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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 29 OCTOBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mardi 28 octobre 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Questions au Gouvernement «...».

EXPULSIONS «...»

MM. Gilbert Biessy, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

INTÉGRATION «...»

MM. Jean Leonetti, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

POLITIQUE EN FAVEUR DES PERSONNES ÂGÉES «...»

MM. Serge Blisko, Hubert Falco, secrétaire d'état aux personnes âgées.

POLITIQUE FAMILIALE «...»

MM. Pierre-Christophe Baguet, Christian Jacob, ministre délégué à la famille.

MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION «...»

MM. Thierry Mariani, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

CONTRATS D'INSERTION DANS LA VIE SOCIALE «...»

MM. Jean-Luc Warsmann, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

DOCTRINE NUCLÉAIRE «...»

M. Paul Quilès, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.

LUTTE CONTRE LE DOPAGE «...»

MM. Jean-Marie Geveaux, Jean-François Lamour, ministre des sports.

SÉCURITÉ SANITAIRE DANS L'AVEYRON «...»

MM. Jacques Godfrain, Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

AIDE MÉDICALE D'ÉTAT «...»

Mme Conchita Lacuey, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

POLITIQUE EN FAVEUR DU TOURISME «...»

MM. Didier Quentin, Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme.

SITUATION DE L'EMPLOI
DANS LE NORD DE LA FRANCHE-COMTÉ «...»

MM. Marcel Bonnot, Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN

2.  Loi de financement de la sécurité sociale pour 2004. -
Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

Rappel au règlement «...»

MM. Jean-Marie Le Guen, le président.

Suspension et reprise de la séance «...»

M. Bruno Gilles, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour l'assurance maladie et les accidents du travail.
M. Claude Gaillard, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour la famille.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure de la commission des affaires culturelles, pour l'assurance vieillesse.
M. François Goulard, rapporteur pour avis de la commission des finances.
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ «...»

Exception d'irrecevabilité de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Claude Evin, le ministre, Jean-Luc Préel, Yves Bur, Jean-Marie Le Guen, Mme Muguette Jacquaint.- Rejet.

Suspension et reprise de la séance «...»
QUESTION PRÉALABLE «...»

Question préalable de M. Jean-Marc Ayrault : M. Jean-Marie Le Guen.

PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

MM. Jean-Marie Le Guen, Jacques Domergue, Jean-Paul Bacquet. - Rejet de la question préalable.
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe des député-e-s communistes et républicains.

EXPULSIONS

    M. le président. La parole est à M. Gilbert Biessy.
    M. Gilbert Biessy. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, du logement et des transports.
    Monsieur le ministre, votre gouvernement plonge dans la précarité et dans l'exclusion des dizaines de milliers de nos concitoyens. Plus de 130 000 chômeurs perdront bientôt leur droit à l'ASS. Plus de 800 000 demandeurs d'emploi ont déjà été précarisés par l'avenant à la convention UNEDIC. On ne peut pas vivre dignement, aujourd'hui, en France avec les seuls minima sociaux.
    Alors même que les entreprises licencient massivement, vous menez une politique de régression sociale. Vous vous félicitez de la mise en oeuvre du plan de lutte contre les exclusions, mais tous les élus constatent l'accélération des expulsions menées par les préfets et s'en alarment. Alors même que la loi prévoyait un volet de prévention des expulsions, elles ont lieu cette année dans des conditions catastrophiques.
    Vous vous déchargez totalement de votre responsabilité quant au relogement de ces familles. Vous ne faites rien, malgré les interpellations des professionnels, pour remédier à la saturation des lieux d'hébergement d'urgence. Or le droit au logement est un droit fondamental des individus. Il est de votre responsabilité de conduire les politiques nécessaires pour prévenir ce désastre humain que représente une expulsion.
    Monsieur le ministre, cessez de tenir un double discours. Il y a urgence à traiter le problème de l'accès au logement pour tous. Ne provoquez pas une nouvelle catastrophe sanitaire en jetant à la rue cet hiver des milliers de familles en situation de détresse. Allez-vous enfin entendre les associations et les élus qui demandent l'arrêt immédiat de toutes les expulsions et le relogement des familles ? Allez-vous mandater les préfets pour mettre en oeuvre ces mesures de justice sociale ? (Applaudissement sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, en matière de politique d'expulsion, nous vivons très exactement sur la circulaire qui a été rédigée et envoyée aux préfets par mes prédécesseurs. Je n'ai rien changé. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je ne veux pas croire que le groupe communiste trouve que cette circulaire est inhumaine par le seul fait que je suis devenu ministre de l'intérieur.
    M. Maxime Gremetz. Si !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, puisque le groupe communiste est si créatif en la matière, que n'a-t-il fait modifier, en cinq ans, une circulaire qui, manifestement, ne lui plaisait pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mieux encore : au mois de mai 2003, j'ai envoyé une autre circulaire pour prévenir les expulsions, qui restent des drames. Dans soixante-huit départements, une charte a été signée avec tous les partenaires pour que des mesures préventives soient engagées.
    M. Maxime Gremetz. Elle n'est pas appliquée !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Cela dit, une expulsion ne peut survenir qu'après une décision d'un tribunal. Le groupe communiste demande-t-il au Gouvernement que les décisions de justice ne soient plus appliquées dans notre pays ? Si tel est le cas, il faut le dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Monsieur le député, il existe aussi des propriétaires modestes, qui ont travaillé toute leur vie pour louer un petit appartement afin de compléter leur retraite. Et le Gouvernement n'a pas l'intention de pénaliser ceux qui ont travaillé dur et qui méritent aussi qu'il soit fait droit à leur demande.
    Enfin, quand une expulsion n'a pas lieu alors qu'une décision de justice l'impose, c'est le contribuable qui doit payer la défaillance de l'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

INTÉGRATION

    M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. Jean Leonetti. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    Mes chers collègues, nous savons tous - et nous espérons tous qu'il en soit ainsi - que la France est une terre d'accueil et que la République est un idéal d'intégration. Cependant, les débats récents sur l'immigration et la laïcité nous renvoient immanquablement au problème essentiel de notre capacité à intégrer et de l'adhésion des étrangers à nos valeurs. Et si le Gouvernement a choisi de lutter avec efficacité contre l'immigration clandestine, il a choisi aussi d'accueillir l'immigration légale d'hommes et de femmes étrangers désirant d'installer durablement sur notre sol en respectant nos lois.
    Le comité interministériel de l'intégration a ainsi mis en place le contrat d'accueil et d'intégration qui devrait finaliser les engagements respectifs des pouvoirs publics et des nouveaux arrivants en leur rappelant à cette occasion leurs droits, mais aussi leurs devoirs envers la République française.
    M. Charles Cova et M. Richard Mallié. Très bien !
    M. Jean Leonetti. Ce dispositif, monsieur le ministre, vous l'avez mis en place en juillet 2003. Quel est le bilan de cette expérimentation ? Avez-vous l'intention de la généraliser ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, la politique d'immigration du Gouvernement s'appuie sur deux piliers : une lutte ferme contre l'immigration clandestine et une vraie politique d'intégration, dont le contrat d'accueil et d'intégration est l'un des outils principaux. Il s'agit de mettre en place un dispositif qui vise à dissuader les tentations communautaires, qui rappelle les règles communes, celles de la République, et qui favorise une meilleure intégration culturelle, professionnelle et citoyenne.
    Aujourd'hui, ce dispositif est expérimenté dans dix départements français. Depuis le 1er juillet, 3 428 personnes ont signé ce contrat, ce qui représente 90 % des étrangers qui étaient en situation de le faire. En 2004, nous voulons étendre à vingt-six départements le dispositif et toucher 45 000 personnes qui souhaitent s'installer sur notre territoire. Enfin, en 2005, nous voulons généraliser le contrat d'intégration à tout le territoire. Il concernerait alors environ 100 000 personnes. Ce contrat serait obligatoire, notamment pour tous ceux qui veulent un titre de séjour de moyenne ou de longue durée sur le territoire français.
    Pour mettre en oeuvre cette politique, le Gouvernement a décidé, vous le savez, de créer en 2004 une agence qui regroupe l'Office des migrations internationales et le service social d'aide aux immigrants.
    Face aux flux migratoires, nous avons la volonté de mettre un terme à l'irrésolution et au flou qui ont caractérisé ces dernières années. Nous mettons en place une politique structurée, une politique individualisée, mais surtout une politique aux couleurs de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

POLITIQUE EN FAVEUR DES PERSONNES ÂGÉES

    M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, pour le groupe socialiste.
    M. Serge Blisko. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    Monsieur le ministre, nous avons connu cet été la plus grave crise sanitaire de notre histoire. Alors même qu'a débuté aujourd'hui l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, force est de constater que le Gouvernement ne tient aucun compte du drame de l'été 2003. Aucun financement n'existe pour le plan Urgences dans les hôpitaux, aucune piste de réflexion sur l'aval de l'urgence et sur l'organisation de l'offre de soins.
    Le Gouvernement a bloqué les crédits et la réforme des établissements hébergeant des personnes âgées depuis plus d'un an. Les mesures que vous avez annoncées à plusieurs reprises pour le 1er octobre se font toujours attendre. La montée en charge très rapide des demandes d'allocation personnalisée d'autonomie montrent pourtant que, dans notre pays, des millions de personnes ont besoin d'une réponse précise en termes d'organisation des soins et d'aide à la vie quotidienne.
    Après avoir essayé de vous défausser sur les familles qui ne peuvent en aucun cas remplacer une véritable politique d'accueil et d'accompagnement des personnes âgées, vous essayez aujourd'hui de culpabiliser les seuls salariés, en projetant de supprimer un jour férié, le lundi de Pentecôte.
    Pensez-vous que ce gadget, que cette astuce, habillés d'un discours faussement généreux, soient à la hauteur de l'enjeu et puissent remplacer une véritable politique de solidarité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
    M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le député, nous élaborons, actuellement, en concertation avec l'ensemble des organisations professionnelles et associatives du secteur des personnes âgées et handicapées, un plan pluriannuel « vieillissement et solidarité ». Il s'agit de permettre à notre pays de répondre, par des mesures fortes, au phénomène de la longévité et de la dépendance qui en découle.
    Nous souhaitons améliorer, humaniser la prise en charge et l'accompagnement des personnes âgées et des personnes handicapées, tant à domicile qu'en établissement.
    M. François Liberti. Vous avez mal commencé !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Dans ce domaine, notre pays a pris quinze années de retard...
    M. Edouard Landrain. Eh oui !
    M. André Gerin. Faux !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. ... qu'il nous appartient aujourd'hui de rattraper. Je rappelle que les crédits prévus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale en faveur des personnes âgées augmentent cette année de 10 %.
    M. André Gerin. Mensonge !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Et nous arrêterons prochainement des mesures (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) dans le cadre du plan vieillissement et solidarité. Surtout, nous allons mettre en place les financements qui nous permettront de les pérenniser. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ces financements seront à la hauteur des enjeux de solidarité, loin des mesurettes auxquelles vous nous avez habitués et des effets d'annonce non financés. (Protestations que les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Le dispositif auquel nous réfléchissons aujourd'hui prévoit un certain nombre de mesures, parmi lesquelles la mise en place d'une contribution nationale de solidarité...
    M. Christian Bataille. Répondez à la question !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. ... à travers la suppression d'un jour férié. (Protestations sur les mêmes bancs.)
    Ce n'est pour le moment qu'une hypothèse de travail. Les décisions finales seront arrêtées prochainement. (Mêmes mouvements.)
    Tant que le programme n'est pas finalisé,...
    M. le président. Monsieur Falco, il faut conclure !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. ... il est anticipé d'en prévoir les financements. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Ecoutez la conclusion de M. Falco !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Je suis surpris par vos réactions. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je vous rappelle, mesdames, messieurs les députés, que vous avez signé, le 26 juin 2003 (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), dans le journal La Vie, un appel à la suppression d'un jour férié.
    M. le président. Monsieur Falco, il faut impérativement conclure !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Je cite, monsieur le président, parmi les signataires (« C'est nul ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste),...
    M. le président. Monsieur Falco, je vais couper le micro !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Mme Lebranchu, M. Ayrault,...
    M. le président. Monsieur Falco !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. ... M. Fabius, M. Bianco, M. Migaud.
    M. le président. Monsieur Falco, j'ai coupé le micro. Vous avez dépassé votre temps de parole. Or chacun a droit au même temps. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Christian Estrosi. L'opposition n'a pas laissé M. Falco s'exprimer !
    M. le président. Je vous ai prévenu trois fois et vous n'avez pas tenu compte de mes avertissements. A la quatrième reprise, j'ai dû vous interrompre. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Christian Estrosi. Ça suffit, les leçons de morale !
    M. le président. Si tous les orateurs dépassent leur temps de parole, le dernier ne passera pas à la télévision !

POLITIQUE FAMILIALE

    M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la famille.
    Monsieur le ministre, l'UDF s'inquiète (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) des nouvelles mesures qui risquent de frapper les familles nombreuses. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale, que nous examinons actuellement, prévoit que les familles nombreuses seront exclues du congé parental d'éducation, devenu complément de libre choix d'activité.
    M. Bernard Derosier. Ne votez pas le PLFSS !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Pourquoi frapper les familles qui choisissent d'avoir des enfants rapprochés, d'autant que ces familles nombreuses sont souvent parmi les plus modestes ? Pourquoi écarter de toute mesure d'aide financière les familles dont le père ou la mère a choisi d'interrompre son travail pour guider les premiers pas de ses enfants ? L'UDF n'accepte pas cette décision qu'elle considère comme une injustice. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Votez contre !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le ministre, après avoir écrit en vain le 3 octobre dernier, le groupe UDF a déposé un amendement afin de réparer cette injustice car il tient à une inscription claire dans le texte de la loi. Nous seront extrêmement attentifs...
    M. Maxime Gremetz. Attention !
    M. Pierre-Christophe Baguet. ... à votre volonté de prendre ou non en compte notre légitime revendication et au sort que vous réserverez dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale aux familles nombreuses.
    M. André Chassaigne. L'UMP a peur !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Ma question est donc simple : le Gouvernement a-t-il l'intention de corriger, comme l'UDF le lui demande, ce qui constitue, pour elle comme pour les familles nombreuses, une mesure inacceptable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la famille.
    M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le député, comme vous, nous sommes tous sensibles au sort des familles. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité mettre en place une véritable politique familiale.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. N'éludez pas la question !
    M. le ministre délégué à la famille. Je regrette simplement que votre emploi du temps ne vous ait pas permis d'assister suffisamment aux réunions du groupe de travail que nous avons mis en place sur la politique familiale. (Protestations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Vous auriez mesuré, monsieur le député, les actions qui ont été mises en oeuvre et qui se traduiront dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale par des dispositions concrètes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Accoyer. Très bien !
    M. le ministre délégué à la famille. Je me contenterai d'en citer quelques-unes.
    Tout d'abord, les familles nombreuses continueront évidemment à bénéficier du congé parental rémunéré. Les conditions sont certes modifiées, mais l'APE pouvait quelquefois causer des difficultés, notamment chez les familles les plus modestes.
    M. Albert Facon. C'est une réaction de contremaître !
    M. le ministre délégué à la famille. Ainsi, 25 % des femmes qui prennent actuellement un congé parental rémunéré sont au chômage. Quelques années après ce congé parental, 50 % d'entre elles sont sans emploi. Il convient donc de veiller à maintenir un lien avec l'activité professionnelle, sinon le congé parental peut se transformer en trappe à chômage.
    M. Philippe Briand. C'est vrai !
    M. le ministre délégué à la famille. C'est la raison pour laquelle nous avons, d'une part, augmenté de 15 % la rémunération des cessations d'activité à temps partiel, et, d'autre part, mis en place un congé parental rémunéré dès le premier enfant. En effet, monsieur le député, il ne vous a pas échappé que pour avoir deux, trois, quatre, cinq, voire six enfants ou davantage, il convenait tout d'abord d'en avoir un premier. (Rires et applaudissements sur de nombreux bancs.)
    M. Maurice Leroy. Quelle découverte !
    M. le ministre délégué à la famille. Je constate que nous pouvons trouver des points d'accord. Je pourrais également vous rappeler la démonstration que j'ai faite sur les additions pour Mme Royal.
    L'objectif du Gouvernement est de favoriser la liberté de choix. Il appartient aux familles de choisir le mode de garde de leur enfant. Elles peuvent décider de poursuivre leur activité professionnelle ou de la cesser avec un accompagnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION

    M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
    M. Thierry Mariani. Monsieur le ministre de l'intérieur, ce matin, notre assemblée a adopté le texte définitif de votre projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et aux conditions d'attribution de la nationalité française.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Bravo !
    M. Thierry Mariani. La réforme de notre politique d'immigration était particulièrement attendue par les Français et ce projet sera sans nul doute l'un des textes forts de cette législature. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Trois mots le définissent : pragmatisme, équilibre et efficacité.
    M. André Gerin. Et expéditif !
    M. Thierry Mariani. Pragmatisme, tout d'abord. Toujours préoccupés des réalités du terrain, nous avons donné de réels pouvoirs aux maires, qui disposeront désormais de véritables moyens de contrôle, tant de la régularité des titres de séjour que des mariages de complaisance ou des attestations d'accueil.
    Un député du groupe socialiste. C'est un cadeau empoisonné !
    M. Thierry Mariani. Equilibre ensuite. Je tiens une fois de plus à saluer, monsieur le ministre, votre courage politique. Grâce à notre majorité, la réforme de la double peine a enfin eu lieu, après cinq ans de promesses et de colloques stériles sous un gouvernement de gauche. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Efficacité enfin. Votre projet de loi, enrichi de plus de 417 amendements, permet de lutter concrètement contre les détournements de procédure constatés par chacun d'entre nous, tout en renforçant les droits des étrangers régulièrement installés sur notre sol.
    Monsieur le ministre, les Français attendent maintenant l'application du texte. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Vous qui défendez quotidiennement une politique d'évaluation et de résultats, quelles sont les premières mesures concrètes que vous allez prendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, les chiffres sont accablants. De 1998 à 2002, avant l'arrivée du nouveau gouvernement, le taux d'exécution des décisions d'expulsion d'étrangers en situation irrégulière s'est effondré de 35 % pour arriver au taux historiquement bas de 16 %. Autrement dit, 16 % seulement des décisions d'expulsion étaient exécutées !
    Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin pose la question : quand les Français ont-ils été informés de la volonté de nos prédécesseurs de ne plus exécuter les décisions d'expulsion ? (« Jamais ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Quand le débat a-t-il eu lieu devant les Français ?
    Oui, monsieur Mariani, nous voulons que les choses changent, Et elles commencent à changer : depuis un an, à législation constante, le nombre de décisions d'expulsion et d'exécutions de ces décisions a augmenté de 25 %, et l'objectif du Gouvernement est de les doubler, parce qu'il doit être dit que, pour la République française, avoir des papiers et ne pas en avoir, ce n'est pas la même chose. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les étrangers qui ont des papiers sont les bienvenus, mais ceux qui ont des faux papiers ou ceux qui n'en ont pas doivent être raccompagnés chez eux. La voilà, la politique du Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

CONTRAT D'INSERTION DANS LA VIE SOCIALE

    M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.
    M. Jean-Luc Warsmann. Monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, vendredi dernier ont eu lieu deux événements très importants pour l'emploi des jeunes dans notre pays. Le premier correspond à la signature du 100 000e contrat « jeune en entreprise ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine David. Arrêtez !
    M. Jean-Luc Warsmann. Cela signifie que la loi que nous avons votée en juillet 2002 fonctionne,...
    Un député du groupe socialiste. Pas dans le Pas-de-Calais !
    M. Albert Facon. En Charentes-Poitou, peut-être !
    M. Jean-Luc Warsmann. ... puisque, d'ores et déjà, 100 000 jeunes, parmi les moins diplômés, ont obtenu un vrai emploi, à durée indéterminée, dans les entreprises. Le second, c'est la signature, par le Premier ministre, en Champagne-Ardenne, des trois premiers contrats d'insertion dans la vie sociale, dénommés CIVIS. Il s'agit de jeunes qui veulent concrétiser un projet social ou humanitaire dans le cadre d'une association.
    Monsieur le ministre, je souhaite vous poser trois questions très précises sur ce dernier contrat. Premièrement : quels jeunes bénéficieront du nouveau CIVIS ? (« Les trois ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Deuxièmement, quels organismes pourront embaucher les signataires ? Troisièmement, avec les moyens budgétaires dont vous disposez en 2004, combien de CIVIS pourrez-vous financer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - « Trois ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, je tiens d'abord à vous remercier d'avoir rappelé que c'est la fierté de ce gouvernement et de cette majorité d'avoir permis à 100 000 jeunes sans qualification de trouver un contrat à durée indéterminée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Pour vous répondre très clairement, le CIVIS est destiné à tous les jeunes de dix-huit à vingt-deux ans. Il comportera trois volets : le premier est déjà opérationnel, les deux autres auront besoin d'un texte législatif qui viendra très bientôt devant le Parlement.
    Le premier volet est destiné à accompagner des jeunes qui souhaitent participer à un projet d'utilité sociale dans le cadre d'une association. Ce sont donc les associations d'utilité sociale qui seront les employeurs. L'Etat apportera un financement à hauteur de 66 % du SMIC si le contrat porte sur les priorités suivantes : aide aux personnes menacées d'exclusion, aide aux personnes âgées et handicapées, intégration, action sociale dans les quartiers difficiles, développement du sport dans un cadre associatif. Dans les autres cas, l'Etat versera 33 % du SMIC aux associations qui recourraient au CIVIS, à charge pour les collectivités locales et notamment pour les régions, qui seront avec l'Etat les acteurs principaux du dispositif, d'apporter les financements complémentaires. Sur la base du budget pour 2004, nous sommes en mesure d'aider 25 000 CIVIS de type associatif.
    Quant aux deux autres volets, l'un soutiendra le parcours vers l'emploi des jeunes ayant des difficultés d'insertion, avec en 2004 un objectif de 60 000 ; l'autre concernera la création d'entreprises par les jeunes, avec un objectif de 2 500.
    Monsieur le député, l'ensemble du dispositif sera largement décentralisé, puisque les régions en assureront le pilotage, en coopération étroite avec l'Etat. D'une manière plus générale, les contrats CIVIS s'appuient sur les projets des jeunes plutôt que sur ceux des structures, et c'est un point auquel nous tenons beaucoup. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Maurice Leroy. Très bien !

DOCTRINE NUCLÉAIRE

    M. le président. La parole est à M. Paul Quilès.
    M. Paul Quilès. M. le Premier ministre, il y a quelques jours, devant l'Institut des hautes études de défense nationale - l'IHEDN -, a déclaré : « La conception, la programmation et la doctrine qui gouvernent notre arme nucléaire évoluent avec notre environnement et l'analyse des menaces. » Certes, notre monde a beaucoup changé depuis l'époque du général de Gaulle, surtout depuis dix ans, et il ne serait pas choquant de repenser notre doctrine de dissuasion nucléaire.
    Faut-il pour autant, comme le suggèrent ces propos, se rapprocher de la doctrine qui prévaut actuellement aux Etats-Unis ? Comment imaginer en effet que l'arme nucléaire puisse dissuader un groupe terroriste sans attaches spécifiques avec un Etat ? Quant à l'utilisation d'armes miniaturisées contre des objectifs précis, elle fait penser à la notion de frappe préventive, sur laquelle nous avons eu l'occasion de nous exprimer abondamment au moment de la guerre d'Irak. Il est indispensable que ce sujet donne lieu à un débat sérieux devant le Parlement. Continuer à dépenser des sommes très importantes sans savoir à quoi elles servent véritablement ou, pire encore, en ayant le sentiment qu'elles nous engagent sur une voie contestable ne favoriserait pas le consensus que l'on peut souhaiter en matière de défense. C'est pourquoi je demande à M. le Premier ministre à quel moment il envisage que la représentation nationale s'exprime sur l'importante question de la stratégie nucléaire militaire de la France. Selon nous, le plus tôt serait le mieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.
    Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le député, notre doctrine en matière nucléaire a été précisée par le Président de la République en juin 2001. Celle-ci prend en compte les récentes évolutions en la matière, notamment le fait qu'un certain nombre de puissances régionales se dotent de l'arme nucléaire. La loi de programmation militaire adoptée en janvier 2003 prend en compte ces évolutions et applique strictement la doctrine définie par le Président de la République. Notre stratégie reste, selon les termes mêmes de la loi de programmation militaire, caractérisée par le concept de non-emploi, même si elle implique de disposer de moyens diversifiés pour assurer la crédibilité de notre dissuasion face aux nouvelles menaces. Cela veut dire que s'il est vrai que les moyens évoluent - ce qu'ils font d'ailleurs depuis 1960 -, notre conception de la dissuasion demeure inchangée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Glavany. Circulez, il n'y a rien à voir !
    M. Michel Delebarre. C'est scandaleux !

LUTTE CONTRE LE DOPAGE

    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Geveaux.
    M. Jean-Marie Geveaux. Monsieur le ministre des sports, il y a un peu plus d'un an maintenant avaient lieu les états généraux du sport, qui ont été, comme chacun le sait, un moment fort pour la vie sportive de notre pays. A cette occasion, un certain nombre de suggestions ont été faites, dont un certain nombre ont d'ailleurs déjà été mises en application dans la loi votée en juillet dernier. Une réflexion sur la lutte contre le dopage en France avait été confiée au professeur Gérard Saillant, responsable de la commission « sport et santé ». Il vient de vous remettre une proposition de réforme sur le suivi longitudinal des sportifs.
    En effet, ni la loi de mars 1999 relative à la protection des sportifs et à la lutte contre le dopage, ni l'arrêté du 28 avril 2000 n'ont permis véritablement de mettre en place une surveillance active sur le terrain.
    A l'heure où l'on parle à nouveau de dopage, notamment aux Etats-Unis avec la découverte de nouveaux produits dopants, pouvez-vous nous dire avec quels moyens vous entendez mener une véritable lutte contre le dopage, et comment vous comptez mettre en oeuvre les recommandations du professeur Saillant ? (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des sports.
    M. Jean-François Lamour, ministre des sports. Monsieur le député, votre question renvoie aux deux piliers de la lutte contre le dopage dans notre pays.
    D'abord, à propos de détection, je dois me féliciter de l'excellente collaboration entre notre laboratoire de lutte contre le dopage de Châtenay-Malabry et celui de Los Angeles pour détecter cette nouvelle molécule qu'est la THG. Grâce à elle, nous pourrons dès que la fédération internationale d'athlétisme nous en donnera l'autorisation, dépister ce produit dans les échantillons prélevés lors des championnats du monde. C'est là un exemple de coopération particulièrement efficace.
    Ensuite, s'agissant de l'autre pilier, c'est-à-dire la prévention, elle consiste avant tout à assurer ce que vous avez appelé le suivi longitudinal, autrement dit à suivre un athlète au long de sa progression dans les différentes filières de haut niveau.
    L'application de l'arrêté du 28 avril 2000 s'est heurtée à de grandes difficultés. D'abord, ce suivi ne concernait que l'élite, c'est-à-dire les membres de l'équipe de France. Ensuite, les fédérations avaient beaucoup de problèmes pour en définir le contenu.
    Le professeur Saillant vient de me rendre les conclusions du groupe de travail qu'il présidait. Il a été décidé, premièrement, de définir une série d'analyses commune à tous les sports et que subira chacun des athlètes qui fera partie des pôles « espoirs » et « France », c'est-à-dire environ 7 000 personnes sur notre territoire.
    Deuxièmement, seront prescrits des examens complémentaires, spécifiques seront les sports. Ce ne sont pas les mêmes pour une jeune gymnaste et pour un tireur à l'arc.
    Troisièmement, dans le cadre des conventions d'objectifs, les fédérations sportives pourront fixer les examens complémentaires qu'elles jugeront utiles, là aussi pour suivre nos athlètes dans les meilleures conditions.
    A la suite des réflexions du groupe de travail mis en place par le professeur Saillant, il est aussi apparu qu'un simple suivi biologique était insuffisant - c'est en tout cas l'avis de l'ensemble des experts dans ce domaine -, et qu'un suivi physiologique et psychologique était nécessaire pour mieux accompagner nos jeunes champions tout au long de leur carrière.
    Les décrets et arrêtés correspondants seront rédigés dans les prochaines semaines, pour être présentés au Conseil d'Etat, au Conseil national des activités physiques et sportives ou au Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, pour une application au début de l'année 2004. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

SECURITÉ SANITAIRE DANS L'AVEYRON

    M. le président. La parole est à M. Jacques Godfrain.
    M. Jacques Godfrain. Monsieur le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, les élus ruraux, les professionnels de santé, libéraux, mutualistes ou publics, savent que la sécurité sanitaire en milieu rural sera un problème de plus en plus difficile à résoudre, quel que soit le gouvernement en place. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ce contexte angoissant pousse certains responsables médicaux et non médicaux à agir de façon violente ou extrême dans le secteur de Saint-Affrique et dans le sud de l'Aveyron.
    Certains préfèrent la gesticulation médiatique forcenée, multipliant les obstacles à un éventuel accord. D'autres, dont je suis, sont venus, avec le président du conseil d'administration de l'hôpital, avec le président du syndicat de pays de Saint-Affrique, vous voir sérieusement, sans esbroufe, pour vous exposer les besoins de santé de la population. Loin de toute préoccupation politicienne, ils agissent en toute bonne foi, comme une grande partie de ceux qui manifestent aujourd'hui.
    L'heure est aux propositions et aux décisions. Je vous demande donc de bien vouloir donner des instructions au directeur de l'ARH de Midi-Pyrénées pour qu'il se déplace enfin sur le site afin d'informer le conseil d'administration réuni en assemblée extraordinaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le député, je sais l'attachement profond que vous avez pour les terres du sud de l'Aveyron (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), terres qui souffrent, comme d'autres, d'une baisse de la démographie médicale et d'une diminution de l'activité hospitalière. Je vous le dis : l'opportunité de la fusion des trois sites de Millau et de Saint-Affrique est une chance qu'il faut savoir saisir.
    Le plan Hôpital 2007 a prévu de la financer mais, en attendant que la nouvelle structure soit opérationnelle, il faut trouver les moyens d'une organisation transitoire. Je vous le confirme, la maternité de l'hôpital de Saint-Affrique sera maintenue et ceux qui aujourd'hui tirent le signal d'alarme de façon insensée sont responsables du désarroi de la population.
    Oui, cette maternité n'a pas le seuil d'activité requis, ni même l'effectif minimum. Mais il est prévu des dérogations en cas de réel isolement géographique.
    M. Alain Néri, M. Jean-Claude Perez et Mme Odile Saugues. Jusqu'aux élections !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. De même, seront maintenus un service d'urgence et un SMUR. Par ailleurs, je demande au représentant de l'ARH non seulement de se rendre sur place mais d'expliquer que le protocole d'organisation est suspendu en attendant les conclusions d'une mission de l'IGAS que j'ai déclenchée. Ses inspecteurs seront sur place demain et j'invite tout le monde au calme et à la sérénité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette invitation fort opportune.

AIDE MÉDICALE D'ÉTAT

    M. le président. La parole est à Mme Conchita Lacuey.
    Mme Conchita Lacuey. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Malgré une réforme contestée par les associations humanitaires, malgré une pétition signée par des dizaines de milliers de personnes, malgré un projet de circulaire controversé, le Gouvernement persiste et signe en s'attaquant de nouveau à l'aide médicale d'Etat.
    M. François Goulard, rapporteur pour avis de la commission des finances de l'économie générale et du Plan. Il a raison !
    Mme Conchita Lacuey. Dans le projet de budget pour 2004, les moyens diminuent de 411 millions d'euros.
    Un député socialiste. C'est scandaleux !
    Mme Conchita Lacuey. Cette baisse de plus de 60 % touche exclusivement 200 000 malades, les plus démunis, les plus pauvres, les exclus, puisque cette aide permet aux sans-papiers et aux SDF de se faire soigner.
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. C'est vous qui le dites !
    Mme Conchita Lacuey. Sous prétexte de responsabilisation, vous pénalisez les plus démunis d'entre les plus démunis.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Comme toujours !
    Mme Conchita Lacuey. Vous voulez mettre en place un ticket modérateur. Cette décision est lourde de conséquences.
    En montrant du doigt celles et ceux qui font appel à la solidarité nationale, vous ne cherchez qu'à stigmatiser et à culpabiliser des personnes en grande difficulté. Vous voulez limiter l'accès aux soins médicaux indispensables.
    M. Thierry Mariani. Caricature !
    Mme Conchita Lacuey. En retardant ainsi la prise en charge de ces personnes, vous faites fi des objectifs de santé publique. Faute de soins précoces, il faudra traiter malheureusement avec retard des situations plus graves. Cela risque à terme de provoquer une augmentation des maladies contagieuses.
    Cette décision est la parfaite illustration de votre double langage. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Alors que le Président de la République parle encore de la fracture sociale, qu'il voudrait réduire, la politique de son gouvernement l'aggrave.
    M. Richard Mallié. C'est long !
    Mme Conchita Lacuey. Il s'agit d'une véritable régression sociale. (« La question ! La question ! » et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mes questions sont simples. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pourquoi ces économies sur le dos des plus démunis ? Pourquoi négliger la santé publique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Monsieur Goasguen, Mme Lacuey s'en est tenue à son temps de parole. Arrêtez de faire des gestes ! (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Claude Goasguen. Elle n'a pas posé de question !
    M. le président. Il ne sert à rien de crier ! Mme Lacuey a respecté son temps de parole. J'y veille : tout le monde a droit au même temps. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame la députée, lorsque l'aide médicale d'Etat a été créée en 2000, le Gouvernement avait budgété un peu plus de 50 millions d'euros pour en assurer le financement. En 2003, contrairement à ce que vous venez de me dire, 700 millions d'euros auront été utilisés pour les dépenses de l'aide médicale d'Etat. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Richard Mallié. C'est un scandale ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous savez bien que cette situation ne saurait perdurer.
    M. Richard Mallié. Il faut arrêter !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Comment réduire la dépense ? Il convient d'abord de lutter implacablement contre l'immigration irrégulière. C'est la première des priorités, car cela permettra, à terme, de diminuer significativement la dépense de l'aide médicale d'Etat.
    M. André Gerin. Mais pas les mafias !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ainsi que vous le savez, j'avais, avec M. Mattei, confié à l'IGAS le soin d'élaborer un rapport sur ce sujet. Ses conclusions ont montré que, au-delà du volume d'immigration irrégulière qui génère une partie de cette dépense, on relève beaucoup d'abus quant à l'utilisation de l'aide médicale d'Etat.
    Mme Chantal Brunel et M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Suivant ses suggestions, nous avons décidé de mettre en place un meilleur contrôle de l'ouverture des droits. Nous venons ainsi de transmettre au Conseil d'Etat un décret qui permettra en particulier d'éviter la fraude généralisée à l'identité, puisque l'on peut actuellement bénéficier de l'AME en présentant une simple photocopie d'un document sans photographie d'identité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Pascal Terrasse. Qu'en pense le Vatican ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ensuite, le Gouvernement entend mettre en place, comme cela est naturel, un ticket modérateur, dont l'instauration a été votée par le Parlement en 2002. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, évitez de hurler, cela ne sert à rien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce ticket modérateur sera d'un niveau modeste et nous prévoirons toutes les exceptions nécessaires.
    M. Pascal Terrasse. Qu'en pense le Vatican ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cela étant, mesdames, messieurs les députés, je pense que, dans le principe, les étrangers en situation irrégulière ne peuvent pas avoir des droits gratuits illimités plus favorables que ceux offerts à l'ensemble de la population. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Madame la députée, notre système de protection sociale peut être victime de sa générosité. L'ignorer serait être non seulement irréaliste, mais aussi irresponsable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

POLITIQUE EN FAVEUR DU TOURISME

    M. le président. La parole est à M. Didier Quentin.
    M. Didier Quentin. Monsieur le secrétaire d'Etat au tourisme, pour la première fois depuis vingt ans, un comité interministériel du tourisme s'est tenu le 9 septembre dernier sous la présidence du Premier ministre. C'est dire toute l'importance qu'accorde le Gouvernement à l'économie touristique, qui constitue l'un des tout premiers secteurs d'activité de notre pays, avec un chiffre d'affaires de plus de 100 milliards d'euros et plus de 2 millions d'emplois. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a ainsi manifesté sa volonté de conserver à la France sa première place mondiale, comme destination touristique, avec plus de 76 millions de visiteurs.
    Pouvez-vous nous indiquer les grandes orientations retenues lors de ce comité interministériel du tourisme ainsi que leur calendrier d'application et le dispositif prévu pour faciliter le logement des travailleurs saisonniers ?
    Par ailleurs, comme chaque été, on a assisté en août dernier à une hyperconcentration sur trois semaines de la fréquentation touristique, ce qui a d'innombrables conséquences négatives. Quelles mesures entendez-vous prendre pour favoriser l'étalement des vacances estivales ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat au tourisme.
    M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme. Effectivement, monsieur le député, un comité interministériel consacré au tourisme a été réuni le 9 septembre dernier, sous la présidence de Jean-Pierre Raffarin. Il a retenu cinquante mesures ayant trois objectifs principaux : accompagner et démultiplier les actions ; réguler l'activité touristique ; adapter le dispositif public.
    M. Jean Glavany. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat au tourisme. Pour ce qui est d'abord de l'accompagnement et de la démultiplication des actions, le premier objectif est de relancer l'image de la France par une promotion très forte. Je rappelle que 4 millions d'euros avaient été inscrits à cet effet dans le collectif de 2003 et que la même somme est prévue pour 2004. Ces actions seront fondées sur une marque France qui, elle-même, s'appuiera sur un plan « qualité France » que nous mettrons en place avec les professionnels du tourisme.
    Diverses mesures d'incitation fiscale seront également prises, notamment pour favoriser les investissements dans la construction et la réhabilitation de l'immobilier de tourisme, avec obligation, pour les promoteurs, de réserver un quota de 15 % au logement des saisonniers, ce qui répond à une partie de votre question. Nous prévoyons aussi une réforme de la taxe professionnelle, qui sera modulée en fonction de l'activité visée, afin que les entreprises saisonnières n'acquittent qu'une taxe adaptée à la durée de leur activité.
    En ce qui concerne ensuite la régulation de l'activité touristique, vous savez que, pour nous, le tourisme est le mariage intelligent entre le temps et le territoire. Il faut donc tout simplement inventer de nouvelles filières, comme le tourisme fluvial, le tourisme rural, le tourisme patrimonial et culturel. En la matière, je pense aux départements d'outre-mer. Il est également indispensable de renforcer la dimension éthique du tourisme. A cet égard, il convient de favoriser l'accès aux vacances des personnes handicapées, des personnes exclues et, bien entendu, des jeunes.
    Enfin, pour adapter le dispositif public, il faut aller beaucoup plus loin dans la décentralisation en répartissant encore mieux les compétences entre les différentes collectivités, afin de permettre à l'Etat de se recentrer sur ses missions essentielles, c'est-à-dire la statistique, l'observation et la prospective.
    Puisque vous avez évoqué la question du calendrier, j'ajoute que les premières assises nationales auront lieu les 8 et 9 décembre prochains et que, s'agissant des vacances scolaires, j'ai déjà pris contact avec mon collègue Luc Ferry. Nous avons même travaillé sur le sujet et dégagé quelques solutions de nature à concilier l'intérêt des enfants et celui des stations touristiques, notamment pour la saison hivernale. Pour la saison estivale, il reste encore beaucoup à faire. Nous allons y travailler et nous réussirons certainement à trouver des solutions. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. André Chassaigne. Que prévoyez-vous pour les 40 % de Français qui ne partent pas en vacances ?
    M. Maxime Gremetz. Les patrons sont toujours en vacances : ils n'ont pas de problèmes !

SITUATION DE L'EMPLOI
DANS LE NORD DE LA FRANCHE-COMTÉ

    M. le président. La parole est à M. Marcel Bonnot.
    M. Marcel Bonnot. Monsieur le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, j'associe à ma question mes collègues du nord de la Franche-Comté, Irène Tharin, Maryvonne Briot, Michel Zumkeller et Damien Meslot.
    M. Jean Glavany. Et Paulette Guinchard-Kunstler, peut-être ?
    M. Marcel Bonnot. Qu'il me soit permis, en introduction, de rappeler que, récemment, le Gouvernement, avec courage, détermination et lucidité (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),...
    M. Christian Bataille. N'en jetez plus !
    M. François Hollande. Rappelez-moi votre nom !
    M. Marcel Bonnot. ... a apporté une contribution décisive (Exclamations sur les mêmes bancs) au difficile plan de sauvegarde d'Alstom. Le Gouvernement a ainsi réalisé une démarche sans précédent dans l'histoire industrielle française. Il a, du même coup, apporté un souffle d'espoir aux salariés du nord de la Franche-Comté.
    M. François Hollande. Alors, tout va bien !
    M. Marcel Bonnot. A quelques kilomètres de là, le centre de production de PSA Sochaux-Montbéliard, un des plus importants d'Europe, a connu et connaît encore des vicissitudes économiques et sociales.
    M. François Hollande. Comment est-ce possible ?
    M. Marcel Bonnot. Au début des années 80 et encore en 1998, 25 000 emplois y ont été supprimés au travers de plans sociaux qui n'ont, semble-t-il, rencontré que la passivité légendaire des gouvernements de gauche d'alors. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plus près de nous, 1 370 départs en retraite ont été enregistrés depuis un an sans être remplacés et 1 500 intérimaires n'ont pas vu leur contrat prorogé.
    Monsieur le ministre, nous ne méconnaissons pas les efforts du Gouvernement en faveur de cet espace régional mais pouvez-vous nous indiquer quelles mesures complémentaires il est à même de mettre en oeuvre...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Aucune !
    M. Bernard Accoyer. Ils insultent le Gouvernement !
    M. Marcel Bonnot. ... dans cet espace géographique que constitue l'aire urbaine Belfort-Montbéliard-Héricourt, durement touchée vous l'avez compris ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Monsieur Accoyer, nous allons écouter tranquillement M. Delevoye.
    La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
    M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, vous nous avez alertés sur la fragilisation du bassin d'emploi du nord de la Franche-Comté, plus particulièrement de la zone de Montbéliard.
    M. François Hollande. Vous avez tout compris !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je vous confirme donc la décision que nous avons prise d'élaborer, avec l'ensemble des acteurs économiques locaux, un contrat de site pour l'aire urbaine Belfort-Montbéliard-Héricourt. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cette action ne doit pas être confondue avec le plan de restructuration et de sauvegarde de l'emploi mené actuellement par l'entreprise Alstom.
    M. Maxime Gremetz. Ah !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Les services de l'Etat, sous l'égide du préfet de région et du préfet du Territoire de Belfort, vont donc présenter prochainement une première contribution et un ensemble de mesures territoriales pour que ce bassin, dont les atouts sont évidents, retrouve sa capacité de briller sur la scène économique internationale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures vingt sous la présidence de M. François Baroin.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

2

LOI DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2004

Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 (n°s 1106, 1157).

Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, je tiens à protester contre l'attitude particulièrement désinvolte dont fait preuve le Gouvernement à l'égard du Parlement. Nous avons à examiner un texte dont nous dirons ce que nous pensons ; nous parlerons de ce qu'on y trouve et surtout de ce qu'on n'y trouve pas. Or nous apprenons ce matin, par des échos de presse assortis des commentaires les plus divers et les plus contradictoires, provenant même du Gouvernement, que celui-ci aurait des intentions en matière de financement de politiques directement liées au projet de loi de financement de la sécurité sociale, puisqu'il pourrait s'agir du risque dépendance et de l'action sanitaire et médico-sociale en direction des personnes âgées. Dans son intervention de ce matin, au nom du Gouvernement, le ministre n'a pas dit un mot de ces choix politiques subrepticement annoncés par voie de presse, sans que le Parlement en ait été le moins du monde informés, et encore moins invité à en discuter. Les ministres chargés des différents dossiers touchant à ce domaine, Mme Boisseau ou M. Falco en premier lieu, ne prennent même pas la peine de venir devant le Parlement pour nous faire part de leurs intentions. Et nous allons nous mettre, cahin-caha, à discuter de la politique médico-sociale et sanitaire de notre pays alors que le Gouvernement a semble-t-il déjà pris sa décision et nous fera connaître ses choix d'ici quelques jours.
    Cette désinvolture vis-à-vis du Parlement me conduit, monsieur le président, à vous demander cinq minutes de suspension de séance, afin de convenir avec nos collègues de la meilleure forme de protestation à organiser pour répondre comme il se doit à pareille attitude. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Bravo ! On dirait du Maxime !

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente.)
    M. le président. La séance est reprise.
    La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l'assurance maladie et les accidents du travail.
    M. Bruno Gilles, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance maladie et les accidents du travail. Monsieur le président, monsieur le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, monsieur le ministre délégué à la famille, mes chers collègues, vous présenter aujourd'hui la partie assurance maladie et accidents du travail du projet de loi de financement de la sécurité sociale est un moment privilégié à trois titres.
    D'abord, parce que si la loi de financement de sécurité sociale pour 2003 a constitué une transition nécessaire, le présent projet est porteur de clarification très attendues dans les domaines de la médecine de ville et du médicament. Mais ce projet est également structurant en ce qu'il réalise une réforme fondamentale : le financement des hôpitaux et des cliniques par la tarification à l'activité.
    Ensuite, parce que cette année, la discussion intervient - dans un calendrier parlementaire « santé » particulièrement dense - après l'adoption par l'Assemblée nationale du projet de loi relatif à la politique de santé publique, qui réaffirme la responsabilité de l'Etat en matière de santé publique.
    M. Dominique Tian. Très bien !
    M. Bruno Gilles, rapporteur. Enfin, comme le Président de la République l'a annoncé, parce que l'année 2004 sera l'année de la réforme de l'assurance maladie. La discussion de cette année permettra à chacun de développer ses convictions afin de poser les bases politiques de la réforme à venir. Personne ne doute du caractère inéluctable de cette réorganisation ; encore doit-elle être précédée d'une indispensable phase de concertation.
    L'objectif de dépenses pour la branche « accidents du travail-maladies professionnelles » pour 2003 a été dépassé ; malgré une hausse des rentrées de cotisations, l'équilibre n'est pas assuré pour l'année 2004 puisque les prestations sociales servies par le régime auraient augmenter de 3,7 %. Par ailleurs, les transferts techniques vers les autres régimes et fonds sont loin de diminuer. Le reversement à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés au titre de la sous-déclaration des maladies et accidents du travail augmente ; l'indemnisation des victimes de l'amiante progresse rapidement, conformément aux engagements du Gouvernement, via les dotations au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante et au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.
    S'il faut se réjouir de la diminution du nombre des accidents du travail, force est de constater une hausse des maladies professionnelles. L'augmentation du nombre des affections périarticulaires, des affections provoquées par les poussières d'amiante et des lombalgies et dorsalgies doit alerter l'ensemble des acteurs concernés. Plusieurs dispositions du projet de loi relatif à la politique de santé publique devraient contribuer à une meilleure connaissance du phénomène et améliorer les dispositifs de prévention.
    Le projet de loi prévoit une hausse de 4 % de l'ONDAM. Pour la première fois, mes chers collègues, le taux diffère de celui retenu par le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2003, qui avait présenté une prévision tendancielle d'évolution de 5,5 %. Le taux plus bas proposé par le Gouvernement tire les conséquences de mesures d'économie qui devraient représenter au total une économie de 1,87 milliard d'euros en 2004. On peut donc se féliciter de l'absence de transfert de charges sur l'ONDAM en 2004 : les périmètres respectifs de l'Etat et de l'assurance maladie sont bien respectés.
    S'agissant de la médecine de ville, le projet de loi prévoit tout d'abord d'exclure du remboursement par l'assurance maladie les actes effectués en dehors de toute justification médicale. C'est là une première étape bienvenue vers la redéfinition nécessaire du périmètre des soins qui doivent être remboursés par la collectivité.
    S'agissant des exonérations liées aux affections de longue durée, le projet donne une base législative au protocole de soins sur la base duquel est déclenchée l'exonération du ticket modérateur.
    Disposition très importante, le projet modernise également les instruments actuels de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. La CNAMTS pourra mettre en oeuvre directement les accords et contrats nationaux. Elle exercera désormais, pour les accords et contrats régionaux, le pouvoir d'approbation actuellement dévolu au ministre.
    En outre, le projet de loi prévoit que les accords et contrats devront recevoir l'avis favorable de l'ANAES. S'il est incontestable que l'avis conforme de l'ANAES est de nature à renforcer la légitimité médicale ou scientifique de ces accords, cette procédure risque cependant de contraindre excessivement l'exercice de la liberté contractuelle. C'est pourquoi plusieurs amendements seront présentés afin d'alléger cette procédure, en n'exigeant plus qu'un avis simple de l'agence sur ces accords.
    Enfin, le projet de loi ouvre la possibilité aux URCAM de conclure des conventions avec des groupements de professionnels de santé. L'objectif est d'encourager des démarches concrètes d'amélioration et d'évaluation de leurs pratiques, notamment par la formule des « comités de pairs ». Plusieurs amendements adoptés en commission ont clarifié les conditions de mise en oeuvre de ces conventions, en prévoyant notamment leur transmission pour avis aux URML.
    Concernant le médicament, le projet vise à permettre d'autoriser la création d'un groupe générique dès l'obtention d'une autorisation de mise sur le marché. Un arrêt du Conseil d'Etat a condamné l'AFSSAPS pour avoir inscrit dans un groupe générique un médicament sans avoir vérifié au préalable que les droits attachés au titre de la propriété intellectuelle ont été concédés par le médicament princeps.
    La nécessité de vérifier les droits de propriété entraîne des retards considérables pour la création de nouveaux groupes génériques. Les estimations montrent que ce retard a un coût pour l'assurance maladie d'un peu plus de 20 millions d'euros. Il était donc nécessaire d'exonérer l'AFSSAPS de la charge de cette preuve. La commission a adopté un amendement prévoyant un délai de soixante jours avant l'inscription du générique au répertoire.
    En outre, afin de maîtriser les dépenses liées à la rétrocession hospitalière, le texte prévoit la détermination d'un prix maximum de vente aux établissements de santé des produits rétrocédés disposant d'une autorisation de mise sur le marché.
    J'ai entendu dire que le projet de loi ne contenait rien ou pas grand-chose sur la tarification à l'activité. Les auteurs de tels propos n'ont sans doute pas pris la peine de lire les articles 18 à 29, ce que je peux comprendre compte tenu de leur caractère aride. Pourtant, ces articles mettent en place un financement des hôpitaux par la tarification à l'activité, ce qui représentera une véritable révolution - je pèse mes mots.
    M. Jean-Marie Le Guen. Dans dix ans ! Vous êtes pressé, monsieur le rapporteur... Vous êtes encore jeune !
    M. Yves Bur. Par rapport à vous, monsieur Le Guen !
    M. Dominique Tian. Pourquoi attendre ? Il faut le faire !
    M. Bruno Gilles, rapporteur. L'hôpital constitue une des priorités de la majorité. Le Gouvernement a une grande ambition pour les personnels des établissements : les crédits ouverts dans le cadre du plan « Hôpital 2007 » et l'ordonnance du 4 septembre portant simplification de l'organisation et du fonctionnement du système de santé en sont les preuves.
    Les inconvénients de la dotation globale sont connus. En dotant chaque mois les hôpitaux de crédits sans rapport avec l'activité réelle, le système a progressivement créé des rentes de situation, a insuffisamment pris en compte le dynamisme de certains établissements et a handicapé les coopérations entre le public et le privé. La tarification à l'activité consiste pour les hôpitaux publics à abandonner ce système et pour les cliniques à abandonner celui du prix de journée, afin d'asseoir directement les ressources de l'établissement sur son activité.
    Appliquée dans de nombreux pays étrangers, la tarification à l'activité fait l'objet d'une certaine continuité. Son principe est posé en 1991 et la loi portant création d'une couverture maladie universelle engage une phase d'expérimentation. La tarification à la pathologie devenue tarification à l'activité a fait l'objet de multiples annonces depuis vingt ans. Mais c'est aujourd'hui qu'est venue l'heure de la décision et du courage politique.
    Le dispositif proposé repose sur cinq piliers : les tarifs nationaux, les missions d'intérêt général et d'aides à la contractualisation, les activités de permanence des soins, les dispositifs spécifiques relatifs aux médicaments et aux dispositifs implantables et un dispositif transitoire.
    Premièrement, la réforme consistera à créer pour chaque prestation d'hospitalisation un tarif qui servira de base au versement des dotations des régimes d'assurance maladie aux établissements publics et privés.
    Deuxièmement, la réforme portant tarification à l'activité repose également sur l'identification des missions d'intérêt général et d'aides à la contractualisation. Il s'agit de préserver un financement particulier par l'assurance maladie de l'impact sur les soins des activités de recherche, d'innovation médicale, d'enseignement et de formation assurée par les hôpitaux.
    Troisièmement, afin d'assurer à tous un égal accès aux soins, la réforme reconnaît et valorise le financement des activités liées à la permanence des soins et au coût des médicaments et de certains dispositifs implantables, qui ne sont pas compris dans les tarifs mais seront facturés en sus des prestations d'hospitalisation.
    Enfin, le dispositif transitoire est très bien décrit dans les articles 28 et 29.
    Il convient de souligner que la réforme s'appliquera pleinement dès l'année 2004 pour le secteur privé. A ce sujet, la commission a adopté un amendement afin de décaler de cinq mois l'application dans l'hospitalisation privée, notamment en ce qui concerne le calcul des coefficients correcteurs.
    Qu'attendons-nous de cette réforme ?
    Elle améliorera significativement le mécanisme d'allocation des ressources dans le système hospitalier et diminuera ses coûts. Elle sera aussi, mes chers collègues, grâce à sa transparence, un meilleur instrument de pilotage du secteur par le Gouvernement.
    La réforme réussira à plusieurs conditions.
    D'abord, elle exige une comptabilité analytique et des équipements informatiques adéquats. Ensuite, comme elle conduira à placer le moteur des restructurations au coeur même des hôpitaux, elle devra s'accompagner de la réforme de la gouvernance de l'hôpital. La réflexion du Gouvernement pourrait s'inspirer utilement des conclusions des travaux de la mission parlementaire présidée par M. Couanau.
    Monsieur le ministre, vous pourrez peut-être nous donner aujourd'hui quelques précisions sur le calendrier de la réforme, dont la nécessité rencontre l'approbation d'une très grande partie de notre commission.
    Enfin, cette révolution dans les pratiques hospitalières ne peut laisser de côté la médecine ambulatoire : il est temps d'y appliquer enfin le codage des actes et d'y développer les réseaux et la coopération avec les hôpitaux.
    Comme le disait récemment un philosophe célèbre dont je tairai le nom, monsieur Le Guen : « Pour les Français, la sécu est une bonne fée, un privilège, un système merveilleux et unique au monde. » Pour cette bonne fée, monsieur le ministre, votre projet est un bon projet qui mérite attention et respect. Il est la première pierre d'un chantier à la fois difficile, nécessaire et passionnant, la réforme de l'un des principaux piliers de notre pacte républicain : l'assurance maladie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Marie Le Guen. Il y avait le bourgeois gentilhomme, il y a maintenant le président philosophe !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille.
    M. Claude Gaillard, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille. C'est un honneur et un plaisir d'être rapporteur du budget de la famille, pour saluer la qualité de votre budget, monsieur le ministre délégué à la famille. En préambule, je tiens à souligner la méthode que vous avez utilisée, faite toute de concertation, au moyen de groupes de travail créés préalablement à la conférence de la famille. Vous avez donc pu, pour préparer ce budget, bénéficier d'un travail remarquable, dans une concertation réussie, et reconnue. C'était d'autant plus nécessaire que la politique familiale - et cela peut surprendre - est extrêmement complexe. C'est un maquis de prestations et de mesures qui vise différents publics et différents objectifs. Vous n'avez pas eu la faiblesse de tomber dans la tentation d'une politique de grands bouleversements. Au contraire, vous avez travaillé de façon pragmatique, pour réformer « tranche par tranche ». Cette année, vous vous êtes attaché plus particulièrement à la jeune enfance. En 2004, la conférence de la famille aura pour thème l'adolescence.
    Votre ambition, par ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, est de permettre à chaque couple de développer librement son projet parental, et aux femmes et aux hommes de mieux concilier leur vie de famille et leur vie professionnelle. Je citerai une exemple parmi d'autres qui le prouve : vous favorisez le travail à temps partiel pour permettre aux parents de s'occuper de leur enfant en bas âge tout en gardant un pied dans l'entreprise.
    En outre, les efforts sont ciblés en direction des familles à revenus modestes et moyens, pour leur permettre de choisir librement leur mode de garde. Aujourd'hui, en effet, elles ne peuvent pas s'offrir les services d'une assistante maternelle. Après la mise en place de la PAJE, cela sera possible.
    Tout cela a nécessité un effort financier tout à fait exceptionnel, d'autant plus que la conjoncture n'est pas si facile. C'est un milliard d'euros supplémentaires par an qui sera dégagé à l'horizon 2007 ; pour 2004, il s'agit de 200 millions d'euros, ce qui correspond à peu près aux excédents disponibles de la branche famille.
    Le coût supplémentaire de la PAJE sera de 850 millions en année pleine à partir de 2007, ce qui me fait dire, monsieur le ministre, que la réforme actuelle constitue l'effort financier le plus important depuis vingt ans, au bénéfice de la famille. Ce sont 200 000 familles de plus qui percevront cette prestation, grâce au doublement du plafond des ressources. Sur 2,1 millions de familles en France, 1,7 million percevaient l'APJE. Elles seront désormais 1,9 million à percevoir la PAJE.
    Première étape essentielle et réussie dans la mise en place d'une politique familiale enfin revalorisée, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour la branche famille constitue une avancée majeure pour les parents, au service des enfants.
    La PAJE opère une double simplification : de la prestation et de la mise en oeuvre, via le chéquier PAJE que vous avez évoqué ce matin. C'est aussi une double extension : du nombre de familles bénéficiaires et du libre choix.
    La PAJE, qui vient remplacer six prestations, est « à deux étages » : une allocation de base versée aux parents dont les revenus mensuels sont inférieurs à 4 100 euros - plafond que vous avez considérablement élevé pour augmenter le nombre des bénéficiaires, s'élevant à 800 euros versés au septième mois de grossesse, plus 160 euros par mois jusqu'aux trois ans de l'enfant ; et le complément de « libre choix » qui est de deux types : le libre choix du mode de garde et le libre choix d'activité. Les prestations remplacées représentent 8 milliards d'euros, c'est considérable. Elles sont remplacées par la PAJE qui se veut la plus universelle possible : en touchant 90 % des familles, vous donnez satisfaction à tous ceux qui la réclamaient.
    Ce complément de « libre choix », disais-je, est de deux types.
    D'abord, le complément de libre choix du mode de garde comprend, outre un complément direct de 150 à 350 euros selon les revenus, une prise en charge par l'Etat à 50 % pour une garde à domicile et à 100 % pour une assistance maternelle. Par ailleurs, afin de favoriser le maintien dans l'emploi, les parents qui souhaitent maintenir une activité professionnelle élevée, entre 50 et 80 %, percevront le complément de garde à taux plein. Voilà qui traduit une volonté politique forte.
    Quant au complément de libre choix d'activité, si un parent souhaite arrêter de travailler temporairement pour élever son enfant, il pourra en bénéficier à hauteur de 304 euros par mois. Le complément est cumulable avec l'allocation de base. Autre innovation, ce complément pourra être versé dès le premier enfant pendant les six mois qui suivent le congé de maternité ou de paternité.
    En outre, afin de favoriser notamment les femmes, mais aussi les hommes, qui veulent s'occuper de leurs enfants tout en gardant un pied dans l'emploi, le complément sera revalorisé de 15 % par rapport à l'ancienne APE à taux partiel.
    Par rapport à la situation antérieure, les compléments présentent donc un double avantage : ils sont revalorisés et ils permettent un véritable libre choix.
    Les objectifs qui étaient les vôtres sont donc traduits dans ce projt de loi de financement de la sécurité sociale : premièrement, l'objectif de généralisation : plus de 90 % des familles toucheront l'allocation de base de la PAJE ; deuxièmement, l'objectif de libre choix du mode de garde : jusqu'à maintenant, une famille qui gagnait le SMIC consacrait 10 % de son revenu pour placer son enfant en crèche et 30 % de son revenu pour faire appel à une assistante maternelle. Désormais, il lui en coûtera respectivement 10 % et 12 %, le résultat sera donc atteint ; troisièmement, l'objectif de libre choix d'exercer une activité ou non : c'est essentiel, notamment pour les mères de famille ; quatrième objectif, que vous avez rappelé ce matin, équité pour les familles adoptantes de façon qu'il n'y ait plus de différence dans la « rétribution » entre ceux qui ont naturellement des enfants et ceux qui en ont adopté.
    Par ailleurs, vous avez prévu une mesure spécifique pour les naissances multiples - cela concerne 12 000 naissances par an.
    La PAJE s'appliquera à partir du 1er janvier 2004. Il y aura une période de transition jusqu'en 2007, étant entendu que si un enfant naît après le 1er janvier 2004, l'ensemble de la fratrie bénéficiera de la PAJE.
    Mais la simplification passe aussi par la mise en place d'un chéquier PAJE. Désormais, avec le centre de traitement de la PAJE, c'est l'administration qui gère la complexité, et c'est l'usager qui bénéficie de la simplification.
    Bien entendu, il fallait concomittamment relancer l'offre de garde.
    Dans ce but, le « plan crèches » bénéficiant de 200 millions d'euros - dont 50 millions dans le présent budget - permettra de créer 20 000 places supplémentaires en quatre ans.
    Deuxième moyen, le crédit d'impôt familles, permet la prise en charge fiscale de 60 % des sommes versées par les entreprises en faveur des familles, afin que puissent mieux se concilier vie familiale et vie professionnelle.
    Les projets innovants seront tout particulièrement favorisés.
    Il convenait encore de revaloriser le statut des assistantes maternelles, nous savons tous combien c'est essentiel. Ce sera l'objet entre autres du projet de loi relatif à la protection de l'enfance que vous présenterez prochainement.
    Enfin, pour rationaliser et développer les services aux familles, il faut créer des « points info familles », un portail Internet de services aux familles, entre autres, afin que tout cela soit plus lisible et plus convivial.
    En terminant, monsieur le ministre, je voudrais vous dire combien nous sommes sensibles aux objectifs qui étaient les vôtres : une allocation plus universelle, un véritable libre choix offert aux parents, la possibilité, surtout pour les mères, de garder un pied dans l'activité professionnelle, afin que l'incitation financière à rester à la maison n'ait pas l'effet pernicieux de leur poser des problèmes de réintégration dans le circuit du travail. Je vous félicite de donner corps à ces ambitions et souhaite que l'année prochaine, vous réussissiez pour les adolescents aussi bien que, cette année, pour les jeunes enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l'assurance vieillesse.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance vieillesse. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je me demande franchement de quoi je suis rapporteure : un seul article du projet de loi concerne la vieillesse !
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Le travail a déjà été fait !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l'assurance vieillesse. Je reviendrai tout de même sur ce seul article après avoir consacré, même si c'est un tout petit peu hors sujet, la première partie de mon intervention au dossier des retraites, et non à ceux de l'assurance maladie et de la santé.
    M. Jean-Marie Le Guen. Tous les ministres concernés ne sont d'ailleurs pas là !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l'assurance vieillesse. M. Mattei et M. Jacob, eux, m'entendront.
    Cela dit, il est évident qu'il y a un lien - j'y reviendrai tout à l'heure - entre niveau des pensions et qualité de la vie des personnes vieillissantes. Si je souhaite m'arrêter un moment sur cette question, c'est que je veux alerter une fois de plus l'Assemblée sur le choix du Gouvernement de modifier les paramètres du calcul de la compensation démographique. Ce dossier, d'apparence très technique, est lourd de sens politique, le même qui a transparu dans la réforme des retraites.
    A la faveur d'un artifice comptable qui a consisté à intégrer les effectifs des chômeurs dans le régime général des salariés, ce dernier a dû verser, en 2003, 825 millions d'euros supplémentaires au titre de la compensation. En septembre dernier, d'ailleurs, le conseil d'administration de la CNAV a rendu un avis défavorable sur un projet de décret qui pérennisera ce dispositif, représentant pour cette caisse une charge supplémentaire de 820 millions d'euros.
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. C'est le principe même de la compensation !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l'assurance vieillesse. L'augmentation de la contribution du régime général à la compensation a pour effet de réduire l'abondement au fonds de réserve des retraites qui bénéficie normalement des excédents de la CNAV. Or ce projet de loi ne prévoit aucune mesure nouvelle pour abonder ce fonds.
    Le Gouvernement, en ralentissant le provisionnement du fonds de réserve des retraites, montre son vrai visage et sa volonté de fragiliser le dispositif de retraite et de faire en sorte qu'il s'oriente vers la capitalisation.
    Ce fonds devait pourtant permettre d'amortir la moitié du coût supplémentaire des retraites du secteur privé au-delà de 2020, à condition d'atteindre 152 milliards d'euros à cette date. Dans le projet de loi de finances, je le disais, il n'y a aucune ressource nouvelle.
    Le Gouvernement prétend sauver le régime par répartition. Je pense que cela n'a jamais été dans ses intentions.
    La réforme des retraites dégrade considérablement leur niveau, de l'ordre de 20 % en moyenne d'ici à 2008 par rapport au niveau de 1993. Cela se traduira par une baisse sensible pour les salariés qui ne pourront pas continuer leur activité professionnelle au-delà de soixante ans.
    Par ailleurs si les pensions sont revalorisées en fonction de l'inflation, il n'y a aucun « coup de pouce » pour le minimum vieillesse. Cela conduit, qu'on le veuille ou non, inéluctablement, au recours à la capitalisation. La baisse du taux de remplacement va y contraindre un nombre croissant de salariés. Il est prévu de créer des plans d'épargne retraite populaires. Ils n'ont, me semble-t-il, de populaires que le nom. Ils ne concernent que ceux qui auront le moyen d'épargner.
    Parallèlement, le projet de loi de finances pour 2004 prévoit des exonérations fiscales pour les plans d'épargne retraite. Les personnes pourront déduire de leur revenu les sommes versées sur leur plan à concurrence de 10 % de leur revenu. Les versements effectués dans le cadre du régime d'entreprise vont bénéficier de déductions de cotisations de retraite. Les moyens destinés à la retraite par répartition diminueront d'autant !
    Par ailleurs, lors de mes auditions, les organisations syndicales de salariés, y compris celles qui ont accepté les termes de votre réforme, m'ont fait part de leur inquiétude de ne pas voir avancer deux dossiers essentiels : la publication du décret permettant le départ des salariés ayant commencé à travailler à quatorze, quinze et seize ans, et la garantie du taux des 85 % du SMIC à la liquidation. Ils s'inquiètent aussi pour les retraites complémentaires. En tout cas, il y a peu de chances que les promesses faites par le ministre des affaires sociales, le 1er janvier 2004, à ceux qui ont commencé de travailler à quatorze, quinze et seize ans, soient tenues.
    J'ai aussi interrogé tous mes interlocuteurs sur la pénibilité et sur le fait que la loi renvoie à la négociation sa reconnaissance dans les retraites.
    M. Jean-Marie Le Guen. Bonne idée !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l'assurance vieillesse. En fait, et je tiens à le dire clairement ici, personne n'est prêt. Il n'y a eu que trop peu de réflexion sur ce thème, sauf dans quelques secteurs.
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Au moins, la réflexion est lancée !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l'assurance vieillesse. Monsieur Goulard, écoutez-moi ! Dans quelques secteurs épars, disais-je, une réflexion, d'ailleurs très intéressante, a eu lieu, souvent à la demande des syndicats de salariés.
    M. Yves Bur. Il ne s'agit pas de refaire le débat sur la réforme des retraites !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l'assurance vieillesse. En l'absence d'un travail de fond - et là on rejoint les problèmes de santé - alliant amélioration des conditions de travail, évolution professionnelle, évolution nécessaire des carrières et reconnaissance de la pénibilité dans le calcul de la pension, j'ai bien peur que rien n'avance et que ce soient, une fois encore, les gens plus modestes et excerçant les métiers les plus durs qui pâtissent de l'absence de volonté politique dans ce domaine.
    D'ailleurs, je ne peux pas m'empêcher de penser que l'augmentation du nombre d'arrêts de travail correspond...
    M. Claude Gaillard, rapporteur. A l'instauration des 35 heures !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l'assurance vieillesse. Ce n'est pas le fait des 35 heures !
    M. Claude Gaillard, rapporteur. C'est concomitant !
    M. Jean-Marie Le Guen. Arrêtez avec les 35 heures ! D'ailleurs, que dit le Président de la République ? Que vous êtes des imbéciles sur ce sujet !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l'assurance vieillesse. Tant que nous n'avancerons pas sur la reconnaissance de la pénibilité de certains métiers, que nous n'entendrons pas les souffrances de certains travailleurs, nous n'aboutirons pas à un résultat sain. Parce que nous savons qu'il y a un lien direct, et j'insiste là-dessus, entre faible niveau des pensions - M. Jacquat ne me démentira pas sur ce point -, métier pénible et espérance de vie plus courte et, surtout, risque d'entrer dans la dépendance de façon plus rapide. Nous avons l'obligation, nous, les responsables politiques...
    M. Yves Bur. Vous êtes une donneuse de leçons, madame !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l'assurance vieillesse. Pas du tout, monsieur Bur ! Ecoutez-moi ! Je dis simplement que l'enjeu est de taille et que c'est aussi un enjeu de santé. Il nous impose un travail, y compris celui d'établir des bilans en fonction des évolutions.
    S'agissant des personnes âgées en perte d'autonomie, je me souviens avoir déposé, l'an dernier, dans le cadre de la discussion du PLFSS, un amendement tendant à accroître le soutien apporté à la gériatrie au sein de l'ensemble de notre système de santé, amendement qui avait été refusé par la commission, alors que vous, monsieur le ministre, vous en aviez demandé l'adoption.
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. C'est un bon ministre ! Mais il ne s'agit pas d'une majorité godillot !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l'assurance vieillesse. Vous aviez compris où se situait l'enjeu.
    Toutefois, concrètement qu'a-t-il été fait dans ce secteur ?
    M. Jean-Marie Le Guen. Rien !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l'assurance vieillesse. J'entends bien que vous estimez nécessaire de rouvrir ce dossier, que le Gouvernement n'avait pas suffisamment ouvert.
    M. Yves Bur. Il n'a jamais été ouvert !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l'assurance vieillesse. Or j'observe qu'après l'été difficile, douloureux et dramatique qu'ont vécu les personnes âgées, mais aussi les personnes modestes ou en grande difficulté, il n'y a rien en ce sens dans le PLFSS.
    Pour s'opposer à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule, M. Barrot avait dit qu'il était préférable de mettre en place une mission d'information car elle nous permettrait de faire plus rapidement des propositions tant pour le projet de loi de santé publique - ce qui a été fait - que pour le PLFSS. Or il n'y a rien dans celui-ci, à part peut-être les 300 millions d'euros que vous avez annoncés, monsieur le ministre, pour l'ensemble des maisons de retraite.
    Toutefois, je note que, en 2003, entre 150 millions et 180 millions d'euros auront été « débasés »...
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. « Rebasés » et non « débasés » !
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est ce que vous avez fait l'année dernière, monsieur Goulard, un peu de mémoire !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure, pour l'assurance vieillesse. ... et que le montant des promesses non tenues - promesses qui étaient inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 - aura été de 183 millions. Autrement dit, de 250 millions à 280 millions d'euros de crédits prévus n'auront pas été affectés au secteur des personnes âgées pour l'année 2003. Avec une telle somme, ce sont entre 7 500 et 8 000 emplois qui auraient pu être créés dans les maisons de retraite !
    Admettez, monsieur le ministre, que les 300 millions que vous venez d'annoncer correspondent à peu près à un montant de crédits qui avait été prévu pour l'année 2003.
    Enfin, ces crédits doivent servir non seulement à financer des maisons de retraite, mais aussi à développer des places de CIAD, à favoriser le maintien à domicile, à soutenir le « plan Alzheimer », à multiplier les dispositifs d'accueil de jour pour les familles.
    Je vous assure, monsieur le ministre, qu'il est vraiment urgent pour le personnel, pour les familles, pour l'ensemble des gens, et tout simplement pour la société tout entière, qu'il y ait, au-delà des effets d'annonces, de vraies mesures en la matière. Or je suis profondément inquiète car le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2004 ne prévoit aucun financement de ce dispositif. On nous dit que des mesures seront annoncées la semaine prochaine,...
    M. Jean-Marie Le Guen. Du pipeau !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l'assurance vieillesse. ... mais, comme rien n'est inscrit dans le projet de loi de financement pour 2004, je me dis qu'il n'y aura rien de plus que les 300 millions que vous avez annoncés, monsieur le ministre.
    Dès lors, comment financer réellement le fonds national pour l'APA ? Comment répondre aux demandes supplémentaires des responsables des maisons de retraite, lesquels sont d'ailleurs présents ici. En effet, ces 300 millions ne seront pas suffisants ?
    M. le président. Il faut conclure.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l'assurance vieillesse. J'ai terminé, monsieur le président.
    Comment faire en sorte qu'il y ait enfin un dispositif stable dans ce secteur ? En tout cas, je ne peux que douter profondément du système qui va être mis en place.
    On nous a annoncé la suppression d'un jour férié pour financer l'aide aux personnes âgées. Toutefois, si je fais partie de ceux qui pensent qu'il faut trouver des financements supplémentaires pour ce secteur, je ne peux m'empêcher de considérer que cette solution constitue une sorte de gadget, si j'ose dire. Il serait important d'avoir un vrai débat avec les Français à ce sujet. Il est possible d'instaurer une cotisation sur le travail - et la suppression d'un jour férié n'est rien d'autre que cela -, mais il est également envisageable de recourir à la CSG. Pour ma part, je préfère cette dernière solution, car le dispositif de la CSG est très juste et le mieux adapté pour participer au financement de la perte d'autonomie et de la dépendance des personnes âgées.
    Ce débat devrait avoir lieu, car il s'agit d'un enjeu de société très important. Ne réglons pas des problèmes idéologiques, notamment par rapport à votre conception du travail, sur le dos du nécessaire financement de la dépendance des personnes âgées. Si c'est un système juste qui est mis en place, reposant non sur les seuls revenus du travail, mais aussi sur toutes les autres formes de revenus, comme les pensions ou les revenus du capital, je suis persuadé que les Français l'accepteront. En ce domaine, nous avons tous intérêt à tenir un langage très clair car je ne sais pas comment nos sociétés pourront évoluer si nous ne sommes pas capables d'avoir un tel langage sur la vieillesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie général et du Plan.
    M. Jean-Marie Le Guen. Dites-nous ce que vous pensez, monsieur Goulard.
    M. le président. Monsieur Le Guen, on ne vous a rien demandé !
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans l'ordre du jour du travail gouvernemental, le projet de loi de financement de la sécurité sociale s'inscrit entre deux réformes fondamentales de la protection sociale, la loi du 21 août sur les retraites et la prochaine réforme de l'assurance maladie. C'est la raison pour laquelle ce texte, constitutionnellement nécessaire, peut nous donner le sentiment, à certains égards, d'être au milieu du gué, mais nous comprenons pourquoi.
    M. Claude Evin. Ça commence bien !
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Pour être très sincère,...
    M. Claude Evin. Ah ?
    M. Claude Gaillard, rapporteur pour la famille. Comme d'habitude !
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. ... je reconnais que, année après année, j'avoue m'interroger sur le périmètre de la loi de financement de la sécurité sociale tel que l'a défini le réformateur de 1996.
    En 1996, on est parti d'une réflexion parfaitement fondée : la nécessité d'un contrôle parlementaire sur les finances sociales dont chacun sait aujourd'hui que le montant dépasse celui des finances publiques au sens strict du terme. Toutefois, je crois que le réformateur de 1996 s'est laissé enfermer en quelque sorte par une définition organique, qui est le périmètre des organismes de sécurité sociale au sens juridique du terme, sans embrasser dans un même ensemble la protection sociale.
    De ce fait, lorsque nous examinons un projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons, selon moi, une vision trop partielle de la protection sociale, qui représente, grosso modo, la redistribution d'un tiers de la richesse produite dans notre pays. Par conséquent, le PLFSS, qui répond, évidemment, aux dispositions de la loi organique, n'appréhende pas l'ensemble, et je le regrette. Je déplore que rares sont ceux d'entre nous qui parviennent à avoir une vision claire de l'ensemble de nos dispositifs de protection sociale.
    L'expérience montre que, dans la discussion du PLFSS, il y a une confusion entre sécurité sociale et assurance-maladie, travers qui sera encore accentué par l'actualité, puisque nous sommes dans l'attente de la réforme de l'assurance-maladie.
    Pour autant, je n'hésite pas à dire, après mon collègue Gaillard, qu'en matière de politique familiale, ce projet comporte, avec la création de la prestation d'accueil du jeune enfant, une grande réforme qui s'articule autour de trois idées auxquelles, comme beaucoup de mes collègues, je souscris pleinement.
    Il s'agit, d'abord, de la nécessité de conduire une vraie politique en faveur des familles. Chacun sait que l'investissement affectif et personnel de ceux qui décident d'avoir des enfants est aussi un investissement pour notre avenir collectif. La nécessité d'une telle politique est illustrée par les difficultés que nous connaissons en matière démographique et par leurs conséquences, tant sur les retraites que sur l'assurance-maladie.
    Il s'agit, ensuite, d'une véritable simplification d'un dispositif jusqu'à présent inutilement complexe - ce qui n'est pas si fréquent, car, malgré la volonté affichée au plus haut niveau et au niveau ministériel, nous savons que les administrations sont, malheureusement, des machines à produire de la complexité.
    Il s'agit, enfin, de l'affirmation de la liberté de choix des parents quant au mode de garde des enfants, principe que nous tenons à saluer.
    A propos des retraites, Mme la rapporteure a indiqué que les dispositions étaient peu nombreuses. La raison en est simple, et je la lui rappelle : nous avons, le 21 août dernier, adopté en la matière une loi fondamentale, qui a bouleversé les perspectives et détourné de notre horizon une catastrophe qui se profilait à moyen et même à court terme. Nous savons que cette loi n'a pas tout réglé, loin s'en faut,...
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est le moins qu'on puisse dire !
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. ... et que subsistent un certain nombre d'inégalités qu'il faudra s'attacher à réduire dans l'avenir.
    Ces inégalités se traduisent, notamment, dans le jeu des compensations entre régimes, auquel il a été fait allusion. Ces compensations ont l'objectif louable de corriger les disparités démographiques entre régimes, mais elles semblent favoriser les régimes les plus généreux au détriment de tous les autres, ce qui est un vrai sujet d'interrogation.
    Le dossier des retraites a montré à quel point il est difficile de réformer, même lorsque c'est une nécessité qui n'est contestée par personne, ou presque, et même si cette réforme - et cela a été le cas -, est conduite avec un esprit de justice. En disant cela, je ne parle pas de l'opposition qui, après avoir atteint des sommets dans l'irresponsabilité en n'engageant aucune réforme pendant cinq ans, s'est maintenue au firmament de l'irresponsabilité en critiquant avec beaucoup de mauvaise foi ceux qui avaient le courage d'agir.
    M. Emile Zuccarelli. C'est la présentation d'un rapport ou une polémique ?
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. En fait, je parle de la difficulté de trouver, au sein de notre société, parmi tous ceux qui représentent ce qu'il est convenu d'appeler « les forces économiques et sociales », un consensus minimal qui permette, à partir d'un constat partagé, d'explorer sereinement les voies des réformes possibles.
    M. Jean-Marie Le Guen. Vous parlez sans doute de celui voulu par le MEDEF !
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Ce consensus minimal sur un problème aussi simple que celui des retraites - il s'agissait avant tout, vous le savez, d'un déséquilibre démographique -, peut-on rêver l'obtenir sur l'assurance maladie ? On peut, hélas, en douter. Je ne suis pas sûr que nos compatriotes aient conscience de la gravité de la situation à laquelle nous sommes confrontés. Je ne suis pas sûr non plus que beaucoup des acteurs du système, qui vivent, accompagnent ou subissent ces dérives depuis vingt ou trente ans, en aient aujourd'hui une pleine conscience.
    Pourtant, mes chers collègues, notre assurance maladie et notre système de soins sont aujourd'hui en grand désarroi. Il ne s'agit pas de ravauder un édifice qui ne tient debout que par la force de l'habitude. Du reste, le Gouvernement le sait, puisque le Premier ministre a pris le soin d'indiquer qu'il ne préparait pas le dix-septième plan d'économies de l'assurance maladie.
    La progression constante des dépenses d'assurance maladie, à un rythme fortement supérieur à celui de la production de richesses, pose un problème majeur à notre société, un problème économique et, plus largement, un vrai problème de société, dans un pays où le niveau des prélèvements obligatoires doit impérativement être stabilisé dans un premier temps, puis diminué dans un second. Et encore, si nous avions à ce prix-là un système de soins d'une qualité irréprochable ! L'honnêteté nous commande de reconnaître qu'il souffre de lacunes.
    M. Jean-Marie Le Guen. Très juste !
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Au-delà des polémiques sur la canicule, nous constatons l'incapacité de certaines de nos structures à réagir à des situations, somme toute, naturelles. Comment ne pas évoquer cette autre hécatombe provoquée par les maladies nosocomiales - elle fait autant de morts que n'en a faits la canicule - et qui, elle, est annuelle ? Un observateur extérieur à notre système ne peut être que frappé par la sous-gestion structurelle : notre système de santé et notre assurance maladie sont administrés, quelquefois coûteusement administrés, parfois sur-administrés, mais aucunement gérés.
    Bien entendu, je ne puis, dans le cadre de cette intervention rapide, dresser la liste des dysfonctionnements et des aberrations qui fourmillent à tous les niveaux dans notre organisation actuelle.
    M. Yves Bur. Vous avez raison !
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Mais que dire de la coupure aussi arbitraire que dommageable établie administrativement entre la médecine de ville et l'hôpital, alors que tout commande aujourd'hui de les rapprocher !
    M. Jean-Marie Le Guen. Très juste !
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Que dire d'une administration de la santé qui est prise en défaut par un sujet aussi prévisible, aussi planifiable que la démographie médicale ?
    M. Jean-Marie Le Guen. Très juste !
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Que dire d'une administration hospitalière qui n'a pas dans le passé été capable de fermer des établissements hospitaliers devenus dangereux ?
    M. Jean-Marie Le Guen. Très juste !
    M. Claude Evin. Vous avez entendu la réponse du ministre !
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Ne confondez pas la nécessité de maintenir des établissements dans des régions isolées et le manque de courage politique qui a été notamment le vôtre (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. Bruno Gilles, rapporteur, pour l'assurance maladie et les accidents du travail. Très juste !
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. ... en refusant de fermer des établissements situés à dix minutes d'un autre et qui sont dangereux du fait de leur sous-activité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Claude Evin. Citez un exemple !
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Je peux en citer, y compris dans mon département.
    M. Claude Evin. Où ça ?
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Que dire d'une assurance maladie qui admet sans réagir des abus caractérisés en matière d'indemnités journalières...
    M. Jean-Marie Le Guen. Lesquels ?
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. ... ou qui organise la paupérisation des pédiatres et permet l'enrichissement des radiologues ?
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est également juste ! Nous ne pouvons pas dire le contraire !
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Nous devons, mes chers collègues, faire d'abord le constat de toutes les insuffisances, de tous les dérèglements, de tous les dysfonctionnements avec courage et lucidité. Le premier devoir qui s'impose à nous est un devoir de vérité. Nous ne devons pas masquer les comportements aberrants, les effets pervers de tel ou tel dispositif apparemment généreux, mais détourné, au moins partiellement, de son objet : le remboursement à 100 % en cas d'affection de longue durée en est un exemple. Il faut absolument, après la proposition d'annulation qui a été faite par la commission des affaires sociales, mettre en place un dispositif acceptable pour corriger les dérives actuelles des ALD.
    M. le président. A votre tour, il faut conclure, mon cher collègue.
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Je termine, monsieur le président.
    M. Jean-Marie Le Guen. C'était pourtant intéressant !
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Je salue, monsieur le ministre, le courage avec lequel vous introduisez, dans ce projet de loi de financement, une réforme si longtemps différée : celle de la tarification à l'activité.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Très juste !
    M. Jean-Marie Le Guen. C'était inutile !
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Il faudra en tirer toutes les conséquences et s'interroger sur les écarts de coûts parfois considérables qui existent pour des prestations de soins identiques.
    Monsieur le ministre, dans ce domaine, comme dans beaucoup d'autres, il vous appartient d'engager des réformes courageuses, rendues plus difficiles par l'incurie du gouvernement précédent. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    MM. Pierre Hellier, Yves Bur et Jean-Luc Préel. Tout à fait !
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Même si nous devons attendre quelques mois, ô combien nécessaires, pour préparer la réforme, pour mener à bien les concertations requises, pour développer un effort indispensable d'explication et de pédagogie, nous trouvons dans ce texte l'amorce d'un changement résolu d'orientation que nous saluons. Ce changement est sensible s'agissant du strict sujet de la présentation des comptes avec la budgétisation du FOREC que nous attendions tous.
    Ce PLFSS, messieurs les ministres, mes chers collègues, va dans le bon sens. Il est annonciateur d'une grande réforme que nous appelons tous de nos voeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Jean-Marie Le Guen. Et philosophe !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le PLFSS, François Goulard a bien fait de le rappeler, ne porte pas uniquement sur l'assurance maladie. Et je voudrais notamment saluer l'action de Christian Jacob, ministre délégué à la famille. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bruno Gilles, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail. Remarquable ministre !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. La conférence de la famille d'avril 2003 a été un succès, poursuivant des objectifs de liberté, de choix, d'équité et de simplicité, mais Claude Gaillard a dit tout le bien que nous en pensions.
    M. Jean-Marie Le Guen. Mme Boisseau n'est pas là. M. Falco s'est fait excuser. M. Fillon n'a pas eu le temps de passer...
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je voudrais aussi saluer le travail de Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
    M. Jean-Marie Le Guen. Excusée !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Son action montre l'ambition qu'a le Gouvernement de conduire réellement une politique en faveur des personnes âgées.
    M. Jean-Marie Le Guen. M. Falco est lui aussi excusé ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. M. François Goulard a évoqué la réforme des retraites qui aura des conséquences financières dès 2004, notamment du fait du départ anticipé des travailleurs âgés.
    Mais je voudrais centrer mon intervention sur l'assurance maladie. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. Claude Evin. On y revient quand même !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. L'enquête récemment commanditée par la commission des finances et par la commission des affaires sociales montre à quel point les Français sont attachés au système de protection sociale tel qu'il fonctionne aujourd'hui.
    Ils expriment aussi une certaine inquiétude sur son avenir qu'ils estiment plus ou moins menacé. Développant une relation quasi oedipienne - ce sont eux les philosophes, pas moi - ils voient la « sécu » comme « une bonne fée », « un privilège », « un système unique au monde et merveilleux ». Ils se sont habitués au « trou de la sécu », pointant, souvent avec à-propos, des causes multiples : le vieillissement de la population, le coût des progrès de la médecine, les dysfonctionnements de la gestion de l'assurance maladie, les abus.
    M. Yves Bur. Ils ont raison.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Dans les abus, ils citent pêle-mêle : arrêts de travail injustifiés, prise en charge des transports, nomadisme médical...
    M. Claude Gaillard, rapporteur pour la famille. Eh oui !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... remboursement des médicaments de confort, séances de rééducation trop largement prescrites, accidents domestiques et de loisirs parfois maquillés en accidents de travail, la CMU...
    M. Yves Bur. C'est un catalogue à la Prévert !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Mais, évidemment, ces abus, ce sont toujours les abus des autres.
    Le plus important pour les Français est que la sécurité sociale soit préservée, qu'elle soit sauvée. Le seul point de consensus, c'est la nécessité d'une intervention politique forte. Mais l'heure est moins au grand soir qu'à la modernisation. Toute évocation de réforme leur semble synonyme de recul social. Il nous faut garder en mémoire cette opinion de nos concitoyens.
    D'ailleurs, faut-il vraiment réformer ? Réformer pour quoi faire ? Etatiser à l'anglaise ? On a vu ce qu'il est advenu du système britannique, qui peine lui-même à se réformer. Privatiser à l'américaine ? On voit ce qu'il advient du système que Bill Clinton lui-même souhaitait largement réformer.
    M. Jean-Marie Le Guen. Surtout Hilary !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Depuis sept ans, le projet de loi de financement de la sécurité sociale est un temps fort de la vie parlementaire. Cette année, il revêt une importance particulière, alors que la situation de l'assurance maladie est difficile et que la nécessité d'agir s'impose.
    Vous l'avez déclaré, monsieur le ministre, « le PLFSS 2004 remet de la cohérence dans l'assurance maladie ». C'est un PLFSS de clarification.
    M. Pierre Hellier. Très bien !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Stabilisant les déficits, il répond à un premier niveau d'urgence. Ce n'est pas un texte de transition, comme certains ont pu le prétendre, mais c'est déjà un outil de modernisation du système, qui procède par ajustement plus que par bouleversement.
    Face à une croissance nationale encore ralentie et à des dépenses de santé toujours croissantes, il n'y a pas d'autres solutions pour stabiliser le déficit que d'augmenter les recettes et limiter les dépenses.
    Faire croître les recettes, c'est, en attendant de retrouver la croissance, affecter les recettes liées à la consommation du tabac à l'assurance maladie, mieux ajuster certains coûts, comme le forfait hospitalier, relever la taxe sur la promotion pharmaceutique, améliorer l'efficacité des recours contre les tiers.
    Limiter les dépenses, c'est entamer avec les usagers un vrai débat sur le coût des soins, mettre en oeuvre les outils de la maîtrise médicalisée dans une relation toujours améliorée avec les professionnels de santé. Près de 2 milliards d'économies vont être réalisés grâce à cette politique, grâce à la clarification des règles d'exonération du ticket modérateur lié aux actes dont la cotation est supérieure à 50, grâce au plan médicament et aux économies de gestion.
    Le principal danger de la situation actuelle, mes chers collègues, porte sur la dégradation de la qualité des soins. Celle-ci fait redouter l'installation d'une médecine à plusieurs vitesses, où certains seraient mieux soignés que d'autres en fonction de leurs revenus ou de leurs relations.
    La situation financière actuelle a au moins l'intérêt de donner un coup de projecteur sur les dysfonctionnements d'un système construit étape par étape depuis 1945, un système dont les principes fondateurs - solidarité, égal accès à des soins de qualité égale, liberté - restent toujours d'actualité, mais un système qui doit évoluer pour faire face à la situation d'aujourd'hui.
    Je l'ai dit à plusieurs reprises, je crois à son adaptation par 50, 100 ou 500 petits ajustements en poursuivant un seul objectif : être toujours plus juste en distribuant mieux. Pour cela, il faudra aller plus loin, parfois dépenser plus ou dépenser moins pour dépenser mieux. Il est indispensable de réévaluer l'assurance elle-même, l'assurance face aux risques, l'assurance face à l'offre de soins.
    Tous les Français sont assurés, y compris les plus défavorisés, mais pas tous au même niveau, et 8 % de la population n'a pas d'assurance complémentaire. Il s'agit des classes moyennes basses, celles qui se trouvent juste au-dessus du seuil de la CMU complémentaire. Nous devons leur permettre, grâce à une aide personnalisée à la santé, de bénéficier d'une assurance complémentaire. Selon le rapport Chadelat, en retenant un seuil de ressources de 1 000 euros, le coût pour la collectivité serait de 1,8 milliard d'euros.
    Quels risques doivent-ils être pris en charge par l'assurance maladie, c'est-à-dire par la collectivité ? Les exemples d'ajustement et de réglage possibles ne manquent pas. Pour les accidents de la route, l'assurance maladie ne récupère que 886 millions d'euros auprès des compagnies d'assurance automobile, alors que le coût médical de ces accidents est estimé entre 2 et 4,5 milliards d'euros. L'assurance maladie devrait, selon moi, payer moins.
    Les 130 000 accidents de ski coûtent, chacun, 300 euros en moyenne, assumés par l'assurance maladie. Le skieur ne pourrait-il pas payer une assurance privée, comme il le fait pour le vol ou pour le bris des skis qu'il loue ? Ici encore, l'assurance maladie devrait payer moins.
    La prise en charge à 100 % des patients atteints d'une affection de longue durée représente plus de 50 % des dépenses d'assurance maladie. Le nombre de personnes concernées croît de façon disproportionnée - 12 % des assurés, soit 5,7 millions de personnes dont 900 000 nouveaux bénéficiaires en 2001. Vous l'avez dit, monsieur le ministre, toutes les affections de longue durée doivent-elles être considérées en bloc ? Qu'y a-t-il de commun entre un diabète et un cancer, tant sur le plan de l'évolution, des complications, des traitements que pour leur coût ? Qu'y a-t-il de commun entre un cancer du pancréas, qui conduit irrémédiablement à la mort en quelques mois, et un cancer localisé du rein guéri après une intervention chirurgicale ? Ne convient-il pas d'aider le patient davantage dans le premier cas que dans le second, en renforçant par exemple les aides à l'hospitalisation à domicile si le patient souhaite mourir chez lui ? L'assurance maladie doit, dans ce cas, payer mieux, en fonction des besoins.
    Il convient également de s'interroger sur les offres de soins que l'assurance maladie doit prendre en charge. Tous les soins aujourd'hui assumés par la collectivité relèvent-ils obligatoirement de la solidarité ? Certains ne devraient-ils pas être mieux pris en charge, d'autres moins ?
    Dans le domaine du médicament, une mise à plat a été réalisée à partir de données simples. Le service médical rendu est un compas qui permet de définir ce qui est pris en charge par la collectivité. Le PLFSS 2004 en tient compte : nouvelle appréciation des remboursements, incitation à l'usage des génériques et promotion du bon usage du médicament, des antibiotiques notamment. Cette orientation, amorcée en 1997, tardait à se concrétiser. Elle permettra d'économiser 290 millions d'euros en 2004.
    La poursuite de la mise en oeuvre de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé - accords de bons usages des soins, contrats de bonne pratique et de santé publique -, l'évaluation et les efforts de bonne gestion annoncés doivent permettre d'améliorer le fonctionnement global. Mais il faut aller plus loin. Est-il normal que toutes les consultations chez un généraliste ou un spécialiste soient rémunérées de façon identique - vingt ou vingt-cinq euros ? Les premières consultations, comme les futures consultations de prévention, devraient offrir une rémunération élevée au professionnel tandis que les renouvellements d'ordonnance pourraient, eux, être moins rémunérateurs. Les consultations qui n'ont pas de justification médicale, comme la délivrance d'un certificat médical pour la pratique d'un sport ou le permis de conduire - n'ont pas nécessairement à être supportées par la collectivité. Les syndicats des médecins ne sont pas hostiles à de telles mesures.
    On pourrait trouver des exemples également en matière de chirurgie. Bon nombre d'actes de chirurgie plastique sont remboursés par l'assurance maladie alors qu'ils pourraient l'être par des assurances privées ou payés par le patient lui-même.
    A contrario dans le domaine de la chirurgie dentaire par exemple, certaines prothèses, notamment pour les enfants souffrant d'agénésie dentaire, devraient être prises en charge à 100 % quel que soit le nombre de prothèses nécessaires pour le même patient.
    Concernant l'hospitalisation, la tarification à l'activité est une étape capitale. Je sais que les administrations hospitalières publiques ou privées et les professionnels de santé sont prêts à jouer le jeu. Mais les outils informatiques sont-ils à la hauteur ? La commission, sur proposition du rapporteur, a repoussé son application à octobre 2004. D'ici là, un puissant effort doit être fait pour motiver les personnels et organiser le système. Les 10 milliards d'euros du plan Hôpital 2007 représentent une formidable opportunité de réorganisation interne et de mise en réseau de notre système d'hospitalisation. Ces deux actions, réorganisation et mise en réseau, doivent conditionner l'attribution des crédits. Chacune des agences régionales d'hospitalisation doit l'avoir bien compris, tant les gisements d'économies dans ces structures qui génèrent 50 % des dépenses d'assurance maladie sont nombreux.
    La même logique de transparence devrait prévaloir en matière d'indemnités journalières. Elles ont coûté 10,4 milliards d'euros en 2002 - l'équivalent du déficit. Les arrêts de plus de trois mois génèrent 40 % de ces dépenses et concernent principalement les salariés âgés entre cinquante et cinquante-neuf ans - cela a été rappelé. Est-ce le rôle de l'assurance maladie et donc de la collectivité qui cotise pour sa santé de prendre en charge cette conséquence du vieillissement de la population active ?
    Les transports, qui augmentent de 6 % par an, représentent plus de 2 milliards d'euros de dépenses. S'il est indispensable de bénéficier de services de transports adaptés, est-ce le rôle de l'assurance maladie et donc de la collectivité qui cotise pour sa santé de prendre en charge la totalité de ce service ?
    Mieux gouvernée, mieux éclairée face aux alternatives qui s'offrent à elle, l'assurance maladie doit améliorer sa gestion, contrôler davantage ce qu'elle rembourse et responsabiliser encore plus les usagers. Il convient d'explorer toutes les pistes, celles-là et d'autres, comme vous avez commencé à le faire dans ce texte, monsieur le ministre.
    Le Premier ministre, en créant le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, a donné une méthode où la concertation tiendra toute sa place. Le Président de la République, en rappelant son attachement à notre système de santé, a clairement montré le cap, plaidant pour son maintien, son adaptation et son évolution. Il exprime ainsi le voeu des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Claude Evin.
    M. Claude Evin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous abordons la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale alors que le régime général, et particulièrement l'assurance maladie, se trouve dans une situation catastrophique. Le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale annonce en effet un déficit du régime général de près de 9 milliards d'euros fin 2003, déficit qui pourrait s'élever à 13,6 milliards d'euros en 2004 en l'absence de mesures correctrices.
    La situation est particulièrement préoccupante concernant l'assurance maladie puisque le déficit prévisionnel pour 2003 s'élève à 10,6 milliards d'euros et qu'il pourrait atteindre 14 milliards d'euros en 2004. La situation est d'autant plus critique que l'équilibre financier des autres branches du régime général, qui permettait, les années précédentes, d'abonder, si je puis dire, le déficit de l'assurance maladie, interdit désormais toute possibilité de transfert de recettes vers l'assurance maladie. En effet, la branche vieillesse devra supporter le surcoût entraîné par la réforme des retraites, l'excédent que dégage actuellement cette branche s'en trouvera donc réduit. Quant à la branche famille, elle reste structurellement excédentaire, mais, là encore, on peut s'attendre à ce que cette situation ne perdure pas. D'ailleurs, elle n'est pas aussi excédentaire qu'on le croit, je le montrerai. Enfin, la branche accidents du travail devrait, elle aussi, voir son déficit s'accroître de 100 millions d'euros cette année à 200 millions en 2004.
    S'il est vrai que le ralentissement de l'activité économique explique pour partie le déficit, puisque les principales recettes de l'assurance maladie sont assises sur les salaires et qu'en l'absence d'une véritable politique de l'emploi la croissance de la masse salariale depuis 2002 ne permet plus de couvrir le rythme d'évolution des charges, ce phénomène ne saurait expliquer, à lui seul, la situation préoccupante que nous connaissons. La commission des comptes de la sécurité sociale, comme la Cour des comptes d'ailleurs, a mis en évidence la progression tendancielle forte des dépenses à laquelle nous assistons depuis 2002.
    Globalement, nous constatons en effet une dépense supérieure à celle du produit intérieur brut et, au sein de cette dépense, un accroissement plus fort des dépenses de soins de ville comparativement à celles des établissements de santé. Les dépenses de ville ont en effet progressé de 7,8 % en 2002, alors que celles des établissements de santé n'augmentaient que de 6,4 %. Les revalorisations tarifaires des soins de ville expliquent pour une grande partie cette forte progression. Une fois de plus, monsieur le ministre, nous regrettons que ces revalorisations n'aient été accompagnées d'aucune amélioration de l'offre de soins pour les assurés sociaux. Par ailleurs, les prescriptions de médicaments par les médecins libéraux ont fortement augmenté au cours de ces dernières années, malgré un léger ralentissement au cours de ces derniers mois. La forte augmentation des dépenses dans les établissements de santé s'explique davantage par un effet coût que par un effet volume.
    Ces dérives auraient mérité de vraies mesures structurantes et non un nouveau report des décisions qui s'imposent, d'autant que l'ONDAM que vous nous proposez de voter pour 2004 est loin de répondre aux besoins. La commission des comptes de la sécurité sociale a évalué la progression tendancielle de l'ONDAM à 5,5 % en 2004. Or vous nous proposez de voter un ONDAM en progression de 4 % seulement. Déjà, avant même de commencer l'année, il manque donc au moins 2 milliards d'euros.
    Par ailleurs, les mesures que vous annoncez, tel le plan urgences, ne sont pas financées. Nous pourrions d'ailleurs débattre de la justification de ce plan. Certes, un accroissement des moyens dans ces services permettrait sans doute de soulager les pressions qu'y subissent les personnels. Mais en quoi une focalisation des moyens à cet endroit de la chaîne de soins permettra-t-elle d'éviter que les malades arrivent aux urgences tout simplement parce qu'ils n'ont pas trouvé de réponse adaptée en amont, et notamment en ville, et qu'ils y restent trop longtemps parce que l'hôpital n'aura pas trouvé de solution en aval ?
    Je lisais ce matin dans la presse que, répondant aux médecins urgentistes, vous vous évertuiez à assurer que ce plan était financé. Quand j'ai indiqué tout à l'heure qu'il ne l'était pas, votre sourire laissait apparaître combien cette affirmation vous agaçait...
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Non. Je vais vous répondre, calmement.
    M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez déjà eu l'occasion de le faire !
    M. Claude Evin. Ce n'est pas l'annonce d'une enveloppe qui peut donner des garanties en la matière, si vous n'indiquez pas où vous la prenez.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je vais vous l'expliquer !
    M. Claude Evin. En fait, vous allez « flécher » des crédits de l'ONDAM hospitalier sur les urgences hospitalières. Mais ce ne sera que de l'affichage. En effet, cet ONDAM hospitalier ne permettra même pas aux hôpitaux publics d'assurer la continuité de leur fonctionnement, avant même qu'ils puissent envisager de développer des actions nouvelles. La seule reconduction des moyens nécessaires à leur fonctionnement aurait exigé une augmentation de l'ONDAM hospitalier de 4,5 %. Or vous n'annoncez que 4,2 % d'augmentation en 2004 par rapport à 2003. Tout crédit « fléché » sur les urgences sera donc pris sur les moyens dont auraient justement eu besoin les établissements pour mieux organiser la prise en charge en aval.
    Je sais que vous expliquerez à ces établissements hospitaliers qu'ils bénéficieront des recettes liées à l'augmentation du forfait hospitalier. Mais, ces recettes n'étant pas ciblées sur les établissements disposant de services d'urgences, les établissements qui disposent de ces services et qui auront donc à les financer ne bénéficieront pas de moyens supplémentaires à la hauteur des promesses que vous leur avez faites.
    La fuite en avant et le report des décisions structurantes concernant l'assurance maladie font peser de graves menaces sur le financement, la qualité et l'efficacité de notre système de santé.
    Nous avons malheureusement pu vérifier en cette année 2003 que notre système de santé ne pouvait offrir la meilleure qualité à nos concitoyens lorsqu'il devait faire face à une situation exceptionnelle. Je ne veux naturellement pas anticiper sur les travaux que nous conduirons au sein de la commission d'enquête sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule, mais il me faut tout de même insister sur le fait que nous aurions tort de nous focaliser sur le seul déroulement de ces événements, en essayant d'identifier les failles ponctuelles au cours de cette période. Ce serait méconnaître que ce qui s'est joué à ce moment-là est la conséquence de défaillances plus profondes de notre système.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je suis bien d'accord !
    M. Claude Evin. Puisque vous êtes d'accord, monsieur le ministre, vous conviendrez que ce n'est pas avec deux amendements au projet de loi de santé publique, modifiant les missions de l'INVS ou donnant une base légale à la procédure de déclenchement du plan « blanc » que nous répondrons à ce que nous a révélé la canicule, mais en travaillant réellement à améliorer l'organisation de notre offre de soins, et notamment la prise en charge de nos personnes âgées.
    En évoquant la question de la canicule, je ne me suis pas éloigné des préoccupations qui sont les nôtres devant la dégradation des comptes de la sécurité sociale et, plus particulièrement, de l'assurance maladie. Cette dégradation financière traduit une augmentation importante de la dépense, alors que celle-ci ne permet pas d'apporter des réponses aux besoins les plus criants qui s'expriment dans notre société. Cette augmentation importante de la dépense fait non seulement peser une grave menace sur les principes mêmes de la solidarité nationale qui fonde notre système de sécurité sociale, mais elle ne permet pas de garantir la qualité même de notre système.
    Face à cette situation, vous nous proposez de retarder les décisions. Déjà l'an dernier, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, je vous reprochais à cette tribune de n'envisager aucune disposition visant à maîtriser l'évolution des comptes de l'assurance maladie, alors que l'appréciation qui était portée sur ces comptes nous laissait déjà entrevoir cette dégradation. Vous nous aviez alors expliqué que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 était un texte de transition et que vous alliez nous faire, au cours de l'année 2003, des propositions permettant de réformer durablement notre système.
    Vous nous aviez annoncé avoir commandé trois rapports à d'éminentes personnalités du monde de la protection sociale : l'un sur les responsabilités respectives de l'Etat et des caisses de sécurité sociale à Mme Rolande Ruellan, un autre sur la médicalisation de l'ONDAM à M. Alain Coulomb, et le troisième, sur le rapport entre les régimes obligatoires et les régimes complémentaires, à M. Jean-François Chadelat. Ces rapports ont été publiés. Mais quelles conclusions en avez-vous tiré ? Un an plus tard, nous n'en savons toujours rien.
    Vous nous affirmiez il y a un an votre volonté de « poser sans tarder les fondements d'une nouvelle gouvernance ». Vous nous promettiez même sur ce sujet un texte de loi avant l'été 2003 - j'ai relu votre intervention de l'année dernière. Aujourd'hui, sous le prétexte de « diagnostic partagé », vous relancez une nouvelle période de rapports sous le couvert du Haut Conseil de l'assurance maladie et annoncez de nouveau qu'en 2004 - « vous allez voir ce que vous allez voir » - viendra enfin la grande réforme. Après les retraites, la santé !
    Le seul problème, monsieur le ministre, est que les questions concernant l'évolution de notre système de santé ne se posent pas dans les mêmes conditions que pour les retraites. Pour celles-ci, les critères de liquidation - âge de départ, calcul des droits acquis - sont les éléments déterminants du débat. Décider de l'endroit où l'on met le curseur n'est certes pas facile politiquement - on l'a vu -, mais les éléments du débat sont clairement identifiés. En ce qui concerne la santé, c'est à une modernisation permanente et progressive de l'organisation de l'offre de soins qu'il faudrait procéder, et tout retard pris en ce domaine n'est pas rattrapable. Ce n'est pas un problème de curseur, à moins que vous ne limitiez le débat à ce qui sera remboursé par la sécurité sociale et à ce qui sera laissé à la responsabilité individuelle des assurés sociaux. Mais j'ai bien peur que vous ne restreigniez le débat et vos ambitions à cette seule question.
    Je continue en effet, en dépit de vos dénégations, à penser que c'est uniquement ce point que vous voulez traiter et que, pour cela, vous avez besoin d'un peu de temps : d'abord, parce que, plus les comptes seront dégradés, mieux vous pourrez expliquer à nos concitoyens que la solidarité coûte trop cher et qu'ils doivent donc y participer individuellement ; ensuite, parce que les mesures que vous serez alors amené à prendre seront autrement plus douloureuses à court terme pour nos concitoyens que celles concernant les retraites et que vous préférez dans ces conditions avoir passé les échéances électorales du printemps 2004.
    M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui !
    M. Claude Evin. L'an dernier, je faisais observer que vous étiez, monsieur le ministre, l'un des rares responsables politiques de droite à avoir, avant les élections de 2002, formulé un projet explicitement libéral du financement de notre système de santé, préconisant de mettre les différents assureurs sociaux et privés en concurrence - c'était lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Vous m'avez alors répondu que, sur ce projet, vous aviez changé d'avis.
    M. Jean-Marie Le Guen. En fait, ce n'est pas le cas !
    M. Claude Evin. J'en ai pris acte, mais je dois vous avouer que je n'ai pas pour autant été rassuré. En effet, compte tenu de l'attachement républicain des Français à leur « sécu », fondée sur la solidarité, je n'ai jamais pensé qu'un ministre, même libéral, annoncerait franchement sa volonté de changer de système de sécurité sociale.
    Il n'y a qu'une manière d'aller progressivement vers une privatisation rampante de la sécurité sociale, c'est de créer un tel besoin de financement que les finances publiques ne puissent y faire face, la seule solution consistant alors à recourir à d'autres modes de prise en charge des soins par d'autres mécanismes assurantiels. Ne déclariez-vous pas dès votre prise de fonctions qu'« il faut cesser de dire qu'il est nécessaire de "maîtriser, "contenir et poser la question du niveau de ces dépenses dans le budget de la nation en faisant la part de l'assurance maladie, celle des assureurs complémentaires et celle des usagers » ?
    M. Jean-Marie Le Guen et M. Jean Le Garrec. Eh oui !
    M. Claude Evin. C'était dans Le Monde du vendredi 12 juillet 2002.
    Le Premier ministre ne s'exprimait-il pas lui aussi dans ce sens il y a quelques semaines, en affirmant vouloir établir un « juste équilibre entre ce qui relève de la solidarité nationale et de la responsabilité personnelle » ?
    Et ce ne sont pas les propos tenus le week-end dernier par le ministre du budget lors d'une interview qui seront de nature à nous rassurer,...
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est sûr !
    M. Claude Evin. ... quand il déclare qu'« il ne doit pas y avoir en 2004 d'augmentation du déficit de la sécurité sociale ».
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est une plaisanterie !
    M. Claude Evin. On voit bien ainsi, pour éviter de creuser ce déficit, se dessiner des décisions tendant à transférer une partie des dépenses de sécurité sociale vers d'autres modes de financement tels que les assurances complémentaires mutualistes ou privées.
    Cette situation est pour nous inacceptable.
    Pour des raisons de santé publique et de justice sociale, nous estimons que nous devons nous fixer l'objectif de garantir le meilleur niveau de remboursement possible par la solidarité nationale. Pour ce faire, nous pouvons certainement mettre en place des mécanismes qui responsabilisent davantage les citoyens face au système de santé, mais un tel objectif trouvera une plus grande efficacité dans une relation plus étroite entre les caisses d'assurance maladie et les assurés sociaux, que dans une participation accrue des assurés à leurs dépenses de soins. Nous considérons en effet que c'est sur l'ensemble de la dépense de santé qu'il faut porter l'effort de rationalisation de la dépense, à la fois pour des raisons économiques et pour des raisons de qualité.
    Or rien dans votre projet de loi ne permet d'aller dans ce sens. Bien au contraire : les seules mesures que vous y prévoyez ont pour but de réduire les remboursements aux assurés sociaux - restrictions des remboursements aux patients atteints d'une affection de longue durée du fait de la limitation de l'exonération du ticket modérateur aux seuls actes et prestations spécifiées par un protocole, exonération du ticket modérateur revu à la baisse pour certains actes chirurgicaux, augmentation du forfait hospitalier.
    En laissant ainsi dériver les dépenses d'assurance maladie et en ne prévoyant aucune mesure dans ce texte de loi qui permettrait de garantir un bon niveau de remboursement aux assurés sociaux, vous laissez se mettre en place une situation qui remet en cause le financement équitable d'accès aux soins et qui porte par là même atteinte au principe constitutionnel de protection de la santé.
    A deux reprises en effet - dois-je le rappeler ? -, en janvier 1990 et en janvier 1991, le Conseil constitutionnel a précisé ce principe. Dans sa décision de 1990, il a considéré que l'objectif de diminution de la part des honoraires médicaux restant à la charge des assurés sociaux permettait l'application du principe posé par le préambule de la Constitution. On peut donc estimer que l'absence de mesures tendant à réduire la part prise en charge par les assurés sociaux, voire l'augmentation de la participation des assurés sociaux au financement de leurs soins de santé vont à l'encontre des principes constitutionnels. D'autant qu'en 1991 le Conseil a considéré que la maîtrise de l'évolution des dépenses de santé ne s'opposait pas, bien au contraire, au principe constitutionnel.
    Le projet de loi qui nous est soumis ne permet donc pas de garantir le principe constitutionnel de protection de la santé. C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter l'exception d'irrecevabilité.
    M. Jean-Marie Le Guen. Nous le ferons !
    M. Yves Bur. L'argumentation est bien maigre !
    M. Claude Evin. Au-delà de cette contestation de fond sur le plan constitutionnel, je voudrais, monsieur le ministre, aborder quelques points parmi les plus discutables de votre texte.
    Vous nous dites souhaiter clarifier les relations entre l'Etat et la sécurité sociale et vous poursuivez le remboursement de la dette FOREC. Or, dans votre texte, cette dette de l'Etat n'est pas prise en charge par l'Etat mais par la CADES. Vous ne pouvez donc prétendre solder les dettes de l'Etat puisque vous les faites supporter par un organisme destiné à financer la sécurité sociale. Il est particulièrement inconséquent d'affaiblir la CADES qui prend en charge les dettes de la sécurité sociale alors que cette dette s'accroît chaque jour. Faire financer cette dette par la CADES, c'est la faire financer par la CRDS, un prélèvement qui frappe les revenus les plus modestes.
    Par ailleurs, vous supprimez le FOREC, et les exonérations de charges seront supportées directement par l'Etat. Je crains que ce dispositif, qui semble apparemment plus clair, ne cache en fait la possibilité pour l'Etat de ne pas respecter ses engagements. Isoler les exonérations dans un fonds permet de mieux contrôler que celles-ci sont bien remboursées par l'Etat.
    M. Jean Le Garrec. C'est plus efficace !
    M. Claude Evin. Sans un fonds spécifique permettant de constater un solde, les parlementaires n'auront, de fait, aucune possibilité de vérifier si l'Etat honore bien ses dettes.
    Je dirai maintenant quelques mots sur la réforme des prestations familiales, malheureusement en l'absence du ministre délégué à la famille.
    M. Jean Le Garrec. C'est une épidémie !
    M. Claude Evin. L'effort consenti n'est pas aussi significatif que l'a prétendu à cette tribune le ministre délégué à la famille. Il suffit pour s'en convaincre de lire le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, et notamment de se référer à la page 217 de ce rapport.
    En 2001 et 2002, les mesures nouvelles prises par le Gouvernement représentaient respectivement 0,6 et 0,5 % des prestations. En 2003 et 2004, elles ne représentent que 0,2 et 0,4 % des prestations. Contrairement aux affirmations du ministre, l'effort en faveur des familles s'est donc ralenti.
    Vous prétendez aussi avoir simplifié les prestations. Or la simple lecture du projet de loi ne donne pas cette impression. Vous avez en fait donné le même nom - « prestation d'accueil du jeune enfant » - à toutes les prestations de la petite enfance, et conservé les diverses prestations précédentes en les rebaptisant : « complément de libre choix de garde », « complément de libre choix d'activités ». On repeint les prestations, mais sans du tout les modifier ni les simplifier. Voilà bien des contorsions pour laisser croire que l'on a tenu la promesse du Président de la République de créer une prestation unique de libre choix !
    Mais la plus grande interrogation concernant ce plan est de savoir s'il est réellement financé. En effet, le solde de la branche famille sera quasiment nul en 2004, soit 30 millions d'euros, alors même que cette branche reçoit une recette non reconductible de 200 millions d'euros grâce à un versement de la CADES.
    Enfin, il faut relever que les améliorations contenues dans le plan sont essentiellement orientées vers les familles aisées.
    Mme Muguette Jacquaint. Les plus aisées !
    M. Claude Evin. Ainsi, une prime à la naissance et l'allocation de base se substituent à l'actuelle APJE. Les montants sont les mêmes, mais les plafonds de ressources sont relevés. Si l'APJE profitait à 76 % des familles, la nouvelle prestation concernera 90 % des familles, soit 200 000 familles de plus. Mais les nouveaux bénéficiaires seront les familles plus aisées.
    Les conditions de la garde à domicile sont améliorées. Mais la prestation est elle aussi réservée aux familles très aisées. Et, contrairement à ce que peut laisser croire la dénomination de la prestation, il n'y a pas de libre choix du mode de garde puisque ladite prestation ne pourra concerner que la garde à domicile. N'est-ce-pas, monsieur le ministre délégué, dont je salue le retour dans l'hémicycle ?
    Par ailleurs, le plafond pour la réduction de l'impôt sur le revenu pour un emploi à domicile est porté à 10 000 euros.
    On voit bien, à l'examen de ces différentes mesures, les choix qui sont les vôtres.
    Je voudrais enfin traiter plus particulièrement de l'une des dispositions qui, dans le projet de loi, ne concerne pas moins de douze articles : la mise en place de la tarification à l'activité.
    Je n'en contesterai pas le principe, puisque - faut-il le rappeler ? - l'évolution des critères d'attribution des moyens budgétaires aux établissements de santé était déjà inscrite dans la loi hospitalière de juillet 1991. J'ai plusieurs fois regretté qu'alors rien, ou quasiment rien, ne se soit passé pour atteindre cet objectif.
    C'est dans la loi du 27 juillet 1999 portant création de la couverture maladie universelle qu'une nouvelle disposition législative a prévu la mise en place « de nouveaux modes de financement des établissements publics ou privés, fondés sur une tarification à la pathologie », dans un délai de cinq ans. Une mission était créée dès janvier 2000, la METAP, la mission d'expérimentation sur la tarification à la pathologie, pour préparer cette expérimentation. C'est grâce à ses travaux que vous avez pu, monsieur le ministre de la santé, avancer dans ce domaine.
    Pour quelles raisons souhaiter un nouveau mode de financement des établissements de santé ?
    Les faiblesses des modalités actuelles de financement et de régulation de nos établissements hospitaliers publics et privés ont maintes fois été dénoncées depuis de nombreuses années. Dans les établissements publics, le montant de la dotation globale rémunère davantage une structure de moyens que l'activité de l'établissement. Cette situation est inhérente à la structure même de l'enveloppe. Le dispositif a montré son efficacité dans l'encadrement global de la dépense au sein du secteur, mais il est incapable de garantir l'efficience et l'équité dans la répartition des moyens budgétaires.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Nous sommes d'accord !
    M. Claude Evin. Comment pouvons-nous ne pas être d'accord puisque, comme je vous l'ai rappelé tout à l'heure, je partage tout de même la paternité de cette réforme.
    Il me plaisait d'entendre tout à l'heure plusieurs rapporteurs rappeler que la réforme avait maintes fois été reportée. Je l'ai regretté. Dois-je rappeler à mon tour qu'entre 1992 et 1997 plusieurs gouvernements, de couleurs politiques différentes, se sont succédé ?
    Si, aujourd'hui, vous pouvez enfin commencer à mettre en place une réforme sur laquelle j'ai un certain nombre de critiques à formuler, il n'en reste pas moins, s'agissant des principes, que c'est grâce aux travaux de la mission que le gouvernement précédent avait mis en place en 2000.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. On n'y a pas trouvé grand-chose !
    M. Claude Evin. Vous ne pouvez pas dire cela !
    M. Jean-Marie Le Guen. Il ne sait pas de quoi il parle !
    M. Claude Evin. Les fonctionnaires qui ont travaillé au sein de la mission apprécieront vos propos !
    L'introduction du PMSI comme instrument d'aide à l'allocation des ressources aurait pu constituer un moyen puissant de correction des inégalités de dotation. Il n'en a rien été, l'une des raisons en étant sans doute que les ARH n'ont pas toujours bénéficié d'un véritable appui du niveau central afin d'atteindre cet objectif.
    Aujourd'hui encore, dans la séance de questions d'actualité, j'ai entendu le ministre donner des ordres à un directeur d'agence régionale d'hospitalisation par le biais du Journal officiel des débats. Je ne suis pas certain qu'un tel mode de fonctionnement permette réellement à l'administration hospitalière de mettre en oeuvre une politique qui est naturellement définie par le Gouvernement, mais qui suppose qu'on laisse des marges de manoeuvre aux acteurs du terrain.
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est l'antithèse de l'ARH !
    M. Claude Evin. Concernant les cliniques privées, si l'OQN que nous avions mis en place en 1991 a contribué à la restructuration des établissements, l'obsolescence des modalités tarifaires, leur complexité et des disparités régionales comparables à celles observées dans le secteur sous dotation globale, n'ont pas concouru à l'efficience et à l'équité du dispositif de financement.
    La différence des modes de financement entre établissements publics et privés engendre par ailleurs des effets pervers pour l'ensemble du système d'hospitalisation : transferts d'activités et de spécialités motivés par des raisons économiques souvent susceptibles d'aller à l'encontre des impératifs sanitaires ; rigidités de l'organisation sanitaire due à la très faible fongibilité des enveloppes de l'hospitalisation publique et de l'hospitalisation privée.
    On constate donc que cette réforme est demandée par les deux secteurs, même si leurs attentes sont sans doute différentes. Elle n'en comporte pas moins des risques qu'il faut savoir identifier et que nous souhaitons voir corriger.
    On peut attendre de cette réforme qu'elle permette aux établissements les plus performants d'être mieux financés. Cela ne sera toutefois possible qu'au détriment des établissements qui le sont moins, sauf à générer une augmentation très importante des dépenses du secteur. Une réforme de ce type doit donc se faire sur la durée. C'est ce que vous avez prévu pour les établissements publics et cela se justifie pour permettre aux établissements de s'adapter, mais il serait illusoire de considérer que, dans un premier temps, cette réforme puisse se faire à moyens constants.
    Cette réforme globale n'est réalisable que si elle est assortie d'une réforme interne de l'hôpital public afin de renforcer la responsabilité des gestionnaires en leur donnant les moyens de prendre plus rapidement les décisions stratégiques et de gestion. Il sera également nécessaire de moderniser la gestion financière et comptable des établissements pour mieux tenir compte de la variabilité des ressources.
    Nous devons aussi être conscients du risque que les établissements adaptent leurs pratiques à la nouvelle tarification et modifient leurs comportements. En effet, la tarification à l'activité étant basée sur une logique qui privilégie l'acte et la productivité, les établissements pourront être tentés d'apprécier a priori le gain ou la perte par malade traité et donc, d'une certaine manière, de trier les patients. Les durées de séjour pourront diminuer pour augmenter le coefficient de rotation sur un même lit. On adressera plus rapidement les patients en service de soins de suite et de réadaptation. Les activités les plus rentables seront rapidement identifiées. Ces comportements pourront être favorisés par le mécanisme de constitution des groupes homogènes de malades qui, de fait, survalorise la médecine à actes et la chirurgie au détriment de la médecine. Ne nous leurrons pas, les patients sont déjà une variable d'ajustement lorsque les hôpitaux adaptent leur activité à leurs ressources, créant ainsi des files d'attente. Mais il s'agit de veiller à ce que ce comportement ne s'amplifie pas.
    Les effets pervers que je viens de décrire constituent un vrai risque au regard des impératifs de l'égal accès aux soins et de l'organisation de l'offre de soins en termes d'aménagement du territoire. C'est la raison pour laquelle il nous semble inopportun d'envisager une échelle tarifaire unique pour les établissements publics et privés, sous peine de ne plus pouvoir maintenir, à terme, un maillage des établissements publics de santé sur l'ensemble du territoire.
    M. Jean-Marie Le Guen et M. Jean Le Garrec. Très juste !
    M. Claude Evin. La fixation de tarifs nationaux ne manquerait pas, d'ailleurs, de réduire le rôle des ARH, notamment pour ce qui concerne la restructuration de l'offre de soins, dans la mesure où des tarifs uniques ne permettent pas de tenir compte des stratégies régionales et des objectifs définis dans les schémas régionaux d'organisation sanitaire.
    M. Gérard Bapt. Bien sûr !
    M. Claude Evin. De la même manière, il nous semble impossible d'envisager une enveloppe unique de régulation du secteur public et du secteur privé, du moins tant qu'une évaluation n'aura pas été faite. En effet, les règles du jeu ne sont pas identiques pour les deux secteurs. L'exemple le plus flagrant concerne naturellement les honoraires et les forfaits techniques des établissements privés, qui sont facturés en sus des tarifs par groupe homogène de soins. Ces dépenses s'imputent sur l'enveloppe des soins de ville, qui connaît chaque année d'importants dépassements. Dans le secteur public - dois-je le rappeler ? -, les salaires médicaux et les actes médico-techniques sont inclus dans les tarifs et sont soumis à une régulation rigoureuse. On peut citer un autre exemple : en 2004, les hôpitaux ne seront remboursés de leurs prothèses que sur la base d'une liste très limitative alors que les cliniques pourront continuer à facturer toutes leurs prothèses.
    Enfin, je voudrais souligner le flou qui entoure la définition du champ de l'enveloppe MIGAC servant à financer les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation. La mise en place d'une tarification à l'activité nécessite que soient identifiées les missions de service public assurées par les établissements et que ces missions soient spécifiquement financées. Or l'intitulé même de cette enveloppe montre à quel point les missions d'intérêt général, loin d'être traitées avec précision, sont diluées dans un ensemble aux contours incertains, dont on ne sait quelle sera la part consacrée aux missions d'intérêt général et celle qui le sera aux missions d'aide à la contractualisation. Le risque est grand, alors, de voir les missions d'intérêt général sacrifiées au profit d'actions relevant des contrats d'objectifs et de moyens. Le service public s'en trouverait considérablement affaibli. C'est la raison pour laquelle il nous semble nécessaire de dissocier le financement des missions d'intérêt général, qui ne peuvent concerner que les établissements publics, ceux participant au service public ou les cliniques privées ayant conclu avec l'Etat des contrats de concession pour l'exécution de services publics, les actions de contractualisation pouvant, elles, être financées aussi bien dans les établissements publics que dans les établissements privés.
    Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les appréciations que je voulais formuler sur cette réforme, que, je crois nécessaire, mais dont certaines modalités de mise en oeuvre ne me semblent pas avoir fait l'objet de précautions suffisantes pour se protéger contre certains effets pervers.
    En tout état de cause, l'analyse que j'ai présentée au début de mon propos au sujet de l'inconstitutionnalité de ce texte me semble devoir être soumise à l'appréciation de l'Assemblée. Parce que je considère que les principes constitutionnels de protection de la santé ne sont respectés ni par ce texte ni dans la situation dégradée des comptes de l'assurance maladie, je vous invite, mes chers collègues, à voter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur Evin, je suis naturellement disposé à vous répondre dès maintenant mais, si vous en acceptiez le principe, je préférerais grouper mes réponses à vous-même, à M. Le Guen, qui va nous présenter la question préalable, et à tous les orateurs inscrits dans une seule intervention à la fin de la discussion générale.
    M. Claude Evin. Sauf si l'exception d'irrecevabilité est votée, monsieur le ministre ! (Sourires.)
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Dont acte !
    M. Jean-Marie Le Guen. Et il y a toutes les raisons qu'elle le soit après un si brillant discours !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Mais acceptez-vous ma proposition ?
    M. Claude Evin. Volontiers.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je vous remercie. Cela me permettra de recentrer la discussion et de ne pas me répéter sur des sujets que vous serez nombreux à aborder.
    M. le président. La commission ne souhaitant pas s'exprimer, nous allons passer aux explications de vote.
    J'inscris M. Préel, M. Le Guen...
    M. Jean-Marie Le Guen. Oui, commençons par l'UDF. C'est plus excitant : on ne sait jamais ce qu'ils vont dire ! (Sourires.)
    M. le président. Monsieur Le Guen, vous n'êtes pas avare de paroles. Mais je vous rappelle que, dans les explications de vote, chaque groupe n'a droit qu'à un orateur. Or, pour le groupe socialiste, deux mains se sont levées, celle de Mme Guinchard-Kunstler et la vôtre.
    En attendant votre choix, nous allons entendre M. Préel.
    M. Jean-Luc Préel. Il n'aura échappé à personne que cette exception d'irrecevabilité n'en était pas une mais avait pour but de permettre à Claude Evin, ancien ministre, de s'exprimer.
    M. Claude Evin. Il est sympa, Préel !
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est un bon camarade !
    M. Jean-Luc Préel. Tout le monde sait bien, en effet, que le projet de loi ne comporte aucun élément d'anticonstitutionnalité.
    M. Claude Evin. Mais si !
    M. Jean-Luc Préel. Il est vrai que la situation de l'assurance maladie est grave et que le déficit - le ministre l'a dit à plusieurs reprises - est abyssal. Le déficit de 2003, aggravé par la diminution des recettes, pose effectivement un problème. C'est bien pourquoi il est urgent de débattre.
    M. Claude Evin. J'ai défendu une exception d'irrecevabilité, pas une question préalable !
    M. Jean-Luc Préel. Le projet de loi comporte à cet égard des éléments positifs, notamment la suppression du FOREC et les mesures concernant l'interruption d'activité. Quant à la politique familiale, elle a été saluée, si j'ai bien compris, par l'orateur.
    M. Claude Evin. Pas du tout !
    M. Jean-Marie Le Guen. L'UDF perd la boussole !
    M. Jean-Luc Préel. Monsieur Le Guen, je peux, moi aussi, être désagréable.
    M. le président. Monsieur Préel, vous n'êtes pas obligé de répondre à toutes les provocations de M. Le Guen !
    M. Jean-Luc Préel. Il est vrai qu'il devient urgent de prendre des mesures pour sauvegarder notre système de soins et pour permettre à chacun d'avoir accès à des soins de qualité. Une nouvelle gouvernance est, bien entendu, nécessaire. Il convient de préciser les relations entre l'Etat, le Parlement et les professionnels, car c'est l'étatisation quasi complète de l'assurance maladie qui est sans doute en partie responsable du déficit actuel. L'étatisation, comme chacun sait, conduit à l'irresponsabilité.
    Il est grand temps de mettre en oeuvre une réelle maîtrise médicalisée, mais celle-ci ne sera effective que si tous les acteurs deviennent des partenaires associés, en amont, aux décisions et, en aval, à la gestion. Nous souhaitons donc entamer dès à présent le débat pour permettre le financement de la protection sociale en 2004, car la loi de financement de la sécurité sociale concerne le financement de la branche famille, de la branche retraite et de la branche santé et doit donc être votée rapidement.
    Nous espérons, monsieur le ministre, obtenir au cours des débats des améliorations et des réponses aux questions légitimes sur la nouvelle gouvernance, notamment pour ce qui concerne la maîtrise des dépenses de santé, et sur la mise en oeuvre de la tarification à l'activité. Ce mode de tarification était très attendu, mais nous nous posons des questions sur la convergence entre le public et le privé et sur la clause de sauvegarde prévue dans le texte. Nous pensons aussi que cette mise en oeuvre sera difficile à moyens constants.
    L'amendement concernant l'AP-HP, qui n'est pas mentionnée dans le projet de loi, n'a pas été accepté par la commission. Mais l'UDF considère - et je le demande depuis longtemps - qu'il serait grand temps que l'AP-HP rentre dans le droit commun.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l'assurance vieillesse. Très bien !
    M. Jean-Luc Préel. Je défends l'idée qu'elle soit scindée en plusieurs établissements autonomes disposant d'une certaine autonomie de gestion, afin qu'elle puisse être mieux contrôlée et soumise au droit commun de l'hospitalisation, notamment pour ce qui concerne les ARH.
    Monsieur le ministre, je suis convaincu que, sur tous ces points, vous nous apporterez des éclaircissements. En attendant, l'UDF votera bien entendu contre l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Yves Bur, pour le groupe UMP.
    M. Yves Bur. Une fois de plus, l'opposition, à travers Claude Evin, se place dans sa position favorite, qui consiste à donner des leçons à tout le monde...
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l'assurance vieillesse. Arrêtez !
    M. Yves Bur. ... pour faire oublier sa propre incapacité à engager des réformes structurelles qu'elle savait inévitables, mais qu'elle n'a jamais osé entreprendre.
    M. Pierre Hellier. Eh oui !
    M. Yves Bur. Oui, la sécurité sociale est malade, nous le savons depuis longtemps, et l'atonie de la croissance ne fait que souligner les faiblesses structurelles de notre système de santé. A ces faiblesses que vous connaissiez, messieurs les socialistes, vous avez appliqué votre traitement, et notamment le fameux remède de la réduction du temps de travail, qui a été dévastateur pour l'ensemble de la médecine et surtout du secteur hospitalier. Aujourd'hui encore, il en supporte les conséquences.
    Vous savez aussi bien que nous, monsieur Evin, que nous ne sortirons pas de cette situation difficile sans un effort partagé, au nom d'une responsabilité qui doit être assumée par tous de manière citoyenne.
    Au cours de votre intervention, je ne vous ai jamais entendu esquisser le moindre commencement d'une vision prospective pour l'assurance maladie. Vous en êtes resté, comme d'habitude, à quelques vagues principes et plutôt que de nous donner quelques recettes, vous avez soigneusement évité de nous dire comment vous vous sortiriez d'une telle situation de déficit. Vous continuez à faire croire que l'on pourra rembourser de mieux en mieux tous les soins, des soins de plus en plus coûteux, sans demander à personne d'assumer la responsabilité du financement.
    Vous ne contestez pas la mise en oeuvre de la tarification à l'activité dont vous revendiquez, peut-être à juste titre, la paternité, il y a dix ou quinze ans. Mais vous vous faites comme d'habitude le porte-voix de toutes les angoisses qui s'expriment ici ou là. Nous savons que toute réforme d'ampleur suscite des interrogations et des angoisses ; il nous appartient non pas de les entretenir, mais d'y apporter des réponses. C'est ce que nous ferons tout au long du débat.
    Affirmer qu'optimiser la dépense publique, la dépense de santé, en mettant en place des outils de régulation est contraire à la Constitution, c'est un argument fallacieux, auquel nous ne nous laisserons pas prendre. C'est la raison pour laquelle l'UMP ne votera pas l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Depuis des années, nous constatons la faiblesse juridique des projets de loi de financement de la sécurité sociale. A plusieurs reprises, ils ont été censurés par le Conseil constitutionnel. Et quand ils ne l'ont pas été, c'est souvent le Conseil d'Etat qui est intervenu à son tour, pour briser la logique juridique des politiques de maîtrise que nous nous efforçions, les uns et les autres, avec plus ou moins de bonheur, de mettre en oeuvre.
    Ainsi, la majorité et le Gouvernement auraient tort de ne pas écouter nos remarques sur la constitutionnalité des textes relatifs à la sécurité sociale, car ils sont - c'est un autre sujet de réflexion - très fragiles au plan juridique. Si un jour, nous devons réformer l'assurance maladie, nous aurions tort de sous-estimer leur dimension juridique, voire constitutionnelle. Sinon, nous nous trouverons en butte - qu'on les juge ou non justifiées - à des décisions d'annulation des instances de contrôle.
    Ce que je dis sur le plan général est encore plus vrai en l'espèce. J'aurais aimé que le ministre ou les orateurs de l'UMP - ne sachant qu'attendre de ceux de l'UDF (Sourires) - nous répondent au moins sur deux objections soulevées par Claude Evin, celles qui concernent le contexte financier dans lequel nous avons passé l'année 2003 et le contexte financier que vous préparez pour 2004 dans le cadre de ce projet de loi de financement. Car il est pour le moins bizarre au plan constitutionnel de laisser se creuser à ce point les déficits. Il est pour le moins bizarre que, l'an dernier, le Conseil constitutionnel ne vous ait concédé la validation de la loi pour 2003 qu'au motif que vous vous étiez engagés à déposer une loi de financement rectificative, qui n'est jamais venue, comme l'a rappelé Claude Evin.
    Au-delà de plusieurs mesures auxquelles on pourrait revenir : celles relatives au médicament, par exemple, qui ont toutes chances d'être un jour sanctionnées par le Conseil constitutionnel, ce sont là les motifs profonds pour lesquels nous aurions tous intérêt à nous interroger, comme le faisait François Goulard, sur le sens réel de notre débat, lorsqu'on voit ce qui est dans la loi, ce qui n'y est pas et ce qui sera peut-être demain refusé par le Conseil constitutionnel. Bref, nous aurions tort de prendre ces risques avec légèreté et je crois qu'il serait sage d'écouter Claude Evin et de voter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Pour le groupe communiste, la parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Le groupe des députés communistes et républicains votera cette exception d'irrecevabilité.
    M. Pierre Hellier. C'est normal !
    Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le ministre, vous prétendez donc, même si ce n'est pas dans l'immédiat puisque l'échéance a été repoussée au 1er juillet, réformer notre système de protection sociale. Mais cette réforme va-t-elle réduire les inégalités devant la santé ? Nous ne le pensons pas, quant à nous. Nous craignons au contraire que ces inégalités ne se creusent davantage encore. Aujourd'hui, déjà, vous faites payer encore un peu plus les assurés sociaux en déremboursant les médicaments, en augmentant le forfait hospitalier. Vous en culpabilisez même certains. Mais c'est dans l'air du temps. On nous a déjà expliqué que tous les salariés, tous les Français seraient devenus des fainéants. C'est la chasse aux arrêts de travail, j'en passe et des meilleures.
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Cela ne marche pas !
    Mme Muguette Jacquaint. Vous reprochez aux assurés sociaux de consommer trop de médicaments. Il y a deux ans, nous étions déjà intervenus parce que vous déremboursiez des médicaments jugés inefficaces.
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Il y a deux ans, ce n'était pas nous !
    Mme Muguette Jacquaint. J'avais alors proposé de retirer purement et simplement ces médicaments du marché. Cela aurait été plus clair. En tout état de cause, les malades ne consomment jamais que les médicaments qui leur ont été prescrits. Les médicaments ne s'avalent pas comme des caramels ou des bonbons acidulés.
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais si !
    Mme Muguette Jacquaint. Vous instaurez par ailleurs le paiement à l'acte, ce qui multipliera inévitablement les difficultés et creusera les inégalités au sein de notre système hospitalier. Ainsi, puisqu'on considère aujourd'hui qu'un hôpital est une entreprise, les hôpitaux jugés les moins rentables disparaîtront.
    Quant aux recettes, excusez-moi, mais ce ne sont pas les mesures que vous avez prises qui vont réduire le déficit de la sécurité sociale. C'est fait de bric et de broc. Je passe sur les différentes taxes, qui augmentent : le tabac et combien d'autres. Or nous avons fait, pour notre part, des propositions pour améliorer les recettes. Mais il n'y a jamais eu de débat de fond sur la question de savoir comment financer notre protection sociale et répondre aux besoins des Français.
    En clair, vous laissez filer, vous laissez se creuser le déficit.
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. La thèse du complot !
    Mme Muguette Jacquaint. Cela vous permettra dans quelques mois de nous dire : « Vous voyez, on a fait preuve de bonne volonté, mais les choses ne se sont pas arrangées. » Et vous nous demanderez d'accepter sans rien dire cette réforme de la protection sociale qui creusera les inégalités et ne répondra pas aux besoins de santé de la société d'aujourd'hui.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l'assurance vieillesse. Très bien !
    M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
    (L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.

Question préalable

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean Le Garrec. On l'applaudit !
    M. Jean-Marie Le Guen. Messieurs les ministres, mes chers collègues, y a-t-il lieu de débattre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Au plan constitutionnel, sûrement, même si, de notre point de vue, et on vient de le rappeler, le cadre constitutionnel n'est pas respecté. Les engagements pris devant l'Assemblée nationale ont souvent été abandonnés. Les textes qui nous sont présentés sont, pour l'essentiel, vidés de leur contenu. Nous avons donc des doutes profonds sur l'utilité de ce débat. Nous sommes chargés, par la réforme constitutionnelle de 1996, d'orienter les choix en matière de politique de santé et de protection sociale, et de prendre des décisions. Le débat qui s'engage montre cependant que nous n'avons pas cette maîtrise.
    La distance que vous prenez avec la Constitution, monsieur le ministre, se constate non seulement dans le contenu des articles du projet de loi - Claude Evin y faisait référence avec beaucoup de talent - mais aussi dans le contexte même dans lequel vous avez présenté ce texte.
    L'an dernier déjà, vous nous aviez présenté un projet qui, nous vous l'avions dit, manquait profondément de sincérité dans l'énoncé de ses hypothèses économiques et de ses prévisions financières. Cela a été confirmé depuis par la commission des comptes de la sécurité sociale. Or nous retrouvons cette année ce même manque de sincérité.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Non !
    M. Jean-Marie Le Guen. Le peu d'intérêt que vous accordez au cadre constitutionnel est aussi souligné par le renoncement à l'engagement que vous aviez pris l'an dernier devant l'Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel - c'est à ce prix que la loi avait été validée par le Conseil constitutionnel - de revenir avec un projet de loi de finances rectificative si des dérapages financiers devaient apparaître.
    Il y a quelques mois, vous avez donc renoncé à cet engagement, en prétendant pouvoir vous en dispenser en en prenant un autre, celui de revenir devant cette assemblée dès la fin de cette année, avec une réforme complète de la sécurité sociale, qui devait traiter en profondeur les déséquilibres de notre assurance maladie. Mais vous vous êtes à nouveau contredit, monsieur le ministre. Ou plutôt le Président de la République vous a désavoué, en décidant de repousser à plus d'un an toute décision sur l'assurance maladie. En attendant, il fallait surtout ne rien faire, quitte, en refusant de maîtriser les dépenses, à continuer de laisser filer les déficits. Bref, pour cause d'échéance électorale, comme chacun l'aura compris, et pour faire oublier les conséquences de votre politique, il faut laisser croître la dette sociale et prendre le risque, pour l'assurance maladie, d'une mort à crédit.
    Le texte que vous présentez aujourd'hui n'est en rien à la hauteur de la gravité de la situation ou de ce qu'on attend d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale. A ne vouloir rien dire, il ne traduit que trop les mauvaises intentions de la majorité. Il ne fait que présager, à une échelle encore modeste au regard de ce que sont vos intentions réelles, des régressions sociales que vous programmez pour l'an prochain. Y a-t-il donc lieu à débattre, si le cadre constitutionnel n'est pas respecté, si les engagements sont abandonnés, si les déclarations sont sans rapport avec la réalité et les textes vidés de leur contenu ?
    En vérité, dans la négociation à venir avec les acteurs du système de santé, vous vous apprêtez, de manière plus ou moins consciente, à tirer profit du sinistre que votre attentisme et votre manque de responsabilité ont provoqué en opérant une privatisation rampante de l'assurance maladie. Faute d'assumer les principes de votre politique, vous tablez désormais sur un recul continu de la couverture sociale obligatoire pour poursuivre votre projet.
    Comme nous l'avons dit, la situation est grave d'abord sur le plan financier. Les chiffres, connus de tous, ne figurent pourtant pas dans les documents que vous nous présentez. Les besoins de financement de la sécurité sociale pour solder les années 2002, 2003 et 2004 dépasseront 30 milliards d'euros, soit trois fois le plan Juppé et deux fois le montant ambitionné par M. Fillon dans sa réforme. Après avoir annoncé un besoin de financement de 7 milliards d'euros l'an dernier et de 9 milliards d'euros cette année, vous avez atteint le record des déficits cumulés. Nous nous interrogeons donc sur la fiabilité de vos chiffres, et sur la réalité du contrôle du Parlement.
    A nos yeux, la « feuille de route » - c'est ainsi qu'il faut la nommer - qui vous a été fixée constitue déjà un renoncement certain. En effet, pour contenir le déficit au niveau de celui de 2003, soit environ, excusez du peu, 11 milliards d'euros, vous comptez réaliser 4 milliards d'économies avec d'éventuelles recettes supplémentaires et des économies nouvelles. Or il n'en sera rien, chacun le sait. Les taxes sur le tabac sont gonflées, tout comme les économies introuvables grâce à la maîtrise médicalisée, et la dérive réelle des dépenses est sous-estimée, si bien que c'est à un déficit d'un à deux milliards d'euros de plus qu'il faut s'attendre à la fin de l'année 2004.
    D'ailleurs, l'article qui autorise les avances de trésorerie le confirme implicitement, qui permet à l'ACOSS d'emprunter auprès de la Caisse des dépôts et consignations pour 33 milliards d'euros. Ce plafond lui-même met en question la crédibilité de cette institution financière, pourtant très puissante. Vous avez, par cynisme ou par inconscience, je ne sais, qualifié le déficit 2003 d'« abyssal ». Comment faudra-t-il qualifier celui de 2004 ? C'est en tout cas à une impasse que vous conduisez l'assurance maladie.
    Pourtant, cette situation, quoi qu'on en dise, n'est pas le résultat de la fatalité que le Gouvernement invoque désormais pour fuir ses responsabilités, et les imprécations sur l'héritage deviennent ridicules.
    M. Guy Geoffroy. Dans votre bouche, c'est osé !
    M. Jean-Marie Le Guen. Elle serait, selon les rapporteurs, une conséquence mécanique de la dégradation de la conjoncture devant laquelle le Gouvernement serait sans pouvoir. Il ne faudrait pas s'étonner que, devant un tel aveu d'impuissance, à moins qu'il ne s'agisse d'une recommandation, nos concitoyens se demandent pourquoi ils vous ont élus. Au vu de la gravité de la situation, la question pourrait se poser à nous. Il vaut mieux, pour l'avenir de notre démocratie, assumer une mauvaise politique plutôt que d'invoquer la fatalité.
    Il n'était pas fatal de choisir une politique économique qui privilégie les baisses d'impôts en faveur des plus riches plutôt qu'un soutien à la consommation populaire atone et de fragiliser ainsi la croissance déjà affectée par la situation internationale.
    M. Pierre Hellier. Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !
    M. Jean-Marie Le Guen. Il n'était pas fatal d'avoir pour premier souci en mai 2002 de mettre à bas les politiques actives de l'emploi. La suppression des emplois-jeunes, bien sûr, mais aussi la diminution de l'APA, dont on connaît le caractère social préventif pour les personnes âgées a réduit ipso facto la capacité de créer des emplois. Vous auriez dû vous attaquer aux réformes de structures.
    M. Jacques Domergue. Toujours l'emploi public !
    M. Jean-Marie Le Guen. Pas plus qu'il n'était fatal de faire imprudemment l'impasse en novembre 2002 sur l'évidente dégradation de la conjoncture économique en présentant, mes chers collègues, un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui pariait sur la confiance. De même, prévoir un déficit dans le projet de loi de finances pour 2003, c'était envoyer un signal d'irresponsabilité à tous les acteurs de la protection sociale puisque l'Etat lui-même montrait le mauvais exemple en pratiquant la fuite en avant.
    Il n'était pas fatal non plus d'inciter les syndicats médicaux à demander ces fameux « espaces de liberté » qui ne sont rien d'autre que la fin de l'opposabilité des tarifs de sécurité sociale. C'est pourtant ce que vous avez fait, monsieur le ministre, à l'université d'été de la CSMF voilà un an à peine, tout comme M. Douste-Blazy dans la presse médicale en février dernier. La Caisse nationale d'assurance maladie, vous-même, monsieur le ministre, se trouvait dès lors dans l'impossibilité de négocier avec les professionnels de santé une nouvelle convention et d'obtenir des avancées substantielles dans la maîtrise médicalisée.
    Il n'est également pas fatal, mes chers collègues, de relayer le discours de certains laboratoires pharmaceutiques sur le coût croissant, que nous devrions prendre en charge, d'innovations dont on aimerait qu'elles soient plus nombreuses et plus sûres. Faute de temps, je ne peux énumérer l'ensemble des décisions qui n'ont fait qu'accentuer les difficultés structurelles de l'assurance maladie, que nous ne nions pas. Par penchant idéologique - et ce nest pas un reproche -, vous avez fait le choix du laisser-faire qui, au moins dans le domaine de la santé, ne conduit qu'à plus d'irresponsabilité et de gaspillage.
    Mais aujourd'hui le temps n'est plus au rêve des dérégulations douces et de la privatisation rampante. Vous avez laissé se dégrader la situation à un point que vous-même ne soupçonniez pas. La crise est là, et si la facilité électoraliste, qui mine l'esprit de réforme, vous conduit à reporter d'un an l'aveu criant des échecs de votre politique, le Gouvernement aurait tort de croire que les Français sont dupes. Nos concitoyens savent qu'ils devront non seulement supporter le coût des mesures qui figurent dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, soit plus d'un milliard d'euros transférés sur le dos des assurés, mais qu'il leur faudra sortir leur chéquier une seconde fois en septembre prochain pour régler les 30 milliards d'euros de dettes accumulées pendant les années 2002, 2003 et 2004. A eux seuls les intérêts représenteront plus de 800 millions pour l'assuré français.
    Enfin, vous ne manquerez pas d'en appeler au sens des responsabilités, comme vous dites, en présentant une troisième facture, celle des dérives programmées de 2005, plus de 15 milliards d'euros selon toute vraisemblance.
    Nul retour miraculeux de la croissance ne pourra vous soustraire, non plus que les assurés et les contribuables français, à cette dramatique situation. Certes, dans votre logique de fuite en avant, il sera possible d'« immortaliser » la CRDS en demandant à nos petits-enfants de payer l'absence de courage d'une majorité qui n'a jamais eu autant de pouvoir, comme l'a rappelé l'un de vos amis, M. Bayrou.
    M. Yves Bur. Ne parlez pas trop tôt !
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est la vérité, mon cher collègue, mais vous différez les réformes, quitte à faire payer le prix de ce retard aux Français.
    La situation financière n'est toutefois pas la seule raison de notre inquiétude et de notre mécontentement.
    Notre pays a connu cet été un drame de santé publique sans équivalent depuis de nombreuses années. Mon propos n'est pas de revenir sur les responsabilités de tel ou tel mais, à tout le moins, de savoir comment réagir. Or le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne tire aucune conclusion et ne comporte rien qui soit de nature à rassurer nos concitoyens. Pourtant, en septembre, on invoquait l'urgence pour réunir une mission parlementaire dont les préconisations seraient intégrées au projet de loi de financement de la sécurité sociale ainsi qu'au projet de loi relatif à la politique de santé publique. Que constatons-nous ? Rien ou presque dans le second texte, si ce n'est la définition de nouvelles statistiques de mortalité ! Rien non plus dans le premier et, pour combler ce vide, des annonces précipitées, contradictoires, incertaines, en tout cas injustes sur le fameux lundi de Pentecôte. Une telle décision aura des effets sociaux parfaitement critiquables et ses effets économiques seront vraisemblablement désastreux en matière d'emploi. En outre, elle n'apporte pas de réponse à la hauteur de ce que nos concitoyens sont en droit d'attendre, notamment les plus âgés d'entre eux.
    Alors, qu'attendre de mesures sans cesse retardées, qui ne sont pas inscrites dans les projets de loi, ni contrôlées par le Parlement, quand chacun sait que 2004 sera l'année des coupes claires dans les budgets de l'Etat et de la sécurité sociale ? On a beau jeu de multiplier les annonces et les plans, mais tant que rien ne figure dans la loi, que rien n'est débattu devant le Parlement, il ne reste que des paroles sans lien avec la réalité. D'où une méfiance croissante entre les gouvernants et nos concitoyens, comme le prouvent les interventions répétées des personnels travaillant aux urgences.
    Je vous suggère donc, et ce n'est qu'un début, de commencer par rétablir ce que vous avez mis à mal l'an dernier : l'APA, bien sûr, ainsi que la médicalisation des maisons de retraite. Il y a en effet urgence à rendre crédible la politique en faveur des personnes âgées. A cet égard, il ne suffit pas que tel ou tel personnage de l'Etat apparaisse dans les émissions d'une télévision de service public toujours prête à faire plaisir aux puissants...
    M. Bruno Gilles, rapporteur. Nous n'avons pas regardé les mêmes chaînes !
    M. Jacques Domergue et M. Guy Geoffroy. C'est ridicule !
    M. Jean-Marie Le Guen. Mes chers collègues, ce qui est ridicule, ce sont les lourdes opérations de communication, comme les « pièces jaunes », qui servent de session de rattrapage aux responsables de l'Etat, qui ne sont pas présents quand il faut mais viennent quelques semaines après manifester dans la petite lucarne leur profonde compassion. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    En réalité, les Français, et tout particulièrement les plus âgés, ont été particulièrement choqués cet été de l'absence de réaction du Président de la République. Voilà un événement politique qui a marqué les Français !
    M. Guy Geoffroy. Quelle audace !
    M. le président. Monsieur Le Guen, restez dans le sujet, s'il vous plaît !
    M. Jean-Marie Le Guen. D'une façon plus générale, le Gouvernement aurait pu tirer de la catastrophe de cet été la conclusion que la santé publique méritait une attention particulière et qu'il n'est jamais bon de la négliger. Vous vous étiez engagé, monsieur le ministre, et nous vous faisions crédit, à présenter un projet de loi de santé publique en ce sens. Mais votre texte qui aurait dû nous rassembler, en a déçu beaucoup, non seulement dans les rangs de l'opposition, mais aussi dans ceux de la majorité.
    M. Guy Geoffroy. C'est facile !
    M. Jean-Marie Le Guen. Votre politique de santé publique, qui a un rapport direct avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale, a oublié la lutte contre l'alcoolisme. La lutte contre l'épidémie d'obésité a été confiée au ministre chargé du commerce. Nous sommes extrêmement rassurés ! Et celle contre la toxicomanie au ministre de l'intérieur. Là, pour tout dire, nous sommes plutôt inquiets.
    Ces renoncements, dont je ne veux pas croire qu'ils correspondent à vos propres choix, traduisent l'affaiblissement de votre ministère et sanctionnent les échecs de la politique de l'ensemble du Gouvernement. En effet, tant les résultats - qu'il s'agisse des déficits ou des échecs de la santé publique - que l'absence de réforme, ou les principes qui ont inspiré votre action, résultent de choix collectifs. C'est bien l'ensemble de la majorité qui, guidée par une vision libérale de la protection sociale, théorise aujourd'hui tout à tour sur le « petit risque » et le « gros risque », sur la nécessaire responsabilisation des Français, et qui amorce des dérapages incertains à propos de la pratique du ski.
    Vos penchants libéraux vous paralysent parce qu'ils sont en contradiction avec les aspirations majoritaires du pays, et ils vous amènent à concevoir la réforme de la protection sociale essentiellement en termes de recul et de démantèlement.
    Mais, il faut le reconnaître, votre action est aussi hantée par le souvenir de la réforme Juppé, qui vous empêche, vous et votre majorité, de tenir un discours rationnel aux professions médicales. Marquée par une sorte de péché originel, la droite vit en permanence avec sa culpabilité vis-à-vis des professions de santé, incapable de les appeler à la mobilisation, à l'effort, effort qu'il faut demander à tous les acteurs du système de santé. Parce que vous avez été profondément traumatisés par le reniement de votre discours de 1995, vous n'êtes plus en état aujourd'hui de tenir un discours rationnel sur lequel pourrait se fonder un contrat de progrès pour l'ensemble de notre système de santé et dans lequel les professionnels de santé prendraient toute leur place.
    Vous avez tort de ne les voir qu'à travers le prisme d'une petite minorité exaltée qui, par tradition, n'a jamais accepté l'idée de sécurité sociale et est prête à se jeter, de façon parfaitement irresponsable, dans les bras des assureurs. Elle ne comprendra malheureusement que trop tard qu'ils sont autrement moins chaleureux que la sécurité sociale.
    M. Jean Michel. Très juste !
    M. Jean-Marie Le Guen. La grande majorité des professionnels de santé traverse une période difficile, nous le savons, qui tient au bouleversement considérable des pratiques. Les moderniser avec le concours des professionnels constitue l'une des réformes qui sont devant nous. Mais il faudra pour ce faire leur tenir un discours de vérité et de rationalité.
    Oui, la confiance et le dialogue doivent fonder les relations entre les professionnels et les pouvoirs publics. Mais il faut avoir le courage de leur tenir un langage de vérité. Vous en êtes loin, monsieur le ministre, depuis la campagne électorale et les dix-huit derniers mois. Et votre fameux pari de la confiance ne correspond pas à la réalité. Dans nos discussions sur la formation médicale continue ou d'autres questions, il faut se souvenir qu'en tant que responsables de la qualité des soins, nous avons un objectif de résultat et que nous ne pouvons pas nous contenter d'un objectif de moyens. La tâche qui nous attend est clairement de permettre une prise de conscience.
    Mais vos aspirations libérales, qui vont à l'encontre de la volonté de la majorité du peuple français, au moins en matière de protection sociale, sont la source de vos difficultés politiques. Ainsi, faute de pouvoir engager un dialogue serein avec les professionnels de santé - vous êtes toujours prêt à donner satisfaction à l'aile la plus extrémiste - vous êtes conduits à une forme d'impuissance politique. Pour combler le décalage entre la réalité et votre véritable action, vous en êtes réduits à la mystification.
    M. Jean-Marie Geveaux. Caricature !
    M. Jean-Marie Le Guen. En attendant le moment de vérité qui ne manquera pas d'arriver, les déficits s'aggravent, la situation se dégrade, le discours ne peut que masquer la réalité ou tout au plus différer des choix qui devront être faits un jour ou l'autre.
    Au lieu d'engager la réforme, vous êtes tenus à la mystification.
    Je vais prendre quelques exemples.
    Vous nous dites ne vouloir ni étatisation ni privatisation. Or monsieur le ministre, vous faites tout le contraire ! Votre politique, c'est à la fois l'étatisation et la privatisation !
    Celle-ci se retrouve à tous les niveaux même si elle est plus ou moins visible. Que faites-vous d'autre que privatiser en transférant sur les ménages, systématiquement et par tous les moyens possibles, le coût des soins ? Libre à eux ensuite de s'assurer, ou plutôt de payer des cotisations complémentaires toujours plus chères : plus de 20 % depuis que vous êtes arrivé au gouvernement ! Les décisions se succèdent : déremboursement de certains médicaments, baisse du taux de remboursement pour d'autres, mise en place du tarif forfaitaire de responsabilité à la charge du patient, hausse du forfait hospitalier. La liste des transferts massifs que vous opérez sur le dos des assurés est longue ; elle est pourtant loin d'être close, chacun le sait : les petits risques, les gros risques, le panier de soins sont autant de litotes qui cachent les raisons qui conduisent à souscrire un contrat d'assurance. La logique de privatisation sous-tend aussi certaines dispositions concernant l'hôpital qui renforcent l'appel au privé en matière de financement ou de gestion des structures publiques. Il faut aussi rappeler le sous-financement dont sera victime cette année l'hôpital public.
    La TTA : non pas dans son principe, comme l'a souligné Claude Evin, mais dans l'utilisation que vous en faites pour faire converger le secteur public et le secteur privé, porte en germe la possibilité de privatiser notre appareil hospitalier ou, plus vraisemblablement, sa partie la plus rentable. De même, les organisations syndicales et les gestionnaires des caisses d'assurance maladie se sont émus à juste titre de la perspective de la création d'une branche séparée de la sécurité sociale pour tous les problèmes de la dépendance et du handicap. Ils se sont également inquiétés de l'apparition, ici ou là, d'un « ONDAM personnes âgées ». En effet, chacune de ces initiatives participe d'une ségrégation du risque contraire à la solidarité, contraire à l'efficacité de la politique de soins, et potentiellement porteuse d'une gestion séparée, préparatoire à une privatisation du risque.
    M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le président, les députés de la majorité n'arrêtent pas de parler, faites les taire !
    M. le président. Poursuivez, monsieur Le Guen. Ne vous laissez interrompre ni par les parlementaires de la majorité ni par vos amis !
    M. Jean-Paul Bacquet. Ils pourraient au moins respecter l'orateur ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Marie Le Guen. La TTA présente donc des dangers sur lesquels nous reviendrons.
    Cette logique de privatisation ne demande qu'à s'amplifier si l'on en croit les discours récurrents des principaux responsables de la majorité. Il est clair qu'ils ont l'intention, au nom de la pédagogie, de faire de 2004 l'année de la promotion des privatisations pour résoudre le problème des assurances-maladie. Or la privatisation implique non seulement un surcroît des prélèvements qu'acquittent les Français, mais aussi, pour les plus fragiles d'entre eux, le risque de devoir renoncer aux soins.
    Il peut paraître étrange que j'évoque à la fois privatisation et étatisation. En fait cela n'a rien d'étonnant car, dans le domaine de la santé, les deux notions, loin de s'opposer, peuvent être utilisées complémentairement dans le même but. Nous le constatons dans tous les pays qui ont choisi l'une ou l'autre de ces voies. Ainsi lorsque le choix d'un système d'assurance privée a été privilégié, comme dans le cas bien connu des Etats-Unis, il est nécessaire, pour sa rentabilité même, qu'il soit possible de se défausser sur l'Etat d'une politique du minimum sanitaire destiné aux plus pauvres et aux plus âgés. Tel est le cas avec les dispositifs Medicare et Medicaid. A l'inverse, dans les systèmes étatisés à l'origine, comme celui de la Grande-Bretagne, la budgétisation et le rationnement, même relatif, qu'il implique, entraînent le développement d'un secteur privé qui vient satisfaire la demande des plus favorisés.
    Le système français et le système allemand, quant à eux, privilégient une assurance sociale - hier professionnelle, aujourd'hui de plus en plus universelle - qui refuse, pour l'essentiel, les systèmes de gestion du risque à plusieurs vitesses et qui traite chacun comme un semblable.
    L'étatisation ne fait donc pas peur aux libéraux en matière de santé. Elle est d'ailleurs souhaitée par le MEDEF lui-même qui, après nous avoir expliqué qu'il voulait sortir de l'assurance-maladie, en prenant prétexte de la mise en place des 35 heures - à l'exception de la gestion des accidents du travail pour des raisons faciles à comprendre quand on voit ce qu'il a fait, par exemple, au niveau du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante - a fait des déclarations solennelles, en expliquant qu'il était pour l'étatisation, car il appartenait à l'Etat de s'occuper de la sécurité sociale. Celle-ci ne devrait pas relever des assurances sociales ; le paritarisme n'aurait rien à voir avec cela ! La preuve est faite, me semble-t-il, de la volonté réelle du MEDEF et l'on voit bien comment étatisation et privatisation fonctionnent ensemble.
    Dès lors, on ne s'étonnera pas non plus, monsieur le ministre, de l'exaltation du rôle de l'Etat, qui a été un peu votre refrain dans la loi de santé publique, allant bien au-delà des seuls impératifs de sécurité sanitaire ou de prévention. Nous avons eu l'occasion d'en discuter plusieurs fois, en particulier en débattant de la mise en place des groupements régionaux de santé publique. On retrouve d'ailleurs cette logique d'étatisation rampante, plusieurs fois répétée, dans de nombreux textes du Gouvernement : loi de décentralisation, loi sur la rénovation urbaine, loi sur les territoires ruraux. A chaque fois, au plan principiel, l'Etat central ou l'Etat décentralisé s'approprie un rôle jusque-là dévolu aux partenaires sociaux.
    Face à cette logique, qui a, reconnaissons-le, monsieur le ministre, conduit vos travaux et la plupart des rapports que vous avez commandés, le Président de la République semblait avois mis un frein au moins dans son discours tenu à Toulouse, lors du congrès de la mutualité. L'ambiguïté atteint désormais un tel niveau que, une fois de plus, nous sommes amenés à parler de mystification. Toutefois, on peut penser que l'année qui vient vous amènera, ou amènera le Président de la République à trancher concrètement d'une façon plus claire.
    Il y a encore mystification, nous le regrettons, dans l'annonce répétée de mesures exceptionnelles prises pour tenter de répondre aux insuffisances criantes de notre système de santé et aux demandes de nos concitoyens. Je veux parler du plan cancer, du plan Hôpital 2007, du plan pour la périnatalité, du plan pour la psychiatrie, et je n'ai pas la possibilité de tenir à jour la liste de toutes vos promesses. En revanche, j'essaie d'analyser comment tous ces plans seront mis en oeuvre et financés. J'ai ainsi constaté que, de toutes ces annonces, seul le plan Hôpital 2007 a reçu un début de financement.
    M. Guy Geoffroy. Et l'APA ?
    M. Jean-Marie Le Guen. Il faut dire que celui-ci est assuré par la sécurité sociale et que l'Etat, tout en s'appropriant la mesure, a transféré le financement de l'investissement hospitalier sur l'ONDAM. Il ne fait donc que récupérer des dépenses qu'il a amorcées en empruntant et qui seront en fait assurées par la sécurité sociale des années futures.
    On pourrait aussi trouver, il faut le reconnaître, une trace de financement du plan cancer dans l'enveloppe de l'ONDAM attribuée aux réseaux. Encore faudrait-il ne pas prendre en compte en même temps le plan cancer et le financement des réseaux en comptant deux fois les mêmes sommes.
    Pour le reste, aucun crédit ne figure ni dans le budget de l'Etat ni dans celui de la sécurité sociale pour traduire les engagements que vous avez pris. Tout au contraire, la progression de 4,2 % que vous prévoyez pour l'ONDAM hospitalier est insuffisante pour assurer le financement de nos hôpitaux à un niveau constant, avant même que ceux-ci n'aient à assurer le plan urgences ou le plan périnatalité. Comment donc pourrez-vous honorer vos engagements ?
    Le processus de mystification ne s'arrête pas là. Il concerne aussi le discours sur la responsabilité. Pourtant le principe de responsabilité pourrait constituer, s'il était appliqué équitablement, l'une des ressources possibles et fondamentales de la nécessaire réforme de notre système de santé. Encore faudrait-il qu'il s'applique effectivement à tous les acteurs et non pas aux seuls assurés. Encore faudrait-il que le discours de la responsabilisation soit autre chose que le faux nez de la pénalisation des patients et de la privatisation de notre assurance maladie. Abusant ainsi des mots, vous prenez le risque de la défiance, laquelle pourrait rendre demain toute réforme impossible.
    Voyons maintenant comment vos principes généraux sont utilisés dans ce projet de loi.
    Pénalisation, d'abord, privatisation, ensuite, marquent la pente que suit votre politique. En effet plus d'un milliard du 1,2 milliard d'euros d'économies possibles sera assumé par les assurés. Cela fera augmenter les cotisations complémentaires de plus de 10 %, ce qui représentera une hausse de 20 % en trois ans. Ce choix récompense bien mal ceux qui ont montré leur bonne volonté à votre égard et qui, comme le mouvement mutualiste, sont aujourd'hui les premiers à devoir assumer les conséquences de votre politique. Il met aussi un terme à la gratuité pour les plus pauvres, qui seront les premières victimes de la hausse de 20 % du forfait hospitalier et de la fin de la gratuité des soins post-opératoires.
    Outre les cinquante mille bénéficiaires de l'aide médicale, les premiers pénalisés seront ceux que leur revenu situera juste au-dessus du seuil de la CMU, alors que, il y a quelques années, vous n'aviez pas de propos assez compatissants à leur égard. Vous souligniez alors que la CMU méritait d'être condamnée, parce que ceux qui étaient juste au-dessus du seuil ne pourraient pas en bénéficier ! Or, désormais, monsieur le ministre, les bénéficiaires du minimum vieillesse, de l'allocation adulte handicapé, les très petits salaires, seront les plus pénalisés par votre politique et par les augmentations du ticket modérateur que vous mettez en oeuvre. L'effet de seuil que vous critiquiez fortement hier va se transformer, sous le coup des mesures que vous prenez, en effet de gouffre.
    Injustes socialement, ces choix sont également dangereux pour la santé publique. La majorité ne semble pas comprendre que les bénéficiaires de l'AME, M. Fillon l'a rappelé, auront tendance, s'ils ne sont pas pris en charge dans des conditions particulières dans les hôpitaux, à renoncer aux soins devant les barrières financières que vous dressez. Ils vont donc représenter non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour leur environnement, un risque d'aggravation sanitaire. Cette considération d'ordre public doit être prise en compte, car si l'AME est d'abord une mesure de sécurité sanitaire elle est aussi, parfois, une politique humanitaire. A cet égard il est heureux que la France ait en la matière une position généreuse. Je veux bien que M. Sarkozy répète à l'envi qu'il va lutter contre l'immigration clandestine.
    M. Guy Geoffroy. Enfin !
    M. Jean-Marie Le Guen. Dont acte, même si l'on peut diverger sur les mesures utilisées. Néanmoins l'appareil sanitaire français ne doit-il concerner pour autant que des populations assurées ou ne faut-il pas qu'il ait aussi pour vocation, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité sanitaire, de traiter les malades présents sur notre sol, sans se préoccuper de leur statut social ou de leur citoyenneté ? Telle est la question ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jacques Domergue. On ne peut pas accueillir toute la misère du monde : c'est un socialiste qui l'a dit !
    M. Jean-Marie Le Guen. Bien entendu, mon cher collègue, mais, en la matière, le message de la France doit être ambitieux et volontariste. Lorsque nous envoyons des équipes sanitaires en Algérie ou dans le monde entier, lorsque de jeunes collègues - vous-même peut-être, mon cher collègue ? partent gratuitement soigner la misère dans le monde, cela correspond à la grandeur du message de la France au niveau international. En tout cas, telle est la vision que nous devrions avoir.
    M. Jacques Domergue. On peut faire de l'humanitaire en France !
    M. Jean-Marie Le Guen. Non, en France, nous avons un système de sécurité sociale et l'assurance maladie.
    Mme Catherine Génisson. Absolument !
    M. Jean-Marie Le Guen. Nous ne devrions donc pas avoir à faire de l'humanitaire. Nous avons précisément créé la CMU parce que nous voulions sortir de la logique humanitaire, de la logique charitable. Avec la CMU, avec la sécurité sociale, nous sommes dans une logique de droit à la santé ; ce n'est pas la même chose.
    De ce point de vue, il est faux de prétendre, comme l'a fait tout à l'heure M. Fillon, que certains de ceux qui bénéficient de l'AME auraient des droits supérieurs aux Français ou aux résidents bénéficiant de la CMU ou de l'assurance sociale.
    M. Jean-Luc Préel. Passons aux propositions !
    M. Jean-Marie Le Guen. Cela n'est pas exact : l'AME n'a jamais été, même si elle ne comporte pas un ticket modérateur, un droit à la santé équivalant à la CMU ou à la sécurité sociale. Prétendre cela est même légèrement démagogique. Au moment où certains extrémistes vont faire campagne sur le thème que le déficit de la sécurité sociale est dû aux étrangers en situation irrégulière, reprendre cet argument comme l'a fait M. Fillon et lui donner corps dans cet hémicycle alors que nous savons que cela ne correspond à la réalité ni en termes de chiffres ni en termes de droits sociaux, c'est prendre des responsabilités politiques dommageables.
    M. Bruno Gilles, rapporteur. Vous sortez cela du contexte !
    M. Jean-Marie Le Guen. Je ne crois pas ! A la question posée par un collègue de l'opposition sur l'AME, M. Fillon a répondu qu'il fallait diminuer les droits de l'AME, afin d'éviter que ceux qui en bénéficient aient des droits supérieurs à ceux des citoyens français. Sa réponse a été claire ! Ce faisant, il a d'ailleurs commis une erreur, car les droits ouverts au titre de l'AME ne sont pas équivalents malgré l'absence de ticket modérateur.
    M. Bruno Gilles, rapporteur. A-t-il tort ?
    M. Jean-Marie Le Guen. Je me suis expliqué et chacun en tirera les conclusions.
    M. Jean-Luc Préel. Venons-en aux propositions !
    M. Jean-Marie Le Guen. Je vais y venir.
    M. Yves Bur. Ce serait une révélation qu'il fasse des propositions !
    M. Jean-Marie Le Guen. Cette recherche risquée de fausses économies se retrouve aussi dans la stigmatisation de l'homéopathie. A cet égard, l'économie espérée est franchement dérisoire : 70 millions d'euros au regard des déficits que vous maniez à la pelle mécanique. (Sourires.)
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Cent fois 70 millions cela représente 7 milliards !
    M. Jean-Marie Le Guen. De plus, cette baisse de remboursement risque surtout d'opérer des transferts sur d'autres prescriptions beaucoup plus chères, et de saper au moins partiellement la légitimité de notre système de protection sociale, qui refuserait ainsi de reconnaître un certain rapport à la santé, peut-être fragile scientifiquement, mais qui n'est, en l'occurrence, contesté que pour des raisons financières et pas dans son fondement, dans sa racine, puisque vous ne faites que baisser le remboursement. Cette confusion permanente nous conduit tout droit dans une impasse. Certes, ces patients auront la possibilité de contracter des assurances privées, adaptées à leur filière de soins. Mais n'est-ce pas là, au fond, une opportunité qui vous semble tout à fait légitime ?
    Je vais maintenant traiter brièvement de deux mesures phares de votre projet, même si elles ne figurent pas explicitement dans ce texte. Je veux parler du problème des affections de longue durée et des indemnités journalières.
    En ce qui concerne d'abord les ALD, il s'agit de limiter l'exonération du ticket modérateur dont bénéficient les malades les plus gravement atteints ; cette fois, il ne s'agit pas d'étrangers. Certes, il faut sans doute reconsidérer le processus de mise en oeuvre des soins dont bénéficient ces malades et les filières de soins qu'ils suivent. A cet égard, une gestion dynamique du risque par pathologie devrait permettre d'améliorer et de rationaliser la prise en charge de ces patients.
    M. Yves Bur. Tout cela pour dire qu'il faut responsabiliser les patients. Quel langage technocratique !
    M. Jean-Marie Le Guen. Je vous fournirai un lexique, mon cher collègue.
    Néanmoins, votre démarche, qui, une fois de plus, privilégie la pénalisation, n'est pas la bonne : la volonté de traiter cela par la loi est une véritable caricature. En effet, non seulement votre projet est inapplicable en l'état - d'ailleurs vous l'avez reconnu vous-même, n'est-ce pas, monsieur le rapporteur ? (M. Bruno Gilles acquiesce.) A tel point que vous avez déposé un amendement sur ce sujet - ...
    M. Bruno Gilles, rapporteur. Un excellent amendement !
    M. Jean-Marie Le Guen. ... mais en outre il traduit, en se substituant au nécessaire dialogue entre les caisses et les professionnels de santé, une démarche d'étatisation, que j'ai déjà évoquée, et une rigidification de notre système. C'est donc à juste titre que la commission a rejeté cet article.
    Il est une autre mesure qui, bien que ne figurant pas en tant que telle dans le texte, constitue un temps fort des restrictions que vous voulez mettre en oeuvre et illustre bien, au-delà des problèmes de l'assurance maladie, la philosophie sociale de ce gouvernement : je veux parler des indemnités journalières.
    En réalité, le contexte social et populationnel dans lequel s'inscrit leur augmentation, laquelle est clairement établie par la Cour des comptes, doit être appréhendé comme le symptôme d'un mal à la fois plus général et plus profond, qui révèle les insuffisances de la politique sociale du Gouvernement dans son ensemble.
    M. Yves Bur. Elles ont augmenté bien avant !
    M. Jean-Marie Le Guen. Certes, mon cher collègue, vous le savez d'autant mieux que c'est contre cela que vous vous mobilisiez !
    M. Yves Bur. Ce sont les conséquences de la politique sociale du précédent gouvernement !
    M. Jean-Marie Le Guen. Elles ont commencé à augmenter à partir de 2000.
    En fait le contexte est caractérisé par la disparition de facto des politiques de préretraite avec la suppression des plans de préretraite, lesquels, malgré les déclarations et les bonnes intentions du ministre des affaires sociales, n'ont pas été remplacés. Rappelons-nous ses déclarations du mois de juin. Bien que nous l'ayons interpellé à plusieurs reprises sur cette question, il n'a, depuis, pris aucune initiative. Je vais donc vous en suggérer un certain nombre.
    M. Bruno Gilles, rapporteur. Ah !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Enfin !
    M. Yves Bur. Oui, cela va être intéressant !
    M. Jean-Marie Le Guen. De fait, on observe non seulement une aggravation du chômage des plus de cinquante ans, singulièrement pour les chômeurs de longue durée, mais aussi une précarisation croissante des salariés de plus de cinquante ans, surtout pour ceux qui accomplissent des tâches pénibles et dont on sait que, le plus souvent, l'état de santé et l'espérance de vie sont moindres par rapport à d'autres catégories de la population.
    Avant de vouloir faire la police, il faut savoir de quels délinquants on parle : je répète donc que les Français de plus de cinquante ans, et effectuant les travaux les plus pénibles, sont les plus précarisés.
    M. Yves Bur. C'est vous qui parlez de délinquants, ce n'est pas nous !
    M. Jean-Marie Le Guen. Un objectif de votre politique de réduction des coûts de l'assurance maladie est de les sanctionner. C'est donc bien l'organisation de l'activité de fin de cycle, notamment l'absence d'un système progressif de départ à la retraite, en particulier pour ceux qui exercent un travail pénible, qui est en cause, et non un quelconque laxisme de la part des médecins et des caisses d'assurance maladie.
    Les conditions de licenciement, le travail et ses cadences intensives, le risque de chômage, le stress qui en résulte, le caractère infinitésimal du nombre de salariés de plus de cinquante ans qui bénéficient du dispositif de cessation d'activité liée à la pénibilité du travail - 1,5 % des 2 millions de salariés de plus de cinquante ans - produisent quasi mécaniquement une augmentation proportionnelle de la pression exercée sur ces travailleurs, pression dont on imagine les conséquences sur l'état de santé - que la plupart d'entre vous connaissent - et les médecins traitants ne peuvent que constater. Or cette pression ne peut être relâchée que par la prescription d'indemnités journalières.
    Voilà pourquoi le problème lié à l'augmentation des indemnités journalières ne peut être réglé par le seul renforcement du contrôle médical. Ce serait faire jouer aux médecins un rôle qui n'est pas le leur et oublier la réalité sociale et sanitaire à laquelle ils sont confrontés. Il faut élargir la focale et cesser d'appréhender les problèmes sans distance en proposant des recettes à courte vue.
    M. Yves Bur. Tout à fait d'accord !
    M. Jean-Marie Le Guen. Ainsi, au lieu d'accabler les médecins ou les patients en invoquant, par un discours de culpabilisation facile, je ne sais quels abus ou privilèges supposés, le Gouvernement devrait s'interroger sur les causes de cette tension et prendre les initiatives appropriées. Il n'est plus possible de contourner le problème structurel lié à l'« employabilité » - on me pardonnera le terme - et à la pénibilité du travail. C'est le sens d'un des amendements que nous avons déposés. Pourquoi le Gouvernement ne prendrait-il pas l'initiative d'organiser dès maintenant une conférence tripartite avec les partenaires sociaux, MEDEF compris, sur l'emploi et les conditions de travail des plus de cinquante ans ? Ce serait tout à la fois plus simple et plus efficace. Et dans ce cadre, la question des indemnités journalières pourra être traitée. Ce serait d'ailleurs la preuve que les discours du Gouvernement sur le dialogue social connaissent un début de réalisation.
    Je peux comprendre la position de ceux qui gèrent l'assurance maladie. A les entendre, celle-ci n'a pas à gérer les questions sociales. Soit. Mais alors, par précaution et par compassion, qu'ils confient la résolution de ce problème à ceux qui sont en charge des domaines sociaux au lieu de demander au contrôle médical des caisses ou aux médecins de sévir contre ces travailleurs !
    Alors même que nous venons de connaître le drame de la canicule, monsieur le ministre, votre texte ne comporte aucune mesure en direction des personnes âgées. Premières victimes de l'été, les personnes âgées seront également les premières victimes des déremboursements que vous avez décidés. Le débat nous donnera l'occasion de revenir longuement sur cette question. Sans doute me répondrez-vous qu'un plan nous sera présenté d'ici à quelques jours ou à quelques semaines. Reste qu'il est difficile de débattre d'une politique et d'un texte dont on a vidé les éléments essentiels afin de les exclure du débat parlementaire. Mais cela ne nous empêchera pas, soyez-en certain, monsieur le ministre, de nous sentir concernés par ces questions, et nous ne manquerons pas de vous présenter des propositions visant à améliorer la prise en charge sociale et médico-sociale des personnes âgées.
    Mon collègue Claude Evin est déjà intervenu sur la question de la T2A. La réforme de l'hôpital est fondamentale.
    M. Yves Bur. En effet !
    M. Jean-Marie Le Guen. Reste que nous ne voyons rien venir pour ce qui touche à la réforme de la gouvernance. A plusieurs reprises, monsieur le ministre, vous avez dit espérer une coopération entre la majorié et l'opposition dans des domaines que vous voudriez consensuels - mais, reconnaissons-le objectivement, difficiles à trouver ! En l'occurrence, voilà plus de huit mois que notre collègue Couanau vous a remis un rapport sur la réforme de la gouvernance à l'hôpital. Ce rapport a reçu l'approbation écrite du groupe socialiste. Qu'a-t-on mis en oeuvre depuis ?
    M. Yves Bur. Cela va venir !
    M. Jean-Marie Le Guen. Ne croyez-vous pas qu'à tergiverser ainsi, vous allez désespérer toutes les bonnes volontés ?
    Revenons-en à la T2A. Vous avez raison de mettre en oeuvre cette réforme, mais pourquoi prendre dix ans pour le faire ? Essentiellement pour des raisons politiques et psychologiques vis-à-vis des personnels de l'hôpital public, tout simplement parce que vous vous fixez comme orientation de faire converger les méthodes de tarification du public et du privé. Un tel principe est dangereux et rendra impossible la mise en oeuvre de la tarification à l'activité. Il n'est pas de nature à mobiliser les personnels de l'hôpital public. Il correspond à une philosophie que je peux comprendre et que plusieurs de nos collègues ont rappelé cet après-midi : mettre en concurrence le public et le privé. Or il n'est ni possible ni souhaitable de mettre le public et le privé en concurrence. Chacun a sa logique et ses avantages. Mais essayer de les faire converger au nom de la bonne gestion n'est pas une bonne politique. Nous devons être exigeants sur la gestion de l'hôpital public. A cet égard, la mise en oeuvre de la tarification à l'activité dans l'hôpital public est parfaitement légitime et même urgente et nécessaire. Nous l'avons toujours appelée de nos voeux. Mais à vouloir dans le même temps opérer cette convergence, vous courez le risque de le faire échouer.
    Quelques mots rapides sur le volet famille. On a cru un instant à l'instauration d'une nouvelle prime de naissance de 800 euros alors qu'il s'agit en fait de verser en une seule fois les cinq mensualités existantes d'allocation au jeune enfant. De la même façon, la PAJE, loin d'être la grande mesure que vous annoncez, n'est rien d'autre qu'un nouvel habillage des prestations existantes. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours du débat.
    Sur les retraites, peu de choses à dire, vous-mêmes en dites tellement peu dans ce texte - pas plus que sur les personnes âgées ! Notre collègue Paulette Guinchard-Kunstler vous a déjà fait part de nos orientations sur ce sujet.
    J'en viens donc à ma conclusion,...
    M. Gérard Bapt. Déjà !
    M. Jean-Marie Le Guen. ... pour vous présenter nos propositions pour les mois et les années qui viennent.
    M. Richard Mallié. Il serait temps !
    M. Yves Bur. On en a encore pour une heure !
    M. Jean-Marie Le Guen. A peu près... Si j'étais de la majorité, je vous dirais : « Vous en avez encore pour dix-huit mois ! » Alors accordez-moi une heure !
    Le texte que vous nous présentez ne me semble en rien correspondre, je l'ai dit, aux exigences de l'heure. Vous avez décidé de lancer, non sans atermoiements, la réforme de l'assurance maladie et de notre système de santé : nous aurions tort de dire qu'il s'agit de réformer seulement l'assurance maladie. La question est au moins autant de réformer notre système de santé que celui de l'assurance maladie. Nous ne serons donc pas absents de ce débat, non seulement pour apporter la critique, comme c'est le rôle naturel de l'opposition, tant sur votre politique en général que sur certains aspects de votre projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais également pour vous présenter les propositions que nous croyons nécessaires pour mener à bien la réforme de l'assurance maladie et de notre système de santé. Car il serait erroné, je le répète, de traiter l'un sans l'autre, tout comme de nier l'urgence du problème.
    (M. Marc-Philippe Daubresse remplace M. François Baroin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE
DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. Jean-Marie Le Guen. Nous sommes conscients des faiblesses et des difficultés de notre système de santé. J'ai voulu montrer quelle est votre responsabilité dans la situation actuelle, mais je n'oublie pas pour autant les difficultés auxquelles nous sommes tous confrontés, c'est-à-dire la part structurelle de ce déficit, incontestable, et le caractère extrêmement délicat des réformes auxquelles nous ne pouvons nous soustraire.
    Affirmer des mesures concrètes de santé publique, c'est ainsi que vous aviez commencé à présenter l'orientation de votre politique. Nous partagions ce point de vue, mais à cet égard, notre réception n'en est que plus grande : oui, il faut affirmer des mesures concrètes de santé publique et non se contenter de litanies de bonnes intentions. C'est aujourd'hui le premier défi d'une politique de santé. Seule cette ambition est de nature à légitimer aux yeux de nos concitoyens une politique de santé et d'assurance maladie. Elle passe par l'affirmation de la volonté politique de promouvoir un haut niveau de protection sociale, de légitimer ce choix et d'en tirer toutes les conséquences, en termes de prélèvements, dans une économie qui reste moderne, compétitive et solidaire.
    Des orientations de politique de santé publique et une volonté affirmée d'un haut niveau de protection sociale, tels sont les objectifs que doivent clairement afficher les responsables politiques pour affronter une réforme.
    M. Yves Bur. Nous sommes d'accord !
    M. Jean-Marie Le Guen. Vous êtes d'accord, mais vous gâchez des opportunités. Ainsi, vous laissez passer l'occasion de la loi de santé publique et vous ne faites pas le choix d'un haut niveau de protection sociale. Tout au contraire, vous commencez à pratiquer le déremboursement, à semer le doute et à culpabiliser sans arrêt les Français sur la notion d'assurance. A vous entendre, il serait immoral de prétendre se faire rembourser des soins consécutifs à un accident de ski...
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Oui !
    M. Jean-Marie Le Guen. Comment peut-on défendre une politique de prévention, comment peut-on parler de lutter contre l'obésité et d'inciter nos enfants à faire du sport, et dans le même temps proposer, bien mesquinement, de ne plus rembourser les visites médicales préalables ? Franchement, n'y a-t-il pas là une désarticulation complète des choix politiques ? Je ne parle que des enfants - bien que théoriquement une politique de prévention puisse également concerner les adultes -, mais comment pouvez-vous envisager, comme le fait ce projet de loi, de rendre désormais non remboursables les visites médicales préalables à la pratique d'un sport ? Est-ce cohérent avec un discours sur la prévention ?
    M. Henri Nayrou. Non, ce n'est pas cohérent !
    M. Jean-Marie Le Guen. Très sincèrement, ce genre de décision a de quoi consterner tout un chacun ici. J'aimerais assez entendre les arguments théoriques que vous allez développer sur la responsabilisation des parents et autres pour justifier des mesures aussi iniques et mesquines !
    M. Henri Nayrou. Vingt millions d'euros !
    M. Jean-Marie Le Guen. Parce que nous nous sentons profondément comptables de l'avenir de la santé de nos concitoyens, nous allons faire des propositions, dont je vais essayer, dans le temps qui me reste, de dessiner les axes principaux.
    Je veux insister sur l'importance première de l'affirmation politique de la santé dans notre société, dans la conduite des affaires de l'Etat, ce que nous appelons la santé durable. Cela intègre le concept de santé publique, mais en le dépassant dans la mesure où il s'agit de privilégier non seulement la prévention et les soins, mais bien une action globale de la santé dans notre mode de développement. J'ai eu suffisamment l'occasion d'en parler à l'occasion du projet de loi sur la santé publique, pour ne pas y revenir dans le détail.
    Si nous ne cessons de répéter et de refuser la culpabilisation de l'assuré, nous ne pensons pas pour autant que le système de santé fonctionne bien, et que la seule question soit de trouver les ressources qui lui permettent de perdurer. Nous réaffirmons que le droit à la santé n'est pas le droit à consommer du soin, pas plus que la pénalisation des malades n'est une forme d'éducation à la santé. C'est pourquoi nous voulons affirmer en priorité le principe de qualité pour la réforme de notre système de santé.
    A l'effort de protection sociale que nous souhaitons mettre en place doit correspondre le principe de l'exigence de qualité. Nous pensons en effet que c'est la désorganisation de notre système de soins qui explique tout à la fois l'inflation des actes, le désenchantement des professionnels et la montée de l'insatisfaction des patients. C'est bien la transformation de notre système de soins selon ce principe de qualité qu'il faut privilégier. Cette recherche de la qualité, par ce qu'elle implique en termes de circulation de l'information, de coordination des soins, de professionnalisation accrue des intervenants, est seule de nature à conforter l'efficience de notre système de soins. C'est pourquoi nous vous proposerons par amendement une nouvelle approche de notre système de santé.
    La qualité ne doit plus être présupposée comme elle l'a été pendant des années par la seule garantie de la compétence des professionnels, de leurs diplômes ou de leur bonne volonté. Il ne suffit pas non plus de mettre en place une évaluation a posteriori, comme nous nous y sommes efforcés les uns et les autres pendant des années, avec bien des difficultés. La qualité doit être un principe premier qui doit prévaloir sur toute autre considération.
    Une conférence s'est tenue cet été aux Etats-Unis à la Harvard Medical School, que notre président de commission connaît bien, en présence des membres de l'académie de médecine des Etats-Unis et des principaux bailleurs - des plus conscients en tout cas, à l'exemple de la mutuelle californienne Kaiser Foundation. Certes, le système de santé des Etats-Unis, dans la manière de prodiguer des soins n'est pas totalement comparable au nôtre, mais en reste globalement assez proche. Les résultats de plusieurs enquêtes ont été publiés à cette occasion, qui, toutes choses égales par ailleurs, ne peuvent manquer de nous interpeller : 45 % des patients chroniques reçoivent des soins inappropriés, non conformes aux bonnes pratiques ; 125 000 décès par an sont dus à la non-observance des prescriptions ; le coût annuel des erreurs médicamenteuses s'élève à 177 milliards de dollars. Et les responsables dont je parle sont loin d'être des petits chercheurs isolés dans leur coin !
    Je sais bien qu'en France, nous sommes les meilleurs. Mais n'y a-t-il pas là matière à nous interroger ?
    Conclusion du docteur Fineberg, l'un des intervenants : « Plutôt que de penser que notre système de soins est fondamentalement bon et cependant générateur d'erreurs, nous devrions penser que tout système produit les résultats inhérents à sa conception. Si nous voulons des soins sans erreur, nous devons concevoir et mettre en oeuvre des systèmes capables de protéger contre l'erreur. » Question fondamentale : si nous ne sommes pas capables de mettre en exergue cette préoccupation, jamais nous ne pourrons faire bouger notre système de soins.
    Ce ne sont pas les discours sur la maîtrise qui pourront mobiliser les acteurs. La maîtrise est nécessaire, mais elle ne peut être que le résultat d'une amélioration de l'organisation de notre système de soins. C'est en tout cas ce que désormais, après mûre réflexion, nous croyons profondément.
    Bon nombre de nos collègues ne manqueront évidemment pas de nous ressortir l'argument un peu facile : « Qu'avez-vous fait pendant les cinq ans où vous étiez au pouvoir ? »
    M. Jean-Luc Préel. C'est une très bonne question !
    M. Jean-Marie Le Guen. Outre notre bilan positif en matière de financement, de CMU, et autres, la réponse est simple : pendant cinq ans, nous avons appliqué la réforme Juppé, autrement dit la réforme que vous aviez votée, une réforme dont tout un chacun - vous, bien sûr, mais beaucoup au-delà de vos rangs - assurait qu'elle était excellente. Malheureusement, et n'y voyez aucune intention à polémique vis-à-vis du président de l'UMP, ce n'est pas le sujet de mon intervention.
    M. Guy Geoffroy. On avait compris !
    M. Jean-Marie Le Guen. J'y insiste, parce qu'apparemment vous faisiez partie de ceux qui ne comprenaient pas. Je vous remercie, mon cher collègue, de l'avoir noté...
    Un consensus s'étant dégagé dans notre pays sur l'idée que la maîtrise par enveloppe était de nature à limiter les dépenses et à réformer notre système. Cela n'a pas marché, ni sous la responsabilité de la droite ni sous la responsabilité de la gauche. Force est d'en tirer les conclusions. Ce que vous vous apprêtez en déduire, c'est que cette maîtrise impossible ne peut être gérée que par le transfert sur les assurances privées complémentaires. Voilà la logique dans laquelle vous êtes en train de vous engager, parce que vous pensez que c'est la seule façon de faire. Nous ne sommes pas du tout de cet avis. Nous ne croyons pas que la logique d'abaissement de la protection sociale obligatoire soit elle-même la bonne politique. Non qu'il faille l'exclure : notre système laisse toute sa place à la protection sociale complémentaire. Nous n'allons pas la supprimer. Mais ce n'est pas en réformant les mécanismes d'assurance, quand bien même ils peuvent être améliorés, que vous réformerez notre système de santé et tout en parvenant à une certaine forme de maîtrise des dépenses, en tout cas à la fin de la gabegie, des dépenses inutiles et des dérapages imprévisibles ; c'est justement en agissant sur la qualité et en modernisant notre système de santé autour de ce principe.
    C'est dans cette optique, par exemple, que nous vous invitons à réfléchir à notre proposition de mettre en place une agence nationale de la qualité hospitalière, présente, sans lien hiérarchique avec la direction, dans tous les établissements hospitalier d'une certaine importance. Cette mission qualité aurait la charge de vérifier que les conditions concrètes - pas seulement formelles - de la qualité des soins soient respectées et que le moindre incident nosocomial donne bien lieu à une recherche de cause et à un traitement.
    Il y a un deuxième concept. S'agissant de la médecine de ville, vous avez demandé à l'ANAES de se porter caution à la fois sur les questions scientifiques et d'efficience. Nous vous demanderons, via nos amendements, de séparer la réflexion sur l'aspect scientifique et sur l'efficience. Puisque, pour le médicament, nous avons l'AFSSAPS, le Comité économique du médicament et la Commission de la transparence, donc que les aspects scientifiques, économiques et d'efficience sociale sont séparés dans trois structures différentes, il n'y a pas de raison que ce ne soit pas pareil en matière de soins. Faisons cesser la confusion qui règne en permanence entre les décisions prises au nom de la qualité et au nom de l'efficience. Il est légitime que nous exigions l'efficience car nous sommes gestionnaires, directement ou indirectement, de l'assurance maladie. Mais ne demandons pas à l'ANAES d'intervenir dans ce domaine, elle qui n'a compétence que sur les conceptions scientifiques : les soins sont-ils appropriés ? Y a-t-il des références médicales opposables ? Si nous mélangeons les concepts, nous perdrons la confiance de tous les acteurs.
    Cette exigence de qualité, il nous faudra la défendre pour l'ensemble de notre appareil de soins, à commencer par le domaine du médicament, dont il semble que trop souvent les promesses d'efficacité et les innovations se trouvent démenties auprès du grand public après quelques mois d'usage. Ce fut le cas récemment pour le THS, monsieur le ministre.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. On m'a demandé l'évaluation post-AMM, vous ne l'aviez pas faite, je m'en suis occupé !
    M. Jean-Marie Le Guen. Fort bien, mais je n'ai rien entendu de votre part sur le sujet alors que depuis le mois d'août, les résultats scientifiques sont sortis aux Etats-Unis ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Il est vrai que, au mois d'août, vous aviez autre chose à faire !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Quelle honte !
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est vous qui devriez être honteux ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Tout cela ne se fera pas sans un développement sans précédent des réseaux et des références médicales opposables. Pour la médecine ambulatoire, cela présuppose aussi que nous changions radicalement les paradigmes de la FMC et de l'information médicale. Il faut donner une identité à cette dernière. Il faut qu'elle soit indépendante, ce qu'elle n'est pas aujourd'hui puisque pour l'essentiel elle est tenue par l'industrie pharmaceutique. C'est un problème structurel qui se pose dans notre pays, mais pas simplement dans le nôtre. Il n'y aura ni maîtrise ni qualité si l'information des médecins dépend d'une industrie qui y a des intérêts économiques - au demeurant fort légitimes. Et l'on ne saurait se contenter, comme vous l'avez fait dans le projet de loi relatif à la politique de santé publique, d'une information médicale continue et d'une évaluation qui viendraient en plus et seraient récompensées si elles sont bonnes ! Il y a - c'est normal et légitime pour la profession de médecin comme pour n'importe quelle autre exerçant des responsabilités scientifiques de très haut niveau - une obligation de formation et d'évaluation. Ce n'est toujours pas mis en oeuvre, et d'autant moins que vous ne cessez, depuis deux ans, de reculer sur ces sujets.
    Il faudra donc, mes chers collègues, procéder à des changements culturels profonds. Et sur tous ces sujets, qui ne sont pas forcément très faciles à traiter (« Ah » ! sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et sur lesquels nous avons peut-être manqué d'audace...
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Sûrement !
    M. Jean-Marie Le Guen. ... - mais que n'entendions-nous pas alors de la part de l'opposition ? - nous sommes prêts à avancer avec vous. Chaque fois qu'il faudra avancer en matière de qualité, nous serons présents. Qu'il s'agisse de renforcer l'évaluation, l'information, la FMC, qu'il s'agisse d'accroître le poids des références médicales opposables ou de faire en sorte que, dans les hôpitaux, les problèmes de qualité soient posés au premier niveau, avec toutes les conséquences économiques et sociales que cela suppose, nous sommes prêts à intervenir et à nous associer avec la majorité. Encore faudrait-il que vous preniez en compte ces pistes de réflexion !
    Mais si la seule responsabilité que vous demandez à l'opposition de prendre, c'est de cautionner les reculs de la protection sociale ou les privatisations partielles, alors ne comptez pas sur nous !
    L'importance qu'ont les problèmes de santé d'une façon globale mais aussi celle qu'elle revêt aux yeux de tous nos concitoyens nous impose de développer une pratique de responsabilité et de démocratie.
    Le temps n'est plus où la santé pouvait être gérée d'en haut : par le pouvoir médical, par la gestion administrée de la santé. Ces modèles sont dépassés, inefficaces et pour tout dire leur légitimité est contestée. Il faut donc responsabiliser le patient, l'assuré, le citoyen.
    C'est ce qu'avait commencé à faire Bernard Kouchner avec une loi qui fait aujourd'hui malheureusement l'objet de critiques que je trouve inutiles, la loi sur les droits des malades. C'est ce qu'il faut poursuivre en repensant l'articulation des demandes individuelles et du système collectif. Il faut donner plus de représentation aux associations de malades dans tous les lieux scientifiques ou administratifs où s'élabore la politique de santé. Le droit à la santé ne peut s'entendre comme un droit illimité à consommer des soins.
    Je l'ai déjà dit et je le répète, il faut donc tendre à la contractualisation encadrée des rapports entre l'individu et sa protection sociale, sans recul de la sécurité collective, par exemple en favorisant une meilleure prise en charge pour celui qui décide de s'inscrire dans une stratégie de soins coordonnés. De telles expériences ont été tentées sous le gouvernement précédent. L'opposition d'alors n'a pas eu de mots assez durs par exemple, pour condamner une expérience, certes, perfectible, celle du médecin référent. Or, comment traiter la question des ALD sans passer par le médecin référent, si ce n'est de façon administrative ?
    A l'époque, mes chers collègues, nous avez-vous encouragés à aller plus loin sur cette question ? Non, vous nous opposiez que c'était une atteinte à la liberté de choix du malade. Ces conceptions sont dépassées.
    Mes chers collègues, plus généralement, il faut, à tous les niveaux - et ce n'est pas qu'une ambition « esthétique », elle est pragmatique - faire vivre une démocratie participative, laquelle ne contredit en rien la responsabilité de la démocratie élective mais la nourrit.
    Pas plus que nous ne pensons que la situation actuelle est fatale, nous ne croyons que l'on pourra faire l'économie de l'audace, de l'imagination et de l'appel à l'effort de tous.
    Je crois avoir exposé toutes les raisons - attendues - qui font que nous sommes déçus de la politique menée depuis deux ans et que nous éprouvons quelques difficultés à porter un jugement sur un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui est assez largement à côté du sujet. En outre nous redoutons l'attente que vous nous proposez, une attente qui va faire reculer les solutions plutôt que créer les mobilisations nécessaires. Nous avons tenté de vous convaincre qu'il existait des pistes, car nous n'avons pas la prétention de proposer des réformes qui soient à prendre ou à laisser.
    La réforme de notre système de santé est l'un des grands chantiers sur lesquels nos concitoyens nous attendent. Qu'ils soient exigeants ne peut que nous aider à avancer. Ce n'est malheureusement pas ce que fait le texte que vous nous présentez aujourd'hui et que j'invite l'Assemblée à rejeter. Je vous demande donc, mes chers collègues, d'adopter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est M. Jacques Domergue, pour expliquer son vote.
    M. Jacques Domergue. Monsieur Le Guen, quand vous avez fait référence au système de santé américain pour expliquer les problèmes du nôtre, j'ai cru que vous alliez nous le proposer comme modèle, aussi étais-je un peu inquiet. Vous auriez dû commencer par vos conclusions, lesquelles malheureusement ne nous dévoilent aucune idée novatrice.
    Vous avez souhaité réformer l'assurance maladie. Nous, nous voulons la sauver.
    M. Michel Vergnier. La privatiser !
    M. Richard Mallié. Caricature !
    M. Jacques Domergue. Vous avez affirmé le principe de santé publique. Le ministre de la santé, lui, vient de faire voter une loi relative à la politique de santé publique, ce qui est nouveau.
    Vous avez revendiqué le droit à la santé. Qui d'autre mieux que nous peut l'assurer ?
    Enfin, vous vous êtes emballé sur le problème de la qualité. La qualité, nous la désirons et la réclamons tous, mais au moment où, à cause de l'application de la loi sur les trente-cinq heures dans les hôpitaux... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Catherine Génisson. Arrêtez avec ça !
    M. Jacques Domergue. ... la qualité du service médical rendu aux malades en milieu hospitalier s'est dégradée, vous êtes mal placés pour la revendiquer !
    Mme Catherine Génisson. Heureusement que l'hôpital était là pendant la canicule !
    M. Jean Michel. Vous n'allez tout de même pas accuser les 40 heures et les congés payés ?
    M. Jacques Domergue. Monsieur Le Guen, le problème n'est pas de fond mais de méthode. Et sur la méthode, nous différons.
    M. Pierre Cohen. C'est laborieux !
    M. Jacques Domergue. Si le ministre était arrivé ici avec un texte « clés en main » pour nous proposer une réforme de l'assurance maladie et du système de santé, vous auriez poussé les hauts cris en disant : « la méthode est brutale, et nous souhaitons la concertation ».
    M. Pierre Cohen. Concluez donc !
    M. Jacques Domergue. Aujourd'hui, on vous propose une réforme qui interviendra dans les mois qui viennent et, par le présent PLFSS pour 2004, des mesures de transition, des mesures importantes dont l'intérêt est avant tout de diminuer le creux...
    Un député du groupe socialiste. Le trou !
    Mme Catherine Génisson. L'abîme !
    M. Jacques Domergue. ... et de freiner l'augmentation des déficits. Le texte qui vous est proposé a pour but de faire des économies. Trois milliards d'euros, cela peut paraître mince, mais je le répète, c'est le prix des trente-cinq heures, en année pleine, au niveau de l'hôpital public.
    M. Michel Vergnier. Il faudra trouver autre chose pour l'année prochaine !
    M. Jacques Domergue. Il est proposé d'augmenter les ressources par une taxation accrue du tabac avec, en arrière-pensée, son impact sur la santé publique, et de diminuer les dépenses en remboursant les médicaments en fonction d'une notion scientifique et incontournable, celle de service médical rendu.
    Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pose les jalons de la réforme que nous lancerons dans les mois à venir,...
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. C'est vrai ! Il a raison.
    M. Jacques Domergue. ... une réforme qui est axée sur la responsabilisation et sur une démarche progressive, deux notions qui sont indispensables pour mettre en place, en France, un nouveau système de santé fondé sur une meilleure relation et un partenariat clarifié entre l'Etat et l'assurance maladie.
    Parce que ce PLFSS est indispensable, le groupe UMP votera contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.
    M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le ministre, vous déclariez, lors de l'examen du PLFSS 2003, présenter un budget de transition, et que celui qui nous serait soumis en 2004 serait « exigeant et difficile ».
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Il l'est !
    M. Jean-Paul Bacquet. Vous n'avez cessé de nous dire que vous alliez profondément réformer, déclarant dans la revue Le Généraliste « j'ai décidé de remettre de l'ordre dans la maison », misant, comme vous l'annonciez dans cette assemblée le 9 octobre 2003, « sur le dialogue, la confiance retrouvée et la responsabilité partagée », allant même jusqu'à annoncer avec beaucoup de modestie, le 13 mars 2003, dans cet hémicycle : « sur la santé publique, tout reste à faire et nous le ferons ».
    Monsieur le ministre, quelle méthode avez-vous donc employée pour arriver à un tel résultat, puisque vous qualifiez vous-même votre déficit d'abyssal et que vous ne proposez que des mesurettes, choisissant de laisser délibérément filer les déficits sans d'ailleurs bien savoir ou cela va nous conduire ?
    Ne déclariez-vous pas, au cours de la discussion du PLFSS pour 2000 : « dans cette affaire, on a le sentiment que croissance rime avec providence mais aussi avec imprudence » ? Vous ne pouviez mieux dire si l'on se réfère à vos propositions d'aujourd'hui. La gauche s'est battue pendant cinq ans pour la croissance, contre le chômage, pour la consommation en particulier des plus faibles et cela, si nécessaire, en multipliant les emplois aidés pour sortir le maximum de nos concitoyens de l'inaction et du désespoir.
    M. Richard Mallié, Avec quels résultats !
    M. Jean-Paul Bacquet. Après avoir cassé la croissance, vous misez sur son retour pour réduire les déficits. Quelle imprudence, disiez-vous, de tout miser sur la providence !
    Enfin, lorsque je lis cette semaine dans une revue médicale, que vous prenez des mesures pour l'accès aux soins, je ne peux qu'exprimer notre incompréhension. Les atteintes à l'APA, l'augmentation du forfait hospitalier, le déremboursement des médicaments, demain peut-être l'augmentation du délai de carence pour les indemnités journalières sont-elles des mesures en faveur de l'accès aux soins ? Elles ne le sont que d'un accès sélectif en fonction des revenus et ce n'est pas là, monsieur le ministre, notre conception d'une santé publique assise sur la solidarité nationale !
    Votre PLFSS balance entre les « mini » et les « maxi ». « Mini » la réformette, « mini » votre ambition de stabiliser les déficits à 10,9 milliards, « mini » le courage face aux urgences de santé publique ! En revanche, « maxi » les déficits, « maxi » les déclarations sans lendemain, « maxi » le bilan dramatique d'une canicule dévastatrice que vous avez trop longtemps ignorée. « Maxi » les déremboursements, « maxi » la réduction de la prise en charge des soins post-opératoires, « maxi » la dénaturation de l'ALD, « maxi » l'exclusion des plus faibles de certains soins, « maxi » les atteintes aux droits sociaux, « maxi » la fuite et « maxi » le report des mesures impopulaires au lendemain et les risques de démolition de la solidarité nationale !
    Monsieur le ministre, c'est vous qui l'avez dit, vous n'avez fait que prendre des mesures de colmatage. Vous avez manqué cruellement de génie dans ce projet de financement ! Si j'en juge par la sévérité dont vous avez fait montre lorsque vous étiez opposant et par les critiques acerbes que vous portiez alors, vous ne le voteriez pas !
    Voilà pourquoi, nous, nous voterons, bien sûr, la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Je mets aux voix la question préalable.
    (La question préalable n'est pas adoptée.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Monsieur le président, je voudrais rappeler aux membres de la commission des affaires sociales que celle-ci se réunira au titre de l'article 88 à 21 heures 15.
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, n° 1106 :
    MM. Pierre Morange, Bruno Gilles, Claude Gaillard et Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tomes I à V du rapport n° 1157),
    M. François Goulard, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (avis n° 1156).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT