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Troisième séance du mardi 4 novembre 2003

48e séance de la session ordinaire 2002-2003


PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel deux lettres m'informant qu'en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante députés, d'une part, et plus de soixante sénateurs, d'autre part, ont saisi le Conseil constitutionnel d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

    2

LOI DE FINANCES POUR 2004
DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n°s 1093, 1110).

DEFENSE (SUITE)

M. le président. Nous poursuivons l'examen des crédits du ministère de la défense.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la dissuasion nucléaire.

M. Antoine Carré, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la dissuasion nucléaire. Monsieur le président, madame la ministre de la défense, mes chers collègues, le débat sur la dissuasion nucléaire est, depuis peu, davantage nourri. C'est parfaitement légitime, mais le sujet doit être abordé en évaluant avec sérieux l'état et l'évolution prévisible des menaces qui pèsent sur la nation. De ce point de vue, la prolifération des armes de destruction massive, associée à un affaiblissement regrettable, mais certain, des instruments juridiques internationaux de désarmement, doit conduire à aborder avec prudence, voire inquiétude, les évolutions à moyen et long termes.

Il ne faut pas négliger deux faits majeurs. Tout d'abord, aucune grande puissance nucléaire n'a renoncé à son arsenal de dissuasion et, même si la plupart d'entre elles tendent le plus souvent à réduire le leur, ce processus s'accompagne d'une modernisation réelle des capacités. Ensuite, nombre d'Etats ont accédé récemment au statut de détenteur d'armes nucléaires, tandis que les tentatives d'autres pour y parvenir ne se démentent malheureusement pas.

Face à ces évolutions, la doctrine de dissuasion a fait l'objet d'adaptations très importantes. Lors de son discours prononcé le 8 juin 2001 devant l'IHEDN, l'Institut des hautes études de défense nationale, le Président de la République a bien souligné que le concept français de dissuasion ne se résumait plus à une dissuasion du faible au fort. Il n'est pas exclu que des puissances régionales soient à même, dans l'avenir, de mettre en cause nos intérêts vitaux. « Et dans ce cas, le choix ne serait pas entre l'anéantissement complet d'un pays ou l'inaction. Les dommages auxquels s'exposerait un éventuel agresseur s'exerceraient en priorité sur ses centres de pouvoir, politique, économique et militaire. » Ainsi s'exprimait le Président de la République. Il s'agit, tout en restant dans le cadre de la doctrine du non-emploi, d'adapter la menace dissuasive à l'enjeu du conflit.

L'arsenal nucléaire disponible doit être en mesure de répondre à ces objectifs de manière crédible, afin de garantir la dissuasion en toutes circonstances. Depuis 1995, des investissements considérables sont réalisés ; ils s'inscrivent dans la perspective d'une modernisation d'ensemble de l'outil de dissuasion, destinée à en assurer la crédibilité au moins jusqu'à l'horizon 2040.

Ainsi, après avoir bénéficié de fortes augmentations en 2002 et en 2003, les crédits consacrés à la dissuasion connaissent un ralentissement net de leur croissance, conformément aux prévisions. Pour 2004, les crédits affectés à la dissuasion représentent, au total, 3,11 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 5 %, contre 11,7 % en 2003. De fait, la part de la dissuasion nucléaire dans le budget d'investissement de la défense tend à se réduire : alors qu'elle représentait 21,7 % du titre V en 2003, elle serait ramenée à 20,9 % en 2004 ; en moyenne, sur la durée de la loi de programmation militaire, la dissuasion nucléaire devrait représenter 19,2 % du titre V. Ce mouvement de décrue régulière devrait se prolonger au-delà, avec l'achèvement progressif des principaux programmes à l'horizon 2010.

Quel est leur état d'avancement ? La construction du Vigilant respecte le calendrier prévu ; sa première sortie en mer est prévue pour décembre prochain, son admission au service actif par la marine étant programmée pour novembre 2004. Les autorisations de programme consacrées au M51 augmentent de 268 % en raison de la commande d'un premier lot de missiles ; ce programme est entré dans une phase active d'essais techniques. Enfin, le programme ASMPA se déroule normalement ; la dernière tranche de développement a été notifiée en 2003. Quant au programme de simulation, qui se déroule conformément au calendrier prévu, il représente une aventure industrielle et scientifique de très haut niveau, aux retombées considérables, qui place la France au premier rang mondial avec les Etats-Unis. Félicitations à ses équipes de chercheurs !

Quelles peuvent être, maintenant, les évolutions de cet ensemble technique et doctrinal qui a été profondément rénové et possède un véritable potentiel d'adaptation ?

Le choix de la France de s'engager définitivement dans la voie des armes robustes n'est pas, en soi, le signe d'une glaciation technologique, il n'interdit pas toute évolution. Sous réserve de quelques adaptations de l'outil de simulation, il sera possible, dans l'avenir, de répondre aux besoins tout en conservant le même concept d'armes.

Enfin, en matière de défense antimissiles, la priorité française va à la protection des forces et des moyens déployés en opérations extérieures contre la menace de missiles de portée inférieure à 600 kilomètres. Compte tenu de son coût, ce programme de défense de théâtre ne pourra être mené à bien qu'en s'inscrivant dans le cadre de partenariats plus larges. Ses évolutions ultérieures vers une capacité de lutte contre des menaces balistiques de longue portée en dépendront également. Dès lors, il conviendra sans doute de s'interroger sur le lancement de recherches en matière d'interception exo-atmosphérique, qui contribueraient également au maintien des compétences nécessaires pour l'avenir de notre dissuasion nucléaire.

La commission de la défense a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la dissuasion nucléaire pour 2004. C'est un bon budget, qui respecte la loi de programmation. Je demande à l'Assemblée de se prononcer dans le même sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l'espace, les communications et le renseignement.

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l'espace, les communications et le renseignement. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'espace, les communications et le renseignement constituent ce que l'on pourrait qualifier de « système nerveux » des actions militaires. Ces domaines étant étroitement liés, ils s'analysent comme un ensemble : le système de forces commandement, communications, conduite des opérations et renseignement, plus connu sous l'acronyme C3R.

L'élément fédérateur de cet ensemble est indéniablement l'espace ; cela justifie que la France lui consacre un budget significatif. Notre pays est en effet le premier investisseur européen en la matière, avec, aux termes du projet de loi de finances initiale pour 2004, 402 millions d'euros en crédits de paiement et 333 millions d'euros en autorisations de programme.

La maîtrise de l'espace est désormais indispensable. Elle conditionne les stratégies, les méthodes de combat et même les rapports de force. Qu'il s'agisse de la mise en œuvre de satellites d'observation et de télécommunications, pour faire circuler les informations entre les forces, ou de satellites de navigation, indispensables pour l'usage de missiles de croisière ou de bombes guidées, il n'existe pratiquement plus de contexte d'emploi des forces armées qui puisse faire abstraction des équipements spatiaux. Dire que la dimension spatiale a transcendé l'art militaire n'est pas excessif.

Au regard de cet enjeu stratégique, l'effort de la France doit se poursuivre. Son autonomie de décision et son ambition de devenir nation-cadre en dépendent. De ce point de vue, le projet de loi de finances initiale pour 2004 est satisfaisant car il permettra la mise en orbite des premiers satellites de télécommunications et d'observation optique de nouvelle génération, Syracuse III. A et Hélios II.A. Contrairement à la caricature qu'en a fait M. Quilès tout à l'heure, les moyens de nos armées et des services de renseignement seront plus performants, grâce à de meilleures capacités de transmission de données et à une résolution plus précise de l'imagerie satellitaire.

Cet effort est complété par une modernisation importante des moyens de commandement et de conduite des opérations au niveau tactique, à travers le système interarmées SICA et ses ramifications au sein des trois armées. J'estime néanmoins que les investissements consentis en faveur des moyens de transmission automatique de données, notamment la liaison 16, devront s'intensifier, afin de garantir l'interopérabilité de nos forces.

Le secteur clé du renseignement n'est pas oublié, contrairement, là encore, à ce qui a été dit tout à l'heure. Outre le lancement d'Hélios II, le ministère de la défense doit mettre en service dix-huit drones Sperwer pour l'armée de terre, trois drones de moyenne altitude longue endurance Eagle pour l'armée de l'air. Et ce n'est qu'une première étape, en attendant les quarante drones tactiques multicapteurs-multimissions, qui seront livrés à partir de 2008, et les douze nouveaux drones MALE, commandés pour 2009.

Je me réjouis, et je ne suis pas le seul, madame la ministre, que vous ayez décidé, au printemps dernier, d'engager un programme complémentaire de démonstrateur d'UCAV. Ce projet conduira, dès 2009, à l'évaluation d'un nouveau drone de combat en situation opérationnelle, évitant à la France et à l'Europe de se laisser distancer dans la maîtrise de ces technologies. Je pense néanmoins qu'il serait opportun de réfléchir aussi à la possibilité de conduire un programme de drone HALE, c'est-à-dire volant à haute altitude avec une longue endurance. Une coopération avec les Allemands, qui ne cachent pas leur très vif intérêt pour le système Global Hawk, doit-elle être exclue ?

Evidemment, ces équipements ne peuvent se substituer aux personnels dans la collecte et le traitement de l'information. En la matière, les dotations restent satisfaisantes, sans toutefois correspondre intégralement aux besoins. Les dotations de l'agrégat budgétaire regroupant la direction générale de la sécurité extérieure, la direction du renseignement militaire et la direction de la protection et de la sécurité de la défense devraient augmenter globalement de 1,5 % au titre III et diminuer de 12 % au titre V, cette baisse étant essentiellement imputée - j'insiste sur ce point - aux dépenses d'infrastructures de la DGSE, les équipements, au contraire, enregistrant une progression.

Je souhaite toutefois attirer votre attention, madame la ministre, sur le fait que l'accélération de la course aux nouvelles technologies constitue un défi technique de taille et que les services de renseignement doivent absolument disposer des moyens financiers pour le relever. Si l'on doit se réjouir que les effectifs de la DGSE augmentent de 47 postes, il apparaît indispensable que cet effort de recrutement, à l'avenir, soit renforcé, y compris dans les autres services, car la part de l'humain dans le renseignement, sa collecte et son traitement, est essentielle. Cela n'exclut pas une réflexion sur le contour des missions, et donc un éventuel redéploiement des moyens humains, dont j'ai cru comprendre qu'il ne serait peut-être pas inutile. Cependant, ce pis-aller ne constitue pas une politique responsable, alors que la menace terroriste s'est globalisée et que les foyers d'instabilité grave se multiplient. Je pense que nos services de renseignement devront passer d'une logique de moyens à une logique de besoins de renseignement et à une logique de pôles de compétence afin de mutualiser les coûts d'investissement d'équipements de plus en plus coûteux.

Des défis tout aussi importants concernent l'espace. Est-il besoin de rappeler ici que le lanceur Ariane V subit une concurrence très importante alors que le marché des lancements de satellites est encore convalescent ? Un retour au niveau antérieur à la crise actuelle n'est pas escompté avant 2005 pour les satellites de télécommunications et 2008 pour les satellites institutionnels.

Nous ne pouvons que nous féliciter que, pour faire face à ce contexte, le conseil ministériel de l'agence spatiale européenne qui s'est tenu à Paris les 26 et 27 mai 2003 ait décidé de débloquer 960 millions d'euros sur la période 2005-2009 pour améliorer la fiabilité technique et financière d'Ariane V, et que, dans le même temps, le budget de la phase de développement et de validation du programme Galileo - 1,1 milliard d'euros -, financé à parts égales par l'ESA et l'Union européenne, ait été voté, mettant fin à près de deux ans d'atermoiements. Il était temps que l'Europe réagisse. Sous l'impulsion de la France, c'est désormais chose faite et il faut vous en féliciter, madame la ministre, mais nous devons rester conscients que cela ne met pas un terme aux nécessaires ajustements européens dans le secteur spatial, loin s'en faut.

Pour ma part, je crois que le secteur des satellites en Europe n'échappera pas à une rationalisation, soit par rapprochement entre Alcatel Space, EADS-Astrium et Alenia Spazio, soit par des coopérations avec d'autres industriels, notamment russes. De même, je suis convaincu, comme vous, que l'avenir de l'espace militaire se jouera à l'échelle européenne. Certes, beaucoup de chemin reste à parcourir, mais des progrès ont été obtenus dans le cadre de la Convention sur l'avenir de l'Union européenne, avec l'inscription de l'espace parmi les politiques de l'Union. J'ajoute que les réflexions de la Commission européenne dans le Livre vert sur la politique spatiale pointent les bonnes questions.

M. le président. Monsieur Fromion...

M. Yves Fromion. Je m'achemine vers ma conclusion, monsieur le président. Vous savez, l'espace, c'est quelque chose qui nous dépasse tous. (Sourires.)

Encore faut-il que les Etats membres souhaitent avancer. Les Etats européens privilégient encore l'exploitation en commun de leurs équipements, mais il faudra bien qu'ils finissent par s'entendre pour la mise en place d'un système spatial complet, dont le coût annuel n'excéderait pas 700 millions d'euros, soit le tiers de leur contribution à l'ESA.

Je crois que l'optimisme est de mise -réjouissons-nous- pour l'aboutissement d'un tel projet. J'en veux pour preuve les perspectives qu'offre le plan d'action européen sur les capacités. Un groupe d'action, présidé par la France, est chargé de formuler des propositions en matière d'équipements spatiaux pour permettre à l'Union européenne de conduire des missions de Petersberg. Regroupant la France, l'Italie, l'Espagne, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Belgique, la Grèce et les Pays-Bas, il pourrait déboucher, à terme, sur des coopérations structurées dans le domaine spatial.

La France, dans cette dynamique, a un rôle important à jouer. C'est en tout cas la volonté que vous avez affichée, madame la ministre, avec votre collègue déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Notre assemblée ne peut que vous soutenir dans cette démarche, en adoptant le projet de loi de finances initiale pour 2004, qui constitue indéniablement, comme nous l'ont dit nos collègues de l'opposition, un atout que notre pays pourra mettre en avant dans la construction de l'Europe spatiale de la défense.

Enfin, une dernière observation concernant la part substantielle réservée dans ce budget à la recherche et à la technologie, dont l'importance est majeure en matière spatiale, certains l'ont souligné avant moi. Il faut absolument que les crédits consacrés aux recherches amont comme aux démonstrateurs technologiques soient préservés. Conformément à ma recommandation, la commission de la défense a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'espace, des communications et du renseignement pour 2004. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, j'invite tous ceux qui vont monter à la tribune à être plus rigoureux quant à leur temps de parole. M. Fromion a parlé près de dix minutes. Certes, son propos était particulièrement intéressant,...

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. L'espace, c'est vaste !

M. le président.... mais il ne disposait que de cinq minutes.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les forces terrestres.

M. Joël Hart, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les forces terrestres. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour 2004 est en parfaite adéquation avec la loi de programmation militaire. Il permet la consolidation de la professionnalisation de l'armée de terre, aussi bien en matière d'équipements qu'en matière de fonctionnement.

Le projet de titre III traduit la continuité de l'effort entrepris pour consolider l'armée professionnelle.

La professionnalisation, qu'on oublie souvent, a conduit l'armée de terre, depuis 1997, à créer chaque année 5 900 postes de militaires du rang, mais, compte tenu du remplacement des engagés dont les contrats arrivent à échéance, ce sont 10 000 à 12 000 soldats qui ont été recrutés annuellement. Si le nombre de candidatures spontanées reste à un niveau satisfaisant, le nombre de candidats jugés aptes diminue. De la même manière, le déficit en sous-officiers continue à se creuser, notamment en raison de l'attractivité du secteur civil. Pour y mettre un terme, l'armée de terre augmente significativement son recrutement, prévoyant d'embaucher 3 850 sous-officiers par an en 2004 contre seulement 3 000 au cours des années précédentes. La réalisation des effectifs constitue désormais une préoccupation centrale de l'état-major de l'armée de terre.

Le projet de budget pour 2004 permettra de poursuivre l'amélioration de l'entraînement des forces qui devrait atteindre 100 jours d'exercice par an l'an prochain, ce qui correspond à l'objectif inscrit dans la loi de programmation. Par contre, l'amélioration de l'entraînement des pilotes de l'ALAT ne sera pas possible, principalement en raison des contraintes liées à la faible disponibilité des appareils.

Si les forces terrestres attachent une grande importance à l'entraînement, et nous aussi, c'est parce qu'une préparation rigoureuse est un gage d'efficacité et surtout de sécurité lors des opérations. Malheureusement, le rythme de ces dernières ne ralentit guère.

La présence de l'armée de terre hors du territoire métropolitain a connu de sensibles variations au cours de l'année 2003. Les théâtres balkaniques ont enregistré une réduction significative des effectifs : 1 000 militaires en moins au Kosovo, soit une baisse de 25 %. En Bosnie-Herzégovine, la présence militaire française a été réduite de moitié, passant de 2 000 hommes en 2002 à 1 000 en 2003.

Par contre, la présence française a été renforcée dans deux pays africains : la Côte d'Ivoire, qui a vu arriver 3 154 militaires français, et la République démocratique du Congo, où l'opération en Ituri a mobilisé jusqu'à 1 146 soldats des forces terrestres.

Au total, au 1er juillet 2003, plus de 20 000 militaires de l'armée de terre étaient stationnés hors du territoire métropolitain, contre 18 500 un an auparavant, soit une hausse de 11 %. Ce sont ainsi 15 % des effectifs militaires de l'armée de terre qui se trouvent, en permanence, hors de la métropole.

Les forces terrestres ont également mené des missions, que l'on peut qualifier de service public, sur le territoire national : le plan Vigipirate, même allégé, a continué à mobiliser plusieurs centaines de militaires ; la lutte contre la marée noire du Prestige a représenté 5 500 journées de travail fournies par les forces terrestres ; la sécurisation du sommet du G8 à Evian a mobilisé 1 800 militaires et vingt-huit hélicoptères, pour un coût estimé à 2,6 millions d'euros ; dans le cadre de la lutte contre les incendies de forêt, les forces terrestres ont mis huit hélicoptères à la disposition de la protection civile. Ces appareils ont volé au total 1 400 heures, consommant en quelques semaines la quasi-totalité de leur potentiel annuel fixé à 200 heures, et vieillissant ainsi prématurément.

Les crédits inscrits au titre V permettront la poursuite des principaux programmes d'armement. Ainsi, la seconde commande semi-globale du programme de missile SAMP-T (sol air moyenne portée - terre), qui est actuellement l'un des projets phares de l'armée de terre, pourra être passée.

En 2004, les forces terrestres devraient recevoir cinquante nouveaux chars Leclerc ainsi que les premiers dépanneurs Leclerc. Elles sont sur le point de prendre livraison, à la fin de 2003, de leurs trois premiers hélicoptères de combat Tigre et en recevront sept de plus en 2004. L'armée de terre recevra, en outre, près de 1 100 obus antichars à effet dirigé « Bonus » ainsi que quatre systèmes d'artillerie Atlas Canon.

D'autres matériels plus anciens feront l'objet d'ambitieux programmes de rénovation. C'est le cas du canon AU F1 dont trente exemplaires modernisés seront livrés en 2004 et du blindé léger AMX 10 RC pour quarante-neuf exemplaires.

L'effort entamé en 2003 au profit de l'entretien programmé des matériels sera poursuivi. En 2004, ces crédits augmenteront de 16 %. Aussi, le plan de sortie de crise devrait permettre d'améliorer significativement la disponibilité, mais il conviendra de rester vigilant : en dépit de l'augmentation des moyens financiers, la disponibilité continuera à être soumise à des contraintes liées au vieillissement des parcs de matériels, qu'il s'agisse de blindés ou d'hélicoptères. Il faut toutefois noter un progrès sensible cette année dans ce domaine de la maintenance, comme j'ai pu le constater sur le terrain lors de mes visites dans les unités.

Ce projet de budget, qui s'annonce comme satisfaisant, ne doit pas faire oublier que l'armée de terre contribuera, comme l'ensemble des administrations, à la maîtrise des dépenses publiques et à la modernisation de ses règles de gestion. Le projet de budget de l'armée de terre constitue un encouragement apprécié à l'égard de la communauté militaire. C'est également un témoignage de la confiance que le pays accorde à ses forces armées.

C'est pourquoi la commission de la défense a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des forces terrestres et c'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, d'adopter ces crédits bien mérités et si nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vous remercie, monsieur Hart, d'avoir respecté précisément votre temps de parole.

La parole est à M. Charles Cova, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la marine.

M. Charles Cova, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la marine. Il y a près d'un an, à cette même tribune, les Cassandre de l'opposition se prenaient à douter des ambitions de la loi de programmation militaire que vous, madame la ministre, nous avez proposée. Aujourd'hui, alors qu'il nous revient d'adopter la seconde annuité de cette loi de programmation militaire 2003-2008, vous apportez un cinglant démenti à tous vos détracteurs d'alors car, je le dis d'emblée, le projet de budget de la défense pour 2004, et plus particulièrement celui de la marine, dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur, est conforme à la programmation militaire. Je pense que, sur tous les bancs, nous pouvons nous en réjouir.

Ce constat mérite d'être salué, d'autant plus que la conjoncture économique n'est pas très favorable. En pareilles circonstances, je ne doute pas que d'autres gouvernements auraient fait le choix de revenir sur les engagements pris. Convenons-en : il n'y a pas d'alternative aux orientations retenues par le projet de loi de finances initiale pour 2004. De même, il est inexact de dire que le budget de la défense n'a pas fait l'objet de mesures d'économies.

Pour preuve, et à titre d'exemple, les dépenses de personnel et de fonctionnement de la marine diminueront respectivement de 1,4 % et 0,4 %. Cet infléchissement des dépenses ordinaires traduit le souci du ministère de la défense de maîtriser les frais de fonctionnement, sans pour autant sacrifier à l'essentiel, puisque des mesures ciblées seront prises, notamment en faveur de la fidélisation des personnels et de l'amélioration de la condition militaire. Il reste que les effectifs militaires diminueront de 0,3 %, en dépit de besoins estimés à 310 postes. Cela montre bien que les armées participeront aussi aux efforts que la conjoncture économique actuelle impose à l'Etat.

En fait, seuls les crédits d'investissement augmenteront. Si je m'en tiens aux chiffres, les dotations du titre V du budget de la marine pour 2004 seront en hausse de 16,7 % en autorisations de programme et de 12,2 % en crédits de paiement.

Cela peut paraître important, mais cela doit être resitué par rapport à deux éléments de contexte majeurs. En premier lieu, une grande partie de cet accroissement de crédits -332 millions d'euros de crédits de paiement très exactement- est destinée à tirer les conséquences financières de la transformation de l'ancienne direction des constructions navales en société, notamment en raison de l'application de taxes diverses ou de l'assainissement de ses comptes. En second lieu, cet effort vise à poursuivre le renouvellement des bâtiments de la marine, car la flotte de surface vieillit, ce qui n'est pas sans conséquence en termes de disponibilité, d'entretien et de moral des équipages.

La livraison, à la fin de l'année 2004, du troisième sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle génération, la construction des bâtiments de projection et de commandement, qui entreront en service en 2005 et 2006, ainsi que la poursuite du programme de frégates antiaériennes Horizon, dont l'admission au service actif sera concomitante, constituent autant d'exemples concrets de la modernisation de la flotte.

N'oublions pas non plus que les moyens de service public de la marine seront notablement renforcés d'ici à 2005, avec l'entrée en service de deux remorqueurs de haute mer supplémentaires, puis le lancement d'un programme de bâtiments de soutien de région de nouvelle génération et la livraison très attendue des hélicoptères NH90 à partir de 2006. Les missions de surveillance et de protection de nos côtes, dont le naufrage du vraquier chypriote Adamandas au large de la Réunion, à la fin de septembre, a rappelé la nécessité, ont représenté 27 % des missions de la marine au cours du premier semestre 2003.

Je tiens plus particulièrement à insister sur ce point : le quart des missions de la marine sont effectuées au bénéfice de la protection de nos côtes et des sauvetages en mer, c'est-à-dire du service public. Comme cela consomme des crédits, il me semble que vouloir restreindre les crédits de la marine ne serait pas conforme aux propositions de plusieurs commissions d'enquête de notre assemblée qui, à la suite des naufrages des pétroliers Erika et Prestige, ont suggéré des investissements supplémentaires tels l'affrètement de nouveaux remorqueurs et de navires antipollution, par exemple.

Pour toutes ces raisons, je pense qu'il serait hasardeux de considérer ce projet de budget comme une faveur faite aux armées et à la marine. Il s'agit au contraire d'une nécessité dont Mme la Ministre de la défense a saisi l'importance.

Les marges de manœuvre pour les années à venir sont particulièrement étroites. Le titre V du budget de la marine devra à nouveau augmenter au moment de la construction du second porte-avions, des sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda et des frégates Horizon ou multimissions. Les projections que j'ai effectuées sur la durée de la loi de programmation militaire montrent que, pour ces programmes essentiels, les besoins devraient passer de 741,3 millions d'euros en crédits de paiement en 2005 à 944,5 millions d'euros en 2007. A ces estimations doit s'ajouter l'ensemble des autres dépenses en capital auxquelles la marine ne pourra pas se soustraire et qui concernent, entre autres, les infrastructures des ports et bases ou l'entretien des matériels. Au total, la charge du renouvellement des équipements s'annonce très importante, avec, notamment, deux paliers à franchir en 2005 et 2007.

Cette contrainte lourde nous impose de réfléchir dès à présent aux moyens d'y faire face dans de bonnes conditions. Le recours à des modes de financement innovants est une hypothèse à explorer. Pourquoi ne pas envisager, par exemple, que le programme des frégates multimissions soit financé par leasing ? En la matière, il ne faut pas faire preuve de conservatisme, surtout s'il se révèle possible de concilier l'accès aux ressources nécessaires avec les impératifs d'emploi opérationnel.

Cette éventualité me semble d'autant plus intéressante qu'elle jugulerait peut-être la tendance inflationniste qui affecte actuellement les prestations des industriels de la construction navale, et notamment celles de DCN. Je pense également qu'une généralisation progressive de la mise en concurrence pour les équipements neufs et leur maintenance permettra à la marine de récupérer certaines marges de manœuvre budgétaires.

Encore faut-il pour cela que le code des marchés publics facilite davantage l'entretien des matériels. Les règles actuelles de passation des marchés ne permettent pas assez de réactivité, car les délais d'appels d'offre sont trop longs et il est parfois impossible de réparer une avarie imprévue sans conclure un autre contrat. Tout cela est source de retards et, par conséquent, de surcoûts. Une révision du texte est en cours, mais je crains qu'elle ne réponde pas au problème. J'espère néanmoins que vous accorderez, madame la ministre, une attention particulière à ce point, car je sais combien vous êtes attachée à la modernisation des armées, que vous souhaitez à la pointe de la réforme de l'Etat. Soyez assurée du soutien sans réserve de notre commission - et de votre serviteur ! - dans cette entreprise.

Conformément à mes recommandations, la commission de la défense nationale et des forces armées a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la marine pour 2004 et je vous invite, mes chers collègues, à en faire autant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l'air.

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l'air. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout rapporteur serait heureux s'il n'avait à présenter que des budgets comme celui de l'armée de l'air pour 2004.

Les crédits de fonctionnement sont suffisants, et maîtrisés. Alors qu'à périmètre constant ils représentent, avec 2,49 milliards d'euros, les mêmes montants qu'en 2003, ils permettent d'assurer la gestion courante et l'entraînement selon les orientations fixées par la loi de programmation militaire. Cela traduit, à mon sens, une remarquable qualité de gestion.

Le budget d'équipement, qui était déjà en hausse de 16,6 % en 2003, augmente de 17,7 %. Cette augmentation est cohérente avec ce qu'on attend aujourd'hui d'une armée de l'air, comme avec l'indispensable effort de renouvellement des équipements de cette armée.

Celle-ci est désormais au cœur tant de la défense de la sécurité de notre territoire - avec, par exemple, l'organisation de la défense de l'espace aérien contre des attaques de type terroriste - que de l'action extérieure. En Afghanistan, c'est l'armée de l'air qui a frappé. Pour l'opération Artémis, à Bunia, c'est elle qui a assumé la logistique.

Or l'armée de l'air est entrée dans une phase cruciale de rééquipement et de rénovation de ses matériels.

A l'exception des trois escadrons de Mirage 2000 D, les avions de bombardement arrivent en fin de vie. Les derniers Jaguar seront retirés du service en 2005. L'admission régulière au service d'appareils Rafale nouveaux est donc un impératif absolu. Cinq de ces appareils seront livrés en 2004, au standard F2 ; 39 Rafale sont déjà commandés, et les autorisations de programme pour les prochaines commandes sont en place. Les livraisons doivent se poursuivre. Le Rafale pèse le cinquième du budget d'équipement de l'armée de l'air. Mais notre sécurité et notre crédibilité auprès de nos partenaires dépendent de cet effort. A ce prix, il s'agit d'un choix budgétaire et technique remarquable.

La mise en service opérationnelle, en 2004, du missile de croisière SCALP permettra aussi à la France de rejoindre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne au sein du club très fermé des Etats disposant d'une telle arme.

La flotte de transport tactique doit être entièrement renouvelée. Nos Transall ne sont plus adaptés aux conditions des missions modernes, qui imposent le transport à longue distance de matériels volumineux. Je rappelle, à cet égard, qu'il a fallu, pour l'opération de Bunia, recourir une fois encore à des appareils étrangers affrétés. Surtout, les Transall approchent désormais, inéluctablement, de la limite d'âge. La signature du contrat pour l'Airbus A 400 m permet de tracer des perspectives d'évolution très claires et satisfaisantes, mais entre 2003 et 2019, année de livraison du dernier appareil, c'est l'ensemble de la flotte militaire tactique qui aura dû être renouvelé. Le coût prévisionnel est de plus de 6 milliards d'euros.

Les progrès réalisés dans le domaine du maintien en condition opérationnelle des appareils doivent être salués. La disponibilité de ceux-ci est passée de 54 % en janvier 2001 à plus de 64 % en 2003. La Structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense - la SIMMAD -, mise en place à cette fin, a répondu aux espoirs qu'on avait placés en elle. Cependant, tout relâchement dans l'attribution des fonds nécessaires aurait, à brève échéance, les mêmes effets que ceux qui ont pu être observés en 2002. L'effort budgétaire doit donc être poursuivi.

La dotation budgétaire de l'armée de l'air n'est donc que celle qui est strictement nécessaire à son maintien au niveau opérationnel qu'exigent notre sécurité et notre capacité d'action dans le monde.

Ces dépenses ont aussi, comme vous l'avez souligné, madame la ministre, un bénéfice industriel. Les A 400 M commandés par la France et fabriqués par Airbus ont vocation à remplacer, à l'avenir, non seulement des Transall, mais aussi des C 130 de fabrication américaine. Cela est encore plus vrai pour les autres pays associés au lancement du programme.

De même, le programme expérimental de drones de combat permet aussi d'assurer le maintien au meilleur niveau des capacités nationales dans le domaine de l'élaboration et de la construction d'avions de combat, pour la génération d'appareils qui suivra le Rafale.

Je conclurai en attirant votre attention, madame la ministre, sur les besoins immédiats en matière d'appareils de transport logistique. Pour le remplacement des deux flottes de transport logistique et de ravitaillement en vol par des appareils multirôles de transport et de ravitaillement en vol, capables d'assurer les deux fonctions à la fois, il existe des solutions, dont certaines sont proposées, notamment, par EADS.

Même si le dossier n'a pas l'ampleur de celui de l'A 400 M, il peut s'agir là d'un nouveau levier industriel pour l'Europe de la défense. Il appartient, certes, à l'industrie de proposer une offre de qualité, mais, si tel est le cas, l'armée de l'air doit pouvoir y répondre.

La commission de la défense nationale et des forces armées, dans sa grande lucidité et sa sagesse, a approuvé ces crédits, et j'invite, bien entendu, mes collègues à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lang, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour le titre III et les personnels civils et militaires d'activité et de réserve.

M. Pierre Lang, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour le titre III et les personnels civils et militaires d'activité et de réserve. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, conformément à la loi de programmation militaire dont il constitue la deuxième annuité, le projet de budget du titre III du ministère de la défense permet la consolidation de l'armée professionnelle. Il stabilise les effectifs militaires aux alentours de 356 000, confirmant ainsi la pertinence du format adopté lors de la professionnalisation.

Ce budget rend possible la création de postes budgétaires, principalement 1 200 emplois de gendarmes et 179 au service de santé des armées - 50 élèves médecins et 129 militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées, ou MITHA. Il ajuste à la marge les effectifs en fonction des besoins. Ainsi, dans l'armée de terre, 1 000 postes de sous-officiers non pourvus et 1 572 postes de volontaires, également non pourvus, sont transformés en 2 000 emplois d'engagés volontaires.

Ce projet de budget supprime 852 postes d'agents civils dans le cadre de la politique de maîtrise des dépenses publiques. En contrepartie, le ministère réalise un effort de recrutement sans précédent, afin de diminuer le nombre d'emplois non pourvus, et y parvient assez bien. Le sous-effectif en agents civils, qui était de 9 300 personnes en 1999, n'est plus que de 4 000 en 2003, et devrait encore diminuer l'an prochain.

Le projet de budget pour 2004 poursuit le plan d'amélioration de la condition militaire et prévoit de nouvelles mesures destinées à rendre la défense plus attractive. En effet, recruter et fidéliser des effectifs aussi importants de militaires professionnels est devenu une des préoccupations principales des états-majors.

A ce titre, 27 millions d'euros de crédits supplémentaires s'ajouteront aux 19 millions d'euros déjà débloqués en 2003 dans le cadre du fonds de consolidation de la professionnalisation. Le plan d'amélioration de la condition militaire est, lui aussi, poursuivi. Ces mesures permettront, entre autres, d'assurer le financement d'indemnités, réversibles et modulables, versées aux personnels détenant un savoir-faire dans les spécialités pour lesquelles les armées rencontrent des problèmes de fidélisation. Dans la gendarmerie, l'attribution d'un échelon exceptionnel coûtera un million d'euros, tandis que trois millions d'euros de primes de résultats seront provisionnés.

La professionnalisation des armées n'ayant pas été réalisée par les seuls militaires, le budget pour 2004 s'attache également à la revalorisation de la composante civile de la défense : en 2004, 27 millions d'euros seront versés à ces personnels, au titre de mesures statutaires.

Ce projet apporte, en outre, quelques améliorations bienvenues en matière de fonctionnement courant, comme la poursuite du programme immobilier d'accueil pour les jeunes engagés chargés de famille ou la hausse de 20 millions d'euros des crédits destinés à l'externalisation, qui s'étendra, en 2004, à la gestion des logements, à la formation initiale des pilotes d'hélicoptères, à la gestion du parc des véhicules commerciaux, ainsi qu'au soutien logistique en opérations extérieures.

Avec une hausse de 13 millions d'euros, les crédits consacrés à l'entraînement des forces bénéficient d'une réévaluation qui était nécessaire. Les prévisions d'activité pour 2004 laissent à penser que les buts assignés par la loi de programmation militaire seront bientôt atteints.

Ainsi, l'armée de terre prévoit de remplir, en 2004, son objectif de 100 jours d'entraînement par an. Toutefois, en raison de la disponibilité encore insuffisante de leurs appareils, les équipages des hélicoptères de l'ALAT ne pourront pas augmenter leur nombre d'heures de vol annuelles, qui plafonne actuellement à 160.

La marine prévoit de faire prendre la mer en moyenne 100 jours par an à ses unités, les navires de combat devant naviguer 110 jours. Les prévisions en matière d'heures de vol et de participation aux exercices internationaux de l'armée de l'air devraient être respectées.

Enfin, s'agissant des réserves, le projet de budget apporte 32 millions d'euros de crédits supplémentaires en rémunérations et 5 en fonctionnement, de manière à accompagner la montée en puissance du nombre de réservistes, ainsi que l'augmentation du nombre de journées d'activités.

Ce projet de budget, particulièrement satisfaisant, ne doit pas pour autant masquer les efforts consentis par le ministère de la défense en matière de maîtrise des dépenses publiques et de modernisation de ses méthodes de gestion. A titre d'exemple, plusieurs unités expérimenteront un budget global, préfiguration de ce qui sera bientôt généralisé dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances.

Signal clair de la volonté politique des autorités de respecter les engagements pris, ce projet de budget constitue un témoignage du soutien que le pays apporte aux personnels qui assurent sa protection.

La commission a donné un avis favorable au projet de budget du titre III du ministère de la défense, et j'invite mes collègues à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. François Cornut-Gentille, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour les crédits d'équipement.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur pour avis de la commission de la défense et des forces armées, pour les crédits d'équipement. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, compte tenu de la brièveté du temps qui m'est imparti, je me bornerai dans mon intervention sur les crédits du titre V à faire trois remarques.

La première consiste à souligner la satisfaction unanime des commissaires de la défense sur les crédits des titres V et VI pour 2004. En effet, pour la deuxième année consécutive, les dispositions de la loi de programmation militaire sont pleinement respectées par le projet de loi de finances initial.

Il convient surtout de souligner que l'augmentation du budget de la défense est essentiellement due à la hausse des crédits consacrés aux équipements. Priorité des priorités, l'effort sur le titre V est significatif des choix du Président de la République et du Gouvernement en matière de défense : plus 9,6 % en autorisations de programme, plus 9,2 en crédits de paiement, qui font suite à des hausses déjà importantes l'an passé.

Ma deuxième remarque vise à appeler l'attention sur le fait que cet effort doit se poursuivre sur la durée et qu'en dépit des apparences il se limite au strict nécessaire. Je citerai deux chiffres : la France dépense environ 28 000 euros par soldat en matière d'équipement, la Grande-Bretagne environ 40 000 euros. C'est dire l'ampleur du fossé creusé depuis une dizaine d'années.

Ainsi, il serait totalement erroné de présenter l'augmentation des crédits du titre V comme un cadeau fait aux armées. En effet, la dégradation de la disponibilité des matériels impose des efforts budgétaires considérables. Déjà, le budget pour 2003 a mis l'accent sur les crédits destinés à l'entretien programmé des matériels - l'EPM. Malgré de réels progrès, une seule année n'a pas permis de rétablir un taux acceptable de disponibilité des matériels. Le projet de budget pour 2004 prolonge donc cet effort.

Les crédits de paiement d'EPM s'établissent à 2 899 millions d'euros, en hausse de près de 9 %. Bien entendu, cet effort s'accompagne d'une réforme des structures en charge de l'EPM et d'une définition d'objectifs précis.

Quoi qu'il en soit, il faut avoir conscience que l'entretien du matériel coûte de plus en plus cher aux armées, non seulement en raison du vieillissement du matériel ancien, mais aussi en raison du haut niveau technologique du nouveau. Qu'on le veuille ou non, ce poste budgétaire est encore appelé à croître dans les années à venir.

En ce qui concerne les nouveaux programmes, la croissance des crédits de paiement est imposée par la poursuite de programmes de grande envergure. Il faut veiller à bien tenir le calendrier pour éviter des ruptures capacitaires ; je pense notamment au Rafale, à l'A 400 m, au VBCI et à l'hélicoptère NH 90.

Troisième et dernière remarque, qui découle de la précédente : l'effort indispensable sur la durée ne pourra être poursuivi qu'à condition d'en expliquer la signification et la nécessité aux Français.

Certes, les efforts budgétaires consentis pour l'équipement de nos armées ont reçu l'approbation quasi unanime de la commission de la défense mais, compte tenu de l'ampleur des chiffres et des enjeux concernés, un réel effort d'explication en direction des Français doit être consenti par le ministère de la défense ainsi que par la représentation nationale.

Il faut ainsi faire savoir que l'augmentation des crédits d'équipement s'accompagne d'efforts de gestion et d'organisation. La réforme de l'Etat touche aussi le ministère de la défense qui en est même, ainsi que vous l'avez souhaité, madame la ministre, un des fers de lance.

La mise à niveau de nos armées est également un enjeu industriel majeur. 170 000 emplois sont concernés, des bassins entiers dépendent du respect des engagements de l'Etat, l'investissement fait en matière de recherche et de développement militaire bénéficie aussi à la recherche civile, donc à l'avenir.

Je ne peux pas terminer sans évoquer l'importance du budget de la défense pour la place et le rôle de la France sur la scène internationale et, en premier lieu, sur la scène européenne.

À ceux qui stigmatisent l'effort de défense, je répondrai que sans cet effort national, inutile d'espérer une quelconque Europe de la défense. Or, sans Europe de la défense, pas d'Europe politique, donc pas d'Europe sociale ni industrielle, mais un grand marché économique unique. Est-ce cela que l'on veut ?

Certes, l'Europe de la défense pose aujourd'hui plus d'interrogations qu'elle n'apporte de réponses. Néanmoins, grâce à la France, l'année 2003 a permis de franchir un seuil important, malgré les difficultés liées à la crise irakienne.

Enfin, sur le plan international, est-il nécessaire de rappeler que l'écho trouvé par la France aux Nations Unies est indissociable de sa crédibilité militaire, notamment sur le plan nucléaire ?

Telles sont, madame la ministre, en quelques mots, toutes les raisons qui nous déterminent à vous accorder un soutien sans faille dans la tâche de mise à niveau et de modernisation de nos armées que vous avez entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves le Drian, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les services communs.

M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les services communs. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les services communs du ministère de la défense, chargés de missions de soutien, d'expertise et d'acquisition d'équipements, ont tous connu, au cours des dernières années, des réformes importantes dont je soulignerai quelques aspects.

La réforme de la DGA est achevée, notamment en termes budgétaires, puisque, après cinq années de diminution continue, le projet de budget pour 2004 est stabilisé au niveau retenu en 2003, après cinq années de diminution continue, ce qui montre que cette réforme décidée en 1996, engagée en 1997, a abouti et, globalement, bien abouti. Cette réforme n'était pas facile à conduire. Elle était sans doute moins spectaculaire que la réforme des armées, mais l'effort demandé à la direction, à l'encadrement et au personnel était aussi important, puisqu'il s'est traduit par une diminution de 28 % des effectifs. L'effort demandé était aussi lourd, peut-être ne l'a-t-on pas suffisamment souligné. En tout cas, le résultat est conforme à l'objectif fixé en 1996, c'est-à-dire une diminution de 30 % des coûts d'intervention. C'est un élément positif ; il faut le dire.

On a atteint la limite, car il convient aujourd'hui de renforcer certaines catégories de personnels afin de garantir le maintien des compétences. Je me permets d'insister comme rapporteur sur la nécessité des compétences en matière d'achat.

Parallèlement, la DGA a mis en œuvre, depuis 1997, une politique de passation de commandes globales pluriannuelles qui a permis d'améliorer la gestion des programmes d'équipement et qui doit être poursuivie. Elle a également engagé des travaux sur les nouveaux modes de financement qui peuvent représenter, dans certains cas, une autre solution, intéressante pour l'acquisition patrimoniale d'équipements. Il convient toutefois de rester prudent. La présence de financements innovants pour les frégates multimissions me laisse un peu perplexe. Si, dans certains domaines, en particulier le transport aérien, on peut sans doute trouver des formes d'innovation intéressantes, il serait utile de regarder les résultats obtenus dans des pays voisins qui se sont lancés dans cette expérimentation avec plus ou moins de bonheur selon les sujets.

Je voudrais également rappeler le rôle important joué par la DGA dans l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement, l'OCCAR, et dans la réflexion engagée sur la création d'une agence européenne de l'armement. C'est certainement un acteur lourd dans cette organisation générale, ce qu'il convient de renforcer et de souligner.

Ma deuxième remarque concerne, sans doute pour la dernière fois dans ce type de rapports la réforme de la DCN, qui est en cours d'achèvement. Je rappelle que l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 avait fixé quatre principes pour le changement de statut de la DCN : le respect de l'unicité de l'entreprise, qui est garanti par le traité d'apport signé le 26 mai dernier ; le contrôle intégral de l'entreprise par l'Etat, assuré par un niveau de capitalisation qui avait été affiché à un haut niveau, à l'époque, et qui, reconnaissons-le, a été acté à ce niveau-là. Pourvu que cela tienne. En tout cas, l'effort est significatif.

L'autre aspect qui nous paraissait très important, c'est que des garanties soient apportées aux différentes catégories de personnels, malgré les difficultés que cela pouvait représenter. Les modalités du décret 3 mai 2002 permettent une application convenable.

Enfin, il était prévu que le contrat d'entreprise qui devait être conclu entre l'Etat et la DCN soit communiqué au Parlement afin que la commission des finances et la commission de la défense puissent en débattre fin 2002 et fin 2003. Or, jusqu'à présent, il ne lui est pas parvenu. C'est la critique que je peux formuler, puisque cela figure à l'article 78 de la loi de finances rectificative. Puisque cette réforme est en bonne voie, la commission de la défense unanime souhaite être informée, conformément à la loi, sur cette orientation. La mutation de la DCN devrait lui permettre de jouer un rôle majeur dans la recomposition du paysage naval européen, dans ce que certains appellent déjà « l'Airbus naval » et dans les relations qui se nouent aujourd'hui avec complexité et parfois un peu de mystère, entre les différents partenaires allemands, espagnols et italiens.

La commission a également examiné les crédits du service de santé. Elle a constaté que le recrutement complémentaire de médecins sous contrat s'améliore, mais le déficit est maintenu. La création du corps des internes, prévue dans ce projet de budget, préfigure la réforme générale du statut des médecins militaires qui devrait intervenir, vous l'avez rappelé, l'an prochain.

Enfin, la commission a constaté que le service des essences était engagé dans une phase durable de restructuration et de remise aux normes environnementales, ce qui était indispensable et qui justifie la progression de 13 % de ses crédits d'investissement.

Pour conclure, madame la ministre, la stabilisation du budget consacré à la DGA était une nécessité. Cette réforme engagée antérieurement est réussie.

Le changement de statut de la DCN est aussi une l'aboutissement d'une réforme indispensable qui est en train de réussir. Les difficultés du service de santé comme les contraintes de mise aux normes et de dépollution du service des essences sont prises en compte.

Etant le seul rapporteur de l'opposition au sein de cette commission, j'ai appelé la commission à exercer sa sagesse. Malgré mes encouragements à la sagesse, la commission a décidé de voter pour ce budget. Je ne peux que le constater.

M. le président. La parole est M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la gendarmerie.

M. Philippe Folliot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour 2004 s'inscrit dans le cadre d'une double programmation définie par la LOPSI et la loi de programmation militaire. L'ensemble de cette programmation doit être pleinement respecté.

En ce qui concerne les dotations prévues pour la gendarmerie en 2004, les crédits de paiement s'élèvent, au total, à 4,34 milliards d'euros, soit une progression de 1,92 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003. Si les dotations prévues au titre du fonctionnement permettent effectivement de respecter les engagements pris en autorisant les recrutements prévus et en assurant la bonne des services, il convient de veiller à ce que les crédits inscrits au titre des équipements respectent la programmation avec la constance nécessaire.

Comme en 2003, le projet de loi de finances pour 2004 prévoit la création de 1 200 emplois au titre de la deuxième tranche de la LOPSI. S'agissant de l'indemnité de sujétion spéciale de police - ISSP -, il convient de constater avec satisfaction que les engagements pris ont été respectés avec, d'une part, la revalorisation de deux points du taux de cette indemnité, avec effet rétroactif au 1er janvier 2003, et, d'autre part, l'annonce par le Premier ministre, le 12 mars 2003, que le bénéfice de l'intégration de l'ISSP dans la pension militaire de retraite à partir de l'âge de cinquante ans serait bien accordé à la gendarmerie.

Je tiens à souligner ici, madame la ministre, le rôle qui a été le vôtre pour la satisfaction de cette revendication légitime de la part des gendarmes. Sans votre implication forte en la matière, il est certain qu'un tel résultat n'aurait pu être obtenu.

Pour 2004, les crédits de paiement inscrits sur les titres V et VI s'élèvent à 445 millions d'euros, soit une augmentation de 5,4 %. Cette évolution générale n'est pas en ligne avec la programmation des crédits, tout particulièrement au titre de la LOPSI. L'insuffisance de crédits est à cet égard tout particulièrement regrettable pour l'immobilier, dont on connaît l'ampleur considérable des besoins. L'an passé, à cette même tribune, j'avais eu l'occasion d'attirer l'attention de la représentation nationale sur l'importance des retards pris en la matière et sur les conditions de logement déplorables, voire indécentes, des gendarmes, 35 % du parc de logements étant vétustes.

Je suis bien conscient des nécessités d'un effort d'économies partagé. Toutefois, il convient de respecter les engagements qui ont été pris, afin de ne pas décevoir l'attente des personnels de la gendarmerie. Aussi, il est éminemment souhaitable que le projet de loi de finances pour 2004 se traduise par un effort supplémentaire en matière d'équipement, de l'ordre de vingt millions d'euros, afin de ne pas prendre un retard excessif sur le déroulement des programmes déjà engagés ou devant l'être.

Pour conclure, je voudrais indiquer trois pistes de réformes.

L'effort de réorganisation de la gendarmerie est bien engagé. Il est sans doute possible d'aller plus loin dans la réforme des structures, notamment en simplifiant la chaîne de commandement territorial par la suppression de l'échelon que constitue la région de gendarmerie. La simplification et la clarification dans la répartition des responsabilités donneront une lisibilité accrue à la chaîne de commandement. Les attributions particulières en matière de coordination de l'action des unités de gendarmerie départementale et d'emploi des forces de gendarmerie mobile pourraient être assumées par le commandement de la légion de gendarmerie située dans le chef-lieu de la zone de défense.

L'application de la loi organique relative aux lois de finances entraîne actuellement des débats s'agissant de la place assignée à la gendarmerie. Deux orientations sont possibles : diviser la gendarmerie au sein des différents futurs programmes du ministère de la défense, ou bien créer un programme spécifique pour la gendarmerie. La première solution constituerait un recul par rapport à la situation actuelle, puisque le budget de la gendarmerie fait l'objet d'un agrégat distinct. Elle comporterait bien des inconvénients, dont le moindre n'est pas celui de faire perdre pratiquement toute lisibilité à l'action quotidienne de lutte contre la délinquance menée par la gendarmerie. La poursuite de l'amélioration de l'action de cette dernière suppose de s'éloigner d'une logique administrative et d'adopter une logique opérationnelle et fonctionnelle.

Enfin, si les gendarmes manifestent quasi unanimement leur attachement au statut militaire, il n'en demeure pas moins qu'un malaise est perceptible. Les comparaisons avec la police nationale en matière indemnitaire et indiciaire ne sont pas forcément saines, mais il n'est pas possible de les empêcher. Afin d'éviter que ces considérations ne mettent à terme en péril le caractère militaire de la gendarmerie, il est nécessaire de réfléchir à une réforme qui permettrait de tenir compte du particularisme des missions exercées par les gendarmes et d'établir une grille indiciaire spécifique.

Au cours de mes déplacements, j'ai pu prendre la mesure du dévouement et de la motivation des personnels de la gendarmerie nationale. Bien des attentes sont nées de la programmation établie dans le cadre de la LOPSI, confortées par les premières traductions concrètes permises par le budget 2003. J'espère donc que les moyens octroyés par le projet de loi de finances pour 2004 permettront à la gendarmerie d'assurer convenablement ses missions au service de la population et de sa sécurité.

    La commission de la défense a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la gendarmerie pour 2004. Je demande à l'Assemblée de se prononcer dans le même sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la défense pour 2004, que vous proposez à notre vote, madame la ministre, n'est pas de ceux qui peuvent laisser indifférent : soit on le loue, soit, on trouve qu'il arrive à « contretemps ».

Pour ma part, et au nom de la majorité de la commission de la défense nationale et des forces armées, je me range résolument dans la première catégorie. Vous nous présentez en effet, après 2003, des prévisions de crédits, au total et dans le détail, entièrement conformes à la loi de programmation militaire 2003-2008 que nous avons adoptée il y a maintenant bientôt un an.

Avec la délégation du contrôle parlementaire du budget, j'ai pu constater le maintien scrupuleux des crédits pour 2003 au niveau de la loi de finances initiale, ce qui ne s'était pas produit depuis dix ans ; la deuxième annuité de la loi de programmation que nous examinons aujourd'hui est, quant à elle, rigoureusement conforme aux prévisions et cela pour la première fois depuis 1978. Ce constat ne peut évidemment manquer de provoquer du dépit chez certains qui étaient dubitatifs ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Voisin. Et ce n'est pas fini ! Ça ne fait que commencer !

M. Guy Teissier, président de la commission. Cependant, des voix s'élèvent pour douter de la nécessité et de l'utilité d'allouer à notre outil de défense ce qui lui fut promis il y a douze mois,...

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Ils ne savent plus quoi inventer !

M. Guy Teissier, président de la commission.... au motif que notre pays connaît une conjoncture économique difficile. Resurgissent alors les vieux démons qui veulent toujours faire du budget de la défense la variable d'ajustement pour limiter les déficits et, à tout le moins, transférer une partie de ses crédits vers d'autres ministères, ravivant des querelles stériles et contraires à l'intérêt national.

M. Jean-Louis Bernard. Absolument.

M. Guy Teissier, président de la commission. La « production de sécurité » au profit de nos concitoyens serait excessive et pourrait donc être réduite impunément.

Ceux-là passent sous silence des réalités objectives ; le montant des crédits d'investissement proposés, 14,9 milliards d'euros, permet juste de retrouver le niveau, à monnaie constante, de ce qu'il était en 1997 ; les crédits du titre III, quant à eux, 17,5 milliards d'euros, n'ont que peu augmenté, sous l'effet de la professionnalisation totale des armées, acceptée par tous, et reconnue aujourd'hui comme un succès et une nécessité.

Pour ce qui concerne les dépenses en capital, il est important, me semble-t-il, de redire qu'il s'agit du premier budget d'investissement de l'Etat, avec tout ce que cela entraîne en matière d'emplois et de recherche, vous l'avez dit, madame la ministre, et donc de croissance pour le pays ; dans les industries d'armement, ce sont 170 000 emplois directs qui sont concernés, auxquels il faut en ajouter au moins autant pour les sous-traitants ; et il faut bien constater que ce sont les mêmes qui s'élèvent avec le plus de véhémence contre la restructuration de GIATT Industries qui contestent avec le plus de force le niveau des crédits de la défense, peu soucieux d'une attitude aussi contradictoire.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Guy Teissier, président de la commission. Il est tout aussi paradoxal de constater que les détracteurs les plus virulents de la réorganisation de notre constructeur de matériels terrestres auraient pu et dû anticiper la baisse du plan de charge en raison des cycles longs, vingt à trente ans, qui caractérisent la vie des équipements militaires.

L'emploi au ministère de la défense, ce sont aussi les 38 000 recrutements qui sont proposés en 2004 pour de jeunes garçons et filles de tous niveaux de qualification ; quantitativement et qualitativement, il y a là un formidable_ moteur d'entrée dans la vie active pour une part importante de notre jeunesse.

Pour en terminer avec l'impact économique du budget de la défense, je voudrais souligner qu'avec 1,26 milliard d'euros, les crédits de la défense participent largement à l'effort national pour la recherche, celle-ci étant souvent duale ; bien plus, une partie de ces crédits vient abonder le budget civil de recherche et de développement ; le Commissariat à l'énergie atomique, pour sa part, met son centre de calcul et le laser mégajoule, que nous avons eu le plaisir de visiter,...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. En effet !

M. Guy Teissier, président de la commission.... à la disposition de la communauté scientifique. Ainsi, par le biais de cet effort consenti, la France et la Grande-Bretagne réalisent 80 % de la recherche de défense au sein de l'Union européenne.

Ces impacts économiques et sociaux ne sont toutefois que la conséquence de l'objectif principal qui réside dans la restauration d'un niveau d'équipements gravement mis à mal au cours de la programmation précédente.

La forte croissance des crédits de maintien en condition opérationnelle des matériels, déjà amorcée en 2003, doit permettre de revenir à un niveau plus acceptable de disponibilité ; mais la situation était dégradée à un point tel que la remontée est lente comme je peux le constater à chacune de mes visites dans les unités ; pour beaucoup d'entre elles, la situation est encore préoccupante, faute d'approvisionnement en rechanges, mais aussi parce que les matériels accusent un vieillissement inquiétant, n'ayant pas été suffisamment renouvelés alors même qu'ils sont de plus en plus sollicités.

L'autre volet de cette restauration matérielle réside bien dans l'arrivée d'équipements nouveaux, promis et espérés souvent depuis longtemps.

Les satellites d'observation et de communication, Hélios II et Syracuse III qui nous faisaient tant défaut seront enfin mis en orbite en 2004.

Plus directement visibles, les premiers Rafale ainsi que des matériels divers, cela a été évoqué par mes collègues rapporteurs, commenceront enfin à arriver dans les unités.

Beaucoup d'autres équipements seront mis en dotation. Je voudrais redire combien l'arrivée de ces matériels est importante pour l'efficacité et le moral de nos militaires ; ils sont fiers de les servir, fiers d'avoir les moyens d'accomplir leur mission dans les meilleures conditions.

Dans ce même objectif d'amélioration de la condition des militaires, d'autres efforts sont poursuivis à travers ce budget : logement des engagés, conditions de vie et de service. Vous savez, madame la ministre, que tous y sont très attentifs et sont sensibles à la détermination qui doit prévaloir aussi dans ce domaine.

Le projet de budget de la défense pour 2004, que nous examinons aujourd'hui, constitue par ailleurs un signal fort adressé à nos partenaires de l'Union européenne quant à notre volonté de construire l'Europe de la défense. Bien plus, la constance de l'effort financier marque la constance du projet de la France, et sa détermination de le voir progresser et aboutir.

Les opérations Concordia en Macédoine et Artémis au Congo ont prouvé en 2003 que l'Union avait les compétences indispensables, mais aussi la volonté d'acquérir une certaine autonomie de défense ; les choses avancent toutefois trop lentement, au rythme de l'Europe, alors que le besoin ne faiblit pas ; plus préoccupant, apparaît la tentation chez certains membres de réduire leur effort de défense pour le limiter à ce qui est strictement nécessaire aux opérations de maintien de la paix ou humanitaire, les missions de Petersberg, bien connues, en renonçant de facto à la sécurité de leur propre territoire, donc de l'Europe.

Cette dérive tient sans doute au déficit de vision stratégique de l'Europe de la défense ; c'est pour moi l'étape préliminaire qui fait sans doute défaut à notre ambition. Cette stratégie doit être appréhendée dans une perspective globale de sécurité pour l'Europe ; elle doit permettre de définir la communauté de nos intérêts essentiels pour faire face aux menaces qui ne connaissent pas de frontière. Je pense ici évidemment au terrorisme en premier lieu ; il peut nous frapper tous et doit être combattu dans ses repères les plus lointains.

Forts de cette vision stratégique, les pays qui le voudront pourront alors mettre en œuvre les moyens nécessaires à sa réalisation ; c'est un grand projet autour duquel nous devons rassembler nos partenaires, sans rechercher à les convaincre tous par crainte de blocages et d'immobilisme ; et c'est pourquoi il me paraît particulièrement important, parmi les propositions faites en matière de défense par la Convention sur l'avenir de l'Europe, et discutées actuellement par la Conférence intergouvernementale à Rome, que les coopérations structurées soient instaurées ; c'est par elles que l'Europe de la défense avancera. Des signes encourageants conduisent à persister dans cette direction, et le moindre n'est pas celui de l'évolution de la position de la Grande-Bretagne, qui marque un nouvel intérêt pour cet objectif. Pour favoriser ces progrès, je voudrais redire ici combien il me semblerait particulièrement juste et opportun de déduire les dépenses nationales de défense du pacte de stabilité...

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Guy Teissier, président de la commission.... dès lors qu'elles concourent à la sécurité de l'ensemble de la collectivité européenne.

M. Antoine Carré. Tout à fait !

M. Guy Teissier, président de la commission. Je conclurai mon propos en réaffirmant mon attachement à notre actuelle doctrine de dissuasion nucléaire.

D'aucuns la contestent aujourd'hui et aimeraient la voir remise en cause. A ceux-là, je réponds que s'il s'agit d'un moyen pour réduire le budget de la défense de 500 millions d'euros, la ficelle me paraît un peu grosse et la motivation dérisoire.

Plus grave est leur responsabilité, ou leur irresponsabilité, face aux générations à venir. Le monde dans lequel nous vivons et dans lequel vivront nos enfants est incertain, changeant, lourd de menaces de toutes sortes. La dissuasion nucléaire voulue par le général de Gaulle il y a plus de quarante ans nous a garanti la paix pendant la guerre froide ; mais elle continue aussi, depuis plus de dix ans, à nous permettre de faire face à la prolifération des armes de destruction massive, menace dont on ne voit pas qu'elle puisse se réduire dans un avenir prévisible.

Notre devoir d'hommes politiques est de garantir l'intérêt national et de préparer l'avenir de la nation en ne cédant pas aux facilités du court terme.

Le projet de budget de la défense pour 2004 que vous nous proposez, madame le ministre, répond à ces objectifs supérieurs. Nous l'adopterons donc sans restriction. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Dans la discussion, la parole est à M. Jean-Michel Boucheron.

M. Jean-Michel Boucheron. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'époque que nous vivons est complexe et révolutionnaire dans tous ses aspects stratégiques Un débat sur notre politique de défense ne saurait donc se réduire au seul débat budgétaire, même si celui-ci est important et ne doit pas être éludé.

Mais parlons d'abord de votre budget, madame la ministre.

Il y a bien entendu des aspects positifs (« Bravo ! C'est bien parti ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

M. le président. Mes chers collègues : seul M. Boucheron a la parole !

M. Jean-Michel Boucheron.... et d'autres qui le sont moins. Ils seront pondérés de façon différente selon l'endroit où l'on se trouve dans cet hémicycle.

Certaines apparences sont flatteuses : un budget en augmentation de 2,7 % en euros constants, avec une hausse de 7 % pour le titre V, qui passe ainsi de 44 à 46 % du budget ; une augmentation de 11 % pour le maintien en condition opérationnel ; une annuité de la loi de programmation militaire sans doute respectée. Votre majorité pourrait se réjouir (« Mais oui ! C'est ce qu'elle fait ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française),...

M. le président. Réjouissez-vous en silence, mes chers collègues !

M. Jean-Michel Boucheron.... mais il y a aussi des aspects plus discutables.

Je pense en premier lieu à ces 300, 400 ou 500 millions d'euros toujours gelés, qui financeront probablement les OPEX. Si tel est le cas, rien n'aura changé sous le soleil : c'est la programmation qui s'en trouvera amputée.

J'évoquerai ensuite ces 300 millions d'euros d'annulation de reports de l'année 2002, qui manqueront évidemment à l'application du budget 2003, et la stagnation des crédits de la recherche à 1,24 milliard d'euros, soit 30 % de moins que le budget britannique - le rapporteur spécial a même parlé d'une baisse de 19 % pour les études amont.

II y a enfin ce blocage des dépenses de fonctionnement, formatées à 3 % au-dessous des besoins en matière d'effectifs. Cela ne vous permettra pas d'améliorer la condition militaire et rendra l'embauche difficile. La faiblesse du nombre de candidats à l'engagement est un problème qui devient vraiment préoccupant.

Au-delà de ces chiffres, vous conviendrez, madame la ministre, que les choses ne sont pas si simples et qu'un choix budgétaire est avant tout un choix politique.

Vous avez choisi une augmentation importante du budget de la défense : plus de deux milliards d'euros, et ce à l'heure où votre gouvernement connaît la pire croissance qu'on ait rencontrée depuis cinquante ans, même si l'on compte les années 1974 et 1993,... (« Et alors ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Lang, rapporteur pour avis. C'est tout notre mérite !

M. Jean-Michel Boucheron.... avec une dette record et un chômage dont on peut craindre qu'il dépasse le seuil des 10 %. Au même moment, vous économisez 300 millions d'euros en supprimant l'allocation spécifique de solidarité pour les cent mille Français les plus pauvres. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, laissez parler M. Boucheron !

M. Jean-Michel Boucheron. Madame la ministre, il est des moments où le contraste des chiffres crée un malaise politique, un goût amer, une gêne, que ressentent d'ailleurs quelques éléments éclairés de votre majorité.

II faut prendre garde à ce que l'augmentation de l'effort de défense dans des périodes socialement difficiles ne crée une fracture dans l'opinion publique, un rejet mettant à mal l'esprit de défense et le lien entre l'armée et la nation.

C'est là, sans doute, la première raison pour laquelle le groupe socialiste refusera ce budget. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Au-delà de cet aspect, il en est d'autres, plus profonds mais aussi plus simples dans leur énoncé, qui méritent vos réponses. Quelle est la politique de défense de la France ? Où allons-nous ? A quelle menace voulons-nous répondre, et avec qui ?

M. Charles Cova. Et il y a deux ans, aviez-vous les réponses ?

M. Jean-Michel Boucheron. Deux sujets essentiels, la dissuasion et la défense européenne, appellent des commentaires particuliers.

La question de la dissuasion, évoquée la semaine dernière par quelques gazettes, m'inquiète moins que d'autres. Notre doctrine est permanente : il s'agit de pouvoir frapper le cœur politique de n'importe quel adversaire. Il serait dès lors ridicule que l'arme ne s'adapte pas à la cible à atteindre.

Les principes sont simples. Quand le général de Gaulle a créé le concept, il s'agissait de répondre à une menace d'invasion de l'Europe de l'Ouest par 55 000 chars du pacte de Varsovie. Les Français avaient de l'Occupation un souvenir précis. La dissuasion massive anti-cités était une façon de dire « plus jamais ça ». Si nous sommes envahis, pensaient-ils, l'envahisseur paiera cette invasion par 25 ou 30 millions de morts en quelques heures. II y a fort à parier que la paix de la deuxième moitié du xxe siècle a reposé sur cette équation folle, absurde, mais réelle.

M. Yves Fromion. C'est bien de le reconnaître !

M. Jean-Michel Boucheron. La menace ayant à l'évidence changé, le concept reste-t-il juste ? La réponse, à mon sens, est oui. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

A la fin de la guerre froide, déjà, les responsables politiques avaient compris qu'à un début de menace on ne pouvait répondre par la destruction anti-cités. Les armes nucléaires à courte portée Pluton ou Hadès ont été conçues comme un ultime avertissement : elles n'étaient pas assez nombreuses pour être des armes de champ de bataille. En revanche, c'est bien parce qu'elle était une arme de champ de bataille que François Mitterrand a refusé la production de la bombe à neutrons. Le concept était inchangé, mais les outils s'adaptaient au contexte stratégique.

Ce n'est en effet pas parce que l'outil de la dissuasion se diversifie que le concept disparaît. Qui peut défendre aujourd'hui la thèse selon laquelle une arme chimique atteignant la France devrait entraîner automatiquement une réponse anti-démographique contre le pays supposé être à l'origine de l'agression ?

M. Michel Voisin. C'est une décision politique !

M. Jean-Michel Boucheron. Il y a longtemps que nous savons que le terrorisme n'a pas forcément comme origine un Etat, et encore moins la volonté d'un peuple. Le concept anti-cités est devenu marginal dans la réflexion sur l'outil de défense, même si nous devons maintenir notre capacité stratégique mondiale face à ceux qui peuvent nous atteindre ; l'outil, dans ce cas, est le M 51.

La dissuasion exige désormais que l'on soit capable d'atteindre les auteurs d'une agression majeure sans entraîner des dégâts collatéraux rendant la riposte politiquement impossible.

Faut-il pour autant préciser les modes et les conditions d'emploi de notre force ? Surtout pas ! II faut faire savoir que nous disposons des armes qui conviennent, mais il n'est pas utile d'en livrer le mode d'emploi. La non-définition du concept éventuel d'emploi des armes fait partie de la dissuasion.

M. Michel Voisin. Bravo, monsieur Boucheron !

M. Jean-Michel Boucheron. Concernant la construction de l'Europe de la défense, les questions sont plus difficiles, plus évolutives, plus actuelles.

Reconnaissez tout d'abord, madame la ministre, que votre gouvernement ne participe guère à la crédibiliser. Comment ne pas voir la contradiction : on affiche un budget de la défense qui se veut exemplaire pour d'autres pays européens mais, au même moment, notre déficit budgétaire, s'élevant à 5 % (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

M. le président. Mes chers collègues, veuillez laisser parler M. Boucheron !

M. Jean-Michel Boucheron.... montre que nous ne sommes pas prêts à appliquer les règles communes. C'est la vérité collègues ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Le discours de la France se trouve fortement affaibli par cette situation. Pourtant, le contexte politique est plutôt bon, comme l'attestent quatre faits importants.

Premièrement, l'intervention américaine en Irak est derrière nous. L'actualité, malheureusement, conforte nos analyses de départ, qui sont aujourd'hui largement partagées. Le consensus européen se reforme. Ceux qui ont voulu cette aventure sont en difficulté politique.

Deuxièmement, les opinions publiques européennes sont de plus en plus favorables à l'Europe de la défense : 46 % des citoyens de l'Europe souhaitent une défense européenne, contre 18 % qui préféreraient que l'OTAN s'en charge. Notons que ces chiffres sont aussi valables en Pologne.

Troisièmement, le dernier sommet franco-germano-britannique a entériné l'acceptation par M. Blair d'une autonomie stratégique européenne dans le cas où l'OTAN ne serait pas impliquée.

Enfin, les avancées de la Convention européenne sont particulièrement intéressantes dans le domaine de la défense, qu'il s'agisse de la création de l'agence européenne de l'armement ou de la possibilité de créer des coopérations structurées.

Ces quatre événements politiques majeurs appellent évidemment une série de réponses concrètes à des questions qui le sont tout autant. Or le budget qui nous est soumis ne me semble pas en apporter beaucoup.

M. Charles Cova. Oh !

M. Jean-Michel Boucheron. L'agence européenne de l'armement sera-t-elle dotée très rapidement d'une structure de coordination des recherches européennes ? Disposera-t-elle de financements autonomes ? Quelle politique d'autonomie technologique menons-nous ?

En ce qui concerne l'organisation en réseau, quelle est la situation exacte de l'intégration de nos systèmes d'armes ? Quelle structure européenne d'intégration envisage-t-on ? Quelle coopération spatiale dans le domaine des transferts de données engagera-t-on ? Dans combien de temps disposerons-nous d'une capacité de gestion en temps réel de nos opérations ?

En ce qui concerne l'autonomie opérationnelle européenne, avançons-nous dans le domaine de la fusion et du renseignement ? De quelles capacités réelles de planification le nouvel état-major sera-t-il doté ? Quelle sera sa force réelle, avec ses trente officiers, face aux six cents officiers du SHAPE ?

Toutes ces questions devraient trouver une réponse, ou du moins un début de réponse, dans les différentes lignes budgétaires. Nous n'avons pas encore ce sentiment. II y a bien ici et là des débuts d'expérimentation, mais nous ne sentons pas une véritable logique politique financée dans ce budget. On a l'impression que l'on continue l'existant, le monde nouveau n'étant traité qu'à la marge. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Telle est la deuxième raison qui nous interdit d'approuver ce budget.

La question européenne est en définitive la seule vraie question. Elle est de nature philosophique et peut être énoncée très simplement : l'Europe pourra-t-elle exprimer son identité et son influence au xxie siècle sans disposer d'une puissance militaire ? Le simple rayonnement de ses idées, de son économie, de ses talents, suffira-t-il à en faire une puissance influente au-delà des 5 % de l'humanité qu'elle représente d'ores et déjà ?

On peut s'abandonner à ce rêve, à cette illusion. Certains franchissent ce pas. Pour ma part, je n'y suis pas prêt. Il est plus que probable qu'à côté de l'influence économique et culturelle la puissance militaire est nécessaire à la paix. Je suis de ceux qui refusent de prendre le risque de faire l'impasse sur cet outil. Les pays européens dépensent aujourd'hui la moitié du budget des Etats-Unis, mais ils représentent 10 % de leur capacité militaire.

Pour augmenter l'efficacité de notre défense, madame la ministre, il est beaucoup plus important d'en augmenter la cohérence que d'en augmenter le budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Francis Hillmeyer.

M. Francis Hillmeyer. Vous nous présentez, madame le ministre, un projet de budget de la défense en hausse de 4,3 %. Loin de s'en inquiéter comme certains de nos collègues, les députés du groupe UDF vous en félicitent d'autant plus que le contexte budgétaire et économique est particulièrement difficile.

Cette augmentation, c'est le respect des engagements du Président de la République, le respect de vos engagements auprès de nos forces armées, et enfin le respect de la loi de programmation militaire votée par le Parlement.

Faut-il rappeler que les crédits de la défense, et particulièrement ceux du titre V, ont servi pendant des décennies de variable d'ajustement au budget de l'Etat ? Avec la loi de programmation militaire pour 2003-2008, nous avons fixé un cap clair pour notre défense. Avec ce projet de budget, vous franchissez sans détours ni retard la deuxième étape du parcours.

Comme vous l'avez dit en commission, le budget de la défense n'est pas un budget comme les autres. Certes, il est la condition de notre sécurité dans un monde instable où les menaces terroristes sont devenues permanentes, mais, avec ses 32,4 milliards d'euros, il représente aussi un puissant levier pour notre industrie et notre recherche, puisque 46 % de ces crédits, soit près de 15 milliards d'euros, sont affectés à notre effort d'équipement et 1,2 milliard d'euros sont investis dans la recherche technologique, dont les retombées civiles sont souvent très positives.

Il faut poursuivre cet effort, mais la distinction entre recherche militaire et recherche civile, à quelques exceptions près, n'a plus lieu d'être, ce qui doit nous inciter à sortir de la doctrine du « dual ». Réorganisons nos structures en les simplifiant et en supprimant les doublons : nous pourrons ainsi dégager des moyens supplémentaires pour accroître nos investissements.

Il en va de même dans le domaine de l'armement, où la mise en place d'une agence européenne des armements et de la recherche, disposant d'un budget propre qui se limite, dans un premier temps, à la recherche et au développement en matière de technologies nouvelles, permettrait d'inciter les Etats membres à adopter une politique d'acquisition harmonisée et à en finir avec l'inflation des échelons et l'empilement des structures.

L'objectif numéro un est la constitution d'un marché européen qui fonctionnerait avec la règle de la préférence européenne, ce qui implique la révision de l'article 296 du traité sur la Communauté européenne qui donne aux Etats la possibilité d'exclure, dans certaines conditions, le domaine de l'armement du champ communautaire. La transformation de l'agence spatiale européenne en agence spatiale de l'Union européenne pourrait également représenter un pas en avant dans l'institution de la politique de sécurité et de défense.

Pour les équipements, veillons à ce que l'augmentation, nécessaire, de 9,2 % des crédits ne conduise pas les industriels à augmenter d'autant leurs prix ce qui reviendrait à poursuivre une démarche de subvention qui nuirait à la pérennité de nos entreprises publiques et à la modernisation de nos armées. Nous avons besoin de nouer un nouveau type de partenariat entre les industriels de l'armement et la DGA. Pourquoi ne pas utiliser cette formidable manne budgétaire pour essayer de rééquilibrer les investissements publics vers les petites entreprises de défense qui créent de l'emploi et développent du savoir-faire - ainsi que l'a relevé notre collègue François d'Aubert - et éviter ainsi les catastrophes humaines et financières, comme celle des licenciements chez GIAT ?

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Francis Hillmeyer. Le tissu industriel de notre pays doit être redessiné à travers une approche maîtrisée et horizontale de l'externalisation. Le soutien à l'innovation passe aussi par une mobilisation des crédits de la défense au-delà des grands programmes d'équipement, comme en témoigne a contrario le problème de Manurhin en Alsace.

En ce qui concerne les efforts de réforme et de maîtrise budgétaire, là aussi je veux saluer votre action. Les pistes d'économies et de modernisation de notre structure de défense sont nombreuses, comme en témoigne votre audition devant la commission des finances. J'ai particulièrement apprécié vos propositions en matière de sécurité civile et de réorganisation des réserves. Vous vous êtes engagée à soutenir une démarche pragmatique d'externalisation, quand l'intervention d'entreprises extérieures à la sphère militaire s'avère moins coûteuse et plus efficace. Vous citez notamment l'exemple de centaines de gendarmes employés à la gestion immobilière, mais aussi la rationalisation des services d'archives et la rationalisation de manière générale.

On peut également s'interroger sur l'organisation du plan Vigiepirate qui mobilise une partie de nos forces terrestres. Tous les pays européens sont confrontés au terrorisme, les aéroports et les gares sont surveillés. Pourquoi ne pas imaginer une force européenne multinationale de surveillance des installations aéroportuaires ou des gares, le passager étant, par essence même, multinational ? Cela n'aurait que plus d'impact et de cohésion.

Concernant la question du nucléaire nous approuvons les crédits affectés au programme du SNLE et au M51. Il s'agit en effet, de garantir la continuité de nos recherches et de notre industrie dans ce domaine qui touche au cœur de la puissance régalienne de l'Etat. Cependant nous ne sommes pas hostiles à l'ouverture d'un débat démocratique et transparent sur ce sujet, comme je vous le demandais l'année dernière à cette tribune. Pour appuyer cette demande, je me permettrai de citer cette phrase du général de Gaulle : « Nous ne devons pas conserver l'armée de nos habitudes, mais construire l'armée de nos besoins ». On peut s'interroger, en effet, sur la pertinence de la doctrine de la dissuasion et envisager une redéfinition, comme le laissait entendre le Premier ministre lors de son discours à l'IHEDN, auquel j'ai assisté. Mais la banalisation du recours à l'arme nucléaire, non plus contre des Etats en guerre, mais contre des groupes ou des cibles terroristes, grâce à des bombes miniaturisées, mérite d'être appréciée au regard des valeurs universelles dont la France est dépositaire. Il faudra aussi se poser la question de l'utilisation de la dissuasion nucléaire en terme de protection de l'Europe.

Je voudrais conclure mon propos en abordant un thème qui, vous le savez, est particulièrement cher à tous les élus de mon groupe. Je veux parler de l'Europe de la défense. Chaque année l'évidence se précise : l'Europe est la seule solution pour sortir des impasses budgétaires et financières, dans lesquelles se trouvent les Etats membres vis-à-vis de leur armée. Pour nous, la perspective doit être clairement posée : il s'agit comme l'a préconisé le général Morillon au Parlement européen de redéfinir et d'étendre les missions de Petersberg. Par exemple, la gestion des conflits civils doit être reconnue comme un élément central de la politique de sécurité et de défense. Il s'agit là de prendre en compte la réponse à des besoins qui nécessitent la mise en place, outre un déploiement éventuel de forces de police, de capacités ou d'instruments communautaires, en vue de renforcer démocratie, administration publique et Etat de droit. Tout ceci implique, bien sûr, que soient renforcées les capacités militaires disponibles, revues les allocations de ressources et leur financement et surtout, il apparaît important de développer, parallèlement à la culture de défense, une véritable culture européenne de sécurité.

Cela ne remet pas en cause le fait que l'OTAN reste le lien indispensable entre les intérêts des Etats-Unis et ceux de l'Europe en matière de sécurité. Il y a renforcement mutuel comme il doit y avoir étroite collaboration. Même s'il faut encore préciser les rapports entre la force de réaction rapide de l'OTAN, décidée à Prague et celle de l'Union européenne. Même s'il est clair qu'il ne peut y avoir d'action contraire aux principes de la Charte des Nations unies, il faut se féliciter d'une part de l'accord de partenariat stratégique conclu entre l'OTAN et l'Union européenne en décembre 2002 et d'autre part de la possibilité, pour des alliés européens, n'appartenant pas à l'Union, de participer à des opérations.

La mise en place d'une telle architecture européenne en matière de défense et de sécurité ne peut que renforcer la politique de sécurité multilatérale, dont la responsabilité est celle du Conseil de sécurité des Nations unies. Peut-être est-il bon, dans ce cadre, de proposer que l'Union européenne se voie attribuer un siège de membre permanent au Conseil de sécurité ?

Voilà les pistes que je souhaitais vous soumettre pour compléter les chantiers nationaux que vous avez ouverts depuis votre arrivée au ministère.

Comme le souligne le général américain James Jones : « Les Français ont d'impressionnantes capacités dans tout le spectre des opérations... c'est une très bonne armée ».

Soyons fiers de nos militaires et donnons-leur les moyens de continuer à servir d'exemple. Ils sortent des années de récession budgétaire voulues par le précédent gouvernement, ils ont d'autant plus de mal à se relever que leur engagement est de plus en plus important. L'effort consenti par la nation n'est pas vain, notre armée est un élément phare en Europe.

Le groupe UDF, conscient de vos efforts et de votre volonté de tenir les engagements de la loi de programmation militaire, votera sans hésitation ce projet de budget pour 2004, qui nous donne pleine satisfaction. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de la défense affiche une hausse de 4,3 % faisant suite à celle, de plus de 7 %, intervenue en 2003.

Nous ne pouvons souscrire à la « sanctuarisation » des dépenses militaires quand le budget civil est lourdement amputé et que le sacrifice des politiques publiques sociales concourt à l'insécurité des Français. Mais au-delà de cette considération conjoncturelle, notre inquiétude porte sur les choix stratégiques et d'armements sous-jacents à ce budget.

Ainsi la forte compression du titre III, qui n'augmente que de 0,5 %, contre plus de 9 % pour les titres V et VI, aboutit à une tension très forte sur les effectifs civils tout en touchant les militaires. Or madame la ministre, la capacité opérationnelle des armées ne dépend pas que de la modernisation et de la disponibilité des équipements, elle dépend aussi des hommes. Les trois chefs d'état-major de l'armée de terre, de l'air et de la marine, ont souligné ce fait, lors de leur audition devant la commission de la défense.

Le choix de la diminution du personnel civil : moins 852 postes, alors que leur nombre a déjà été réduit de plus de moitié, durant les dix dernières années, aboutit, de fait, à une externalisation poussée et à la déstructuration du ministère de la défense, qui devient ainsi, de moins en moins « national », selon les syndicats des personnels civils de la défense.

La forte augmentation du titre V ne pourra secourir le secteur industriel du ministère, en crise profonde, en raison de votre politique d'armement fondée sur une mise en concurrence accrue et le recours aux achats sur étagères. Ce souci de rentabilité immédiate aboutit inéluctablement au sacrifice d'une industrie nationale de pointe et par extension, à la perte de notre capacité autonome de défense.

Le cas du démantèlement de GIAT Industrie en est la parfaite illustration. L'un des fleurons de l'industrie nationale mécanique de haute technologie, GIAT, qui a perdu près de deux tiers de ses effectifs, depuis les années quatre-vingt, est menacé, à terme, de disparition avec le plan Vigneron. Cette casse s'inscrit dans la stratégie que vous avez définie pour GIAT et qui est fondée sur une vision d'un groupe développant les matériels dans le cadre d'une « bulle aéroterrestre » conçue pour des missions de projection.

Or cette fin n'est pas inéluctable. Le plan industriel du projet GIAT 2006, qui prévoit une réduction de 3 750 salariés, pour ramener les effectifs à 2 500 en trois ans, est sévèrement mis en cause dans les rapports des cabinets d'experts engagés par le comité central de l'entreprise qui estiment que des « effectifs trop réduits », des « aberrations » feraient de GIAT « une proie facile pour les grands groupes mondiaux ». Le plan social n'est pas crédible et d'ailleurs a été suspendu par le tribunal de grande instance de Versailles. Ce ne sont pas les commandes de 72 systèmes d'artillerie Caesar, arrachées grâce à la lutte opiniâtre des travailleurs, qui changeront sensiblement la situation. Le rapport des cabinets conclut à la possibilité de mettre en œuvre un plan alternatif. De même, les organisations syndicales ont formulé des propositions industrielles et sociales alternatives dans le cadre de l'accord de méthode. Madame la ministre, êtes- vous prête à organiser une table ronde réunissant tous les acteurs concernés, afin de définir une solution stratégique et industrielle ? Votre refus persistant de négocier conduit actuellement à une exaspération lourde de conséquences.

La transformation de la DCN en société nationale de droit privé depuis le 1er juin dernier, risque d'aboutir au même résultat que GIAT, c'est-à-dire au désengagement de l'Etat du secteur d'armement naval. Des bruits courent sur une possible cession des parts de l'Etat dans le capital de THALES, dans le cadre de son rapprochement hypothétique avec un autre groupe. Pourriez-vous démentir ces rumeurs madame la ministre ?

Quant à la SIMMAD, face à l'interdiction de recruter qui lui a été opposée, elle doit faire face aux difficultés qui perturbent l'approvisionnement et menacent l'activité des trois ateliers industriels de l'aéronautique. La direction des centres d'expertise et d'essais voit ses crédits d'investissement réduits de 30 % en 2004, cette baisse s'ajoutant au vieillissement des personnels.

Ces choix s'intègrent dans le mouvement de concentration de l'industrie de l'armement aux mains des groupes transnationaux, qui aboutit à sa véritable « transatlantisation. » C'est ainsi qu'un rapprochement entre GE et la SNECMA se profilerait dans le cadre de la privatisation de cette dernière. Or, les armes ne sont pas des marchandises comme les autres, que l'on peut livrer au marché financier. Ce n'est pas seulement une question industrielle ; il s'agit là, madame la ministre, de la sauvegarde, pour la France et pour l'Europe, d'un outil indispensable pour garantir l'autonomie d'une politique de défense. C'est pourquoi nous préconisons que GIAT soit partie prenante d'un véritable pôle public de l'armement en France, que la DCN pourrait intégrer, ouvert aux coopérations européennes. Une réflexion interministérielle devrait aussi porter sur la diversification des activités de ces groupes.

Au sein du titre V, la part du nucléaire, environ 20 %, et la hausse vertigineuse des autorisations de paiement, de près de 70 % de 2001 à 2003, qui lui sont consacrées, sont d'autant plus inquiétantes que le Premier ministre vient d'annoncer à l'Institut des hautes études de défense nationale, une évolution de notre doctrine nucléaire sans qu'il y ait eu un débat organisé au Parlement. Le Premier ministre indique : « Les forces nucléaires sont adaptées pour faire face à une diversité de scénario, de chantage et de menaces auxquels nous expose de façon de plus en plus plausible le développement d'armes de destruction massive dans le monde... Leur conception, leur programmation et la doctrine qui les gouverne évoluent avec notre environnement et l'analyse des menaces. »

M. Bernard Carayon. C'est très bien !

M. Jacques Brunhes. Madame la ministre, face à ces propos clairs, votre démenti exprimé en réponse à la question d'actualité d'un de nos collègues, tout comme celui émanant de l'Elysée - démenti sur la doctrine - ne peuvent nous satisfaire. D'autant plus que la presse fait état de l'alignement de la France sur le Nuclear Posture Review - réexamen de la politique nucléaire - remis par Donald Rumsfeld au Congrès en janvier 2002. Ce document, à partir d'une analyse des dangers, dont font écho les propos de notre Premier ministre, préconise le développement des armes nucléaires tactiques de nouvelle génération, de haute précision mais de très faible intensité, capable de pénétrer profondément dans le sol pour détruire des abris souterrains et des bunkers, et pouvant être utilisées, dans les frappes préventives contre certains pays.

Nous souhaitons des réponses claires, madame la ministre. Notre pays est-il engagé dans une telle recherche ? Prévoit-il des frappes préventives contre les Etats dits voyous ? La nouvelle doctrine impliquerait de déclencher le feu nucléaire sans avoir été préalablement agressé. Elle impliquerait de revenir sur l'engagement pris par la France avec les quatre autres puissances nucléaires, lors de la prorogation du traité de non-prolifération en 1994, de ne pas utiliser d'armes nucléaires contre les pays non nucléaires.

Les conséquences d'une éventuelle réorientation de notre doctrine sont d'une extrême gravité. Elles rendent, madame la ministre, mes chers collègues, impératif un débat au Parlement, un débat qui devrait porter sur toute la politique de défense du Gouvernement. Car malheureusement, malgré le choix du multilatéralisme et du respect du droit international dont la France a fait preuve à l'ONU dans le dossier irakien, ce dont nous nous félicitons, notre pays continue à privilégier, s'agissant de sa politique de défense, une réponse uniquement militaire, non adaptée aux menaces du terrorisme, à la multiplication des conflits régionaux et à la prolifération des armes de destruction massive qui pèsent sur la sécurité nationale et internationale.

De toute évidence, le terrorisme « déterritorialisé » et fonctionnant en réseau ne peut être combattu ni par une capacité nucléaire ni par une force de projection apte aux interventions à l'étranger, qui sont les deux axes majeurs de votre politique de défense.

M. Bernard Accoyer. Et la conclusion ?

M. Jacques Brunhes. Le choc du 11 septembre 2001, les déboires des Etats-Unis en Irak en témoignent, si besoin en était. De même, la prolifération des armes de destruction massive est liée essentiellement au sentiment d'insécurité des Etats face à leur environnement régional, à la politique aventuriste et « unilatéraliste » de l'hyperpuissance américaine, aux critères de puissance que constitue la possession de ces armes, tout comme leur valeur de prestige sur la scène internationale.

Là aussi, la parade est le désarmement contrôlé et global de ces armes et non pas une menace de riposte nucléaire, qui ne peut être que contre-productive.

Enfin, s'agissant des crises et des guerres régionales, une action préventive est nécessaire, suivie en cas d'échec d'une intervention de l'ONU rénovée, démocratisée, sous réserve d'une définition internationale des critères d'intervention.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. N'importe quoi !

M. Jacques Brunhes. J'en arrive à ma conclusion, monsieur le président. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Merci, monsieur Brunhes !

M. Jacques Brunhes. Le désordre actuel du monde appelle de fait une nouvelle approche de la sécurité, fondée en premier lieu sur une politique multidimensionnelle en faveur du développement et de la réduction des inégalités inter et intra-étatiques.

M. Bernard Carayon. On est bien avancé avec ça !

M. Jacques Brunhes. Dans cette perspective, les missions de nos armées devraient se décliner selon un triptyque : défense prioritaire du territoire national et européen, actions humanitaires pour la paix sous l'égide de l'ONU, interventions sur les sites des catastrophes naturelles, dans le monde entier.

Cette politique permettrait un redéploiement des crédits budgétaires en faveur des postes déficients comme le développement des satellites de renseignements, la recherche duale et européenne, etc... Cela nous permettrait aussi d'avancer dans la voie d'une défense européenne autonome, dans le cadre d'une Europe qui tournerait le dos au modèle américain de puissance et de domination.

C'est une perspective que la France nie, malgré les discours et quelques avancées, en refusant d'admettre le découplage de la défense européenne avec l'Alliance atlantique et l'OTAN. Le Premier ministre l'a réaffirmé lors de son discours à l'institut, et le projet de traité de Constitution européenne le confirme.

Plusieurs députés du groupe UMP. C'est beaucoup trop long !

M. Jacques Brunhes. Madame la ministre, parce que ces choix stratégiques qui fondent votre politique de défense ne semblent pas des plus aptes ni pour assurer la sécurité nationale et internationale...

M. Bernard Accoyer. Ce n'est pas vrai !

M. Jacques Brunhes.... ni pour affirmer le rôle que la France devrait jouer en Europe et sur la scène mondiale, notre groupe votera contre votre budget. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Carayon. C'est impossible !

M. le président. La parole est à M. Michel Voisin.

M. Michel Voisin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons lu et nous avons entendu beaucoup de choses qui nous interpellent.

Le projet de budget que vous nous présentez pour 2004 s'inscrit dans une logique de continuité, continuité qui importune les uns mais ravit les autres.

Comment en effet, et ce que nous avons entendu le démontre, ceux qui se sont ingéniés à réduire, année après année, les crédits que notre pays consacre à sa sécurité (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ne hurleraient-ils pas, plus soucieux qu'ils sont aujourd'hui des intérêts démagogiques d'une gauche qui se cherche une éventuelle légitimité qu'ils ne l'étaient hier de l'intérêt général et de l'indépendance nationale ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilbert Meyer. Vous avez raison !

M. Christian Cabal. C'est la vérité !

M. Michel Voisin. La logique simpliste qui guide leur raisonnement à court terme a effectivement de quoi séduire celles et ceux qui, l'ayant délaissée, se retrouvent maintenant récupérés par une extrême gauche qui se retrouvera peut-être unie l'espace d'une campagne électorale. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Sensible au chant des sirènes que constituent aujourd'hui les sondages d'opinion, la gauche socialiste et son ex-Premier ministre en tête, s'ils reconnaissent du bout des lèvres que la défense pourrait être une priorité, n'en considèrent pas moins l'augmentation des dépenses militaires comme un fâcheux contretemps...

M. Gilbert Le Bris. Cela n'a pas de sens !

M. Michel Voisin.... et qu'elle s'effectue au détriment des politiques publiques essentielles à la croissance, à l'emploi et à la justice sociale. C'est vous qui le dites, ce n'est pas nous !

M. Jean-Michel Boucheron. Parce que c'est vrai !

M. Michel Voisin. On croit rêver ! Les Françaises et les Français ne les ont-ils pas justement sanctionnés, eux qui sacrifiaient tout à des politiques publiques budgétivores sans que la croissance, l'emploi et la justice sociale soient pour autant au rendez-vous ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

L'effort consacré à la défense par chaque Français a, sous l'action constante d'une idéologie pacifiste, été réduit de près de 15 % au cours des années précédentes.

Dans le même temps, force est de constater que l'instabilité s'est installée sur la scène internationale, que l'inquiétude des populations se manifeste face au développement des conflits régionaux, et que la force et même la folie semblent primer dans les relations internationales.

Il y a lieu de noter le déphasage total qui oppose ces deux constats, tout comme il y a lieu de s'étonner qu'il échappe à la sagacité de l'opposition.

Votre projet de budget, madame la ministre, s'inscrit dans la continuité de la loi de programmation militaire. Je ne reviens pas sur les chiffres, les pourcentages et les évolutions de crédits, qui ont été maintes fois cités.

Toutes celles et tous ceux qui ressentent la nécessité de doter notre pays d'un outil de défense à la hauteur du rôle qu'entend jouer la France sur la scène internationale ne peuvent que vous en féliciter, tant le contexte économique légué par vos prédécesseurs ne vous rendait pas la chose facile.

Grâce à votre action, relayant en permanence la volonté du Président de la République et la traduisant concrètement dans les faits, la défense ne constitue plus une réserve quasi inépuisable de crédits que l'on destinait à d'autres actions mais elle redevient une priorité de la politique de la France.

Il convenait de revenir à la raison et de doter notre pays d'un budget suffisant et compatible avec les missions du nouveau modèle d'armée professionnalisée. Vous avez, avec la constance et la ténacité que l'on vous connaît, madame la ministre, mis un terme aux coupes claires qui, année après année, mettaient en pièce notre outil de défense et cassaient le moral de nos militaires.

M. Jean-Yves Le Drian. C'est M. Juppé qui a commencé !

M. Michel Voisin. Vous et moi, mon cher collègue, sommes ici depuis longtemps. Nous avons connu la dégringolade et je suis fier aujourd'hui d'annoncer que le redressement est amorcé, ce que vous ne pouviez pas faire ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le nouveau contexte international, avec son lot de conflits et d'incertitudes, nécessite plus que jamais une attention et une vigilance soutenues. La multiplication des conflits régionaux et la menace permanente sur la paix mondiale des actions terroristes démontrent, une fois de plus, s'il en était besoin, l'urgente nécessité dans laquelle nous nous trouvons de disposer de moyens de renseignement autonomes, de façon à pouvoir assurer l'indispensable complémentarité entre les différentes sources d'information.

Le renseignement, aujourd'hui, quelle que soit son origine, constitue un gage de notre sécurité. De la fiabilité avec laquelle il est recueilli, de la technicité avec laquelle il est centralisé, de la compétence avec laquelle il est analysé, dépendent non seulement l'indépendance de choix des responsables politiques, mais aussi et surtout la sérénité quotidienne de nos concitoyens. Il s'agit d'un domaine prioritaire et le Gouvernement l'a bien compris.

Disposer d'un outil de renseignement efficace, c'est aussi pour notre pays la possibilité d'œuvrer en faveur de l'édification d'une politique de défense européenne véritablement indépendante. Cette défense européenne, qui se construit lentement, ne peut devenir réalité que si elle regroupe et fédère en son sein de réelles capacités. Renforcer la crédibilité de notre défense, comme vous vous y êtes attelée, madame la ministre, en donner ainsi une image forte, c'est œuvrer pour renforcer une certaine idée de la France et ainsi une certaine idée de l'Europe.

Évoquer l'émergence d'une défense européenne conduit inévitablement à ouvrir l'indispensable débat sur la place et le rôle qu'y tiendra la dissuasion. Il ne saurait être question de contourner éternellement cette délicate question. Mais à la regarder en dehors de toute polémique, en quels termes se pose-t-elle réellement ?

Nos partenaires européens sont-ils aussi hostiles que certains feignent de le croire - ou de le faire croire - à toute idée de dissuasion nucléaire ?

Si quelques-uns affichent de réelles réticences, il n'en demeure pas moins que de façon implicite ils en ont, en d'autres temps, accepté le principe. Qui plus est, il est non moins clair que nul ne pourrait sérieusement prétendre aujourd'hui que la sanctuarisation du territoire national, clef de voûte de notre système, ne transcende pas quelque peu les frontières de l'hexagone. Notre doctrine de dissuasion qui, à défaut heureusement de démonstration du contraire, a jusqu'à ce jour parfaitement fonctionné, ne peut que s'être étendue, par effet de proximité, à la sécurité de nos partenaires.

Notre doctrine de dissuasion nucléaire a, à l'évidence, participé au maintien de la paix en Europe. Parce qu'elle expose tout agresseur potentiel de notre pays à une riposte forte, notre dissuasion incite tout pays « proliférateur », dans les domaines nucléaire, biologique ou chimique, à ne pas s'en prendre à nos intérêts vitaux, pas plus qu'à l'intégrité de notre territoire. La France fait partie intégrante de l'Europe et la préservation de cette entité territoriale ne participe-t-elle pas, en toute logique, de nos intérêts vitaux ?

Certes, le fait que la Grande-Bretagne, autre pays nucléaire en Europe, ait de par son histoire une doctrine différente et une dépendance vis-à-vis des Etats-Unis d'Amérique en matière d'emploi, nécessitera de longues et délicates discussions. Il n'en demeure pas moins que malgré les oppositions de façade, qu'ils consentent ou non, nos partenaires européens adhèrent de facto à notre politique de dissuasion nucléaire.

S'agissant de la coopération avec la Grande-Bretagne dans le cadre d'une force européenne de projection, nous avons tout lieu de nous féliciter des rapprochements relatifs à la création d'un second groupe aéronaval par notre pays. Cette question, liée au choix du mode de propulsion du second porte-avions, pourrait favoriser la mise en commun de moyens maritimes et générer ainsi des économies d'échelle pour nos deux pays.

Les évolutions du contexte international nécessitaient un profond remaniement de notre outil militaire. Impulsées par le Président de la République, deux grandes réformes ont été lancées et vous les avez, madame la ministre, conduites à leur terme. Grâce à la réussite de la professionnalisation des forces, réforme devenue incontournable en raison de la suspension du service national, et de la mise sur pied d'une véritable force de projection, les forces armées françaises disposent aujourd'hui des capacités d'une armée moderne, adaptée aux menaces et aux dangers de ce début de siècle.

Certes, elles ont encore à souffrir d'un manque d'équipements imputable aux choix passés. Vous êtes aujourd'hui encore obligée de vous livrer à une gymnastique budgétaire qui nécessite une remarquable souplesse pour faire en sorte que les capacités opérationnelles de nos troupes ne soient pas obérées par les coupes claires pratiquées par le précédent gouvernement.

Si la progression des crédits d'équipements est globalement satisfaisante, la situation du titre V demeure toutefois légèrement préoccupante. En effet, les effets mécaniques des étalements de programmes, des gels de crédits antérieurs, des phénomènes liés aux spécifications glissantes dues à la durée de développement, provoquent d'importants surcoûts financiers. Ceux-ci consomment une part non négligeable de l'effort consenti dans ce projet de budget. II convient de ne pas se laisser abuser par le caractère particulièrement positif des chiffres globaux. Les crédits consommés par de gros programmes comme le Leclerc pour l'armée de terre et le Rafale pour l'armée de l'air ont un impact direct sur le bon déroulement de programmes considérés comme mineurs, mais dont la bonne réalisation est fondamentale pour assurer la cohérence opérationnelle des forces. Sans doute, madame la ministre, une plus grande concertation entre la DGA et les états-majors serait-elle de nature à mieux lisser ce genre d'inconvénient.

Le groupe UMP se félicitait l'an dernier, à pareille époque, que le projet de budget pour 2003 constituât une rupture avec la décroissance constante des moyens de la défense entre 1997 et 2002. Le projet de budget que vous nous soumettez aujourd'hui se situe dans le droit-fil du mouvement que le Gouvernement avait ainsi amorcé. Il permettra de mener enfin les actions nécessaires de mise à niveau de nos moyens opérationnels.

La conformité du projet de loi de finances pour 2004 à la future loi de programmation militaire est de bon augure. Elle renforce la crédibilité du budget et adresse un signal fort à l'ensemble de nos partenaires européens. Elle traduit aussi une volonté politique certaine, que le Gouvernement et les élus adressent à l'institution militaire. Enfin, c'est un gage donné à l'ensemble des Françaises et des Français de la priorité donnée à notre sécurité intérieure et extérieure.

La permanence de l'effort consacré à notre défense marque la détermination non seulement du Président de la République, chef des armées, et du Gouvernement, mais aussi celle de la majorité présidentielle d'assurer la défense des Français et des intérêts de la France, ce que nos militaires ont encore tout récemment démontré au quotidien, tant sur le territoire national qu'à l'étranger. Au nom de notre groupe parlementaire, madame la ministre, nous voudrions leur rendre un hommage appuyé. Ils le méritent bien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Voisin.

M. Michel Voisin. Je vous demande quelques secondes, monsieur le président.

Madame la ministre, vous me permettrez d'ajouter une note culturelle à cette intervention.

Je suis, comme l'ensemble des réservistes, attaché aux traditions véhiculées par nos forces armées. Au nombre de celles-ci, il en est une qui incarne l'exception française et constitue un élément de notre patrimoine national : je veux parler ici des batteries-fanfares (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), qui entretiennent la grande tradition des marches militaires.

La suspension du service national met en péril l'existence même de ce relais du milieu musical populaire français et du patrimoine, que ces formations mettent en valeur lors des cérémonies républicaines liées aux commémorations militaires. Il est impératif d'entretenir ces traditions qui contribuent à former l'ancrage de l'esprit de défense avec la nation.

L'an dernier, à cette même tribune, en concluant mon intervention, je me félicitais, au nom du groupe UMP, de la rupture avec... l'antériorité. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Lellouche. Parfaitement ! Et vous êtes les « antérieurs » !

M. Michel Voisin. Mais nous disions aussi que nous serions très attentifs au déroulement de l'exécution de ce budget. Aujourd'hui, je peux l'affirmer sans réticence : l'ensemble de notre groupe vous apporte, madame la ministre, son total soutien, et votera unanimement le budget que vous nous présentez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. Madame la ministre, j'utiliserai le temps qui m'est imparti pour vous poser trois questions relatives à l'industrie navale - en particulier à DCN - ou à l'aménagement du territoire.

Le changement de statut de DCN a conduit d'une part à identifier l'ensemble des biens mobiliers et immobiliers dont la société nationale avait besoin pour conduire ses activités et, d'autre part à une répartition du domaine patrimonial des arsenaux entre la marine, la DGA et DCN.

Certains biens immobiliers ont été apportés à l'actif de la société, d'autres sont soit loués à l'Etat, soit mis à disposition de la société nationale. Cependant, sur le domaine militaire, comme cela est le cas à Brest ou Toulon, les parcelles concédées, mais également les bâtiments industriels et moyens portuaires - tels que les bassins, par exemple -, doivent faire l'objet de conventions d'occupation temporaire, soit de longue durée - c'est-à-dire de vingt ans -, soit de courte durée - de trois ans.

Au regard des activités poursuivies, des autorisations d'occupation supérieures à trois ans seraient cependant de nature à donner une plus grande visibilité à DCN en termes d'organisation industrielle et d'investissements, et lui permettraient sans doute également d'améliorer le coût de ses prestations pour le plus grand profit de la marine nationale. Est-il alors envisageable, madame la ministre, de stabiliser sur ces espaces, par des conventions d'occupation supérieures à trois ans, le périmètre d'activités de DCN ?

Par ailleurs, dans le cadre de la discussion sur le budget 2003, j'avais souhaité, sans succès, appeler votre attention sur la question du « transfert » des SNA de Toulon à Brest, dont vous aviez reconnu qu'il répondait à une logique technique de répartition et de rationalisation de l'entretien et de la mise en œuvre de la flotte des SNA, ce que d'ailleurs personne ne contestait. Vous m'aviez alors indiqué qu'il convenait de tenir compte de problèmes de calendriers et des implications d'une telle décision en termes d'aménagement du territoire, ces éléments faisant par ailleurs l'objet d'une réflexion au sein de votre ministère.

Or, si à ce jour la marine vient d'annoncer que les futurs SNA de type Barracuda seront bien basés à Brest à compter de 2012, date de la première livraison, rien n'est dit sur l'escadrille de type Rubis actuellement basée à Toulon.

Dans ces conditions, madame la ministre - et compte tenu des éléments qui sont aujourd'hui en votre possession -, êtes-vous en mesure de m'indiquer si le transfert des SNA de type Rubis est envisagé à compter de 2006, date de l'IPER du Charles de Gaulle à Toulon, comme le préconisait le rapport sur l'entretien de la flotte rédigé par M. Cova et M. Kerdraon ?

Enfin, je constate une baisse très sensible des crédits accordés au Fonds pour les restructurations de la défense - le FRED -, qui passent de 18 millions d'euros dans le budget pour 2003 à 16,446 millions d'euros en autorisations de programme pour 2004 et, finalement, à 15,162 millions d'euros en crédits de paiement effectivement débloqués pour le budget à venir. Au final, d'une année sur l'autre, les crédits affectés au FRED sont réduits de 3 millions d'euros. Dans ces conditions, pouvez-vous nous préciser, madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement concernant le FRED, tout au moins pour la période de programmation 2003-2008 ?

A cet égard, je me permets de rappeler que les restructurations de l'outil de défense, décidées en 1996 par le Président de la République, continuent et continueront à produire leurs effets sur le plan économique. En outre, les collectivités seront amenées à réhabiliter les emprises militaires qui leur seront transférées. Elles devront, dans ce but, pouvoir compter en grande partie sur le soutien de l'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Mach.

M. Daniel Mach. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour l'année 2004 est sans aucune surprise : équilibré, responsable, mais aussi conforme aux décisions du chef de l'Etat. La continuité est fortement marquée dans la poursuite du redressement de notre effort de défense pour donner à la France les moyens nécessaires aux objectifs qu'elles s'est fixée et pour conforter notre place dans l'Europe de la défense.

Le contexte international, particulièrement menaçant pour la sécurité de nos concitoyens et de notre territoire, demande une vigilance extrême et une faculté d'anticipation développée.

Pour répondre à ces risques, le ministère doit bénéficier d'un encadrement financier exceptionnel. L'accroissement des crédits de 4,3 % par rapport à la loi de finances initiale de 2003 garantit l'enrichissement des capacités opérationnelles, mais prévoit également des dotations matérielles de dernière génération, plus adaptées à la situation contemporaine et plus réactives.

Force est de constater que tout égard a été donné à ces priorités, puisqu'elles ont été pleinement prises en compte. Chaque professionnel concerné par les mesures gouvernementales reconnaît l'attention qui lui est réservée. Tout le monde commence à trouver ses repères, mais en toute objectivité, les résultats ne sont pas totalement satisfaisants, et beaucoup d'efforts restent encore à déployer. Ils sont liés, bien entendu, au retard pris ces dernières années.

Je souhaite ainsi insister, madame la ministre, sur les difficultés que rencontrent nos groupements de gendarmerie face au manque notoire de matériels attribués et de personnels affectés. Ce point me tient particulièrement à cœur, pour avoir vécu et constaté les contraintes qu'imposent à nos gendarmes, dans l'exercice de leurs fonctions, les limites que je viens d'évoquer.

En effet, c'est à l'occasion de deux rondes nocturnes effectuées depuis le début de mon mandat avec les hommes du PSIG de Perpignan que j'ai pu concrètement vivre cette expérience et former des conclusions. Il s'agit pour moi d'une étape indispensable pour améliorer et enrichir concrètement le débat sur notre politique de défense.

Même si ces réflexions s'appuient sur la situation propre au groupement de gendarmerie des Pyrénées-Orientales, elles concernent l'ensemble de l'institution.

Premier point, les effectifs. Depuis le début de l'année 2003, le schéma d'organisation de la gendarmerie intègre un nouveau concept : la communauté de brigade, qui consiste à regrouper les moyens de deux, trois, voire quatre brigades territoriales, afin de rationaliser l'emploi et d'obtenir sur le terrain une meilleure efficacité des services.

Dans mon département, huit communautés regroupent les effectifs de dix-huit brigades sur un total de trente-trois. Les personnels ont immédiatement adhéré à cette nouvelle organisation. Ils notent une surveillance générale accrue et mieux orientée, des délais d'intervention inférieurs sur les événements et une activité judiciaire beaucoup plus fructueuse.

Cependant, la difficulté actuelle de fonctionnement des communautés, liée au manque d'effectifs, risque de mettre à mal la motivation des hommes.

M. François Sauvadet. En effet !

M. Daniel Mach. Ainsi, le respect des règles de service comme celui des droits individuels des personnes rendent difficiles leur organisation et leur gestion. Par exemple, cinq des huit communautés de brigade des Pyrénées-Orientales n'atteignent pas les volumes imposés.

Le manque d'effectifs nuit incontestablement à leur activité. A l'heure où cette dernière ne cesse de croître, cette situation ne doit pas perdurer. Nos sous-officiers attendent que la LOPSI leur octroie les renforts prévus.

Second point, les problèmes liés au manque de moyens. Le peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie est un outil très performant, qui déploie une activité diurne et surtout nocturne bénéficiant à l'ensemble des brigades de l'arrondissement. En zone périurbaine, il travaille comme la brigade anticriminalité de la police nationale, avec laquelle il entretient d'ailleurs les meilleurs rapports.

Il s'agit d'une unité particulièrement exposée, confrontée régulièrement à des situations dangereuses. Dans la zone frontalière, le PSIG de Céret exerce même dans des conditions de danger démultipliées, car le trafic de stupéfiants s'accompagne souvent du forcement de barrages et de l'usage d'armes.

Pour remplir leur mission de manière efficace, les pelotons d'intervention de la gendarmerie doivent être dotés de véhicules automobiles adaptés, donc suffisamment performants, qui leur permettent au minimum de « marquer », c'est-à-dire de suivre et signaler à l'ensemble des patrouilles engagées sur le terrain les délinquants qui, par exemple, forcent un contrôle ou essaient de s'y soustraire. Les véhicules disponibles actuellement sont lourds et ne peuvent en aucun cas rivaliser avec les grosses cylindrées utilisées par les délinquants.

Par ailleurs, les PSIG attendent avec impatience la mise en place de flash balls et souhaiteraient que les herses utilisées dans les unités soient remplacées par des matériels de type « stop stick », faciles d'emploi et susceptibles d'être mis en œuvre rapidement. Ces équipements sont d'ailleurs déjà utilisés localement par les douanes et la police des frontières. La sécurité des pelotons implique également une dotation en casques de protection pare-balles blindés.

Madame la ministre, le budget que vous proposez présente, cette année encore, de sérieuses avancées. Il donne à la gendarmerie les moyens de se préparer et de s'entraîner dans les meilleures conditions, afin de remplir les missions opérationnelles quel que soit le niveau d'engagement et de préavis. Je sais que nombre de matériels ont été commandés ou sont en instance de livraison. Il faut cependant l'avouer, la priorité est de doter et d'équiper ces professionnels le plus rapidement possible pour permettre l'exécution quotidienne de leur mission de protection des concitoyens du territoire. C'est en effet leur vie et leur sécurité qui en dépendent.

Même si l'axe prioritaire est la disponibilité des matériels, la réalité impose que nos gendarmes puissent en bénéficier au quotidien, et pas uniquement dans le cadre de centres d'entraînement ou de préparation. A l'heure où ils se voient confier des missions supplémentaires dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité intérieure, nous devons leur attribuer avant tout la totalité des moyens adaptés. Les 7 000 futurs emplois budgétaires ouverts dans la gendarmerie au cours de la période couverte par la LOPSI, c'est-à-dire 2002-2007 et - ne serait-ce que dans l'immédiat- les 1 200 postes de gendarmes créés pour l'année 2004, qui seront affectés au renforcement des capacités d'investigation, à la lutte contre le terrorisme, l'insécurité et la grande délinquance et à la protection des frontières, auront aussi besoin de ces moyens.

Si ce projet de budget, madame la ministre, prévoit d'adapter les effectifs de la gendarmerie à l'évolution de ses missions, les moyens matériels doivent inéluctablement suivre la même progression, au bénéfice d'une gendarmerie forte, solide et protégée.

En conclusion, nos gendarmes consacrent beaucoup d'espoir dans l'application de la LOPSI, dont ils attendent énormément en termes d'effectifs et de moyens. Ils souhaitent une répartition territoriale juste et proportionnée de ces moyens. Nous sommes d'ailleurs très demandeurs pour que les Pyrénées-Orientales, classées dans les dix premiers départements en termes de délinquance et jugées parmi les cinq plus sensibles par la gendarmerie, puissent bénéficier de tout le nécessaire pour accomplir, dans les meilleures conditions d'efficacité et de sécurité, leur mission quotidienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dasseux.

M. Michel Dasseux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tenterai en cinq minutes d'évoquer trois thèmes qui me tiennent à cœur, un peu comme on mène un assaut, ou tambour battant, comme dirait notre collègue Michel Voisin.

Mon premier thème concerne la réserve. Même si je salue aujourd'hui la progression de la ligne budgétaire relative à la réserve, ma déception est grande quant au format des effectifs qu'elle atteindra en 2008. En effet, l'inquiétude que je manifestais déjà l'année dernière devant vous, madame la ministre, se concrétise : l'objectif final de 100 000 réservistes, repoussé à 2015, est ramené à 94 000. Quant à l'objectif de 82 000 réservistes en 2008, il est ramené à 68 000.

L'effort budgétaire, s'il est certes appréciable, compense difficilement le retard pris l'année dernière, malgré un abondement de 17 millions d'euros en cours d'exercice, ce que confirme aujourd'hui le rapporteur qui dénonce « un sous-effectif qui se comblera lentement ».

Le dispositif reste à perfectionner. Des aménagements juridiques sont nécessaires parmi lesquelles l'assouplissement des conditions d'accès à la réserve, la modification des limites d'âge et l'augmentation de la durée de l'engagement à servir dans la réserve. Je tiens à souligner l'excellent travail réalisé sur ces questions par le conseil supérieur de la réserve militaire.

De même, la question du financement de la journée nationale du réserviste se pose depuis maintenant trois ans et ne trouve comme solution que de s'accoler aux journées de la défense, lorsqu'elles ont lieu, pour bénéficier de leur budget communication. Là aussi, une clarification de son statut par une budgétisation de l'ensemble des manifestations est nécessaire.

Mais surtout, le problème du partenariat avec les entreprises reste entier. Il n'est pas neuf. Je l'avais déjà évoqué dans mon rapport en 1999. Le MEDEF, après avoir promis dans un premier temps de s'associer au dispositif, a témoigné de ses réticences à accompagner son développement.

Ainsi, lors de la participation à des opérations extérieures, la tâche des réservistes est parfois difficile à assumer car aucun dispositif ne leur garantit le retour à l'emploi qu'ils occupaient au sein de leur entreprise. Il n'est pas normal qu'un salarié soit moralement contraint d'effectuer ses périodes de service sur ses congés de peur de se faire licencier. Il n'est plus temps de constater, il faut maintenant agir !

Développer le partenariat, mettre un dispositif incitatif fiscal en place ou recenser les entreprises qui emploient des réservistes, voilà des mesures qui pourraient relancer l'attrait de la réserve. Je souhaite, madame la ministre, que le projet de loi que vous présenterez au Parlement au cours de l'année 2004, puisse prendre en compte ces remarques qui me semblent essentielles pour le devenir de la réserve.

Mon deuxième point portera sur l'externalisation. Ce mouvement tend à se développer sensiblement afin de répondre en partie aux besoins posés par la professionnalisation. J'avais souligné dans mon rapport de 2002 toute la prudence qu'il convenait d'user en ce domaine. Les crédits d'externalisation sont augmentés de 20 millions d'euros et concerneront, en 2004, outre la gestion des logements que vous avez évoquée, madame la ministre, la formation initiale des pilotes d'hélicoptères, la gestion du parc des véhicules commerciaux ainsi que le soutien logistique des opérations extérieures.

L'externalisation ne doit cependant pas conduire la puissance publique à déléguer ses fonctions régaliennes. L'expérience britannique montre qu'il est très difficile de « revenir en arrière », si je puis dire. La perte du savoir-faire est alors quasiment-irréversible et les gains financiers ne sont pas nécessairement à la hauteur des espérances économiques des grands programmes d'externalisation. Or aujourd'hui, il reste difficile d'établir une réelle évaluation des contrats d'externalisation pour notre pays. Au préalable à tout choix d'externalisation, il est nécessaire d'explorer de nouvelles voies de rationalisation et de mutualisation de certaines fonctions, notamment par le biais de l'interarmisation que, si j'ai bien compris, vous avez évoquée lors de votre intervention, madame la ministre.

L'utilisation et la préservation des compétences techniques et du potentiel humain doivent rester prioritaires. Je prends pour exemple le service de santé des armées. L'échec de l'expérience britannique doit là aussi nous alerter.

M. Guy Teissier, président de la commission. Oui.

M. Michel Dasseux. Outre la pénurie de recrutement dans un vivier médical et para-médical déjà déficitaire dans le civil, la réactivité, primordiale pour un service de santé de qualité en opération, fait que ce secteur reste difficilement externalisable. De plus, dans le cadre de la réserve, le recrutement sur des courtes périodes de médecins libéraux demande une organisation complexe et une planification à très long terme. N'oublions pas enfin les personnels civils et la nécessité de mettre en œuvre une politique sociale de ressources humaines en cohérence avec la professionnalisation, respectueuse de cette composante.

Mon troisième point sera consacré au budget de la gendarmerie. M. Folliot, notre collègue, est déjà intervenu sur le sujet et je partage un grand nombre de ses remarques. J'attirerai néanmoins votre attention, madame la ministre, sur la suppression annoncée de nombreux CES et CEC. Outre le véritable rôle social que jouent de tels emplois, souvent occupés par des personnes en situation de chômage de longue durée qui se retrouveront à nouveau dans des situations de précarité extrême, leur suppression pose le problème de la gestion des mess mixtes ou d'autres services. Il ne s'agit certes pas des fonctions opérationnelles de première importance mais les gendarmes y sont très attachés.

Enfin, laissez moi, madame la ministre, vous faire part à nouveau de mon inquiétude sur le dispositif police-gendarmerie. La soumission de la gendarmerie au ministère de l'intérieur pose un certain nombre de problèmes non résolus qui indisposent les gendarmes, notamment la disparité de traitement entre les deux corps.

Je le répète, madame la ministre, ne piétinons pas les fondamentaux de notre République. Des forces de police et de gendarmerie distinctes restent la garantie de notre démocratie. Certes, une coordination renforcée est utile mais remettre en cause le schéma traditionnel police-gendarmerie pourrait conduire à une forme de dérive dangereuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Carayon.

M. Bernard Carayon. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les menaces contemporaines ont surgi, comme chacun sait, de la clandestinité : le terrorisme, la prolifération nucléaire ou la guerre économique sont autant de nouveaux défis que doit affronter notre pays, comme le soulignait avec pertinence au mois de juin dernier le Président de la République, en visite à la DGSE.

Jamais peut-être les services de renseignement n'ont été autant au cœur de l'appareil régalien : ils sont la clé de l'action. Voilà une singulière responsabilité alors qu'ils n'absorbent que 0,7 % du budget de la défense, hors rémunérations des militaires, il est vrai ! Pour le prix de quelques chars Leclerc, voilà même qu'ils disposeraient en quelques années des moyens techniques d'interception et de traitement de l'information de la nouvelle génération !

Leurs capacités les exposent naturellement à des risques spécifiques, notamment l'instrumentalisation politique. Rien n'est plus dangereux pour eux, comme l'a souligné le conflit en Irak. Parmi les images fortes des retransmissions télévisées des réunions du Conseil de sécurité de l'ONU, l'histoire retiendra sans doute celle du directeur de la CIA, assis derrière Colin Powell, le secrétaire d'État américain, s'efforçant de prouver, à l'aide d'analyses recomposées l'existence d'armes de destruction massive.

Au bénéfice de l'État de droit, les services de renseignement défendent dans l'opacité les droits de l'Etat. C'est là un curieux paradoxe, chers collègues, pour nos sociétés si éprises de démocratie et de transparence ! L'idée d'un contrôle parlementaire spécifique - à travers notamment la création d'une délégation permanente- est présentée à termes réguliers comme la panacée. Mais pour quoi faire ? Pour connaître les hommes, les missions, les moyens techniques utilisés ou les méthodes ? Cela n'aurait pas grand sens. Ne mettrait-on pas ainsi en péril la sécurité de nos agents et celle de leurs missions ? On soulignera au passage qu'un parlementaire ne peut être soumis aux règles traditionnelles d'habilitation. Le système anglo-saxon est-il vraiment quant à lui un modèle en la matière, alors qu'au terme de ce qui a été présenté récemment comme un règlement de compte politique, l'appartenance à la CIA d'un de ses agents a été dévoilée ? Le rapport spécial que j'ai présenté au nom de la commission des finances pour la deuxième année consécutive offre en revanche au Parlement l'occasion de s'interroger sur les vrais sujets relevant de sa compétence : conditions de fonctionnement des services, priorités techniques et budgétaires, modes de recrutement et statuts des personnels. Cet exercice est soutenu par la conviction que les services de renseignement n'ont ni la place dans l'État, ni l'image dans l'opinion publique qu'ils méritent. La culture du renseignement reste étrangère aux mentalités de nos élites. L'Etat lui-même ne gère qu'avec difficulté leur image et nourrit insuffisamment les vocations, alors même que ces métiers exigent des connaissances éprouvées, alliées à des valeurs morales singulières. Au-delà de la gratitude que la nation leur doit, notre pays ne peut oublier que les services de renseignement constituent l'un des atouts majeurs de sa puissance et de la défense de ses principes.

Globalement, les crédits de l'agrégat n° 7 « Renseignement » du budget du ministère de la défense se stabilisent à 291 millions d'euros en 2004, contre 304 millions d'euros en 2003. Ces crédits, qui n'incluent ni les rémunérations ni les charges sociales, se répartissent entre la DRM, la DPSD, et la DGSE. Outre les moyens inscrits au budget de la défense, la DGSE bénéficie de fonds spéciaux en provenance du budget des services généraux du Premier ministre pour un montant très satisfaisant de 33,2 millions d'euros, stable depuis 2002.

Mais le budget de la DGSE diminuera en 2004 de 5 % en crédits de paiement. Du fait de l'augmentation d'une unité des effectifs d'officiers et de la progression de quarante-six unités des postes de civils, l'effectif total serait de 4 745 personnes. Cet effort, que l'on peut juger appréciable, reste malgré tout sans comparaison avec l'évolution de ses missions. Sur la période de la loi de programmation militaire 2002-2008, il manquerait, selon diverses sources, de cinquante à cent postes par an.

Les dotations en crédits de paiement des dépenses en capital chutent de 16 %. Une telle situation peut paraître d'autant plus inquiétante que les besoins nouveaux en équipements, pour la durée de la loi de programmation militaire 2003-2008, seraient estimés à 130 millions d'euros. C'est donc un total cumulé de 50 millions d'euros de crédits de paiement qui manqueraient à la DGSE. Pourtant, les progrès technologiques constants appellent un effort budgétaire sans relâche, au risque de voir la France durablement distancée dans la maîtrise du renseignement technique. A titre de comparaison, les moyens des services anglais et allemands progressent dans la même période de 30 % à 40 %.

Au-delà des efforts de prospections engagés, je souhaite, madame le ministre, que la politique de communication auprès des grandes écoles soit renforcée de manière significative. Plus généralement, une politique active de communication est une nécessité. Il est ainsi étonnant que la DGSE ne dispose pas d'un site internet propre, à l'instar de ses homologues étrangers, comme la CIA.

La DRM disposera d'un budget stable, compte tenu de la faible variation de ses effectifs. En revanche, les crédits de paiements permettant l'achat de matériels pour plus de 20 %. La DRM, de création récente, reste d'une taille modeste par rapport à ses homologues étrangers. On estime ainsi à 7 000 les personnels de la DIA - Defence intelligence Agency - aux Etats-Unis et à 4 600 environ ceux du DIS - Defence intelligence Staff - au Royaume-Uni, c'est-à-dire à peu près le triple des effectifs de la DRM. Qualitativement, nos moyens de traitement de l'image de cible ou de combat ne relèvent pas de la même génération que les moyens américains et israéliens. Quant à la DPSD, elle disposera d'un budget stable.

Enfin, il convient à mon sens de mieux organiser les investissements en matière de renseignement. Nos services, dont la qualité des personnels est unanimement reconnue, doivent, en effet, affronter deux révolutions simultanées : d'une part la croissance exponentielle des masses d'information à traiter ; d'autre part la rapidité d'évolution des technologies dans le domaine de l'analyse avancée de l'information. Les Etats-Unis se sont lancés depuis une dizaine d'années dans une course à la puissance et à la performance de leur appareil de renseignement, qui n'est pas consacrée exclusivement - chacun le sait - à la sécurité nationale. Pour le traitement automatique d'immenses volumes d'informations en provenance du monde entier, les nouvelles technologies d'analyse de l'information font l'objet depuis le 11 septembre 2001 d'un effort d'investissement qui dépasse le milliard de dollars par an et dont les retombées pour les activités industrielles civiles sont considérables. Parallèlement, j'ai pu constater, au cours de mes travaux sur l'intelligence économique que, si le tissu scientifique et industriel français est d'une richesse exceptionnelle, l'investissement se disperse et, trop souvent, nos chercheurs s'expatrient. Notre pays doit donc concentrer et organiser son effort. Pour le faire, il devrait disposer d'un service global d'analyse et d'intégration rapide des meilleures technologies du renseignement. Cette idée, madame la ministre, qui, je le sais, vous tient à cœur, pourrait demain se concrétiser.

Cela dit, les remarques que je viens de formuler sur moins de 1 % de votre budget ne doivent pas occulter la grande satisfaction que nous éprouvons, j'en suis certain, sur tous les bancs de l'Assemblée, à l'examen des moyens budgétaires que vous avez obtenus face au ministère des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jean Michel.

M. Jean Michel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la construction de l'Europe de la défense, au sein de laquelle la France joue un rôle moteur, constitue un objectif de premier plan, et ce par-delà les divisions européennes ponctuelles apparues lors de la crise irakienne. La volonté de doter l'Union européenne de capacités militaires, partagée par tous les Etats membres, s'inscrit dans la perspective de faire de l'Europe un acteur militaire crédible, disposant enfin d'une autonomie stratégique.

Le sommet franco-britannique de Saint-Malo en 1998 a représenté une impulsion politique indéniable à la base du processus de construction de l'Europe de la défense. Depuis lors, plusieurs initiatives se sont succédé dans la même direction. Je rappellerai l'initiative capacitaire présentée par le processus ECAP ou la mission confiée au haut représentant Javier Solana de préparer une analyse stratégique de l'Europe. Tout récemment, le sommet franco-britannique du Touquet, ainsi que le mini- sommet de Bruxelles du 30 avril dernier ont également illustré la volonté des uns et des autres de s'impliquer avec détermination.

L'année 2003 a, en outre, été marquée par plusieurs avancées indéniables, au premier rang desquelles figure la prise en charge par l'Union européenne de deux opérations extérieures auxquelles vous avez fait allusion, madame la ministre : l'opération Concordia en Macédoine au mois de mars 2003, et l'opération Artémis au mois de juin de cette même année au Congo.

Le lancement effectif du programme emblématique A400-M, ainsi que celui du programme Galileo, trace la voie vers une coopération militaire accrue des Etats membres.

Dès lors, deux questions essentielles peuvent être posées :

Premièrement, toute construction d'une Europe de la défense ne nécessitera-t-elle pas la mise en place d'un état- major européen disposant de véritables moyens stratégiques ?

Deuxièmement, l'Europe ne doit-elle pas créer rapidement une Agence de l'armement, de la recherche et des capacités militaires ?

Et c'est de ces deux questions que découle ma première interrogation, madame la ministre : existe-t-il à ce jour le consensus politique indispensable à la création de cet état- major européen ? La décision de la création effective ou du renforcement de l'état-major existant par l'adjonction de capacités nouvelles est-elle sur le point d'être finalisée pour permettre à l'Union européenne de se doter des moyens indépendants de planification et de conduite d'opérations ?

L'émergence d'une défense européenne résultant d'un processus éminemment politique est cependant indissociable de l'existence d'une industrie militaire européenne forte et intégrée, présente dans tous les secteurs de la défense et permettant de garantir les performances technologiques et militaires de l'Union.

Nous avons assisté, ces dernières années, à la consolidation de l'industrie militaire américaine par restructuration interne et par l'acquisition, dans le cadre d'une offensive sans précédent, d'acteurs majeurs européens, dans le secteur terrestre ainsi que dans le secteur naval.

L'atomisation de certains secteurs européens risque donc de conduire, à terme, à leur marginalisation qui induirait une perte d'indépendance européenne lourde de conséquences.

La rationalisation des industries européennes de défense autour de pôles intégrés et performants, notamment dans les domaines encore trop morcelés de l'armement terrestre et de l'armement naval apparaît donc indispensable afin de regrouper et de rationaliser les moyens européens et de garantir l'indépendance stratégique de l'Union.

Restructurer nos entreprises et agir ensemble pour la recherche et l'armement, telle doit être notre ambition.

Il faut saluer à ce sujet le consensus atteint par la Convention sur l'avenir de l'Europe et notamment sa proposition d'inscrire dans la Constitution européenne l'instauration d'une Agence européenne de l'armement, de la recherche et des capacités militaires.

Chaque mot compte : recherche et pas seulement armement, armement et pas simplement capacités militaires.

Seule une politique industrielle et technologique européenne de défense permettra à l'Europe de se doter d'une base industrielle et technologique de défense forte, compétitive, capable de coopérer et de concourir sur une base d'égalité avec ses concurrents américains.

Elle permettra également d'offrir à l'Europe la sécurité d'approvisionnement qu'elle est en droit d'attendre en matière de technologies sensibles.

Le sommet de Thessalonique a décidé la création de cette agence sans délai. On imagine aisément que cela ne se fera pas sans surmonter à la résistance de bureaucraties multiples.

J'en arrive ainsi à ma deuxième série de questions, madame la ministre. Le gouvernement français a-t-il la volonté de mener rapidement à terme ce projet sans qu'il soit dénaturé par des aléas administratifs divers ? La France est-elle prête à être le fer de lance de cette construction en mettant les capacités et l'expertise indiscutables de nos administrations d'armement au service du projet européen de création de l'Agence européenne de défense ?

Ne nous laissons pas une nouvelle fois déborder par la frilosité, la susceptibilité et l'arrogance - nous sommes déjà les meilleurs ! (Sourires.) Ayons la volonté de prendre la conduite des opérations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Etienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Madame la ministre, le 24 octobre 2002, lors de la présentation du projet de budget pour la défense de 2003, vous m'aviez indiqué que vous ne pouviez répondre à ma question portant sur la stratégie de GIAT Industries au risque d'enfreindre les règles sur l'entrave.

Depuis lors, la direction de cette entreprise publique a présenté à son conseil d'administration et aux partenaires sociaux un projet de restructuration du groupe baptisé « projet GIAT 2006 ». C'était le 7 avril dernier.

Ce projet prévoit, malheureusement, la suppression de 3 750 postes sur les 6 250 actuellement répartis entre les différents sites pour préserver la survie de GIAT.

Loin de moi l'idée de rejeter certaines propositions permettant de sauver cette entreprise à laquelle nous sommes tous très attachés, particulièrement à Versailles où est installé son siège social.

Loin de moi également l'idée de nier les difficultés que rencontrent mes collègues parlementaires ou maires qui vont être confrontés à des fermetures de sites ou à des réductions très importantes d'effectifs. Nous devons tous être solidaires des efforts à accomplir pour sauver GIAT.

Cela étant, nous nous interrogeons, les uns et les autres, sur les moyens d'y parvenir.

Première question, très bien développée d'ailleurs par François d'Aubert dans son rapport oral, pourquoi les quarante-cinq chars Leclerc n'ont-ils pas été livrés en 2003 à l'armée de terre, comme c'était prévu ? Huit seulement l'ont été, au 1er octobre 2003. Ce retard s'expliquerait, nous dit-on, d'une part, par des défauts de qualité des pièces produites, qui ont contraint la DGA à refuser de valider ces engins, et, d'autre part, par des lenteurs dans le rythme de fabrication de GIAT. Mais quelles sont les raisons de ce retard invraisemblable ? Il est tout de même stupéfiant de constater que cette entreprise publique ne serait pas performante au moment même où elle joue sa survie.

Deuxième question, pourquoi note-t-on des retards dans la mise au point du programme de réalisation du véhicule blindé de combat d'infanterie ? Les hésitations de notre état-major sur la définition de cet engin risquent d'hypothéquer nos chances d'exporter ce matériel.

Troisième question, pouvez-vous nous donner, madame la ministre, des précisions à propos de la participation de GIAT au programme Félin ?

Quatrième question, enfin, et c'est sans doute la plus importante, quel est le devenir à long terme de GIAT ? Je pose cette question à la suite de l'arbitrage du Premier ministre qui aura pour conséquence la suppression supplémentaire de cinquante postes sur le site de Versailles-Satory.

Le transfert de GIAT Systèmes à Roanne avec ses filiales et ses participations constitue en quelque sorte la création d'une seconde entité ; en fait, la création d'un second GIAT, qui se substituerait, à terme, au GIAT Industries tel que nous le connaissons aujourd'hui.

Dans un premier temps, GIAT Systèmes serait une filiale de GIAT Industries. Dans un deuxième temps, son capital pourrait s'ouvrir à d'autres partenaires, publics ou privés. Enfin, dans une troisième étape, toutes les restructurations ayant été accomplies, GIAT Industries n'aurait plus de raison d'être et serait en quelque sorte amené à disparaître.

Voilà le fruit de mes réflexions -que j'espère pessimistes - et de mes inquiétudes. Je souhaite que vous répondiez à toutes ces questions, madame la ministre, et surtout que vous nous rassuriez sur la pérennisation de GIAT Industries, en particulier sur le site de Versailles.

En tout cas, contrairement à mes collègues de la Loire, je voterai ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet. Madame la ministre, mon collègue Georges Siffredi et moi-même avons été chargés, le 25 juin 2003, par la commission de la défense nationale et des forces armées, du suivi des mesures sociales d'accompagnement du projet de restructuration de GIAT Industries.

Ce faisant, nous devons notamment nous assurer que toutes les mesures de reconversion et de reclassement annoncées pour les personnels seront bien effectives et conformes aux engagements, tant du Gouvernement que du PDG de GIAT.

Nous avons d'ores et déjà rencontré votre cabinet, votre conseiller pour les affaires industrielles, votre conseiller social, avec le délégué interministériel aux restructurations de défense, puis la direction et, enfin, les organisations syndicales représentatives des salariés de GIAT, accompagnées de leurs experts.

Nous allons bien entendu poursuivre ce travail, conformément au mandat reçu mais, en cet instant, alors que nous débattons du budget de la défense pour 2004, permettez-moi quelques remarques, dans le droit fil de ce que j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer devant notre commission de la défense nationale et des forces armées, le 22 octobre dernier.

Sur l'accord de méthode, tout d'abord.

Conformément aux dispositions de la loi du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques, cet accord prévoyait la possibilité, pour les partenaires sociaux, de formuler des propositions alternatives au projet de restructuration, élaborées par une commission industrielle spécifique, et auxquelles la direction s'engageait à répondre de façon motivée.

Or, quand bien même la direction de GIAT Industries a décidé de clore les discussions sur le volet industriel, des interrogations persistent, alors que le terme de cette restructuration a été fixé à 2006 et que la loi de programmation militaire court, elle, jusqu'en 2008, sur le niveau de prise en compte des activités à assurer par l'entreprise dans sa nouvelle configuration. Cela porte notamment, au-delà des contrats en cours ou des commandes nouvelles que vous venez de décider, sur son possible rôle de maître d'œuvre industriel du soutien, susceptible d'assister le responsable opérationnel afin de gérer la disponibilité en s'inscrivant dans une approche globale du coût de possession et dans une perspective à long terme. Cela couvrirait tout le cycle de vie de matériels aussi essentiels à nos forces terrestres que le char Leclerc ou le VBCI.

Je suis de ceux qui pensent que la bonne mise en œuvre de l'accord de méthode engage tout à la fois la crédibilité de la loi du 3 janvier 2003, dont elle constitue une des premières applications par l'Etat lui-même, et la réussite de la transformation de l'entreprise GIAT Industries pour la rendre viable dans la durée, au plan industriel, économique et financier, en s'appuyant sur ses savoir- faire et ses compétences pour le développement d'activités maîtrisées prenant en compte l'évolution du marché.

Sur le plan de sauvegarde de l'emploi, ensuite.

L'emploi mérite une attention toute particulière, eu égard à la diversité des statuts -ouvriers sous décret, fonctionnaires détachés, convention collective- et des métiers des personnels concernés, mais aussi, parce qu'ayant le retour d'expérience d'autres entreprises -DCN, SNPE, etc.-, nous connaissons tous les limites des possibilités de reclassement, dans le secteur de la défense comme dans les fonctions publiques, et plus encore dans les activités créées ou développées dans le cadre de la réindustrialisation des bassins.

Et encore, je ne dis rien des sous-traitants, dont l'importance est certes variable suivant les sites mais qui sont trop souvent négligés, en termes de maintien de l'activité aussi bien que de l'emploi, dans ce type de restructuration lourde, alors qu'ils devraient, de mon point de vue, bénéficier en priorité de mesures de compensation.

J'ai voulu insister sur ces deux points parce que je suis convaincu que la réussite de la restructuration de GIAT passe également par la bonne mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi, en ce qu'elle conditionne la mobilisation positive, sinon l'adhésion au projet des salariés de l'entreprise, comme des élus des bassins concernés, ainsi que cela a pu être le cas pour la DCN.

De ce double point de vue, l'Etat peut et doit incontestablement montrer une certaine exemplarité.

Enfin, le projet GIAT 2006 n'ouvrira de réelles perspectives à notre industrie de l'armement terrestre que si, au-delà de l'indispensable viabilité de l'entreprise, il engage une dynamique plus large. C'est la raison pour laquelle je considère, ainsi que je l'ai déjà évoqué lors de l'audition du délégué général pour l'armement par notre commission, le 15 octobre dernier, que nous devons, dans le même temps et dès à présent, penser, œuvrer même à son adossement à un groupe français - militaire ou civilo-militaire -, dans la perspective d'une recherche d'alliance pour une consolidation de notre industrie d'armement terrestre en Europe.

Voilà, madame la ministre, les quelques remarques que je souhaitais brièvement porter à votre connaissance et à celle de notre assemblée, en rappelant, comme je l'ai fait devant l'ensemble des représentants des syndicats des personnels civils de la défense, le 22 octobre, que nous devons réussir la transformation de GIAT Industries, pour notre défense comme pour notre territoire et pour les personnels de ses différents sites. Tel était le sens de cette intervention et de mon engagement dans la mission qui nous a été confiée, à Georges Siffredi et à moi-même, par la commission de la défense nationale et des forces armées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de la défense n'est pas, c'est vrai, un budget comme les autres. Il est la condition de notre sécurité, la manifestation de la capacité de la France à remplir son rôle international, et un apport important à la vie économique. Il constitue le premier budget d'investissement public en France, avec 14,9 milliards d'euros, représente 170 000 emplois directs et autant d'indirects, et engendre des apports financiers, par le biais des exportations, de l'ordre de 4 milliards d'euros.

Encore faut-il, pour préserver ces résultats financiers positifs, maintenir un paysage industriel réactif et performant.

Outre-Atlantique, un important mouvement de restructuration avait été lancé dès 1991, donnant naissance à quatre groupes industriels majeurs. Il s'ensuivit un gap transatlantique important devant lequel il était urgent de réagir, au risque de disparaître inexorablement. Il fallut attendre 1998 pour voir les industriels européens de la défense s'engager dans un vaste mouvement de restructuration, afin de faire face au changement de leur environnement technologique, financier et concurrentiel. Cette saine réaction du vieux continent a abouti en 2000 à l'émergence de trois groupes européens de dimension mondiale : BAE Systems, Thalès et EADS. Dans le secteur naval, l'allemand HDW participa activement au processus d'intégration de l'industrie navale européenne. BAE Systems fit du développement de ses activités dans le secteur une priorité.

Dès lors, leur équivalent français, DCN, restait le dernier constructeur naval européen au statut d'administration d'Etat, et sa situation avait des raisons d'inquiéter. En dix ans, DCN avait perdu 40 % de son activité et ses effectifs avaient été réduits de 10 000 personnes. Il était urgent de positionner DCN de manière favorable pour de futures alliances structurelles, indispensables à son épanouissement européen et mondial. La modernisation, débutée en 1991 par la création de DCN International, aboutit en 2003 à sa mutation en société de droit privé, détenue à 100 % par l'Etat.

Chemin faisant, un rapprochement des savoir-faire de DCN et Thalès conduit à la création, en avril 2002, d'Armaris. En octobre 2002, DCN fonde une co-entreprise avec Technicatome, filiale d'Areva dans le domaine de la propulsion nucléaire. Un accord concernant les systèmes de propulsion classique est signé le 17 avril 2003 avec Rolls Royce. En coopération avec l'espagnol Izar, DCN développe le sous-marin Scorpène. La transformation de son statut doit pouvoir aujourd'hui permettre de pérenniser cette coopération au sein du programme de sous-marins S-80. La coopération avec l'Italien Fincantieri pour la construction des frégates antiaériennes Horizon devrait se prolonger sur le programme de frégates multi-missions. Des négociations sont en cours, en coopération étroite avec Thalès, sur l'éventuel rachat des parts de One Equity Partner dans la société HDW.

Aujourd'hui, l'horizon de DCN s'éclaircit : le carnet de commandes global s'élève à plus de 10 milliards d'euros. Le volet social de la réforme, qui était une des clefs de sa réussite, a été bien mené, et les partenaires sociaux, dans leur quasi-totalité, ont apprécié que nous légiférions positivement sur leur statut et leur représentation au sein de l'entreprise.

Un nouvel esprit et un nouvel élan anime DCN, le doute des dernières années se dilue dans l'espérance d'un avenir radieux. L'Etat lui a donné les moyens de réussir sa transformation. Le contrat d'entreprise doit être signé dans les prochains jours. Il précise les investissements qui seront réalisés par l'Etat, notamment le niveau de capitalisation. La dotation en fonds propres est fixée à 563 millions d'euros. Cette capitalisation ne sera pas imputée au budget de la défense, rompant ainsi avec une pratique trop longtemps utilisée par le passé.

Mais la transformation de DCN en société anonyme suppose que les prestations de service et les formations qu'elle livre à ses clients soient soumises à la TVA. Lors du changement de statut, un principe de neutralité fiscale a été retenu. C'est pourquoi les dotations du titre V doivent progresser à due proportion de ce surcoût. Au total, 129 millions d'euros ont été inscrits, tant en autorisations de programme qu'en crédits de paiement. Le surcoût est de l'ordre de 700 millions d'euros sur cinq ans. Il est vital, pour la réussite de cette mutation, que le principe de neutralité fiscale soit formellement respecté.

Madame la ministre, c'est dans le respect de nos engagements que s'inscrit ce budget 2004. Il est conforme à la loi de programmation militaire 2003-2008 que nous avons votée au tout début de la législature. La sacralisation du budget de la défense n'est plus un mythe. C'est aujourd'hui une réalité. Nous sommes ce soir fiers et heureux de le voter. La représentation nationale est honorée de participer ainsi à la renaissance de nos forces armées et de notre puissance militaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Le Bris, pour le groupe socialiste.

M. Gilbert Le Bris. Monsieur le président, madame la ministre, trop pour certains, - et ils se retrouvent sur tous les bancs -, trop peu ou juste bien pour d'autres, le budget de la défense fait comme toujours l'objet de déclarations péremptoires et souvent manichéennes sur son volume financier.

M. Michel Voisin. Propos excessif !

M. Gilbert Le Bris. Ce budget, plus que tout autre, ne peut être jugé indépendamment du contexte géopolitique mondial, de l'état des relations internationales et de la perception des menaces. Et quand on juge à cette aune, on réhabilite les budgets de la décennie précédente, monsieur Voisin, celle que l'on définissait partout comme la période des dividendes de la paix.

M. Pierre Lellouche. Vous avez des pannes de mémoire, monsieur Le Bris !

M. Gilbert Le Bris. Nous n'avons pas à rougir, car si, entre 1990 et 2001, la part du budget de la défense est passée de 3,6 % à 2,5 % du PIB en France,...

M. Pierre Lellouche. Contrevérités !

M. Gilbert Le Bris.... on ne peut apprécier cet effort que par rapport à celui des autres. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Dans le même temps, l'Allemagne est passée de 2,8 % à 1,5 % du PIB.

M. le président. Chers collègues, laissez M. Le Bris continuer son intervention.

M. Gilbert Le Bris. La Grande-Bretagne est passée de 4 % à 2,4 % du PIB. Les Etats-Unis sont passés de 5,3 % à 2,9 % du PIB. (Mêmes mouvements.) Autrement dit, chez nous, la contraction de la part du PIB consacrée à la défense a été plutôt moins marquée qu'ailleurs.

M. Michel Voisin. Vous défendez une cause perdue !

M. le président. Monsieur Voisin...

M. Gilbert Le Bris. Voilà qui relativise les critiques récurrentes, monsieur Voisin, sur le fait qu'il faudrait réformer, restaurer l'outil de défense français.

Autres temps, autres mœurs ; autres menaces, autres moyens ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Lellouche. N'essayez pas de vous justifier monsieur Le Bris !

M. le président. Monsieur Lellouche, laissez M. Le Bris poursuivre, sinon je vais être obligé de doubler son temps de parole !

M. Gilbert Le Bris. Sans développer mon argumentation, je dirai simplement que je trouve votre budget conforme à la loi de programmation, certes,...

M. Michel Voisin. Bravo, monsieur Le Bris !

M. Gilbert Le Bris.... mais insuffisant dans ses équilibres internes : trop pour la dissuasion et son développement, pas assez pour le spatial, le renseignement, les conditions sociales des personnels.

M. Michel Voisin. C'est un choix politique !

M. Gilbert Le Bris. La nouvelle donne mondiale, avec la montée des terrorismes, la volonté hégémonique américaine et les difficultés de la construction européenne, n'est pas prise en compte. Or nous ne pouvons plus l'occulter désormais, car s'il n'y a plus de menaces à nos frontières, il n'y a plus de frontières à nos menaces !

M. Paul Quilès. Bien !

M. Gilbert Le Bris. Il faut donc désormais redéfinir notre doctrine militaire, y compris celle du nucléaire, qui ne doit sûrement pas être abandonnée, mais sans doute reformatée.

A ce propos, je tiens à vous faire part, madame la ministre, des préoccupations des vétérans des essais nucléaires de la France entre 1960 et 1996. Sur les quelque 150 000 personnes concernées par ces essais, nombre souffrent de maladies, dont des cancers. Mais elles se voient refuser la reconnaissance d'un lien de causalité entre la maladie et leurs fonctions dans les centres d'essai. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Voisin. Il y a eu des commissions d'enquête, monsieur Le Bris, c'est indigne !

M. Gilbert Le Bris. A ce jour, aucune enquête n'a été diligentée sur les éventuelles conséquences des essais dans le Sahara sur les populations locales et l'environnement. Quant à la Polynésie française, l'étude menée par l'INSERM risque d'être prochainement interrompue faute de financement. Une enquête est parallèlement menée par l'AVEN - association des vétérans des essais nucléaires - sur près de 1 500 vétérans de Polynésie.

M. Michel Voisin. L'AIEA a rendu ses conclusions !

M. le président. Monsieur Voisin !

M. Gilbert Le Bris. La taille de l'effectif est réduite, mais elle devrait inciter le Gouvernement a réaliser une étude épidémiologique rétrospective sur l'ensemble des intéressés. Après tout, cela a été fait pour les 15 000 personnels concernés comme vétérans de la guerre du Golfe.

M. Michel Voisin. Cette guerre a été faite sous votre gouvernement !

M. Gilbert Le Bris. Ce serait un premier geste que d'assurer au moins un suivi médical spécifique pour les anciens personnels qui en feraient la demande et pour les populations résidant encore près des sites.

Par ailleurs, il ne vous étonnera pas, madame la ministre, que je vous parle de la mission de service public de la marine nationale et des remorqueurs Abeille. Votre position, qui est aussi celle du Gouvernement, compte tenu de la dimension financière du problème, ne manque pas d'émouvoir sur nos côtes bretonnes et normandes, à proximité de chantiers qui avaient besoin de ces constructions. Hier encore, le conseil municipal de Cherbourg, réuni en séance extraordinaire, a voté à l'unanimité une motion vous demandant de revoir votre position. A ma récente question d'actualité, vous avez répondu en substance que la société Les Abeilles a une préférence pour le chantier norvégien, qui offre de meilleures prestations techniques pour un prix inférieur et dans des délais plus courts.

En réalité, la société considère que c'est au politique de choisir et elle a proposé une solution de construction en France ou en Norvège. La vraie différence ne porte ni sur les qualités techniques - nos chantiers savent faire ce type de bâtiment - ni sur les délais, car les capacités de réponse françaises sont semblables à celles de nos concurrents pour une admission au service actif le 1er avril 2005. La seule différence est d'ordre financier.

Il convient alors de se poser certaines questions, en toute naïveté. Comment un pays de niveau social identique au nôtre peut-il proposer de tels prix, sauf à utiliser sous-traitance et aides publiques ? Pourquoi ne pas prendre en compte, non seulement les coûts de construction, mais aussi les coûts indirects si le marché part à l'étranger : pertes de TVA, pertes de taxes sur les salaires, surcoûts sociaux du chômage dans les chantiers français... Tout cela a-t-il été intégré dans une réflexion économique et sociale globale, qui ne soit pas une simple mécanique libérale à courte vue ? Une mission de service public, assurée sur nos côtes françaises avec des bateaux emblématiques bénéficiant de GIE fiscaux ne justifie-t-elle pas un effort financier, bien modeste dans le budget général de votre ministère, pour que la construction se fasse en France et non hors de l'Union européenne ?

En l'occurrence, ce ne sont ni les règles des marchés publics, ni les accords internationaux, ni la réglementation communautaire qui vous imposent un choix : la volonté politique peut librement s'exprimer. J'ai cru remarquer, par ailleurs, que vous n'en manquiez pas. Alors, pour l'avenir de notre construction navale, métier important aussi pour notre défense nationale, prenez les bonnes décisions, celles qui préservent notre puissance maritime française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Voisin. Vous ne manquez pas de souffle !

M. le président. La parole est à Mme Marguerite Lamour.

Mme Marguerite Lamour. Madame la ministre, mes chers collègues, si j'ai tenu à m'exprimer dans le cadre de la discussion budgétaire, c'est tout d'abord pour vous dire la satisfaction que j'éprouve, comme bon nombre de mes collègues, à voir les crédits de la défense augmenter par rapport à l'année 2003. Ceci confirme, si besoin était, la volonté du chef de l'Etat de placer au cœur de ses priorités la nécessité de disposer d'une armée efficace et moderne.

Le vote de la loi de programmation militaire 2003-2008, voici un an, nous a permis de donner au ministère de la défense les moyens d'assurer les missions dévolues à nos forces armées. Le présent budget assure la mise en œuvre de cette loi par l'effort financier de 32,4 milliards d'euros qui lui est consacré. Je souhaite, au-delà de ses grandes orientations que sont l'amélioration de la disponibilité des matériels, la modernisation des équipements et la professionnalisation des armées, appeler votre attention sur deux sujets qui me tiennent à cœur.

J'évoquerai tout d'abord la gendarmerie, qui contribue largement à la sécurité intérieure. La mise en place des communautés de brigades, dans le courant de cette année 2003, s'est accompagnée d'une redéfinition des missions de nos gendarmes. Les maires des communes rurales, dont je suis, ont été sensibilisés à ce nouveau dispositif. En effet, comme vous le savez, madame la ministre, la présence d'une gendarmerie dans un chef-lieu de canton rural est un élément essentiel pour le maintien de la sécurité des biens et des personnes. Les craintes exprimées par les élus de voir les gendarmeries moins accessibles du fait des regroupements de brigades ont été dissipées lors de la présentation de ce nouveau dispositif, et nous nous en réjouissons. Cependant, il faudra veiller à la mise en œuvre de moyens appropriés, en personnels et en matériels.

S'agissant de l'activité des réserves, les différentes manifestations, colloques ou expositions qui se tiennent actuellement, ainsi que la journée des réserves organisée le mois dernier, ont permis d'apporter des informations très intéressantes. Notre appareil de défense a beaucoup évolué en quelques années. Cela a conduit, entre autres, à une importante rénovation de la réserve, concrétisée par la loi du 22 octobre 1999. Votre objectif de plus de 94 000 femmes et hommes titulaires d'un engagement à servir la réserve, à l'horizon 2012, est ambitieux. Pour l'atteindre, il vous faudra certes disposer de moyens, mais aussi, sans doute, réfléchir à l'engagement des réservistes. S'il est assez facile pour un salarié d'une grande structure de servir plusieurs jours par an au titre de la réserve, cela l'est beaucoup moins pour un salarié d'une petite entreprise, dont l'absence désorganise le plan de travail. Telles sont les préoccupations dont m'ont fait part des représentants de l'Union nationale des officiers de réserve, réunis il y a peu de temps à Brest. Je sais que vous aurez à cœur d'y répondre.

Je ne m'exprimerai pas aujourd'hui sur la construction du second porte-avions, prévue par la loi de programmation militaire 2003-2008 pour assurer la permanence du groupe aéronaval à la mer. Les quatre parlementaires, dont je fais partie, chargés de rédiger un rapport sur le mode de propulsion du second porte-avions, vont présenter leur travail dans quelques heures à leurs collègues membres de la commission de la défense. Il appartiendra ensuite, fort logiquement, aux plus hautes autorités de l'État de faire leur choix. En ma qualité de députée de Brest rural, mais également à titre tout à fait personnel, je suis très attachée à la défense nationale. Le port militaire de Brest, les sites brestois de DCN et Thalès, se trouvent dans le périmètre de ma circonscription. Je mesure combien il est important pour l'avenir du pays de Brest de pouvoir disposer d'une défense forte. Celle-ci est pourvoyeuse d'emplois militaires et civils, elle est essentielle pour l'emploi dans la sous-traitance, et plus largement pour le dynamisme économique de notre région.

En conclusion, je voudrais vous dire, madame la ministre, que je ne suis pas de ceux qui pensent que la priorité donnée au budget de la défense arrive à contretemps. Je suis de ceux, nombreux à travers le pays, qui estiment que nous avons retrouvé l'espoir de voir notre défense nationale occuper la place qu'elle n'aurait jamais dû perdre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe UMP.

M. Pierre Lellouche. Madame la ministre, permettez-moi d'ajouter ma voix à celle des orateurs de la majorité qui saluent votre action à la tête du ministère de la défense au service de nos armées et qui se réjouissent de voir votre budget consolider les orientations de la loi de programmation militaire. Ce budget doit être salué comme la preuve la plus tangible du renouveau de l'effort de défense français, après, monsieur Le Bris, une période d'appauvrissement sous le gouvernement précédent, appauvrissement dont les conséquences ont été particulièrement graves sur la disponibilité et sur le moral de nos armées.

M. Michel Voisin. Voilà la vérité !

M. Pierre Lellouche. Comme vous l'avez dit, madame la ministre, votre budget représente un gage de crédibilité pour notre pays, vis-à-vis de l'étranger, de nos alliés européens et américains, vis-à-vis des hommes et des femmes qui servent notre défense, mais aussi vis-à-vis de tous ceux qui veulent faire de la violence et de la déstabilisation leur objectif déclaré. Le maintien du cap budgétaire tracé dans la loi de programmation doit être salué, et je crois que chacun, ici, s'en félicite.

Permettez-moi, dans les quelques minutes qui me sont imparties, de souligner brièvement les principales avancées de ce budget, de formuler une réserve et de vous poser une ou deux questions.

La première des avancées qui méritent d'être soulignées concerne l'amélioration de la condition militaire. Les 46 millions d'euros que vous avez affectés au fonds de consolidation sont à la mesure des sacrifices et des efforts consentis par les hommes et les femmes qui servent notre défense.

En second lieu, il est important de noter que dans le domaine de la livraison des matériels, des progrès patents ont été réalisés. Nous sommes en phase avec la programmation, dans le domaine spatial, avec la mise en orbite de Syracuse III et d'Hélios II, mais aussi en matière de dissuasion et de frappe en profondeur, de projection opérationnelle et de maîtrise des milieux aéroterrestres et aéromaritimes. Nous avons observé sur tous ces points, avec beaucoup de satisfaction, la même volonté de tenir les calendriers de livraison.

Autre aspect positif, la consolidation des indicateurs d'activité des forces armées. La consolidation du niveau d'entraînement des personnels, du maintien en condition opérationnelle, tout comme le milliard d'euros consacré à l'instruction et à l'entraînement des forces, correspondent à un besoin urgent, hélas aggravé par la gestion de l'équipe précédente. Beaucoup de progrès ont été accomplis, même si, vous le savez mieux que personne, un travail considérable reste à faire pour redonner à notre système d'armes une cohérence d'ensemble.

Vous me permettrez cependant d'émettre une réserve concernant le problème de la recherche et du développement. Dans ce domaine, nous faisons aussi bien que les Britanniques, vous l'avez souligné, et à eux seuls, nos deux pays représentent 80 % de l'effort européen. Il n'en demeure pas moins que le fossé se creuse avec les États-Unis, puisque le rapport est de un à six, voire de un à sept. Le différentiel de puissance entre les armées commence à devenir préoccupant, au point que certains s'interrogent sur leur capacité à combattre ensemble. Or le fossé technologique entre l'Europe et les États-Unis est l'un des facteurs de l'unilatéralisme américain. C'est lui qui détermine la conduite politique des crises, et je veux dire ici que la composante recherche et développement du budget doit être l'une des priorités à long terme, car elle conditionne aussi le poids politique de la France dans les crises à venir.

J'en viens aux questions que je voudrais vous poser au sujet de la défense européenne, autrement dit, comme on l'appelle dans la novlangue bruxelloise, la fameuse PESD.

En décembre 1999 à Helsinki, la décision est prise de créer des structures politiques et militaires de l'Union européenne et de développer, à l'horizon 2003, c'est-à-dire maintenant, une capacité autonome de défense, à savoir 60 000 hommes capables de combattre pendant un an. Cette décision a été confirmée à Nice en décembre 2000.

En décembre 2001, à Laeken, les conditions de mise en œuvre de ces forces avec l'OTAN, notamment avec la Turquie, sont clarifiées.

En février 2003, le sommet franco-britannique du Touquet marque, malgré nos divergences sur l'Irak, de grandes avancées de coopération militaire entre la France et la Grande-Bretagne sur plusieurs sujets, notamment en matière maritime.

En juin 2003, c'est le conseil de Thessalonique : le projet de traité constitutionnel, avec un volet important sur la défense, prévoit l'élargissement des missions de Petersberg, l'établissement de « coopérations structurées » possibles entre différents Etats et la création de l'agence européenne de l'armement, de la recherche et des capacités militaires, que vous avez évoquée tout à l'heure.

Enfin, le 20 septembre dernier, lors du sommet de Berlin des chefs d'État entre la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne, le principe d'un état-major autonome européen est entériné.

Or, parallèlement, l'OTAN a décidé en septembre 2002 de créer une force de réaction rapide devant être opérationnelle en 2006, et en août dernier, l'OTAN a pris le commandement de l'ISAF en Afghanistan, ce qui constituait la première mission de l'OTAN hors du théâtre européen proprement dit.

Ces développements extrêmement denses et complexes ont, vous ne l'ignorez pas, entraîné un vaste débat entre les deux rives de l'Atlantique, notamment après le fameux sommet à quatre du 29 avril dernier, entre la France, l'Allemagne, le Luxembourg et la Belgique, au cours duquel a été proposée la création d'un noyau dur ou d'un état-major européen. Plusieurs voix se sont élevées des deux côtés de l'Atlantique, mais surtout aux États-Unis, pour émettre la crainte qu'une telle structure ne fasse double emploi, voire qu'elle puisse affaiblir l'Alliance.

Pouvez-vous nous préciser quelle est la position de la France face à ces évolutions ? En clair, la priorité est-elle mise, de notre côté, sur la constitution d'un commandement européen distinct de l'OTAN, ou sur la constitution d'une force de réaction rapide dans le cadre de l'Alliance ?

D'autre part, le Conseil européen d'Helsinki a indiqué que 2003 serait le point de rendez-vous des objectifs de forces - les fameux 60 000 hommes. Globalement - vous l'avez reconnu vous-même dans une interview au Figaro en septembre dernier - nous accusons un certain nombre de retards et de lacunes dans le transport stratégique, le renseignement, les drones, les armes guidées de précision. Madame la ministre, le budget 2004 est-il réellement dimensionné pour réduire ces lacunes, compte tenu des calendriers annoncés à Thessalonique, Helsinki et Berlin ?

Enfin, dans le cadre de la mise en place de ces capacités européennes d'action rapide, quel est l'état de la réflexion de votre ministère concernant les cycles opérationnels des unités disponibles ? Le format de 60 000 hommes est-il réaliste, compte tenu des exigences de rotation et d'entraînement des forces prévues, ainsi que du déploiement de nombreuses unités françaises dans différents théâtres d'opérations, dans les Balkans et en Afrique notamment ?

Je vous remercie, madame la ministre, de bien vouloir répondre à ces questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Mesdames et messieurs les députés, je voudrais d'abord vous remercier à la fois du ton et de la densité de nos débats. Vos interventions ont permis de balayer quasiment tout le champ des problèmes qui se posent aujourd'hui dans le cadre de la défense, qu'il s'agisse de la défense nationale ou de la PESD.

J'ai essayé, afin de gagner du temps, de regrouper les interventions autour des questions principales. J'espère, ce faisant, ne pas avoir oublié de question ou d'intervenant. Si c'était le cas, il me serait toujours possible de me rattraper à l'occasion des questions qui suivront.

J'ai noté que les thèmes retenus portaient d'abord sur les éléments de notre défense : quels sont ces éléments et comment ils sont constitués, ensuite sur les moyens financiers de notre défense, enfin sur le contexte international.

Les éléments de notre défense, ce sont d'abord les personnels et les matériels, c'est aussi le problème de la dissuasion.

Sur la dissuasion, dont ont parlé plusieurs orateurs, je tiens à souligner une chose, c'est qu'il n'y a aucune évolution de notre doctrine nucléaire : il faut que les choses soient bien claires sur ce point. Bien sûr, il peut y avoir des évolutions des armements - il y en a depuis 1960. Mais la doctrine proprement dite n'a pas évolué. De ce point de vue, je dirai à M. Quilès et à M. Le Bris que l'on peut évidemment tout imaginer, mais il est illusoire de considérer qu'à partir du moment où le terrorisme existe, il n'y a plus de nécessité d'une défense nucléaire, sauf à l'utiliser. Ce serait tout simplement oublier que le terrorisme n'exclut pas les autres risques. Sur ce point, je crois que M. Boucheron vous a très clairement répondu.

M. Gilbert Le Bris. Je lui répondrai à mon tour.

M. Paul Quilès. J'y reviendrai également.

Mme la ministre de la défense. D'autres ont également répondu, notamment MM. Carré, Teissier et Voisin, qui ont bien souligné l'importance, le rôle essentiel de la dissuasion nucléaire qui constitue notre protection ultime dans un certain nombre de circonstances.

    Le deuxième élément de notre défense est le domaine spatial. MM. Guy Teissier et Pierre Lellouche en ont souligné les enjeux et ont précisé les données actuelles ; M. Yves Fromion a insisté sur l'importance que ce secteur pouvait avoir pour les communications et le renseignement. Je partage ces points de vue. Les enjeux sont effectivement très importants.

J'ai trouvé à mon arrivée une situation extrêmement préoccupante. Il convenait de réagir. La première chose à faire était de définir une politique de redressement. Tel a été l'objet de la loi de programmation militaire au travers de créations d'emplois et du renforcement d'un certain nombre de moyens, notamment dans le domaine du renseignement, puisque ce dernier était, je l'ai rappelé tout à l'heure, une de nos priorités. Je pense notamment aux moyens aériens des forces spéciales. J'aurai l'occasion d'en reparler.

J'ai, par ailleurs, demandé une étude sur les besoins résultant des insuffisances des gestions passées. Celle-ci m'a été remise et nous examinons actuellement, à partir des données qu'elle fournit, les moyens de récupérer sur deux exercices - 2004 et 2005 - certaines de ces insuffisances.

Enfin, j'ai demandé récemment une étude sur le renseignement spatial. Elle doit m'être remise d'ici à la fin de l'année. Elle nous permettra, elle aussi, d'avancer.

J'ajoute que le spatial ne concerne pas seulement la France. Il découle également d'une politique européenne et c'est un des domaines dans lesquels la coopération européenne se passe relativement bien. Cela signifie qu'aux crédits inscrits dans notre budget viennent s'ajouter ceux d'autres pays.

Troisième thème abordé : les éléments des différentes armées.

M. Cova nous a parlé de la marine et c'est à juste raison qu'il a souligné son rôle en matière de protection civile. Au cours des derniers mois, nous avons eu l'occasion de le constater, qu'il s'agisse de la protection de nos côtes, de la prévention des risques terroristes ou de la lutte contre l'immigration illégale et certains trafics. Nous avons pu apprécier aussi ses capacités d'anticipation et de protection contre un certain nombre de pollutions. L'Aquitaine en est un exemple.

Pour faire face aux besoins plus constants, nous avons retenu l'idée des financements innovants et nous y travaillons actuellement. Il est vrai que les contraintes résultant du code des marchés publics créent quelques problèmes. Nous avons proposé diverses modifications, qui sont actuellement étudiées par le Conseil d'Etat. J'espère donc avoir prochainement des réponses qui nous permettront de satisfaire les besoins actuels.

M. Bernard a évoqué les différents problèmes des transports dans l'armée de l'air, notamment ceux des transports tactiques, et a énuméré les solutions envisagées. Dans le domaine du transport en général, nous rencontrons des difficultés énormes liées à la vétusté des matériels, qui entraîne l'indisponibilité de certains d'entre eux, des coûts d'entretien très élevés et un risque de rupture capacitaire. La SIMMAD a marqué un progrès ; mais d'autres progrès sont encore nécessaires et j'ai demandé une étude permettant de comparer les coûts dans les domaines civil et militaire. Les drones de combat permettront à la fois de développer nos capacités et de maintenir nos compétences dans le domaine industriel.

En ce qui concerne l'armée de terre, je reconnais que nous avons des difficultés concernant le Leclerc et le VBCI. Ces retards ne sont pas admissibles.

M. François Rochebloine. C'est vrai !

Mme la ministre de la défense. Les raisons en sont multiples mais il est évident que cela n'est bon ni pour notre armée de terre ni pour l'industriel. N'oublions pas que l'idée est de faire une entreprise dont la réputation d'excellence en même temps que la santé financière soient garanties à l'extérieur pour lui permettre de reconquérir des marchés et de passer les alliances nécessaires. Ce n'est pas en donnant des images négatives que GIAT se met dans une situation concurrentielle adéquate pour aborder l'avenir.

Concernant le VBCI, j'ai trouvé un dossier qui m'a fait me poser beaucoup de questions. Mais, finalement, après avoir hésité pendant des mois entre des tourelles à une place et des tourelles à deux places, l'armée de terre a choisi. L'entreprise peut désormais commencer la production sur cette base. Cela n'empêche pas d'envisager d'autres développements ne remettant pas en cause la base même du VBCI. Une étude sur les futurs développements possibles est d'ailleurs souhaitée, mais j'indique tout de suite que je n'ai pas l'intention d'y consacrer 15 millions d'euros. Il faudra donc trouver d'autres solutions ou, du moins, revoir le prix de l'étude à la baisse.

Comme je l'ai dit dans mon propos introductif, il est évident que les matériels ne sont rien sans la qualité du personnel qui les sert. A ce sujet, je veux encore une fois souligner le rôle que le ministère de la défense joue en matière de recrutement, de formation, de promotion et d'insertion professionnelle. En ce domaine, il est tout à fait exemplaire et d'autres ministères, plus spécialisés, feraient bien de s'en inspirer. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Carayon. Il faut le rappeler !

Mme la ministre de la défense. Pour avoir connu d'autres administrations, je puis vous dire que les actions menées par le ministère de la défense m'apparaissent exceptionnelles, exemplaires et en totale conformité avec l'idée de la République qui nous est commune. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Contrairement à ce que j'ai entendu, le recrutement ne connaît pas de difficulté : tant que la moyenne sera de deux candidats pour un poste, j'estime en effet qu'il n'y a pas de problème, même si, ponctuellement, il peut y en avoir dans des domaines très précis où la concurrence avec le secteur privé est particulièrement rude. Mais ce que je note, c'est que le recrutement s'effectue très largement et qu'il est, pour nombre de jeunes sans formation et sans diplôme, une formidable chance de s'insérer dans la vie professionnelle.

M. Bernard Carayon. Très juste !

Mme la ministre de la défense. De plus, la formation est, à tous les niveaux, remarquable et, qui plus est, permanente. C'est probablement la seule formation dans l'administration française qui soit ainsi garantie, avec des systèmes d'alternance des fonctions occupées et des temps de formation. Nous pourrions nous en inspirer lorsque nous réfléchissons aux moyens d'adapter notre société au futur.

Il en va de même pour la promotion sociale, je vous l'ai souvent dit. L'administration de la défense est le lieu où la promotion sociale n'est pas un mythe mais toujours une réalité. On voit là comment notre société, qui a trop tendance à scléroser ses catégories professionnelles, peut assurer la mobilité sociale.

Nous assurons chaque année l'insertion professionnelle de ceux qui, ayant des contrats courts, quittent les armées : grâce à la formation qu'ils ont reçue et à nos services d'insertion professionnelle, ils sont, à plus de 95 %, reclassés dans des entreprises et ont donc la possibilité de trouver l'épanouissement professionnel qu'ils n'auraient jamais connu s'ils n'étaient pas passés par les armées.

M. Teissier et M. Lellouche ont salué la qualité des personnels.

M. Boucheron a réclamé une amélioration de la condition militaire et nous a, en quelque sorte, reproché de n'avoir pas fait ce qu'il fallait pour cela. Je lui rappellerai simplement que, quand je suis arrivée au ministère, l'année 2002 n'était pas financée et que c'est grâce à la loi de finances rectificative de 2002 - que l'Assemblée a adoptée, sur ma proposition, au mois d'août - que des améliorations ont été votées.

Concernant plus particulièrement les personnels terrestres, M. Hart a parlé du recrutement des sous-officiers. Je note simplement que ce recrutement s'est amélioré, notamment au cours des derniers mois.

Je dirai quelques mots de la disponibilité de nos militaires. Comme j'ai eu l'occasion de le souligner à Colorado Springs lors de la réunion des ministres de la défense de l'OTAN, dans un certain nombre d'armées européennes qui annoncent des chiffres relativement importants, il n'y a guère que 1 % des militaires qui sont disponibles. Et cela avait été dénoncé. Je puis vous garantir qu'avec 30 000 militaires hors de métropole, dont 15 000 sur des théâtres d'opérations extérieurs, la France est l'un des pays où la disponibilité des militaires est la plus élevée.

Cette disponibilité s'accompagne, bien entendu, d'un entraînement puisque, comme je vous le disais dans mon propos introductif, l'entraînement est la condition non seulement de l'efficacité, mais également de la sécurité de nos personnels militaires. C'est vrai que cet entraînement avait beaucoup pâti du manque de disponibilité des matériels. Quand des hélicoptères ou des avions sont cloués au sol, il est évident qu'on ne peut pas s'entraîner avec... La remontée de la disponibilité des matériels nous permet de renforcer l'entraînement, même si, dans certains cas particuliers - et sur l'ALAT, vous avez raison - des problèmes subsistent, qui ont été encore aggravés par la participation des armées, cet été, à la lutte contre les incendies. On n'a pas suffisamment souligné cet aspect des choses. Nous avons mis à disposition de nombreux appareils qui, en deux mois, ont effectué le nombre d'heures qu'ils font normalement en une année entière ou en six mois d'opération extérieure. Cela a entraîné un vieillissement supplémentaire - que nous ne regrettons pas, bien entendu, car cet apport a été essentiel - alors que nos appareils étaient déjà dans un état critique, au point que nous devons envisager le plus rapidement possible leur remplacement.

M. Le Drian a parlé des personnels de la DGA et de la mutation de celle-ci. Il a souligné que cette mutation avait accompagné la professionnalisation des armées. Je pense que la DGA va tirer bénéfice de la réforme administrative générale que nous menons car elle permettra notamment de mieux distinguer les responsabilités de chacun et d'avoir un meilleur suivi des différents éléments.

M. Carayon a parlé de personnels qui, il est vrai, sont peu connus et mériteraient de l'être davantage : les personnels des services de renseignement. Ils travaillent dans des conditions difficiles et ont trop souvent été ignorés. C'est la raison pour laquelle, depuis quelques mois, j'ai tenu à ce que, en prenant toutes les précautions qui peuvent être nécessaires pour la sécurité même de ces personnels, il y ait désormais davantage d'informations sur ce qui se passe dans ces services. Cela s'est traduit par des émissions de télévision et des reportages. Nous avons tout lieu d'être fiers de ces personnels et une façon de les remercier est aussi de faire savoir ce qu'ils font, avec, je le répète, toutes les précautions nécessaires.

Pourquoi diminuer le budget de la DGSE dans ces conditions ?

D'abord, il faut considérer la totalité des moyens de la DGSE. Tout à l'heure, nous parlions des moyens de renseignement et du domaine spatial. Il faut bien voir que, dès cette année, avec les deux satellites et le matériel aérien que nous mettons à la disposition des forces spéciales, nous renforçons ces moyens, même s'ils doivent toujours l'être davantage. De la même façon, une centaine de postes ont été réservés pour des points très particuliers concernant les services de renseignement. Bien entendu, il faut, dans tout cela, faire un arbitrage et également tenir compte du fait que les services de renseignement français travaillent de plus en plus, depuis septembre 2001, avec les services des autres pays européens. On peut regretter que ces derniers ne fassent pas des efforts à la hauteur de ceux que nous consentons nous-mêmes.

MM. Dasseux, Folliot, Mach et Mme Lamour ont parlé de la gendarmerie. M. Dasseux notamment a souligné, et je lui en suis reconnaissante, l'attachement des militaires que sont les gendarmes au ministère de la défense et la nécessité, dans un pays démocratique, de garder deux forces de sécurité intérieure. Cela me paraît tout à fait conforme à l'esprit de la République et à ce qui a été voulu dès le départ.

M. Folliot a insisté sur les problèmes de moyens. Dans le domaine de l'immobilier, et je réponds ainsi à plusieurs autres orateurs, nous attendons la publication du décret LOPSI-LPM, la loi datant, comme M. d'Aubert l'a rappelé, de l'été 2002. On ne peut que regretter la lenteur de sortie des décrets, encore aggravée par des oppositions manifestées à l'égard des formes nouvelles de financement et par certaines interrogations que l'on pourrait qualifier de byzantines. Quoi qu'il en soit, la remise à niveau du potentiel de la gendarmerie s'organise autour de trois axes. D'abord, la rationalisation de l'organisation territoriale par le biais notamment des communautés de brigades. Leur mise en place est opérée en concertation étroite avec les élus locaux, ce qui donne certaines garanties. Ensuite, la modernisation des équipements. De ce point de vue, la LPM et la LOPSI prévoient un effort sans précédent en faveur des pelotons de surveillance et d'intervention, comme des autres unités. Les PSIG seront progressivement dotés de nouveaux véhicules, ainsi que, dès 2004, de flashballs et de nouveaux pistolets, conformément à ce qui m'a été demandé. Enfin, il convient de renforcer les effectifs de certaines unités, en commençant par pourvoir les postes vacants. J'ai été interrogée sur les Pyrénées-Orientales, où il manque dix gendarmes sur huit communautés de brigades, pour un effectif total de 154 gendarmes. Les recrutements sont en cours. Normalement, ceux qui sont prévus en 2004 devraient permettre de réduire les vacances d'emploi.

Le problème des réservistes a été évoqué par Mme Lamour et M. Dasseux, Mme Lamour ayant souligné à juste raison qu'il se posait en particulier dans les PME. J'ai dû procéder à quelques rappels à l'ordre dans des administrations qui semblaient avoir oublié ce que représente la réserve. Cela était inadmissible et appelait une réaction de ma part. Auprès du MEDEF, j'ai exprimé mon incompréhension devant l'attitude restrictive de certaines grandes entreprises, compte tenu de ce que représentent à la fois la défense nationale et les réservistes, par leurs qualités propres, pour les entreprises françaises. S'agissant des PME, nous sommes en train de finaliser une convention type qui, je l'espère, permettra de régler, sinon tous les problèmes, au moins quelques-uns. J'ai cependant trouvé très réconfortant de rencontrer des réservistes patrons de PME lors de la dernière journée des réserves qui date de ce mois. Cela m'est apparu comme un encouragement pour tous.

M. Dasseux a relevé les réductions d'objectifs en matière de réserve. Nous étions confrontés à un problème de motivation. J'ai fait procéder à une étude pour déterminer les moyens de mieux valoriser les réservistes dans les armées, en définissant de véritables emplois. C'est à la suite de cette étude que nous avons réduit le nombre d'objectifs qui avaient été fixés au départ d'une façon peut-être trop globale. Cette révision nous permet de proposer aux réservistes des postes à la fois vraiment utiles et intéressants pour eux.

Il est faux de dire que la journée pour les réservistes est maltraitée, qu'elle serait accolée à la journée défense pour faire des économies de communication. Désormais, les journées défense ne se tiennent plus au même moment. Par conséquent, la journée d'information sur la réserve est une manifestation à part entière qui répond, d'ailleurs, à un véritable besoin. Je souhaite qu'elle se déroule, dès l'année prochaine, autour d'un thème plus précis, en particulier les rapports de la réserve avec les entreprises. Ces dernières répondront à une véritable convocation destinée à leur faire entendre certains messages.

Les problèmes « culturels », si je puis dire, ont été évoqués par M. Voisin et M. Dasseux.

Les batteries-fanfares sont un des éléments de la culture de la défense. Je suis très favorable à leur présence dans les manifestations. Ces batteries-fanfares ne se contentent pas, d'ailleurs, des airs militaires. Elles sont également capables de proposer des animations qui, pour être fort sympathiques, ne sont pas pour autant dépourvues de qualité musicale. Il est vrai que la professionnalisation laisse peu de disponibilité aux personnels et pose des difficultés de recrutement. Peut-être y aurait-il, là aussi, des possibilités pour les réservistes. Je pense, en tout cas, qu'une réflexion pour le maintien de la présence des batteries-fanfares dans les manifestations doit être engagée.

La culture, c'est également, je l'ai appris, la cuisine. (Sourires.) Je suis particulièrement sensible au problème des mess, qui sont des lieux privilégiés de rencontre, des espaces où se noue le lien entre l'armée et la nation. Pour ma part, j'ai eu l'occasion de le dire, je suis favorable au maintien des mess, en liaison étroite avec les collectivités territoriales, qui y sont attachées. Avec elles, nous pourrons mieux voir comment assurer à la fois leur gestion et leur insertion dans la cité, dans le cadre de la professionnalisation des armées.

Quels sont, en second lieu, les moyens financiers mis en œuvre ? La plupart des intervenants ont indiqué que le projet de budget pour 2004 respecte strictement la loi de programmation militaire, plusieurs pour s'en réjouir, quelques-uns, curieusement, pour le déplorer. Peut-être espéraient-ils trouver dans le constat contraire matière à critiquer le budget pour 2004.

M. Michel Voisin. C'est certain !

Mme la ministre de la défense. Pour ma part, je trouve normal - mais je suis également heureuse de le pouvoir - de respecter la loi de programmation militaire qui a été voulue par le Président de la République et votée par les représentants de la nation.

M. Michel Voisin. Très bien !

Mme la ministre de la défense. Il est important que cette loi de programmation militaire s'accompagne d'une clarification du budget. En la matière, j'ai bien entendu M. d'Aubert et je partage tout à fait son point de vue. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le président Teissier a reçu le meilleur accueil lorsqu'il a souhaité que, très régulièrement, l'Assemblée nationale puisse être associée au suivi de la mise en œuvre des budgets.

S'agissant des crédits alloués au budget civil de recherche et développement, j'ai tenu à ce que, contrairement à l'habitude, l'argent ne soit pas attribué aveuglément. Je vais prochainement signer une convention avec ma collègue Claudie Haigneré, afin que les crédits provenant du ministère de la défense soient utilisés dans des recherches utiles au ministère de la défense. Cela se traduira à tous les niveaux, y compris, d'ailleurs, par notre présence renforcée au sein de plusieurs organismes.

D'une façon générale, je tiens à souligner qu'en matière de recherche et développement, la défense a fait un effort particulier, l'année dernière et cette année, avec plus de 10 % d'augmentation. Cela nous permet, après des années de retard sur la Grande-Bretagne, de revenir au même niveau d'effort financier.

M. Yves Fromion. Très bien !

Mme la ministre de la défense. Bien entendu, monsieur Lellouche, nous sommes loin des États-Unis. D'une part, les budgets ne sont pas comparables. D'autre part, les autres pays européens ne font pas le même effort que la Grande-Bretagne et la France. Vous-même avez rappelé que nos deux pays consentent 80 % de l'effort en la matière. Il est néanmoins tout à fait remarquable que nous arrivions, malgré tout, à ne pas « décrocher », tant sur le plan de la recherche que sur celui de la technologie. C'est tout à la gloire de nos chercheurs : nous réussissons à compenser par la qualité des hommes ce qui n'a pas été fait jusque-là. Pour l'instant. Il ne faudrait pas que cela dure trop longtemps.

Toujours dans le souci de clarification exprimé par M. d'Aubert, le ministère de la défense a bien accompagné la restructuration de DCN par une participation. Les arbitrages ont été rendus, la défense récupérera, sous forme de remboursement d'une avance financière, la TVA prélevée sur les matériels construits par DCN.

En plus de la clarté budgétaire, la nécessité de faire des efforts d'organisation et de gestion a été soulignée par MM. Cornut-Gentille, d'Aubert et Le Drian. Nous en sommes persuadés et nous attendons de mener, sur ce plan, un travail en commun. D'ores et déjà, il apparaît souhaitable que la DGA et les états-majors se rapprochent pour éviter que ne se reproduisent à l'avenir des problèmes tels que ceux rencontrés sur le véhicule blindé de combat d'infanterie, comme l'ont souligné M. Pinte et M. Michel Voisin.

Parallèlement, nous recherchons activement des financements innovants. Souhaitant avoir des industries de défense dynamiques et concurrentielles, nous encourageons et aidons les entreprises à se remettre à niveau. S'agissant de DCN en particulier, plusieurs orateurs m'ont interrogée sur le contrat d'entreprise qui la lie à l'État. Ce contrat fixe la stratégie de DCN, les investissements de l'État dans l'entreprise et certains engagements rendus possibles par la loi de programmation militaire, ainsi que les perspectives d'activité de l'entreprise.

Aujourd'hui, où en sommes-nous des différentes négociations ? Le ministère des finances procède actuellement à la relecture rédactionnelle. Mais la signature du document présenté au conseil d'administration de la nouvelle société DCN et aux organisations syndicales à la fin du printemps n'est plus qu'une question de jours. D'ailleurs, les grandes lignes du contrat d'entreprise ont été communiquées dès le mois de mai à la commission de la défense.

Plusieurs orateurs, dont M. Pinte, ont évoqué le problème de GIAT Industries. Après dix ans de restructurations qui ont coûté 4 milliards d'euros aux contribuables, cette société n'a pas réussi à trouver la solution à une situation dramatique : un déficit chronique et un plan de charge reposant à 70 % sur le char Leclerc, programme qui doit prendre fin en 2005. Il fallait prendre des décisions. Je l'ai fait en donnant à la direction des orientations : avoir un plan industriel sérieux et pérenne, grâce, notamment, à la loi de programmation militaire, et traiter individuellement chaque salarié, avec plusieurs propositions de reclassement à proximité.

La défense s'en est chargée pour ce qui est des fonctionnaires, auxquels elle a proposé deux solutions dans la fonction publique. Quant aux personnels sous contrat, j'ai demandé qu'eux aussi se voient proposer deux ou trois solutions de reclassement à proximité. C'est indispensable si la société doit repartir sur des bases saines. Je note d'ailleurs que les experts choisis par les syndicats reconnaissent eux-mêmes qu'il est indispensable de supprimer 3 000 à 4 000 emplois.

M. François Rochebloine. 3 000 !

Mme la ministre de la défense. En outre, alors que cela n'était reconnu par personne, ils observent que la diversification envisagée n'est pas une solution pour GIAT, puisqu'elle n'aboutit rigoureusement à rien.

Aujourd'hui, la négociation continue au sein de l'entreprise. Le recours des syndicats, non pas contre le plan industriel, mais contre le plan social, a abouti à une décision de suspension par les tribunaux. Un nouveau calendrier de négociations sociales a été établi en CCE, prévoyant une réunion par semaine jusqu'au début du mois de septembre. Il n'y a donc pas lieu, comme certains l'ont proposé, de tenir une table ronde qui ferait sortir la négociation de son cadre légal.

En ce qui concerne le programme Félin, évoqué par Etienne Pinte, GIAT Industries a répondu à l'appel d'offres de Thalès. La procédure d'examen des offres n'étant pas achevée, je ne peux malheureusement pas répondre sur ce point.

L'externalisation a été évoquée par M. Hillmeyer et par M. Dasseux. Je l'ai dit tout à l'heure, j'aborde ce problème avec pragmatisme. Il n'est pas question de généraliser l'externalisation, mais d'y recourir là où l'efficacité et l'économie y conduisent. Mais, dans un domaine tel que la santé, il n'est pas question d'externaliser. et il n'en a jamais été question.

Plusieurs orateurs ont évoqué, enfin, le contexte international.

M. Jean Michel et M. Pierre Lellouche ont souligné le problème des capacités et celui de l'Agence européenne de l'armement.

Sur les capacités, nous avons beaucoup avancé au cours de ces derniers mois, avec l'A 400 M, mais aussi avec le NH 90, le Tigre, Meteor et Galileo.

S'agissant de l'état-major européen, il faut bien voir ce que l'on entend par là. Là aussi, je crois qu'il faut faire preuve de pragmatisme. L'opération autonome de l'Union européenne, pourtant très difficile, que nous avons réussie en Iturie, a fait apparaître des manques, notamment celui d'une capacité de planification. Comme je l'ai dit l'autre jour à mon collègue britannique, il importe de trouver la réponse à ces manques. Eh bien, donnons-nous les moyens d'assurer la planification. A l'évidence, l'Union européenne doit remédier à ces manques au niveau du commandement lorsqu'elle a besoin de mener seule une opération. Il ne s'agit pas de faire un doublon avec l'OTAN, qui emploie 300 personnes. La structure européenne n'en compterait que quelques dizaines. Elle devrait nous permettre de réagir immédiatement en cas de besoin.

Bien entendu, l'idée ne plaît pas à tout le monde. Mais je constate que de nombreux pays européens sont prêts à souscrire à cette démarche. Les Italiens ont fait des propositions en ce sens. Récemment, j'ai pu observer avec plaisir que mon collègue grec était sur la même ligne. Laissons de côté tous les soupçons, car l'Europe de la défense se construit sur la confiance. Ceux qui se méfient aujourd'hui sont souvent les mêmes qui appelaient l'Europe à assurer elle-même sa défense. Il faudra, un jour, qu'ils remettent de l'ordre dans leurs propres contradictions.

L'Agence européenne s'est appelée « de l'armement », puis « de l'armement, de la recherche et des capacités ». Récemment, à Rome, les Italiens ont proposé « Agence européenne de défense ». Tous ces termes renvoient bien aux domaines dont elle s'occupera. Il importe d'en faire une instance dont l'objet est politique, ce qui la différencie quelque peu de l'OCCAR. Il faut que l'impulsion doit donnée par les ministres de la défense pour éviter de se perdre dans les problèmes techniques. La France a joué un rôle essentiel en la matière. Nous espérons qu'à la prochaine réunion formelle des ministres de la défense, ce projet d'agence européenne pourra aboutir.

Certains orateurs ont émis des critiques sur l'Europe de la défense et sur le rôle joué par la France. M. Boucheron estime que le moment est mal choisi pour ne pas respecter le pacte de stabilité. Il craint que nous n'y perdions notre crédibilité. Je lui répondrai, en toute gentillesse, par quelques remarques.

Si, durant les années où notre pays a connu sa plus forte croissance depuis pratiquement le milieu du siècle dernier, le gouvernement d'alors avait fait ce qu'il aurait dû faire : rembourser quelques dettes et mettre de l'argent de côté en prévision de jours plus sombres, nous n'en serions pas là aujourd'hui. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) En outre, si nous devons aujourd'hui faire un effort tout particulier en matière de défense, c'est aussi pour rattraper certains retards, notamment les 20 % de retard sur la précédente loi de programmation militaire. (Mêmes mouvements.) Aujourd'hui, il nous faut continuer à progresser vers 2015, mais en même temps rattraper le temps perdu.

Enfin, la crédibilité repose sur la constance. On ne l'obtient pas en faisant un effort une année et en se relâchant l'année suivante. Oui, c'est ce que j'ai constaté auprès de mes collègues : dès lors qu'ils ont su que nous avions une loi de programmation militaire et que nous y croyions, alors, l'Europe de la défense a véritablement avancé. Parce que l'on nous a crus, l'Europe de la défense est devenue un projet crédible, alors qu'il y avait un doute jusque-là, ce qui avait pu notamment inciter nos partenaires britanniques à regarder plutôt de l'autre côté de l'Atlantique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Paul Quilès. Ce n'est pas vrai !

M. Jean Michel. Vous oubliez Saint-Malo !

Mme la ministre de la défense. Avant de critiquer ce qui se fait aujourd'hui, il faut peut-être réfléchir à ce que l'on a fait avant !

Je rappelle enfin qu'en Côte-d'Ivoire, lorsque nous avons dégagé 8 800 personnes prises dans les combats, il y avait parmi elles environ 10 % de Français. Sans nous, des Américains et nombre d'Européens seraient restés bloqués. Il en a été de même en RCA et au Liberia, où il y avait dix-sept Français sur les 800 et quelques personnes que nous avons sorties des zones de combat. Alors, avant de nous critiquer, les autres pays, devraient, eux aussi, faire un effort pour s'occuper de leurs propres ressortissants. Car, pour l'instant, c'est nous qui nous en occupons. Il serait dès lors paradoxal que ces mêmes pays viennent nous reprochent nos efforts qui profitent à leurs ressortissants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

J'en ai fini pour l'essentiel, et il ne me reste plus à répondre qu'à quelques questions plus ponctuelles.

Mme Adam a évoqué le transfert des sous-marins nucléaires d'attaque de Toulon à Brest : il n'est pas prévu dans l'immédiat. Une partie de l'entretien des SNA sera réalisée à Brest pour gérer aujourd'hui le pic de charge à Toulon.

Mme Adam a également parlé du FRED. La diminution des crédits de paiement résulte du constat d'une diminution des dépenses et d'importants reports. Une bonne gestion conduit à réduire les enveloppes nouvelles, sans pour autant menacer les emplois.

M. Le Bris a fait quelques remarques que j'ai étudiées avec attention. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. Il ne sera pas déçu d'être venu !

Mme la ministre de la défense. Je lui répondrai sur trois points.

Tout d'abord, les chiffres qu'il a cités ne sont pas exacts. Il a affirmé que nous avions ramené de 3,5 % à 2,5 % la part du budget de la défense dans le PIB. Non, monsieur Le Bris ! Quand je suis arrivée, nous étions à 1,7 %, et non à 2,5 %.

M. Michel Voisin. Absolument !

Mme la ministre de la défense. Et lorsque la loi de programmation sera achevée, compte tenu des efforts que nous faisons aujourd'hui, nous serons à 2,2 %. Telle est la réalité.

M. Bernard Deflesselles. Il ne connaît pas bien les chiffres !

Mme la ministre de la défense. M. Le Bris, d'autre part, a fait une suggestion sur le suivi des anciens d'un certain nombre de centres où ont eu lieu des essais nucléaires. Mais ce qu'il propose existe déjà.

Enfin, pour ce qui concerne les Abeille, je vous signale que le chantier de Cherbourg n'a pas soumissionné à la proposition de prestation qui relevait du ministère de la défense. Or, avant de pouvoir l'intégrer dans ce programme, il serait nécessaire qu'il fasse cette soumission. Il a ensuite soumissionné auprès de l'entreprise sur autre chose.

Voilà les points sur lesquels je souhaitais vous donner les dernières informations. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous en arrivons aux questions.

Nous commençons par le groupe UDF.

La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Madame la ministre, voici un an, je vous avais fait part ici même de mes inquiétudes concernant les risques liés à un désengagement de l'Etat à l'égard du secteur des industries de défense.

Depuis, l'annonce du plan GIAT 2006 est venu, hélas, largement confirmer ces craintes, puisque nous devons faire face aujourd'hui à un véritable démantèlement du groupe.

Il n'est pas utile de revenir sur les causes des difficultés de GIAT Industries. Nous avons tous en tête ce qui s'est passé au cours de la dernière décennie. Plus près de nous, je rappellerai que le Gouvernement a confirmé le PDG de GIAT Industries dans ses fonctions, l'augmentant même au passage de 50 000 euros pour une année, et l'a chargé d'élaborer un plan pour « sauver le groupe ».

Depuis l'accord de méthode, signé le 12 mai dernier, les organisations syndicales, appuyées par des experts, soutenues par tous les élus des sites concernés, ont travaillé à l'élaboration de contre-propositions sur la base d'une approche objective de la situation industrielle, économique et sociale du groupe. Celles-ci ont été présentées à la direction - et vous les connaissez -, mais elles n'ont été, hélas, retenues qu'à la marge. Or une analyse fine du plan montre à l'évidence qu'il présente de réelles incohérences économiques et de grandes insuffisances sociales, comme le démontrent très bien les attendus du jugement en référé du tribunal de grande instance de Versailles du 20 octobre dernier. Elles résultent de choix stratégiques d'une pertinence douteuse au plan industriel.

Vous pourrez en juger à travers deux exemples.

Premier exemple : la loi de programmation militaire votée l'an dernier prévoyait que le maintien en condition opérationnelle des matériels serait renforcé. GIAT Industries, constructeur d'un certain nombre de ceux-ci, serait bien placé pour assurer cette mission à des coûts tout à fait acceptables. Pourquoi n'est-ce pas le cas ?

Deuxième exemple : le plan prévoit le transfert à Tulle de l'activité de production de l'arme de petit calibre, actuellement implantée sur le site de Saint-Chamond. Au plan économique, comment justifier un tel transfert, alors que cette activité dégage une marge bénéficiaire que beaucoup d'industriels envieraient et qu'il faudra construire 2 500 mètres carrés de bâtiments à Tulle ?

Nous vivons une situation de crise. Les nombreuses manifestations organisées depuis plusieurs mois sur les sites, qui se sont déroulées dans le calme et la dignité, montrent à l'évidence la détermination des salariés et de leurs organisations syndicales, largement soutenus, dans leurs actions, par tous les élus et les populations des bassins d'emploi.

Le plan GIAT-2006, s'il devait être appliqué en l'état, je le redis avec gravité, madame la ministre, serait une véritable catastrophe pour la nation et les différents bassins d'emploi. Aussi la responsabilité du Gouvernement est-elle pleinement engagée sur ce dossier.

Face au sentiment de défiance généralisée que suscite la direction du groupe, ne jugez-vous pas maintenant nécessaire, pour sortir de l'impasse, dans un souci d'apaisement, de nommer un médiateur et de réunir rapidement une table ronde, contrairement à ce que vous venez de dire, madame la ministre ? C'est en tout cas le souhait du personnel et de tous les élus. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Je rappelle à M. Rochebloine que la question doit être posée en deux minutes, le Gouvernement disposant de trois minutes pour répondre.

M. François Rochebloine. Le sujet est suffisamment grave pour que l'on s'y attarde un peu.

M. le président. Certes, monsieur Rochebloine.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la défense. Monsieur Rochebloine, l'Etat a pleinement joué son rôle. Je suis un peu étonnée, en particulier, de vous entendre dire que le maintien en condition opérationnelle - le MCO - des matériels fabriqués par GIAT ne soit pas effectué par GIAT, car cela fait précisément partie des engagements que nous avons pris pour aider l'entreprise.

M. François Rochebloine. Ce n'est pas ce qui se dit dans l'entreprise !

Mme la ministre de la défense. On a le droit de dire tout ce que l'on veut sauf des inexactitudes.

Il importe de rompre avec les comportements qui ont prévalu pendant trop d'années, consistant à donner des illusions, à partir de contrats dépourvus d'existence. On a fait trop de démagogie vis-à-vis des personnels, qui ont droit à plus de respect.

Ce que je veux vous dire, c'est que l'Etat joue son rôle de client. Prenant en compte les rapports des experts, j'ai décidé, vous le savez, de redonner à GIAT certaines activités, qui vont permettre de garder 250 emplois supplémentaires.

En tant que responsable de certains personnels ayant le statut de fonctionnaires, j'assume également ma responsabilité en offrant un reclassement à chacun d'entre eux au sein du ministère de la défense.

J'assume également mon rôle de responsable lorsque je vous propose des textes - je pense que vous les avez votés - facilitant la reconversion des ouvriers sous décret dans les différentes fonctions publiques, d'Etat, hospitalière ou locale.

M. François Rochebloine. Et les salariés sous convention collective ?...

Mme la ministre de la défense. J'assume également la responsabilité de l'Etat en faisant de l'aménagement du territoire, notamment en créant, à Cusset, Tarbes, Roanne ou Tulle, des activités qui compensent en partie - en partie seulement, certes - des suppressions d'emplois.

M. François Rochebloine. Et à Saint-Chamond ?...

Mme la ministre de la défense. Pour le reste, certains points relèvent de l'entreprise et je n'ai pas l'intention de me substituer à elle. Les salariés, notamment par la voix des syndicats, ont demandé que s'ouvre le dialogue social ; c'est ce qui a été accordé cet après-midi. Je ne vois pas pourquoi je viendrais interférer dans la concertation que tout le monde appelle de ses vœux et qui va avoir lieu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Artigues.

M. Gilles Artigues. Madame la ministre, étant élu de la Loire, je ne vous surprendrai pas en vous parlant encore de GIAT. Lors de l'examen du projet de loi relatif à la direction de la construction navale, j'avais reconnu, honnêtement, que vous n'aviez fait qu'hériter du dossier des ouvriers sous décret et que la situation ne serait pas aussi grave si le gouvernement socialiste l'avait prise à bras-le-corps, courageusement, dans un souci de justice.

M. Lionnel Luca. On peut le dire !

M. Gilles Artigues. Je vous avais cependant interrogée sur les autres employés, en particulier ceux sous convention collective, à propos desquels le problème n'était vraiment pas réglé, et vous m'aviez répondu qu'ils devaient trouver du travail dans leur bassin d'emploi, ce qui m'avait laissé assez dubitatif. Il faut savoir que l'âge moyen des salariés des sites de Saint-Chamond et de Saint-Etienne est de quarante-neuf ans et que les difficultés économiques de ces communes sont graves, tous les pans de notre industrie s'étant écroulés, qu'il s'agisse de la métallurgie, de la sidérurgie ou du textile.

Par conséquent, madame la ministre, vos propositions, ces mesures d'âge, ces transferts sur d'autres sites, me semblent bien insuffisantes.

J'ai appris qu'un comité interministériel d'aménagement du territoire avait imaginé des contrats de site, mais comment être sûr que ce ne soient pas des coquilles vides ?

Les idées ne manquent pas. Ainsi, le conseil régional de Rhône-Alpes a proposé de créer un pôle mécanique diversifié, doté d'une filière production et d'une filière maintenance, en particulier pour les matériels de transport terrestre ferroviaire. L'Etat qui, en la matière, n'a pas été un patron exemplaire, peut-il soutenir ces projets ?

Madame la ministre, de vos réponses dépendra mon vote, à titre personnel, ainsi que celui de mon collègue François Rochebloine. Nous prendrons nos responsabilités ; ce sera notre façon d'exprimer notre solidarité avec cette détresse humaine dont nous sommes les témoins et qui ne peut nous laisser insensibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la défense. Monsieur Artigues, nous sommes tous sensibles à la détresse humaine, croyez-moi. J'ai déjà eu l'occasion de vous le dire : il faut que les personnes concernées retrouvent confiance dans l'avenir ; elles ont besoin non pas de rêve mais de concret.

Je vous répète donc que je m'emploie à trouver de l'activité, car, à quarante-neuf ans, on ne peut pas avoir comme seule perspective de ne plus jamais rien faire. C'est la raison pour laquelle ma priorité, au titre de l'aménagement du territoire, est de trouver des entreprises susceptibles de s'implanter. Bien entendu, je l'ai toujours dit, dès lors que les collectivités territoriales ont des perspectives de création d'activité industrielle, l'Etat sera prêt à les accompagner et à les aider.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe UMP.

La parole est à M. Dominique Caillaud.

M. Dominique Caillaud. Madame la ministre, avant de poser ma question, je voudrais vous dire combien je suis satisfait que se déroulent en ce moment même, en Vendée, des grandes manœuvres, dites « Rastibel ». J'ignore quel sera leur bilan opérationnel - je ne doute pas qu'il sera excellent, car tout cela est très bien organisé -, mais, sur le plan du lien armée-nation, je peux vous dire que la population et les troupes sont parfaitement en phase.

Ma question portera sur deux sujets qui vous tiennent à cœur.

Le premier, strictement technique et budgétaire, concerne deux programmations immobilières très attendues dans mon département : la construction de la gendarmerie de La-Roche-sur-Yon, déjà évoquée l'an passé, me semble sur la bonne voie, un courrier m'ayant laissé entendre qu'elle pourrait être programmée en 2004 ; quant à la mise à niveau complète du bâtiment de l'ordinaire du centre militaire de formation professionnelle, situé à Fontenay-le-Comte, elle s'avère indispensable.

Evoquer le CMFP m'amène au second sujet : l'avenir des crédits de la formation professionnelle des militaires, à propos duquel les intéressés se font du souci.

Le dispositif actuel relève d'une convention avec le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, qui fait intervenir l'AFPA à hauteur de 10,7 millions d'euros, montant stable, calculé d'ailleurs sur la base des effectifs de réinsertion antérieurs à la professionnalisation. Le potentiel annuel du centre est de 1 200 entrées en stage - vous avez évoqué les excellents taux de réinsertion obtenus - et il couvre 60 % des besoins de formation des militaires en reconversion.

L'évolution de la politique de décentralisation, qui aura pour conséquence la régionalisation des crédits AFPA, suscite quelques inquiétudes, non pas pour le budget 2004, mais pour le budget 2005, sachant que ces programmes sont longs à mettre en œuvre et demandent une grande sécurité de financement.

En ce qui concerne le financement de la caserne de La-Roche-sur-Yon, pouvez-vous me confirmer, madame la ministre, la teneur de votre courrier, qui laissait entendre l'ouverture de crédits dès 2004 ?

Dans le cadre de l'évolution de la décentralisation et de la professionnalisation de l'armée, comment envisagez-vous l'évolution des crédits de formation attribués au CMFP ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la défense. Il faut quand même que je fasse plaisir à quelques-uns d'entre vous avant la fin de ce débat, et vous en ferez partie, monsieur Caillaud !

Les crédits nécessaires à la réhabilitation de la gendarmerie de La-Roche-sur-Yon sont inscrits au projet de loi de finances pour 2004. Nous sommes en train de lancer les appels d'offres et les travaux devraient débuter au deuxième semestre.

En ce qui concerne le centre de Fontenay-le-Comte, qui a besoin, notamment pour ses infrastructures de restauration, de grosses réhabilitations, je note malheureusement que les réponses aux appels d'offres ont été deux fois supérieures aux estimations initiales ; vous comprenez que cela nous pose quelques problèmes. Dans un premier temps, nous allons donc procéder à une remise aux normes, de façon à ce que le centre puisse fonctionner normalement, puis, une fois le respect des règles d'hygiène et de sécurité assuré, nous approfondirons la question.

La reconversion des militaires, je le répète, est indispensable. L'effort accompli en la matière sera maintenu en 2004, et vous pouvez compter sur moi pour qu'il continue à l'être par la suite.

M. Dominique Caillaud. Merci, madame la ministre.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Meyer.

M. Gilbert Meyer. Madame la ministre, dès votre entrée en fonctions, vous avez eu à gérer la grande indisponibilité de nos matériels militaires. Sur le terrain, les personnels en souffraient. En outre, la projection de nos militaires en OPEX était devenue problématique. La commission de la défense, sur proposition de son président, avait par conséquent demandé la rédaction d'un rapport sur l'état des matériels militaires.

A l'automne de l'année dernière, ce rapport avait livré un diagnostic plus qu'alarmant : selon la nature des matériels, le taux d'indisponibilité se situait dans une fourchette de 40 à 60 %. C'est dire que la capacité d'intervention de notre armée était plus qu'hypothétique !

Ce rapport listait des propositions susceptibles d'améliorer la situation. Il fixait naturellement comme priorité d'affecter des crédits à la maintenance et au renouvellement des matériels. Il suggérait aussi d'adopter une autre méthode de travail pour l'entretien des matériels, ainsi que de travailler en partenariat avec le secteur privé en externalisant certaines prestations. Enfin, il préconisait une gestion plus dynamique des crédits budgétaires afin de mobiliser, chaque année, la totalité des moyens accordés.

Un an après ce diagnostic alarmant, madame la ministre, pouvez-vous nous dire où nous en sommes ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la défense. Monsieur le député, tout à l'heure, j'ai rappelé l'importance des rapports qui nous ont été communiqués au sujet de l'état des matériels, et j'ai notamment souligné que le vôtre avait pertinemment appelé notre attention sur la gravité de la situation.

Cette gravité nous a d'ailleurs conduits à engager un effort budgétaire très significatif dès la loi de finances rectificative d'août 2002, en inscrivant en urgence 100 millions d'euros. C'était la première fois, d'ailleurs, qu'on inscrivait des crédits au titre V dans une loi de finances rectificative.

La loi de finances initiale pour 2003 a confirmé cet effort, avec une augmentation de plus de 9 %, et je vous propose, dans la loi de finances pour 2004, 11 % d'effort supplémentaire.

En ce qui concerne la méthode, qui a effectivement suscité des réflexions, nous avons lancé une réforme de la DCMAT, la direction centrale du matériel de l'armée de terre.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, j'ai lancé un audit sur le matériel aérien, afin, notamment, de pouvoir comparer avec ce qui se passe dans le domaine civil. Dans le cadre de la réforme administrative tendant à améliorer les méthodes de gestion, j'ai aussi annoncé que la gestion des rechanges aériens serait centralisée dès 2004.

Quant aux crédits innovants, nous ne les avons pas encore mis en place en 2003, puisqu'ils n'étaient pas prévus en loi de finances initiale, mais nous examinerons certainement la question dans le cadre de la préparation de la LOLF. Je précise que l'accord du ministère des finances est nécessaire.

En un an, l'opérationnalité de nos matériels s'est améliorée d'un peu plus de 10 %, davantage d'ailleurs pour certains matériels aériens.

J'ajoute qu'en raison de la baisse des crédits d'entretien, nous avons été obligés, dans un certain nombre de cas, de faire rouvrir des chaînes de fabrication de matériel de rechange. C'est ce qui a entraîné au départ un certain retard, que nous rattrapons au fur et à mesure. Avec les crédits que nous inscrivons cette année, nous devrions accélérer et, comme je vous l'avais dit, je pense que, d'ici à la fin de 2005, nous serons revenus à une opérationnalité normale pour quasiment tous les matériels.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. C'est un fait, notre défense est professionnalisée depuis maintenant quelques années, et chacun sent bien que va se poser et que se pose déjà la question du lien entre l'armée et la nation.

Il y a quelques jours, dans les sous-sols de cette assemblée, vous avez, madame la ministre, inauguré une exposition sur la réserve citoyenne, à laquelle vous apportez une attention soutenue - mais est-elle suffisante ? Ne faut-il pas enraciner encore davantage dans le peuple, dans la nation, cet esprit de défense, bien connu des Français, mais qui peut s'estomper en raison de la professionnalisation.

La réserve citoyenne est bien sûr une réponse, mais il faut aller plus loin. L'esprit de défense, pour ce qui me concerne, c'est d'abord prendre conscience que c'est son village, son quartier, qu'on peut être un jour amené à défendre ou du moins à surveiller, et je ne vous cache pas que j'ai tout de même le sentiment qu'il reste beaucoup à faire dans ce domaine. Il me semble nécessaire de mettre sur pied, peut-être sur le modèle de la protection civile où il y a côte à côte des professionnels et des volontaires, un système permettant d'enrôler de manière régulière les jeunes Français qui veulent servir le pays dans cet esprit de défense qui fait la force d'un peuple, d'une nation, d'une armée.

Pourquoi ne pas expérimenter dans un département puis dans un autre un système de garde nationale, fondé sur des volontaires qui viendraient renforcer de manière régulière et constante non seulement la réserve mais ensuite l'armée ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la défense. Monsieur Myard, je sais combien vous êtes attaché, même si vous avez à peine prononcé le mot ce soir, à la garde nationale.

M. Jacques Myard. Vous l'avez dit !

Mme la ministre de la défense. Je le dis pour vous !

La garde nationale, à vrai dire, cela recouvre deux concepts assez différents : le concept français, né sous la Révolution - des civils en armes agissant de manière spontanée - et le concept américain : une réserve militaire dans la main d'un gouverneur. Ces deux concepts ne sont pas totalement adéquats. Avoir des civils en armes, c'est assez dangereux, c'est un concept très flou. Quant au système américain, nous voyons ce qu'il donne en Irak : il est coûteux et pas forcément attractif.

Mieux vaut donc essayer de développer le concept français de la réserve, même si le mot n'est pas très beau, réserve de renfort assurant des missions tant sur le territoire, ce qui correspond à votre souci, que dans le cadre des OPEX. Je note en effet chez les réservistes une grande envie de participer aux OPEX. On peut aussi faire monter la réserve en puissance en fonction des besoins. Je crois que c'est aussi ce que vous souhaitez.

Pour moi, il faut essayer de trouver les moyens de motiver davantage de Français, et ce devrait être le rôle de la JAPD, plutôt que de créer quelque chose de totalement différent. Sans doute faudrait-il, je suis d'accord avec vous, mieux valoriser, y compris à travers le mot utilisé, le concept de la réserve et étendre le plus possible son emprise sur l'ensemble de la population.

M. Jacques Myard. Merci !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène des Esgaulx.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Madame la ministre, la loi du 28 octobre 1997, en suspendant la conscription et en engageant résolument la professionnalisation de notre armée, a profondément transformé notre service national. Toutefois, elle ne l'a pas supprimé totalement, puisqu'un parcours de citoyenneté a été instauré pour tous les Français entre quinze et dix-huit ans. Ce parcours comprend un enseignement de défense au collège et au lycée, le recensement obligatoire, à partir de seize ans, et la journée d'appel et de préparation à la défense avant l'âge de vingt-cinq ans. Cette journée, qui remplace avantageusement pour certains les dix mois du service militaire, poursuit divers objectifs : sensibiliser les jeunes aux enjeux de la défense nationale, leur faire découvrir les métiers des armées et, accessoirement, détecter grâce à des tests de français les jeunes en grande difficulté de lecture pour leur proposer une aide.

Depuis le 3 octobre 1998, plus de 3 millions de jeunes ont participé à cette JAPD, soit 90 % des personnes convoquées. Le taux de satisfaction est élevé, mais vous avez évoqué à plusieurs reprises votre souhait de voir évoluer le contenu concret de cette journée. Vous avez notamment confirmé, lors de votre discours devant les anciens auditeurs de l'IHEDN le 16 octobre dernier, votre intention de faire de la JAPD le moment particulier où des jeunes qui, trop souvent, ont l'impression de n'avoir que des droits, vont enfin apprendre que, dans notre société, ils ont des devoirs.

A cet égard, notre armée est exemplaire, car les hommes et les femmes qui servent notre pays font chaque jour la démonstration qu'ils forment, au sein même de notre société, un monde qui pense aux autres avant de penser à lui.

Comment notre armée peut-elle inspirer notre jeunesse ? Quelle évaluation faites-vous de cette JAPD après cinq années d'existence ? Quelles sont vos pistes de réflexion pour renforcer le lien entre armée et nation, ce lien qui, je le sais, constitue l'un des fils conducteurs de votre action, que nous apprécions beaucoup, à la tête de ce ministère ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la défense. Madame des Esgaulx, c'est vrai que la JAPD est aujourd'hui un outil irremplaçable, ne serait-ce que parce que la quasi-totalité des jeunes ont à cette occasion leur premier contact réel avec les armées et, plus exactement, avec les hommes et les femmes qui servent les armées. Ce contact est indispensable parce qu'il leur fait souvent découvrir un monde qu'ils ne connaissaient pas et qui les intéresse a priori.

C'est un peu dans cet esprit que j'ai souhaité modifier la JAPD, qui me semblait devenue une obligation un peu formelle. Elle avait lieu dans des salles de classe et ressemblait à des cours. Or nous savons bien qu'une grande partie de ces jeunes ont quitté ou ont envie de quitter l'école parce qu'ils en ont assez des cours.

J'ai donc demandé que l'on travaille pour redonner à la JAPD tout son sens.

Il faut d'abord qu'il y ait un contact avec les militaires et les armées, et la JAPD doit donc avoir lieu le plus souvent possible dans des lieux de la défense nationale, ne serait-ce que pour permettre un contact physique avec ce qu'elle est.

Il faut aussi renforcer la capacité pédagogique de ceux qui vont être en contact avec les jeunes. Ce n'est pas très facile d'être en contact avec des jeunes, surtout avec de jeunes adolescents. J'ai constaté que de nombreux réservistes qui assurent cette journée n'étaient sollicités qu'une seule fois. C'est regrettable. J'ai donc demandé qu'il y ait une continuité dans le service des réservistes - cela peut être l'un de ces postes dont on parlait tout à l'heure - et qu'on leur donne une formation pédagogique leur permettant de mieux s'impliquer.

Enfin, sur le contenu même de la JAPD, il est important de faire une initiation à la défense et de faire de la recherche sur l'alphabétisation, mais il faut également donner aux jeunes le sentiment d'être responsable. Pour être responsable, il faut savoir des choses. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé que l'on introduise une initiation au secourisme de façon qu'ensuite, dans la vie, chacun d'entre eux puisse connaître ces gestes minimum qui, en cas d'accident, ou pire, le feront se sentir responsable de ce qu'il est capable de faire pour les autres.

C'est donc une densification de la JAPD que je souhaite, avec un renouvellement des méthodes pédagogiques.

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion. L'année dernière, madame la ministre, j'avais appelé votre attention sur la compatibilité entre une mise en œuvre rigoureuse du pacte de stabilité monétaire et la construction d'une défense européenne. J'avais souligné l'effet malthusien qui contraint les pays de l'Union européenne à arbitrer entre certaines dépenses publiques prioritaires et plus directement destinées aux citoyens, et les dépenses de défense qui finissent par devenir des variables d'ajustement, comme on l'a vu chez nous très récemment.

Il ne s'agit pas, naturellement, d'une remise en cause du pacte de stabilité monétaire, mais il faudrait trouver les moyens d'exclure du calcul des ratios les dépenses concourant clairement à la construction d'une défense européenne. Il s'agirait en fait d'équité ; vous l'avez dit vous-même à plusieurs reprises publiquement : ceux qui contribuent à la création d'une force de défense européenne, qui sert ensuite à tout le monde, ne doivent pas s'en trouver pénalisés.

Certains pays de l'Union, qui se posent en parangons de la rigueur budgétaire, ne sont pas favorables à une telle proposition. Il faut leur rappeler que leur contribution actuelle à la construction d'une Europe de la défense est très faible et que, si on veut que l'Europe de la défense émerge, ils seront obligés d'accroître leur effort et auront alors intérêt à ne pas être pénalisés par le niveau des dépenses qu'ils seront obligés de consentir.

Je crois qu'une telle proposition serait un facteur dynamisant pour la construction de l'Europe de la défense. Qu'en pensez-vous et où en est la réflexion de nos partenaires européens sur cette question ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la défense. Effectivement, monsieur Fromion, les progrès de l'Europe de la défense ne doivent pas masquer la grande disparité des efforts consentis par les différents pays. Alors que la Grande-Bretagne consacre 149 euros par habitant à l'équipement de ses forces et la France 121, les autres pays, hormis la Grèce, n'y consacrent que la moitié, voire le quart de ces montants : ils sont loin derrière. Résultat, comme je le rappelais à propos de la Côte d'Ivoire, de la République centrafricaine ou du Liberia, ce sont très souvent la France et la Grande-Bretagne qui sont en première ligne pour aller sauver d'autres citoyens européens qui en ont besoin, voire assument principalement la charge de la politique à laquelle l'Europe est censée adhérer. Voyez ce que nous faisons dans les Balkans - nous sommes les premiers contributeurs au Kosovo - ou en Afghanistan. Il y a là quelque chose d'injuste.

Quand j'ai proposé de sortir les dépenses de défense du pacte de stabilité, j'ai eu l'accord de tous mes collègues ministres de la défense.

Le problème se pose au niveau des ministres du budget, voire de certains chefs de gouvernement, notamment dans les pays qui ont consenti des efforts importants avant l'application d'une telle mesure et qui demandent pourquoi d'autres échapperaient maintenant à ces efforts.

Si nous leur demandons de faire, en contrepartie, le même effort que nous, nous verrons comment ils réagissent. Toujours est-il que cette idée fait son chemin, et peut-être pas seulement dans les ministères des finances. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Diébold.

M. Jean Diébold. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation du site GIAT de Toulouse, spécialisé dans l'électronique et qui est particulièrement touché par le plan GIAT 2006.

Je tiens à préciser que, compte tenu de ce que j'ai déjà entendu, votre réponse ne conditionnera pas mon vote sur le budget de la défense, car je partage les jugements très positifs exprimés, depuis le début de cette discussion, par mes collègues du groupe UMP.

Je dois pourtant vous dire très sincèrement que le compte n'y est pas, qu'il s'agisse du maintien des compétences, de la répartition du maintien en condition opérationnelle ou du programme de véhicule blindé de combat d'infanterie.

Dans le temps très court qui m'est imparti, je me bornerai à évoquer ce dernier exemple.

Il semblerait que, pour le programme du VBCI, l'industrialisation des boîtiers électroniques et des câblages électriques soit entièrement externalisée, alors que ces activités constituent le cœur de métier du site de Toulouse. Si cela se confirmait, on serait en droit de se demander si une telle démarche est normale de la part d'un véritable industriel, et l'Etat actionnaire devrait, lui aussi, se poser cette question.

Cet exemple oblige à s'interroger sur la stratégie industrielle de GIAT, et il me semble qu'il y a lieu d'approfondir, au moins pour ce qui concerne les activités électroniques, le plan GIAT 2006.

Je souhaitais, enfin, vous interroger sur les mesures sociales d'accompagnement et les reclassements des personnels concernés, mais vous avez déjà répondu, au moins partiellement, à cette question.

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.

Mme la ministre de la défense. Monsieur Diébold, ce n'est pas à moi que vous devriez poser cette question. J'ai essayé de préciser, tout à l'heure, ce qui peut relever de l'Etat client, de l'Etat responsable de certains personnels fonctionnaires ou de l'Etat aménageur du territoire, mais il doit être clair que l'Etat ne peut se substituer à la direction industrielle de l'entreprise, car ce n'est pas son « métier ». Je regrette donc de ne pas pouvoir répondre à votre question : si je puis fixer des objectifs, je ne puis intervenir sur les moyens, notamment industriels.

M. le président. Nous avons terminé les questions.

J'appelle les crédits du ministère de la défense ouverts aux articles 46 et 47.

Article 46

M. le président. « Art. 46.- Pour 2004, les crédits de mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services militaires applicables au titre III "Moyens des armes et services" s'élèvent au total à la somme de 108 597 €. »

M. d'Aubert, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, a présenté un amendement, n° 87, deuxième rectification, ainsi rédigé :

« Réduire les crédits ouverts à l'article 46 de 380 000 euros. »

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. François d'Aubert, rapporteur spécial. Le ministère de la défense prend actuellement en charge un certain nombre de postes permanents à l'étranger - les PPE. Ce nombre s'élevait, au 31 août 2003, à 785 postes militaires et 102 postes civils, généralement affectés dans des ambassades ou auprès d'organisations internationales. Je ne citerai que deux exemples : 108 personnes - civils et militaires - sont affectées aux Etats-Unis, et pas uniquement à Washington ; en Allemagne, ces personnels sont au nombre de 104.

A la lecture du « bleu » pour 2004, les dotations destinées à financer les rémunérations et charges sociales des PPE progressent de 5,3 %, et atteignent presque le chiffre considérable de 122 millions d'euros.

Parmi ces dotations, celles qui sont destinées aux indemnités et aux allocations, en augmentation de 9,2 %, ont attiré l'attention de la commission des finances.

Initialement, la commission avait proposé de supprimer cette mesure nouvelle, d'un coût de 758 775 euros. L'amendement a cependant été rectifié pour deux raisons.

D'abord, une raison d'affectation : il concerne désormais le chapitre 31-71, pour viser les indemnités de séjour à l'étranger.

Une deuxième modification, plus récente, a réduit de moitié le montant de cette diminution de crédits. En effet, il était prévu de réaffecter au paiement des loyers de la gendarmerie la moitié des crédits provenant de la réduction opérée sur le chapitre 31-71, ce qui revenait à appliquer la très bonne philosophie consistant, lorsque des économies sont demandées, à partager leur montant entre une contribution à la baisse du déficit et une réaffectation au ministère qui consent ce sacrifice. Le ministère du budget n'ayant pas voulu - et je le regrette - qu'une moitié de la somme correspondant à cette réduction de crédits soit conservée par le ministère de la défense, nous proposons de limiter celle-ci à la moitié des 758 000 euros initialement envisagés, ce qui reviendrait à la ramener au montant de la part destinée à contribuer à la réduction du déficit de l'Etat.

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.

Mme la ministre de la défense. Monsieur d'Aubert, je suis, vous le savez, très favorable à toutes les rationalisations nécessaires. Il est vrai que le point sur lequel vous avez mis le doigt mérite attention, et j'ai donné des instructions pour qu'il soit examiné.

J'accepte donc votre amendement, tel que vous le formulez maintenant.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 87, deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 46, modifié par l'amendement n° 87, deuxième rectification.

(L'article 46, ainsi modifié, est adopté.)

Article 47

M. le président. « Art. 47.- I. Il est ouvert à la ministre de la défense, pour 2004, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des autorisations de programme ainsi réparties :

« Titre V "Équipement" 16 410 633 000 €

« Titre VI "Subventions d'investissement accordées par l'État" 358 251 000 €

« Total 16 768 884 000 €

« II. Il est ouvert à la ministre de la défense, pour 2004, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des crédits de paiement ainsi répartis :

« Titre V "Équipement" 2 001 536 000 €

« Titre VI "Subventions d'investissement accordées par l'État" 331 622 000 €

« Total 2 333 158 000 €. »

M. Quilès a présenté un amendement, n° 88, ainsi rédigé :

      « Réduire de 800 millions d'euros les autorisations de programme inscrites au paragraphe I de l'article 47 et de 500 millions d'euros les crédits de paiement inscrits au paragraphe II de cet article. »

La parole est à M. Paul Quilès.

M. Paul Quilès. Compte tenu de l'heure avancée, je me contenterai de rappeler que cet amendement vise à réduire de 800 millions d'euros en autorisations de programme et de 500 millions en crédits de paiement les investissements concernant le nucléaire militaire. Cette mesure concerne particulièrement la mise en œuvre du M 51 et du quatrième sous-marin nucléaire.

J'ai entendu tout à l'heure des mots inutilement blessants : on a parlé de l'« irresponsabilité » et du caractère « dérisoire » de la proposition que je formulais. Je dirai simplement que les responsabilités que j'ai exercées et l'intérêt que je porte au secteur de la défense devraient dissuader de s'engager dans des polémiques de cette nature ou dans la caricature.

Manier la langue de bois pour dire que le nucléaire « prépare notre avenir », « assure la sécurité de nos enfants » et « maintient la position de la France dans le monde », que « le Président a décidé » ou que « le général de Gaulle avait dit » ne fait pas avancer le débat.

M. Lionnel Luca. Ça fait quand même avancer le pays !

M. Paul Quilès. On peut, sur un sujet aussi sérieux, avoir un débat sérieux. On peut, même si on est en désaccord avec eux, respecter les arguments des autres et avancer ses propres arguments.

Je citerai, pour ma part, des documents sérieux. Selon Mme la ministre, la doctrine n'a pas changé. Il me semble utile, à cet égard, de soumettre à votre réflexion deux extraits du Livre blanc sur la défense, signé par Edouard Balladur et François Léotard en 1994.

On y lit, d'abord, que « la détention par des puissances moyennes d'armes rudimentaires, capables d'atteindre le territoire européen, une zone d'intérêt stratégique ou des forces projetées à l'extérieur, doit être envisagée ». Les « armes rudimentaires » évoquées ici ne sont pas des missiles balistiques d'une portée de 6 000 kilomètres ! On y lit encore, page 56 : « La problématique d'une doctrine nucléaire européenne s'affirmera à mesure que l'Union européenne réalisera son identité politique en même temps que son identité de sécurité et de défense. Avec le nucléaire, en effet, l'autonomie de l'Europe en matière de défense est possible. Sans lui, elle est exclue. »

En neuf ans, depuis 1994, il s'est passé beaucoup de choses - pensons au Kosovo, au 11 septembre ou à l'Irak. On a vu qu'un cutter pouvait contourner l'arme nucléaire. On se pose légitimement la question de savoir que faire, face à ces méthodes du terrorisme international, d'une défense antimissiles telle que le National Missile Defense.

Vous soutenez madame la ministre, que la doctrine nucléaire n'a pas changé. Ce n'est pas ce qu'a dit le Premier ministre. Comme je ne pense pas qu'il soit mal informé, je suggère que le Président de la République, qui est garant dans ce domaine, lui rappelle que la doctrine n'a pas changé. Je cite, en effet, les propos tenus par le Premier ministre devant l'IHEDN : « La conception, la programmation et la doctrine qui gouvernent notre arme nucléaire évoluent avec notre environnement et l'analyse des menaces. » Vous devez nous dire clairement si le Premier ministre a dérapé, ou - ce qui me semble tout à fait improbable - s'il a des informations dont ne dispose pas le Président de la République.

M. Lionnel Luca. Voilà une question sérieuse...

M. Patrick Ollier. La démonstration est faible !

M. Paul Quilès. Certains pensent - et l'idée a été évoquée par Jean-Michel Boucheron - qu'il ne faudrait pas définir l'utilisation de l'arme nucléaire. Or, jusqu'en 1999, je le rappelle - et je sais très bien, pour avoir été ministre de la défense, comment on programmait l'arme nucléaire - l'utilisation de cette arme était dirigée vers l'Union soviétique. Maintenant que l'Union soviétique n'est plus en cause, il faut dire quels sont les pays que l'on pense devoir dissuader. Vous avez évoqué la Corée du Nord, mais je ne pense pas que notre dissuasion doive s'appliquer à ce pays dans les dix prochaines années. La Chine ? Le Pakistan ? L'Iran ?

Il faut aussi préciser le sens de la dissuasion : s'agit-il toujours de menacer un adversaire potentiel, disposant d'armes de destruction massive, de causer des millions de morts parmi sa population civile, ou de menacer des centres de commandement ?

Il faudra dire aussi, madame la ministre, comment on peut à la fois tenir un discours sur l'Europe de la défense et envisager, pour la France seule, à horizon de dix ans, une défense reposant sur l'arme nucléaire et dirigée vers un ennemi inconnu et lointain.

En résumé, et pour conclure, cet amendement vise, d'une part, à ramener à un niveau plus raisonnable les crédits affectés au nucléaire, sans pour autant remettre en cause la qualité de notre armement nucléaire. Car il convient de ne pas caricaturer mes propos : je n'ai jamais dit qu'il ne fallait pas de dissuasion nucléaire. Il vise, d'autre part, à poser des questions qui, si elles ne prétendent pas obtenir de réponse ce matin, prouvent au moins la nécessité, reconnue par M. Balladur, président de la commission des affaires étrangères, d'un débat de fond que je demande solennellement au Gouvernement d'organiser.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François d'Aubert, rapporteur spécial Cet amendement n'a pas été examiné par la commission, mais je crois pouvoir dire, a priori, que son avis est plutôt défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. Avis défavorable.

M. Paul Quilès. Je serais favorable à ce que le ministre s'exprime !

M. le président. La parole est à M. Michel Voisin.

M. Michel Voisin. Malgré l'heure tardive, j'ai été très attentif à ce qu'a dit notre collègue Paul Quilès, et je ne crois pas que des paroles blessantes aient été prononcées, quelles qu'aient pu être, par ailleurs, les fonctions occupées par M. Quilès.

En revanche, s'il appuie son amendement sur le fait que la doctrine d'emploi de l'arme nucléaire n'aurait pas donné lieu à débat au Parlement, je suis au regret de lui rappeler quelques faits qui se sont produits sur ces bancs.

D'abord, monsieur Quilès, si ma mémoire ne me fait pas défaut, l'Union soviétique n'était pas l'ennemi désigné. On parlait, à l'époque, de « défense tous azimuts ».

Je vous rappellerai également que, pour des raisons très politiques, le précédent Président de la République avait décidé de suspendre les essais nucléaires et que lorsque notre président actuel a été élu, en 1995, il a décidé de les reprendre. Le 13 décembre 1995 a eu lieu, dans cet hémicycle, un débat auquel vous avez participé. Vous êtes, bien entendu, intervenu dans la discussion générale. Vous êtes intervenu sur le contexte géopolitique, comme en témoigne la page 5116 du Journal officiel du même jour. Vous êtes intervenu sur la prolifération nucléaire, comme on peut le constater à la lecture de la même page. Vous êtes intervenu sur la dissuasion nucléaire et la doctrine, comme en attestent les pages 5117 et 5118. Vous ne pouvez donc pas dire qu'il n'y a pas eu de débat sur ce sujet.

Dans ces conditions, monsieur le président, le groupe UMP votera naturellement contre cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V, ouverts à l'article 47.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI, ouverts à l'article 47.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 47.

(L'article 47 est adopté.)

M. le président. Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la défense.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

    2

RETRAIT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu une lettre par laquelle M. Patrick Bloche déclare retirer sa proposition de loi, n° 439, portant pénalisation des propos à caractère discriminatoire, déposée le 28 novembre 2002.

Acte est donné de ce retrait.

    3

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de Mme Marie-Jo Zimmermann et M. François Vannson, une proposition de loi tendant à compenser les distorsions de concurrence supportées par les buralistes dans les régions frontalières.

Cette proposition de loi, n° 1171, est renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du plan, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de M. Victorin Lurel et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi visant à assurer le principe de continuité territoriale entre la France métropolitaine et les régions d'outre-mer ainsi que la collectivité départementale de Mayotte.

Cette proposition de loi, n° 1172, est renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de M. Didier Mathus et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi visant à interdire le recours à des mesures techniques de protection des CD et DVD ayant pour effet de priver les utilisateurs du droit à la copie privée.

Cette proposition de loi, n° 1173, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de M. Claude Bartolone et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi visant à permettre le cumul de l'indemnité de fonction d'élu local avec l'allocation aux adultes handicapés.

Cette proposition de loi, n° 1174, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de M. Yannick Favennec, une proposition de loi tendant à améliorer le régime de responsabilité des sous-traitants.

Cette proposition de loi, n° 1175, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de M. Sébastien Huyghe, une proposition de loi visant à créer un Conseil National chargé de récompenser les villes ayant œuvré en faveur des handicapés, dans le cadre d'une opération « Cœurs Couleurs ».

Cette proposition de loi, n° 1176, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de M. Jacques Briat, une proposition de loi sur le renforcement de la transparence financière et de l'égalité des candidats lors des élections locales.

Cette proposition de loi, n° 1177, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de M. Jean-Louis Bianco et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi tendant à étendre le service universel à l'internet haut débit et à la téléphonie mobile.

Cette proposition de loi, n° 1178, est renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de M. Francis Hillmeyer, une proposition de loi tendant à instaurer une allocation de recherche d'emploi en faveur des jeunes primo-demandeurs d'emploi.

Cette proposition de loi, n° 1179, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de M. Maurice Leroy et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi relative à la possibilité pour les porte-drapeaux et bénévoles des associations d'anciens combattants, de déduire de l'impôt sur le revenu les frais de déplacement engagés dans le cadre des manifestations patriotiques ou visant à entretenir et diffuser le devoir de mémoire.

Cette proposition de loi, n° 1180, est renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de M. Francis Delattre, une proposition de loi visant à instaurer un service minimum dans les transports publics en cas de grève.

Cette proposition de loi, n° 1181, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de Mme Maryse Joissains-Masini, une proposition de loi portant modification de la loi relative à la réduction du temps de travail.

Cette proposition de loi, n° 1182, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de M. Jacques Briat, une proposition de loi sur l'effectivité de la présomption d'innocence en matière de communication judiciaire.

Cette proposition de loi, n° 1183, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de M. Jacques Briat, une proposition de loi sur le renforcement du respect de la présomption d'innocence en matière de communication judiciaire.

Cette proposition de loi, n° 1184, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de Mme Maryse Joissains-Masini, une proposition de loi portant modification du régime du revenu minimum d'insertion et création d'un revenu minimum d'activité.

Cette proposition de loi, n° 1185, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de M. Michel Zumkeller, une proposition de loi visant à protéger les mineurs face aux publicités à caractère pornographique diffusées sur l'internet.

Cette proposition de loi, n° 1186, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de M. Jean-Marc Nesme, une proposition de loi visant à lutter contre l'inceste en donnant du crédit à la parole de l'enfant.

Cette proposition de loi, n° 1187, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de M. Maxime Gremetz et plusieurs de leurs collègues, une proposition de loi relative au remboursement de la TVA aux communes réalisant des travaux sur le domaine public départemental.

Cette proposition de loi, n° 1188, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de M. Maxime Gremetz et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi relative à la date anniversaire du cessez-le-feu survenu en Algérie en 1962.

Cette proposition de loi, n° 1189, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du Règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de M. Frédéric Dutoit et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi relative aux conventions ou accords collectifs de travail.

Cette proposition de loi, n° 1190, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de M. Daniel Paul et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi contre la précarité de l'emploi.

Cette proposition de loi, n° 1191, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de M. Thierry Mariani, une proposition de loi visant à interdire l'importation, l'exportation et la commercialisation de peaux et fourrures de chiens et de chats ainsi que de tout produit composé de telles peaux et fourrures.

Cette proposition de loi, n° 1192, est renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de M. Bernard Perrut, une proposition de loi visant à responsabiliser les assurés sociaux sur leurs dépenses personnelles de santé et à les informer sur les budgets des établissements publics de santé.

Cette proposition de loi, n° 1193, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de MM. Patrick Bloche, Jean-Marc Ayrault et plusieurs de leurs collègues, une proposition de loi portant pénalisation des propos à caractère discriminatoire.

Cette proposition de loi, n° 1194, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de M. Léonce Déprez, une proposition de loi visant à créer un statut libéral d'aide-soignant.

Cette proposition de loi, n° 1195, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

    4

DÉPÔT DE RAPPORTS
EN APPLICATION DE LOIS

M. le président. J'ai reçu, le 4 novembre 2003, de M. le Premier ministre, en application de l'article 35 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, le rapport annuel public pour l'année 2002-2003 de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications.

J'ai reçu, le 3 novembre 2003, de M. le Premier ministre, en application de l'article 6 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, le huitième rapport sur les mesures prises dans la fonction publique pour assurer l'application du principe d'égalité des sexes.

    5

DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu, le 3 novembre 2003, de M. Émile Blessig, un rapport d'information, n° 1169, fait au nom de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire sur la gestion des déchets ménagers sur le territoire.

J'ai reçu, le 3 novembre 2003, de M. Jean Launay, un rapport d'information, n° 1170, fait au nom de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire sur la gestion de l'eau sur le territoire.

    6

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique :

Questions au Gouvernement (1) ;

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 1110).

Affaires sociales, travail et solidarité, égalité professionnelle ; article 80.

Solidarité :

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure spéciale au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (annexe n° 4 du rapport n° 1110).

Action sociale, lutte contre l'exclusion et ville :

M. Denis Jacquat, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome II de l'avis n° 1111).

Formation professionnelle :

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 5 du rapport n° 1110).

M. Jean Ueberschlag, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome III de l'avis n° 1111).

Travail :

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 6 du rapport n° 1110).

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome IV de l'avis n° 1111).

A vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 5 novembre 2003, à deux heures vingt.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

        JEAN PINCHOT

1 (1) Les quatre premières questions porteront sur des thèmes européens.