Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2003-2004)

 

ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 17 OCTOBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du jeudi 16 octobre 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT

1.  Loi de finances pour 2004 (première partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Article 2 (suite) «...»

Amendements n°s 85 et 86 de M. Brard : M. Jean-Claude Sandrier, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances : Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. - Rejets.
Amendement n° 88 de M. Brard : MM. Jean-Claude Sandrier, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 271 de M. Méhaignerie, avec le sous-amendement n° 481 de M. Michel Bouvard : MM. le rapporteur général, Michel Bouvard, le ministre, Didier Migaud, Philippe Auberger, Charles de Courson. - Adoption du sous-amendement n° 481 rectifié et de l'amendement n° 271 modifié.
Amendement n° 484 de M. Méhaignerie. - Adoption.
Amendement n° 89 de M. Brard : Mme Jacqueline Fraysse, MM. le rapporteur général, le ministre, Didier Migaud. - Rejet.
Amendement n° 90 de M. Brard : MM. Jean-Claude Sandrier, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 91 de M. Brard : Mme Jacqueline Fraysse, MM. le rapporteur général, le ministre, Philippe Auberger. - Rejet.
Amendement n° 236 de M. Merville : MM. Daniel Garrigue, le rapporteur général, le ministre.

Rappel au règlement «...»

MM. Jean-Claude Sandrier, le président.

Suspension et reprise de la séance «...»
Reprise de la discussion «...»

MM. le président, le rapporteur général, Daniel Garrigue. - Retrait de l'amendement n° 236.
Amendement n° 470 de M. Novelli, avec les sous-amendements n°s 487 à 491 de M. Brard : MM. Hervé Novelli, Jean-Claude Sandrier, le rapporteur général, le ministre, Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances ; Augustin Bonrepaux. - Retrait de l'amendement n° 470 : les sous-amendements n°s 487 à 491 n'ont plus d'objet.
Amendement n° 21 de la commission des finances, avec les sous-amendements n°s 495, 492, 493, 494 de M. Bonrepaux, et amendement n° 310 de M. Brard : MM. Hervé Novelli, le rapporteur général. - Retrait de l'amendement n° 21 ; les sous-amendements n°s 495, 492, 493 et 494 n'ont plus d'objet.
Amendement n° 21 repris par M. Bonrepaux, avec les sous-amendements n°s 495, 492, 493 et 494 : MM. Augustin Bonrepaux, le rapporteur général, Didier Migaud, le président de la commission, Daniel Garrigue, le ministre. - Rejet des sous-amendements n°s 495, 492, 493 et 494 et de l'amendement n° 21.
Mme Jacqueline Fraysse, MM. le rapporteur général, le ministre. - Rejet de l'amendement n° 310.
Adoption de l'article 2.
MM. Didier Migaud, le rapporteur général.

Rappel au règlement «...»
Article 3 «...»

MM. Jean-Pierre Brard, Didier Migaud, Augustin Bonrepaux, Gérard Bapt.
Amendements n°s 264 de M. Bonrepaux, 314 et 313 de M. Brard : MM. Augustin Bonrepaux, Jean-Claude Sandrier, Jean-Pierre Brard, le président, Didier Migaud, le rapporteur général, le ministre. - Rejets.
Amendements n°s 262 de M. Migaud et 312 corrigé de M. Brard : M. Jean-Louis Dumont, Mme Jacqueline Fraysse, MM. le rapporteur général, le ministre. - Rejets.
Amendement n° 265 de M. Idiart : MM. Michel Pajon, le rapporteur général, le ministre, Jean-Louis Dumont. - Retrait.
Amendement n° 317 de M. Brard : MM. Jean-Claude Sandrier, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 315 de M. Brard : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 316 de M. Brard. - Rejet.
Amendement n° 388 de M. Carrez : MM. le rapporteur général, le ministre. - Adoption.
Amendements n°s 27 de la commission des finances et 349 de M. Bonrepaux : MM. le président de la commission, Augustin Bonrepaux, le rapporteur général, le ministre. - Adoption de l'amendement n° 27 ; l'amendement n° 349 n'a plus d'objet.
MM. Jean-Pierre Brard, Didier Migaud, Marc Laffineur.
Adoption, par scrutin, de l'article 3 modifié.
M. Jean-Pierre Brard.

Suspension et reprise de la séance «...»
Article 4 «...»

MM. Jean-Pierre Brard, Jean-Claude Sandrier, Gérard Bapt.
Amendements n°s 217 de M. Carcenac et 318 de M. Brard : MM. Augustin Bonrepaux, Jean-Pierre Brard, le rapporteur général, le ministre. - Rejets.
Amendement n° 28 de la commission : MM. le rapporteur général, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article 4 modifié.

Après l'article 4 «...»

Amendements n°s 255 de M. Dreyfus et 103 de M. Brard : MM. Augustin Bonrepaux, Jean-Claude Sandrier, le rapporteur général, le ministre. - Rejets.
Amendement n° 104 de M. Brard : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 105 de M. Brard : MM. Jean-Claude Sandrier, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 40 rectifié de la commission : MM. le rapporteur général, le ministre. - Adoption de l'amendement n° 40 rectifié et modifié.
Amendement n° 373 de M. Herth : MM. Jacques Le Guen, le rapporteur général, le ministre. - Retrait.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Maîtrise de l'immigration et séjour des étrangers en France. - Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire «...».
3.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

LOI DE FINANCES POUR 2004

PREMIÈRE PARTIE
Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2004 (n°s 1093, 1110).

Discussion des articles (suite)

    M. le président. Ce matin, l'Assemblée a commencé l'examen des articles et s'est arrêtée aux amendements n°s 85 et 86 à l'article 2.

Article 2 (suite)

    M. le président. Je rappelle les termes de l'article 2 :
    « B. - Mesures fiscales :
    « Art. 2. - I. - Les dispositions du I de l'article 197 du code général des impôts sont ainsi modifiées :
    « 1° Le 1 est ainsi rédigé :
    « 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 4 262 EUR le taux de :
    « - 6,83 % pour la fraction supérieure à 4 262 EUR et inférieure ou égale à 8 382 EUR ;
    « - 19,14 % pour la fraction supérieure à 8 382 EUR et inférieure ou égale à 14 753 EUR ;
    « - 28,26 % pour la fraction supérieure à 14 753 EUR et inférieure ou égale à 23 888 EUR ;
    « - 37,38 % pour la fraction supérieure à 23 888 EUR et inférieure ou égale à 38 868 EUR ;
    « - 42,62 % pour la fraction supérieure à 38 868 EUR et inférieure ou égale à 47 932 EUR ;
    « - 48,09 % pour la fraction supérieure à 47 932 EUR. »
    « 2° Au 2, les sommes : "2 051 EUR, "3 549 EUR, "980 EUR et "580 EUR sont remplacées respectivement par les sommes : "2 086 EUR, "3 609 EUR, "997 EUR et "590 EUR.
    « 3° Au 4, la somme : "386 EUR est remplacée par la somme : "393 EUR.
    « II. - Au deuxième alinéa de l'article 196 B du code général des impôts, la somme : "4 137 EUR est remplacée par la somme : "4 338 EUR. »

    Les amendements, n°s 85 et 86, présentés par MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, peuvent faire l'objet d'une présentation commune.
    L'amendement n° 85 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi les deux derniers alinéas du 1° du I de l'article 2 :
    « - 48 % pour la fraction supérieure à 38 868 EUR et inférieure à 47 932 EUR ;
    « - 54 % pour la fraction supérieure à 47 932 EUR. »
    L'amendement n° 86 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi les deux derniers alinéas du 1° du I de l'article 2 :
    « - 46 % pour la fraction supérieure à 38 868 EUR et inférieure à 47 932 EUR ;
    « - 52 % pour la fraction supérieure à 47 932 EUR. »
    La parole est à M. Jean-Claude Sandrier pour soutenir l'amendement n° 85.
    M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué au budget, mes chers collègues, notre amendement, qui se situe dans la logique de ceux que nous avons déjà défendus à l'article 2, vise également à renforcer la progressivité de l'impôt sur le revenu. Il est d'autant plus nécessaire d'y revenir que cet article, l'un des plus significatifs du projet de loi de finances, traduit la détermination du Gouvernement de baisser l'impôt sur le revenu avec un effet positif maximum pour la France d'en haut. Notre amendement s'oppose à cette démarche idéologique puisqu'il tend à rétablir les taux d'imposition de 48 % et 54 % pour les deux plus hautes tranches du barème.
    Nous le savons tous, les contribuables les plus privilégiés - qui bénéficient depuis votre arrivée aux affaires de nombreuses largesses fiscales, y compris la réduction de l'ISF -, loin d'accroître leur consommation, investissent surtout les ressources supplémentaires qu'ils tirent des réductions d'impôts dans des placements financiers en France ou à l'étranger.
    Plus généralement, une baisse généralisée des impôts procurera non seulement des avantages considérables aux foyers les plus aisés, alors qu'ils seront nuls ou très faibles pour les ménages les plus modestes, mais elle entraînera dans le même temps une réduction des ressources de l'Etat, et donc une dégradation des services publics, dommageable pour tous. Pourtant, malgré les problèmes rencontrés par les différentes administrations, en particulier les manques d'effectifs - je pense, entre autres, au secteur hospitalier -, le gouvernement Raffarin poursuit obstinément une démarche dogmatique de baisse des prélèvements obligatoires et il annonce également une maîtrise de la dépense publique.
    Soit, mais on sait ce que cela veut dire. D'autant que la notion de charge publique ne peut plus être entendue de manière restrictive, c'est-à-dire limitée à des dépenses concernant exclusivement les fonctions régaliennes de l'Etat. Parce que ce dernier assure maintenant des fonctions économiques, sociales et culturelles, dont la couverture est bien entendu assurée par les revenus de la fiscalité, il semble dangereux de réduire les taux d'imposition, car ce serait prendre le risque de voir se détériorer à terme les services publics, dont nous ne pouvons qu'être fiers et qui sont nécessaires aux équilibres sociaux.
    Cet amendement s'inscrit contre les choix budgétaires du Gouvernement, contre sa politique fiscale élitiste, concentrée sur les ménages les plus favorisés au détriment des plus pauvres.
    M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 86.
    Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le ministre, nous pensons qu'il est temps de redonner un sens à la progressivité de l'impôt sur le revenu...
    M. Philippe Auberger. Pff !
    M. Franck Gilard. Vous êtes complètement décalés !
    Mme Jacqueline Fraysse. ... et d'aller à l'encontre de votre rouleau compresseur ultralibéral, parfaitement symbolisé dans ce projet de loi de finances pour 2004.
    Votre politique est simple : mettre en oeuvre les mesures fiscales les plus avantageuses pour les foyers les plus riches, alors que leur contribution pourrait être nettement supérieure à ce qu'elle est actuellement. Une réalité doit vous être rappelée : selon l'INSEE, les 30 % les moins aisés de la population disposent en moyenne d'un niveau de vie huit fois plus faible que les 1 % les plus aisés. Ne croyez-vous pas qu'il serait maladroit de prendre les Français pour des idiots en essayant de leur faire croire que ces 1 % les plus aisés doivent être davantage aidés fiscalement ? C'est pourtant l'objectif de votre politique obstinée de baisse de l'impôt sur le revenu.
    Vous savez que cette politique va favoriser les plus riches, sans profiter aux plus pauvres. En effet, les foyers les plus aisés s'enrichissent non pas tant en raison de l'augmentation de leurs revenus salariaux qu'en raison de l'augmentation de leurs revenus issus du patrimoine et du capital. Or c'est pour ces revenus très élevés issus du patrimoine ou du capital que les dérogations, les exonérations et, de manière plus générale, les avantages fiscaux sont les plus nombreux. Le dispositif prévu par la loi Dutreil, plus précisément dans ses articles 47 et 48, en est un bel exemple.
    Les allégements fiscaux et les baisses d'impôts visent uniquement à casser les outils de la solidarité, tel l'impôt sur le revenu qui est pourtant l'un des impôts les plus justes par son aspect progressif, et surtout en raison du fait qu'il repose sur les facultés contributives de chacun. Evidemment, tout dépend du mode de calcul de cette contribution et de l'idéologie qui le sous-tend. Nous ne pourrons jamais admettre que les foyers les plus riches soient ceux qui contribuent le moins à la solidarité nationale.
    M. Franck Gilard. Arrêtez de lire un catéchisme qui date de 1917 !
    Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le ministre, cette philosophie n'est pas recevable et nous nous étonnons que vous la défendiez. Avec cet amendement qui vise à renforcer la progressivité de l'impôt sur le revenu, nous voulons rétablir une équité fiscale qui nous paraît nécessaire, voire indispensable au bon fonctionnement de l'Etat.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. La commission a rejeté ces deux amendements. Nous avons aujourd'hui l'un des impôts sur le revenu les plus progressifs de tous les pays développés. La précédente majorité a d'ailleurs dû mener une politique de baisse du taux marginal, car elle a bien été forcée de se rendre à l'évidence qu'une telle progressivité provoquait du découragement et une fuite des talents à l'étranger.
    Notre volonté aujourd'hui, contrairement à la proposition qui nous est faite, est de baisser les différents taux, en particulier celui de la tranche supérieure, qui est descendu en dessous de 50 % avec les baisses pratiquées en 2002 et 2003 et qui va descendre un peu en dessous de 49 % avec ce projet de budget. Il restera toutefois l'un des plus élevés au monde.
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Avis défavorable également.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 88, ainsi libellé :
    « I. - Rédiger ainsi le dernier alinéa du 1° du I de l'article 2 :
    « - 48,09 % pour la fraction supérieure à 47 932 EUR inférieure ou égale à 56 000 EUR. »
    « II. - En conséquence, compléter le 1° du I de cet article par l'alinéa suivant :
    « - 54 % pour la fraction supérieure à 56 000 EUR. »
    La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. Cet amendement vise à créer une nouvelle tranche taxée à 54 % dans le barème de l'impôt sur le revenu, afin d'en améliorer la progressivité. Nous allons ainsi à l'encontre de votre politique libérale de baisse inégalitaire des impôts qui, de plus, s'accompagne d'une hausse d'autres prélèvements. En effet, peu de jours après avoir annoncé une baisse de l'impôt sur le revenu pour 2004 de 3 %, vous n'avez pas hésité à augmenter la TIPP, ce qui entraînera une hausse de 3 centimes d'euro, soit 20 centimes de franc, par litre de gazole, rien que ça ! Cette hausse, monsieur le ministre, touche tous nos concitoyens quels que soient leurs revenus ; il ne faut pas duper les Français plus longtemps !
    Et je ne parle même pas de l'augmentation substantielle des impôts locaux qui, eux, ne sont pas progressifs et sont donc beaucoup plus injustes que l'impôt sur le revenu. Selon le Figaro Economie, qui aurait plutôt une sensibilité politique proche de la vôtre,...
    M. Hervé Novelli. Pas toujours, malheureusement !
    M. Jean-Claude Sandrier. ... les quatre taxes locales rapporteront près de 2 milliards d'euros supplémentaires en 2003, passant de 49,3 à 51,3 milliards d'euros, ce qui signifie bien qu'elles augmenteront notablement. Les conseils généraux ont relevé en moyenne de 3,4 % le taux de la taxe d'habitation et de 3,7 % celui du foncier bâti. Vous avez expliqué que c'était la faute de l'APA, des SDIS, etc.
    M. Laurent Hénart. N'oubliez pas les 35 heures !
    M. Jean-Claude Sandrier. Mais il était tout à fait possible d'alléger la charge des conseils généraux. Il suffisait, par exemple, de ne pas baisser l'impôt sur le revenu des deux plus hautes tranches, ce qui aurait permis de financer le surplus de l'APA. Ainsi, les conseils généraux n'auraient pas été contraints d'augmenter leurs impôts au-delà de ce qui est souhaitable et raisonnable. Cela vaut aussi pour les communes.
    En outre, les contribuables supporteront la revalorisation forfaitaire de 1,5 % de la valeur locative décidée par l'Etat, ainsi que, bien souvent, la hausse de la taxe sur les ordures ménagères gérée par des syndicats ou groupements de communes. Finalement, l'augmentation moyenne de 0,2 % de la fiscalité régionale leur semblera presque un cadeau.
    Voilà la logique contre laquelle nous nous battons. Notre amendement s'oppose à vos choix budgétaires contestables et hypocrites pour les contribuables, puisque vous leur laissez croire - mais plus pour longtemps - que la baisse de l'impôt sur le revenu augmentera leur pouvoir d'achat et relancera la consommation. Je le répète, vous donnez d'une main pour mieux reprendre de l'autre. Nous nous opposons avec force,...
    M. Hervé Novelli. Comme Bayrou !
    M. Maurice Leroy. Non ! Lisez Le Monde !
    M. Franck Gilard. L'ennui, c'est que personne ne lit Le Monde en province.
    M. Jean-Claude Sandrier. ... et nous continuerons à le faire durant toute la discussion budgétaire, à cette politique de dupes.
    M. le président. Je demande à nos collègues de l'UDF et de l'UMP de ne pas faire une lecture commune d'un journal du soir et de suivre le débat.
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable pour les raisons que j'ai dites.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Méhaignerie, Carrez et Laffineur ont présenté un amendement, n° 271, ainsi libellé :
    « Après la somme : "3 549 EUR, rédiger ainsi la fin du 2° du I de l'article 2 :
    « et "580 EUR sont remplacés respectivement par les sommes : "2 086 EUR, "3 609 EUR et "590 EUR, et la somme : "980 EUR est remplacée par la somme : "700 EUR. »
    Sur cet amendement, M. Michel Bouvard a présenté un sous-amendement, n° 481, ainsi rédigé :
    « A la fin du dernier alinéa de l'amendement n° 271, substituer aux mots : "la somme : 700 EUR les mots : "les mots : 700 EUR, 997 EUR pour les contribuables ayant eu trois enfants. »
    La parole est à M. Gilles Carrez, pour soutenir l'amendement n° 271.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s'agit d'un problème soulevé à plusieurs reprises par les divers rapports consacrés à la réforme de notre fiscalité, en particulier de l'impôt sur le revenu, et de nouveau évoqué par le tout récent rapport du Conseil des impôts. Vous savez qu'une personne seule qui a élevé, à un moment de sa vie, un ou plusieurs enfants, bénéficie d'une demi-part supplémentaire, acquise à vie. Cette mesure a été mise en place après la guerre parce que, à cette époque, il y avait malheureusement beaucoup de veuves, notamment de veuves de guerre, qui consacraient tous leurs moyens à l'éducation de leurs enfants, et qui, à une époque où les pensions étaient très faibles, se trouvaient en difficulté au moment de la retraite parce qu'elles n'avaient pu économiser pour leurs vieux jours.
    Cinquante ans après, cette disposition se présente dans un contexte très différent. Il y a encore - hélas ! - beaucoup de veuves ou de veufs, mais on voit progressivement s'élever le nombre de personnes qui sont seules et le restent à cause de l'évolution de la société.
    Je vais prendre un exemple. M. et Mme Dupont sont mariés et élèvent leurs deux enfants. Puis ils divorcent. A partir du moment où ils vivent seuls, et même si les enfants sont sortis du foyer fiscal et ont chacun fondé leur propre foyer, chacun d'eux bénéficie d'une demi-part supplémentaire.
    Et puis Mme Dupont rencontre M. Durand, qui a lui-même quitté Mme Durand, et se trouve donc dans la même situation. De son côté, M. Dupont rencontre Mme Martin, etc.
    M. Didier Migaud. Que d'histoires !
    M. Maurice Leroy. Quelle famille !
    M. Philippe Auberger. On croirait une bande dessinée, mais je préfère Dupont et Dupond, ils sont plus drôles !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Au fur et à mesure de l'évolution de la société, on se rend compte que des personnes qui se sont séparées et fondent de nouveaux couples n'ont absolument aucun intérêt à se présenter devant M. le maire pour convoler en justes noces, parce que, si elles se marient, elles perdent leur demi-part. On s'aperçoit ainsi que, parmi les foyers fiscaux qui bénéficient de cet avantage, le nombre de veuves, pour qui la mesure avait été prise après la guerre, diminue, tandis que le nombre de personnes séparées augmente.
    Il ne s'agit absolument pas de supprimer cette demi-part parce qu'elle existe depuis très longtemps et que nous sommes dans un pays où la réforme fiscale ignore les grands soirs et les révolutions. Les choses doivent se faire de façon progressive.
    Donc Pierre Méhaignerie, Marc Laffineur et moi-même vous proposons un amendement qui a été adopté par la commission des finances et qui vise à abaisser le plafond au-delà duquel cet avantage ne joue pas. Il s'agit de le faire passer de 980 et quelques euros à 700 euros. Une mesure du même ordre avait d'ailleurs été prise en 1998.
    Un peu moins de 600 000 personnes seraient concernées par cet abaissement du plafond. Mais elles disposent toutes, je le dis tout de suite, d'un revenu mensuel moyen net de plus de 12 000 francs.
    M. Didier Migaud. Ce sont des euros, maintenant !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est plus parlant en francs. Mais pour vous faire plaisir, je peux dire que le revenu mensuel moyen net est de l'ordre de 2 000 euros (Sourires.)
    Cette mesure qui, je le répète, figure dans différents rapports depuis maintenant une bonne dizaine d'années doit être prise. Elle ne concerne, en fait, qu'une partie des personnes se trouvant dans cette situation, et plus particulièrement celles qui ont un revenu supérieur à la moyenne nationale.
    M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour défendre son sous-amendement n° 481.
    M. Michel Bouvard. J'ai déposé ce sous-amendement car, si j'approuve l'amendement n° 271 que j'ai d'ailleurs voté en commission, il me paraît cependant nécessaire d'opérer une distinction pour les personnes seules ayant élevé des familles nombreuses, et ce pour deux raisons.
    La première, c'est qu'il s'agit bien souvent de femmes seules ayant dû interrompre leur vie professionnelle ou qui n'en n'ont pas eu du tout pour se consacrer à l'éducation des enfants et qui peuvent se retrouver, même si elles sont encore dans une phase active, avec une faible pension de réversion.
    La deuxième, c'est parce qu'il s'agit de personnes occupant en général un logement qui était adapté à la composition de la famille et qui se trouvent donc assujetties à des impôts locaux élevés, ceux-ci étant fonction de la dimension de l'appartement ou de la maison. Dans ces conditions, la demi-part peut constituer une sorte de compensation.
    Chers collègues, la mesure que je propose ne me semble pas injuste s'agissant de personnes qui ont grandement contribué à l'équilibre démographique de notre pays, d'autant qu'elles constituent une minorité par rapport à celles qui sont visées par l'amendement de la commission des finances, auquel, encore une fois, j'ai souscrit.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a approuvé ce sous-amendement dans la mesure où il reconnaît un fait objectif qui est lié à des charges de famille. Je me suis interrogé en commission sur le caractère constitutionnel ou non de cette différenciation, et cet après-midi, je peux apporter un apaisement à M. Bouvard. Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 30 décembre 1996, a en effet considéré qu'il s'agissait d'un critère objectif. Il a souligné que l'avantage fiscal tient compte de la « reconnaissance de leurs charges antérieures de famille ». Donc, je confirme l'avis favorable que nous avons donné en commission des finances.
    Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai d'un mot l'amendement suivant, l'amendement n° 484, qui vise à abaisser de vingt-sept à vingt six ans l'âge à partir duquel joue cette demi-part acquise à vie. C'est une mesure de cohérence puisque, pour garder une demi-part dans son foyer fiscal dès lors que son enfant demande le rattachement, il faut attendre qu'il ait vingt-cinq ans révolus. On aura donc une véritable continuité jusqu'à vingt-cinq ans révolus et, pour la demi-part acquise à vie pour les personnes seules, à partir de vingt-six ans.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Comme le rapporteur général vient de le dire, cette majoration est née après la première guerre. Il s'agissait de tenir compte de la situation difficile des personnes âgées qui restaient seules car il n'y avait pas, à cette époque, d'accompagnement social. Mais aujourd'hui, ce dispositif se trouve totalement déconnecté de la logique du quotient familial sur laquelle nous devons insister les uns et les autres. Rappelons-le, elle consiste à proportionner l'impôt aux revenus du foyer et au nombre des personnes qui le compose. Considérée sous cet angle, la proposition du président de la commission et du rapporteur général mérite examen. Il me semble néanmoins opportun d'attirer l'attention de l'assemblée sur le fait que d'autres avantages du même type sont attribués à d'autres catégories de contribuables - je pense par exemple aux anciens combattants au titre de la reconnaissance de la nation - tout en étant déconnectés de la logique du quotient familial.
    M. Hervé Novelli. Tout à fait !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. L'amendement soulève donc la problématique plus générale de la déconnexion de tous les avantages du quotient familial qui ne sont pas fondés sur l'existence de charges de famille et plus globalement encore du bien-fondé des avantages catégoriels dont la multiplication était dénoncée récemment par le Conseil des impôts.
    Donc, ne nous le cachons pas, cette question est très sensible et très complexe. A l'évidence, elle s'intégrerait mieux dans une réflexion d'ensemble. Cela étant, le Gouvernement a déclaré dès le début de nos débats qu'il serait très attentif à la volonté du Parlement de s'impliquer dans l'élaboration de la loi de finances. C'est ce qui me conduit à émettre un avis de sagesse.
    S'agissant du sous-amendement de M. Bouvard, le Gouvernement, obéissant à la même logique, s'en remet également à la sagesse de l'assemblée. Il en va de même pour l'amendement n° 484.
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Nous voterons contre cet amendement.
    M. Charles de Courson. Parce que nous sommes pour !
    M. Didier Migaud. Non. Je préciserai tout d'abord que nous avons été nous-mêmes à l'origine d'une réduction du plafond. Le rapporteur général se réservant vraisemblablement de le dire dans une réponse future, je préfère le devancer.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je l'ai déjà dit !
    M. Didier Migaud. En commission et sans obligatoirement citer les auteurs.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je l'ai dit à l'instant !
    M. Didier Migaud. Nous assumons donc complètement cette mesure. Mais nous nous sommes arrêtés à 980 EUR, plafond au-dessous duquel nous estimions qu'il ne fallait pas descendre afin de ne pas toucher des personnes dont on ne peut pas considérer qu'elles soient aisées. J'ai d'ailleurs été surpris d'entendre le rapporteur général estimer ce seuil - il parlait en francs, c'est peut-être pour lui plus parlant - à 12 000 francs.
    En tout état de cause, l'amendement de la commission va consister à augmenter l'imposition de toutes ces personnes alors même que nous venons de voter des réductions considérables d'impôt sur le revenu pour des personnes qui gagnent cinq, dix, quinze, vingt, trente fois plus.
    M. Jean-Claude Sandrier. Eh oui !
    M. Didier Migaud. Voilà la conception de la justice fiscale qu'à l'Union pour une minorité de privilégiés ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement pluriel.) C'est une caricature de justice. Vous nous donnez en tout cas l'occasion de montrer que nous ne nous trompons pas lorsque nous vous reprochons de faire de l'injustice fiscale. Hélas, les personnes concernées par votre mesure ne vous demandaient rien !
    Vous expliquez qu'il va y avoir des baisses d'impôt. Non, ce n'est pas vrai pour 630 000 personnes ! Et si vous avez pris cette mesure c'est parce que vous avez besoin d'argent pour financer la réduction supplémentaire de l'impôt sur le revenu de ceux qui gagnent 40 000, 50 000, 60 000, 100 000 francs - je raisonne toujours en franc pour pouvoir être bien compris du rapporteur général.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Merci de votre sollicitude ! (Sourires.)
    M. Didier Migaud. Vous ne m'en voudrez pas, je le sais.
    C'est la même chose pour le gazole. Le Premier ministre a eu beau prétendre que c'est une raison environnementale qui a motivé l'augmentation du gazole, nous savons bien que tel n'est pas le cas.
    Gilles Carrez a eu l'honnêteté de dire qu'il n'y avait pas du tout de raison environnementale, que tout cela était prétexte.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je n'ai pas dit cela !
    M. Didier Migaud. Il s'agit simplement de trouver des sous !
    C'est le même raisonnement qui prévaut pour le présent amendement. Comme la réduction supplémentaire de l'impôt sur le revenu et la multiplication des niches fiscales coûtent cher, vous êtes obligés de vous attaquer aux classes moyennes inférieures. C'est exactement l'objet de votre amendement. Du coup, 630 000 personnes vont voir sur le revenu augmenter. Bravo !
    Pour notre part, en tout cas, nous ne pouvons pas accepter cette conception de la justice fiscale et nous voterons contre cet amendement qui est aux antipodes du discours officiel que vous tenez. Nous avons là l'illustration que les impôts augmenteront bien en 2004 pour une grande majorité de nos concitoyens. C'est de plus en plus évident au fur et à mesure que nous avançons dans l'examen de ce projet de loi de finances.
    M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.
    M. Philippe Auberger. Didier Migaud l'a rappelé, c'est un gouvernement socialiste qui a commencé à limiter cette mesure que rien ne justifie. Le ministre l'a très bien montré. Il n'y a absolument aucune raison que ces personnes bénéficient d'un avantage au niveau du quotient familial. Nos collègues socialistes se sont arrêtés en chemin. Nous reprenons simplement la voie qu'ils nous avaient indiquée. Certes, ils nous disent maintenant qu'on fait fausse route. Mais je ne vois absolument aucune logique dans leur position et c'est pour cela que je la dénonce et que je voterai cet amendement.
    Monsieur le président, je voudrais par ailleurs attirer votre attention sur la nécessité de rectifier le sous-amendement n° 481. Il faut préciser «... pour les contribuables ayant eu au moins trois enfants, ». Il n'y a aucune raison en effet de donner un avantage particulier à ceux qui ont eu trois enfants par rapport à ceux qui en ont eu quatre, cinq ou plus.
    M. le président. Monsieur Bouvard, acceptez-vous cette rectification ?
    M. Michel Bouvard. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Le sous-amendement n° 481 est donc ainsi rectifié.
    La parole est à M. Charles de Courson.
    M. Charles de Courson. Le groupe UDF a voté en commission pour l'amendement n° 271, et est favorable au sous-amendement de notre collègue Bouvard. Mais je voudrais rappeler au Gouvernement un problème que je soulève depuis près de dix ans : celui de savoir ce qu'est une personne seule, le texte fiscal accordant un avantage « qui perdure toute la vie du contribuable ». Lorsque j'avais obtenu le retour à l'équité entre les couples mariés et les couples non mariés, j'avais, naturellement, soulevé le problème de la demi-part à vie, car il n'est pas normal que des concubins qui ont vécu en couple bénéficient de la demi-part à vie alors que des gens mariés qui ont élevé leurs enfants n'ont droit à rien.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il y a là une distorsion.
    M. Charles de Courson. Exactement. Nous avions, du temps de M. Lamassoure, résolu le problème de la demi-part accordée pour la période où le contribuable a des enfants à charge, mais pas celui de la demi-part à vie. A l'époque, Alain Lamassoure s'était engagé à travailler pour essayer de rétablir l'équité entre les couples mariés et les couples non mariés. Il n'y a aucune raison, en effet, qu'il y ait une discrimination au détriment des premiers et nous avions donc égalisé la situation sur la base de celle des couples mariés, comme on devrait le faire ici.
    Je me permets d'ailleurs de vous signaler, monsieur le ministre, que cette demi-part à vie maintenue pour les concubins parce qu'ils sont concubins, et qui n'existe pas pour les couples mariés, coûte beaucoup plus cher au Trésor public que la mesure proposée ici.
    Cela dit, sur le fond, je ne partage pas tout à fait l'avis exprimé dans le rapport du Conseil des impôts, qui considère qu'elle n'a plus aucune justification puisque le surcoût disparaît une fois que les enfants ne sont plus à charge. Il faut rappeler que le but de cette demi-part à vie était d'exprimer une reconnaissance de la Nation à l'égard des personnes qui ont élevé seules un enfant. Si on considère la chute du niveau de vie des couples qui ont un, deux, trois ou quatre enfants par rapport à ceux qui n'en ont pas, il me paraît tout à fait normal de donner un petit avantage, leur vie durant, même quand elles n'ont plus d'enfants à charge, aux personnes qui ont eu le courage d'élever seules leurs enfants.
    M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 481 rectifié.
    (Le sous-amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 271, modifié par le sous-amendement n° 481 rectifié.
    (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
    M. Didier Migaud. Ils n'ont pas répondu à nos questions : ils ne peuvent pas, ils sont gênés !
    M. le président. MM. Méhaignerie, Carrez et Laffineur ont présenté un amendement, n° 484, ainsi rédigé :
    « Après le 2° du I de l'article 2, insérer l'alinéa suivant :
    « 2° bis. A la fin du troisième alinéa du 2, remplacer les mots : "vingt-sixième anniversaire par les mots : "vingt-cinquième anniversaire. »
    Cet amendement a été défendu par la rapporteur, et le Gouvernement s'en est remis à la sagesse de l'Assemblée.
    Je le mets aux voix.
    (L'amendement est adopté.)
    M. Didier Migaud. Les impôts vont donc augmenter pour certains de nos compatriotes ! Les contribuables concernés apprécieront !
    M. le président. MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 89, ainsi rédigé :
    « Compléter le I de l'article 2 par l'alinéa suivant :
    « 4° Le bénéfice de la baisse des taux du barème résultant du 1° est plafonné à 6 000 EUR par foyer fiscal. »
    La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
    Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à plafonner le montant de la réduction de l'impôt sur le revenu induite par le nouveau barème soumis à la représentation nationale par le Gouvernement.
    Monsieur le ministre, lors de votre audition par la commission des finances, de l'économie générale et du Plan le 25 septembre dernier, vous avez mis l'accent sur ce que vous présentez comme la mesure phare de votre projet, à savoir la baisse de l'impôt sur le revenu. Une mesure phare, dont le coût est estimé à 2,76 milliards, dont 1,76 au titre de la baisse des taux du barème, et du maintien à leur niveau actuel des plafonds du quotient familial et de la décote.
    Pour illustrer les effets de la baisse de 3 % de l'impôt sur le revenu, vous avez pris quelques exemples. Mais ce que vous avez omis de dire, c'est que vos exemples étaient choisi de manière à tenter de masquer le fait que les plus hauts revenus seront les grands gagnants de cette décision. Or une simulation réalisée par le Syndicat national unifié des impôts est éloquente : par rapport aux simulations gouvernementales, elle permet de donner une vue plus complète.
    Si l'on prend le cas d'un contribuable célibataire - une part - vous avez donné des exemples basés sur des salaires déclarés variant entre 12 000 et 20 000 euros. Dans ces cas, si l'on compare l'impôt sur le revenu 2003 à l'impôt sur le revenu 2004, l'allégement d'impôt augmente dans des proportions modestes. Le célibataire qui déclare 12 000 euros bénéficiera ainsi d'un allégement de quinze euros. Ça ne va pas changer sa vie !
    Celui qui déclarera 20 000 euros obtiendra un gain de 45 euros. Cela ne changera pas beaucoup sa vie non plus. Selon vos exemples, le gain varie de un à trois. Voilà qui montre déjà significativement l'iniquité de la mesure, mais cela n'a jusque-là rien d'extraordinairement choquant.
    Cependant, le SNUI s'intéresse au cas d'un célibataire dont les salaires déclarés s'élèvent à 100 000 euros. Dans ce cas, le gain d'un année sur l'autre s'élève à 944 euros. C'est différent. Comparé au 15 euros du célibataire qui déclare 12 000 euros, cet allégement d'impôt de 944 euros est 63 fois plus important ! La démonstration est éclairante.
    Les simulations concernant le cas d'un couple marié ayant deux enfants, soit trois parts pour le calcul de l'IRPP, révèlent plus clairement encore l'injustice de vos choix, des choix que vous avez bien du mal à assumer. Et pourtant, vous prenez les seuls exemples de couples déclarant 40 000 ou 50 000 euros. Dans ce cas, le montant de l'allégement varie de un à deux, rien d'exceptionnel. Mais si on prend le cas de couples nantis qui déclarent 100 000, voire 500 000 euros, c'est une autre affaire !
    Le couple marié ayant deux enfants qui déclare 500 000 euros empochera plus de 7 000 euros. Comparés aux misérables 49 euros accordés à un couple déclarant 40 000 euros, l'allégement est 143 fois supérieur ! Cela signifie peut-être, monsieur le ministre, que ce couple de nantis a 143 fois plus de mérite, apporte 143 fois plus de richesse à la société que le couple de contribuables modestes qui sert de base à votre simulation.
    Permettez-moi de dire que vous aurez du mal à nous convaincre avec ce genre d'argument.
    Compte tenu de l'iniquité monumentale du dispositif prévu par l'article 2 du projet de loi, cet amendement prévoit que le gain par foyer fiscal ne peut excéder 6 000 euros. S'il est adopté, l'allégement atteindra au mieux 6 000 euros, ce qui est déjà très élevé, surtout que, on le sait, les hauts revenus auront tendance à remplir leur bas de laine, mais cela insultera sans doute beaucoup moins l'équité républicaine dont vous vous réclamez volontiers.
    M. Daniel Garrigue. C'est creux comme un tambour !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a donné un avis défavorable à cet amendement. Nos collègues communistes ont de la suite dans les idées.
    En fait, ce que vous dites, madame Fraysse, c'est que nous avons un impôt sur le revenu qui est l'un des plus progressifs au monde.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tout à fait !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je vous le confirme : 10 % des ménages paient 70 % de l'impôt sur le revenu. De ce fait, il y a une hyper-concentration sur un certain nombre de ménages. Nous avons, hélas, assisté ces dernières années à une véritable fuite de nos talents à l'étranger, à Londres, par exemple.
    M. Gérard Bapt. Fabien Barthez revient à Marseille !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et quand de jeunes ingénieurs, de jeunes chercheurs, de jeunes artistes, de jeunes sportifs fuient notre pays pour aller développer leurs talents ailleurs, c'est une perte pour nous tous.
    Mme Jacqueline Fraysse. Les chercheurs partiront parce que vous supprimez les crédits pour la recherche !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous devons tout faire pour rendre cet impôt moins progressif et pour le baisser. C'est donc par pur bon sens que la commission des finances a rejeté cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je dirai quelques mots puisque le Gouvernement a été interpellé à deux reprises à l'occasion de ces amendements sur la progressivité.
    Je note que le groupe socialiste qui, pourtant, s'agissant de l'impôt, ne partage pas toujours le point de vue du Gouvernement, n'a pas déposé d'amendements visant à accroître la progressivité de l'impôt. J'avais été frappé, sous la législature précédente, de voir que le groupe socialiste commençait à prendre conscience de la nécessité d'adapter la France aux défis de la compétitivité. Des rapports avaient d'ailleurs été rédigés à ce sujet, comme celui de M. Charzat...
    M. Michel Bouvard. Excellent rapport !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... qui mettait en garde le Gouvernement et le Parlement sur le risque qu'il y avait à accroître la progressivité.
    Madame la députée, vos propositions sont de nature à affaiblir la compétitivité de notre pays. Et je vous mets en garde au point que je vous propose de retirer votre amendement. A défaut, j'invite l'Assemblée à le rejeter.
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Monsieur le ministre, au cours de la législature précédente, l'impôt sur le revenu a baissé, mais dans le même temps sa progressivité s'est accentuée.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous êtes pour, alors ?
    M. François Guillaume. C'est nouveau !
    M. Didier Migaud. Non, ce n'est pas nouveau ! Par souci de justice fiscale, nous avons baissé l'impôt pour les tranches inférieures davantage que pour les tranches supérieures.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Migaud, des milliers de cadres français écoutent ce que vous dites !
    M. Didier Migaud. J'assume complètement mes propos ! J'essaie seulement d'avoir un discours responsable. Je suis conscient des réalités, vous le savez : c'est pourquoi je n'accepte pas certains discours.
    Le rapporteur général fait des comparaisons, notamment avec la Grande-Bretagne. Or tous les rapports d'organismes internationaux montrent qu'il faut vraiment un salaire extrêmement élevé pour que l'imposition en Grande-Bretagne soit plus avantageuse...
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. A partir de 5 000 euros pour un célibataire, on passe sous le Channel !
    M. Didier Migaud. Monsieur le rapporteur général, je vous renvoie à l'excellent rapport du Conseil des impôts là-dessus. Je suis prêt à prolonger la discussion en commission, où nous pourrons le faire de manière objective, sans être entendus ou regardés, ce qui peut favoriser une attitude plus rigoureuse.
    M. François Guillaume. Bonjour la transparence !
    M. Didier Migaud. Ce que vous dites d'une fuite de tous les cerveaux hors de France ne correspond pas à la réalité. Gardons notre sang-froid !
    En revanche, j'ai quelque difficulté à voir la cohérence dans l'attitude de la commission des finances et du Gouvernement.
    Tout à l'heure, vous avez proposé, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, un amendement tendant à plafonner un avantage. Trouvant que le plafonnement était trop haut, vous l'avez baissé, considérant qu'une personne qui gagne 12 000 francs par mois devrait contribuer davantage. Mme Fraysse vient d'expliquer que, pour les personnes qui gagnent 100 000 ou 150 000 euros, les réductions d'impôt allaient être sensibles. Vous étiez alors d'accord avec la logique du plafonnement.
    A l'instant, on vous a proposé un plafonnement. Nous ne sommes pas forcément d'accord avec cet amendement...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ah bon ?
    M. Didier Migaud. ... tout au moins à cette hauteur, mais l'idée du plafonnement nous séduit. En effet, il paraît légitime - d'ailleurs nous avons déposé des amendements en ce sens - de plafonner un avantage. Sans quoi, il n'y a plus de limites : plus on a d'argent, plus on bénéficie de réductions fiscales ! D'ailleurs, plus on a d'argent, mieux on est conseillé fiscalement et moins on paie d'impôt sur le revenu. Et l'impôt sur le revenu n'est alors plus payé par ceux qui ont les revenus les plus élevés parce qu'ils bénéficient non seulement de la baisse de l'impôt sur le revenu, mais de l'ensemble des niches fiscales que vous avez accentuées : voilà une autre grosse incohérence de vos propositions !
    Pourquoi, monsieur le rapporteur général, après avoir considéré qu'un plafonnement était légitime - et même placé trop haut - refusez-vous ce qu'on vous propose, à savoir limiter la possibilité de réduire son impôt ? Qu'est-ce qui vous choque là-dedans ? Pouvez-vous nous l'expliquer ? Vous n'avez pas fait de réponse pertinente à notre collègue, alors qu'à cinq minutes d'intervalle, vous êtes en totale contradiction avec votre position antérieure.
    Monsieur le président, nous aimerions être éclairés avant d'exprimer un vote.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'éprouve beaucoup d'estime pour Didier Migaud, il le sait, et comme je ne veux pas lui porter préjudice au sein de son groupe, je n'insiste pas. Il est tout de même curieux que, à la question claire que je lui ai posé - est-il favorable à l'augmentation de la progressivité de l'impôt sur le revenu ? - il ne réponde pas.
    M. Didier Migaud. Je ne suis pas au Gouvernement !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. La commission a adopté une position claire, comme le Gouvernement : ils sont contre l'amendement, car opposés à l'accroissement de la progressivité de l'impôt sur le revenu, au motif que le niveau de progressivité est déjà élevé.
    Vous nous invitez toujours à la clarté. Mais la clarté voudrait aussi que l'on sache si un parti important comme le parti socialiste veut ou non accroître la progressivité de l'impôt sur le revenu en France. J'aurais aimé connaître votre position. Je ne l'ai pas comprise.
    En tout cas, je maintiens, monsieur le président, un avis défavorable à l'amendement.
    M. Philippe Auberger. Les socialistes veulent réhabiliter l'impôt sur le revenu !
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Je constate que M. le ministre n'a pas davantage répondu sur le plafonnement !
    Mme Jacqueline Fraysse. Il est mal à l'aise !
    M. Didier Migaud. Je lui fais observer que je ne suis pas au banc du Gouvernement. Jusqu'à preuve du contraire, c'est nous qui interpellons le Gouvernement et qui attendons des réponses de sa part !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous ne voulez pas vous dévoiler sur la question de la progressivité !
    M. Didier Migaud. Je vais vous répondre néanmoins.
    M. Jean-Louis Idiart, Un ministre qui pose des questions aux députés ! En démocratie, ce doit être le contraire !
    M. Didier Migaud. Nous sommes pour la progressivité de l'impôt sur le revenu. Et nous estimons que remettre en cause l'impôt sur le revenu et sa progressivité comme vous le faites, de sorte que les plus hauts revenus de notre pays puissent pratiquement s'en exonérer, est contraire à notre conception de la justice fiscale. Alors, oui, je le répète, nous sommes pour la progressivité de l'impôt sur le revenu et nous ne souhaitons pas qu'on la remette en cause. Nous sommes choqués par les mesures que vous proposez qui feront que les plus hauts revenus ne paieront plus d'impôt sur le revenu.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 90, ainsi rédigé :
    « Compléter le I de l'article 2 par l'alinéa suivant :
    « 4° Le bénéfice de la baisse des taux du barème résultant du 1° est plafonné à 5 000 euros par foyer fiscal. »
    La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. Cet amendement vise à plafonner le montant de la réduction d'impôt induite par la mise en place du nouveau barème prévu au premier paragraphe du présent article.
    Comme les baisses d'impôt décidées lors de la précédente mandature, nous désapprouvons cette nouvelle diminution de l'impôt qui est le plus conforme à la justice fiscale, donc aux principes mêmes de notre démocratie. L'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme, je le répète après bien d'autres, rappelle qu'il convient d'avoir une contribution « répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Dès 1789 le principe de l'impôt progressif était posé, socialisant les ressources en fonction du revenu de chacun.
    Au moyen de pressions idéologiques sans précédent, vous essayez de faire porter la responsabilité de tous les maux de la France à l'impôt sur le revenu - ou aux 35 heures, il y a hésitation sur ce point ! (Sourires.)
    Vous justifiez votre refus d'accroître la progressivité de l'impôt sur le revenu, par le fait que les cadres et les chercheurs quitteraient la France par wagons entiers.
    Mme Jacqueline Fraysse. Par charters, même !
    M. Jean-Claude Sandrier. Ce n'est pas sérieux. Des études récentes de plusieurs instituts ou cabinets montrent que c'est faux. Cette affirmation n'est que le chantage éhonté de ceux qui veulent arrondir leurs dividendes ! Cela ne profite pas à ceux qui vivent de leur salaire.
    Selon ces études, la France serait non pas le pays le plus attractif en Europe, mais viendrait à cet égard juste après la Grande-Bretagne. Pour un cadre marié qui a deux enfants, la France se situerait même devant la Grande-Bretagne ce qui tendrait à démontrer que nous soutenons la famille, c'est une bonne chose. En outre, quand un cadre évalue la Grande-Bretagne du point de vue de la santé, de l'éducation, de la sécurité, du rail et des services publics en général, je pense qu'il choisit la France sans hésitation.
    Ces études disent aussi que notre pays est le plus attractif non seulement d'Europe mais du monde ! Peut-être même est-il en deuxième position, mais juste derrière le Luxembourg ou la Chine, ce qui est tout de même pas mal ! Cette attractivité se mesure à partir des investisements, mais aussi des salaires réels, donc après prélèvements fiscaux et sociaux, des cadres. Dans notre pays, les cadres et les chercheurs sont bien payés par rapport au reste du monde. Et surtout, je l'ai lu dans La Tribune, la France a les patrons les mieux payés d'Europe.
    Que voulez-vous faire ? Un cadeau ? Peut-être, mais je pense que la mesure est surtout idéologique. Vous croyez que cela peut faire du bien à l'économie, alors que tout démontre que cela fait plutôt du mal, économiquement et socialement.
    Cela dit, quand vous affirmez que nos chercheurs quittent la France, vous pouvez avoir raison. Mais pourquoi s'en vont-ils ? Parce qu'ils sont mal payés ? Non, c'est parce qu'ils n'ont pas les moyens suffisants pour mener à bien leurs recherches.
    Evidemment, quand on a diminué le budget de la recherche autant que vous l'avez fait en 2003, on est responsable de cette situation. Vous l'augmentez pour 2004, mais pas dans les mêmes proportions. Quand vous parlez des chercheurs qui fuient, posez-vous la question de la politique de recherche, au lieu de vous préoccuper de ce qu'ils gagnent. Ils vivent très bien dans notre pays et le reconnaissent.
    Voila le sens de notre amendement. A défaut d'avoir la force de renverser votre logique qui consiste à faire toujours plus de cadeaux fiscaux aux plus riches, nous proposons à l'Assemblée de voter notre amendement qui vise à limiter le bénéfice de votre réduction d'impôt à 5 000 euros par foyer fiscal.
    M. le président. Peut-on considérer, monsieur Sandrier, que vous avez aussi défendu l'amendement n° 91 ?
    M. Jean-Claude Sandrier. Non, monsieur le président, d'autant que ce n'est pas moi qui le défendrai.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 90 ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a donné un avis défavorable à cet amendement. Je profite de l'occasion pour répondre très clairement à Didier Migaud qui, lui, a cherché des échappatoires. Nous sommes pour la progressivité de l'impôt sur le revenu. La preuve en est la baisse des taux uniforme, de 3 %, quel que soit la tranche. Par contre, nous sommes résolument contre l'alourdissement de la progressivité parce que nous sommes bien conscients qu'elle est déjà telle qu'elle décourage le talent et incite au départ pour l'étranger.
    M. Jean-Claude Sandrier. Ce n'est pas vrai !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous citiez l'exemple des chercheurs mais il y a aussi, malheureusement, les artistes, les sportifs et surtout les cadres d'entreprise, ce qui est désastreux pour notre économie. Cela a été dit, répété, étudié sous la précédente législature. Je me souviens parfaitement des interventions de notre collègue Michel Charzat...
    M. Michel Bouvard. Excellentes interventions mais qu'ils ont oubliées !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... mais je suis surpris de constater, comme à l'occasion d'amendements que nous avons examinés ce matin, que, selon que vous êtes au gouvernement ou dans l'opposition, il y a vraiment une différence substantielle dans vos positions, pour ne pas dire qu'elles sont à 180° l'une de l'autre.
    M. Didier Migaud. Pas du tout !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Prenez des repères et tenez-vous y ! Nous avons rejeté cet amendement.
    Mme Jacqueline Fraysse. Peut-être pourriez-vous répondre à l'orateur ?
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable, monsieur le président.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90...
    M. Jean-Claude Sandrier. On ne m'a pas répondu !
    M. Philippe Auberger. J'avais demandé la parole, monsieur le président !
    M. le président. Le vote est commencé, monsieur Auberger, je regrette. Vous interviendrez plus tard.
    Quant à M. Sandrier, on n'a pas à lui répondre (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), il pourra intervenir sur l'amendement n° 91, qui est à peu près semblable.
    J'ai donc mis aux voix l'amendement n° 90.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 91, ainsi rédigé :
    « Compléter le I de l'article 2 par l'alinéa suivant :
    « 4° Le bénéfice de la baisse des taux du barème résultant du 1° est plafonné à 4 000 euros par foyer fiscal. »
    La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
    Mme Jacqueline Fraysse. Au I de l'article 2 que nous venons d'examiner, nous avons fait des propositions visant à ne pas vider de toute sa substance le principe même de la progressivité de l'impôt, mécanisme fiscal selon lequel, je vous le rappelle, plus les revenus augmentent, plus les taux marginaux d'imposition sont élevés.
    Les diminutions de l'impôt sur le revenu que vous prévoyez, et dont vous avez fait l'un des pivots de la campagne présidentielle, sont par nature injustes, puisqu'elles favorisent justement ceux qui en ont le moins besoin, les catégories les plus riches de notre société. De quelles catégories sociales parlons-nous ici ? Selon une enquête de l'INSEE sur l'année 2000, les 30 % des ménages moins aisés de la population ont en moyenne un niveau de vie huit fois plus faible que les 1 % les plus aisés, c'est-à-dire ceux qui disposent après impôt de plus de 4 070 euros par mois et par unité de consommation. La notion d'unité de consommation permet de comparer des ménages de tailles différentes, à raison d'une unité de consommation pour le premier adulte, 0,5 unité pour chaque autre membre du ménage de quatorze ans et plus, et 0,3 unité de consommation pour chaque enfant de moins de quatorze ans.
    M. Michel Bouvard. C'est totalement déshumanisé !
    M. le président. Allons, monsieur Bouvard !
    Mme Jacqueline Fraysse. Il faut encore relativiser dans la mesure où les statisticiens n'ont pas comptabilisé les cinq ménages les plus riches de France, afin d'éviter de biaiser les résultats en tirant trop ces revenus vers le haut.
    C'est avant tout à ces catégories que votre gouvernement s'adresse. Vous expliquez qu'il est nécessaire de revaloriser la valeur du travail. Mais, pour ces ménages aisés, les salaires et retraites ne constituent pas la part la plus importante du revenu, les bénéfices du capital représentant 29 % du revenu avant impôt et ceux du patrimoine 13 %.
    Nous l'avons déjà dit, plus de la moitié des foyers fiscaux ne paient pas l'impôt sur le revenu, faute de ressources suffisantes. Cette baisse ne leur sera donc pas appliquée. Par contre, les catégories dont le barème d'imposition est aujourd'hui élevé vont bénéficier d'une nouvelle manne financière, qui peut atteindre des sommes de plusieurs milliers d'euros.
    Nous demandons donc, par cet amendement, que soit maintenu dans des limites raisonnables le bénéfice de la réduction d'impôt introduite par le nouveau barème. En effet, les sommes libérées par votre système dans les conditions que vous prévoyez ne relanceront pas la consommation, car les ménages concernés ne consomment pas intégralement leurs revenus. Cela ne leur servira qu'à épargner une fraction toujours plus importante de leurs ressources. C'est pour cette raison que nous vous proposons de plafonner la réduction à 4 000 euros par foyer fiscal.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Même avis.
    M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.
    M. Philippe Auberger. Il y a trois mécanismes qui permettent d'avoir un impôt progressif : le barème, qui est lui-même progressif, le plafonnement de la déduction pour frais professionnels de 10 %, et le plafonnement de la réduction de 20 % sur les traitements et salaires.
    Avec les trois amendements qu'il nous propose, le groupe communiste veut introduire un nouveau plafond, ce qui va encore aggraver la progressivité de l'impôt, ce que, comme l'ont dit le Gouvernement et le rapporteur général, ne souhaite pas la majorité de cette assemblée. Nous avons choisi de procéder à un allégement proportionnel. Ainsi, nous n'aggravons pas la progressivité du barème, nous la maintenons dans son état actuel. C'est pour cela qu'il faut absolument voter contre cet amendement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 91.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Merville a présenté un amendement, n° 236, ainsi rédigé :
    « I. - A la fin du II de l'article 2, substituer au nombre : "4 338, le nombre : "5 000.
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « La perte de recettes pour l'Etat est compensée, à due concurrence, par la création, à son profit, d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. Daniel Garrigue, pour soutenir cet amendement.
    M. Daniel Garrigue. Cet amendement vise à aider et à soutenir les familles dont un ou plusieurs enfants poursuivent des études supérieures.
    Les jeunes de plus de dix-huit ans peuvent, dans cette hypothèse, demander à être rattachés au foyer fiscal de leurs parents. Les familles ont alors le choix entre deux formules : la déduction d'une demi-part fiscale pour chaque enfant de moins de vingt-cinq ans poursuivant des études, ou un abattement d'une somme forfaitaire correspondant pour partie aux charges engendrées par les études.
    Actuellement, cet abattement est fixé à 4 338 euros. M. Merville propose de le porter à 5 000 euros en faisant valoir, à juste titre, que cette disposition serait favorable aux familles disposant de revenus moyens. Pour les familles qui ne peuvent bénéficier de telles dispositions, c'est évidemment à travers d'autres formes d'aides qu'elles doivent pouvoir permettre à leurs enfants de poursuivre des études supérieures.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. Nous diminuons l'impôt sur le revenu, la baisse atteignant aujourd'hui 10 %. Par ailleurs, nous n'avons pas touché au quotient familial, et cet avantage croît en proportion de la baisse de l'impôt sur le revenu.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mon explication sera assez comparable à celle que vient de donner le rapporteur général. Nous nous en tenons à des principes constants, que les amendements viennent de l'opposition ou de la majorité.
    Le montant de l'abattement est fixé de telle sorte que l'avantage en impôt n'excède pas celui dont bénéficieraient les contribuables imposés au taux marginal le plus élevé si ce rattachement prenait la forme d'une majoration de quotient familial.
    Compte tenu de la baisse des taux du barème de l'impôt et de l'augmentation à 2 086 euros du plafond du quotient familial, le montant de l'abattement doit être fixé pour la même année à 4 338 euros. Toute autre solution romprait la nécessaire neutralité qui doit exister entre les deux possibilités de prendre en compte un enfant majeur que sont le rattachement au foyer fiscal des parents et la déduction de la pension alimentaire.
    Dans ces conditions, vous comprendrez que, pour des raisons d'équité, je sois contraint de vous demander le retrait de votre amendement. A défaut, j'émettrai un avis défavorable.

Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Claude Sandrier. Ce rappel au règlement est fondé sur l'article 58-1.
    Monsieur le président, vous avez tenu tout à l'heure des propos tout de même un peu curieux à l'égard d'un député : « On n'a pas à vous répondre. » Il est déjà assez pénible que M. le rapporteur général non seulement ne m'ait pas répondu mais se soit adressé à un autre député sur un point qui n'avait strictement rien à voir avec la question que j'avais posée. J'attends toujours de savoir si, s'agissant des salaires nets des cadres et patrons, déduction faite des prélèvements fiscaux et sociaux, la France est bien le deuxième pays en Europe, premier ex aequo avec la Grande-Bretagne, pourrait-on dire d'ailleurs. Je tiens à avoir une réponse sur cette question car c'est le débat de fond. Si tel est le cas, est-il utile de continuer à alléger les impôts comme vous le faites ?
    Par ailleurs, vous êtes tout de même là pour faire régner la sérénité dans ce débat.
    M. Hervé Novelli. C'est un très bon président !
    M. Jean-Claude Sandrier. Vous me dites qu'on n'a pas à me répondre. Je suis désolé, il n'y a pas deux catégories d'élus dans cette assemblée, il n'y en a qu'une et tout le monde doit être respecté.
    Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance.
    M. le président. Monsieur Sandrier, je ne vous ai pas dit que le Gouvernement n'avait pas à vous répondre, mais que le vote avait commencé. Comme vous, et peut-être un tout petit peu plus que vous, compte tenu de la fonction que j'assume pour cette séance, je m'efforce de respecter le règlement. Vous avez les mêmes droits, ni plus ni moins que l'ensemble de vos collègues dans cet hémicycle.
    Mme Jacqueline Fraysse. Justement, nous voulons qu'ils soient respectés !
    M. le président. Je regrette, monsieur Sandrier, mais vos affirmations sont en partie erronées.
    M. Jean-Claude Sandrier. C'est enregistré !
    M. le président. Le compte rendu de la séance en témoignera, j'avais commencé à interroger l'Assemblée.
    Le débat se déroule dans un bon climat. Si vous souhaitez absolument une suspension de séance, comme vous avez une délégation de vote de votre président de groupe, elle vous sera accordée, mais je pense que vous pourriez vous contenter de cinq minutes pour que nous conservions le même rythme et que nous poursuivions dans la parfaite convivialité que vous avez réclamée et qui est assurée tout à la fois par le rapporteur général et par le ministre.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt.)
    M. le président. La séance est reprise.
    Cher collègue Sandrier, vérification faite, j'ai effectivement dit qu'on n'avait pas à vous répondre. Mais vous allez avoir satisfaction, puisqu'on va vous répondre.
    La parole est à M. le rapporteur général.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je voudrais apporter une précision à notre collègue, M. Sandrier, à propos du niveau des salaires. Il est vrai que, en France, quelques dizaines de grands dirigeants sont très bien rémunérés. Mais les statistiques montrent aussi que, chez nous, l'écart entre la rémunération de centaines de milliers de cadres et le SMIC et les bas salaires est l'un des plus faibles de tous les pays développés. Il ne faudrait pas que l'arbre cache la forêt et que des rémunérations très importantes versées à quelques dizaines de personnes dissimulent le fait que, en France, l'écart entre la moyenne des bas salaires et les salaires des cadres est des plus réduits.
    M. le président. Nous en revenons à l'amendement n° 236.
    La parole est à M. Daniel Garrigue.
    M. Daniel Garrigue. Monsieur le président, cette suspension de séance a eu au moins un intérêt : elle m'a permis de joindre notre collègue Denis Merville. Compte tenu de la logique de l'argumentation qu'ont développée successivement le rapporteur général et le ministre, et qui se fonde sur la progressivité de l'impôt devant être appliquée de la même façon par la majorité ou par l'opposition, Denis Merville accepte de retirer son amendement.
    M. Didier Migaud. Ça commence !
    M. le président. L'amendement n° 236 est retiré.
    M. Novelli a présenté un amendement, n° 470, ainsi rédigé :
    Compléter l'article 2 par le paragraphe suivant :
    « III. - Il est institué une commission de la réforme de l'impôt sur le revenu chargé de présenter au Gouvernement et au Parlement avant le 30 juin 2004 des propositions de réforme de l'impôt sur le revenu. Cette réflexion portera notamment sur l'allégement de cet impôt.
    « Cette commission est composée de : deux députés ; un sénateur ; trois membres choisis en raison de leurs expériences et de leurs compétences en matière de fiscalité désignés par le ministre de l'économie et des finances ; trois membres choisis en raison de leurs expériences et de leurs compétences en matière de fiscalité désignés par le Premier ministre. »
    Sur cet amendement, M. Brard a présenté cinq sous-amendements, n°s 487 à 491.
    Le sous-amendement n° 487 est ainsi rédigé :
    « Supprimer la dernière phrase du premier alinéa de l'amendement n° 470. »
    Le sous-amendement n° 488 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi la dernière phrase du premier alinéa de l'amendement n° 470 :
    « Cette commission étudie en particulier les possibilités de fusionner la contribution sociale généralisée avec l'impôt sur le revenu. »
    Le sous-amendement n° 489 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi les troisième et quatrième alinéas de l'amendement n° 470 :
    « un député par groupe parlementaire ;
    « un sénateur par groupe parlementaire. »
    Le sous-amendement n° 490 est ainsi rédigé :
    « Après le quatrième alinéa de l'amendement n° 470, insérer les deux alinéas suivants :
    « un membre par organisation représentative des salariés ; »
    « un membre par organisation représentative des employeurs. »
    Le sous-amendement n° 491 est ainsi rédigé :
    « Compléter l'amendement n° 470 par l'alinéa suivant :
    « Trois membres désignés par les associations de défense des consommateurs et des contribuables. »
    La parole est à M. Hervé Novelli, pour soutenir l'amendement n° 470.
    M. Hervé Novelli. Par cet amendement, j'ai souhaité, avec plusieurs de nos collègues, ouvrir la voie à une réforme globale de notre fiscalité, en commençant par l'impôt sur le revenu. Nous avons eu, en commission des finances, une discussion - dont j'ai parlé en intervenant sur l'article 2 - sur la nécessité d'entamer cette réforme globale de la fiscalité qui a été menée avec succès dans différents pays voisins et qui s'est traduite par une amélioration de la croissance économique. Tout le monde le sait - en tout cas sur la plupart des bancs de cette assemblée et au-delà - , la baisse globale de la fiscalité est certainement l'élément le plus important pour améliorer la croissance et les performances économiques d'un pays.
    J'avais donc déposé, en commission des finances, un amendement demandant au Gouvernement de produire, l'année prochaine, un rapport sur la mise au point d'une réforme globale et concrète de notre fiscalité. Cet amendement n° 21 a été adopté par la commission des finances et figure un peu plus loin dans notre liasse, mais, à la réflexion, j'ai pensé qu'il était bon que le Parlement soit associé à cette réforme globale. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé l'amendement n° 470, qui demande la création d'une commission de la réforme de l'impôt sur le revenu, composée de plusieurs parlementaires et d'autres personnalités choisies en raison de leurs compétences.
    Le Parlement doit maintenant se saisir d'une réforme globale, en commençant par l'impôt sur le revenu, et en poursuivant avec la fiscalité sur le patrimoine et l'ensemble de notre fiscalité, qui est jugée archaïque, coûteuse, peu lisible, incohérente. J'attache une grande importance à cet amendement et souhaiterais que la commission des finances et le Gouvernement émettent un avis favorable. Tous les ans, le Conseil des impôts remet son rapport, mais il a du mal - c'est le moins que l'on puisse dire - à trouver quelque voie concrète d'application. Il est temps d'aller beaucoup plus loin, d'entamer la réforme globale. Nous n'avons que trop tardé. Evidemment, l'immobilisme dont le gouvernement précédent à fait montre en ce domaine n'a pas arrangé les choses. Mais les pistes concrètes doivent être trouvées avant le 30 juin 2004.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir les sous-amendements n°s 487 à 491. Les défendrez-vous globalement ou les uns après les autres, monsieur Sandrier ?
    M. Jean-Claude Sandrier. Je défendrai ces sous-amendements les uns après les autres. Ils ne se recoupent pas tous.
    M. le président. Les sujets sont un peu différents, mais ils ont tous pour objectif de modifier l'amendement de M. Novelli.
    M. Jean-Claude Sandrier. Je peux, en effet, intervenir en une seule fois.
    Avec le sous-amendement n° 487, nous considérons qu'il est opportun de mener une réflexion sur la simplification de l'impôt sur le revenu et de créer une commission de la réforme à cet effet. La simplification, qui passe par le retour à un peu plus de rationalité en la matière, s'impose.
    En revanche, afficher le souhait d'alléger l'impôt sur le revenu semble particulièrement provocateur dans la mesure où une kyrielle de dispositions permettent déjà aux personnes qui ont de hauts revenus de se dégager - en tout ou en partie - de leurs obligations de contribuables, et surtout, il faut le souligner, de citoyens.
    Le sous-amendement n° 488 se propose de modifier la construction de l'alinéa proposé par l'amendement de M. Novelli. En effet, s'il semble souhaitable de mettre un terme à cette étrangeté que constitue le double mécanisme d'imposition sur le revenu - IRPP et CSG -, il est impératif, si l'on souhaite entreprendre une démarche conforme aux fondements de notre pacte républicain, de proposer de fusionner la CSG avec l'impôt sur le revenu et non l'inverse. Autrement dit, il s'agit d'opérer la fusion sur la base du principe de progressivité que symbolise l'IRPP. Certes, l'assiette de la CSG est large, celle de l'IRPP trop étroite. Cependant, cela ne justifie en rien la volonté de vouloir enterrer le principe de progressivité de l'impôt, bien au contraire.
    Le sous-amendement n° 489 entend tout simplement garantir le pluralisme de la commission de la réforme de l'impôt sur le revenu que M. Novelli propose d'instituer. C'est un simple problème de démocratie.
    Le sous-amendement n° 490 vise à garantir la présence de l'ensemble des partenaires sociaux au sein de cette même commission.
    Enfin, le sous-amendement n° 491 tend à ouvrir, dans l'esprit de l'article XIV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la commission de la réforme de l'impôt à trois représentants issus du monde associatif. On peut estimer qu'il sera difficile de les choisir, mais, si on a la volonté de le faire, on trouvera sûrement un moyen d'organiser cette représentation.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 470 et sur les sous-amendements ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. L'amendement de M. Hervé Novelli est excellent et nous avons eu, en commission des finances, un débat sur la meilleure formule à adopter, puisqu'il était proposé soit un rapport d'information, soit la constitution d'une commission. Il nous est apparu, en effet, qu'il est indispensable de nous livrer à un examen de fond de l'évolution de l'impôt, et en particulier de l'impôt sur le revenu, d'autant que, avec cette baisse d'impôt supplémentaire de 3 % en 2004, nous parvenons au terme d'une étape qui aura conduit à abaisser le barème de 10 %. On voit bien que cette baisse doit être maintenant accompagnée d'une réflexion sur certaines modalités. Il doit y avoir un toilettage de cet impôt.
    La commission des finances a adopté l'amendement n° 21 qui consiste à demander au Gouvernement de présenter un rapport, en l'occurrence pour le 1er juin 2004. L'idée d'une commission paraît tout aussi intéressante, car elle associerait les parlementaires à cette oeuvre et aurait l'avantage de ne pas laisser la seule administration l'accomplir : il est essentiel que des élus participent à une réflexion.
    Toutefois, cet amendement n'ayant pas été examiné en commission, nous nous interrogeons, monsieur le ministre, sur les modalités concrètes de mise en oeuvre de cette commission. Faut-il passer par la loi de finances ? Existe-t-il d'autres moyens de créer la commission ? En tout cas, il me paraît essentiel, comme le demande M. Novelli, que les parlementaires puissent être associés à ses travaux.
    La proposition de M. Novelli paraissant tout à fait suffisante, je donnerai un avis défavorable aux sous-amendements.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Le Parlement est né pour autoriser l'impôt. Il est donc parfaitement légitime qu'il travaille à l'élaboration de l'impôt. De surcroît, la dernière réflexion qui a été menée sur l'impôt sur le revenu est, sauf erreur de ma part, celle du rapport de la commission dite Ducamin, en 1993-1994. Depuis dix ans, l'impôt sur le revenu a connu un nombre substantiel d'évolutions et il est légitime qu'une réflexion d'ensemble puisse être menée.
    Je me pose une seule question, et je vais vous dire quelle est mon inclination : faut-il graver dans la loi la création d'une commission, au moment même où chacun s'accorde à dire que nous corsetons en permanence notre pays de règles et d'obligations ?
    Mais, monsieur le député, je peux prendre un engagement - je vous ai dit hier que je tenais une comptabilité tout à fait appliquée des engagements que je prends - : celui de mettre en oeuvre, soit à l'initiative de la commission des finances, soit à l'initiative de notre ministère, une commission dont la composition irait dans le sens de ce que vous proposez, avec des parlementaires et des « sachants » - comme on dit en droit - de notre ministère et de tout autre établissement ou organe qui pourrait apporter une compétence supplémentaire, afin d'atteindre les objectifs exprimés par votre amendement.
    Comme vous le voyez, le souhait du Gouvernement est bien de répondre à votre préoccupation, mais d'une manière peut-être plus souple que ne le serait la création par la loi d'une commission qui risquerait d'engendrer une complexité administrative supplémentaire.
    Telle est ma proposition. Je tiens à redire que nous sommes prêts à travailler dans le sens que vous souhaitez, mais, si vous voulez bien faire confiance au Gouvernement...
    M. Jean-Louis Idiart. Ça va être dur !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... je vous propose de retirer votre amendement et je renouvelle l'engagement que j'ai pris : ce groupe de travail, cette commission - informelle, non pas inscrite dans la loi - pourrait être instituée pour atteindre l'objectif que vous avez fixé.
    En conséquence, monsieur le président, et compte tenu du souhait que j'exprime, si M. Novelli ne retirait pas son amendement, j'émettrais un avis défavorable. Je demande la même chose à M. Sandrier : qu'il veuille bien, sur le fondement des explications que je viens de donner, et sachant que cette commission pourra traiter des sujets qu'il a évoqués, retirer également ses sous-amendements. A défaut, j'émettrais un avis défavorable.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Compte tenu de l'observation du ministre et de la proposition de M. Novelli - dont je partage la position -, je vous proposerais, monsieur Novelli, d'organiser une rencontre conjointe et de mettre sur pied une commission conjointe, qui réunisse, outre des membres de la commission des finances, d'autres parlementaires membres de certaines commissions et des conseillers techniques du ministère des finances et du ministère du budget. Nous pourrions commencer à travailler dès le 15 janvier et le Parlement disposerait, pour le 1er juin, d'un rapport élaboré avec le ministère du budget et le ministère des finances, qui permettrait un véritable débat lors de la session d'orientation budgétaire.
    M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli.
    M. Jean-Louis Idiart. C'est le moment de manger le chapeau !
    M. Hervé Novelli. Monsieur le ministre, j'avais déposé cet amendement, pour fixer une date, même s'il ne s'agissait pas d'une injonction - en tout cas, elle ne s'adressait pas au Gouvernement. Cette commission, il convenait - telle était, du moins, mon intention - de lui fixer un terme, un calendrier concret et clair, pour éviter - ce que vous avez vous-même évoqué - qu'elle travaille pendant quelques années à une réforme qui n'arrive pas. Telle était la logique de ma proposition. Mais je vous fais confiance (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), car je vous sais profondément réformateur.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Respectueux !
    M. Hervé Novelli. Et, bien sûr, respectueux du Parlement.
    Cette réforme globale de la fiscalité que j'appelle de mes voeux, avec le président de la commission des finances et les membres de cette commission - je ne vais pas tous les citer -, il faut la faire. Et, pour la faire, il faut travailler rapidement, et conclure dès le 1er juin de l'année prochaine. Dans ces conditions, je retire mon amendement, et je vous demande de mettre en place, avec le président de la commission des finances, ce groupe de travail, qui devra se mettre à l'oeuvre sans tarder pour déboucher rapidement sur des propositions concrètes.
    M. le président. L'amendement n° 470 est retiré.
    Les sous-amendements n° 487, 488, 489, 490 et 491 deviennent sans objet.
    La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Nous aurions voté contre cet amendement. Il ne me semble pas nécessaire, en effet, de créer un groupe de travail, car cela relève de la commission des finances.
    Par contre, je demande à M. le président de la commission des finances de mettre en place une mission d'information pour travailler sur ce sujet. Nous manquons d'un certain nombre d'éléments. Nous aurons à examiner tout à l'heure un amendement adopté par la commission, qui demande justement qu'une réflexion soit menée sur le regroupement de l'impôt sur le revenu et de la CSG. Moyennant quelques sous-amendements que nous allons proposer, nous nous y associerons. Une fois que nous disposerons de ce rapport et des résultats des travaux que M. le président de la commission des finances voudra bien conduire au cours de cette mission d'information, il me semble que nous disposerons de tous les éléments pour y travailler.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Cela fera partie du débat que nous aurons.
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 21 et 310, pouvant être sousmis à une discussion commune.
    L'amendement n° 21, présenté par M. Carrez, rapporteur général, et M. Novelli est ainsi rédigé :
    « Compléter l'article 2 par le paragraphe suivant :
    « III. - Le Gouvernement présentera au Parlement avant le 1er juin 2004 un rapport retraçant les possibilités de simplifier l'impôt sur le revenu. Ce rapport devra étudier la possibilité de fusionner l'impôt sur le revenu avec la contribution sociale généralisée les possibilités de supprimer certaines dépenses fiscales ainsi que la réduction du nombre de tranches. »
    Sur cet amendement, MM. Bonrepaux, Migaud, Emmanuelli, Idiart et les membres du groupe socialiste ont présenté quatre sous-amendements n°s 495, 492, 493 et 494.
    Le sous-amendement n° 495 est ainsi rédigé :
    « Dans la deuxième phrase du dernier alinéa de l'amendement n° 21, substituer aux mots : "ainsi que la réduction du nombre de tranches, les mots : "ainsi que les moyens envisagés afin d'accentuer le lien entre impositions locales et revenu des foyers fiscaux ».
    Le sous-amendement n° 492 est ainsi rédigé :
    « Compléter l'amendement n° 21 par l'alinéa suivant :
    « Il présentera également les moyens envisagés afin de rendre cet impôt plus progressif et d'alléger ainsi l'imposition des foyers fiscaux aux revenus les plus modestes. »
    Le sous-amendement n° 493 est ainsi rédigé :
    « Compléter l'amendement n° 21 par l'alinéa suivant :
    « Il présentera également les moyens de mettre en oeuvre un prélèvement à la source de cet impôt »
    Le sous-amendement n° 494 est ainsi rédigé :
    « Compléter l'amendement n° 21 par l'alinéa suivant :
    « Il présentera également l'état d'avancement d'une réforme de la fiscalité locale, et notamment de la taxe d'habitation, visant à accentuer le lien entre impositions locales et revenu des foyers fiscaux. »
    L'amendement n° 310 présenté par MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi rédigé :
    « Compléter l'article 2 par le paragraphe suivant :
    « III. - Le Gouvernement présentera au Parlement avant le 30 juin 2004 un rapport retraçant les possibilités de simplifier l'impôt sur le revenu. Ce rapport devra étudier la possibilité de fusionner la contribution sociale généralisée avec l'impôt sur le revenu sur la base du principe républicain de la progressivité de l'impôt. »
    La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 21.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je laisse M. Novelli présenter l'amendement n° 21, s'il le veut bien.
    M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli.
    M. Hervé Novelli. Comme je l'ai déjà dit, il s'agissait de proposer au Gouvernement qu'un rapport soit rendu sur cette réforme de l'impôt sur le revenu. Compte tenu de tout ce que nous venons de dire et comme j'ai été amené à retirer l'amendement précédent, je pense que celui-ci devrait connaître le même sort, mais je ne voudrais pas le faire sans l'aval de la commission des finances.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Tout à fait d'accord, mais je souhaitais que ce soit M. Novelli qui prenne cette initiative.
    M. le président. L'amendement n° 21 est retiré.
    Les sous-amendements n°s 495, 492, 493 et 494 deviennent sans objet.
    La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, il est tout à fait normal que nos sous-amendements tombent du fait du retrait de l'amendement, mais nous pouvons quand même reprendre celui-ci. Et c'est ce que nous allons faire, parce qu'il faut quand même qu'il y ait un débat sur la réforme que nous voulons. Or en retirant cet amendement, la commission semble vouloir l'esquiver, ce qui aurait pour effet que le Gouvernement ne pourrait pas nous donner les éléments dont nous avons besoin.
    Il y a quelque chose que je ne comprends pas : le président de la commission des finances nous dit que nous allons travailler sur ce sujet - c'est ce qu'il nous a dit tout à l'heure - mais quand un amendement auquel nous aurions apporté notre soutien est adopté en commission, il est retiré en séance sans qu'il y ait le moindre débat. Dans ces conditions, je ne comprends pas non plus comment le Gouvernement pourrait nous donner les informations que nous souhaitons. Nous souhaitons - et c'est la raison pour laquelle nous reprenons cet amendement - que le Gouvernement présente au Parlement avant le 1er juin prochain un rapport qui étudie comment on peut fusionner l'impôt sur le revenu et la CSG. Mais à nos yeux, l'objectif essentiel n'est pas la réduction de l'impôt sur le revenu, parce que celle-ci n'est pas une finalité en soi.
    Or, étant donné que l'amendement propose que soit étudiée la possibilité de « la réduction du nombre de tranches », il me semble qu'on s'oriente vers cela.
    Quoi qu'il en soit, je ne comprends pas que la commission retire maintenant un amendement qui a tout son sens, surtout après le débat de ce matin, lors duquel nous avons entendu M. Bayrou expliquer que cette réflexion était intéressante mais qu'il fallait aller plus loin,...
    M. Philippe Auberger. Il est allé tellement plus loin qu'il a disparu !
    M. Michel Bouvard. C'est un intermittent de l'hémicycle !
    M. Augustin Bonrepaux. ... et rechercher comment pourrait s'effectuer le prélèvement à la source.
    Cet amendement doit aussi prévoir que soient étudiés les moyens de rendre l'impôt sur le revenu plus progressif et d'alléger ainsi l'imposition pour les revenus les plus modestes. Le rapport devrait également étudier la façon de rendre les impôts locaux plus justes, notamment la taxe d'habitation, en associant impositions locales et revenus des loyers fiscaux.
    Nous reprenons donc cet amendement, monsieur le président. Nous y tenons beaucoup, et nous souhaitons qu'il y ait un débat, quand même, pour fixer les orientations de cette réforme.
    M. Didier Migaud. Très bien !
    M. le président. L'amendement n° 21, retiré par M. Novelli, est donc repris par M. Augustin Bonrepaux.
    Je pense que M. Didier Migaud souhaite s'exprimer pour cet amendement ?
    M. Didier Migaud. Je voudrais d'abord entendre M. le rapporteur général.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est une question de bon sens. Lors de la réunion de la commission des finances, nous avions deux options : un rapport ou une commission. Nous avons retenu l'idée d'un rapport,...
    M. Augustin Bonrepaux C'était une bonne idée.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... mais en nous sentant un peu frustrés, parce qu'une commission, et surtout une commission associant des parlementaires et l'administration - c'est vraiment cela, la nouveauté -, serait probablement beaucoup plus performante qu'un nouveau rapport. On a trop l'habitude, ici, de greffer des rapports sur chacun des articles de nos lois de finances.
    Monsieur le ministre, vous venez de nous donner votre accord. M. le président de la commission des finances a par ailleurs indiqué qu'il était prêt, pour montrer l'importance de cette démarche, à prendre une décision conjointe avec le Gouvernement pour mettre en place cette commission. Je ne vois donc absolument pas quel serait l'intérêt d'un rapport qui nous serait remis au mois de juin. C'est à cette commission de faire ce travail.
    Donc, soyez rassurés, chers collègues, cette commission sera nourrie de toutes les informations, étudiera toutes les options qui faisaient l'objet des différents sous-amendements que vous proposiez.
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. J'avoue être encore étonné...
    M. Daniel Garrigue. Encore !
    M. Didier Migaud. ... par la capacité de l'UMP à changer d'avis.
    Gilles Carrez vient de nous expliquer que la commission des finances - et surtout, à vrai dire, ceux de ses membres qui appartiennent à l'UMP - avait longuement hésité entre l'amendement de M. Novelli tendant à la mise en place d'une commission et un autre amendement proposant un rapport.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Toujours un amendement de M. Novelli, d'ailleurs.
    M. Didier Migaud. En effet ! Après beaucoup de discussions et de réflexions, donc, la commission a choisi la solution du rapport.
    M. Augustin Bonrepaux. Très bon choix !
    M. Didier Migaud. Cela se passait l'autre jour. Aujourd'hui, extraordinaire changement de pied. On se croirait sur un terrain de rugby, avec les pieds et contre-pieds ! (Sourires.)
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. L'important, c'est de marquer des essais !
    M. Didier Migaud. Certes ! Mais je constate que vous ne les transformez pas beaucoup, puisque vous ne cessez de retirer vos amendements.
    M. le président. C'est que nous sommes en pleine Coupe du monde, monsieur Migaud !
    M. Philippe Auberger. Attention, monsieur Migaud, vous risquez de vous faire plaquer au sol.
    M. Jean-Louis Idiart. Dans ce budget, il y a plus de coupes que de monde !
    M. Didier Migaud. Nous allons faire le recensement de tous les amendements déposés par l'UMP et qui finissent par être retirés. Cela pose d'ailleurs un problème pour le déroulement de nos débats : pourquoi déposer des amendements alors que sans cesse ils sont retirés au moment de leur discussion en séance publique ? C'est vraisemblablement un effet de la réunion de l'UMP de l'autre jour, où le général Raffarin est arrivé et a dit : « A vos rangs, fixe ! Je ne veux plus entendre parler d'amendements. »
    M. Franck Gilard. Le caporal Jospin, c'était autre chose !
    M. Didier Migaud. Ce doit être cela. Sinon, pourquoi retirer systématiquement tous les amendements ?
    Nous sommes, monsieur le ministre, tout à fait d'accord, si vous nous invitez, pour participer aux travaux de cette commission. Mais nous pensons qu'il peut être utile que cette commission commence à travailler à partir d'un rapport. Cela ne nous paraît pas illogique, monsieur le rapporteur général. Une commission peut fort bien se mettre en place et travailler à partir d'un rapport présenté par le Gouvernement sur un certain nombre d'orientations. L'exposé sommaire du rapporteur général est, à cet égard, très intéressant. Il nous explique que l'IRPP est en fait assez peu important en comparaison de la CSG. Tout à l'heure, nous avons eu droit à de grandes explications : la baisse de l'IRPP était essentielle, c'était le moteur de la croissance, tellement la part de cet impôt dans le PIB était importante. Mais ici, il nous explique que la CSG et le RDS pèsent « plus lourd que l'IRPP : 4,2 % du PIB contre 3 % ». Merci de ce rappel, monsieur le rapporteur général : c'est exactement ce que nous disons. Vous auriez peut-être été bien inspiré d'écouter le président de la commission des finances, qui suggérait que l'on baisse les cotisations sociales, voire la CSG, plutôt que l'impôt sur le revenu. Cela mérite débat, et le dépôt de cet amendement présentait au moins cet avantage.
    Nous, nous souhaitons que ce rapport puisse être présenté au Parlement, parce que nous pensons que c'est la meilleure façon pour la future commission de travailler sur des sujets que nous considérons comme essentiels. Nous pensons effectivement qu'il faut une réforme fiscale d'importance. Nous sommes favorables, en ce qui nous concerne, à la fusion entre l'impôt sur le revenu et la CSG, ne serait-ce que pour tordre le cou - je l'ai dit ce matin, et François Bayrou l'a dit aussi de son côté - à cette idée selon laquelle seul un Français sur deux paie un impôt : ce n'est pas vrai. Et d'ailleurs, votre exposé sommaire le prouve, monsieur le rapporteur général. Donc, soyez cohérent dans vos discours et dans vos propositions !
    Nous souhaitons, nous, que l'on puisse travailler à cette fusion. Pour pouvoir la réaliser dans de bonnes conditions, il faut que l'administration - le ministère de l'économie et des finances - puisse nous présenter un rapport. C'est pour cela, monsieur le président, que nous reprenons cet amendement. Et nous souhaitons que M. Bonrepaux puisse soutenir chacun de nos sous-amendements.
    M. le président. L'amendement ayant été repris par le groupe socialiste, M. Bonrepaux va pouvoir soutenir les sous-amendements n°s 495, 492, 493 et 494. Vous les défendez ensemble, monsieur Bonrepaux ?
    M. Augustin Bonrepaux. Il serait quand même intéressant, après l'intervention de Didier Migaud, de connaître l'avis de la commission sur l'opportunité de ce rapport, parce que je suis certain que nos arguments l'ont convaincu qu'il fallait examiner un peu plus attentivement le fond de ce projet de rapport, ainsi que les sous-amendements. Je vois que M. le président de la commission des finances a demandé la parole : si vous le voulez bien, monsieur le président, je défendrai les sous-amendements après l'avoir entendu.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Mes chers collègues, faisons simple quand on peut faire simple. On encombre nos textes d'amendements, d'articles sans fin. Il y a des amendements qu'on dépose pour avoir un engagement du Gouvernement. Je tiens autant que vous à la transparence, chers collègues de l'opposition, même si nous n'arrivons pas aux mêmes conclusions, car le pays a besoin d'un débat transparent sur l'ensemble de nos impôts. Nous l'aurons.
    Pourquoi discuter pendant des heures des amendements et des sous-amendements alors qu'il y a une volonté de transparence ? Jugez sur les résultats ! Et ne perdons pas des heures à débattre d'un objectif que nous partageons. J'ajoute que quand j'étais dans l'opposition, je faisais déjà cette même critique - et je n'étais pas le seul à la faire : pourquoi encombrer nos textes legislatifs de multiples amendements qui compliquent la vie de nos compatriotes et qui rendent inintelligibles nos paroles ?
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président de la commission des finances, ce n'est pas un amendement qui demande un rapport pour le mois de juin prochain, qui va encombrer la législation ! Par contre, comment une commission peut-elle commencer son travail, si elle ne dispose pas des éléments nécessaires ?
    M. Hervé Novelli. Il y a le Conseil des impôts !
    M. Augustin Bonrepaux. D'ailleurs, monsieur le président de la commission des finances, qui aura l'initiative de cette commission ? Vous la laissez au Gouvernement ? Une fois de plus le Parlement ne prend pas l'initiative !
    Le jour où cette commission se réunira, il lui faudra bien quelques éléments. Sinon la première réunion sera un échange informel qui n'aboutira à rien. Préparer le travail de la commission par un rapport, cela me paraît tout à fait naturel, et c'est la meilleure façon de procéder. C'est pourquoi nous insistons sur cet amendement, ainsi que sur nos sous-amendements, parce qu'il serait intéressant d'entendre à la fois le Gouvernement et la commission - et bien sûr la majorité - sur au moins trois orientations auxquelles nous tenons.
    Premièrement, si la possibilité de fusionner l'impôt sur le revenu et la CSG doit être étudiée, l'objectif de cette réforme ne doit pas être la baisse des impôts. Vous, vous avez ce souci de baisser l'impôt sur le revenu.
    M. Hervé Novelli. Eh bien oui ! Le but n'est pas de l'augmenter !
    M. Augustin Bonrepaux. Nous, nous disons que la réforme doit aller vers la simplification et vers la justice. Et pour qu'une réforme soit juste, il faut aussi s'intéresser à la taxe d'habitation. Car c'est un impôt particulièrement injuste, particulièrement lourd et qui pèse justement sur les contribuables modestes. Nous proposons donc que soient examinés les moyens d'accentuer le lien entre l'imposition locale et le revenu des foyers fiscaux. Si le Gouvernement ne veut pas de cette réflexion, s'il ne veut pas engager ce débat, qu'il le dise ! Mais alors, qu'il le dise ici ; cela simplifiera le travail de la commission, qui saura à quoi s'en tenir. Quoi qu'il en soit, voilà, le sens de notre premier sous-amendement. Votre objectif, c'est la réduction des tranches. Moi, je ne pense pas que la simplification de l'impôt et la justice fiscale passent d'abord par la réduction des tranches ! Elles passent d'abord par une étude sur l'ensemble des impôts, afin de vérifier quels sont ceux qu'il faut baisser pour rendre le poids de l'impôt plus juste et pour que cette baisse contribue efficacement au développement économique et à l'emploi, comme cela a été le cas, par exemple, lorsque nous avons réduit la TVA à 5,5 % pour les travaux du bâtiment. C'est toute cette réflexion qu'il faut avoir. Mais s'il s'agit d'abord et avant tout de baisser l'impôt sur le revenu, nous y sommes opposés, surtout dans la situation où se trouve notre pays aujourd'hui. Il est bien évident qu'on ne peut pas vous laisser mettre en place cette commission et engager ce débat avec une telle orientation. C'est pourquoi je souhaite que la commission se prononce sur notre premier sous-amendement. Il y aura ensuite, bien sûr, le débat sur le prélèvement à la source. Mais nous y reviendrons plus tard, puisque c'est l'objet d'un autre sous-amendement.
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, on peut considérer que vous avez défendu les sous-amendements n°s 495, 492,...
    M. Augustin Bonrepaux. Non, non ! J'ai défendu le premier ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Eric Woerth. Il ne peut pas nous épargner son verbiage ?
    M. Augustin Bonrepaux. Le prélèvement à la source, par exemple, doit faire l'objet d'un autre débat. C'est l'objet du sous-amendement n° 493, qui sera défendu par Didier Migaud.
    M. le président. Le sous-amendement n° 495 a donc été défendu.
    La parole est à M. Daniel Garrigue.
    M. Daniel Garrigue. Ce débat a tout de même quelque chose d'un peu surréaliste.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Complètement surréaliste !
    M. Daniel Garrigue. On est en train de nous faire perdre notre temps. Nous sommes soumis à une avalanche de documents et de rapports sur l'impôt sur le revenu, mais les éléments en discussion ici ne relèvent pas d'informations techniques, mais de choix politiques !
    M. Jean-Louis Idiart. Nous ne disons pas autre chose !
    M. Daniel Garrigue. Et les choix politiques, c'est l'affaire du Gouvernement et du Parlement ! Ce n'est pas l'affaire d'un comité Machin ou d'un rapport Théodule qui ne servent rigoureusement à rien ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    La seule chose dont nous aurions besoin, et le président de la commission des finances l'a très justement souligné, c'est une comparaison avec ce qui se passe dans les autres pays européens, parce que, sur ce point, nous manquons en effet d'informations. Mais pourquoi tourner en rond sur les problèmes de taxe d'habitation ou de tranches d'impôt sur le revenu ? Les éléments, nous les avons. Les choix qu'il faut faire, ils sont de caractère politique, et c'est à nous de les faire. Nous n'avons pas à créer des commissions totalement inutiles. Je le répète, on nous fait perdre notre temps ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour soutenir le sous-amendement n° 492.
    M. Didier Migaud. Je vais peut-être plutôt venir à la rescousse du président de la commission des finances et du ministre du budget, à la suite de l'intervention de notre collègue Garrigue, qui nous explique que les commissions ne servent à rien. C'est très désagréable vis-à-vis du ministre du budget, qui vient de proposer de mettre en place une commission !
    En outre, je trouve tout à fait déplacée la proposition de notre collègue Garrigue, parce que ce n'est pas nous qui sommes les auteurs de cet amendement...
    M. Franck Gilard. Si ! Maintenant, c'est le vôtre !
    M. Daniel Garrigue. Absolument ! L'amendement a été retiré et vous l'avez repris !
    M. Marc Laffineur. Tout à fait !
    M. Didier Migaud. ... c'est la commission des finances dans son ensemble ! Que je sache, vous en êtes membre. Donc, vous l'avez adopté ! Et Marc Laffineur aussi.
    M. Marc Laffineur. Il a été retiré !
    M. Didier Migaud. Certes, mais s'il suffit de retirer un amendement pour éviter la discussion... Vous les retirez presque systématiquement ! Nous estimons que vous aviez eu une réflexion plutôt intéressante en commission, et vous aviez proposé de la reprendre en séance. Nous nous inscrivons dans ce cadre. Nous ne cherchons pas du tout à faire perdre du temps à notre assemblée. Je ne m'appesantis pas sur les sous-amendements. L'idée de ce rapport est bonne, et notre collègue Garrigue a raison : il ne faut pas seulement raisonner « franco-français », il faut aussi disposer d'éléments de comparaison avec les autres pays et j'espère que ce rapport nous en fournira. Peut-être, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous faire part de votre point de vue ? Avez-vous un point de vue a priori sur la fusion de l'IR et de la CSG ? Que pensez-vous du prélèvement à la source ? Il serait bon que nous puissions en discuter. Tout le monde en parle ! A l'extérieur, en tout cas. Mais quand il s'agit d'en parler dans l'hémicycle, là où pourtant se fait la loi, on n'entend plus personne, il ne faut pas de rapport, il faut créer une commission ! Cela me fait penser à Clemenceau qui disait que quand on veut enterrer un problème, on crée une commission. Nous souhaitons que notre assemblée s'exprime sur cet amendement qui nous paraissait plutôt pertinent, ainsi que sur chacun de ces sous-amendements, que je considère avoir défendus, monsieur le président, pour ne pas alourdir le débat.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Excellente conclusion !
    M. le président. Vous avez donc défendu le sous-amendement n° 492.
    La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le sous-amendement n° 493.
    M. Augustin Bonrepaux. Je voudrais, monsieur le président, rappeler simplement à M. Garrigue - je ne me souviens pas s'il était ou non en commission -...
    M. Daniel Garrigue. Oui, j'y étais !
    M. Augustin Bonrepaux. ... et à M. le rapporteur général qu'en commission j'ai voté cet amendement.
    M. Didier Migaud. Vous voyez, nous ne sommes pas sectaires !
    M. Augustin Bonrepaux. Et j'ai même proposé d'y ajouter que le rapport devait aussi étudier le prélèvement à la source. Cela n'a pas été fait. Il est vrai que je n'avais pas deposé de sous-amendement écrit. Je reste fidèle à ce que j'ai fait. J'ai voté l'amendement, j'ai proposé des sous-amendements, et il est normal que je demande maintenant que l'on en discute. Je défends donc mes sous-amendements, et j'insiste particulièrement sur la nécessité de disposer d'un rapport pour rendre plus juste la taxe d'habitation - c'est l'objet du sous-amendement n° 494. En effet, cette taxe est injuste car ses bases n'ont pas été revalorisées. Certes, la revalorisation sera difficile à opérer, mais, en tout cas, il ne faut pas accepter la proposition de M. Devedjian de revaloriser les bases uniquement au moment des mutations, car cela prendrait trente ans.
    Par ailleurs, un problème de justice fiscale se pose du fait de l'absence de lien entre la taxe d'habitation, cet impôt injuste qui pèse lourd sur les ménages modestes, et le revenu.
    La commission devra disposer de tous les éléments utiles à sa réflexion, et il serait souhaitable que le Gouvernement les prépare avant d'instituer cette commission. C'est pourquoi le rapport en question nous paraît tout à fait justifié.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 495, 492, 493 et 494 ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Comme je l'ai indiqué précédemment : avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'ai pris un engagement visant à répondre à la proposition de M. Novelli, et je le tiendrai. En conséquence, je suis défavorable aux sous-amendements.
    M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 495.
    (Le sous-amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 492.
    (Le sous-amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 493.
    (Le sous-amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 494.
    (Le sous-amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21, repris par le groupe socialiste.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 310.
    Mme Jacqueline Fraysse. Tant qu'à commander des rapports, autant que ce soient les bons. Nous pouvons être d'accord sur la première partie de la proposition du rapporteur général, qui fixe comme objectif de simplifier l'impôt sur le revenu, notamment au plan des mécanismes dérogatoires. En effet, ainsi que l'a indiqué le Conseil des impôts : « Les dépenses fiscales recouvrent des techniques très variables, allant des exonérations aux crédits d'impôts en passant par les divers aménagements du calcul de l'impôt, qui sont utilisées sans obéir à une rationalité claire. Cette situation conduit à des entorses à la logique de chaque impôt, notamment dans le cas de l'impôt sur le revenu, conduisant à fragiliser l'équilibre de la fiscalité et à rendre sa gestion toujours plus difficile ».
    Aujourd'hui, il vaut mieux, si l'on veut se retrouver dans ce dédale, être assisté d'un conseiller fiscal, ce qui favorise d'ailleurs ceux qui peuvent s'offrir ce type de service et qui sont bien sûr les plus aisés. Toutefois, ces niches ne sont pas toutes à mettre dans le même sac, si j'ose dire. Il en est de très injustes, qui favorisent ceux qui n'en ont nul besoin, telles la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile ou la fiscalité avantageuse pour les stock-options : c'est à celles-ci qu'il faut s'attaquer sur le fondement d'évaluations précises.
    S'agissant de l'hypothèse de la fusion de la contribution sociale généralisée et de l'impôt sur le revenu, la question fondamentale est celle du respect du principe républicain de la progressivité de l'impôt, pour coller aux facultés contributives des foyers fiscaux. Or l'évocation simultanée de la réduction du nombre de tranches fait naître les plus vifs soupçons quant à la progressivité de l'impôt qui résulterait de la fusion entre la CSG et l'IRPP.
    Notre fiscalité est actuellement très peu progressive, à hauteur de 20 % environ. Il y a donc lieu d'aller, non vers moins de progressivité, mais, au contraire, vers un renforcement de celle-ci pour améliorer la justice et l'efficacité fiscales. Toutefois, jusqu'à présent, vous avez montré une très forte propension à la réduire pour ne pas dire à la liquider. Cette tendance s'incrit malheureusement dans un processus européen lourd de dumping fiscal sur les facteurs de productivité les plus mobiles, capital et travail qualifié, en les détaxant sans cesse davantage.
    En entendant M. le président de la commission des finances plaider pour une comparaison entre la fiscalité française et celle de nos partenaires européens, suivant trois axes : « la compétition fiscale sur les mouvements de capitaux, l'efficacité des dispositifs pour l'emploi et, selon la disctinction de John Rawls entre les inégalités efficaces et les inégalités inefficaces », et préciser que « cette réflexion devra être menée sans a priori idéologique et sans tabou, incluant dans son champ, notamment, le problème de l'ISF », il y a tout lieu de s'inquiéter et de craindre une accentuation de cette course au dumping fiscal aux conséquences funestes pour la solidarité nationale et pour les moyens d'action de l'Etat.
    Telles sont les raisons qui nous ont conduits à proposer l'amendement n° 310.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.
    Cet amendement vise, comme le précédent, à demander un rapport au Gouvernement. Or il a été décidé, il y quelques minutes, de constituer une commission pour débattre de toutes ces questions. Mme Fraysse devraient donc être rassurée : les différents points qu'elle a évoqués seront bien entendu débattus au sein de cette commission.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que celui de la commission : défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 310.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Rappel au règlement

    M. Didier Migaud. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour un rappel au règlement.
    M. Didier Migaud. Le rapport écrit du rapporteur général fait mention d'un certain nombre d'amendements adoptés après l'article 2, notamment un amendement sur le relèvement du seuil du revenu reconstitué permettant l'imposition selon les éléments du train de vie et des amendements relatifs à l'outre-mer. Je m'étonne donc qu'ils ne soient pas appelés à ce moment de la discussion.
    Seront-ils appelés ultérieurement ou faut-il y voir le résultat de la réunion de l'UMP ?
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je m'empresse de rassurer Didier Migaud, qui voit partout de la malice de la part de l'UMP.
    M. Jean-Pierre Brard. On ne prête qu'aux riches !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il n'y a nulle malice ici. Il s'agit simplement d'une décision du service de la séance qui a inscrit ces amendements après l'article 4 où ils ont davantage leur place. L'UMP n'y est pour rien !
    M. Didier Migaud. C'est sans doute à ce moment-là que vous les retirerez ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

Article 3

    M. le président. « Art. 3. - I - L'article 200 sexies du code général des impôts est ainsi modifié :
    « A. - A la première phrase du premier alinéa du 1° du A du II, le taux "4,4 % est remplacé par le taux : "4,6 % et, au deuxième alinéa du 1° du A du II, le taux : "11 % est remplacé par le taux : "11,5 %.
    « B. - Les montants figurant dans l'article sont remplacés par les montants suivants :

Anciens
montants
Nouveaux
montants
Au A du I 11 972 12 176
  23 944 24 351
  3 308 3 364
Au I° du B du I, au 3° du A du II et au B du II 3 265 3 372
Au 1° du A du II 10 882 11 239
Aux 1° et 2° du B du I, aux 1° et 3° (a et b) du A du II et au C du II 15 235 15 735
Au 3° (b et c) du A du II 21 764 22 478
Aux 1° et 2° du B du I, aux 3° (c) du A du II et au C du II 23 207 23 968
Au 3° (a et b) du A du II 79 80
Au B du II 64 66
Au B du II 32 33
Au IV 25 25
    II. - Après l'article 1665 du code général des impôts, il est inséré un article 1665 bis ainsi rédigé :

    « Art. 1665 bis. - I. - Les personnes qui justifient d'une activité professionnelle d'une durée au moins égale à six mois ayant débuté au plus tôt le 1er octobre 2003 et qui ont été pendant les six mois précédents sans activité professionnelle et inscrites comme demandeurs d'emploi ou bénéficiaires du minimum invalidité, de l'allocation aux adultes handicapés, de l'allocation de parent isolé, du revenu minimum d'insertion, de l'allocation parentale d'éducation à taux plein ou du complément cessation d'activité à taux plein de le prestation d'accueil du jeune enfant, peuvent demander à percevoir un acompte de prime pour l'emploi d'un montant forfaitaire de 250 EUR. Cette demande est formulée dans les deux mois suivant la période d'activité de six mois.
    « La régularisation de cet acompte intervient lors de la liquidation de l'impôt afférent aux revenus de l'année du paiement de cet acompte, après imputation éventuelle des différents crédits d'impôt, de l'avoir fiscal et de la prime pour l'emploi.
    « Les demandes formulées sur la base de renseignements inexacts en vue d'obtenir le paiement d'un acompte donnent lieu à l'application d'une amende fiscale de 100 EUR.
    « II. - Un décret précise le contenu et les modalités de dépôt de la demande d'acompte ainsi que celles du paiement de celui-ci. »
    Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.
    La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Afin d'accroître l'efficacité de la prime pour l'emploi, vous nous proposez, monsieur le ministre, avec l'article 3, de rehausser ses taux. Le geste paraît louable, mais, en vérité, il est bien faible, et j'y reviendrai.
    Du fait de l'annulation par le Conseil constitutionnel, dans la loi de finances de 2001, de la diminution de la contribution sociale généralisée et de la contribution au remboursement de la dette sociale sur les bas revenus, le gouvernement de Lionel Jospin avait décidé d'instaurer une prime pour l'emploi, calculée en fonction des revenus d'activité et au prorata du temps de travail. Cette mesure devait permettre d'améliorer le pouvoir d'achat de plusieurs millions de salariés.
    Or ce même pouvoir d'achat sera amputé, d'un côté, par les conséquences de la baisse de l'impôt sur le revenu que vous réservez aux familles les plus aisées, et, de l'autre côté, par l'augmentation de la fiscalité sur le gazole et sur le tabac.
    Que fera un contribuable célibataire de ses 15 euros d'économie résultant de la baisse de 3 % de son impôt sur le revenu ? En tout cas, ils ne lui permettront pas de faire face aux hausses des taxes, telle celle sur le tabac, des tarifs publics et du forfait hospitalier.
    Monsieur le ministre du budget, vous semblez ne pas vouloir entendre nos arguments. Aussi, je tiens à illustrer mes propos pour permettre à nos concitoyens de se forger leur propre opinion, ce qui leur serait difficile s'ils n'entendaient que vous.
    Après une baisse de 5 % en 2002 et de 1 % en 2003, le barème de l'impôt sur le revenu sera allégé de 3 % en 2004. Mais fait du hasard ou volonté politique, les exemples retenus par le Gouvernement lors de la présentation du budget du projet de loi de finances pour 2004 ne dévoilaient pas l'impact du nouveau barème pour les revenus élevés. Or il faut savoir que si vous êtes célibataire - et je regrette que Charles-Amédée de Courson nous ait quittés -,...
    M. Gérard Bapt. Peut-être est-il allé se marier ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. ... sans charge de famille, avec un salaire de 12 000 euros par an, l'allégement pour 2004 sera de 15 euros, soit un peu plus d'un euro par mois, contre 944 euros pour un salaire de 100 000 euros. Pour un couple marié avec deux enfants, avec un revenu total de 40 000 euros, l'allégement sera de 49 euros contre 7 025 euros pour un revenu de 500 000 euros.
    Par ailleurs, la baisse de l'impôt sur le revenu ne touchera de manière significative que 5 % des foyers fiscaux, ce qui n'est, bien sûr, pas de nature à relancer la consommation et la croissance.
    Dans les exemples que vous avez choisis savamment, vous vous évertuez à présenter des allégements de l'impôt sur le revenu peu ou prou équivalents à la revalorisation de la prime pour l'emploi. En réalité il s'agit d'un attrape-nigaud. En effet, pour les revenus les plus importants, la baisse de l'impôt sur le revenu équivaudra à plus de cent fois la revalorisation moyenne de la prime pour l'emploi, si ce n'est pas davantage.
    Si l'on examine bien les bleus budgétaires - et si je me trompe, je suis sûr que vous allez me corriger, monsieur le ministre -, il semble que, en réalité, le bonus global pour la prime pour l'emploi soit de l'ordre de 80 millions d'euros pour 800 000 bénéficiaires, soit environ 8,33 euros environ par mois.
    M. Gérard Bapt. Tant que ça ?
    M. Jean-Pierre Brard. « Tant que ça ? » demande notre collègue Bapt, tant il est vrai, monsieur le ministre, que vous comptez avec parcimonie dès lors qu'il s'agit des plus modestes.
    M. Gérard Bapt. C'est plutôt 8,33 euros par an, monsieur Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Non, par mois.
    M. Didier Migaud. Par an !
    M. Jean-Pierre Brard. Pouvez-vous nous départager, monsieur le ministre ? Cette augmentation de la prime pour l'emploi de 8,33 euros est-elle par an ou par mois ?
    Pour éclairer complètement nos concitoyens, je voudrais savoir comment vous allez traiter les plus riches. Je prendrai le cas de Jean-Marie Messier, qui est une référence importante pour le Premier ministre, comme je l'ai montré hier en lisant les écrits de M. Raffarin.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. A priori, M. Messier ne perçoit pas la PPE ! (Sourires.)
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela lui arrivera peut-être !
    M. Jean-Pierre Brard. M. Messier a déclaré en 2001 : « Je m'engage, vis-à-vis de mon conseil d'administration, à ne jamais négocier de parachute doré. » Aujourd'hui, M. Messier ne va pas bien, puisqu'il vient de déclarer qu'il avait quitté VU endetté, qu'il n'avait plus d'épargne, qu'il avait hypothéqué sa maison à Paris, et, donc, qu'il avait besoin d'indemnités.
    M. Philippe Auberger. Et alors ? ce n'est pas notre problème ! Vous nous faites perdre notre temps !
    M. Franck Gilard. Arrêtez de défendre Messier, monsieur Brard. C'est indécent ! A croire que vous êtes son avocat.
    M. Philippe Auberger. J'espère pour lui qu'il en a un meilleur !
    M. Jean-Pierre Brard. Bref, d'une part, qu'en est-il de l'augmentation moyenne de la prime pour l'emploi et, d'autre part, est-il exact que les indemnités d'un montant de 20,55 millions d'euros que devrait toucher Jean-Marie Messier ne seraient pas assujetties à l'impôt ?
    Je terminerai en faisant une proposition positive, car quand quelqu'un est dans le désespoir et dans la misère, il ne faut pas l'abandonner : je propose donc de soumettre à la commission d'attribution des logements de Montreuil le dossier de M. Messier afin qu'il n'aille pas dormir sous les ponts et qu'il puisse habiter dans une HLM de ma ville. (Sourires.)
    M. Philippe Auberger. Quel démagogue !
    Mme Jacqueline Fraysse. Mais c'est sympa !
    M. Philippe Auberger. Ce n'est pas comme cela que vous gagnerez une voix !
    M. le président. Monsieur Brard, je croyais que cette commission travaillait en toute indépendance. Il me semble donc difficile que vous puissiez intervenir sur ses travaux.
    M. Franck Gilard. Pour obtenir un logement, il suffit d'avoir la carte du parti communiste !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, votre remarque est tout à fait pertinente, mais j'ai simplement dit que je m'engageais à proposer à la commission le dossier de M. Messier, parce que, contrairement à ce que répète sans cesse M. de Courson, je ne fais pas de racisme social. Et puisque M. Messier est dans la peine, il faut lui tendre une main fraternelle.
    M. Philippe Auberger. Le bon samaritain !
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. L'article 3 est très intéressant et illustre bien la philosophie qui sous-tend les propositions du Gouvernement.
    Je relisais il y a quelques instants des interventions des présidents des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, respectivement Pierre Méhaignerie et Jean Arthuis, qui, s'interrogeant sur l'intérêt de procéder à une baisse supplémentaires de l'impôt sur le revenu, pensaient sincèrement que notre pays n'en avait pas la capacité. Or je constate que le Gouvernement a fait un choix différent.
    Pierre Méhaignerie allait plus loin en écrivant que « s'il y a des mesures intéressantes à prendre, il faut faire le choix de la baisse de l'impôt qui assure le mieux la croissance, la consommation et l'exigence à la fois d'efficacité et de justice », sous-entendant par là-même que ce n'est pas la baisse de l'impôt sur le revenu qui rassemble toutes ces qualités. Il a même évoqué à plusieurs reprises une possible augmentation de la prime pour l'emploi.
    Or j'observe qu'il y a, d'un côté, 1,6 milliard de réduction supplémentaire de l'impôt sur le revenu, quelques centaines de millions d'euros supplémentaires pour des niches fiscales, 500 millions d'euros pour la réduction de l'ISF - et je pourrais allonger la liste - et, de l'autre, 500 millions d'euros pour augmenter la prime pour l'emploi.
    Le Premier ministre nous a expliqué à la télévision que la réduction de l'impôt pourrait représenter 30, 40 ou 50 euros pour un certain nombre de personnes - ce qui, en fait, ne concerne que les plus basses tranches de l'impôt sur le revenu -, alors que les bénéficiaires de la prime pour l'emploi toucheraient 100 euros en moyenne ! Certes, le Premier ministre ne fait pas partie de la commission des finances, mais il devrait être à même de se rendre compte qu'en divisant 500 millions par 8 500 000 - le nombre des bénéficiaires de la PPE -, on n'obtient pas 100 euros mais plutôt 60 euros.
    M. Jean-Pierre Brard. Et si l'on divise par douze, cela fait cinq euros par mois !
    M. Didier Migaud. Cela dit, je veux bien prendre en compte la réponse du ministre sur le fascicule des voies et moyens et dans laquelle il expliquait pourquoi il n'y avait pas de différence.
    En fait, quel que soit votre mode de calcul, monsieur le ministre, vous ne pourrez dégager que 80 millions d'euros nets pour les bénéficiaires de la PPE, tout le reste résultant d'indexations soit sur le SMIC, soit sur l'inflation. (M. le ministre fait un signe de dénégation.) Vous ne pouvez pas me dire le contraire : d'après vos documents, il s'agit d'indexations.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Payées par qui ?
    M. Didier Migaud. C'est la première fois que cela se passe !
    Pourquoi prendriez-vous en compte les indexations pour la prime pour l'emploi et pas pour la baisse de l'impôt sur le revenu ? Si vous prenez en compte les indexations pour l'impôt sur le revenu, alors vous baissez cet impôt encore plus que vous ne le dites.
    Nous sommes quant à nous tout à fait honnêtes lorsque nous affirmons qu'il n'y aura que 80 millions d'euros de plus au titre de la PPE, ce qui, cher collègue Jean-Pierre Brard, divisé par 8,5 millions de bénéficiaires, ne représente plus grand-chose : à peine 1 euro par mois.
    M. Jean-Pierre Brard. Trois fois rien !
    M. Didier Migaud. Nous n'avons pas obtenu de réponse sur ce point.
    Nous avons là une illustration de la politique fiscale injuste et inefficace du Gouvervement, politique que nous condamnons. Celle-ci ne pourra être efficace car on ne voit pas comment 1 euro par mois pourra soutenir la consommation de quelques millions de personnes. Dans ces conditions, on ne devra pas s'étonner que la consommation soit en berne et que la croissance ne soit pas réactive aux propositions du Gouvernement, qui n'a pris aucune mesure pour soutenir cette dernière.
    Je comprends mieux maintenant pourquoi un certain nombre de crédits échappent à ce que vous appelez, monsieur le ministre, la maîtrise de la dépense publique.
    Vous annoncez une augmentation de la dépense publique de 0 % en volume. Mais les crédits du service d'information du Gouvernement, rattaché au Premier ministre, augmenteront de 3,52 %. Pourquoi cette augmentation ? Je conçois que le Premier ministre ait besoin de crédits pour « communiquer », pour transmettre à l'opinion publique un certain nombre de fausses informations. Mais je qualifierai cette méthode de peu convenable, pour reprendre l'expression d'un ancien Premier ministre et éviter d'être plus sévère.
    Nous considérons que le Premier ministre a été pris en flagrant délit de mensonge lorsqu'il a expliqué que les bénéficiaires de la prime pour l'emploi toucheraient 100 euros de plus. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point lorsque nous défendrons nos amendements.
    Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous prouver la réalité de ces 100 euros supplémentaires et nous communiquer le nombre des bénéficiaires de la prime pour l'emploi en 2002, 2003 et en 2004 ainsi que le montant de la dépense budgétaire correspondante ? Cela nous permettrait de mesurer l'effort supplémentaire que fait le Gouvernement en direction de la population concernée.
    Ces éléments sont indispensables si nous voulons continuer la discussion sur la prime pour l'emploi.
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Ce débat très important nous renvoie à ce que nous avons dit ce matin sur la baisse de l'impôt sur le revenu.
    La majorité et le Gouvernement n'ont que ces mots à la bouche : « Il faut encourager le travail ! » Vous avez vous-même, monsieur le ministre, tenu des propos quelque peu excessifs en affirmant que nous étions contre le travail.
    M. Jean de Gaulle. Mais c'est vrai !
    M. Augustin Bonrepaux. Vos propos ont sans doute dépassé votre pensée...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. De toute façon, vous ne me laissez pas parler !
    M. Augustin Bonrepaux. Il demeure que cette opinion est assez répandue sur les bancs de la majorité.
    Je rappelle à la majorité actuelle que c'est M. Juppé qui a, en 1996, institué une surtaxe sur l'impôt sur les sociétés et que c'est bien le gouvernement suivant qui a réduit cette surtaxe. Je rappelle également que vos amis n'ont pas poursuivi la baisse de l'impôt sur les sociétés et que c'est le gouvernement précédent qui a supprimé la part salariale de la taxe professionnelle, ce qui a eu, vous ne pouvez le nier, un gros impact sur l'activité des entreprises. Par ailleurs, la baisse de la TVA sur les travaux de construction a contribué elle aussi à créer des emplois.
    C'est dire que l'effort a été important et qu'il s'est poursuivi pour encourager le travail, pour faire en sorte que les exclus soient encouragés à reprendre un travail.
    Nous avons voulu quant à nous marquer une nette différence entre les revenus du RMI, les revenus du chômage et les revenus du travail. C'est pourquoi nous avons baissé l'impôt sur le revenu dans ses tranches les plus basses. C'est pourquoi nous avons réduit la taxe d'habitation des personnes qui ont les revenus les plus modestes. C'est pourquoi la prime pour l'emploi a été instituée.
    Vous soutenez que vous voulez encourager le travail par la baisse de l'impôt sur le revenu. Mais de quel travail s'agit-il ? De celui qui produit les revenus les plus élevés. Pour vous, il n'y a finalement que le travail qui produit les plus gros revenus qui mérite d'être encouragé. La preuve, c'est que la première décision que vous avez prise en juillet 2002 a été de baisser l'impôt sur le revenu de 5 % alors que, lorsque nous vous avons proposé de faire un geste, le plus humble possible, destiné à revaloriser le travail des plus modestes, vous nous avez opposé un refus.
    L'année dernière, vous avez prévu une simple indexation de la prime pour l'emploi sur l'évolution des prix. Est-ce ainsi que vous voulez encourager le travail ? Est-ce ainsi que vous souhaitez encourager les 8 millions de salariés qui ont les revenus les plus bas et qui mériteraient d'être effectivement encouragés ? Est-ce ainsi que vous voulez permettre aux exclus de retrouver un travail, même à mi-temps ?
    Nous vous proposons aujourd'hui de faire ce qui était prévu l'année dernière, et que vous avez refusé de faire : instituer un treizième mois, un treizième mois qui soit réel et qui ne parte pas en fumée - ou, plutôt, en dépenses de gazole, comme ce sera le cas avec vos dispositions. Vous nous dites que vous créez un treizième mois avec la hausse du SMIC et de la PPE, mais pendant que vous donnez d'une main ce treizième mois, vous en reprenez deux fois plus de l'autre avec les hausses de taxes auxquelles vous procédez.
    Les amendements que nous proposerons sont donc d'une grande importance car ils montreront qu'il y a entre nous une différence : vous voulez encourager le travail, mais le travail qui produit les plus hauts revenus, alors que nous voulons encourager les travailleurs les plus modestes, ainsi que les exclus à rechercher un travail, pour qu'ils puissent disposer de revenus plus élevés. Ce que nous voulons, avec la prime pour l'emploi, c'est créer une plus grande différence entre ceux qui travaillent et les exclus, qui doivent être encouragés à reprendre un travail.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.
    M. Jean-Louis Dumont. J'y renonce, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.
    M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre, nous en revenons toujours au même constat : votre politique fiscale est injuste et dangereuse.
    Votre politique fiscale est d'abord injuste. Tout à l'heure, M. Brard a parlé de 10 euros par mois. J'ai réagi en m'écriant : « Tant que ça ? ». Mais la triste réalité est là : votre prime pour l'emploi pour les salariés modestes n'est qu'un rideau de fumée qui équilibrerait en quelque sorte les diminutions d'impôt sur les revenus importants que vous venez de faire adopter en première lecture par l'Assemblée nationale.
    Parlons de la revalorisation du travail.
    Lorsque la prime pour l'emploi a été instaurée, elle a été discutée, dans son principe, au sein de la majorité plurielle de l'époque, y compris au sein du groupe socialiste. Certains nous affirmaient qu'il fallait agir sur les cotisations sociales. Mais, rappelez-vous que la première mesure en ce domaine, prise à l'instigation de l'opposition de l'époque - la droite, aujourd'hui majoritaire - avait été « retoquée ». C'est dans un souci de justice et de rapidité que la prime pour l'emploi avait alors été instituée. Elle devait progresser, doublant, puis triplant afin de constituer un véritable treizième mois pour le smicard en bout de course.
    Aujourd'hui, c'est une misère que vous attribuez ! Où est la revalorisation du travail dans tout cela ? Lorqu'on diminue l'impôt sur le revenu des personnes physiques, on revalorise peut-être le rendement du travail, mais on revalorise aussi les revenus du capital, les dividendes et tous les autres avantages dont peuvent bénéficier ceux qui, aujourd'hui, accroissent leur épargne financière.
    Au regard de cela, qu'est-ce donc que cette revalorisation du travail que l'on nous annonce ? C'est en fait une diminution du pouvoir d'achat des salariés de ce pays - de 1,3 % en moyenne au cours du premier semestre - et une aggravation du chômage. Or si l'on veut revaloriser le travail, ne doit-on pas commencer par en offrir un à ceux qui le souhaitent ?
    M. Didier Migaud. Et qui en ont besoin !
    M. Gérard Bapt. Tel est l'esprit de la prime pour l'emploi, comme des 35 heures, que vous décriez tellement.
    Reste l'effet économique de la mesure. On sait que la prime pour l'emploi, comme l'allocation de rentrée scolaire et la prime de Noël pour les demandeurs d'emploi ou les allocataires sociaux, se traduit par une consommation immédiate. Or si les capacités de l'industrie française sont aujourd'hui sous-utilisées, c'est parce que la demande, la consommation populaire manquent.
    Monsieur le ministre, puisque votre prime pour l'emploi n'est qu'un trompe-l'oeil, acceptez donc nos propositions. Il est encore temps de réfléchir, notamment face aux perspectives économiques, qui s'annoncent très difficiles en dépit de ce qu'a répondu M. Mer à une question sur la croissance.
    Vous pourriez, au lieu d'alimenter l'épargne financière, favoriser la consommation et, ainsi, l'emploi et la croissance. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements, n°s 264, 314 et 313, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 264, présenté par MM. Bonrepaux, Migaud, Dumont, Idiart, Bourguignon, Eric Besson et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « I. - Rédiger ainsi le A du I de l'article 3 :
    « A. - A la première phrase du premier alinéa du 1° du A du II, le taux "4,4 % est remplacé par le taux "8,8 % et, au deuxième alinéa du 1° du A du II, le taux "11 % est remplacé par le taux "22 %. Cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû. »
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « La perte de recettes est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    L'amendement n° 314, présenté par MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi libellé :
    « I. - Rédiger ainsi le A du I de l'article 3 :
    « A. - A la première phrase du 1° du A du I, le taux "4,4 % est remplacé par le taux "10 % et au deuxième alinéa du 1° du A du II, le taux "11 % est remplacé par le taux "20 %.
    « Cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû. »
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « La perte de recettes résultant de l'application de cette disposition est compensée à due concurrence par l'augmentation du taux de l'impôt sur les sociétés. »
    L'amendement n° 313, présenté par MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi libellé :
    « I. - Rédiger ainsi le A du I de l'article 3 :
    « A. - A la première phrase du 1° du A du I, le taux "4,4 % est remplacé par le taux "8 % et au deuxième alinéa du 1° du A du II, le taux "11 % est remplacé par le taux "18 %.
    « Cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû. »
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « La perte de recettes résultant de l'application de cette disposition est compensée à due concurrence par l'augmentation du taux de l'impôt sur les sociétés. »
    La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour soutenir l'amendement n° 264.
    M. Augustin Bonrepaux. C'est un amendement essentiel. Le sort que lui réservera la majorité montrera si celle-ci est réellement décidée à revaloriser le pouvoir d'achat des salariés aux revenus les plus modestes et à donner la priorité au travail de ces salariés.
    Ce sont 8,2 millions de travailleurs aux revenus les plus faibles qui peuvent bénéficier de la prime pour l'emploi. Ce sont ceux-là dont il faut revaloriser le revenu, surtout si vous voulez que votre politique serve à la croissance car ce sont eux qui ont le plus besoin de revenus supplémentaires et qui les utiliseront immédiatement pour consommer, que ce soit pour acheter des aliments ou pour se vêtir.
    Au lieu de cela, vous choisissez la baisse de l'impôt sur le revenu, qui n'a aucun effet sur la croissance : la plupart de ceux qui en bénéficient l'utilisent pour leur épargne. Or c'est la consommation qu'il faut relancer. Regardez donc les chiffres : jamais la consommation n'a été aussi faible. Considérez aussi l'augmentation du prix d'un certain nombre de produits de première nécessité, laquelle est bien supérieure à l'inflation.
    Une véritable revalorisation de la prime pour l'emploi serait immédiatement consacrée à la consommation. Elle favoriserait donc la croissance. Reconnaissez que cette dernière a bien besoin aujourd'hui d'être favorisée compte tenu de l'état où se trouve notre économie.
    C'est pourquoi nous vous proposons de tenir les engagements qui avaient été pris à une époque à l'égard des bénéficiaires de la prime pour l'emploi, qui devait constituer réellement un treizième mois venant compléter le revenu des salariés les plus modestes. Cette prime pourrait être incitative pour tous ceux qui sont exclus et qui hésitent parfois à reprendre un travail à mi-temps. Si le revenu de ce travail est complété par la prime pour l'emploi, celle-ci représentera véritablement un encouragement au travail.
    Vous nous dites, monsieur le ministre, avec la majorité, que vous voulez encourager le travail. Eh bien ! nous vous offrons le moyen d'atteindre cet objectif ainsi que de soutenir la croissance et la consommation. Nos propositions visant à faire des économies par le biais de l'impôt sur le revenu n'aboutiraient pas à des dépenses supplémentaires : nous visons une utilisation plus juste et plus efficace, pour le développement économique de notre pays, des crédits que vous avez un peu gaspillés en décidant une baisse de l'impôt sur le revenu.
    Je vous vois secouer la tête, monsieur le ministre. Mais à un moment où notre pays connaît un déficit aussi important et une croissance aussi faible, il faudrait que nous ayons une politique économique et fiscale tout orientée vers l'emploi et la croissance, et la baisse de l'impôt sur le revenu n'est pas la meilleure façon d'y parvenir.
    Ce que nous vous proposons serait extrêmement efficace, tant du point de vue de la consommation que de celui de la croissance et de l'encouragement au travail.
    M. Philippe Auberger. Tout cela, c'est de la gonflette !
    M. Augustin Bonrepaux. Mais après tous nos échanges, nous avons bien compris que le travail que vous voulez encourager n'est pas celui que nous défendons : vous voulez surtout encourager le travail qui produit des revenus élevés.
    Quelle réponse allez-vous apporter à nos propositions ?
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour défendre l'amendement n° 314.
    M. Jean-Claude Sandrier. La prime pour l'emploi a été instituée pour être le pendant, le complément nécessaire et logique de toute réduction de l'impôt sur le revenu, et cela à la suite de la censure regrettable par le Conseil constitutionnel d'un allégement avec un remboursement partiel de la CSG pour les bas salaires, ce qui était de loin la meilleure formule dans ce contexte.
    Aujourd'hui, avec votre projet de loi de finances, force est de constater que la prime pour l'emploi est le parent pauvre de votre politique. C'est là un grave contresens et un frein à la croissance. En effet, l'accroissement du pouvoir d'achat des catégories modestes a pour conséquence mécanique de stimuler la consommation, donc l'économie, car ces catégories ont des besoins immédiats non satisfaits et elles utilisent leur éventuel surplus de ressources pour consommer. A l'inverse, accorder, comme le fait ce gouvernement, des cadeaux fiscaux aux ménages les plus aisés conduit à la thésaurisation, à des placements spéculatifs exigeant des rendements de plus en plus élevés. D'ailleurs, ces cadeaux que vous faites aux plus riches empêchent l'accroissement du pouvoir d'achat des catégories les plus modestes.
    Permettez-moi de faire appel à un expert, M. Marini. Avec sa franchise coutumière, il a fait, dans le journal La Tribune du 1er septembre dernier, l'aveu des désolantes motivations de la très faible augmentation de la prime pour l'emploi : « Le système français de prime pour l'emploi est à la fois d'un coût global relativement faible et d'une portée sociale très large. En d'autres termes, on distribue peu d'argent à un très grand nombre de personnes. Je pense l'avoir montré dans mon récent rapport sur une décennie de réformes fiscales en Europe. Inutile de dire que le système est très peu efficace pour lutter contre la fameuse « trappe à pauvreté ». Pour le modifier vraiment, et pour changer les comportements des salariés et des employeurs, il faudrait vraisemblablement doubler son coût, ce qui est manifestement hors de notre portée. La meilleure politique à l'égard des ménages modestes consiste à réduire le chômage, en diminuant le coût du travail pour les entreprises et en incitant ceux qui le peuvent à investir et à créer de l'activité. Ce n'est certainement pas ajouter une couche supplémentaire d'assistanat ».
    Nous partageons l'idée qu'il faudrait aller vers un doublement, à brève échéance, du montant de cette prime. Mais nous ne pouvons évidemment qu'être en total désaccord avec les conclusions de cette analyse et nous vous proposons donc d'adopter cet amendement destiné à donner un peu plus de pouvoir d'achat à des habitants de ce pays qui en ont vraiment besoin. Ce sera beaucoup plus efficace économiquement.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 313.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, d'abord vous n'avez pas répondu à nos questions. Nous n'avons pas exactement la même interprétation que Didier Migaud. L'augmentation de la prime pour l'emploi est-elle de 8,33 euros par mois ou par an ? Evidemment, je ne compte pas, dans l'augmentation, l'actualisation qui tient compte de l'inflation. Vous ne nous avez pas dit non plus si l'indemnité de 20,55 millions d'euros que recevrait éventuellement M. Messier sera fiscalisée ou non.
    M. Philippe Auberger. C'est le secret fiscal !
    M. Jean-Pierre Brard. Le secret fiscal ! Voilà ! Dès lors qu'il s'agit de couvrir les turpitudes, on brandit le secret fiscal ! Est-ce cela la liberté ?
    Hier après-midi, nous avons eu un débat idéologique très intéressant. M. Francis Mer et M. Alain Lambert se sont succédé à la tribune où ils ont expliqué leur philosophie politique...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. En idéologues ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. ... en idéologues, exactement ! Je constate que j'ai convaincu le ministre de revendiquer le titre qu'il a mérité. Dans mon esprit, « idéologue », c'est une vertu, car pour l'être, encore faut-il avoir des idées ! Et ce n'est pas le cas de tous nos collègues de droite. Je me demandais, monsieur le ministre, si, avec M. Barrot, vous aviez décidé de bâillonner les députés de l'UMP.
    M. Didier Migaud. Ils ont l'habitude !
    M. Jean-Pierre Brard. On ne les entend pas ! Leur refaites-vous le coup de la loi sur les retraites, où un seul était autorisé à parler, les autres étant scotchés à leur siège avec l'interdiction de s'exprimer ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Eric Woerth. Ne soyez pas insultant !
    M. Marc Laffineur. Quelle logorrhée !
    M. le président. Monsieur Brard, je ne veux pas vous rappeler à l'ordre, mais nous discutons du projet de loi de finances, et non de la réforme des retraites. D'une manière générale, il est peu agréable de voir des collègues pris à partie par un autre collègue.
    M. Jean-Pierre Brard. Je n'ai pris personne à partie ! C'est une remarque de caractère général. Ou alors c'est l'heure de la sieste !
    M. Eric Woerth. Arrêtez !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, sur le plan de l'idéologie, vous nous parlez sans cesse depuis hier du travail ! Je ne serais pas aussi excessif que Auguste Blanqui qui écrivait, dans La critique sociale : « Le capital est du travail volé ». Il y a là de quoi réfléchir !
    M. Eric Woerth. C'est le dictionnaire des citations !
    M. Michel Bouvard. Je préfère le général de Gaulle et la relation capital-travail !
    M. Jean-Pierre Brard. Quant à Paul Laffitte il disait - écoutez bien, monsieur le ministre ! - dans Jéroboam ou la Finance sans méningite : « Un idiot pauvre est un idiot, un idiot riche est un riche. » ou encore : « L'économie politique l'a proclamé en une formule célèbre : le capital c'est du travail accumulé. Complétez votre découverte monsieur l'économiste distingué : le capital, c'est le travail de plusieurs accumulé par un seul. Corollaire : le travail, c'est du capital qui ne s'accumule pas. » Vous voyez qu'il y a là de quoi réfléchir !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est du Pierre Dac !
    M. Jean-Pierre Brard. Pierre Dac n'a jamais eu de prétention à la philosophie politique.
    Avec cet amendement, nous vous donnons encore une fois la possibilité d'injecter directement dans l'économie un surplus de pouvoir d'achat accordé aux petits salaires au moyen de la prime pour l'emploi. Refuser de le faire serait socialement injuste et économiquement absurde. C'est pourquoi nous vous invitons à adopter cet amendement.
    Cela dit, vous comprenez bien, monsieur le ministre, que pour que nous soyons convaincus nous-mêmes de sa pertinence du point de vue de son effet économique, nous avons besoin de la réponse à la question que j'ai posée tout à l'heure. Didier Migaud et moi-même croyons à votre objectivité, puisque c'est à vous que nous faisons appel pour nous départager dans l'interprétation qu'il convient de faire de l'augmentation réelle de la prime pour l'emploi.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous n'avez qu'à faire un congrès pour vous entendre !
    M. le président. Nous en venons maintenant à deux autres amendements pouvant être soumis à cette discussion commune : l'amendement n° 262 de M. Migaud et l'amendement n° 312 corrigé de M. Brard.
    M. Didier Migaud. Non ! Il nous faut d'abord une réponse sur l'amendement n° 264 !
    M. le président. Tous ces amendements visent à rédiger le A du I de l'article 3 et le service de la séance considère, à raison, qu'ils peuvent être soumis à une discussion commune.
    M. Didier Migaud. Non !
    M. Philippe Auberger. Enfin, c'est inadmissible ! Vous mettez en cause la présidence !
    M. Didier Migaud. L'amendement n° 262 fait une proposition différente et nous avons besoin d'avoir la réponse du Gouvernement pour savoir si nous le maintenons ou pas. C'est un peu trop facile d'expédier la discussion comme ça. Des questions ont été posées par les intervenants sur l'article 3 et à l'occasion des trois amendements qui viennent d'être présentés. Nous attendons les réponses du rapporteur général et du ministre pour défendre les autres amendements.
    M. Jean-Claude Sandrier. Il faut qu'il y ait débat !
    M. le président. Monsieur Migaud, l'article 100, alinéa 6, du règlement prévoit que « lorsque plusieurs amendements, exclusifs l'un de l'autre, sont en concurrence, le Président peut les soumettre à une discussion commune dans laquelle les auteurs obtiennent successivement la parole avant la mise aux voix, également successive, de leurs amendements ».
    M. Didier Migaud. Oui, mais ce n'est pas une obligation. Nous en appelons à votre intelligence, monsieur le président !
    M. le président. Et moi je fais appel au règlement ! (« Il peut ! Il peut ! Ce n'est pas une obligation ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Didier Migaud. Le président « peut » soumettre les amendements à une discussion commune ! Il n'est pas obligé de le faire !
    M. le président. Monsieur Migaud, la règle c'est qu'on les soumette toujours à une discussion commune. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Didier Migaud. Nous en appelons à votre compréhension, monsieur le président !
    M. le président. Cela dit, je vais demander à M. le rapporteur général s'il veut s'exprimer dès maintenant.
    M. Didier Migaud. Merci, monsieur le président
    M. le président Mais nous poursuivrons après, en discussion commune, l'examen des amendements n°s 262 et 312 corrigé, d'autant plus, monsieur Migaud, que ces deux amendements sont identiques !
    M. Augustin Bonrepaux. Ça, c'est vrai.
    M. Philippe Auberger. C'est un désaveu de paternité !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 264, 314 et 313 ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. J'ai écouté avec attention les différentes interventions de nos collègues et il me semble utile d'apporter maintenant quelques précisions, parce que je crois sincèrement qu'ils sont victimes d'un malentendu ou d'une mauvaise compréhension.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Didier Migaud. Dites qu'on est idiots pendant que vous y êtes ! (Rires.)
    M. le président. Personne n'est idiot dans cet hémicycle ! (Sourires.)
    Poursuivez, monsieur le rapporteur général.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il y a un malentendu, disais-je, puisque l'effort considérable accompli en faveur de la prime pour l'emploi dans ce projet de loi de finances pour 2004 a échappé à la sagacité de nos collègues. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas considérable, allons !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Bonrepaux, laissez-moi parler tranquillement ! Je cherche à lever un malentendu, c'est tout.
    Ce projet de loi de finances prévoit un effort supplémentaire de 480 millions d'euros au bénéfice de la prime pour l'emploi.
    M. Didier Migaud. Cela fait déjà 20 millions de moins !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet effort se décompose en plusieurs points. Il y a d'abord une indexation de la prime pour l'emploi sur l'inflation - 1,7 % - , qui représente 150 millions d'euros.
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas une augmentation ça !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il y a, ensuite, une augmentation des seuils, au-delà de l'inflation, pour épouser le même rythme que l'augmentation du SMIC...
    M. Didier Migaud. Ça s'appelle une indexation !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... parce que la prime pour l'emploi sert à encourager le travail à des niveaux de salaire proches du SMIC. Donc, plus le SMIC augmente, plus il faut que la prime pour l'emploi augmente. Or, à la différence du précédent, le gouvernement actuel augmente le SMIC, et fortement ! En effet, pour sortir par le haut des 35 heures, on est conduit à faire se rejoindre les SMIC horaires en les alignant sur le plus élevé.
    M. Michel Bouvard. C'est la différence entre Fillon et Aubry !
    M. Didier Migaud. Vous savez bien que c'était dans les tuyaux !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Par conséquent, pour 130 millions d'euros, en plus des 150 millions d'euros consacrés à l'indexation sur l'inflation, il faut accompagner l'augmentation du SMIC dont je dirai deux mots ensuite. Enfin, les taux eux-mêmes sont relevés. En effet, la prime pour l'emploi est versée selon le niveau de salaire à partir de taux - 4,5 % ou 11 % - et ces taux sont revalorisés, ce qui représente 80 millions de plus.
    M. Didier Migaud. Et c'est la seule revalorisation ! Merci de le dire !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce que vous dites est complétement faux, mon cher collègue ! Alors, laissez-moi continuer mon explication.
    Enfin, 120 millions d'euros permettront le versement rapide de la prime pour l'emploi sous forme d'acompte dès qu'un salarié reprendra un travail. Cet acompte sera de 250 euros et il sera versé dans les six mois suivant la reprise du travail. C'est ce que nous souhaitons tous, parce que la prime pour l'emploi a été créée pour augmenter l'écart entre les revenus de l'assistance et les revenus du travail au bénéfice de ces derniers.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Voilà comment se décomposent ces 480 millions d'euros. J'ajoute que, l'année dernière déjà, dans la loi de finances de 2003, nous avions pris une mesure très importante pour permettre le versement de la prime pour l'emploi aux salariés à temps partiel. Nous nous étions en effet aperçus que le système légué par le précédent gouvernement ne donnait pas satisfaction pour les salariés qui ne travaillaient pas à temps plein.
    M. Michel Bouvard. Il n'était pas financé, en plus !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous voyez donc que nous nous efforçons, non seulement d'augmenter, mais d'améliorer le mécanisme de la prime pour l'emploi. On ne peut pas, comme le font nos collègues, isoler la prime pour l'emploi de l'effort concernant le SMIC. Je préfère parler de façon concrète. Un salarié célibataire qui touche le SMIC bénéficiera, entre la hausse du SMIC, l'augmentation de la prime pour l'emploi, la baisse de 3 % de l'impôt sur le revenu s'il le paie - c'est le cas pour un célibataire -,...
    M. Didier Migaud. Et si, et si, et si !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... sur l'ensemble de l'année, d'une augmentation de près de 600 euros (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste), soit 6 % de son revenu salarial.
    M. Didier Migaud. Et s'il gagne au Loto ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et quand on compare cette augmentation annuelle de 6 % à celles qu'ont eues les salariés payés au SMIC en 1998, 1999, 2000 et 2001, on voit qu'elle est substantiellement supérieure, et c'est ça qui compte !
    M. Michel Bouvard. Exactement !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce sont les réalités qui comptent. Je voulais vous donner ces différentes explications, parce que je crois que vous n'avez pas correctement apprécié l'augmentation importante dont fait l'objet la prime pour l'emploi.
    J'ajoute, monsieur le ministre, par anticipation à un amendement que nous allons examiner dans quelques instants, que nous avons adopté en commission des finances l'idée que vous nous fassiez un rapport, au cours du premier semestre de l'année prochaine, pour voir comment nous pourrions rapprocher davantage encore le système de la PPE de l'emploi et de la fiche de paye. C'est dire à quel point nous tenons à favoriser les revenus du travail.
    Jean-Pierre Brard a évoqué un autre sujet et je m'attache toujours à lui répondre précisément. Dans la mesure où M. Messier a fait l'objet d'une cessation forcée de fonctions, son indemnité sera assujettie à l'impôt au-delà du plafond de 360 000 euros,...
    M. Michel Bouvard. Heureusement ! Très bien !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... dont nous avons d'ailleurs discuté hier en commission. Jean-Pierre Brard est d'ailleurs un fervent adepte du travail, puisqu'il passe chaque jour au moins une demi-heure à apprendre par coeur le dictionnaire des citations, ce qui nous permet, à chacune de ses interventions, de nous instruire.
    M. Jean-Pierre Brard. A défaut d'être riche, c'est pour ne pas être idiot !
    M. le président. J'ai cru comprendre que vous étiez défavorable aux trois amendements, monsieur le rapporteur général !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. En effet, monsieur le président !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Comme M. le rapporteur général, je réponds toujours aux questions en donnant mon avis sur les amendements, pour ne pas faire perdre de temps à l'Assemblée.
    L'effort consacré par le Gouvernement à la prime pour l'emploi était de 280 millions d'euros en 2003 et il sera de 480 millions en 2004. Au total, depuis le début de la législature, la progression est de 760 millions d'euros. Je ne reprendrai pas l'intégralité de la démonstration du rapporteur général, à laquelle je souscris totalement. Dire que l'augmentation de la prime pour l'emploi n'est que de 80 millions d'euros en 2004 est parfaitement inexact. Je m'en suis déjà expliqué hier et les chiffres que le rapporteur général vient de vous donner, que je vous confirme, montrent clairement que l'effort fait par le Gouvernement sur la prime pour l'emploi est bien réel. A cet égard, je tiens à votre disposition un tableau très précis qui détaille les effets sur la période 2002-2004, compte tenu de l'augmentation du SMIC.
    Je vais prendre deux exemples. Pour une personne au SMIC - ce qui est le coeur de cible de la prime pour l'emploi -, la hausse, de 2002 à 2004, de son revenu annuel de travail, SMIC plus prime pour l'emploi, atteindra 823 euros en moyenne. Pour une personne au SMIC travaillant 39 heures hebdomadaires, la hausse atteindra 1 409 euros, ce qui n'est pas une aumône, contrairement à ce qui a été dit hier.
    En résumé, nous augmentons la prime pour l'emploi et nous la réformons pour que le mécanisme soit plus incitatif. Le rapporteur général vient d'indiquer que la commission des finances souhaite que nous progressions en ce sens ; nous aurons l'occasion d'en reparler à l'occasion d'un autre amendement. Ces mesures sont en parfaite cohérence avec la politique de revalorisation du travail, qui combine baisse de l'impôt sur le revenu, hausse de la prime pour l'emploi et relèvement du SMIC.
    Enfin, Didier Migaud s'est inquiété du nombre de bénéficiaires. En 2002, 8,5 millions de foyers ont touché la prime pour l'emploi, dont 3,5 millions qui étaient imposables et 5 millions qui ne l'étaient pas. Pour 2003, les chiffres ne sont pas définitifs et on ne connaît pas la répartition entre imposables et non-imposables, mais l'ordre de grandeur est également de 8,5 millions.
    Avis défavorable sur les trois amendements.
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Merci, monsieur le rapporteur général et monsieur le ministre, de vos précisions. Mais vos propos nous ont quelque peu rassurés sur notre capacité à comprendre vos propres rapports et nous persistons à affirmer que vous n'augmentez pas la prime pour l'emploi de 100 euros en moyenne.
    J'avoue que votre argumentation me stupéfie. C'est la première fois que l'on considère des indexations comme des mesures nouvelles. Jamais l'indexation du barème de l'impôt sur le revenu n'est comptée en baisse d'impôt, ce n'est qu'une mesure acquise. La preuve, monsieur le ministre, c'est que le Gouvernement considère la non-indexation comme une hausse d'impôt. C'est ce que vous allez nous expliquer pour l'ISF, dont vous ne revalorisez pas le barème et dont vous dites qu'il augmente. Soyez au moins cohérents dans vos raisonnements et reconnaissez que vous n'avez pas le droit de considérer les indexations comme des mesures nouvelles.
    Et puis merci encore, monsieur le rapporteur général, de vos précisions : vous venez d'expliquer qu'il y a une indexation par rapport au SMIC. Mais c'est normal. La seule chose qui correspond à une augmentation nette, c'est l'augmentation du taux. A ce titre, nous sommes d'accord avec vous, il y a bien 80 millions. Cela veut dire que nous sommes loin, très loin, des 500 millions.
    Même dans votre logique, le Premier ministre a beau ne pas siéger en commission des finances, il a quand même tendance à arrondir singulièrement les chiffres, parce que c'est lui qui parlait de 500 millions au total, alors que vous en restez à 480 millions : 20 millions d'euros, excusez du peu, c'est quand même 130 millions de francs, ce qui n'est pas rien ! Il faudrait essayer de ne pas nous prendre pour des canards sauvages !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Et les contribuables non plus !
    M. Didier Migaud. Bref, en vous écoutant, j'ai eu la confirmation que nous n'étions pas complètement idiots. Une seule augmentation est à prendre en compte, celle des taux, et je peux vous dire que les bénéficiaires de la PPE vont raisonner comme nous.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Et les contribuables, comment ils raisonnent ?
    M. Didier Migaud. Vous êtes en train d'inventer ce que nous avons appelé la triple peine. J'attends avec d'autant plus d'intérêt vos chiffres concernant les bénéficiaires, monsieur le ministre, que nombre de nos concitoyens vont être pénalisés trois fois par vos mesures et votre politique. Le chômage augmente, donc le nombre de chômeurs : c'est la première peine pour ceux qui seront privés d'emploi. Devenant chômeur, ils vont perdre la prime pour l'emploi, réservée logiquement à ceux qui travaillent et touchent un petit salaire : c'est la deuxième peine. Enfin, avec le nouveau régime de l'ASS, ces chômeurs, s'ils ont le malheur de rester durablement au chômage, vont se trouver privés de toute indemnité et réduits au RMI : c'est la troisième peine.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Au bout de quatre ans.
    M. Didier Migaud. Oui, mais ce sera le cas pour un certain nombre de personnes. Ce ne sont pas des « si », malheureusement. Il y a des gens qui subissent cette situation. Tout à l'heure, le raisonnement du rapporteur général, c'était « si, si, si ». Si Paris était en bouteille, la vie serait sûrement différente pour le chômeur ! Pourquoi pas s'il gagne au Loto ? Ou s'il hérite ? Et tant qu'à faire d'un cousin américain riche ? Un peu de rigueur, monsieur le rapporteur général !
    Nous continuons d'affirmer qu'il y a seulement une augmentation de 80 millions d'euros, qui correspond à la hausse des taux. Vous passez de 4,4 à 4,6 % et de 11 à 11,5 %. Ce que nous avions prévu, monsieur le ministre, c'était d'aboutir à un vrai treizième mois, en relevant progressivement les taux à 6,6 % et à 16,5 %.
    Quant au SMIC, nous sommes le gouvernement qui l'a augmenté le plus, et votre augmentation était prévue, elle était déjà dans les tuyaux.
    M. Marc Laffineur. Alors pourquoi ne l'avez-vous pas accordée ?
    M. Michel Bouvard. Ils étaient bouchés, vos tuyaux !
    M. Didier Migaud. L'augmentation était la conséquence des 35 heures. Vous nous l'avez suffisamment reproché.
    Sur les 35 heures, vous nous faites un procès injuste. Nous avons même eu le renfort du Président de la République, qui a considéré que c'était un progrès social et qu'il était imbécile de les remettre en cause.
    M. Philippe Auberger. Il a dit : « de cette façon » !
    M. Didier Migaud. Prenez garde que le Président de la République ne vous considère comme des imbéciles, si vous commencez à remettre en cause de tels acquis sociaux !
    Vous dites, monsieur le ministre, que le nombre de bénéficiaires de la prime pour l'emploi était de l'ordre de 8,5 millions en 2001 et en 2002, et qu'il sera vraisemblablement à peu près identique en 2003. Le rapporteur général donne des chiffres différents et je crains malheureusement qu'il n'ait raison. Il prévoit 600 000 bénéficiaires de moins. Cela s'explique. Comme le chômage augmente, la prime pour l'emploi va coûter moins cher au Gouvernement. Quels sont les chiffres exacts, les vôtres ou ceux du rapporteur général ? Le Gouvernement peut-il affiner ses estimations ?
    Quoi qu'il en soit, l'article 3 est l'illustration d'une politique fiscale profondément injuste et malheureusement inefficace : un euro supplémentaire pour 8,5 millions de personnes, cela ne va soutenir ni la consommation ni la croissance.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. La référence au Président de la République est très importante, car elle montre qu'il a beaucoup plus de sens politique que nombre de ses zélateurs, qui devraient être plus attentifs à la pensée présidentielle pour mieux la pénétrer.
    M. Philippe Auberger. Quel culot !
    M. Jean-Pierre Brard. D'aucuns en tireraient la conclusion que si la parole est d'argent, le silence est d'or. Maxime que certains de nos collègues appliquent déjà depuis le début de l'après-midi !
    Monsieur le ministre, je vous ai demandé de nous dire qui, de Didier Migaud ou moi, avait la bonne interprétation. Vous ne nous avez pas complètement départagés, mais vous nous avez fourni des indications qui éclairent votre propre lecture du projet de loi de finances.
    Didier Migaud dit : 80 millions. Cela représente, si je fais un compte rapide sur la base des ayants droit de l'année dernière, 70 centimes d'euro par mois et par bénéficiaire.
    Pour le rapporteur général - je reprends ses chiffres -, 480 moins 150 égale 330 millions, ce qui fait 41 euros par an, soit 3,40 euros par mois. La différence d'appréciation, si j'ose dire, porte donc sur 2,70 euros par ayant droit et par mois. Voilà tout l'intérêt que recueillent les bénéficiaires de la prime pour l'emploi. Encore faudrait-il défalquer de la répartition - si j'ai compris ce que vous disiez, monsieur le ministre, mais je ne suis pas sûr d'avoir été assez attentif -, la part revenant à 500 000 ayants droit supplémentaires, ce qui réduirait encore d'autant le pécule destiné à chacun.
    Or, M. le rapporteur général, qui a le souci de la méticulosité dans ses réponses, nous a fait part d'une précision qui intéressera tous ceux qui ne sont pas en haut du barème, à savoir que M. Messier sera assujetti à l'impôt au-delà de 360 000 euros. J'en tire par différence la conclusion que, pour 360 000 euros, il ne paiera pas un euro d'impôt. Je trouve cela tout à fait immoral.
    C'est ainsi à l'aune du réel, monsieur le ministre, que votre politique peut être jugée. Entre les 2,70 euros qui sont l'objet de la dispute qui vous oppose à Didier Migaud et les 360 000 euros que M. Messier, qui a mis par terre l'un des plus beaux groupes de l'économie nationale, touchera sans payer un sou de contribution au budget public, on mesure vos priorités.
    M. Michel Bouvard. On va le faire payer !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Bouvard, si vous voulez organiser un petit groupe pour faire hold-up sur cet argent...
    M. Philippe Auberger. Il ne l'a pas encore touché ! Vous l'imposez par anticipation !
    M. Jean-Pierre Brard. ... que légitimement M. Messier va toucher, je suis d'accord pour me joindre à vous ! Mais je préférerais que l'on règle ce point par la loi, car ce serait d'application plus générale.
    M. le président. Après cette large explication, nous allons passer aux votes.
    Je mets d'abord aux voix l'amendement n° 264.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 314.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 313.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 262 et 312 corrigé, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 262, présenté par MM. Migaud, Bonrepaux, Dumont, Idiart, Bourguignon, Eric Besson et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « I. - Rédiger ainsi le A du I de l'article 3 :
    « A. - A la première phrase du premier alinéa du 1° du A du II, le taux de "4,4 % est remplacé par le taux de "6,6 % et, au deuxième alinéa du 1°  du A du II, le taux de "11 % est remplacé par le taux de "16,5 %.
    « Cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « La perte de recettes est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    L'amendement n° 312 corrigé, présenté par MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi libellé :
    « I. - Rédiger ainsi le A du I de l'article 3 :
    « A. - A la première phrase du premier alinéa du 1° du A du II, le taux "4,4 % est remplacé par le taux "6,6 % et, au deuxième alinéa du 1° du A du II, le taux "11 % est remplacé par le taux "16,5 %.
    « Cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « La perte de recettes résultant de l'application de cette disposition est compensée à due concurrence par l'augmentation du taux de l'impôt sur les sociétés. »
    La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l'amendement n° 262.
    M. Jean-Louis Dumont. La prime pour l'emploi avait été conçue pour s'appliquer graduellement et pour représenter, en 2003, l'équivalent d'un quasi treizième mois pour un salarié payé au SMIC. Mais, compte tenu de ce qui vient d'être dit sur le retour au chômage, on voit ce que cela va donner.
    Le Gouvernement a choisi d'interrompre le processus et, malgré des ajustements en direction des personnes travaillant à temps partiel, il a refusé une hausse substantielle de la prime pour l'emploi. Comme l'indiquent les chiffres qu'il produit, la prime représente actuellement, pour un salarié au SMIC, un montant proche de 470 euros - 479 euros pour un SMIC de 35 heures, 463 euros pour un SMIC de 39 heures.
    Notre amendement a pour objet d'assurer la mise en oeuvre de la dernière phrase de progression de la prime pour l'emploi. Le coût de mise en oeuvre de cette mesure serait sensiblement égal à celui de la baisse de l'impôt sur le revenu décidée par le Gouvernement. En 2003, le coût estimé de la prime pour l'emploi est de 2,1 milliards d'euros. Une hausse de 50 % de cette prime serait donc de l'ordre d'un milliard d'euros supplémentaire, à peu près l'équivalent de la diminution de l'IRPP.
    La prime pour l'emploi s'adresse à des foyers disposant de revenus modestes, dont la plupart sont non imposables. L'effet de son relèvement pour la relance de la consommation, et donc de la croissance, serait important et immédiat. De plus, l'effet d'une telle mesure en matière d'incitation au retour à l'activité est avéré, contrairement à celui de la baisse de l'impôt sur le revenu.
    La restriction visant à n'appliquer cette disposition qu'en déduction de l'impôt dû n'est justifiée qu'au regard des règles de la recevabilité financière des amendements d'origine parlementaire, les promesses du Gouvernement et de la majorité quant à une clarification de la PPE n'ayant toujours pas été tenues.
    Au-delà de la discussion qui vient de s'établir entre le Gouvernement, la commission et l'opposition, vous voudrez bien, mes chers collègues, consentir cet effort pour celles et ceux qui, aujourd'hui au chômage, souhaitent simplement retrouver un travail et les ressources y afférentes.
    M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 312 corrigé.
    Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à augmenter le montant de la prime pour l'emploi afin que le projet de loi de finances pour 2004 ne se résume pas à des cadeaux fiscaux pour les plus hauts revenus.
    Après le tohu-bohu autour de la prétendue revalorisation du SMIC, le discours sur l'amélioration de la prime pour l'emploi est une nouvelle escroquerie intellectuelle. Le jeudi 4 septembre, sur TF1, le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a osé dire en direct des contrevérités. Nous avons récupéré ce discours sur le site du Premier ministre. Je me permets de le citer : « Il y a aussi tous ceux qui ne paient pas l'impôt, ils sont 8 millions et demi qui vont toucher la prime pour l'emploi. Et cette prime pour l'emploi, je l'augmente de 2 milliards et demi à 3 milliards, 500 millions de plus, pour les aider notamment à retrouver un emploi. » M. Raffarin est alors interrompu par le journaliste, qui lui dit « Là, ça fait quand même assez peu par foyer, ça fait à peu près une centaine d'euros. » M. Raffarin répond : « Quand on passe de 300 à 400 euros, c'est quand même important, on va passer à 400 euros. »
    Ainsi, le Premier ministre ose déclarer en direct que le pouvoir d'achat de 8,5 millions de foyers va être augmenté de 100 euros nets. C'est un mensonge, comme cela vient d'être démontré à plusieurs reprises.
    M. Didier Migaud. Tout à fait !
    Mme Jacqueline Fraysse. Si on divise 500 millions par 8,5 millions de bénéficiaires, on obtient un montant de 58 euros par an. On est loin des 100 euros supplémentaires promis par M. Raffarin à une heure de grande écoute et devant des millions de français, dont le journal télévisé est bien souvent, trop souvent sans doute, la seule source d'information.
    De surcroît, comme l'a rappelé M. Didier Migaud dans son exception d'irrecevabilité, l'augmentation de la prime pour l'emploi représente, en réalité, selon les chiffres mêmes du rapporteur général, un effort de 80 millions d'euros seulement. La moyenne est donc de 10 euros par an et par bénéficiaire, dix fois moins que les 100 euros dont se vantait le Premier ministre.
    M. Didier Migaud. Il s'est juste trompé d'un milliard d'euros !
    M. Jean-Louis Idiart. Rien que cela !
    Mme Jacqueline Fraysse. Le reste de l'effort budgétaire, environ 400 millions d'euros, représente le coût de l'indexation des seuils du barème sur l'inflation et le SMIC, et le coût en trésorerie pour l'Etat de l'acompte qui n'est qu'un à-valoir à déduire de la prime pour l'emploi.
    Plutôt que d'amélioration, il serait préférable de parler de reconduction de la prime pour l'emploi. Car s'il est vrai qu'il y a une amélioration, il n'en reste pas moins, monsieur le ministre, tout le confirme et nos débats le montrent, qu'elle est dérisoire. Elle ne compensera ni l'augmentation de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, ni la hausse de la pression fiscale locale, cette dernière étant appelée à empirer compte tenu de la refonte de la DGF et de la décision, proprement irresponsable en l'état actuel des choses, de transférer le RMI aux départements.
    Telles sont les raisons qui conduisent les député-es communistes et républicains à demander une augmentation substantielle de la prime pour l'emploi.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 262 et 312 corrigés ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission, pour des raisons que j'ai déjà exposées, a émis un avis défavorable sur ces deux amendements qui visent à augmenter le taux de la prime pour l'emploi.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 262.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 312 corrigé.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Idiart, Bonrepaux, Migaud, Dumont, Emmanuelli, Eric Besson, Bapt, Bourguignon, Pajon et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 265, ainsi rédigé :
    « Supprimer le dernier alinéa du I du texte proposé pour l'article 1665 bis du code général des impôts. »
    La parole est à M. Michel Pajon.
    M. Michel Pajon. Cet amendement vise à supprimer la disposition instituant une amende fiscale de 100 euros en cas de fausse déclaration relative au versement de la prime pour l'emploi. Cette mesure est en effet injuste et, à bien des égards, déconcertante. Elle donne l'impression que les personnes en grande difficulté sociale sont, par nature, suspectes d'abus de toutes sortes et promptes à arnaquer les aides sociales. En filigrane apparaît cette obsession de faire une chasse à un prétendu assistanat en culpabilisant les plus précaires. Ce qui est vraiment choquant c'est qu'aucune condition d'intentionnalité ne soit précisée dans la loi, ce qui fait que, même de bonne foi, le demandeur est frappé d'une amende exorbitante au regard de sa situation personnelle.
    En effet, la prime pour l'emploi ne concerne évidemment pas les foyers les plus aisés. Cette disposition vise les plus modestes RMistes, allocataires du minimum d'invalidité, de l'allocation adulte handicapé. Pourtant, on le sait bien, nous le voyons chaque jour dans nos circonscriptions, c'est ce type de public qui est le plus démuni face à la complexité bureautique...
    M. Michel Bouvard. Quel aveu de votre part !
    M. Michel Pajon. ... que vous ne cessez par ailleurs de dénoncer. Risquer une telle sanction dissuadera plus d'un chômeur en difficulté de remplir le moindre formulaire d'aide. Je ne peux croire que ce soit là votre objectif. Alors comment comprendre votre proposition ?
    Je vous rappelle que l'acompte dont il est question n'est que de 250 euros et que, dans ces conditions, il apparaît plutôt déplacé de faire appel à la plus grande rigueur des services fiscaux.
    Afin de ne pas laisser croire, comme on l'entend trop souvent, que la sévérité du percepteur ne s'abat que sur les plus faibles, je vous demande mes chers collègues, de voter cet amendement de bon sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a donné un avis défavorable à cet amendement mais a reconnu qu'il y avait un problème. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Louis Dumont. Un vrai problème !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. L'amende peut paraître élevée, en effet. Mais ainsi que je l'ai expliqué en commission, nous sommes là dans le cadre d'une nouvelle procédure. Le versement de l'acompte étant effectué sur la base de documents élémentaires, il fallait se prémunir contre les risques de fraude.
    Cela étant, l'article 3 fait allusion à des « renseignements inexacts ». Or il nous a semblé que le mot « inexacts » était trop limitatif. Un contribuable ou un bénéficiaire, en l'occurrence, peut très bien, en toute bonne foi, remplir des documents qui se révéleront ensuite inexacts.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Certes, on nous a expliqué que ces formulaires de déclarations étaient extrêmement simples. Mais chacun sait qu'on les présente toujours ainsi et qu'en réalité ils sont assez compliqués à remplir.
    Par conséquent, pour répondre à notre collègue Michel Pajon, nous avons adopté un amendement qui indique que la mauvaise foi de l'intéressé doit être établie et donc la charge de la preuve. Dans ces conditions, je lui propose d'accepter cette inversion de la charge de la preuve et l'introduction de la notion de bonne foi dans la déclaration comme une réponse aux problèmes qu'il soulève.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Le projet prévoit que les bénéficiaires auront à fournir des pièces justifiant de la période d'inactivité, puis de la période d'activité. Nous avons souhaité ne pas multiplier ces pièces, précisément pour ne pas poser trop de problèmes à ces personnes. Compte tenu de la nature de ces pièces, qui correspondent à des situations administratives bien identifiées, il nous est apparu qu'il ne devrait pas, a priori, survenir de difficultés. Peut-être n'était-il donc pas approprié de parler de renseignements « inexacts » : il s'agissait, dans notre esprit, de renseignements de mauvaise foi, et il apparaissait, dès lors, que des sanctions dissuasives devaient être prévues.
    Bien entendu, je vous le confirme, l'objectif n'est pas de sanctionner les personnes de bonne foi. Je veux donc vous assurer que, quel que soit le sort réservé à l'amendement qui sera proposé dans un instant par le rapporteur général, les services seront invités à faire une application juste et mesurée de cette sanction.
    Donc, sous le bénéfice de ces précisions et de celles qui vous ont été données par le rapporteur général il y a un instant, je vous propose, monsieur Pajon, de retirer votre amendement, car je pense que nous poursuivons des objectifs identiques, et que nous devrions trouver une solution au problème que vous posez.
    M. Jean-Louis Migaud. Oui !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.
    M. Jean-Louis Dumont. Les réponses qui viennent d'être fournies à M. Pajon ont de quoi nous laisser perplexes. En effet, on est en train de réinventer un système qui repose simplement sur une opposition entre bonne foi et mauvaise foi. Or, dans nos circonscriptions, nous vivons au quotidien...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité plurielle. La mauvaise foi ?
    M. Jean-Louis Dumont. ... des situations de ce type. Nous recevons fréquemment dans nos permanences, ces citoyens de base qui, souvent, n'ont pas de ressources, et viennent plaider leur dossier tout simplement parce qu'ils se sont mal exprimés, parce qu'ils n'ont pas su se défendre ou n'ont pas su frapper à la bonne porte. Leur bonne foi est absolument évidente.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est tout de même de l'argent public !
    M. Jean-Louis Dumont. Pourtant, ils se trouvent pris dans un étau.
    Nous devrions donc éviter de réinventer toujours des systèmes kafkaïens pour quelques euros. On va d'ailleurs nous expliquer bientôt que le montant de l'amende tient au coût de la mise en route du prélèvement du retour de cette amende, qui coûte très cher !
    Chers collègues de la majorité, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas réinventer ce type d'amendes alors que vous fustigez à longueur de discours les fonctionnaires qui sont précisément chargés d'appliquer les textes que nous votons.
    Certes, dans cet hémicycle, nous échangeons souvent de façon très urbaine, très respectueuse, sur des sujets très techniques. Mais comment ce texte sera-t-il appliqué à Dunkerque, à Marseille ou à Verdun ? On sait très bien que la capacité de contrôle dans tel ou tel département est fonction de critères qui ici sont bien connus. Il suffit donc de regarder le ratio sur les contrôles opérés sur nos citoyens, pour savoir que certains y échapperont et pas d'autres.
    Faisons a priori confiance. Evitons ces redondances sur les amendes, et considérons que celle qui est prévue en l'occurrence reviendra plus cher à percevoir. Ce dispositif va mettre en route une machine administrative à broyer les petits.
    M. le président. La parole est à M. Michel Pajon.
    M. Michel Pajon. Compte tenu des explications qui ont été données par M. le ministre et par M. le rapporteur général, je retire cet amendement, en faisant évidemment le pari que l'amendement évoqué par M. Carrez précisera bien que la mauvaise foi sera requise pour l'amende éventuelle.
    M. le président. L'amendement n° 265 est retiré.
    MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 317, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa I du texte proposé pour l'article 1665 bis du code général des impôts :
    « Lorsque la mauvaise foi du bénéficiaire est avérée, les demandes formulées sur la base de renseignements inexacts en vue d'obtenir le paiement d'un acompte donnent lieu à l'application d'une amende fiscale de 50 euros. La charge de la preuve incombe à l'administration fiscale. »
    La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. Si j'ai bien compris - mais tel n'est probablement pas le cas - cet amendement devrait être retenu, puisqu'il prévoit notamment que la mauvaise foi du bénéficiaire doit être avérée.
    Mes chers collègues, le polytechnicien et généticien Albert Jacquard, qui est aussi un homme de conviction et d'engagement, dont nous apprécions les réflexions, aime à expliquer que la portée et la signification d'un acte doivent être évaluées par rapport à sa finalité.
    Il donne un exemple très simple : couper une jambe à un individu, dit-il, n'est pas nécessairement un acte de barbarie. Et si cet acte est pratiqué par un médecin, et vise à sauver cet individu de la gangrène, il s'agit d'un acte formidable.
    Pour nous, députés communistes et républicains, et pour en revenir au dernier alinéa du texte proposé pour l'article 1665 bis, il est évident que les demandes d'acompte formulées sur la base de renseignements inexacts ne peuvent pas être toutes appréciées de la même manière : elles ne peuvent pas toutes être considérées a priori comme motivées par une volonté, donc une intention de frauder.
    Pour se demander quelle est la finalité d'un acte, comme nous y invite le professeur Jacquard, il est en effet nécessaire d'apprécier l'intention qu'il y a derrière. Or, il est certain, dans le cadre de cet article relatif à la prime pour l'emploi, que tous nos concitoyens modestes qui fourniront des renseignements inexacts, auront l'intention de frauder. Avec la communication d'un renseignement inexact, sommes-nous nécessairement en présence d'un acte dont la fin est de nuire à la collectivité ? Cela mérite d'être prouvé, cela ne peut être décrété a priori. Sinon nous accepterions tous ensemble ici de violer les plus essentiels principes de notre architecture juridique, tels que la présomption d'innocence.
    Et on ne voit pas pourquoi ce principe ne s'appliquerait pas ici comme ailleurs.
    Vous conviendrez, monsieur le ministre, qu'il n'est pas improbable, compte tenu de la complexité de la matière, compte tenu des difficultés éprouvées par l'immense majorité de nos concitoyens pour remplir leur déclaration de revenus, que certaines personnes en viennent involontairement à fournir des renseignements inexacts.
    Dès lors, bien évidemment, il faut sanctionner les fraudeurs, à tous les niveaux, au bas comme au sommet de l'échelle sociale. Notre collègue Jean-Pierre Brard qui a réalisé un excellent rapport à ce sujet, il y a quelques années, ne dira pas le contraire.
    M. Jean-Pierre Brard. Certes non !
    M. Jean-Claude Sandrier. Mais, la mauvaise foi doit être tout au moins avérée pour savoir si nous sommes en face d'un fraudeur ou bien de quelqu'un qui n'a pas délibérément souhaité outrepasser ce qu'il croyait être ses droits.
    De surcroît, le présent amendement de réécriture propose d'abaisser le montant de l'amende qui est tout à fait disproportionnée aux termes de la rédaction qui nous est soumise.
    Enfin, en conformité avec le principe de présomption d'innocence que j'ai dèjà évoqué, il est rappelé que la charge de prouver la réalité de la fraude incombe à l'administration fiscale. Et il y a quand même des moyens d'investigation simples pour s'en assurer. Cela nous semble aller de soi.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement. Mais, cher collègue Sandrier, elle a complètement adhéré à votre raisonnement qui consiste à dire qu'on ne peut pas condamner un bénéficiaire au motif qu'il aurait déclaré des renseignements inexacts. Parce qu'il peut très bien déclarer de bonne foi des renseignements qui se révèlent inexacts. Nous avons donc souscrit à votre raisonnement.
    Cela étant, votre amendement prévoit également de diviser l'amende par deux : cinquante euros contre cent. Or à partir du moment où il y a inversion de la charge de la preuve et que l'administration prouve la mauvaise foi délibérée du demandeur, il est tout à fait normal qu'il soit sanctionné, cent euros par rapport à un acompte de deux cent cinquante euros me paraît un rapport tout à fait légitime. Il ne faut pas oublier, en effet, qu'il s'agit d'argent public. C'est l'argent des contribuables et on doit le respect aux contribuables. Leur argent doit être dépensé à bon escient. Certes, il faut prouver la mauvaise foi. Mais à partir du moment où celle-ci est prouvée, c'est par respect à l'égard de l'effort du contribuable, qu'il doit y avoir une amende.
    M. Marc Laffineur. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 317.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 315, ainsi rédigé :
    « A la fin du dernier alinéa du I du texte proposé pour l'article 1665 bis du code général des impôts, substituer au montant : "100 EUR, le montant "25 EUR. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Avec cet amendement on est toujours dans le même registre. Je suis surpris, quant à moi, que le Gouvernement ait pu prévoir un dispositif exorbitant du droit commun, puisque c'est au contribuable de justifier de sa bonne foi et non pas à l'administration de démontrer qu'il a commis une faute.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. On est là pour le corriger !
    M. Jean-Pierre Brard. Certes, mais telle n'était pas la version initiale du Gouvernement.
    En lisant ce texte, j'ai pensé à l'ouvrage intitulé Les Prisons de la misère. C'est un petit livre écrit par un universitaire de Berkeley, en Californie, M. Loïc Wacquant, qui va devenir célèbre car, si je ne me trompe, Schwartzenegger lui a demandé des cours pour muscler son cerveau. (Rires.) Et il en a bien besoin, sa musculature s'étant développée inégalement et n'ayant pas atteint les parties hautes de sa personne.
    M. Philippe Auberger. Il faut être complet dans la vie !
    M. Marc Laffineur. C'est du racisme !
    M. Franck Gilard. On peut ne pas l'aimer, il n'en reste pas moins qu'il a fait des études d'économie. Tout porte à croire qu'il est aussi diplômé que vous, monsieur Brard !
    M. le président. Veuillez vous en tenir au projet de loi de finances !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous parlez de Terminator, monsieur Gilard ? Eh bien, on a les idoles qu'on peut ! Je vous les laisse !
    M. le président. Chers collègues, j'attire votre attention sur le fait que la stratégie de notre collègue Jean-Pierre Brard consiste parfois à vous tendre un certain nombre de perches...
    M. Jean-Claude Lefort. Mais non ! Cela n'arrive jamais ! (Sourires.)
    M. Franck Gilard. Certes, monsieur le président. Mais on ne peut pas laisser dire n'importe quoi !
    M. le président. Revenons à la loi de finances !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, laissez vos collègues de la majorité s'exprimer ! Il y a des gens ici qui admirent Marguerite Yourcenar ou Victor Hugo, et il y en a d'autres qui admirent Terminator... Nos compatriotes jugeront !
    M. Jean-Louis Dumont. M. Brard fait de la pédagogie !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, soyez rassuré, je ne m'étendrai pas sur le contenu de cet excellent petit volume de Loïc Wacquant. Je dirai simplement que l'amendement n° 315 est un amendement de repli, qui vise à conserver la proportionnalité entre la faute commise et la peine infligée.
    En fin de compte, M. Messier qui va se voir verser 20,55 millions d'euros au titre d'un enrichissement sans cause - tel est bien le cas, n'est-ce pas, puisqu'il avait déclaré qu'il ne demanderait jamais de golden parachute - va bénéficier d'une franchise d'impôt sur 360 000 euros. Et en l'occurrence, monsieur le rapporteur général, pour une tricherie possible portant sur 200 ou 300 euros, vous infligez une peine de 100 euros !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais Messier est de bonne foi, lui ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Messier de bonne foi ? Ça c'est nouveau ! (Sourires.) Mais je crains que nous ne puissions examiner le cas Messier, sauf à nous transformer nous-mêmes en tribunal - ce que je souhaiterais, à titre personnel, car nous serions certainement plus justes que le tribunal de New York.
    Pour en revenir à notre sujet, je vous propose de retenir notre amendement, qui, sans être en contradiction avec l'amendement de la commission, visant à renvoyer l'établissement de la preuve à la charge de l'administration, prévoit pour une tricherie éventuelle de 300 euros, une pénalité de 25 euros.
    Cela fait déjà près de 10 % de pénalité.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce n'est pas cher payé !
    M. Jean-Pierre Brard. Je trouve que c'est suffisant et qu'il n'est pas besoin d'aller jusqu'à 100 euros, même si, sur le principe, je suis pour pénaliser la fraude, qu'elle soit grande ou petite. Le Gouvernement serait plus convaincant s'il commençait par pénaliser la grande au lieu de commencer par la petite !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 315.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 316, ainsi rédigé :
    « A la fin du dernier alinéa du I du texte proposé pour l'article 1665 bis du code général des impôts, substituer au montant : "100 EUR, le montant : "50 EUR. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Il est de même inspiration !
    M. le président. Même avis de la commission et du Gouvernement.
    Je mets aux voix l'amendement n° 316.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Carrez a présenté un amendement, n° 388, ainsi rédigé :
    « Compléter le dernier alinéa du I du texte proposé pour l'article 1665 bis du code général des impôts, par les mots : "si la mauvaise foi de l'intéressé est établie. »
    La parole est à M. Gilles Carrez.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s'agit d'indiquer que l'amende n'est justifiée que si la mauvaise foi de l'intéressé est établie. Voilà qui répond aux préoccupations exprimées par tous nos collègues.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je souhaite que nous élaborions une norme qui convienne à tout le monde. Je pense que M. Pajon, qui a bien voulu retirer son amendement, tout à l'heure, obtient satisfaction. Le Gouvernement émet un avis favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 388.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 27 et 349, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 27, est présenté par M. Carrez, rapporteur général, est ainsi rédigé :
    « Compléter l'article 3 par le paragraphe suivant :
    « III. - Le Gouvernement présentera au Parlement avant le 1er juin 2004 un rapport présentant les moyens de rapprocher le versement de la prime pour l'emploi de la période d'activité et notamment d'inscrire son montant sur la fiche de paie.»
    L'amendement n° 349, présenté par MM. Bonrepaux, Migaud, Emmanuelli, Idiart, Terrasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :
    « Compléter l'article 3 par le paragraphe suivant :
    « III. - Dans la perspective d'un alourdissement des prélèvements portant sur les salaires, le Gouvernement présentera au Parlement avant le 1er juin 2004 un rapport présentant les moyens de rapprocher le versement de la prime pour l'emploi de la période d'activité et notamment d'inscrire son montant sur la fiche de paie. »
    La parole est à M. le président de la commission pour soutenir l'amendement n° 27.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. La prime pour l'emploi, nous l'avons toujours dit, est une bonne mesure. Elle permet de revaloriser le travail et de différencier plus nettement les revenus de prestations et les revenus du travail. Elle n'est cependant pas perçue, par les salariés, comme le fruit de leur propre travail, la rétribution de leurs propres efforts. Nous pensons donc nécessaire, monsieur le ministre, de rapprocher le versement de la prime de la fiche de paie mensuelle. Les problèmes constitutionnels et techniques qui peuvent se poser ne nous semblent pas insolubles.
    C'est la raison pour laquelle la commission des finances souhaite que le Gouvernement présente au Parlement, avant le débat d'orientation budgétaire, un rapport proposant des moyens de rapprocher prime pour l'emploi et fiche de paie mensuelle.
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux pour défendre l'amendement n° 349.
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, notre amendement va dans le même sens, mais vous comprendrez que j'en préfère la formulation. Ce rapport est indispensable dans la perspective d'un alourdissement des prélèvements portant sur les salaires. Il va bien falloir régler, en effet, les problèmes de l'assurance maladie, en tout cas, d'une façon ou d'une autre, trouver des ressources nouvelles, voire privatiser une partie de l'assurance maladie, c'est ce qu'a laissé entendre M. le Premier ministre.
    Je suis un peu surpris que la commission demande maintenant un rapport alors que, tout à l'heure, elle a proposé une commission. En effet, l'objectif est le même : simplifier les impôts. On pourrait examiner dans le cadre de cette commission si la prime pour l'emploi ne pourrait pas redevenir la déduction que nous avions proposée au départ. On se souvient que la prime pour l'emploi n'a été mise en oeuvre que parce que l'allégement de CSG que nous avions proposé a été supprimé par le Conseil constitutionnel, à votre demande.
    Ne souhaitez-vous pas, mes chers collègues, revenir à plus de simplicité et qu'il n'y ait qu'un seul impôt, regroupant la CSG et l'IRPP, sur lequel on pourrait bénéficier d'une déduction correspondant à la prime pour l'emploi ?
    Soyez cohérents et adoptez ma proposition ! Sans quoi, vous vous mettez en contradiction avec ce que vous demandiez plus tôt.
    M. Jean-Louis Idiart. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 349 ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a adopté l'amendement n° 27 qu'a présenté M. Méhaignerie. L'amendement n° 349 de notre collègue Bonrepaux est un peu - un peu seulement - tendancieux. C'est pour cette raison qu'il a été rejeté, alors qu'il dit la même chose, mais dans la perspective d'un alourdissement des prélèvements portant sur les salaires.
    M. Augustin Bonrepaux. Nous savons ce qui va se passer la semaine prochaine !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cette question, je vous rassure, monsieur Bonrepaux, n'est pas à l'ordre du jour !
    Pourquoi un rapport, alors que nous avons proposé une commission ? Parce que, Philippe Auberger l'a fort bien expliqué en commission, nous sommes confrontés au manque de coordination entre deux administrations puissantes : l'administration fiscale, d'une part, et l'administration sociale, d'autre part.
    M. Michel Bouvard. Elles ne veulent pas se coordonner !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si nous voulons articuler prime pour l'emploi et feuille de paye, nous devons obliger ces deux administrations à se coordonner. Nous ne parviendrons à nos fins que si un travail interministériel est engagé.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous ne m'avez pas écouté !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Par conséquent, nous vous demandons, monsieur le ministre, d'essayer de dépasser ce problème technique que vous nous opposez régulièrement. Certes, il est complexe, mais une approche interministérielle devrait permettre de trouver enfin une solution. L'enjeu en vaut la peine : greffer la prime pour l'emploi sur la feuille de paye, ce serait progresser considérablement dans la voie que vous tracez dès cette loi de finances 2004, avec la possibilité de versement d'un acompte.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 27 et 349 ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Chacun sait que c'est l'intégration de la prime pour l'emploi à l'impôt sur le revenu qui entraîne le décalage entre son versement et la perception des revenus. Le problème est difficile à résoudre, c'est vrai, mais j'ai commis l'imprudence de m'engager sur ce sujet. Je fais moi-même pression sur mon administration, qui d'ailleurs ne résiste pas, mais me fait valoir des difficultés pratiques. En effet, l'inscription du montant de la prime sur la fiche de paie, assortie de son paiement, soulève des questions techniques d'une certaine complexité. Cela suppose le transfert à l'employeur d'une partie de la gestion du dispositif, notamment les informations utiles, d'où des problèmes de confidentialité. Les employeurs, notamment les plus petites entreprises, pourraient aussi nous reprocher la lourdeur de la gestion qui leur serait ainsi imposée.
    Cela dit, nous ne devons pas rendre les armes trop tôt. Voilà pourquoi je donne mon accord à l'amendement n° 27 car il va dans le sens de notre préoccupation commune qui est de faire coïncider le paiement de la prime pour l'emploi avec la perception par le salarié du revenu qui la génère. Le second amendement serait ainsi satisfait puisqu'il vise le même objectif.
    M. Philippe Auberger. De façon plus polémique !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je pense ainsi donner satisfaction à la commission des finances.
    M. Philippe Auberger. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Ni le rapporteur général, ni le ministre n'ont entendu, ou voulu entendre, ce que j'ai demandé ! Vous voulez simplifier ? Nous aussi ! Il me semble donc préférable d'étudier, dans le cadre de la commission, la transformation de la prime pour l'emploi réduction d'impôt. Nous, nous sommes cohérents parce que cette mesure correspond à ce que nous avions proposé et que vous avez fait supprimer par le Conseil constitutionnel.
    Monsieur le président de la commission des finances, n'est-il pas plus compliqué au contraire, de faire figurer la prime pour l'emploi sur la feuille de paie ? N'est-ce pas dangereux ? En tout cas, vous qui parlez de simplicité, vous allez créer de la paperasserie. Forcément ! La simplicité voudrait qu'on vote pour une déduction fiscale. Et dans la mesure où nous aurions regroupé la CSG et l'IRPP, ce serait possible. Je suis surpris que vous ne reteniez pas cette proposition. Il arrive que vous préfériez la complexité même si vous prétendez que vous voulez alléger le fonctionnement de l'administration. Mieux vaudrait retenir notre proposition, je le répète. Pour une fois, je préférerais qu'on ne présente pas ce rapport et que la commission puisse en discuter. Comme vous avez fait le choix tout à l'heure de ne pas demander de rapport, je suis bien obligé de m'y rallier ! Je ne vois pas ce qu'apporterait un rapport alors que vous avez institué une commission !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, l'amendement n° 349 tombe.
    Sur le vote de l'article 3 je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour une explication de vote sur l'article, monsieur le président.
    M. le président. C'est possible, bien que ce soit rare, monsieur Brard, et nous pourrons ainsi occuper les cinq minutes réglementaires à vous écouter.
    M. Jean-Pierre Brard. Et je serai bref, d'autant plus que je demanderai ensuite une suspension de séance.
    M. le président. Après le scrutin public ?
    M. Jean-Pierre Brard. Oui, après le scrutin public.
    M. le président. Vous avez la parole, pour votre explication de vote, monsieur Brard. J'ai cru comprendre que M. Migaud suivrait votre exemple.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, l'actualisation, on ne peut pas être contre. Vous êtes d'accord avec moi, jusque-là ? Je ne sais pas ce que je dois penser de votre regard matois... (Sourires.)
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je respecte le règlement, je n'interromps jamais les orateurs !
    M. Jean-Pierre Brard. Je vous en remercie. Donc, on ne peut pas être contre l'actualisation. Mais comme l'ont brillamment expliqué Didier Migaud et Augustin Bonrepaux, le Premier ministre a indiqué que la revalorisation serait de cent euros. Le compte n'y est pas. Et voter l'article 3, c'est s'associer à l'opération d'endormissement dont vous êtes spécialistes, avec, il faut le reconnaître, des mots si doux que l'on croit voir passer le marchand de sable.
    Pour ne pas cautionner cette mystification, nous voterons contre l'article 3. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Contre la prime pour l'emploi !
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Nous avons dit tout le mal que nous pensions de cette non-augmentation de la prime pour l'emploi, ou en tout cas de l'absence d'augmentation significative. Nous avons dit combien nous avions été choqués par le mensonge du Premier ministre (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) - je crois qu'il n'y a pas d'autre mot pour qualifier ses propos - lors de son intervention sur TF 1. Et je peux comprendre qu'il ait besoin d'augmenter très sensiblement ses crédits de communication. Dès lors que son argumentation est de moins en moins pertinente, il a besoin de recourir de plus en plus à ses anciens collègues spécialistes de la communication, pour essayer de nous convaincre. (Mêmes mouvements.) Mais les Français ne seront pas dupes, et les augmentations du budget de communication du Premier ministre sont faites en pure perte.
    Je tenais quand même à le redire parce que c'est, là encore, une illustration de votre incohérence. Vous ne pouvez pas, d'un côté, prôner une augmentation zéro des dépenses et prévoir des réductions sensibles d'un certain nombre de budgets comme ceux de l'emploi, du logement, des transports, et, de l'autre, augmenter les crédits de communication du Premier ministre. C'est honteux ! C'est scandaleux !
    M. Michel Bouvard. Parce que, dans le passé, ça ne s'est jamais vu, peut-être ! (Rires.)
    M. Didier Migaud. Oui, mais vous nous donnez des leçons ! Vous estimez qu'il ne doit pas y avoir d'augmentation. Dès lors, il est particulièrement choquant de voir que vous augmentez davantage les dépenses de communication du Premier ministre que la prime pour l'emploi, en valeur relative pour chacun de ses bénéficiaires.
    Nous ne prendrons pas part à ce vote. Nous nous abstiendrons (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Délicat, n'est-ce pas ?
    M. Didier Migaud. ... car nous ne voulons pas voter contre une augmentation de la PPE aussi modeste soit-elle. Mais nous réaffirmons que cette augmentation d'un euro par mois n'est pas ni convenable ni digne. C'est toute la politique du Gouvernement : d'un côté, des centaines, voire des milliers d'euros de réduction d'impôt pour les hauts revenus, de l'autre, un euro par mois pour ceux qui bénéficient de la prime pour l'emploi.
    Les Français seront juges !
    M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe UMP.
    M. Marc Laffineur. Ce vote montre toute la différence qu'il y a entre la majorité et l'opposition.
    M. Jean-Claude Lefort. C'est un fait !
    M. Marc Laffineur. Nous, nous revalorisons le travail et nous augmentons donc la prime pour l'emploi. Vous, vous êtes contre l'augmentation de la prime pour l'emploi.
    M. Augustin Bonrepaux. Mais non, nous sommes contre l'insignifiance de son augmentation !
    M. Marc Laffineur. Nous, nous faisons en sorte pour tous ceux qui reprennent le travail avec des salaires modestes avec les revenus des personnes qui vivent d'assistance.
    M. Didier Migaud. Monsieur Laffineur, la PPE est destinée aux personnes qui travaillent !
    M. Marc Laffineur. Vous avez montré votre idéologie. Nous avons montré notre pragmatisme. Bien entendu, nous voterons l'article 3.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais mettre aux voix l'article 3.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   52
Nombre de suffrages exprimés   44
Majorité absolue   23
Pour l'adoption   38
Contre   6

    L'Assemblée nationale a adopté l'article 3 modifié par les amendements adoptés.
    La parole est M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Je demande une suspension de séance de vingt minutes.
    M. le président. Je vous en accorde dix.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures quinze.)
    M. le président. La séance est reprise.

Article 4

    M. le président. « Art. 4. - A. - Les deux premiers alinéas de l'article 199 quindecies du code général des impôts sont remplacés par l'alinéa suivant :
    « Lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories, les sommes effectivement supportées par les contribuables à raison des dépenses afférentes à la dépendance ouvrent droit à une réduction d'impôt égale à 25 %, dans la limite de 3 000 euros par personne hébergée dans un établissement ayant conclu la convention pluriannuelle visée à l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles ou dans un établissement dont la tarification répond aux conditions définies à l'article 5 de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie. »
    « B. - Les personnes hébergées à la date du 31 décembre 2002 dans une unité de soins de longue durée non conventionnée, ayant bénéficié, pour l'établissement de l'impôt dû au titre des revenus de l'année 2002, d'une réduction d'impôt en application du premier alinéa de l'article 199 quindecies dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la présente loi conservent le bénéfice de ce régime dans la limite d'un plafond de 3 000 euros. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Brard, premier orateur inscrit sur l'article.
    M. Jean-Pierre Brard. L'article 4 du projet de loi de finances prévoit l'adaptation de la réduction d'impôt au titre des frais de dépendance supportés par les personnes âgées hébergées en établissement spécialisé. Ainsi, le Gouvernement nous propose de relever de 2 300 à 3 000 euros le plafond de dépenses ouvrant droit au bénéfice de la réduction d'impôt pour les frais liés à la dépendance.
    La bonté et la compassion, bien que tardives, de la première dame de France envers les personnes âgées dépendantes l'amena à occuper une soirée durant les écrans de télévision, et, plus particulièrement, le plateau de télévision animé par celle qui, paraît-il, est notre nouvelle Marianne. Ne goûtant point ce genre de show médiatico-pathético-politicien, il nous paraît plus juste de défendre par les actes la solidarité envers les aînés du pays et ceux qui les accompagnent. Ainsi, pendant le drame de l'éé, nous étions quelques-uns aux côtés de nos personnes les plus âgées mais également de celles et ceux qui ont fait leur travail avec dévouement et quasiment avec militantisme pour le bien public.
    En relevant de 2 300 à 3 000 euros le plafond des dépenses ouvrant droit au bénéfice de la réduction d'impôt, vous allez dans le bon sens, monsieur le ministre, mais vous auriez pu aller plus loin. Nous aurons l'occasion d'en discuter à nouveau lors de la seconde partie de ce projet de budget pour 2004 et plus encore lors de la discussion du PLFSS. Vous seriez bien inspiré de donner davantage de moyens que vous ne le prévoyez aux hôpitaux, ambulanciers, infirmières, aides-soignantes, aides-ménagères, qui ont joué un rôle essentiel dans ce moment de crise qu'a été la canicule de cet été.
    Par ailleurs, les transferts de charges vers les collectivités auront des conséquences lourdes pour bon nombre de communes, comme la mienne, par exemple, à Montreuil, qui ont fait le choix de créer et maintenir des centres de santé municipaux, de soutenir des associations d'aide et de soins à domicile qui remplissent une vraie mission de service public de proximité. En nous imposant de nouvelles charges et face aux gels et annulations de crédits destinés à ces mêmes associations, il ne reste que deux solutions : augmenter les impôts locaux ou supprimer des services qui constituent le lien social et assurent l'égalité de nos concitoyens devant la dépendance et les maux de la vieillesse.
    La mesure que vous proposez va dans le bon sens, mais, comme il ne s'agit que de financer les frais dans les établissements spécialisés, cela ne règle pas plus largement le problème. Une des solutions est de faire en sorte que les personnes puissent rester dans leur chez-soi le plus longtemps possible et dans les meilleures conditions.
    Par exemple, dans ma bonne ville de Montreuil, nous avons, avec une association, le projet magnifique de construction d'une maison dite « des Babayagas », c'est-à-dire des femmes qui sont sages depuis plus longtemps que d'autres, qui ont déjà dépassé l'âge de la retraite depuis un certain temps. Considérant que les femmes vivent plus vieilles que les hommes, elles souhaitent vivre le plus longtemps possible en continuant à jouer un rôle dans la société. C'est certainement le meilleur moyen de respecter la dignité des personnes, pour un coût modeste pour la collectivité, beaucoup plus modeste que lorsqu'on accueille les personnes dans des établissements spécialisés. Pour éviter que cette dernière solution ne soit inéluctable, il faut faire en sorte que les personnes puissent vivre en faisant profiter de toutes leurs facultés la société tout entière.
    Monsieur le ministre, ce n'est pas l'objet de notre débat, mais la mesure que vous proposez, et qui va dans le bon sens, ne peut être qu'une partie d'un dispositif plus large et plus ambitieux. Le Gouvernement parle beaucoup d'expérimentations : il devrait favoriser des projets solidaires comme cette « maison des Babayagas » de la ville de Montreuil qui sera la première du genre dans le pays. Ce sera en même temps une maison écologique, qui utilisera l'énergie des personnes le plus longtemps possible en consommant le moins d'énergie possible, que ce soit pour le chauffage ou pour un autre usage. Voilà un beau projet qui pourrait recueillir un large consensus, s'il était relayé par les autorités gouvernementales.
    Je vois, monsieur le ministre, que, en m'écoutant, vous pensez que notre heure arrivera pour tous, un jour ou l'autre, et que, après tout, cette démarche des femmes de Montreuil peut être exemplaire pour le pays tout entier.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je vous écoute comme un élu local !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. Cet article nous permet d'aborder la question des personnes âgées dépendantes et de leur prise en charge. En effet, la canicule et ses malheureuses conséquences ont révélé l'état d'abandon dans lequel se trouvent nos personnes âgées. Chacun a sa part de responsabilités dans ce drame, aussi bien l'Etat que les familles. Une série de défaillances ont d'ores et déjà été identifiées.
    Vous nous présentez maintenant votre programme de rattrapage dans ce domaine - ou peut-être une partie seulement de ce programme. Après avoir proposé - ce qui était dérisoire - de faire travailler les salariés un jour férié afin de financer la solidarité envers les personnes âgées, votre politique en faveur de celles-ci repose désormais, du moins en partie, avec cet article 4, sur celles qui paient l'impôt sur le revenu et qui seront bénéficiaires de cette réduction d'impôt de 25 % du montant des dépenses afférentes à la dépendance, dans la limite de 3 000 euros. Qu'en sera-t-il pour les personnes non assujetties ? Elles supportent les mêmes frais de prise en charge de leur dépendance, ne bénéficient pas spécialement de dispense de frais, mais elles sont pourtant, de fait, exclues de cette mesure de réduction d'impôt. Avec le dispositif de l'article 4, vous instaurez une inégalité fiscale que nous tenterons, malgré tout, de résoudre avec l'amendement que nous avons déposé.
    Monsieur le ministre, ce n'est pas avec des cadeaux fiscaux que l'on peut régler le problème des personnes âgées dépendantes. Avec toutes ces réserves, nous serons attentifs au sort que vous réserverez à notre amendement qui vise à rétablir une équité fiscale entre les personnes âgées qui paient l'impôt sur le revenu et celles qui ne le paient pas.
    M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.
    M. Gérard Bapt. Cet article a deux objets : d'une part, il révise la réduction d'impôt en relevant le plafond de 2 300 à 3 000 euros pour atteindre une réduction de 25 % des dépenses engagées, mais, d'autre part, il restreint de manière très limitative le champ d'application aux dépenses strictement liées à la dépendance. Comme vient de le préciser M. Sandrier, nous considérons que cette réduction d'impôt devrait être élargie en se transformant en crédit d'impôt : ainsi, les personnes qui n'ont pas la chance d'être éligibles à l'impôt sur le revenu des personnes physiques pourraient en bénéficier. Je sais bien que, en commission, vous nous avez fait remarquer que les personnes non imposables bénéficieraient de l'APL et d'une APA à taux plein, dans la mesure où celle-ci est dégressive en fonction des revenus. Il est exact que vous avez diminué le montant de l'APA en fonction du niveau de ces revenus. Néanmoins, quelques personnes sonttoujours éligibles à l'APA et sont imposables sur le revenu.
    Nous pensons que, d'une manière générale, tous les contribuables, qu'ils paient l'impôt sur le revenu ou qu'ils en soient exonérés, devraient pouvoir profiter de ces mesures : nous avons donc déposé un amendement allant dans ce sens. Mais cet article a un autre projet : il élargit le champ d'application de la mesure à un plus grand nombre d'établissements. En effet, cette mesure n'était applicable qu'aux établissements ayant conclu une convention pluriannuelle ou répondant aux conditions fixées dans la loi relative à l'APA. Mais les conventions pluriannuelles qui ont été mises en place depuis 2001 ont eu une progression relativement lente en raison de la complexité du dispositif au départ, et ont vu leur rythme de conclusion quasiment stoppé en 2003 par les annulations budgétaires. En particulier, la ligne « assurance maladie » de 180 millions ayant été annulée à hauteur de 100 millions de francs, de nombreux établissements qui sont en situation de conclure cette convention et de se voir ouvrir les crédits d'assurance maladie afférents sont en attente - dix-huit sont dans ce cas dans mon département.
    Cette annulation a d'ailleurs été particulièrement dommageable, puisque ces établissements n'ont pas pu embaucher d'infirmières ou d'aides soignantes, ni s'équiper de manière à mieux résister aux effets de la canicule. De ce point de vue, j'ai pu constater que, pendant le mois d'août, les MAPAD qui avaient signé ces conventions et avaient donc renforcé leurs effectifs avaient pu échapper à la surmortalité caniculaire.
    Le rythme de signature des conventions ayant été très lent, en raison, d'une part, de la complexité initiale et, d'autre part, du manque de crédit, vous élargissez donc de plein droit la mesure à tous les établissements accueillant des personnes âgées. Dans cet esprit, cette mesure nous paraît positive dans l'immédiat.
    Voilà, pourquoi, monsieur le ministre, le groupe socialiste sera attentif aux réponses que vous nous ferez lors de la présentation de ses amendements, pour décider de l'accueil qu'il réservera à cet article.
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 217 et 318, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 217, présenté par MM. Carcenac, Bonrepaux, Migaud, Emmanuelli, Terrasse, Mme Guinchard-Kunstler, MM. Dumont, Idiart et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « I. - Après les mots : "ouvrent droit, rédiger ainsi la fin du dernier alinéa du A de l'article 4 :
    « un crédit d'impôt égal à 25 %, dans la limite de 3 000 EUR par personne hébergée dans un établissement ayant conclu la convention pluriannuelle visée à l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles ou dans un établissement dont la tarification répond aux conditions définies à l'article 5 de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie. Cette disposition n'est applicable qu'en déduction de l'impôt dû. »
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « La perte de recettes est compensée, à due concurrence, par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    L'amendement n° 318, présenté par MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi rédigé :
    « I. - Dans le dernier alinéa du A de l'article 4, substituer aux mots : "une réduction d'impôt égale à 25 %,, les mots : "un crédit d'impôt égal à 25 % du montant,.
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « Le taux de la contribution des institutions financières ainsi que le taux de l'impôt sur opérations de bourse sont relevés à due concurrence. »
    La parole est M. Augustin Bonrepaux, pour soutenir l'amendement n° 217.
    M. Augustin Bonrepaux. Notre amendement propose de transformer la déduction fiscale en crédit d'impôt. Nous suivons en cela les recommandations du Conseil national des impôts. Le crédit d'impôt permettra de faire bénéficier de cet allègement davantage de personnes et en particulier celles qui ne sont pas imposables, les plus modestes. Cela répond à un souci de justice et d'équité, car tout le monde peut avoir la charge de personnes âgées.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 318.
    M. Jean-Pierre Brard. L'amendement que nous vous présentons vise à transformer la réduction d'impôt sur les frais de dépendance supportés par les personnes âgées en crédit d'impôt.
    Vous prévoyez, en effet, d'élargir le champ d'application de cette réduction d'impôt, mais il convient de vous rappeler que la moitié des foyers fiscaux ne paient pas l'impôt sur le revenu.
    Nous avons déposé cet amendement pour que toutes les personnes qui ont des frais de dépendance restant à leur charge, et pour lesquelles vous n'avez rien prévu, puissent bénéficier d'un régime fiscal favorable, qu'elles paient ou non l'impôt sur le revenu.
    C'est pourquoi nous vous proposons de transformer la réduction d'impôt prévue par l'article 4 en crédit d'impôt que recevrait chaque foyer fiscal, quel que soit le montant d'impôt sur le revenu qu'il doit acquitter, et même s'il n'a pas d'impôt à payer. Le crédit d'impôt correspondrait à 25 % des frais de dépendance restant à la charge de la personne âgée hébergée en établissement spécialisé, toujours dans la limite de 3 000 euros.
    Il s'agit d'un amendement de justice fiscale. En effet, il n'y a pas de raison que des personnes bénéficient d'une réduction d'impôt parce qu'elles paient l'impôt sur le revenu, et que d'autres, parce qu'elles n'en paient pas, ne bénéficient pas de ces réductions, ni même d'aucun crédit d'impôt. Les frais de dépendance qui restent à leur charge sont pourtant les mêmes. Il est donc nécessaire d'adopter notre amendement, afin que toutes les personnes âgées dépendantes bénéficient des mêmes mesures fiscales justes et équitables.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté ces deux amendements au motif que le crédit d'impôt est d'ores et déjà assuré par l'allocation personnalisée d'autonomie, puisque celle-ci est versée sous condition de ressources.
    Notre collègue Gérard Bapt a souligné lui-même que le dispositif a connu une amélioration sensible, puisque les dépenses éligibles à la réduction d'impôt passent de 2 300 à 3 000 euros et, surtout, que le bénéfice en a été élargi aux établissements qui n'ont pas encore passé la convention pluriannuelle de tarification, convention ternaire relative aux soins, à l'hébergement et à la dépendance. La couverture des établissements qui n'ont pas encore passé cette convention permet de rendre éligibles non plus 200 000, mais 600 000 personnes à la réduction d'impôt.
    Cet article fait donc substantiellement progresser l'aide à la prise en charge des frais de dépendance en établissements, mais, je le répète, le crédit d'impôt n'a pas lieu d'être, puisqu'il est, par définition, assuré par le bénéfice de l'allocation personnalisée d'autonomie. En offrant d'un côté, à ceux qui paient l'impôt sur le revenu, une réduction d'impôt, et, de l'autre, à ceux qui ne paient pas d'impôt, l'allocation personnalisée d'autonomie - qui peut d'ailleurs être versée, mais avec un montant moins élevé, à ceux qui ont des petits revenus et acquittent, malgré tout, l'impôt sur le revenu - le système couvre la totalité de l'éventail.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, comme l'a dit le rapporteur général, désormais, toutes les personnes âgées hébergées dans les établissements sont éligibles à cette mesure, ce qui est un immense progrès.
    Gérard Bapt l'a dit, par sa configuration, l'APA est majorée pour les personnes ayant des revenus plus faibles. Nous sommes donc dans un cas où le crédit d'impôt, plus coûteux pour le budget de l'Etat, est moins indispensable. Je veux donc vous mettre en garde. Et je ne parle pas du risque de contagion que présenterait une telle disposition.
    Même si la mariée n'est jamais assez belle, ce dispositif constitue quand même déjà un progrès. C'est ce qui nous conduit à vous suggérer de retirer votre amendement. A défaut, je demanderai à l'Assemblée de le rejeter.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 217.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 318.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Carrez, rapporteur général, a présenté un amendement, n° 28, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du A de l'article 4, substituer au taux : "25 %, les mots : "25 % de leur montant, retenu. »
    La parole est à M. le rapporteur général.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est un amendement de précision.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié par l'amendement n° 28.
    (L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 4

    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 255 et 103, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 255, présenté par MM. Dreyfus, Bonrepaux, Bloche, Migaud, Emmanuelli, Idiart et les membres du groupe socialiste est ainsi rédigé :
    « Après l'article 4, insérer l'article suivant :
    « I. - Dans la première phrase du dernier alinéa du 1 de l'article 6 du code général des impôts, les mots : "à compter de l'imposition des revenus de l'année du troisième anniversaire de l'enregistrement du pacte sont supprimés.
    « II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    L'amendement n° 103, présenté par MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains est ainsi rédigé :
    « Après l'article 4, insérer l'article suivant :
    « I. - Dans la première phrase du dernier alinéa du 1 de l'article 6 du code général des impôts, les mots : "de l'imposition des revenus de l'année du troisième anniversaire sont remplacés par les mots : "du jour.
    « II. - Les deux plus hautes tranches de l'impôt sur le revenu sont relevées à due concurrence. »
    La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour soutenir l'amendement n° 255.
    M. Augustin Bonrepaux. Cet amendement est défendu.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 103.
    M. Jean-Claude Sandrier. Cet amendement vise à améliorer les dispositions fiscales adoptées dans le cadre du pacte civil de solidarité. Le PACS crée entre les partenaires une solidarité financière, qui n'existe pas entre des concubins, mais qui est moins précise que celle qui lie les époux. Les partenaires s'aident matériellement ; ils sont solidaires des dettes contractées pour la vie courante et le logement. Pourtant, la déclaration et le paiement des impôts communs ne s'effectuent qu'à partir de la troisième année de PACS.
    Par cet amendement, nous souhaitons remédier à cette situation. Fiscalement, la loi limite aux PACS jugés stables, c'est-à-dire de plus de deux ans, la possibilité de bénéficier de l'imposition par foyer, et donc du système des parts, qui avantageait jusqu'à présent les seuls couples mariés. Du fait de cette solidarité fiscale, l'administration peut d'ailleurs réclamer l'impôt à l'un ou l'autre des partenaires pacsés.
    Cette notion de PACS stable est absolument discriminatoire. Elle n'est que l'expression de la condescendance d'une classe politique considérant ce lien comme un sous-lien de conjugalité. Mais pourquoi un PACS serait-il moins stable qu'un mariage ?
    M. Jean-Pierre Brard. En effet !
    M. Jean-Claude Sandrier. Faut-il rappeler que ce lien connaît aujourd'hui un vif succès, contrairement aux prévisions alarmistes de ses détracteurs ?
    M. Michel Bouvard. Ça dépend des régions. C'est très parisien.
    M. Jean-Claude Sandrier. Entre 1999 et 2002, près de 73 000 couples ont conclu un PACS. Depuis sa création, seuls 7,8 % des contrats ont été dissous et, dans les trois quarts des cas, les couples se sont séparés d'un commun accord. Cet acquis fondamental mérite d'être amélioré. Le débat d'aujourd'hui le prouve plus que jamais. Tel est le sens de notre amendement.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons l'habitude de ces amendements, et la commission les a rejetés. La législation relative au PACS, telle qu'elle a été adoptée il y a quelques années par la précédente majorité, avait prévu à juste titre un délai minimal de trois ans.
    M. Marc Le Fur. C'est bien le moins !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Contrairement à ce que disait notre collègue Sandrier, on ne peut en aucun cas dire que le PACS est aussi stable que le mariage, puisqu'on peut sortir d'un PACS quasiment instantanément. Il nous apparaît donc tout à fait nécessaire de conserver la législation en l'état et de garder la condition de trois ans de vie commune sous le régime du PACS pour pouvoir bénéficier de l'imposition commune. Sinon, nous assisterions immédiatement à des comportements d'optimisation fiscale.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 255.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 103.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 104, ainsi rédigé :
    « Après l'article 4, insérer l'article suivant :
    « I. - Dans la première phrase du dernier alinéa du 1 de l'article 6 du code général des impôts, les mots : "de l'année du troisième anniversaire sont remplacés par les mots : "de l'année du premier anniversaire. »
    « II. - Les deux plus hautes tranches de l'impôt sur le revenu sont relevées à due concurrence. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. J'avais pensé, monsieur le rapporteur général, que notre collègue Charles-Amédée n'étant pas là, nous arriverions à faire adopter des amendements sur le PACS, profitant de ce que les gardiens du temple des vertus sous différentes formes (Sourires)...
    M. Michel Bouvard. M. Brard est perturbé par M. de Courson et M. Gantier !
    M. Jean-Pierre Brard. Mais non, cher collègue, ni par Christine Boutin. Et on pourrait égrener quelques autres noms, si j'ose ainsi m'exprimer. (Sourires.)
    Mais ne parlons pas des absents.
    Nous aurions pu, entre nous, nous mettre d'accord pour essayer d'actualiser nos règles législatives. Cela dit, l'amendement n° 104 tend à améliorer les dispositions fiscales adoptées dans le cadre du PACS. Il vise à raccourcir le délai à partir duquel les partenaires peuvent déclarer payer leurs impôts en commun. Nous souhaitons le ramener de trois à un an de vie commune.
    Monsieur le rapporteur général, vous parliez d'« optimisation fiscale ». C'est mettre l'intérêt à la place des sentiments. C'est un raisonnement qui ne sied pas dans un pays comme le nôtre. Dans un pays anglo-saxon, où on compte tout, oui. Mais les sentiments, monsieur le ministre, ne sont pas cotés en Bourse ! (Sourires.)
    A partir de là, je pense que vous devriez donner la possibilité aux couples non mariés d'accéder à un statut légal. Cela répondrait à une attente de nos concitoyens, comme l'atteste, ainsi que le disait notre collègue Sandrier, le nombre de PACS enregistrés.
    Démographe, spécialiste de la famille, M. Patrick Festy souligne, dans une étude publiée dans la revue mensuelle de l'Institut national des études démographique, Population et société, que, contrairement aux Pays-Bas, où un partenariat similaire au PACS existe, le nombre d'enregistrements de PACS ne décroît pas au fur et à mesure que s'éloigne la date d'entrée en vigueur de la loi. De même, il constate que la France enregistre un nombre de PACS supérieur de 60 % à celui des partenariats mis en place par les Pays-Bas.
    Pour en revenir à l'impôt sur le revenu, la loi prévoit que les partenaires font l'objet d'une imposition commune à partir des revenus de l'année du troisième anniversaire de l'enregistrement de leur pacte. Par contre, les bénéficiaires d'allocations ou d'aides sociales comme le RMI sont tenus de déclarer tous les revenus du couple dès la signature du PACS. Les allocations ainsi perçues sont nettement inférieures à ce que pourraient espérer toucher deux célibataires. Evidemment, cette mesure s'applique également aux personnes mariées mais, en contrepartie, celles-ci bénéficient immédiatement d'avantages fiscaux. Dans les faits, un couple dont les deux individus seraient en situation précaire et susceptibles de se pacser aura tout intérêt à s'abstenir de créer ce lien. Il existe donc une inégalité fiscale devant le PACS, et notre amendement entend bien y remédier. Et, contrairement à ce que disait le rapporteur général, c'est plutôt le fait de ne pas se pacser qui optimise la situation. Je vois donc dans votre raisonnement, monsieur Carrez, une sorte de reste d'intégrisme moral, digne de l'ordre moral auquel certains d'entre vous...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Qui est visé ? Le rapporteur général ou moi-même ?
    M. Jean-Pierre Brard. Les deux. Le « marinier » et le « bocager », si j'ose dire. (Sourires.)
    De ce point de vue, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur général, mettez-vous en phase avec la société telle qu'elle est, et ne cédez pas à la pression, j'allais dire des plus vertueux d'entre vous, mais non, pas des plus vertueux, des plus bornés d'entre vous !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. La chute est mauvaise !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est vrai ou ce n'est pas vrai ? Là est la question !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s'agit d'un amendement de repli, puisque vous voudriez réduire de trois à un an le délai au terme duquel on pourrait bénéficier de l'imposition commune. Cher collègue Brard, il n'y a aucun attachement à je ne sais quel ordre moral. Il y a uniquement une croyance, une conviction - et je sais que vous la partagez - dans les vertus du mariage. Parce que le mariage, c'est le mariage d'amour. C'est un statut que l'on choisit, et du choix duquel les considérations fiscales sont très éloignées. Par conséquent, il est nécessaire, dès lors que l'on veut protéger le mariage, de créer une différence - fût-elle réduite, puisqu'il ne s'agit que d'attendre un délai de trois ans - entre le mariage et le PACS. Je veux donc moins porter un jugement sur le PACS que manifester la confiance totale que j'ai envers l'institution du mariage, qu'il convient de protéger. Avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ce serait une bonne chose si je pouvais éviter que M. Brard en rajoute sur ces questions relatives au PACS et au mariage. Ce sont des questions purement juridiques, M. Brard. Il faut tout de même une certaine stabilité pour pouvoir accéder à un dispositif fiscal de couple. Trois ans - et vous en avez débattu très longuement au sein même de cette assemblée lorsque ce délai a été arrêté - est apparu comme une nécessité absolue. A défaut, un contribuable, voyant des ressources s'annoncer pour l'année suivante, pourrait, pourquoi pas, simuler au moyen d'un PACS une nouvelle union - qu'il romprait l'année suivante par simple lettre recommandée avec accusé de réception - pour bénéficier d'un régime fiscal favorable. Le législateur de l'époque - et vous en étiez - a considéré que pour éviter des tentations fiscales de cette nature, il fallait au moins instaurer un délai de trois ans. Je crois que la sagesse est d'en rester à ce délai. C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, je ne pense pas qu'il s'agisse seulement de questions juridiques. Ce sont des questions qui relèvent de la sphère privée, un peu comme les choix de croyance ou de non-croyance, en matière religieuse. Je pense que l'institution publique n'a pas à s'immiscer dans ces choix. Et si l'on pense qu'il doit en être ainsi, il faut créer des conditions d'égalité, pour que la décision relève strictement de la sphère privée. Je ne vous renverrai pas à la fameuse interview qu'a donnée notre collègue Charles de Courson dans Libération - sur toute une page, rappelez-vous ! - lorsque nous débattîmes du PACS. Les états d'âme très profonds qui agitaient notre collègue montraient bien, en fin de compte, qu'il fallait maintenir tout cela dans la sphère privée.
    L'amour que vous évoquiez, monsieur le rapporteur général, ce n'est pas au législateur d'en décider. C'est à deux individus de trancher cette affaire-là. Il faut une égalité parfaite entre le mariage et le PACS, ce dernier pouvant d'ailleurs parfois être une étape intermédiaire vers le mariage.
    Monsieur le ministre, quand vous parlez de « simulation »...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je parlais de simulation fiscale !
    M. Jean-Pierre Brard. J'avais bien compris ! Derrière ce mot de simulation, j'entends déjà « dissimulation fiscale » : je discerne là l'esprit de méfiance qui vous habite à l'égard de ceux qui pourraient tricher, alors qu'ils n'ont fait qu'un choix de vie personnel, et...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mais vous savez, ce sont peut-être des riches ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Si ce sont des riches, c'est bien la première fois depuis le début de la discussion que vous vous en occuperiez ! Dans ce cas, je vous propose de considérer que, si ce sont des riches, cela ne relève plus de la sphère privée, mais de la sphère collective, pour qu'on partage.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 105, ainsi rédigé :
    « Après l'article 4, insérer l'article suivant :
    « I. - Dans la première phrase du dernier alinéa du 1 de l'article 6 du code général des impôts, les mots : "de l'année du troisième anniversaire sont remplacés par les mots : "de l'année du deuxième anniversaire.
    « II. - Les deux plus hautes tranches de l'impôt sur le revenu sont relevées à due concurrence. »
    La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. Cet amendement de repli tend à améliorer les dispositions fiscales applicables dans le cadre du PACS, en raccourcissant le délai à partir duquel les partenaires peuvent déclarer payer leurs impôts en commun.
    Nous souhaitons ramener ce délai de trois à deux ans de vie commune. Les opposants au PACS, les plus modérés comme les plus violents, ont dénoncé dans le PACS une « menace » contre la famille, la filiation, le mariage, les finances du pays, l'ordre public, etc. Force est pourtant de constater que le grand cataclysme n'a pas eu lieu. Comparé aux 350 000 mariages célébrés entre novembre 1999 et mars 2001, le PACS n'est, à l'évidence, pas venu concurrencer l'institution matrimoniale, tant il est vrai que rien ne vaut le statut de conjoint pour ceux qui recherchent un maximum de sécurité juridique. Le mariage a même connu un regain de vigueur, avec 20 000 célébrations de plus en 2001 que l'année précédente. Il n'y a donc pas eu de cataclysme.
    Il est également temps, au vu des statistiques, de faire taire définitivement les assertions selon lesquelles le PACS aurait facilité les procédures d'immigration. Souvenons-nous, en effet, des prédictions d'un député qui siégeait à l'époque dans l'opposition, et selon lesquelles, le PACS serait en réalité, notons cette belle expression « la voiture-balai des régularisations des sans-papiers. » Et permettons-nous de les confronter aux chiffres fournis par le ministère de l'intérieur : sur les quelque 37 000 PACS signés en mars 2001, seuls 297 auraient donné lieu à une demande de titre de séjour, 163 de ces demandes aboutissant à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ». Au total, les statistiques dessinent un PACS conforme aux intentions du législateur, mais toujours amendable. C'est un instrument juridique susceptible d'intéresser toutes les personnes vivant en couple et qui ne peuvent ou ne veulent se marier mais qui, quel que soit leur sexe, ont un projet commun de vie. Compte tenu de tous ces éléments, que vous ne pouvez pas ignorer, monsieur le ministre, vous avez le devoir de nous éclairer sur les raisons qui vous conduisent à refuser d'élargir aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité les dispositions du code général des impôts. Tel est, en tout cas, le sens de notre amendement.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. J'ai déjà répondu sur le fond. Avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 105.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Carrez, rapporteur général, et M. Marleix ont présenté un amendement, n° 40 rectifié, ainsi libellé :
    « Après l'article 4, insérer l'article suivant :
    « I. - L'article 32 du code général des impôts est ainsi modifié :
    « A. - Le 1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Dans le cas où le contribuable détient des parts de sociétés, autres que celles visées à l'article 1655 ter, qui donnent en location des immeubles nus et dont les résultats sont imposés dans les conditions prévues à l'article 8, la limite de 15 000 euros est appréciée en tenant compte du montant du revenu brut annuel défini aux articles 29 et 30 à proportion de ses droits dans les bénéfices comptables de ces sociétés. Le revenu imposable est déterminé en tenant compte de cette quote-part. »
    « B. - Le 2 est ainsi modifié :
    « 1° Le d est complété par les mots : "lorsque leur détenteur n'est pas propriétaire d'un immeuble donné en location nue ;
    « 2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
    « e) Parts de sociétés, autres que celles visées à l'article 1655 ter, qui donnent en location un immeuble visé aux a, b et c ou qui font l'objet de la déduction au titre de l'amortissement prévue à l'article 31 bis et dont les résultats sont imposés dans les conditions prévues à l'article 8. »
    « II. - Les dispositions du I s'appliquent à compter de l'imposition des revenus de l'année 2003.
    « III. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. le rapporteur général.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement, adopté par la commission après avoir été proposé par notre collègue Alain Marleix, tend à permettre aux détenteurs de parts de sociétés de personnes non transparentes de bénéficier du régime dit du « micro foncier », alors qu'elles en étaient jusqu'à présent exclues. Ce régime joue en deçà du plafond de 15 000 euros, apprécié par rapport au revenu brut annuel global de la société. Et bien entendu, s'agissant des personnes détentrices de parts, il jouerait proportionnellement au nombre de parts.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est une mesure de simplification à laquelle je donne naturellement mon accord, et je lève le gage.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40 rectifié, compte tenu de la suppression du gage.
    (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
    M. le président. M. Herth et Mme Grosskost ont présenté un amendement, n° 373, ainsi libellé :
    « Après l'article 4, insérer l'article suivant :
    « I. - Après le 1 quater de l'article 39 quaterdecies du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « 1 quinquies. - Par dérogation aux dispositions du 1, la plus-value nette à court terme réalisée à la suite de la cession d'un fonds de commerce ou de clientèle, pour le paiement de laquelle le vendeur a accordé un crédit personnel, peut être répartie sur plusieurs années, en fonction de l'échéancier convenu par les parties dans la limite de cinq ans. »
    « II. - Les pertes de recettes pour le budget de l'Etat sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. Jacques Le Guen, pour soutenir cet amendement.
    M. Jacques Le Guen. Monsieur le ministre, cet amendement concerne l'étalement du paiement de l'impôt en cas de crédit vendeur. Bien souvent, lors d'une transmission, le cédant est prêt à accorder au repreneur un crédit vendeur qui lui permettra de reprendre l'entreprise dans de bonnes conditions. Malheureusement, le cédant, alors même qu'il ne dispose pas de la somme totale de la vente, doit, par contre, acquitter immédiatement l'impôt sur la plus-value. Il peut même arriver que le montant de l'impôt à acquitter sur la plus-value soit supérieur au produit de la vente. C'est ainsi que pour les commerçants et artisans, qui n'ont la plupart du temps qu'un seul salarié, la marche est souvent trop haute et le vendeur est obligé d'ajouter à la valeur du fonds le montant de l'impôt sur la plus-value.
    Il convient donc d'adapter le coût fiscal de la transmission en étalant le paiement de l'impôt sur les plus-values des titres ou des actifs d'une entreprise sur la durée du crédit vendeur éventuellement acordé par le cédant. C'est l'objet de cet amendement, qui, en introduisant une certaine souplesse, permettrait éventuellement aux salariés de reprendre ces petits commerces, en relançant les crédits vendeurs.
    Lors de la discussion dans cette assemblée, il y a quelques mois, du projet relatif à l'initiative économique, M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, nous annonçait que le Gouvernement avait décidé de mettre en oeuvre cette mesure d'étalement. La direction générale de la comptabilité publique devait donner très rapidement à ses services toutes les instructions permettant d'échelonner le paiement de l'impôt sur une durée pouvant aller jusqu'à trois ans, selon le calendrier du paiement du prix de cession. Aussi le dépôt de cet amendement vise-t-il surtout à vous demander, monsieur le ministre, ce qu'il en est aujourd'hui.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a examiné cet amendement et l'a repoussé. Non pas qu'elle y soit opposée mais elle attend des informations plus précises. Notre collègue Jacques Le Guen a d'ailleurs laissé entendre que c'était là le but poursuivi par les auteurs de l'amendement.
    Notre assemblée a examiné cette question à l'occasion de la discussion du projet de loi relatif à l'initiative économique, il y a quelques mois. Et je me souviens, puisque je rapportais les dispositions fiscales de ce texte, avoir insisté sur la nécessité de pouvoir payer l'impôt sur la plus-value de façon fractionnée, afin de faire bénéficier l'acheteur d'un crédit vendeur. A l'époque, le secrétaire d'Etat, Renaud Dutreil, avait émis un avis plutôt favorable en précisant qu'une telle mesure relevait d'une instruction fiscale qui serait préparée prochainement. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner des précisions sur le degré d'avancement de cette instruction que nous attendons avec impatience ?
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Le Guen, j'entendais hier que le Gouvernement n'était peut-être pas suffisamment à l'écoute de l'Assemblée - même si ce n'était pas de votre côté de l'hémicycle que cette remarque était faite - et je voudrais profiter de l'occasion que vous me donnez de montrer le contraire. On a là, en effet, l'exemple d'un travail tout à fait fécond : vous avez utilement alerté Renaud Dutreil sur les difficultés qui se posent dans le cas que vous avez cité et j'ai le plaisir de vous annoncer que cette instruction a été signée aujourd'hui même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Elle vous sera donc adressée, ainsi qu'à la commission des finances.
    M. le président. La parole est M. le rapporteur général.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Permettez-moi, dès lors, monsieur le président, d'évoquer l'amendement n° 372 que nous examinerons après l'amendement n° 327 de M. Brard et qui traite du même problème mais pour les plus-values à court terme. Monsieur le ministre, l'instruction qui a été signée traite-t-elle des deux types de plus-value, à plus de deux ans et à moins de deux ans ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Compte tenu du caractère imprécis des informations qui me sont données, je mettrai à profit l'intervalle entre cette séance et la suivante pour vérifier ce point, et je vous donnerai l'information. En tout état de cause, si les plus-values à court terme évoquées par le rapporteur général n'étaient pas concernées, je veillerai moi-même à ce que cela puisse être régularisé dans les plus brefs délais.
    M. le président. Ces éléments vous satisfont-ils, monsieur Le Guen ?
    M. Jacques Le Guen. Je crois pouvoir parler au nom de M. Herth et de Mme Grosskost, qui avaient beaucoup travaillé sur ce sujet, en disant que la réponse de M. le ministre nous satisfait, et que nous retirons bien entendu cet amendement.
    M. le président. L'amendement n° 373 est retiré.
    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION
ET SÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE

Communication relative à la désignation
d'une commission mixte paritaire

    M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

    « Paris, le 16 octobre 2003.

                    « Monsieur le président,
    « Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France.
    « Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.
    « J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.
    « Veuillez agréer, M. le président, l'assurance de ma haute considération. »
    Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

3

ORDRE DU JOUR
DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2004, n° 1093 :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 1110).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexe au procès-verbal
de la 2e séance
du jeudi 16 octobre 2003
SCRUTIN (n° 326)


sur l'article 3 du projet de loi de finances pour 2004 (amélioration de la prime pour l'emploi).

Nombre de votants

52


Nombre de suffrages exprimés

44


Majorité absolue

23


Pour l'adoption

38


Contre

6

    L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (364) :
    Pour : 37 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votants : MM. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale) et Éric Raoult (président de séance).
Groupe socialiste (149) :
    Contre : 2. - M. Jean-Louis Idiart et Mme Ségolène Royal.
    Abstentions : 8 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Pour : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Contre : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12).