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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MARDI 21 OCTOBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du lundi 20 octobre 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES

1.  Modification de l'ordre du jour prioritaire «...».
2.  Loi de finances pour 2004 (première partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

Rappel au règlement «...»

M. François Bayrou, Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes ; M. le président.

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Article 41 «...»
Prélèvement au titre du budget
des Communautés européennes

Mme la ministre.
M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances.
M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances.
M. René André, suppléant M. Roland Blum, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
M. Pierre Lequiller, président de la délégation à l'Union européenne.
MM. Jean-Claude Sandrier, Christian Philip, Mme Elisabeth Guigou, M. Gilbert Gantier.
MM. Jacques Myard, François Bayrou.
Mme la ministre.
Adoption de l'article 41.

Suspension et reprise de la séance «...»
Rappels au règlement «...»

MM. Didier Migaud, Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire ; Augustin Bonrepaux.

Article 14 «...»

M. Jean-Louis Dumont.
Amendement n° 66 de M. Michel Bouvard : MM. Michel Bouvard, le rapporteur général, le ministre. - Retrait.
Amendement n° 45 de la commission des finances : M. le rapporteur général. - Adoption.
Adoption de l'article 14 modifié.

Après l'article 14 «...»

Amendement n° 48 rectifié de la commission : MM. le rapporteur général, le ministre. - Retrait.
Amendement n° 156 de M. Brard : MM. Jean-Claude Sandrier, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 149 de M. Brard : MM. Jean-Claude Sandrier, le rapporteur général, le ministre, Didier Migaud. - Rejet.
Amendement n° 150 de M. Brard : M. Jean-Claude Sandrier.
Amendements n°s 151 à 153 de M. Brard : MM. Jean-Claude Sandrier, le rapporteur général, le ministre, Jean-Louis Dumont, Gérard Bapt. - Rejet de l'amendement n° 150.
M. le rapporteur général. - Rejet des amendements n°s 151 à 153.
Amendements n°s 109 et 110 de M. Brard et 380 rectifié de M. Bonrepaux : MM. Jean-Claude Sandrier, Jean-Louis Idiart, le rapporteur général, le ministre. - Rejet de l'amendement n° 109.
MM. le rapporteur général, le ministre. - Rejet de l'amendement n° 110.
MM. le rapporteur général, le ministre. - Rejet de l'amendement n° 380 rectifié.
Amendements n°s 111 et 108 de M. Brard : MM. Jean-Claude Sandrier, le rapporteur général, le ministre. - Rejets.
Amendement n°s 145 et 146 de M. Brard : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur général, le ministre, Didier Migaud, Hervé Mariton. - Rejets.
Amendement n° 342 de M. Brard : MM. Jean-Claude Sandrier, le rapporteur général. - Rejet.
Amendement n° 356 corrigé de M. Philippe Martin : MM. Didier Migaud, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 157 de M. Brard : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur général. - Rejet.
Amendement n° 164 de M. Brard : MM. Jean-Claude Sandrier, le rapporteur général, le ministre, Jean-Pierre Brard. - Rejet.
Amendements identiques n°s 174 de M. Brard et 214 de M. Eric Besson : MM. Jean-Pierre Brard, Augustin Bonrepaux, le rapporteur général, le ministre. - Rejet par scrutin.

Rappels au règlement «...»

MM. Augustin Bonrepaux, Didier Migaud, le président.

Reprise de la discussion «...»

Amendement n° 175 de M. Brard : MM. Jean-Claude Sandrier, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.
Amendements identiques n°s 184 de M. Brard et 215 de M. Eric Besson : MM. Jean-Pierre Brard, Augustin Bonrepaux, le rapporteur général, le ministre, Didier Migaud. - Rejet par scrutin.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

MODIFICATION
DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE

    M. le président. Il résulte d'une lettre de M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement en date du lundi 20 octobre 2003 que la séance prévue demain matin pour l'examen de deux propositions de résolution européennes est supprimée.

2

LOI DE FINANCES POUR 2004
PREMIÈRE PARTIE
Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2004 (n°s 1093, 1110).

Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. François Bayrou, pour un rappel au règlement.
    M. François Bayrou. Je suis, monsieur le président, de ceux qui, non seulement croient, mais également savent que les questions relatives à l'Europe sont essentielles pour notre avenir. Toutefois, il en est d'autres, plus intérieures, qui doivent appeler toute notre attention. Comme chacun le sait, un débat va avoir lieu dans cette assemblée, débat qui touche au projet social pour la France, puisqu'il portera sur l'allocation spécifique de solidarité, l'ASS, c'est-à-dire l'allocation versée aux chômeurs en fin de droits.
    Alors qu'il s'agit d'un débat très important, il semble, puisque la presse bruisse d'informations en ce sens - alors que nous, nous n'en sommes pas le moins du monde avertis officiellement - , que le Gouvernement aurait des propositions à formuler, voire des ouvertures à faire en direction de ceux qui, comme le groupe UDF, sont opposés à la suppression de l'ASS.
    Tout le monde voit bien l'importance de ce débat, à la fois pour l'issue du vote du projet de loi de finances et au regard du projet social que le Gouvernement veut mettre en oeuvre pour la France.
    Voilà pourquoi, monsieur le président, je demande au Gouvernement - et je comprends que Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, ne soit pas en situation de me répondre - à quelle heure il compte organiser le débat sur l'article 40, car celui-ci doit avoir lieu à une heure décente pour que les citoyens français puissent le suivre. Le Gouvernement a-t-il l'intention de demander la réserve de l'article 40 afin que nous puissions l'examiner ultérieurement - demain par exemple ? Autre hypothèse : peut-on appeler cet article ce soir, à vingt et une heures trente en début de séance, afin que nous puissions avoir un débat convenable, digne de ce nom, au cours duquel nous pourrons échanger des arguments et présenter nos conceptions sur ce sujet de première importance pour l'avenir national.
    Si Mme Lenoir ne peut me répondre immédiatement, je suis prêt à demander une suspension de séance pour permettre au Gouvernement de préciser à quelle heure et dans quelles conditions ce débat aura lieu.
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président Bayrou, nous avons bien conscience de l'importance de votre question. Elle va être transmise sans délai au secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Toutes les précisions souhaitables vous seront fournies en temps et en heure.
    M. François Bayrou. A votre avis, madame la ministre, en quel temps et à quelle heure ?
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Pour l'instant, le déroulé de la séance est conforme à ce qu'il doit être, c'est-à-dire que les articles du projet de loi de finances sont examinés dans l'ordre où ils doivent être appelés. Il n'y aura pas de retard.
    M. le président. La parole est à M. François Bayrou.
    M. François Bayrou. Sans vouloir nouer un débat avec Mme la ministre, je lui demande si elle pense que nous pouvons avoir des précisions sur l'organisation du débat dans un délai raisonnable. Etant donné les égards que tout gouvernement doit à l'Assemblée nationale, une réponse sur ce point très important devrait pouvoir être fournie dans la prochaine heure.
    M. le président. Je ne crois pas, monsieur Bayrou, que Mme la ministre soit en mesure de vous répondre, mais votre message a été entendu et je pense que nous obtiendrons une réponse dans des délais très raisonnables.

Discussion des articles (suite)

    M. le président. Nous allons examiner, dans les conditions arrêtées par la conférence des présidents, l'article 41 relatif à l'évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes.

Article 41
Prélèvement au titre du budget
des Communautés européennes

    M. le président. « Art. 41. - Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes est évalué pour l'exercice 2004 à 16,4 milliards d'euros. »
    La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Mesdames, messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous présenter le projet de budget de l'Union européenne pour l'année à venir, et ses conséquences sur le budget de l'Etat, au titre du prélèvement européen.
    Ce rendez-vous annuel est toujours particulièrement utile dans l'orientation de notre politique européenne. Nous aurons bientôt d'autres occasions de débattre de l'Europe, ici même, avec la ratification du traité d'élargissement. Mais nous avons l'opportunité, aujourd'hui, d'examiner, sous le prisme financier, les mutations historiques que connaît actuellement l'Union européenne.
    Permettez-moi de saluer en préambule le rapporteur général du budget, M. Carrez, le rapporteur spécial de la commission des finances, M. Dumont, le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, M. Blum, ainsi que M. Lequiller, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, et de les remercier pour les échanges si fructueux que nous avons pu nouer en prévision de la discussion de ce jour.
    Depuis notre débat, il y a presque un an jour pour jour, l'Union européenne a surmonté toutes les embûches qui semblaient se dresser sur son chemin, et ce en quatre principales étapes.
    Premièrement, la relance du moteur franco-allemand a permis, lors du Conseil européen de Bruxelles des 24 et 25 octobre 2002, de trouver un compromis qui garantit l'avenir de la PAC tout en assurant le financement de l'élargissement.
    Deuxièmement, sur cette base, le Conseil européen de Copenhague a pu ensuite, en décembre 2002, non seulement conclure les négociations d'adhésion des dix nouveaux pays, mais aussi définir un cadre financier pour l'Europe à vingt-cinq, conforme aux attentes des uns et des autres : d'un côté, le coût total de l'élargissement est contenu à hauteur de 42,5 milliards d'euros pour la période 2004-2006, c'est-à-dire dans les limites fixées par les perspectives financières ; de l'autre, grâce à un système de compensations transitoires, aucun des dix nouveaux Etats membres ne sera, pendant cette période, contributeur net, et tous bénéficieront de la PAC y compris d'aides directes agricoles.
    Troisièmement, le référendum irlandais sur le traité de Nice puis les scrutins organisés dans les pays candidats sur le traité d'élargissement ont permis de rendre tangible la perspective de l'unification du continent.
    Quatrièmement, enfin, la convention sur l'avenir de l'Europe a réussi à adopter par consensus un projet de Constitution européenne, qui répond aux ambitions de la France comme à celle de la grande et nouvelle Europe.
    C'est donc sous de bons auspices que se présente le budget européen pour l'année 2004. Je retracerai d'abord ses grandes lignes, puis j'évoquerai la contribution française qui en découle, avant de parler de l'avenir du budget européen, tant en ce qui concerne la prochaine révision des perspectives financières qu'au regard de la nouvelle procédure budgétaire proposée par la convention sur l'avenir de l'Europe.
    Le budget de l'Union européenne, d'abord.
    Le projet de budget pour 2004 est d'une certaine façon une première. C'est en effet le premier exercice budgétaire qui s'inscrit dans le cadre de l'Europe élargie à vingt-cinq Etats. Du fait de l'adhésion de dix nouveaux Etats membres, le 1er mai prochain, ce sont en fait deux budgets qui sont examinés simultanément : le budget de l'Union à quinze, « à périmètre constant », et le budget de l'Union à vingt-cinq, établi par la Commission sur la base de l'accord de Copenhague et du traité d'élargissement qui n'entrera en vigueur que le 1er mai prochain.
    Premier enseignement : en grandes masses, le budget de l'Union a peu évolué sur la période récente. Il est depuis quelques années d'un montant proche de 100 milliards d'euros. Le projet de budget de l'Union à quinze reste stable, proche de ce niveau, avec une augmentation limitée à 0,4 %.
    Le budget de l'Union à vingt-cinq sera, en revanche, et de façon logique, en augmentation de 12 %, pour atteindre 111,9 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit 1,10 % du PNB communautaire. Il augmentera en crédits de paiement dans de moindres proportions : 3 % seulement, du fait notamment de la montée en charge progressive des décaissements, pour s'établir à 100,1 milliards d'euros.
    Examinons maintenant les rubriques du projet de budget de l'Union élargie à vingt-cinq.
    Ce projet prévoit tout d'abord, dans sa première rubrique, une progression de 6,6 % des dépenses agricoles. L'enveloppe étant stable pour les Quinze, l'augmentation reflète essentiellement les nécessités de l'intégration progressive des nouveaux Etats membres au sein de la PAC. L'agriculture représente toujours le premier poste du budget communautaire, avec 47,7 milliards d'euros, soit 42,6 % des dépenses totales.
    Au-delà de l'année prochaine, l'accord du Conseil européen de Bruxelles d'octobre 2002, complété par le compromis arrêté par le conseil des ministres de l'agriculture du 26 juin dernier, prévoit, jusqu'en 2013, un budget agricole stable pour l'Europe à vingt-cinq, ce qui assure le maintien global des enveloppes consacrées à l'agriculture française et à ses territoires, tout en permettant d'adapter ses mécanismes aux besoins actuels de l'agriculture européenne.
    L'horizon des 14 millions d'agriculteurs européens est donc dégagé pour les années à venir.
    La deuxième rubrique du budget communautaire, consacrée à la politique régionale, enregistre une hausse de 20,8 % en crédits d'engagement. Cette rubrique demeure le deuxième poste du budget de l'Union, avec 36,7 % des dépenses.
    M. Jacques Myard. C'est trop !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Ses crédits de paiement sont en revanche en recul de près de 8 %. Cette diminution ne fait que traduire les conséquences de la fâcheuse sous-consommation des crédits de la politique régionale, en adaptant les prévisions de dépense au rythme réel d'exécution.
    M. Jacques Myard. CQFD !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Les autres politiques internes, regroupées traditionnellement dans la troisième rubrique du budget communautaire, sont dotées de 8,6 milliards d'euros, soit 7,7 % du budget total ; elle sont en progression de plus de 26 %.
    Cette augmentation est certes essentiellement liée à l'élargissement. Cependant, elle reflète aussi l'attention croissante portée à ces politiques, car, comme vient de l'affirmer encore récemment le Conseil européen, ces politiques sont au coeur des priorités de l'Europe en matière de relance de la croissance. Elles s'expriment dans plusieurs initiatives proposées par la Commission, la présidence italienne, et par le biais de la déclaration du dernier conseil des ministres franco-allemand du 18 septembre, auquel s'est joint le Royaume-Uni.
    Au sein de cette rubrique, les dépenses relatives à la recherche et au développement technologique, si indispensables à la compétitivité, confirment ainsi leur prédominance, devant les réseaux transeuropéens et les actions en matière d'éducation et de formation, deux domaines qui sont à la base de l'Europe de la connaissance.
    Les actions extérieures de l'Union européenne, qui figurent dans la quatrième rubrique, s'établissent quant à elles à 4,9 milliards d'euros en crédits d'engagement. Ces dépenses n'étant pas directement influencées par l'élargissement, elles sont en progression plus légère : 2,7 %.
    Elles se caractérisent notamment par une poursuite de l'effort en direction des Balkans occidentaux et des pays méditerranéens. Elles comportent par ailleurs une majoration des aides versées à l'Afghanistan - au passage, on peut noter que, toutes aides confondues, l'Union européenne est le premier bailleur de fonds de ce pays, devant les Etats-Unis.
    L'Union européenne interviendra en principe également dans la reconstruction de l'Irak, à hauteur de 200 millions d'euros.
    La cinquième rubrique du budget concerne les dépenses administratives. Elles représentent 5,4 % du budget communautaire et leur niveau est stable en valeur relative.
    Du fait de l'élargissement, le projet de budget prévoit la création de 1688 emplois, notamment des traducteurs. Au total, toutes les institutions de l'Union européenne emploieront à peine 35 000 agents environ.
    La sixième rubrique regroupe les aides de pré-adhésion. Celles-ci sont naturellement en très forte diminution. Elles chutent de plus de 50 %, puisqu'elles ne concernent désormais que trois pays : la Roumanie, la Bulgarie et la Turquie.
    Permettez-moi de souligner que l'octroi d'aides de pré-adhésion ne préjuge en rien de l'issue de la candidature de la Turquie. Il n'est en effet que la simple conséquence du statut de pays candidat reconnu à la Turquie par le Conseil européen d'Helsinki de 1999. Conformément aux conclusions du Conseil européen de Copenhague à la fin de 2002, c'est en décembre de 2004 que les chefs d'Etat ou de gouvernement décideront de l'ouverture éventuelle de négociations d'adhésion avec la Turquie, sur la base d'un rapport préalable de la Commission. En tout état de cause, il n'est nullement question de transiger sur le respect des engagements en matière de droits de l'homme ni sur l'instauration d'un véritable Etat de droit, qui sont à la base des principes et des valeurs de l'Union.
    Quel jugement global porter ? Au vu de toutes les rubriques du budget communautaire, le gouvernement français estime que celui-ci répond à ses objectifs.
    En premier lieu, il est conforme à notre souci de maîtrise budgétaire en restant dans le cadre des perspectives financières arrêtées pour 2000-2006 par le Conseil européen de Berlin.
    En deuxième lieu, il garantit cependant un niveau élevé d'intervention dans les domaines qui constituent des priorités pour notre pays, en particulier pour ce qui concerne la politique agricole commune et la politique régionale.
    En troisième lieu, il permet à l'Union de renforcer sa présence dans des domaines qui sont pour nous stratégiques, comme la recherche et le développement technologique.
    Enfin, il apporte un soutien nécessaire à l'adhésion des dix nouveaux Etats membres en leur assurant d'emblée le bénéfice des politiques communes suivant une progression adaptée à leur capacité réelle d'absorption.
    J'en viens à l'analyse du prélèvement communautaire lui-même.
    C'est dans ce contexte que la contribution française au budget communautaire devrait s'établir à 16,4 milliards d'euros en 2004. Ce montant, qui représente 6,5 % de nos recettes fiscales nettes, paraît, somme toute, très modeste...
    M. Jacques Myard. Tu parles !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... si on le rapporte aux enjeux de la participation de notre pays à la construction européenne.
    M. Jacques Myard. Rendez-nous notre pognon !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Ce montant est en outre égal à la prévision d'exécution du prélèvement pour recettes en 2003, pour deux raisons principales.
    D'abord, le prélèvement budgétaire pour 2003 devra être supérieur au montant inscrit dans la loi de finances, essentiellement en raison de l'écart entre les prévisions économiques antérieures et les prévisions révisées pour 2003.
    A l'opposé, notre participation financière à l'élargissement n'évoluera quant à elle que très progressivement. Elle est compensée cette année par d'autres facteurs, comme la réduction des crédits de paiement sur les fonds structurels.
    En 2004, la France devrait rester deuxième contributeur derrière l'Allemagne, avec une participation à hauteur de 17 % du budget de l'Union élargie. Dans le même temps, elle demeurera le deuxième bénéficiaire du budget communautaire derrière l'Espagne, principalement du fait de la politique agricole commune. La France a, en effet, bénéficié en 2002 de 22 % des dépenses agricoles communautaires, à comparer au ratio de 9 % seulement pour ce qui concerne la politique régionale.
    Toutefois, il est évident que l'arithmétique des soldes nets ne peut pas être la boussole de notre engagement européen. Les soldes budgétaires ne reflètent pas les bénéfices globaux que notre pays retire, comme l'ensemble des Etats membres, de son appartenance à l'Union européenne, à savoir un continent pacifié,...
    M. Jacques Myard. Cela n'a rien à voir avec l'Europe !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... une culture mieux protégée, un marché unifié de bientôt un demi-milliard d'habitants, une monnaie de statut international et une influence sur les équilibres mondiaux là où l'Union européenne sait parler d'une seule voix.
    M. Jacques Myard. On peut toujours rêver !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Tous ces atouts, nous les devons à l'Europe. C'est donc à cette aune qu'il faut considérer, selon nous, l'équation budgétaire de notre pays et apprécier la place qu'occupe la France parmi les contributeurs nets. Elle n'est pas au premier rang, avec un solde net qui, selon les années, est compris entre 1 et 3 milliards d'euros. Celui-ci s'est élevé à 1,9 milliard d'euros en 2002, ce qui place la France au cinquième rang des contributeurs en valeur absolue, derrière l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Italie et les Pays-Bas, et même en septième position pour les soldes exprimés en pourcentage du PNB.
    Quant au coût budgétaire net pour la France de l'élargissement, il ne sera que de 2,6 milliards d'euros de 2004 à 2006, ce qui représentera moins de 1 milliard d'euros par an en moyenne et 15 euros par Français et par an jusqu'à la fin de cette période, ce qui, reconnaissons-le, est plus que raisonnable.
    Je voudrais, à ce stade, souligner un paradoxe : d'un côté, la France a su faire valoir ses droits dans la négociation sur le budget et sur les politiques de l'Union de manière à en être bénéficiaire mais, de l'autre, nous n'avons pas connu tout à fait le même succès pour consommer les fonds qui nous ont été alloués dans le cadre de la politique régionale - je sais que ce point est l'objet d'un souci constant chez vous tous, élus.
    La sous-exécution des fonds structurels est certes un problème, mais qui dépasse le cadre français : il est général en Europe. Cela dit, il revêt dans notre pays, chacun en est conscient, une acuité toute particulière. Le Gouvernement a donc pris en 2002, sous l'égide de Jean-Paul Delevoye, une série de mesures pour alléger les procédures et renforcer les dispositifs d'appui et d'animation. Ces mesures, et il faut s'en féliciter, ont porté leurs premiers fruits. En un an, le taux de programmation a atteint l'objectif fixé et le niveau de consommation des fonds structurels s'est nettement redressé. Cette évolution concerne au premier chef l'objectif 2 des fonds structurels, pour lesquels la France est passée entre septembre 2002 et septembre 2003 du dixième au septième rang des douze pays concernés.
    Cependant, beaucoup reste à faire et nous ne devons en aucun cas relâcher l'effort car le risque de dégagement d'office, c'est-à-dire la perte de crédits à la fin de l'année 2003, est, hélas, loin d'être une hypothèse d'école. Si plusieurs régions comme les Pays de la Loire, la Picardie ou la Réunion sont très avancées, d'autres ne semblent pas parvenir, en revanche, à résorber leur retard.
    Le Premier ministre a demandé à la DATAR, aux préfectures et aux autres services de l'Etat concernés de se mobiliser. Sachez que notre implication auprès des élus est totale. Je compte sur vous, mesdames, messieurs les députés, pour nous aider à relayer cet effort absolument indispensable.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Certainement !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Je vous remercie.
    Venons-en maintenant aux perspectives financières qui s'annoncent pour les années 2007-2013. J'aimerais vous faire part de nos premières orientations.
    Les négociations, qui commenceront au début de l'année prochaine, se prolongeront jusqu'en 2006, mais le Gouvernement s'y prépare déjà activement, en concertation avec plusieurs de nos partenaires, notamment avec le gouvernement allemand.
    Quels sont nos buts ? D'une part, garantir un financement viable de l'ensemble des politiques communes et, d'autre part, adapter ces dernières aux nouveaux défis de l'Europe. Nous voulons aussi rendre le système de financement de l'Union plus efficace et, surtout, plus équitable pour tous.
    A ce stade encore préliminaire, notre approche se fonde sur les éléments suivants :
    Premièrement, sur le respect des engagements pris sur la PAC, qui fixent le cadre et le contenu de cette politique jusqu'en 2013 ;
    Deuxièmement, sur une réorientation, normale, de la politique de cohésion vers les nouveaux adhérents, laquelle ne doit pas hypothéquer le financement de projets d'intérêt européen dans les régions des actuels Etats membres ;
    Troisièmement, sur un soutien accru à la croissance par une ambition renouvelée dans le domaine des transports, mais aussi de la recherche et de l'éducation ;
    Quatrièmement, sur la promotion de la sécurité et des actions extérieures, en particulier par la budgétisation du Fonds européen de développement, que nous avons demandée ;
    Cinquièmement, sur la rationalisation des actions de l'Union européenne car celle-ci n'échappe pas à l'obligation qui nous incombe désormais de penser « objectifs et résultats » et non pas seulement « moyens » ;
    Enfin, sur la recherche d'un plus grand équilibre dans le système de financement, ce qui implique une réflexion approfondie et prospective sur un éventuel impôt à transférer du niveau national au niveau communautaire, pour sauvegarder les politiques communes, ainsi qu'un réexamen complet des mécanismes de compensation budgétaire existants, y compris le fameux chèque britannique.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général, M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, M. Pierre Lequiller, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. Très bien !
    M. Jacques Myard. Rendez-nous notre pognon !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Quant à la conférence intergouvernementale, elle a sur sa table de négociation un texte qui prévoit la modernisation de la procédure budgétaire.
    En effet, il nous paraissait essentiel que la remise à plat du budget européen s'accompagne d'un toilettage de sa méthode d'élaboration.
    Mesdames, messieurs les députés, vous avez de très nombreuses fois relevé le caractère complexe de la procédure budgétaire européenne. Vous avez été entendus.
    M. Jacques Myard. Tiens, tiens !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. La Convention sur l'avenir de l'Europe s'est largement inspirée des propositions françaises en la matière.
    M. Jacques Myard. Je crains le pire ! (Sourires.)
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Trois points méritent à cet égard d'être soulignés.
    D'abord, le projet constitutionnel clarifie les procédures budgétaires européennes. En particulier, il abolit la distinction devenue par trop complexe entre dépenses obligatoires et dépenses non obligatoires, et formalise la pratique des perspectives financières, rebaptisées dans le texte de la Constitution « cadre financier pluriannuel ».
    Ensuite, le projet issu de la Convention tend à simplifier les procédures de décision, en particulier la procédure budgétaire annuelle. Il prévoit d'introduire la majorité qualifiée à terme pour l'adoption du cadre financierpluriannuel, et dès l'entrée en vigueur de la Constitution pour les modalités d'application des ressources propres du budget communautaire.
    M. Jacques Myard. Et voilà !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Enfin, les prérogatives budgétaires des parlements nationaux - vos prérogatives - seront intégralement préservées : les parlements nationaux conserveront le pouvoir de ratifier la création de nouvelles ressources propres, par exemple l'éventuel impôt transféré au niveau européen que j'ai évoqué tout à l'heure. De même, l'approbation des parlements nationaux sera requise pour toute révision du plafond global des ressources propres.
    Le seul ajustement significatif que nous souhaiterions voir adopter en ce domaine à l'occasion de la conférence intergouvernementale consisterait à veiller à une symétrie plus complète, plus équilibrée, des deux branches de l'autorité budgétaire - le Conseil et le Parlement européen - pour l'adoption du budget annuel.
    Dans l'ensemble, pour la procédure budgétaire comme pour toute l'architecture institutionnelle de la nouvelle et grande Europe, la Convention a permis, selon nous, des avancées déterminantes. La France s'en est félicitée et a adopté une position claire au sein de la conférence intergouvernementale : ne pas remettre en cause l'équilibre du projet adopté par la Convention, sauf pour y apporter les clarifications indispensables.
    Une Europe unifiée, une Europe aux institutions rénovées : c'est sous ce jour que l'Europe se présentera en 2004 à nos concitoyens. Notre responsabilité politique, notre devoir moral d'explication et de dialogue s'en trouvent évidemment renforcés. Depuis plus d'un an, avec votre soutien, j'ai pu sillonner la plupart des régions françaises, au cours d'une trentaine de « rencontres pour l'Europe » que j'ai pu animer et conjuguer avec plus de soixante déplacements dans tous les pays de l'Union élargie. Je présenterai après-demain, au conseil des ministres, une communication sur la citoyenneté européenne, fondement essentiel d'une Europe de proximité. Tout cela pour souligner que le Gouvernement est totalement engagé dans la tâche qui nous est commune de faire mieux comprendre l'Europe à nos concitoyens,...
    M. Jacques Myard. Cette tâche n'est pas facile !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... de faire mieux comprendre ses potentialités car l'Europe est...
    M. Jacques Myard. Notre avenir ! (Sourires.)
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... notre dessein.
    Les Français, nous n'en doutons pas, sont profondément européens, ce qu'ont d'ailleurs souligné les derniers sondages. Mais il faut, à l'heure de l'élargissement, continuer de dissiper les malentendus qui ont pu se faire jour récemment et qui ne correspondent nullement à la vocation historique de notre pays, qui a été l'un des bâtisseurs de l'Europe voici un demi-siècle. En particulier, il n'est pas bon de laisser penser que la France serait devenue, comme certains veulent le faire accroire, le mauvais élève de l'Europe.
    M. Jacques Myard. C'est bien, parfois, d'être mauvais élève !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Mauvais élève ? Certainement pas, comme en témoigne notre participation plus qu'active et constructive - Pierre Lequiller peut en parler - à la Convention sur l'avenir de l'Europe et à tous les compromis qui ont pu être établis depuis dix-huit mois. Que nous soyons dynamiques, que nous souhaitions faire entendre notre voix, oui certainement, car la France veut continuer d'être une force d'impulsion en Europe. Elle veut aider l'Europe à tenir toute sa place dans le monde et à assurer la sécurité et le bien-être de nos concitoyens. C'est sa vocation et c'est la nôtre.
    Je vous remercie par avance de votre contribution à ce grand projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jacques Myard. Nous vous applaudissons quand même !
    M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, mes chers collègues, au terme d'un doublement depuis le début des années 90, le prélèvement sur recettes au profit des Communautés européennes devrait rester stable entre 2003 et 2004 pour s'établir à 16,4 milliards d'euros, après avoir augmenté de 9 % entre 2002 et 2003.
    Au-delà des raisons particulières de cette progression, liées à des progrès dans l'exécution du budget communautaire et aux conséquences de la réforme de son mode de financement en 2000, l'essentiel est la nouvelle étape de la construction européenne que concrétise l'année 2004. En effet, le 1er mai prochain, dix nouveaux Etats membres rejoindront l'Union. Cette opportunité historique, qu'il faut accueillir avec enthousiasme et ambition, constitue aussi un lourd défi financier pour l'Union européenne.
    Je rappelle en effet qu'à Copenhague les « Vingt-cinq » se sont entendus sur la fixation d'une enveloppe financière de plus de 45 milliards d'euros - d'euros 2004 - à l'intention des nouveaux adhérents, entre 2004 et 2006, soit à terme une augmentation de plus de 15 % du budget communautaire. Le choix généreux et équitable a été fait d'étendre l'ensemble des programmes existants aux nouveaux Etats membres et de leur consentir des facilités budgétaires supplémentaires, liées notamment à des actions spécifiques, concernant par exemple la sécurité nucléaire ou la surveillance des frontières communes.
    On le voit bien, le « choc » de l'élargissement est considérable pour les finances publiques européennes. Pour relever ce défi, trois conditions fondamentales doivent être remplies.
    La première consiste, comme pour le budget national, à s'astreindre à une discipline budgétaire sans faille. A cet égard, le premier projet de budget communautaire à vingt-cinq est encourageant : en dépit de l'élargissement, il n'augmente en effet que de 2,6 % en crédits de paiement entre 2003 et 2004.
    L'effort de discipline paraît manifeste lorsqu'on examine les dépenses relevant de l'Union à quinze : les crédits devraient baisser de 2 % en 2004. En particulier, les crédits de paiement des fonds structurels sont diminués de 13,3 %, avec la clôture des programmes antérieurs à 2000 et un effort sans précédent de lutte contre la sous-consommation chronique qui affecte ces programmes.
    Je rappelle que la France est à la pointe de cette optimisation des fonds structurels grâce aux circulaires du second semestre de 2002, qui allègent considérablement les procédures d'accès aux programmes structurels, renforcent l'appui apporté aux bénéficiaires, associent plus efficacement les collectivités locales - je pense notamment à la délégation expérimentale de gestion confiée à la région Alsace - et simplifient les contrôles.
    Mais l'effort de discipline des autorités communautaires est encore plus marqué s'agissant des dépenses administratives.
    Grâce à la vigilance du Conseil, l'augmentation des dépenses courantes est contenue en 2004 à 12,5 %, ce qui constitue une performance au regard des coûts inévitablement liés au fonctionnement d'une Europe à vingt-cinq.
    Il faudra cependant rester très rigoureux à l'avenir. Je relèverai simplement que, dès 2004, les crédits d'engagement du budget à vingt-cinq, crédits qui ont vocation à être couverts à l'avenir par des paiements effectifs, progressent de 12,6 %. Dans le même temps, l'Union est affectée, comme beaucoup d'Etats membres, par des dépenses très dynamiques qui appellent des réformes courageuses. Je me contenterai à cet égard de rappeler que la seule progression spontanée des charges de retraite des fonctionnaires communautaires est de l'ordre de 10 % par an.
    M. Jacques Myard. Ils sont trop bien payés !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La rationalisation des actions de l'Union est la deuxième condition de la réussite du défi financier de l'élargissement.
    Deux maux affectent, aujourd'hui comme hier, les dépenses du budget communautaire.
    Il s'agit d'abord du saupoudrage, dont deux chiffres suffisent à donner la mesure : moins de 2 milliards d'euros sont consacrés au financement de programmes dans pas moins de vingt domaines allant de l'éducation à la culture et à l'audiovisuel, en passant par la justice, la protection des consommateurs, et j'en passe.
    Il est essentiel que l'Union se concentre sur des actions pour lesquelles son efficacité est indéniable. Je me félicite à cet égard que le Conseil ait su dégager des moyens importants pour la recherche, dotée en 2004 de presque 5 milliards d'euros de crédits.
    L'autre faiblesse des actions communautaires est la sous-consommation des crédits - vous l'avez à nouveau évoquée, madame la ministre -, due bien souvent à la lourdeur et à la complexité des programmes et des modalités de leur mise en oeuvre. Il est regrettable que l'un des programmes témoignant des plus importantes difficultés de consommation soit précisément la recherche. Son taux de consommation des crédits était inférieur à 60 % en 2002 et n'atteint que 19 % au 30 juin dernier. Là encore, beaucoup reste à faire bien que, je l'ai dit, un peu plus ait été fait. Il suffit, pour mesurer l'ampleur des progrès à réaliser dans l'exécution du budget communautaire, de rappeler que 95 milliards d'euros de crédits restent encore « à liquider » - le fameux RAL -, c'est-à-dire tout simplement à consommer...
    Enfin, dernière condition pour relever le défi budgétaire de l'élargissement, il est indispensable de rendre le financement du budget communautaire plus équitable. En effet, quand bien même les autorités communautaires montreraient la voie d'une discipline budgétaire pérenne, reste qu'à l'avenir l'élargissement impliquera inévitablement un effort accru des pays les plus riches de l'Union. Il devient dès lors essentiel de répartir nos efforts avec justice. Je rappelle à ce propos que notre pays est devenu depuis de nombreuses années un contributeur net au budget communautaire, à hauteur de 2 milliards d'euros par an environ. Avec l'élargissement, cette situation devrait s'aggraver, affaiblissant un peu plus la légitimité de la logique de « ristournes » accordées, au gré des négociations européennes, à certains Etats plutôt qu'à d'autres.
    M. Jacques Myard. Tout à fait ! Rendez-nous notre pognon !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Rappelons seulement - je serai très soft, c'est le cas de le dire - qu'en 2003 la France consacrera 1,6 milliard d'euros, soit 10 % de sa contribution au budget communautaire, au financement de la « correction britannique ».
    M. Jacques Myard. C'est scandaleux !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Sous le bénéfice de ces quelques remarques, la commission a adopté l'article 41 et je vous demande, mes chers collègues, d'émettre le même vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jacques Myard. Ça va être dur !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Selon l'article 41 du projet de loi de finances pour 2004 relatif à l'évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne, le montant de ce prélèvement est évalué à 16,4 milliards d'euros. Notre pays devrait donc y consacrer 6,5 % de ses recettes fiscales. Comme vient de nous l'indiquer M. le rapporteur général, ce montant a doublé depuis 1990.
    Consacré essentiellement à la politique agricole commune, pour 45 % de ses crédits, et à la politique régionale, pour 34 %, ce budget est financé par les Etats membres dans le cadre d'un système de ressources propres faisant intervenir plusieurs types de contributions. Second contributeur en volume, la France est également le second bénéficiaire en volume et le troisième contributeur net du budget communautaire, après l'Allemagne et le Royaume-Uni.
    En 2003, le prélèvement sur les recettes de l'Etat devrait finalement atteindre le même montant, soit 16,4 milliards d'euros, contre les 15,8 milliards d'euros prévus en loi de finances initiale. Le budget général des Communautés européennes pour 2003 s'élève à 99,7 milliards d'euros en crédits d'engagement, ce qui représente 1,04 % du PNB communautaire. Il est donc largement en dessous du plafond autorisé par la Commuanuté elle-même.
    Le projet de budget pour 2004 constitue le premier exercice budgétaire communautaire à vingt-cinq. Le prélèvement sur recettes restera stable par rapport à la prévision d'exécution pour 2003, le surcoût inhérent à l'élargissement étant anticipé dans les dépenses de pré-adhésion. Du fait de l'adhésion de dix nouveaux Etats membres, le 1er mai 2004, un budget rectificatif devra inscrire les crédits supplémentaires rendus nécessaires par l'élargissement en partie dépenses et inscrire les ressources propres dues par les nouveaux Etats membres en partie recettes. La Commission a décidé de présenter un avant-projet de budget à vingt-cinq, en distinguant ce qui relevait de l'Union dans son périmètre actuel à quinze et les crédits relevant de l'élargissement. C'est donc un budget à vingt-cinq qui est discuté et sur la base duquel sera trouvé un accord politique. Le budget de l'élargissement pourra ainsi être adopté début 2004 sans donner lieu à de nouveaux débats et il n'y aura pas de surcroît de complexité.
    De par la correction dont il bénéficie, le Royaume-Uni ne participe qu'à hauteur de 13 % au financement de l'Union, alors que son produit national brut représente 18 % de celui de l'Union européenne à quinze. Comme M. le rapporteur général, je trouve qu'il serait choquant, dans quelques mois, que ce système correcteur, s'il n'était pas modifié, aboutisse au fait que les nouveaux Etats membres, moins prospères que le Royaume-Uni, n'en viennent à contribuer à son financement ! Il faudrait donc demander à supprimer ce mécanisme correcteur, ou tout au moins à le réviser, pour aboutir à son extinction dans quelques années.
    L'avant-projet de budget à vingt-cinq présenté par la Commission s'établit à 112 milliards d'euros en crédits d'engagement - plus 12,6 % - et à 100,7 milliards d'euros en crédits de paiement - plus 3,3 %.
    S'agissant des dépenses agricoles, l'exercice 2003 pourrait être plus tendu en exécution que les précédents à cause d'une forte consommation des crédits, à quoi s'ajoutent l'évolution du taux euro-dollar et surtout les conséquences de la sécheresse et des mesures de solidarité. Cette sécheresse a d'ailleurs touché plusieurs pays d'Europe. Les mesures annoncées par la Commission pour y faire face, notamment l'anticipation de certains paiements, pourraient avoir un impact sur l'exécution du budget 2003. En ce qui concerne les nouveaux Etats membres, l'accord de Copenhague prévoit la mise en oeuvre progressive des aides directes à la PAC. La révision à mi-parcours de celle-ci, décidée par les ministres de l'agriculture le 26 juin dernier, n'aura que peu de répercussions financières au niveau global en 2004. De ce point de vue, la commission des finances, comme l'an passé, a été unanime et je vous présenterai à la fin de mon propos une observation qu'elle a votée à l'unanimité.
    Les fonds structurels affectés à la politique régionale se caractérisent en 2003, comme pour les années antérieures, par une forte sous-consommation globale, même si certains Etats membres réussissent à être en avance par rapport à la programmation 2000-2006.
    M. Jacques Myard. Cela n'a pas de sens !
    M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. Cette sous-consommation globale des fonds structurels est particulièrement importante en France depuis quelques années. Louis Giscard d'Estaing, dans son rapport sur les crédits affectés à l'aménagement du territoire, y est revenu lui aussi et a tenu des propos peut-être encore plus durs que ceux que j'avais prononcés devant vous l'an passé. Rappelons que si les montants affectés sont décidés à Bruxelles, les procédures et les projets le sont au niveau national. Le Gouvernement a pris, au cours du deuxième semestre 2002, une série de mesures qui ont permis d'alléger les procédures, d'obtenir un engagement de crédits plus important. Je tiens néanmoins à signaler que chaque administration ajoute sa strate à la complexité du processus. Comme vous l'avez indiqué, madame la ministre, l'effort de simplification entrepris doit se poursuivre, mais il faut que nos administrations réagissent dès qu'elles sont saisies d'un projet, d'une demande de subvention, d'un dossier et que leur mission de conseil se mette aussitôt en place. Cette mission qui relève des préfectures, voire des conseils généraux, devient essentielle. En matière de dégagements d'office, l'échéance de fin 2004 risque d'être plus difficile que celle de décembre 2003, notamment en raison du calendrier électoral - élections cantonales, régionales, européennes. Certaines décisions risquent d'être mises en attente et cela aura évidemment des conséquences sur le lancement des dossiers, leur acceptation, voire sur le début des travaux. Nous pourrons donc, encore une fois, enregistrer des sous-consommations. Les dépenses administratives vont enregistrer un nouveau ressaut avec l'élargissement, en particulier sur toutes les questions relatives aux traductions. Cela dit, quand on regarde bien les ratios, on voit que l'élargissement ne correspond pas à une nouvelle dépense qui deviendrait par trop extravagante.
    Les discussions en vue de l'adoption du prochain cadre financier pluriannuel vont être engagées dès l'année 2004. Cet agenda sera-t-il « l'Agenda 2007 » ou fera-t-il référence à une autre année ? Quelle sera la durée de ces perspectives ? Cinq ans ou sept ans ? Le renouvellement de l'accord interinstitutionnel de 1999 pourrait par ailleurs s'inscrire dans le cadre juridique nouveau qui sera établi par la Convention européenne dans son projet de Constitution. Comme vous l'avez indiqué, madame la ministre, cette Constitution laïque et démocratique, que nous sommes nombreux à appeler de nos voeux, est un outil indispensable au destin de l'Europe, à notre propre destin.
    La PAC, la plus ancienne des politiques communes, en est déjà à sa troisième réforme depuis 1992. Elle fait l'objet de vifs débats, souvent même d'ailleurs de contestations. Les réformes successives au cours des dix dernières années n'ont pas occasionné de baisse des revenus agricoles en France et en Europe, au contraire même. Nos campagnes ont, certes, connu des crises économiques et sociales graves - soucis sanitaires, sécheresse -, mais globalement le revenu de nos agriculteurs a évolué positivement au cours de ces dernières années. La PAC doit néanmoins trouver en elle les forces de se réformer pour répondre aux objectifs qui lui sont assignés : assurer une production agricole efficace tout en garantissant aux producteurs des revenus agricoles suffisants, maintenir une occupation du territoire par des populations agricoles, relancer des activités économiquement viables, garantir un niveau optimum de sécurité alimentaire et sanitaire face aux différents risques, enfin développer des productions plus respectueuses de l'environnement. Il n'est pas impossible, à mes yeux, de réfléchir en vue d'une continuation des réformes de la PAC dans le sens des objectifs prioritaires définis ci-dessus et tout en cherchant à en diminuer le coût pour permettre un redéploiement du budget communautaire sur les autres rubriques.
    La politique régionale, seconde politique par les masses financières, constitue l'un des enjeux majeurs du débat sur les prochaines perspectives financières. Les régions défavorisées des anciens Etat membres devront continuer à bénéficier de soutiens pour assurer leur rattrapage.
    M. le président. Monsieur Dumont, il faut conclure : vous avez largement dépassé votre temps de parole !
    M. Jean-Louis Idiart. Mais il est tellement brillant ! C'est un plaisir pour nous de l'écouter !
    M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. Au-delà de la PAC et des fonds structurels, s'impose la nécessité d'un budget communautaire fort pour maintenir et développer les politiques communes. En contrepartie, le financement de l'Union européenne devra passer par des ressources propres fiscalisées répondant aussi à la nécessité d'un lien entre le citoyen et l'Union européenne. Cela relève d'un impératif démocratique et politique. L'impôt européen, en quelque sorte, devra être mis en place le plus rapidement possible.
    Enfin, et en conclusion, je rappelle l'adoption par la commission des finances d'une observation adressée au Gouvernement, relative à la sous-consommation des fonds structurels en France. Je souhaite que les actions initiées par le Gouvernement juste après sa prise de fonction soient développées de façon continue, et en particulier la fonction de conseil, dès le dépôt des dossiers ou des lettres d'intention auprès des préfectures. Les membres de la commission des finances, unanimes, on regretté la complexité et l'opacité des procédures nationales - je dis bien : nationales ! - et chaque parlementaire peut demander au président de son conseil général, à son préfet de département ou de région, quelles strates administratives supplémentaires ou quelle complexification ses services ont apportés.
    La commission des finances, de l'économie générale et du Plan vous demande, mes chers collègues, d'émettre un vote favorable à l'adoption de l'article 41 qui permettra à la France de participer financièrement au destin de l'Europe, déjà par son mode de fonctionnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. René André, suppléant M. Roland Blum, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
    M. René André, suppléant M. Roland Blum, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. L'examen du projet de budget 2004 de l'Union européenne revêt incontestablement un caractère particulièrement solennel, et même historique, puisque, le 1er mai prochain, dix nouveaux pays vont nous rejoindre, réalisant l'unification économique et - c'est hautement souhaitable - l'unification politique du continent européen. C'est un grand défi. Il nous faut absolument réussir cet élargissement, afin de ne pas décevoir ceux qui, dès le début des années 90, ont manifesté leur volonté d'une adhésion pleine et entière à l'Union européenne, refusant la perspective d'une confédération.
    Il nous faut donc relever ce défi en tenant nos promesses économiques et budgétaires. Nous devons absolument réussir l'insertion de ces pays dans notre marché unique. Nous devons aussi leur apporter l'aide à la transition. Mais - et j'insiste sur ce point, qui est, à mes yeux, très important - ces nouveaux pays doivent aussi tout mettre en oeuvre pour respecter les engagements qu'ils ont pris et dont nous devons leur rappeler la réalité. Chacun devra tenir ses promesses pour le bon fonctionnement et l'efficacité de nos institutions : telle est la tâche de la conférence intergouvernementale qui s'est ouverte le 4 octobre dernier.
    Le Conseil de l'Union a adopté un projet de budget respectueux des plafonds de dépenses établis en 1999, ce à quoi la France était attachée. On soulignera que les institutions européennes, Commission et Conseil, ont eu fort peu de divergences cette année, la Commission ayant elle-même proposé un budget moins dynamique qu'à son habitude.
    Le projet de budget comporte une augmentation de 12,3 % des crédits d'engagement et une augmentation très modérée, de 2,7 %, des crédits de paiement, en tablant sur le fait que l'on assistera à une montée en puissance des paiements au cours des années suivantes. La contribution française au budget européen est de 16,4 milliards d'euros, soit 6,5 % des recettes fiscales nettes.
    M. Jacques Myard. C'est beaucoup trop !
    M. René André, rapporteur pour avis suppléant. Ce prélèvement est stable par rapport à la prévision d'exécution du prélèvement sur recettes pour 2003. Le coût de la correction britannique s'accroît pour la France,...
    M. Jacques Myard. C'est scandaleux !
    M. René André, rapporteur pour avis suppléant. ... puisque notre pays verse, en 2003, plus de 30 % de son montant total. Je crois, et cela va sans doute réjouir notre collègue Myard, que cette situation est de moins en moins comprise et qu'il devient de plus en plus urgent de rechercher un nouveau système, voire la disparition pure et simple de cette correction qui paraît de moins en moins justifiée.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    M. René André, rapporteur pour avis suppléant. Le cadre financier de l'Union à quinze traduit une modération des dépenses. Il faut espérer qu'il ne s'agit pas d'une stagnation des projets et des ambitions européens.
    Le cadre financier de l'Union à vingt-cinq traduit, quant à lui, le coût de l'élargissement : 40 milliards en crédits d'engagement, mais 25 milliards seulement en crédits de paiement, sur les trois années 2004-2006. Ces dépenses, elles aussi modérées, ont été approuvées par les Quinze, puis par les dix nouveaux membres, à Copenhague.
    Les Quinze ont limité les versements au titre de la PAC aux nouveaux Etats membres. Il est donc bien qu'ils aient accepté différentes aides et compensations pour ces pays.
    Le projet de budget table sur la modération des dépenses agricoles pour les Quinze. Il est vrai que les dépenses agricoles connaissent une sous-exécution portant sur environ 3 % des crédits, soit 1 milliard d'euros. L'augmentation de 6,5 % de la dépense agricole prévue pour 2004 - près de 3 milliards d'euros - accompagne l'intégration des nouveaux Etats membres.
    On ne peut que prendre acte de la revalorisation des primes obtenues dans le secteur du lait. On regrettera, par contre, que le Conseil ait limité la progression des dépenses de marché. De façon générale, on peut craindre un exercice plus tendu dès 2003 et en 2004, car il faudra faire face aux conséquences de la sécheresse qui a sévi dans plusieurs pays européens.
    Le budget table ensuite sur une croissance limitée des dépenses des fonds structurels, du fait de la sous-exécution des fonds, en France notamment. Il serait important, madame la ministre, que vous nous précisiez quels sont les résultats des premières mesures prises pour y remédier et quelles seront les mesures qui vont suivre. Il n'y a guère eu d'améliorations sur ce point, et on ne peut que continuer à déplorer la sous-consommation des crédits du Fonds social européen.
    L'augmentation de 20,8 % en crédits d'engagement du budget de la politique régionale, destinée aux nouveaux pays membres, doit être approuvée.
    La rubrique des politiques internes a été augmentée de 4,7 milliards d'euros sur trois ans pour l'extension des programmes en cours aux nouveaux membres.
    Les Quinze veulent relancer la politique des réseaux transeuropéens. Une « initiative européenne de croissance », axée sur les grands travaux d'infrastructures, devrait être décidée. Mais l'on ne sait encore rien des montants qui pourraient être consacrés à cette initiative. La présidence italienne a proposé une masse de crédits représentant 0,5 à 1 % du PIB européen. Quelle est la position française à cet égard ? Quels sont les projets prioritaires selon le Gouvernement ? Nous aimerions, là encore, obtenir des précisions.
    Quant à l'aide de préadhésion, il semble que son absorption par les pays candidats continue de poser des problèmes. En d'autres termes, ils ne sont pas à même de bénéficier des aides mises aujourd'hui à leur disposition. En 2002, les paiements ont été inférieurs de 800 millions d'euros à la somme inscrite au budget. Or ces pays vont bientôt être éligibles aux fonds structurels et ces difficultés d'absorption des crédits vont sans doute se reproduire. Pourtant, les besoins sont immenses. Ne faut-il pas porter plus d'attention à l'organisation administrative et à la formation des fonctionnaires de ces pays, de façon à ce qu'ils puissent mieux mettre à profit les aides structurelles dont ils vont bénéficier ?
    La France reste le deuxième contributeur en volume au budget de l'Union et le deuxième bénéficiaire de la dépense communautaire. Elle se place au quatrième rang des contributeurs nets, derrière l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Italie.
    Les premières discussions sur l'établissement de perspectives financières pour les années 2007 à 2011 s'ouvrent en ce moment. Mais il me semble que l'on peut concevoir des inquiétudes quant à l'impact financier de l'élargissement : n'a-t-il pas été sous-évalué, si l'on considère le coût pour l'Allemagne de la remise à niveau des nouveaux « Länder » : 100 milliards de deutschemarks par an ? Même si la situation n'est évidemment pas la même, l'Union devra néanmoins aider les nouveaux membres à effectuer leur transition. Or le PIB par habitant de ces pays est, en moyenne, inférieur de 40 % à la moyenne communautaire.
    Ces pays ont un grand besoin d'infrastructures ; ils nécessitent un rattrapage dans de nombreux domaines : les transports et réseaux - eau potable, assainissement -, la protection de l'environnement, problème considérable dans ces territoires, la mise en oeuvre de normes de qualité, par exemple.
    La politique de cohésion devra jouer à plein. Or, à politiques constantes - agriculture et fonds structurels notamment - cela pourrait entraîner une augmentation rapide du volume du budget européen, de l'ordre de 40 % entre 2004 et 2013, selon une prévision du ministère de l'économie. Cela sans tenir compte du coût de l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie.
    Les Quinze préfèrent aujourd'hui le maintien du budget communautaire dans son volume actuel. Pourtant, il faudra bien faire bénéficier les nouveaux Etats membres des politiques dont nous avons nous-mêmes bénéficié.
    Quelles sont les lignes d'action du Gouvernement ? Pouvons-nous admettre que l'aide s'adresse en priorité aux régions les plus défavorisées du continent européen ? Sommes-nous prêts à consacrer 0,42 % du PIB communautaire à la politique de cohésion, comme le propose le commissaire Michel Barnier ?
    Enfin - et je rejoins ainsi les interrogations de Jean-Louis Dumont - quel est l'état de notre réflexion sur la création d'un impôt européen ? Nous devrons bien, un jour, avoir le courage d'y réfléchir très sérieusement, non seulement du point de vue économique et financier, mais également du point de vue politique, car il constituera, du moins je veux le croire, un des éléments de la construction de la cohésion européenne.
    M. Jacques Myard. Supprimons le commissaire aux fonds structurels : il n'y aura plus besoin d'impôt européen !
    M. René André, rapporteur pour avis suppléant. Les Quinze se sont attachés, dans le contexte de l'après-11 septembre et de la crise de l'Irak ainsi que de l'élargissement, à relancer le partenariat euro-méditerranéen. Le sommet de Naples des 2 et 3 décembre devrait voir aboutir des projets importants. Pourriez-vous, madame la ministre, nous confirmer l'engagement et la position de notre pays sur ces dossiers : création d'une banque euro-méditerranéenne, création de la Fondation pour le dialogue des cultures ? Quelle est la position de nos partenaires européens sur ces projets ainsi que sur celui d'une assemblée parlementaire de la Méditerranée ? Autant de questions auxquelles Roland Blum attache, bien entendu, beaucoup d'importance.
    Par ailleurs, je rappelle que l'Union a été, en 2002, le principal contributeur au processus de reconstruction de l'Afghanistan, avec un apport de 850 millions d'euros, en comptabilisant les aides des Etats membres. L'aide se poursuivra pendant cinq ans.
    M. Jacques Myard. Les Afghans vont apprendre le batave !
    M. René André, rapporteur pour avis suppléant. Une aide de 200 millions d'euros a été décidée pour l'Irak.
    M. Jacques Myard. Dispersion !
    M. René André, rapporteur pour avis suppléant. En conclusion, il n'est pas interdit d'émettre quelques doutes...
    M. Jacques Myard. Ah ?
    M. René André, rapporteur pour avis suppléant. ... quant à la possibilité pour l'Union de consacrer les moyens nécessaires à l'ensemble des ambitions qu'elle se donne de Conseil européen en Conseil européen. Je n'ai pas mentionné jusqu'à présent la stratégie de Lisbonne, destinée à stimuler la croissance en renforçant les politiques de recherche et de développement, les infrastructures, le capital humain.
    Madame la ministre, j'ai soulevé beaucoup d'interrogations. L'Europe se trouve aujourd'hui à l'heure de la réflexion, de l'élaboration de sa dynamique pour les prochaines années. Il est nécessaire de trouver des réponses à toutes ces questions.
    Quoi qu'il en soit, la commission des affaires étrangères a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 41 et je ne puis que vous inviter, mes chers collègues, à voter la participation de la France au budget de l'Union. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne.
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de budget de l'Union européenne pour 2004 révèle un paradoxe apparent. Alors qu'il s'agit du premier budget d'une Union élargie à vingt-cinq Etats membres, la part du budget communautaire tombera pour la première fois sous la barre de 1 % du PIB de l'Union européenne. Ce ratio, qui était de 1,04 % en 2003, s'est réduit à 0,99 % et même à 0,98 % après le vote du conseil ECOFIN en première lecture. C'est bien la preuve que le financement de l'élargissement repose sur des bases solides jusqu'en 2006, conciliant discipline budgétaire et ambition dans les programmes de dépenses de l'Union élargie.
    Les Quinze se sont en effet mis d'accord pour que les crédits de paiement pour 2004 s'élèvent à 100,1 milliards d'euros, les dépenses spécifiques en faveur des dix nouveaux pays membres représentant seulement 5 milliards d'euros. Ces chiffres traduisent une hausse de 2,7 % par rapport au budget 2003, mais une diminution de 2,5 % si l'on ne prend en compte que les dépenses effectuées pour les membres actuels de l'Union.
    Au cours de la première lecture du projet de budget, le Conseil a accentué cette tendance à la modération. Il a supprimé 160 millions d'euros sur les dépenses agricoles de marché, 160 millions sur les actions structurelles, 27,9 millions sur les crédits d'actions extérieures - mais sans toucher à ceux destinés aux Balkans -, 58 millions sur les dépenses administratives et 100 millions sur les dépenses de pré-adhésion. Par contre, les crédits de contrôle aux frontières et de protection des forêts ont été augmentés.
    Si l'équilibre général du compromis budgétaire pour 2004 paraît satisfaisant, je déplore la suppression de crédits consacrés à la Méditerranée et à la politique étrangère et de sécurité commune. Pour que la PESC existe, il faut une volonté commune, mais il faut aussi des moyens. Or ceux-ci sont insuffisants. Il est aujourd'hui indispensable de simplifier les procédures et de dégager des moyens significatifs pour la politique étrangère et de sécurité commune, si l'on souhaite qu'elle soit efficace et crédible. La rubrique des actions extérieures demeure trop tendue. Les priorités d'hier - Afghanistan, lutte contre la pauvreté, lutte contre le sida, aide aux pays méditerranéens et aux nouveaux voisins de l'Est - ne doivent pas pâtir des contraintes nées du financement de la reconstruction de l'Irak, dans le cadre d'un accord politique mis en oeuvre par l'ONU. J'insiste donc sur la nécessité d'augmenter à l'avenir les crédits de la PESC.
    Dans ce contexte, la participation de la France au budget des Communautés européennes sera en 2004 de 16,4 milliards d'euros, ce qui est somme toute très modeste - vous l'avez souligné, madame la ministre - au regard des acquis considérables de l'Europe, puisque cela représente 268 euros par an et par habitant. Ce montant est pratiquement stable. Il doit être analysé à la lumière du dernier rapport sur les soldes opérationnels pour 2002, publié il y a quelques jours et qui fait apparaître que notre pays a été le deuxième bénéficiaire du budget communautaire en chiffres absolus, derrière l'Espagne et devant l'Allemagne. Relativement au revenu national brut, la Grèce, le Portugal, l'Irlande et l'Espagne restent les principaux bénéficiaires.
    En 2002, l'Allemagne, la France, l'Italie et le Royaume-Uni ont été les principaux contributeurs en termes absolus. L'Allemagne a financé environ 22,8 % du budget de l'Union européenne, suivie par la France : 19,3 %, l'Italie : 15,2 %, et le Royaume-Uni : 11,8 %. Ces quatre pays ont financé ensemble plus des deux tiers du budget. Si l'on examine le solde entre les contributions et les dépenses, les plus grands contributeurs nets sont l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie, la France et les Pays-Bas. Les plus grands bénéficiaires nets sont l'Espagne, la Grèce, le Portugal et l'Irlande.
    Si le budget de l'Union européenne pour 2004 est caractérisé par sa stabilité, nous devons tous avoir en tête que cette modération n'est qu'un phénomène transitoire, comme l'a souligné le rapporteur général du budget.
    Le système actuel de financement du budget européen n'est pas viable dans la durée. Il est à la fois inéquitable, complexe et opaque.
    L'intégration des dix nouveaux pays pèsera, de 2004 à 2006, moins de 40 milliards d'euros, soit 0,15 % du PIB des Quinze. Ce n'est qu'ensuite en fonction de renégociations des politiques communes, que l'addition pourrait grimper. Certes, Chypre, Malte et la Slovénie, pays relativement riches, pourraient devenir rapidement contributeurs nets au budget européen. Certes, la population des nouveaux membres n'est que de 75 millions d'habitants, dont plus de la moitié en Pologne. Certes, leur PIB cumulé est inférieur à celui des Pays-Bas. Mais nous savons que l'addition pourraît être plus lourde après 2007, surtout si 8 millions de Bulgares et 22 millions de Roumains rejoignent l'Union. Or l'élargissement, acte politique majeur, ne doit pas être pris en otage par la fixation du cadre financier de l'Union européenne après 2007.
    M. Jacques Myard. Il faut faire différemment !
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation. La Commission et les Etats membres doivent donc dès maintenant sortir du statu quo et mener une négociation globale sur le montant, le financement et la répartition du budget européen.
    Le nouveau cadre financier qui régira le budget et les politiques communautaires à partir de 2007 sera négocié entre les Etats à partir de 2004 pour être adopté en Conseil européen avant la fin de 2005. Il fera l'objet d'une communication de la Commission en décembre prochain.
    Je suggère qu'à l'avenir la durée des perspectives financières soit de cinq ans, afin de les faire coïncider avec la durée du mandat de la Commission et du Parlement européen.
    Ces perspectives financières devront clairement tenir compte de l'adoption des nouvelles priorités de l'Union européenne, qu'il s'agisse de l'augmentation des dépenses de recherche-développement ou de la réalisation des réseaux européens de transport.
    J'approuve fortement l'idée de la Commission de mobiliser le budget des politiques internes en faveur de la croissance et de l'innovation et de lancer 22 grands chantiers européens de transports en portant, à terme, le budget de la direction transport à 5 milliards d'euros. Le budget communautaire devra être mis à contribution. Mais il est également indispensable d'attirer les capitaux privés, de rendre possible de grands emprunts communautaires et de solliciter la BEI.
    M. Jacques Myard. Aïe !
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation. Comme Michel Barnier, je crois à la possibilité de pérenniser une politique structurelle dans les régions actuellement en objectif 2, régions en retard de développement, en supprimant le zonage et en ciblant la politique régionale sur quelques grands objectifs. Dans cette hypothèse, il convient que 0,45 % des crédits de paiement de l'Union européenne élargie soient consacrés à la politique régionale.
    A ce propos, madame la ministre, je me félicite à mon tour de la meilleure utilisation de ces crédits permise par la réforme Delevoye. Si 70 % sont affectés aux régions en retard de développement, situées pour la plupart sur le territoire des futurs Etats membres, je souhaite que 20 % continuent à bénéficier aux régions des actuels Etats membres. Les 10 % restants seraient réservés à un fonds de croissance flexible.
    L'actuelle limitation à 1,24 % du revenu national brut doit, dans ces conditions, demeurer inchangée. Mais, dans ce cas, le budget annuel, qui n'est estimé qu'à 0,99 % en 2004, devra pouvoir progresser d'au moins 0,1 % par an, soit environ 10 milliards d'euros.
    En contrepartie, il convient de supprimer l'exception britannique, qui n'a plus aucune justification aujourd'hui.
    M. Jacques Myard. Vous vous améliorez !
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation. Au lendemain de l'élargissement, le maintien d'un traitement privilégié à un pays riche pourra apparaître comme choquant. Ce mécanisme est difficilement compatible avec une logique de transparence et de solidarité communautaire. Or la nouvelle réglementation sur les ressources propres, entrée en vigueur le 1er janvier 2002 accroît la part de la France dans le financement de la correction britannique.
    Avec l'élargissement, le montant des aides agricoles et régionales accordées aux nouveaux pays membres va augmenter progressivement. Les Quinze, plus riches, vont devoir faire un effort de solidarité. Les Britanniques, eux, seront relativement protégés par le rabais dont ils bénéficient et qui, selon les projections, devrait doubler d'ici à 2013. Je propose donc un système plus équitable permettant à tous les Etats membres contributeurs nets de bénéficier d'un minimum automatique de correction budgétaire, en limitant le solde net de chaque Etat membre contributeur à un certain pourcentage de son revenu national brut. La contribution nette des Etats membres serait ainsi plafonnée ; ils n'auraient plus à surpayer des politiques dont ils profiteraient peu. Cela entraînerait de facto le démantèlement de la ristourne budgétaire britannique, le Royaume-Uni bénéficiant dès lors du régime commun.
    Plus fondamentalement, il faut réduire la part du budget européen financée par les contributions des budgets nationaux. Si rien ne change, en 2006, 90 % du budget commaunautaire sera financé par les contributions budgétaires des Etats membres.
    M. Jacques Myard. Heureusement !
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation. Cela alimente la tendance des gouvernements à se focaliser sur la notion de « juste retour », qui est évidemment néfaste. Ce système de financement est complètement illisible et incompréhensible pour le citoyen. Il est indispensable qu'une part significative du budget européen soit financée par de véritables ressources propres, à prélèvement constant pour le citoyen.
    M. Jacques Myard. Pas du tout ! Il faut contrôler !
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne. Faire en sorte que le citoyen voie ce que lui coûte l'Europe : voilà le meilleur moyen de contrôler !
    On peut regretter de ne pas être parvenu à ce résultat au cours de la convention. J'espère que la CIG permettra d'améliorer le texte.
    M. Jacques Myard. Utopie !
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne. Pour ma part, j'ai en tout cas la conviction que le texte préparé par la convention est le meilleur qu'on pouvait obtenir. Certes, et comme l'a reconnu le président Giscard d'Estaing,...
    M. Jacques Myard. Amen !
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne. ... il est imparfait. Mais il est aussi inespéré. Et je salue la position de la France, qui soutient à fond ce texte que certains pays souhaitent remettre en cause. Ce qui est, évidemment, extrêmement dangereux.
    Le budget européen doit devenir un acte démocratique majeur pour l'Union. Il représente l'expression d'une politique économique, unique et lisible. Il est devenu crucial, en effet, et c'est là aussi un thème qu'il faudra peut-être que la conférence intergouvernementale tente d'améliorer, de développer une gouvernance économique européenne, en complément de la monnaie unique à laquelle nous sommes parvenus,...
    M. Jacques Myard. Ça ne durera pas !
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne... par un transfert sélectif, mais puissant, d'une part du pouvoir budgétaire au niveau européen. Si l'on veut qu'elle soit mieux comprise, il faut que l'Europe se fasse pour et avec les citoyens. Et c'est grâce à ce genre de mesure qu'on peut le faire.
    M. Jacques Myard. C'est très bien, monsieur l'abbé !
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne. J'en terminerai en disant que la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est favorable à l'article 41. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Excellent !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne pour 2004 revêt cette année une portée toute particulière.
    Il s'agit d'abord du premier exercice budgétaire d'une Union européenne élargie à vingt-cinq Etats membres.
    Par ailleurs, cette discussion intervient alors que s'est ouverte à Rome la conférence intergouvernementale portant sur le projet de « Constitution européenne ». Or, en dépit de ce contexte exceptionnel, le budget communautaire, comme la contribution de la France, ne se montrent en aucune manière à la hauteur de cet enjeu. Au contraire, ils sont marqués, l'un et l'autre, par le sceau de la continuité.
    Ainsi, le budget de l'Union européenne pour 2004 est stable, ce qui en l'occurrence n'est pas une vertu, et demeure consacré essentiellement à la PAC et à la politique régionale. Cette absence de vision politique dans le budget européen témoigne fondamentalement de la crise existentielle que connaît la construction européenne en tant que projet historique porteur d'espoirs et d'avenir pour nos concitoyens.
    Quant à la contribution de la France au budget de l'Union européenne pour 2004, le passage de 16,388 à 16,4 milliards d'euros est synonyme de stagnation et ne marque aucune volonté politique forte de notre pays. A croire que le Gouvernement ne veut pas donner les moyens de construire une Europe politique, et surtout sociale, qui demeure virtuelle. Comment interpréter cette profonde frilosité budgétaire ? On ne peut qu'en déduire que s'affirme ainsi une continuité politique marquée par le dogmatisme du recul de l'intervention publique et la priorité donnée à la loi du marché, avec toutes les conséquences induites en matière de recul de la consommation et de l'investissement.

    Ainsi, l'élargissement de l'Union européenne vers l'Est n'est conçue que comme une extension du marché commun, et le projet de « Constitution européenne », loin de tracer un modèle de société s'appuyant sur la solidarité et la justice sociale, ne fait que consacrer les dogmes du libéralisme économique fondé sur la loi du plus fort.
    Dès lors, on ne peut que comprendre l'esprit de défiance de nos concitoyens à l'égard de ce projet qui se dessine sous leurs yeux, mais loin de leurs voeux. Une telle réaction est légitime, puisqu'elle se traduit par une obsession de la baisse des dépenses publiques, et donc par une mise en cause des services publics, ce par quoi s'exprime justement la solidarité entre nos concitoyens, et entre tous les concitoyens de l'Union européenne.
    Le projet de « Constitution européenne » n'a de sens que s'il est conçu d'abord comme un projet politique, un projet de société fondé sur des valeurs fondamentales. Or, au stade actuel de son développement, l'Union européenne ne demeure qu'un marché économique, cantonné à un statut de nain politique et social.
    La dimension sociale de l'Europe a été sacrifiée sur l'autel du marché. L'Union économique et monétaire a accentué le parti pris ultra-libéral, entraîné la refonte des structures sociales européennes sur le modèle anglo-saxon, avec déréglementation et flexibilité, et renforcé les effets les plus nocifs de la concurrence, ceux du dumping social notamment.
    Le projet de Constitution européenne reste connoté par un discours social minimaliste, en totale inadéquation avec cet enjeu historique. L'Europe qui se construit est toujours, malheureusement, celle des dividendes, et non celle des hommes.
    Le groupe communiste et républicain réaffirme sa volonté de voir inscrire dans un tel texte le droit pour toutes et tous à l'emploi et à un revenu décent, le droit à une protection sociale de qualité et à une retraite solidaire basée sur la répartition, l'égalité des droits entre hommes et femmes, et enfin le développement des services publics de santé, de l'éducation et de la culture.
    Or, loin de souscrire à notre approche, le Gouvernement ainsi que les autorités européennes se plient à une discipline budgétaire érigée en dogme et totalement factice. Dès lors, au vu des dépenses prévues par le budget européen pour 2004, l'Union européenne ne se donne pas véritablement les moyens de ses prétentions. Car au-delà de la modestie réelle des moyens budgétaires de l'Europe, c'est l'absence de priorités claires, de volontarisme et de perspective qui ressort essentiellement de ce budget européen.
    Ces lacunes transparaissent avec d'autant plus d'éclat que la nécessité d'une Europe ambitieuse et généreuse n'a jamais été autant ressentie par les citoyens européens eux-mêmes. L'Union européenne doit en effet prendre la mesure des problèmes auxquels elle est déjà confrontée : une récession économique grandissante, une multiplication des foyers de crise dans le monde, un élargissement à l'Est qui risque de modifier certains équilibres en son sein.
    Alors que la France et l'Europe sont au coeur d'une crise économique et sociale qui ne cesse de prendre de l'ampleur, le projet de budget européen ne fait apparaître nulle trace d'une quelconque politique de relance digne de ce nom. La mise en place de nouveaux instruments d'intervention à travers une politique économique volontariste doit se substituer à l'orthodoxie financière et budgétaire.
    Le budget européen doit, en effet, être un outil économique au service d'objectifs politiques clairs, tels que le développement des infrastructures favorisant les communications de tous ordres. Il est temps de lancer une politique européenne de grands travaux prenant en compte des lacunes patentes en matière d'infrastructures de certaines zones géographiques. Et ce, d'autant que l'effort en faveur des réseaux transeuropéens reste largement en deçà de ce qu'il devait être au regard des besoins réels.
    Nulle trace de l'idée d'un emprunt consacré au développement de l'emploi et à l'amélioration de la justice sociale au niveau européen, malgré les effets d'annonce de la Commission en ce domaine. L'emploi et les politiques sociales demeurent plus que jamais les parents pauvres du budget européen.
    Tout aussi inquiétant, l'engagement financier européen pour les actions extérieures n'est pas à la hauteur du rôle que doit jouer l'Europe sur la scène internationale. Aussi mineures que soient les baisses fixées en la matière, c'est une nouvelle fois une question de fond qui nous est posée. Pour pouvoir défendre une vision du monde alternative à celle proposée, pour ne pas dire imposée, par le Président Bush, l'Europe doit se doter de l'outil financier susceptible de soutenir une diplomatie cohérente et efficace. Dans cette perspective, il nous faut redéfinir une politique de sécurité et de défense indépendante à l'égard de toute volonté hégémonique, à la hauteur des défis que l'Europe devra relever.
    C'est cette absence de stature internationale qui permet notamment à l'armée israélienne de détruire impunément toutes les infrastructures de l'Autorité palestinienne, payées pour une grande partie par le budget de l'Union européenne et donc par nos concitoyens. Cela nous empêche aussi d'intervenir avec détermination en faveur d'un règlement juste pour les deux parties.
    Par ailleurs, peut-on dire que ce budget est à la hauteur de l'enjeu que recèle l'élargissement historique des Communautés européennes vers les pays de l'Est, autrement dit, prépare-t-on au mieux l'adhésion des pays candidats à l'Union ? En effet, on ne peut qu'être stupéfait en constatant la baisse des aides accordées aux pays candidats au titre de la pré-adhésion, même s'il s'agit en l'occurrence d'une baisse de crédits de paiement. Cette baisse est à la fois injustifiée et injuste compte tenu des difficultés que rencontrent ces pays pour respecter notamment les critères économiques iniques fixés par la Commission selon une grille d'analyse foncièrement libérale.
    La garantie d'un accès aux droits économiques et sociaux pour les ressortissants des pays sur la voie de l'adhésion est primordiale si l'on souhaite éviter la constitution d'une citoyenneté européenne à deux vitesses et de citoyens européens de seconde classe.
    Bien que le nouvel agenda social adopté au sommet européen de Nice appelle à moderniser le modèle social européen et à renforcer la dimension sociale dans le processus d'élargissement, le risque que cela reste un voeu pieux ou ne conduise à une « Europe des citoyens à géométrie variable » doit susciter une prise de conscience à l'occasion de la conférence intergouvernementale de 2004.
    Dans le même temps, nous devons rester attentifs à ce que l'adhésion des pays candidats ne bouleverse pas brutalement certains équilibres existants, notamment en matière de répartition de fonds structurels et de subventions agricoles. Je pense ainsi à nos agriculteurs et à nos régions dont le développement économique demeure fragile et mérite encore un soutien qui pourra s'avérer décisif à long terme.
    C'est pour l'ensemble des arguments que nous venons de développer que le groupe des député-e-s communistes et républicains ne peut, en toute logique, voter cette contribution de la France au budget européen.
    M. Pierre Hériaud. C'est dommage !
    M. le président. La parole est à M. Christian Philip, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. Christian Philip. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me bornerai à présenter six observations, m'abstenant de revenir sur tel ou tel point qui a été abordé avant moi.
    Première observation, le budget de l'Union européenne demeure très faible - trop faible - comparé, par exemple, au budget des grands Etats membres de l'Union. Pierre Lequiller vient de le rappeler, il stagne : il représente cette année moins de 1 % du PNB communautaire, loin du maximum autorisé. Il n'est même pas complètement exécuté puisque l'on constate toujours une sous-consommation des crédits au titre des fonds structurels.
    Certes, nous sommes tous favorables à la maîtrise des dépenses publiques, mais ce budget de l'Union est-il à la hauteur d'une ambition pour l'Europe ? Sa faiblesse ne signifie-t-elle pas que nous allons vers moins d'Europe ? Pas nécessairement dans la mesure où l'Union européenne n'a pas vocation à se substituer aux Etats membres et qu'il s'agit d'abord pour elle d'impulser certaines actions, des actions communes pouvant être, par ailleurs, conduites à partir des budgets nationaux. Il n'en reste pas moins, cependant, qu'un budget limité est un budget qui montre qu'il n'y a pas encore beaucoup d'Europe, et qui ne permet pas une solidarité entre les territoires, ni la réalisation d'actions impulsives fortes, au titre de la recherche ou des infrastructures de transport, par exemple. Oui, le présent budget communautaire manque d'ambition, ce qui est regrettable à l'aune des futurs élargissements programmés. L'élargissement du territoire de l'Union devrait impliquer, par exemple, un effort important en termes d'infrastructures de transports. Mais pour cela, il faut des financements que ce budget permet difficilement de trouver.
    Deuxième observation, pour qu'un budget soit compris, il faut que ceux qui y contribuent aient un sentiment de justice et d'équité. Est-ce le cas pour les Etats membres ? Oui, si l'on s'en tient à la stabilité de la contribution française au budget de l'Union européenne - cet élément est important.
    Cette stabilité s'explique d'abord par le fait que l'élargissement n'a encore qu'un impact limité sur les crédits de paiement inscrits au budget, impact partiellement compensé par la réduction des crédits de paiement pour les Quinze, ainsi que par le fait que les nouveaux Etats membres contribueront à partir du 1er mai prochain au budget de l'Union.
    A propos de justice et d'équité, se pose surtout la question récurrente du « chèque » britannique. Certes, nous ne devons pas donner l'impression d'une attitude agressive vis-à-vis de nos amis britanniques. D'ailleurs, nous regrettons qu'ils se placent parfois en marge de l'Europe. Nous comprenons que la Grande-Bretagne souhaite défendre ses intérêts. Toutefois, le contexte était différent lorsque cette décision a été prise. La solidarité européenne ne peut plus jouer de la même manière et il faut expliquer que le maintien de cette correction devient de plus en plus difficile. Le problème est que les Britanniques considèrent cette dernière comme un acquis, par nature immuable, de l'Union et qu'ils se montrent rétifs à toute remise en cause. Il faudra néanmoins, encore une fois sans agressivité mais avec fermeté, engager la discussion sur ce point, d'autant que le maintien du « chèque » britannique risque d'ouvrir la porte à bien d'autres demandes d'exception. Dès lors, que restera-t-il de la solidarité européenne ?
    Troisième observation : ce budget doit être compris par nos concitoyens. On ne cesse tous de le répéter : il faut faire en sorte que le citoyen européen se sente davantage concerné par l'Europe. Aujourd'hui, ce rapprochement entre le citoyen et l'Europe passe notamment par une modification profonde du système de financement européen, qui doit être plus clair et plus transparent. Pierre Lequiller l'a très bien dit avant moi : si ce budget reste tel quel, on reviendra en quelque sorte aux années soixante et aux contributions nationales. Il faut remplacer ce système illisible - je mets au défi quiconque de l'expliquer clairement aux Français - du prélèvement et des ressources prétendues propres par un impôt européen.
    Il s'agit là d'un débat qui n'est pas nouveau, mais il devient nécessaire de trancher. L'instauration de cet impôt constituerait un choix politique fort en faveur de l'Europe. Il permettrait d'associer plus étroitement les citoyens aux politiques de l'Union européenne qui pourraient alors s'interroger sur le coût et l'efficacité de l'Union et exprimer leur satisfaction ou leur mécontentement à l'occasion des élections européennes, lesquelles, peut-être, connaîtraient alors un meilleur taux de participation.
    Certes, c'est compliqué à établir. Il faut respecter l'idée que les pays les plus riches doivent contribuer davantage et que les citoyens ou les entreprises les plus favorisés doivent, eux aussi, contribuer en proportion de leurs revenus ou bénéfices. Il faut aussi un impôt européen et non pas plusieurs impôts techniques incompréhensibles pour tout un chacun.
    Sur ce point, l'article 53 du projet de Constitution semble introduire une base juridique permettant la mise en place ultérieure d'un tel impôt européen. Toutefois, cette base juridique reste trop floue et imprécise. Je regrette que la convention n'ait pu aboutir à un consensus acceptable sur ce point.
    Quatrième observation : la Commission européenne doit présenter bientôt ses propositions sur les perspectives financières pour les années 2007 et suivantes. Les débats seront particulièrement âpres : il faudra choisir entre une augmentation du budget communautaire - si l'on veut maintenir le niveau de la PAC, des fonds structurels, la politique de cohésion et permettre aux nouveaux Etats membres de rattraper leur retard - ou une répartition différente des enveloppes existantes. Notre pays, madame la ministre, doit se préparer à cette négociation ; il est du reste prévu que nous en débattions prochainement.
    Cinquième observation : les limites du coût de l'élargissement. Certes, celui-ci ne devrait pas peser beaucoup en 2004. Mais, M. Carrez le signalait, il ne faut pas cacher et se cacher la réalité : personne ne peut nier que l'élargissement coûtera de plus en plus cher à partir de 2006. D'où la nécessité de débattre des prochaines perspectives financières. On ne pourra pas contenir les dépenses de l'Union dans les limtes actuelles, sauf à interdire à l'Europe toute capacité d'action hors des nouveaux Etats membres.
    M. Jacques Myard. Il faut faire différemment !
    M. Christian Philip. Sixième et dernière observation : je tiens à saluer l'avis et le rapport du Conseil économique et social du 24 septembre dernier,...
    M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. Très bon rapport !
    M. Christian Philip. ... qui font de la nécessaire réforme du système de financement de l'Union européenne une condition sine qua non du succès de l'Union européenne post-élargissement. Le rapport souligne avec raison « les effets positifs très significatifs des dépenses européennes ». Aussi, au lieu de chercher à minimiser constamment l'impact d'un budget européen, nous devons nous attacher à mieux le valoriser. A un moment où nous souffrons des effets de la conjoncture, interrogeons-nous plutôt sur les moyens de faire de ce budget européen un instrument contracyclique.
    M. Jacques Myard. Ça, c'est la meilleurs ! Ce n'est pas possible !
    M. Christian Philip. Pour réussir, il est impératif, au moment de la discussion sur les dépenses 2007-2013, d'avoir le courage de traiter parallèlement des ressources de l'Union ; faute de quoi, les décisions prises resteront limitées et incomprises par le citoyen. Une fois encore, l'Europe lui paraîtra une structure éloignée et technique, non un cadre au service d'objectifs identifiés que le citoyen doit pouvoir comprendre et contrôler.
    Telles sont les quelques observations que je souhaitais, au nom de mon groupe, présenter sur cet article. Ces observations faites, le groupe UMP votera le prélèvement prévu à l'article 41. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Guigou, pour le groupe socialiste.
    Mme Elisabeth Guigou. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, le prélèvement tel que prévu par l'article 41 est stable. Il reste faible, vous-même l'avez souligné, madame la ministre. Je ne pense donc pas qu'il y ait lieu de s'attarder beaucoup sur cet état de fait, vous-même ne l'avez pas fait.
    La présentation du prélèvement sur notre budget national au titre du budget européen est traditionnellement l'occasion de quelques commentaires sur la politique européenne. Aussi concentrerai-je mon propos sur deux points : le niveau du budget européen dans les années à venir, et la structure même de ce budget. Je terminerai par quelques remarques sur votre politique européenne.
    D'autres auteurs l'ont dit avant moi : le niveau du budget européen est révélateur du manque actuel d'ambition de l'Union. Vous-même l'avez remarqué, madame la ministre : il est paradoxalement constant, à quinze comme à vingt-cinq. C'est en effet la première fois dans l'histoire de l'Union européenne que l'on envisage un élargissement - et quel élargissement ! - à budget constant. Il n'est qu'à se rappeler ce qui s'est passé au moment de l'entrée de l'Espagne et du Portugal : nous avions alors doublé - je dis bien doublé - les fonds structurels. Et lors du dernier élargissement, quand l'Union des douze est devenue l'Union des quinze, nous avons créé le fonds de cohésion européen pour accélérer le rattrapage des quatre pays les moins avancés de l'Union européenne. Et cette fois-ci, alors que nous avons décidé d'admettre, pour ne pas dire admis, dix pays supplémentaires, qui de surcroît présentent, en termes de richesse nationale, un écart considérable par rapport à la moyenne du PIB communautaire, nous ne ferions rien ? Ce n'est pas crédible - ou alors, c'est suicidaire pour l'Union européenne.
    M. Jacques Myard. Que ne l'avez-vous dit plus tôt !
    Mme Elisabeth Guigou. Il ne s'agit naturellement pas de prôner la dépense pour la dépense. Mais à quoi ont servi celles que nous avons autorisées dans le passé pour réussir les élargissements précédents ? Elles étaient d'abord destinées à améliorer la cohésion sociale et territoriale - nous-mêmes en avons besoin aujourd'hui - dans l'Europe à quinze. Nous avions ainsi pu éviter que l'entrée de pays plus pauvres que les nôtres ne se traduise par des délocalisations ou des distorsions de concurrence difficiles à supporter pour nos productions industrielles ou agricoles. La même logique s'impose aujourd'hui, d'autant qu'il s'agit d'admettre des pays dont le PIB se situe généralement au tiers de la moyenne communautaire alors que ceux de l'Espagne et du Portugal, rappelons-le, atteignaient déjà 60 à 70 % ... C'est dire l'ampleur du défi à relever.
    Si nous voulons contenir les effets négatifs de l'élargissement, en tout cas les limiter dans le temps - car si je fais partie de ceux qui considèrent que l'élargissement est une chance, j'ai conscience que l'arrivée des pays plus pauvres entraînera une dépense accrue -, il va bien falloir faire en sorte de les aider davantage que ce que nous envisageons actuellement.
    A l'évidence, et cela m'amène à ma deuxième observation, le plafond devra nécessairement être revu. Je ne vois pas comment nous pourrons rester à 1,24 % du produit intérieur brut communautaire alors que les nouveaux arrivants recevront l'intégralité du bénéfice des politiques communes, sans parler du nécessaire rattrapage. Mais, au-delà du plafond, la structure elle-même du budget communautaire devra être profondément repensée. La stucture existante, à plus forte raison dans la perspective de l'élargissement, n'est plus qu'une relique historique, un budget fossilisé sur des priorités du passé ; et si certaines d'entre elles gardent leur mérite, elles n'en devraient pas moins être relativisées face aux priorités du futur. Est-il normal, madame la ministre, que la politique agricole commune représente encore près de la moitié du budget européen alors que nous savons tous, hélas ! que l'agriculture est une activité en voie de régression dans l'ensemble de l'Union européenne ? Heureusement, notre pays a enfin accepté la réforme de la politique agricole commune. Heureusement, dis-je, parce notre position était devenue intenable et surtout en totale incohérence avec notre politique d'aide au développement, dans la mesure où nous avons intérêt à ouvrir davantage les possibilités d'exportation de ces pays.
    M. Jacques Myard. Si seulement cela suffisait !
    Mme Elisabeth Guigou. J'approuve la réforme de la politique agricole commune proposée par la Commission. Au-delà, j'observe que près de 90 % du budget de l'Union européenne est absorbé par la PAC et les fonds structurels. Je suis, quant à moi, une fervente partisane de la politique des fonds structurels. Peut-être faudra-t-il, là encore, revoir les affectations. J'attends avec intérêt la réforme que ne manquera pas de proposer le commissaire Barnier. Mais n'avons-nous pas intérêt à consacrer davantage à la recherche, au développement, aux infrastructures, à l'évidence indispensables à voir les pannes d'électricité qu'a connues récemment l'Italie ?
    M. Jacques Myard. C'est aux Etats de le faire !
    Mme Elisabeth Guigou. Comment pouvons-nous prétendre renforcer la cohésion territoriale avec les pays d'Europe centrale et orientale si nous ne parvenons pas à moderniser nos réseaux dans tous les domaines, y compris celui des communications sous toutes ses formes ? Or, nous n'avons rien là-dessus. Nous ne manquons pourtant pas de très bons rapports - ainsi le rapport Lorenzi, remis au Premier ministre il y a peu.
    Le rapport Sapir, en revanche, me déplaît lorsqu'il préconise de renationaliser les politiques actuelles - je ne partage pas du tout ce point de vue -, mais au moins a-t-il le mérite d'introduire une discussion sur la nécessaire hiérarchie des différentes politiques communes.
    M. Jacques Myard. C'est dur de réviser sa copie !
    Mme Elisabeth Guigou. Jusqu'en 2006, les ressources de l'Union continueront à reposer sur des contributions nationales. C'est un système opaque alors que les citoyens méritent d'être informés. Je suis partisane d'un impôt européen - pour une partie au moins, disait M. Lequiller. Quoi qu'il en soit, il faudra bien commencer par quelque chose qui viendra se substituer à ces contributions nationales, sous la forme d'un impôt voté par le Parlement européen et assis sur une base fiscale commune à toute l'Europe. Même si la Convention ne l'a pas proposé, cela mérite de venir dans le débat. Je souhaite en tout cas, madame la ministre, que votre gouvernement puisse au moins en faire état à l'occasion de la conférence intergouvernementale.
    Enfin, il nous faudra bien un emprunt européen. Je ne vois pas comment nous pouvons appliquer la stratégie de Lisbonne et les récentes décisions prises par les chefs d'Etat et de Gouvernement au Conseil européen de Bruxelles, si nous n'avons pas la possibilité de recourir au financement par l'emprunt.
    Quelques questions sur l'avenir pour terminer. Comment, madame la ministre, allez-vous financer les priorités dégagées par le Conseil européen de Bruxelles, traduction concrète de l'agenda de Lisbonne qui a défini ce qu'il faudrait faire pour rendre l'Union européenne davantage compétitive et solidaire et lui permettre de rattraper son considérable retard dans le domaine de la recherche - développement par rapport aux Etats-Unis d'Amérique ? L'examen des chiffres a de quoi effrayer. Si nous continuons ainsi, le déclin est inéluctable. Je ne crois pas au déclin français, mais je crois au déclin de l'Union européenne face au défi que nous lancent les Etats-Unis et que nous lanceront demain la Chine et l'Inde.
    Comment allez-vous financer la formation continue ? Comment allez-vous financer les infrastructures - 220 milliards d'euros d'ici à 2020 comme le propose l'Union européenne ?
    M. Jacques Myard. C'est aux Etats de se mobiliser, pas à l'Union européenne !
    Mme Elisabeth Guigou. Quelles priorités comptez-vous défendre à la conférence intergouvernementale ? Je parlais à l'instant de l'idée d'un impôt européen. Mais sur les institutions, sur la charte des droits sociaux fondamentaux constitutionnalisée, sur notre conception enfin de la laïcité et sur la diversité culturelle, il faudra évidemment empêcher tout recul sur ces points forts qui nous tiennent à coeur. Mais on ne peut pas se contenter d'éviter les reculs ; il faut évidemment s'attacher à améliorer le texte qui nous est proposé pour ce qui touche notamment au gouvernement économique et aux politiques sociales - je pense évidemment aux services publics et aux priorités sociales.
    Comment aborderez-vous, madame la ministre, la réforme du budget européen dans les années qui viennent, la réforme des fonds structurels, la révision du plafond, la question de la contribution britannique ? Je partage à cet égard ce qu'ont dit à l'instant M. Lequiller et M. Philip : on ne peut pas ne pas les reposer. Sur tous ces points, j'espère en tout cas que cette discussion nous permettra d'avancer dans la réflexion.
    M. le président. La parole est à M. Gilbert Gantier, pour le groupe UDF.
    M. Gilbert Gantier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 41 du projet de loi de finances évalue la contribution de la France au budget européen pour l'exercice 2004 à 16,4 milliards, soit 6,5 % - ce n'est pas rien - des recettes fiscales nettes prévues dans notre budget. L'effort financier de la France en faveur de l'Union européenne a doublé depuis 1990 ; il est de ce fait devenu un enjeu majeur pour nos finances publiques.
    Ce budget européen s'inscrit dans un cadre exceptionnel : non seulement c'est le premier budget qui prend acte de l'élargissement à vingt-cinq pays, mais il intervient alors que se déroule actuellement la conférence intergouvernementale qui s'efforce de trouver un accord sur la future Constitution.
    Le budget communautaire pour 2004 marque un tournant décisif dans l'histoire de l'Europe. Au 1er mai 2004, avec l'entrée de dix nouveaux pays au sein de l'Union européenne, 80 millions d'habitants supplémentaires vont bénéficier pleinement des mécanismes de l'Europe.
    Nous saluons l'effort de rigueur budgétaire de l'Union pour ce qui concerne les crédits de paiement ; ceux-ci ne progressent que de 2,7 %, grâce aux économies réalisées qui viennent compenser l'accroissement des dépenses liées à l'adhésion de dix nouveaux Etats. En matière de dépenses, nous approuvons les grandes lignes du budget européen, en particulier la priorité que conservent la politique agricole commune et la politique régionale.
    Il nous semble cependant nécessaire de revenir sur la question de l'autonomie du budget européen et sur les inconvénients liés à l'actuel mécanisme de financement de l'Union européenne. L'élargissement constitue certes un investissement à long terme, mais il ne se sera pas sans conséquences budgétaires. Une redéfinition de la participation des Etats membres au budget communautaire nous paraît donc inévitable.
    Transparence et responsabilité commandent de renoncer au système actuel, à cette quasi-absence de visibilité du citoyen quant aux prélèvements effectués au profit de l'Union. Les Quinze, qui se sont engagés dans une politique de maîtrise rigoureuse des dépenses de l'Union et dont la croissance économique est désormais, hélas ! modeste, n'ont plus qu'une faible marge de manoeuvre. Il est impératif de concilier l'exigence de solidarité envers nos nouveaux partenaires avec la nécessité de maîtriser le budget communautaire.
    A l'heure où les gouvernements européens discutent de la future Constitution, il est devenu indispensable de clarifier et d'appliquer des règles identiques sur tout le territoire de l'Union.
    Le groupe UDF souhaite que l'on donne aux institutions européennes les moyens de leur ambition. La transparence financière exige que le Parlement européen soit doté d'une véritable légitimité démocratique, qu'il vote, en recettes comme en dépenses, le budget de l'Union, sans la contrainte des dépenses obligatoires et avec la responsabilité de décider des contributions des Etats membres. Ce pouvoir continue malheureusement de lui être refusé par le Conseil.
    Le groupe UDF souhaite, pour sa part, que cette exigence de démocratie soit enfin entendue. Tant que ce verrou institutionnel n'aura pas sauté, le plafond des dépenses communautaires restera au niveau où il a été fixé il y a plus de dix ans : 1,7 % de la richesse de l'Union.
    M. Jacques Myard. 1,24 % !
    M. Gilbert Gantier. Autrement dit, nous sommes condamnés à nous interdire toute réallocation de l'argent public entre l'Union et les Etats membres en fonction d'une logique de subsidiarité qui nous paraît cependant nécessaire.
    Cet état de fait bloque évidemment les perspectives de développement des politiques communes, par exemple en matière de défense ou de sécurité. Pour assurer le financement propre de l'Union, la création d'un impôt européen devient, nous semble-t-il, impérative - à condition toutefois qu'elle s'accompagne d'une baisse à due concurrence des impôts nationaux, car il ne doit s'agir en aucun cas de créer un nouvel échelon fiscal ni d'imposer de nouvelles lourdeurs. Il n'est pas question que les citoyens voient dans l'Europe un niveau supplémentaire générateur d'impôt.
    L'accroissement de la contribution française résulte, en outre, de la correction apportée au financement britannique. La France se retrouve à financer à elle seule un tiers de ce mécanisme. Le Royaume-Uni ne participe plus qu'à hauteur de 13,8 % au financement de l'Union alors qu'il représente 18,8 % du produit national brut. Il y a là un déséquilibre choquant. Il devient contestable de pérenniser ce chèque britannique datant de 1984, alors que la situation économique de la Grande-Bretagne a beaucoup évolué et que l'on s'apprête à intégrer au sein de l'Union des pays dont le revenu intérieur brut est faible.

    L'essentiel des dépenses d'élargissement à venir seront soumises à la même correction britannique, de sorte que le Royaume-Uni ne supportera finalement qu'un tiers de la part qui devrait normalement lui revenir, ce qui nous paraît totalement inacceptable.
    Le groupe UDF souhaite donc connaître les intentions du Gouvernement sur ce sujet et, plus précisément, savoir si des discussions sont déjà en cours pour reconsidérer la question du chèque britannique lors des prochaines négociations budgétaires.
    L'UDF ne cesse d'oeuvrer pour associer plus étroitement les citoyens à la politique européenne. Nous tenons à ce que l'élargissement réussisse et à ce que l'Europe trouve sa place aux yeux des citoyens sans que certains Etats membres y bénéficient de privilèges injustifiés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jacques Myard. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour expliquer son vote.
    M. Jacques Myard. Madame la ministre, l'examen du budget de l'Union européenne, dans le cadre du projet de loi de finances a un avantage : on peut reprendre pratiquement mot pour mot ce que l'on a dit l'année d'avant sans se tromper, tant les errements de l'Union sont constants !
    Ce n'est pas un budget, c'est un fourre-tout. Certes, il y a la PAC, en fait la seule véritable politique communautaire au sens noble du terme, puisqu'elle a été conçue pour organiser le marché commun de l'agriculture. Mais il faut avouer que nos chers partenaires en viennent à bout et qu'elle est aujourd'hui en sursis : ses jours me paraissent comptés et c'est bien dommage.
    S'agissant des fonds structurels, on l'a déjà souligné à cette tribune, mais je n'aurai de cesse de dénoncer cette mécanique absurde qui consiste à chercher dans nos poches un certain nombre de crédits pour les faire remonter jusqu'à Bruxelles, qui se chargera de les faire redescendre jusqu'au niveau des trottoirs d'Athènes ou de Lisbonne !
    Il n'y a guère que le commissaire chargé de la gestion de ces fonds structurels qui y trouve quelque avantage. Il nous a d'ailleurs récemment déclaré que le coût en était modeste, puisque 550 personnes seulement y pourvoyaient. C'est oublier que l'on pourrait arriver au même résultat - à savoir aider nos partenaires les plus faibles, notamment dans la perspective de l'élargissement - avec quelques fonctionnaires à travers les protocoles financiers. Il est de notre devoir, je n'en disconviens pas, d'aider certains Etats pour les mettre à niveau, mais la méthode est décidément à la fois trop complexe, inefficace et coûteuse.
    Les politiques internes - 8,6 milliards d'euros - cachent de multiples interventions. Dans plus d'une vingtaine de domaines, de l'éducation à la formation, en passant par le marché de l'emploi, la culture, ou l'audiovisuel, on se demande ce que vient faire l'Union européenne - qui a vocation à organiser un continent ! - à ce niveau de détail, et au mépris, bien évidemment, du principe de subsidiarité ! C'est là une dispersion qui n'est pas, et qui ne sera sans doute plus à l'avenir tolérable. D'ailleurs tous ceux qui pensent qu'il va falloir effectivement aider les pays qui vont nous rejoindre disent qu'il y a là des choix à faire, ce que l'Union européenne se garde bien de faire depuis des années.
    Quant à l'action externe - 4,5 milliards d'euros environ - elle souffre elle aussi d'une très grande dispersion et, surtout, elle apparaît grandement redondante avec nos politiques étrangères respectives. Qu'on le veuille ou non, nous n'avons pas les mêmes intérêts que l'Allemagne ou la Grande-Bretagne, et d'autant moins quand on constate que certaines actions communautaires servent à financer des cabinets anglo-saxons, et alors que l'Europe nous coûte 700 millions d'euros de plus que l'année passée - selon les chiffres de 2001, c'est 2,7 milliards qui sont directement imputables à la France.
    En réalité, ce budget traduit la volonté de l'Union européenne de tout faire au mépris du principe de subsidiarité, et à un coût qui est croissant pour la France, et qui le sera encore dans les années qui viennent.
    Puisque l'occasion m'est donnée, je vais tout de même parler un peu de l'avenir, parce que, à travers le budget, se dessine une volonté européenne, un certain concept.
    Parlons d'abord de cette fameuse constitution. A vous entendre, madame, « sonnez hautbois, résonnez musettes, elle est née, la divine constitution ». Mais c'est un texte qui, à mes yeux, est mauvais. Ce texte, dont beaucoup parlent sans l'avoir lu, y compris sans doute au sein de cet hémicycle, est en réalité une dérive subliminale vers un fédéralisme, voire un super-Etat : c'est donc voué à l'échec.
    Glissement subliminal, vous dis-je, dans la sémantique même : parler d'une « constitution », qui est un véritable oxymore, alors même qu'il y a une clause de sortie et que c'est un traité constitutionnel, c'est essayer de tromper les citoyens européens. C'est, en outre, sous-entendre qu'il n'y a qu'un peuple européen, alors que, à l'évidence, il y a des Allemands, il y a des Français... Et on a bien vu dans un certain nombre de crises internationales que cela avait un sens, et que le peuple européen, on l'attendait toujours !
    Que le vote à la majorité qualifiée devienne désormais le droit commun est lourd de conséquences pour la France. On sait très bien que, sur maints sujets, notre pays a des conceptions minoritaires et que, même alliés aux Allemands - et on a beau faire du « socle franco-allemand » l'alpha et l'oméga de toute la construction européenne - nous sommes minoritaires, à quinze, et nous le serons davantage encore à vingt-cinq.
    Affirmer, comme cela est dit sans ambages à l'article 10, la suprématie totale du droit communautaire sur tout le droit national, c'est encore ouvrir des crises du lendemain, qui seront extrêmement nocives pour l'idée européenne. Nous nous retrouverons dans un carcan qui fera exploser la machine.
    Pour ce qui est du renforcement des compétences exclusives de l'Union européenne, avec des « compétences partagées », ces dernières seront en réalité de véritables compétences exclusives à terme, car elles ne seront partagées que pour autant que l'Union européenne ne soit pas frappée du prurit d'exercer un certain nombre de ces compétences.
    Quant aux parlements nationaux, ce ne sont que de simples chambres d'enregistrement : ils n'existent plus. Et j'en veux pour preuve, toute la méthode du principe de subsidiarité dans le protocole, qui est totalement dans les mains de la commission. C'est le contraire de ce que devrait être le principe de subsidiarité : il devrait être dans les mains d'un congrès des peuples, d'un congrès des nations qui dirait : « ça, on le donne à l'Union européenne et ça, on le lui refuse ». Il s'agit là d'une véritable machine à déposséder les Etats de leurs compétences. C'est donc contraire à la démocratie.
    M. le président. Monsieur Myard, veuillez conclure.
    M. Jacques Myard. Je vais terminer rapidement, mais il n'est pas toujours facile à des voix minoritaires de s'exprimer, du fait de la caporalisation des groupes !
    M. François Bayrou et Mme Elisabeth Guigou. Bravo ! Très bien !
    M. le président. Monsieur Myard, je vous ai laissé longuement parler, mais vous avez dépassé votre temps de parole depuis longtemps !
    M. Jacques Myard. Quant à la création d'un ministre des affaires européennes, voilà une idée d'avenir qui le restera longtemps ! En réalité, ce ministre des affaires européennes ne sera que le lieu géométrique des contradictions européennes et des paralysies. A la limite, il sera contre-productif en ce qui concerne justement le renforcement de l'idée de d'Europe dans les peuples. Ce n'est pas une bonne affaire pour l'Europe, c'est un gadget de plus !
    Si la conférence intergouvernementale devait aboutir à un projet similaire, il serait impérieux que le peuple se prononce. Je voudrais savoir si le Gouvernement, lorsqu'il aura le texte, le soumettra ou non à référendum.
    Je pense qu'il y a autre chose à faire que de bâtir ce super-Etat qui est voué à l'échec. Je pense que l'Europe comporte des niveaux. Il y a le marché unique, avec des règles communes, que je souhaite voir revisitées par le principe de subsidiarité, mais dont nous avons besoin. Il ne s'agit pas de se refermer derrière la ligne Maginot illusoire du protectionnisme. Nous sommes dans une vaste zone à la fois organisée et de libre-échange.
    Et, sur ce socle, personnellement, je verrais bien un pacte des nations, une union libre.
    M. Jean-Louis Idiart. Un pacs ?
    M. Jacques Myard. Rien ne vaut les unions libres en matière internationale ! Ce pacte des nations serait une sorte de conseil de sécurité européen, permettrait de traiter l'essentiel, parfois à la carte, et présenterait l'immense avantage d'être réaliste et non pas une chimère.
    M. le président. La parole est à M. François Bayrou.
    M. François Bayrou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai beaucoup applaudi à la déclaration de M. Myard sur la « caporalisation » des groupes.
    M. François Grosdidier. C'est vrai aussi à l'UDF !
    M. François Bayrou. Je pense que c'est une contribution utile à la réflexion sur l'actualité parlementaire, à laquelle notre assemblée doit se livrer.
    Plus sérieusement, il me semble que, excepté dans l'intervention de M. Myard, qui a bien le droit d'avoir une approche contraire,...
    M. Jacques Myard. Différente !
    M. François Bayrou. ... dans les rapports de la commission ou dans les exposés de M. Philip, de M. Lequiller ou de Mme Guigou, deux points importants méritent d'être soulignés et rapprochés.
    D'abord, il faudra bien, un jour ou l'autre, que saute la barre illusoire du 1,27 % du PIB qui est censée ne jamais être dépassée pour le budget de l'Union européenne. Je ne sais quand viendra cette heure de vérité, mais elle viendra, parce que la somme des missions que l'Union européenne devra un jour assumer fera inéluctablement exploser cette barrière, même si des défenses nombreuses, comme autant de lignes Maginot, sont érigées pour que l'on n'y touche pas.
    Rappelons le contexte dans lequel nous examinons ce budget. La Chine vient, en envoyant un « taïkonaute » dans l'espace, de manifester son accession au rang des grandes puissances. C'est la même année que les Etats-Unis ont manifesté, de la manière que l'on sait, souvent regrettable, leur volonté de puissance complètement autonome, décidée à défendre ce qu'elle considère comme ses intérêts, quel que soit le prix à payer.
    Dans ce monde-là, que je ne qualifierai pas de monde des grandes puissances, mais de monde des puissances majeures - celles qui ont en elles-mêmes les moyens d'ignorer les remarques ou les rappels des autres pays de la planète - si l'on ne discerne pas la nécessité de bâtir une Europe qui soit autre chose qu'une addition de pays qui se croient indépendants alors qu'ils ne sont qu'impuissants, alors on passe vraiment à côté des nécessités les plus brûlantes de l'heure.
    Permettez-moi de rappeler brièvement, après Mme Guigou, quelles sont les missions que l'Union européenne ne devra pas éluder.
    Au premier rang d'entre elles vient la défense. Si un effort majeur était fait aujourd'hui pour mettre en place et bâtir une défense européenne,...
    M. Charles Cova. Ça n'en prend pas le chemin !
    M. François Bayrou. ... les dépenses de la France seraient moindres et nous serions plus efficaces.
    Je place au deuxième rang la question de la croissance. Rien n'est plus lassant, et même humiliant, que de voir se multiplier les déclarations selon lesquelles la croissance doit nous venir des Etats-Unis. Nous sommes le premier marché de la planète, et sans doute la première puissance de production. Pourtant nous ne cessons, comme « soeur Anne », de regarder si le chemin ne poudroierait pas sur lequel la croissance pourrait faire ses premiers pas. C'est humiliant et fallacieux : nous savons tous les raisons pour lesquelles elle ne traversera par l'Atlantique aussi vite que nous le croyons. C'est donc à l'Union européenne d'assurer le travail de mobilisation qui permettra de retrouver et d'alimenter la croissance.
    Elle ne pourra le faire sans fournir un immense effort en matière de recherche - troisième chantier que je voulais mettre en exergue. De tels efforts ne sont plus à l'échelle de nos Etats. Même si nous consacrions à la recherche les moyens nécessaires, nous « doublonnerions », si je puis oser ce néologisme : les politiques nationales formeraient des doublons nuisibles à cet effort que seules une coordination et une mobilisation financière européennes peuvent nous permettre de soutenir.
    Le quatrième chantier concerne la cohésion de l'Union que devront effectuer un certain nombre de pays européens : cela a déjà été évoqué.
    Mais il en est un cinquième dont nous n'avons pas parlé : la coopération Nord-Sud, qu'il n'est plus possible de penser à l'échelle de nos Etats indépendants, monsieur Myard, quelle que soit l'idée que nous nous faisons de la France, de son histoire et de sa vocation.
    Tout cela - défense, croissance, recherche, cohésion, coopération, sans parler de l'agriculture -, nous ne l'enfermerons pas dans un budget qui se monterait au mieux à 1,27 % du PIB. Le budget fédéral des Etats-Unis représente 19  % du PIB américain. Nous en sommes bien loin et, en tout cas, comme chacun l'a noté, nous sommes en retrait sur les années précédentes dans la mobilisation budgétaire de l'Europe.
    Tout cela signifie qu'il faudra, pour l'Europe, un jour ou l'autre, une ressource propre. Le principe en est d'ailleurs inscrit dans le traité de Rome.
    Or non seulement nous n'avons pas avancé, mais nous avons reculé sur ce chemin. La forme que devra prendre cette ressource fiscale constitue un grand sujet de débat. Un certain nombre d'entre nous ont proposé depuis des années que ce soit un impôt particulier, autonome, qui viendrait - Gilbert Gantier l'a dit - en réduction des autres contributions fiscales. On avait même proposé que ce soit l'impôt sur les sociétés qui serve de base fiscale. Tout choix fiscal présente des inconvénients, celui-là en a aussi. Il aurait néanmoins l'intérêt de permettre d'égaliser, sur l'ensemble de l'Europe, la charge des entreprises.
    Dépasser la barrière du 1,27 % et mettre en place une ressource propre, voilà, pour ceux qui sont des Européens conséquents - j'espère qu'il y en a beaucoup dans cet hémicycle -, les deux défis à relever d'urgence pour que notre politique européenne cesse de n'être que verbale et qu'elle constitue les premiers pas vers l'édification d'une puissance qui comptera sur la scène mondiale, pour faire entendre nos valeurs et le projet de civilisation qui est la nôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Mesdames, messieurs les députés, permettez-moi de saluer la très haute qualité des interventions des différents orateurs qui ont su pointer, avec beaucoup de justesse, à la fois le moment historique que nous vivons, nous en France en tant qu'Européens, et les grands enjeux qui sont sous-jacents à ce budget, notamment pour 2004 mais aussi, compte tenu des perspectives qu'il ouvre, pour les années à venir. Bien entendu, je souscris aux propos de tous ceux qui ont montré une grande exigence dans leur vision de l'Europe et de sa vocation dans le monde, à la fois politique, culturelle mais aussi morale.
    Pour répondre aux interrogations formulées, j'aborderait d'abord la question du volume du budget européen. Puis je dirai un mot des politiques communes, la politique agricole et la politique régionale, qui viennent actuellement au premier plan des financements européens, mais aussi d'autres politiques internes que nous devons à tout prix développer face à la montée en puissance d'autres pôles économiques - on a parlé à l'instant de la Chine. J'indiquerai en outre quelle est la position du Gouvernement à l'égard des projets d'impôt européen. Enfin, vous me permettrez d'ouvrir quelques perspectives dans le cadre des débats constitutionnels en cours, et aussi quant à l'avenir de la Turquie et au dialogue euro-méditerranéen, qui nous tient à coeur.
    En ce qui concerne sa taille, le budget européen, selon que vous souhaitez l'Europe puissante ou moins puissante, vous paraît insuffisant ou excessif. En tout état de cause, et pour répondre tant à M. Carrez, à M. Philip, à M. René André, à M. Sandrier qu'à Mme Guigou et M. Bayrou, le plafond de 1,27 % ou 1,24 % des dépenses n'est pas sacralisé. Les Etats ont simplement tenu, pas à pas, à maîtriser l'évolution de ce plafond. Si le budget communautaire ne représente aujourd'hui qu'un tout petit peu plus de 1 % du PNB communautaire, soit un montant relativement faible, il n'est cependant pas sans impact. Certes, M. Bayrou l'a indiqué à l'instant, dans un Etat, qu'il soit fédéral ou décentralisé comme le nôtre, le budget national atteint en général jusqu'au tiers du PIB. Il est ici sensiblement plus faible, vous l'admettrez.
    M. Jacques Myard. Absolument !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Mais il faut souligner qu'il s'agit d'un budget d'intervention, qui permet de cofinancer des projets avec les Etats. C'est en quelque sorte un catalyseur, dont l'effet démultiplicateur dépasse de loin le volume des crédits qui y sont inscrits.
    Par ailleurs, je tiens à préciser que ce budget est, depuis des années, en augmentation constante. Il a doublé en vingt ans.
    M. Jacques Myard. C'est bien ce qu'on lui reproche !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Il est vrai que le nombre des Etats membres de l'Union européenne a plus que doublé. Avec l'élargissement, le budget augmentera d'environ 12 %, ce qui n'est pas négligeable. Sa stabilité, comme l'a souligné M. Gilles Carrez, n'est donc qu'apparente, puisqu'il suit l'évolution de la construction européenne, dans des conditions qui, pour l'instant, répondent aux enjeux de l'élargissement. Nous suivrons à cet égard les discussions qui auront lieu sur les perspectives financières pour les années 2007-2013.
    En outre, il ne faut certainement pas se focaliser sur le montant des crédits mais, comme beaucoup d'entre vous l'ont souligné, sur le contenu du projet européen. Que souhaitons-nous que l'Europe fasse, que souhaitons-nous transférer au niveau communautaire, pour impulser cette dynamique de croissance génératrice d'emplois que chacun d'entre vous a appelée de ses voeux ? C'est en fonction de cette première question, de ce projet politique qui va se dessiner au travers des débats sur les perspectives financières, que sera notamment arrêté le plafond des dépenses européennes.
    Le thème de la politique agricole commune a été évoqué par M. Sandrier, M. André, ainsi que par Mme Guigou, qui a pour sa part considéré que ces dépenses restaient excessives au regard des autres enjeux européens. Que constate-t-on ? Tout d'abord, une progression relativement faible - 2,7 % - des dépenses agricoles de marché, mais une augmentation de près de 40 % des dépenses ayant trait au développement rural, pour répondre aux impératifs de défense de l'environnement et de lutte contre la pollution. Il convient de rappeler que la réforme, adoptée en juin dernier, maintient globalement les enveloppes consacrées à notre agriculture et, suivant une progressivité dite du « phasing in », permet aux pays de l'élargissement de moderniser leur propre agriculture, et donc de participer à la dynamique de l'agriculture européenne.
    Quant à la politique régionale qu'ont évoquée, notamment, MM. René André, Jean-Louis Dumont et Pierre Lequiller, elle demeure au coeur de nos préoccupations, car nous ne voyons pas comment il serait possible de conduire des politiques européennes si elles ne s'inscrivaient pas, sur le terrain, dans des projets que nous nous approprions, que nous pouvons développer pour nos concitoyens et qui permettent de donner une plus grande visibilité à l'action européenne.
    M. Jacques Myard. Pas dans les piscines, madame !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Aujourd'hui, avec Jean-Paul Delevoye, le Gouvernement se mobilise pour rattraper notre retard dans l'exécution des fonds structurels. Les résultats s'améliorent de mois en mois, et, en réponse à M. André et à M. Dumont, je puis indiquer que, pour le FEDER, seules quatre régions relevant de l'objectif 2, et une région relevant de l'objectif 1, ont, au 1er octobre, un taux de consommation inférieur à 60 % de l'objectif, c'est-à-dire à ce qui a été fixé globalement. Le fonds social emploi est plus en retard, mais il connaît, quant à la consommation de ses crédits, un redressement notable. Il faut, j'en conviens, poursuivre l'effort et même l'intensifier, si l'on veut éviter le dégagement d'office.
    Je retiens aussi la suggestion de M. Dumont : il faudrait que soient davantage valorisées les missions de conseil pour aider nos élus à établir des programmations visant à mettre en oeuvre les procédures d'inscription des crédits de la politique régionale.
    M. Jacques Myard. Quelle perte d'énergie !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Quel est l'avenir de cette politique ? Est-elle condamnée, pour ce qui concerne les Quinze, compte tenu de la nécessité de transférer, par solidarité, la majorité de ces crédits vers les pays de l'élargissement ? Nous ne le pensons pas, et le message du Gouvernement est clair. Nous tenons à conserver les avantages de la politique régionale. Nous tenons à ce qu'elle puisse continuer à être mise en oeuvre au-delà des régions ultra-périphériques sur notre territoire. Elle représente pour nous un objectif important, dans la mesure où elle assure le lien indispensable entre l'Europe, nos régions et nos citoyens, et répond à un souci de convergence qui est indispensable à la croissance de l'ensemble de l'espace européen.
    En ce qui concerne les autres politiques, il faut effectivement, monsieur Carrez, mettre un terme au saupoudrage qui ne permet pas, en l'état actuel des choses, de rendre compte de l'efficacité des aides consenties. A la suite des propositions qui ont été faites par la commission européenne, par la présidence italienne, au terme de la déclaration de croissance franco-allemande, et qui a fait l'objet de la plupart des débats du dernier conseil européen, nous développons une ligne-force qui consiste à redynamiser une croissance génératrice d'emplois. A cet égard, les priorités qui ont été formulées par M. Bayrou sont également les nôtres.
    M. Jacques Myard. Il faut donner des instructions à Fischer, dans ce cas !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Il convient de se diriger vers l'objectif de la stratégie de Lisbonne, financer la recherche et le développement, aider à attirer les financements privés vers la recherche et le développement technologique, et aussi, bien entendu, assurer de la façon la plus diversifiée possible et la mieux adaptée le financement des infrastructures en réseaux qui, si elles ne sont pas rentables à court ou moyen terme, mais seulement à long terme, permettent de renforcer la compétitivité du site global Europe.
    C'est le grand défi de ce début de siècle que de faire face à la compétition avec les grands pôles que sont non seulement les Etats-Unis, mais aussi, maintenant, la Chine et l'Inde, ainsi que d'autres pays de l'Asie.
    En ce qui concerne le financement de ces politiques internes, le Conseil européen a tracé des voies qui nous paraissent tout à fait intéressantes. Tout d'abord, il a relancé l'idée des prêts au travers des emprunts de la banque européenne d'investissement. Pour l'instant, celle-ci a été mobilisée, vous le savez, à hauteur de 50 millions d'euros.
    Nous songeons aussi à relancer la politique des emprunts, qu'il s'agisse des garanties d'emprunt par l'Etat ou des emprunts européens. Dans le cadre de la discussion sur la directive « Eurovignette », il y a également une piste intéressante où l'usager de la route serait sollicité pour financer le transport ferroviaire, un transport dont il bénéficie dans la mesure où il lui permet d'être mieux garanti du point de vue de la sécurité routière.
    Pour ce qui est du système de financement global, nous pensons que, dans le cadre des futures perspectives financières, nous sommes à l'heure de vérité. Nous souhaitons un système plus équitable. Nous souhaitons aussi, bien entendu, mettre à plat toutes les questions qui se posent, y compris celle du chèque britannique,...
    M. Jacques Myard. Il va y avoir du sport !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... qui a fait l'objet de remarques de la plupart d'entre vous - notamment de MM. Carrez, Dumont, André et Lequiller. Il est clair que le système de ce rabais doit être repensé pour la période après 2006 : non seulement parce que les conditions ont changé pour ce qui est de la Grande-Bretagne, mais parce que tout système de rabais en lui-même est inéquitable et pourrait même, s'il était généralisé, être considéré comme la négation des politiques communes européennes. Imaginerait-on, par exemple, que l'on discute du budget français en fonction des contributions nettes de vos circonscriptions ou de vos régions respectives ?
    M. Jacques Myard. C'est déjà le cas pour la Corse !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Je ne pense pas que cela soit le cas et, bien entendu, je ne relèverai pas cet exemple.
    M. Jacques Myard. Bien sûr : ce serait impertinent !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. J'en viens à l'impôt européen. L'impôt, c'est la contribution la plus démocratique, s'il est équitable et fondé sur des critères objectifs et cohérents, comme le dit la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
    M. Jacques Myard. Vous avez de bien mauvaises lectures !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Pour la plupart d'entre vous, vous le préconisez pour assurer l'avenir des politiques de l'Europe. Il a été ainsi évoqué par M. Christian Philip, par M. Gilbert Gantier, par Mme Elisabeth Guigou, par M. Pierre Lequiller, par M. Jean-Louis Dumont et, en dernier lieu, par M. Bayrou.
    M. Jacques Myard. Dans un commun désastre !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Vous rejoignez en cela un récent et très intéressant rapport du Conseil économique et social qui propose un système mixte fondé à la fois sur la TVA et sur l'impôt sur les sociétés. Vous le savez, du point de vue de son principe même, le Gouvernement est favorable à une contribution communautaire qui prendrait la forme d'un impôt, non pas nouveau mais établi pour être perçu au niveau de l'Europe, suivant une procédure de contrôle démocratique qui est celle du Parlement européen.
    M. Jacques Myard. Ce n'est pas démocratique, le Parlement européen !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Nous l'avons clairement affirmé au sein de la convention. Chacun est conscient que, si nous voulons préserver des politiques communes, si nous voulons permettre que, à l'échelon européen, soient réglées diverses questions touchant aux enjeux, à la croissance et à la compétitivité de l'Europe, il faudra, à terme, songer à la création d'une véritable ressource propre pour l'Union européenne.
    Le projet de constitution en jette déjà les bases, même si sa rédaction reste très en deçà de nos attentes. Pour l'heure, pour la création d'un nouvel impôt, il faudra l'unanimité de tous les Etats après ratification dans chacun d'entre eux.
    M. Jacques Myard. On est tranquille !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Mais il ne faut pas oublier la possibilité de fixer à la majorité qualifiée...
    M. Jacques Myard. Aïe aïe aïe !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... les modalités des ressources propres existantes, dont certaines ont, vous le savez, un caractère fiscal. Par conséquent, le Gouvernement est très à l'aise avec cette proposition.
    La Constitution européenne, c'est le grand projet du jour. Monsieur Myard, vous regrettez que cette constitution fasse valoir le principe de la primauté du droit européen sur les droits nationaux.
    M. Jacques Myard. Oui !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Ce principe, vous le savez pour être un fin connaisseur du droit communautaire, ne résulte pas de cette constitution mais de la création même de l'Europe, il y a un demi-siècle.
    M. Jacques Myard. C'est inexact, madame. En ce temps-là, c'était très technique ! Je ne peux pas vous laisser dire cela. C'est une novation sémantique !

    M. le président. Monsieur  Myard, vous n'avez pas la parole !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Compte tenu du principe qui est au coeur même de l'Europe, à savoir que l'union fait la force,...
    M. Jacques Myard. Parole de scout !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... nous pensons qu'il faut, en s'unissant, respecter la règle commune que les Etats s'assignent.
    Certains d'entre vous, au contraire, ont regretté que ce projet de constitution n'aille pas assez loin. Par exemple, Mme Guigou a déploré que le modèle social européen, auquel nous tenons et que nous avons choisi, ne soit pas assez défendu. Je pense, au contraire, que l'intégration dans la constitution de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui comporte toute une série de droits sociaux - et Dieu sait que la Grande-Bretagne ne l'a acceptée qu'avec beaucoup d'hésitations - est, à cet égard, un atout considérable pour l'avenir. Il y a aussi la mention, tout à fait nouvelle dans les valeurs de l'Union européenne, du principe de l'économie sociale de marché. C'est également sur la proposition de la France que les services d'intérêt économique général, les services publics économiques, qui nous sont si chers, sont inscrits dans la constitution pour faire l'objet d'une législation européenne qui en fixerait les principes et les conditions.
    M. Jacques Myard. On n'en a pas besoin !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. M. Bayrou a souhaité que la politique européenne de défense se développe car, sans défense, l'identité politique de l'Europe serait amoindrie. C'est un de nos grands objectifs et, vous le savez, nous sommes parmi les pays qui ont, à cet égard, les propositions les plus audacieuses.
    M. Lequiller a noté la baisse des crédits octroyés à la Méditerranée. Je dois lui indiquer que ce n'est que la conséquence du changement de rubrique de la Turquie qui bénéficie désormais, en tant que pays candidat, des crédits de pré-adhésion, sans que cela préjuge en aucune manière de l'ouverture de négociations qui feront l'objet d'une décision des Etats en décembre 2004. Je l'ai déjà indiqué, il n'est pas question, pour l'Union européenne, de transiger sur le respect intégral des critères politiques de Copenhague en matière de respect de l'Etat de droit et des droits de l'homme. De même, la baisse des aides de pré-adhésion, que constate M. Sandrier, relève de l'entrée des pays de l'élargissement dans l'Union.
    Quant à Euromed, forum que la France a créé avec l'Egypte en 1994, j'étais, il y a quelques jours, à Antalya, pour une réunion informelle destinée à préparer le grand sommet du début du mois de décembre à Naples sur le dialogue euro-méditerranéen. Nous avons fait des propositions précises. La France a rappelé qu'elle reste attachée aux trois axes qui ont été définis ici : la création d'une assemblée interparlementaire de l'Euro-Méditerranée à vocation consultative d'une fondation du dialogue des cultures et des civilisations dans le cadre de l'Euro-Méditerranée, et la création éventuelle d'une filiale de la Banque européenne d'investissement, en fonction des résultats de l'étude d'impact qui sera rendue publique avant décembre sur la facilité d'investissement qui été mise au point dans le cadre de la BEI à destination des pays de la rive sud de la Méditerranée.
    Sur ce plan, nous pensons que l'Europe a plusieurs fenêtres...
    M. Jacques Myard. Il y a pas mal de vitres brisées !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... et qu'elles doivent être ouvertes de la même manière vers ses voisins de l'Est et vers ceux de la rive sud de la Méditerranée.
    Pour conclure, mesdames, messieurs les députés, ce budget européen est un bon budget pour l'Europe. C'est le premier budget de l'Europe à 25. C'est un début, aurais-je tendance à dire, c'est surtout un budget qui doit engager l'Europe...
    M. Jacques Myard. Dans une impasse !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... dans la nouvelle étape de sa construction. L'Europe va devenir, dans quelques mois, le troisième pôle démographique du monde après la Chine et l'Inde, et elle doit être à la hauteur de la situation.
    M. Jacques Myard. Il faut faire un effort de rattrapage !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Elle est tenue de répondre à l'appel de la croissance, et d'une croissance génératrice d'emplois. L'Europe n'est pas seulement faite pour les Etats, pour leur bonne entente, mais aussi pour leurs citoyens. En résumé, cette Europe doit défendre les valeurs dans lesquelles nous croyons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 41.
    (L'article 41 est adopté.)
    M. le président. Conformément à ce qui a été convenu vendredi matin en conférence des présidents, nous reprendrons à dix-huit heures la suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2004.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.
    Nous allons maintenant reprendre le cours de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2004.
    Je rappelle que, vendredi dernier, l'Assemblée s'était arrêtée à l'article 14.

Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour un rappel au règlement.
    M. Didier Migaud. Monsieur le président, nous souhaiterions savoir comment vont se dérouler nos travaux.
    M. Philippe Auberger. Le mieux possible !
    M. Didier Migaud. Nous avons eu connaissance du rappel au règlement formulé tout à l'heure par François Bayrou pour savoir dans quel ordre les articles allaient être discutés. En effet, il est important que nous le sachions.
    Nous avions par ailleurs demandé que les ministres concernés par des articles importants de ce projet de loi de finances puissent participer à nos travaux. Nous avions cité M. Devedjian pour le volet collectivités locales, M. Aillagon pour ce qui concerne la redevance...
    M. Jean-Louis Dumont. Oui, cela m'intéresserait hautement de l'entendre !
    M. Didier Migaud. ... et M. Fillon pour les questions relatives au RMA, à l'ASS et au transfert du RMI aux collectivités locales.
    Nous aimerions donc savoir quelle réponse a été apportée à notre demande.
    S'agissant du déroulement de nos travaux, nous voudrions aussi avoir des précisions : la séance de ce soir va-t-elle se poursuivre jusqu'à la fin de l'examen de cette première partie de loi de finances, jusqu'à épuisement des uns et des autres, ou allons-nous siéger demain matin ? Bref, nous avons besoin d'en savoir un peu plus sur l'organisation des travaux prévue par la présidence.
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, le souhait du Gouvernement est que les articles soient appelés dans l'ordre. C'est comme cela que nous procédons depuis le début de notre discussion et je ne vois pas de motif de changer de méthode, à moins que la commission ne souhaite qu'il en soit autrement.
     M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Non.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est la meilleure forme de respect que nous pouvons avoir envers les valeureux que vous êtes tous, qui travaillez jour et nuit, alors que nous avons parfois des orateurs de passage, qui peuvent nous quitter en cours de séance.
    M. Philippe Auberger. Des oiseaux nocturnes...
    M. Michel Bouvard. Des intermittents de l'hémicycle !
    M. Jean-Claude Sandrier. Des noms !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Pour répondre à votre demande insistante, monsieur Didier Migaud, je comprends - et avec beaucoup de regret - que je n'ai pas, au sein du Gouvernement, un rang qui vous honore suffisamment.
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas du tout ce que j'ai voulu dire !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mais je vous rappelle que j'ai mandat : je suis en mesure d'engager le Gouvernement et de répondre en son nom sur tous les sujets sur lesquels vous souhaiterez l'interroger. Mes réponses, je l'espère, vous donneront satisfaction.
    Enfin, en ce qui concerne la poursuite de la discussion « jusqu'à épuisement », pour reprendre votre expression, il est difficile à ce stade de prévoir à quelle vitesse nous avancerons. Pour ma part, je m'appliquerai à être le plus bref possible. Je pense qu'il nous faudrait aller cette nuit jusqu'au terme de la première partie de la loi de finances.
    M. le président. Je rappellerai simplement, pour compléter ce que vient de dire M. le ministre du budget, que nous n'avons pas séance demain matin. Nous avons donc la liberté de prolonger la séance de nuit comme à l'accoutumée.
    La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, nous avons l'habitude de passer des nuits blanches quand c'est nécessaire. Quand le travail nous appelle, nous répondons présents, cela ne nous gêne pas.
    Nous n'avons pas voulu, monsieur le ministre, être discourtois à votre égard en souhaitant que d'autres ministres participent à nos travaux. Nous avons entièrement confiance dans votre capacité à répondre à nos questions. Mais il est d'usage que des ministres puissent apporter un éclairage complémentaire lorsque des questions relèvent de leur quotidien. Or c'est le cas pour le volet relatif aux collectivités locales, comme pour la redevance et l'ASS.
    Nous regrettons donc la position du Gouvernement. Nous continuerons à demander la présence de certains ministres. Les années précédentes, j'ai souvenir que M. Pierret, M. Richard ou encore M. Gayssot étaient venus apporter des précisions sur certains sujets. J'avoue d'ailleurs que, lorsque j'exerçais les fonctions de rapporteur général, l'arrivée de certains ministres ne me paraissait pas toujours utile compte tenu du temps qui nous restait, mais je reconnais qu'elle permettait d'apporter un éclairage intéressant, notamment pour les membres de l'opposition de l'époque. Ceux-ci y tenaient et je crois que nous-mêmes avons raison d'y tenir.
    Je sais bien, monsieur le ministre, que vous pouvez, tel un médecin généraliste, répondre à toutes les questions, quelles qu'elles soient. Mais, de temps en temps, il peut être utile d'avoir le point de vue du spécialiste, de celui qui gère au quotidien tel ou tel dossier. D'autant que, en ce qui concerne les collectivités locales, il est des dispositions qu'on ne peut pas voter à l'aveugle, comme  Augustin Bonrepaux aura l'occasion de le dire. Il y a encore beaucoup d'inconnues dans les textes que prépare le Gouvernement sur la décentralisation, ce qui suscite des interrogations que seul le Premier ministre ou le ministre chargé des collectivités locales sont en mesure de lever.
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.
    M. Augustin Bonrepaux. Mon intervention porte également sur cette question. Puisque M. le ministre refuse de faire venir ici le ministre chargé des collectivités locales, au moins qu'il se prépare et qu'il prépare ce débat. Nous n'avons, dans cette loi de finances, aucune explication, aucune simulation. Nous ne savons pas quelles seront les conséquences d'une réforme qui pèsera lourd sur les collectivités locales, et de ce transfert du RMI, ou du RMA, aux collectivités locales. Peut-être M. Bayrou se contentera-t-il de l'annonce du transfert de l'ASS sur le RMA, mais cela ne changera pas la réalité qu'il décrivait l'autre jour à propos de l'augmentation des impôts des collectivités locales. Qu'il s'agisse du RMI ou du RMA, c'est un transfert qui pèsera sur les collectivités locales.
    De plus, dix articles concernent la réforme des collectivités locales, sur lesquels nous ne disposons d'aucune information du Gouvernement.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce sont d'excellents articles, que j'ai commentés !
    M. Augustin Bonrepaux. Le rapporteur général s'est efforcé de fournir une explication. Effectivement, il a donné des informations, mais il a aussi soulevé des interrogations et des inquiétudes. Je le félicite pour son travail, mais ce n'est pas suffisant, monsieur le ministre. Le Gouvernement ne peut pas se présenter ici sans aucune information, en ne nous fournissant aucune simulation. Puisque vous refusez de vous faire assister du ministre chargé des collectivités locales, donnez-nous au moins ces informations dans la soirée afin que, lorsque nous aborderons ces articles, vers six ou sept heures du matin, nous ayons pu étudier ces questions. Sinon, nous serons obligés de demander une suspension de séance, ce que nous ne voulons pas faire. Nous ne l'avons pas fait depuis le début de discussion. Evitez-nous d'avoir à le faire : donnez-nous toutes les informations dont nous ne disposons pas pour le moment.
    M. le président. Nous en revenons maintenant à l'examen des articles.

Article 14

    M. le président. « Art. 14. - I. - Le sixième aliéna de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés est remplacé par un alinéa ainsi rédigé :
    « Pour les établissements dont le chiffre d'affaires au mètre carré est inférieur à 1 500 euros, le taux de cette taxe est de 9,38 euros au mètre carré de surface définie au deuxième alinéa. Ce taux est porté à 11,39 euros si l'établissement a également une activité de vente au détail de carburants sauf si son activité principale est la vente ou la réparation de véhicules automobiles. Pour les établissements dont le chiffre d'affaires au mètre carré est supérieur à 12 000 euros, ce taux est de 34,12 euros. Ce taux est porté à 35,70 euros si l'établissement a également une activité de vente au détail de carburants sauf si son activité principale est la vente ou la réparation de véhicules automobiles. »
    « II. - Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er janvier 2004. »
    La parole est à M. Jean-Louis Dumont, inscrit sur l'article.
    M. Jean-Louis Dumont. L'article 13 - celui qui a été adopté la semaine dernière - et l'article 14 nous intéressent beaucoup. En effet, la fameuse TACA, la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, qui verra ses ressources globales augmenter de 374 millions en 2004, était destinée jusqu'à présent à financer un certain nombre d'opérations liées à la modernisation, et surtout à apporter une aide à certains commerçants ou artisans lorsque ceux-ci, au moment de la cessation de leur activité, connaissaient des difficultés quant à leurs ressources, sinon quant à la valorisation du fonds de commerce. Je pense en particulier, dans le milieu rural, aux difficultés rencontrées par les pompistes : beaucoup de stations-service ont fermé leurs portes ces dernières années. Je m'interroge, aujourd'hui, alors que les buralistes n'ont pas levé leur rideau de fer ce matin sur ce que vont devenir certains d'entre eux dans nos régions frontalières. Songeons non seulement à ceux qui, en fin de parcours professionnel, ne pourront pas valoriser leurs fonds de commerce - j'ai en tête un cas très précis dans l'arrondissement de Verdun, proche de la frontière belge, à Monmédy -, mais aussi au jeune qui vient de s'installer et qui aurait aimé reprendre les deux fonds de commerce, les fondre en un seul et augmenter son activité par des métiers annexes au métier principal que pouvait être le métier de buraliste. Est-ce que la TACA continuera à intervenir pour ce type de dossier ?
    Mais j'ai bien compris aussi que les articles 13 et 14 concernaient surtout l'équarrissage. Là aussi, après le problème sanitaire que l'on a connu ces dernières années, les dispositions européennes ont été appliquées, visant à diviser en deux filières l'intervention sur les déchets d'abattage, sur les animaux abattus, morts, ramassés : l'une qui peut être valorisée, et dont le produit peut être revendu, l'autre dont le produit ne peut être valorisé et doit donc être brûlé. Comment ces deux filières vont-elles s'organiser ? Et comment le service public de l'équarrissage sera-t-il assuré lorsque, par exemple dans les villes, même les petits animaux trouvés morts sur la voie publique doivent être ramassés ? Il y va de l'état sanitaire de nos cheptels. On ne peut pas être indifférent à ce qui se passera si demain on fait payer aux exploitants l'enlèvement de leurs cadavres d'animaux. On les retrouvera au fond des bois, voire, comme c'est parfois le cas, dans des trous d'eau.
    Monsieur le ministre, depuis vingt ans, on avait pratiquement réglé ce problème des cadavres abandonnés dans nos campagnes. Cette double filière et les crises successives qu'ont connues les usines d'équarrissage ne vont-elles pas avoir des conséquences néfastes sur l'état sanitaire général dans nos campagnes ?
    M. le président. L'amendement n° 19 n'est pas défendu.
    M. Michel Bouvard a présenté un amendement, n° 66, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi la dernière phrase du dernier alinéa du I de l'article 14 :
    « Ce taux est porté à 35,70 euros si l'établissement a également une activité de vente au détail de carburant comptant la distribution de gaz de pétrole liquéfié, et à 37 euros si l'activité de vente au détail de carburant ne comporte pas d'offre de gaz de pétrole liquéfié, sauf si son activité principale est la vente ou la réparation de véhicules automobiles. »
    M. Michel Bouvard. Il s'agit, au travers de cet amendement, d'attirer l'attention du Gouvernement sur le problème du réseau de distribution du GPL. Il me semble légitime que les grandes surfaces, qui réalisent des chiffres d'affaires importants avec le carburant, ou qui s'en servent comme produit d'appel, proposent du GPL, ce qui serait bien utile dans certaines parties du territoire. Il est proposé de les stimuler pour qu'elles le fassent, avec un majoration de la taxe si elles ne disposent pas de ce carburant.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. Bien qu'il s'agisse, comme le souligne Michel Bouvard, d'un problème réel, il ne nous a pas paru utile de créer une augmentation spécifique pour ce type de distribution, car la taxe est déjà suffisamment élevée.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. L'amendement augmenterait plus qu'il n'est nécessaire ou souhaitable le taux de la taxe que devront acquitter les redevables dont le chiffre d'affaires au mètre carré est supérieure à 12 000 euros et qui ont une activité de vente au détail. Par ailleurs, une telle mesure introduirait une discrimination entre redevables, qui n'est pas justifiée, et risquerait de constituer une aide d'Etat qui n'a pas été notifiée à la Commission européenne, ni autorisée par elle.
    Je souhaite donc que M. Bouvard retire son amendement. A défaut, je serais obligé d'en demander le rejet.
    Je vais maintenant répondre brièvement à M. Dumont. Généralement, je préfère répondre aux orateurs après le premier amendement, pour ne pas couper le rythme de nos travaux.
    Je tiens à vous rassurer, monsieur le député : les actions qui sont financées par la TACA sont intégralement préservées. Comme vous savez, le fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce, le FISAC, a été budgétisé en 2003. L'article 14 est donc sans lien avec cette question.
    Le service public de l'équarrissage est, quant à lui, intégralement préservé, avec des crédits d'un montant de 210 millions d'euros en 2004. Comme je vous l'ai dit, tard la nuit dernière, nous avons veillé à ce que les exploitants soient préservés.
    Enfin, pour ce qui concerne les buralistes, je vous rappelle qu'un plan de 120 millions d'euros a été adopté et que nous évoquerons ultérieurement cette question à l'occasion de l'examen d'un autre article.
    M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.
    M. Michel Bouvard. Je retire l'amendement, mais le problème demeure.
    M. le président. L'amendement n° 66 est retiré.
    M. Carrez, rapporteur général, a présenté un amendement, n° 45, ainsi rédigé :
    « Compléter le dernier alinéa du I de l'article 14 par la phrase suivante :
    « Le décret prévu à l'article 20 déterminera les taux applicables lorsque le chiffre d'affaires au mètre carré est compris entre 1 500 euros et 12 000 euros. »
    La paroles est à M. le rapporteur général.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement vise à réparer une omission.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 145.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 14, modifié par l'amendement n° 45.
    (L'article 14, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 14

    M. le président. M. Carrez, rapporteur général, M. Méhaignerie et M. Laffineur ont présenté un amendement, n° 48 rectifié, ainsi rédigé :
    « Après l'article 14, insérer l'article suivant :
    « Le code général des impôts est ainsi modifié :
    « I. - Sont abrogées les dispositions suivantes :
    « 1° Le 24° de l'article 81 ;
    « 2° Le 7 de l'article 200 A ;
    « 3° L'article 239 bis B ;
    « 4° L'article 722 ;
    « 5° L'article 797 ;
    « 6° L'article 1135.
    « II. - 1° Dans le premier alinéa du 4° du 1 de l'article 39, la référence "239 bis B est supprimée.
    « 2° Au début du 2 de l'article 119 bis, les mots : "Sous réserve des dispositions de l'article 239 bis B, sont supprimés.
    « 3° Dans le premier alinéa du a du 1 de l'article 220, les mots : "ou la taxe forfaitaire prévue à l'article 239 bis B sont supprimés. »
    La parole est à M. le rapporteur général.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Par cet amendement, la commission souhaite simplifier le code général des impôts, en supprimant quelques dispositions particulières, utilisées de façon marginale, qui constituent autant de branches mortes dans ce code. Il s'agit donc d'un toilettage qui porte sur six micro-dispositifs concernant certaines parties du territoire, la taxation forfaitaire des plus-values de sociétés inactives lors de leur dissolution, ou encore les primes perçues par les agents publics à l'occasion de leur délocalisation hors d'Ile-de-France.
    Ces différentes propositions figurent d'ailleurs dans le dernier rapport du Conseil des impôts.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Cet amendement propose en effet de supprimer plusieurs dispositions du code général des impôts devenues obsolètes. La simplification est notre souhait à tous, et certaines de ces suppressions étaient d'ailleurs déjà envisagées dans le cadre de l'ordonnance en cours d'élaboration. Je ne peux donc, sur le principe, que m'associer à la proposition du rapporteur général.
    Toutefois, je suis contraint d'émettre une réserve à propos, par exemple, de la suppression de l'exonération de droits de timbre pour les actes liés au règlement d'indivisions successorales en Corse, car le Gouvernement estime pour sa part que cette mesure conserve une certaine actualité. De même, la proposition de mettre un terme à la réduction de 30 % ou 40 % pour l'imposition des plus-values réalisées par les contribuables résidant dans les DOM me paraît prématurée sans expertises approfondies.
    C'est pourquoi je vous propose, si vous en êtes d'accord, monsieur le rapporteur général, de retirer votre amendement, pour qu'il puisse être examiné à nouveau ultérieurement. A défaut, je serais obligé d'en demander le rejet.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si mes collègues de la commission des finances m'y autorisent, je crois préférable de retirer l'amendement dans son ensemble, plutôt que telle ou telle des six dispositions qu'il vise.
    Comme je vois qu'il n'y a pas d'objections, je le retire.
    M. le président. L'amendement n° 48 rectifié est retiré.
    MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 156, ainsi rédigé :
    « Après l'article 14, insérer l'article suivant :
    « I. - Dans la première phrase du premier alinéa du 1. de l'article 231 du code général des impôts, après les mots : " et de leurs groupements, sont insérés les mots : " des établissements publics de santé, .
    « II. - Le taux applicable à l'impôt sur le bénéfice des sociétés est relevé à due concurrence. »
    La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. Cet amendement vise à exonérer les établissements publics de santé du paiement de la taxe sur les salaires. Cette année, il revêt évidemment une acuité toute particulière en raison de la tragédie de l'été dernier et de la pression accrue que subissent tous les acteurs de la communauté hospitalière. Vous me permettrez une petite digression à ce sujet, pour faire remarquer que les difficultés des hôpitaux, que vous avez tôt fait d'attribuer aux 35 heures, sont surtout dues à un manque cruel d'effectifs, qui n'est pas lié à cette mesure.
    Aujourd'hui, puisque le chiffon rouge des 35 heures semble en passe d'être rangé, il est impérieux de procéder au recrutement des emplois qualifiés, indispensables dans les établissements publics de santé. Nous aurons évidement l'occasion de développer notre analyse sur ce point lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais, ainsi que nous l'avions souligné lors de la mise en place des 35 heures, la suppression de la taxe sur les salaires permettrait de dégager les marges de manoeuvre nécessaires à ces recrutements. J'ajoute que cette taxe est prélevée sur la dotation attribuée à chaque hôpital, dotation qui provient des cotisations sociales. Or il est quelque peu paradoxal qu'un prélèvement public vienne ponctionner le produit d'un autre prélèvement public.
    C'est pour résoudre ce paradoxe et pour dégager les marges de manoeuvre nécessaires pour permettre le bon fonctionnement des hôpitaux que nous proposons cet amendement.
    Quant à la nature du gage, elle résulte de notre volonté de stopper la diminution des prélèvements sur le capital qui, par voie de conséquence, reporte une part de plus en plus grande des prélèvements sur le facteur travail.
    Enfin, monsieur le ministre, en octobre 2001, lorsque vous étiez président de la commission des finances du Sénat, vous aviez exprimé votre hostilité à la taxe sur les salaires. Nous nourrissons donc l'espoir extraordinaire que notre amendement pourra être retenu. (Sourires.)
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement, non qu'elle soit insensible au problème de la taxe sur les salaires,...
    M. Jean-Louis Idiart. Ah, tout de même !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...dont je rappelle qu'elle rapporte 6 à 7 milliards d'euros - nous souhaitons tous la réduire progressivement lorsque des marges de manoeuvre se dégageront -, mais parce qu'il représente la bagatelle de 1,5 milliard d'euros.
    Par ailleurs, le Gouvernement consent un effort considérable en faveur des hôpitaux, puisque le plan d'équipement des hôpitaux représente 2 milliards d'euros sur les prochaines années.
    M. Didier Migaud. Qui ne sont pas financés !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce n'est donc pas pour des raisons de fond, mais pour des raisons qui, je l'avoue, sont largement d'ordre budgétaire que l'amendement a été rejeté.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission, pour les mêmes raisons.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 156.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 149, ainsi libellé :
    « Après l'article 14, insérer l'article suivant :
    « I. - Après le 2 bis de l'article 231 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « 2 ter. - Le taux majoré de 13,60 % prévu au 2 bis ne s'applique pas aux salaires, indemnités et émoluments versés par les associations à caractère sportif régies par la loi du 1er juillet 1901 et qui bénéficient d'un agrément ministériel.
    « II. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence. »
    La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. S'agissant de l'amendement précédent, je fais simplement observer que son coût de 1,5 milliard d'euros - allons même jusqu'à 1,8 milliard - représente grosso modo le montant de la baisse d'impôt pour les deux plus hautes tranches du barème de l'impôt sur le revenu. Je pense donc que l'on pourrait faire cet effort si l'on en avait la volonté.
    L'amendement n° 149 vise, lui, à alléger la taxe sur les salaires pour les associations à caractère sportif. En effet, cette taxe pèse bien trop lourdement sur les associations - quelles qu'elles soient, d'ailleurs -, alors qu'elles ont tout intérêt à pouvoir se développer et à étendre leurs activités, afin de toucher le maximum de personnes.
    Nul ne peut contester le rôle primordial que jouent les associations sportives, notamment auprès des jeunes, par ailleurs, chaque grand événement est là pour nous rappeler l'engouement de la population pour le sport. Du reste, à la suite des grands rendez-vous sportifs, comme la Coupe du monde de football ou, plus récemment, les Championnats du monde d'athlétisme, on constate une augmentation des inscriptions dans les associations sportives.
    Ces associations ont donc besoin de personnel. Or ce n'est pas en supprimant les contrats emploi-solidarité et les emplois-jeunes, ou en maintenant une taxe sur les salaires élevée, qu'on leur permettra de répondre aux diverses demandes et sollicitations de la population.
    Cet amendement vise tout simplement à fournir une aide aux associations sportives en rendant plus supportable le poids de la taxe sur les salaires.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable, dans la mesure où, sous la précédente législature, a été décidé un abattement forfaitaire de 5 185 euros qui est bien adapté à l'activité des petites associations. Il semble donc que cette disposition soit suffisante.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable également.
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Il s'agit d'un sujet important que celui de la baisse de la taxe sur les salaires pour les associations, car il y va du soutien que l'on peut apporter à la vie associative. D'autant que l'on assiste à un réel désengagement de l'Etat vis-à-vis des associations.
    Je remercie le rapporteur général d'avoir rappelé la mesure positive prise en la matière sous la législature précédente. Nous aimerions que ce gouvernement prenne, lui aussi, des mesures positives en faveur de la vie associative. Or nous assistons à une avalanche de décisions défavorables, qui remettent en cause le travail de beaucoup d'associations. Je pense notamment à la suppression des emplois-jeunes et à la remise en cause d'un certain nombre de politiques publiques, qui vont énormément fragiliser le mouvement associatif.
    Pour notre part, nous avions déposé des amendements sur ce thème, mais je pense qu'ils seront examinés plus loin dans le texte. Cela dit, je soutiens cet amendement, et je m'étonne de la sécheresse de la réponse du rapporteur général, qui semble se montrer imperméable aux difficultés que peuvent rencontrer aujourd'hui de nombreuses associations.
    M. Jean-Louis Dumont. Très bien ! C'était un plaidoyer parfait !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 149.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 150, ainsi libellé :
    « Après l'article 14, insérer l'article suivant :
    « I. - Après le 2 bis de l'article 231 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « 2 ter. - Le taux majoré de 13,60 % prévu au 2 bis ne s'applique pas aux salaires, indemnités et émoluments versés par les associations à caractère culturel régies par la loi du 1er juillet 1901 et qui bénéficient d'un agrément ministériel. »
    « II. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence. »
    La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. Si vous m'y autorisez, monsieur le président, je me propose de soutenir les amendements n°s 150 à 153.
    M. le président. Avec plaisir.
    Je suis en effet saisi des amendements n°s 151, 152 et 153, présentés par MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    L'amendement n° 151 est ainsi libellé :
    « Après l'article 14, insérer l'article suivant :
    « I. - Après le 2 bis de l'article 231 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « 2 ter. - Le taux majoré de 13,60 % prévu au 2 bis ne s'applique pas aux salaires, indemnités et émoluments versés par les associations à caractère éducatif régies par la loi du 1er juillet 1901 et qui bénéficient d'un agrément ministériel. »
    « II. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence. »
    L'amendement n° 152 est ainsi libellé :
    « Après l'article 14, insérer l'article suivant :
    « I. - Après le 2 bis de l'article 231 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi régigé :
    « 2 ter. - Le taux majoré de 13,60 % prévu au 2 bis ne s'applique pas aux salaires, indemnités et émoluments versés par les associations à caractère social régies par la loi du 1er juillet 1901 et qui bénéficient d'un agrément ministériel. »
    « II. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence. »
    L'amendement n° 153 est ainsi libellé :
    « Après l'article 14, insérer l'article suivant :
    « I. - Après le 2 bis de l'article 231 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « 2 ter. Le taux majoré de 13,60 % prévu au 2 bis ne s'applique pas aux salaires, indemnités et émoluments versés par les associations à caractère philanthropique régies par la loi du 1er juillet 1901 et qui bénéficient d'un agrément ministériel. »
    « II. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence. »
    Vous avez la parole, monsieur Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. Etant donné que notre rapporteur a fait référence à une bonne mesure prise sous la législature précédente, je regrette qu'il refuse celle que je propose, qui aurait permis de marquer un nouveau progrès ; c'est dommage.
    Tous ces amendements ont pour objet de supprimer le taux supérieur majoré intervenant dans le calcul de la taxe sur les salaires pour les associations dont l'action relève de l'intérêt général, et ce afin de relancer l'emploi dans le secteur associatif. L'amendement n° 150 a trait aux associations à caractère culturel, l'amendement n° 151 aux associations à caractère éducatif, l'amendement n° 152 aux associations à caractère social et l'amendement n° 153 aux associations à caractère philanthropique.
    Nombre d'associations connaissent des difficultés financières graves, au point qu'elles ne peuvent plus assurer le paiement des salaires et qu'elles sont même parfois à la limite de la cessation de paiement. Pourtant, ces associations sont indispensables dans la société qui est la nôtre, où les services publics vont être progressivement privatisés pour laisser la place à un marché tout puissant. Les associations sont, en effet, souvent les seuls lieux de rencontre pour des personnes désoeuvrées, isolées. Elles ont vocation à distribuer ou à redistribuer des services ou des savoirs. Elles permettent peut-être mieux que quiconque, de tisser un lien social. Elles sont, pour certaines, une véritable force populaire. Ainsi, les associations à caractère culturel permettent à tous, jeunes et moins jeunes, pauvres et riches, d'accéder à un savoir, à des activités, dans un souci de proximité avec la population.
    C'est cette richesse que nous souhaitons conserver. Les associations doivent être favorisées dans leurs actions, et c'est pourquoi il est nécessaire d'alléger la taxe sur les salaires à laquelle elles sont assujetties.
    J'en profite pour dire que les subventions qui leur sont allouées devraient être versées plus tôt dans l'année. Cela contriburait à améliorer leur fonctionnement.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 150 ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable, pour les raisons évoquées précédemment.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Tous ces amendements ont un coût : 3,8 milliards. Par ailleurs, s'agissant du soutien à la vie associative, la loi du 1er août 2003 sur le mécénat (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) a porté de 50 % à 60 % la réduction d'impôt pour les dons faits aux associations. (Protestations sur les mêmes bancs.)
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas de même nature, monsieur le ministre !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Avis défavorable, donc.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.
    M. Jean-Louis Dumont. Les réponses de la commission et du Gouvernement sont vraiment navrantes.
    Dois-je rappeler combien, au cours de ces dernières années, nous avons été attentifs à l'évolution du milieu associatif, à clarifier un certain nombre de situations, à faire en sorte que la loi de 1901 retrouve, après que l'on eût fêté son centenaire, une certaine vigueur, afin de démontrer que la solidarité n'est pas un vain mot ?
    Que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain, la rencontre d'hommes et de femmes animés d'un esprit militant permet d'engager des actions qui, peu à peu, revêtent un caractère économique. Cela induit des fonctions de salariés. Certes, des mesures ont déjà été prises en matière de taxe sur les salaires, mais vous savez, monsieur le ministre, que cette taxe est fort mal perçue dans le tissu associatif, d'autant que nombreuses sont les associations qui voient s'assécher les subventions dont elles bénéficiaient.
    A l'heure où l'on parle de décentralisation, de compétence unique, où l'on cherche à éviter les financements croisés, il convient d'être très attentif au milieu associatif, de lui donner l'autonomie financière et surtout la capacité d'aller de l'avant.
    Pour ce qui est des grosses associations, le projet de loi qui a été voté sur les sociétés coopératives d'intérêt collectif permet d'envisager une évolution de leurs statuts et une clarification de leur situation économique, ce qui, à mon sens, est une bonne chose. Toutefois, pour la plupart des associations qui ont plusieurs salariés, et qui, de ce fait, profitent peu de l'exonération, la situation est très dure.
    Permettez-moi, monsieur le ministre, de reprendre un exemple que j'ai déjà cité au cours du débat.
    M. Michel Bouvard, vice-président de la commission. Nous nous en souvenons très bien !
    M. Jean-Louis Dumont. Je vais cependant vous le rappeler, monsieur Bouvard, car je n'ai jusqu'à présent obtenu aucune réponse.
    Il s'agit du cas d'une association qui gère une crèche et qui doit se mettre en conformité, au 1er janvier 2004, avec les directives de la Caisse nationale d'allocations familiales. Eh bien, si le maire refuse de signer la convention tripartite, il ne restera pas d'autre solution que de fermer l'établissement, ce qui reviendra à licencier une quinzaine de personnes. Tout cela résulte du fait que l'on n'est pas assez attentif à l'autonomie des associations, à leur capacité d'exercer un métier et de le faire bien, à leur faculté d'avoir des salariés compétents, à leur aptitude à rendre, dans le cadre de la solidarité, un service à des familles qui n'ont pas toujours les moyens de payer le tarif maximal. Du reste, les entreprises privées n'interviennent que dans les secteurs les plus rentables mais pas dans les autres ; c'est dans ces derniers que les associations sont actives et rendent un vrai service.
    Manifestement, une réflexion doit être conduite pour redonner du sens à l'intervention des associations, et cela passe par une diminution de la taxe sur les salaires à laquelle elles sont assujetties.
    M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.
    M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre, en rentrant ce week-end dans ma commune, je me suis trouvé confronté au problème très concret de l'avenir d'une petite association culturelle, problème auquel le mécénat ne permet pas de répondre - pour être un élu local, vous devez le savoir.
    Cette association gère, semaine après semaine, une petite galerie d'art plastique grâce à un noyau de bénévoles et deux personnes titulaires de contrats aidés. Le problème tient au fait que les contrats aidés se tarissent et que les conditions de leur obtention se sont particulièrement durcies, ce qui fait que ce type d'association a de plus en plus de mal à vivre. Il en est de même pour celles dont le fonctionnement reposait sur des emplois-jeunes.
    D'ailleurs, pour ce qui est des emplois-jeunes, j'ai dû en transformer deux dans ma commune en emplois municipaux : l'un s'occupe de la maison des jeunes, l'autre du club de gymnastique.
    A l'heure actuelle, les communes ont d'énormes difficultés pour maintenir le tissu social et le tissu associatif. Les frais de fonctionnement augmentent, et ce n'est pas la DGF de cette année - celle de ma commune a augmenté de 1,05 % - qui va améliorer les choses.
    Il est donc très important d'alléger les charges salariales des petites associations. J'estime que l'amendement de notre collègue communiste n'est pas superfétatoire compte tenu de la réalité et de la nécessité de maintenir le tissu social ; Dieu sait si, à l'heure actuelle, on en a bien besoin dans nos quartiers et dans nos communes !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 150.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 151 ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable, ainsi que sur les amendements n°s 152 et 153.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que celui de la commission : défavorable aux trois amendements.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 151.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 152, sur lequel la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.

    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 153, rejeté par la commission et le Gouvernement.

    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements, n°s 109, 110 et 380 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements n°s 109 et 110 sont présentés par MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    L'amendement n° 109 est ainsi rédigé :
    « Après l'article 14, insérer l'article suivant :
    « La deuxième phrase du premier alinéa du III de l'article 235 ter Y du code général des impôts est supprimée. »
    L'amendement n° 110 est ainsi libellé :
    « Après l'article 14, insérer l'article suivant :
    « La deuxième phrase du premier alinéa du III de l'article 235 ter Y du code général des impôts est ainsi rédigée :
    « Toutefois ce taux est fixé à 0,8 % pour la contribution due à partir de 2003 sur les dépenses et charges comptabilisées à compter de 2002. »
    L'amendement n° 380 rectifié, présenté par MM. Bonrepaux, Migaud, Emmanuelli, Idiart et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « Après l'article 14, insérer l'article suivant :
    « La deuxième phrase du premier alinéa du III de l'article 235 ter Y du code général des impôts est ainsi rédigée :
    « Le taux de la contribution est fixé à 0,80 % pour la contribution due en 2003 et 2004 sur les dépenses et charges comptabilisées respectivement en 2002 et 2003. »
    La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir les amendements n°s 109 et 110.
    M. Jean-Claude Sandrier. Ces amendements visent à exprimer notre opposition à l'extinction progressive de la contribution des institutions financières.
    La décision de supprimer progressivement cette contribution a été prise l'année dernière, à l'occasion de la loi de finances pour 2003. Vous adressiez ainsi, mesdames, messieurs de la majorité, un message très significatif à Michel Pébereau et à ses amis de la Fédération bancaire française : ces derniers pourront continuer à s'enrichir sur le dos de l'ensemble des Français.
    Alors qu'à l'heure actuelle l'ensemble de nos concitoyens sont tenus d'avoir un compte de dépôt, ils doivent de plus en plus fréquemment payer pour retirer leur argent : pour retirer de l'argent d'un distributeur automatique ou, comme dans le cas de la BNP-Paribas, l'établissement dirigé par l'omniprésent Michel Pébereau, au guichet.
    Le débat à propos du chèque payant, si souvent annoncé, déchaîne les passions, car nombre de Français qui ont pour seul patrimoine des liquidités ne peuvent se résoudre à accepter les pratiques confiscatoires de nombre d'établissements de crédit.
    Les représentants des associations de défense des consommateurs, telles que l'UFC-Que Choisir ou CLCV, que nous rencontrons fréquemment, nous alertent sur le manque de transparence des relations entre les banques et les déposants.
    Certes, certaines institutions comme La Poste ou la Caisse d'épargne se démarquent et traitent leurs clients avec moins de condescendance, c'est-à-dire comme de véritables prestataires de services. Mais on peut se demander jusqu'à quand ce sera le cas.
    Avec la suppression de la contribution des institutions financières, une juste contrepartie correspondant aux frais bancaires ponctionnés sur le dos des déposants, y compris les plus modestes, disparaît de notre législation.
    Cela aurait pu être acceptable si le Gouvernement s'était engagé dans une démarche volontariste vouée à éclaircir les relations entre les banques et les déposants. Or la loi de sécurité financière adoptée à la fin de la session parlementaire précédente a engagé une démarche inverse en supprimant les dispositions de la loi MURCEF concernant les conventions de comptes de dépôts.
    Dans un contexte où vous tolérez un certain nombre de pratiques des établissements de crédit relevant pour ainsi dire de l'escroquerie, nous vous incitons vivement à adopter l'amendement n° 109.
    M. le président. La parole est à  M. Jean-Louis Idiart, pour défendre l'amendement n° 380 rectifié.
    M. Jean-Louis Idiart. Nous proposons de stopper la baisse des contributions des institutions financières au niveau actuel de 0,80 %, après la baisse de 20 % en 2003. Rien ne vient justifier une telle baisse dans le contexte budgétaire tendu que connaît actuellement la France.
    Je voudrais m'associer aux propos que vient de tenir M. Sandrier.
    Dans nos circonscriptions respectives, nous connaissons très bien les difficultés qu'éprouvent nos concitoyens qui doivent acquitter un certain nombre de frais, notamment quand ils utilisent les distributeurs automatiques.
    Dans ma circonscription notamment, les distributeurs ne sont pas très nombreux. Il faut parcourir beaucoup de kilomètres pour en trouver un. Mais, quand ils en ont trouvé un, les clients doivent faire face à des frais supplémentaires si ce distributeur est celui d'un concurrent de leur banque, à moins de disposer d'un certain type de carte, fort coûteux au demeurant. Non seulement nous avons des difficultés à obtenir que les établissements bancaires répartissent leurs distributeurs de façon équitable sur le territoire, mais celles et ceux qui n'ont pas à proximité de chez eux un distributeur de leur établissement bancaire sont de surcroît taxés.
    Tant que le monde bancaire ne fait pas d'effort, il ne faut plus lui faire de cadeaux, alors même que le contexte budgétaire est particulièrement difficile.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 109 ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a émis un avis défavorable.
    Je rappelle que la suppression, en trois ans, de la contribution des institutions financières a été adoptée l'année dernière.
    Certes, ainsi que l'a rappelé M. Idiart, il y a un problème de fonctionnement de nos banques à l'échelon local. Mais il y va de la sauvegarde de nos emplois dans le secteur financier et bancaire, dans une situation devenue extrêmement compétitive. Il s'agit d'emplois à très forte valeur ajoutée, pour lesquels notre pays est en concurrence directe avec un certain nombre d'autres pays - je pense notamment à la place de Londres. Dans son excellent rapport, notre collègue Michel Charzat avait bien mis en évidence qu'il fallait sauvegarder les emplois dans le secteur bancaire. Pour ce faire, il préconisait d'agir sur la contribution des institutions financières, qui est une charge exceptionnelle, dérogatoire, qui n'existe dans aucun autre pays.
    Le Gouvernement a donc eu tout à fait raison de proposer son extinction en trois ans, compte tenu de ce qu'elle représente - pas loin de 1 milliard d'euros. Nous avons voté la disposition l'année dernière et je ne vois aujourd'hui aucune raison de la remettre en cause. Bien au contraire !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 109 ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 109.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 110 ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 380 rectifié ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.
    M. le président. Et celui du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable également.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 380 rectifié.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de l'amendement n° 111. Monsieur Sandrier, pourriez-vous défendre en même temps l'amendement n° 108, dont vous êtes également signataire ?
    M. Jean-Claude Sandrier. Soit, monsieur le président. Mais il ne faudrait pas que cela devienne une habitude ! (Sourires.)
    M. le président. Ces amendements ont été présentés par MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
L'amendement n° 111 est ainsi rédigé :
    « Après l'article 14, insérer l'article suivant :
    « La dernière phrase du premier alinéa du III de l'article 235 ter Y du code général des impôts est supprimée. »
    L'amendement n° 108 est ainsi libellé :
    « Après l'article 14, insérer l'article suivant :
    « Dans la dernière phrase du premier alinéa du III de l'article 235 ter Y du code général des impôts, le nombre "3 000 est remplacé par le nombre "1 500. »
    Vous avez la parole, monsieur Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. L'amendement n° 111 vise à remédier à une disposition, fort préjudiciable, votée lors de l'examen de la loi de finances pour 2003, l'extinction progressive de la contribution des institutions financières. Pour compenser l'iniquité de cette disposition, nous proposons de supprimer l'abattement pratiqué sur le montant de cette contribution.
    Si nous défendons cet amendement avec force et conviction, c'est que nous n'obtenons pas de réponse à une question qui tient à coeur aux quarante millions de titulaires d'un compte de dépôt : la clarification des relations entre les établissements de crédit et leurs clients.
    Vous refusez de prendre ce dossier au sérieux, comme si les interrogations et les attentes de nos concitoyennes et de nos concitoyens n'étaient pas légitimes. L'exemple des dates de valeur devrait suffire à vous convaincre du contraire.
    La pratique des dates de valeur n'a rien d'anodin : ces dates induisent une véritable tarification occulte, puisqu'elles sont invisibles, incontrôlables et tout à fait incompréhensibles pour les consommateurs. Cette pratique illégale permet aux banques, qui continuent d'y avoir recours, d'engranger au moins 2 milliards d'euros par an au détriment de leurs clients. Vous voyez qu'il y a de l'argent et, quand on en veut, on en trouve.
    Comment tout cela fonctionne-t-il ? Lorsqu'on dépose un chèque sur son compte, on pense disposer de cette somme pour combler un découvert et même faire quelques emplettes. C'est oublier que les dates de valeur sont fort différentes des dates d'opération. De nombreuses banques utilisent encore ce système de comptabilité occulte pour décaler les sommes créditées ou débitées à leur intérêt, ce qui pose tout de même un problème. Le système est particulièrement subtil : en réalité, les banques ne diffèrent pas la date du débit ou du crédit - la date d'opération qui apparaît sur le relevé est conforme à la réalité -, mais elles appliquent un second système de comptabilisation, lequel prend en compte ces décalages artificiels. Dans ce second système, totalement opaque, les banques font comme si les dépôts et les dépenses avaient eu lieu à une autre date. Les débits auraient eu lieu un ou deux jours plus tôt et les chèques au crédit auraient été déposés sept jours plus tard dans certains cas.
    Le consommateur ne connaît rien de ces pratiques. Il s'acquitte implicitement d'agios et de frais financiers, parfois sans s'en rendre compte ni connaître leur justification. Nous sommes donc très loin de l'idéal de transparence. Cette méconnaissance des pratiques bancaires peut coûter très cher. Les nombreux témoignages recueillis chaque mois par les associations de consommateurs sont éloquents : des clients se voient facturer des agios éventuellement assortis de frais de rejet d'écritures, du simple fait des dates de valeur. Aucun autre professionnel ne peut s'approprier ainsi l'argent de ses clients pour l'utiliser à son profit mais à leur détriment.
    Un arrêt rendu par la Cour de cassation le 27 juin 1995 a rappelé aux banques que les dates de valeur ne sont pas plus admissibles sur les virements que sur les retraits d'espèces.
    Les sommes perçues du fait des dates de valeur ne sont pas très importantes. Cependant, l'addition de ces petites sommes fait que l'on atteint des montants assez élevés. Cela est d'autant plus grave que, depuis la mise en place du système interbancaire de télécompensation, plus rien ne justifie les dates de valeur.
    Il faut en finir avec ce système que l'on peut qualifier d'escroquerie car les dates de valeur ne sont pas la contrepartie d'un service.
    Tant que ce dossier ne sera pas traité, nous ne pourrons pas admettre la suppression de la contribution des institutions financières.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements en discussion ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 111.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 108.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 145 et 146, pouvant faire l'objet d'une présentation commune.
    Ces amendements ont été déposés par MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    L'amendement n° 145 est ainsi libellé :
    Après l'article 14, insérer l'article suivant :
    « L'article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi modifié :
    « I. - Le III est ainsi rédigé :
    « III. - Le taux de la taxe est fixé à 0,05 % à compter du 1er septembre 2003. »
    « II. - Le IV est supprimé. »
    L'amendement n° 146 est ainsi libellé :
    « « Après l'article 14, insérer l'article suivant :
    « L'article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi modifié :
    « I. - Le III est ainsi rédigé :
    « III. - Le taux de la taxe est fixé à 0,01 % à compter du 1er septembre 2003. »
    « II. - Le IV est supprimé. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Je veux bien défendre ces amendements en même temps pour être agréable au Gouvernement, qui n'a pourtant pas le sens de la réciprocité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Richard Mallié. C'est facile !
    M. Jean-Pierre Brard. Je voulais vérifier si vous étiez attentifs. J'ai maintenant la preuve que c'est le cas ! (Sourires.)
    M. le président. Nous sommes toujours attentifs, monsieur Brard !
    M. Philippe Auberger. Mes collègues boivent vos propos, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Les transactions sur les marchés des changes atteignent des sommes faramineuses qui se comptent chaque jour en milliards d'euros. Quand on compare ces centaines de milliards d'euros au simple millier d'euros mensuel du smicard, on mesure la disproportion.
    Cette spéculation stérile n'est nullement combattue par la politique monétaire de la Banque centrale. Les moyens existent pourtant. Vous connaissez tous ici le prix Nobel d'économie James Tobin, qui n'a jamais été un gauchiste. S'il avait été député, il aurait plutôt siégé sur vos bancs que sur les nôtres, ce qui, a priori, devrait vous inciter à tendre plus facilement l'oreille.
    James Tobin a proposé d'instaurer un mécanisme de taxation des transactions de devises à court terme afin de pénaliser les logiques de spéculation stérile.
    Cette idée s'est vue réappropriée par des mouvements citoyens tels que ATTAC qui, aujourd'hui, est sûrement l'un des rares lieux où l'on produit des idées, où l'on pratique la confrontation, alors que le reste se distingue souvent par sa vacuité.
    Monsieur le ministre, je voudrais vous proposer une devinette. Si vous devinez de qui sont les propos que je vais vous citer, vous gagnerez un week-end à Alençon (Sourires) :
    « Ce débat qui est, je crois, un débat fondamental pour demain, a été un peu obscurci, passionné par la polémique sur la taxe Tobin. C'est dommage. Ce que je souhaite, c'est que l'on prenne une décision collective admettant ou souhaitant ou impliquant la création d'une taxation d'une partie - d'une faible partie d'ailleurs, ce sera suffisant - des richesses créées, engendrées par la mondialisation afin de mobiliser les moyens nécessaires pour lutter contre les effets pervers de la mondialisation. »
    Voilà une réflexion très sérieuse, qui n'est pas du tout aussi humoristique que les propos du Premier ministre : « Si nous chavirons, ce sera le naufrage ! » (Sourires.)
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Votre citation est de Jacques Chirac !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. M. Carrez vient de gagner son week-end !
    M. Jean-Pierre Brard. Je reconnais bien là votre sagacité politique, monsieur le rapporteur général. Les propos que j'ai cités sont en effet de Jacques Chirac.
    M. Didier Migaud. De toute façon, dès qu'il y a un décalage entre le discours et la réalité, on peut dire que c'est de Jacques Chirac ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Murmures sur les bancs du groupe de l'union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Monsieur Migaud, c'est M. Brard qui a la parole !
    M. Jean-Pierre Brard. Ces propos sont tirés d'une déclaration faite le 24 septembre 2002 par le Président de la République lors du sommet Europe-Asie de Copenhague.
    C'est à l'initiative de parlementaires de la précédente majorité qu'un dispositif prévoyant la mise en place d'une taxe dite « taxe Tobin » avait été adopté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2002.
    En fin de compte, le Président de la République et M. de Villepin ont montré l'exemple à l'ONU. Quand ils ont parlé au nom de la France dans l'affaire irakienne, notre fibre nationale a vibré et leurs propos ont permis à la France de retrouver son rayonnement dans le monde. Ce que nous vous proposons aujourd'hui, c'est un rayonnement non pas à éclipses, mais dans la durée, conformément à la vocation de notre pays depuis la Révolution, qui, par les idéaux qu'elle a portés, a permis à la France d'être reconnue dans le monde entier.
    Monsieur le ministre, nous vous proposons d'appliquer la taxe de 0,01 % telle que le Président de la République l'a proposée au sommet de Johannesburg. Nous vous donnons ainsi, chers collègues de la majorité, l'occasion de joindre les paroles du Président de la République aux actes.
    Je sais que M. Jean-François Copé, qui vient d'arriver dans l'hémicycle, est aussi un interprète fidèle de la pensée et de la parole présidentielle. Il est certainement venu vous apporter son renfort pour que vous nous souteniez.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements en discussion ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a émis un avis dévarorable.
    Je voudrais remercier nos collègues du groupe des députés communistes et républicains, en particulier Jean-Pierre Brard, d'avoir présenté ces amendements sur la taxation des transactions monétaires internationales.
    Souvenez-vous : nous passions précédemment plusieurs heures sur ce sujet. Cette fois-ci, nos collègues du groupe socialiste sont muets...
    M. Didier Migaud. Pas du tout, je me suis inscrit dans la discussion !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ils ont raison de ne pas avoir déposé d'amendement.
    L'idée est séduisante. La preuve : elle séduit les meilleurs esprits...
    M. Didier Migaud. Dans son principe ; elle a été votée !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... et M. Brard a fait allusion à l'un d'entre eux. Mais elle est pour le moment inapplicable. Quand sera-t-elle applicable ? Le jour où l'ensemble des pays accepteront conjointement de l'appliquer.
    Vous étiez, mes chers collègues de l'opposition, tellement sensibles à ce problème que, sous la précédente législature, l'amendement que vous aviez adopté prévoyait l'accord des différents membres de l'Union européenne avant de mettre la disposition en vigeur à l'échelle de l'Europe. Nous-mêmes vous avions fait une objection : à supposer que l'on obtienne l'accord des Etats européens, celui-ci ne suffirait pas car il faudrait également obtenir un minimun d'accord du côté de la zone dollar et probablement aussi des pays du Sud-Est asiatique.
    Il n'y a pas de rejet sur le plan philosophique ou conceptuel. D'ailleurs, James Tobin lui-même s'était montré plus réservé ces dernières années.
    M. Hervé Mariton. Il était même contre !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il semble qu'il ait été plus sensible aux aspects strictement opérationnels de la mesure.
    M. Philippe Auberger. Il en est mort ; le pauvre !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Je ne comprends pas le silence du Gouvernement. Je souhaite qu'il nous donne des précisions sur cet important sujet.
    M. le rapporteur général vient, avec honnêteté et sincérité, de rappeler le vote, sous la législature précédente, d'une taxe à taux zéro pour permettre la discussion avec les autres gouvernements de l'Union européenne et avec les autres Etats susceptibles d'être intéressés - je pense aux Etats-Unis. Je salue la présence de M. Copé. Peut-être pourra-t-il nous apporter quelques éclaircissements, à moins que sa présence ne nous annonce la venue de tel ou tel ministre.
    Monsieur le ministre du budget, quelles sont les initiatives concrètes que le gouvernement français a prises pour aller dans le sens des déclarations très fortes du Président de la République ? Il me semble indispensable que vous informiez l'Assemblée. Si le Gouvernement n'a pris aucune initiative, cela veut dire que le Président de la République n'est pas suivi par le Gouvernement, ce qui est très dommage. Et s'il a pris des initiatives concrètes, il est important que nous en ayons connaissance pour vous aider à les soutenir auprès de nos partenaires européens. Ma question est précise : où en sommes-nous sur la taxe Tobin compte tenu des déclarations fortes du Président de la République, et le gouvernement Raffarin a-t-il pris des initiatives concrètes pour que nous puissions avancer sur ce dossier ?
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Ce qu'a dit M. le rapporteur général n'est pas très convaincant. Je citais l'exemple de l'Irak. Quel est le pays qui, le premier, a pris la tête d'une démarche qui n'était pas gagnée d'avance pour faire capoter la volonté américaine d'embringuer l'ONU dans l'aventure irakienne ? C'est la France. Et elle était seule au début. Vous pensez que les Allemands auraient pris l'initiative de mener la bronca contre l'oncle Sam ? Evidemment non ! La France a eu le courage de le faire.
    M. Jean-Paul Anciaux. Bravo !
    M. Jean-Pierre Brard. Expliquez-nous au nom de quoi cela serait impossible pour la taxe Tobin. Pensez-vous que les pays « dollarisés » qui investissent en France seraient prêts à renoncer à leurs investissements, et surtout à leurs bénéfices, pour 0,01 % de taxe sur les transactions ? Ce n'est pas crédible. Une étude récente montre que si les compagnies aériennes européennes augmentaient sensiblement leurs tarifs pour des raisons de lutte contre la pollution par exemple, s'exposant ainsi à la concurrence américaine ou asiatique, cela n'aurait quasiment pas de conséquence sur leur chiffre d'affaires. On peut donc raisonner par extrapolation, d'autant que le taux proposé est très faible. Cela dit, j'espère que votre conviction n'est pas cotée à 0,01 % par rapport à l'engagement du Président de la République. Je ne voudrais pas être à la place du rapporteur général. En effet, qu'arrive-t-il à nos collègues de droite ? La semaine dernière, le Président de la République a dit que c'était une idiotie de s'opposer aux 35 heures. Moi, je crains pour eux - cela me ferait de la peine qu'ils soient désavoués - que le Président de la République, qui s'est exprimé clairement en septembre 2002, ne dise de nouveau que c'est une idiotie...
    M. Didier Migaud. Une imbécillité !
    M. Jean-Pierre Brard. Oui, c'est moins grave !
    ... Que c'est une imbécillité de s'opposer à la taxe Tobin. En réalité, dès lors qu'il s'agit de prendre quelques petits sous à ceux qui en gagnent tellement de façon immorale dans les mouvements spéculatifs, vous êtes tétanisés ! Et, à un moment où certains se demandent s'il ne faut pas inscrire l'héritage chrétien dans la constitution européenne, je pense que vous n'êtes pas, pour la plupart d'entre vous, de bons chrétiens. Vous n'êtes même pas des animistes. Vous êtes des idolâtres ! Vous idolâtrez le veau d'or devant lequel vous êtes à genoux et vous ne voulez même pas lui enlever 0,01 % du gras qu'il fait !
    M. Pierre Hériaud. C'est excessif !
    M. Richard Mallié. Parlons plûtôt de Marx et Lénine ! A Cuba !
    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.
    M. Hervé Mariton. Je suis contre ces amendements. Je ne suis pas convaincu que l'exemple français doive nécessairement et systématiquement être poursuivi sur ce type de chemin.
    M. Jean-Pierre Brard. Capitulation !
    M. Hervé Mariton. Nous ne sommes pas obligés d'être isolés pour être à l'avant-garde. C'est une affaire un peu curieuse d'ailleurs, car vous proposez de faire passer le taux de cet impôt de 0 % à 0,05 %, ce qui correspond à une augmentation considérable. Si, chaque fois qu'un impôt est fixé, vous en proposez une augmentation aussi considérable, c'est inquiétant. Je vous rappelle que James Tobin était opposé à la « taxe Tobin » et s'il est tout à fait légitime d'évoquer la question des mouvements de capitaux, la taxation dans ces conditions est assurément une très mauvaise idée.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est un sujet de colloque !
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je commencerai par une explication à l'endroit de l'Assemblée : lorsque je n'interviens pas, c'est parce que le rapporteur général a donné des explications identiques à celles que j'aurais pu donner. C'est pour ne pas faire perdre de temps à l'Assemblée. Cela étant, lorsque vous m'interpellez, je réponds très volontiers à vos demandes.
    M. Jean-Pierre Brard. Nous sommes attentifs à la dissonance !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je ne suis pas sûr de comprendre tout ce que vous dites, monsieur Brard, mais je vais essayer !
    Cet amendement n'est pas applicable dans un seul pays. Il serait en effet extraordinairement difficile à mettre en pratique, inefficace, puisque les flux financiers sont par nature volatiles, facilement délocalisables. Pour échapper à cette imposition, les opérateurs pourraient très facilement se livrer à des opérations financières spéculatives sans passer par le truchement du système bancaire et se délocaliseraient par des opérations dans des pays qui n'appliquent pas cette taxe. Pour lutter contre la spéculation financière déstabilisante, la priorité est donc de donner au système monétaire et financier international une cohérence et une efficacité accrues. Je veux vous dire, monsieur Migaud, que le Gouvernement y travaille à l'occasion de toutes les rencontres internationales qui traitent précisément des sujets de régulation. Sauf erreur de ma part, la précédente législature, à laquelle vous avez pris une part active, a prévu que cette taxe - je parle sous votre contrôle - entrerait en vigueur dès que d'autres pays l'appliqueraient.
    M. Hervé Mariton. Il ne faut pas que ça tourne au suicide collectif !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je suis admiratif : c'est une oeuvre législative qui mérite d'être soulignée ! (Sourires.) C'est pourquoi je vais vous tenir informé de l'évolution de votre idée. Les discussions sur ce sujet progressent,...
    M. Hervé Mariton. Oh là là !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... notamment à l'OCDE, mais n'ont pas encore abouti à ce jour, puisque, pour l'instant, aucun autre Etat ne s'est engagé dans ce sens.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Même pas Cuba !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Donc, nous nous en occupons. Nous apportons le plus d'informations possible et nous croyons en la nécessité de lutter contre cette spéculation financière qui déstabilise notre système monétaire et financier international. Mais jusqu'à ce jour, aucun des Etats dont certains - reconnaissez-le ! - sont gouvernés par des élus d'une sensibilité politique proche de la vôtre, n'a choisi de suivre le texte qui a été adopté sous la précédente législature.
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Je suis de ceux qui regrettent que nous n'ayons pas suffisamment soutenu ce dossier sous la majorité précédente.
    M. Richard Mollié. Mea culpa !
    M. Philippe Auberger. Mea maxima culpa !
    M. Didier Migaud. De temps en temps, il faut le reconnaître, si nous avons été battus,...
    M. Jean-Pierre Brard. Il y a des raisons !
    M. Didier Migaud. ... parce que l'on nous a reproché des insuffisances ou des défauts d'explications.
    M. Hervé Mariton. On n'est pas obligé de faire toutes les bêtises !
    M. Didier Migaud. C'est ce que vous avez déjà dit l'autre jour, monsieur Mariton, et nous vous avons rendu hommage.
    M. Hervé Mariton. Je suis constant !
    M. Didier Migaud. Mais nous avons pu constater que vous étiez peu écouté par le Gouvernement.
    M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !
    M. Didier Migaud. J'entends ce que vous dites, monsieur le ministre, sur le fait que le débat progresse. Mais nous aimerions en savoir plus. Est-ce que, concrètement, des initiatives sont prises par le gouvernement Raffarin, ne serait-ce que pour éviter que les discours du Président de la République restent à un niveau si élevé qu'ils ne reçoivent jamais aucune application ? La parole du Président peut être intéressante, mais si elle a vocation à n'être jamais concrétisée par aucune initiative gouvernementale, on se demande à quoi elle sert. Or j'ai cru comprendre que le président de la République avait l'intention de s'exprimer de nouveau. Répondez-nous donc, monsieur le ministre : qu'y a-t-il eu de concret ? Le fait de nous dire que le dossier progresse ne suffit pas. Que fait-on concrètement pour le faire avancer ? Si je comprends bien, ou si je lis entre les lignes, aucune initiative concrète n'a été prise par le gouvernement Raffarin.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 145.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 146.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 342, ainsi libellé :
    « Après l'article 14, insérer l'article suivant :
    « I. - Après l'article 244 quater B du code général des impôts, il est inséré un article 244 quater B bis ainsi rédigé :
    « Art. 244 quater B bis - I. - A compter du 1er janvier 2004, les entreprises imposées d'après leur bénéfice réel occupant au moins cinquante salariés et ayant bénéficié du crédit d'impôt recherche au cours des 3 dernières années et les entreprises dont l'activité est exclusivement consacrée à des opérations financières doivent acquitter une contribution annuelle au titre de la recherche.
    « Cette contribution est assise sur le montant de la valeur ajoutée déterminée suivant les règles visées au dernier alinéa de l'article 1647 B ter diminué du montant des salaires. Son taux est fixé à 0,2 %.
    « Elle est acquittée dans les cinq mois de la clôture de l'exercice et est liquidée, déclarée et recouvrée comme en matière de taxe sur le chiffre d'affaires et sous les mêmes garanties et sanctions.
    « II. - Les entreprises redevables de la contribution annuelle au titre de la recherche bénéficient de plein droit d'une exonération de cette contribution dans la limite du montant des dépenses annuelles de recherche qu'elles exposent. Les dépenses prises en compte pour l'application de l'alinéa précédent sont celles visées aux b, d et e du II de l'article 244 quater B. »
    « II. - Les dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts cessent d'être applicables à compter du 31 décembre 2003. »
    La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, on nous dit que le fait d'être seuls représente un danger qui nous empêcherait de prendre toute initiative, quelle qu'elle soit. Comme nous sommes les seuls à proposer deux fois une augmentation de 20 % du tabac en peu de temps, nous devons donc probablement avoir tort.
    Cet amendement vise à remplacer l'actuel crédit d'impôt recherche, qui manque de transparence et d'efficacité et qui a connu nombre de dérives, par un impôt recherche libératoire dénommé « contribution annuelle au titre de la recherche », qui aurait les caractéristiques suivantes. En seraient redevables les entreprises de plus de cinquante salariés et celles dont l'activité est exclusivement consacrée à des transactions financières. La base de cette imposition est de 0,2 % sur le montant de la valeur ajoutée hors salaire à être acquitté dans les cinq mois de la clôture de l'exercice. Les normes relatives à la liquidation, la déclaration et au recouvrement sont celles régissant la taxe sur le chiffre d'affaires. Seraient exonérées de cette contribution les entreprises redevables justifiant de l'investissement au titre de la recherche dont les dépenses de personnels - embauches, salaires, etc. - afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement affectés aux opérations de recherche font partie. Cet impôt « recherche laboratoire » ne pénaliserait pas l'emploi, étant assis sur la valeur ajoutée hors salaire et étant redevable uniquement en l'absence d'investissement dans la recherche. Sa transparence sera assurée par le fait que les entreprises devront, au préalable, prouver la réalité de cet investissement pour bénéficier de l'exonération.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 342.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Philippe Martin a présenté un amendement, n° 356 corrigé, ainsi rédigé :
    « Après l'article 14, insérer l'article suivant :
    « I. - Le deuxième alinéa de l'article 402 bis du code général des impôts est complété par les mots : "ainsi que pour les vins répondant à l'appellation d'origine contrôlée floc de Gascogne.
    « II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensés à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. Didier Migaud, pour soutenir cet amendement.
    M. Didier Migaud. Dans un rapport d'information sur « l'alcool et la santé », présenté par Mme Hélène Mignon, pour la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, le 17 juin 1998, à l'Assemblée nationale, l'incohérence du régime fiscal existant sur les boissons alcoolisées était largement dénoncée. Le rapport préconisait la mise en oeuvre d'une taxation juste et claire, avec application d'un taux uniforme proportionnel au degré.
    Depuis de très nombreuses années, le floc de Gascogne est pénalisé par ces distorsions. Récemment encore, aux termes de jugements opposés selon les juridictions saisies, la cour d'appel d'Agen a considéré, dans un arrêt du 10 septembre 2003, que « le floc de Gascogne et les vins doux naturels ne sont pas des produits substituables ni similaires tant dans leur élaboration que dans leur contexte de production et qu'il est justifié, dans un contexte politique, d'instaurer au profit des producteurs de vins doux naturels une taxation plus favorable ». Une telle discrimination n'est pas acceptable. Afin de supprimer cette distorsion, source d'injustice et de contentieux, cet amendement vise à aligner la fiscalité du floc de Gascogne sur celle des vins doux naturels, ces deux catégories étant très comparables.
    M. Philippe Auberger. Il faut une dégustation !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je voudrais compenser l'avis défavorable de la commission en vous vantant les mérites du floc de Gascogne. C'est un vin doux remarquable qu'il convient de défendre, mais on ne peut le faire, en baissant les droits dans le contexte actuel.
    M. Didier Migaud. Quel est le contexte actuel ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Celui de la sécurité routière !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 356 corrigé.

    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 157, ainsi libellé :
    « Après l'article 14, insérer l'article suivant :
    « I. - Le dernier alinéa de l'article 885 A du code général des impôts est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
    « Les biens professionnels définis aux articles 885 N à 885 Q du code général des impôts sont pris en compte pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune.
    « Lorsque le patrimoine comprend des biens professionnels, le plancher à partir duquel le tarif de l'impôt est applicable est porté à 914 694,10 euros. »
    « II. - Après l'article 885 U du même code, il est inséré un article 885 U bis ainsi rédigé :
    « Art. 885 U bis. - Les biens professionnels sont inclus dans les bases de l'impôt pour 50 % de leur valeur. Le taux d'intégration varie pour chaque contribuable en fonction de l'évolution du ratio masse salariale/valeur ajoutée des sociétés et entreprises où sont situés les biens professionnels qu'ils possèdent sur la base suivante :

EVOLUTION DU RATIO
masse salariale/valeur ajoutée
POURCENTAGE
taux d'intégration
Egale ou supérieure à une évolution de 2 points   15
Egale ou supérieure à une évolution de 1 point   35
Egale à 1   50
Entre 1 et - 1   65
Entre - 1 et - 2   85
Entre - 2 et - 3   100
Entre - 3 et - 4 et au-delà   125
    « Un décret d'application visera à prévenir les tentatives d'utiliser ce système de modulation pour essayer de diminuer de façon injustifiée la contribution à l'impôt de solidarité sur la fortune. »

    La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Je suis persuadé que si, au lieu du floc de Gascogne, notre collège, avait fait la promotion du calvados, il aurait trouvé une oreille plus attentive auprès du ministre.
    M. Richard Mallié. Ce sont des choses différentes !
    M. Jean-Pierre Brard. Ils sont en effet d'essence différente puisque pour le calvados c'est la pomme, comme Adam le savait déjà !
    Pour en revenir au sujet, messieurs les ministres, nous sommes seuls et néanmoins nous avons raison. Le fait d'être seul ne veut pas dire que l'on a tort.
    M. Hervé Mariton. C'est vrai !
    M. Jean-Pierre Brard. Finissons-en avec le mimétisme ! Le mimétisme n'a jamais constitué un axe pour organiser des idées au plan politique ! N'avons-nous pas été le premier pays à défendre la laïcité et l'un des rares à continuer ? N'est-ce pas une excellente chose ? Vous voyez que vos arguments sur la taxe Tobin ne tiennent pas la route !
    Cet amendement concerne une question dont nous débattons à chaque loi de finances, à savoir l'ISF. Nous vous proposons d'en élargir l'assiette, ce qui permettrait de réexaminer le seuil d'imposition et les taux. Michel Bouvard, qui remplace Pierre Méhaignerie aujourd'hui, sait certainement que celui-ci était très favorable aux propositions que j'avais formulées dans mon rapport pour combattre la fraude.
    Il s'agit de prendre en compte les biens professionnels dans l'assiette d'un impôt de solidarité sur la fortune, comme cela se fait dans certains pays de l'Union européenne. En effet, contrairement à ce que vous dites, nous ne sommes pas le seul pays à avoir instauré l'ISF. Il existe même au Luxembourg. Il est aujourd'hui nécessaire de moderniser cet impôt, notamment en tenant compte de la manière dont se constituent les grands patrimoines. Il faut l'adapter aux réalités économiques du moment et faire en sorte qu'il soit un impôt non pas sur les millionnaires, mais sur les milliardaires. Et ceux qui en ont dans leur circonscription - je me tourne vers M. Gantier - savent bien que les milliardaires ne paient pas l'ISF à proportion de leur fortune. (M. Gantier rit.) J'entends le rire gourmand de M. Gantier ; qui anticipe déjà sur la réponse ministérielle !
    C'est pourquoi nous proposons de faire évoluer la logique d'imposition des grandes fortunes en plaçant leurs détenteurs face à une responsabilité sociale et nationale vis-à-vis de l'emploi. Je reconnais que, pour eux, c'est un effort intellectuel et citoyen difficile. Nous proposons d'abord le principe d'un abattement de base suffisant qui assurera l'exonération de la plupart des travailleurs indépendants des PME et des PMI. Nous proposons ensuite d'intégrer les biens professionnels à hauteur de 50 % de leur valeur en modulant le taux d'intégration en fonction des choix faits par l'entreprise en matière d'emploi et de salaires. Cette modulation répondrait ainsi au souci de renforcer l'efficacité, pour l'emploi, de la fiscalité dans son ensemble. C'est d'ailleurs dans cet esprit que nous proposons l'inscription des actifs financiers dans l'assiette de la taxe professionnelle ou l'introduction d'une modulation de l'impôt sur les sociétés.
    M. Richard Mallié. C'est une véritable usine à gaz !
    M. Jean-Pierre Brard. Avec notre proposition, l'assiette de l'impôt serait élargie lorsque les bénéfices imposés ont pour origine une croissance purement financière et, au contraire, allégée quand ces bénéfices sont engendrés par une croissance réelle, riche en emplois qualifiés. Cette réforme de l'ISF contribuerait au développement de l'activité économique réelle et de l'emploi. J'attends du rapporteur général et de Michel Bouvard une réponse qui soit en symbiose avec le sentiment formulé par Pierre Méhaignerie sur cette question.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Sur cet amendement qui tend à intégrer dans l'assiette de l'ISF les biens professionnels, je me contenterai de rappeler qu'en 1982, quand a été créé l'impôt sur les grandes fortunes, on s'est bien gardé de le faire. Par la suite, bien que les biens professionnels aient été exclus de l'ISF, on s'est rendu compte, notamment au cours des dix dernières années, en observant les patrimoines personnels, en particulier ceux qui comprennent des participations importantes dans des entreprises familiales, que l'ISF avait un rôle dévastateur, qu'il provoquait des délocalisations et une véritable hémorragie d'emplois. Nous avons essayé de corriger en partie ce phénomène de délocalisation dans la loi pour l'initiative économique. Il ne s'agit donc pas aujourd'hui d'intégrer les biens professionnels dans l'assiette de l'ISF.
    Avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable également.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 157.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, ont présenté un amendement, n° 164, ainsi rédigé :
    « Après l'article 14, insérer l'article suivant :
    « I. - Dans le premier alinéa de l'article 885-I du code général des impôts, après le mot : "collection, sont insérés les mots : "visés à l'article 795 A ou présentés au moins trois mois par an au public dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les objets d'art dont le créateur est vivant au 1er janvier de l'année d'imposition.
    « II. - L'article 885-I du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Le décret en Conseil d'Etat prévu au premier alinéa détermine notamment les conditions dans lesquelles les contribuables peuvent justifier que les objets qu'ils détiennent sont présentés au public ainsi que les modalités selon lesquelles ils peuvent souscrire une convention décennale avec les ministres chargés de la culture et des finances.
    « III. - L'article 885 S du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « La valeur des objets d'antiquité, d'art ou de collection autres que ceux exonérés en application de l'article 885 I est réputée égale à 3 % de l'ensemble des autres valeurs mobilières et immobilières du patrimoine déclaré. Les redevables peuvent cependant apporter la preuve d'une valeur inférieure en joignant à leur déclaration les éléments justificatifs de la valeur des biens en cause. »
    La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. Cet amendement vise à soumettre les oeuvres d'art à l'impôt de solidarité sur la fortune. Comme il s'agit d'un secteur sensible, il est soigneusement ciblé pour éviter tout effet collatéral indésirable. Dans un souci d'équité et de transparence, il tend à intégrer les oeuvres d'art, ainsi que les objets d'antiquités et de collection, dans l'assiette de l'ISF, en ne maintenant l'exonération actuelle que pour les biens meubles qui constituent le complément artistique des immeubles classés ou inscrits à l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques, pour les oeuvres présentées au public, et pour les oeuvres des artistes contemporains vivants.
    L'exonération des deux premières catégories de biens tend à permettre au public d'accéder aux oeuvres de collections privées. Celle de la troisième catégorie vise à ne pas pénaliser le marché de l'art, en relançant l'intérêt des investisseurs pour les oeuvres contemporaines les plus récentes. Elle devrait également favoriser les acquisitions auprès des jeunes créateurs, pour lesquels la politique d'acquisition publique et le mécénat d'entreprise sont loin de représenter une aide suffisante.
    S'agissant de la présentation des oeuvres au public, l'amendement propose de fixer une durée minimale de trois mois par an et de renvoyer les modalités précises d'exposition à un décret en Conseil d'Etat, tant il est délicat de les définir toutes. Il prévoit également que des conventions décennales pourront être conclues entre le propriétaire et les administrations culturelles et fiscales. Cette formule devrait intéresser les grandes collections privées, ainsi que les particuliers détenant des oeuvres majeures.
    En ce qui concerne les modalités d'évaluation des oeuvres, dans le souci de donner au dispositif une certaine souplesse, il est proposé de laisser aux contribuables la possibilité d'opter entre une évaluation forfaitaire égale à 3 % du patrimoine taxable de l'ISF et une évaluation selon la valeur vénale, si celle-ci est inférieure.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement, qui nous rappelle bien des souvenirs, a eu une fortune...
    M. Jean-Pierre Brard. Inégale...
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... assez heureuse : il a souvent franchi l'étape de la commission des finances et a même été voté ici, certaines années, ce qui nous a valu du papier rose, mais il n'a jamais pu prospérer définitivement. C'est dire les difficultés qui lui sont inhérentes et c'est pourquoi nous avons de nouveau émis un avis défavorable.
    M. Jean-Louis Idiart. C'est pourquoi vous préférez l'étouffer au départ !
    M. Michel Bouvard. C'est la jurisprudence Migaud !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Non, ce n'est pas la jurisprudence Migaud, car l'ancien rapporteur général m'a toujours soutenu dans cette démarche.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est vrai !
    M. Jean-Pierre Brard. Tout comme la presse suisse, d'ailleurs (Sourires), pays dont nous savons pourtant qu'il est un sanctuaire de la fortune.
    J'ajoute qu'il s'agit d'un amendement culturel, puisque les propriétaires de Modigliani ou de Picasso continueraient d'être exonérés, dès lors qu'il les présenteraient au public. Dans ce cas, nous les considérons en effet comme des gardiens de musée bénévoles, en quelque sorte.
    Mais vous savez parfaitement que le commerce plus ou moins transparent des oeuvres d'art est un refuge pour la fraude et le blanchiment de l'argent sale. L'autre jour, lorsque Marc Le Fur a défendu un amendement ayant pour objet d'évaluer les patrimoines des personnes sans revenus officiels, nous avons constaté que nous ne fréquentions pas les mêmes délinquants. Vous avez en effet fixé le seuil à une somme qui nous semble irréelle quand on connaît les difficultés de nos banlieues et le type de délinquance auquel elles sont confrontées. Et je me demande, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général, si vous ne couvrez pas des trafics scandaleux en refusant avec acharnement un amendement qui, pourtant, moraliserait beaucoup la situation.
    A moins que vous n'obéissiez aux lobbies. Rappelez-vous la note que Christian Pierret, alors secrétaire d'Etat au budget, avait reçue de Mme Françoise Cachin. Nous l'avions d'ailleurs tous reçue, cela faisait partie du lobbying. Mais M. Pierret, pensant en être le seul destinataire, et voulant faire court, ne nous avait lu qu'une partie de cette note, dont j'avais proposé de continuer la lecture. Ces lobbies sont composés de piliers de cocktails qui consacrent plus de temps à parler de culture un verre à la main qu'à contempler les oeuvres qui enrichissent le patrimoine de l'humanité et ont valeur universelle. Pourtant, vous leur cédez - sans doute les rencontrez-vous dans ces mêmes cocktails -, en refusant de mener le combat contre le blanchiment de l'argent sale, à quoi sert, pour une part, le commerce des oeuvres d'art !
    Notre amendement permettrait également de localiser les oeuvres. Pour les honnêtes gens qui en possèdent, cela ne poserait pas de problème, car ils les prêtent souvent pour des expositions. Ainsi, parmi les tableaux montrés dans le cadre des expositions Vuillard et Gauguin - qui se tiennent actuellement au Grand Palais et que je vous recommande vivement - beaucoup sont issus de collections particulières. Les propriétaires honnêtes n'ont pas peur de prêter leurs oeuvres d'art. Pourquoi donc ne voulez-vous pas nous suivre ?
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 164.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 174 et 214.
    L'amendement n° 174 est présenté par MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 214 est présenté par MM. Eric Besson, Bonrepaux, Migaud, Emmanuelli, Idiart, Dumont, Bapt, Bourguignon, Pajon, Vergnier et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Après l'article 14, insérer l'article suivant :
    « L'article 885-I bis du code général des impôts est abrogé. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 174.
    M. Jean-Pierre Brard. Toujours à propos de Françoise Cachin, vous savez qu'elle est la petite-fille de Marcel Cachin, mais aussi celle de Paul Signac. Malheureusement, les qualités ne sont pas toujours inscrites dans les gènes et ne se transmettent pas forcément d'une génération à l'autre.
    M. Philippe Auberger. Dommage !
    M. Jean-Pierre Brard. Paul Signac, par exemple, était un artiste de talent et un altruiste. Sa propriété du midi de la France était une maison du Bon Dieu, où il accueillait des artistes désargentés. Loin de couvrir les trafics, il partageait avec d'autres. C'était ce que vous appelleriez un « partageux ». Lui-même se disait plutôt proche des anarchistes. Mais c'est un autre sujet, monsieur le président.
    Lorsqu'on se penche sur l'ISF - mais j'ai bien compris que vous n'aviez pas envie de soulever le couvercle -, on se rend compte qu'on a affaire à un sujet idéologiquement « surdéterminé », pour reprendre un qualificatif popularisé par Freud. Encore qu'ici ce ne soit pas votre inconscient qui parle : vous agissez en pleine conscience.
    L'exemple le plus récent de cette approche idéologique est celui de la loi pour l'initiative économique du 1er août 2003, qui crée de nouvelles niches fiscales. Ce n'est pas étonnant puisque cette loi a été défendue par Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux PME, qui est l'un de vos idéologues, avec M. Copé et quelques autres. Il s'est en effet permis de rebaptiser l'ISF, désormais qualifié par ses soins - c'est un ministre de la République qui a osé écrire cela ! - « impôt de sortie de France ». Une telle appréciation ne vaut bien sûr rien au Parlement, où on est censé se livrer à « un usage public de la raison », selon l'expression d'Habermas. Mais, là encore, nous n'avons pas les mêmes références.
    Se fonder sur quelques cas individuels de contribuables qui ont pris l'Eurostar sans oublier leurs valises de billets et de capitaux, pour poser l'équation : « ISF égale évasion fiscale », est une véritable escroquerie intellectuelle. C'est faire du cas particulier une généralité au lieu de prendre le temps de mener un enquête rigoureuse, basée sur le comportement de l'ensemble des contribuables assujettis à l'ISF. Cette équation me fait penser à l'anecdote bien connue du Français qui n'a jamais mis les pieds à l'étranger et qui, à Roissy, voit atterrir un avion en provenance de Londres. Constatant que les trois premiers passagers à descendre ont les cheveux roux, il s'écrie : « Tous les Anglais sont roux ! »
    Mme Sylvia Bassot. Ce sont des Irlandais !
    M. Jean-Pierre Brard. Madame Bassot, je ne savais pas que vous aviez une ascendance de ce côté-là.
    Mme Sylvia Bassot. Eh si !
    M. Jean-Pierre Brard. A l'occasion de la bataille d'Hastings, c'est pourtant Guillaume qui a pris pied de l'autre côté de la Manche !
    M. Michel Bouvard. En 1066 !
    M. Jean-Pierre Brard. Absolument !
    Le même Renaud Dutreil a en revanche tout à fait raison lorsqu'il déclare à propos de l'ISF qu'« il ne doit pas y avoir de tabous ». Mais je complète son propos en ajoutant qu'il ne doit pas y avoir non plus de préjugés. Or vous êtes complètement imbibés de préjugés.
    Je ne veux pas être plus long, mes chers collègues, car je sens bien que la longueur du propos ne serait pas de nature à vous convaincre davantage. Néanmoins, je fais appel à votre sens de la République pour voter notre amendement.
    M. le président. Sur les amendements identiques n°s 174 et 214, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. Augustin Bonrepaux pour soutenir l'amendement n° 214.
    M. Augustin Bonrepaux. Nous proposons de revenir sur la baisse de l'impôt de solidarité sur la fortune prévue dans ce projet de loi de finances en conséquence de la loi pour l'initiative économique.
    Depuis le début de la discussion, nous constatons que les allègements fiscaux concernent les privilégiés. Après la baisse de l'impôt sur le revenu, en particulier de ses plus hautes tranches, et la hausse de la réduction d'impôt sur les emplois à domicile, ciblée sur les hauts revenus - 70 000 familles -, on nous propose maintenant la réduction de l'ISF. Au moyen des articles de la loi pour l'initiative économique, vous êtes en train de déshabiller complètement cet impôt en multipliant les cadeaux aux privilégiés.
    Sous quel prétexte ? Celui du manque d'attractivité de la France. Or, d'une part, l'OCDE a publié très récemment des statistiques très encourageantes qui montrent que la France est le deuxième pays d'accueil des investissements étrangers après la Chine. Cela devrait vous satisfaire. Cela montre en tout cas que votre argument est sans fondement. D'autre part, lorsqu'on compare l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés avec ceux des pays généralement cités en exemple, que ce soit le Royaume-Uni ou les États-Unis, on constate que c'est en France que le prélèvement est le moins élevé.
    On nous dit que les contribuables aisés se délocalisent, fuient à l'étranger. Mais y a-t-il eu une variation à cause de l'ISF ? Non ! Un rapport a démontré que les chiffres restent de la même grandeur et sont sinon insignifiants, du moins non significatifs.
    Vous dites que la France n'est pas attractive. Ce qui est vrai, c'est qu'elle va le devenir de moins en moins, car l'attractivité d'un pays ne repose pas uniquement sur le régime financier et fiscal. Elle repose aussi, par exemple, sur la qualité du système éducatif. A cet égard, nous soutenons aisément la comparaison avec le Royaume-Uni. Or vous êtes en train de détériorer notre système éducatif.
    Elle repose sur un système de santé reconnu. Or, avec le déficit de la sécurité sociale que vous n'arrivez pas à combler, on peut s'interroger sur le devenir de notre système de santé et surtout de notre protection sociale, menacée par le recours aux assurances privées.
    Elle repose sur des infrastructures publiques. Or, avec les réductions drastiques sur la plupart des crédits d'investissement, je crains que les infrastructures publiques n'en prennent un sacré coup, en particulier dans les zones les plus excentrées, qu'il s'agisse des voies de communication, de l'aménagement de l'espace ou de l'accès aux réseaux de communication.
    Enfin, la France possède le système d'aides publiques le plus développé des pays de l'OCDE. Or, en vous obstinant à vouloir réduire l'impôt sur le revenu, vous vous privez des moyens de maintenir ce système. Dans les zones en difficulté, par exemple, ces territoires frappés par les délocalisations et qui subissent actuellement toutes les fermetures d'entreprises, que fait l'Etat, que fait le Gouvernement ? Ils n'apportent pratiquement aucune réponse.
    Ou plutôt, monsieur le ministre, votre seule réponse consiste à baisser l'impôt de solidarité sur la fortune. Mais vous êtes bien incapable de nous expliquer comment et en quoi la réduction de l'ISF va se traduire par des créations d'entreprises. Elle va se traduire, certes, par un allègement de la fiscalité pour les plus favorisés, mais elle n'entraînera aucune création d'emploi, et c'est pourquoi nous déposons cet amendement.
    Nous en déposerons d'autres, d'ailleurs, parce que nous ne saurions admettre qu'au moment où notre pays rencontre tant de difficultés, votre seule préoccupation soit d'alléger la fiscalité de ceux qui, tout de même, ont les moyens de payer leurs impôts.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rendu un avis défavorable. Il s'agit de revenir sur une disposition prise dans le cadre de la loi pour l'initiative économique, disposition urgente et d'intérêt général parce qu'il apparaît, notamment depuis l'introduction du « plafond du plafonnement » de l'ISF, que cet impôt contribue à des délocalisations d'entreprises et à une véritable hémorragie d'emplois.
    M. Didier Migaud. Il ne s'agit pas du déplafonnement ! Ce n'est pas le sujet !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Par le biais d'engagements collectifs de conservation, nous pouvons remédier à ce phénomène. L'affaire d'UPSA, il y a une dizaine d'années, avait déjà mis en évidence le côté très pervers des droits de succession lorsque le patron d'une entreprise disparaît brutalement et que la famille est hors d'état de payer les droits.
    M. Didier Migaud. Des mesures ont été prises !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Au terme d'une longue réflexion, mon prédécesseur, Didier Migaud, dans le cadre de ce qu'on appelle le dispositif « Gattaz-Migaud » ou « Migaud-Gattaz », a mis en place, sous la condition d'un engagement de conservation d'une durée maximale de six ans, un abattement de 50 % sur les droits de succession,...
    M. Didier Migaud. Voilà !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... afin de limiter la prise de contrôle par des groupes étrangers d'entreprises françaises à un moment où elles sont fragilisées par le décès ou la disparition brutale de l'un des dirigeants. Quand on examine les travaux de mon prédécesseur, on s'aperçoit que non seulement il a pu agir - avec raison - sur les droits de succession...
    M. Augustin Bonrepaux. Il a bien travaillé !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... mais qu'il pensait aussi intensément à l'ISF. Ce dont il rêvait à l'époque,...
    M. Didier Migaud. Non ! C'est vous qui rêvez !
    M. Augustin Bonrepaux. Qui délirez, même !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... moi, je l'ai proposé dans le cadre de la loi pour l'initiative économique, en prévoyant le même système pour l'ISF. Ce faisant, nous évitons pour l'avenir la prise de contrôle d'entreprises comme les galettes Saint-Michel, les hameçons VMC, les jus de fruits Joker, la lingerie Weill, les skis Salomon... Nous avons, par dizaines, des entreprises familiales - ce qu'on appelle des entreprises patrimoniales - qui sont bien installées dans nos régions, où elles font vivre des sous-traitants, où elles ont créé une véritable tradition entrepreneuriale, mais qui, à cause de l'ISF, disparaissent les unes après les autres. Ce serait criminel de ne pas se battre contre ce phénomène.
    Nous avons donc pris cette disposition dans le cadre de la loi sur l'initiative économique. Il était indispensable de le faire, et je vais montrer pourquoi. Car si notre collègue Bonrepaux s'en est tenu à des considérations d'ordre général, moi, je vais lui donner un exemple. C'est celui des galettes Saint-Michel. En termes d'investissements, lorsque l'entreprise multinationale Bahlsen achète les galettes Saint-Michel, il y a statistiquement un flux positif dont M. Bonrepaux ne peut que se réjouir. Mais que s'est-il passé en réalité ? A peine l'entreprise a-t-elle été achetée par le groupe Bahlsen que, d'abord, le laboratoire de recherches a été délocalisé, en l'occurrence aux Pays-Bas ou en Allemagne. Ensuite, les services commerciaux, puis les services financiers ont subi le même sort. Aujourd'hui, et je parle sous le contrôle de notre collègue Hériaud, il ne reste plus à Saint-Michel-Chef-Chef qu'une petite unité de production dont on ne sait pas trop ce qu'elle deviendra.
    Monsieur Bonrepaux, certes, des statistiques font état de flux d'investissements dans notre pays. Mais ces rachats d'entreprises familiales, bien implantées localement et très soucieuses de l'intérêt de leurs salariés qui conduisent à des délocalisations et à des suppressions d'emplois, constituent une véritable calamité pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Donc méfiez-vous des statistiques. Il ne faut pas parler en termes généraux.
    C'est la raison pour laquelle nous avons introduit, sous la présidence de notre collègue Novelli, qui présidait la commission spéciale...
    M. Jean-Louis Idiart. On est sauvés alors !
     M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... un nouveau dispositif dans la loi sur l'initiative économique. Nous n'avons aucune vanité d'auteur : nous avons simplement repris le dispositif Migaud-Gattaz que nous avons appliqué à l'ISF. Et c'est une bonne chose. Si cela peut freiner les hémorragies d'emplois, nous aurons fait oeuvre très utile. Donc avis négatif sur ces deux amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je pense que ces amendements vont être retirés par leurs auteurs. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) A défaut, avis défavorable.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    M. Didier Migaud. Monsieur le président, je demande la parole !
    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques, n°s 174 et 214.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   38
Nombre de suffrages exprimés   38
Majorité absolue   20
Pour l'adoption   12
Contre   26

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, si le débat se poursuit dans les conditions de la discussion de ces amendements, nous risquons de reculer plutôt que d'avancer. Il était normal, en effet, après la réponse du rapporteur général et la non-réponse du Gouvernement, que nous puissions répondre à notre tour à la commission.
    M. le président. Le vote était annoncé.
    M. Augustin Bonrepaux. Si on ne nous permet pas de nous exprimer, nous allons être amenés à changer d'attitude. Je vous rappelle que, depuis mardi dernier, nous n'avons pas demandé une seule suspension de séance. Sur un sujet aussi important que celui-là, il eût été souhaitable que nous puissions nous exprimer. M. Migaud avait demandé la parole, je regrette que vous ne la lui ayez pas donnée.
    M. le président. La parole est à M. Migaud.
    M. Didier Migaud. Vous nous dites, monsieur le président, que le vote était annoncé.
    M. le président. Depuis dix minutes.
    M. Didier Migaud. Certes. Mais cette disposition consistant à annoncer le scrutin en amont vise à faire gagner du temps à l'Assemblée, et non pas à limiter la discussion. C'est par commodité que nous l'avons acceptée. Si elle a finalement pour résultat d'empêcher les députés de répondre à la commission et au Gouvernement, comme le règlement les y autorise, alors là, ça ne va plus du tout.
    M. Jean-Claude Sandrier. Absolument !
    M. Didier Migaud. Et cela pose une question de principe, monsieur le président. Nous l'évoquerons d'ailleurs en conférence des présidents et devant le bureau.
    M. Jean-Claude Sandrier. Absolument !
    M. le président. Monsieur Migaud, premièrement, le scrutin avait été annoncé dix minutes avant.
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas suffisant !
    M. le président. Deuxièmement, je rappelle que le président a effectivement la faculté de donner la parole à un député pour répondre au Gouvernement et à la commission, mais que ce n'est pas un droit.
    M. Didier Migaud. C'est vrai !
    M. le président. Le règlement ne vous donne pas le droit de l'exiger.
    M. Didier Migaud. Nous avons aussi la faculté de demander des suspensions de séance. Tout cela est une question d'intelligence collective et nous nous permettons d'en appeler au respect de ce principe.
    M. le président. Monsieur Migaud, je crois que, depuis dix-huit heures, chacun a pu s'exprimer tranquillement et normalement.
    M. Didier Migaud. Oui, mais pas sur ces deux amendements qui traitent pourtant d'un sujet important !
    M. le président. Le débat a eu lieu. Vous avez présenté, très longuement, l'un et l'autre,...
    M. Hervé Novelli. Trop longuement !
    M. le président. Non, pas trop longuement : très longuement,...
    M. Didier Migaud. Je n'ai même pas pu répondre au rapporteur général !
    M. le président. ... en dépassant d'ailleurs - c'est vrai surtout pour votre collègue - le temps réglementaire. Mais j'ai laissé faire afin que chacun puisse s'exprimer.
    M. Didier Migaud. Eh bien, dorénavant, nous présenterons nos demandes de scrutin public au dernier moment !
    M. le président. Monsieur Migaud, je vous ai laissé vous exprimer longuement. Puis vous avez eu la réponse que vous sollicitiez, à juste titre, de la commission et du Gouvernement. Le scrutin ayant été annoncé depuis plus de dix minutes, j'ai considéré que le débat était clos et que l'on pouvait passer au vote.
    La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. A quel moment faut-il déposer nos demandes de scrutin ? Si nous ne les présentons qu'à l'issue de l'examen d'un amendement, nous perdrons du temps. Dites-nous à quel moment vous souhaitez que nous les déposions, afin que nous puissions poursuivre le débat en toute clarté.
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, je viens de vous dire que j'avais considéré que l'Assemblée était suffisamment éclairée et qu'on pouvait passer au vote. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Vous me permettrez de contester votre interprétation. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je trouve quant à moi que le débat n'était pas allé jusqu'à son terme. Je pensais pouvoir répondre à la commission alors même que le rapporteur général avait notamment parlé d'un « dispositif Migaud-Gattaz ». J'assume d'ailleurs ce que j'avais appelé à voter sous la législature précédente.
    Mme Sylvia Bassot. Encore heureux !
    M. Didier Migaud. En tout état de cause, cela nous amène à revoir notre position s'agissant des scrutins publics. Dorénavant, nous attendrons le dernier moment, et vous serez obligé d'attendre les cinq minutes réglementaires. Nous avions accepté cette façon de procéder de manière constructive. Mais si cela a pour conséquence de limiter le débat, nous changerons d'attitude.
    M. Gérard Bapt. Bien sûr !
    M. le président. Nous vous avons entendu, monsieur Migaud. Je vous rappellerai simplement une fois encore que donner la parole à un député pour répondre à la commission et au Gouvernement est une faculté et non un droit. Cela ne figure pas dans le règlement.
    M. Didier Migaud. C'est une faculté dont vous disposez. Mais l'opposition, en revanche, a des droits !

Reprise de la discussion

    M. le président. Monsieur Migaud, vous n'avez pas un droit de tirage sur une réponse à la commission ou au président. C'est une faculté qui est donnée au président. Je suis resté dans le cadre du règlement, et du règlement seulement.
    MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 175, ainsi rédigé :
    « Après l'article 14, insérer l'article suivant :
    « Dans le b de l'article 885-I bis du code général des impôts, le taux "20 % est remplacé par le taux "25 %. »
    La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. La victoire de la droite aux élections législatives de mai-juin 2002...
    M. Richard Mallié. Et la défaite du parti communiste !
    M. Jean-Claude Sandrier. ... a réveillé les appétits des élus les plus libéraux et des lobbies patronaux qui ne cessent de réclamer un allégement de l'impôt de solidarité sur la fortune.
    Le Premier ministre, qui a de la mémoire politique, ce qui est une qualité, est conscient du caractère peu populaire d'une telle réforme. Lorsqu'en 1986 le gouvernement de Jacques Chirac a, dès son arrivée, décidé de supprimer l'impôt sur les grandes fortunes, on se souvient que la mesure avait été fort mal ressentie. C'est pourquoi Jean-Pierre Raffarin a incité à plusieurs reprises les parlementaires de la majorité à retirer leurs amendements déposés dans le cadre de la discussion budgétaire. Il a en outre déclaré : « Sur un sujet si sensible, il ne faut pas bloquer les Français. »
    Il faut croire que M. Raffarin n'a pas été entendu, vu le nombre d'amendements examinés et retenus en commission. Si ces amendements sont retenus, le résultat recherché sera une nouvelle fois obtenu. Réévaluation du barème et nouvelles exonérations particulières permettront d'obtenir une baisse conséquente de l'ISF sans avoir à afficher une réduction des taux. Une réduction des taux serait en effet très parlante, et passerait très mal en cette période de marasme où les grosses entreprises licencient à tour de bras.
    Si l'on en est arrivé là, c'est-à-dire à une situation où les attaques frontales se multiplient contre l'un des deux seuls impôts progressifs de notre législation, c'est parce que les représentants des organisations patronales ont trouvé une oreille bienveillante au sein du Gouvernement. Dans le cadre de sa loi sur l'initiative économique, deux nouveaux articles ont été insérés dans le code général des impôts. L'un d'entre eux institue une exonération d'ISF de 50 % pour les pactes d'actionnaires. Auparavant, seuls les biens professionnels, au rang desquels figurent les actions détenues par un dirigeant de société dans sa propre entreprise, pouvaient faire l'objet d'une exonération. Cela était déjà particulièrement critiquable compte tenu du caractère particulièrement extensif de la définition de la catégorie juridique « biens professionnels ».
    Désormais, il ne sera même plus besoin de travailler dans une entreprise pour bénéficier de ce type d'exonérations. Il suffira de signer un pacte avec un groupe d'actionnaires - à condition que l'un de ces actionnaires au moins travaille dans l'entreprise - pour être exonéré. Autres conditions, il faut que ce pacte dure au moins six ans et, en outre, que le groupe d'actionnaires détienne 20 % du capital de ladite entreprise.
    Le présent amendement entend relever le pourcentage de capital social qui doit être détenu par le groupe d'actionnaires. Si notre amendement était adopté, ce minimum requis passerait de 20 % à 25 % du capital social.
    Bien évidemment, aux yeux des députés communistes et républicains, l'adoption de cet amendement ne serait pas un sujet de réjouissance. Cela n'empêcherait pas en effet qu'une nouvelle poignée de nantis soient exonérés de l'ISF en vertu des dispositions contenues dans la loi Dutreil du 1er août 2003. Cet amendement a surtout été déposé pour illustrer le fait qu'un insatiable appétit de démantèlement de l'ISF anime de nombreux élus de la majorité gouvernementale.
    Notre amendement, s'il était voté, ne ferait que rétablir la rédaction de l'article 26 bis de la loi Dutreil, telle qu'adoptée en première lecture à l'Assemblée. Issue d'un amendement déposé par un député en première lecture, ici même, la nouvelle niche fiscale offerte aux contribuables assujettis à l'ISF n'était pas suffisante aux yeux de parlementaires encore plus jusqu'au-boutistes ! On a vu certains se plaindre que le cadeau n'était pas assez gros, pas assez beau, pas assez lisible et visible !
    C'est donc au terme des navettes successives que le minimum requis, en termes de pourcentage du capital social, est passé de 25 % à 20 %. Toujours plus pour les plus riches au nom d'un argumentaire inchangé qui ne s'appuie sur aucune preuve sérieuse. Un argumentaire proprement idéologique qui peut se résumer ainsi : l'ISF - vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur général - serait responsable de la fuite de cerveaux, de talents et nuirait au dynamisme de l'économie, à la création d'entreprise et donc au développement de l'emploi.
    C'est faux. Il n'y aucune preuve tangible de cela. Et si des cerveaux fuient - nous en avons parlé la semaine dernière -, ce n'est pas parce qu'ils paient trop d'impôts,...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Pas assez, peut-être ?
    M. Jean-Claude Sandrier. ... mais parce qu'on leur offre ailleurs plus de moyens.
    Aucune preuve, aucune étude sérieuse et rigoureuse n'est susceptible d'étayer le bien-fondé de vos assertions relatives à l'évasion fiscale. En revanche, il est prouvé que la France est le cinquième pays d'accueil des capitaux étrangers - elle est même sans doute plus proche encore de la première place. Notre pays attire toujours plus les investissements directs étrangers. En 2001, ils s'élevaient à 50,8 milliards d'euros, générant plus de 30 000 emplois. Pas mal pour un pays que vous prétendez aimer mais que vous décrivez en permanence comme le pire de tous les épouvantails pour les financiers !
    Notre amendement est donc un appel à la raison lancé en direction de nos collègues de la majorité.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable : il faut laisser vivre le dispositif qui vient d'être adopté.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable également.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 175
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques n°s 184 et 215.
    L'amendement n° 184 est présenté par MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 215 est présenté par MM. Eric Besson, Bonrepaux, Migaud, Emmanuelli, Idiart, Dumont, Bapt, Bourguignon, Pajon, Vergnier et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Après l'article 14, insérer l'article suivant :
    « L'article 885 I ter du code général des impôts est abrogé. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 184.
    M. Jean-Pierre Brard. Pour en revenir aux galettes Saint-Michel, si je comprends bien ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur général, Bahlsen est parti avec la galette et il nous est resté simplement Saint-Michel. (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mais on ne voit pas comment vous soutenez Saint-Michel pour terrasser le dragon qui vient vider nos entreprises. Et s'il y a quelque chose de "criminel - il ne faut pas dévitaliser les mots, monsieur le rapporteur général ; le Petit Robert évite d'être excessif - c'est de continuer à manger lesdites galettes si elles ne sont plus produites en France.
    En tout cas, vous êtes incapables d'expliquer en quoi l'ISF entraîne une chute de l'emploi. En réalité, vous avez une démarche idéologique.
    Mme Sylvia Bassot. Parlons-en, de l'idéologie !
    M. Jean-Pierre Brard. Pas avec vous, madame Bassot.
    Les gens ne partent pas forcément pour les raisons que vous évoquez. Par exemple, j'ai eu l'occasion de rencontrer un brillant biologiste qui a dû partir aux Etats-Unis parce que vous ne donnez pas assez de crédits pour la recherche. Il en est de même dans le domaine de la culture. Il en est ainsi dans le secteur du dessin animé, où il existe pourtant une vieille tradition française. Comme ni les entreprises privées - TF1 et consorts - ni le service public ne veulent leur faire confiance, certains talents partent à l'étranger.
    M. Richard Mallié. Remplacez-les, vous qui avez un certain talent !
    M. Jean-Pierre Brard. Certainement, mais pas pour le dessin, mon cher collègue !
    Ce n'est pas pour de mesquines questions de petits sous que ces gens-là, qui voudraient travailler en France, partent. Mais vous n'avez pas de politique pour les soutenir.
    Pour en revenir à cet amendement, je me bornerai, mes chers collègues, à faire référence à un article paru dans Libération le 29 janvier dernier. L'économiste Thomas Piketty, qui vous donne des frissons, je l'ai déjà remarqué à plusieurs reprises,...
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Piketty, c'est pire que Marx !
    M. Jean-Pierre Brard. Je ne sais pas si c'est pire que Marx, mais c'est un vrai économiste, lui. Ce n'est pas un économiste d'opérette comme Minc et compagnie, sur lesquels vous vous appuyez régulièrement.
    Voici ce qu'a déclaré Thomas Piketty : « Nous avons connu une époque, avant 1914, de très grande concentration du patrimoine. Cela a cessé à cause des guerres et de l'apparition de l'impôt sur le revenu et sur les successions. On s'est aperçu alors que ces immenses fortunes n'étaient pas du tout indispensables à la croissance. Les générations suivantes doivent faire leurs preuves et non pas vivre sur une rente. » Marx, précisément, qu'évoquait le rapporteur général, explique très bien cela dans Le 18 Brumaire de Louis-Napoléon Bonaparte. Il y a une tradition française rentière par opposition au capitalisme rhénan dont on parle beaucoup en ce moment.
    « Dans ce cadre, l'ISF, qui pousse à l'inventivité, au dynamisme, au risque, est raisonnable économiquement. Si on le supprimait, l'effet serait très clair : conjugué à la baisse des tranches supérieures de l'impôt sur le revenu, il représenterait une grosse ristourne d'impôt pour les revenus les plus forts du pays, soit un très petit nombre de personnes. »
    Monsieur le ministre, vous êtes complètement dans l'idéologie !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Pas vous ?
    M. Jean-Pierre Brard. Vous subventionnez le financement des domestiques pour les riches, vous baissez l'impôt sur le revenu et vous empêchez les vrais riches de contribuer à la solidarité nationale dans l'esprit de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789.
    Mme Sylvia Bassot. Rien que ça !
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour présenter l'amendement n° 215.
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, avant de présenter cet amendement, je souhaiterais savoir jusqu'à quelle heure va se prolonger cette séance. Ce débat sur l'ISF est important, et nous ne voulons pas qu'il soit dénaturé, ou qu'on nous empêche de parler. Or il est presque vingt heures.
    M. le président. Nous lèverons la séance après l'examen de ces deux amendements.
    M. Augustin Bonrepaux. J'espère que vous allez nous permettre de nous exprimer. M. le rapporteur général nous a expliqué un certain nombre de choses, mais il n'a pas dit, par exemple, si c'était l'ISF qui était responsable du départ des galettes Saint-Michel. Il y a certainement d'autres raisons.
    Monsieur le rapporteur général, vous pouvez d'autant mieux mettre en cause Didier Migaud qu'il ne peut vous répondre.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je lui ai rendu hommage !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous lui avez rendu hommage en expliquant qu'il n'était pas allé jusqu'au bout et que vous alliez le faire.
    En second lieu, je vous ferai remarquer qu'un certain nombre d'entreprises étrangères viennent investir en France pour créer et développer des unités. Cela compensera peut-être toutes les calamités que provoque la politique que vous menez.
    Cela fera près de mille emplois perdus dans mon département depuis le début de l'année, monsieur le ministre - je peux les énumérer, si vous le voulez !
    M. Richard Mallié. Problème de député !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Moi, j'en ai perdu 1 500 sous l'ancien gouvernement et je ne lui ai rien reproché !
    M. Augustin Bonrepaux. Mille emplois qui disparaissent ! Et vous allez me dire que vous n'y êtes pour rien, que ce gouvernement n'est en rien responsable ? C'était vous !
    Mme Sylvia Bassot. Et Moulinex ? C'était vous !
    M. Augustin Bonrepaux. Et pourtant, il y a des gens qui viennent investir en France, ce qui prouve bien que notre pays est attractif.
    Mais là où vous vous êtes mis en pleine contradiction, c'est que lorsque, dans la loi Dutreil, vous avez prévu d'exonérer d'ISF les capitaux placés dans les PME, qu'elles soient installées en France ou dans un autre pays de l'Union européenne. Autement dit, vous encouragez la délocalisation. Tous les investissements ainsi réalisés, que ce soit au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Espagne, au Portugal, donneront lieu à une réduction de l'ISF. Ce faisant, vous encouragez les entreprises à investir certes en Europe, soit. Mais expliquez-moi à quoi sert cette réduction de l'ISF !
    M. Richard Mallié. A quoi sert l'ISF ? C'est cela, la question !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous êtes en pleine contradiction. Et demain, dès 2006, votre réduction vaudra pour les investissements en Pologne, en Tchétchénie ou ailleurs !
    M. Hervé Novelli. L'ISF ne sert à rien !
    M. Augustin Bonrepaux Oserez-vous nous dire que c'est pour rendre la France plus attractive ?
    Notre amendement est donc parfaitement justifié, et c'est la raison pour laquelle nous demanderons un scrutin public, à moins bien sûr que M. le ministre nous donne satisfaction. (Sourires.)
    Mme Sylvia Bassot. On peut toujours rêver !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a donné un avis défavorable. Ce dispositif que vous voulez abroger vient juste d'être adopté. Cela dit, évitons tout malentendu entre nous : si cette possibilité d'investissement a été ouverte en franchise d'ISF sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne, c'est tout simplement du fait de la réglementation européenne. Je me souviens d'ailleurs très bien avoir entendu Dominique Strauss-Kahn nous expliquer ici même il y a quelques années - à propos des PEA ou de l'assurance vie, me semble-t-il - que ces dispositifs fiscaux ne pouvaient s'envisager que dans le cadre de l'Union européenne. Notre seul regret, c'est qu'aucun autre pays membre de l'Union européenne n'a de dispositif de type ISF - ou plus exactement, tous ceux qui en avaient un l'ont supprimé !
    M. Hervé Novelli. Position réaliste !
    M. le président. Sur les amendements identiques n°s 184 et 215, je viens d'être saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Je suis, je l'avoue, tout à la fois surpris du silence du Gouvernement et étonné de la réponse du rapporteur général. Celui-ci m'a répondu tout à l'heure en s'appuyant sur un dispositif que j'avais moi-même contribué à mettre en place. C'est oublier que votre dispositif et le mien ne sont pas de même nature, et vous le savez parfaitement, monsieur le ministre.
    Du reste, la lecture des revues professionnelles est à cet égard des plus intéressantes : « Réduisez votre impôt sur la fortune grâce à la nouvelle loi Dutreil. » Viennent ensuite plusieurs éléments qui montrent bien que la loi Dutreil se limite à quelques centaines de dispositions bénéficiant à quelques catégories très particulières, sans régler en rien la question des effets pervers de l'ISF. Nous sommes plusieurs à avoir reconnu, et le groupe communiste lui-même l'a admis, comme moi, que l'ISF pouvait avoir des effets pervers, voire antiéconomiques. Mais que nous propose la loi Dutreil ? Simplement de réduire très sensiblement l'ISF - 500 millions d'euros, chiffre tout de même assez considérable par rapport à ce que représente le total du produit de cet impôt - sans remédier à ses effets pervers.
    S'agissant du pacte d'actionnaires, je peux, là encore, vous renvoyer à une revue professionnelle : en apparence complexe, ce pacte est très souple, indique-t-elle. La liberté des actionnaires n'est pas figée par leur engagement. Ils peuvent céder leur titres à d'autres signataires ou les donner à leurs descendants, qui poursuivront leur engagement jusqu'à son terme. En fait, ce pacte nouvelle formule n'est pas encadré du tout, et c'est bien ce que nous lui reprochons. Il y a tout lieu de craindre que votre loi n'aboutisse à une course aux pactes d'actionnaires dans le seul but d'alléger l'ISF, sans régler en aucune façon la question, qui peut être essentielle, des effets antiéconomiques éventuels de cet impôt.
    M. Hervé Novelli. Vous avez une vision paranoïaque de l'économie !
    M. Didier Migaud. Pour l'investissement, ce sera la même chose : il n'est, là encore, que de consulter les revues professionnelles. Des investisseurs vont pouvoir ne plus payer du tout d'ISF, tout simplement parce que l'exonération telle que vous l'avez prévue n'est soumise à aucune condition ni ancune limitation de montant. Mieux : elle peut même se cumuler avec d'autres réductions d'impôts ! Tout cela me paraît profondément injuste.
    On en vient à se demander, monsieur le ministre, si, en fait, vous n'avez pas décidé de supprimer à terme l'ISF. J'en veux pour preuve plusieurs déclarations émanant de responsables éminents du Sénat.
    M. Jean-Pierre Brard. Que vous avez fui, monsieur le ministre ! La preuve : vous êtes là !
    M. Didier Migaud. Nous avons toujours été attentifs aux positions que pouvait prendre le Sénat sur bon nombre de sujets. Ainsi, M. Marini, rapporteur général de la commission des finances du Sénat, que vous connaissez bien, a précisé que le dispositif adopté dans le texte pour l'initiative économique n'était qu'un premier pas. Il a d'ailleurs rappelé vos propres assurances sur la nécessité de « reprendre et d'approfondir ce sujet dans la prochaine loi de finances ». Nous y sommes ! Il a notamment appelé à une réévaluation du barème, à la mise en place d'un plafonnement, tout en se réjouissant que le Gouvernement ait choisi de lever le tabou. Et le président de la commission des finances, votre successeur, a très clairement déclaré que le seul avenir de l'ISF, c'était de disparaître !
    Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, nos questions sont précises : quel est votre chiffrage exact ? Même si, pour notre part, nous le contestons - le Sénat lui-même l'avait contesté, en partie tout au moins -, cela nous permettra de prendre rendez-vous pour l'année prochaine et d'examiner les résultats. A combien chiffrez-vous exactement le coût des mesures Dutreil sur le produit de l'ISF, afin que ce soit noté au procès-verbal ?
    M. Michel Bouvard et M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cent vingt millions !
    M. Didier Migaud. Nous, nous l'estimons à 500 millions et nous vous donnons rendez-vous pour l'année prochaine.
    M. Philippe Auberger. Pas 500 millions. C'est ridicule !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est 120 millions !
    M. le président. Monsieur Migaud, veuillez conclure.
    M. Didier Migaud. Par ailleurs, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quel est l'avenir de l'ISF ? Partagez-vous le point de vue du président de la commission des finances du Sénat, selon lequel l'ISF est voué à disparaître ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Migaud, si je n'ai pas répondu autrement qu'en exprimant un avis défavorable, c'est pour une question de méthode. Tous les amendements que vous proposez visent à modifier un texte promulgué le 1er août 2003...
    M. Didier Migaud. Il ne fallait pas l'adopter !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous sommes le 20 octobre. Si nous remettons en débat des textes promulgués le 1er août, nous n'en finirons jamais !
    M. Jean-Pierre Brard. Entre-temps, il y a eu le 4 août !
    M. François d'Aubert. C'est Pénélope Migaud !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Comprenez, monsieur Migaud, qu'on ne peut pas poursuivre en permanence des débats sur les mêmes sujets. Voilà la raison de mes réponses concises.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 184 et 215.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   33
Nombre de suffrages exprimés   33
Majorité absolue   17
Pour l'adoption   12
Contre   21

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2004, n° 1093 :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 1110).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à vingt heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexes au procès-verbal
de la 1re séance
du lundi 20 octobre 2003
SCRUTIN (n° 331)


sur les amendements n° 174 de M. Brard et n° 214 de M. Besson après l'article 14 du projet de loi de finances pour 2004 (suppression de l'avantage fiscal en faveur des actionnaires signataires d'un engagement collectif de conservation des parts ou actions de société).

Nombre de votants

38


Nombre de suffrages exprimés

38


Majorité absolue

20


Pour l'adoption

12


Contre

26

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (364) :
    Contre : 23 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
    Pour : 8 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Rudy Salles (président de séance).
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12).

SCRUTIN (n° 332)


sur les amendements n° 184 de M. Brard et n° 215 de M. Besson après l'article 14 du projet de loi de finances pour 2004 (suppression de l'exonération d'ISF pour les placements en capital au sein de PME en France ou dans l'Union européenne).

Nombre de votants

33


Nombre de suffrages exprimés

33


Majorité absolue

17


Pour l'adoption

12


Contre

21

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (364) :
    Contre : 20 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
    Pour : 8 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.
    Non-votant : M. Rudy Salles (président de séance).
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12).