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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU SAMEDI 25 OCTOBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du vendredi 24 octobre 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT

1.  Loi de finances pour 2004 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

ÉCOLOGIE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE «...»

M. Philippe Rouault, rapporteur spécial de la commission des finances.
M. Christophe Priou, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
MM.
Gilles Artigues,
François Asensi,
Mmes
Nathalie Kosciusko-Morizet,
Geneviève Perrin-Gaillard,
MM.
Lionnel Luca,
Jean-Paul Chanteguet,
Yves Cochet,
Didier Quentin,
Philippe Tourtelier,
Jean-Pierre Blazy.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable.

PRÉSIDENCE DE Mme HÉLÈNE MIGNON

Mme la ministre.
Réponses de Mme la ministre et de Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable, aux questions de : MM. Gilles Artigues, François Asensi, Gilbert Biessy, Emile Blessig, Patrice Martin-Lalande.

Etat B
Titres III et IV. - Adoptions «...»
Etat C
Titres V et VI. - Adoptions «...»
Suspension et reprise de la séance «...»
ÉQUIPEMENT ET TRANSPORTS «...»
AVIATION CIVILE

M. Hervé Mariton, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l'équipement et les transports terrestres.
M. François-Michel Gonnot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'équipement et les transports terrestres.
M. Jean-Yves Besselat, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la mer.
M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les transports aériens.
Mme Odile Saugues, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, pour les transports aériens.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

LOI DE FINANCES POUR 2004
DEUXIÈME PARTIE
Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n°s 1093, 1110).

ÉCOLOGIE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE

    M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'écologie et du développement durable.
    La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Philippe Rouault, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre de l'écologie et du développement durable, mes chers collègues, le projet de budget de l'écologie et du développement durable qui nous est présenté traduit à bien des égards deux exigences aujourd'hui fondamentales : la mise en oeuvre d'une discipline de la dépense pour tenir nos engagements, et l'objectif que s'est fixé l'Etat avec, comme principal chef de file, le ministère de l'écologie et du développement durable, de faire du développement durable, non plus un discours moral ou une représentation, mais une volonté traduite dans toute politique.
    En effet, pour 2004, le budget consacré à l'écologie et au développement durable atteindra 856 millions d'euros en crédits de paiement, soit une progression de 11,45 % par rapport à 2003. Pour prévenir d'emblée d'éventuelles protestations, il me faut préciser que cette progression tient compte de l'intégration dans le budget général du FNSE, le Fonds national de solidarité pour l'eau, qui constituait un compte spécial du Trésor.
    Pour autant, hors changement de périmètre, la hausse des moyens de paiement du budget du ministère de l'écologie et du développement durable pour 2004 s'élève à 2,7 % compte tenu de l'ensemble des transferts provenant d'autres ministères. Quant aux moyens d'engagements, ils dépasseront le milliard d'euros en 2004, soit une augmentation de 1,57 % par rapport à l'an dernier.
    De tels crédits permettront de poursuivre les politiques menées par le ministère en faveur d'une écologie humaniste et du développement durable.
    M. Jean-Pierre Blazy. Que c'est beau !
    M. Philippe Rouault, rapporteur spécial. Il m'importe de souligner que ce budget est marqué du sceau de la sincérité, principe essentiel et inhérent à une gestion optimale et transparente du budget de l'Etat.
    L'exhaustivité, la cohérence et l'exactitude des informations financières fournies par l'Etat sont, à plus d'un titre, présentes dans ce budget, tout comme la crédibilité. Ainsi, contrairement aux budgets présentés sous la précédente majorité,...
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Parlons-en !
    M. Philippe Rouault, rapporteur spécial. ... les moyens de paiements se rapprochent des moyens d'engagement.
    Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Eh oui !
    M. Philippe Rouault, rapporteur spécial. Ainsi, dans le budget de 2002, le différentiel entre les moyens d'engagement et de paiement avait atteint 284 millions d'euros, ce qui mettait réellement en danger la crédibilité des finances du ministère. En 2003, cet écart a commencé d'être réduit, pour être ramené à 222 millions d'euros. Pour 2004, le différentiel entre les moyens d'engagement et les moyens de paiement tombera à 150 millions d'euros. Je tenais à le souligner.
    Autre élément mettant en exergue la démarche de transparence voulue par le ministère de l'écologie et du développement durable et, plus globalement, par le Gouvernement : l'intégration du Fonds national de solidarité pour l'eau, qui représente 83 millions d'euros. Elle traduit un souci de lisibilité du budget de l'écologie et du développement durable. J'ajoute que les observations émises par les parlementaires lors du débat budgétaire de l'an passé ont été prises en compte.
    D'une part, il était nécessaire de s'attacher à une réflexion sur l'objet et sur le format du compte d'affectation spéciale consacrée au FNSE. Les taux de consommation des crédits affectés à ce fonds avaient été trop longtemps faibles. En effet, on avait observé que les taux de consommation des crédits disponibles en 2000 et en 2001 avaient été respectivement établis à 28 %. En 2003, le FNSE consomme le report.
    D'autre part, il était clairement apparu qu'une réflexion devait être menée sur les modalités d'organisation des relations financières entre les agences de l'eau et le Fonds national de solidarité pour l'eau.
    Si le vote annuel d'un prélèvement avait le grand mérite de constituer un arbitrage politique national concernant la répartition des crédits dans un domaine où il existe des impositions de toute nature recouvrées sans l'autorisation du Parlement, il ne semblait cependant n'assurer de visibilité financière pluriannuelle à aucun des deux acteurs concernés. Le FNSE devait aller vers une nécessaire budgétisation. C'est chose faite aujourd'hui et nous ne pouvons que vous en féliciter, madame la ministre.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Merci !
    M. Philippe Rouault, rapporteur spécial. Le budget pour 2004 va donc permettre la consolidation et, surtout, l'optimisation des actions du ministère de l'écologie et du développement durable, tout comme la poursuite de la mise en oeuvre des priorités du Gouvernement en matière environnementale.
    La première de ces priorités consiste à prévenir les risques naturels et technologiques : risques d'inondation, d'incendie ou risques industriels.
    Il me semble indispensable d'améliorer encore les procédures en vigueur afin de mieux prévenir les inondations et de protéger efficacement les milieux aquatiques. Cette action prioritaire se traduit par le plan de prévention des inondations et par le renforcement du dispositif d'annonce des crues.
    Tout logiquement, et je m'en réjouis, le budget consacré aux inondations est en croissance, avec 61,7 millions d'euros d'engagement, alors qu'il ne s'agissait que de 49,4 millions d'euros en 2003, soit une augmentation de 25 %, et surtout avec 35,6 millions d'euros de moyens de paiement, contre 20,4 millions d'euros en 2003, soit une augmentation de 75 %.
    Quant aux autres risques naturels, comme les incendies de forêt ou les glissements de terrain, les moyens engagés restent constants à hauteur de 7,52 millions d'euros, ce qui permet de poursuivre la politique axée sur les plans de prévention des risques et l'information du public.
    Il faut aussi préciser que sera mobilisé le fonds Barnier. En effet, la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels élargit les conditions de mobilisation de son utilisation. Doté de 80 millions d'euros de réserves, le fonds peut dorénavant financer l'acquisition de maisons fortement endommagées et de leur terrain d'assiette, notamment afin de délocaliser les populations les plus exposées.
    De même, cette loi a prévu des dispositions importantes s'agissant des 670 établissements classés « Seveso » à haut risque. Ces dispositions portent à la fois sur l'élaboration de plans de prévention des risques technologiques et sur la création de comités locaux d'information et de concertation.
    Le budget pour 2004 intègre le financement de ces mesures pour la prévention des risques technologiques. Les crédits consacrés à cette prévention augmentent de 27 % pour atteindre 6,95 millions d'euros en moyens de paiement et 13,87 millions d'euros en moyens d'engagement. A ces moyens, on ajoutera le budget de l'INERIS qui, lui, augmente de 29 % avec 29,54 millions d'euros, augmentation en phase avec les missions confiées à l'INERIS en matière de recherche sur la sécurité technologique, notamment en ce qui concerne l'harmonisation des études de dangers.
    S'agissant toujours du pan prioritaire du budget relatif à la prévention des pollutions et des risques, il me faut évoquer la reconduction des moyens budgétaires de l'IRSN, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, qui s'élèvent à 235 millions d'euros. Cette reconduction de crédits permettra à l'IRSN d'organiser son fonctionnement et de poursuivre la réalisation des programmes pluriannuels en incluant le redéploiement d'une partie des dépenses de ses établissements d'origine pour adapter les activités de recherche et d'expertise aux actions engendrées par les nouvelles normes européennes.
    Quant aux actions en faveur de l'élimination des déchets et des nuisances et de maîtrise de l'énergie, l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, dispose, cette année, d'une capacité d'engagement de 167 millions d'euros auxquels s'ajoutent 31 millions d'euros en provenance des ministères de l'industrie et de la recherche. Les moyens de paiement sont fixés à 71 millions d'euros compte tenu des recettes attendues pour 2004.
    Plus exactement, afin d'intégrer la nouvelle politique concernant les déchets fondée sur leur réduction à la source, la protection de l'environnement et de la santé, la valorisation et le recyclage ainsi que l'adaptation des capacités aux besoins, l'ADEME disposera de 70 millions d'euros d'autorisations de programme sur le budget du ministère de l'écologie et du développement durable, pour accompagner en 2004 les études ou investissements correspondant à ces orientations. Il faut également noter la progression des subventions d'investissement accordées par l'Etat à l'Agence pour ses interventions dans le domaine des déchets ménagers en 2004 : les crédits passent de 27,68 millions d'euros à 28,17 millions d'euros, soit une légère hausse de 1,77 %.
    La maîtrise de l'énergie est dotée de 61 millions d'euros d'autorisations de programme sur le budget du ministère de l'écologie et du développement durable, soit un montant identique à celui de 2003.
    Permettez-moi, madame le ministre, d'insister sur les efforts que la France doit effectuer en matière d'énergies renouvelables pour lutter contre l'effet de serre.
    L'évidence est criante, mais l'ampleur du phénomène est-elle perçue par tous ? Les chiffres sont pourtant là : nous émettons 6 milliards de tonnes de carbone chaque année quand nous devrions n'en émettre que 3 milliards pour respecter les capacités d'absorption de notre planète. En outre, au rythme actuel de développement, ce n'est pas 6 mais 10 milliards de tonnes que nous rejetterons dans l'atmosphère dans vingt ans !
    Les engagements pris à Kyoto en décembre 1997 nous imposent de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre en France d'ici à 2050. Pour atteindre cet objectif, tous les moyens doivent être mobilisés : maîtrise de la consommation, innovation technologique, développement des énergies renouvelables.
    En 1973, la consommation d'énergie primaire s'élevait à 180 millions de tonnes d'équivalent pétrole. Presque trente ans plus tard, en 2002, alors que la notion de développement durable était censé s'imposer, notre consommation d'énergie primaire s'élevait à 275 millions de tonnes. Elle avait progressé de 95 millions de tonnes, soit de 50 %.
    Pendant la même période, la part des énergies renouvelables a progressé de 14 millions à 20 millions de tonnes, soit une progression de 6 millions. Dès lors, la promotion des énergies renouvelables devrait être à mon sens plus favorisée au sein du budget de l'écologie et du développement durable.
    Enfin, l'agrégat consacré à la prévention des pollutions et des risques intègre le plan national de lutte contre le bruit, considéré comme une nuisance majeure par près de la moitié des Français. En effet, les crédits nécessaires à la réalisation de l'insonorisation sont d'ores et déjà inscrits dans le projet de budget pour 2004 du ministère de l'écologie et du développement durable. Ainsi, des moyens de paiement de plus de 9 millions d'euros, accusant une hausse de 170 %, permettront de mettre en oeuvre dès le début de l'année 2004 des mesures concrètes.
    Autre priorité : la protection de la nature et la lutte pour la biodiversité et le patrimoine naturel.
    Permettez-moi, madame la ministre, de souligner combien votre volonté de mise en valeur et, le cas échéant, de reconquête du patrimoine paysager français dans son ensemble, sans que votre action soit limitée à la protection des sites exceptionnels, me satisfait. En effet, les paysages intéressent tous les Français et leur approche ne doit pas seulement être une affaire d'expert.
    En outre, votre projet de budget traduit parfaitement le fait que la constitution du réseau Natura 2000 soit érigée en axe essentiel de la politique du patrimoine naturel. C'est ainsi que 18 millions d'euros sont prévus pour 2004 en sa faveur. Ces moyens correspondent aux besoins nécessaires à l'animation des sites, à l'achèvement des quelque 700 documents d'objectifs en cours d'élaboration, ainsi qu'à la mise en oeuvre par des contrats Natura 2000.
    A ces crédits s'ajoutera, dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, la mesure d'exonération fiscale de la taxe foncière sur le non-bâti, portant sur les propriétés situées en zone Natura 2000 et qui font l'objet d'un contrat de gestion conforme au document d'objectifs du site.
    Le soutien aux politiques environnementales n'est pas en reste ; il est mis en oeuvre grâce aux 3 564 emplois budgétaires. Les actions visant à conforter la place de l'écologie et du développement durable dans le débat interministériel, à asseoir la capacité du ministère en matière de conception et d'expertise et à garantir sa présence sur le terrain sont assurées pour 2004. Les crédits affectés à la mobilisation des moyens humains et de fonctionnement du ministère s'élèvent à 231 millions d'euros, en progression de 6 % par rapport à 2003. Les effectifs du ministère enregistrent une augmentation de 88 emplois - soit 2,5 % - dont les affectations correspondent logiquement aux actions prioritaires. Ainsi, cent emplois supplémentaires seront consacrés à l'inspection des installations classées pour ses missions de prévention des risques industriels. La moitié de ces emplois correspondent à des créations, l'autre moitié à des transferts du budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
    Le commissaire aux finances que je suis apprécie particulièrement que, dans une région aux enjeux environnementaux complexes couvrant la totalité du champ des politiques du ministère, la direction régionale de l'environnement Midi-Pyrénées se soit portée volontaire pour expérimenter, dès 2004, certaines dispositions de la loi organique relative aux lois de finances. Les crédits concernés par cette expérimentation s'élèveront à 9,1 millions d'euros pour les dépenses ordinaires et crédits de paiement, et à 7 millions d'euros pour les autorisations de programme. Cette expérimentation permettra de valider la structuration du programme du ministère, de mettre au point la gestion d'un budget opérationnel et de tester la fongibilité des crédits déconcentrés du programme du ministère de l'écologie et du développement durable. D'après les informations que j'ai pu recueillir auprès du ministère, les crédits relatifs à l'environnement pourraient être regroupés en trois actions : les sécurités et pollutions, l'eau et le patrimoine naturel, le développement durable. A ces actions s'ajouterait une fonction dite de « support ». Je pense cependant qu'il serait opportun de séparer l'eau et le patrimoine naturel dans deux actions distinctes, afin d'assurer une bonne lisibilité budgétaire des interventions de votre ministère.
    En somme, mes chers collègues, le projet de budget de l'écologie et du développement durable pour 2004 que j'ai l'honneur de vous présenter, a le mérite non seulement d'affirmer le sens et la portée de l'autorisation parlementaire, mais aussi de contribuer à la réforme de l'Etat, un Etat dont le rôle ne doit pas être de normer les actions, mais plutôt d'éclairer, de montrer la direction et d'aider les initiatives à se développer.
    Enfin et surtout, le projet de budget est animé par le souci du développement durable, puisque les priorités qu'il affiche expriment un esprit de responsabilité, de cohérence et de solidarité tant entre les territoires qu'entre les générations et entre les peuples.
    M. Jean-Pierre Blazy. Baratin !
    M. Philippe Rouault, rapporteur spécial. La commission des finances a émis un avis favorable sur le budget de l'écologie et du développement durable. Je vous invite bien évidemment à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
    M. Christophe Priou, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, le budget de l'écologie et du développement durable s'inscrit, nous le savons, dans un contexte économique difficile. La croissance des moyens octroyés aux politiques environnementales n'en est que plus appréciable.
    Certes, une part de cette augmentation s'explique par la budgétisation de l'ancien Fonds national de solidarité pour l'eau. Mais si l'on raisonne à périmètre budgétaire constant, on constate que le budget de l'environnement progresse de 2,7 %, hors transferts, ce qui est tout à fait satisfaisant.
    Je note néanmoins que cette croissance est inégalement répartie entre les agrégats budgétaires,
    A l'évidence, c'est la politique de l'eau qui sort des arbitrages budgétaires avec les honneurs. En raison de la budgétisation du FNSE, l'intégralité des 83 millions d'euros issus du prélèvement de solidarité opéré sur le budget des agences de l'eau lui est affecté, contrairement à l'année dernière.
    Ces moyens renforcés profitent en premier lieu à la poursuite du plan de prévention des inondations et à la réforme du système d'annonce des crues, conformément aux engagements de Mme la ministre. Ils permettent également de doter le fonds POLMAR de 700 000 euros, pour lui permettre de faire face à des pollutions ponctuelles qui ne nécessitent pas la mise en oeuvre du plan POLMAR lui-même, ce qu'il faut évidemment saluer.
    Je dois cependant, madame la ministre, vous faire part de quelques remarques.
    En premier lieu, si, pour 2004, l'intégralité du prélèvement opéré sur les agences de l'eau est versée au budget de l'environnement et profite ainsi à la politique de l'eau, nous n'avons aucune assurance que tel sera le cas à l'avenir. Rien ne s'oppose, en effet, à ce que l'affectation de ce prélèvement au budget général de l'Etat profite, au gré des arbitrages, à d'autres politiques que celle de l'eau. Or, doit-on le rappeler ? - ce prélèvement est alimenté par les redevances acquittées par les usagers de l'eau. Il faudra donc que la représentation nationale se montre particulièrement attentive, lors de l'examen des futurs projets de loi de finances, à ce que « l'argent de l'eau revienne à l'eau ». Vous pourrez compter sur notre soutien, madame la ministre, pour veiller à ce que le prélèvement de solidarité pour l'eau ne soit pas dévoyé.
    En second lieu, je souhaite évoquer plus amplement la lutte contre les pollutions marines, pour saluer la récente décision du Gouvernement de présenter au Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures - le FIPOL - la créance de l'Etat au titre de la pollution occasionnée par le naufrage du Prestige. En raison du caractère international de la pollution subie, la situation est en effet très différente de celle que l'on a connue lors du naufrage de l'Erika.
    Comme Mme la ministre a eu l'occasion de le préciser lors de son audition par la commission des affaires économiques, le coût des dégâts liés au naufrage du Prestige a été estimé à 100 millions d'euros pour la France et 900 millions d'euros pour l'Espagne. Le FIPOL devra donc indemniser chacun des deux Etats. Or, si nous n'avions présenté au FIPOL que la créance des particuliers et des collectivités, et non celle de l'Etat, la part des indemnisations octroyées par le FIPOL aux créanciers français aurait forcément été plus réduite. Le Gouvernement a donc pris la bonne décision, et je salue son intention d'utiliser les sommes perçues pour améliorer le taux de couverture des préjudices subis par les particuliers et les collectivités.
    En revanche, je souhaiterais que Mme la ministre fasse le point sur le processus de ratification par la France et les Etats de l'Union européenne du protocole ayant permis le relèvement du plafond du FIPOL à 1 milliard d'euros. Où en est-on ?
    Les moyens affectés à la prévention des pollutions et des risques sont, eux aussi, confortés. Je constate avec satisfaction que, dans la continuité du budget de 2003, l'accent est mis sur la sécurité de nos concitoyens face aux risques technologiques et naturels. Ainsi, des moyens substantiels sont consacrés à la mise en place des instruments prévus par la récente loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques. Je pense en particulier aux comités locaux d'information et de concertation et aux plans de prévention des risques technologiques.
    Ce renforcement s'accompagne de la création de cent postes au sein de l'inspection des installations classées, conformément aux engagements de Mme la ministre, et d'une nette progression des moyens accordés à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS, dont la capacité d'expertise sera ainsi confortée.
    Je salue également les dotations accrues octroyées à la lutte contre le bruit, qui permettront de donner corps au plan national d'actions contre le bruit lancé cet automne.
    Je dois cependant formuler quelques interrogations.
    S'agissant tout d'abord de la politique des déchets, vous avez décliné le 4 juin dernier, madame la ministre, les grandes orientations sur lesquelles vous souhaitez la fonder à l'avenir, l'échéance du 1er juillet 2002 ayant expiré : la sécurité et la santé ; la réduction à la source ; la poursuite du recyclage et de la valorisation ; la lutte contre la pénurie. Ces orientations sont tout à fait satisfaisantes, mais demeurent très générales, alors que les collectivités locales s'inquiètent, quant à elles, de l'avenir qui sera réservé au système d'aides de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME. Je conçois qu'il soit trop tôt pour nous présenter en détail votre projet, mais je souhaiterais que vous nous éclairiez sur un point essentiel : les collectivités qui ont encore à investir dans de nouveaux équipements peuvent-elles compter sur une aide ?
    J'aborderai brièvement la question de la lutte contre l'effet de serre. Je note avec satisfaction que le Gouvernement compte bientôt rendre public un « plan climat », dans lequel les énergies renouvelables auront probablement un rôle important à jouer. Il convient sans aucun doute d'en promouvoir l'utilisation. Toutefois, et c'est à mes yeux essentiel, la recherche d'énergies propres ne doit pas conduire à sacrifier l'environnement local. À cet égard, je m'inquiète de la prolifération des projets d'implantation d'éoliennes, qui semblent pour certains complètement ignorer l'impact désastreux que peuvent avoir ces installations sur des sites naturels remarquables.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. C'est vrai !
    M. Christophe Priou, rapporteur pour avis. Il me semble qu'en la matière, la recherche de l'intérêt environnemental doit forcément intégrer la dimension paysagère des projets. Je rappelle d'ailleurs qu'à l'initiative de notre président de commission, M. Patrick Ollier, les projets d'implantation d'éoliennes doivent, à partir d'une certaine capacité, être assortis d'une enquête publique et d'une étude d'impact. Il faut, à mon sens, poursuivre dans cette voie et privilégier les implantations sur des sites industriels ou en off-shore.
    J'en viens à la partie du projet de budget qui est, à mes yeux, la moins satisfaisante, celle qui concerne les moyens affectés à la protection de la nature.
    Ces moyens sont globalement en régression et suivent, lorsqu'on les examine en détail, une évolution similaire : les gestionnaires d'espaces naturels voient leurs dotations de fonctionnement maintenues, mais leurs moyens d'investissement diminuent.
    M. Jean-Pierre Blazy. Enfin une vérité !
    M. Christophe Priou, rapporteur pour avis. Je comprends bien que, dans une période budgétaire délicate, des arbitrages soient opérés. Aussi le choix d'une reconduction des moyens de fonctionnement me paraît-il justifié. Il vaut mieux en effet « tenir que voir venir ». Toutefois, je me demande si cette rigueur ne risque pas de pénaliser certains établissements, comme le Conservatoire du littoral, dont le champ d'intervention a été élargi par la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité et qui doit faire face à un renchérissement des prix du foncier.
    M. Jean-Pierre Blazy. La réponse est oui !
    M. Christophe Priou, rapporteur pour avis. Je m'inquiète également de la diminution de l'enveloppe accordée aux parcs naturels régionaux, alors que se multiplient les projets de création de telles structures.
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Inquiétude justifiée !
    M. Christophe Priou, rapporteur pour avis. Certes, madame la ministre, vous avez fait valoir auprès de notre commission qu'il était préférable de privilégier la qualité plutôt que la quantité. Toutefois, l'année 2004 devrait donner lieu au classement de nouveaux parcs : je pense par exemple aux Pyrénées catalanes ou au parc de Millevaches en Limousin. Dans ce contexte, j'espère que le prochain projet de budget sera plus généreux en faveur de ces structures qui jouent un rôle essentiel de préservation et de promotion de notre patrimoine naturel.
    M. Jean-Pierre Blazy. Cela fait beaucoup d'inquiétudes pour un rapporteur !
    M. Christophe Priou, rapporteur pour avis. Je souhaiterais également, madame la ministre, que vous nous indiquiez quelles sont les intentions du Gouvernement en ce qui concerne le rôle des gestionnaires d'espaces naturels dans le cadre de la future étape de la décentralisation : est-il envisagé de revoir l'organisation actuelle ?
    Au-delà des aspects strictement budgétaires, je tiens à saluer votre volonté de relancer la concertation dans le cadre de la constitution du réseau Natura 2000. Ce dossier, longtemps bloqué, avance enfin. Nous sommes revenus à l'état d'esprit qui prévalait au tout début de Natura 2000 et qui repose sur deux principes essentiels. En premier lieu, les sites doivent être gérés en partenariat avec leurs usagers, qui ont trop longtemps été exclus. En second lieu, Natura 2000 concerne des espaces naturels et non sauvages ; ils ont été façonnés par les activités humaines et celles-ci ne peuvent être purement et simplement niées.
    D'une façon générale, les acteurs de terrain le confirment : la procédure Natura 2000 se déroule désormais de manière satisfaisante. Les tensions s'apaisent ; les usagers et gestionnaires y sont mieux associés ; la France pourra enfin achever la constitution de ce réseau et remplir ses obligations communautaires. Il s'agit d'une réelle avancée que l'on doit mettre à votre crédit, madame la ministre, car vous vous êtes attachée, dès votre entrée en fonction, à traiter ce dossier délicat. Celui-ci étant en passe d'être réglé, l'année 2004 pourra être consacrée à la détermination d'une stratégie nationale en faveur de la biodiversité.
    Elle sera également l'année de l'examen du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, qui instaure, en faveur des zones Natura 2000 et d'autres espaces naturels protégés, une exonération de taxe sur le foncier non bâti. Ce choix me paraît tout à fait opportun, mais il me semble qu'il pourrait être envisagé d'aller plus loin en permettant, par ailleurs, d'utiliser le produit de la taxe départementale sur les espaces naturels sensibles pour financer les dépenses de fonctionnement des gestionnaires d'espaces naturels. Pourriez-vous m'indiquer si le Gouvernement serait favorable à une telle suggestion ?
    Vous l'aurez compris, mes remarques ou interrogations se veulent constructives et je considère que le projet de budget qui nous est présenté est globalement satisfaisant. Je me félicite en particulier que, comme vous nous l'avez indiqué, la croissance des moyens dévolus à l'environnement soit maîtrisée et crédible, le différentiel entre moyens d'engagement et moyens de paiement ayant été ramené à un niveau plus raisonnable que les années précédentes.
    Le projet de budget de l'écologie et du développement durable doit donc recueillir notre approbation totale et durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
    M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Madame la ministre, la dimension internationale de l'écologie et du développement durable n'échappera à personne sur ces bancs, ce qui explique que, pour la deuxième année consécutive, la commission des affaires étrangères se soit penchée sur les crédits de votre ministère. Je ne reviendrai pas sur les chiffres, exposés avec pertinence par mes collègues des commissions des finances et des affaires économiques, qui soulignent la qualité de votre budget dans un contexte difficile, sauf pour constater que les actions de l'État étant, dans ces domaines, par nature transversales, le budget du ministère n'en finance que 26 %. De même, les interventions du ministère au plan international ne constituent que 0,35 % de son budget, soit environ 3 millions d'euros, auxquels il convient cependant d'ajouter les crédits consacrés à l'action internationale de l'ADEME
    Cette faible proportion ne reflète évidemment pas l'action de la France, illustrée essentiellement par les 38 millions d'euros inscrits au budget du ministère des affaires étrangères pour les problèmes d'environnement, qui sont consacrés aux trois quarts à des contributions obligatoires ou volontaires à des organisations et fonds internationaux.
    Dans le contexte que nous connaissons, ces sommes ne sont nullement négligeables. Elles sont cependant à mettre en rapport avec notre volonté politique, exprimée au premier chef par le Président de la République dans les différentes enceintes internationales, et avec l'actualité. Je ne reviendrai pas sur la canicule qui nous a accablés au cours de cet été.
    M. Jean-Pierre Blazy. Il vaut mieux !
    M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur pour avis. Vous-même, madame la ministre, dans la présentation de votre budget, avez ainsi inscrit la lutte contre le réchauffement climatique en tête de vos priorités. Et il est de fait que la France doit être elle-même exemplaire en ce qui concerne le développement durable, qui constitue aujourd'hui l'une des clés de sa politique internationale, un aspect essentiel de cette « vision du monde » qu'elle sait défendre dans toutes ses déclinaisons.
    Cette vision française d'une mondialisation régulée et d'une croissance économique conciliée avec le développement humain et la préservation de la planète s'est manifestée depuis le sommet de Rio en 1992. Avec Johannesburg, dix ans plus tard, elle a pris une dimension nouvelle que vous avez su illustrer cette année lors du G8 en réunissant les ministres de l'environnement à Montmorency. Elle est indissociable de l'approche multilatérale défendue par la France dans le cadre de l'ONU et de son souci corollaire de reconstruire l'architecture des Nations-unies, de façon à ne pas laisser à une OMC, dont on a vu encore récemment les limites, le monopole de la régulation des échanges.
    Même s'ils n'en tirent pas toujours les conséquences, une telle vision est partagée par nos partenaires de l'Union européenne, mais elle se heurte à des obstacles sérieux, à commencer par l'hostilité des États-Unis, particulièrement marquée sous l'administration Bush, et par les résistances des pays en voie de développement qui en craignent les conséquences pour leur propre croissance économique.
    Il nous faut donc être exemplaires et nous donner les moyens de notre politique.
    En ce qui concerne l'exemplarité, les efforts réalisés depuis juin 2002 et votre arrivée au ministère sont importants et la volonté de la France ne s'est pas démentie.
    La mise en place d'une Organisation mondiale de l'environnement, qui serait le pendant de l'OMC pour les accords multilatéraux environnementaux, se heurte aux difficultés que je viens d'évoquer. La France a opté, soutenue par d'autres pays européens, en particulier l'Allemagne, pour le renforcement du Programme des Nations-unies pour l'environnement, afin d'en faire une agence spécialisée de l'ONU, sur le modèle de l'OMS. Le PNUE deviendrait ainsi l'ONUE et exercerait le secrétariat de l'ensemble des conventions internationales, ce qu'il fait déjà en grande partie.
    Ces conventions, déjà au nombre de 550, y compris les conventions régionales, s'étoffent peu à peu. Et il est notable que nous en ayons ratifié d'importantes au cours de cette année, parmi lesquelles le Protocole de Carthagène sur les OVM, illustrant le principe de précaution, qui est entré en vigueur au mois de septembre, avec les conséquences que nous connaissons sur les relations transatlantiques, le conflit avec les États-Unis s'étant ainsi confirmé.
    Exemplaires, nous l'avons été également au plan interne, où un important retard, démentant quelque peu la sincérité de nos engagements précédents, devra être rattrapé.
    J'évoquerai la Charte de l'environnement, qui aura valeur constitutionnelle, ainsi que la stratégie nationale du développement durable, qui a été élaborée et mise en place en juin dernier, avec la participation de tous les acteurs réunis au sein du Conseil national du développement durable. Cette stratégie est mise en oeuvre par un réseau de hauts fonctionnaires favorisant dans chaque ministère les actions transversales, que vous avez la charge de coordonner. Elle trouve sa traduction dans des textes que vous nous présenterez bientôt : le plan climat, le plan pour les véhicules propres, la loi de transposition de la directive sur les permis d'émission de gaz à effet de serre, le plan santé-environnement, etc. D'autres débats auront lieu, en particulier sur l'eau et sur l'énergie.
    Ces efforts sont bien réels mais, je le répète, ils se heurtent à des obstacles tout aussi réels. Les menaces qui pèsent sur la planète apparaissent de plus en plus nettement et le sommet de Johannesburg a permis d'en faire une recension exhaustive : problème du sous-développement accru par les pandémies comme le SIDA ; conséquences négatives de l'urbanisation en termes de pollution ; pénurie d'eau croissante et insuffisances de l'assainissement ; réchauffement climatique lié à l'émission de gaz à effet de serre...
    Or il apparaît difficile de mettre en oeuvre des stratégies cohérentes à l'échelle planétaire pour résoudre ces problèmes, en raison des divergences entre États et de la difficulté de remettre en cause les habitudes acquises. Le cas de la lutte contre le réchauffement climatique est certainement l'un des plus probants. D'un côté, nous savons que d'ici à quinze ou vingt ans seulement, le réchauffement climatique aura eu des effets dévastateurs et que leur conjugaison avec la raréfaction des ressources pétrolières produira une crise économique et démographique, donc politique, d'une ampleur qu'on peut supposer catastrophique. De l'autre côté, on peine à trouver des mesures d'anticipation cohérentes au plan mondial.
    Le protocole de Kyoto ne peut entrer en vigueur aujourd'hui devant l'opposition des États-Unis et les réticences de la Russie, ainsi que des pays en voie de développement. Si je parle de la Russie, madame la ministre, c'est parce que vous avez fait récemment le voyage de Moscou, pour essayer de convaincre les administrations et les experts russes qu'ils avaient tout intérêt à signer et à ratifier le protocole de Kyoto. Actuellement, ils ont un doute quant à la réalité de l'impact du réchauffement climatique sur leur propre territoire.
    Même incohérence en ce qui concerne les OGM, domaine où le conflit entre le principe de précaution établi par le protocole de Carthagène et les règles de l'OMC risque de se manifester très vite. Le Brésil, sous l'impulsion du Président Lula da Silva, ce qui peut paraître paradoxal, vient d'autoriser les cultures de soja transgénique. Et la Chine souhaite s'y engager hardiment, comme d'autres pays. Aussi le Président de la République a-t-il eu raison de suggérer, devant l'UNESCO, l'élaboration d'un code normatif de bioéthique. Dans ce domaine, une politique globale à l'échelle mondiale apparaît urgente, avec l'établissement d'une véritable hiérarchie des normes à l'échelle internationale.
    Cela est également valable en matière de diversité culturelle. Le Président de la République et la France en général ont eu raison de faire en sorte que le problème de la diversité culturelle soit abordé dans le cadre de l'UNESCO et non, comme le voulaient certains de nos partenaires, dans le cadre de l'OMC, où nous avons refusé la création d'un groupe de travail correspondant.
    Si j'évoque ces sujets, c'est parce qu'ils appartiennent pleinement au domaine du développement durable et de la stratégie nationale du développement durable que votre ministère pilote. Mais pour cela, il convient de se donner des moyens, qui viendraient étayer notre vision ; moyens au demeurant faibles en coût, puisqu'il s'agit de renforcer notre capacité d'expertise et notre présence dans les organismes internationaux. À leur propos, votre commission a relevé quelques contradictions.
    Le fait que l'Union européenne nous permette de défendre des positions communes est un atout extrêmement important. Mais il est clair que l'élargissement va contribuer à compliquer la donne et rendre plus difficile l'élaboration de positions communes en matière de développement durable, comme dans d'autres domaines d'ailleurs. L'attitude des pays d'Europe centrale et orientale, proche des États-Unis dans la définition de leur politique extérieure, renforce les risques de division. Il importe donc d'intégrer cette dimension, afin que les positions de notre pays en matière de développement durable ne deviennent pas minoritaires au sein de l'Europe élargie. Cela suppose bien entendu que nos capacités d'expertise soient renforcées et que notre présence dans les réunions de travail et dans les organismes de l'Union concernés par les questions de développement durable soit plus constante - encore une fois, ce ne serait pas coûteux.
    Autre contradiction : alors que notre pays a fait montre de son volontarisme, force est de constater que notre contribution aux organismes internationaux intervenant en faveur du développement durable est souvent insuffisante, à l'exception du fonds pour l'environnement mondial, géré par la Banque mondiale.
    Lors des auditions préparatoires à l'examen des crédits de votre ministère, il a été indiqué à votre rapporteur que la France ne tiendrait pas ses promesses de contribution au secrétariat de la convention des Nations unies sur le changement climatique car les sommes correspondantes étaient imputées sur le budget de plusieurs ministères qui ne débloquent pas les fonds.
    Quant au programme des Nations unies pour l'environnement, dont la France vient de proposer de renforcer les prérogatives en en faisant une agence spécialisée des Nations unies, notre pays figure au rang de quatrième contributeur obligatoire, mais seulement au douzième rang des contributeurs volontaires. Cela constitue un décalage particulièrement dommageable pour notre crédibilité. Le montant de cette contribution volontaire est de 3,2 millions d'euros, répartis entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'écologie. On peut se demander s'il ne serait pas préférable de grouper les contributions sur le ministère des affaires étrangères. Le ministère de l'écologie, par exemple, ne pourrra acquitter les 500 000 euros qui lui restent à payer pour honorer le montant promis par les autorités françaises au titre de leur contribution volontaire au PNUE.
    En matière de financement de la recherche dans le domaine du réchauffement climatique, notre implication est également insuffisante. L'organisme d'expertise internationale compétent, le GIEC, ne reçoit que 310 000 francs suisses de notre part, soit un financement équivalent à celui de l'Espagne, alors que l'Allemagne y consacre 1 million de francs suisses, les Etats-Unis 4,3 millions et le Japon 6,6 millions. La faiblesse de la contribution française limite la force de nos propositions. Lors du sommet de Delhi, la France n'a même pas été en mesure de débloquer la somme modeste de 50 000 euros pour financer un programme relatif aux échanges de quotas au niveau international, ce qui est regrettable eu égard aux développements attendus en la matière et à leurs retombées économiques potentielles. De même n'a-t-elle pas, à ce jour, contribué au Fonds spécial pour le changement climatique, fonds complémentaires du FEM créé dans le cadre de la convention climat.
    Plus généralement, les moyens humains consacrés aux aspects internationaux de la protection de l'environnement demeurent trop faibles. Le ministère de l'écologie et du développement durable est trop faiblement présent à l'international. Quant à la misson interministérielle sur l'effet de serre, dont on imagine bien aujourd'hui quelle peut être l'importance, elle ne dispose que de neuf « personnes et demie », alors qu'un arbitrage interministériel avait prévu qu'elle en serait dotée de quatorze. Pour cette raison, de nombreuses propositions lancées par les autorités françaises ne peuvent être suivies d'effets, faute de moyens humains et d'une présence française dans la totalité des réunions de travail consacrées à la lutte contre l'effet de serre, que ce soit sur le plan communautaire ou dans le cadre de la convention des Nations unies ou du protocole de Kyoto.
    Je n'insiste pas sur la coordination, qui est encore insuffisante, mais dont il convient de souligner les améliorations. La désignation conjointe d'un nouvel ambassadeur de l'environnement par le ministère des affaires étrangères et par celui de l'écologie constitue incontestablement une avancée et un facteur d'amélioration de la nécessaire coordination entre ces deux départements ministériels, en amont des négociations internationales.
    Il conviendrait également de renforcer la coordination relative à la politique d'aide au développement, d'élaborer des indicateurs de développement durable dans la définition des programmes d'aide au développement, et d'améliorer la participation et la capacité d'expertise du ministère de l'écologie et du développement durable en la matière.
    Il est par ailleurs indispensable d'accentuer notre effort de recherche. Le Président de la République a exprimé - une fois de plus avec force - la volonté de la France de voir mis au point un « code normatif universel » de bioéthique. Or, dans le domaine des OGM, nous devons pouvoir disposer d'une information exacte afin de faire des propositions pertinentes. Sinon, d'autres le feront à notre place. En étouffant la recherche comme c'est le cas actuellement, on s'interdit de prouver quoi que ce soit, à commencer par une éventuelle nocivité. De plus, on laisse le champ libre aux deux ou trois grands groupes américains. Il est temps de répondre à l'appel au secours de nos chercheurs, aujourd'hui sollicités de façon pressante pas les Américains, et de sortir d'une situation largement irrationnelle, le principe de précaution ne devant pas être un handicap, mais un atout.
    Il est regrettable enfin que la politique de jumelage en faveur des pays d'Europe centrale et orientale qui vise à faciliter la reprise, par ces pays, de l'acquis communautaire en matière de protection de l'environnement, ne dispose de 700 000 à 800 000 euros sur quatre ans. On remarquera que le carcan statutaire empêche certains de nos experts reconnus des agences de l'eau d'intervenir dans des missions de coopération à l'étranger, alors qu'ils y seraient particulièrement utiles et appréciés, leur intervention ne pouvant qu'avoir des retombées économiques positives pour notre pays.
    En conclusion, si nous voulons conforter la crédibilité de notre politique et faire partager notre vision du monde, il apparaît opportun de compléter les efforts accomplis pour plus de lisibilité, et de renforcer nos capacités d'expertise.
    Premièrement, il apparaît logique de regrouper les contributions volontaires et obligatoires des autorités françaises à des organismes divers, comme le PNUE ou le secrétariat de la convention des Nations unies sur le climat - qui ne sont pas à la hauteur des engagements pris - sur le budget du ministère des affaires étrangères. Une telle situation permettrait d'éviter la dilution des responsabilités et de centrer le ministère de l'écologie et du développement durable sur ses propres responsabilités, en particulier en matière de recherche.
    Deuxièmement, et je conclus, monsieur le président,...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Il serait temps !
    M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur pour avis. ... il faut accroître la capacité d'expertise et les moyens diplomatiques du ministère de l'écologie, alors même qu'on va vers l'élargissement de l'Union européenne, avec tous les problèmes que cela pose.
    Troisièmement, il serait souhaitable d'impliquer davantage le Parlement dans l'élaboration et le suivi de la stratégie. À cet égard, il serait utile que nous puissions créer un office d'évaluation du développement durable, identique à l'office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
    Quatrièmement,...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Cinquièmement, sixièmement...
    M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur pour avis. ... nous avons aujourd'hui besoin, dans la mise en oeuvre d'une volonté politique partagée sur tous les bancs de cette Assemblée, de signes politiques forts et au demeurant peu coûteux. Aussi, il me paraîtrait utile, sur les OGM, de mettre en place une mission commune aux commissions des affaires étrangères et des affaires économiques rapidement, afin de faire le point de la recherche.
    Cela dit, et reconnaissant votre volonté et vos efforts, constatant la qualité générale de votre budget, la commission des affaires étrangères a donné à l'unanimité - les commissaires socialistes s'abstenant - un avis favorable à l'adoption de celui-ci. J'invite cette Assemblée à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Mes chers collègues, nous en venons maintenant aux orateurs inscrits, à qui je recommande d'être plus scrupuleux dans le respect de leur temps de parole.
    M. Jean-Pierre Blazy. Ça commence bien !
    M. le président. Bien évidemment, la mansuétude de la présidence à l'égard de certains s'appliquera à l'ensemble des collègues. Et surtout pour ceux qui ont fait remarquer que M. Guillet avait dépassé son temps de parole. (Sourires.)
    La parole est à M. Gilles Artigues, pour le groupe UDF, et pour cinq minutes.
    M. Gilles Artigues. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, sur ce budget de l'écologie et du développement durable, la position du groupe UDF, que je représente à cette tribune, sera conforme à la ligne d'action qui a toujours été la nôtre dans cette législature,...
    M. Jean-Pierre Blazy. L'abstention ?
    M. Gilles Artigues. ...à savoir : si les textes sont bons, nous les soutenons et nous nous en réjouissons. Ce fut le cas du texte de la loi sur les risques technologiques et industriels, que nous considérons comme une avancée significative. Ce fut le cas de la loi chasse, où mon collègue Charles de Courson se trouva en première ligne. Le texte nous semblait aller dans le sens des engagements que nous avions pris lors de nos différentes campagnes électorales, et notre soutien n'a pas manqué.
    Ce serait vous faire un mauvais procès que de dire que le budget que vous nous présentez ne va pas dans le sens de ces deux textes. Je pense à l'augmentation de 2,3 % de l'agrégat 23, qui concerne les risques de pollution ; cela représente 409 millions d'euros, et il fallait le souligner. Je pense à l'augmentation des crédits de l'INERIS, qui permettra à cet organisme de développer ses moyens scientifiques et industriels. Je constate enfin, madame la ministre, que vous avez tenu parole sur les créations de postes du SCHAPI - à Toulouse notamment - de même que sur les 100 postes supplémentaires destinés à l'inspection des installations classées.
    Ainsi notre population sera-t-elle mieux informée. C'est tout à fait positif. Cela va dans le même sens que les comités locaux d'information et de concertation.
    Lorsque j'ai signalé que j'allais être le porte-parole de mon groupe sur ce texte, des employés de ma municipalité m'ont demandé d'évoquer les efforts que vous faites en faveur de l'entretien dans les collectivités locales et dans les administrations, ainsi que l'intérêt que vous portez à cette question. Cela peut paraître anecdotique mais le label qui a été créé a particulièrement touché certaines personnes : il est important que les administrations donnent l'exemple. Or je sais, madame Tokia Saïfi, combien vous êtes attentive à ce que le développement durable ne soit pas qu'un concept abstrait, mais qu'il se concrétise aussi dans la vie quotidienne. C'est un point auquel il faudra également veiller.
    Nous souhaitons aussi être une force de proposition, parfois critique, mais constructive. Je dois dire, s'agissant de votre plan bruit, que nous aurions peut-être aimé un peu plus d'ambition.
    M. Jean-Pierre Blazy. Très juste !
    M. Gilles Artigues. Il y a un an ici même, mon collègue Francis Hillmeyer citait un sondage faisant apparaître que les questions liées au bruit préoccupent nos concitoyens. Vous prévoyez dans votre budget 9 millions d'euros. Cela nous semble un peu faible. Certes, vous financerez un certain nombre d'actions que je ne peux pas toutes détailler ici, comme des actions de sensibilisation au niveau des écoles - une de plus, dirai-je. Mais peut-être y avait-il d'autres choses à faire, en particulier en faveur des victimes du bruit. Nous aurions aimé, par exemple, qu'un numéro vert puisse être mis à leur disposition pour leur offrir un soutien psychologique et juridique.
    Et puis, pourquoi ne pas s'attaquer davantage aux conséquences de ces nuisances ? Par exemple, en développant davantage les murs anti-bruit, en créant des rocades ou des autoroutes couvertes, en faisant en sorte que le fret ferroviaire de nuit soit interdit au même titre que les mouvements aériens ? Ces idées mériteraient d'être creusées.
    Quant à la mesure d'insonorisation des logements, c'est une bonne mesure, que nous approuvons. Mais qu'est-ce qu'être bien au calme chez soi, si dès qu'on ouvre ses fenêtres, on est confronté à des problèmes de bruit ?
    M. Jean-Pierre Blazy. Et qu'on entend les avions passer !
    M. Gilles Artigues. Il y a peut-être là une incohérence, d'autant qu'on nous annonce que les prochaines années seront difficiles. Vous l'avez dit vous-même, madame la ministre, dans cent ans, peut-être dira-t-on que notre été 2003 aura été doux. Tout cela, il faut peut-être l'anticiper.
    J'en viens maintenant à la question de l'énergie. Et le débat national qui a eu lieu nous a laissé un peu sur notre faim. Ce fut un débat d'experts qui a vu simplement s'affronter anti- et pro-nucléaire. Nous aurions aimé que les Français y soient davantage associés et qu'on ne parle pas seulement de production, mais aussi de consommation. Nos concitoyens sont responsables. Ils pourraient faire des efforts en matière d'économies d'énergie.
    Vous avez la cogestion du nucléaire, madame la ministre. Et les événements dramatiques que nous avons vécus cet été auraient pu être l'occasion, alors que nous avions des problèmes d'ozone sur nos agglomérations et que nous connaissions des difficultés dans nos centrales, de parler davantage des énergies renouvelables et des transports.
    Je n'ai pas le temps d'évoquer d'autres sujets. J'aurais aimé avoir votre sentiment - mais je le ferai tout à l'heure à l'occasion d'une question qui concerne à la fois l'environnement et la santé - sur l'enfouissement des lignes à haute et à très haute tension.
    À la demande de mon collègue Jean Lassalle, je terminerai sur votre politique territoriale et sur le réseau Natura 2000 qui a du mal à s'imposer dans notre culture française. Vous envisagez l'exonération du foncier non bâti sur les territoires concernés. Mon collègue tenait à vous faire savoir que cela ne va pas forcément dans le sens de l'amour que l'on peut avoir de la nature et des territoires. C'est un point qui méritera d'être développé.
    Reprenant le début de mon propos, nous estimons que, globalement, vos choix sont bons pour notre pays. Comme, en la matière, le groupe UDF semble écouté, tout en vous demandant d'avoir un peu plus d'ambition dans les domaines que j'ai cités, nous voterons avec enthousiasme ce projet de budget concernant l'écologie et le développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. François Asensi.
    M. François Asensi. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les mesures annoncées sont louables, mais je crains qu'en matière d'environnement, comme beaucoup d'autres, le Gouvernement ne fasse pas preuve de « popularisme » en choisissant une politique aux effets plus médiatiques que concrets.
    Dans une lettre de Mme la ministre, disponible sur le site Internet du ministère de l'écologie, on peut lire : « Comme l'année passée, les sécurités seront au coeur de ses priorités en 2004 » et « la France s'étant désormais dotée d'une stratégie nationale de développement durable, il est indispensable d'appuyer notre action en faveur des générations futures. » Nous ne pouvons qu'être d'accord avec une telle déclaration de principe. Mais permettez-moi de vous rappeler que le développement durable, tel que défini depuis le sommet de la Terre de Rio en 1992, et confirmé à Johannesburg en 2002, repose sur trois piliers traditionnels fondamentaux, qui sont : l'environnement, le social et l'économie.
    On ne peut en effet parler du budget du ministère de l'écologie sans le replacer dans un contexte de précarisation de l'environnement social et économique de nos concitoyens, que la politique de votre gouvernement ne fait qu'aggraver en préconisant, par exemple, une part croissante de l'assurance privée en matière de santé publique, ou encore en accélérant la sortie du système de l'assurance chômage.
    J'estime par ailleurs que le développement durable reste une prérogative de la puissance publique. Or le Gouvernement envisage sérieusement d'ouvrir le capital d'EDF-GDF, pour ne pas dire qu'il envisage de le privatiser encore une fois, à travers un montage judicieux, préservant une part importante de fonds publics tout en assurant la privatisation des profits et la socialisation des pertes.
    Le développement durable implique des notions d'aménagement du territoire et d'égal accès pour tous aux réseaux d'énergie, dans le respect de l'environnement. Qui mieux qu'une entreprise publique, porteuse d'un service public de qualité, peut assurer ces trois fonctions ? En bradant son patrimoine national et les outils de sa puissance publique, l'Etat s'expose à une perte d'indépendance et à une détérioration de ses réseaux - comme on l'a vu aux États-Unis ou encore plus récemment en Italie - qui seraient préjudiciables pour notre économie. Peut-on raisonnablement envisager que nos centrales nucléaires soient gérées par des entreprises privées, d'abord ancrées dans une logique du court terme et de rentabilité ? Nous ne devons pas rompre avec la gestion publique du secteur de l'énergie mais, au contraire, aller vers plus de transparence et de démocratisation, ce que seule la puissance publique peut assurer.
    Ce sont des choix énergétiques et non industriels qui doivent déterminer la politique du Gouvernement. Nous ne pouvons renoncer au nucléaire qui représente une part importante de nos ressources énergétiques, mais il me paraît raisonnable de promouvoir sa conjugaison avec d'autres sources d'énergies alternatives et renouvelables. Madame la ministre, le Gouvernement envisage-t-il des mesures concrètes ? Je pense à une baisse de la TVA sur les énergies non polluantes, comme la géothermie dont j'ai pu faire la promotion dans ma circonscription. Il est complètement aberrant que la géothermie soit taxée à 20 %, alors que c'est une énergie non polluante, renouvelable et qui concourt à lutter contre l'effet de serre. Au-delà des incitations et des seuls accords volontaires, la raison ne commande-t-elle pas de remettre le système fiscal à l'endroit, même si le Gouvernement ne semble pas croire aux vertus redistributives de l'impôt puisqu'il détaxe les catégories les plus favorisées de notre pays et qu'il taxe les autres ?
    Le principe du pollueur-payeur tarde à s'appliquer en France, car le Gouvernement est plus préoccupé de la santé des marchés financiers que de l'emploi ou du respect de l'environnement. Et s'il vous plaît, épargnez-moi l'adage : « les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain. » Les faits démontrent le contraire.
    L'augmentation de la TIPP sur le diesel ne concerne que les particuliers ; et pourquoi pas les transporteurs routiers, qui constituent l'essentiel de la pollution automobile ?
    Les consommateurs paient de plus en plus cher pour avoir de l'eau potable au robinet, tandis que l'eau utilisée par les grands exploitants agricoles qui consomment des pesticides et des engrais en sur-quantité est subventionnée. Pourquoi ? A quand de grandes mesures sanctionnant véritablement les « patrons voyous » qui polluent sans scrupules, par exemple ceux qui lancent sur les mers des navires poubelles sous pavillon de complaisance ?
    Lors de son audition par la commission des affaires économiques le 7 octobre dernier, Mme la ministre, à propos de l'ADEME et d'une nouvelle politique des déchets, a préconisé « une adaptation des capacités aux besoins ». La dernière partie de cette phrase résume bien toute une philosophie productiviste, d'accumulation des marchandises et du capital, avec laquelle le Gouvernement ne rompt pas. Pourquoi en effet ne pas adopter parfois les besoins aux capacités et non l'inverse ? Tant que cette logique n'aura pas été inversée, il sera vain de mettre en oeuvre toute politique de développement durable et de prendre pleinement conscience du caractère non renouvelable de certaines énergies.
    Madame la ministre, vous nous présentez un budget de modification à la marge, sans réelle ambition, qui ne répond pas à nos attentes. Une fois de plus, le Gouvernement n'a pas été à l'écoute des Françaises et des Français qui souhaitent faire du respect de l'environnement, tant écologique qu'humain, l'un des principes fondamentaux de développement de nos sociétés modernes. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, pour dix minutes.
    Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Mesdames, messieurs, dans un contexte budgétaire difficile, le budget du ministère progresse. Cette progression est conforme aux engagements pris l'an passé, ici même.
    M. Jean-Pierre Blazy. On sent d'ores et déjà que Mme Kosciusko-Morizet n'est pas convaincue !
    Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Elle se fait en cohérence avec la politique menée par votre ministère depuis dix-huit mois, mesdames les ministres, avec un accent sur la sécurité environnementale et la qualité de vie des Français. Le budget atteindra ainsi 856 millions d'euros en crédits de paiement, soit 11,45 % de plus qu'en 2003. Certes, ce chiffre tient compte de l'intégration du budget du Fonds national de solidarité pour l'eau, comme cela a été souligné. Néanmoins, hors ce changement de périmètre, la progression des crédits est de 2,7 %.
    Je soulignerais par ailleurs que cette intégration du budget du Fonds national de solidarité pour l'eau, qui se traduit par l'inscription des crédits correspondants dans l'agrégat de la politique de l'eau, constitue un progrès en termes de transparence et d'efficacité. Elle est d'autant plus bénéfique que ces crédits sont strictement égaux aux prélèvements effectués sur les agences de bassin, ce qui permet, en fait, de récupérer 21,6 millions d'euros. Progression, donc, mais aussi, et surtout peut-être, sincérité.
    Je soulignais l'an passé à cette même tribune l'effort de sincérité qui était celui de votre budget d'alors. Sous le précédent gouvernement, le budget de l'environnement était largement composé de chèques en blanc et de faux-semblants. Il présentait systématiquement des moyens de paiement très inférieurs aux moyens d'engagement.
    M. Christophe Priou, rapporteur pour avis. C'est vrai !
    Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Pour la deuxième année consécutive, vous réduisez cet écart, faisant la démonstration de votre sincérité que nous apprécions.
    Dans mon propos liminaire, je soulignais aussi la cohérence de ce budget avec vos priorités. Nous avons, en 2003, voté la loi relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages. Cette loi est directement inspirée des retours d'expérience des événements dramatiques qu'ont été les catastrophes technologiques et naturelles récentes. Je pense bien sûr à l'explosion de l'usine AZF à Toulouse, à la défaillance de Metaleurop à Noyelles-Godault et aux inondations de la Somme, du Gard et de l'Hérault.
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est peut-être la faute du gouvernement précédent ?
    Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Cette loi donne la priorité à la prévention et à la réduction des risques à la source. Le budget dont nous discutons aujourd'hui permet de dégager les marges de manoeuvre nécessaires à sa mise en oeuvre.
    Pour les risques technologiques, d'abord, la loi du 30 juillet 2003 avait pour objectif premier la prévention, et en particulier l'information et la participation des personnes à leur propre sécurité, au travers du développement d'une véritable culture du risque. Elle a apporté une innovation majeure, avec l'élaboration et la mise en oeuvre par l'Etat de plans de prévention des risques technologiques autour des 670 établissements Seveso « seuil haut » et la création de comités locaux d'information et de concertation. Vous en avez prévu le financement : les moyens consacrés à la maîtrise des risques technologiques et aux actions de prévention et de contrôle dans les établissements industriels augmentent de 27 %, pour atteindre près de sept millions d'euros en crédits de paiement et plus de treize en autorisation de programme.
    Cette politique au service de la sécurité des personnes et des biens s'exprime également à travers le renforcement des moyens humains du ministère, puisque l'inspection des installations classées bénéficie de cent emplois supplémentaires.
    En ce qui concerne les risques naturels, vous avez voulu, dès le début de notre ministère, travailler à la réforme de la prévention des crues et des inondations. Il s'agit d'une pièce majeure de votre action. En 2004, les moyens consacrés à la lutte contre les inondations atteindront 35,6 millions d'euros. Ils augmentent ainsi de 75 % et contribueront notamment à l'amélioration de l'entretien des cours d'eau, au renforcement des ouvrages de protection des lieux habités et à la réforme de la prévision des crues. Le service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévention des inondations, élément central du dispositif, a été inauguré le 5 septembre 2003 à Toulouse. Il bénéficie avec ce budget de moyens humains et financiers en augmentation, une trentaine de personnes en tout.
    Cependant, si je porte ici l'accent sur la politique de prévention des inondations, la loi que nous avons votée, mes chers collègues, couvre bien l'ensemble des risques naturels. Les retours d'expériences que j'évoquais tout à l'heure avaient en particulier mis en évidence le retard extrêmement préoccupant pris dans l'élaboration des plans de prévention des risques. Les plus de vingt-trois millions d'euros consacrés à la prévention des autres risques naturels devraient permettre d'accélérer le rattrapage et de financer les autres mesures nécessaires. Je cite, pêle-mêle : l'amélioration de la connaissance des risques, leur surveillance, la prise en compte des risques dans l'aménagement et la réduction de la vulnérabilité des personnes et des biens par les travaux appropriés.
    Je veux souligner d'ailleurs que les moyens budgétaires sont complétés par la mobilisation du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier. Ce fonds, qui est doté de réserves d'un montant de quatre-vingt millions d'euros, pourra désormais financer l'acquisition de maisons fortement endommagées et de leur terrain, afin de délocaliser les habitants concernés. Cette mesure, comme d'ailleurs celle du droit de délaissement dans les zones à grand risque technologique, permet, semble-t-il, de briser le cercle vicieux dans lequel étaient enfermés les habitants concernés. Sa mise en oeuvre constitue bien sûr un progrès en termes de sécurité, mais aussi véritablement une avancée humaine et sociale.
    J'évoquais deux priorités de votre ministère dans mon propos liminaire : la sécurité environnementale et la qualité de la vie. Dans ce deuxième domaine, je voudrais souligner l'augmentation très sensible des moyens consacrés à lutter contre le bruit. Plaie majeure de nos sociétés urbaines, le bruit ne heurte pas seulement notre confort. Il nuit à notre santé : stress, troubles du sommeil, risques cardiovasculaires en sont les corollaires.
    Vous nous avez proposé, madame la ministre, plusieurs nouvelles mesures dans un plan présenté le 6 octobre. Cohérence encore, plus de 9 millions d'euros seront consacrés à cette cause. Je ne veux pas tout évoquer ici. Il faudrait, bien sûr, pouvoir s'attarder un peu sur l'ADEME avec la réorientation de la politique des déchets, mais aussi avec le plan « véhicules propres » que vous avez annoncé avec le Premier ministre le 15 septembre.
    Je voudrais aussi aborder les engagements en faveur du patrimoine naturel. Vous avez annoncé que l'année 2004 devrait être une année de réflexion sur notre stratégie pour la préservation de la biodiversité. Nous comprenons, dès lors, la stabilité des crédits prévus. Nous vous donnons rendez-vous l'an prochain, ...
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Et voilà !
    Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. ... confiants puisque, cette année, vous êtes au rendez-vous que vous nous aviez promis sur le budget de la sécurité environnementale. Nous serons néanmoins vigilants.
    Permettez-moi de m'arrêter quelques instants sur ce sujet du patrimoine naturel. Aux 17 millions d'euros prévus pour le financement du réseau Natura 2000, s'ajoute en effet cette année une mesure d'exonération fiscale de la taxe sur le foncier non bâti sur les propriétés situées en zone Natura 2000 pourvu qu'elles fassent l'objet d'un contrat de gestion conforme au document d'objectifs du site. Je salue cette mesure très légitime. Ce mouvement d'adaptation de notre fiscalité devrait être poursuivi les prochaines années pour le meilleur. En effet, alors que notre pays dispose d'une fiscalité incitative extrêmement sophistiquée en faveur de la protection du patrimoine culturel, rien d'équivalent n'est prévu en faveur du patrimoine naturel. C'est une grave lacune. De la même façon que nous avons des monuments remarquables, nous possédons, en effet, des richesses naturelles aussi considérables que fragiles. Une fiscalité adaptée, comme vous l'esquissez, avec cette mesure d'exonération fiscale de la taxe sur le foncier non bâti pour les zones Natura 2000 est donc nécessaire.
    Je voudrais, enfin, évoquer deux politiques qui n'apparaissent pas en tant que telles dans la procédure budgétaire telle qu'elle est menée. Nous espérons d'ailleurs que la prochaine mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances sera l'occasion de les rendre plus lisibles et donc d'améliorer la qualité et la densité de nos discussions à l'occasion du budget. J'observe que vous expérimentez cette année dans la DIREN Midi-Pyrénées certaines dispositions, prémices de gestion globalisée des crédits et de mise en oeuvre des contrats d'objectifs. Deux politiques, en particulier, gagneront certainement à ce regain de visibilité. Il s'agit de deux politiques importantes. Je pense à l'éducation à l'environnement et au plan national « santé et environnement ». Nous connaissons les efforts engagés sur la première avec le lancement, cette année, d'expérimentations qui seront généralisées l'an prochain. Nous attendons la seconde dont nous avons voté quelques prémices dans la loi relative à la santé publique et qui nous paraît relever de la plus grande urgence.
    Enfin, et même s'il s'agit non pas d'un sujet budgétaire, mais bien d'un texte constitutionnel, je ne voudrais pas finir cet exercice de bascule d'une année budgétaire passée vers une année budgétaire nouvelle sans saluer vos travaux sur le projet de charte constitutionnelle de l'environnement. Ce texte, voulu par le Président de la République, préparé sous votre impulsion par la commision Coppens, vient prochainement en discussion devant notre assemblée. Il s'agit d'une révolution majeure. Au-delà du seul symbole que constitue la reconnaissance du droit à l'environnement comme troisième pilier de notre Constitution aux côtés des droits de l'homme et du citoyen et des droits économiques et sociaux, ce texte sera appelé à orienter en profondeur nos travaux législatifs et vos politiques et nous attendons sa discussion avec beaucoup d'impatience.
    Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe UMP votera donc ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme GenevièvePerrin-Gaillard.
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, après dix-huit mois d'exercice du pouvoir, on comprend mieux pourquoi le Président de la République réserve ses grandes déclarations environnementales aux sommets internationaux. Il serait cruel de mettre en parallèle l'affirmation à Johannesburg d'une responsabilité collective dans la dégradation de notre environnement et l'absence totale d'ambition nationale pour faire du ministère de l'écologie et du développement durable un ministère de plein exercice.
    Le budget de ce ministère, contrairement à l'an passé, subit une infime hausse, un léger frémissement qui s'inscrit dans la continuité du précédent exercice, dans la mesure où il est, une fois encore, en complet décalage avec le record de pollution que nous connaissons.
    En tout état de cause, la hausse constatée s'explique en partie par l'intégration du fonds national de solidarité eau dans le budget du ministère. Hors changement de périmètre, la hausse des moyens de paiement est de 2,7 %. Si on la met en parallèle avec le taux d'inflation prévu pour 2004, on en mesure alors le caractère limité.
    Avec une si faible augmentation, on peut affirmer, sans trop risquer de se tromper, que vous n'avez aucune ambition de semer pour l'avenir puisque même l'expertise environnementale et la recherche subissent une réduction de crédit.
    Certes, madame la ministre, vous nous dites qu'un bon budget se juge non pas à l'aune des crédits prévus mais à travers le prisme de l'interministériel.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. C'est vrai !
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Cela pourrait être vrai, monsieur Ollier, si, parallèlement, les budgets, les propos et les actes de vos collègues allaient dans ce sens.
    Mais tel n'est pas le cas si j'en juge à travers quelques exemples qui confortent l'absence de cohérence de l'action gouvernementale en matière de protection de l'environnement et de développement durable.
    Le premier concerne les transports collectifs en site propre, qui, malgré le léger revirement que l'on vient d'observer, ne sont pas financièrement accompagnés à la hauteur des enjeux et des projets, ce qui, immanquablement, nous interroge sur l'avenir des plans de déplacement urbain.
    Le second concerne l'augmentation prévue dans la loi « Affaire rurale » de l'assise géographique du conservatoire du littoral et des espaces lacustres, et sa mise en relation avec la baisse des crédits accordés par votre ministère. En gros, c'est : faites plus d'acquisitions sur un territoire deux fois plus vaste, avec un même effectif et moins d'argent !
    M. Jean-Pierre Blazy. Eh oui !
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Que dire enfin du secret défense relatif au nucléaire et récemment consacré, véritable délégation du droit à l'information, ...
    M. Yves Cochet. Très juste !
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. ... droit que votre charte aura à coeur de constitutionnaliser.
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est pratique !
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. J'aurais bien d'autres exemples, mais le temps presse et je voudrais revenir à votre budget proprement dit.
    L'analyse de ce budget 2004 montre qu'il n'est pas crédible au regard des ambitions affichées puis martelées à grand renfort médiatique par le chef de l'Etat. Ne chercherait-on pas à nous persuader à coup de réclame et de slogan, que ce gouvernement, plus vert que vert, ...
    M. Yves Cochet. Là c'est excessif ! (Sourires.)
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. ... sera celui de la meilleur prise en compte de la dimension environnementale avec comme fer de lance l'élévation constitutionnelle du droit de l'homme à l'environnement et l'avènement ministériel du développement durable... On ne demanderait que ça en considérant le contexte de crises environnementales majeures à répétition que nous venons de connaître : inondations, tempêtes et naufrages de supertankers, catastrophe industrielle, incendies, canicule...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. C'est le bilan de M. Cochet ?
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Cette convergence ne nous mène-t-elle pas au plus fort budget de l'environnement depuis la création du ministère éponyme en 1971 ? Eh bien non ! Si ce décalage laisse perplexe du point de vue communautaire, le lyrisme du chef de l'Etat, le cocorico de la Charte de l'environnement prête à rire tant il tranche avec la réalité de l'engagement de la France.
    M. Lionnel Luca. On se demande qui prête à rire !
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Mais c'est grave, monsieur ! Comment concilier, en effet, les ambitions proclamés avec la position de la France en queue de peloton des mauvais élèves de l'Union européenne du point de vue de la transposition des directives puis de leur application ?
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Avec tout le retard qu'on avait !
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Pire, la Charte de l'environnement s'accomodera-t-elle des nombreuses condamnations de la Cour européenne de justice ?
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Eh oui !
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Dans ce registre des plaintes européennes, je ne résiste pas à saisir la malheureuse occasion de citer le marais poitevin, zone humide exceptionnelle partagée entre deux régions qui vous sont chères et qui se trouve aujourd'hui enlisé dans de graves et nuisibles surenchères, malgré les annonces faites pas le Premier ministre. Faute de crédits suffisants en provenance de tous les ministères concernés, ce territoire, sous le coup de condamnations européennes, et d'un retrait de labellisation par défaut de protection est aujourd'hui menacé.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Ce sont vos amis qui étaient au pouvoir !
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Les deux régions et les trois départements concernés, madame la ministre - tous de votre majorité, et ce depuis des années - attendent que l'Etat, votre Etat, vienne les sauver, car ils sont eux-mêmes incapables d'apporter des solutions pérennes.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Qu'est-ce qu'il a fait, M. Cochet ?
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Même moi, je nourrisais l'espoir secret que notre Premier ministre et vous-même alliez susciter un traitement plus adapté, en particulier en matière d'agriculture et de mesures agri-environnementales. Mais cela n'a pas été le cas ! Certes, je me félicite de sa prise en compte, dans la loi Territoires ruraux, mais il nous faudra sûrement aller plus loin.
    Dans le même ordre d'idées, que dire aussi de la manière dont la France freine le programme européen REACH ? Quel visage montre la France qui a fait pression pour édulcorer le contenu de la directive relative à la prévention et à la réparation des dommages écologiques résultant des activités industrielles ?
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Demandez à M. Schröder !
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. A l'image de ce budget, la politique environnementale de la France s'inscrit souvent en trompe l'oeil ! Madame la ministre, nos voisins nous taquinent parfois parce que nous avons choisi le coq comme emblème. Savez-vous pourquoi ? Eh bien, c'est que le coq est le seul animal qui peut chanter les pattes dans le fumier !
    M. Lionnel Luca. C'est une plaisanterie belge !
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. C'est malheureusement l'impression que me donne ce grand cocorico de la Charte, alors que nous sommes empêtrés dans le lisier breton et dans les nitrates ! Autre dossier où plane la menace d'une nouvelle condamnation de la Cour européenne.
    Chose plus grave que cette énorme déception, que ce grand écart entre le discours et l'action, ce budget aux élans poussifs masque mal la continuité d'une dérive amorcée lors du précédent budget, et particulièrement déclinée au portefeuille de l'environnement : un inconséquent désengagement de l'Etat, entrepris dans le budget 2003 et dont on mesure déjà les graves conséquences, augurant malheureusement de la même impuissance des pouvoirs publics face aux prochaines crises. Ce budget participe, par ses manquements, du déficit des politiques publiques environnementales.
    En matière de protection de la nature, des sites et des paysages, une baisse de 10 % est prévue alors que vous nous annoncez une stratégie nationale pour la biodiversité. Ce choix budgétaire est d'autant plus incohérent qu'à l'heure actuelle, 1,18 % seulement du territoire est protégé dans ce cadre et que la dotation Natura 2000 est en diminution, ainsi que les crédits alloués à la gestion et à la conservation des milieux naturels sensibles - mon collègue Chanteguet y reviendra tout à l'heure.
    La protection de l'eau et des milieux aquatiques trinque elle aussi. Après avoir subi une baisse l'année dernière, le budget semble stationnaire. Une nouveauté importante toutefois : l'intégration complète du Fonds national de solidarité eau, le FNSE, dans le budget de l'eau.
    Par conséquent, le FNDAE disparaît. Une taxe, créée sur les consommations d'eau distribuée dans toutes les communes bénéficiant d'un réseau de distribution public d'eau potable, est affectée au budget général de l'Etat, lequel peut attribuer des subventions en capital aux collectivités territoriales et à leurs groupements pour l'exécution des travaux d'alimentation en eau potable et d'assainissement dans les communes rurales. Toutefois, comme cela a été dit tout à l'heure, nous n'avons aucune assurance sur le niveau de ces aides, sur leur pérennité et sur la procédure d'attribution.
    L'amputation, par la loi de finances pour 2003 des recettes liées à la part PMU avait déjà porté un sérieux coup au FNDAE. Ainsi, les départements ont vu leurs dotations diminuer très fortement : pour 64 d'entre eux, la baisse est comprise entre 50 et 75 % et, pour 25 autres, elle est supérieure à 75 %. Ces baisses remettent en cause de nombreux programmes de travaux d'assainissement en milieu rural, alors que la qualité de l'eau ne cesse de se détériorer.
    Ces choix budgétaires, qui viennent s'ajouter à l'abandon du projet de loi portant réforme de la politique de l'eau, confirment l'absence totale de politique de l'eau de votre gouvernement.
    Toutefois, un effort important est à saluer en matière d'inondations, puisque la dotation qui leur est allouée augmente. Conformément à la décision prise par le gouvernement de Lionel Jospin...
    M. Lionnel Luca. Qui ça ?
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. ... au CIADT du 9 juillet 2001, le 5 septembre 2003, a été inauguré à Toulouse, le service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations. La dotation prévue devrait permettre au service de fonctionner en regroupant une trentaine de spécialistes.
    Enfin, les efforts soutenus pour instaurer une solidarité et une péréquation nationales sont encore une fois à la baisse. Que va devenir, dans ce domaine encore, la solidarité ? La fracture sociale - urbaine, ethnique, voire religieuse, évoquée par le chef de l'Etat - s'enrichira sûrement sous peu d'une fracture environnementale, qu'aucune charte adossée à la Constitution ne pourra réparer !
    M. Jean-Pierre Blazy. Tout à fait !
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Le chapitre concernant la prévention des pollutions et des risques est peut-être celui qui m'apparaît le moins mauvais. Toutefois, rien ne nous permet, dans le « bleu », de connaître le détail de la hausse de 27 % en DO et CP de la prévention des risques technologiques. Un effort particulier va-t-il être fait, madame la ministre, dans le domaine de l'information et de la concertation ?
    La nouvelle baisse prévue pour la prévention des risques naturels risque de limiter le nombre d'actions des collectivités dans ce domaine, alors que l'objectif affiché reste toujours la couverture de 5 000 communes par un PPR approuvé en 2005.
    Je vais maintenant aborder, trop succinctement, là encore, le soutien de votre ministère aux établissements publics. J'ai le sentiment profond qu'ils seront bientôt incapables d'assumer leur mission et ne pourront plus faire valoir leur compétence.
    Je pourrais illustrer ces propos en citant l'IFEN, l'AFSSE et l'ADEME, mais mon temps de parole étant quasiment écoulé, je passerai sur ces trois sujets et me bornerai à...
    M. le président. A conclure.
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. ... souligner l'effritement par votre budget du soutien aux politiques environnementales. Ce désengagement s'exprime notamment vis-à-vis des associations. A cet égard, le budget du ministère est en parfaite harmonie avec le « la » gouvernemental - gel de subventions, suppression des emplois jeunes... - et le projet de loi de finances tout entier qui vient d'être voté organise la clôture du FNDVA, fonds destiné à la formation des bénévoles associatifs. En effet, contrairement à ce que le Premier ministre avait promis aux associations de protection de l'environnement à Matignon en juillet dernier, la dotation au partenariat avec le monde associatif baisse de plus de 20 %.
    Il est à noter que, dans la loi de finances pour 2003, il y avait déjà eu une baisse sensible des sommes versées en soutien aux associations. C'est donc un nouveau signe de la remise en cause des conventions pluriannuelles d'objectifs signées entre l'Etat et les associations. Voilà encore un paradoxe de ce budget : comment peut-on, sans que cela suscite la perplexité, mettre en regard le fait avoué régulièrement par les représentants du ministère, à savoir que notre pays souffre d'un déficit chronique d'expertise et de données de terrain, ce qui explique d'ailleurs le recours aux associations, et le soutien décroissant à ces mêmes associations ?
    Bref, madame la ministre, votre budget ne nous satisfait pas du tout. Comme l'ont exprimé certains orateurs avant moi, nous sommes très inquiets. C'est pour cela que, vous l'aurez compris, nous ne voterons pas les crédits de votre ministère. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Lionnel Luca.
    M. Lionnel Luca. Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, le budget que vous nous proposez dans un contexte économique difficile montre votre volonté, celle du Gouvernement, celle du Président de la République, de faire de l'écologie et du développement durable une des priorités de la politique de notre pays.
    Je voudrais attirer votre attention sur trois points, et faire une proposition.
    Il faut d'abord vous remercier d'avoir permis un dialogue constructif avec les élus locaux concernés par la mise en place du réseau Natura 2000 et, en particulier, dans le département dont je suis l'élu, les Alpes-Maritimes, et dans un secteur où cela a été particulièrement constructif : le secteur des Préalpes de Grasse. Mais la mention dans le document d'objectif qui a été remis il y a quelques jours du « passage du loup » a provoqué la colère justifiée des éleveurs, puisque cette mention n'avait jamais été évoquée jusque-là. Si celle-ci devait être maintenue, elle conduirait tout simplement les municipalités qui ont soutenu le réseau Natura 2000 et qui y ont travaillé et participé, à le remettre en cause.
    Concernant la politique des déchets - c'est mon deuxième point -, deux millions de tonnes de vieux papiers issus de prospectus publicitaires et de la presse gratuite restent dans l'attente d'une filière de retraitement organisée, par le biais d'une contribution en amont des producteurs, pour indemniser les collectivités qui supportent seules les coûts d'élimination. Les entreprises du commerce et de la distribution se sont engagées depuis trois ans à la mise en oeuvre d'une filière de financement et de recyclage, qui pour le moment, n'a pas abouti, faute de l'implication de la totalité des acteurs concernés.
    De même reste posé un problème qui peut paraître anecdotique, mais qui est réel - celui de la distribution gratuite de sacs plastiques aux clients des surfaces de vente, au lieu de papiers recyclables.
    Troisièmement, l'une des conséquences du réchauffement climatique est l'aggravation de l'érosion littorale, qui concerne quelque 3 000 kilomètres de nos côtes, dont celles du département dont je suis l'élu. Ce sujet a été débattu dans nombre de colloques mais, pour le moment, aucune politique lisible n'est affichée par l'Etat, alors que certains de nos pays voisins l'ont déjà fait. J'attire spécialement votre attention sur ce problème car il est crucial pour les années à venir.
    S'agissant du domaine public maritime, l'Etat, qui vient de rappeler avec force sa volonté de mener une gestion moins laxiste que par le passé, ne saurait se contenter de détruire des constructions illicites, sans engager parallèlement une véritable politique de prévention et de protection des équipements publics et des propriétés privées à l'arrière de ce domaine public, afin de ne pas laisser les collectivités locales seules face à ce problème, qui ne manquera pas de se développer.
    Enfin, ma proposition concerne la prévention et la gestion des risques environnementaux, qui sont deux des points forts de votre budget et cela mérite d'être salué. Force est de constater que cette prévention et cette gestion s'exercent de plus en plus au niveau départemental et que les conseils généraux en sont les premiers contributeurs financiers, par le biais des SDIS, par exemple, pour tout ce qui touche aux incendies de forêt, ou des syndicats de rivières pour tout ce qui concerne les inondations.
    Des mesures incitatives pourraient dans votre budget accompagner la création de véritables agences départementales de la prévention et de la gestion des risques, en remplaçant une approche sectorielle par catégorie de risques par une prise en compte transversale des problèmes que peuvent rencontrer les départements. Ces agences départementales me paraissent être un outil indispensable pour agir localement en permettant une prise en compte culturelle de la notion de risque et l'appropriation de celle-ci par la population.
    Le département des Alpes-Maritimes est un témoin exceptionnel de tous les risques encourus : incendies de forêt, incendies péri-urbains, inondations, glissements de terrain, avalanches, tremblements de terre et raz-de-marée. A ce titre, il serait candidat - et je parle en accord avec mon collègue Christian Estrosi, président du conseil général - pour expérimenter avec l'Etat la mise en place d'une agence départementale des risques. Celle-ci pourrait s'appuyer sur un projet en cours initié par le club high-tech de la Côte d'Azur de Sophia Antipolis avec l'université de Nice et le CNRS, qui a mis en place récemment un groupement d'intérêt scientifique.
    Pour terminer, je tiens à vous rendre hommage, madame la ministre. Dans tous les domaines que vous avez évoqués, vous avez démontré, à travers ce budget et à travers des éléments concrets, votre volonté de faire de l'écologie et du développement durable une grande politique pour la France. Et vous le faites - oserai-je le dire ? - avec pragmatisme, efficacité...
    M. Loïc Bouvard. Et talent.
    M. Lionnel Luca. ... et talent, comme me le souffle avec à propos M. Bouvard. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.
    M. Jean-Paul Chanteguet. Madame la ministre, dans le cadre de la discussion générale portant sur le budget de votre ministère pour 2004, je souhaite plus particulièrement évoquer la protection de la nature, des sites et des paysages.
    A ce sujet, vous nous avez indiqué que « la France qui possède, en métropole et outre-mer, un patrimoine naturel exceptionnel par sa diversité biologique et paysagère porte une importante responsabilité dans la mobilisation planétaire pour la préservation de la biodiversité ». C'est pourquoi, dites-vous également, « pour continuer à stopper d'ici à 2010 la perte de biodiversité, la France se dotera en 2004 d'une stratégie nationale pour la préservation de la biodiversité ».
    Comme notre rapporteur, Christophe Priou, je m'étonne que les crédits consacrés à la protection de la nature soient en forte baisse - de l'ordre de 10 % - tant pour les dépenses ordinaires et les crédits de paiement, qui passent à 10,8 millions d'euros, que pour les autorisations de programme, qui passent à 46,5 millions d'euros.
    Madame la ministre, on est en droit de se demander où est la cohérence de votre politique quand on voit que la dotation de l'outil privilégié de mise en valeur et de développement durable de territoires remarquables pour biodiversité, Natura 2000, passe de 19,8 millions d'euros à 17,8 millions d'euros, enregistrant une diminution de plus de 11 %
    De même, comment peut-on asseoir une politique de développement du réseau d'espaces protégés en proposant de réduire les crédits des parc nationaux de 35,6 millions d'euros à 33,9 millions d'euros, ceux des réserves naturelles de 12,7 millions d'euros à 11,56 millions d'euros et de diminuer le budget du conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres de 20 %, le faisant passer à 20,93 millions d'euros.
    Les parcs naturels régionaux sont entre autres des partenaires privilégiés au service de la protection des milieux, de la faune et de la flore. Vous le reconnaissez vous-même, madame la ministre. Au nombre de 40, ils représentent près de 12 % du territoire national. Contrairement aux parcs nationaux, ce ne sont pas uniquement des sanctuaires naturels. Ils se démarquent d'une logique purement biologique et environnementale et constituent, depuis plusieurs décennies, des territoires d'expérience pour le développement local des espaces ruraux habités. Le concept de développement durable résume assez bien leur logique d'action, car on y recherche la synergie entre protection de la nature et du patrimoine, développement économique et solidarité sociale.
    Mais les responsables des parcs, aujourd'hui, s'interrogent.
    Ils s'interrogent d'abord parce que certains d'entre eux, ont, en 2003, subi une baisse importante de leur dotation.
    Ils s'interrogent ensuite parce que, souvent, les propos élogieux tenus à leur égard par nos responsables politiques n'ont pas été suivis d'effet.
    Ils s'interrogent aussi parce que la possibilité de superposition entre un parc et un ou plusieurs pays donnée par la loi, même si la dernière disposition législative confirme la prééminence de l'organisme de gestion du Parc, est source de difficultés, nuit à l'efficacité et peut, à terme, compromettre l'existence de certains parcs.
    Ils s'interrogent enfin parce que le désengagement financier de l'Etat, que nous voyons poindre à l'horizon, porte en lui le transfert des parcs vers les régions, ce qu'ils ne souhaitent pas, puisque, pour eux, la politique des parcs doit être nationale. C'est à l'Etat, en effet, de garantir la valeur du label « Parc naturel régional ».
    Madame la ministre, devant la commission des affaires économiques, vous avez indiqué que, dans le projet de budget 2004, une priorité est accordée aux moyens de fonctionnement des parcs naturels régionaux, et que leurs crédits de fonctionnement sont maintenus à un niveau voisin de celui des crédits consommés en 2003. Ces propos ne sont pas faits pour nous rassurer, compte tenu des restrictions budgétaires imposées en 2003.
    Lors des journées techniques des Parcs qui se sont tenues dans le parc naturel régional du massif des Bauges, vous n'avez pas manqué de mettre en avant le rôle des Parcs dans la mise en oeuvre d'une politique de préservation de la biodiversité. En effet, forts de leur connaissance du terrain et des engagements des acteurs locaux, les parcs peuvent revendiquer le soutien actif qu'ils apportent aux politiques nationales et européennes. C'est en particulier vrai pour Natura 2000 puisque les parcs se sont déjà engagés à assurer la bonne fin des documents d'objectifs des 85 sites retenus sur leurs territoires et qu'ils sont prêts à prendre en charge le lancement de ceux qui sont en attente.
    Comme vous le souhaitez, je suis sûr que, dès la parution du décret sur les réserves régionales, les organismes de gestion des parcs, compte tenu de leurs compétences, accompagneront les régions dans la mise en place de ces nouveaux outils.
    Nous le savons bien, il ne peut y avoir de politique de préservation des espaces privés, présentant un intérêt environnemental, sans contractualisation et sans mesures financières. C'est pourquoi je me félicite du premier pas qui vient d'être accompli sous votre responsabilité et votre impulsion, puisque figure dans la loi de finances 2004, l'éxonération totale de la taxe sur le foncier non bâti pour les propriétés situées dans une zone Natura 2000, faisant l'objet d'un contrat de gestion.
    De même, dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, figurent de nouvelles dispositions fiscales qui devraient permettre une éxonération partielle ou totale sur le foncier non bâti dans les zones humides à fort enjeu environnemental.
    Néanmoins, les élus et responsables de ces mêmes zones humides ne peuvent comprendre et admettre que leur territoire ne bénéficie pas des mêmes mesures que celles qui viennent d'être arrêtées pour le marais Poitevin, puisque les prairies y bénéficieront d'une indemnité compensatoire de handicap naturel et qu'à cela s'ajouteront 2 millions d'euros sur les crédits de votre ministère.
    Territoires d'expérimentation, les parcs le sont déjà dans bien des domaines. Cette légitimité, ils l'ont acquise par le travail acharné de leurs élus, de leurs équipes et aussi des habitants qui sont de plus en plus associés au devenir de leur pays sous des formes variées de concertation.
    Les parcs naturels régionaux n'ont pas gaspillé leur nature. Ils sont fiers de l'avoir conservée et, dans de nombreux cas, reconquise. Ils ont aussi démontré leur totale adhésion aux grands enjeux de ce monde, comme celui de l'eau et de la biodiversité.
    Madame la ministre, malgré vos propos rassurants et votre volonté de bien faire, nous ne pensons pas que vous disposiez d'un budget à la mesure de vos ambitions. C'est pourquoi nous voterons contre celui-ci. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.
    M. Yves Cochet. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il est dommage que le gouvernement actuel n'ait pas retenu les engagements du gouvernement précédent en termes de présentation budgétaire. Laurent Fabius avait institué une règle de présentation à périmètre constant. Visiblement, ce gouvernement n'en a cure. Cela me semble dommage pour les finances publiques, pour la transparence et pour la démocratie, et également pour les amoureux de l'environnement.
    Il faut donc relire les informations données dans le bleu budgétaire, car il y a plusieurs niveaux de lecture.
    Le premier a été illustré par notre collègue Nathalie Kosciusko-Morizet : « Le budget progresse de 11,43 % .» C'est le niveau de lecture de l'UMP. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Lionnel Luca. C'est très gentil !
    M. Jean-Pierre Blazy. Ils ne comprennent pas tout !
    M. Philippe Rouault, rapporteur spécial. Vous n'avez pas écouté mon intervention !
    M. Yves Cochet. Un deuxième niveau de lecture apparaît lorsqu'on s'intéresse à la capacité d'engagement réel du ministère. C'est là le véritable indice des actions qu'il entreprend. Il faut pour cela additionner les dépenses ordinaires du titre III et du titre IV et les autorisations de programme, ce qu'on appelle un calcul en DO + AP. Première déception : la progression n'est plus que de 1,6 %. En effet, les autorisations de programme ont chuté de 7,7 %. Ma question est la suivante, madame la ministre : quelle politique comptez-vous mener avec une telle baisse de vos capacités d'investissement ?
    Un troisième niveau de lecture s'intéresse à ce qui se passe autour du ministère. Dans les instruments dont disposait celui-ci jusqu'alors, il y avait le FNSE, deuxième section du compte spécial du Trésor 902-00 - Fonds national de l'eau - , la première section étant constituée du FNDAE. Le monde de l'eau appréciera à sa juste mesure, j'en suis sûr, l'initiative prise par le Gouvernement, de supprimer ces deux fonds.
    Madame la ministre, vous avez rapatrié dans votre budget les crédits du FNSE, soit 83 millions d'euros. Il est vrai que vous avez l'habitude de priver l'eau de ses crédits puisque, l'année dernière, vous aviez soutiré 20 millions d'euros à ce même compte spécial du Trésor. Cette année, vous prenez le tout.
    Il est vrai également que vous avez décidé de prélever dans les caisses des agences de l'eau presque 240 millions d'euros.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Ça y est !
    M. Yves Cochet. Et là, c'est plus subtil. J'ai cherché une trace de ce rapt de trésorerie dans votre projet de budget.
    M. Lionnel Luca. Un racket ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Cochet. J'y suis arrivé, mais c'est assez difficile, ce qui est dommage, parce qu'il paraît que même vos amis politiques s'en émeuvent. Ainsi le sénateur Robert Galley qui s'y connaît en financement, ...
    M. Jacques Kossowski. Et en eau aussi !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. C'est vraiment ignoble !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Ce n'est vraiment pas convenable !
    M. le président. M. Galley n'est pas là pour se défendre, monsieur Cochet.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Quand vous aurez les états de service envers la Patrie de M. Galley, vous pourrez parler.
    M. Yves Cochet. Permettez-moi de le citer. C'est un de nos collègues parlementaires. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Poursuivez, je vous prie, monsieur Cochet, et revenons au sujet.
    M. Yves Cochet. M. Robert Galley a adressé une note « confidentielle » à l'ensemble des membres du comité de bassin pour les alerter sur cette situation de rapt. Combien allez-vous prendre au secteur de l'eau, cette année, madame la ministre, afin de combler les insuffisances budgétaires de votre ministère ? Aux 240 millions d'euros des agences de l'eau, doit-on également ajouter les 120 millions d'euros de transport de crédits en compte du Fonds national de solidarité pour l'eau, opération que l'on trouve expliquée dans une petite note au bas de la page 88 de votre « bleu » ?
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Il n'a décidément rien compris !
    M. Yves Cochet. Bref, le transfert du FNSE est ce que l'on appelle une grosse « budgétisation », mais il existe aussi, dans votre budget, des transferts entre sections provenant d'autres budgets ministériels. On n'en trouve pas moins de cinq et je n'ai pas le temps de tous les citer. Pouvez-nous néanmoins indiquer si les cinquante emplois « finances » doivent être déduits des réductions d'emplois annoncées sur le budget du MINEFI ? C'est une question à laquelle je ne sais pas répondre,...
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. C'est dommage !
    M. Yves Cochet. ... mais peut-être le saurez-vous, madame la ministre.
    Compte tenu de l'ensemble des transferts et de la grosse budgétisation du FNSE, votre budget n'évolue réellement que de 0,13 % en DO + CP et baisse de 1,5 % en DO + AP, les autorisations de programme seules diminuant de 16 %, à ce niveau de lecture.
    Que vous restera-t-il pour mener votre politique, madame la ministre, lorsque vous aurez payé les dépenses liées à l'augmentation de la rémunération de la fonction publique de 2002 ?
    M. Jean-Paul Chanteguet. Trois pour cent !
    M. Yves Cochet. Rien !
    M. Philippe Rouault, rapporteur spécial. Tant qu'à faire !
    M. Yves Cochet. Non seulement vos crédits n'ont pas progressé, mais ils ont diminué de 1,5 % par rapport à l'inflation, puisque c'est la norme retenue par M. Raffarin pour l'évolution des dépenses publiques. Madame la ministre, vous le savez, la maison brûle, votre ministère n'existe plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jacques Kossowski. On a donc besoin d'eau !
    M. le président. La parole est à M. Didier Quentin.
    M. Didier Quentin. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans un contexte difficile, qui a été souligné à plusieurs reprises, je crois pouvoir affirmer que ce projet de budget est bon. Mais, pour être tout à fait satisfaisant, il conviendra d'obtenir des fonds de concours, notamment des agences de l'eau.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Très bien !
    M. Philippe Rouault, rapporteur spécial, et M. Christophe Priou, rapporteur pour avis. Oui !
    M. Didier Quentin. Nous espérons donc que les conseils d'administration qui doivent se réunir ces jours prochains donneront un avis favorable, comme l'a fait hier, jeudi 23 octobre, l'agence de l'eau Rhin-Meuse.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Exactement !
    M. Didier Quentin. Vous devriez ainsi avoir les moyens de concrétiser les engagements pris par le Président de la République, et faire adopter le projet de loi constitutionnelle relatif à la charte de l'environnement dans le courant de l'année 2004.
    Plusieurs analyses d'opinion le révèlent, la protection de l'environnement et le développement durable sont parmi les toutes premières préoccupations de nos concitoyens, notamment des plus jeunes d'entre eux.
    A cet égard, nous ne pouvons que nous féliciter de la décision annoncée ces jours derniers par la secrétaire d'Etat au développement durable, Mme Tokia Saïfi, de renforcer l'éducation à l'environnement dans les programmes scolaires. Les textes le prévoyaient depuis 1977, mais ils n'étaient, hélas, pas assez appliqués.
    Dans le bref laps de temps qui m'est imparti, je souhaite consacrer l'essentiel de mon propos au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, que j'ai l'honneur de présider depuis un peu plus d'un an. Au cours de ces derniers mois, j'ai parcouru la France métropolitaine et l'outre-mer, à la rencontre des élus, des responsables politiques, administratifs, associatifs et des agents de terrain qui, avec un enthousiasme et une passion qu'il faut saluer, font vivre cette grande cause nationale.
    Vous me permettrez d'avoir une pensée toute particulière pour les gardes du littoral, nos « gardes bleus », à laquelle j'associe notre collègue Jérôme Bignon, président de l'association Rivages de France. Nous avons, encore tout récemment, pu constater leur attachement et leur dévouement à la préservation des richesses naturelles et aux paysages littoraux, lors de leurs journées nationales des 7 et 8 octobre dernier en Camargue. Au cours de l'année écoulée, j'ai pu mesurer combien les acquisitions réalisées par le Conservatoire, depuis 1975, assurent la préservation définitive de milieux naturels et de paysages remarquables. Ceux-ci sont source de richesses, car ils reçoivent des millions de visiteurs, mais aussi - et c'est le plus important à mes yeux - de lien social, car les populations reconnaissent dans ces sites une part de leur identité. Cette action s'inscrit dans le long terme et est loin d'être achevée. En effet, vingt-huit ans après sa création par la loi du 10 juillet 1975, votée à l'initiative du Gouvernement de Jacques Chirac, le Conservatoire a déjà acquis près de 68 000 hectares, soit un peu plus de 800 kilomètres de rivages, répartis sur 520 sites. C'est considérable, mais cela ne représente que le tiers du « tiers sauvage » qui était et demeure notre objectif.
    Plusieurs émissions de télévision ont d'ailleurs, au cours de cette année, tiré la sonnette d'alarme sur les risques de dégradation du capital écologique, culturel et touristique que constituent nos rivages naturels, sur la responsabilité de l'Etat et sur l'outil essentiel que représente le Conservatoire du littoral.
    A cet égard, et comme l'a déjà noté l'excellent rapport de Christophe Priou, les moyens qui nous seront accordés en 2004 semblent en deçà des besoins de l'établissement public.
    M. Jean-Paul Chanteguet. Des sous !
    M. Didier Quentin. Je me permets d'ailleurs de souligner l'importance du statut d'établissement public de l'Etat pour le Conservatoire, dont j'aurais personnellement souhaité qu'il soit qualifié de « Conservatoire national », même si je me félicite de l'excellent partenariat qui existe avec les collectivités territoriales, et qui sera renforcé durant la nouvelle étape de décentralisation. Les crédits alloués risquent d'être d'autant plus justes que des missions nouvelles, étendant considérablement le champ d'intervention du Conservatoire pour la protection des zones humides, vont lui être confiées par la prochaine loi relative aux territoires ruraux. En outre, ses maigres effectifs - moins de soixante-quinze postes budgétaires pour l'ensemble du littoral français, y compris l'outre-mer - sont menacés de plusieurs amputations.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui, il a raison !
    M. Jean-Pierre Blazy. Il faut voter contre !
    M. Didier Quentin. Je m'étonne, en effet, que l'administration centrale de certains ministères réintégre des agents qui avaient été détachés auprès du Conservatoire...
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Non, mis à disposition !
    M. Didier Quentin. ... alors que les emplois concernés sont tout à fait marginaux au regard des effectifs de ces ministères.
    Il est donc hautement souhaitable, madame la ministre, comme je l'ai déjà dit au début de mon intervention, que votre département ministériel puisse bénéficier des fonds de concours des agences de l'eau. Le Conservatoire doit en effet, aujourd'hui, conduire des actions plus complexes et plus coûteuses qu'à ses débuts, notamment du fait du renchérissement des terrains.
    De plus, l'établissement public devra faire face à plusieurs opérations de grande ampleur, auxquelles il ne pourra se soustraire. Dans cette perspective, je souhaiterais, madame la ministre, que vous puissiez ici me donner l'assurance que, comme il avait été fait il y a quelques années pour l'acquisition des Salins d'Hyères, vous serez en mesure de nous soutenir, le cas échéant, si une acquisition emblématique, dépassant nos possibilités, s'avérait indispensable.
    Devant toutes ces contraintes, si nous voulons maintenir notre capacité d'action, nous allons devoir redoubler d'effort et d'imagination auprès de l'ensemble de nos partenaires publics et privés, y compris auprès des fondations d'entreprises mécènes qui sont maintenant une douzaine et auxquelles je tiens à rendre hommage pour leurs contributions.
    Je réfléchis aussi à d'autres modalités de gestion et d'entretien de ce patrimoine naturel, notamment par le biais des travaux d'intérêt général.
    M. Jean-Pierre Blazy. Vive la délinquance !
    M. Didier Quentin. Je conclurai, madame la ministre, en soulignant que vous avez marqué une priorité, bien compréhensible après les drames que nous avons vécus, en faveur de la prévention contre les catastrophes naturelles et industrielles. Mais je sais aussi l'ambition qui vous anime pour renforcer la protection et la gestion dynamique du patrimoine naturel. C'est d'ailleurs tout le sens de la stratégie nationale sur la politique de bio-diversité que vous avez présentée lors du conseil des ministres du 11 septembre dernier.
    Je tiens à vous dire combien je m'en réjouis et me permets, d'ores et déjà, de prendre rang pour le Conservatoire du littoral, au nom d'une cause qui nous a toujours tous réunis, au-delà des clivages partisans, et d'une institution vivante unanimement respectée sur notre territoire et jugée exemplaire à l'extérieur de nos frontières, car elle donne toute sa portée à la belle expression de « développement durable ».
    Je lancerai donc, pour terminer, un appel à la mobilisation de toutes les bonnes volontés en faveur du Conservatoire du littoral. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bonne intervention !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Des sous !
    M. le président. La parole est à M. Philippe Tourtelier.
    M. Philippe Tourtelier. Madame la ministre, le budget que nous examinons aujourd'hui me paraît être la parfaite illustration de l'ambiguïté contenue dans l'appellation de votre ministère : « écologie et développement durable ».
    On aurait pu penser, en effet, que le mot écologie avait un sens assez large pour inclure l'avenir. En ajoutant le « développement durable », d'une part, vous annoncez que votre politique devra s'insérer dans ce concept désormais international qui prend en compte le futur, et, d'autre part, vous réduisez l'écologie au traitement du présent ou aux remèdes à apporter aux erreurs du passé.
    En effet, quand on examine votre budget, on constate qu'il se limite à l'écologie prise dans ce sens réducteur en se contentant d'une démarche curative par rapport aux conduites du passé : réduction du bruit, traitement des risques industriels, inondations. C'est un minimum. Mais ne serait-il pas judicieux de se projeter dans le futur pour éviter les mêmes erreurs, bref d'affecter des crédits au développement durable ?
    Cet après-midi encore, nous avons beaucoup entendu dire que l'on ne trouvait pas les crédits correspondants. Mis à part le maintien du crédit d'impôt pour l'achat de véhicules propres, où sont les moyens d'une politique de développement durable ? Vous diminuez même les crédits permettant de surveiller la situation et ses éventuelles dégradations : ceux des organismes de surveillance de la qualité de l'air comme ceux de l'agence française de sécurité sanitaire environnementale.
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Très juste !
    M. Philippe Tourtelier. Votre secrétariat au développement durable existe-t-il vraiment ? En tout cas, il est absent de ce budget, comme d'ailleurs des débats actuels.
    Vous avez contribué à lancer un de ces débats : celui sur l'énergie, thème essentiel pour le développement durable. Retiendra-t-on de cette parenthèse « démocratique » deux types d'annonces, avant et après ? Les vôtres, il y a un an, qui faisaient l'éloge du nucléaire en dénigrant l'éolien, ...
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Oh !
    M. Philippe Tourtelier. ... et celles, plus récentes, de Mme Fontaine, se prononçant en faveur de l'EPR, le réacteur nucléaire de troisième génération ? Vous n'avez pas réagi. De deux choses l'une : soit cela prouve que vous êtes d'accord de bout en bout avec cette déclaration et trahit le cynisme de ce faux débat national, ...
    M. Patrick Ollier, président de la commission. C'était avec l'accord de M. Bataille du groupe socialiste !
    M. Philippe Tourtelier. ... soit cette prise de position montre à quel point votre avis importe peu sur ce sujet majeur du développement durable, et, donc, sur l'ensemble de la politique énergétique. On attendait de votre part une prise de position plus nuancée. Cela devait être plus facile pour vous que pour la ministre de l'industrie, directement soumise à la pression des industriels. Vous auriez pu, en particulier, rappeler ce qui fait consensus : la poursuite d'un effort très important pour la maîtrise de l'énergie et le développement des énergies renouvelables. Vous auriez pu dire : « Pas de précipitation, pas de mépris pour tous ceux qui ont débattu. Deux des trois sages n'ont pas tranché sur la relance du nucléaire et l'EPR, et le troisième a clairement recommandé d'attendre. N'orientons pas la décision avant le débat parlementaire. » Mais c'est comme dans votre budget : silence et absence.
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Très bien !
    M. Philippe Tourtelier. Même si le nucléaire est, comme les énergies renouvelables, « propre » du point de vue de l'effet de serre, vous ne pouvez pas laisser le débat sur l'énergie se réduire à un débat sur l'électricité avec ou sans EPR.
    Rappelons l'importance de cette question énergétique dans le développement durable. Actuellement, les 665 millions d'habitants de l'Union européenne et des Etats-Unis, soit 10 % des habitants de la planète, représentent 37 % de la demande mondiale énergétique. Comment la France assume-t-elle ses responsabilités de ce point de vue, sans s'en tenir aux grandes déclarations d'intentions ? On cherche en vain dans votre budget la réponse à cette question. Pourtant, deux politiques consensuelles - au moins dans les déclarations - sont à mener d'urgence : la maîtrise de la consommation énergétique et le développement des énergies renouvelables.
    Sur le premier point, l'ADEME est un instrument indispensable et efficace. Vous lui avez pourtant coupé les ailes l'an dernier. Je suis sensible, cependant, à la conversion du rapporteur, Philippe Rouault, à ces deux thèmes de la maîtrise de l'énergie et au soutien des énergies renouvelables. Je rappelle que, l'an dernier, il avait proposé un amendement pour réduire davantage encore les crédits de l'ADEME, et que vous vous étiez à juste titre, madame la ministre, opposée à cette mesure.
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Eh oui !
    M. Philippe Tourtelier. Sans doute, souhaitant se montrer cohérent, a-t-il déjà préparé un amendement proposant d'augmenter les crédits de l'ADEME consacrés à la maîtrise de l'énergie, dont il nous a dit qu'ils se maintenaient à 61 millions d'euros, comme l'an dernier, ce qui va à l'encontre de ses déclarations selon lesquelles il faut augmenter les crédits consacrés à la maîtrise de l'énergie.
    M. Philippe Rouault, rapporteur spécial. On peut faire mieux avec les mêmes moyens !
    M. Philippe Tourtelier. La présidente de l'ADEME déclarait en effet lors de l'audition du 16 septembre 2003 : « La situation financière de l'ADEME sera vraisemblablement difficile. » Et elle ajoutait : « En 2003, un plan d'économies a été adopté qui prévoit notamment de ne remplacer qu'un départ à la retraite sur deux. La question du financement des 100 postes créés entre 1999 et 2001 restera entière en 2004. »
    La réalité budgétaire, madame la ministre, est bien loin de la première grande orientation que vous affichez pour 2004 : « Animer la stratégie nationale du développement durable ». On comprend alors pourquoi les autorisations de programme de l'ADEME baissent de 218 millions d'euros en 2003 à 160 millions d'euros en 2004. Avec moins de personnels, on fera forcément moins.
    Là encore, est-ce de l'inconscience ou du cynisme ? Je pense, plus simplement, que c'est la conséquence néfaste de votre politique idéologique de baisse systématique des impôts, qui prive l'Etat des ressources indispensables pour assurer notre avenir.
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard et M. Jean-Pierre Blazy. Très bien !
    M. Philippe Tourtelier. Certes, une réflexion sur le rôle de l'ADEME est nécessaire, notamment sur sa fonction actuelle de « distributeur » de primes qui pourraient être avantageusement remplacées par des mesures fiscales appropriées, comme le préconise Serge Poignant dans son rapport sur la politique de soutien au développement des énergies renouvelables. Mais, pour ne pas casser le début de dynamique de développement de ces énergies, ne privons pas l'ADEME des moyens de gérer cette éventuelle transition. Et si les mesures fiscales sont attractives, son rôle de conseil sera nécessaire dans un premier temps pour établir la confiance des entreprises et des particuliers.
    Quant à la recherche, elle est essentielle dans le soutien à l'innovation technologique dont notre collègue Philippe Rouault a souligné à juste titre l'importance. Cela vaut en particulier pour les techniques concernant le solaire. La France était bien placée sur ce créneau dans les années quatre-vingt. Le choix du nucléaire a phagocyté les crédits de recherche et tout le monde constate aujourd'hui le retard que nous avons pris.
    Notre collègue Serge Poignant le souligne également dans un encadré de la page 12 de son rapport : « La France est le pays de l'Union européenne, avec la Belgique, dont la part des énergies renouvelables - hors hydraulique - est la plus faible dans la production d'électricité. »
    En effet, la France produit 0,8 % de son électricité avec les énergies renouvelables. La moyenne de l'Union européenne est de 2,7 %, celle du Luxembourg, de 17,3 %.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il y a une explication, page 12 !
    M. le président. Veuillez ne pas interrompre M. Tourtelier !
    M. Philippe Tourtelier. J'ai lu le rapport, comme vous, mais je maintiens ce tableau.
    Et cela est directement lié à la faiblesse de notre recherche dans ce secteur. Serge Poignant nous rappelle que, « au cours des dix dernières années, l'Allemagne a consacré neuf fois plus de moyens que la France à la recherche en matière d'énergies renouvelables. » Comment allons-nous redresser la situation, puisqu'il y a un accord sur ce sujet ? Celui-ci ne serait-il que de façade ? La recherche est un élément essentiel pour effectuer d'éventuels sauts technologiques. Mais, pas plus que l'an dernier, nous n'avons de vision claire sur les crédits de recherche concernant l'énergie.
    Vous plaidez souvent le long terme, la réponse globale, interministérielle, des moyens et des actions transversales, des instruments et des crédits parsemés. Or, précisément, madame la ministre, le décret de mai 2002 relatif aux attributions de votre ministère a consacré explicitement votre responsabilité : notre collègue Gilles Artigues, a parlé tout à l'heure de cogestion. Mais, dans les faits, vous êtes au mieux une accompagnatrice, souvent même une spectatrice.
    C'est ailleurs que l'on décide de vos crédits, ailleurs que l'on coupe et découpe après une parodie de débat budgétaire. Rappelons que 85 % des mesures nouvelles de la loi de finances pour 2003 ont été gelés ou annulés. Notre collègue Philippe Rouault rappelait en commission que 20 % du budget 2003 avaient été annulés ou gelés. Combien, sur ces 20 %, concernent les mesures nouvelles ? Quel pourcentage ? J'aimerais avoir une réponse. C'est ailleurs que s'inscrivent les véritables engagements en matière de développement durable. Ce concept ne doit pas être un vague objet non identifié, évoqué ici et là : sinon, ce n'est qu'incantation, plaidoyer velléitaire.
    M. Jean-Pierre Blazy. Très bien !
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Parfait !
    M. Philippe Tourtelier. Dans ce domaine, vous devez être l'expression et la coordinatrice. Rappelez que l'électricité n'est pas tout, que la politique énergétique n'est pas seulement une question de réacteur nucléaire. Exprimez au moins le respect de la procédure démocratique - débat public, débat parlementaire - comme cela est prévu. Impliquez-vous à travers vos crédits, quantifiez précisément vos options. A l'inverse, votre projet de budget est atone, et le parlementaire, comme le citoyen, n'y trouve pas la prise en compte du développement durable. En cela, nous ne pouvons y souscrire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Yves Cochet. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
    M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'environnement est plus que jamais l'un des soucis majeurs de nos concitoyens. Or le budget du ministère connaît, cela a été dit par ceux qui m'ont précédé à cette tribune, une hausse infime, qui paraît bien dérisoire au regard des besoins réels en matière de politique environnementale.
    En outre, cette hausse s'explique en partie par l'intégration du fonds national de solidarité pour l'eau dans le budget du ministère. Hors changement de périmètre, Yves Cochet - votre prédécesseur, madame la ministre - a montré il y a un instant que votre ministère est devenu une maison qui brûle. Effectivement, si l'on tient compte de l'inflation de 1,5 % prévue pour 2004, on mesure le caractère très limité de la hausse annoncée. Je ne parle même pas des gels et annulations de crédits durant l'année 2003, qui font planer un sentiment d'insincérité sur le projet de budget que vous nous présentez.
    En ce qui concerne plus particulièrement la lutte contre le bruit, sur laquelle portera mon intervention, c'est une exigence essentielle, car de toutes les nuisances, c'est celle qui perturbe le plus la vie quotidienne des Français, comme en témoigne une étude de l'INSEE d'octobre 2002, selon laquelle le bruit demeure la première nuisance en ville, devant le manque de sécurité. Selon cette même étude, le bruit indispose plus de la moitié des ménages lorsqu'ils sont chez eux. Et les transports sont la première source de bruit incommodant.
    J'ai constaté, depuis que je m'intéresse à ce sujet, qu'il a souvent été, je vous l'accorde, le parent pauvre des actions budgétaires de prévention contre les pollutions et nuisances. Vos propositions budgétaires pour 2004 renforcent néanmoins ma conviction. Je rappelle le contenu du rapport remis par Claude Lamure en 1998 à vos prédécesseurs : il montrait les conséquences néfastes du bruit sur la santé humaine, ainsi que la progression de l'inégalité sociale face au bruit. Celui-ci est devenu un critère de choix essentiel pour le logement. Les populations les plus défavorisées sont les plus exposées aux nuisances sonores et l'on constate une paupérisation croissante des zones les plus bruyantes. Et je sais de quoi je parle. Madame la ministre, il s'agit, dans ce cas précis, de deux millions de Français parmi les plus modestes. Ces oubliés du bruit seront les victimes de vos choix budgétaires incertains dans ce domaine.
    Car seize mois après votre nomination, le plan national de lutte contre le bruit que vous venez d'annoncer semblait attester de votre prise de conscience des problèmes de nuissances sonores. Vous annoncez vouloir donner la priorité aux quartiers défavorisés, lutter contre le bruit dans les cantines et dans les crèches, ou encore mieux traiter les plaintes de voisinage. Vous n'innovez pas : vous reprenez les bonnes dispositions que nous avions largement engagées. Mais la mise en oeuvre de telles mesures suppose des moyens importants.
    Vous vous targuez - et avec vous le rapporteur, la nouvelle présidente du Conseil national du bruit, que vous avez désignée pour me remplacer - d'une augmentation de 170 % des dotations budgétaires allouées à la lutte contre le bruit. Mais cette augmentation n'est qu'un leurre dans la mesure où elle fait suite à une diminution des crédits en 2003 qui était de l'ordre de 50 %.
    Au total, en 2004, les dotations allouées à la lutte contre le bruit seront en fait en diminution par rapport à 2002 et la lutte contre le bruit ne mobilise plus que 3 % des moyens du budget de l'environnement. Après un tel recul - qui est d'autant plus mal venu, madame la ministre, que nous avions célébré ensemble, en 2002, le dixième anniversaire de la loi relative à la lutte contre le bruit, et qu'à cette occasion, vous aviez accepté de conclure le colloque du Conseil national du bruit -, les augmentations de moyens que vous annoncez pour 2004 ne peuvent en aucun cas faire illusion.
    Dans le temps court qui m'est imparti, je souhaite essentiellement vous interroger sur le financement du dispositif d'aide aux riverains des dix plus grands aéroports français. Vous prévoyez de financer ces insonorisations par une hausse de la taxe payée par les compagnies aériennes. Cette mesure, que vous « annoncez » alors qu'elle était déjà votée dans la loi de finances rectificative de 2002, attend toujours le décret d'application nécessaire. Peut-être allez-vous pouvoir nous rassurer quant à sa publication.
    A partir du 1er janvier 2004, les quelque 450 000 riverains concernés par les futures zones des plans de gêne sonore n'adresseront donc plus leur demande de subvention à l'ADEME, un établissement public, mais de nouveau - c'est un retour en arrière - directement au gestionnaire de l'aéroport concerné : Aéroport de Paris en région parisienne, ou les chambres de commerce qui gèrent les aéroports de province. Ces gestionnaires, qui percevront directement la taxe d'aéroport affectée à la lutte contre le bruit, seront donc à la fois juges et parties, ce qui est proprement inaceptable. Si l'ADEME rencontre aujourd'hui des difficultés de fonctionnement, elles sont essentiellement liées à un manque de moyens humains et financiers. Il ne s'agit pas, aujourd'hui, de changer de gestionnaire, mais d'attribuer les moyens nécessaires pour l'insonorisation des habitations. L'ACNUSA, estime à 130 millions d'euros le coût de l'insonorisation, compte tenu de l'élargissement des périmètres de gêne sonore et du nombre évidemment plus important, de ce fait, de logements et d'équipements à insonoriser.
Or, avec les nouvelles mesures, nous sommes loin du compte. La nouvelle taxe sur les nuisances aéroportuaires remplacera le volet « bruit » de la TGAP et ne devrait rapporter que 55 millions d'euros en 2004. A ce rythme, vingt ans seront nécessaires pour insonoriser la totalité des 180 000 logements inclus dans les nouveaux PGS. Ce n'est pas raisonnable, madame la ministre ! Qu'en est-il du quotidien des riverains des grands aéroports ? Non seulement, le Gouvernement rejette la création du troisième aéroport parisien indispensable pour maîtriser la croissance des nuisances sonores et atmosphériques, non seulement il a abandonné le choix, fait par le précédent gouvernement, de Chaulnes en Picardie, mais en outre, il ne vous donne pas les moyens nécessaires, malgré la demande figurant dans le rapport de la mission d'information parlementaire présidée par notre collègue François-Michel Gonnot, que soient proposées les mesures d'aide à l'insonorisation qui s'imposent.
    Mesdames les ministres, si le développement durable va devenir un principe constitutionnel, votre ministère demeure celui de la réparation des dégâts commis, et sans même disposer des moyens nécessaires. Réparer, oui, il faudra continuer à le faire, mais en faisant payer aux pollueurs ce qu'ils doivent payer. On en est loin, s'agissant du bruit. Et j'aurais pu parler également des bruits dus aux transports terrestres. Mais il convient aussi de traduire dès maintenant, dans les faits, le concept de développement durable, en particulier, mais pas exclusivement, bien entendu, sur la question du transport aérien. Pour l'instant, madame la ministre, votre politique du bruit, c'est beaucoup de bruit pour presque rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, chers amis, je suis particulièrement heureuse de me retrouver aujourd'hui devant vous en compagnie de Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable, pour vous présenter le projet de budget pour 2004 du ministère de l'écologie et du développement durable. Je salue le travail remarquable de M. le président Ollier et des trois rapporteurs. Je salue aussi la très grande qualité de la plupart des interventions que nous venons d'entendre, tout particulièrement celles des orateurs des groupes UMP et UDF qui ont bien voulu m'apporter leur soutien mais aussi de ceux de l'opposition. Je pense en particulier à l'intervention de M. Jean-Paul Chanteguet, qui montre que l'on peut avoir une intervention tonique, d'opposant, qui soit en même temps de qualité et non polémique.
    L'année dernière, je vous avais présenté un budget stable par rapport à 2002, mais remanié par rapport aux priorités que j'ai, dès mon arrivée, assignées aux politiques de ce ministère. Cette année, non seulement le budget que je propose à votre approbation traduit encore plus profondément et plus nettement ces priorités, mais en outre il est en croissance, et bien entendu il est crédible.
    A la suite des rapporteurs, abordons d'abord la question de la croissance. Les moyens de paiement - les dépenses ordinaires et les crédits de paiement - du budget du ministère de l'écologie et du développement durable, qui représentent 856 millions d'euros pour 2004, augmentent, à première vue, de 11,45 %, par rapport à ceux que vous avez votés en 2003. Philippe Rouault, rapporteur spécial, a bien noté que cette hausse tient compte, en fait, de l'intégration dans mon budget du fonds national de solidarité pour l'eau, j'y reviendrai dans quelques instants.
    Hors changement de périmètre, c'est-à-dire si je compare à ces 856 millions d'euros les moyens de paiement dont j'ai disposé en 2003 au titre du budget et du FNSE, cette hausse reste de 2,7 %, ce qui, les membres de la commission des finances en conviendront, n'est pas négligeable.
    Dans le contexte budgétaire actuel, elle signifie l'engagement du Gouvernement pour l'écologie et le développement durable. Cependant, comme tous mes collègues, j'ai conduit une réflexion sur le contour de mon budget, réalisé des arbitrages internes et revu des missions. Cette hausse de 2,7 % s'accompagne de redéploiements, de rééquilibrages politiques qui correspondent aux priorités de mon action. J'ai donc aussi privilégié la qualité des dépenses du ministère et leur efficacité.
    Les emplois du ministère progressent aussi dans le domaine de la sécurité des personnes et des biens.
    Le budget que je défends aujourd'hui, je vous le disais, est crédible. Mes prédécesseurs ont présenté un budget largement construit autour de chèques en blanc et de promesses (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. Jean-Pierre Grand. C'étaient des chèques en Verts !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. ... c'est-à-dire un budget dans lequel les moyens de paiement sont bien inférieurs aux moyens d'engagement, dépenses ordinaires et autorisation de programme. Ce fut le cas en 2002, où le différentiel entre moyens d'engagement et moyens de paiement a atteint 284 millions d'euros, mettant réellement en danger la crédibilité de mes politiques comme des finances du ministère. En 2003, j'ai commencé à réduire cet écart, en le ramenant à 222 millions d'euros.
    Pour 2004, j'ai à la fois augmenté fortement les crédits de paiement - de 44 millions d'euros, soit de 30 %, et c'est cela qui compte - et diminué le montant des autorisations de programme, en tenant compte de mes priorités. Cette baisse des autorisations de programme est de 58 millions d'euros hors transfert, et de 28 millions d'euros - soit 8 % - compte tenu des transferts de politique. Cette démarche est nécessaire pour assurer la crédibilité budgétaire du ministère.
    Enfin, comme l'a souligné très justement Nathalie Kosciusko-Morizet - et je l'en remercie -, j'ai réussi, par ce double rééquilibrage, à ramener le différentiel entre moyens d'engagement et moyens de paiement de 222 millions d'euros à 150 millions d'euros en 2004. Compte tenu de la montée en puissance de certaines politiques et de l'activation des trésoreries de certains des établissements publics du ministère de l'écologie, ce budget est sincère et réaliste, c'est-à-dire que le ministère de l'écologie et du développement durable disposera, l'an prochain, des moyens de paiement nécessaires en comparaison de ses moyens d'engagement, lesquels pour 2004, dépassent très légèrement le milliard d'euros - 1,006 milliard très exactement.
    A propos des engagements, justement : le budget 2004 a été construit pour remplir tous les engagements que j'ai pris pour le compte du ministère dans le cadre de la stratégie nationale du développement durable, dont Tokia Saïfi et moi-même avons la tâche d'assurer l'animation et le suivi, depuis son adoption le 3 juin dernier, par le comité interministériel du développement durable. Pour asseoir sa crédibilité face à nos collègues ministres, nous nous devons en effet d'être exemplaires.
    Ainsi, les moyens humains du ministère ont été renforcés de quatre-vingt-huit emplois. Avec ces emplois, je peux, comme annoncé après la catastrophe d'AZF, renforcer l'inspection des installations classées, qui contrôle notamment la sécurité des industries de type « Seveso », de cent emplois supplémentaires, et amener le service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations - qu'on appelle déjà, comme l'a fait Nathalie Kosciusko-Morizet, le SCHAPI -, spécialisé dans l'interprétation de données de Météo France sur les orages cévenols, à son niveau opérationnel, avec vingt emplois supplémentaires.
    Bien entendu, le ministère, en dehors des deux priorités que je viens de vous annoncer, participe à l'effort commun de redéploiement interne et de non-remplacement d'une partie des départs à la retraite. La croissance des emplois du ministère, et nous savons tous qu'il s'agit d'un sujet sensible, est donc maîtrisée, et s'appuie sur une dynamique de réforme interne sur laquelle je vais m'arrêter un instant.
    J'ai ainsi conduit, dans le cadre de ce qu'il est maintenant convenu d'appeler la SMR, la stratégie ministérielle de réforme, plusieurs réflexions sur l'organisation du ministère de l'écologie et du développement durable, ses missions, ses métiers, mais aussi sur les questions de simplification, de réforme de l'administration territoriale et de réforme budgétaire. Vous avez félicité l'une de nos direction régionales, celle de Midi-Pyrénées, qui a accepté d'être direction pilote, mais c'est l'ensemble de mon administration qui fait un effort absolument extraordinaire de responsabilité et de réactivité. Je souhaite qu'elle en soit remerciée ici.
    Les réalisations innovantes que je pilote - je pense en particulier à la Charte de l'environnement, qui sera la référence des politiques publiques touchant à l'environnement et à la stratégie nationale du développement durable -, ces réalisations, donc, auront des impacts forts sur l'évolution de l'Etat, ses modes de gouvernance et ses relations avec le reste de la société civile, et elles conduiront le Gouvernement à reconsidérer nombre de politiques. Les principes d'information du public et de participation, qui sont défendus dans ces réformes, sont au coeur de nos réflexions sur la gouvernance de la société.
    En matière d'organisation, j'ai décidé, compte tenu de la taille et du périmètre de mon département ministériel, de ne pas revendiquer la création de directions départementales de l'environnement et de continuer à m'appuyer sur les services départementaux d'autres ministères.
    M. Yves Cochet. Notamment celui de l'agriculture !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Par conséquent, j'ai souhaité développer, avec mes collègues Gilles de Robien et Hervé Gaymard, de nouvelles relations de confiance...
    M. Jean-Pierre Blazy. On le voit dans le transport aérien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. ... et l'accord que nous avons conclu afin d'améliorer l'utilisation de leurs services départementaux pour l'accomplissement des missions dont j'ai la responsabilité devrait aboutir à une organisation originale, qui sera mise en place par étapes à partir de janvier 2004.
    Ce processus fait partie de l'attitude générale d'ouverture et de coopération que j'ai adoptée avec l'ensemble de mes collègues du Gouvernement. Je ne pense pas, en effet, qu'une opposition systématique, si confortable soit-elle, soit à même de faire avancer durablement les politiques que je porte.
    J'ai également lancé des réformes de structures au sein même de mon ministère. Ainsi, l'Institut français de l'environnement, l'IFEN, n'a pas la taille critique pour être un établissement public de l'Etat. Sa transformation en service à compétence nationale est en cours, dans le respect de ses missions et, bien entendu, de son indépendance. De même, la stratégie nationale de développement durable, qui a été adoptée en juin dernier par le Gouvernement, va se dérouler sur cinq ans. La charge de son animation et de son suivi nous en reviennent, à Tokia Saïfi et à moi-même. Nous avons donc décidé de créer, à moyens constants, un service chargé du développement durable dans l'actuelle direction des études économiques et de l'évaluation environnementale, qui sera renommée.
    L'amélioration de la gestion interne demeure l'un de nos objectifs permanents. L'audit que l'inspection générale des finances et l'inspection générale de l'environnement ont conduit, à ma demande, lors de mon arrivée au ministère, est la base de la réforme actuelle de la gestion financière et comptable, qui se traduit déjà par des taux de consommation des crédits plus comparables à la moyenne des autres ministères. Il sera rendu compte de ces progrès lors de l'audit du comité interministériel d'audit des programmes relatif à la LOLF. J'ai, à ce sujet, demandé que mon ministère fasse partie des premiers audités, pour que les recommandations puissent être prises totalement en compte. Le travail d'élaboration des programmes du ministère de l'écologie et du développement durable est en effet bien avancé.
    Les personnels de mes services sont recrutés et gérés par d'autres ministères. On peut juger que cette situation présente des inconvénients. En tout cas, elle me permet de disposer d'une ressource humaine mobile...
    M. Jean-Pierre Blazy. Très mobile, en effet !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. ... et de compétences variées. Il faut toutefois constater que les établissements publics qui relèvent de ma tutelle constituent plus du double des effectifs de mes services et n'ont pas de dispositions statutaires relatives à la mobilité. Je conduis en ce moment une réflexion avec mes collègues chargés du budget et de la fonction publique sur la mobilité des personnels au sein des établissements publics entre eux et avec les services de l'Etat.
    Revenons maintenant à l'analyse du budget du ministère de l'écologie et du développement durable, que j'ai profondément remodelé en fonction de mes priorités.
    Ma première priorité, vous avez été nombreux à le rappeler, est bien entendu la sécurité de nos concitoyens face à leur environnement. Sécurité face aux inondations, tout d'abord, et l'actualité des semaines passées dans le sud-est de la France me confirme dans ma volonté en ce domaine, un an après les événements dramatiques de septembre 2002. J'avais annoncé une réforme du dispositif de prévision des crues, pour passer de l'annonce à la prévision. Elle est en marche, avec la mise à niveau opérationnel du SCHAPI - j'en ai déjà parlé. La réforme des services locaux de prévision des crues est arrêtée dans ses grandes lignes et sa cartographie, et elle se déroule conformément au calendrier prévu. J'ai lancé un appel à projets des collectivités territoriales pour mettre en place des méthodes nouvelles de prévention des inondations. Les crédits correspondants sont inscrits dans le projet de loi de finances : le budget consacré aux inondations est en forte croissance relative, avec 61,7 millions d'euros d'engagement, contre 49,4 millions en 2003, soit une augmentation de 25 %, et surtout 35,6 millions d'euros de moyens de paiement, là où il n'y en avait que 20,4 en 2003, soit une augmentation de 75 %, ce qui est, vous en conviendrez, considérable.
    Dans le domaine des autres risques naturels, comme les avalanches, les incendies de forêt ou les glissements de terrain, je me suis, là aussi, donné les moyens de mes ambitions, celles que je porte au plan national. Les moyens engagés sur le budget du ministère, à hauteur de 7,52 millions d'euros, me permettent de poursuivre ma politique axée sur les plans de prévention des risques et l'information du public.
    J'ai noté avec intérêt la proposition de Lionnel Luca d'une gestion territoriale du risque. Je le rejoins, et c'est la raison pour laquelle nous menons cette politique de territorialisation, en nous appuyant sur les directions départementales de l'équipement, chargées de la cartographie des risques, surtout les risques technologiques, et de la gestion de la prévision des crues - puisque les services d'annonce des crues sont transformés en services de prévision des crues.
    Mais il faut ajouter à cela la mobilisation, hors budget, du fonds Barnier, qui est doté de 80 millions d'euros de réserves. La loi du 30 juillet 2003 sur les risques technologiques et naturels a élargi les conditions de sa mobilisation.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est vrai !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Il peut maintenant financer l'acquisition de maisons fortement endommagées et de leur terrain d'assiette, afin de délocaliser les populations les plus exposées, ou encore les travaux permettant de sécuriser les habitations soumises au risque.
    M. Didier Quentin. Très bien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. La même loi du 30 juillet 2003 contient des dispositions importantes, autour des 672 établissements Seveso à haut risque, qui portent à la fois sur l'élaboration de plans de prévention technologiques, les PPRT, et sur la création de comités locaux d'information et de concertation, les CLIRT.
    Le budget consacré à la prévention des risques technologiques prévoit le financement de ces mesures : il augmente de 27 %, pour atteindre 6,95 millions d'euros en moyens de paiement et 13,87 millions d'euros en moyens d'engagement.
    Un effort marqué a également été fait en faveur du budget de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS, qui augmente de 29 %, pour atteindre 219,54 millions d'euros. J'ai en effet donné des missions importantes à l'INERIS en matière de recherche sur la sécurité technologique, notamment en ce qui concerne la définition de nouvelles études de dangers et leur harmonisation.
    J'ai annoncé, le 6 octobre, devant le Conseil national du bruit, un plan national de lutte contre le bruit, considéré comme une nuisance majeure par près de la moitié de nos concitoyens. Ce plan comporte à la fois des mesures d'ordre réglementaire et des soutiens financiers à l'insonorisation. Les crédits nécessaires à sa réalisation sont d'ores et éjà inscrits dans le budget pour 2004 du ministère de l'écologie et du développement durable : plus de 9 millions d'euros de moyens de paiement, soit une hausse de 170 %, me permettront de mettre en oeuvre dès le début de 2004 les mesures concrètes qui répondront aux attentes de nos concitoyens, notamment ceux situés dans les zones les plus défavorisées, où le bruit vient s'ajouter à d'autres handicaps.
    Ce que je sais, monsieur Blazy, c'est qu'avec 55 millions nous pourrons insonoriser 8 800 logements au droit des aéroports, c'est-à-dire certainement plus qu'avec les 17 millions d'euros qui étaient prévus lorsque vos amis étaient au pouvoir. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. Didier Quentin. C'est exact !
    M. Jean-Pierre Blazy. La largeur de la bande sonore est différente !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. L'année 2004 sera mise à profit pour élaborer la stratégie nationale en faveur de la biodiversité et pour adapter et moderniser la politique du patrimoine naturel. L'année 2004 étant une année de réflexion et de conception dans ce domaine, les crédits seront globalement identiques à ceux mis en place en 2003.
    J'ai développé le réseau Natura 2000 - et je remercie Lionnel Luca de l'avoir noté - en relançant la concertation et la mobilisation des élus locaux, alors que cette politique était complètement en panne à mon arrivée au ministère.
    M. Didier Quentin. Exact !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Ainsi, plus de 120 sites ou propositions de sites ont été notifiés à la Commission européenne en dix-huit mois et près de 700 documents d'objectifs sont en cours d'élaboration ou déjà achevés. Vous avez raison, madame Perrin-Gaillard, de souligner les risques de condamnation par l'Europe, mais rappelez-vous où nous en étions auparavant et quels risques nous faisait courir la politique conduite par le précédent gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Eh oui !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Aux 17,84 millions d'euros prévus pour 2004 pour Natura 2000 s'ajoute ma proposition d'exonération fiscale de la taxe foncière non bâtie sur les propriétés située en zone Natura 2000 et qui font l'objet d'un contrat de gestion conforme au document d'objectifs du site. Je resterai, bien entendu, très vigilante afin de permettre à l'ensemble des réseaux de gestionnaires d'espaces naturels d'oeuvrer efficacement pour la préservation et la valorisation de notre patrimoine naturel.
    Je connais, monsieur Priou, vos inquiétudes sur les financements qui sont alloués aux parcs naturels régionaux. Croyez bien que l'Etat ne se désengage pas d'une politique que chacun sait exemplaire. Je veux rassurer M. Chanterguet : il n'est absolument pas question pour moi de transférer aux régions la labellisation des parcs naturels régionaux, qui restent une compétence de l'Etat.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. Patrice Martin-Lalande. Il vaut mieux !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. En 2004, je me suis à nouveau attachée à préserver en priorité les moyens de fonctionnement des gestionnaires de parcs naturels régionaux. En revanche, vous comprendrez que je serai plus vigilante que jamais sur les demandes de création de nouveaux parcs.
    La question du conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a été évoquée avec brio par son président, Didier Quentin. En 2004, le ministère de l'écologie et du développement durable fera un effort significatif pour que le conservatoire puisse poursuivre ses acquistions à un rythme voisin de sa moyenne annuelle des années précédentes. Vous avez souligné, monsieur Quentin, mon souhait de voir mobiliser la trésorerie des agences de l'eau. Soyez assuré que si cette opération se réalise, le conservatoire de l'espace littoral ne sera pas oublié.
    M. Didier Quentin. Merci, madame la ministre !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Vous m'avez demandé un engagement en cas d'acquisition imprévue. Eh bien, je le prends : si une grosse acquisition imprévue est envisagée, elle sera examinée, si elle est possible, avec la plus grande attention, afin de ne pas laisser passer une opportunité.
    M. Jean-Pierre Blazy. Ça fait beaucoup de « si » !
    (Mme Hélène Mignon remplace M. Eric Raoult au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. La taxe départementale des espaces naturels sensibles est pour moi un outil important pour les politiques dont j'ai la charge et pour le partenariat que je construis avec les départements. Je suis prête à ouvrir sur l'usage de cette taxe une discussion dans le chantier de rénovation de la politique du patrimoine naturel que je viens de lancer.
    Vous avez enfin, monsieur Priou, abordé la question des pollutions marines et plus particulièrement celle du FIPOL. Vous savez que c'est une question qui m'est également chère, dans tous les sens du terme. (Sourires.) Selon le traité de l'Union européenne, la ratification de la décision prise au printemps dernier par la conférence diplomatique du FIPOL, à l'instigation de la France, de relever le plafond d'indemnisation du fonds est une mesure conjointe. La France attend donc une décision du Conseil de l'Union européenne - laquelle devrait intervenir dans les prochains jours - pour lancer son processus de ratification selon une procédure d'examen rapide qui aboutira - j'en prends l'engagement - avant la fin de l'année.
    M. Christophe Priou, rapporteur pour avis. Très bien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Cette décision du Conseil de l'Union européenne garantit une ratification rapide de l'ensemble des Etats membres. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    L'action de l'ADEME en 2004 tiendra compte des nouvelles orientations que je lui ai fixées. J'ai tout d'abord défini une nouvelle politique des déchets, fondée, comme je l'ai annoncé en conseil des ministres, sur la réduction à la source des déchets, la protection de l'environnement et de la santé, la valorisation et le recyclage, ainsi que l'adaptation des capacités aux besoins. L'ADEME disposera de 70 millions d'euros d'autorisations de programme pour accompagner les études ou réaliser des équipements neufs, qui correspondent à des orientations, en se concentrant notamment sur les opérations exemplaires.
    La maîtrise de l'énergie, dotée, comme en 2003, de 61 millions d'euros d'autorisations de programme sur le budget du ministère de l'écologie et du développement durable, est un domaine où l'ADEME doit poursuivre son engagement, notamment dans ses programmes d'information et de sensibilisation, d'utilisation rationnelle de l'énergie et de développement des énergies renouvelables. Une partie de ces actions feront partie du « plan climat », qui visera à lutter contre le réchauffement climatique et l'effet de serre, dont la canicule de cet été nous a montré les effets probables. Les autres politiques de l'ADEME sont inchangées, à l'exception de la lutte contre le bruit, dont la compétence est, comme je l'ai annoncé, transférée aux gestionnaires d'aéroport, et du recyclage des huiles, qui sera transféré aux opérateurs concernés.
    Philippe Rouault a rappelé notre engagement fort en faveur des énergies renouvelables. Leur développement me conduit naturellement à aborder la question de la construction des éoliennes. Un cadre juridique adapté aux projets éoliens a été défini par la loi du 2 juillet 2003 relative à l'urbanisme et l'habitat : il est de nature à réconcilier les défenseurs de l'énergie éolienne et ceux qui sont un peu plus réticents. Les éoliennes d'une hauteur supérieure ou égale à 12 mètres sont soumises à permis de construire.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Toutes les éoliennes sont soumises à une évaluation environnementale : lorsque leur puissance dépasse 2,5 mégawatts, elles sont soumises à l'étude d'impact et enquête publique ; en-dessous, elles sont soumises à notice d'impact.
    La circulaire du 10 septembre 2003 sur la promotion de l'énergie éolienne terrestre, que j'ai signée avec mes collègues Gilles de Robien et Nicole Fontaine, guide les préfets de région et de département dans l'instruction de ces dossiers de type nouveau et dans l'élaboration des outils de gestion territoriale. Ces mesures permettront le développement de cette énergie renouvelable dans le respect des espaces naturels.
    Bien entendu, monsieur Tourtelier, il convient maintenant de laisser le débat sur l'énergie se dérouler paisiblement. Vous ne pouvez pas me reprocher à la fois de perturber le débat sur l'énergie - qui doit avoir lieu de façon citoyenne - et de ne pas faire de déclaration sur cette question. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Blazy. Mme Fontaine, elle, en a fait une !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Il ne saurait être question de limiter le débat sur l'énergie à un débat sur le réacteur européen à eau pressurisée. Un débat parlementaire va avoir lieu. Le Gouvernement s'exprimera par la voix du Premier ministre, de la ministre déléguée à l'industrie,...
    M. Jean-Pierre Blazy. Elle, elle a un peu trop parlé !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. ... de la ministre de l'écologie, de la ministre déléguée à la recherche, après que chacun aura pu faire connaître son opinion.
    Je souhaite maintenant revenir sur l'intégration du fonds national de solidarité sur l'eau dans mon budget. Il ne me paraît pas nécessaire de m'attarder trop longtemps sur ce qui n'est qu'un changement de périmètre comptable, si ce n'est pour préciser qu'il fait suite au reversement partiel en 2003 du FNSE dans le budget général, à hauteur de 21,6 millions d'euros.
    Cette opération a été vivement critiquée par les divers représentants des comités de bassin que j'ai eu l'occasion de rencontrer - il paraît d'ailleurs que c'était la première fois qu'un ministre en charge de l'environnement rencontrait les représentants des six comités de bassin. C'est pourquoi il m'apparaît important de souligner que, comme les crédits inscrits à mon budget au titre de l'ancien FNSE sont strictement égaux au prélèvement effectué sur les agences, ces 21,6 millions d'euros sont récupérés et permettront de faire avancer la politique de l'eau, notamment d'améliorer la qualité biologique, conformément aux objectifs fixés par la directive cadre sur l'eau, que nous sommes en train de transposer.
    Je salue la volonté exprimée par M. Priou de veiller à ce qu'à l'avenir il n'y ait pas de nouvelle dérivation de l'argent de l'eau dans le budget général. (Sourires.)
    En conclusion, je dirai que j'ai tenu à ce que le budget du ministère de l'écologie et du développement durable pour 2004 reflète fidèlement mes priorités. L'année 2003 a été celle de la conception de la politique des risques, avec la loi du 30 juillet 2003 - je remercie Gilles Artigues des propos élogieux et constructifs qu'il a tenus sur ce volet de mon action -, la réforme de la prévision des crues et l'appel à projets relatifs à la prévention des inondations. L'année 2003 aura aussi été celle de la conception de la stratégie nationale de développement durable.
    M. Jean-Pierre Blazy. Sans moyens !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. L'année 2004 sera celle de la charte de l'environnement et du « plan climat ».
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. L'année 2005 sera celle de la mise en oeuvre de la stratégie nationale de la biodiversité, que je préparerai en 2004.
    M. Jean-Pierre Blazy. Tout cela ne coûte pas grand-chose, ce sont des discours !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Je remercie Jean-Jacques Guillet d'avoir tout spécialement appelé l'attention de notre assemblée sur le cadre nécessairement international de la stratégie du ministère de l'écologie et du développement durable. Dans ce domaine, mon investissement est total, que ce soit sur le plan mondial ou sur le plan européen. L'année 2004 sera extrêmement importante : ce sera celle de l'élaboration du marché des permis d'émission. En ce domaine, mesdames et messieurs les députés, nous avons respecté notre calendrier de marche.
    De même, mon engagement est total dans la lutte contre le changement climatique. Je me suis rendue à Moscou pour préparer la conférence sur le climat qui se tiendra à Milan. Je rencontre prochainement les responsables hongrois qui présideront cette conférence. Je rencontrerai aussi les responsables marocains, le Maroc présidant le G 77. Il convient de réaffirmer, comme je l'ai fait hier à Londres avec mes collègues anglais et allemands, que le protocole de Kyoto est le seul cadre législatif et réglementaire international qui nous permette d'établir un premier pas dans la lutte contre les changements climatiques.
    M. Philippe Rouault, rapporteur spécial. Très bien !
    M. Yves Cochet. Ce protocole n'est pas ratifié !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Je n'oublie pas la stratégie de la biodiversité que j'irai présenter à Kuala Lumpur en février 2004 lors de la conférence des parties à la convention sur la biodiversité.
    Enfin, nous travaillons, à la demande du Président de la République, la transformation du programme des Nations unies pour l'environnement - PNUE - en organisation des Nations unies pour l'environnement, structure qui devrait préfigurer ce que devrait être une organisation mondiale de l'environnement. A cette fin, je déploie, en coordination avec le ministère des affaires étrangères, des efforts intenses afin de convaincre de la nécessité de cette transformation mes collègues ministres de l'environnement ou ministres de l'énergie ou de l'industrie que j'ai l'occasion de rencontrer. En 1999, la contribution de la France au budget du PNUE était d'environ 800 000 euros. Elle sera portée l'an prochain à 3,6 millions, ce qui démontre l'engagement de la France pour que soit enfin élaborée une gouvernance mondiale de l'environnement,...
    M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. ... seule en mesure de protéger les intérêts environnementaux de la planète. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Nous en arrivons aux questions.
    Nous commençons par le groupe UDF.
    La parole et à M. Gilles Artigues.
    M. Gilles Artigues. Madame la ministre, je souhaiterais appeler votre attention sur les problèmes que posent les lignes électriques à haute tension et à très haute tension en matière d'environnement et de santé publique. Et s'il est vrai que les experts ne sont pas tous d'accord sur les effets de ces installations sur la santé, ne pourrait-on pas néanmoins appliquer le principe de précaution en la matière ?
    J'ai eu à traiter le dossier dans ma circonscription de Saint-Etienne, dans un quartier classé en zone franche, où deux lignes à haute tension ont été transformées en lignes à très haute tension. En dépit de nos nombreuses sollicitations, RTE nous a opposé une fin de non-recevoir. Madame la ministre, pouvez-vous intervenir afin que cet organisme écoute davantage les habitants et les élus locaux : nous avons en effet très souvent l'impression de livrer le combat du pot de terre contre le pot de fer.
    Bien entendu, nous comprenons que le développement des zones économiques nécessite des besoins énergétiques. Nous comprenons également qu'il existe des contraintes climatiques et que des interconnexions internationales sont nécessaires. Toutefois, ainsi que l'a démontré Christian Kert dans un rapport récent, des enfouissements en plus grand nombre permettraient d'en abaisser sensiblement le coût.
    Madame la ministre, quelle part de votre budget pourra être consacrée aux enfouissements ou aux détournements de lignes ? En outre, ne pourrait-on pas étendre aux sites urbains le souci environnemental qui se manifeste en faveur des sites naturels protégés ? Dans ce cas, le quartier de Montreynaud, à Saint-Etienne ne pourrait-il pas devenir un site pilote ?
    M. Christophe Priou, rapporteur pour avis. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Cher Gilles Artigues, vous me posez une question qui me tient particulièrement à coeur, ainsi qu'à Christophe Priou sans aucun doute...
    M. Christophe Priou, rapporteur pour avis. C'est vrai !
    M. Jean-Pierre Blazy. Et à moi aussi !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable ... puisque ni le député de Loire-Atlantique qu'il est ni la vice-présidente du conseil régional des Pays-de-la-Loire que je suis ne peuvent pas ne pas penser au projet prévoyant de faire passer une ligne électrique à très haute tension dans le parc de Brière.
    En ce qui concerne l'enfouissement des lignes à haute et à très haute tension, l'Etat, EDF, et bien sûr RTE, ont passé un accord baptisé « Réseaux électriques et environnement », qui définit des objectifs nationaux de recours à l'enfouissement. Cet accord a été renouvelé au début de l'année 2002, pour la période 2001-2003, entre les ministres chargés de l'environnement et de l'énergie, d'une part, et les dirigeants d'EDF et de RTE - le service gestionnaire du réseau public de transport d'électricité -, d'autre part.
    Dans cet accord, RTE s'engage à ne pas accroître la longueur totale des ouvrages aériens sur la période de l'accord, et, par conséquent, à diminuer la part de ses réseaux dans la longueur totale des ouvrages du réseau public de transport. Concrètement, au moins 25 % de la longueur totale des circuits à haute tension nouveaux ou reconstruits seront enfouis. De plus, il met l'accent sur la nécessité de préserver certains territoires du passage de nouvelles lignes aériennes à haute et à très haute tension.
    Pour ce qui est de la protection des sites, l'accord « Réseaux électriques et environnement » prévoit, pour les réseaux à haute tension, l'enfouissement systématique dans les zones particulières du point de vue de la nature - parcs, réserves naturelles, sites ou zones d'importance particulière pour les oiseaux, la flore ou la faune ainsi que dans les sites répertoriés au titre du patrimoine architectural urbain ou paysager.
    En ce qui concerne l'éloignement des lignes électriques aériennes des zones à population dense, l'accord prévoir l'enfouissement des nouveaux réseaux à haute tension et d'une intensité de 225 kilovolts sur le territoire de toutes les communes faisant partie des agglomérations de plus de 50 000 habitants.
    Par ailleurs, RTE s'est engagé à expérimenter de nouvelles voies de contractualisation avec les constructeurs de lignes électriques souterraines, afin de faire baisser les prix du recours à cette technique. Tel est l'état du dossier.
    Je dois dire que cette position, qui marque une avancée tout à fait intéressante, me paraît procéder d'une vision strictement minimaliste étant donné l'impact environnemental de telles lignes. Il nous faudra, à terme, tenir systématiquement compte de l'aspect environnemental lors de chaque création ou reconstruction d'une ligne électrique nouvelle. A cet égard, le travail effectué par votre collègue Christian Kert est un élément de réflexion tout à fait intéressant. Je compte m'y référer dans les négociations, tout comme à l'occasion de l'effet d'impulsion que j'ai auprès d'EDF et, surtout, de RTE.
    Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    La parole est à M. François Asensi.
    M. François Asensi. Madame la ministre, le renoncement implicite à un troisième aéroport et le déplafonnement du trafic sur l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle sont des décisions lourdes de conséquences. Elles impliquent à l'horizon 2020 un quasi-doublement du nombre de passagers à Roissy, passant de 50 à 90 millions par an. Or qui dit augmentation du trafic, dit aussi augmentation des nuisances pour les riverains.
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est vrai !
    M. François Asensi. Aujourd'hui, les aéroports ont supplanté les ports comme points d'ancrage des pays dans un réseau d'échanges international. Leur développement est donc inéluctable, mais les richesses économiques et culturelles dont ils se font le vecteur doivent progresser en produisant le moins de nuisances possibles. D'où mes interrogations quant au plan de lutte contre le bruit que vous proposez.
    Donner de réels moyens à la lutte contre les nuisances sonores est justifié et répond aux besoins de nos concitoyens, mais je doute que le plan que vous proposez soit à la hauteur des attentes.
    Des travaux d'insonorisation sont prévus, mais étalés sur vingt ans, comme l'a souligné tout à l'heure M. Blazy. Comment allez-vous expliquer aux résidents qui vivent les nuisances au quotidien qu'ils devront attendre vingt ans pour que leurs appartements soient insonorisés.
    Au lieu de transférer la gestion des dossiers d'indemnisation à ADP, qui se retrouverait à la fois juge et partie, ne serait-il pas plus judicieux de constituer un établissement public indépendant et de permettre à cet organisme d'avoir recours à l'emprunt afin que les travaux aient lieu dans les plus brefs délais, l'emprunt étant ensuite remboursé par le produit de la taxe sur les nuisances sonores ?
    Il paraît également nécessaire, pour ne pas dire légitime, d'asseoir cette taxe non seulement sur les aéronefs, mais aussi sur le nombre de passagers, comme c'est le cas à l'aéroport de Schiphol, aux Pays-Bas. Il me semblerait dès lors normal qu'Air France, nouvel allié de KLM, participe à la même hauteur à la réparation des nuisances sonores qu'il produit à Schiphol et à Roissy, qui est au surplus son hub principal.
    Madame la ministre, au-delà des effets d'annonce, sur quelle base envisagez-vous d'asseoir la taxe sur les nuisances sonores ? Vous déciderez-vous à appliquer véritablement le principe « pollueur-payeur » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur Asensi, en trois ans, le nombre des habitations concernées par les PGS, les plans de gêne sonore, est passé de 68 000 à 140 000, suivant en cela l'augmentation massive du transport aérien.
    M. Jean-Pierre Blazy. Nous n'en sommes pas encore à 140 000 !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Les niveaux de nuisance sonore sont évidemment très inégaux. Il conviendra que les crédits du plan que j'ai élaboré soient consacrés en toute priorité aux logements les plus touchés. Je rappelle que ce plan permettra de mobiliser 55 millions d'euros, par le biais de la taxe sur les transports aériens, au lieu des 17 millions d'euros précédents. Il permettra un quasi-triplement du nombre des logements concernés chaque année, lequel passera de 3 000 à 8 800.
    J'ai également voulu que l'administration des fonds soit optimisée. En effet, on a pu déplorer une très grande lourdeur dans leur mobilisation : les crédits existaient parfois, mais on avait du mal à les consacrer aux opérations concernées. C'est pourquoi j'ai voulu que leur gestion soit directement assurée par Aéroports de Paris afin d'introduire une plus grande souplesse.
    Quant aux commissions locales, elles seront toujours présidées par le préfet. Il ne convient pas que l'Etat se désengage du contrôle de ces fonds, qui seront entièrement dédiés à la mise aux normes des logements. Ils devront être bien et rapidement utilisés. En tout cas, ils seront, par rapport à ce qui se passait sous le gouvernement précédent, objectivement triplés.
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est vous qui avez réduit les crédits en 2003 ! Arrêtez de dire des contrevérités !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Vous de même !
    Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Biessy.
    M. Gilbert Biessy. Madame la ministre, le Gouvernement mène actuellement une politique qui nous semble totalement contraire à la notion de « développement durable ». Si cette notion apparaît dans l'intitulé de votre ministère, la réponse aux besoins du présent, sans que soit compromise la satisfaction de ceux des générations à venir, n'est pas à l'ordre du jour des politiques en cours.
    Cette notion, par définition transversale, ne doit pas se limiter à sa composante environnementale : elle doit se décliner en actions concrètes dans tous les domaines de l'intervention publique. Le fondement même du développement durable est l'amélioration de la qualité de vie de chacun.
    Tout cela suppose la mise en oeuvre de mesures ambitieuses pour favoriser l'accès aux biens communs, à la santé, au logement, à un travail décent, pour améliorer les systèmes de protection sociale, pour éduquer, pour développer la citoyenneté, pour conquérir des droits nouveaux qui deviendront les acquis des générations futures.
    Dans cette perpective, comment voulez-vous lutter efficacement contre le bruit quand votre gouvernement retourne au « tout routier », casse le fret ferroviaire, gèle ou annule les crédits affectés aux transports urbains et qu'il privatise à tout-va, soumettant ainsi nos entreprises publiques aux logiques financières à court terme.
    Notre société d'après-guerre a créé un modèle social qui est, certes, améliorable, mais que vous êtes en train de sacrifier sur l'autel de l'ultralibéralisme.
    M. Didier Quentin. Il y avait longtemps !
    M. Gilbert Biessy. Madame la ministre, comment voulez-vous sérieusement mettre en oeuvre le développement durable dont vous vous faites les champions, avec M. le Président de la République, eu égard à la politique de destruction massive, quant à elle durable, que mène votre Gouvernement ?
    Mais en vous écoutant, j'ai compris que vous êtes en désaccord avec cette vision critique de votre politique qui, selon nous, ne mérite pas le titre de « développement durable ».
    Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au développement durable.
    Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable. Oui, monsieur le député, il était temps de traduire le développement durable en actes concrets. C'est ce que notre gouvernement a fait.
    En novembre dernier, et ce fut un signe politique fort, le Premier ministre a présidé une réunion, à laquelle tout le Gouvernement assistait, pour parler de développement durable. A la suite de ce séminaire gouvernemental, j'ai installé un comité interministériel de hauts fonctionnaires et, aujourd'hui il y a un « M. » ou une « Mme développement durable » dans chaque département ministériel. Ce comité de hauts fonctionnaires devait élaborer la stratégie nationale du développement durable, c'est-à-dire le plan d'action du Gouvernement sur cinq ans.
    Nous avons voulu associer la société civile à l'élaboration de cette stratégie.
    J'ai installé, le 14 janvier dernier, le Conseil national du développement durable. Il compte quatre-vingt-dix membres et toute la société civile y est représentée. Les entreprises ont refait leur entrée dans mon ministère alors qu'elles en avaient été bannies - car le développement durable, c'est un autre développement économique -, avec les ONG, les syndicats, les experts et des personnalités qualifiées.
    Nous n'avons pas oublié le citoyen : si nous n'avons pas le citoyen avec nous, notre politique de développement durable ne sera pas efficace.
    A l'occasion de la semaine du développement durable, j'ai voulu communiquer sur la vie quotidienne du citoyen. Il faut savoir expliquer les choses de façon simple et transparente.
    Vous avez parlé d'« actions concrètes ».
    La stratégie nationale comporte dix volets. Je vous encourage à la lire.
    Pensez-vous que l'éducation à l'environnement soit secondaire ? N'est-ce pas une action concrète ? J'ai lancé cette semaine une expérimentation dans dix académies pilotes. Le dispositif sera généralisé en septembre 2004 à toute la France et l'éducation à l'environnement sera intégrée dans des matières importantes, telles que l'économie, l'histoire-géographie et les sciences sociales.
    Pour moi, l'éducation à l'environnement, c'est l'éducation civique du xxie siècle !
    L'« Etat exemplaire » : pensez-vous que ce soit secondaire et que ce ne soit pas concret ? Pour sortir du catalogue des bonnes intentions, l'Etat s'engage, dans sa gestion quotidienne, à rendre des comptes sur des objectifs de résultats chiffrés, comme 20 % d'économies...
    M. Gilbert Biessy. Chiche pour les transports urbains !
    Mme la secrétaire d'Etat au développement durable. Chiche pour tout ! Il n'y a pas de problème ! Nous sommes là et nous rendrons des comptes : un rapport sera présenté à l'automne 2004 sur le développement durable.
    Je vous encourage, mesdames, messieurs les députés, à lire cette stratégie nationale, et vous verrez que vous y trouverez beaucoup d'actes concrets. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. François Asensi.
    M. François Asensi. Madame la ministre, je voudrais maintenant vous interroger sur la pollution routière et sur le ferroutage.
    En France, les transports sont responsables de 34 % des émissions de gaz carbonique, et le transport routier de 94 % de ce chiffre. Or, derrière les préoccupations affichées par le Gouvernement, je ne vois pas de mesures effectives prises pour réduire cette part du routier, bien au contraire.
    Il ne s'agit pas d'une fatalité, mais d'une question de volonté politique : en Suisse, par exemple, 60 % des lettres et des colis sont transportés par rail, contre 0,5 % en France.
    L'activité fret de la SNCF a culminé en 1974 avec 72 milliards de tonnes-kilomètres. Par la suite, elle n'a cessé de décliner.
    Cette tendance a peu de chance de s'inverser. Pour les transports combinés, les moyens d'engagement sont à nouveau réduits, 32 millions d'euros au lieu de 35 millions en 2003, dont 8 millions d'euros sont affectés à l'autoroute ferroviaire alpine et 24 versés directement aux opérateurs de transport combinés. C'est dire que la SNCF est privée des moyens pour développer cette technique, utile au rééquilibrage rail-route et largement plébiscitée par nos concitoyens, soucieux de désaturer le réseau routier et, par là même, de réduire les nuisances qui y sont liées.
    Développer le ferroutage, c'est réduire la pollution, mais aussi la congestion des axes routiers et autoroutiers ainsi que les risques d'accidents sur les routes.
    L'augmentation de la taxe sur le gazole pour les seuls particuliers est loin d'être juste et efficace. Comment ne pas s'étonner que le kérosène utilisé par les aéronefs et pourtant fortement polluant ne soit pas soumis à la TIPP ?
    Les entreprises routières ne se voient pas quant à elles facturer le coût réel des infrastructures autoroutières qu'elles utilisent. L'Allemagne - à compter du 3 novembre prochain, appliquera une taxe de 12,4 centimes d'euro par kilomètre pour les poids lourds de plus de 12 tonnes.
    Madame la ministre, face à ce constat, j'aurais aimé connaître les orientations que vous envisagez en collaboration avec le ministre des transports, pour promouvoir le ferroutage comme alternative aux vols de nuit. Je rappelle qu'à Roissy, 50 % des vols de nuit concernent des distances inférieures à 700 kilomètres.
    M. Jean-Pierre Blazy. Exact !
    M. François Asensi. Par ailleurs, quelles mesures comptez-vous prendre pour réduire d'une manière très importante la pollution routière dans notre pays ?
    Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur Asensi, je partage votre diagnostic.
    En ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, la France satisfait aux objectifs fixés par le protocole de Kyoto, qui nous impose d'en revenir aux mêmes émissions de gaz à effet de serre qu'en 1990. Nous sommes déjà en deçà de 1,7 % par rapport à 1990.
    Mission accomplie donc, grâce à deux secteurs : d'une part, l'industrie a notablement réduit ses émissions de gaz à effet de serre et elle continuera dans le cadre des engagements volontaires et du permis de marché d'émission et, d'autre part, le secteur de la production électrique a obtenu des résultats grâce aux choix énergétiques français - je pense en particulier à la structure du bouquet énergétique et au choix du nucléaire, qui nous permet d'émettre quatre fois moins de gaz à effet de serre qu'un Américain ou deux fois moins qu'un Allemand.
    Cependant, deux secteurs sont particulièrement préoccupants : le résidentiel et les transports.
    Comment réduire ces émissions, sachant que la progression que nous nous étions fixée pour les années 1990-2010 a déjà été réalisée dans le secteur des transports ? Bien entendu, la réponse n'est pas unique et elle ne peut donc se limiter au ferroutage.
    Je m'étonne toutefois que vous ayez parlé du « tout-routier ». Reportez-vous au programme extravagant d'autoroutes que nous avait concocté M. Gayssot et que nous avons trouvé en arrivant aux responsabilités ! Vous feriez bien de demander quelques comptes à vos amis. A vrai dire, ce programme avait tout de même quelque chose de rassurant : il n'était absolument pas financé et il relevait plutôt de la promesse électorale. Mais avouez qu'il ne s'agissait pas d'une annonce de bon aloi !
    Vous proposez également d'augmenter les taxes sur le kérosène. Ce n'est peut-être pas une mauvaise idée, mais une telle mesure ne peut être décidée que sur le plan international. Appliquée à une échelle strictement française, elle serait totalement inefficace et même contre-productive.
    Quant à la technologie du ferroutage, elle est maintenant utilisée dans plusieurs pays, notamment en Suisse et en Autriche, et dans le tunnel sous la Manche. Elle représente indubitablement un gain en ce qui concerne les gaz à effet de serre et apporte des avantages environnementaux dans deux cas : les franchissements de vallée et les corridors congestionnés.
    Le ferroutage évite l'émission de polluants locaux, ainsi que des coûts de congestion ou de développement des capacités routières, qui sont souvent élevés, notamment quand il s'agit d'augmenter les capacités de contournement des grandes agglomérations. C'est pourquoi, je ne peux, en tant que ministre de l'écologie et du développement durable, qu'être favorable à cette technologie, même si je remarque que, curieusement, les militants du ferroutage se retrouvent fréquemment à la tête d'associations qui sont contre le développement des infrastructures nécessaires au développement de ce type de transport.
    Les conditions de rentabilité de cette technologie sont liées, d'une part, à la taille des navettes et, d'autre part, à la qualité du service, à la fréquence et à la gestion des zones de transfert. Cela dit, il est clair que la tarification des infrastructures routières concurrentes conditionne fortement la rentabilité. Or les infrastructures routières en zone congestionnée, confinée ou de montagne sont sous-tarifées par rapport à leur coût pour la société. Le cadre communautaire nous invite à corriger cette sous-tarification. Il nous donne également le moyen, dans le projet de directive modifiant la directive « euro-vignette », d'utiliser des recettes supplémentaires pour le financement de tels projets.
    Je veillerai à ce que RFF consacre les nouvelles recettes que le Gouvernement vient de lui octroyer par l'intermédiaire de la hausse de la TIPP sur le gazole au développement de cette technologie, là où elle est rentable. Vous savez en effet que l'augmentation de la TIPP sur le gazole sera entièrement consacrée à RFF, précisément pour lui permettre de développer les infrastructures absolument nécessaires au ferroutage.
    Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe UMP.
    La parole est à M. Emile Blessig.
    M. Emile Blessig. Madame la ministre, notre pays continue de produire chaque année davantage de déchets ménagers : 362 kilos par habitant et par an en 1989, 424 kilos en 1998 et 450 kilos en 1999.
    Récemment, trente-trois incinérateurs ont été fermés pour défaut de mise aux normes. De plus, bon nombre de centres techniques d'enfouissement arriveront à saturation dans les années à venir. Par conséquent, la mise en oeuvre d'installations d'élimination et de traitement des déchets est urgente et nécessaire.
    Ma question portera sur le contexte financier de cette mise en oeuvre.
    Le coût du traitement des ordures ménagères augmente chaque année depuis 1992 de 4,75 % par an, soit de 47,5 % en dix ans. Ce coût est supporté par le contribuable local par le biais de la taxe et de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères, qui ont plus que doublé entre 1990 et 2000.
    Une action efficace s'impose dans la mise en oeuvre d'installations nouvelles. Malheureusement, ces installations sont hors de portée financière pour bon nombre de territoires, notamment de territoires ruraux. A cet égard, la péréquation et la solidarité territoriale devront jouer leur rôle, la clarification des modalités financières de ces investissements étant un préalable à toute décision locale.
    Les crédits de 28,7 millions d'euros ouverts à l'ADEME sont un début. Il conviendra d'aller plus loin et de prévoir d'autres modalités d'intervention. Je sais que vous travaillez sur un nouveau texte, mais j'aurais aimé savoir quelles sont vos réflexions et vos propositions concernant la répartition de l'effort financier d'investissement entre le consommateur, le contribuable national et le contribuable local, pour la mise en oeuvre de ces nouvelles installations d'élimination et de traitement des déchets.
    Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur Blessig, vous posez une question fondamentale, qui intéresse l'ensemble de notre société : celle des déchets et, plus particulièrement, des déchets ménagers. Il est vrai qu'après dix années d'efforts notables, de progrès, la politique de déchets ménagers et assimilés nécessite une impulsion nouvelle. J'ai donc présenté au conseil des ministres le 4 juin dernier une communication visant à la redéfinir.
    Ma première priorité est d'oeuvrer pour une meilleure protection de l'environnement et de la santé, notamment aux abords des installations de traitement des déchets.
    Vous avez bien voulu rappeler la fermeture ou la mise aux normes des trente-quatre incinérateurs hors norme que j'ai trouvés « en héritage » en arrivant à ce ministère. Des efforts restent à mener pour réduire davantage les émissions de dioxine des incinérateurs. Elles seront divisées par dix en 2006 par rapport à 2002. Nous devons également faire cesser l'apport des déchets dans des sites non autorisés. Je souhaite accompagner les opérateurs dans cette mise aux normes d'ici à 2006, pour ne pas risquer la confrontation avec certains opérateurs locaux, comme ce fut le cas à mon arrivée.
    La production de déchets croît d'environ 1 % par an en France. L'inversion de cette tendance doit constituer la deuxième priorité nationale. Un plan d'action globale sera prochainement présenté, axé sur la sensibilisation des consommateurs, sur la réduction des déchets futurs dès la conception des produits et le choix de leurs emballages.
    Plusieurs études montrent que notre pays s'achemine à court terme vers une situation critique en matière de capacité d'élimination des déchets. Plus de la moitié des départements, voire les trois quarts, pourraient être confrontés dans les prochaines années à une pénurie qui aurait pour conséquence : l'augmentation des distances de transport des déchets, l'augmentation des coûts et le risque de réapparition d'exutoires illégaux. Ce constat doit faire l'objet d'une réaction rapide qui passera par l'attribution de compétences plus importantes aux conseils généraux, qui se verront confier l'élaboration des plans départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés. Il convient que les deux principales catégories d'exutoires, c'est-à-dire l'incinération et l'enfouissement, puissent développer des normes parfaitement transparentes dans le domaine de protection de la santé et de l'environnement, si l'on veut s'assurer une bonne capacité d'acceptation sociale.
    Enfin, la valorisation des déchets doit continuer à progresser : poursuite des efforts de tri et mise en place de filières de récupération dédiées. Le Gouvernement vient de signer un décret qui obligera, dès 2005, à recycler 85 % des véhicules hors d'usage. Un accent particulier sera mis sur la valorisation des déchets organiques.
    La préoccupation de maîtrise des coûts doit cependant rester présente à l'esprit de tous les acteurs, sous peine de perdre la confiance des Français qui ont vu le coût d'élimination des déchets doubler en dix ans. Il y aura concertation avec les élus, les entreprises, les associations ; tout cela sera amplifié dans les prochaines semaines. Les orientations définitives retenues seront présentées au Parlement, pour que vous puissiez les examiner au second semestre 2004.
    Vous m'avez interrogée sur l'ADEME et sur le dispositif d'intervention qu'elle propose. Cela demande à être étudié dans le cadre de la concertation que nous allons mener, principalement avec vous, monsieur Blessig, qui êtes un spécialiste de ces questions. L'agence interviendra autour de huit grands postes principaux : la recherche, les études, la démonstration, un effort tout particulier étant fait sur la communication ; les aides à la décision et les observatoires locaux ; la prévention et la réduction des flux - ce poste regroupera les investissements en ce domaine ; le recyclage et les filières dédiées, dont je viens de dire un mot ; la gestion biologique, avec un poste tout spécialement consacré au compostage, à la méthanisation de divers déchets organiques, à travers des opérations exemplaires ; la réhabilitation des décharges, l'ouverture des capacités nécessaires ; l'ouverture de crédits aux communes accueillant des installations intercommunales, car c'est très important ; un chapitre sera consacré aux zones défavorisées. On y rassemblera les aides possibles, pendant trois ans, pour des collectes sélectives de tri ou le transfert dans l'outre-mer et dans les îles.
    Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.
    M. Patrice Martin-Lalande. Je souhaiterais, sans revenir sur la mesure prise lors de l'examen de la première partie de la loi de finances, et consistant à augmenter de 2,5 centimes d'euros la TIPP sur le gazole pour les véhicules particuliers, insister sur une des justifications qui lui a été donnée : les raisons environnementales.
    L'objectif du Gouvernement est de lutter contre le changement climatique et de diviser par quatre à cinq les émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050, ce qui correspond à une réduction continue de 3 % par an.
    Au travers du plan « véhicules propres et économes », le Gouvernement nourrit une double ambition : « que la France soit, en 2010, en tête des pays industrialisés faiblement émetteurs de gaz à effet de serre et possède l'industrie automobile la plus innovante et la plus compétitive ». La diminution des émissions polluantes locales liées au trafic automobile est une bataille technologique en voie d'être gagnée en Europe, et une voiture neuve rejette aujourd'hui cent fois moins de polluants qu'il y a vingt ans. En revanche - et, sur ce point, le Gouvernement a établi le bon diagnostic - le plus important défi à relever dans les années à venir est celui de la maîtrise des émissions en CO2. En 1990, à Kyoto, l'Union européenne a pris l'engagement de les réduire de 8 % à l'horizon 2012.
    Dans le secteur des transports routiers, les constructeurs automobiles européens ont souscrit auprès de la Commission européenne un engagement d'abaisser la moitié des émissions unitaires de CO2 de leurs véhicules neufs à 140 g/km à l'horizon 2008. Nous savons, madame la ministre, que l'arme la plus efficace pour réduire les émissions de CO2 dans le secteur routier passe par le développement de la motorisation diesel, qui permet de consommer 20 % d'énergie en moins par rapport à un moteur à essence, ce qui induit un abaissement proportionnel des émissions.
    Une innovation a permis de nouveaux progrès en matière d'économies de consommation - de 25 % à 30 % selon les usages - et une réduction proportionnelle des émissions de dioxyde de carbone. Le filtre à particules, notamment développé par PSA, constitue une véritable rupture technologique, qui permet de piéger les particules et de retenir ainsi l'ensemble du spectre de taille de particules. Le levier le plus puissant pour améliorer rapidement l'environnement est donc de diffuser aussi largement et aussi rapidement que possible ces technologies propres. Les succès enregistrés dans le domaine du diesel montrent qu'il s'agit, l'évidence, d'un domaine d'excellence de notre pays.
    Que comptez-vous faire, madame la ministre, au plan national comme au plan européen, pour encourager, en dépit de la hausse de la TIPP sur le gazole, le choix de la motorisation diesel, aussi bénéfique pour la France sur le plan environnemental que sur le plan industriel ?
    Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député Martin-Lalande, je le disais encore à l'instant, en répondant à une question, l'importance primordiale de cette question de l'impact des transports terrestres et des véhicules automobiles dans les émissions de gaz à effet de serre.
    L'augmentation de la taxe sur le gazole, que vous évoquez, doit être considérée comme un rattrapage de l'écart avec le supercarburant. Elle s'inscrit dans l'action du Gouvernement en faveur d'une fiscalité tenant compte des impacts environnementaux. Ainsi, la stratégie nationale de développement durable que vient d'exposer Tokia Saïfi prévoit que, sur la base d'une évaluation des dispositions fiscales en vigueur, le Gouvernement préparera et mettra en oeuvre d'ici 2005, des mesures visant à mieux prendre en compte les objectifs de développement durable dans le système fiscal. Trois thématiques sont retenues : le patrimoine naturel, le management des entreprises et l'énergie.
    L'écart de fiscalité entre le gazole et le supercarburant ne se justifie pas par la différence des dommages environnementaux qu'engendrent respectivement ces deux carburants, contrairement à ce qu'on pourrait spontanément supposer. Des travaux sur les émissions des véhicules et les dommages induits montrent que, si les émissions de CO2 dues à la consommation de gazole sont inférieures de 10 % à celle dues au supercarburant, le bilan ne semble pas en faveur du diesel quant à l'émission de polluants atmosphériques et, principalement, des polluants précurseurs de l'ozone.
    Cette question n'est pas définitivement tranchée sur le plan scientifique, car les effets respectifs des particules et des autres gaz sur la santé ne peuvent être séparés dans les études épidémiologiques. Quoi qu'il en soit, la fiscalité du gazole est actuellement, au kilomètre parcouru, de 40 % inférieure à celle du supercarburant. Cette différence est à rapprocher du gain de 10 % en termes de gaz à effet de serre et de coûts pour la société comparables en termes de pollution de l'air, de bruit ou d'infrastructures. Rien ne justifie, au regard de ces coûts, que les taxes sur l'essence et sur le gazole soient si différentes, même si l'on peut admettre qu'une différence existe entre ces deux carburants. C'est bien là le sens de la décision du Gouvernement.
    Je rejoins votre analyse, cher Patrice Martin-Lalande, sur deux points.
    Tout d'abord, je l'ai déjà dit et je le redirai, le respect des engagements que nous avons pris dans le cadre du protocole de Kyoto en matière d'émission de gaz à effet de serre est une impérieuse nécessité. J'ai évoqué cette question, hier, avec mes collègues anglais et allemand, Margaret Beckett et Jürgen Trittin. Nous avons notamment longuement abordé le problème de la directive « diesel » et des normes qu'il convient d'adopter dans ce domaine. Passer de 12,5 à 8,5 milligrammes par kilomètre imposerait de fait l'installation d'un filtre à particules sur l'ensemble des nouvelles voitures mises sur le marché. Or il est bien évident que la structure de la fabrication automobile n'est pas du tout la même en Allemagne et en France. Ainsi, le coût d'un filtre à particules - environ 300 à 400 euros - serait supportable sur un modèle de haut de gamme, mais il risquerait d'entraîner, pour les modèles de début de gamme, une distorsion qui serait extrêmement défavorable au marché automobile français. Ces décisions doivent donc être finement pesées.
    Pour revenir à ce que je disais avant cette digression économico-environnementale, il n'y a plus de débat scientifique sur l'origine du changement climatique contre lequel il nous faut lutter à tout prix. C'est le second point sur lequel je vous rejoins. J'insiste également sur l'importance du rôle des véhicules et du transport terrestre dans le phénomène de hausse des températures, donc de changement climatique. Nous devons inverser cette tendance. C'est pourquoi le Gouvernement a lancé deux chantiers extrêmement importants qui viennent répondre à vos préoccupations.
    Le premier est le « plan climat », que nous présenterons très certainement dans quelques semaines, et qui traduira notre volonté de respecter nos engagements internationaux.
    Le second concerne le soutien à l'innovation en matière de réduction de la consommation automobile. Le Premier ministre et moi-même, accompagnés de Nicole Fontaine et de Claudie Haigneré, avons ainsi annoncé le 15 septembre dernier un « plan véhicules propres » qui consacre 38 millions d'euros supplémentaires à la recherche et au soutien des véhicules les moins polluants et les moins producteurs de gaz à effet de serre, comme les véhicules électriques ou les véhicules hybrides.
    A côté de ces crédits importants dédiés à la recherche, tout un volet est consacré aux incitations fiscales. Certaines mesures réglementaires seront mises en oeuvre dès cette année. Et bien sûr nous réfléchissons, à travers une commission « véhicules propres » qui va réunir un certain nombre d'experts, sous la présidence de M. Moreau, et qui fera des propositions très concrètes ; elles pourront d'ailleurs, avec votre accord, monsieur Martin-Lalande, mais également avec celui des membres de la commission des affaires économiques, être reprises dans la loi de finances pour 2005.
    Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les questions.
    J'appelle les crédits inscrits à la ligne : « Ecologie et développement durable. »

ÉTAT B
Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires
des services civils (mesures nouvelles)


    « Titre III : 32 451 259 euros ;
    « Titre IV : 11 409 798 euros. »

ÉTAT C

Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles)

TITRE V. - INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

    « Autorisations de programme : 45 800 000 euros ;
    « Crédits de paiement : 15 774 000 euros. »

TITRE VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT
ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

    « Autorisations de programme : 298 325 000 euros ;
    « Crédits de paiement : 82 542 000 euros. »
    Personne ne demande plus la parole ?...
    Je mets aux voix le titre III.
    (Le titre III est adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix le titre IV.
    (Le titre IV est adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme du titre V.
    (Les autorisations de programme du titre V sont adoptées.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.
    (Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)
    Mme la présidente. Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'écologie et du développement durable.

Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt.)
    Mme la présidente. La séance est reprise.

ÉQUIPEMENT ET TRANSPORTS
AVIATION CIVILE

    Mme la présidente. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer concernant l'équipement et les transports, ainsi que du budget annexe de l'aviation civile.
    La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'équipement et les transports terrestres.
    M. Hervé Mariton, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'équipement et les transports terrestres. Depuis plus d'un an, vous menez, monsieur le ministre de l'équipement et monsieur le secrétaire d'Etat aux transports, une politique qui aura marqué nos concitoyens par une impulsion nouvelle.
    L'an dernier, à l'aube de votre action, je m'interrogeais sur ce qu'était traditionnellement une politique de l'équipement et des transports.
    La première crainte qui venait à l'esprit était le risque d'une absence de politique, que l'action de l'Etat dans ce domaine soit marquée par un trop grand déterminisme - les choses s'imposent et se succèdent - ou bien qu'elle soit entravée par le poids considérable de l'administration du ministère, efficace par définition et par construction, mais qui ne saurait se substituer aux choix politiques.
    Vous avez clairement écarté ce risque-là. Il y a une politique de l'équipement et des transports.
    Le deuxième risque était celui d'une politique virtuelle : annoncer beaucoup de projets ; envisager des financements incertains - cela s'est vu - avec beaucoup plus d'annonce que de réalisation, beaucoup plus d'espoir que de concrétisation. Tel n'est pas non plus le cas.
    Bref, entre les trois attitudes possibles : l'absence de politique, une politique virtuelle ou une ambition concrète et efficace, c'est heureusement la troisième que vous avez choisie et, surtout, que vous avez commencé de mettre en oeuvre.
    Votre politique - et le budget que vous nous présentez en est l'expression, en fournit les moyens - me paraît à la fois adaptée, offensive et réaliste. Elle pose cependant quelques questions. Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que le dialogue budgétaire avec l'Assemblée ne devait pas être un dialogue de béni-oui-oui. Chiche !
    Votre politique est adaptée parce qu'elle obéit à un certain nombre de contraintes - pourquoi le cacher ? - des contraintes qui sont aussi des choix politiques, ceux qui marquent l'action de l'ensemble du Gouvernement et de la majorité, et auxquels il n'y a pas de raison que le budget de l'équipement et des transports se soustraie.
    La première contrainte est le choix d'une évolution modeste de la dépense publique. La maîtrise de la dépense publique ne doit pas connaître d'exception. La recherche de l'efficacité d'une politique de l'équipement et des transports n'exige pas systématiquement et nécessairement une augmentation de la dépense publique. Les crédits que je rapporte - à peu près 13,5 milliards d'euros - évoluent bien dans ce contexte et sous cette contrainte, que nous assumons et partageons complètement.
    Cette contrainte-là exige bien sûr la sélectivité. Vous la pratiquez et proposez à d'autres de la pratiquer dans des conditions que j'approuve, même si parfois, au sein de la commission des finances comme dans le cadre du débat public, elle a pu poser question.
    Je prendrai l'exemple de l'évolution de la politique des transports collectifs en site propre. Il ne me paraît pas choquant que, s'agissant d'investissements de collectivités locales, l'Etat dise à ces collectivités de prendre pleinement leurs responsabilités, de mesurer l'opportunité de leurs choix. Dans notre pays, bien des réalisations ont été engagées par des collectivités qui, eu égard à leur taille et à leurs moyens, ne les auraient jamais envisagées à l'étranger. On peut donc se poser la question de l'opportunité de certains investissements, quelle que soit l'utilité et l'intérêt de ces modes de transport.
    Vous encouragez une meilleure appréciation de l'opportunité, vous stimulez la sélectivité. Je crois qu'on peut vous accompagner dans ces exigences, même si, au sujet des financements que les collectivités peuvent mobiliser, le débat reste ouvert. Et la commission des finances, vous le savez, a voté un amendement à l'article 77 du projet de loi.
    Adaptation aux contraintes, adaptation aussi aux données de notre engagement européen. Pour Réseau ferré de France, nous avions l'habitude de recevoir le concours d'un compte d'affectation spéciale. Bruxelles a porté son appréciation sur ces modes de financement et c'est pourquoi le concours financier de l'Etat, en particulier les 800 millions d'euros d'aide au désendettement de RFF, s'opère cette année par un autre biais que l'abondement du compte d'affectation spéciale, en particulier sur produits de privatisation, que nous connaissions antérieurement. C'est une donnée, c'est une contrainte, c'est sans doute aussi une vertu parce que cela permet de donner plus de clarté - mais pas nécessairement plus de pérennité : nous en reparlerons - à l'engagement de l'Etat au profit de RFF et du système ferroviaire.
    Adaptation encore au cadre international, non seulement pour le budget de l'Etat, mais aussi pour les entreprises publiques auxquelles vous demandez, monsieur le ministre, de se conformer aux normes comptables. Le fait que, demain, la SNCF ou RFF aient à adapter leurs comptes aux normes IAS est un enjeu important, qui n'est pas sans conséquences budgétaires sur les modes de financement que vous définissez et définirez. Cela souligne et sans doute, d'une certaine manière, aggrave la question de la dette considérable, plus de 41 milliards d'euros, du système ferroviaire. C'est évidemment une des contraintes, une des nécessités d'adaptation auxquelles votre budget, aujourd'hui et demain, doit répondre.
    Enfin, adaptation ou préfiguration, la réflexion est encore modeste, et à certains égards insuffisante, pour la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances. Il y a quelque temps, vous avez engagé une expérimentation intéressante en région Nord - Pas-de-Calais, qui apporte une souplesse de gestion bienvenue. Nous avons pu ainsi, dans le cadre de notre mission de rapporteur spécial, examiner la manière dont vous envisagez de mettre en oeuvre la LOLF au ministère de l'équipement et des transports. Eh bien, je dois vous dire que les pistes que vous explorez aujourd'hui ne nous satisfont pas. Nous constatons en particulier que les missions mono-programme que vous envisagez videraient de son sens la liberté d'amendement prévue par la LOLF entre les programmes d'une même mission, procédure qui élargit et assouplit l'initiative parlementaire lors de la discussion budgétaire. Pour que des corrections puissent être faites d'un programme à l'autre, cela suppose en effet qu'il y ait plusieurs programmes à l'intérieur d'une mission. Or vous proposez plusieurs missions comportant un seul programme, ce qui ne laisserait guère de marge à l'initiative parlementaire. Je vous appelle donc, monsieur le ministre, à poursuivre le travail sur ce terrain, avec le Parlement si vous le souhaitez, pour faire en sorte que la mise en oeuvre de la LOLF au ministère de l'équipement et des transports se fasse dans de meilleures conditions.
    Si votre démarche est donc pour l'essentiel adaptée, en restant perfectible à certains égards, elle est aussi offensive. Elle l'est en particulier dans la préparation et la mise en oeuvre de la décentralisation, à laquelle, messieurs les ministres, vous êtes l'un et l'autre attachés. Ce n'est pas une mince affaire ! Dans le domaine routier, vous envisagez de décentraliser les deux tiers des routes nationales et vous avez engagé, sur tout le territoire, une réflexion sur l'organisation de l'Etat que ce transfert implique. Cette réflexion peut aller au-delà : je pense notamment à l'organisation de l'expertise technique. Sans doute le réseau des centres d'études techniques de l'équipement devrait-il mieux tenir compte de ce que sera la nouvelle donne de la décentralisation. Vous avez là des ressources humaines et scientifiques considérables et de grande valeur. Mais, quelles que soient leurs qualités, elles ne sont pas dispensées de tenir compte de la nouvelle organisation de l'Etat. Les CETE, comme d'autres services de votre administration, doivent participer à l'effort de réforme de l'Etat et d'amélioration de son efficacité.
    Sur le financement de la décentralisation, nous sommes satisfaits de vos projets pour 2004. Quelle crainte pouvions-nous avoir, monsieur le ministre ? Que l'Etat, à mesure que s'approchait le transfert des deux tiers du réseau national, ne se désengage des investissements, se disant que demain la charge appartiendrait aux départements et que, pour fixer le niveau de référence du financement de l'Etat, c'est-à-dire de l'apport de ressources en contrepartie du transfert de compétences, il valait mieux minorer la base de calcul. Il n'en est rien. Les crédits routiers sont en progrès sensible et permettent un certain rattrapage. Il reste néanmoins beaucoup à faire, mais vous n'êtes pas responsable des contrats de plan.
    Néanmoins, il est un point sur lequel j'aimerais que vous nous apportiez quelques éclaircissements à l'occasion de ce débat budgétaire, car les choses sont en réalité un peu plus compliquées et un peu moins heureuses que je ne l'ai écrit dans mon rapport. En effet, s'il est prévu que l'Etat transférera intégralement aux collectivités départementales les sommes nécessaires à l'entretien du réseau transféré, les choses paraissent un peu moins claires s'agissant du transfert des ressources nécessaires à l'investissement. Pour les grosses réparations, c'est acquis. Mais qu'en sera-t-il des investissements nouveaux, ainsi de la réalisation d'une déviation ?
    Monsieur le ministre, de mon point de vue, la décentralisation, c'est le transfert d'une politique. La nouvelle politique routière suppose donc le transfert de l'entretien, historiquement insuffisant - c'est un autre débat -, le transfert des travaux et donc des sommes nécessaires pour financer les grosses réparations, mais elle suppose également des investissements nouveaux. J'ai compris que vous envisagiez de limiter les financements croisés, mais j'ai également compris, lors de différentes auditions, que l'Etat espérait pouvoir encore s'inscrire dans un système de contrats de plan reposant sur le cofinancement par les collectivités locales des investissements sur le réseau routier national rémanent.
    Vous escomptez donc toujours la participation des collectivités au financement des travaux dont la maîtrise d'ouvrage appartient à l'Etat. Mais sans doute ne contribuerez-vous plus aux investissements sur le nouveau réseau départemental. Quelle sera alors la source de financement de ces travaux ? Quand, demain, un département construira une déviation sur une route anciennement nationale, devenue départementale, est-ce que la ressource proviendra d'un transfert de l'Etat, celui l'ayant jugé nécessaire à l'exercice d'une politique décentralisée ? Je souhaite une réponse à cette question, monsieur le ministre.
    Politique offensive aussi pour la qualité de gestion et le sens de la réforme de votre administration. J'ai effectué, il y a quelques mois, un contrôle sur pièces et sur place des conditions de rémunération des jours de grève. Je remercie à la fois les entreprises publiques et votre propre administration d'avoir répondu à mes questions, sur le moment et dans la durée, puisque vous avez, récemment encore, transmis très obligeamment au Parlement des éléments d'information concernant l'impact des jours de grève sur les rémunérations au sein de vos services. Les choix mis en oeuvre, qui sont ceux de l'ensemble du Gouvernement, sont à la fois respectueux de la règle et convenablement rigoureux dans le sens de la responsabilité de chacun, aussi bien au sein des entreprises publiques qu'au sein de votre administration. La règle était probablement mieux codifiée, même si elle n'était pas toujours appliquée, au sein des entreprises publiques, et un peu moins codifiée au sein des administrations, mais l'expérience du printemps dernier aura permis de mieux l'établir.
    Vous prévoyez aussi la réforme de différents organismes qui gravitent autour de votre ministère, mais nous aurons l'occasion d'en reparler lors de la discussion des amendements. Je note simplement que l'Assemblée des départements de France, pour ce qui la concerne, a prôné très récemment la simplification et l'économie dans le fonctionnement de ces organismes, recommandant parfois de les supprimer, le plus souvent d'en maintenir et d'en proclamer la mission, tout en envisageant des conditions de fonctionnement plus économes.
    Politique offensive encore, et avec d'amples félicitations de notre part, monsieur le ministre, s'agissant de la sécurité routière. Voilà un bel exemple d'efficacité de l'action publique, qui repose sur votre très forte détermination et celle de l'ensemble de la nation. Cette action aura requis un peu de moyens supplémentaires, mais pas tant que cela. Le succès d'une politique publique ne dépend ni uniquement ni principalement des moyens budgétaires qu'on y consacre. Celui de l'effort nouveau en matière de sécurité routière est là pour le démontrer. L'année 2004 sera essentielle dans ce domaine. Un long chemin a été parcouru en 2003, de grands progrès ont été accomplis, les chiffres le démontrent. Le nombre de vies sauvées en 2003, c'est au fond le plus beau succès dont vous puissiez vous parer. Quel meilleur résultat que de sauver des vies ? Mais en 2004, il faudra comparer à 2003 : l'exercice sera plus exigeant. Il faudra aussi maintenir l'attention et la mobilisation de nos concitoyens.
    Vous connaissez mon attachement à ce que les moyens de l'Etat pour la sécurité routière soient garantis par l'affectation du produit des amendes. L'article 9 de la loi de juin 2003 a permis de faire un petit progrès à cet égard, mais il est très insuffisant encore. Il y a un pas important à franchir pour que nos compatriotes soient convaincus que l'ensemble du produit des amendes doit être utilisé à des actions de sécurité routière. Le code général des collectivités territoriales le prescrit d'ailleurs, mais il n'est pas respecté.
    Politique adaptée, politique offensive, politique réaliste. Vous menez et poursuivez des projets importants : le TGV-Est, par exemple. Mais il faut aussi entretenir. Et le besoin d'entretien est grand, qu'il s'agisse du réseau routier ou ferroviaire. Il importe d'optimiser et d'améliorer nos infrastructures. Une politique d'équipement et de transports, c'est déjà cela. Historiquement, cette dimension est sous-évaluée dans notre pays. Il faudra demain que, dans le budget de l'Etat comme dans celui des entreprises publiques, soit bien marquée la priorité à l'entretien et à l'optimisation.
    Monsieur le ministre, au-delà des grands travaux et des projets d'infrastructures, nous avons besoin de véritables réformes de gestion. Il n'y aura de politique réaliste de l'équipement et des transports qu'avec de vraies réformes de gestion. On peut, pour le fret, désendetter autant que l'on veut. On peut pour le ferroviaire, et plus largement pour le réseau routier, investir tout ce que l'on veut : tant qu'un certain nombre de modes de gestion et d'organisation de l'Etat ou des entreprises n'aura pas été profondément modifié, ces moyens ne seront pas mobilisés efficacement.
    La réforme de la gestion, en particulier pour le fret, est indispensable. Dominique Bussereau a fait allusion avant hier au dialogue mené entre l'Etat et la SNCF : il faut absolument obtenir des garanties sur cette réforme.
    Enfin, monsieur le ministre, un constat et une question à propos du débat portant sur les infrastructures du printemps dernier, de l'examen de ce budget et des décisions que vous prendrez dans les jours ou les semaines à venir.
    Notons d'abord que la discussion budgétaire vient quelques jours ou quelques semaines avant des choix majeurs que vous aurez à opérer et que vous nous présenterez. C'est un peu frustrant mais c'est ainsi et le calendrier a ses contraintes. Je souhaite en tout cas que la raison, la lucidité et le réalisme président à ces décisions.
    Dans le domaine des infrastructures, comme dans d'autres d'ailleurs, notre pays est en effet parfois animé de réflexions contradictoires. On pratique simultanément l'auto-flagellation et la gonflette : autoflagellation lorsqu'on se plaint de prendre du retard pour les infrastructures et de ne pas tenir les taux historiquement engagés pour les dépenses de travaux publics et d'infrastructures dans notre pays ; gonflette lorsqu'on se félicite de la qualité des infrastructures en France dans lesquelles on voit un élément de compétitivité de notre pays. Plutôt que de tenir ces deux discours contradictoires simultanément, il me paraît indispensable de trouver un point d'équilibre. C'est en définissant nos choix que nous y parviendrons.
    Le débat sur les infrastructures, au printemps dernier, a laissé un sentiment d'inachevé : aucune sélection n'avait été opérée sur les grandes listes adressées au père Noël. (Sourires.). Or ce tri, il faudra bien le faire car nos moyens ne sont pas infinis. La situation financière de notre pays est grave, en effet. Et nous n'avons pas d'autre choix que de valoriser une partie de nos ressources et de nos actifs.
    C'est à ce titre que je suis favorable à la cession d'une partie des actifs autoroutiers de l'Etat. Vous souhaitez, monsieur le ministre, et c'est une bonne idée, la création, demain, d'un établissement public de financement des infrastructures. Celui-ci s'appuiera sur un certain nombre de ressources, cherchera peut-être à lever l'emprunt. Mais il ne faut pas charger la barque. La dette de l'Etat étant ce qu'elle est, vous n'arriverez pas, même en mobilisant les dividendes des sociétés autoroutières, même en espérant leur faire jouer un effet de levier, à mobiliser des ressources que la contrainte financière de l'Etat ne permet pas de mobiliser ailleurs. Il n'y aura pas d'effet miracle.
    Mme la présidente. Je vous demande de conclure, monsieur Mariton.
    M. Hervé Mariton, rapporteur spécial. Je conclus, madame la présidente.
    S'il s'agit avec l'établissement public de bien affecter les ressources dédiées à une politique sélective, utile et efficace, alors nous disons mille fois oui. A cet égard, nous aurions préféré que la TIPP du gazole, plutôt que de se perdre dans la généralité du budget, soit effectivement affectée à RFF par une tuyauterie dédiée et adaptée. Si demain vous instaurez une redevance poids lourd - notons au passage que l'initiative eût été plus heureuse que la TIPP du gazole et que nous y aurions été favorables -, nous souhaiterions que celle-ci soit effectivement affectée à la valorisation du patrimoine autoroutier. En tout état de cause, cela ne permettra pas de réaliser plus de projets que nous n'en avons les moyens.
    Messieurs les ministres, mes chers collègues, il n'y a pas de méthode financière géniale, il y a des choix à opérer. S'agissant de la mobilisation des moyens, il est évident qu'il faut mettre un coup d'accélérérateur. A cet égard, la privatisation autoroutière est un premier pas. Il n'y a aucune raison financière qui ferait que la valorisation aujourd'hui des autoroutes soit différente d'un centime de la valeur actualisée de la rente autoroutière à venir. Mobilisons donc les ressources, sélectionnons nos choix et menons, en effet, une politique d'équipement et de transport à la fois ambitieuse et réaliste, qui réponde aux besoins de nos concitoyens et qui soit compatible avec les moyens de notre pays. Bon courage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour l'équipement et les transports terrestres.
    M. François-Michel Gonnot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour l'équipement et les transports terrestres. Avec près de 23 milliards d'euros, un peu plus de 13 milliards pour les transports terrestres et fluviaux, votre budget, messieurs les ministres, est un bon budget : il maintient l'investissement public et conforte donc l'emploi ; il prépare l'étape de la décentralisation et les grandes décisions sur les infrastructures ; il offre enfin une perspective nouvelle aux transports ferroviaires. Il faut donc saluer la performance de ce budget qui parvient à concilier l'exigence d'optimisation de la dépense publique avec une stabilisation des dépenses de fonctionnement, tout en créant 100 emplois d'inspecteurs du permis de conduire et 37 postes pour la sécurité maritime.
    En outre, ce budget ne sacrifie pas l'avenir et permet, au contraire, de poursuivre l'effort d'investissement qui augmente de 5,6 % pour le réseau routier avec la mise en service prochaine de 94 kilomètres d'autoroutes concédées. Le budget de votre ministère est, en effet, essentiel sur le plan économique car il représente 5 millards d'investissements, ce qui a un effet d'entraînement sur tout le secteur des travaux publics et du bâtiment. En la matière, il convient de saluer la performance d'une augmentation de près de 10 % de l'investissement par rapport à 2003.
    Alors que des inquiétudes étaient apparues chez les élus locaux l'année dernière, à la suite des décisions de gels de crédits, les perspectives semblent beaucoup plus favorables pour les contrats de plan qui devraient être exécutés à plus de 44 % à la fin de 2004.
    Votre rapporteur salue également l'effort entrepris pour clarifier les concours publics au secteur ferroviaire avec la budgétisation de la contribution de l'Etat du désendettement de RFF qui atteint 800 millions d'euros.
    Qu'il me soit ici permis d'aborder un sujet délicat : celui des péages payés par la SNCF, mais qui s'avère vital pour l'équilibre financier de l'entreprise. Actuellement, le calcul de ces redevances manque de clarté et la méthode utilisée manque de pertinence économique : les péages reflètent mal l'encombrement du trafic et sont peu incitatifs à un rééquilibrage des circulations. De plus, les lignes TGV sont surtaxées, alors que le fret et les lignes régionales acquittent un prélèvement beaucoup plus faible que chez nos partenaires européens.
    Vous avez annoncé une hausse des péages de 60 millions par an sur cinq ans pour permettre à RFF de réaliser des investissements de régénération du réseau, alors que, durant plusieurs années, il faut le rappeler, son entretien avait été négligé. Cela va être lourd pour les comptes de la SNCF. Sommes-nous sûrs d'en avoir mesuré toutes les conséquences ? Espérons que cela pourra être compatible avec une régénération du réseau et un retour à l'équilibre toujours souhaité pour la SNCF.
    A l'heure de la libéralisation du trafic ferroviaire et pour que cette concurrence soit loyale, il est fondamental par ailleurs de connaître avec précision les niveaux de péage dans les différents pays européens, jusqu'ici assez opaques. J'aimerais que vous vous engagiez, messieurs les ministres, à demander à vos homologues européens la création d'un observatoire européen des péages pour que la tarification ferroviaire gagne en transparence.
    Le ferroviaire doit aussi relever le défi du fret. Rappelons quelques dures réalités : les tarifs pratiqués par la SNCF ne permettent pas de couvrir les charges d'exploitation et seuls quatre secteurs sont aujourd'hui rentables, à savoir le transport des matières nucléaires et chimiques, le transport de gaz et de glucose.
    Comment réorganiser le fret qui souffre de défauts d'organisation ? En moyenne une locomotive n'est utilisée que quatre heures par jour, et les résultats financiers rendent difficile le renouvellement du matériel qui a en moyenne trente-sept ans ! Que comptez-vous faire, messieurs les ministres, pour aider la SNCF à réorganiser son activité fret ? Nous attendions le plan de la SNCF lors du dernier conseil d'administration, il y a quelques jours. Mais il a dû être reporté. Nous espérons que notre discussion permettra d'ajouter quelques éléments d'information aux réponses que vous avez déjà eu l'occasion de présenter à l'Assemblée lors des questions au Gouvernement.
    Le débat parlementaire du printemps dernier sur les infrastructures et les conclusions de l'audit du conseil général des Ponts et Chaussées et de l'Inspection générale des finances, ainsi que du rapport de la DATAR, ont souligné l'attachement de tous à la poursuite d'une politique dynamique d'équipement de notre pays. Mais le problème du mode de financement reste entier alors même que l'endettement des comptes publics atteint un niveau record.
    Des progrès considérables restent à accomplir pour créer un réseau ferroviaire entièrement dédié au fret ou parvenir à un franchissement des frontières dans des conditions acceptables, notamment dans les Pyrénées.
    Certaines solutions proposées sont encore à l'étude, comme la redevance poids lourds sur les itinéraires non couverts par des péages. Les difficultrés de sa mise en place en Allemagne incitent néanmoins à la prudence, alors même que le rendement attendu est modeste et que son coût de fonctionnement est relativement élevé. L'Union européenne doit jouer son rôle pour financer les grands équipements structurants. Le partenariat entre le public et le privé ne doit pas être présenté comme une solution miracle pour financer des grands travaux qui présentent de gros aléas et ne peuvent donc pas toujours être financés par de l'épargne placée « en bon père de famille ».
    J'aimerais, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous fassiez part de vos réflexions au sujet des nouveaux mécanismes de financement sur lesquels le Gouvernement travaille, alors qu'un CIADT doit prochainement prendre de grandes décisions en matière d'infrastructures.
    Je souhaiterais aussi évoquer ici l'immense chantier de la décentralisation, véritable défi pour les collectivités territoriales en matière de transport. On peut être optimiste, si on regarde les premiers résultats de la régionalisation ferroviaire. Néanmoins, le problème reste posé de la coordination entre les départements et les régions, pour gérer les investissements routiers et faire en sorte que le trafic ferroviaire soit complété par des dessertes routières adaptées, afin, par exemple, que les gares soient plus facilement accessibles. De plus, les régions restent tributaires des décisions d'investissement prises par RFF et la SNCF. Ces opérateurs demeurent propriétaires du matériel et maîtrisent la régulation du trafic grandes lignes et fret.
    C'est ainsi que je soutiens la proposition de l'Association des régions de France qui suggère que l'on donne aux régions un véritable pouvoir de planification en rendant obligatoires et contraignants les schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire, afin d'organiser les infrastructures dans leur globalité en cherchant à promouvoir l'intermodalité.
    Le problème du financement des infrastructures régionales reste, par ailleurs, tout aussi préoccupant que celui du financement des infrastructures nationales. Il faut que des ressources pérennes soient définies afin que les collectivités locales disposent de la maîtrise du financement de leurs infrastructures. Personnellement, je suis assez favorable à l'affectation de quelques centimes de TIPP aux autorités organisatrices pour qu'elles soient en mesure de poursuivre le développement des transports collectifs urbains et périurbains.
    Cette décentralisation s'appliquera aussi à certains personnels de l'équipement, dans les années, voire dans les mois qui viennent. Un grand travail de pédagogie doit être mené par les élus et le Gouvernement vis-à-vis des intéressés. Il faut les rassurer sur leur devenir : la décentralisation ne doit pas être synonyme de précarité, mais doit permettre, au contraire, une gestion du personne au plus près des exigences du terrain et faciliter ainsi la concertation sociale.
    Notre collègue Mariton a soulevé, à l'instant, la délicate question de la suppression des subventions aux transports en site propre et des aides aux plans de développement urbains. Nous avons déjà eu en commission un débat qui nous a permis d'obtenir certaines réponses du Gouvernement. Nous avons ainsi compris qu'il souhaite doter les collectivités de financements conséquents et pérennes et se donner, en 2004, le temps de la réflexion. Il a d'ailleurs chargé l'un de nos collègues, Christian Philip, d'une mission à ce sujet. Enfin, il a pris certains engagements, notamment dans la loi rectificative pour 2003, et proposé, outre des prêts de la Caisse des dépôts et consignation à taux réduit pour une durée de trente ans, un réhaussement éventuel du plafond du versement transport.
    M. Gilbert Biessy. Je n'ai pas compris la même chose que vous !
    M. François-Michel Gonnot, rapporteur pour avis. Cette question, qui sera sans doute débattue cette nuit dans cette enceinte, soulève effectivement différents problèmes. Nous ne sommes pas sans savoir que le déplafonnement de ce versement transport est évidemment un contre-signal que l'on envoie actuellement aux entreprises auxquelles on a promis une baisse de la fiscalité et un allègement des charges. Et il me paraît difficile de laisser aux collectivités territoriales la responsabilité de contribuer à l'augmentation de la fiscalité.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. C'est vrai !
    Vous avez plusieurs fois rappelé l'engagement du Gouvernement pour le développement des alternatives à la route. Pouvez-vous nous expliquer comment cette priorité se traduit sur le plan budgétaire notamment pour les transports combinés et les autoroutes ferroviaires ?
    Concernant la voie d'eau, à laquelle je suis personnellement très attaché, on a toujours du mal à voir où sont les priorités. Bien sûr, de grandes décisions, notamment pour Seine Nord, sont en attente. Il reste indispensable que VNF voie ses ressources propres augmenter et puisse bénéficier d'une augmentation de la taxe hydraulique afin d'entretenir normalement son patrimoine, ce qui n'est pas le cas depuis bien des années.
    Je souhaiterais par ailleurs vous interroger sur un sujet qui tient à coeur les employés de VNF dont les conditions de travail sont souvent délicates lorsqu'ils manipulent des barrages manuels qui datent encore de l'époque de Napoléon III. Sera-t-il possible de commencer à financer, dès cette année, leur automatisation, ce qui me semble être la moindre des choses ?
    En conclusion, je peux vous assurer, messieurs les ministres, de notre engagement à vos côtés pour la réussite d'une politique des transports dynamique qui cherche encore toute sa définition et qui trouvera quelques éléments de réponse à travers les grandes décisions qui doivent être prises prochainement et la grande étape de la décentralisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour la mer.
    M. Jean-Yves Besselat, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour la mer. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, j'essaierai en dix minutes d'exposer l'importance de ce budget que j'ai l'honneur de présenter.
    Ce budget est un bon budget pour deux raisons, d'abord parce qu'il progresse en valeur absolue de plus 6 % - 1094 millions d'euros contre 1032 millions d'euros en 2003 -, ensuite parce qu'il prend en compte l'importance stratégique que représente la mer pour notre pays. Et c'est cet aspect que je souhaite développer autour de trois préoccupations qui me paraissent essentielles.
    J'insisterai donc en premier lieu sur l'importance stratégique que doit revêtir pour notre pays une politique maritime. Le développement des échanges internationaux, par la voie maritime, constitue un formidable levier de croissance pour les pays qui savent capter ce développement. En effet, 90 % des échanges mondiaux en volume, s'effectuent par la voie maritime, en raison d'un coût de transport modeste. Le transport maritime croît ainsi en moyenne depuis vingt ans de 7 ou 8 % par an. Et cette croissance se poursuivra vraisemblablement au même rythme dans les vingt prochaines années.
    Ces trafics passant par nos grands ports, il est évident que, pour la France, notre capacité de capter cette croissance constitue un moteur puissant de développement économique. On peut d'ailleurs estimer aujourd'hui à environ 1,5 % du produit intérieur brut la richesse créée par l'activité maritime en France, contre environ 5 % en Angleterre. C'est dire quelle est la marge de progression qui s'offre à nous !
    Par ailleurs, la France, grâce à ses départements et territoires d'outre-mer et à la zone de 200 miles marins, possède le troisième territoire marin au monde, de l'ordre de 11 millions de kilomètres carrés. Cela offre indiscutablement à notre pays, pour les cinquante prochaines années, des champs de développement exceptionnels. Investir dans les départements et territoires d'outre-mer représente un élément de développement stratégique pour notre pays.
    Deuxième coup de projecteur sur votre action, monsieur le ministre : vous mettez en place une vraie politique maritime pour la France, et je vais rapidement rappeler les trois éléments que vous avez mis en place et consolidés pour le développement du pavillon français.
    D'abord, le G.I.E. fiscal, mis en place juste avant votre arrivée, est maintenu et développé. Depuis la mise en oeuvre de ce dispositif, 140 navires ont fait l'objet d'une demande d'agrément et 104 navires ont obtenu un accord définitif, ce qui représente pour notre pays un investissement global de 3,5 milliards d'euros. Cette mesure qui permet à l'exploitant du navire de bénéficier d'un avantage fiscal se situant en moyenne entre 20 et 25 % du montant investi, est un succès tout à fait probant.
    Le deuxième élément favorable au pavillon français est la taxe au tonnage. Comme vous le savez, monsieur le ministre, je me suis fortement impliqué pour la mise en oeuvre de cette mesure. J'en rappelle l'intérêt très puissant pour la croissance de notre flotte de commerce. Ce dispositif fiscal, dont bénéficient 70 % des armateurs mondiaux, consiste à taxer un bénéfice déterminé forfaitairement en fonction du tonnage des navires exploités par l'armement. Cette mesure présente le grand avantage d'être parfaitement lisible et stable pour l'investisseur puisqu'elle est directement liée au tonnage des navires armés par l'entrepreneur.
    Cette mesure, j'ai le plaisir de le dire, sera pleinement opérationnelle le 1er janvier 2004 puisque les décrets d'application - je parle sous votre contrôle, monsieur le ministre - doivent sortir dans les deux ou trois prochaines semaines. Nous pourrons juger de l'efficacité de la mesure d'ici à dix-huit mois, à un an, mais il est clair, dès maintenant, qu'elle est un signal fort en direction à la fois des armateurs français et des armateurs étrangers qui comprendront que la France a compris l'intérêt d'investir dans la filière maritime.
    Le troisième élément favorable au pavillon français est la mise en place du registre international France, le RIF. Comme le TAAF, le registre des terres australes et antarctiques français, qui est actuellement le registre bis de la flotte française, commençait à perdre des navires, nous avons dû réagir, pour faire face à la compétition internationale.
    Pour que le RIF soit attractif, il satisfera aux conditions suivantes, proposées dans le rapport de M. le sénateur de Richemont : au sein de l'équipage, seuls le capitaine et son suppléant sont obligatoirement français, mais il peut naturellement y en avoir d'autres ; le salaire des navigants serait défiscalisé ; un mécanisme d'exonération des charges patronales serait instauré ; les marins non communautaires pourraient être embauchés par l'intermédiaire de sociétés de placement et bénéficieraient d'une protection sociale répondant aux normes européennes.
    Le RIF constitue donc indiscutablement un élément de tonicité extrêmement fort pour le pavillon français.
    Grâce au maintien du GIE fiscal, à la mise en place de la taxe au tonnage et à la mise en place du RIF, toutes mesures qui concourent au développement du pavillon français, nos entreprises d'armement auront désormais le moyen d'être à armes égales avec la concurrence internationale. J'espère que cet ensemble permettra à notre flotte de retrouver les couleurs qu'elle n'aurait jamais dû perdre.
    Le dernier point sur lequel je compte appeler votre attention concerne les crédits consacrés, dans ce projet de loi de finances, à la sécurité maritime. Je les décline de trois façons.
    Pour ce qui concerne les CROSS, un effort substantiel est fait, mais il faudrait aller plus loin, ce qui impliquerait, selon mes projections, une inscription supplémentaire de 4,4 millions d'euros sur le budget pour 2004. Je rappelle que ces crédits concernent l'exécution de cinq missions : la surveillance de la circulation maritime, la recherche et le sauvetage des personnes en détresse en mer, la surveillance des pêches maritimes, la surveillance des pollutions et la diffusion des renseignements de sécurité maritime. C'est dire leur importance.
    Pour ce qui est, en deuxième lieu, de la signalisation maritime, je salue également l'effort substantiel qui a été réalisé. Il faudrait - j'ai déjà évoqué ce point, monsieur le ministre, et nous cherchons ensemble des solutions - un complément de crédits de l'ordre de 6 millions d'euros pour le renouvellement de la flotille - baliseurs, bateaux de travaux et vedettes -, le remplacement des aides flottantes par des bouées légères, la remise à niveau de la signalisation de la sécurité maritime et la mise en place de nouvelles aides radioélectriques.
    Enfin, je souhaite évoquer un point particulier : alors que les écoles de la marine marchande ont pu remettre à niveau leurs équipements, il reste à trouver 1,5 million d'euros pour la rénovation de l'école de la marine marchande du Havre. Former des marins, monsieur le ministre, vous le savez bien, c'est oeuvrer pour la sécurité maritime, puisqu'un marin formé sait réagir de la façon la plus intelligente en toutes circonstances, et tout le monde sait que les marins sont souvent amenés à travailler dans des conditions difficiles.
    Monsieur le ministre, je sais que vous êtes d'accord pour réaliser cet effort supplémentaire dans le budget 2004. Avec votre équipe, nous cherchons, dans le budget global, quelles affectations modifier pour trouver les crédits supplémentaires nécessaires à une mise à niveau rapide des CROSS et de la signalisation maritime.
    Je terminerai avec une suggestion : dans la mesure où ces équipements concernent la sécurité de la Manche et de la mer du Nord, qui est la route la plus passagère du monde, et que nous opérons donc, en fait, un contrôle sur un trafic européen et mondial, peut-être pourrions-nous obtenir des crédits européens, tels que les crédits INTERREG, pour compléter ces financements.
    Telles sont, madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, les grandes lignes du budget que j'ai l'honneur de vous présenter, trop rapidement, hélas, compte tenu de l'intérêt stratégique du sujet, mais j'ai essayé de me tenir au temps qui m'était imparti. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. Vous avez réussi votre temps de parler, monsieur Besselat, et je vous en remercie.
    La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les transports aériens.
    M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les transports aériens. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le budget des transports aériens dépend étroitement de la situation économique. Or, cette situation demeure extrêmement fragile. Au premier semestre 2003, le trafic passager sur les aéroports français a diminué de 3 % et le trafic fret a baissé de 0,1 %. Les résultats des compagnies aériennes sont, dans l'ensemble, catastrophiques, à l'exception des compagnies low cost et, dans une moindre mesure, de la société Air France.
    Or, c'est dans ce contexte que s'accroît la pression dite fiscalo-redevancielle. Cette augmentation - je ne cesse de le dire depuis deux ans - n'est pas raisonnable. Le coût des mesures de sécurité et de sûreté a explosé en quatre ans, passant de 263 millions d'euros en 2001 à 420 millions en 2002 et 512 millions en 2003 et avoisinera probablement les 575 millions d'euros en 2004.
    On peut d'ailleurs émettre de sérieux doutes quant à l'efficacité des mesures financées par la croissance exponentielle de ces coûts.
    De même, l'article 27 du projet de loi de finances, que nous avons voté dans la nuit de lundi contre l'avis de la commission des finances, va augmenter à nouveau de 13 % la taxe d'aviation civile et donc peser d'autant plus sur les compagnies aériennes. Les redevances pour services terminaux vont aussi connaître une forte croissance. Jusqu'où irons-nous ?
    Si le budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, traduit globalement une volonté politique équilibrée, je voudrais souligner certains problèmes et exprimer quelques incertitudes, tant sur le projet de budget lui-même que sur le contexte dans lequel évolue le secteur des transports aériens.
    J'évoquerai, tout d'abord, le problème de l'inscription de la dotation de continuité territoriale sur le FIATA.
    Evitons tout malentendu. La commission des finances ne s'oppose pas au principe de cette dotation, qui figure d'ailleurs dans une loi que nous avons votée, ni d'ailleurs à son financement par l'Etat. Mais elle souligne quatre incohérences.
    Tout d'abord, cette mesure pose des problèmes d'ordre juridique, en termes d'euro-compatibilité et de droit de la concurrence. Surtout, le mode de financement proposé est manifestement contraire à la loi organique du 1er août 2001. En effet, celle-ci dispose que : « Les comptes d'affectation spéciale retracent des opérations financées au moyen de recettes qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. » Or une taxe due par l'ensemble des compagnies n'est pas, « par nature, en relation directe » avec une subvention à des collectivités territoriales. Certes, cette disposition de la loi organique n'est applicable qu'au 1er janvier 2005. Mais n'y a-t-il pas un paradoxe à adopter en 2004 un système qui ne pourra pas perdurer en 2005 ?
    Ensuite, se pose un réel problème d'équité. Quelle logique y a-t-il à faire financer la dépense de solidarité nationale que constitue la dotation de continuité territoriale par une taxe due par des compagnies aériennes dont l'activité est, la plupart du temps, sans aucun rapport avec la desserte de l'outre-mer ?
    Cela pose aussi des problèmes de gestion. Puisque le FIATA est alimenté tous les mois, les collectivités ne pourraient pas bénéficier de la totalité de leur dotation au début de l'année. Elles pourraient au mieux recevoir des versements trimestriels. En outre, la dotation sera indexée sur la DGF, alors que les recettes évoluent en fonction de l'activité aérienne et de l'évolution des tarifs.
    Enfin et surtout, cette réforme pose un problème de cohérence politique, puisqu'elle est contraire à la logique gouvernementale de clarification et de regroupement des dotations aux collectivités territoriales. Une telle subvention doit figurer sur le budget général, à l'image de la dotation de continuité territoriale pour la Corse.
    Deuxième problème : quelles sont les mesures que vous entendez prendre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, pour adapter votre budget à la nouvelle loi organique relative aux lois de finances ?
    D'après les informations que vous nous avez fournies, les crédits du budget annexe de l'aviation civile et ceux du FIATA pourraient être regroupés sous deux missions mono-programmes, ce qui non seulement est contraire à la loi organique et au principe de lisibilité des programmes, mais surtout vient entraver le droit d'amendement des parlementaires. Certes, rien n'est décidé. Mais je crois qu'il faut que vous veilliez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, à expliquer à vos services qu'il ne faut pas de missions mono-programmes.
    M. Michel Bouvard. Excellent !
    M. Charles de Courson, rapporteur spécial. S'il faut se réjouir, par contre, de voir prochainement les missions régaliennes du budget annexe rapatriées sur le budget général de l'Etat, les parlementaires ne pourront admettre une architecture budgétaire non respectueuse de la lettre et de l'esprit de la loi organique. La commission est d'accord avec votre projet de ne laisser sur le budget annexe que la partie « services et redevances » et de rapatrier sur le budget général les missions régaliennes, mais elle vous demande d'aller jusqu'au bout à propos du compte spécial du Trésor et du budget général.
    Sur ce point, il serait, je crois, important, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous rassuriez la commission des finances.
    Troisième problème : la réforme annoncée de la TGAP. Dix jours après le dépôt du projet de loi de finances, Mme la ministre de l'écologie a annoncé une réforme de la TGAP, afin de supprimer le volet « bruit » de cette taxe...
    M. Jean-Pierre Blazy. On vient d'en parler !
    M. Charles de Courson, rapporteur spécial. ... et d'y substituer une « taxe sur les nuisances sonores aéroportuaires ». La composante « bruit » de la TGAP étant actuellement gérée par l'ADEME...
    M. Jean-Pierre Blazy. Ce qui est une erreur !
    M. Charles de Courson, rapporteur spécial. ... la gestion en serait transférée à chaque grande plate-forme aéroportuaire. Nous souhaitons, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, en savoir davantage sur cette réforme d'envergure, son coût et les modalités de suivi de l'affectation des sommes. Nous aimerions savoir également dans quels textes vous compter intéger ces mesures.
    M. Jean-Pierre Blazy. Très bien !
    M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Pourriez-vous également nous confirmer la sortie avant la fin de l'année du décret relatif à la modulation entre le jour et la nuit ? Alors que nous avons voté cette disposition l'année dernière, le décret n'est toujours pas sorti, ce qui a choqué la commission.
    M. Jean-Pierre Blazy. Absolument !
    M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Quatrième point : n'est-il pas temps, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, de repenser les modalités d'intervention de l'Etat en faveur du secteur aéronautique, qui est l'un des secteurs porteurs de l'économie française ?
    En effet l'Etat accorde, aux industriels du secteur, des avances, dont une partie des remboursements est en définitif plus coûteuse pour les entreprises que le simple recours au marché, et ce dans un contexte de baisse généralisée des taux d'intérêt. J'ai fait calculer par les services le taux actuariel brut a posteriori sur chacune des conventions. On trouve massivement des taux actuariels bruts a posteriori supérieurs aux taux de marché.
    De plus, il est prévu, en 2004, 227 millions d'euros d'avances remboursables. Mais il y a en retour 237 millions de remboursements noyés dans les recettes non fiscales du budget de l'Etat. Le secteur aéronautique rapporte donc plus à l'Etat qu'il ne lui coûte, du point de vue des avances du moins.
    Je vous ai proposé, monsieur le ministre, - monsieur le secrétaire d'Etat - et il serait intéressant que vous vous prononciez à ce sujet - une réforme du système des avances, afin de négocier des avenants aux contrats et d'introduire des clauses de remboursements anticipés, au choix des bénéficiaires, et/ou des clauses de rachat par des tiers.
    Ces flux devraient être gérés au sein d'un « compte de concours financiers », au sens de l'article 24 de la nouvelle loi organique, puisque vous savez que nous ne pouvons pas inscrire ces sommes au budget général, puisque ce sont en fait des prêts.
    En contrepartie - vous connaissez la thèse de la commission des finances - il faudrait accélérer les remboursements, en conserver la moitié pour réduire le déficit du budget de l'Etat, et augmenter de 40 à 60 millions d'euros dans les années qui viennent les crédits de recherche.
    La commission des finances vous a trouvé un moyen d'accentuer l'effort de recherche dans le domaine aéronautique, ne serait-ce que pour tenir le choc face à l'énorme effort que font les Etats-Unis d'Amérique, surtout par le biais des crédits militaires, pour soutenir leur industrie aéronautique. Il est essentiel pour l'avenir que notre industrie aéronautique, ou plutôt, que l'industrie aéronautique de l'Europe soit performante, et ne perde pas de sa compétitivité face aux Américains.
    Tels sont, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, les principaux points sur lesquels la commission aimerait que vous apportiez des précisions.
    L'économie du secteur sera marquée à moyen et long termes par des réorganisations de grande ampleur et des fusions entre les compagnies aériennes. Soyez-en persuadés, mes chers collègues, toutes les compagnies des petits et moyens Etats, sont condamnées à mort, à moins de se restructurer et de fusionner avec l'une des trois grandes compagnies : Air France, British Airways et Lufthansa. Le premier accord avec KLM en est un exemple frappant. Mais soyez tous conscients que ces regroupements de compagnies en Europe seront accompagnés à terme de regroupements des structures gérant les infrastructures aéroportuaires.
    M. Jean-Pierre Blazy. Voilà une bonne remarque.
    M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Sur ce point, ceux qui refusent l'évolution, parmi lesquels on trouve une partie de nos collègues de gauche - mais pas tous - se trompent car cela entraînera la disparition d'une partie des emplois existants et empêchera d'attirer dans notre pays des emplois qui iront s'implanter à l'étranger.
    Le Gouvernement a fait voter une loi d'accompagnement de la privatisation d'Air France. C'est très bien. Cela a favorisé le rapprochement avec KLM. Sans cette loi, celui-ci n'aurait pas été possible et les négociations se seraient à nouveau soldées par un échec puisque KLM s'est mariée au bout de ses sixièmes fiançailles. Nous avons manqué le rapprochement avec Iberia, voire avec Alitalia. Le président d'Air France l'a confirmé. Il a dit publiquement que : « tant que Air France resterait public, il ne pourrait pas se rapprocher. » Il faut le savoir, que cela nous plaise ou non.
    Je pense qu'il faut aller de l'avant et l'idée du Gouvernement de modifier la structure juridique d'Aéroports de Paris, puis d'ouvrir le capital, me semble aller dans la bonne direction.
    La commission des finances a donné un avis favorable à l'approbation de ces budgets. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les transports aériens.
    Mme Odile Saugues, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les transports aériens. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen de ce projet de budget intervient dans un contexte toujours incertain pour le secteur du transport aérien, dont chacun reconnaît la place stratégique et, en même temps, le caractère vulnérable.
    Après le choc des attentats terroristes de 2001 et le ralentissement de l'économie mondiale, les compagnies aériennes ont dû, en 2003, faire face aux répercussions du conflit en Irak et de l'épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère en Asie.
    Notre pays n'est pas épargné : je rappellerai la disparition de la compagnie Air Lib et les incertitudes concernant Air Littoral et Aeris. Naturellement, il convient de souligner aussi les bonnes nouvelles, comme le rapprochement entre la compagnie néerlandaise KLM et Air France, scellé par la signature de l'accord du 16 octobre 2003.
    Dans ce contexte fortement tourmenté, le projet de budget devrait être un élément de lisibilité pour les compagnies aériennes. L'est-il aujourd'hui ? Voilà la question que nous devons nous poser.
    Avant d'y répondre, il convient de rappeler brièvement que le budget de l'aviation civile et le FIATA dépendent en grande partie du dynamisme de l'activité du secteur des transports aériens sur lequel le Gouvernement n'a qu'un pouvoir d'influence limité.
    La conjoncture économique du secteur aéronautique doit donc être présentée comme un élément déterminant le niveau des crédits qui seront disponibles en 2004 au profit de la politique des transports aériens.
    Or, la première caractéristique de votre projet de budget, c'est la modification du périmètre du FIATA qui explique une progression importante de ses crédits.
    Ce fonds, qui a pour objet premier de concourir à l'équilibre des dessertes aériennes réalisées dans l'intérêt de l'aménagement du territoire, a déjà pris en charge les dépenses directes de l'Etat en matière de sûreté. On peut discuter du bien-fondé de ce transfert qui n'est pas de votre fait, mais qui s'est amplifié avec la mise en oeuvre de nouvelles mesures de sécurité dans les aéroports et à bord des appareils.
    Aujourd'hui, le budget du FIATA enregistre une augmentation de près de 67 % entièrement financée par la taxe d'aviation civile, dont le produit est désormais affecté pour près de 37 % au FIATA, contre près de 24 % en 2003. A cet effet, le taux de la taxe d'aviation civile doit augmenter de 13,07 % entre 2003 et 2004.
    Une partie de ces moyens nouveaux permettra une augmentation des crédits inscrits à l'ensemble des chapitres de la section des opérations d'exploitation, ce dont je me félicite.
    Le présent projet de budget devrait permettre notamment de financer onze liaisons nouvelles, dans un but d'aménagement du territoire, pour un montant de 9,2 millions d'euros.
    Mais cette préoccupation, que je salue, ne doit pas masquer un réel problème, souligné d'ailleurs par le rapporteur de la commission des finances : l'inscription au FIATA de la dotation de continuité territoriale prévue par l'article 60 de la loi de programme pour l'outre-mer ne peut que nous laisser perplexes.
    Faut-il, monsieur le ministre, faire peser, via le FIATA, sur les seules compagnies aériennes cette dotation nouvelle ? Elle exprime à l'évidence un objectif d'aménagement du territoire. Son financement devrait donc être assuré par l'impôt, et son imputation sur le budget général du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer ou de l'aménagement du territoire paraîtrait plus régulière.
    En inscrivant cette dépense nouvelle au FIATA, le Gouvernement choisit de faire peser sur des entreprises de transport aérien convalescentes et soumises à une concurrence forte une charge qui relève plus de la solidarité nationale.
    Il y a là une construction budgétaire à la fois étonnante et critiquable, même si personne ne remet en cause la nécessité absolue de soutenir la desserte des territoires ultramarins. J'ai ainsi la nette impression, monsieur le ministre, que les compagnies aériennes sont conviées - et le terme est faible -, à assumer le coût d'une promesse électorale ! L'acceptation par vous-même de ce principe me surprend...
    Le projet de budget pour 2004 reflète également certaines évolutions hétérogènes du soutien de l'Etat à la construction aéronautique.
    Les autorisations de programme sont, en effet, en augmentation légère, tandis que les crédits de paiement sont en repli, principalement du fait de la fin des avances remboursables mobilisées au profit du programme de l'Airbus A340.
    Naturellement, il convient de replacer l'examen de ce projet de budget dans le contexte du transport aérien mondial : or, les premiers résultats de l'année 2003 ne font pas état d'une reprise dans ce secteur, quelle que soit l'échelle géographique examinée.
    L'année 2002 s'annonçait en France comme une année de transition : après la chute de 1,7 % du nombre de passagers transportés en 2001 par rapport à 2000, le trafic avait en effet augmenté de 0,5 % en 2002, pour approcher les 100 millions de passagers.
    La reprise s'amorçait durant les premiers mois de l'année 2003 - le nombre de passagers transportés a, en effet, augmenté de 8,8 % en janvier et de 2,3 % en février -, mais semble avoir été momentanément stoppée par le conflit en Irak, puis par le syndrome respiratoire aigu sévère, puisque le nombre de passagers transportés sur le territoire a chuté de 4,1 % en mars, de 7,5 % en avril et de 7,7 % en mai.
    Pour l'année 2004, les prévisions de trafic de la DGAC s'établissent entre 3,2 % et 4,1 %, ce qui traduit une certaine confiance dans l'avenir, compte tenu des évolutions enregistrées durant les deux années passées.
    Mais ces prévisions doivent cependant être accueillies avec une grande prudence. Cette même direction générale n'avait-elle pas tablé sur une baisse du trafic de passagers de l'ordre de 0,1 % à 1,3 % ? Or le trafic de passagers pour les six premiers mois de cette année enregistrera une baisse de 2,2 %.
    Ces éléments de conjoncture sont néanmoins déterminants, car l'essentiel des ressources de ce budget provient de la taxe d'aviation civile et des différentes redevances acquittées par les compagnies aériennes. A titre d'exemple, on estime aujourd'hui que la baisse du trafic enregistrée après les attentats du 11 septembre 2001 a entraîné une diminution de près de 15 % des moyens disponibles au titre du budget annexe et du FIATA, malgré l'augmentation des tarifs décidée pour faire face au financement des mesures de sûreté.
    Le même phénomène risque par ailleurs de se produire au titre de l'année 2003 : selon les dernières estimations, la mauvaise conjoncture entraînerait une baisse imprévue de 1,9 % du produit de la redevance de route, ainsi qu'une baisse de 4,4 % de la redevance pour services terminaux.
    Tous ces éléments risquent de peser fortement sur la réalisation du budget 2004, et je recommande au Gouvernement une très grande prudence vis-à-vis des hypothèses de croissance qui ont servi à établir ce projet de budget.
    Pour conclure cette présentation, je voudrais, monsieur le ministre, revenir sur quelques dossiers majeurs qui ne peuvent être occultés dans ce débat.
    Le premier porte naturellement sur le rapprochement entre Air France et KLM. Concrètement, ce rapprochement prendra la forme d'une opération en titres - l'offre publique d'échange n'existant pas en tant que telle aux Pays-Bas - pour laquelle Air France émettra des actions réservées aux actionnaires de KLM.
    Cette formule, qui diluera automatiquement à 45 % environ la participation actuelle de l'Etat conduira à une privatisation de fait d'Air France. Faut-il en conclure que l'Etat, désormais minoritaire, doit se contenter de la portion congrue, en cédant de plus une très grande partie de son capital ? Je ne peux y être favorable et je pense que cet accord ne doit pas servir de prétexte idéologique...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Idéologique ? Vous ne pensez pas ce que vous dites, madame Saugues !
    Mme Odile Saugues, rapporteure pour avis. ... à une privatisation hasardeuse et massive, au moment où le transport aérien demeure particulièrement vulnérable.
    Par ailleurs, la question de la place d'Alitalia dans ce rapprochement doit encore être clarifiée. Alors que la compagnie italienne a terminé son premier semestre 2003 avec un chiffre d'affaires en chute de 7,8 % sur un an, son président évoquait récemment la possibilité d'une alliance à trois. Selon les informations disponibles dans la presse, la président d'Air France aurait cependant jugé prématurée l'ouverture de discussions avec Alitalia. J'espère que vous pourrez nous donner, monsieur le ministre, votre sentiment sur cette perspective.
    Etonnamment, cette alliance capitalistique a fourni un éclairage nouveau à une autre question déterminante pour l'avenir du transport aérien en France : le projet de troisième aéroport international en Ile-de-France. En effet, nous avons entendu M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer nous annoncer que l'aéroport d'Amsterdam deviendra « le troisième aéroport parisien »...
    M. Jean-Pierre Blazy. Ils ont osé le dire ? Il fallait le faire !
    Mme Odile Saugues, rapporteure pour avis. ... alors que le rapport de la mission d'information parlementaire se contentait d'encourager le développement concerté des deux hubs, soulignant par ailleurs qu'un nouvel aéroport distant de plus de 50 kilomètres de sa zone de chalandise avait peu de chances d'attirer les compagnies aériennes.
    M. Jean-Pierre Blazy. Eh oui, ce n'est pas trop logique !
    Mme Odile Saugues, rapporteure pour avis, Croit-on sérieusement mettre ainsi un point final à un débat dont chacun reconnaît qu'il se posera inéluctablement d'ici à quinze ans ? Pense-t-on réellement que la multiplication des mesures de régulation suffira à contenir l'augmentation des nuisances liée à la perspective de la croissance, prévisible, du trafic à l'horizon 2020 ?
    M. Jean-Pierre Blazy. Très bien !
    Mme Odile Saugues, rapporteure pour avis. Enfin, ce tour d'horizon du transport aérien dans notre pays ne serait pas complet si nous n'évoquions pas deux questions : la place des low cost dans notre paysage aérien, économique et social, et celle des compagnies régionales.
    Sur ce premier point, je serai brève. Nous constatons indiscutablement l'émergence d'un marché low cost. La réalisation de cet objectif de bas coûts passe par une stratégie commerciale presque identique pour toutes ces compagnies. Certaines vont cependant plus loin que d'autres, et nous avons en mémoire des procédures judiciaires en cours qui montrent que ces pratiques commerciales peuvent être particulièrement rudes pour les autres compagnies, mais aussi pour certains aéroports de province qui se voient désertés, faute d'avoir pu répondre à des exigences exorbitantes ou d'avoir voulu cautionner des subventions abusives, habilement déguisées en promotions touristiques.
    Une fois encore, j'appelle donc le Gouvernement à la plus grande vigilance, afin qu'il puisse réguler, le cas échéant, les pratiques commercialement agressives de ces compagnies et contrôler les aides publiques, directes ou indirectes, qui leur seront distribuées. Je souhaite enfin que l'enquête demandée par le Gouvernement à l'inspection générale de l'aviation civile soit communiquée au Parlement.
    Enfin, comment ne pas rappeler ici que l'année 2003 peut d'ores et déjà être considérée comme une année noire pour les compagnies secondaires françaises, dont deux ont dû déposer le bilan ?
    Ainsi, la compagnie Air Littoral, employant près d'un millier de salariés, a déposé son bilan le 21 août au tribunal de Montpellier. Et, le 23 septembre dernier, c'est la compagnie toulousaine Aeris qui a également déposé son bilan, faute d'avoir réussi à réaliser une recapitalisation de 10 millions d'euros exigée par le Conseil supérieur de l'aviation marchande pour le maintien de sa licence.
    La définition d'une stratégie de soutien aux compagnies aériennes secondaires françaises devient donc une urgence absolue.
    En conclusion de ces deux analyses, je tiens à formuler plusieurs réserves concernant la construction de votre projet de budget sur les transports aériens pour 2004.
    Le première concerne le financement même du budget, qui fait ressortir un certain déséquilibre du fait de l'imputation, sur le FIATA, de la nouvelle dotation de continuité territoriale destinée à favoriser les liaisons aériennes entre la métropole et les collectivités d'outre-mer.
    La seconde concerne certaines orientations politiques du Gouvernement, qui m'amènent à penser que les crédits ne seront qu'imparfaitement destinés à consolider un secteur économique convalescent.
    Par conséquent, et contrairement à l'avis de votre commission, j'émets un avis défavorable sur le projet de budget pour 2004 relatif aux transports aériens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Blazy. Très bien !
    Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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ORDRE DU JOUR
DE LA PROCHAINE SÉANCE

    Mme la présidente. Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004, n° 1093 :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 1110).
    Equipement et transports ; article 77 ; budget annexe de l'aviation civile ; article 53 (suite) :
    Equipement et transports terrestres :
    M. Hervé Mariton, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 20 du rapport n° 1110) ;
    M. François-Michel Gonnot, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome XIII de l'avis n° 1112) ;
    Mer :
    M. François Liberti, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 22 du rapport n° 1110) ;
    M. Jean-Yves Besselat, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome X de l'avis n° 1112) ;
    Transports aériens :
    M. Charles de Courson, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 24 du rapport n° 1110) ;
    Mme Odile Saugues, rapporteure pour avis, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome XII de l'avis n° 1112).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT