri Emmanuelli. Ah non !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... soit dans la consommation. »
    M. Augustin Bonrepaux. Cela veut dire que vous ne visez que 10 % de la population !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Si vous le souhaitez, nous pouvons revenir sur l'idée selon laquelle seule la moitié des Français paient des impôts...
    M. Augustin Bonrepaux. On peut le dire !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'ai entendu hier une apologie de l'impôt sur le revenu. J'ai alors failli vous demander pourquoi vous ne voulez pas faire payer l'impôt sur le revenu par la totalité de la population ?
    M. Henri Emmanuelli. Parlons-en ! Moi, je suis d'accord !
    M. Pascal Terrasse. Qu'est-ce d'autre que la CSG ?
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Votre attitude est curieuse : si vous voulez démontrer que l'impôt sur le revenu est le nirvana, que personne n'en soit écarté ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Quand vous soutenez que 10 % de la population bénéficie de 30 % de la réduction d'impôt, vous avez certainement raison. Mais faites aussi le raisonnement dans l'autre sens : si 1 % de la population paie 30 % des impôts, ce 1 % a le droit de bénéficier d'un traitement un peu moins pénalisant. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Henri Emmanuelli. Et la TVA ?
    M. Jean-Pierre Brard. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le raisonnement est valable dans les deux sens !(Mêmes mouvements.)
    M. Henri Emmanuelli. C'est M. Thatcher qui parle !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je rappelle qu'un budget n'est qu'une étape dans la mise en oeuvre d'une politique. Et cette politique est fondée sur l'offre,...
    M. Yves Fromion. Très bien !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et sur la relance de l'initiative économique, moyennant quelques incitations fiscales vis-à-vis des personnes et des entreprises.(« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cette politique se joue sur la durée (« Très bien ! », sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) en l'occurrence sur cinq ans. C'est la première fois que, dans notre système français, la durée du mandat présidentiel est identique à celle de la législature.
    C'est dans ce contexte que cette politique...
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre...
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... continuera d'être mise en place car nous sommes convaincus qu'à l'arrivée elle sera la meilleure pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Quant à la dette, personne ne conteste sa réalité. Je suis aussi sensible que M. Bayrou à son montant, tout en ayant à l'esprit la dette implicite découlant de notre système de retraite, sur lequel nous nous sommes engagés.
    Je suis d'accord pour reconnaître qu'il ne serait ni raisonnable ni responsable de ne pas envisager les conditions nous permettant à certain moment de cesser d'augmenter cette dette, au moins en pourcentage du PIB. Mais nous sommes malheureusement dans la même situation que les autres pays. Et si vous voulez vous faire peur, regardez la dette américaine ou la dette japonaise et demandez-vous comment le système fonctionne !
    Ce qui m'intéresse, ce n'est pas tellement la valeur absolue de la dette...
    M. Maurice Leroy. On regarde la nôtre !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce qui m'intéresse, c'est de voir comment nous nous situons par rapport aux autres. Ce qui m'intéresse, c'est le taux de croissance.
    Il est clair que nous n'avons aucune raison d'accepter trop longtemps un taux de croissance qui nous conduirait progressivement à des pourcentages de dette par rapport au PIB qui deviendraient vraiment insoutenables, y compris lorsque les taux d'intérêt, à la faveur de la reprise économique, augmenteraient significativement la charge de cette dette. Là-dessus, nous sommes tous d'accord.
    Le seul problème est de savoir comment nous pouvons agir sur le paramètre « gestion de la dette ».
    Il y a quelque vingt ans, la dette représentait 20 % de notre PIB ; elle en représente actuellement 60 %, selon les critères d'Eurostat.
    Quelle priorité donner à la maîtrise de la croissance de la dette par rapport à la maîtrise d'une certaine croissance de l'économie, le tout par rapport à une certaine maîtrise de l'emploi ?
    Les trois objectifs que nous visons, notamment à travers ce budget - sur lequel Alain Lambert vous donnera dans quelques instants plus de détails -, sont les suivants : minimiser la croissance de la dette, essayer d'augmenter au maximum le taux de croissance, tout en créant les conditions pour qu'il y ait le maximum de gens au travail.
    Il se peut qu'un autre mélange que le nôtre soit meilleur. Mais tel est celui que nous vous proposons et que nous défendons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué...
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je voulais poser une question à M. le ministre de l'économie...
    M. le président. Monsieur Brard, vous pourrez poursuivre votre dialogue avec M. Mer en dehors de l'hémicycle.
    La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, puisque la question de la place du Parlement dans notre démocratie a été évoquée il y a un instant, je commencerai cette intervention par le bilan du travail que nous avons effectué ensemble sur le projet de budget pour 2003.
    M. Henri Emmanuelli. Une catastrophe !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mais laissez-moi vous rappeler auparavant que la discussion budgétaire, ce n'est pas simplement la discussion générale, c'est tout le débat sur les articles et les amendements ; ce sont des jours et des nuits. Et, pour ma part, je pense que ce sont ceux qui participent à la totalité de la discussion sur les amendements - 480 ont été déposés cette année -, qui sont les mieux placés pour porter un jugement sur la qualité du débat parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien ! Les absents ont toujours tort.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Lors de l'examen du projet de budget pour 2003 et du collectif qui a suivi, j'ai pris, à la suite de vos amendements, 92 engagements, souscrits devant l'Assemblée nationale et le Sénat. Au 1er octobre 2003, quel en est le bilan ? Plus de 50 %, soit 49 engagements, ont été tenus dans leur intégralité.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il y avait même quelques amendements de l'UDF ! (Sourires.)
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Naturellement !
    M. François Bayrou. Bravo !
    M. Maurice Leroy. Et il y en aura d'autres !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. 14 % sont en passe d'être tenus à court terme, 23 % seront tenus à moyen terme - nous attendons le véhicule législatif adapté -...
    M. Didier Migaud. Il marche au gazole ?... (Sourires.)
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... et seulement 8 % ne pourront connaître une suite que dans quelques mois, le temps de mettre au point un dispositif technique approprié. Voilà ce qu'est le vrai travail parlementaire.
    M. Jean-Yves Chamard et M. Philippe Briand. Très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Si François Bayrou fait une comparaison statistique, il conviendra que ce travail de collaboration confiante entre l'Assemblée nationale et le Gouvernement est supérieur à celui qui a pu être réalisé auparavant, y compris par les gouvernements auxquels il a participé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François Bayrou. Il faut le dire à Edouard Balladur et à Alain Juppé !
    M. Henri Emmanuelli. Vous nous préviendrez quand vous aurez fini de régler vos comptes ! Et nous, monsieur le ministre ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Emmanuelli, je me tourne maintenant vers vous pour vous dire que j'ai bien écouté les orateurs du groupe socialiste.
    M. Henri Emmanuelli. Ils sont exceptionnels, intelligents, sérieux !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ils sont fidèles à eux-mêmes, ils ont des convictions tout à fait respectacles et, généralement, nous apprenons beaucoup en les écoutant. Mais je pense que nos antagonismes sont irréductibles.
    M. Henri Emmanuelli. Nous n'avons pas d'antagonismes : vous avez des lacunes !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ces antagonisme, je vais vous les résumer.
    Vous croyez à l'assistance, nous croyons, nous, au travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean Le Garrec. Arrêtez !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous croyez à plus de dépenses et plus d'impôts ; nous croyons, nous, à moins de dépenses pour moins d'impôts. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
    M. Jean Le Garrec. Pas ça !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous croyez d'abord à l'emploi public ; nous croyons d'abord à l'emploi privé. (Applaudissements.)
    M. Henri Emmanuelli. Ce n'est pas vrai ! Vous croyez aux charges vénales et au corporatisme !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous croyez d'abord à l'économie administrée ; nous croyons à la liberté de l'économie. (Applaudissements.)
    M. Jean Le Garrec. C'est ridicule !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous vouliez que je vous réponde, je l'ai fait.
    M. Jean-Louis Idiart. Vous êtes obligé de forcer le trait à cause de l'UDF !
    M. Henri Emmanuelli. Vous ne croyez même pas à ce que vous dites !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Emmanuelli, il vous reste un instant pour me dire si vous êtes d'accord avec le message de ce budget, qui est l'encouragement au travail. Etes-vous pour ? Non, vous n'êtes pas pour ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Nous voulons retaurer la dignité, la primauté du travail. La France a besoin du talent, de l'effort de tous les Français, et c'est le message délivré par ce budget. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Henri Emmanuelli. On se croirait dans un préau d'école ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Par la grâce de qui, mon cher collègue ?
    M. Yves Fromion. C'est parce que vous avez besoin d'une leçon, monsieur Emmanuelli !
    M. Philippe Briand. Et d'une bonne ! Vous n'êtes pas le dernier des garnements !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vos interrogations sur la prime de l'emploi sont justifiées parce que les mesures que nous avons prises à ce sujet sont importantes. Didier Migaud nous a posé des questions ; je vais tâcher d'y répondre.
    M. Henri Emmanuelli. C'est ça que vous appelez répondre ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ecoutez-moi, au moins !
    Mme Sylvia Bassot. Les mauvais élèves n'écoutent jamais !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Migaud, la présentation du budget que vous avez faite est assez réductrice, parce que notre politique d'encouragement au travail et de récompense du travail, particulièrement au niveau des bas salaires, ne se limite pas à la seule revalorisation de la prime pour l'emploi.
    M. Didier Migaud. Heureusement !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je remercie le rapporteur général, Gilles Carrez, de l'avoir souligné dans son intervention.
    Contrairement à ce que vous avez dit, nos mesures sont significatives. J'en rappelle le détail : 150 millions d'euros d'indexation, 130 millions d'euros de relèvement des seuils, 80 millions d'euros d'augmentation des taux, 120 millions pour la mise en place d'un mécanisme d'acompte. Ces chiffres ont été rendus publics dès la présentation du budget, et le total représente bien un effort de 480 millions, en 2004, en faveur de la prime pour l'emploi.
    M. Henri Emmanuelli. Non, c'est 210 millions !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ce mécanisme d'acompte constitue un vrai progrès, même s'il me semble que vous avez éludé le sujet. En effet, les bénéficiaires de la prime pour l'emploi devaient attendre dix-huit mois après la reprise d'un emploi pour en bénéficier, ce qui n'avait plus de sens. Ce délai est ramené à six mois. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Quant à la revalorisation de la prime, c'est un élément de notre politique plus générale d'encouragement au travail. Pour une personne rémunérée au SMIC - ce qui est le coeur de cible de la prime -, la hausse, de 2002 à 2004, de son revenu annuel de travail - SMIC plus prime pour l'emploi - atteindra 823 euros en moyenne. Pour un salarié au SMIC travaillant 39 heures hebdomadaires, elle atteindra 1 409 euros, ce qui n'est pas l'« aumône » qu'évoquaient Didier Migaud ou Augustin Bonrepaux.
    En résumé, nous augmentons la prime pour l'emploi et nous la réformons pour que le mécanisme soit plus incitatif. Ces mesures sont en parfaite cohérence avec notre politique de revalorisation du travail, qui combine baisse de l'impôt sur le revenu, hausse de la prime pour l'emploi et relèvement du SMIC.
    M. Didier Migaud. On interrogera les bénéficiaires l'année prochaine, et on verra ce qu'ils en pensent.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'en viens aux déficits, puisqu'ils ont été souvent évoqués par les orateurs de gauche.
    M. Didier Migaud. Et de droite !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Avec quelque paradoxe, ces déficits ont été qualifiés d'abyssaux et, en même temps, toutes les mesures d'économie ont été critiquées sur notre gauche, même les mesures de maîtrise de l'exécution budgétaire, celles qui ont pour seul objet de respecter le plafond d'autorisation parlementaire voté en loi de finances initiale pour 2003.
    Un seul argument apparaît en réalité : nous dépenserions trop pour la sécurité des Français et pour leur défense.
    M. Augustin Bonrepaux. Sans contrôle !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je réaffirme que, si nous avions laissé les choses en l'état, nous aurions 4 milliards d'euros de moyens en moins, puisque tel est le montant des dépenses supplémentaires pour nos priorités en 2004, par rapport à 2002. Les critiques portent sur moins de 1,5 % des dépenses de l'Etat, alors même que nous avons gagé ces sommes par...
    M. Didier Migaud. La dette !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... la maîtrise globale de nos dépenses.
    Au-delà de ces procès sans arguments, nos déficits ont de vraies causes. Je répète ici que les dépenses nouvelles, pérennes, récurrentes, créées dans les années 1999 à 2001 représentent plus de 20 milliards. Sans elles, nous reviendrions à l'équilibre des comptes sans effort particulier. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mais au-delà du passé, seul compte l'avenir. Le Gouvernement a un cap et il le tiendra.
    M. Augustin Bonrepaux. Il ne sait pas où il va, mais il y va !
    M. Alain Néri. Droit dans le mur !
    M. Augustin Bonrepaux. Il est au bord du gouffre et veut faire un pas en avant !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ce cap, c'est la maîtrise des dépenses. Elles sont stabilisées en volume. Nous poursuivrons cet effort grâce à la réforme de l'Etat, grâce à la modernisation financière de notre pays.
    J'en viens à la question du gazole, qui a été souvent évoquée par le groupe socialiste, par le groupe communiste et par François Bayrou, au nom du groupe UDF.
    M. Hervé Mariton. C'est un vrai problème !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je voudrais réfuter en premier lieu une idée fausse : le gazole n'est pas surtaxé en France. Son prix est même inférieur à la moyenne des prix des autres pays européens : 77 centimes d'euro le litre contre 80 centimes en Europe.
    En second lieu, la France est l'un des pays européens dans lesquels l'écart de taxation entre l'essence et le gazole est aujourd'hui le plus important...
    M. Hervé Mariton. Cela peut se résoudre par le bas !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... 19 centimes par litre, 15 centimes en moyenne dans les autres pays. Cet écart de taxation a entraîné une diésélisation massive du parc automobile (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), au point que, depuis dix ans, toutes les majorités ont exprimé la nécessité de le réduire.
    M. Yves Fromion. Ce que soutenait Mme Voynet, avec une belle conviction !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous m'avez objecté que le gazole est une dépense qui compte pour un ménage modeste qui se rend à son travail en voiture, mais il existe aussi des ménages modestes qui utilisent de l'essence. Or je n'ai pas entendu se manifester la moindre compassion pour eux. (« Absolument ! » sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Hervé Mariton. Parce qu'on n'augmente pas la TIPP sur l'essence !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. En 1988, mesdames et messieurs les députés du groupe socialiste, le précédent gouvernement avait même adopté solennellement un plan qui prévoyait de réduire l'écart de taxation de sept centimes chaque année, et ce pendant sept ans.
    M. Hervé Mariton. Grave erreur socialiste !
    M. Augustin Bonrepaux. Nous ne l'avons pas fait ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Michel Bouvard. Mais Mme Voynet l'a écrit ! Et il y a eu un rapport à ce sujet !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Permettez-moi de rappeler les déclarations du rapporteur général de l'époque, M. Didier Migaud, pour lequel je n'ai jamais caché mon estime : « Il s'agit d'une mesure équilibrée qui prend en compte la dimension environnementale de la TIPP. Elle engage un processus sur sept ans de réduction de l'écart de taxation entre le gazole et le supercarburant sans plomb. Elle s'inscrit, et c'est important, dans un cadre général de modération de la pression fiscale. Le supercarburant sans plomb est gelé, ce qui est sans précédent. »
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Eh oui ! A cette époque, les socialistes baissaient eux aussi l'impôt sur le revenu !
    M. Hervé Mariton. Méfiez-vous des socialistes !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'ajoute que l'effet de cette mesure doit être relativisé, puisque la hausse sera de l'ordre de 3 centimes d'euros par litre si l'on y inclut la TVA. C'est un écart très inférieur à celui que l'on peut déjà constater entre deux pompes dans une même agglomération. Faites la comparaison dans vos villes et vous en conviendrez.
    Par ailleurs, le prix au litre restera très inférieur à ceux constatés au printemps dernier.
    M. Augustin Bonrepaux. Est-ce pour cela que vous avez déjà augmenté la TIPP cette année ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Bonrepaux, les recettes de la TIPP stagnent. Cela démontre que la capacité contributive des automobilistes n'est pas davantage sollicitée cette année que par le passé.
    M. Augustin Bonrepaux. La TIPP a augmenté en 2003 : lisez le rapport de M. Carrez. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Monieur Bonrepaux, quand le ministre vous répond, faites l'effort de l'écouter.
    M. Augustin Bonrepaux. Que le rapporteur général nous lise son rapport !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. De surcroît, comme le Premier ministre l'a dit, cette mesure financera les besoins du réseau ferroviaire.
    Je voudrais maintenant faire un sort à l'affirmation selon laquelle le Gouvernement reprendrait d'une main ce qu'il donne de l'autre. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Augustin Bonrepaux. Non ! Vous reprenez davantage ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Louis Idiart. Et dans la poche des Français les plus pauvres !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mesdames et messieurs les députés, si la pression fiscale locale a augmenté de 2,2 % en 2003 c'est, ainsi que Pierre Méhaignerie l'a excellemment dit hier, pour deux motifs : l'APA et les 35 heures. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - « Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Augustin Bonrepaux. Il ne fallait pas réduire l'APA ! Vous auriez eu moins de problèmes pendant la canicule ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Louis Idiart. On parle des pompiers, on parle des vieux, mais quand il s'agit de payer il n'y a plus personne !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Pour l'avenir, le Gouvernement a maintenu, malgré la difficulté de la conjoncture, le contrat de croissance. Le Gouvernement acceptera l'amendement de la commission des finances sur l'établissement d'un bilan du transfert du RMI. Tout sera clair et transparent.
    M. Augustin Bonrepaux. Il n'est pas clair, l'amendement !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous avons confiance : nos compatriotes bénéficiaires des minima sociaux seront progressivement moins nombreux à l'avenir grâce à la politique qui est menée. Nous avons confiance aussi dans la capacité de gestion des départements.
    J'en viens à l'ASS, et je répondrai ainsi aux députés du groupe socialiste et du groupe communiste, mais également à François Bayrou, qui a beaucoup insisté sur ce point.
    Je crois pouvoir dire que je partage avec lui l'adhésion aux valeurs du personnalisme communautaire. Nos valeurs - je parle à la première personne du pluriel, s'il le permet - portent le projet d'une société plus généreuse, plus attentive, mais aussi plus responsable.
    Ayons le courage de dire que nous croyons à la dignité souveraine du travail comme source de richesse matérielle et morale de toute personne.
    M. François Goulard. Très bien !
    M. Mauric Leroy. Nous sommes d'accord.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ayons le courage d'affirmer que l'activité doit devenir la norme et le chômage l'exception. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Claude Sandrier. Dites-le aux patrons des Michelin-Wolber, des Lu, des Metaleurop !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ayons le courage de dire que la solidarité doit respecter la dignité de la personne.
    M. Maurice Leroy. Ayons aussi le courage de le faire !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ayons le courage de dire que c'est l'assistance qui emprisonne, et le travail qui libère ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
    M. Henri Emmanuelli. On se croirait au xixe siècle ! Vous croyez que les pauvres ne veulent pas travailler ?
    M. Jean-Louis Idiart. Que les pauvres aillent en enfer !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ayons le courage de dire qu'il n'est pas normal, ni sain, qu'une allocation de chômage puisse indemniser l'absence d'emploi sans limitation de durée. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Tout régime d'indemnisation doit avoir un but : le retour à l'emploi. En limitant la durée du versement de l'ASS à deux ans pour les nouveaux bénéficiaires et à trois ans pour les bénéficiaires actuels, ce qui fait cinq ans pour ces derniers avec l'UNEDIC, le Gouvernement entend promouvoir une logique de retour à l'activité.
    Je veux vous dire de la manière la plus sérieuse, espérant que cela ne sera pas tourné en dérision, que le chômage est une prison et qu'on y perd jusqu'au sentiment de sa propre utilité dans la société. La seule clé pour libérer les chômeurs de cette forteresse, c'est l'activité et c'est l'emploi.
    M. François Bayrou. M'autorisez-vous, monsieur le ministre, à vous répondre en deux phrases ? (« Non !» sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Bien volontiers.
    M. le président. Vous avez la parole, monsieur Bayrou.
    M. François Bayrou. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'accepter qu'un débat aussi important puisse être approfondi, même brièvement. Nous sommes tous prêts à souscrire à l'affirmation selon laquelle le travail est évidemment plus épanouissant et plus « dignifiant », si je puis oser ce néologisme, pour la personne que le chômage. La seule question qui se pose, lorsque vous dites que le chômage est une prison, est de savoir si le RMI, comme prison, c'est mieux que le chômage. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Sylvia Bassot. C'est pour cela qu'on a créé le RMA.
    M. Jean Le Garrec. Est-ce que le RMA, c'est une sortie de prison ?
    M. François Bayrou. Je reprends donc la proposition que je vous ai faite dans mon discours. Les avantages que nous attendons du RMA - et quand je dis nous, j'emploie moi aussi la première personne du pluriel -, ouvrez-les aux bénéficiaires de l'ASS, mais ne supprimez pas l'ASS avant d'avoir créé le RMA. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Mes chers collègues, je suis très favorable aux échanges. Dans la mesure où le ministre accepte de répondre, ils permettent à l'Assemblée d'être pleinement informée des positions respectives. Mais pour que le débat soit de qualité, il faut que chacun puisse écouter l'autre. Le parlementaire s'exprime puis le ministre répond, si possible dans le silence.
    Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le député, nous avons le devoir de redonner une chance à celui qui s'est éloigné de toute activité depuis longtemps. Parce qu'il est une valeur centrale dans notre société, c'est le travail plutôt que l'assistance illimitée et déresponsabilisante qui doit être développé.
    Aussi, nous prenons des mesures fortes en ce sens. La chaîne de solidarité offre aujourd'hui un nouveau maillon après l'ASS : le revenu minimum d'activité.
    M. Jean Le Garrec. Nous en reparlerons, monsieur le ministre !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ce revenu minimum d'activité, François Bayrou, va offrir à chacun un billet de retour à l'activité moyennant un revenu. C'est cela qui compte et c'est cela qui réconcilie le point de vue des uns et des autres, en tout cas, dans le camp de ceux qui voient dans le travail une valeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Bayrou. A cela, nous ne sommes pas opposés !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Enfin, depuis le début du débat, je n'ai jamais entendu, au point que je me demande si nos compatriotes le savent, que la réforme de l'ASS n'a pas pour effet de supprimer cette allocation aux travailleurs de plus de cinquante-cinq ans privés d'emploi.
    M. Didier Migaud. Il ne manquerait plus que cela !
    M. Henri Emmanuelli. Bientôt, il va falloir dire merci !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Les chômeurs perdant l'ASS qui se verraient attribuer également le RMI - pour ceux qui ne choisiraient pas le RMA - ne subiront, en moyenne, qu'une perte de revenu d'environ 10 euros.
    M. Augustin Bonrepaux. Une broutille !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ce que nous voulons affirmer par cette mesure, c'est la primauté du travail comme moyen de réalisation de la personne.
    M. Augustin Bonrepaux. Surtout pour ceux qui n'en ont pas !
    M. le ministe délégué au budget et à la réforme budgétaire. Et nous nous donnons les moyens de rendre à cette dernière toute sa dignité grâce à l'activité professionnelle.
    Mesdames et messieurs les députés, et même si j'aurai l'occasion d'intervenir à nouveau avant d'engager la discussion des articles, je veux pour terminer vous dire que nos échanges m'ont donné un sentiment d'enrichissement mutuel. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il en ressort à mes yeux un enseignement essentiel : la volonté est la voie royale du redressement.
    M. Henri Emmanuelli. La voie républicaine !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Aucun redressement ne sera possible sans volonté.
    Un autre enseignement porte sur l'importance de la dimension humaine, qui a été au coeur de cette discussion générale...
    M. Henri Emmanuelli. Ce n'est pas une discussion, c'est un simulacre !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... et notamment des quatre interventions des porte-parole des groupes parlementaires. La valorisation de la ressource humaine est décisive pour l'avenir de la France. L'être humain est la richesse la plus précieuse. C'est la richesse de l'histoire d'un pays et c'est la promesse de son avenir.
    M. Henri Emmanuelli. C'est pour cela que vous préférez l'épargne !
    M. Jean-Louis Idiart. M. Bayrou, lui, vous attend sur ses amendements !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est ce qui devrait nous rendre profondément optimistes. Observons les Français. Donnons-leur les moyens de valoriser le potentiel qu'ils représentent, et alors ils nous feront un bel avenir pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-neuf heures cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.

Rappels au règlement

    M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, un débat très intéressant a été engagé tout à l'heure, d'abord par Francis Mer, ensuite par Alain Lambert.
    Nous commençons à aborder le fond des problèmes, et nous le voyons bien, nos deux visions s'affrontent. C'est le débat démocratique, et c'est légitime. Nous devons aller jusqu'au bout de nos idées pour éclairer nos compatriotes et éviter que les points de vue ne se déguisent sous un habillage idéologique.
    Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58-1, car il porte sur le déroulement des débats.
    Je relève d'abord qu'il y a eu discrimination tout à l'heure : M. François Bayrou a fait l'objet d'un traitement spécial dont j'ai d'ailleurs failli bénéficier à la faveur de l'inexpérience de Francis Mer, qui a hésité avant de continuer son propos.
    Ensuite, je voudrais revenir sur les propos d'Alain Lambert. Celui-ci a beaucoup parlé du travail. Est-ce dû à la région dont il provient ? « Travaillez, prenez de la peine, c'est le fonds qui manque le moins. » Certes, notre bon Jean de La Fontaine était plutôt de Château-Thierry. Mais il aurait pu être d'Alençon !
    Rappelez-vous, monsieur le ministre : dans les prêches, le dimanche, on entendait cela aussi. C'est toute cette idéologie qui imprègne le discours gouvernemental.
    M. Yves Fromion. Et Stakhanov ?
    M. Jean-Pierre Brard. Notez que M. Lambert parle du travail sans jamais évoquer sa rémunération. Avec le travail, on gagne sûrement le paradis, mais le problème est surtout de gagner sa vie. Et de cela, vous ne parlez jamais, monsieur le ministre.
    En vous écoutant, je me disais : après avoir oeuvré dans les offices notariaux, puis dans les offices gouvernementaux, le voilà digne des offices pontificaux ! Peut-être pourriez-vous commencer par le diaconat, à en juger par la façon très onctueuse dont vous présenter votre budget, comme une pommade destinée à endormir une douleur.
    M. Hervé Mariton. Il ne peut pas être évêque, mais il peut devenir cardinal !
    M. Yves Fromion. Tout cela ne fait guère avancer le débat !
    M. le président. Est-ce vraiment un rappel au règlement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Merci de poser la question, monsieur le président !
    M. Jean-Pierre Brard. J'y viens, monsieur le président. Cela concerne le déroulement du débat. Il vaut la peine d'aller jusqu'au bout.
    M. le président. Il s'agit du budget, non pas de la loi de 1905, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. La loi de 1905 est un autre sujet, qui, je le sais, vous intéresse autant que moi. Vous avez d'ailleurs formulé quelques propositions fort pertinentes dans ce domaine.
    M. le président. Ce n'est pas du tout le débat !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est vous qui avez abordé le sujet ! (Sourires.)
    J'en reviens au travail. A l'évidence, pour M. le ministre du budget, le travail est une valeur morale, qui peut donc être sous-payée. La preuve, le pouvoir d'achat des fonctionnaires a été réduit de 3 %.
    En ce qui concerne M. Mer, je voudrais, monsieur Lambert, que vous lui transmettiez cette question : Que répond-il à ce qu'affirme le fabricant de chaussures que j'ai entendu dans une émission de France Info : « Je n'ai pas besoin de subventions, je n'ai pas besoin de baisse d'impôts, j'ai besoin de clients pour acheter mes chaussures. » ?
    Au-delà de ce cas particulier se trouve l'opposition entre la logique de l'offre et la logique de la demande. Votre système et le discours de Francis Mer me rappellent l'Union soviétique. (« Vieux souvenirs ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Hervé Mariton. C'est un connaisseur qui parle !
    M. Jean-Pierre Brard. Là-bas, on se plaçait du point de vue de l'offre. On fabriquait des chaussures sans se préoccuper d'une éventuelle demande pour ces chaussures.
    M. Jean-Claude Abrioux. Ils étaient à côté de leurs pompes ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Vous, vous êtes dans la même logique. Vous ne vous occupez pas de la demande.
    M. Éric Woerth. Ce n'est pas un rappel au règlement !
    M. Jean-Pierre Brard. Je termine, monsieur le président.
    M. le président. Très rapidement !
    M. Jean-Pierre Brard. Rappelez-vous : en 1997, Lionel Jospin arrive, avec la majorité plurielle.
    M. Jean-Claude Abrioux. Hélas !
    M. Jean-Pierre Brard. Les caisses de l'Etat sont vides, car vous les avez vidées. Malgré cela, il parvient à mener une politique destinée à apporter la confiance à l'aide de la dépense. Et c'est ainsi qu'il a rétabli la confiance !
    M. Hervé Mariton. Cela a duré ce que durent les roses !
    M. Jean-Pierre Brard. Regardez les enquêtes d'opinion, monsieur le ministre. Les gens ont peur ! Les plus modestes de nos concitoyens ne dépensent pas parce que vous avez répandu la peur sur les lendemains. Certes, vous créez de l'offre, mais pas la demande. Et en fin de compte, si vous idéalisez le travail, vous produisez surtout des chômeurs.
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, je commencerai par affirmer que j'assume ce que j'ai dit mais pas ce que je n'ai pas dit. Forcément ! Dans le cadre des débats qui vont commencer, et particulièrement au cours de l'examen des articles, je souhaiterais tout de même que les propos de la commission des finances soient fidèles au rapport qui fait état de nos travaux en commission. A la rigueur, M. le ministre pourrait s'en inspirer aussi...
    Quand vous dites que le gouvernement précédent avait augmenté la TIPP, monsieur le ministre et monsieur le président de la commission des finances, - et nous en parlerons également au rapporteur général - je vous renvoie au rapport de la commission des finances présenté par Gilles Carrez. Il montre bien que, en 1998, le produit de la TIPP était de 23,465 millions d'euros contre 23,409 millions en 2001.
    M. Hervé Mariton. Il faudra revoir les chiffres !
    M. Augustin Bonrepaux. En 2002, il était de 23,962 millions et en 2003 il est vrai, il est passé à 24,665 millions. Il y a bien eu une augmentation la dernière année, mais elle est due à votre majorité ! N'est-ce-pas vous qui avez supprimé la TIPP flottante ? Pour le reste de la période, en revanche, il n'y a pas eu d'augmentation. Je souhaiterais tout simplement que l'on respecte les travaux de la commission des finances.

Reprise de la discussion

    M. le président. Nous reprenons la discussion générale.
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord, en tant que nouvel élu et membre de la commission des lois, d'exprimer ici mon émotion d'être parmi vous pour débattre du projet de loi de finances.
    Mon introduction pourrait être une conclusion. Sur ce qui est, j'en conviens, un débat de fond, j'ai bien aimé votre réponse, monsieur le ministre. Pour défendre votre politique, vous avez employé une formule empruntée, il me semble, - vous me direz si je me trompe - à un chrétien social, Lacordaire, qui défendait une autre vision, plus sociale, du développement économique. La formule est belle mais le pastiche était approximatif. Vous me permettrez de la citer presque in extenso. Il déclarait en 1844 que «entre le faible et le fort, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. »
    C'est toute la différence qui sépare nos deux visions.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Vous plaisantez !
    M. Victorin Lurel. Je ne suis pas marxiste, mais...
    M. Jean-Pierre Brard. Vous pouvez le devenir !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ils ont besoin de nouvelles recrues !
    M. Victorin Lurel. ... Karl Marx, je crois, disait que la liberté économique, « c'est le renard libre dans le poulailler libre. »
    M. Hervé Mariton. Ça date !
    M. Victorin Lurel. Peut-être, mais c'est la loi du plus fort !
    M. Jean-Pierre Brard. D'autant plus que le renard parle anglais !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Le poulailler est souvent étatique !
    M. Victorin Lurel. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas votre vision. Nous pouvons le comprendre, mais nous ne l'approuvons pas. Et puisque vous évoquiez l'homme, je citerai encore une belle formule de la littérature française, celle de Jean Bodin : « Il n'est de richesse que d'homme. » Mais vous, sous prétexte de le responsabiliser, vous voulez le lâcher. Or, votre conception de la responsabilisation commence d'abord par une pénalisation, ce que nous regrettons profondément. C'est la raison pour laquelle nous opposons notre vision et nos propositions au projet de loi de finances que vous soumettez à l'agrément du Parlement.
    La politique menée depuis un an et demi est non seulement socialement injuste et économiquement inefficace - cela a été dit, mais il ne faut pas hésiter à le marteler -, mais elle a plongé la France dans les déficits abyssaux et la récession économique. La prétendue gestion de bon père de famille dont vous vous prévalez conduit la France dans le mur. C'est un fait avéré.
    Vos choix économiques, fiscaux et sociaux se sont révélés dramatiques, et leurs conséquences sont graves. L'explosion du chômage, ce fléau, qui va franchir la barre des 10 % de la population active à la fin de l'année, s'accompagne, hélas ! de la violation de nos engagements européens.
    Outre l'Europe, traitée de façon irresponsable, de « bureaux », à moins d'un an d'élections de grande importance, les principales victimes de votre politique sont les plus fragiles, les plus faibles. Les personnes âgées sont touchées par la diminution drastique de l'aide personnalisée d'autonomie. Les chômeurs font l'objet de radiations effectuées à l'emporte-pièce en plein été, tandis que la remise en cause de l'allocation de solidarité spécifique risque de faire basculer de nombreux chômeurs en fin de droits dans le RMI, et demain, peut-être, dans le RMA. Les plus pauvres subissent l'augmentation du forfait hospitalier et le déremboursement massif de médicaments. Enfin, l'outre-mer et les ultra-marins sont une nouvelle fois livrés à la vindicte populaire et au lynchage médiatique.
    Ce projet de loi de finances 2004 effectue volontairement les mêmes choix et renouvelle donc les mêmes erreurs économiques et les mêmes injustices sociales qui nous ont conduits dans cette situation. Alors que, de votre avis même, monsieur le ministre, les précédentes baisses d'impôt de votre majorité n'ont servi qu'à gonfler l'épargne des Français les plus favorisés et non à soutenir la consommation et l'investissement comme il était prévu, des oukases venus de l'Elysée - j'allais même dire du benefactor élyséen - vous ont intimé de persister dans l'erreur.
    On ne peut pourtant que le constater avec vous : dans le contexte récessif qui caractérise la période, des réductions de l'impôt sur le revenu sont inefficaces et coûteuses puisqu'elles profitent quasiment uniquement aux ménages aisés qui épargnent ce supplément de revenu : d'après les derniers chiffres, le taux d'épargne serait en effet passé de 17 % à 19 %.
    En revanche, le relèvement de la prime pour l'emploi permet d'augmenter le pouvoir d'achat et alimente la consommation, tout simplement parce que les personnes qui en bénéficient ont une forte propension à consommer et n'ont pas les moyens d'épargner. Or, vous offrez, royalement, entre 2 et 3 euros nets de plus par mois aux bénéficiaires de la PPE alors que c'est - bis repetita - justement cet argent qui est mobilisé vers la consommation.
    Mais l'erreur est encore plus grave à nos yeux quand vous annihilez les bienfaits éventuels d'une augmentation de pouvoir d'achat des plus faibles par la hausse de l'épargne publique, par celle de la fiscalité sur le gazole ou encore, conséquence directe de votre politique de décentralisation des déficits, par l'augmentation de 4 % en moyenne des impôts locaux.
    Votre politique libérale conduit donc à faire payer aux plus modestes les cadeaux faits aux riches et à priver l'Etat des moyens d'une politique volontariste au profit des plus faibles. Cela démontre que nous n'avons pas la même vision de ce qu'est une politique volontariste.
    Ainsi, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, 15 000 personnes sont mortes en France en quelques jours, à la suite de la canicule - et nous ne vous en faisons pas porter la responsabilité -, ce qui a révélé les faiblesses de nos maisons de retraite, de nos hôpitaux, en particulier des services d'urgence, et des moyens collectifs pour venir en aide aux plus fragiles. Voilà, incontestablement, des besoins sociaux auxquels nous ne répondons pas. Or c'est bien la solidarité nationale et la dépense publique qui doivent améliorer cette situation et non pas le mécanisme profondément contraire à celui de la solidarité nationale, proche de la charité, dans lequel les salariés travailleraient une journée au profit d'une catégorie de nos concitoyens.
    Plus généralement, vous le savez, nos territoires ont besoin de services collectifs de qualité. Je vous invite très instamment et courtoisement à venir nous rencontrer outre-mer, en Guadeloupe en particulier, pour vous rendre compte par vous-même des besoins de l'hôpital public, du secteur médical privé, du secteur médico-social, de la santé publique en général, ainsi que des problèmes des transports, de l'agriculture, de l'enseignement ou de l'université Antilles-Guyane, qui est presque en cessation de paiement depuis plus d'une année.
    Votre politique est celle du moins d'Etat, ...
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. On en est loin !
    M. Victorin Lurel. ... du moins de services publics puisqu'elle est aussi celle du moins d'impôts, donc du moins de dépenses comme le révèle dramatiquement le budget affecté à nos régions d'outre-mer.
    Même si nombreux sont les membres de ce gouvernement qui, à votre différence, monsieur le ministre, et à celle de votre collègue, M. Mer, ont la franchise de dire clairement les choses, il s'agit bien de servir une idéologie, celle que ce dernier a exprimé lors d'une récente émission télévisée. Vous voulez servir les plus fortunés, les plus riches, plutôt que les plus pauvres, parce que les hauts revenus auraient à vos yeux - et c'est grave - une utilité sociale plus grande que les pauvres. En somme, vous souhaitez faire vivre autrement la fameuse sentence de l'évangéliste saint Matthieu pour prendre à ceux qui n'ont pas et donner à ceux qui ont. Cela fait penser à la fameuse liberté qui opprime de Lacordaire ou à la métaphore de Marx sur la liberté du renard dans le poulailler libre !
    En ce qui concerne les injustices sociales, vous avez aussi le courage de vos opinions en exprimant clairement le dogme que les inégalités sont, à vos yeux, un accélérateur de croissance. Nous pensons tout au contraire qu'il faut les combattre, sans pour autant stériliser les talents et le mérite.
    Pour illustrer ce propos...
    M. le président. Il faudrait conclure.
    M. Victorin Lurel. ... vous octroyez aux puissants et aux possédants, pour reprendre une dialectique du xixe siècle, 500 millions d'euros de réduction de l'ISF dans la loi Dutreil, 27 millions d'euros de nouveaux cadeaux aux redevables de l'ISF par une actualisation du barème de cet impôt, que votre majorité votera peut-être prochainement, une nouvelle baisse de 3 % de l'impôt sur le revenu, la hausse au-delà de l'entendement des crédits militaires, et j'en passe, autant de dépenses pour lesquelles vous n'hésitez pas à faire la poche des pauvres par la diminution de l'allocation personnalisée d'autonomie, la réforme de l'allocation de solidarité spécifique, l'augmentation du forfait hospitalier, le déremboursement des médicaments, la baisse des crédits destinés aux dépenses de la solidarité, comme ceux des ministères des affaires sociales, du logement ou encore de l'outre-mer.
    Le dogme libéral qui vous sert de ligne de conduite apparaît ici en toute clarté et en lettres de feu : favoriser les fortunés à l'efficacité sociale marginale plus intéressante, culpabiliser les pauvres en les pressurant s'ils sont chômeurs de longue durée, les stigmatiser s'ils ont le talent du théâtre, de la danse ou de la musique - j'évoque, bien entendu, le problème des intermittents du spectacle -, les pénaliser s'ils sont malades ou s'ils sont fumeurs, les tondre s'ils sont salariés ou retraités, les abandonner s'ils sont ultramarins et, plus généralement, originaires de l'outre-mer.
    M. le président. Monsieur Lurel, vous devez conclure.
    M. Victorin Lurel. Je ne serai plus très long. Je vous demande deux minutes supplémentaires. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je vous comprends, mais soyez bref.
    M. Victorin Lurel. Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous rappeler quelques vérités sur l'outre-mer.
    Celui-ci souffre de handicaps structurels dont l'un des premiers est incontestablement constitué par l'enclavement et l'éloignement, ce qui pose le problème de la continuité territoriale avec la métropole.
    Il n'est pas inintéressant non plus de rappeler que l'outre-mer a un niveau de vie nettement inférieur à celui de la métropole. À titre d'exemple, je vous rappelle que la Guadeloupe est la région la plus pauvre de France, de Navarre, de l'outre-mer et d'Europe. Or c'est précisément sur ces régions que, pour réduire de manière epsilonesque le déficit abyssal créé par votre politique, vous n'avez pas hésité à ponctionner 105 millions d'euros provenant d'une part de la suppression de l'exonération de TVA dans les DOM, pour 90 millions d'euros, et d'autre part, de la disparition de la majoration de retraite et de l'abattement d'impôt bénéficiant aux contribuables et retraités installés et vivant outre-mer, pour 15 millions d'euros. C'est une curieuse façon de faire vivre l'apologue de Saint Matthieu que j'ai déjà cité.
    A ces économies réalisées directement sur le dos des ultra-marins, il convient d'ajouter à l'actif de votre majorité la suppression pure et simple, par un autre amendement adopté lors de l'examen du budget de l'aviation civile, des 30 millions d'euros destinés à la continuité territoriale vers l'outre-mer, ainsi que la diminution, à structure et à base constantes c'est-à-dire hors artifice budgétaire, de 3,6 % du budget de l'outre-mer !
    Alors que l'outre-mer, en raison notamment de ces handicaps et retards structurels, devrait être l'une des priorités de la République, vous réalisez l'exploit - car c'est bien d'un exploit qu'il s'agit - de prendre à ces régions pour tenter de donner quelques moyens à cette politique injuste socialement et inefficace économiquement.
    M. le président. Terminez en une phrase concise, s'il vous plaît !
    M. Victorin Lurel. Quitte à me faire, une fois n'est pas coutume, le défenseur de la ministre de l'outre-mer contre sa propre majorité, je vous mets en garde, monsieur le ministre, contre toute tentative d'abandon.
    Je vous rappelle, par ailleurs, que vous ne respectez pas les engagements pris par les ministres des collectivités locales et de l'outre-mer de rebasage de la DGF des communes et des départements d'outre-mer à compter de l'année 2000, ce qui devait représenter plus de 23 millions d'euros en rythme annuel.
    Au total, et je termine mon propos, vous ajoutez à des erreurs d'hypothèses économiques et de cadrages macro-économiques - erreurs sui generis découlant de votre fondamentalisme libéral - des mesures de grave injustice sociale stigmatisant les classes moyennes et l'outre-mer, mesures sur lesquelles nous serons donc vigilants, avec l'ensemble des collègues de l'outre-mer dont la plupart siègent pourtant sur les bancs de votre majorité.
    En l'état, ce budget est inacceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Je rappelle à tous mes collègues que le temps de parole est attribué aux orateurs par leur groupe, et qu'ils doivent le respecter.
    La parole est à M. Eric Woerth.
    M. Eric Woerth. Evidemment, la musique sera quelque peu différente ! (Sourires.)
    Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de 2003 était un budget de transition, construit dans un climat économique très incertain et affichant, dans ces circonstances, un volontarisme utile.
    Le projet de budget pour 2004 est différent. Il s'inscrit dans une perspective. Il est la traduction claire d'une politique économique. Il démontre une ambition incontestable. C'est un budget dont la majorité, en tout cas dans sa forme actuelle, doit être fière à double titre. Nous poursuivons, en effet, une politique durable de réduction de la fiscalité et des charges accompagnée et soutenue par un effort sans précédent de maîtrise des dépenses publiques. Bien entendu, ces choix ne vont pas sans susciter de débat tant au sein même de notre majorité sur telle ou telle modalité d'application, qu'avec l'opposition qui a une conception très différente de la politique économique, du rôle des finances publiques et, d'une certaine manière, de l'évolution de la société française.
    Du côté socialiste, on considère que revenus d'assistance et revenus du travail doivent être placés sur le même plan...
    M. Henri Emmanuelli. Oh !
    M. Eric Woerth. ... quitte à privilégier les premiers. On considère également que l'entreprise et ses actionnaires sont suspects, que la croissance n'est qu'une variable d'ajustement de la dépense et que, lorsque le vent de la croissance s'essouffle, la dépense demeure.
    M. Henri Emmanuelli. Quelle finesse !
    M. Eric Woerth. C'est la situation dont nous héritons.
    Nous voulons substituer à une économie dépensière, une économie d'initiative, une économie plus souple, une économie plus réactive, faire sauter, d'une certaine manière, de la cheville du sprinter ou du coureur à pied français le boulet qui l'entrave et qui réduit sa compétitivité. Cette économie de développement et d'emploi, cette économie de travail favorise la création de richesses et permet l'émergence d'une véritable solidarité, une solidarité active dans le droit fil du RMA que nous voulons créer.
    Le budget pour 2004 s'inscrit au coeur de ces ambitions par la diminution des impôts comme jamais aucun gouvernement ne l'a fait : les prélèvements sont diminués de 10,35 %, ce qui représentera 3,5 milliards d'euros rendus aux Français et aux entreprises.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Eric Woerth. Cela est considérable et cette décision est évidemment très courageuse. Néanmoins je reste persuadé que, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, la prudence est plus mauvaise conseillère que le courage.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. Eric Woerth. Par ailleurs, des efforts nécessaires et légitimes sont consentis en faveur de l'emploi et du SMIC. Le niveau de vie de nos concitoyens les plus modestes connaîtra une vigoureuse augmentation, ce dont on ne peut bien évidemment que se réjouir.
    Que l'on ne nous dise pas que ce que nous donnons d'une main, nous le reprenons de l'autre. Malgré l'augmentation de la fiscalité, le gazole sera à un prix encore inférieur à celui du début de cette année . L'affectation des sommes correspondantes à l'investissement ferroviaire et à l'assainissement de la situation financière de RFF est vertueuse.
    La hausse de la taxe sur les tabacs est une mesure de santé publique et non une mesure de finances publiques.
    Quant à l'augmentation des impôts locaux, elle dépend de l'autonomie des collectivités locales, qui prendront chacune leurs responsabilités. Il est d'ailleurs assez cocasse d'imputer cette situation à la décentralisation, puisque celle dont on parle n'a pas encore eu lieu. En fait, cette hausse est due à la fin des contrats aidés, notamment les CEC, les CES, à l'absorption, tant bien que mal, des 35 heures, aux dérives des SDIS et à la création sans financement de l'APA.
    J'ajoute - pourquoi le cacher ? - que les collectivités locales créent sans cesse de nouveaux services de proximité, tant attendus par nos concitoyens et tant redoutés par nos contribuables, qui sont d'ailleurs les mêmes.
    Enfin, au-delà des mesures de réduction de la fiscalité, je veux appeler l'attention sur quelques autres dispositions.
    D'abord nous clarifions les finances publiques grâce à la budgétisation de l'usine à gaz, ou à brouillard, qu'est le FOREC.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Eric Woerth. Nous lançons aussi quelques ballons d'essai, monsieur le ministre, sur l'idée qu'une réforme fiscale ou, plus modestement, quelques adaptations globales de notre fiscalité sont nécessaires. Tel est le sens du vote de la commission des finances sur la redevance audiovisuelle.
    Par ailleurs, nous nous réjouissons de la maîtrise en volume de nos dépenses publiques. Il s'agit d'un véritable exploit, qui, je l'espère, amorcera une révolution culturelle chez l'ensemble de vos collègues.
    Face à cette maîtrise générale, nos priorités sont clairement affichées et elles diffèrent considérablement de celles prônées par l'opposition : la défense, la justice, la sécurité intérieure, la coopération, la recherche, un monde plus sûr, plus juste et qui prépare l'avenir.
    Nous allons retrouver le sentier, le chemin, la route, j'espère même l'autoroute de la croissance, mais une croissance plus vertueuse car plus respectueuse de l'avenir.
    M. Jean-Claude Sandrier. C'est mal parti !
    M. Henri Emmanuelli. Il faudra souffler dans le ballon !
    M. Jean-Louis Idiart. L'autoroute est droite, mais la pente est forte !
    M. Eric Woerth. Nous avons eu raison, de nous éloigner provisoirement, avec courage, de l'objectif de 3 % de déficit public. Y souscrire aujourd'hui eût été la certitude de ne pouvoir plus y souscrire durablement demain. La France n'est pas un supermarché où l'on se sert à volonté sans jamais passer à la caisse.
    M. Jean-Claude Sandrier. Il y en a qui y passe plus que d'autres !
    M. Eric Woerth. Cela correspond à la France que nous a léguée l'opposition, une France alanguie, une France à la recherche d'elle-même.
    Le budget pour 2004 met en lumière d'autres ambitions, appelle à davantage d'efforts, à d'avantage de responsabilités. Il lance, à l'instar des budgets qui suivront je l'espère, une France d'initiative, une France de croissance, une France d'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Pajon.
    M. Michel Pajon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'état de grâce, l'heure est au premier bilan et celui-ci n'est pas brillant : il aura fallu moins de dix-huit mois pour que la dégradation de la situation de la France soit telle que nos concitoyens en viennent à perdre confiance. Les masques sont tombés. La politique menée en matière économique et sociale est une caricature de politique libérale qui ignore le principe d'équité et stigmatise les plus démunis des Français.
    L'expérience a montré que les choix opérés par le Gouvernement l'année dernière se sont révélés inefficaces. Malheureusement le projet de budget 2004 « maintient ce cap » selon les propres mots du ministre des finances. Cette année encore, en effet, le Gouvernement parie sur le retour de la croissance et axe une nouvelle fois son action sur la baisse des impôts.
    Comme ils ne s'adressent qu'aux ménages les plus aisés, ces cadeaux fiscaux ne se sont traduits que par une hausse du taux d'épargne. La relance tant attendue de la consommation n'a pas eu lieu et vous en êtes réduits à vous en remettre à l'éventuelle reprise américaine. Ce manque d'ambition relève de la démission pure et simple ! En refusant de soutenir le pouvoir d'achat et la consommation de la grande majorité des Français, vous faites preuve d'une obstination aveugle, dont la seule logique est de tenir coûte que coûte les engagements extravagants formulés pendant l'élection présidentielle.
    En ce qui concerne les prévisions de croissance, toutes les critiques des députés socialistes à l'encontre de la loi de finances 2003 sont aujourd'hui justifiées. Ainsi l'hypothèse de croissance de 2,5 % retenue par le Gouvernement était totalement irréaliste et irresponsable. Les derniers chiffres avancés par l'INSEE tablent sur une progression du PIB de 0,2 % pour l'année 2003, ce qui vous permettrait, monsieur le ministre, de signer la troisième plus mauvaise performance depuis 1945. Dans ce contexte récessif, il est très aventureux de fonder le budget 2004 sur une hypothèse de croissance de 1,7 %.
    Comment ne pas comprendre le désarroi dans lequel se retrouvent nos concitoyens face aux mesures irréalistes qui leur sont proposées ? Comment comprendre la logique d'un budget qui donne la priorité aux dépenses de défense, quand le contexte économique est au ralentissement de la croissance ? Comment comprendre, dans ce contexte, qu'avec un chômage qui a fortement progressé au cours des derniers mois - 180 000 chômeurs supplémentaires en dix-huit mois - on décide de démanteler l'ensemble des instruments de la politique pour l'emploi, qu'il s'agisse des emplois-jeunes, des contrats emploi-solidarité ou des contrats emplois consolidés ?
    Ainsi, au niveau de l'équilibre des finances publiques, l'annonce d'une nouvelle baisse de 3 % de l'impôt sur le revenu est une décision aberrante et irrationnelle. Elle aggrave encore un peu plus l'endettement désormais explosif de la France. En creusant les déficits et en accroissement la dette, le Gouvernement prive le pays de toute marge de manoeuvre budgétaire. L'an prochain, elle pourrait atteindre les 1 000 milliards d'euros. Cela compromettra gravement l'avenir des générations futures qui devront assumer le poids de votre irresponsabilité.
    Sur le plan européen, cette mesure place la France parmi les plus mauvais élèves de l'Union et l'isole chaque jour un peu plus de ses partenaires. Avec une dette à 61,2 % du PIB, la France fait moins bien que l'Allemagne pourtant en récession depuis plusieurs années. A cause d'un déficit public qui représenterait 3,6 % du PIB en 2004, la France y enfreindrait pour la troisième année consécutive la règle du pacte de stabilité européen qu'elle a contribué à instaurer et que le président Chirac a lui-même signé.
    A côté de cela, le Gouvernement opère des économies de bouts de chandelle, ridicules à l'échelle du budget du pays, et pourtant dévastatrices pour certains secteurs économiques. Je ne prendrai qu'un exemple : le Gouvernement propose de prélever 30,5 millions d'euros sur les fonds de roulement des comités professionnels de développement économique. Parmi les fonds touchés, figurent ceux de la maroquinerie-chaussure et du textile-habillement. Comme pouvez-vous méconnaître, monsieur le ministre, l'utilité de ces comités qui oeuvrent à la modernisation de branches aujourd'hui en très grande difficulté ?
    Mes chers collègues, outre son inefficacité, le budget 2004 qui nous est présenté est aussi profondément injuste.
    Il met clairement à mal le principe d'équité. En effet, le Gouvernement organise la baisse du pouvoir d'achat de la majorité des Français en même temps qu'il réduit l'impôt pour les plus riches. Ainsi, 70 % des bénéfices de ces diminutions d'impôts profiteront aux 5 % des ménages les plus aisés. En définitive, la baisse des impôts ne sera qu'une pure fiction pour la plupart des Français. En revanche, la très grande majorité de nos concitoyens supportera l'augmentation des tarifs publics - EDF, La Poste, SNCF, RATP - celle des impôts indirects, comme la taxe intérieure sur les produits pétroliers ou les taxes sur le tabac et, surtout, celle des impôts locaux, notamment la taxe d'habitation.
    Ce budget est aussi injuste et inconséquent parce qu'il procède à des coupes claires dans des secteurs vitaux comme l'environnement, le logement et l'éducation. Ainsi, le Gouvernement ne peut pas se targuer d'écologie puisqu'il supprime le Fonds national de l'eau. Il ne peut pas davantage s'engager à financer 80 000 logements en 2004, en baissant de 4 % le budget de ce ministère...
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. C'est faux !
    M. Michel Pajon. ... ni affirmer sérieusement que le budget de la recherche augmente, alors que le CNRS n'a toujours pas reçu la totalité des subventions promises par Bercy en 2002.
    Pour conclure, que penser d'un budget dont l'incohérence entre en contradiction avec les propos du porte-parole du Gouvernement, lui même ? Je vous rappelle, pour mémoire mes chers collègues, ce que Jean-François Copé affirmait en mai dernier : « Le temps des chèques en blanc, signés sur le dos de nos enfants, c'est terminé. » On aurait aimé le croire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Laurent Hénart.
    M. Laurent Hénart. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je voudrais insister brièvement sur trois points de ce budget qui me paraissent essentiels.
    D'abord, le sens du long terme. On entend ici, en effet, beaucoup de critiques conjoncturelles, et il faut peut-être revenir à l'essentiel : ce budget fait suite à une loi de finances rectificative en 2002 et à une loi de finances initiale pour 2003, et il s'inscrit dans une démarche de plusieurs années. Je voudrais aussi rappeler qu'il a une priorité claire et cohérente, puis évoquer rapidement les éléments de choix budgétaires qui concernent directement l'environnement et la qualité de la vie.
    Pour ce qui est de la démarche pluriannuelle, à propos de laquelle on vient de parler de chèque en blanc, je voudrais rappeler le contexte dans lequel nous nous situons, à l'issue d'une vingtaine d'années de cycles de finances publiques, qui sont caractérisés par une multiplication par dix de la dette de l'Etat, ce qui a fait passer ses intérêts de près de 5 % à plus de 15 % dans le budget. C'est une première asphyxie, en douceur, de ses marges de manoeuvre, année après année, depuis 1980.
    Le deuxième point a trait au développement du nombre de fonctionnaires : en vingt-deux ans, un million de fonctionnaires en plus dans les trois fonctions publiques de l'Etat, des collectivités locales et hospitalière. Alors que, dans la fonction publique territoriale, à la suite de vagues de décentralisation et de développement d'initiatives nouvelles, le nombre de postes augmentait de près d'un million sur vingt-deux ans, les effectifs de la fonction publique d'Etat diminuaient d'à peine 500 000 postes. Même si cette situation recouvre, bien sûr, des initiatives nouvelles sur le plan éducatif, social, environnemental ou culturel - l'Etat a développé des missions nouvelles, les collectivités aussi -, le chiffre de 500 000 n'en est pas moins impressionnant.
    Dans ce contexte, ce que vous tentez de faire s'apparente à du développement durable en matière budgétaire, et cela mérite d'être souligné, parce que cela ne prend son sens que sur plusieurs années, et en prend d'autant plus avec la croissance - qui nous fait, hélas, défaut aujourd'hui.
    Vous souhaitez afficher la stabilité en volume. C'est une règle souple, qui permet d'augmenter la dotation de ministères prioritaires, pour honorer nos engagements en matière de sécurité, d'éducation et de recherche, dans votre loi de finances initiale pour 2004.
    En tant que rapporteur de l'enseignement supérieur, je veux souligner l'effort accompli par rapport à l'année dernière - je pense que nous y reviendrons lors de l'examen des dépenses.
    Vous avez aussi la possibilité de revoir l'organisation des services, à l'occasion des départs en retraite et de réduire ainsi, progressivement, le nombre d'emplois publics ouverts au budget, mille de moins en 2003, 4 600 en 2004.
     Ce qui est important, c'est votre souci permanent d'évaluer le fonctionnement de l'État, de revoir son organisation au fil des départs à la retraite et de le rendre plus léger pour qu'il ait, finalement, plus de crédits d'intervention et moins de crédits gelés. C'est la seule manière de baisser le déficit structurel, donc de nous protéger, en périodes de basse comme de haute croissance, d'un gonflement de la dette par un déficit excessif.
     Nous mesurerons la portée d'une telle politique qu'au fil des années. Je rappellerai simplement que depuis 1980, nous sommes passés d'un déficit d'un peu plus de 1 % du PIB à un déficit de 4 %. Cette évolution s'inscrit dans la logique des vingt dernières années : vingt ans de dette et d'intérêts de la dette qui asphyxient le budget, vingt ans de recrutements - et le bilan des années 1997-2002 est édifiant à cet égard - qui gèlent de manière pérenne les dépenses et nous privent d'une capacité d'action et d'investissement.
    Je souhaite par ailleurs souligner votre effort de sincérité dans le travail de réglage annuel du budget et d'assainissement de ses fondamentaux. Il est important d'oser affirmer des choses précises à propos des budgets qui augmentent et des budgets qui baissent, de se dispenser d'affichages faciles, comme le 1 % pour le budget de la culture, jamais réalisé, et de prévisions de croissance euphoriques. Votre loi de finances initiale pour 2004 illustre ces différents aspects, et cela mérite d'être souligné, car c'est un acte de courage, assez rare en matière financière dans notre pays.
    S'agissant, deuxièmement, de la priorité de votre budget, je voudrais, malgré l'absence de notre collègue Brard, évoquer ses paires de chaussures à vendre. Il semblait vouloir opposer les théoriciens de l'offre et les keynésiens et nous rappeler quà force de baisser les impôts, on gonflait peut-être un peu l'offre et l'épargne, mais on ne relançait ni ne soutenait jamais la demande. Je voudrais rappeler - car, même si nous en sommes tous convaincus, il faut réfuter les idées reçues -, qu'en matière de soutien à l'activité, le budget est complet et qu'il n'est qu'un des outils d'une gamme complète.
    Le budget est complet parce qu'il soutient, non seulement les revenus et les fruits du travail par la baisse de l'impôt sur le revenu, mais aussi les ménages modestes par la prime pour l'emploi, et les secteurs qui embauchent par la reconduction de la « TVA bâtiment » et par la baisse de la « TVA restauration ». En outre, il prépare les emplois de demain grâce au nouveau statut des entreprises innovantes. Autant de mesures qui utilisent l'arme fiscale pas seulement pour conforter l'offre, mais aussi pour soutenir la demande.
    Par ailleurs, le budget n'est pas le seul outil de notre politique économique. Il s'inscrit dans le cadre d'une action pluriannuelle en matière sociale, qui consiste dans l'augmentation sur trois ans du SMIC - laquelle s'adresse, là aussi, aux revenus modestes, dont on sait que l'essentiel de leurs marges de revenus va à la consommation - et dans un plan d'allégement sur trois ans des charges sur les petits salaires, afin de rendre l'embauche plus facile et donc soutenir la consommation dans notre pays.
    Il fallait rappeler que la priorité de notre budget - elle me paraît évidente - est le soutien à l'activité et à l'emploi et que le budget n'est pas isolé. Il s'assainit sur plusieurs années et s'accompagne d'une revalorisation du SMIC et d'un allégement des charges sociales. Il y a donc une vraie cohérence, puisqu'il ne s'agit pas seulement d'alléger les impôts de ceux qui gagnent de l'argent - ce qui est mérité quand cet argent provient du travail -, mais surtout de favoriser le retour du plus grand nombre possible au travail.
    En conclusion de mon propos, monsieur le ministre, je reviendrai sur les travaux de la commission des finances. Elle a tenté de dégager « du disponible » dans votre budget. Elle a, Gilles Carrez l'a dit, sous son impulsion et celle de Pierre Méhaignerie, fait la chasse à quelques niches anciennes qui apparaissaient comme des dépenses fiscales injustifiées.
    M. Victorin Lurel. Derrière chaque niche, il y a un chien !
    M. Laurent Hénart. Je vous ai écouté, cher collègue, je vous demanderai la réciproque.
    M. Victorin Lurel. Mais je vous écoute ! Je ne fais que citer notre rapporteur général. J'ai bien aimé la formule, même si nous sommes des chiens maigres ! (Sourires.)
    M. Laurent Hénart. Une chasse aux niches fiscales a donc été engagée et nous proposerons de supprimer certaines dépenses. Ainsi la commission des finances entend dégager 300 millions d'euros !
    Vous le savez, la loi organique ne nous permet pas d'accroître les dépenses. Il faudrait peut-être cependant que le Gouvernement prête l'oreille à ce que dit la majorité de l'Assemblée, notamment sur le plan de l'environnement, nous en avons beaucoup parlé en commission des finances : nous sommes nombreux à avoir entendu le message environnemental qui accompagne l'augmentation de la TIPP. Il s'agit de promouvoir le ferroutage, mode de transport non polluant pour les marchandises. Nous sommes nombreux à souhaiter que l'Etat continue, au moins jusqu'à la loi de décentralisation, qui n'entrera pas en application avant le 1er janvier 2005 et qui clarifiera les responsabilités en matière de transport, à soutenir les projets importants de développement du transport en commun en site propre, lequel recourt généralement, vous le savez, à des modes non polluants d'énergie.
    Il est important, en effet, d'assurer en ce domaine une évolution en douceur et de ne pas anticiper sur la décentralisation, qui au 1er janvier 2005 régionalisera sûrement ce type de compétence en matière de transport régional et local. Mais ce n'est pas encore fait, et il ne faudrait pas, dans une passe difficile, envoyer le signal de l'inversion d'une tendance qui a déjà tardé à s'enclencher dans notre pays.
    En outre, cela permettrait au Parlement de supprimer l'article qui déplafonne le versement transport, ce qui constituerait dans la situation présente un signal positif en direction de l'ensemble des acteurs économiques. Or, on sait que cela ne concerne pas que les grandes sociétés, cela touche les PME puisque la petite entreprise atteint vite le seuil de salariés qui l'assujettit au versement transport.
    En tout cas, voilà qui offrirait au Gouvernement la possibilité, d'abord d'ajuster sa décision à partir de l'apport parlementaire, ensuite de prolonger l'initiative engagée avec la hausse de la TIPP en continuant pendant une année sa politique de soutien aux transports en commun, et en différant la hausse du plafond du versement transport jusqu'à la réforme de la fiscalité locale.
    L'enjeu ici, et c'est ainsi que je conclurai, est, encore une fois, la cohérence de notre politique : cohérence sur le plan environnemental, en n'arrêtant pas trop vite le subventionnement du TCSP et cohérence sur le plan des finances publiques locales, en attendant qu'une réforme d'ensemble nous permette de faire évoluer de nouveau le versement transport.
    Je vous remercie, monsieur le ministre, du travail que vous avez accompli et de l'écoute que vous avez témoignée aux parlementaires, et notamment aux rapporteurs spéciaux dont je suis, qui ont apprécié le concours de vos services. Je vous remercie par avance de l'attention que vous voudrez bien porter à ma conclusion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR
DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de la discussion générale et discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2004, n° 1093 ;
    M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 1110).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT