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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 23 OCTOBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mercredi 22 octobre 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire «...».
2.  Questions au Gouvernement «...».

PRÉVENTION DES ATTENTATS TERRORISTES «...»

MM. Nicolas Perruchot, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

PRIVATISATION DE FRANCE TÉLÉCOM «...»

M. Daniel Paul, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.

FORMATION PROFESSIONNELLE «...»

MM. Edouard Landrain, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

FRACTURE SOCIALE «...»

MM. Patrick Roy, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.

FICHIER NATIONAL DES EMPREINTES GÉNÉTIQUES «...»

MM. Christian Estrosi, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

POLITIQUE FRANÇAISE AU MOYEN-ORIENT «...»

MM. Jacques Myard, Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères.
3.  Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire «...».
4.  Questions au Gouvernement(suite) «...».

TRANSPORTS PUBLICS «...»

Mme Odile Saugues, M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.

FRET FERROVIAIRE «...»

MM. Patrick Ollier, Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.

RÉFORME DE L'ENA «...»

MM. André Schneider, Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.

REMORQUEURS DE HAUTE MER «...»

M. Gilbert Le Bris, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.

AIDE HUMANITAIRE «...»

Mme Chantal Bourragué, M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.

SOINS PALLIATIFS «...»

MM. Jean-Sébastien Vialatte, Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

OUTRE-MER «...»

M. Philippe Edmond-Mariette, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer.

Suspension et reprise de la séance «...»

5.  Rappels au règlement «...».
MM. Maurice Leroy, le président, Victorin Lurel.
6.  Loi de finances pour 2004 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

OUTRE-MER «...»

M. Alain Rodet, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les départements et régions d'outre-mer.
M. Victor Brial, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les collectivités d'outre-mer à statut particulier et la Nouvelle-Calédonie.
M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'outre-mer.
M. Didier Quentin, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les départements et régions d'outre-mer.
M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les collectivités d'outre-mer à statut particulier et la Nouvelle-Calédonie.
MM.
Jérôme Lambert,
Jean-Christophe Lagarde.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

MM.
Michel Vaxès,
Gérard Grignon,
Mme
Christiane Taubira,
MM.
André Thien Ah Koon,
Victorin Lurel,
Michel Buillard,
Mme
Huguette Bello,
MM.
Victor Brial,
Christophe Payet,
Mme
Gabrielle Louis-Carabin,
M.
Alfred Marie-Jeanne,
Mme
Béatrice Vernaudon,
MM.
Louis-Joseph Manscour,
Alfred Almont,
Philippe Edmond-Mariette,
Pascal Clément.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
7.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

SOUHAIT DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

    M. le président. Je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire, conduite par M. Borut Pahor, Président de l'Assemblée nationale de la République de Slovénie. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)
    Bienvenue, chers collègues, à l'Assemblée nationale, où vous allez assister aux questions au Gouvernement.
    M. André Chassaigne et M. Jean-Claude Sandrier. Un grand moment !
    M. Patrick Braouezec. Un grand moment de démocratie !

2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe UDF.

PRÉVENTION DES ATTENTATS TERRORISTES

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.
    M. Nicolas Perruchot. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    Ce soir aura lieu la simulation grandeur nature d'un attentat chimique dans le métro parisien. Ce sera comme à Londres il y a quelques semaines : l'occasion de tester la coordination de plusieurs services amenés, lors d'une crise grave, de type attentat, à travailler ensemble : services de secours, médecins, policiers, agents de la RATP ou de la SNCF.
    Monsieur le ministre, nos concitoyens ont parfois le sentiment que certains dysfonctionnements existent dans nos services publics, que leur coordination en tout cas n'est pas toujours optimale. Le groupe UDF se réjouit donc de l'initiative de ce soir et souhaite qu'elle puisse se renouveler, à plus forte raison si l'on y associe la population.
    Cette simulation intervient dans un contexte international très troublé, où les menaces sont toujours présentes. Ma question est donc double : pouvez-vous nous indiquer s'il existe aujourd'hui des menaces terroristes précises qui pèsent sur notre pays ? D'autre part, pouvez-vous nous détailler le dispositif mis en place à l'occasion de cette simulation d'attaque chimique, ainsi que les suites que vous comptez donner à cette opération ? Envisagez-vous en particulier de faire de nouvelles simulations, éventuellement d'un autre type, dans d'autres agglomérations ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il n'existe aucune menace précise actuellement, mais vous avez parfaitement raison, monsieur le député : la France avait accumulé un grand retard dans le domaine des exercices en temps réel. Cette année, pas moins de vingt-huit exercices dits NRBC - nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique - auront été réalisés ; l'an prochain, à la demande du Premier ministre, nous espérons pouvoir procéder à cinquante exercices : la totalité des grandes agglomérations de France auront ainsi droit à un exercice en temps réel et en dimensions réelles sur leur territoire.
    Ce soir, 500 personnes sont mobilisées sur un scénario malheureusement connu, celui de l'attentat de Tokyo en 1995, qui a fait, rappelons-le, 25 morts et 5 000 blessés. Il n'y a pas d'autre solution pour être prêt que de s'entraîner. Tout retard en la matière ferait poser une lourde responsabilité sur le Gouvernement. Le but de cet exercice, c'est d'être prêt, même s'il n'existe pour l'heure aucune menace précise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

PRIVATISATION DE FRANCE TÉLÉCOM

    M. le président. la parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Daniel Paul. Monsieur le Premier ministre, malgré l'ouverture du capital de France Télécom en 1996, l'Etat en demeurait l'actionnaire majoritaire. Aujourd'hui, vous voulez privatiser l'opérateur historique des Télécoms en France, légitimant votre décision par des contraintes européennes qui n'existent pas. Ce choix dogmatique, dont votre Gouvernement porte l'entière responsabilité, signifie à terme la mort du service public.
    La mise en concurrence des opérateurs et les critères de gestion privée déjà appliqués à France Télécom ont fragilisé l'entreprise. Pourquoi refuser d'effectuer un bilan sérieux des expériences de libéralisation ? Les promesses n'ont pas empêché la hausse des coûts pour les usagers ainsi que la dégradation de la qualité du service rendu et des conditions de travail des salariés. Du fait de cette concurrence exacerbée, le secteur compte aujourd'hui moins de salariés qu'en 1992. Demain, en soumettant à la concurrence les éléments du service universel, c'est le droit à la communication pour tous qui est en cause.
    Le problème est identique pour La Poste où, au-delà du contrat de Plan, toutes les sources confirment les menaces pesant sur plusieurs milliers de bureaux, d'agences ou de guichets. Faut-il rappeler que cette même orientation s'est traduite en Allemagne par la suppression de dizaines de milliers d'emplois considérés comme un poids pour la rentabilité, et par une moindre couverture du territoire ?
    Les députés communistes ont déposé il y a quelques jours une demande de commission d'enquête sur ce thème afin de dresser un bilan précis de la libéralisation et de la privatisation des entreprises publiques, dont font partie France Télécom et La Poste.
    Cela permettrait d'éclairer le débat dans lequel vous voulez nous engager et de faire ainsi la lumière sur vos motivations réelles.
    Monsieur le Premier ministre, comptez-vous utiliser votre énergie à établir ce bilan au lieu de vous acharner à dépasser les recommandations de Bruxelles, à vouloir privatiser France Télécom et à mettre à mal le réseau de La Poste pour des raisons strictement liées à votre stratégie de rupture ultralibérale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
    Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le député, n'est-il pas trop cruel de vous rappeler l'endettement vertigineux dans lequel se trouvait cette entreprise lorsque nous sommes arrivés au Gouvernement ? 68 milliards d'euros, du jamais vu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Arrêtez !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. A quoi tient cette situation ? Ainsi que votre commission d'enquête, présidée par M. Douste-Blazy, l'a fort pertinemment démontré, la cause en est la règle de détention majoritaire du capital par l'Etat, ce à quoi d'ailleurs M. Mer est en train de remédier en ce moment même avec le Sénat.
    M. Albert Facon. Ça promet !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Aujourd'hui, nous avons retroussé nos manches. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) France Télécom se redresse et les Français ont à nouveau confiance dans cette entreprise.
    S'agissant de La Poste, nous tirons aussi les leçons de vos erreurs. Le retard de La Poste, en termes de coût, de performance et de qualité de services, s'il n'est pas corrigé, l'empêchera de rejoindre le groupe restreint des opérateurs majeurs qui subsisteront demain en Europe. Ce n'est pas moi, monsieur le député, qui le dis, c'est la Cour des comptes dans son tout récent rapport.
    Or nous, nous voulons conforter l'avenir de La Poste et de ses salariés par une stratégie claire dans ses trois métiers.
    M. André Chassaigne. Oui, le déménagement du territoire !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. La seule voie responsable pour pérenniser les servies publics, ce n'est pas la facilité de l'immobilisme, c'est le courage de la modernisation ! Et cela vaut pour tous les secteurs de la vie nationale. (Applandissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Vous n'avez pas le monopole de l'attachement au service public. C'est parce que nous partageons cet attachement que nous voulons lui donner toutes ses chances, pour les usagers et pour les personnels. (Vifs applaudissemets sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

FORMATION PROFESSIONNELLE

    M. le président. La parole est à M. Edouard Landrain, pour le groupe UMP.
    M. Edouard Landrain. Monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, vous avez organisé hier une table ronde avec les régions et les partenaires sociaux sur les questions relatives à l'emploi et à la formation professionnelle. Cette initiative, la première du genre, me semble-t-il, m'a paru extrêmement intéressante en ce qu'elle permet de confronter les actions entreprises par les acteurs des politiques de l'emploi et de la formation que sont l'Etat, les régions et les partenaires sociaux.
    Quelles premières conclusions, monsieur le ministre, avez-vous tirées de cet échange ? Quelles pistes peuvent être exploitées pour améliorer la coordination des initiatives dans le respect de l'autonomie des partenaires sociaux et des compétences dévolues aux collectivités territoriales ? Enfin, comment comptez-vous relancer des actions en faveur des demandeurs d'emploi tout en respectant l'esprit de la décentralisation en matière de formation professionnelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, la table ronde que nous avions organisée hier répondait à deux objectifs.
    M. François Hollande. Ne rien faire et ne rien faire !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le premier consistait à convaincre les partenaires sociaux de la pertinence d'un échelon régional en matière de développement économique et de formation professionnelle.
    M. François Hollande. Quelle nouvelle !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. En effet, au moment où le Gouvernement et le Parlement entendent faire de la région le chef de file en matière économique, où nous allons transférer la totalité de la commande publique en matière de formation professionnelle, il fallait que les partenaires sociaux acceptent l'idée, y compris dans le cadre de leur réflexion qui a abouti à l'accord sur la formation professionnelle tout au long de la vie, de considérer l'échelon régional. Il faut désormais qu'une stratégie dans le domaine de la formation professionnelle s'élabore au niveau de la région entre les partenaires sociaux, l'Etat et les responsables de la région.
    Le second objectif de cette table ronde visait à proposer aux régions de mettre en oeuvre une stratégie exceptionnelle de formation aux métiers non pourvus. Paradoxalement, dans un contexte de chômage élevé, on compte au minimum 300 000 emplois qui ne sont pas pourvus. Encore ce chiffre ne prend-il en compte que les offres d'emplois transitant par l'ANPE, ce qui, nous le savons bien, est loin d'être toujours le cas. Il reste des emplois non pourvus dans le bâtiment, dans l'hôtellerie et la restauration, dans les services à la personne. Il n'est pas acceptable qu'un pays comme le nôtre qui consacre autant de moyens à l'assistance...
    M. Jean Le Garrec. Arrêtez de parler d'assistance !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et à l'indemnisation du chômage, puisse se satisfaire d'une situation où 300 000 emplois ne sont pas pourvus. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Il n'y a pas de quoi sourire, mesdames et messieurs.
    Avec l'ANPE, l'AFPA et les régions, nous allons donc organiser des opérations exceptionnelles de formation spécifiques, de manière à orienter les demandeurs d'emploi, et particulièrement les chômeurs de longue durée, vers ces métiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

FRACTURE SOCIALE

    M. le président. La parole est à M. Patrick Roy, pour le groupe socialiste.
    M. Patrick Roy. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
    Hier, dans le Valenciennois, le Président de la République a dénoncé les fractures sociales, urbaines, ethniques et religieuses dans notre pays. Ce discours est une incroyable mystification. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Qui préside aux destinées de ce pays depuis huit ans ?
    M. Richard Cazenave. Qui l'a gouverné pendant si longtemps ?
    M. Patrick Roy. Qui tenait le même discours en 1995 ? (Interruptions sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Qui commande aujourd'hui à un gouvernement qui fait tout le contraire de ce qu'il dit ? (Mêmes mouvements.) Comment croire à ce droit au travail alors que votre gouvernement est celui du chômage et des plans sociaux ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. André Gerin. C'est vrai !
    M. Patrick Roy. Comment croire à la solidarité alors que le même jour vous réduisez l'allocation chômage ?
    M. André Gerin. C'est très vrai !
    M. Patrick Roy. Comment croire à cet engagement pour l'école alors que vous avez supprimé les aides éducateurs et qu'aujourd'hui la pénurie des remplaçants laisse des classes sans professeurs ?
    M. André Gerin. C'est parfaitement vrai !
    M. Patrick Roy. Comment croire à votre grand plan logement alors que le budget 2004 affiche une baisse record dans ce domaine ?
    M. Gilles Cocquempot. Exact !
    M. Patrick Roy. Comment croire à l'exemple des zones franches urbaines alors que le choix clientéliste du Valenciennois a balayé le Denaisis qui en avait pourtant le plus besoin ?
    M. Chirac clame, votre gouvernement casse. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Cette fracture entre le langage et l'action alimente la crise de la démocratie et contribue à l'insécurité sociale.
    Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : quand cesserez-vous de contredire le Président de la République ? (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ou, si vous préférez, quand le Président de la République va-t-il arrêter de se dédire ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je ne laisserai pas caricaturer l'action du Président de la République dans cette assemblée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Il faut tout de même regarder les choses de bien loin pour ne pas voir dans le voyage du Président de la République à Valencienne un hommage en premier lieu à des élus locaux qui ont travaillé sur le terrain, dans la proximité,...
    M. André Gerin. Démagogie ! Démagogie !
    M. le Premier ministre. ... pour résoudre des problèmes sociaux majeurs, non par des discours et des envolées, mais bien par des actions de terrain.
    M. François Hollande. Lesquelles ?
    M. le Premier ministre. Je suis à cet égard heureux de rendre hommage à Jean-Louis Borloo et à tous les élus...
    M. André Gerin. Et nous ?
    M. le Premier ministre. ... qui, à ses côtés, ont montré ce qu'était l'action sociale, en dehors des caricatures, des slogans (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), lorsqu'elle est vraiment prise dans sa dimension de restructuration.
    Le Président de la République a eu raison d'appeler l'ensemble de la nation à se pencher sur les sujets de préoccupation sociale de toutes les Françaises et de tous les Français. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine David. Ce ne sont pas les vôtres !
    M. le Premier ministre. Un grand nombre de nos compatriotes souffrent, c'est vrai, parce qu'ils n'ont pas d'emploi, parce qu'ils ont du mal à affronter les douleurs et les misères quotidiennes.
    M. Maxime Gremetz. La faute à qui ?
    M. le Premier ministre. Vous préférez la politique partisane, ce n'est pas mon cas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. André Gerin. Ce n'est pas vrai !
    M. le Premier ministre. Nous, nous sommes rassemblés derrière le Président de la République pour que la nation française continue de défendre ses valeurs, parmi lesquelles la fraternité, si importante !
    Qui a augmenté le SMIC dans les six dernières années ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Qui a permis à ceux qui ont commencé à travailler à quatorze, quinze ou seize ans d'accéder à la retraite après quarante ans de labeur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Alain Néri. Pas vous !
    M. le Premier ministre. Qui, aujourd'hui, fait en sorte que le travail soit la véritable ambition sociale du Gouvernement ? N'est-ce pas là faire oeuvre de justice ?
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Carton rouge ! Carton rouge !
    M. le Premier ministre. Si vraiment vous avez été attentifs aux propos de M. le Président de la République, je vous invite à vous rassembler pour aider à la cohésion sociale de la France au lieu de vous réjouir, par pur esprit partisan, de ses difficultés ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains.)
    M. André Gerin. C'est de la démagogie !
    M. le président. Mes chers collègues, je vous pris de vous taire !

FICHIER NATIONAL DES EMPREINTES GÉNÉTIQUES

    M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe UMP.
    M. Christian Estrosi. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, une délégation du groupe d'études sur la sécurité intérieure, représentée sur tous les bancs de l'Assemblée nationale - Mme Brunel, Mme Morano, MM. Jérôme Lambert, Lachaud, Perruchot, Eric Raoult et moi-même -,...
    M. Maxime Gremetz. Pas sur tous les bancs !
    M. Christian Estrosi. ... s'est rendue hier à Londres pour travailler avec la police technique et scientifique, avec le ministère de l'intérieur sur les problèmes de fichiers d'empreintes génétiques. Je ne vous cache pas que beaucoup d'entre nous avaient le coeur serré (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. le président. Ecoutez une seconde !
    M. Christian Estrosi. ... en pensant aux petites Estelle, Elodie, Patricia, toutes victimes de crimes commis par d'odieux personnages tels que Francis Heaulme ou Guy Georges.
    Je veux vous remercier, monsieur le ministre d'avoir pris les dispositions nécessaires dans la loi relative à la sécurité intérieure pour donner une nouvelle impulsion à la police technique et scientifique française en élargissant l'utilisation du fichier national des empreintes génétiques.
    De même, je veux saluer l'action du garde des sceaux qui, dans le texte relatif à la grande criminalité, a permis d'intégrer les grands criminels du terrorisme et les criminels sexuels dans ce même fichier national des empreintes génétiques. Nous avons pu constater, hier, que le fichier des empreintes génétiques britannique comporte aujourd'hui près de deux millions d'empreintes, alors que celui de notre pays n'en comporte à ce jour que près de 2 000.
    Nous avons entendu vos propos, monsieur le ministre de l'intérieur, selon lesquels il était essentiel de l'étendre à tous les délinquants sexuels. Nous y souscrivons. C'est la raison pour laquelle je vous demande de faire le point sur les actuelles conditions d'utilisation du fichier national des empreintes génétiques. Plus jamais, en effet, nous ne voulons voir dans notre pays des crimes aussi odieux rester impunis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Estrosi, vous avez raison, la France, ces dernières années, a accumulé un retard considérable dans la gestion et l'utilisation des fichiers, dû au fait que, depuis trop d'années, la police française a la religion de l'aveu, alors qu'il faudrait avoir celle de la preuve. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Sans fichier à jour, on ne peut pas faire cette révolution culturelle !
    En mai 2002, on comptait 1 500 empreintes génétiques. Dans le même temps, nos amis anglais, vous l'avez parfaitement souligné, monsieur Estrosi, en dénombraient deux millions. Qui peut expliquer un tel retard ? (« Vaillant ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Patrick Lemasle. C'est lamentable !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'ai voulu être généreux en me contentant de poser la question ! Tout le monde possède la réponse ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Où en sommes-nous ? De 2 000, en sept mois, nous sommes passés à 13 000, et l'année prochaine, nous atteindrons les 150 000.
    M. Patrick Lemasle. N'importe quoi !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est encore trop peu, mais cela n'a rien à voir avec ce que nous avons trouvé à notre arrivée au Gouvernement ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Enfin, mon dernier point concernera les criminels sexuels. Lequel, parmi vous, dans vos circonscriptions, peut s'adresser aux parents d'une victime en lui disant, droit dans les yeux, que l'Etat a laissé un monstre s'installer à côté de ses enfants sans prévenir personne et sans rien faire ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Il y a aujourd'hui de vraies bombes humaines dont personne ne sait ce qu'elles font.
    Nous avons l'intention, avec le garde des sceaux, d'obliger désormais les délinquants sexuels à signaler leur présence en laissant leur adresse sur un fichier.
    Plus jamais l'Etat ne doit être accusé d'être resté les bras ballants devant des comportements proprement monstrueux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

POLITIQUE FRANÇAISE AU MOYEN-ORIENT

    M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour le groupe UMP.
    M. Jacques Myard. Monsieur le ministre des affaires étrangères, l'Orient est compliqué. La France le sait depuis des lustres. D'autres pays semblent l'apprendre à leur détriment chaque jour, mais personne ne peut s'en réjouir car cela se compte en morts.
    Dans l'affaire irakienne, la France a conduit une politique tout à fait exemplaire, appréciée dans le monde entier. Et c'est à juste titre que, ces dernières semaines, elle a rappelé qu'il n'y avait pas de solution militaire en Irak et qu'il fallait trouver une solution politique, notamment en organisant le transfert de la souveraineté à un gouvernement irakien selon un calendrier précis.
    M. François Hollande. Ce n'est pas ce qui a été voté !
    M. Jacques Myard. Toutefois, la France vient de se rallier à la résolution 1511...
    M. François Hollande. Rallier, c'est le mot !
    M. Jacques Myard. ... qui prévoit le transfert mais pas de calendrier.
    Hier soir, vous êtes rentré de Téhéran où, avec vos homologues britannique et allemand, vous avez reçu l'engagement des autorités iraniennes qu'elles allaient signer le protocole additionnel au traité de non-prolifération.
    De ces événements, je tire un constat ; il est simple. Lorsque la France manifeste la volonté de maîtriser sa politique étrangère, elle est capable d'entraîner ses partenaires européens et même au-delà, et point n'est besoin d'idées fumeuses d'une Europe puissance ou autres billevesées. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Il suffit que la France soit à la manoeuvre, comme vous le faites !
    Mes questions sont donc simples. Pouvez-vous nous donner des précisions sur les conditions dans lesquelles la France a décidé de voter la résolution 1511 ? Pouvez-vous également nous donner des précisions sur l'état du dossier nucléaire avec l'Iran et les engagements que les autorités iraniennes ont pris ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
    M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, vous avez raison, tous les problèmes du Moyen-Orient sont liés. Les crises se nourrissent entre elles et font le jeu à la fois du terrorisme et de la violence.
    La paix, nous le savons, ne pourra être que globale. Pour la France, elle ne peut être fondée que sur le respect de plusieurs principes : le droit, la responsabilité collective, la justice et la solidarité. C'est bien cette démarche cohérente qui, partout, guide notre action.
    En Irak, tout d'abord, en soutenant la résolution 1511, nous avons voulu marquer la nécessaire unité de la communauté internationale face au terrorisme à Bagdad.
    En même temps, il faut le savoir et s'en souvenir, nous plaçons l'administration américaine devant ses responsabilités. Et nous prenons date pour l'avenir.
    Pour la France, la solution passe par la reconnaissance d'un gouvernement provisoire auquel seraient confiées, progressivement bien sûr, les responsabilités du pouvoir. C'est dans ce même état d'esprit constructif mais exigeant que nous abordons la réunion des donateurs à Madrid.
    Au Proche-Orient, vous connaissez la volonté de la France de sortir de l'impasse et de ne pas s'enfermer dans une logique de préalable. Pour cela, il faut appliquer la feuille de route en commençant par une conférence internationale. J'ai reçu ce matin les initiateurs de l'accord de Genève, M. Beilin et M. Rabbo, qui contribuent utilement à un dialogue constructif et imaginatif entre Israéliens et Palestiniens.
    Enfin, avec mes collègues allemands et anglais, vous l'avez rappelé, nous nous sommes rendus hier à Téhéran et nous avons obtenu des engagements clairs de la part de l'Iran. Nous avons obtenu que satisfaction soit donnée aux demandes faites par l'Agence internationale de l'énergie atomique au sujet du programme nucléaire iranien. Cela comporte la signature du protocole additionnel, toutes les informations nécessaires pour que le programme iranien soit parfaitement connu dans sa complexité et pour que soient suspendues les activités d'enrichissement et de retraitement de l'uranium dans ce pays.
    D'ores et déjà, je constate que l'Europe a su faire entendre sa voix et apporter sa contribution au règlement d'une crise majeure. Elle le fait dans un cadre multilatéral, dans le respect du droit et en concertation permanente avec l'ensemble de ses partenaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

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SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

    M. le président. Permettez-moi de souhaiter la bienvenue à la délégation parlementaire conduite par M. Nicos Anastasiadès, président du groupe d'amitié Chypre-France et président de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants de la République de Chypre. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)
    Bienvenue à l'Assemblée nationale !

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT
(suite)

    M. le président. Nous reprenons les questions au Gouvernement.

TRANSPORTS PUBLICS

    M. le président. La parole est à Mme Odile Saugues, pour le groupe socialiste.
    Mme Odile Saugues. Monsieur le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, tandis que le Président de la République nous parle de l'effet de serre, et la ministre de l'environnement de lutte contre la pollution urbaine et contre le bruit, vous décidez, après les gels et annulations de crédits, de supprimer purement et simplement l'aide de l'Etat aux transports publics de province. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Martine David. C'est grave !
    M. Bernard Roman. Quelle contradiction !
    Mme Odile Saugues. A Clermont-Ferrand, Bordeaux, Strasbourg, Marseille, Lille, Nantes, Rennes, Montpellier, Lorient, des lignes de tramway ne seront plus financées.
    Et voilà que vous proposez tout simplement d'autoriser les élus locaux à relever de 1,75 % à 2 % la taxe versement transport payée par les entreprises et les administrations publiques.
    Vous avez dit baisse d'impôts : double langage, encore une fois !
    Monsieur le ministre des transports, arrêtez, comme le dit le président de votre parti, de prendre les Français pour des « gogos ». Allez-vous rétablir ces crédits indispensables et allez-vous, enfin, donner aux élus une véritable lisibilité de l'action de l'Etat en matière de transports ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
    M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Madame Saugues, le Gouvernement est partisan d'une politique de transports en commun et de développement durable. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. André Gerin. C'est faux !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. J'observe que M. Gayssot, au fil des années, avait fait baisser ce budget.
    M. Bernard Roman. Qu'est-ce que vous faites, vous ?
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Cette année, les besoins des collectivités sont de 300 millions d'euros, et il y a 900 millions dans les tiroirs, alors que dans le budget 2002, le dernier budget que vous aviez voté, mesdames et messieurs les députés de l'opposition, vous leur aviez alloué 120 millions d'euros. Vous n'étiez pas à la hauteur des besoins !
    M. François Hollande et M. Jean-Marc Ayrault. Répondez à la question !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Que va faire le Gouvernement ?
    Nous allons, d'abord, établir, dans le cadre de la décentralisation, un mode de financement durable et pérenne. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C'est le sens du rapport confié à M. Christian Philip, le vice-premier président du GART : les ressources des collectivités ne viendront plus de l'Etat, mais directement des collectivités.
    M. Jean-Marc Ayrault. Scandaleux !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Dans le budget de l'année 2003, nous allons aussi permettre des prêts de la Caisse des dépôts à très long terme et à des taux d'intérêt très intéressants.
    Deuxièmement, si certaines collectivités veulent augmenter le versement transport - le VT -, elles en auront la possibilité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Je comprends qu'on puisse trouver plus facile de demander de l'argent à l'Etat plutôt que chez soi ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Martine David. Carton rouge !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Troisièmement, M. le Premier ministre a accepté que, dans la loi de finances rectificative, 65 millions d'euros soient versés à toutes les collectivités qui ont besoin de faire avancer leurs projets en 2004. Et j'ai le plaisir de vous annoncer, madame Saugues, que M. le Premier ministre a retenu dans cette liste la ville de Clermont-Ferrand. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

FRET FERROVIAIRE

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour le groupe UMP.
    M. Patrick Ollier. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat aux transports.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, le fret ferroviaire est malade. Depuis vingt ans, sa situation se dégrade et, hélas, au cours des années qui viennent de s'écouler, nos prédécesseurs n'ont rien fait pour rétablir sa situation. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Lors des grèves du printemps dernier, la situation s'est encore dégradée. Chers collègues, ces grèves ont coûté à la SNCF 250 millions d'euros ! Or, le seul déficit de la branche du fret ferroviaire risque d'entraîner l'ensemble de l'entreprise dans le gouffre. Il est urgent de réagir !
    Vous avez ici, monsieur le secrétaire d'Etat, une majorité qui est attachée au développement du fret ferroviaire. (« Ce n'est pas vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ici, nous avons fait le choix du rééquilibrage entre la route et le rail, ce qui n'a pas été fait précédemment.
    M. André Gerin. Menteur !
    M. Patrick Ollier. Nous sommes déterminés à voir se développer la politique de fret ferroviaire : nous ne sommes pas pour le tout-routier, il faut que cela soit connu ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés-e-s communistes et républicains.)
    M. Alain Vidalies. Le Gouvernement nous baratine !
    M. Patrick Ollier. M. Gallois et le comité directeur de la SNCF ont proposé un plan de relance ambitieux et sérieux, qui devait être étudié ce matin en conseil d'administration, mais qui, malheureusement, ne l'a pas été. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Nous souhaitons, monsieur le ministre, que les choses soient claires. L'entreprise, à elle seule, ne peut pas subvenir aux besoins de ce plan. Nous avons donc besoin de savoir si le Gouvernement est déterminé à s'engager dans la politique que je viens de définir, et dans quelles conditions il veut le faire. Nous souhaitons aussi un calendrier qui montre à l'ensemble de la population que nous sommes déterminés à redresser cette situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
    M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur Ollier, je vous remercie beaucoup de cette question. Le conseil d'administration de la SNCF, qui devait, en effet, se prononcer ce matin, ne l'a pas fait. Nous vous devons, par conséquent, des explications.
    Le constat est clair : nous avons besoin, à côté de la route, des voies fluviales et des autoroutes de la mer, d'un transport ferroviaire de qualité, mais, au fil des années, en dépit des objectifs annoncés par le passé, il a décru, et malheureusement, les événements du printemps dernier ont entraîné le fret ferroviaire dans une impasse.
    Il faut donc sauver le fret ferroviaire français et reprendre dans ce domaine une politique à la fois de volume et de qualité. C'est dire qu'il faut que l'offre aux entreprises soit de qualité, qu'il y ait des wagons, des trains quand elles en ont besoin et que les délais d'acheminement soient respectés.
    Actuellement, sur l'ensemble du fret, la SNCF perd de l'argent sur 80 % de son trafic, ce qui est inadmissible. L'entreprise doit aussi trouver un gain financier. La SNCF et ses cheminots sont tout à fait capables de gagner ce pari. A la faveur de l'élargissement, l'Europe offrira de grands espaces dans lesquels le fret ferroviaire retrouvera toute sa pertinence.
    Le Gouvernement est prêt, y compris sur le plan financier, à accompagner ce plan de redressement. Il attend néanmoins de connaître la position de l'Europe, car des problèmes de concurrence se posent légitimement, ainsi que la teneur exacte du plan préparé par le président de la SNCF, M. Gallois.
    En tout cas, nous croyons dans le fret ferroviaire et nous allons le développer. Nous ne nous contenterons pas d'effets d'annonce comme le gouvernement précédent. Et si besoin est, comme nous l'avons fait dans le présent budget pour les infrastructures, nous dégagerons les moyens financiers nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

RÉFORME DE L'ENA

    M. le président. La parole est à M. André Schneider, pour le groupe UMP.
    M. André Schneider. Ma question s'adresse à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
    Monsieur le ministre, vous avez présenté, ce matin, en Conseil des ministres, un projet de réforme de l'encadrement supérieur incluant la réforme de l'Ecole nationale d'administration. Dans le cadre de la modernisation du fonctionnement de cet établissement est prévue une implantation géographique forte sur le seul site de Strasbourg. Cette localisation permettra donc de consacrer la vocation européenne de notre ville et le maintien d'une logique de décentralisation voulue par le Président de la République et mise en oeuvre par le Premier ministre, afin de favoriser le développement de la démocratie locale.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Allô !
    M. André Schneider. Ainsi la formation initiale et permanente des stagiaires de l'ENA s'effectuera en partenariat avec l'Institut national des études territoriales et permettra l'accroissement des synergies avec le Centre d'études européen de Strasbourg.
    A cette fin, le maire de Strasbourg et le président de la communauté urbaine vous ont donné des assurances, d'une part, quant aux possibilités d'une extension des surfaces occupées par l'ENA et, d'autre part, sur le logement des étudiants et des intervenants.
    Pourriez-vous, monsieur le ministre, exposer devant la représentation nationale les grandes orientations du développement de l'ENA à Strasbourg ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
    M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur Schneider, je m'étais engagé devant vous, il y a un an, à présenter la réforme de l'ENA. Elle s'inscrit dans une réforme plus ambitieuse, la modernisation de la gestion des ressources humaines et de l'encadrement supérieur, qui nécessitera une révision des modalités de recrutement et de la gestion des carrières, mais aussi la rémunération au mérite et les contrats d'objectifs.
    C'est une inversion importante à laquelle nous entendons procéder dans notre système administratif : il s'agit de rétablir l'usager comme objectif, la responsabilité comme moteur et l'agent comme acteur. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    La formation, bien évidemment, initiale et continue, est au coeur de cette réforme.
    C'est la raison pour laquelle nous entendons faire en sorte que tout futur haut cadre administratif connaisse la culture de l'administré dont il aura la charge. Et par rapport aux objectifs de renforcer la dimension territoriale, celle de l'entreprise, et la vocation européenne de l'école, le choix de Strasbourg pour l'implantation de la majeure partie de ses activités est pertinent. Je remercie, d'ailleurs, Mme Fabienne Keller et M. Grossmann pour les assurances qu'ils nous ont apportées quant à la construction des locaux et à l'hébergement des étudiants et des encadrements. Cela nous permettra d'ailleurs de nous séparer d'un site à Paris, de rationaliser ainsi les moyens et d'améliorer l'efficacité de la formation.
    Nous entendons dispenser aussi une formation continue aux administrateurs territoriaux par la mobilisation et la conjugaison des temps de formation de l'INET et de l'ENA.
    Voilà ce que je crois être un élément important de la réforme de l'Etat, qui est d'abord l'expression d'une volonté politique mais dont la réussite passera par la motivation des encadrements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

REMORQUEURS DE HAUTE MER

    M. le président. La parole est à M. Gilbert Le Bris, pour le groupe socialiste.
    M. Gilbert Le Bris. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la défense et porte sur le remplacement des remorqueurs de haute mer.
    Tout le monde connaît ces bateaux emblématiques appelés saint-bernard de la mer, qui défendent nos côtes, ont épargné bien des vies humaines et nous ont sûrement évité nombre d'Erika et autres Amoco Cadiz. C'est la marine nationale qui a en charge ce dossier et nous sommes satisfaits du choix de la société Abeille Internationale pour la prestation de services.
    Mais il est envisagé de faire construire deux nouveaux remorqueurs, indispensables, hors de France et même hors de l'Union européenne, puisqu'il s'agirait d'un chantier norvégien qui, lui-même, sous-traiterait en Europe de l'Est.
    M. Charles Cova. Et alors ?
    M. Gilbert Le Bris. Quand on sait que ces bateaux symboles seront exploités à Brest et à Cherbourg, c'est-à-dire à côté de chantiers aptes à les construire et à les entretenir à prix compétitifs, qu'ils bénéficieront d'aides par les GIE fiscaux,...
    M. Daniel Paul. C'est scandaleux !
    M. Gilbert Le Bris. ... représenteraient 500 000 heures de travail pour nos chantiers qui en auraient bien besoin, quand on sait qu'ils exerceront une mission de service public, alors, oui, on s'alarme du gâchis que constituerait le choix d'un chantier étranger.
    C'est une société privée qui commande les navires, mais c'est bien l'Etat qui paiera l'affrètement. On ne peut donc pas croire que le Gouvernement n'a aucun pouvoir d'orientation.
    Alors, madame la ministre, dans son choix définitif, le Gouvernement arbitrera-t-il afin de ne pas sacrifier cet attribut de la puissance maritime nationale qu'est notre construction navale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.
    Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le député, pour faire face à toute éventuelle catastrophe maritime, la marine a estimé nécessaire de renforcer le service de remorquage qui est assuré contractuellement depuis 1978 par la société Abeille, d'où le nom des remorqueurs. Pour ce faire, le commissariat de la marine a lancé un appel d'offres, comme il y est obligé. C'est la société Abeille Internationale, société française, qui a été retenue.
    Cette société ne dispose pas des remorqueurs supplémentaires qui sont nécessaires pour ce nouveau service. Elle a donc lancé elle-même un appel d'offres, obligatoirement international.
    Deux chantiers ont été retenus, un chantier français et un chantier norvégien. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est ce que M. Le Bris vient de dire !
    Mme la ministre de la défense. La société Abeille a une préférence pour le chantier norvégien qu'elle estime meilleur techniquement, moins cher et garantissant des délais plus rapides.
    M. Pascal Terrasse. Vive la France !
    Mme la ministre de la défense. La marine n'a aucun moyen d'intervenir dans ce choix, ne serait-ce qu'en raison des accords internationaux signés par notre pays, dont certains par vous-mêmes.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
    Mme la ministre de la défense. Ne s'agissant pas d'un navire de guerre en effet, les directives européennes comme les accords sur les prestations de service de l'OMC interdisent d'imposer une quelconque clause nationale pour la construction au prestataire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

AIDE HUMANITAIRE

    M. le président. La parole est à Mme Chantal Bourragé, pour le groupe UMP.
    Mme Chantal Bourragué. La question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat aux affaire étrangères.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, le monde est depuis toujours confronté à des crises humanitaires majeures. Ce phénomène s'est malheureusement accru au cours des dernières années. Chacun a pu voir la grande détresse des populations d'Afghanistan, d'Argentine, de Côte d'Ivoire ou d'Algérie. Les catastrophes sanitaires et sociales touchent aussi l'Afrique australe, le Sri Lanka, bien sûr le Liberia. Leurs habitants se retrouvent particulièrement démunis face à la sécheresse, aux tremblements de terre, aux inondations et, plus encore, à la guerre.
    La France s'honore à chaque fois qu'elle intervient pour leur venir en aide. C'est l'une de ses fiertés que d'être porteuse d'un message humaniste à l'échelle internationale.
    Conformément au voeu du Président de la République, les moyens de l'action humanitaire n'ont jamais manqué mais, vous le savez, la coordination n'a pas toujours été assez souple et réactive pour aider rapidement ceux qui souffrent.
    Le 11 juin dernier, vous avez présenté au conseil des ministres les nouvelles orientations du Gouvernement en matière de politique humanitaire d'urgence. Hier, vous avez présidé la première réunion du comité interministériel sur ce sujet. Quelles actions concrètes comptez-vous lancer pour renforcer la politique humanitaire de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
    M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Madame la députée, le monde, vous avez eu raison de le souligner, n'a pas été épargné par les crises humanitaires, et la France a tenu tout son rang. Au-delà de l'Irak et de l'Algérie, pensons au Congo, à la Côte d'Ivoire, au Liberia et, très honnêtement, ce sont des situations de détresse humaine tout à fait impressionnantes.
    La France a un devoir d'efficacité. Le Premier ministre m'a confié une mission et j'ai un devoir de résultat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. François Hollande. La rémunération au mérite ?
    M. Noël Mamère. Soyez prudent !
    Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. Soyez modeste !
    M. le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. C'est la raison pour laquelle nous avons organisé un comité interministériel associant six ministères. Il a créé un groupe opérationnel qui est, pour notre pays, ce qu'est le médecin régulateur pour le SAMU.
    Mme Ségolène Royal. Il y en a besoin !
    M. le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. C'est le médecin régulateur qui, pour une intervention, décide d'envoyer un véhicule sanitaire léger, une ambulance médicalisée ou un hélicoptère. C'est le groupe opérationnel qui va décider, coordonner, piloter toutes les interventions de notre pays à travers le monde.
    Lors du tremblement de terre en Algérie, par exemple, nous étions au courant du drame vers six heures du matin. Les forces envoyées sont parties vers huit heures. Nous étions présents vers dix heures. Nous savons qu'à partir de dix-sept heures, il n'y a plus aucune survie possible pour des hommes ensevelis sous des décombres. Il a fallu réagir en moins de dix heures, nous l'avons fait. Voilà en exemple concret. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

    A partir de là, il est indispensable de faire aussi la coordination avec le savoir-faire de nos ONG, de nos collectivités territoriales ou de nos entreprises qui veulent participer à une action humanitaire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est la raison pour laquelle nous aurons une réunion le 3 décembre, qui nous permettra d'avoir des propositions concrètes, nous permettant de travailler tous ensemble pour l'intérêt de la France.
    L'action humanitaire d'urgence de la France est à la hauteur de sa politique étrangère. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Noël Mamère. Et les journalistes de RFI en Côte d'Ivoire ?

SOINS PALLIATIFS

    M. le président. La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte, pour le groupe UMP.
    M. Jean-Sébastien Vialatte. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    Monsieur le ministre, l'actualité récente a relancé le débat sur l'opportunité de légiférer sur le droit pour une personne à demander qu'on mette fin à ses jours.
    Ce débat a le mérite de nous interpeller, mais le véritable enjeu n'est-il pas l'accompagnement des malades en fin de vie, car nous ne devons pas oublier les milliers de personnes qui meurent tous les jours dans la douleur, non soulagées, dans la solitude et dans l'angoisse.
    La loi du 9 juin 1999 affirme le droit de toute personne malade dont l'état le requiert d'accéder à des soins palliatifs, aussi bien à l'hôpital qu'à son domicile. Mme Marie de Hennezel vous a remis récemment un rapport sur ce sujet, dans lequel elle souligne que les pratiques sont hétérogènes, d'un côté, des équipes de soignants formés aux soins palliatifs, de l'autre, des professionnels de santé isolés, mal ou non formés.
    Pouvez-vous donc indiquer à la représentation nationale si vous envisagez d'inclure dès le début des études médicales une réflexion sur le sens des soins, les limites de la médecine, les problèmes de la fin de vie, car, en pratique, de nombreux professionnels sont démunis devant ces situations difficiles ?
    Pouvez-vous aussi nous indiquer si vous envisagez d'ouvrir de nouveaux services de soins palliatifs dans les hôpitaux pour la prise en charge des fins de vie particulièrement difficiles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le député, le passage de la vie à la mort est, sans aucun doute, l'une des questions les plus difficiles qui se posent à la conscience des hommes. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement se réjouit des travaux entrepris sur ce thème par une mission parlementaire présidée par Jean Leonetti, et il s'est engagé, après que Mme de Hennezel eut remis le rapport que je lui avais commandé il y a un an, à reprendre les débats initiés par mon prédécesseur Bernard Kouchner. Par ailleurs, il s'applique aujourd'hui à mettre en oeuvre les dispositions des lois de 1999 et 2002, qui, si elles étaient correctement comprises et appliquées, permettraient de répondre à la plupart des situations qui se présentent aujourd'hui.
    Sans attendre néanmoins, dans la mesure où de plus en plus de morts surviennent entre la ville et l'hôpital, prises en charge dans des réseaux de soins animés par des médecins généralistes, des professionnels et des bénévoles, nous cherchons à améliorer la formation. Désormais, le nouveau programme des études de deuxième cycle des études de médecine comprend onze modules dont un, le numéro 6, est exclusivement consacré au traitement de la douleur, à la prise en charge de soins palliatifs et à l'accompagnement (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), et plus de vingt-cinq diplômes d'université sur ces thématiques sont largement ouverts à la formation continue et à la formation professionnelle, plus de 50 % des inscrits étant des médecins généralistes.
    Voilà ce que fait le Gouvernement. Cela dépasse naturellement tout clivage. Il y va de notre dignité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française).

OUTRE-MER

    M. le président. La parole est à M. Philippe Edmond-Mariette, député non inscrit.
    M. Philippe Edmond-Mariette. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
    Monsieur le Premier ministre, le Président de la République, chaque fois qu'il en a eu l'occasion, a rappelé le rayonnement de l'outre-mer dans la France d'aujourd'hui. Mme la ministre de l'outre-mer, par un engagement soutenu, fait son possible pour honorer et respecter la parole du chef de l'Etat. Toutefois, j'ai aujourd'hui la conviction qu'un petit nombre de députés de votre majorité, arc-bouté sur une France réduite, à l'heure ou l'Europe s'agrandit, jouent au poker budgétaire au détriment des ultramarins, au seul prétexte de dénicher des euros d'économie.
    Hier, c'était le cas pour la politique de la ville. Quarante et une zones franches nouvelles ont été créées, aucune outre-mer. Hier, la commission des finances examinait un amendement réduisant le plafond de la réfaction d'impôts dans les DOM. Samedi matin, à l'heure du laitier, dans l'hémicycle, un amendement a été adopté relatif à la suppression du remboursement de TVA, mesure drastique qu'aucun des rapports du Conseil des impôts n'a jamais préconisé, bien au contraire, soulignant son effet de soutien au tissu économique en convenant de la nécessité d'une nouvelle écriture.
    Et puis, il y a l'épineuse question du financement de la continuité territoriale. Heureusement, l'amendement concernant le FIATA a été rejeté, mais le problème est-il pour autant réglé ? Monsieur le Premier ministre, qu'avez-vous fait du rapport de la direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes relatif au transport aérien aux Antilles qui, en décembre 2002, mettait en lumière les indices graves d'entente et d'abus de position dominante de la compagnie Air France, invitant Bercy à saisir le conseil de la concurrence pour qu'il les qualifie et, le cas échéant, les sanctionne ? Dans votre discours de politique générale, vous avez souhaité que la France gagne. Puis-je vous rappeler que la France qui gagne est belle en couleurs ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Notre passé n'a jamais été simple, c'est un passé décomposé, mais, aujourd'hui, notre futur paraît plus qu'imparfait, en dépit de la loi de programme ! Quelles suites comptez-vous donc réserver au rapport de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ? Mais surtout, quelle est votre vision de chef du Gouvernement pour la France des trois océans, pour l'outre-mer ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains).
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. L'outre-mer n'intéresse pas le Premier ministre.
    Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le député, l'outre-mer est un grand enjeu pour la France, et une grande ambition pour notre pays, et c'est fort de cette conviction que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin défend avec énergie nos dix collectivités d'outre-mer et s'emploie à mettre en oeuvre tous les engagements du Président de la République.
    Je tiens tout de suite à vous rassurer, le Gouvernement ne changera pas de position. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Nous sommes au début d'un débat parlementaire sur le projet de budget pour 2004, et nous n'accepterons pas que la politique de l'outre-mer soit définie par voie d'amendement, sur des sujets souvent complexes, toute la problématique n'étant pas bien connue. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Bernard Roman. Cela a été fait, le Gouvernement n'a rien dit !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Soyons clairs, l'outre-mer n'est pas fermée par principe à la réforme, hostile par principe à la modernisation des dispositifs qui lui sont appliqués, mais une bonne réforme s'élabore sur le terrain et dans la concertation. Tous nos élus d'outre-mer méritent le respect et la considération. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Bernard Roman. Baratin !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Je crois qu'aucun député dans cet hémicycle n'apprécierait qu'une réforme soit engagée dans son département sans qu'il en soit informé et sans qu'on lui demande préalablement son avis.
    S'agissant de la continuité territoriale et de la desserte aérienne que vous évoquez, vous savez que ce gouvernement défend ce grand principe républicain. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Vous évoquez un rapport du ministère des finances. Il n'est pas terminé, et nous en tirerons les conclusions le moment venu, mais nous avons déjà pris des mesures nouvelles très fortes...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Lesquelles ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. ... pour introduire la concurrence que vous souhaitez. Je me réjouis que la commission des affaires économiques, sous la présidence de Patrick Ollier, ait décidé récemment de demander un rapport d'information au député Joël Beaugendre (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), pour faire toute la lumière sur la formation du prix des billets d'avion, car nous avons besoin d'une transparence sur la desserte de l'outre-mer.
    En conclusion, cette France des trois océans, le Président de la République, le Premier ministre et l'ensemble du Gouvernement la défendent avec force et avec coeur (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), car c'est une part irremplaçable de notre communauté nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)
    M. le président. La séance est reprise.

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RAPPEL AU RÈGLEMENT

    M. Maurice Leroy. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. Fondé sur quel article, monsieur Leroy ?
    M. Maurice Leroy. Sur l'article 58 de notre règlement, monsieur le président.
    M. le président. Mais sur quel alinéa plus précisément ?
    M. Maurice Leroy. Sur l'ensemble de l'article 58, monsieur le président.
    M. le président. Vous avez la parole, monsieur Leroy.
    M. Maurice Leroy. J'observe que nos pupitres comportent trois plots pour participer aux scrutins publics : un plot « pour », un plot « contre » et un plot « abstention ».
    Comme chacun le sait, le groupe UDF s'est abstenu lors du scrutin public sur la première partie de la loi de finances, et c'est son droit. Je n'ignore pas non plus que les abstentions ne sont pas prises en compte. Toutefois, le président du groupe UMP de l'Assemblée nationale, notre excellent collègue Jacques Barrot, et d'autres collègues, s'exprimant dans les médias, ont déclaré qu'un vote d'abstention équivalait à un vote contre. De telles déclarations m'ont grandement surpris, et ne me paraissent en tout cas pas conformes au règlement de notre assemblée.
    Aussi, je voulais savoir, monsieur le président, si des travaux sont prévus dans l'hémicycle pour supprimer à l'avenir le plot « abstention », pour ne conserver que les plots « pour » et « contre ». (Sourires.)
    Bref, il m'avait semblé que quand un groupe s'abstenait, cela signifiait qu'il s'abstenait. Cette affaire me paraissait suffisamment sérieuse pour faire un rappel au règlement.
    M. le président. Il n'a échappé à personne, me semble-t-il, que le groupe UDF s'était abstenu hier. La télévision l'a abondamment souligné. Première remarque.
    Deuxième remarque. Vous êtes, c'est vrai, un élu assez récent, puisque vous êtes député, et nous nous en réjouissons, depuis le 1er juin 1997. Pour autant, vous devez savoir que, conformément au règlement - à moins que vous n'ayez peut-être lu que l'article 58 -, lorsqu'il y a un scrutin, que ce soit un scrutin à main levée ou un scrutin solennel, le président de séance ne mentionne que le nombre des voix pour et celui des voix contre, mais jamais les abstentions. C'est la règle dans notre assemblée et elle était en vigueur avant même que vous n'y siégiez, mon cher collègue. Je n'ai pas l'intention de la changer.
    M. Patrick Ollier. Très bien !
    M. le président. Nous avons tous compris la position de votre groupe. Elle a été clairement exprimée par le président de votre mouvement, M. Bayrou. L'ensemble de nos collègues en ont pris acte.
    J'ajoute que lorsque vous serez un député confirmé - ce dont je ne doute pas, car je suis convaincu que vos électeurs du Loir-et-Cher vous renverront souvent siéger à l'Assemblée nationale, et je m'en félicite -, vous connaîtrez mieux la pratique de l'« aboiement », pratique ancienne connue de tous les parlementaires chevronnés et qui consiste, au moment où le président demande qui est pour et qui est contre, à crier, à « aboyer », comme on disait dans le temps « Je m'abstiens ! » ou « Nous nous abstenons ! », ce qui a pour effet de faire figurer cette phrase au Journal officiel.
    Comme je pense que vous êtes un député averti, je suppose que si vous avez fait ce rappel au règlement aujourd'hui, c'était pour aboyer avec retard. (Sourires.)
    La parole est à M. Victorin Lurel, pour un autre rappel au règlement.
    M. Victorin Lurel. J'espère que je serai très bientôt, au cours de cette mandature ou lors de la prochaine, un député confirmé. Toujours est-il que je n'aboie peut-être pas assez souvent pour faire entendre mes positions.
    Monsieur le président, mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58, alinéa 1, qui est relatif au déroulement de nos travaux.
    A la question posée lors des questions au Gouvernement par Philippe Edmond-Mariette, Mme la ministre a répondu que la politique à l'égard de l'outre-mer, en particulier la politique fiscale, ne se faisait pas par voie d'amendement, qu'elle ne se faisait pas, si j'ose dire, « à l'esbroufe ». Nous en avons pris bonne note, d'autant que ce n'est pas la première fois que Mme Girardin s'exprime ainsi : elle persiste et signe.
    Il se trouve que lors de la séance d'hier après-midi, avant le vote solennel de la première partie de la loi de finances, le Gouvernement n'a pas hésité à demander une seconde délibération pour revenir sur l'adoption de trois amendements. Pourtant, il y a un amendement sur lequel il n'a pas demandé à revenir : celui prévoyant que les biens importés en exonération de TVA dans les DOM ne peuvent plus donner lieu à déduction de la TVA d'amont, qui n'a pas été acquittée. Pourtant, ce dispositif est important pour les entreprises d'outre-mer, car il s'apparente à une subvention. Vérité hier, erreur aujourd'hui ?
    Le Gouvernement constitue, me semble-t-il, un corps unique - M. Lambert est solidaire de Mme la ministre de l'outre-mer. Or je m'étonne que le Gouvernement ait donné son accord explicite à une telle mesure et ne soit pas revenu dessus.

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LOI DE FINANCES POUR 2004

DEUXIÈME PARTIE
Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n°s 1093, 1110).

OUTRE-MER

    M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'outre-mer.
    La parole est à M. Alain Rodet, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les départements et régions d'outre-mer.
    M. Alain Rodet, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les départements et régions d'outre-mer. Monsieur le président, madame la ministre de l'outre-mer, mes chers collègues, il me revient de vous présenter le projet de budget pour les départements et régions d'outre-mer, présentation quelque peu malaisée compte tenu d'un certain nombre de modifications introduites dans le « bleu ». Il est vrai que nous avons adopté, au mois de juillet, la loi de programme pour l'outre-mer et qu'un certain nombre de modifications sont intervenues qui ont eu pour conséquence de modifier la présentation du présent projet de budget par rapport à celle du projet de budget de l'an dernier.
    Ainsi, des modifications affectent la nomenclature budgétaire. C'est le cas notamment du chapitre 44-03, qui ne compte plus que onze articles contre dix-huit l'an dernier.
    Il ne fait aucun doute que l'élaboration d'un tel projet de budget ne peut faire abstraction d'une situation économique et sociale toujours préoccupante dans les départements d'outre-mer. En dépit des progrès constatés depuis quelques années, les économies ultramarines demeurent en effet fragiles, et les entreprises d'outre-mer sont confrontées à une situation délicate qui mérite d'être considérée depuis la métropole non seulement avec attention mais aussi avec une approche excluant toute suffisance et toute exclusive.
    Le projet du ministère lui-même représente un peu plus de 14 % de l'effort consenti par l'Etat en direction de l'outre-mer, et s'élève à 1 121 millions d'euros. Il affiche une hausse de 3,4 % par rapport au budget voté pour 2003, et il se caractérise par l'introduction d'un certain nombre de nouveautés concernant les crédits relatifs à l'emploi en outre-mer, à Mayotte, ou le transfert au ministère du travail du coût des exonérations de cotisations patronales.
    Pour ce qui est des moyens des services, ils s'élèvent à 181,8 millions d'euros, en hausse de 1,61 %. Les interventions publiques, qui comprennent principalement les subventions obligatoires et facultatives aux collectivités locales, les crédits attribués au fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi que les crédits d'action sociale, culturelle et de coopération régionale s'élèvent à 681,10 millions d'euros, soit une progression de près de 8 % par rapport à ceux votés l'an dernier.
    Les investissements exécutés par l'Etat, qui sont inscrits au titre V et qui financent les équipements administratifs, atteindraient, en 2004, 6,87 millions d'euros, soit une hausse de 10,4 % par rapport aux crédits votés l'an dernier.
    Enfin, les subventions d'investissement accordées par l'Etat, qui sont répertoriées au titre VI et qui comprennent principalement les crédits affectés à la politique du logement, aux subventions aux départements d'outre-mer et au fonds d'investissement pour le développement économique et social, s'établiraient à 251,5 millions d'euros, soit une baisse de 6,64 % par rapport à l'année 2003.
    Il convient, avant d'analyser ces principales lignes budgétaires, de rappeler un certain nombre de faits qui ont marqué l'exécution du budget de 2003.
    Pour 2003, la consommation des crédits du ministère de l'outre-mer s'élève à 61,5 %, soit un pourcentage légèrement supérieur à celui constaté à la même époque en 2002, lequel était de 59 %.
    L'exécution du budget de 2003 a été marquée par le décret du 14 mars 2003 du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie portant annulation de crédits. Le budget de l'outre-mer a été concerné à hauteur de 2,7 millions d'euros pour les autorisations de programme et de 74,2 millions d'euros pour les crédits de paiement.
    Lors de la discussion du projet de budget du ministère de l'outre-mer en commission des finances, plusieurs parlementaires dont votre rapporteur ont regretté que ces annulations de crédits aient concerné des politiques essentielles pour l'outre-mer, notamment celle relevant du chapitre 44-03 et concernant l'emploi, et celles des chapitres 46-94 et 65-01 ayant trait, d'une part, à l'action sociale et culturelle et, d'autre part, au logement.
    Il est à noter qu'une réserve de précaution a été constituée sur différents chapitres du budget de l'outre-mer et que, à la suite de négociations avec le ministère du budget, certains gels ont pu être annulés. La levée d'une partie de cette réserve de précaution devait être examinée dans le cadre de la préparation de la loi de finances rectificative pour 2003. Peut-être est-ce déjà fait.
    En réalité, le budget des départements d'outre-mer est de plus en plus marqué par la loi d'orientation sur l'outre-mer et par la loi de programme du 21 juillet 2003. Ces deux textes, d'orientations différentes mais allant souvent dans le même sens, ont renforcé le dispositif d'exonération de cotisations sociales destiné à soutenir les entreprises dans le secteur marchand de l'économie.
    Lors de l'examen des crédits en commission, des commissaires ont insisté, tout en reconnaissant l'intérêt d'une telle politique, sur la nécessité de procéder à une évaluation complète des dispositifs de défiscalisation pour en mesurer la réelle efficacité.
    Pour ce qui concerne la politique de l'emploi outre-mer, il faut bien constater que les taux de chômage restent élevés : proche de 25 % en Guadeloupe et en Martinique, approximativement de 20 % en Guyane et de plus de 27 % à la Réunion, et ce en dépit du fait que, au cours des années précédentes, un certain nombre d'évolutions favorables ont pu être constatées.
    Pour ce qui est du coût des exonérations de charges sociales, qui ne procèdent pas essentiellement du budget d'outre-mer, puisque les deux tiers sont inscrits actuellement dans le budget du ministère des affaires sociales, il est estimé à 2,66 milliards. Environ un tiers de cette somme est inscrit au budget de l'outre-mer, ce qui rend difficiles les comparaisons à périmètre constant.
    S'agissant des actions financées par le fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM, on peut constater une fongibilité complète des crédits inscrits au chapitre 44-03, qui regroupe donc l'intégralité des moyens.
    Par ailleurs, une expérimentation de globalisation des mesures d'insertion dans le département de la Martinique sera mise en oeuvre en 2004. Elle visera à tester un dispositif de gestion globale des moyens budgétaires sous l'autorité des préfets. Les crédits correspondants, qui s'élèvent à un peu plus de 70 millions d'euros, sont regroupés dans une seule ligne budgétaire - l'article 20 - dont l'intitulé est le suivant : Expérimentation, globalisation, FEDOM Martinique.
    En ce qui concerne le passeport mobilité, les crédits qui lui sont affectés devraient s'élever à 11 millions d'euros, ce qui représente malgré tout une baisse de 37 % par rapport à ceux votés pour 2003. Pour mémoire, je rappelle que ce passeport a été mis en place à partir du 1er septembre 2002 et qu'il devrait concerner 11 000 étudiants sur l'ensemble des collectivités outre-mer et 5 000 jeunes en formation professionnelle ou engagés dans une démarche d'accès à l'emploi.
    Notons également que les crédits affectés au service militaire adapté représentent, dans le projet de loi de finances, 63,84 millions d'euros, soit une certaine stabilité par rapport à l'an dernier.
    En matière de politique du logement dans les DOM, la situation est toujours aussi préoccupante, même si plus de 8 500 logements ont été construits au titre de l'aide au logement neuf et 3 264 logements ont fait l'objet d'une réhabilitation. Le projet de loi de finances arrête le montant des subventions d'investissement en faveur de la politique du logement à 287,5 millions d'euros en autorisations de programme et à 173 millions d'euros en crédits de paiement. L'effort consenti permet à peine de reconduire le montant des crédits de paiement de la LBU de 2003. Or nous savons que l'importance des besoins exigerait un effort plus important.
    Pour ce qui concerne les collectivités territoriales, le fonds d'investissement des DOM - le FIDOM - s'établit à 34,30 millions d'euros en autorisations de programme et à 23,64 millions d'euros en crédits de paiement pour 2004.
    Les subventions à caractère obligatoire en faveur des collectivités locales des DOM s'étaient élevées en 2003 à 4,1 millions d'euros. Pour 2004, elles devraient représenter 4,4 millions d'euros, soit une hausse de 7,3 %.
    Au total, les subventions de caractère obligatoire en faveur des collectivités locales des départements d'outre-mer devraient s'élever à 8,08 millions d'euros en 2004, soit une augmentation de 97 % par rapport aux crédits votés en 2003.
    A l'occasion de l'examen en commission des finances, les membres de la commission ont souhaité voir la fin de la pratique des subventions exceptionnelles versées en loi de finances rectificative, étant donné qu'elle ne contribue pas, selon eux, à la lisibilité de la politique en faveur de l'outre-mer.
    Enfin, les subventions destinées à la continuité territoriale, dotation prévue par la loi du 21 juillet 2003, seront versées annuellement par l'Etat à chaque collectivité d'outre-mer. Avec le concours des collectivités locales et de l'Europe, cette dotation permettra d'accorder aux résidents une aide forfaitaire pour effectuer un voyage aller-retour entre la collectivité concernée et la métropole. Ainsi, 100 000 passagers pourraient être concernés par cette aide, dont le montant prévu pour cette année est de 30 millions d'euros.
    Cette mesure a fait l'objet de plusieurs critiques en commission des finances, tant lors de l'examen du projet de budget de l'outre-mer qu'au cours de celui du fascicule concernant l'aviation civile. Certes, cette dotation se justifie pleinement, mais elle relève davantage d'un effort de solidarité nationale au travers du budget de l'Etat que du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, qui est financé par une taxe spéciale sur les lignes aériennes.
    Tel est le contenu de ce projet de budget.
    Plusieurs membres de la commission des finances ont également présenté certaines observations sur le rapport Laffineur. S'il convient, en effet, de veiller à la bonne utilisation des crédits, il ne faudrait pas que certains rapports parlementaires versent dans la stigmatisation de la dépense publique outre-mer. Ce serait là une erreur préjudiciable qui n'aurait pour résultat que de conduire à une baisse notoire de l'activité dans les départements d'outre-mer.
    M. Victorin Lurel. Bien sûr !
    M. Alain Rodet, rapporteur spécial. Par ailleurs, ce serait manifester un manque de sens républicain à l'égard des administrateurs territoriaux et des responsables des collectivités locales dans ces départements.
    M. Victorin Lurel. Ce rapport frise parfois le mépris !
    M. Alain Rodet, rapporteur spécial. Telles sont les observations que je souhaitais faire au nom de la commission des finances.
    Votre rapporteur spécial s'en étant remis à la sagesse de la commission, celle-ci a adopté à la majorité, le 14 octobre dernier, les crédits de l'outre-mer.
    M. le président. La parole est à M. Victor Brial, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les collectivités d'outre-mer à statut particulier et la Nouvelle-Calédonie.
    M. Victor Brial, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les collectivités d'outre-mer à statut particulier et la Nouvelle-Calédonie. Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de remercier M. Rodet pour l'analyse complète qu'il vient de présenter du budget de l'outre-mer.
    Le projet de budget du ministère de l'outre-mer - départements et collectivités d'outre-mer - s'élève pour 2004 à un peu plus de 1,121 milliard d'euros en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, soit une progression de 3,4 % par rapport au budget pour 2003. Les autorisations de programme s'élèvent à près de 393 millions d'euros, soit une baisse de 5,8 % environ par rapport à l'an dernier.
    Les priorités du ministère de l'outre-mer sont l'encouragement de la création d'emplois durables dans le secteur marchand et la relance de l'investissement privé, la stimulation de l'offre de logements, l'aide aux plus démunis et l'accompagnement du développement économique de chaque collectivité d'outre-mer.
    Je regrette que ce projet de budget tel qu'il est présenté dans le « bleu » budgétaire ne permette pas de distinguer les dépenses des départements d'outre-mer de celles des autres collectivités - la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Wallis-et-Futuna et les TAAF.
    S'agissant des seules collectivités d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie, le « jaune » budgétaire évalue à 231 millions d'euros en 2004, soit une hausse de 1,6 % par rapport à l'an dernier. Les autorisations de programme s'élèvent à 58,2 millions d'euros, soit une hausse de 29,3 %. Le budget du ministère de l'outre-mer ne retrace qu'une partie des dépenses pour les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie.
    Le « jaune » budgétaire évalue à 1 863,5 millions d'euros les crédits de l'ensemble des ministères en 2004, soit une baisse de 5,3 % environ par rapport à l'an dernier. Les autorisations de programme sont évaluées à plus de 147 millions d'euros, soit une augmentation de 4,6 % par rapport à l'an dernier. Le ministère de l'outre-mer n'assure donc que 12,4 % des dépenses ordinaires et des crédits de paiement et 39,5 % des autorisations de programme.
    S'agissant de l'exécution du budget de 2002, le solde des crédits disponibles s'élève à plus de 185 millions d'euros, soit un montant inférieur de 17 millions d'euros par rapport au reliquat de crédits laissés sans emploi en 2001.
    Au 31 août 2003, la consommation des crédits du budget 2003 en dépenses ordinaires et dépenses en capital est de plus de 61 %, alors qu'en 2002, à la même période, elle s'élevait à plus de 58 %.
    Suite au décret du 14 mars 2003 du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie portant annulations de crédits, 2,69 millions d'euros en autorisations de programme et plus de 74 millions d'euros en crédits de paiement ont été annulés sur le budget de l'outre-mer.
    Par ailleurs, une réserve de précaution a été constituée sur différents chapitres du budget du ministère de l'outre-mer. Il est à noter qu'à la suite de négociations avec le ministère du budget et grâce à l'intervention de Mme Girardin certains gels ont pu être levés.
    L'action de l'Etat passe par les collectivités locales d'outre-mer. Seront versées en 2004 des subventions de fonctionnement et d'investissement. Un fonds intercommunal de péréquation fonctionne déjà en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
    Les collectivités locales d'outre-mer bénéficient de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation globale d'équipement. L'importance des missions qui leur sont dévolues, souvent en lieu et place de l'Etat, justifierait une dotation globale de fonctionnement renforcée, comme l'ont noté en septembre 2003 la mission de la commission des lois du Sénat et celle de l'Assemblée nationale en mission dans le Pacifique sud.
    A titre d'exemple, on peut citer les missions dévolues aux trois circonscriptions territoriales de Wallis-et-Futuna. Elles assurent à la population les services rendus en métropole par les communes ou qui ne sont pas assurées par le territoire ou l'Etat, comme l'établissement des documents administratifs, la participation au financement des cérémonies, les équipements collectifs, le programme de l'habitat social, les services d'hygiène et de salubrité publique, les transports scolaires, la sécurité contre l'incendie, le soutien aux instituteurs du premier degré, les aides maternelles.
    Le dispositif des chantiers de développement local concerne les trois collectivités du Pacifique sud, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna. Je souhaiterais, madame la ministre, la mise en place dans les meilleurs délais d'une réflexion dans le but d'une nouvelle orientation de l'éligibilité de ce dispositif d'aide - le seul à Wallis-et-Futuna - qui tendrait à transférer les bénéficiaires de ces chantiers du secteur public vers le secteur marchand.
    Le service militaire adapté a perduré à la suppression du service militaire pour accueillir des volontaires désireux de recevoir une formation et une première expérience professionnelle.
    La mise en oeuvre de la loi programme relative à l'outre-mer passe d'abord par le financement d'un dispositif d'abaissement du coût des billets d'avion, dénommé « dotation de continuité territoriale », pour surmonter le handicap du désenclavement et agir sur les facteurs qui affaiblissent le dynamisme économique, en particulier le tourisme. Cette avancée significative pour l'outre-mer doit être susceptible d'évoluer rapidement après évaluation sur une première année de fonctionnement. La solidarité nationale assurera le financement de cette mesure inscrite dans la loi de programme ayant fait l'objet d'un engagement du Gouvernement. Je souligne l'importance de ces actions, qui vont dans le sens de l'engagement du Président de la République en faveur de la baisse du coût des transports entre la métropole et l'outre-mer. Une meilleure couverture en moyens télévisuels et de télécommunications relèverait d'ailleurs de la même nécessité.
    Ensuite, il faut modifier le dispositif de défiscalisation, dont le coût total supplémentaire a été évalué à plus de 171 millions d'euros en moyenne annuelle en année pleine en 2005, afin de relancer l'investissement productif ;
    Il faut par ailleurs parvenir à une meilleure reconnaissance des diplômes en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Je n'ai pas reçu d'informations du Gouvernement relatives à la date prévisible de mise en application de cette disposition et j'en souligne simplement l'urgence, dans l'intérêt des personnes actuellement en formation, madame la ministre ;
    Enfin, il faut créer une prime à la création d'emplois en faveur des jeunes de Wallis-et-Futuna.
    Les actions en Nouvelle-Calédonie concernent notamment les trois établissements publics, le nécessaire financement des transferts de compétences, la consolidation de l'activité d'extraction minière et métallurgique, avec les deux grands projets des usines du Nord et de Goronikel, le développement du tourisme, de la desserte aérienne, enfin l'éducation. Je rappelle les retards importants de dépenses en capital qui touche la province Sud de Nouvelle-Calédonie, avec un arriéré de plus de 6 millions d'euros pour la construction d'établissements scolaires, plus 1,9 million d'euros à régler avant la fin de l'année 2003.
    En Polynésie française, où la dotation globale de développement économique s'est substituée au Fonds de reconversion de l'économie de la Polynésie française, il convient de souligner l'importance du tourisme.
    Concernant le rapport d'information sur les rémunérations outre-mer, réalisé à l'initiative de la commission des finances, il est important, chers collègues, de tout mettre en oeuvre pour permettre une meilleure appréciation des contraintes ultramarines liées à l'éloignement. A cet effet, madame la ministre, j'avais, dès janvier 1999, estimé nécessaire de faire mesurer le différentiel du coût de la vie entre la métropole et la collectivité que je représente. Malheureusement, le gouvernement de l'époque n'avait pas jugé opportun de lancer une telle étude.
    Concernant ce point précis, les spécificités propres à chaque collectivité d'outre-mer doivent être prises en compte dans le cadre d'une analyse globale portant notamment sur la diversité et les spécificités des collectivités et leur éloignement de la métropole.
    Les collectivités d'outre-mer bénéficient d'un régime spécifique d'association à l'Union européenne et reçoivent les concours du Fonds européen de développement.
    Grâce à la décision prise par le Président de la République de doubler les dotations du Fonds Pacifique - 3,2 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2004 -, les collectivités d'outre-mer renforcent leur intégration au niveau international dans la région Océanie, dans le cadre de la Communauté du Pacifique et du Forum des îles du Pacifique.
    Lors de sa visite dans le Pacifique le 28 juillet dernier, le Président de la République a présenté des orientations en faveur du renforcement de la position de la France en Océanie, ce qui suppose une coopération renforcée en matière de santé, d'échanges culturels, dans le monde du sport, dans le domaine de l'environnement et dans l'enseignement. Ces ambitions nécessitent un effort soutenu de l'Etat, notamment dans le cadre de la coopération régionale. J'espère que l'impulsion ainsi donnée par le Président de la République permettra une adhésion rapide de la Polynésie française au Forum des îles du Pacifique.
    La mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances a déjà permis de définir une mission : faciliter l'égalité entre l'outre-mer et la métropole par le développement économique et social. Cette mission est structurée en trois programmes : développer l'emploi et l'activité économique outre-mer ; améliorer les conditions de vie des populations ultramarines ; consolider l'intégration et valoriser l'outre-mer dans l'ensemble national, européen et international.
    Le ministère de l'outre-mer exerce une fonction de coordination sur l'ensemble des politiques de l'Etat dans les territoires concernés qui dépasse, et de beaucoup, la stricte gestion directe des politiques spécifiques qu'il met lui-même en oeuvre. Le périmètre des dépenses destinées à l'outre-mer devra être élargi pour englober toutes les actions présentant une spécificité particulière où la valeur ajoutée des services ministériels en charge de l'outre-mer est avérée. Au-delà, les crédits pour l'outre-mer inscrits sur les autres budgets ministériels devraient pouvoir être mieux identifiés et faire l'objet parfois d'un pilotage commun au sein des programmes des ministères partenaires.
    Il reste encore à définir les actions et les indicateurs de performance et à délimiter de façon précise les périmètres en matière d'emplois. Je note enfin que la gestion des crédits de l'Etat pourrait être grandement améliorée si des dotations étaient acceptées, si, par exemple, à Wallis-et-Futuna, les services déconcentrés de l'Etat disposaient d'une liaison informatisée NDL et étaient équipés de la même nomenclature comptable que l'ensemble des collectivités de métropole.
    La commission des finances a émis un avis favorable sur l'ensemble de ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour l'outre-mer.
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour l'outre-mer. Madame la ministre, je voudrais tout d'abord saluer votre détermination à défendre la cause de l'outre-mer, qui se traduit par un budget pour 2004 dynamique, qui poursuit l'effort de transparence et de vérité que vous avez entamé l'année dernière.
    Alors que vos prédécesseurs se complaisaient à annoncer des taux records d'augmentation de crédits, qui en réalité restaient sous-consommés, vous avez choisi de bâtir votre budget sur des réalités concrètes pour soutenir le développement économique de l'outre-mer, et trouver des réponses à ses handicaps structurels.
    Avec une enveloppe de 1,121 milliard d'euros, vous nous présentez un budget en progression de plus de 3,4 %, soit une majoration supérieure à celle que connaissent les autres départements ministériels, ce qui traduit le fort attachement du Gouvernement, et surtout le vôtre, madame la ministre, à l'outre-mer.
    M. Jérôme Lambert. C'est faux ! C'est une mystification ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. Comment, chers collègues, ne pas se féliciter que vous ayez pu tenir vos engagements notamment en faisant voter une loi de programme un an après votre arrivée aux affaires ? L'outre-mer est très impatient de voir appliquer ces nouvelles mesures, qui lui permettront de relancer l'emploi productif et de soutenir l'investissement. Nous savons que les décrets d'application sont en préparation, pour être publiés avant la fin de cette année.
    Je voudrais ici souligner une réalité méconnue : l'effort de la nation française en faveur de l'outre-mer est important, mais disséminé entre plusieurs départements ministériels. Aux crédits du budget du ministère de l'outre-mer, 1,121 milliard d'euros, il convient, en effet, d'ajouter la contribution du ministère de l'emploi et de la solidarité, pour 782 millions d'euros, essentiellement pour financer les mesures d'exonération de charges sociales. De même, les nouvelles dispositions de défiscalisation entraîneront une dépense fiscale. Evaluée à 171 millions d'euros, elle sera imputée au budget du ministère de l'économie et des finances. J'aimerais à cet égard que vous nous confirmiez les propos que vous avez tenus devant la commission des affaires économiques, selon lesquels votre objectif serait de réorganiser la présentation des crédits budgétaires, pour en améliorer la lisibilité et obtenir que les crédits d'intervention, en faveur de l'emploi notamment, figurent désormais au budget de votre ministère.
    Cet effort de clarification me paraît essentiel si on veut apporter un démenti formel aux allégations selon lesquelles la France laisserait tomber l'outre-mer et ne se soucierait pas de son décollage économique. L'outre-mer a connu des créations d'emplois plus nombreuses qu'en métropole, sans que cela ait permis de résoudre le préoccupant problème du chômage, en raison notamment de la croissance démographique.
    En effet, le taux de chômage est, en moyenne, deux à trois fois plus élevé qu'en métropole. Fin février 2003, il était de 24,7 % de la population active en Guadeloupe, 19,2 % en Guyane, 24,5 % en Martinique, 27,3 % à la Réunion, contre 9,3 % en métropole. Certes, le nombre de demandeurs d'emplois a diminué ces dernières années. Cependant, la proportion très élevée de chômeurs de longue durée montre le caractère structurel de ce chômage et appelle à un soutien de l'Etat en faveur du secteur marchand.
    Je me félicite des mesures prévues par la loi de programme du 21 juillet 2003, qui a réformé le dispositif d'exonération de cotisations sociales mis en place par l'article 4 de la loi n° 94-638 du 25 juillet 1994, tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte. Ce nouveau dispositif représente un coût supplémentaire de 37,2 millions d'euros, le coût total des exonérations de charges sociales devant s'élever à 668 millions, soit une hausse de 27 % par rapport aux crédits votés pour 2003. Pouvez-vous, madame la ministre, nous préciser la traduction budgétaire de la loi de programme et nous indiquer comment sera utilisé le FEDOM ? Il convient de rappeler que ce budget assure une totale fongibilité des crédis inscrits au chapitre 44-03 du FEDOM, en regroupant la totalité des moyens au sein d'un article unique.
    Concernant les crédits du FEDOM, une dotation de 477,13 millions d'euros est prévue, soit un montant quasiment stable, en augmentation de 0,02 % seulement par rapport aux crédits votés pour 2003. Pourtant, des critiques ont été émises selon lesquelles cette stabilité serait fallacieuse, car certains crédits, notamment ceux liés aux exonérations de charge sociales, auraient été supprimés du budget du ministre des affaires sociales. Pouvez-vous démentir ces rumeurs qui insinuent que votre budget serait, en réalité, en diminution ?
    Ce budget poursuit des politiques qui ont fait leurs preuves, comme le soutien au logement social et la lutte contre l'habitat insalubre, mais il innove aussi, notamment dans la lutte contre la précarité, en prévoyant d'assouplir les conditions d'accès à la couverture maladie universelle afin qu'un plus grand nombre puisse avoir droit à une protection complémentaire à la CMU, conformément aux engagements pris par le Premier ministre lors de son discours à Saint-Denis-de-la-Réunion.
    De grands changements se préparent outre-mer. Tout d'abord, au plan institutionnel. Certaines collectivités ou départements choisiront sans doute de se doter d'une assemblée unique.
    Lorsque les lois de transfert de compétences auront été promulguées, certaines collectivités décideront peut-être de tirer le profit maximum de la décentralisation pour exercer dans toutes leurs dimensions ces nouvelles compétences et mettre en oeuvre des expérimentations législatives pour mieux adapter la règle du droit aux spécificités ultramarines, par exemple pour doter enfin les départements des Antilles d'un réseau de transport en commun.
    J'aimerais à ce propos vous interroger sur le devenir de la décentralisation. Quelles seront les principales compétences transférées aux collectivités locales par la prochaine loi de décentralisation ? Comment les collectivités locales financeront-elles ces nouvelles attributions ? Qu'en est-il de la définition de nouveaux critères pour les dotations financières aux collectivités locales ? Comment votre ministère pense-t-il aider les collectivités d'outre-mer à disposer d'une meilleure connaissance des bases imposables afin d'améliorer le rendement de leurs impôts locaux ?
    La fiscalité en outre-mer est spécifique. Qu'en est-il de l'octroi de mer et des statuts dérogatoires comme celui de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy ?
    Ces nouvelles responsabilités doivent se préparer avec soin. C'est l'occasion de réfléchir à certaines spécificités financières et fiscales pour s'interroger sur le point de savoir si elles sont toujours adaptées. A ce sujet, je voudrais souligner l'urgence de revoir les bases de calcul des dotations aux collectivités locales, qui sont aujourd'hui totalement inadaptées aux contraintes démographiques et sociales.
    M. Bertho Audifax. Très juste !
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. De même, l'ancrage de l'outre-mer français comme partie intégrante de l'Union européenne devrait faire l'objet d'une réflexion alors même que l'élargissement risque de remettre en cause les politiques de rééquilibrage régional dont ont bénéficié les départements d'outre-mer, via le FEDER, le FEOGA et le FSE.
    J'aborderai enfin un aspect très novateur de votre budget qui permettra de répondre à des handicaps majeurs de l'outre-mer.
    Je me félicite que ce budget apporte des solutions concrètes pour affirmer le principe de la continuité territoriale et alléger un handicap majeur de l'outre-mer, à savoir son enclavement par rapport à la métropole. Cette aide permettra par exemple un accès plus facile pour les jeunes à une formation en métropole et, comme vous l'avez annoncé, la mobilité de nos sportifs ultramarins eu égard à l'honneur et aux résultats qu'ils ont obtenus et offrent encore à notre nation. Mais ces premières améliorations doivent être approfondies pour parvenir à un véritable allégement du coût de la desserte aérienne outre-mer.
    J'aimerais que vous nous apportiez quelques éclaircissements sur les difficultés qui sont apparues pour financer la continuité territoriale à partir d'une majoration du FIATA, le fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien. Si le recours à ce fonds n'est pas possible, comment financerez-vous cette mesure si attendue par les populations d'outre-mer ?
    Beaucoup reste à faire pour améliorer la desserte aérienne des Antilles et je tiens à vous annoncer que je m'impliquerai personnellement dans ce dossier, puisque j'ai été chargé par le président de la commission des affaires économiques d'étudier la composition du coût des billets d'avion et la politique tarifaire observée par les compagnies aériennes.
    La situation de quasi-monopole qui prévaut dans plusieurs zones de l'outre-mer est préjudiciable à tous, elle fragilise notre filière touristique car les prix imposés aux tours-opérateurs sont beaucoup trop élevés pour offrir des séjours « tout compris » à des prix compétitifs et elle condamne beaucoup de nos ressortissants outre-mer qui ont choisi de venir en France hexagonale, la mort dans l'âme, pour retrouver la dignité par le travail. Ils ne peuvent dans ce cas retrouver les leurs, que ce soit dans des moments douloureux, telle la mort d'un proche, ou lors d'un événement familial heureux ou tout simplement quand ils veulent comme nombre de leurs collègues métropolitains, aller se ressourcer dans leurs familles.
    Cette pénurie de places d'avions conjuguée à une mauvaise qualité de desserte est devenue intolérable et je compte sur la mobilisation des autorités ministérielles pour améliorer la situation.
    Je voudrais aussi évoquer des problèmes qui n'ont pas une incidence budgétaire immédiate, mais qui pèsent gravement sur le quotidien des ultramarins.
    La situation de notre agriculture est préoccupante et j'attends que vous nous apportiez quelques bonnes nouvelles au sujet des négociations européennes sur l'OMC, sur le sucre et sur le dossier de la banane.
    Comment entendez-vous aider les producteurs de banane qui ont récemment décidé de s'unir pour faire entendre leur détresse ? Je dois me faire ici l'écho des producteurs bananiers, qui remercient le Gouvernement de l'octroi, par l'Agence française de développement, d'un prêt à taux zéro, pour un montant de 13 millions, eu égard à leurs difficultés.
    L'agriculture n'est pas le secteur capable de servir de débouchés aux nouvelles générations arrivant sur le marché du travail. Il faut donc soutenir les autres filières créatrices d'emplois, comme celle du développement des énergies renouvelables, le secteur du bâtiment et le tourisme. A cet égard, j'aimerais attirer votre attention sur l'importance de la réussite de la défiscalisation, qui est une chance pour le renouvellement du parc hôtelier, et vous redire l'attachement de toutes les parties prenantes, des sociétés antillaises aux collectivités locales, à la réussite des futures saisons touristiques.
    Le plan de relance du tourisme annoncé au mois de décembre 2002 par M. Léon Bertrand doit être renforcé et complété.
    A la suite de la crise déclenchée par l'annonce du départ d'Accor des Antilles, une délégation de parlementaires de la commission des affaires économiques s'est rendue aux Antilles pour apaiser les acteurs de la filière touristique et étudier avec eux les solutions possibles.
    J'aimerais citer les points qui ont fait l'objet d'un consensus.
    Tous nos interlocuteurs ont souligné l'importance d'une desserte aérienne plus économique et mieux organisée, permettant à une clientèle européenne de bénéficier de correspondances dans de meilleures conditions. Pour ce faire, il semble qu'une desserte des Antilles par l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle soit indispensable, car elle permettrait de diversifier la clientèle, aujourd'hui à 80 % métropolitaine.
    La réussite de la réhabilitation hôtelière est primordiale pour soutenir la concurrence de Saint-Domingue ou de Cuba, où le parc est neuf. Cette action de rénovation doit être l'occasion de mobiliser l'épargne. De nombreux interlocuteurs ont souhaité la création d'un fonds régional d'investissement garanti.
    La filière touristique souffre aussi d'une mauvaise organisation de la promotion des Antilles françaises. C'est pourquoi je me félicite de la création, au sein de la Maison de la France, du club « outre-mer ». J'espère ainsi que la promotion sera intensifiée aux Etats-Unis et au Canada, du fait de structures de promotion rénovées.
    Les efforts les plus importants doivent se concentrer sur le personnel qui accueille les touristes. Actuellement, il est peu qualifié, parle peu les langues étrangères et manque parfois de dynamisme. Il faut donc entreprendre une action vigoureuse pour attirer les jeunes dans la profession et les rémunérer de façon décente tout en complétant leur formation. Je profite de l'occasion pour saluer au passage l'ouverture en Guadeloupe du lycée hôtelier, qui doit pallier cette insuffisance.
    Ajoutons que les relations sociales sont aujourd'hui trop conflictuelles. Il semble indispensable de mettre en place une conférence du dialogue social, tout particulièrement en Guadeloupe, pour prévenir les conflits sociaux qui ont trop tendance à dégénérer et à bloquer l'ensemble de l'économie locale.
    La précarité du travail dans cette branche n'est pas une fatalité. L'amélioration des conditions de travail sera un puissant facteur d'apaisement. Parmi les pistes à étudier, citons la possibilité de conclure des contrats à durée indéterminée avec des groupements d'employeurs qui ont des activités complémentaires s'échelonnant sur l'ensemble de l'année.
    De même, des efforts de formation continue sont indispensables pour offrir des possibilités de promotion sociale aux Antillais et éviter ainsi d'avoir un encadrement exclusivement constitué de métropolitains.
    Voilà quelques idées, madame la ministre, qui pourront, je l'espère, être rapidement mises en oeuvres.
    Au terme de mon propos, j'invite l'Assemblée à voter votre projet de budget, qui a recueilli un avis favorable de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Monsieur Beaugendre, vous avez pu remarquer de quelle façon laxiste j'ai apprécié votre temps de parole...
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. Je vous en remercie, monsieur le président !
    M. le président. J'espère que vous m'en serez éternellement reconnaissant. (Sourires.)
    La parole est à M. Didier Quentin, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les départements et régions d'outre-mer.
    M. Didier Quentin, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les départements et régions d'outre-mer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de l'outre-mer pour 2003 était avant tout un budget de rupture et de transition. Le projet de loi de finances pour 2004 représente le premier acte, après l'adoption de la loi de programme de quinze ans, d'une politique budgétaire destinée à inscrire l'outre-mer dans une croisssance durable.
    Dans un contexte difficile, les crédits du ministère de l'outre-mer pour 2004 progressent de 3,4 % par rapport à 2003...
    M. Jérôme Lambert. En apparence !
    M. Didier Quentin, rapporteur pour avis. ... pour s'élever à 1,121 milliard d'euros. Les quatre DOM, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte bénéficient sur ce budget global d'environ 868 millions d'euros.
    Une telle progression, supérieure à celle du budget général de l'Etat, témoigne de l'important effort financier que le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin entend poursuivre pour tenir compte des besoins spécifiques de l'outre-mer, d'autant plus que cette enveloppe budgétaire ne représente que 11 % de l'ensemble des crédits que l'Etat consacre à l'outre-mer.
    En tant que rapporteur pour avis de la commission des lois sur les crédits des départements et régions d'outre-mer, je consacrerai l'essentiel de mon propos aux aspects institutionnels et communautaires, ainsi qu'aux questions de sécurité intérieure, si déterminantes pour assurer un développement harmonieux de l'outre-mer français.
    Conformément aux engagements du Président de la République, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, a profondément rénové le cadre constitutionnel de l'outre-mer en le solennisant, en le clarifiant et en l'assouplissant.
    La réforme de la Constitution introduit une innovation majeure en inscrivant le nom de chacune des collectivités d'outre-mer dans un nouvel article 72-3 et en les répartissant entre deux catégories juridiques bien redéfinies. La désignation nominative des collectivités d'outre-mer dans la Constitution permet de consacrer solennellement leur appartenance à la République. Ces collectivités ne pourront plus en sortir sans révision de notre texte fondamental, ce qui constitue une garantie essentielle contre une évolution non souhaitée.
    Le Président Chirac l'a d'ailleurs réaffirmé avec force le 23 juillet 2003, lors de son voyage officiel en Polynésie française : « Ce n'est pas à l'Etat de proposer un projet institutionnel ou statutaire pour ces collectivités. C'est à elles, et à elles seules, qu'il revient de déterminer si elles souhaitent conserver leur statut actuel ou si, au contraire, elles souhaitent le voir évoluer. Ces propositions doivent naturellement faire, au préalable, l'objet d'un large accord politique local. »
    Au-delà de leurs visions propres de leur avenir institutionnel, les départements et régions d'outre-mer partagent une conviction commune : le débat institutionnel ne doit plus focaliser l'attention ni l'énergie de tous les responsables : ceux-ci doivent se consacrer en priorité au développement économique. Dans cette optique, la loi de programme pour l'outre-mer sur quinze ans du 21 juillet 2003 est bien le complément indissociable de la réforme constitutionnelle. Il convient de souligner que cette loi de programme, traduction sur le plan législatif des engagements pris par le Président de la République et par le Gouvernement, vise à promouvoir un développement économique de l'outre-mer fondé sur une logique d'activité et de responsabilité et non plus d'assistanat sans issue. C'est bien à cet objectif que répond le projet de budget que nous discutons cet après-midi.
    Dans le même esprit, il apparaît nécessaire de consolider l'ancrage de l'outre-mer dans l'Union européenne et de renforcer la politique de l'« ultrapériphéricité ».
    Pour la première fois en 2002, les trois Etats européens concernés par cette question - la France, l'Espagne et le Portugal - ont jeté les bases d'une démarche commune. Celle-ci les a conduits à remettre à la Commission européenne un mémorandum commun signé le 2 juin 2003 à Paris, portant notamment sur la politique de cohésion économique et sociale, l'agriculture et la pêche.
    Cette période devrait voir arriver à son terme une deuxième échéance capitale pour les départements et régions d'outre-mer avec la parution du troisième rapport de la Commission européenne sur la politique de cohésion économique et sociale. Y figureront les grandes lignes de la politique régionale pour l'après-2006. Le moment est donc crucial pour notre pays, qui négocie aussi avec la Commission européenne pour la reconduction et la consolidation du régime de l'octroi de mer, lequel avait été prorogé d'une année à la fin de 2002. Il s'agit là d'un acquis essentiel à la croissance durable des DOM, qu'il convient de consolider.
    Dans le mémorandum commun remis à Bruxelles, la France a fait des propositions allant dans le sens d'une sécurisation et d'un renforcement de l'acquis européen, en se prononçant en faveur du maintien des dispositions de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, qui reconnaissent les régions ultrapériphériques, dans la future Constitution européenne, avec l'énumération des départements d'outre-mer, en écho à notre réforme constitutionnelle, et l'entrée de Mayotte dans les régions ultrapériphériques.
    Il est également indispensable d'améliorer la consommation des fonds européens sous peine de voir décrédibilisés nos efforts pour que les DOM continuent d'être éligibles aux fonds structurels.
    Nous savons que vous avez engagé une action volontariste pour conforter l'acquis européen des DOM. Je vous serais reconnaissant de nous préciser comment vous voyez très concrètement l'Union européenne contribuer à réduire les handicaps de notre outre-mer.
    J'en viens à mon dernier point : la sécurité des personnes et des biens, souhaitable à tous égards, notamment pour le développement de l'économie touristique.
    L'aggravation de la délinquance outre-mer n'avait, comme en métropole, rien d'inéluctable. La reprise en main par l'Etat de sa mission de sécurité outre-mer résidait donc avant tout dans l'affirmation d'une réelle volonté politique.
    Au cours des huit premiers mois de 2003, la délinquance de voie publique a diminué de 9,64 % dans les DOM et de 10,85 % dans l'ensemble des collectivités d'outre-mer. En Guyane, le nombre d'étrangers reconduits à la frontière s'est accru de 14 % au cours des huit premiers mois de 2003, l'augmentation atteignant 30 % à Mayotte.
    Cette évolution positive a d'abord résulté de la mise en place de dispositifs juridiques renforcés et rénovés. Le principal d'entre eux, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003, a permis de répondre aux problématiques particulières de l'outre-mer. C'est sur ce fondement qu'a pu être améliorée la surveillance de certaines frontières sensibles, comme en Guyane, pour faire face à une immigration clandestine croissante. Ce texte devrait être prochainement complété par la conclusion d'un accord de réadmission avec le Surinam, en cours de négociation.
    Par ailleurs, devant le maintien de la pression migratoire à Mayotte, le Gouvernement a décidé en septembre 2002 d'accroître de manière substantielle les moyens dévolus à la lutte contre l'immigration clandestine. C'est ainsi qu'au titre du projet de loi de finances pour 2004, vous allez procéder à l'acquisition, pour un montant de 2 millions d'euros, de moyens de détection destinés à surveiller la mer entre Mayotte et Anjouan.
    Cette politique résolue de lutte contre l'immigration clandestine s'inscrit dans le cadre plus large d'une action efficace contre le travail informel dans les économies ultramarines.
    Ainsi le projet de loi de finances qui nous est soumis, traduit bien les engagements pris par le Président de la République et assure le financement des besoins spécifiques de nos collectivités d'outre-mer, avec la mise en oeuvre des mesures inscrites dans la loi de programme.
    Entre les dénigrements systématiques de quelques-uns et une approche excessivement comptable et, pour tout dire à courte vue, de certains autres, nous restons à vos côtés, madame la ministre, des militants infatigables de notre outre-mer qui contribue à donner à la France sa dimension mondiale et ce beau visage d'une France en couleurs, d'une France qui gagne, à l'image de nos athlètes du 4x100 mètres féminin, et de bien d'autres.
    Plus que jamais, nous devons avoir pour l'outre-mer une vision, une ambition et une obligation de résultat. C'est pourquoi je vous confirme, au nom de la commission des lois, notre total soutien à votre projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les collectivités d'outre-mer à statut particulier et la Nouvelle-Calédonie.
    M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les collectivités d'outre-mer à statut particulier et la Nouvelle-Calédonie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des lois de notre assemblée m'a confié le soin de préparer son avis sur le volet du projet de loi de finances pour 2004 concernant les collectivités d'outre-mer à statut particulier et la Nouvelle-Calédonie. Cet avis complétera le rapport spécial de notre collègue Victor Brial, présenté au nom de la commission des finances, rapport dont nous venons d'apprécier le caractère exhausif et très intéressant.
    Notre rapport pour avis, cette année, a une connotation un peu particulière, dans la mesure où il a été très largement inspiré par le travail enrichissant et passionnant accompli sur le terrain par la mission de six députés appartenant à tous les groupes de cette assemblée, présidée par le président Clément, qui a eu le grand privilège de se rendre, à la fin de l'été, en Polynésie, pour tenter d'y appréhender les enjeux du nouveau statut consécutif à la récente réforme constitutionnelle, et en Nouvelle-Calédonie, pour faire le point sur la mise en oeuvre de l'accord de Nouméa.
    Cette mission nous a très largement confortés dans l'idée - c'est un peu paradoxal, certes, mais incontestable - que l'autonomie revendiquée par ces territoires, loin de conduire à l'indépendance, pouvait, au contraire, renforcer leur ancrage dans la République. En leur donnant les moyens politiques et juridiques de gérer eux-mêmes les crédits alloués par l'Etat, l'autonomie contribue à faire perdre de leur substance aux revendications indépendantistes. Comme l'a indiqué le Président de la République lors de son séjour en Polynésie française, en juillet dernier, l'autonomie est en fait « l'expression d'un partenariat visant à favoriser le développement économique de votre territoire au sein de la République ». Les crédits consacrés à l'outre-mer dans le projet de loi de finances pour 2004 confirment cette évolution, madame la ministre, en apportant notamment des financements pour les mesures contenues dans la loi de programme pour l'outre-mer adoptée en juillet dernier, qui sont destinées à favoriser le développement économique de ces territoires.
    Après un rapide bilan institutionnel et économique des deux collectivités, il nous a paru intéressant, cette année, de faire un point sur les actions menées par les gouvernements territoriaux en matière de protection de l'environnement et de développement durable.
    Les anciens territoires d'outre-mer voient leurs institutions évoluer de façon sensible. En Nouvelle-Calédonie, ce fut après la réforme constitutionnelle de 1998, et la Polynésie s'y apprête à son tour, grâce à la modification constitutionnelle adoptée le 28 mars 2003, qui concerne notamment l'article 74.
    Il s'agit d'un nouveau statut pour une autonomie renforcée. Du traité de 1843 conclu entre Louis-Philippe et la reine Pomaré IV, au statut de 1996, dont j'avais eu l'honneur d'être le rapporteur devant cette assemblée, le chemin parcouru a été considérable. Il s'agit pourtant aujourd'hui de franchir une nouvelle étape. L'avant-projet avait été soumis au Conseil d'Etat. Nous avions compris, madame la ministre, que vous présenteriez ce texte au conseil des ministres dès qu'il serait prêt et je crois savoir que cela a été fait ce matin ; vous n'avez donc pas tardé à remplir l'engagement que vous aviez souscrit lors de l'audition commune de la commission des lois et de la commission des affaires économiques, et le projet va désormais avancer rapidement. L'usage du français, mais aussi de la langue tahitienne, de nouvelles compétences pour la Polynésie, les mesures discriminatoires positives attendues en faveur de l'emploi local et de la propriété foncière, une nouvelle évolution des institutions, la nécessaire réforme du statut communal, tel est, en peu de mots, l'ambitieux programme de ce nouveau statut.
    Nous en discuterons évidemment le moment venu, mais les auditions que nous avons effectuées sur place, les entretiens que nous avons pu avoir, les discussions avec nos collègues parlementaires représentant ce territoire, ainsi que le projet lui-même, dont nous avons déjà eu connaissance, laissent présager de riches débats, sur lesquels je n'anticiperai pas, compte tenu du temps dont je dispose dans ce débat budgétaire.
    La Nouvelle-Calédonie, territoire d'outre-mer depuis 1946, a connu pas moins de cinq statuts entre 1946 et 1988. Les accords de Matignon puis l'accord de Nouméa du 5 mai 1998 ont ouvert une nouvelle étape de son histoire. La délégation a pu vérifier le bon achèvement de la mise en oeuvre de la première phase de la loi organique. La dernière réunion du comité des signataires, qui s'est tenue à Koné, dans la province Nord, à votre initiative et sous votre présidence, madame la ministre, a permis de constater un fonctionnement satisfaisant. Les compétences conférées par la loi organique depuis le 19 mars 1999 sont, pour l'essentiel, exercées.
    Le FLNKS a toutefois souligné l'importance qu'il attache au problème du corps électoral, nous vous l'avons dit, et, sur ce problème que vous connaissez mieux que quiconque, le Président de la République a, lors de son déplacement en Nouvelle-Calédonie, pris des engagements personnels très précis, en assurant qu'il réglerait ce problème avant la fin de son mandat, dans la plus large concertation. Il faut certes donner du temps au temps pour réussir à trouver la solution la plus consensuelle possible, c'est-à-dire une solution admise par tous. Notre collègue Jacques Lafleur nous a confirmé, lors de notre visite sur place, ce qu'il avait dit publiquement en réunion du comité des signataires : au nom du RPCR, il comprend la position du FLNKS, ce qui constitue, aux yeux de tous, un pas dans la bonne direction.
    Ces évolutions institutionnelles, mes chers collègues, n'auraient pas de sens si les atouts économiques de ces collectivités ne leur permettaient pas d'assumer aujourd'hui, et davantage encore demain, une autonomie véritable. Indiscutablement, les choses bougent dans le bon sens, nous avons pu le constater cet été - pour ma part, j'avais déjà eu la chance de me rendre une fois en Polynésie. Le chemin est long, la route est parfois malaisée mais la détermination est là et l'ensemble des forces vives, politiques, sociales, économiques, ainsi que la société civile, ont la volonté farouche, doublée d'une véritable force de travail, de parvenir à faire de ce territoire un véritable acteur économique du Pacifique Sud.
    J'aborderai trois thèmes.
    Le tourisme, d'abord, s'est développé de plus de 90 % en dix ans : le chiffre d'affaires réalisé est de 338 millions et l'objectif est d'atteindre 500 millions.
    Quant au marché perlicole, après avoir connu une explosion entre 1995 et 2000, il souffre aujourd'hui d'une crise. Mais des mesures extrêmement courageuses ont été prises par le territoire, et spécialement par son président, qui s'est réservé le portefeuille ministériel de la perle pour montrer toute sa détermination. Songez que 500 à 700 fermes perlicoles sont réparties dans les Tuamotu : c'est un enjeu économique considérable pour le territoire.
    Mme Christine Boutin. Très bien !
    M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. Enfin, le secteur de la pêche est prometteur : une réserve halieutique de plus de 100 000 tonnes, une zone économique exclusive de 5 millions de kilomètres, 150 thoniers en perspective et de véritables développements à l'exportation, notamment vers le Japon, autour du thon.
    La Nouvelle-Calédonie est tout autant déterminée à assurer son développement économique, dans des conditions différentes, évidemment, de celles de la Polynésie.
    La Nouvelle-Calédonie possède de réelles richesses minières, notamment un patrimoine considérable de nickel, mais un rééquilibrage s'impose, cela va de soi - c'est un des problèmes majeurs du territoire. Ce rééquilibrage est en route. Il nécessite à la fois la mobilisation des acteurs économiques, qui sont prêts, je crois, à s'organiser, une volonté politique locale forte - elle existe - et un accompagnement puissant de l'Etat. A cet égard, le Président de la République, lors de son voyage de cet été, et vous-même, madame la ministre, avez affiché votre détermination : il faut certes que l'usine de Doniambo, située dans la province du Sud, puisse s'étendre, que celle de Goro voie le jour, mais surtout que l'usine métallurgique de Koniambo, dans la province du Nord, soit construite. C'est le gage de paix durable et d'avenir puissant que nous espérons pour la Nouvelle-Calédonie. Sur ce dossier, l'année 2004 sera décisive.
    Le tourisme constitue aussi une vraie opportunité pour la Nouvelle-Calédonie. Il est moins développé qu'en Polynésie mais son potentiel est réel et les responsables politiques du Nord, du Sud et des îles s'y attèlent. Certes, il y a la distance et le coût des transports, mais les sites sont incomparables, tout le monde le sait. Chacun rêve d'y aller quand il n'a pas eu encore cette chance et rêve d'y retourner quand il a eu la chance d'y aller une fois.
    Je ne voudrais pas omettre la culture des crevettes, qui commence à jouer un rôle important en Nouvelle-Calédonie, ni les ressources hydrocarbures situées dans la zone économique exclusive, qui offrent des perspectives très intéressantes.
    M. Gérard Grignon. Ah !
    M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. Votre projet de budget, je le répète, conforte l'évolution des collectivités d'outre-mer. Cet aspect ayant déjà été abordé par nos collègues et plus particulièrement détaillé par M. Brial, je n'y reviendrai pas davantage.
    Je dirai un mot sur l'environnement car je crois que le développement durable est au coeur de l'avenir tant de la Polynésie que de la Nouvelle-Calédonie, avec des problématiques différentes, évidemment, chacune de ces territoires étant unique. La Polynésie en a pris conscience et a fait de 2003 l'année de l'environnement.
    J'ai conscience d'être trop long, monsieur le président, car je parle avec passion de ce déplacement auquel j'ai eu l'honneur de participer. Laissez-moi cependant évoquer notre passage à Bora Bora, cet endroit mythique. Avec une détermination extraordinaire, le maire de Bora Bora, le président du territoire et le conseil municipal ont décidé, tous ensemble, de faire de cette île une vitrine de l'environnement en Polynésie. En matière d'eau, d'assainissement, de déchets, d'énergie, toutes les mesures ont été prises pour faire en sorte que cet endroit qui reçoit des touristes reste magique, demain comme hier, en évitant de bétonner, d'abîmer, de polluer le lagon, en un mot de gaspiller la richesse extraordinaire des Polynésiens. Avec une détermination exemplaire, Bora Bora a montré l'exemple. Mais il ne s'agit pas seulement de Bora Bora : nous sommes allés aux Marquises, nous sommes allés à Fakarava, sur les îles Tuamotu... (Exclamations sur divers bancs.)
    M. le président. Arrêtez de nous faire rêver, monsieur le rapporteur pour avis ! (Sourires.)
    Mme Christine Boutin. Mais il dit la vérité !
    M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. Nous avons voulu, par ces visites, manifester et même démontrer notre intérêt pour cet investissement fondamental.
    M. Alain Rodet, rapporteur spécial. Vous auriez dû emmener M. Laffineur avec vous ! (Rires.)
    M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. Un mot encore sur l'environnement magique et exceptionnel de la Nouvelle-Calédonie. On y trouve le plus grand lagon du monde, avec 4 500 espèces d'invertébrés marins répertoriées, ce qui représente une richesse totalement incomparable. Les ressources minières, dont j'ai parlé, ont malheureusement été exploitées dans les conditions habituelles il y a encore cinquante ans, qui n'ont pas favorisé la protection de l'environnement. Aujourd'hui, on observe une prise de conscience résolue du problème, sous l'impulsion du Président de la République, dont on connaît l'attachement à l'environnement. Il a par exemple annoncé que l'octroi d'avantages fiscaux pour aider à la construction de l'usine du Nord serait subordonné au respect de l'environnement et à la prise en compte des consignes du ministère de l'industrie.
    Je serais profondément ingrat, monsieur le président, si j'omettais de dire que nous avons été accueillis de façon formidable...
    Mme Christine Boutin. C'est vrai !
    M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. ... par les collègues d'outre-mer élus nationaux ou locaux. Les corps sociaux et la population nous ont manifesté une chaleur incomparable, de l'affection et même de l'amitié. Quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons - il y avait des représentants du groupe des député-e-s communistes et républicains, du groupe socialiste, du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire -, nous avons ressenti des émotions authentiques...
    Mme Huguette Bello. C'est vrai !
    M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. ... et partagé des moments de bonheur et d'émotion uniques.
    M. Alain Rodet, rapporteur spécial. Et vous avez dansé le tamouré !
    M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. Tout à l'heure, madame la ministre, en répondant à une question d'actualité, vous avez rappelé que les collectivités d'outre-mer représentaient un grand enjeu pour la France et une grande ambition pour la République. Nous avons nous-mêmes éprouvé ce sentiment. C'est donc avec plaisir que la commission des lois a adopté le projet de budget que vous lui avez soumis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Christine Boutin. Très bien !
    M. Alain Rodet, rapporteur spécial. Il a parlé comme Gauguin peignait !
    M. le président. L'accueil a vraiment dû être très chaleureux, monsieur Bignon. (Sourires.)

    Dans la discussion, la parole est à M. Jérôme Lambert.
    M. Jérôme Lambert. Madame la ministre, l'année dernière, pour présenter votre premier projet de budget, alors que vous veniez seulement d'être nommée à votre poste, vous aviez cherché à nous donner des leçons de technique budgétaire, sur un ton, je dois le dire, qui dénotait une certaine arrogance.
    Mme Juliana Rimane. Oh !
    M. Jérôme Lambert. Vous nous aviez expliqué, pour expliquer vos mauvais chiffres, qu'il ne fallait pas confondre la présentation et la réalité, et que nous pourrions juger de la réalité de votre politique en suivant l'exécution budgétaire à venir.
    Voici donc venu, à l'occasion de l'examen de votre second projet de budget, le temps de porter un regard critique sur l'action réelle du Gouvernement et sur les orientations que vous nous proposez pour l'avenir.
    Un premier constat s'impose : pour la première fois, fait sans précédent sous la Ve République, vous nous présentez un budget de l'outre-mer en baisse réelle.
    Outre cette situation, qui, à elle seule, dénote le peu d'intérêt que porte le Gouvernement à l'outre-mer, vous avez encore le front de vouloir masquer cette réalité. Aussi, permettez-moi, mes chers collègues - et je sais aussi que beaucoup de compatriotes d'outre-mer sont actuellement à notre écoute - de démontrer le mensonge que représente ce projet de budget de l'outre-mer.
    Lors de sa présentation à la presse, vous indiquiez : « Le projet de budget du ministère de l'outre-mer s'élève, pour l'année 2004, à 1,121 milliard d'euros, en progression de 3,4 %. » En réponse à une question d'un journaliste, le 25 septembre, vous ajoutiez : « Je vous confirme qu'en effet cette augmentation est à périmètre constant. »
    La réalité est tout autre. Le budget de l'outre-mer, en 2003, s'élevait à 1 084,1 millions d'euros ; le projet de budget pour 2004 est affiché à 1 121,3 millions d'euros. Mais la comparaison d'une année sur l'autre ne peut évidemment être effectuée qu'à périmètre constant. Autrement dit, on ne doit prendre en compte que les lignes de crédits et les dépenses qui figuraient déjà, l'année précédente, dans le périmètre du ministère, à l'exclusion, en particulier, de tout transfert, qu'il s'agisse de transferts de crédits ou, plus encore, de transferts de charges.
    Or l'un des principaux chapitres du budget du ministère de l'outre-mer, le FEDOM, supportera, en 2004, à enveloppe constante, deux dépenses nouvelles, correspondant aux mesures en faveur des jeunes diplômés pour 1,3 million d'euros et aux mesures d'aide à l'emploi des jeunes Mahorais pour 0,3 million d'euros, et, surtout, un transfert de charges du ministère des affaires sociales correspondant à des exonérations de cotisations patronales, pour un montant de 75 millions d'euros environ.
    Si l'on soustrait ces charges nouvelles - la dernière étant de surcroît indue -, le budget pour 2004 du ministère de l'outre-mer est donc, à périmètre constant, de 1 044,7 millions d'euros, soit une baisse de 39,4 millions par rapport à 2003, moins 3,6 % : oser affirmer que le budget du ministère de l'outre-mer progresse par rapport à 2003 relève par conséquent du mensonge le plus grossier !
    M. Louis-Joseph Manscour. Exactement !
    M. Victorin Lurel. C'est vrais !
    M. Jérôme Lambert. Depuis 1958, tous les ministres concernés, de droite comme de gauche, même dans les années les plus difficiles, avaient obtenu au moins une légère progression de leurs crédits à périmètre constant.
    Devant les commissions de l'Assemblée nationale, vous vous êtes cependant sentie obligée d'avouer que vous aviez eu le « souci d'être réaliste dans vos demandes », que ce réalisme participait « de la rigueur budgétaire que souhaite l'Assemblée », l'outre-mer contribuant ainsi « à l'effort de maîtrise de la dépense publique ».
    Vous nous présentez donc un budget de mystification, dont la présentation est volontairement tronquée et maquillée.
    Mme Christine Boutin. « Mystification » ! C'est la nouvelle mode ! Ils n'ont que ce mot à la bouche !
    M. Jérôme Lambert. Jusqu'à présent, les exonérations de charges patronales consenties aux entreprises outre-mer avaient toujours été supportées par le ministère des affaires sociales. Ainsi trouve-t-on, au chapitre 44-77 - article 60 du projet de budget pour 2004 du ministère des affaires sociales -, un montant d'environ 670 millions d'euros, qui correspond aux seules exonérations de la loi d'orientation pour l'outre-mer, dont j'avais eu l'honneur d'être le rapporteur.
    Les exonérations de la nouvelle loi de programme, à l'inverse, qui s'élèvent à 75 millions d'euros, seront supportées par le budget de l'outre-mer, mais par redéploiement, puisque la ministre de l'outre-mer n'a pas obtenu les crédits correspondants en supplément.
    Pour dissimuler ce transfert de charges, le ministère de l'outre-mer a modifié en profondeur la nomenclature budgétaire du chapitre concerné, le 44-03.
    En 2003, ce chapitre comportait dix-huit articles. En 2004, son libellé a changé et il n'en comprend plus que quatre. Ce ne sont évidemment pas les mêmes, ce qui empêche toute comparaison d'une année sur l'autre. Votre objectif est de ne pas faire apparaître une ligne « exonérations de charges patronales » et, surtout, de dissimuler la baisse induite des dotations sur les crédits « emploi » du ministère.
    Vous avez cependant été obligée aujourd'hui, face à la dénonciation de ce tour de passe-passe, de reconnaître devant la commission des lois et celle des affaires économiques que « le ministère des affaires sociales continue, quant à lui, de financer une large part des exonérations de charges sociales ». Vous admettez donc qu'il n'en finance plus la totalité. Le chiffre total des exonérations de charges patronales que devra financer le ministère de l'outre-mer sera bien de 75 millions d'euros.
    Madame la ministre, vous nous présentez un budget d'injustice sociale où les chômeurs et les exclus financent les patrons.
    Mme Christine Boutin. Allons-y !
    M. Jérôme Lambert. Quelle est la réalité ? En 2003, le chapitre 44-03 était doté de 477 016 126 euros. En 2004, le montant affiché est de 477 130 000 euros. Mais il convient d'en retirer, on l'a vu, un montant de 76,6 millions d'euros. A périmètre constant, ce chapitre est donc en baisse de 16 % par rapport à 2003.
    Autre façon de présenter la même réalité : l'enveloppe du chapitre est constante, mais il doit financer 76,6 millions d'euros de plus par rapport à 2003, dont 75 millions d'euros d'exonérations de charges patronales.
    Vous avez été obligée de reconnaître vous-même, devant les commissions, que les « mesures nouvelles pour l'emploi de la loi de programme inscrites sur le budget au sein du FEDOM seront financées par redéploiement des crédits ». Autrement dit, vous convenez que vous n'avez obtenu aucun crédit supplémentaire pour financer la loi de programme, même si vous cherchez évidemment à occulter l'ampleur des économies demandées et, plus encore, leur nature.
    Conséquence inévitable, en effet, les lignes budgétaires consacrées traditionnellement par le ministère de l'outre-mer à l'insertion et aux emplois aidés seront en baisse cumulée d'au moins 75 millions d'euros redéployés pour financer les aides au patronat de la loi de programme.
    De plus, il convient d'ajouter à ces 75 millions les 31 millions de compensation de la créance de proratisation du RMI, dont vous avez également admis devant les commissions parlementaires, après l'avoir soigneusement occulté pendant des mois, qu'ils ont été supprimés à des fins d'économie budgétaire. Au total, ce sont donc 106 millions d'euros par an de crédits pour l'emploi et l'insertion qui ont été supprimés. En conséquence, votre budget risque de casser la dynamique de baisse du chômage qu'avait rendue possible la loi d'orientation pour l'outre-mer.
    Le chômage dans les départements d'outre-mer ne baisse pas depuis août 2002, c'est-à-dire depuis l'arrivée de la droite au pouvoir, mais depuis trois ans, c'est-à-dire depuis l'intervention des différents dispositifs mis en oeuvre par la gauche, qui avaient marqué un changement considérable d'échelle dans les politiques de solidarité envers l'outre-mer : enveloppe des fonds structurels européens négociée par le gouvernement Jospin à hauteur de 23 milliards de francs pour la période 2000-2006 ; enveloppe des contrats de plan Etat-régions portant l'effort de l'Etat pour la même période à 5,6 milliards de francs ; loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000 traduisant un effort sans précédent en faveur des départements d'outre-mer et de Saint-Pierre-et-Miquelon, de l'ordre de 760 millions d'euros par an et, à la différence de la loi de programme, sans limitation dans le temps.
    Conséquence : le chômage a pour la première fois commencé de reculer dans les départements d'outre-mer à partir de 2000, soit depuis trois ans, comme en font foi les statistiques officielles publiées par le ministère des affaires sociales. On comprend que cette réalité vous gêne, madame la ministre, quand vous vous évertuez, de façon assez mesquine mais pathétique (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) à ne jamais mentionner les mesures mises en oeuvre par la gauche, et notamment la loi d'orientation pour l'outre-mer.
    M. Didier Quentin, rapporteur pour avis. Caricature !
    M. Jérôme Lambert. Mais les faits sont têtus et ils montrent que la politique du gouvernement actuel n'est pour rien dans l'amélioration économique, au demeurant fragile, constatée outre-mer. En effet, la nouvelle loi de programme n'est toujours pas en vigueur, et ce pour deux raisons. En premier lieu, comme vous l'avez vous-même reconnu devant la presse, parce que les décrets d'application ne sont toujours pas parus ; en second lieu, parce que, contrairement à vos affirmations antérieures, vous n'avez toujours pas l'accord formel des autorités de Bruxelles, saisies tardivement, constat qui avait conduit le Conseil d'Etat à refuser d'examiner l'essentiel de la loi.
    Au demeurant, lorsque cette loi entrera en application, ses effets seront, à l'évidence, particulièrement néfastes, car l'annulation décidée par le Gouvernement de ces 75 millions d'euros consacrés à l'insertion et aux emplois aidés, montant qui représente entre 25 000 et 30 000 solutions d'insertion en moins par an, se traduira mécaniquement par une augmentation du chômage d'environ 6 % dans les collectivités concernées.
    Madame la ministre, vous nous présentez un budget pour 2004 qui sacrifie aussi le logement. Il se contente en effet de reconduire le montant très médiocre des crédits de paiement de la LBU déjà constaté en 2003, soit 173 millions d'euros. Ce total est particulièrement faible si on prend en compte les dépenses réelles des budgets antérieurs qui, sous le précédent gouvernement, ont été de l'ordre de 200 millions d'euros par an. Il apparaît surtout très inférieur à la consommation des crédits en 2003 qui est de l'ordre de 210 millions d'euros, compte tenu des reports de charges de 2002 et des besoins incontestables des collectivités d'outre-mer concernées.
    Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Ce sont vos calculs qui sont pathétiques !
    M. Jérôme Lambert. De plus, en 2003, la LBU avait été amputée de 45 millions d'euros et avait dû - fait également sans précédent - supporter par redéploiement des charges liées à une catastrophe naturelle.
    Enfin, madame la ministre, vous nous présentez un budget virtuel, puisque la politique d'annulations de crédits en cours d'année, qui s'est amplifiée en 2003, va nécessairement se poursuivre en 2004.
    M. Didier Quentin, rapporteur pour avis. Vous étiez des champions en la matière !
    M. Jérôme Lambert. Il est facile de vérifier que les annulations de crédits concernant le ministère de l'outre-mer ont été bien supérieures au chiffre de 44 millions d'euros que vous évoquez puisque les annulations budgétaires font l'objet d'une publication au Journal officiel. Dans les deux textes ainsi publiés en mars et septembre 2003, le total des annulations est d'ores et déjà supérieur à 93 millions d'euros pour l'outre-mer. On remarquera qu'ont été en particulier amputées les dotations budgétaires du FEDOM : moins 35 millions d'euros, et de la LBU : moins 45 millions d'euros, soit les deux priorités que vous affichez sans pudeur.
    Par ailleurs, il est de notoriété publique qu'au moins un troisième arrêté d'annulation de crédits sera publié d'ici à la fin de l'année par le ministère des finances. Selon toute vraisemblance, il concernera également l'outre-mer, et notamment le FEDOM, qui devrait subir une nouvelle amputation de 35 millions d'euros. Mais peut-être, madame la ministre, mettrez-vous à profit le débat parlementaire pour démentir cette information et rassurer nos compatriotes d'outre-mer.
    Face à cette politique d'abandon, il est cocasse de voir que, devant les commissions de l'Assemblée, vous continuez d'invoquer, en guise d'excuse pour ces annulations, l'ampleur des reports de crédits constatés à votre arrivée en 2002 et conséquence, selon vous, d'une politique d'affichage de vos prédécesseurs socialistes.
    Christine Boutin. Cela vous gêne !
    M. Jérôme Lambert. Il convient de vous informer à ce sujet d'une tradition républicaine qui, sauf à vous accuser de mauvaise foi, n'a visiblement pas été portée à votre connaissance, à savoir le gel dit « républicain » automatiquement décidé par tout Premier ministre, de gauche comme de droite, les années d'élections législatives, afin que le gouvernement suivant dispose, dès son arrivée, de marges de manoeuvre. Ceci explique que vous ayez trouvé, à votre arrivée rue Oudinot, de nombreux crédits non encore consommés en 2002.
    Mme la ministre de l'outre-mer. Oh !
    M. Jérôme Lambert. Voilà, mes chers collègues, une autre présentation du budget que nous examinons aujourd'hui. Cette présentation n'affirme rien, elle démontre que l'effort qui nous est annoncé pour nos compatriotes d'outre-mer n'est que mensonge. Aussi le groupe socialiste appelle-t-il nos compatriotes à ne pas se laisser abuser par un gouvernement qui fait aussi peu de cas de la situation de l'outre-mer.
    Pour conclure, je dois vous indiquer, madame la ministre, combien nous avons été choqués des propos que vous avez tenus devant nos compatriotes réunionnais, que vous avez publiquement accusés de « pleurer la bouche pleine ».
    Mme la ministre de l'outre-mer. Je n'ai jamais dit cela !
    M. Jérôme Lambert. Aujourd'hui, et plus encore demain, vous leur donnerez sans doute l'occasion d'avoir de bonnes raisons de pleurer. C'est là, sans doute, l'explication du mauvais budget que vous nous présentez. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Dans le cadre budgétaire qui vous est imposé, madame la ministre, vous avez choisi trois axes majeurs pour 2004 : le renforcement de la situation de l'emploi, le soutien du logement social et l'aide aux plus démunis. Ces priorités témoignent d'une grande préoccupation sociale de votre part. Malheureusement, on ne peut pas en dire autant de l'ensemble du projet de loi de finances. Mes collègues de la commission des finances, ainsi que François Bayrou hier, l'ont très justement fait remarquer lors de la discussion de la première partie. Je n'y reviendrai donc pas.
    Le projet de budget de l'outre-mer consacre plus d'un tiers des crédits au volet emploi, formation, insertion professionnelle et dialogue social. Cette priorité de votre ministère apparaît comme une nécessité outre-mer, lorsqu'on connaît les chiffres du chômage dans ces départements et territoires. L'enveloppe allouée à ces actions en faveur de l'emploi est très substantielle et nous nous en félicitons, car il est temps de mettre fin - ou d'essayer de mettre fin - à ces disparités statistiques. On a pu, certes, noter une amélioration au cours des derniers mois, mais il faut encore proposer des mesures incitatives et aider les entreprises qui créent des emplois. D'ailleurs, nous remarquons qu'une grande partie de ces crédits est affectée au FEDOM.
    Nous regrettons cependant l'absence d'une aide spécifique en faveur des territoires d'outre-mer. Leur pleine compétence en matière d'emploi ne signifie pas nécessairement l'autonomie financière, et nous pensons qu'il y aurait peut-être intérêt à contractualiser avec les TOM, afin d'essayer d'améliorer leur politique en ce domaine sans vouloir leur imposer une volonté parisienne.
    Il est également nécessaire à nos yeux que, fin 2004, une fois que la loi d'orientation que nous avons adoptée il y a quelques mois aura été mise en oeuvre, l'efficacité des nouvelles mesures et l'utilisation des crédits fassent l'objet d'une évaluation.
    S'agissant du logement, le constat établi d'après les dernières statistiques montre un réel déficit. Le retard accumulé ces dernières années oblige le Gouvernement à consacrer une grande part du budget à l'aide au logement social et, surtout, car c'est peut-être plus urgent encore, à la résorption de l'habitat insalubre. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : sur les 382 millions d'euros d'autorisations de programme que compte votre budget, 287 millions sont consacrés au logement, ce qui témoigne d'une réelle volonté d'agir dans ces deux domaines. Dans la continuité du budget précédent, et compte tenu également de la consommation effective des crédits, de réelles mesures comme celles qui sont proposées permettront de résorber le logement insalubre et de remédier à la pénurie de l'offre dans les départements et territoires d'outre-mer.
    Le groupe UDF approuve les mesures facilitant l'accession très sociale à la propriété, cohérentes avec celles qui sont prises sur le reste du territoire conformément à la volonté de Gilles de Robien. Ces justes mesures ouvrent à nombre de nos concitoyens d'outre-mer l'espoir d'accéder à la propriété.
    Enfin, dernière priorité budgétaire, l'aide aux plus démunis. Dans la loi de finances pour 2004, une nouvelle enveloppe de 50 millions d'euros est consacrée exclusivement au financement du relèvement du plafond d'éligibilité à la CMU complémentaire dans les DOM. Elle explique en grande partie l'augmentation du budget.
    Il ne faut pas perdre de vue pour autant, madame la ministre, que vous êtes, si je puis dire, un ministre très interministériel. En effet, dans l'effort réalisé par la communauté nationale en faveur de l'outre-mer, les crédits de votre ministère ne représentent que 11 % du budget total consacré par l'ensemble des ministères à ces départements et territoires.
    Cela m'amène à évoquer deux sujets qui me tiennent particulièrement à coeur et que j'avais déjà eu l'occasion d'aborder lors de la loi d'orientation.
    Le premier est l'éducation, qui doit faire l'objet d'une évaluation et d'un plan de rattrapage. On ne peut pas accepter, on ne peut pas supporter que perdure l'échec scolaire, c'est-à-dire que l'avenir reste bouché pour des dizaine de milliers de jeunes qui grandissent dans ces départements et territoires. La vérité est qu'un effort très significatif, au moins comparable à celui consenti il y a quelques années en direction des banlieues - lequel demeure malgré tout insuffisant -, devrait être engagé outre-mer. Lors de la mission parlementaire qu'évoquait Jérôme Bignon, nous avons vu combien il est nécessaire d'adapter l'éducation nationale à la diversité des situations et des cultures ultramarines.
    Second sujet : la continuité territoriale. Lors de la discussion de la loi de programme relative à l'outre-mer au mois de juin, nous nous étions félicités, madame la ministre, de l'effort du Gouvernement en ce sens, car c'était une première. Mais notre volonté, vous vous en souvenez, était d'aller plus loin. La continuité territoriale doit en effet concerner non seulement les résidents des DOM-TOM, mais aussi les ultra marins résidant en métropole qui ne sont pas membres de la fonction publique. Il est curieux de constater que l'Etat sait reconnaître aux fonctionnaires le besoin qu'ils ont de maintenir des liens avec leur famille, leurs amis, leur territoire d'origine. Pour quelle raison les autres ne pourraient-ils pas bénéficier du principe de continuité territoriale qui, dans un souci d'égalité républicaine, doit s'appliquer à tous. J'ai déposé à cette fin une proposition de loi qui reprend le dispositif en vigueur pour la Corse et qui donnerait la possibilité aux collectivités des DOM-TOM d'imposer des missions de service public aux transporteurs, ce qui assurerait des tarifs raisonnables et une fréquence minimale. En effet, pourquoi ne pas traiter de façon égale les régions d'outre-mer et la Corse, alors qu'elles n'ont aujourd'hui qu'un rôle consultatif en ce domaine ?
    Une mission à ce sujet a été confiée à notre collègue Joël Beaugendre. Pour ma part - je l'avais écrit au président de notre assemblée et au président de la commission des affaires économiques, M. Ollier -, j'aurais préféré une commission d'enquête car, même si les esprits ont évolué ces derniers mois, on voit bien que la compagnie nationale n'a pas encore fait la transparence. Il est donc souhaitable que l'information circule de plus en plus largement sur les pratiques commerciales qui défavorisent nos compatriotes d'outre-mer. Nous comptons en tout cas sur M. Beaugendre pour faire toute la lumière sur les tarifs opaques qui nuisent au développement de ces territoires, à la solidarité nationale et à la continuité territoriale.
    Quant aux 30 millions d'euros que vous avez souhaité obtenir en créant une taxe, je me permets de dire, madame la ministre, que ce n'est pas le chemin que nous aurions souhaité prendre. Il nous semble - Charles de Courson l'a rappelé en commission des finances - que ces 30 millions d'euros doivent être inscrits directement dans les crédits du ministère. En effet, le recours à une taxe signifie, d'une part, que pas un sou ne provient de la solidarité nationale ; d'autre part, qu'on taxe l'avion alors qu'on cherche à le rendre moins cher ! On risque ainsi de faire peser sur les usagers l'effort consenti pour abaisser le prix du billet. Une somme stable, inscrite dans le budget, garantirait la pérennité de la mesure et signalerait aussi de façon très forte à nos concitoyens d'outre-mer que nous sommes prêts, nous collectivité nationale, nous métropolitains notamment, à assurer cet effort sur le budget de l'Etat.
    M. Victorin Lurel. Très bien !
    (M. Jean Le Garrec remplace M. Jean-Louis Debré au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la quasi-stagnation du budget de l'outre-mer pour 2003 avait été mise sur le compte de son caractère transitionnel, dans l'attente d'une grande loi de programme. Cette loi a été votée en juin dernier, mais le budget pour 2004 ne rompt pas pour autant avec une logique de régression. Il révèle plutôt le manque d'ambition de la politique du Gouvernement en direction des régions ultra marines. En effet, les dotations les plus déterminantes pour leur développement socio-économique sont soit simplement reconduites, ce qui en termes constants signifie une diminution de fait, soit en baisse sensible.
    Les axes majeurs de la loi de programme ne sont d'ailleurs pas plus épargnés. C'est le cas du FEDOM, dont tout le monde reconnaît l'importance vitale pour ces collectivités où le chômage, malgré une amélioration nette en 2001, continue de toucher environ 25 % de la population active. Plus préoccupante encore est la reprise depuis 2002 du chômage de longue durée dans les départements français d'Amérique, notamment en Guyane, où même le chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans augmente.
    Pourtant, les crédits du FEDOM, déjà amputés l'an dernier de 25 millions, plafonnent à 477 millions d'euros, c'est-à-dire à leur niveau de 2003. A périmètre constant, ils sont même en baisse puisque cette somme, outre la totalité des mesures d'insertion dans les DOM, à Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, financera l'an prochain le dispositif d'exonération de charges sociales, dont le montant est estimé à 55 millions d'euros selon la présentation du ministère des finances.
    Dès lors, comment vont pouvoir être financés, à enveloppe constante, à la fois ces exonérations, les mesures nouvelles issues de la loi de programme et le maintien pour 2004 d'un volume d'emplois aidés identique à celui de l'an dernier ? C'est d'autant plus inquiétant que les crédits consacrés à ces collectivités par le ministère du travail sont également en baisse de près de 90 millions d'euros. Cela risque de se traduire, de fait, par la suppression de plusieurs centaines, voire milliers de solutions d'insertion et de casser la dynamique fragile de la baisse du chômage.
    De même, les subventions d'investissement en faveur du logement demeurent au niveau de l'an dernier, tant en autorisations de programme qu'en crédits de paiement, alors que les besoins sont énormes au regard de la croissance démographique, de l'importance de l'habitat insalubre, de l'ampleur de l'exclusion sociale et de la rareté du foncier. Plus grave encore, le passeport mobilité, mesure phare de votre budget de l'an dernier, perd plus d'un tiers de sa dotation, passant de 17,5 à 11 millions d'euros.
    Je constate par ailleurs que la dotation de continuité territoriale de 30 millions d'euros sera financée à hauteur de 50 % par l'augmentation de la taxe de l'aviation civile et, pour le reste, par la majoration de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne pour l'outre-mer, c'est-à-dire par les usagers des compagnies utilisant ces terminaux. Voilà donc pour l'effort de l'Etat. Quant au libellé de cette dotation, il n'apparaît guère justifié puisque, pour un billet aller-retour de plus de 1 000 euros, la subvention sera de 11,5 euros par résident de l'outre-mer contre 613 euros par habitant de la Corse ! Il s'agit donc tout au plus d'une compensation symbolique, mais en aucune manière d'une mesure assurant le respect du principe de continuité territoriale, sans même évoquer la portée limitée de son usage.
    Les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie ne sont pas mieux lotis que les départements. Les crédits du ministère qui leur sont consacrés n'affichent qu'une progression de 1,3 %, alors que ceux de l'ensemble des ministères récapitulés dans le « jaune » budgétaire seraient, selon ma lecture, simplement reconduits, selon celle du rapporteur spécial, en diminution de 5,3 %. Et j'aurais tendance à faire confiance à Victor Brial, qui souligne par ailleurs la faiblesse de la DGF, eu égard à l'importance des missions dévolues à ces collectivités.
    Madame la ministre, j'ai pu mesurer, lors de la récente mission de la commission des lois en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie, l'immensité de la tâche à accomplir en vue de l'amélioration de la situation socio-économique de nos compatriotes ultramarins. Mon temps de parole ne me permet pas de développer le sujet. Je veux cependant évoquer la question du corps électoral, déterminante pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Conformément aux engagements pris par le Président de la République lors de son voyage officiel en juillet dernier, il conviendrait d'y répondre au plus vite. Le projet de loi modifiant le statut de la Polynésie sera examiné sous peu par le Parlement. Il pourrait fournir cette occasion. Sous peine de graves conséquences, il convient en effet d'apaiser le plus rapidement possible les inquiétudes du peuple kanak quant au respect des accords de Nouméa.

    Nous voilà loin des promesses électorales du Président de la République qui souhaitait l'égalité économique pour l'outre-mer, mais aussi des effets d'affichage de la loi de programme. Les problèmes aigus de développement de l'outre-mer, liés aux handicaps structurels aggravés par une mondialisation non maîtrisée, leurs effets sociaux qui se traduisent par un PIB par habitant très inférieur à celui de la métropole, l'ampleur de la pauvreté et de l'exclusion, les inégalités insupportables de niveau de vie, autant de problèmes auxquels il n'y a pas de réponses faciles. Ces réponses en tout cas ne sauraient en aucun cas faire l'économie des moyens.
    Ce budget a minima intervient de surcroît à un moment où les incertitudes pèsent sur des politiques communautaires dont l'impact sur les économies des collectivités ultramarines est réel, qu'il s'agisse de la réforme prochaine de l'OCM banane, celle de l'octroi de mer, de l'ouverture du marché communautaire aux PMA, de l'élargissement de l'Union qui pose la question du maintien des DOM dans l'objectif 1... Autant de raisons pour lesquelles le groupe des député-e-s communistes et républicains votera contre ce budget.
    M. Victorin Lurel. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Gérard Grignon.
    M. Gérard Grignon. Madame la ministre, contrairement à certains des orateurs précédents, je considère, à plus forte raison dans le contexte économique et budgétaire difficile que nous connaissons, que le budget que vous nous proposez doit être considéré comme un bon budget : il est en augmentation de 3,4 %, il affiche la plus forte hausse des budgets de l'Etat, ce qui le place en quatrième position derrière ceux de l'éducation, de l'intérieur et de la justice.
    Cette enveloppe vous permettra de poursuivre la politique que vous avez engagée en faveur de l'emploi, grâce notamment à l'effort particulier consacré à l'emploi marchand, à l'enveloppe réservée aux CAE, les emplois en entreprise étant augmentés de 20 %, et ce tout en maintenant le financement de la totalité des emplois aidés.
    Cette enveloppe vous permettra également de répondre aux divers engagements prévus dans le cadre de votre loi de programme pour l'outre-mer. Chacun sait, madame la ministre, que ce budget ne représente que 11 % de l'ensemble des crédits que l'Etat consacre à l'outre-mer. Je ne m'y étendrai donc pas davantage, partageant totalement ce qui a été dit par plusieurs rapporteurs.
    Je voudrais profiter du peu de temps qui m'est accordé pour appeler votre attention sur quelques dossiers touchant Saint-Pierre-et-Miquelon. Je serai contraint de rester bref, et par la force des choses schématique ; vous voudrez bien, madame la ministre, m'en excuser.
    Les premières questions sont liées à l'avenir, au développement économique, à l'emploi de façon générale. Les secondes auront trait au secteur social et aux institutions.
    Sans doute allez-vous penser que je fais une fixation sur ce dossier, mais je tiens pour commencer à revenir sur la question de l'exploitation des hydrocarbures off shore dans la zone économique exclusive française autour de Saint-Pierre-et-Miquelon.
    Depuis 1998, j'ai l'impression d'être un peu isolé dans ce combat. Pourtant, l'archipel est en plein milieu d'énormes réserves d'hydrocarbures. L'exploitation en zone canadienne du gaz et du pétrole, tout autour de Saint-Pierre-et-Miquelon, montre bien l'extrême intérêt qu'y portent Ottawa, ainsi que les gouvernements provinciaux concernés. Quant aux retombées économiques, elles se perçoivent déjà de façon évidente, ne serait-ce que par l'extension et la modernisation rapide, spectaculaire même des aéroports de Saint-Jean-de-Terre-Neuve et de Halifax. Or les résultats de la négociation entre la France et le Canada sur les modalités d'exploitation des zones transfrontalières d'hydrocarbures ne me semblent pas satisfaisantes, particulièrement pour ce qui touche à l'avitaillement des plates-formes par des navires français basés à Saint-Pierre-et-Miquelon.
    Certes, les Canadiens ont enfin accepté d'aborder cette question d'avitaillement et fait état d'une chance « pleine et juste » de participer sur une base non discriminatoire et compétitive à ces activités d'avitaillement. Mais il n'est pas écrit que la loi régissant le cabotage canadien ne s'applique pas dans les zones transfrontalières. L'article 9 de l'accord évoque même le respect de la législation nationale. Or il est évident que la loi canadienne sur le cabotage introduit de fait une discrimination. J'ai interrogé le Premier ministre à ce sujet. Le Gouvernement sera vigilant sur les modalités d'application de cet accord, m'a-t-il répondu.
    J'avoue ma perplexité, madame la ministre. Vous connaissez comme moi les Canadiens. En l'absence d'un texte écrit, fût-il parallèle à l'accord - une lettre signée conjointement par les deux Premiers ministres, par exemple -, indiquant clairement que la loi canadienne sur le cabotage ne vaudra pas dans les zones transfrontalières off shore, cet accord sera difficilement applicable, sinon inapplicable, pour ce qui concerne les possibilités d'avitaillement des plates-formes. J'aimerais connaître votre position sur ce dossier.
    S'agissant des activités de pêche et d'aquaculture, vous connaissez bien la situation de la société Interpêche. Malgré la faiblesse des possibilités de pêche due à la réduction du total autorisé des captures de morue, vous connaissez l'importance, sur le plan local, des emplois de l'usine Interpêche. Or la convention liant l'Etat à cette société se termine à la fin de l'année. Quelles sont, madame la ministre, les intentions du Gouvernement sur ce dossier fondamental pour l'emploi et l'économie locale ? Plus précisément, le Gouvernement a-t-il l'intention de reconduire la convention actuelle dans les conditions identiques, que l'actionnaire principal soit Pescanova ou un groupement d'actionnaires locaux ?
    Vous savez également qu'un ambitieux projet d'aquaculture de coquilles Saint-Jacques a été lancé à Miquelon. Ce programme a pris naissance en 1996, à l'initiative du Conseil général de l'époque. A ce jour, les investisseurs privés ont totalement pris le relais et y ont engagé plusieurs millions d'euros. Cette affaire n'est donc plus à l'état de projet ; c'est désormais une réalité concrète, constatable sur le terrain, et qui constitue un des rares dossiers de diversification économique de l'archipel. La commercialisation commencera dès l'an prochain ; il est prévu que la vitesse de croisière soit atteinte en 2005. Près de quarante personnes y sont actuellement employées.
    L'Etat et plus spécialement les ministères de l'agriculture et de l'outre-mer avaient promis leur appui financier pour les investissements. Or aucun crédit de paiement n'est arrivé à ce jour, ce qui place les porteurs du projet dans une situation très difficile à l'égard des organismes prêteurs. Ce dossier a fait l'objet d'une demande d'agrément en défiscalisation auprès de Bercy. De nouveaux éléments d'information ont été, semble-t-il, fournis à la DGI. Etes-vous en mesure, madame la ministre, de nous confirmer le soutien financier de l'Etat aux investissements promis pour 2003, 2004 mais également pour 2005 ?
    Autre sujet lié à l'avenir et à la diversification économique, la desserte aérienne. Il n'existe pas de liaison aérienne directe entre Paris et Saint-Pierre-et-Miquelon. Dans ces conditions, la compagnie Air Saint-Pierre bénéficiera-t-elle des exonérations de charges sociales patronales prévues dans le cadre de la continuité territoriale ? Si oui, selon quelles modalités ? Par ailleurs, à qui et selon quels critères sera attribuée la dotation de continuité territoriale ? L'enveloppe sera-t-elle suffisante pour faire baisser de façon notable le prix du billet d'avion, actuellement prohibitif, qui interdit tout développement touristique ? Le rapport récemment réalisé par Jean-Philippe Duranthon sur la desserte aérienne de l'archipel insiste sur la nécessité de mettre en place des vols occasionnels ou des charters durant les périodes chargées afin de permettre aux Saint-Pierrais et aux Miquelonnais de voyager moins cher et de façon plus directe vers la métropole.
    M. le président. Je vous prie de conclure, cher collègue.
    M. Gérard Grignon. J'en termine, monsieur le président.
    Dans le passé, la DGAC s'était opposée à ce genre d'initiative, de même que la compagnie locale d'Air Saint-Pierre. Pouvez-vous nous garantir, madame la ministre, que les services de l'Etat, en premier lieu la DGAC, faciliteront ces possibilités d'amélioration de la desserte aérienne, quels que soient les opérateurs qui en prendraient l'initiative ?
    Pour terminer, permettez-moi quelques questions touchant au secteur social. A Saint-Pierre-et-Miquelon, la politique familiale n'a pas évolué depuis 1966 et correspond au système en vigueur en métropole en 1946. Pour l'heure, l'archipel ne connaît que les allocations familiales, l'allocation de salaire unique et les allocations pré-et postnatales. La caisse de prévoyance sociale a déposé trois projets d'amélioration des prestations familiales et de ses interventions en matière sociale. Le Gouvernement a-t-il l'intention d'y répondre, que ce soit par le vote d'un texte de loi ou par ordonnance ? Si oui, dans quel délai ?
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Grignon.
    M. Gérard Grignon. Je termine, monsieur le président. Je vois que vous êtes pressé.
    M. le président. Ce n'est pas que je sois pressé, mais votre temps de parole est épuisé.
    M. Gérard Grignon. Madame la ministre, vous avez engagé une politique d'ouverture et de modernisation des institutions de l'outre-mer pour les rendre plus démocratiques et plus adaptées à nos situations spécifiques. Certes, le débat statutaire à Sant-Pierre-et-Miquelon paraît plus dépassionné qu'ailleurs. Je considère néanmoins que la collectivité territoriale ne doit pas être exclue des futurs textes institutionnels dont nous aurons à débattre. Nous avons besoin de faire évoluer notre loi statutaire qui date de 1985 et de combler un retard certain par rapport au texte de 1992 relatif à la démocratie locale. Je suis particulièrement attaché à une intégration plus démocratique du corps électoral miquelonnais dans le cadre de l'élection du conseil général et aux nouvelles dispositions relatives aux droits du citoyen - droit de pétition et référendum local notamment.
    Je voudrais conclure, madame la ministre, en vous faisant part de mon inquiétude après avoir pris connaissance des amendements déposés en commission des finances à l'initiative de quelques-uns de nos collègues, soucieux de réaliser des économies budgétaires. Ainsi en est-t-il des amendements touchant la TVA ou encore au montant des pensions des retraités de la fonction publique. Cela ne me paraît ni réaliste ni sérieux.
    Ce n'est certainement pas en opérant quelques coupes dans les enveloppes destinées à l'outre-mer que l'on équilibrera le budget de la nation. Or plus du tiers du total des économies budgétaires demandées par notre commission des finances touchent l'outre-mer ! Nos régions ont besoin d'une politique globale de développement et de diversification économique. C'est dans cet esprit que le Président de la République a souhaité que l'outre-mer soit au centre de ses priorités. C'est dans la suite logique de cette volonté politique et dans le cadre du programme présidentiel que nous voterons la loi programme que vous nous avez présentée. Les amendements adoptés en commission des finances sont en totale contradiction avec cette volonté. Une politique globale de développement de l'outre-mer ne peut évidemment pas se construire à coups de petits amendements. L'outre-mer, qui a apporté et apportera tant à la France, mérite davantage de prudence, d'attention, de considération et de reconnaissance.
    M. le président. Monsieur Grignon, s'il vous plaît ! Je vous prie de conclure.
    M. Gérard Grignon. L'outre-mer doit être perçu comme un atout de premier plan pour la France aux quatre coins du monde et cette vision est très éloignée de ceux qui considèrent bien aveuglément qu'il coûte cher et ne sert à rien. J'aimerais, madame la ministre, qu'au nom du Gouvernement vous nous rassuriez à ce sujet. Cela étant dit, je voterai votre projet de budget et je remercie notre président de sa patience. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Mansour Kamardine. Bravo !
    M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira.
    Je vous surveille, madame Taubira... Je vous connais ! (Sourires.)
    Mme Christiane Taubira. Quel état d'esprit, monsieur le président ! (Sourires.) Je présumais que vous connaissiez la jurisprudence établie par le président Debré, laquelle a posé le principe d'une certaine tolérance pour ce qui touche aux débordements des temps de parole. Il y a de nombreux témoins...
    M. Gérard Grignon. C'est vrai, monsieur le président.
    M. le président. Vous, vous en avez largement abusé ! (Sourires.) Et vous, madame Taubira, n'essayez pas de m'impressionner dès le début. (Sourires.)
    Mme Christiane Taubira. Madame la ministre, les sujets sont nombreux sur lesquels il serait aisé de vous chercher querelle : la hausse, contestée et arithmétiquement contestable, de votre budget ; la forte probabilité d'annulations de crédits en cours d'exercice ; la nomenclature nouvelle qui rend impossibles les comparaisons à la ligne, par un usage que je qualifierai de dégourdi de la réforme de l'ordonnance de 1959, impulsée sous la présidence Fabius et qui visait à une plus grande transparence budgétaire ; les feintes statistiques, grâce auxquelles les crédits sociaux, par transfert de charges non compensées, gonflent le fonds emploi alors qu'en réalité celui-ci a rétréci ; les ruses comptables qui vous font attribuer à la loi Perben de 1994 la très relative amélioration des chiffres du chômage - ce qui d'ailleurs nous fait craindre qu'il ne faille attendre dix ans avant de ressentir les effets de votre loi programme dont les décrets d'application ne sont pas encore publiés et dont les financements sont sensiblement inférieurs aux financements Perben et substantiellement plus faible que les financements Paul !
    Sujet de querelle possible également, cette manoeuvre impériale qui vise à gommer l'oeuvre de vos prédécesseurs, à l'image de ce qui se passait dans ces anciens régimes totalitaires où l'on bannissait de la mémoire nationale les événements, les personnes et jusqu'à leur généalogie ! Les crédits pour le logement sont des plus modestes - la dotation de la LBU ne correspond pas aux besoins réels dans l'habitat social - et le resteront puisque vous asséchez la compensation de la créance de proratisation. Les crédits pour l'action sociale et culturelle baissent quant à eux de 16 %. Les moyens dévolus au passeport mobilité chutent de 37 %, alors que tant de jeunes sont en insuffisance de formation et sans emploi. Le FIDOM dégringole de 37 % en crédits de paiement et de 17 % en autorisations de programme.
    Critiquable également, votre philosophie à géométrie variable sur le débat institutionnel : il n'est qu'à voir le baiser empoisonné donné au rapport Laffineur après avoir commandité une mission-sonde comme on lance un poisson-pilote... Et puis surtout, ces critères de répartition de la dotation de continuité territoriale - au demeurant non encore financée - arrêtés à la suite de la fronde en faveur du budget pour l'aviation civile, mais qui surtout donneront lieu à d'interminables contestations et au désolant spectacle de collectivités rivalisant d'arguments spécieux et d'astuces douteuses pour dépecer la pénurie.
    Que vous dire, lorsqu'on ne dispose que de cinq minutes de temps de parole, face à autant de sujets de contestation et de querelle ? Les armes sont à l'évidence inégales.
    Mes élans naturels me poussent cependant à saluer vos efforts et vos mérites personnels, qui ne sont pas dérisoires dans ce milieu culturellement masculin et si rompu à la démocratie du plus lourd. Mais il n'est question ici de nos affinités ni de nos aversions ; il est question du niveau et de la qualité de vie de nos populations.
    Or les indicateurs économiques et sociaux, même lorsqu'ils s'améliorent quelque peu, demeurent dégradés et n'incitent pas au triomphalisme.
    On ne saurait vous en tenir personnellement responsable. Il demeure que vous êtes incontestablement solidaire d'un gouvernement qui s'inscrit dans la lignée philosophique, la lignée idéologique, la parenté politique et la logique d'action de ses prédécesseurs, ceux-là mêmes qui rédigèrent et appliquèrent les ordonnances de 1960 expulsant les fonctionnaires locaux indociles, ceux qui inventèrent le BUMIDOM pour émigrer notre force de travail dans des conditions dont nous connaissons la dureté et l'injustice, ceux qui fomentèrent les procès contre l'OJAM, le GONG, le MOGUYDE, le GRAJE, l'ARC, ceux qui ordonnèrent la charge contre la grotte d'Ouvéa, ceux qui commandent de réprimer durement des manifestations qu'ailleurs on se contente d'encadrer, ceux qui veulent toujours chez nous punir sévèrement plutôt que justement.
    Ce gouvernement pratique encore l'injure à l'assistanat et à la présomption de fraude aux revenus sociaux. Il met les moyens de l'Etat au service de stratégies partisanes. Les crédits ne sont pas attribués pour lutter contre les injustices, les inégalités, les déséquilibres territoriaux, mais bien pour consolider des positions de seigneurs et préparer des conquêtes électorales.
    Or le vote du budget est un acte ordinaire du Gouvernement ; de même que l'on n'attend d'aucune région de France d'exubérantes manifestations de gratitude pour la loi de finances, de même nous refusons de nous soumettre à d'humiliants étalages de reconnaissance. Et si d'aucuns le font, ce ne peut être qu'en leur nom personnel ; on aurait tort d'y voir un hommage collectif.
    Ne voyez là aucune déclaration d'hostilité ; mais nous savons le gâchis de talent, nous savons les générations sacrifiées, les élites décimées dès lors qu'on n'a pu les corrompre. Nous savons la destruction de l'économie de subsistance, l'étranglement des arts, la désorganisation des savoirs. Nous savons la dépendance économique sciemment organisée. Mais nous savons aussi ce qui nous reste de génie disponible, de puissance créatrice, de persévérance à survivre, d'obstination à nous épanouir. Les femmes, les jeunes, les artistes, les artisans, les agriculteurs, les industriels, les professions libérales, les chefs d'entreprise, les fonctionnaires, jour après jour, nous en donnent une irréfutable démonstration.
    Alors, nous nous tenons partout, en toutes circonstances, campés et verticaux, avec la fierté de nos idéaux, la superbe de notre obstination à exister collectivement et culturellement, la conscience altière de nos prouesses passées et présentes. Certes, il nous reste encore des victoires à remporter sur nous-mêmes, nos renoncements, nos démissions, notre pusillanimité, nos lâchetés, petites et grandes, nos luttes intestines, nos incapacités fatales. Pourtant, la dernière manche nous appartient : comme le disait Léon-Gontran Damas, il s'agit moins de recommencer que de continuer à être contre le dressage, le musée, la caserne, le pourboire, la débrouille et la menterie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. André Thien Ah Koon.
    M. André Thien Ah Koon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est heureux que la nouvelle majorité soit arrivée au pouvoir, sinon la France aurait été conduite à vivre de mendicité. Il suffit de voir le rang qu'elle occupe aujourd'hui en Europe dans la compétition économique. Et il faudrait se laisser insulter par les pourfendeurs de ceux qui travaillent !
    M. Victorin Lurel. Qui insulte ?
    M. André Thien Ah Koon. Certains devraient être plus modestes parce que si des entrepreneurs fuient la France ce n'est pas à cause de la majorité actuelle et du Gouvernement conduit par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin.
    M. Jérôme Lambert. On voit leurs résultats aujourd'hui !
    M. André Thien Ah Koon. Parlons plutôt de vos bêtises, de vos erreurs ! Parlons des 35 heures qui ont plombé la France, de la CMU qui a laissé les pauvres sur le bord de la route ! Ceux qui insultent ici la majorité devraient se montrer un peu plus modestes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Avant de balayer devant la porte des autres, qu'ils balayent donc devant la leur !
    Madame la ministre, le débat sur le budget de l'outre-mer est l'occasion pour les parlementaires de faire le point sur votre action passée et d'examiner vos projets.
    Je veux d'abord vous féliciter pour les mesures importantes que vous avez mises en oeuvre au cours des derniers mois, notamment la loi de programme pour l'outre-mer. Nous savons tous que c'est grâce à vous que la reconnaissance du principe de la continuité territoriale a été accepté par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale, ce qui nous ouvre une porte d'espoir.
    Des efforts significatifs ont été accomplis en faveur du logement, de la relance de la défiscalisation qui avait été limitée par la précédente majorité, de la reconnaissance du principe de continuité territoriale, du passeport mobilité. Ce dernier constitue un outil révolutionnaire.
    M. Jérôme Lambert. Dont les crédits diminuent !
    Mme Christiane Taubira. De 35 % !
    M. André Thien Ah Koon. Monsieur le président !
    M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues.
    M. André Thien Ah Koon. Je disais donc que le passeport mobilité sera un outil révolutionnaire pour la promotion des Réunionnais tant sur le plan national que dans l'espace européen. Nous vous sommes donc reconnaissants, madame la ministre, pour ce geste de solidarité qui intervient à un moment où une grave crise traverse la France, qui n'a bien sûr été provoquée ni par nous ni par vous.
    L'économie française est anémiée et sous perfusion. Mme Martine Aubry a plombé la France avec ses 35 heures. Les prélèvements obligatoires excessifs ont entraîné la fuite d'entrepreneurs et de capitaux qui sont partis à l'étranger. Joueurs de football, artistes, stars de la chanson, nombreuses sont les personnes...
    M. Jérôme Lambert. Les bons Français !
    M. André Thien Ah Koon. ... qui ont quitté la France. Ils ont fui un bateau où les coups de fouet étaient trop forts. Si, autrefois, certains ont subi le fouet de l'esclavage, aujourd'hui, ce sont les fouets des prélèvements obligatoires que les Français n'arrivent plus à supporter.
    M. Mansour Kamardine. Très bien !
    Mme Christiane Taubira. Un peu de respect pour l'histoire !
    M. André Thien Ah Koon. Mme Martine Aubry est loin d'avoir mené des actions formidables. Elle a abandonné nos pauvres vieux. Ils n'ont bénéficié d'aucune augmentation des pensions depuis des dizaines d'années. On les a privés de la CMU, dont les handicapés ne bénéficient pas non plus, et on voudrait nous donner des leçons ! Priver nos vieux des moyens de faire appel aux médecins et d'acheter des médicaments ne me paraît pas être une victoire telle qu'elle permette à certains de venir pérorer devant l'Assemblée nationale pour affirmer que nous ne sommes pas capables, alors que nous ne sommes au pouvoir que depuis quelques mois seulement.
    Grâce à vous et au Gouvernement, madame la ministre, le plafond d'éligibilité à la CMU a été relevé de 10,8 %, ce qui permettra à des milliers de pauvres gens d'accéder aux soins. Je vous remercie pour ce geste, surtout au nom de la population du sud de la Réunion qui est particulièrement touchée par le chômage dont le taux a dépassé 50 % sous le précédent gouvernement. Aujourd'hui, il a été ramené à 45 %, mais il n'est que de 31 % dans le nord de l'île.
    Grâce à votre connaissance du terrain et de nos problèmes, nous gagnerons avec vous le combat contre le chômage, parce que l'épuisement de forces actives en métropole, du fait du vieillissement de la population, conduira à une pénurie de plus d'un million de travailleurs dans les quinze prochaines années. Le choix sera alors entre l'immigration et la population de la France d'outre-mer. La priorité doit donc être donnée aux jeunes Réunionnais et aux Domiens formés et qualifiés.
    Si l'espace national et européen offre des opportunités indiscutables, la qualité des équipements publics doit permettre à la Réunion de jouer pleinement son rôle dans l'océan Indien, car elle est située à mi-chemin maritime entre l'Europe, l'Asie et l'Afrique. Si l'égalité sociale a pratiquement été atteinte, il faut maintenant essayer de réaliser l'égalité économique, sinon le différentiel de chômage entre le nord et le sud de l'île continuera de s'aggraver.
    A cet égard, madame la ministre, je vous demande de soutenir le projet d'allongement à 3 200 mètres de la piste de Pierrefond, l'aérodrome du Sud. Cet aménagement se justifie par la saturation du réseau routier qui s'aggrave d'année en année et il permettrait de faire de l'aéroport de Saint-Pierre un élément déterminant dans la stratégie de développement du sud de l'île, entraînant la création d'hôtels, de services, d'emplois, etc., favorisant le rééquilibrage entre le Sud et le Nord. Dans cette optique, vous avez accepté que le FRDE finance ce genre de travaux, mais la réalisation de ce chantier nécessite votre engagement et votre appui.
    Je dois d'ailleurs insister sur la faiblesse de notre équipement touristique dans le Sud : au 31 décembre 2002, pour 10 000 chambres d'hôtel répertoriées à la Réunion, il n'existait qu'un seul hôtel trois étoiles, avec cinquante chambres, dans le Sud. Ce dernier souffre d'un véritable enclavement, alors que les principaux sites touristiques y sont pourtant situés.
    L'augmentation constante du trafic portuaire qui provoque la saturation du port de La Pointe des Galets est une autre cause des déséquilibres structurels et économiques entre le Nord et le Sud. La création d'un quai de débarquement à Saint-Louis doit être prioritaire dans nos démarches. Je voudrais connaître votre position sur ce sujet, madame la ministre. D'ailleurs, cette ville portuaire devrait bénéficier de l'implantation d'une centrale thermique, puisque EDF a déjà donné son accord de principe, d'un terminal pétrolier et d'usines de toutes sortes, notamment de ciments. Ces équipements structurants sont des pistes de rééquilibrage pour le développement du Sud.
    Enfin,...
    M. le président. Monsieur Thien Ah Koon, il faudrait conclure.
    M. André Thien Ah Koon. Pardonnez-moi, monsieur le président, mais je n'ai pas dormi de la nuit et j'ai fait 20 000 kilomètres pour parler quelques minutes !
    M. le président. Je vous demande tout de même de terminer.
    M. André Thien Ah Koon. La reconnaissance de l'existence de pratiques monopolistiques abusives a conduit le législateur et le Gouvernement à organiser un arbitrage contre les abus dont les producteurs et les prestataires de services sont les premières victimes. Votre rôle, madame la ministre, est de préserver l'équilibre des forces en présence et de privilégier une saine concurrence. Une loi cadre de portée générale devrait être envisagée.
    En ce qui concerne la fonction publique, la commission des finances a adopté un amendement proposé par mon collègue M. Laffineur. Que ce dernier me permette de lui dire que, territorialement, il n'est pas compétent pour parler à la place des Réunionnais.
    M. Victorin Lurel. Ah ?
    M. André Thien Ah Koon. Il aurait dû au moins consulter les élus de l'outre-mer, en particulier ceux de la Réunion. J'invite donc mon collègue à cesser de se mêler de nos affaires.
    M. le président. Monsieur le député !
    M. André Thien Ah Koon. J'en termine avec un dernier point, monsieur le président.
    Malgré votre déclaration de principe, madame la ministre, favorable à la création d'un CHU à la Réunion, nous avons encore besoin de votre soutien auprès de votre collègue ministre de l'éducation nationale, parce qu'il faudra qu'il donne son accord pour que ce projet voie le jour. Vous connaissez bien ce dossier. Je vous confie donc cette mission en vous demandant de bien vouloir intervenir pour nous. Nous disposons déjà, comme vous le savez, d'établissements hospitaliers de qualité et d'établissements universitaires qui dispensent des cours de première année de médecine.
    Telles sont, madame la ministre, les observations que je souhaitais vous présenter. Soyez assurée de mon soutien et de ma volonté de travailler pour la prospérité de notre pays. Vive la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Monsieur le président, vous me permettrez d'abord, avant d'entrer dans le vif du sujet, d'adresser mes félicitations à Mme la ministre et au Gouvernement pour avoir placé cette discussion un mercredi. Cela est si rare qu'il convient de le souligner comme il se doit.
    Vous me permettrez également de saluer le président Debré, même s'il s'est provisoirement absenté, pour sa fidélité. Chaque fois que nous avons un débat sur l'outre-mer, même de nuit comme l'an dernier, il est présent. Il n'a donc pas oublié ses attaches ultramarines.
    Vous me permettrez enfin d'inclure dans ces remerciements notre collègue Jean-Christophe Lagarde qui nous a fait l'amitié - c'est assez rare dans cet hémicycle - de participer avec nous toute une nuit durant à la discussion et à l'adoption de la loi de programme, ainsi que Michel Vaxès qui est constamment présent aussi. Compte tenu du bon choix du jour et de l'heure, nos collègues de métropole auraient dû être plus nombreux.
    M. Didier Quentin, rapporteur pour avis. Il y en a quelques-uns !
    M. Victorin Lurel. Madame la ministre, je ne vous cacherai pas que j'aimerais très sincèrement vous féliciter davantage et trouver quelques motifs de satisfaction. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Monsieur Lurel, à force de féliciter, le débat n'avance pas !
    M. Victorin Lurel. Vous savez très bien que je participe à la discussion de presque tous les budgets. J'étais présent lors de l'examen de la première partie de la loi de finances, puis dans la discussion du budget de l'agriculture, et j'ai déjà travaillé sur celui de la communication. J'aurais donc souhaité que tous nos collègues, qu'ils soient de droite ou de gauche...
    M. le président. Monsieur Lurel !
    M. Victorin Lurel. Bien ! J'aurais donc très sincèrement souhaité, madame la ministre, trouver d'autres motifs de satisfaction. Pourquoi en effet rester sectaire quand les propositions sont bonnes ? Sincèrement, j'ai fait des efforts pour en trouver afin de pouvoir vous féliciter.
    Malheureusement, je n'en ai pas trouvé.
    Mme la ministre de l'outre-mer. Avez-vous vraiment cherché ?
    M. Victorin Lurel. C'est pourquoi j'estime que votre politique est mauvaise pour la France et calamiteuse pour l'outre-mer.
    Elle est mauvaise pour la France, car elle s'appuie sur une fameuse sentence de saint Luc et de saint Matthieu devenue paroles d'Evangiles, selon laquelle on prend à ceux qui n'ont pas pour donner à ceux qui ont. Pour utiliser une métaphore un peu plus laïque, je dirais, comme Alphonse Allais, qu'il vaut mieux prendre aux pauvres qu'aux riches, car les premiers sont plus nombreux. C'est ce que vous faites, tant en France hexagonale qu'outre-mer. Votre politique générale consiste, en effet, à faire les poches des pauvres, à prendre aux plus fragiles et à donner aux plus aisés...
    Mme Christine Boutin. Tout en nuances !
    M. Victorin Lurel. ... au fumeux prétexte qu'ils sont plus responsables, qu'ils prennent davantage de risques, qu'ils seraient plus travailleurs et que sais-je encore ! Il s'agit d'une philosophie, d'une véritable théologie économique née de votre fondamentalisme libéral et qui consiste à stigmatiser le monde du travail et le monde des exclus.
    J'en veux pour preuve, puisque cette politique s'applique également à l'outre-mer au-delà du budget que nous examinons, la réduction de l'allocation personnalisée d'autonomie. Celles et ceux qui nous écoutent savent de quoi je parle : hier, cela s'appelait la prestation spécifique dépendance et il s'agit en fait de l'aide à domicile.
    Les personnes âgées qui, au-delà de soixante ans, sont devenues dépendantes à cause de la maladie, du handicap ou de la vieillesse, pouvaient bénéficier d'une tierce personne pour s'occuper des actes de la vie courante. Or vous avez diminué drastiquement cette aide. Certes, je ne veux pas vous faire porter la responsabilité des 15 000 morts en moins d'un mois en métropole (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
    M. Didier Quentin, rapporteur pour avis. Tout en nuances !
    M. Victorin Lurel. ... mais cela a été le résultat d'une véritable politique d'abandon. Quand on parle de réduction de l'allocation de solidarité spécifique, on emploie des termes techniques, mais celles et ceux qui sont au chômage savent de quoi je parle. Quand un chômeur arrive en fin de droits, en moins de deux ans il passe au RMI et chacun connaît son importance chez nous. Une nouvelle fois, on prend aux pauvres pour donner aux riches.
    Il en va de même pour l'augmentation du forfait hospitalier. Naguère, quand vous alliez à l'hôpital, vous n'aviez rien à payer. Aujourd'hui, il faut débourser une somme relativement importante.
    Et que dire de ce que l'on appelle techniquement et savamment le déremboursement des médicaments ! Cela signifie, chers collègues de l'outre-mer, que quand on ira à la pharmacie on sera moins remboursé. Encore une fois, on prend à celles et à ceux qui n'ont pas, comme disait Saint Matthieu, pour donner à celles et à ceux qui ont.
    En ce qui concerne la suppression des emplois jeunes, nous avons certes bénéficié d'une exception puisque le système a été prorogé outre-mer. Néanmoins, les subventions ont été réduites de moitié. Personnellement, j'ai bénéficié d'un héritage en la matière puisque mon prédécesseur, qui est de vos amis, m'a laissé dix emplois jeunes. Malheureusement, je n'ai pu en conserver que cinq, malgré des efforts méritoires. D'ailleurs, le rapporteur Laffineur souligne qu'à la mairie de Vieux-Habitants, il y a un sureffectif de 102 personnes. Ce serait même plutôt 162, résultat d'une gestion calamiteuse.
    Vous avez supprimé les MI-SE, les maîtres d'internat et les surveillants d'externat créés par un texte de 1936 : Léon Blum, tout un symbole ! Cela m'a touché car j'ai payé mes études grâce à un poste de pion ! Ils devaient être remplacés par les fameux assistants d'éducation, mais ces derniers n'arrivent pas. Les syndicats d'enseignants en Guadeloupe et dans l'outre-mer en savent quelque chose.
    Vous avez aussi pratiquement démantelé la protection sociale et provoqué une diminution des retraites. Il faudra désormais travailler plus pour percevoir moins et vous remettez en cause le système de la répartition.
    Vous allez remplacer le RMI par le RMA sur la base d'une curieuse conception de l'homme et du travail. Cela participe de ce que j'appelais votre théologie.
    Enfin, vous avez augmenté la TIPP, restée chez nous taxe sur les carburants. Ce seront encore les exclus, les pauvres et les économiquement faibles qui seront les plus touchés.
    Dans le même temps, vous n'avez pas hésité à diminuer le barème de l'impôt sur le revenu de 3 %, ce qui profitera d'abord aux catégories socio-professionnelles à hauts revenus.
    Comme bouquet final, vous avez aussi réduit de 500 millions d'euros le produit de l'impôt de solidarité sur la fortune, autrefois appelé impôt sur les grandes fortunes, ce qui le caractérisait bien.
    Mauvaise pour l'Hexagone, votre politique est également calamiteuse pour l'outre-mer.
    M. le président. Monsieur Lurel !
    M. Victorin Lurel. Elle s'appuie sur une conception de l'Etat qui devrait être un Etat modeste, un Etat minimal, un Etat garant, un Etat qui ne gère plus. Or je persiste à croire, avec beaucoup d'autres, que l'Etat a sa place dans l'outre-mer. Il doit être une locomotive. L'initiative ne peut pas venir simplement du secteur marchand. Il faut marcher sur ses deux jambes : le secteur public et le secteur privé, ce qui n'est pas le cas avec votre politique.
    Dans l'outre-mer, nous n'avons pas à rougir. Nous sommes dynamiques. Nous croyons plus en l'entreprise, toutes proportions gardées, qu'en métropole. La mortalité des entreprises est moindre chez nous. Notre inflation n'est pas supérieure, et depuis fort longtemps, à celle de la métropole et nous avons des performances culturelles, économiques, sportives et intellectuelles qui n'ont rien à envier à celles qu'elle connaît.
    Pourtant, vous avez une vision stigmatisante de l'outre-mer. Vous avez eu vous-même, madame la ministre, des mots malheureux à la Réunion, et j'ai entendu ici - mais il est vrai que cela ne visait pas uniquement l'outre-mer - que là où il y avait des niches fiscales, il y avait des chiens. Nous nous sommes alors tous sentis avoir l'âme d'un chien. Oui, nous sommes des chiens maigres dans l'outre-mer et, comme l'a souligné Joël Beaugendre, sur 211 régions d'Europe, la Guadeloupe est la deux cent onzième.
    Il est indispensable d'engager une politique de discrimination positive. Je me permets de vous dire que le budget que vous présentez ne participe pas de cette philosophie. Puisque nous partons de plus loin, puisque nous avons davantage de handicaps, il faudrait un budget d'amorçage, un budget qui stimule l'économie. Tel n'est malheureusement pas le cas.
    Nous ne saurions trouver, si j'ose dire, des circonstances absolutoires ou atténuantes pour ce budget. Nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Michel Vaxès. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Michel Buillard, pour cinq minutes.
    Je sais, monsieur Buillard, qu'il est très difficile de limiter une intervention à cinq minutes sur des sujets compliqués. Je veux bien appliquer la jurisprudence du président Debré, mais elle a ses limites et il m'appartient de les rappeler à un moment donné.
    M. Michel Buillard. Madame la ministre, je vais essayer d'être sérieux.
    Mme Christine Boutin. Très bien !
    M. Michel Buillard. On a beaucoup entendu parler d'aboiements, de chiens, mais je pense que cette séance mérite que l'on puisse aborder les questions avec beaucoup de sérieux.
    Mme Christine Boutin et M. Mansour Kamardine. Très bien !
    M. Michel Buillard. Lors de la présentation de votre budget vous avez rappelé que sa progression était supérieure à celle du budget général de l'Etat, dans un contexte budgétaire difficile. Nous vous remercions de cet effort financier du Gouvernement et nous voterons, bien évidemment, votre budget.
    A l'occasion de son examen et s'agissant de finances publiques, on ne peut éluder la question qui a fait débat lorsque la commission des finances a adopté plusieurs amendements susceptibles de remettre en cause le dynamisme du développement économique de l'outre-mer. Sans vouloir entrer dans la polémique entretenue à dessein par certains de nos collègues à propos des rémunérations et des retraites accordées aux fonctionnaires dans les DOM-TOM, je veux appeler votre attention sur un chiffre : 17 milliards de francs Pacifique, soit 142 millions d'euros, telle est la somme que représentent chaque année les pensions versées aux fonctionnaires retraités en Polynésie française.
    Cet afflux de capitaux contribue de façon déterminante au développement de l'économie polynésienne. Les retraites représentent actuellement le deuxième poste de ressources pour la Polynésie, après le tourisme, mais avant la perle. Dans la mesure où le débat sur cette question a été engagé de manière partielle et brutale, focalisant l'attention sur un prétendu déséquilibre, engendré par les rémunérations majorées des fonctionnaires outre-mer, je contesterai toute initiative prise en ce sens par ladite commission. A cet égard, nous invitons nos collègues rapporteurs, en particulier notre ami Victor Brial, rapporteur du budget des TOM, qui a de ce fait une position privilégiée au sein de la commission des finances, à suivre de très près l'évolution de ce dossier et à nous servir de vigie en cas d'avis de tempête.
    Votre budget, madame la ministre, ceux des autres ministères, votre loi programme pour l'outre-mer et ses mesures de défiscalisation en faveur du logement des jeunes, s'inscrivent dans le cadre d'une véritable politique en faveur de l'outre-mer. Parmi ces mesures, le passeport-mobilité remporte un grand succès auprès des étudiants polynésiens. En 2002-2003, 600 ont été accordés. Les étudiants vous sont reconnaissants, madame la ministre, ainsi qu'au Président de la République d'avoir mis en place ce passeport. D'ailleurs, lors de sa venue cet été, ils ont pu le remercier de vive voix. Ils ont cependant souligné qu'il n'existait pour eux aucune allocation équivalente à l'allocation logement. Le président Chirac les a alors informés de la constitution, par vos soins, d'un groupe de travail chargé de réfléchir à la mise en place d'un passeport-logement au bénéfice des étudiants ultramarins. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce passeport-logement ?
    De même, vous avez évoqué, lors de votre audition, la possibilité d'étendre aux jeunes sportifs le passeport-mobilité.
    Enfin, votre budget fait état d'une dotation par transfert de 692 697 euros pour des bourses d'études destinées aux territoires d'outre-mer. Ces mesures sont particulièrement bienvenues dans le cadre des efforts opérés par le territoire de Polynésie pour former davantage nos jeunes, qui représentent 40 % de notre population.
    L'année 2004 sera particulièrement axée sur le développement économique. Pour compléter les mesures de défiscalisation prévues par la loi de programme outre-mer, le gouvernement de Polynésie met en place de nouvelles incitations fiscales pour les entreprises.
    Nous mettons effectivement tout en oeuvre pour accroître nos ressources propres, mais notre développement dépend encore beaucoup des transferts de la métropole.
    En 2002, la création de la dotation globale de développement économique est venue pérenniser le fonds de reconversion de l'économie polynésienne créé à la suite de l'arrêt des essais nucléaires. Cette dotation est bien inscrite au budget de l'Etat, au titre des charges communes pour 2004. Mais pouvez-vous nous indiquer les moyens que vous devrez mettre en oeuvre afin de pallier l'absence de versement par le précédent gouvernement socialiste des sommes dues à ce fonds ?
    De même, le précédent gouvernement a laissé s'accumuler un retard dans le versement de la participation de l'Etat au fonds pour les communes de Polynésie. Depuis 2001, aucune contribution n'a été versée.
    Mme Christine Boutin. Incroyable !
    M. Michel Buillard. L'année prochaine sera aussi une année charnière dans notre évolution institutionnelle. Depuis la récente réforme constitutionnelle, les collectivités d'outre-mer qui le souhaitent peuvent bénéficier d'institutions et de compétences aménagées au sein de la République française.
    L'Assemblée a déjà approuvé ce projet de loi organique ; le Sénat doit l'examiner prochainement, et je compte sur le président de l'Assemblée nationale pour qu'il soit ensuite rapidement inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée.
    Je compte aussi sur vous, mes chers collègues, pour être à nos côtés, Béatrice Vernaudon et moi, lors de l'examen de ce projet de loi. Oui, nous comptons sur vous pour comprendre l'aspiration des Polynésiens à voir renforcer leur autonomie institutionnelle, pour favoriser le développement économique et pour prendre en compte nos spécificités culturelles, historiques et linguistiques. Nous comptons sur vous pour soutenir l'expérience originale que constitue l'autonomie institutionnelle de la Polynésie au sein de la République française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je félicite M. Buillard qui a été le plus raisonnable !
    La parole est à Mme Huguette Bello.
    Mme Huguette Bello. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le doute est apparu dès le mois de mars avec l'annonce des premières annulations de crédits. Il s'est installé avec le deuxième plan de gel de septembre. Depuis la présentation du budget de l'outre-mer pour 2004, la certitude est acquise : l'outre-mer ne fait plus - déjà plus - partie des priorités de ce gouvernement. Tous les artifices de langage, toutes les habiletés comptables, tous les slogans de propagande ne masqueront pas cette réalité-là.
    Le « terrain », si souvent invoqué, et au nom duquel on justifie les politiques ultralibérales, ne s'y trompe pas. Il refuse de plus en plus de servir d'alibi à des décisions qui, en fait, veulent satisfaire les exigences si bien définies par le « consensus de Washington », tout entier organisé autour du triptyque austérité-privatisation-libéralisation. A la Réunion, comme ailleurs, le « terrain » se rebelle. Les longues grèves dans l'éducation nationale et les manifestations récurrentes qui rythment l'actualité réunionnaise sont la partie la plus visible d'une prise de conscience des menaces qui pèsent sur les acquis sociaux et sur les conditions du développement.
    Le « terrain » est inquiet, madame la ministre, et votre budget ne le rassurera pas, tant s'en faut ! Sans polémiquer sur ses variations globales, comment ne pas voir que les mesures qu'il contient sont en régression par rapport aux années précédentes ?
    Il en va ainsi de l'emploi. Malgré une situation désormais connue et analysée par tous, c'est le poste qui connaît la plus forte diminution. Evidemment, une telle diminution n'est pas avouable : alors, les vieilles ficelles réapparaissent.
    Primo, on clame haut et fort que l'emploi demeure, pour le ministère, la priorité des priorités. Secundo, on camoufle par des astuces budgétaires le décalage entre les mots et les choses. Tertio, on culpabilise les plus fragiles puisque les plus fragiles sont les plus faciles à culpabiliser !
    S'agissant du FEDOM, qui regroupe l'ensemble des crédits en faveur de l'emploi et de l'insertion, cherchons l'astuce. Elle consiste à transférer vers ce fonds, dans la plus grande opacité, des charges qui, selon une tradition bien établie, auraient dû être inscrites au budget du ministère des affaires sociales. De cette façon, ce n'est pas l'Etat qui finance les exonérations de cotisations patronales prévues par la loi de programme, à savoir 75 millions d'euros. Ces exonérations sont financées par la suppression d'au moins 25 000 solutions d'insertion. Ce sont donc les chômeurs qui sont priés de payer pour se faire embaucher !
    C'est sans doute dans la même logique que les crédits de compensation de la créance de proratisation du RMI ont été annulés, depuis l'année dernière, pour couvrir les déficits budgétaires. Le FEDOM, c'est-à-dire l'argent des pauvres, des exclus, des modestes, devra-t-il encore verser sa contribution au financement des baisses d'impôt des riches ? En tout cas, les emplois-jeunes de la Réunion sauront désormais pourquoi un millier d'entre eux resteront, à la fin de cette année, et malgré vos promesses, sur le bord du chemin. Les bénéficiaires des CES auront du mal à croire que la suppression annoncée de dizaines de milliers de contrats au niveau national épargnera l'outre-mer. Et aucun Réunionnais ne sera surpris d'avoir à déplorer la forte augmentation du chômage que votre loi aura programmée.
    Nous ne nous lasserons jamais de vous rappeler, madame la ministre, que personne n'est opposé à l'emploi marchand, mais que la situation de la Réunion exige d'y concilier, dans l'intérêt de l'emploi, l'économie marchande et l'économie solidaire. Ce n'est pas en démantelant l'économie solidaire, opération pudiquement baptisée « redéploiement », qu'on favorisera l'emploi marchand. La lutte contre le chômage ne fait pas bon ménage avec l'idéologie. Nous n'accepterons pas que, pendant que la majorité stigmatise les fonctionnaires et que le Gouvernement culpabilise les chômeurs, le ministère de l'outre-mer dévalorise l'emploi solidaire.
    Avec l'emploi, le logement constitue l'autre grande préoccupation des Réunionnais. L'ampleur des besoins actuels et futurs a été maintes fois chiffrée : 250 000 logements devront être construits dans les trente ans. C'est pourquoi l'annulation des 45 millions d'euros de la ligne budgétaire unique pour 2003 est particulièrement pénalisante. Elle devrait, en effet, se traduire par le rejet de plus de mille demandes de financement de logements sociaux. La pénurie de logements est telle qu'il n'est pas indispensable d'interroger le terrain pour savoir qu'il faut, de toute urgence, annuler l'annulation. C'est précisément ce qu'on vient de faire pour le logement social dans l'Hexagone.
    Comment ne pas évoquer, même si elle ne figure pas dans les crédits du budget de l'outre-mer, la dotation de continuité territoriale ? Présentée comme la grande innovation de la loi de programme, elle est devenue en quelques mois un feuilleton à rebondissements. Non seulement le montant de cette dotation est critiqué de toutes parts, mais voici que son financement se révèle plus que problématique. Là encore, il sera assuré par les passagers eux-mêmes qui devront payer plus cher leur billet d'avion. L'outre-mer n'est décidément plus une priorité.
    Nous examinons ce soir le premier budget qui doit mettre en application les mesures de la loi de programme pour l'outre-mer. Contre toute logique, ce budget diminue. Derrière le paravent transparent de la communication, la vérité apparaît dans sa simple nudité : ce budget renforcera l'inquiétude déjà instillée, jour après jour, par l'action du Gouvernement.
    Votre loi, madame la ministre, méritait sans doute une meilleure entrée en matière. L'outre-mer aussi, certainement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Victor Brial.
    M. Victor Brial. Pour la deuxième année consécutive, nous examinons avec vous, madame la ministre, le projet de budget de l'outre-mer. L'effort budgétaire évoqué par les orateurs qui m'ont précédé à cette tribune, témoigne de la volonté du Gouvernement et de la détermination de notre ministre de tutelle de réserver à l'outre-mer la place qui lui revient.
    M. Jérôme Lambert. On n'a pas tous dit cela !
    M. Victor Brial. Permettez-moi de faire précisément écho aux propos de notre collègue M. Lambert, si expérimenté. Je laisserai néanmoins le soin à Mme la ministre de donner les explications nécessaires sur les annulations et les reports de crédits mis en réserve depuis cinq ans. M. Lambert connaît bien la procédure mise en oeuvre pour fausser l'autorisation parlementaire depuis 1999, et plus particulièrement en 2000 et 2001. Je m'arrête là, laissant le soin à Mme la ministre de nous fournir toutes explications utiles, mais les rapports spéciaux peuvent illustrer mon propos.
    Pour la circonscription que je représente, je souscris résolument à une démarche de réflexion, d'évaluation et de programmation. Je souhaite en effet poursuivre et accentuer les programmes en matière de santé et d'éducation engagés, d'un commun accord, par les autorités du territoire et les ministères de tutelle, sous le pilotage du ministère de l'outre-mer.
    La santé publique, dont la compétence a été reconnue par l'Etat selon les termes de notre statut du 29 juillet 1961 et la loi de finances de 1972, constitue en effet l'une des grandes priorités de notre collectivité dans les îles.
    L'Agence de santé assure l'ensemble des prestations et connaît depuis quelques années des déficits structurels successifs. On constate aujourd'hui un manque évident de matériels et une inquiétante vétusté des hôpitaux, tant à Wallis qu'à Futuna. Aucun praticien spécialiste n'étant installé dans nos îles, toute intervention chirurgicale trop « technique » doit impérativement être réalisée à l'extérieur du territoire, ce qui nécessite la mise en oeuvre, dans l'urgence, de moyens lourds en évacuation sanitaire, à défaut d'intervenants extérieurs en provenance de Nouvelle Calédonie, de Polynésie française ou directement de métropole.
    En matière d'enseignement, l'insuffisance des infrastructures scolaires et leur inadéquation à la réalité géographique du territoire sont à l'origine des surcoûts constatés à ce jour et indûment mis à la charge du territoire. Il me paraît normal de transférer ces charges sur le budget de l'Etat, compétent en matière d'enseignement à Wallis-et-Futuna.
    Des moyens importants doivent également être débloqués afin de lutter contre l'illettrisme, constaté au niveau de l'entrée en sixième, et pour rénover l'ensemble des établissements scolaires. Une première phase de travaux est du reste en cours grâce à vous, madame la ministre.
    L'enclavement de nos deux îles justifie le caractère prioritaire des transports aussi bien aérien que maritime. La récente visite du secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, Dominique Bussereau, nous a rassurés quant à la volonté réelle du Président de la République et du Gouvernement de faire évoluer rapidement la situation actuelle en accord avec la politique de continuité territoriale. Notre desserte aérienne intérieure entre Wallis et Futuna doit être impérativement modernisée, tant pour ce qui est de la piste de Futuna que de l'appareil opérant sur cette ligne. Cette desserte devra à moyen terme s'accompagner d'un développement dans l'environnement régional proche de la collectivité - îles Fidji et Samoa.
    En complémentarité de l'offre aérienne, une desserte maritime intérieure est indispensable à nos concitoyens les plus défavorisés, largement majoritaires à Wallis et Futuna.
    De même, les liaisons entre notre collectivité et nos « voisins » français de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française doivent être renforcées, afin de pouvoir offrir un choix plus vaste et d'entraîner une baisse des coûts des billets d'avion, sur une ligne aérienne dont le nombre de passagers est en constante augmentation depuis dix ans.
    Enfin, et parce que je les utilise quotidiennement dans ma circonscription, je sais que, à l'évidence, aucun développement économique ni social ou culturel ne sera possible, madame la ministre, avec nos moyens de télécommunications actuels - matériels obsolètes, temps d'accès anormalement longs, encombrement permanent.
    Je voudrais aussi qu'un effort soit consenti pour la politique du crédit sur le territoire. Il faut améliorer l'accès aux prêts immobiliers des particuliers. L'absence de structure bancaire à Futuna pose un problème crucial. Le Gouvernement se doit de trouver une issue dans les meilleurs délais.
    L'environnement est un domaine très sensible à Wallis-et-Futuna. Cependant, en l'absence de toute sensibilisation de la population sur les risques potentiels en ce domaine particulier, il convient d'ores et déjà de mobiliser les énergies. L'administration territoriale mérite une attention particulière et des financements importants pour réaliser la programmation des travaux. Actuellement, les actions de mobilisation sont réalisées à l'initiative du seul mouvement associatif qui mérite d'être encouragé. En voici quelques exemples : campagnes de lutte contre les pollutions, opérations de collecte des déchets non recyclables, initiatives en matière de régénération des forêts par la plantation d'espèces en voie de disparition, actions de sensibilisation de la population sur la nécessité de préserver la ressource en eau. Alors que certaines îles du Pacifique sont menacées à terme par la montée des eaux, il convient que les hommes d'aujourd'hui prennent toutes les dispositions pour préserver l'environnement des générations futures.
    Je saisis l'occasion pour vous remercier, madame la ministre, des efforts que vous avez déployés ces dix-huit derniers mois pour la mise en oeuvre de la volonté du Président de la République et du programme ambitieux du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et de son gouvernement. Les actes sur le terrain et la série de mesures spécifiques en faveur de l'outre-mer dans son ensemble, qui bénéficie de dispositifs propres à chaque collectivité, n'en sont que le fidèle témoignage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Christophe Payet.
    M. Christophe Payet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen de ce projet de budget pour 2004 intervient dans un contexte marqué, à la Réunion, par une profonde inquiétude qui touche l'ensemble de la société et particulièrement les couches les plus défavorisées. Et les inscriptions budgétaires qui nous sont présentées ne sont pas faites pour rassurer nos populations. Le groupe socialiste, par la voix de Jérome Lambert, l'a démontré : en réalité, ce projet de budget pour l'outre-mer est en baisse par rapport à 2003.
    Ainsi, à l'ambition affichée jusqu'ici pour l'outre-mer, liée au rayonnement de la France dans le monde, l'actuelle majorité oppose un discours nouveau et inquiétant, où les départements d'outre-mer seraient autant d'enclaves hébergeant privilégiés et assistés.
    Le rapport de Marc Laffineur a désigné les privilégiés : ce seraient les fonctionnaires qui servent outre-mer, et sur lesquels planent, débats après débats, d'amendements déposés en amendements retirés, la menace désormais constante de la remise en cause de leurs acquis.
    L'expérience a pourtant montré, madame la ministre, que la politique des boucs émissaires est dangereuse et conduit à l'impasse. Une réforme ne saurait être envisagée sans tenir compte du coût réel de la vie outre-mer et dans le cadre d'une large concertation avec les intéressés, à la condition expresse que les économies réalisées soient injectées dans le développement économique de nos régions. Force est de constater que, avec le précédent de la suppression de la prime d'éloignement, on n'en a pas pris le chemin !
    Ceux qui bénéficient de la solidarité nationale, que l'on appelle les assistés, sont aussi stigmatisés.
    Ainsi, en matière d'emploi, vous avez fait le choix de privilégier l'économie marchande contre le secteur de l'économie sociale. Il faut concilier les deux dans un contexte de chômage tel que celui que nous connaissons dans notre île. La part des emplois aidés, vous le dites vous-même, ne représentera plus en 2004 que 67 % des crédits contre 76 % en 2003. Dans le même temps, vous vous félicitez de la baisse du chômage dans les DOM, alors que vous savez fort bien qu'elle date de l'année 2000. C'est la conséquence des mesures de la loi d'orientation en faveur de l'économie sociale et non de votre politique puisque les décrets d'application de votre loi programme ne sont toujours pas parus.
    A la Réunion, les effets néfastes de la politique libérale du Gouvernement sont démultipliés : la diminution des emplois aidés et la suppression des emplois jeunes, la réforme de l'ASS, l'augmentation du forfait hospitalier, le déremboursement de certains médicaments, la suppression du remboursement de la TVA non perçue seront durement ressentis par les plus fragiles : 10 % de la population, selon les derniers chiffres de l'INSEE, vivent encore en dessous du seuil de pauvreté !
    Ce changement de politique pour l'outre-mer s'inscrit dans l'esprit de la politique générale du Gouvernement. Il s'agit, nonobstant la fragilité de l'économie de nos territoires, de faire participer l'outre-mer à la politique de réduction des dépenses publiques. Cette nouvelle donne nous éloigne encore plus du nécessaire rattrapage des retards accumulés dans nos régions.
    La dotation territoriale était présentée comme une mesure phare de la loi programme. Nous étions loin de penser que l'intention du Gouvernement était de faire financer par d'autres la mesure sur laquelle il se faisait abondamment de la publicité ! Cela a soulevé des réserves au sein même de votre majorité et de la part de la commission des finances. Sur le fond, nous considérons que la modicité des crédits consacrés à cette dotation la réduit à une simple mesure d'aide à la mobilité.
    Logique d'économie aussi dans le domaine du logement social où, pour des raisons budgétaires, il aurait été décidé de geler 35 % des crédits de la LBU pour 2003.
    Ce gel, s'il était confirmé, hypothéquerait à la Réunion la construction d'un millier de logements sociaux pour cette année. Même la dotation du RSMA, dont l'action positive est reconnue de tous, n'échappe pas à une diminution.
    Madame la ministre, l'inquiétude est grande à la Réunion, elle se propage dans tous les secteurs. La confiance nécessaire à la réussite du développement se dérobe. L'outre-mer n'est plus dans les faits une priorité pour ce gouvernement. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera contre votre projet du budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin, pour cinq minutes.
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Cinq minutes, mais vous avez parlé d'une jurisprudence... (Sourires.)
    M. le président. Oui, mais il ne faut pas en abuser. (Sourires.)
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Je n'ai même pas commencé...
    M. le président. Vous avez la parole.
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Madame la ministre, l'annonce cette année d'une situation budgétaire difficile a laissé planer le doute sur l'effort constant qui pourrait être fait en faveur de l'outre-mer.
    La maîtrise de la dépense publique est devenue un leitmotiv. Certains l'auraient prise au pied de la lettre, faisant fi du nécessaire développement de certaines régions. Pourtant, votre budget connaît une progression : 3,4 % par rapport à celui de 2003. Je m'en félicite car, une fois de plus, nos besoins semblent avoir été pris en compte pour la poursuite d'une politique dynamique de développement. C'est un signe fort en direction de nos compatriotes.
    Je constate toutefois l'existence d'un réajustement des dépenses qui reflète à mon sens une réelle volonté de votre part de dépenser mieux dans un contexte financier particulièrement restrictif. Point d'affichage comme dans le passé. Ce budget met en exergue nos besoins réels de financement pour le soutien de notre développement économique, dans la continuité de l'action pragmatique que vous menez en faveur de nos compatriotes.
    Votre courage et votre détermination doivent ici être salués. Vous au moins, vous avez appris à nous connaître car, avant d'être aimé, l'outre-mer doit être connu, compris et surtout respecté. Nos différences, nos particularismes, sont des atouts pour la France, l'outre-mer lui offre une dimension mondiale.
    Mesdames, messieurs les députés, le budget est la preuve que l'on ne peut mener une véritable politique d'éradication de nos difficultés et de nos handicaps par petites touches, encore bien moins à coup d'amendements. Les crédits consacrés à l'outre-mer dans les différents ministères le confirment, parce qu'il faut rappeler à nos compatriotes de l'outre-mer que nous n'avons pas que le budget de l'outre-mer. Dans le budget d'autres ministères, on trouve des lignes consacrées à l'outre-mer : défiscalisation au ministère des finances, soutien financier du ministère de la ville à la politique de rénovation urbaine dans nos départements, efforts budgétaires du secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises, du secrétariat d'Etat au tourisme pour la relance du tourisme dans nos régions, et bien d'autres.
    De nos spécificités, vous avez fait des priorités budgétaires : nécessaire renforcement de la politique dans le secteur marchand, plus bénéfique pour nos économies, effort fait en faveur du logement social, résorption de l'habitat insalubre, couverture maladie universelle.
    En relevant le plafond d'éligibilité de la CMU, vous permettez aux plus nécessiteux de sortir de l'exclusion. Plus besoin de mutuelles complémentaires pour accéder aux soins. Cette mesure est dans la continuité de l'action en faveur du logement social et de la résorption de l'habitat insalubre. Ces efforts d'envergure participent à la lutte contre la précarité et l'exclusion que nous, élus locaux, nous nous employons à mener à bien sur le terrain. Nous ne sommes pas comme certains élus nationaux, qui, très souvent, ne connaissent pas la réalité du terrain.
    Si ces efforts constants sont louables pour notre économie, les difficultés persistent. Aussi, je profite de cette tribune pour vous interpeller sur un sujet qui me tient à coeur : la filière canne-sucre-rhum, l'une des branches les plus importantes du secteur agricole. Je salue d'ailleurs ici le courage et la détermination des planteurs et professionnels pour tenter de pérenniser notre culture en s'inscrivant dans une dynamique forte de modernisation et de diversification.
    Les critiques portées à l'encontre du régime européen du sucre inquiètent plus d'un. D'ici à 2006, les pays les moins avancés pourront exporter en Europe leurs produits en franchise de douane. Les conséquences pour la production sucrière ne pourront être que plus pénalisante. Le 23 septembre, la Commission européenne avançait trois propositions, qui ne semblent aller que dans un seul et même sens : la diminution, voire la suppression des quotas de production, et la baisse du prix du sucre. Quelle sera la position du Gouvernement sur ce point ? Si vous ne pouvez pas me répondre tout de suite, j'attendrai un courrier de votre part. (Sourires.)
    Par ailleurs, la commercialisation du rhum guadeloupéen est pénalisée en raison d'une répartition inégale du contingent de rhum entre les départements et les producteurs. Je me fais l'écho de la volonté des producteurs de rhum de se voir attribuer des quotas supplémentaires, complétant ainsi leur contingent économique de 90 000 hectolitres d'alcool, ce qui assurerait et accentuerait le développement du secteur vers l'exportation. Est-il possible d'envisager une gestion plus souple du contingent et des quotas, afin de ne pas limiter l'accès de notre production à un marché très concurrentiel ? L'arrêté du 31 décembre 2002 peut-il être revu en ce sens ?
    Je souhaite terminer, madame la ministre, en vous disant que votre budget est bon. Je le voterai, je le soutiendrai, tant que votre politique défendra nos régions, tant qu'elle s'emploiera à éviter que l'outre-mer ne soit perçu que par la lorgnette des dépenses fiscales, tant qu'elle n'engendrera pas d'inquiétude chez mes compatriotes, et tant qu'elle sera en retrait des comportements partisans. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Je remercie les élus de l'Hexagone qui sont présents.
    M. le président. Vous avez été très raisonnable, madame !
    M. Mansour Kamardine. Comme toujours ! C'est une femme raisonnable !
    M. le président. Je n'en doute pas !
    La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.
    M. Alfred Marie-Jeanne. Moi, monsieur le président, raisonnable, je l'ai toujours été.
    M. le président. On va voir ! (Sourires.)
    M. Alfred Marie-Jeanne. Dabou dabô, madame la ministre, c'est-à-dire d'entrée de jeu, je prends acte de votre réponse positive de donner la parole au peuple sur la création d'une collectivité unique venant en substitution du département et de la région.
    Cette réponse fait suite à la proposition expresse des élus de la Martinique, tous mandats confondus. Un large accord s'est dégagé, concrétisé dans un document qui sera remis à chaque électeur, pour lui permettre de se déterminer en toute connaissance de cause, afin de ne pas achté chat an sak.
    Ce document élaboré de façon consensuelle constitue un tout. Il ne saurait donc être déchiqueté chemin faisant.
    De plus, pour éviter toute équivoque supplémentaire, j'attire respectueusement votre attention sur la notion inventée de « vote déterminant pour le oui », notion qui ne relève d'aucun texte juridique, d'aucun code moral, d'aucune philosophie politique. C'est un a priori malencontreux qu'il faut définitivement lever car, en matière de consultation, si un non est un non sans contestation, un oui est un oui sans un concept du oui.
    Ce préalable étant clarifié, venons-en à votre projet de budget proprement dit.
    Un florilège d'épithètes persifleuses est sorti depuis son annonce et sa publication. Ce qui laisse pantois, c'est le fait qu'en dépit de l'austérité générale ambiante, le budget croîtrait tout de même de 3,4 % d'une année à l'autre.
    Il vous appartient de donner des réponses plausibles à un certain nombre d'interrogations. Par exemple, le taux annoncé est-il fiable, n'est-il pas la résultante de transferts astucieux ?
    M. Jérôme Lambert. Eh oui !
    M. Alfred Marie-Jeanne. Les crédits votés ne seront-ils pas immédiatement gelés pour contenir en partie le déficit de l'Etat ?
    M. Jérôme Lambert. Eh oui !
    M. Alfred Marie-Jeanne. D'ailleurs, à cet égard, l'outre-mer voit déjà annuler, pour l'exercice 2003, une partie des crédits pour un montant de 18,87 millions d'euros.
    M. Jérôme Lambert. Plus que cela !
    M. Alfred Marie-Jeanne. Concernant la loi de programme, son application intégrale tarde à venir. Elle risque, à ce train, de ne devenir totalement opérationnelle qu'après les obsèques de très nombreuses petites et moyennes entreprises survenues entre-temps.
    C'est vous dire que l'efficacité attendue des mesures prises réside aussi dans la cadence accélérée de leur mise en oeuvre.
    Quant à la continuité territoriale, c'est un cadeau piégé que l'on nous refile. En effet, au regard de la modicité des sommes allouées, cinquante-trois fois moins qu'en Corse, ce sera source certaine de surenchères, d'insatisfactions, et donc de « kankan » pour nous tout seuls.
    Son financement doit relever directement du pouvoir régalien de l'Etat.
    M. Victorin Lurel. Absolument.
    M. Alfred Marie-Jeanne. De surcroît, ne risque-t-il pas d'être épinglé, après examen minutieux, très strict, trop strict de la Commission européenne ?
    Quoi qu'il en soit, ce financement ne saurait en aucun cas être assuré, ni de près ni de loin, par la collectivité régionale. De grâce, ne surchargez pas indûment la yole ou le gommier martiniquais au-delà de leur ligne de flottaison !
    A propos des mesures prises en faveur de l'emploi, le moment n'est-il pas venu de refondre la panoplie de tous ces contrats : CES, CEC, CIA, CAE, CRE, et autre CEJ, en vue d'une meilleure insertion professionnelle ?
    Il est prévu que 42 % des moyens budgétaires soient consacrés à l'emploi. Si la création doit être la priorité, ce dont je conviens, il importe aussi de maintenir ce qui existe déjà. Or la décision de la conférence maritime d'appliquer, sans concertation, une surcharge de cogestion portuaire de 300 euros par équivalent vingt pieds aux importateurs ajoute à la précarité des petites et moyennes entreprises, et va à l'encontre du maintien de l'emploi. Car ce coup a un coût ! C'est une ponction de 2,7 millions d'euros que l'on opère brutalement sur les entreprises martiniquaises. Cette affaire soulève d'ailleurs le problème de la composition de l'autorité décisionnelle, qu'il faudra revoir.
    De même, ce qui paraît inquiétant, voire humiliant, c'est le harcèlement de la commission des finances à vouloir à tout prix dénicher, sans chercher à savoir, sans chercher à comprendre.
    Si l'on doit reconsidérer l'attribution de certaines aides, pour mieux les encadrer, mieux les moraliser et augmenter leur efficacité, encore faut-il que cela ne se fasse ni en catimini ni à la sauvette.
    En somme, dans ces deux cas, le risque encouru, c'est de voir détruire d'un côté ce que l'on peine à construire de l'autre.
    Enfin, juste une proposition avant de terminer. Pour éviter ce même paradoxe, ne serait-il pas judicieux, en matière de logement, autre priorité reconnue, de prévoir des moyens nouveaux pour inciter à la construction sur appuis parasismiques ?
    En conclusion, madame la ministre, j'ai surtout tenu à mettre l'accent sur quelques points de votre budget qui font problème. Au-delà des mots, au-delà des propos, et de leur intention, il vous revient le soin de démontrer pour convaincre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à Mme Béatrice Vernaudon.
    Mme Béatrice Vernaudon. Madame la ministre, vous avez présenté ce matin même en conseil des ministres le projet de loi organique qui va doter la Polynésie française d'un nouveau statut d'autonomie renforcée. Mon collègue Michel Buillard vous a demandé votre soutien, mes chers collègues, et nous ne doutons pas qu'en 2004, ce projet de loi sera adopté, à l'occasion des vingt ans de notre premier statut d'autonomie.
    Vous savez, madame la ministre, combien ce statut a été déterminant pour conduire le développement de notre collectivité en cette période particulièrement incertaine qui a fait suite au moratoire, puis à l'arrêt des essais nucléaires. Ce statut nous a permis de développer un pays situé à 18 000 kilomètres de la métropole, représentant une surface aussi vaste que l'Europe, où il fallait construire un développement adapté. Ce statut, grâce à la solidarité nationale, nous a permis de rattraper les retards d'infrastructures entre Tahiti et les archipels, mais aussi de maintenir et de renforcer la cohésion sociale et, surtout, de développer nos ressources propres pour créer et garantir les conditions d'un développement durable.
    La commission des lois - et Jérôme Bignon l'a précisé tout à l'heure à cette même tribune - a été impressionnée par le dynamisme économique de notre collectivité, et par son engagement dans la modernité, en matière tant de communications que d'environnement. Mais elle a surtout été impressionnée par la volonté farouche de notre population d'être pleinement actrice d'un développement harmonieux et durable.
    Le problème, c'est que, malgré un développement bien engagé, celui-ci reste vulnérable et fragile. Il reste encore beaucoup à faire, notamment dans le domaine de la formation, de l'éducation, du développement agricole et, surtout, du développement communal.
    M. Jean-Christophe Lagarde. C'est vrai !
    Mme Béatrice Vernaudon. Pour poursuivre ce développement, nous avons besoin que la solidarité nationale s'exerce de façon plus régulière. C'est de cela que je voudrais vous parler, madame la ministre, ici et maintenant.
    Le territoire est confronté à des difficultés financières parce que l'Etat est en retard sur ses paiements.
    M. Victor Brial, rapporteur spécial. Le précédent gouvernement n'a pas tenu ses engagements !
    Mme Béatrice Vernaudon. Je souhaiterais donc que vous apportiez des garanties en la matière.
    S'agissant de la dotation globale de développement économique, nous enregistrons un retard de 226 millions d'euros. Le territoire, pour poursuivre la politique du logement et de l'emploi que cette dotation devait assurer, a dû réduire ses dépenses et sa politique d'investissement. L'Etat s'est engagé à rattraper ses retards sur sept ans. Pouvez-vous nous le confirmer ?
    Ainsi que l'a souligné Michel Buillard, la dotation de l'Etat au fonds intercommunal de péréquation - le FIP -, qui permet le fonctionnement des communes, n'est plus versée depuis 2001. Nous avons constaté que cette dotation n'était toujours pas inscrite dans la loi de finances pour 2004. Il semblerait que l'Etat se soit engagé à l'inscrire dans la loi de finances rectificative pour 2004, et ce à hauteur de 23 millions. Pouvez-vous nous le confirmer ?
    La loi d'orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie va arriver à échéance le 31 décembre 2003, après dix ans d'exécution. Vous allez d'ailleurs, le mois prochain, mettre en place le comité de suivi de cette loi, à laquelle sont adossées le contrat de développement et d'importantes conventions. L'exécution incomplète du contrat de développement va probablement avoir pour conséquence de proroger celui-ci pour une durée d'un an. Toutefois, les domaines dans lesquels le programme a été exécuté intégralement se trouveront pénalisés durant un an s'ils sont privés de financement. Qu'en sera-t-il ?
    En matière d'éducation, secteur essentiel, nous avons encore des retards dans le programme en ce qui concerne l'enseignement professionnel et les BTS. Selon le vice-recteur, si les établissements scolaires ne sont pas équipés aux normes, les diplômes ne pourront pas être validés. Qu'en sera-t-il ?
    Pour ce qui est de la solidarité santé, le financement du régime de solidarité territoriale est actuellement assuré à hauteur de 20 % par la convention, contre 25 % au départ et alors qu'il était prévu que la contribution de l'Etat progresse jusqu'à atteindre 33 %. Aujourd'hui, nous enregistrons un retard de paiement de l'Etat de 16 millions d'euros et nous ne savons pas si la convention va être prorogée l'année prochaine alors qu'il s'agit du financement d'un régime destiné à ceux qui n'exercent pas d'activité, qui n'ont pas de revenus.
    Pour ce qui est du contrat de ville, vous avez vous-même constaté sur place, madame la ministre, la dynamique qu'elle a enclenchée dans les sept communes de l'agglomération de Papeete en matière de lutte contre la précarité et la délinquance. Il ne saurait y avoir de rupture dans ces programmes. Que se passera-t-il l'année prochaine ? Il n'est pas possible qu'il s'arrête car c'est un levier formidable pour le développement social dans les communes.
    Madame Girardin, les temps sont difficiles, mais nous avons besoin que vous interveniez avec autorité pour que les sommes dues soient payées et que les engagements de l'Etat soient tenus.
    Nous avons l'outil, la volonté, le potentiel, des ressources naturelles, mais sans la solidarité nationale nous ne pourrions que reculer, et ce serait vraiment très regrettable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour.
    M. Louis-Joseph Manscour. Monsieur le président, permettez-moi de me réjouir à mon tour que la discussion sur le projet de budget de l'outre-mer ait lieu à une heure raisonnable et non à minuit ou à une heure du matin. Je voudrais remercier le président Debré d'avoir entendu notre message.
    Madame la ministre, l'an dernier, lors de l'examen du budget, j'avais privilégié l'esprit d'ouverture qui me caractérise et laissé sa chance à un gouvernement qui proposait son premier budget. Aujourd'hui, force est de constater que les promesses budgétaires concernant votre ministère n'ont été que des effets d'annonce.
    Dans un premier temps, je dresserai un bilan d'étape de votre budget de 2003 et, dans un second, j'analyserai le projet de budget pour 2004.
    D'ores et déjà, madame la ministre, je veux vous dire que les chiffres de votre budget sont comme des sacs : ils prennent la forme de ce que l'on y met. Toutefois, vous n'arriverez pas à masquer leur contenu.
    Le budget de l'outre-mer voté l'an dernier par la représentation nationale et qui s'élevait à plus d'un milliard d'euros a subi, depuis, des annulations de crédits. Ce sont ainsi, des collègues l'ont déjà dit, plus de 90 millions d'euros et non 44 millions, comme vous l'annonciez devant la commission des lois le 15 octobre dernier, qui ont été annulés.
    Lors de cette même audition, vous déclariez que les priorités du budget de l'outre-mer pour 2004 seraient à peu près les mêmes que celles de 2003. Vous affirmez d'ailleurs donner à ces priorités des moyens importants, mais comment peut-on vous faire confiance pour 2004 au vu des annulations de crédits pour 2003 ?
    M. Jérôme Lambert. Exact !
    M. Louis-Joseph Manscour. Ainsi, après avoir annulé plus de 45 millions d'euros destinés à l'aide au logement, vous annoncez que ce secteur restera une priorité dans votre projet de budget pour 2004. Or ce poste budgétaire n'a pas progressé d'un centime d'euro. Je constate, madame la ministre, que vous avez une notion bien singulière de la notion de priorité.
    Quant aux moyens consacrés à l'emploi, autre priorité de votre projet de budget, ils ont progressé de 0,02 %, progression insignifiante pour une priorité. A cela s'ajoute une annulation de 35 millions d'euros sur le FEDOM pour 2003. On a ainsi le droit de s'inquiéter du sort réservé à la politique de l'emploi dans les DOM-TOM.
    Vous avez mis sur le compte des effets de la loi Perben, qui date de cinq ans d'ailleurs, le recul du chômage en outre-mer. Et chacun ne peut que se réjouir d'un bas niveau de chômage. Or chacun saitque cette baisse régulière du taux de chômage est due principalement au dispositif mis en place sous la précédente législature, notamment par la loi d'orientation pour l'outre-mer, dite « loi Paul ».
    Une autre de vos priorités, madame la ministre, est le soutien aux collectivités, auxquelles vous prévoyez de consacrer près de 116 millions d'euros. Cependant, si l'on analyse en détail ce chiffre, on se rend bien compte que 95 millions, soit 80 % des crédits, iront directement à la Nouvelle-Calédonie. Certes, ce territoire a besoin de ce soutien financier, mais je vous en prie, madame la ministre, ne nous dites pas que ce sont simplement les 20 % restants que vous comptez consacrer au soutien de toutes les collectivités locales d'outre mer, et ce au moment même où vous accompagnez l'évolution institutionnelle de certaines d'entre elles.
    Et quelque désireux que l'on soit de croire que vous aimez l'outre-mer, les tentatives sournoises introduites par vos amis de l'UMP pour supprimer certains avantages acquis inclinent à penser qu'il vous reste encore beaucoup de choses à faire pour convaincre vos amis avant de pouvoir nous convaincre. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Gorges. Qu'est-ce que cela veut dire ?
    M. Louis-Joseph Manscour. Le 25 septembre 2003, lors de la présentation à la presse du projet de loi de finances pour 2004, M. Francis Mer, ministre des finances, annonçait que 55 millions d'euros d'allégement des charges sociales pour les entreprises seraient financés directement sur le budget du ministère de l'outre-mer. Or, vous savez que les exonérations de charges patronales consenties aux entreprises outre-mer ont toujours été supportées par le ministère des affaires sociales. En conséquence, le budget de l'outre-mer ne connaît pas une augmentation, mais, à périmètre constant, une baisse, comme l'a démontré Jérôme Lambert.
    Compte tenu de ce que je viens de dire, vous comprendrez, madame la ministre, que je voterai contre votre projet de budget, dans lequel transparaît clairement le désengagement de l'Etat. Il ne garantit pas un véritable service public dans le cadre de la continuité territoriale. A titre d'exemple, les crédits affectés au passeport mobilité sont en baisse de 37 %,...
    M. Victorin Lurel. Hélas !
    M. Louis-Joseph Manscour. ... et une nouvelle discrimination est instaurée entre la Corse et les DOM.
    Le projet de budget de l'outre-mer, à l'instar du projet de loi de finances, n'apporte pas de réponses - ou si peu ! - aux problèmes que rencontrent quotidiennement les producteurs de bananes, les petits artisans, les commerçants, les hôteliers, les chômeurs, les retraités, les jeunes, les fonctionnaires - je m'arrête là car la liste serait trop longue à énumérer.
    Madame la ministre, vous avez déclaré que l'outre-mer doit contribuer à l'effort de maîtrise de la dépense publique. Au vu de votre projet de budget, je ne peux que confirmer vos dires : la réduction du déficit se fait au détriment du développement de nos territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Alfred Almont.
    M. Alfred Almont. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour l'outre-mer, tout comme le projet de loi de finances, vient cette année en discussion dans un contexte particulier, c'est-à-dire au moment où il nous est donné d'expérimenter le grand chantier de la décentralisation mis en oeuvre au plan national, et qui offre à l'outre-mer l'opportunité de passer d'une démarche de rattrapage à une logique de développement fondée sur la responsabilité et sur l'activité.
    Car c'est bien de cela qu'il s'agit plus que jamais. Et c'est bien parce que l'évolution des institutions ne saurait être comprise comme une fin en soi que nous attendons du budget consacré à l'outre-mer qu'il fasse écho à notre volonté de mettre en oeuvre de grands projets susceptibles d'assurer l'expansion de nos régions d'outre-mer, où le véritable enjeu demeure le développement économique et social et, plus précisément, la création d'activités et d'emplois.
    A cet égard, la lecture de ce projet de budget pour l'outre-mer laisse bien apparaître, en liaison avec le projet de loi de finances, entre autres engagements, le financement de mesures nouvelles inscrites dans la loi de programme voulue par le Gouvernement pour les quinze ans à venir en vue de créer des conditions de développement durables. Il s'agit notamment de favoriser la relance de l'investissement et d'encourager la création d'emplois en procurant aux collectivités locales, grâce à une adaptation à leur spécificité des modes de calcul de leurs dotations, des moyens nouveaux de financement qui permettront, par exemple, aux communes de réaliser leurs opérations d'adressage ou de numérotage.
    Nous attendons évidemment avec impatience, madame la ministre, la publication des décrets d'application de la loi, et nous comptons sur vous afin qu'ils interviennent le plus rapidement possible. En effet, ce sont eux qui doivent donner à ce dispositif toute son efficacité, à l'heure où l'activité économique continue de s'effondrer, et où, en dépit de cela, de nombreux acteurs se préparent à mettre en oeuvre des projets significatifs pour notre développement, sur la base de l'espoir que suscite la loi de programme. C'est en particulier le cas dans les secteurs essentiels du BTP et du tourisme.
    Je parle, bien sûr, des mesures nouvelles de la loi de programme qui relèvent du ministère de l'outre-mer, mais je n'exclus pas, car la République est une et indivisible, les dispositions de ce texte qui touchent à la défiscalisation, à l'exonération de charges sociales et à la continuité territoriale, dispositions qui relèvent, elles, de ministères techniques, tels les ministères de l'économie et des finances, des affaires sociales, de l'équipement et des transports, ou de la ville, avec lequel nous travaillons depuis déjà quelques mois, notamment pour ce qui est de l'extension de la zone franche de Fort-de-France.
    Ce débat est aussi une très bonne occasion pour nous, parlementaires d'outre-mer, de mieux sensibiliser la représentation nationale à nos réalités et à nos aspirations, à partir d'une analyse de la situation qui ne saurait se contenter de généralités ou de clichés, mais qui doit faire ressortir nos points forts, nos potentialités ainsi que nos atouts, mais aussi traduire la nature et les causes des difficultés rencontrées pour valoriser ces atouts et susciter l'attractivité au service du vrai développement.
    Ces difficultés s'appellent, nous le savons, décroissance, chômage et exclusion, avec pour conséquence un PIB de l'ordre de 55 % du PIB moyen national, un taux de couverture ridiculement bas, de l'ordre de 12 %, et une politique sociale qui, malheureusement, ne trouve pas encore d'assise dans notre économie.
    C'est pourquoi le Gouvernement doit chercher autant que possible à créer une synergie, pour que, en complément des moyens de votre ministère, qui réprésentent, madame la ministre, 14 % des dépenses consacrées à l'outre-mer, soient clairement mis en évidence les autres dispositifs et financements, ministère technique par ministère technique. Cela permettrait de traduire fidèlement - en particulier aux yeux de l'opinion publique - les grandes orientations, parfaitement justifiées, qui sont mises en oeuvre au profit des régions défavorisées de la nation que sont les régions d'outre-mer. Cela permettrait également que ces orientations ne fassent plus l'objet de certains types de discours, voire de certaines manoeuvres - je pense notamment à des mesures proposées ici même, tout récemment, pour assurer le financement de la continuité territoriale ou pour supprimer cette subvention à l'investissement que constitue la récupération de la TVA -, démarches réductrices dont les auteurs ne mesurent pas toujours, hélas ! les conséquences ou les incompréhensions qui peuvent en résulter.
    Car les orientations qui sont maintenant les vôtres et celles du Gouvernement ne font que répondre à nos demandes récurrentes de nous procurer les moyens d'une économie plus autonome. Elles correspondent d'ailleurs à des engagements pris par le Président de la République au nom de la solidarité et de la cohésion.
    Je veux souligner, madame la ministre, le rôle essentiel de coordination et d'impulsion qui est le vôtre au sein du Gouvernement et vous rendre hommage pour l'action déterminante que vous conduisez avec vos collaborateurs pour la défense des intérêts de nos régions d'outre-mer et pour la promotion de leur expansion au sein de la République.
    Nul doute que l'outre-mer apparaît de ce fait comme une priorité, et ce dans un contexte budgétaire particulièrement difficile pour la France. Vous affichez, au travers de ce projet de budget que j'ai pris soin d'examiner ligne par ligne, une volonté de renforcer les moyens consacrés à l'emploi dynamique dans le secteur marchand - c'est une réalité - ainsi qu'à la formation professionnelle et à l'insertion, qui constituent, toujours et plus que jamais, des priorités. A cela s'ajoute, ce qui n'est pas négligeable, le fait que ce projet accorde une large place aux subventions d'investissement.
    Malgré une baisse significative sur les douze derniers mois aux Antilles, notamment chez les jeunes et les chômeurs de longue durée, le taux de chômage reste encore élevé. Vous avez bien tenu compte du fait que le dynamisme démographique propre à l'outre-mer, malgré un niveau sensible de créations d'emplois, nécessite, au nom du pragmatisme, le maintien d'un volume d'emplois aidés supérieur à celui que l'on rencontre en métropole, en attendant, bien entendu, que les effets de la relance de l'investissement suscitée par la loi de programme favorisent la diminution du taux de chômage et l'amélioration de l'insertion des publics prioritaires.
    Concernant les emplois-jeunes, je me réjouis de ce que le dispositif spécifique dérogatoire mis en place l'an dernier pour assurer la sortie de cette catégorie ait pu être reconduit en 2004.
    Je salue l'effort budgétaire en faveur du logement social et pour la résorption de l'habitat insalubre qui se voit, quant à elle, renforcée par des mesures concrètes visant à simplifier les procédures et à faciliter l'accession à la propriété. Le logement social constitue, nous le savons, un volet essentiel de la lutte contre l'exclusion, l'objectif étant que l'offre de logements réponde aux besoins liés à la croissance démographique ainsi qu'à une meilleure qualité de vie.
    Je voudrais enfin me réjouir que le projet de budget pour 2004 prévoie d'accroître le soutien aux actions de coopération régionale en renforçant le financement des fonds prévus à cet effet. Vous savez à quel point la coopération, par les accords d'entreprises qu'elle est de nature à susciter, peut constituer un bon instrument du développement économique.
    Le budget pour 2004, adossé aux mesures prises dans le cadre de la loi de programme, répond donc, dans la cohérence et la continuité, au défi du développement, pour libérer l'activité par la relance de l'investissement. C'est bel et bien sur le terrain économique et social que se jouera l'avenir de régions où la croissance économique ne repose aujourd'hui que sur une politique de transferts sociaux. Nous ne la rejetons pas, car elle est l'expression de la solidarité nationale, mais cette politique ne sert pas vraiment notre développement dans la mesure où la quasi-totalité des sommes transférées revient à la métropole par le jeu de la consommation de denrées qui en proviennent de manière exclusive.
    La loi de programme, tout comme la loi de décentralisation, vient heureusement ajouter à ces transferts sociaux des transferts de moyens de développement qu'il nous sera donné d'expérimenter dès 2004.
    Dans ces conditions, madame la ministre, je soutiens votre démarche et je voterai ce projet de ce budget, parce qu'il s'applique à répondre à nos besoins et à nos aspirations, qu'il est réaliste et cohérent avec l'action de l'Etat pour garantir un développement économique et social durable pour l'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Philippe Edmond-Mariette.
    M. Philippe Edmond-Mariette. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est en homme de terrain que je veux débuter mon intervention sur ce projet de budget. Je veux, en préambule, affirmer la place qu'occupe l'humain. Celui-ci doit demeurer au coeur de toutes nos problématiques, singulièrement celles de la jeunesse ultramarine sur quelque rive qu'elle se trouve, qu'il s'agisse de sa terre de naissance ou de l'Hexagone.
    Il n'est pas habituel d'évoquer ici la situation de nos compatriotes vivant dans l'Hexagone. Cependant, dans un contexte budgétaire difficile, il nous faut également construire pour eux la solidarité nationale, car ils sont de plus en plus souvent exclus, ici et même quelquefois de retour chez nous.
    Vous avez affirmé, madame la ministre, vouloir mettre en place d'ici à la fin de l'année un système permettant de recueillir l'avis de nos frères et soeurs qui vivent en France sur le référendum relatif à notre évolution statutaire. Cette initiative est heureuse, car nous étions soucieux de prendre leurs pouls et d'entendre leurs voix. Ce faisant, c'est aussi une manière de les sortir de l'isolement qu'ils subissent, singulièrement renforcé par les tarifs prohibitifs pratiqués par les compagnies aériennes. Il nous faut d'ailleurs régler cette question et permettre aux exécutifs d'outre-mer d'être présents à la table de prise de décision des compagnies aériennes. Nos régions ont besoin de modèle. Car notre identité plurielle, riche de multiples apports, constitue la colonne vertébrale d'hommes et de femmes qui ont aujourd'hui rendez-vous avec leur histoire.
    Nous devons, au moment où s'ouvre le débat sur l'avenir des images ultramarines, faire en sorte que disparaissent les icônes, que les nouveaux exemples consolident notre fierté de domien, nourrie par une télévision de proximité qui conjugue nos racines et notre ouverture au monde. Ce dossier est aujourd'hui une priorité. En le réglant avec intelligence et humanité, nous jetterons également un autre pont vers la politique touristique que nous appelons tous de nos voeux et dont partie a pris forme dans la loi de programme.
    Si votre volonté de poursuivre dans la voie tracée m'invite, madame la ministre, à mieux relire votre budget, je demeure toutefois une sentinelle vigilante.
    D'abord, je tiens à rappeler que le combat pour l'emploi constitue une priorité absolue. Certes, les crédits du FEDOM sont importants, mais ils font l'objet d'une telle globalisation que les statistiques sont parfois trompeuses, la suppression des emplois jeunes aboutissant cette année à condamner au chômage une partie des plus jeunes de nos concitoyens. L'innovation constituée par la continuité territoriale est une bonne mesure, mais son financement ne doit prêter à aucune discussion, ni être remis en cause annuellement, et ce d'autant, madame la ministre, qu'il est constitué pour partie de notre propre effort, la charge pesant pour une bonne part sur la contribution des passagers qui entrent et qui sortent de nos régions.
    Pour autant, à cette heure, des craintes très sérieuses pèsent sur le financement de la continuité territoriale, certains allant même jusqu'à considérer que son mode de financement court un risque sérieux d'inconstitutionnalité.
    Le danger est réel. L'exprimer, c'est mettre en relief la criante inégalité entre la dotation accordée aux 200 000 habitants de la Corse, nourrie par les crédits du ministère de l'intérieur, et le dispositif, soixante fois inférieur, réservé à l'outre-mer pour près de 2 400 000 habitants.
    Madame, il faut que la ligne budgétaire de la continuité territoriale soit sécurisée et sanctuarisée. Mieux, son enveloppe doit être augmentée. Ce ne serait que justice.
    La mise en place du passeport mobilité n'a pas réglé la question de nos étudiants qui viennent en Europe. Il manque notamment une solution s'agissant du logement, tant pour eux que pour les jeunes stagiaires domiens. Les difficultés insurmontables qu'ils rencontrent provoquent de véritables drames humains lorsqu'ils arrivent dans l'Hexagone, certains le bac en poche, tous l'espoir au coeur, valise en main, mais dans la rue. Madame, je souhaite connaître vos propositions sur cette douloureuse question.
    Je voudrais évoquer maintenant la question du transfert de compétences de nos collectivités. Il est indispensable que soit créée une commission d'évaluation des transferts de compétences, parce que nos collectivités, endettées sous le poids de l'aide sociale, disposent d'un faible potentiel fiscal, raison majeure pour que nous soyons à vos côtés afin de défendre l'octroi de mer et sa nouvelle écriture qui doit être pérenne et compatible avec la rigueur des commissaires de Bruxelles.
    Concernant les relations interministérielles, il est nécessaire d'assurer, rue Oudinot, une veille financière, car s'il est exact que plusieurs lignes de financement pour l'outre-mer se retrouvent au sein des budgets d'autres ministères, il convient que les arbitrages de consolidation et de distribution ne fassent pas des régions ultramarines le parent pauvre ou la Cosette de misérables euros non consommés par eux.
    Sur l'épineuse question de l'environnement, la réduction des moyens affectés à la lutte contre les pollutions agricoles nous interpelle. Nous connaissons les dangers que les pesticides utilisés dans l'agriculture font courir à l'environnement et surtout à la santé humaine. Pourtant, les mesures prises par le Gouvernement sont dans ce domaine insuffisantes, ce qui ne manque pas de nous inquiéter.
    Madame la ministre, nous partageons avec vous la volonté de remplacer la politique d'assistanat ou de main tendue par une politique empreinte de dignité, faisant appel à l'obligation de solidarité d'une France dont la richesse est plurielle et dont une part a, de tout temps, été puisée outre-mer.
    Mais les attaques nourries de ces derniers jours nous inquiètent. Personnellement, madame la ministre, je crois en votre parole. Mais quel poids pèse-t-elle quand la solidarité du Gouvernement s'évanouit, comme samedi matin, dans un « je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée » ? Car alors le doute s'installe.
    Enfin, je vous invite à lever une hypothèque. Vous ne pouvez pas, madame, laisser au soir du 7 décembre quatre populations - celles de Saint-Barthélemy, Saint-Martin, la Guadeloupe et de la Martinique - accrochées aux murmures de vos lèvres pour connaître la suite qui leur sera réservée.
    Votre formule prétorienne d'une large participation, si nous la comprenons et si elle peut se justifier pour mobiliser l'ensemble du corps électoral, mérite d'être précisée avant le 24 novembre : sous quelle forme notre oui sera-t-il entendu ? Ne pas répondre avant, c'est nous renvoyer - n'y voyez aucune injure - à la seule parole du maître, comme il y a très longtemps. Napoléon, à l'époque Bonaparte, ayant pris femme chez nous, n'avait-il pas déclaré : « Ma décision est prise, faites entrer les juristes » ? Désormais, nous voulons dire qu'ensemble, nous ne subirons plus l'avenir de nos outre-mer, mais nous le constuirons à hauteur de femmes et d'hommes partenaires du même pacte républicain dans une fraternelle égalité. Puisse votre budget 2004 y contribuer. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
    M. le président. La parole est à M. Pascal Clément.
    M. Pascal Clément. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, mon intervention aurait certainement été plus à sa place en début de débat, mais l'emploi du temps de la commission des lois ne l'a pas permis. Il n'y a pas que les élus d'outre-mer qui s'intéressent à l'outre-mer, toute la France se sent concernée mais je souhaiterais, au nom de la commission des lois, rappeler à ceux qui ne suivent pas habituellement ces questions, l'incroyable chance qu'à la France d'avoir des départements et des collectivités d'outre-mer.
    M. Victorin Lurel. Très bien.
    M. Mansour Kamardine. Enfin ! Nous attendions depuis longtemps !
    M. Pascal Clément, Voilà la raison pour laquelle je suis monté ce soir à la tribune. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    Sans faire un catalogue à la Prévert, je souhaiterais rappeler certaines réalités, non point pour vous, mes chers collègues de l'outre-mer, mais pour ceux qui nous liront peut-être.
    Mme Christiane Taubira. Il fallait le dire avant.
    M. Pascal Clément. Les dix collectivités d'outre-mer, réparties dans trois océans, couvrent une superficie émergée plus étendue que celle de l'Hexagone : 560 000 kilomètres carrés. La zone économique exclusive est extraordinaire : 10,9 millions de kilomètres carrés, contre seulement 34 000 pour la métropole. La population domienne et tomienne, qui compte 2,3 millions de personnes, et même 3 millions si l'on prend en compte les 800 000 personnes qui vivent en métropole, est une population jeune, surtout si on la compare à celle de la métropole. La moitié des Polynésiens, je le rappelle, chère madame Vernaudon, a moins de vingt ans.
    M. Victorin Lurel. Vous vous trompez sur le chiffre de la métropole.
    M. Pascal Clément. La jeunesse de sa population, l'étendue de son territoire, l'existence de la zone économique exclusive constituent une première richesse. Mais là n'est pas l'essentiel.
    L'outre-mer représente également un immense potentiel en termes de ressources naturelles. La zone économique s'étend jusqu'aux 200 milles marins, ce qui est loin, et la ressource halieutique est considérable. Nous avons des ressources minières et d'hydrocarbures. Prenons le nickel. Ayant conduit la mission qui s'est rendue en Nouvelle-Calédonie, sur laquelle M. Jérôme Bignon vous a relaté, avec talent, quelques épisodes, je voudrais réaffirmer notre souhait que les deux nouvelles usines de nickel, celle de la province nord et celle de la province sud, soient bien réalisées, dans l'intérêt de la Nouvelle-Calédonie et de toute la France. Nous avons des hydrocarbures à Saint-Pierre-et-Miquelon, mais également en Nouvelle-Calédonie, et la zone économique se révèle prometteuse sous ce rapport. Nous avons de l'or, en Guyane,...
    M. Victor Brial, rapporteur spécial. C'est un véritable cours de géographie.
    M. Pascal Clément. ... mais aussi du chrome, du cobalt, du fer, du cuivre, du plomb, du zinc, du jaspe.
    M. Victor Brial, rapporteur spécial. Du manganèse !
    M. Victorin Lurel. Des perles aussi ! (Sourires.)
    M. Pascal Clément. Il est important de les rappeler aux Français.
    La faune et la flore y sont extrêmement diverses. Nous avons des réserves sur plus de 7 000 hectares à la Réunion, des forêts tropicales en Guyane - le plus vaste et le plus forestier des départements français - et des lagons paradisiaques, tant à Mayotte qu'en Calédonie, où se trouve la plus grande barrière de corail du monde. Et je n'oublie pas la diversité de nos archipels polynésiens.
    Chaque collectivité, avec ses particularités, offre à la France de larges possibilités de recherche scientifique. A la Réunion, dois-je rappeler que nous avons le laboratoire volcanologique du Piton-de-la-Fournaise et le centre météorologique de Saint-Denis qui fonctionne à l'avantage de tout l'océan Indien, n'est-ce pas mon cher collègue André Thien Ah Koon. En Guyane, la base de Kourou permet, depuis 1964, à la France et à l'Europe d'être présents sur le marché de la technologie spatiale. Enfin, nous avons les îles Kerguelen et la terre Adélie, qui font partie des Terres australes et antarctiques françaises et qui abritent les programmes scientifiques conduits par l'Institut français pour la recherche et la technologie polaires.
    Surtout, la France occupe, grâce à l'ensemble des collectivités d'outre-mer, une place stratégique dans le monde. C'est sans doute grâce à vous que nous occupons encore une place de membre permanent au Conseil de sécurité.
    En tout cas, notre expérience dans le monde tient sûrement à leur existence.
Nous sommes présents dans les trois océans, l'Atlantique, le Pacifique et l'Indien. Seuls les Etats-Unis, je le rappelle, disposent d'un domaine ultramarin d'une taille comparable. La présence française dans le Pacifique, hier avec le bataillon du Pacifique, est particulièrement importante encore aujourd'hui. La France est la seule puissance européenne riveraine du Pacifique grâce à Wallis, à la Polynésie et à la Nouvelle-Calédonie. Or, tous les experts le reconnaissent - les experts économiques mais aussi les experts en risques -, l'avenir du monde, au vingt et unième siècle, risque de se jouer dans cette zone Asie-Pacifique.
    L'outre-mer est également un fantastique vecteur de promotion pour la francophonie. Je pense à la Nouvelle-Calédonie, à quelques heures d'avion de la Nouvelle-Zélande, mais aussi à l'ensemble de nos départements proches des Etats-Unis d'Amérique.
    J'aimerais enfin souligner - c'est le dernier point, auquel je suis particulièrement attaché - que l'outre-mer offre l'opportunité à la France de vivre en grandeur nature un défi que nous n'arrivons pas à assumer dans l'Hexagone, le défi du multiculturalisme. J'ai évoqué précédemment la richesse économique et stratégique. Mais pour moi, la principale richesse de l'outre-mer pour la France, c'est la richesse culturelle et politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Cet avantage culturel est dû au fait que, tous les jours, les départements et les collectivités d'outre-mer relèvent le défi du multiculturalisme. Il suffit de s'y rendre pour le constater. Les collectivités d'outre-mer ne sont pas des reliques du passé, et encore moins les confettis de l'histoire coloniale. Au contraire, elles permettent à la France de vivre, au quotidien, les questions de demain, que tout le monde se pose en Europe. Je pense que c'est une chance tellement forte qu'il faudrait envoyer beaucoup de métropolitains outre-mer pour leur faire voir combien on peut vivre heureux ailleurs, avec une identité renforcée, tout en restant français.
    Cette chance inouïe, cette chance formidable, la France est le seul pays à l'avoir. C'est surtout cela que je voulais dire bien que je sache, madame la ministre, que vous n'avez pas besoin de moi pour le savoir. Mais au-delà de vous, je voulais le rappeler à tous les Français qui, à travers nous, votent un budget qui coûte tellement peu par rapport à ce que l'outre-mer nous rapporte en termes humains et culturels.
    Mme Christiane Taubira. Merci !
    M. Pascal Clément. L'outre-mer représente pour la France une ouverture exceptionnelle sur le monde et un facteur indéniable de notre rayonnement international.
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Très juste !
    M. Pascal Clément. Le paradoxe est que les Français n'en ont peut être pas conscience. C'est pourquoi je souhaitais prendre la parole.
    L'outre-mer n'est pas un poids hérité du passé : c'est une chance formidable pour l'avenir de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Mansour Kamardine. Puissiez-vous être entendu par la commission des finances !
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

7

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004, n° 1093 :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 1110).
    Outre-mer (suite) :
    - Départements et régions d'outre-mer :
    M. Alain Rodet, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 34 du rapport n° 1110) ;
    M. Didier Quentin, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (tome VII de l'avis n° 1115) ;
    - Collectivités d'outre-mer à statut particulier et Nouvelle-Calédonie :
    M. Victor Brial, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 35 du rapport n° 1110) ;
    M. Jérome Bignon, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (tome VIII de l'avis n° 1115) ;
    - Outre-mer :
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome XVI de l'avis n° 1112).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT