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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU SAMEDI 15 NOVEMBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du vendredi 14 novembre 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

1.  Loi de finances pour 2004 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

RECHERCHE ET NOUVELLES TECHNOLOGIES

M. Christian Cabal, rapporteur spécial de la commission des finances.
Mme Brigitte Le Brethon, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
MM.
Pierre Cohen,
Jean Dionis du Séjour,
Frédéric Dutoit,
Pierre Lasbordes.

Suspension et reprise de la séance «...»

MM.
Jean-Yves Le Déaut,
Gilbert Gantier,
Claude Birraux,
Jacques Domergue.
MM. Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.
Réponses de Mme la ministre aux questions de MM. Alain Gouriou, Christian Bataille, Gilbert Gantier.

PRÉSIDENCE DE Mme HÉLÈNE MIGNON

Réponses de Mme la ministre aux questions de MM. Frédéric Dutoit et Jean-Louis Léonard.

JEUNESSE, ÉDUCATION NATIONALE ET RECHERCHE
III. - RECHERCHE ET NOUVELLES TECHNOLOGIES
Etat B
Titre III. - Adoption «...»
Titre IV «...»

Amendement n° 270 de M. Bataille : MM. Pierre Cohen, le rapporteur spécial, Mme la ministre, MM. Frédéric Dutoit, Jean-Yves Le Déaut. - Rejet.
Adoption du titre IV.

Etat C
Titres V et VI. - Adoptions

Renvoi de la suite de la discussion budgétaire à la prochaine séance.
2.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

LOI DE FINANCES POUR 2004

DEUXIÈME PARTIE
Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n°s 1093, 1110).

RECHERCHE ET NOUVELLES TECHNOLOGIES

    M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, concernant la recherche et les nouvelles technologies.
    La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Christian Cabal, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, mes chers collègues, la nécessité de développer et de soutenir fortement une politique de recherche apparaît comme un principe commun à toutes les sociétés modernes, même si les motivations peuvent être diverses : volonté de progrès économique et social, volonté de domination dans la lutte commerciale ou, plus directement, volonté de puissance et hégémonie. Il suffit pour s'en convaincre de mesurer l'importance de la recherche militaire menée par les grandes puissances qui gardent ou veulent acquérir une dimension planétaire. La politique menée par les Etats-Unis est à cet égard riche d'enseignements, de même que la recherche militaire russe qui, même aux heures les plus noires de la période post-soviétique, a été à peu près sauvegardée.
    On ne saurait cependant en conclure de façon certaine et automatique qu'il n'existe pas de contestation vis-à-vis de la recherche, y compris dans notre pays. Au-delà des fausses sciences qui dénotent un état mental parfois perturbé ou correspondent à des engagements sectaires - je pense à l'Eglise de scientologie ou à Raël et l'affaire du clonage humain - c'est parfois le refus des arguments scientifiques qui se manifeste, voire leur négation au travers d'engagements militants où s'exprime une hostilité de principe à certaines recherches sur les OGM ou aux applications même civiles du nucléaire.
    Mais il y a aussi des freins, des réticences, voire des oppositions, liés à des engagements philosophiques ou religieux. Cela est tout à fait respectable et je n'engagerai pas de débat à ce sujet mais, sur un plan pratique, il pourrait se révéler dévastateur qu'un pays refuse ou diffère sa recherche pour de telles raisons. Un seul exemple : la situation qui est la nôtre à l'heure actuelle dans le domaine de la bioéthique, où l'absence d'un texte définitif et d'un débat définitivement tranché handicape un certain nombre de recherches sur le plan national, concernant notamment les cellules souches.
    Je voudrais insister sur l'importance que représente pour le Parlement le fait de disposer d'une information et d'engager une réflexion appropriée sur les sujets faisant débat, sans qu'il y ait obligatoirement d'incidence législative à la clé. Cela justifie largement l'existence de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Je salue au passage la présence de son président actuel, Claude Birraux, qui a succédé à Jean-Yves Le Déaut.
    M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. C'est une très bonne initiative, monsieur le rapporteur spécial !
    M. Christian Cabal, rapporteur spécial. Ils sont ici pour nous éclairer. Je remarque d'ailleurs que nous sommes tous les quatre membres de cet office parlementaire.
    L'importance de l'effort de recherche, que je qualifierai d'ardente obligation, fait l'objet d'un large consensus. Mais il y a parfois des divergences sur les moyens et leur mise en oeuvre, ainsi que sur les méthodes. Si ces divergences ont pu être significatives, elles s'estompent progressivement.
    Je voudrais, au terme de cette introduction, saluer l'inscription cette année du budget de la recherche dans les grandes priorités gouvernementales de la nation, ce qui est tout à fait à la hauteur de nos espérances.
    Néanmoins, notre effort de recherche continue de se situer, sur le plan international, à un niveau révélant quelques insuffisances, notamment par rapport aux grandes nations développées, telles que les Etats-Unis. Cela est vrai tant pour ce qui concerne le montant du budget engagé et les actions financées dans le cadre de la recherche que le nombre de chercheurs « mobilisés » - c'est le terme qui convient - dans l'ensemble de ces pays : pour 1 000 actifs, les Etats-Unis comptent 9 chercheurs, l'Europe 5,5 - que l'on me pardonne ce demi-chercheur - et la France 7.
    Cela dit, l'action nationale et l'action européenne se développent de façon sensible. La volonté de l'Union dans ce domaine est claire : le VIe PCRD - programme cadre de recherche et développement technologique - est doté d'un budget significatif de près de 18 milliards d'euros, avec un engagement de 4,3 milliards d'euros, soit une progression de 20 %. Voilà des chiffres qui n'ont rien d'anecdotique.
    De plus, ce VIe PCRD s'inscrit dans une perspective plus large, baptisée « Espace européen de la recherche », dont l'objectif est de mettre en oeuvre une véritable stratégie européenne, évitant notamment les duplications et les dispersions.
    Trois grands principes ont présidé à la définition la VIe PCRD : une concentration des ressources sur des thèmes stratégiques, une définition d'instruments d'intervention ayant un effet structurant, un allégement de la gestion et une simplification des procédures. A cet égard, je rends hommage à la politique menée à l'initiative du commissaire européen Philippe Busquin.
    Cette action s'appuie sur un certain nombre de moyens financiers, bien entendu, mais aussi sur des moyens réglementaires nouveaux. Je voudrais insister sur l'importance du brevet européen, dont la mise en oeuvre, après une gestation prolongée, permettra de valoriser au mieux cette action.
    De même, et le sujet est d'actualité, l'« initiative de croissance européenne », qui doit contribuer à relancer l'économie de l'Union, comporterait cinq grands chantiers engageant près de 11 milliards d'euros supplémentaires sur des thèmes essentiels pour nos économies européennes.
    A l'échelle nationale, l'action de recherche est menée à la fois à partir des crédits budgétaires et par les entreprises et les administrations - il s'agit surtout des organismes publics et des services ministériels, comme celui de l'enseignement supérieur, avec les universités et les grandes écoles, et des associations et fondations sans but lucratif.
    Ces dernières années, l'effort de recherche des administrations a représenté entre 0,8 et 0,9 % du produit intérieur brut, et celui des entreprises entre 1,3 et 1,4 %. Si l'on veut atteindre l'objectif de 3 % du PIB, ces deux composantes doivent augmenter de façon significative. Il faut donc agir sur les crédits budgétaires, mais aussi et surtout sur l'action menée au niveau des entreprises, ce qui implique une action partagée très forte, laquelle exige en toute hypothèse une politique gouvernementale très volontariste sur le cadre d'intervention de celles-ci.
    J'en viens aux crédits prévus dans le projet de loi de finances pour 2004.
    Il y a un an, un flot de critiques avaient été formulées, d'une façon peut-être excessive.
    M. Pierre Cohen. Peut-être !
    M. Christian Cabal, rapporteur spécial. Une partie de la communauté scientifique s'était émue des perspectives budgétaires, marquées par une pause dans l'évolution des crédits publics. Nous avons eu droit à une série d'informations parfois catastrophiques, jetées en pâture à l'opinion publique.
    Un an s'est écoulé. Quelques opérations prévues en termes de gels et d'annulations ont été effectivement mises en oeuvre. Pourtant, compte tenu des situations de report - au demeurant pas toujours réglées -, l'effort de recherche a, selon nos informations, été poursuivi sans difficultés majeures par rapport aux situations antérieures. Il faut aujourd'hui toute l'énergie du journal Libération, qui a en l'occurrence une conception très particulière de l'information, pour essayer de relancer l'agitation sur ce sujet.
    La gestion des crédits de 2002, au travers des nombreuses opérations de transfert, d'annulation et de report qui ont été réalisées, montre que les crédits disponibles ont connu cependant une progression de près de 3 %.
    Pour ce qui concerne l'année 2003, un certain nombre de décrets d'annulations et de mesures de gel de crédits sont intervenus mais, dans la mesure où le périmètre de ces gels et annulations ne se recouvrent pas totalement, il n'est pas encore possible de déterminer la part exacte de la variation des crédits ouverts.
    M. Pierre Cohen. Ce n'est pas très sérieux !
    M. Christian Cabal, rapporteur spécial. Sur le plan pratique, on ne peut nier les difficultés auxquelles ont pu être confrontés certains établissements, qui ont été dans l'obligation d'augmenter de façon significative le taux de consommation des crédits ouverts, ce qui est sain, mais aussi d'avoir recours à une augmentation de leurs prélèvements sur fonds de roulement, ce qui pose éventuellement des problèmes de trésorerie. Cela dit, ces prélèvements doivent être considérés comme des avances sur reports qui anticipent des inscriptions budgétaires à venir.
    Le BCRD, le budget civil de la recherche et développement, atteint 8,9 milliards d'euros, soit une progression de 0,9 % pour les crédits de paiement et une diminution de 5 % pour les autorisations de programme. Cela dit, si l'on prend en compte le retraitement d'un certain nombre de lignes budgétaires et les modifications du dispositif des avances remboursables, l'ensemble des moyens disponibles augmente de près de 2,2 %.
    Les recettes de privatisation qui devraient être affectées au secteur des nouvelles fondations créées dans le champ de la recherche scientifique atteignent 150 millions d'euros, ce qui fait que nous en sommes à une progression de près de 3,9 %. L'article du projet de loi de finances rattaché au budget de l'industrie a été discuté hier. Des amendements gouvernementaux ont amélioré le dispositif. Nous y reviendrons peut-être.
    L'ensemble des moyens disponibles sera ainsi proche de 9,5 milliards, compte tenu notamment des nouveaux fonds d'intervention. Cela n'est pas rien.
    Dans la ventilation des crédits du BCDR, la part des différents ministères est à peu près stable, en dehors de celle du ministère de la défense, qui augmente de façon significative. Je ne passerai pas en revue les différentes allocations, me contentant de relever que les variations prennent en compte des situations propres aux différents établissements. J'insisterai cependant sur l'effort important réalisé en faveur de la recherche spatiale, compte tenu notamment des engagements auprès de l'Agence spatiale européenne. A cet égard, madame la ministre, je tiens à vous féliciter de la position qui a été la vôtre au conseil de l'ESA, l'Agence spatiale européenne, du 27 mai dernier, et qui a permis une relance nationale et européenne de la recherche en ce domaine.
    Quelles sont les priorités ? Accroître l'activité des carrières, renforcer le dispositif des fonds incitatifs, promouvoir la recherche par les entreprises. Cela s'inscrit dans une politique de moyens, notamment quant à la gestion des personnels. Sur ce point, des mesures nombreuses et variées ont été engagées, qui s'inscrivent dans le droit fil de ce qui avait été déjà mis en oeuvre l'année précédente. Nous aurons ainsi, notamment pour les jeunes diplômés, une augmentation du nombre des allocations de recherche, des contrats post-doctorants, des contingents CIFRE - conventions industrielles de formation par la recherche -, des conventions CORTECHS - conventions de recherche pour les techniciens supérieurs - et des dispositions permettant d'assurer la couverture sociale.
    Une mesure est mise en exergue : la création de 550 emplois de contractuels en substitution d'emplois de titulaires. Il faut reconnaître très clairement que ces postes donnent de la souplesse, de la flexibilité et de la réactivité au recrutement des chercheurs, ce que demandent la plupart des équipes. Cette mesure permet d'embaucher plus facilement des jeunes qui se destinent à des carrières spécialisées mais éventuellement courtes, ou des chercheurs confirmés compte tenu de leur profil de carrière. Des réactions ont été observées, mais elles ne traduisent pas un fonds réel de critiques car la grande partie de la communauté scientifique attendait cette mesure avec impatience.
    Je déplorerai cependant que si, pour ce qui concerne le pyramidage des carrières, les mesures qui ont été engagées sont intéressantes, elles soient pour l'heure insuffisantes.
    M. Pierre Cohen. J'aime à vous l'entendre dire !
    M. Christian Cabal, rapporteur spécial. Il conviendra de s'engager dans un programme prévisionnel à trente ans de la gestion de l'ensemble des effectifs.
    Les priorités sont également reprises au travers des fonds incitatifs, dont je ne développerai pas la ventilation. Il s'agit du fonds de la recherche technologique, qui est essentiel, du fonds national de la science, intéressant les grands équipements de recherche fondamentale, du fonds des priorités de recherche, dont la consommation de crédits suscite quelques interrogations compte tenu des modalités de mise en oeuvre, et du fonds de recherche duale.
    Quant à la place de l'entreprise, elle fait l'objet d'une action novatrice essentielle pour permettre à la France d'atteindre un niveau comparable à celui des autres pays pour ce qui touche à la recherche menée en entreprise. La nouvelle possibilité de fondation, l'innovation marquée au travers des investisseurs providentiels, le statut de la jeune entreprise innovante et, surtout, l'évolution sensible marquée par le crédit impôt - recherche, qui atteint près de 1 milliard d'euros d'engagements, nous permettront de rattraper notre retard.
    D'autres dispositions techniques, concernant l'ANVAR et l'amélioration de la valorisation de la recherche, répondent à des demandes souvent répétées mais jusqu'à présent rarement mises en oeuvre.
    Je voudrais maintenant dire quelques mots de l'évolution de la loi de finances, eu égard à la LOLF, qui va changer sensiblement les données du problème.
    A partir de l'année prochaine et plus encore de 2005, nous aurons une structure budgétaire regroupée en crédits, programmes et actions. La structure du BCRD s'inscrit parfaitement dans cette volonté de réforme des finances et du budget de l'Etat.
    Des missions intermistérielles mettraient en évidence l'intérêt de cette formule et permettraient d'assurer une convergence et une coordination entre des lignes budgétaires éparpillées et la volonté d'une recherche forte dans notre pays. Les propositions qui ont été formulées dans cet esprit créatif de missions interministérielles sur l'enseignement supérieur et la recherche s'inscrivent parfaitement dans ce cadre. Elles donneront au ministre chef de file - à vous-même, madame - la possibilité d'assurer la coordination des efforts en gérant les moyens budgétaires correspondants, au travers de structures ad hoc.
    Nous attendons donc avec impatience la poursuite de cette réforme, et nous veillerons attentivement avec vous à ce qu'elle soit mise en oeuvre dans les meilleures conditions pour que la recherche en bénéficie pleinement.
    Au total, madame la ministre, vous nous présentez un engagement gouvernemental pour la recherche qui, après une brève pause d'évaluation l'année dernière, reprend une progression sensible, non seulement sur le plan des crédits budgétaires, mais aussi par une série de mesures judicieuses permettant aux entreprises d'occuper la place qui doit être la leur dans l'effort national de recherche, comme c'est déjà le cas dans les autres grands pays développés.
    Ce résultat est le vôtre, et je vous en félicite. Vous avez su représenter efficacement la communauté scientifique, faire partager cet engagement par le Gouvernement, par les plus hautes autorités de l'Etat et les instances européennes, ce qui est significatif. Cela nous permet d'envisager avec confiance l'avenir de la recherche dans notre vieille Europe, qui a encore de beaux jours devant elle.
    Après discussion, la commission des finances a approuvé les crédits de la recherche et des nouvelles technologie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    Mme Brigitte Le Brethon, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, dans un contexte budgétaire contraint, les crédits de la recherche pour 2004 s'efforcent de concilier ambition et pragmatisme, en donnant les moyens de réaliser les objectifs politiques annoncés par le Gouvernement dès son entrée en fonctions, que ce soit en matière d'emploi scientifique ou de moyens consacrés aux organismes de recherche.
    Ce budget, qui mérite d'être qualifié de bon, mobilise toutes les ressources disponibles pour répondre à l'objectif ambitieux mais réaliste fixé par le Président de la République : passer d'un taux de dépense intérieure de recherche et développement par rapport au PIB de 2,23 % en 2002 à 3 % en 2010, à l'unisson de l'ensemble des pays de l'Union européenne, qui en ont pris l'engagement lors du Conseil européen de Barcelone, en 2002.
    L'objectif des 3 % du PIB constitue désormais un engagement fort pour la législature. Il ne saurait être atteint sans une mobilisation large, à vos côtés, madame la ministre, de tous les acteurs directs de la recherche, privée ou publique, et de tous les partenaires qui contribuent à la définition de ses orientations, à son financement et à la diffusion de ses résultats, à savoir les collectivités territoriales, l'Union européenne et les entreprises innovantes.
    Dans ce schéma, les deux tiers de l'effort de recherche doivent provenir des entreprises et le tiers restant de la recherche publique. C'est pourquoi le Gouvernement a choisi de faire porter un effort particulier, dès 2004, sur la promotion de la recherche par les entreprises et de son financement privé, à l'aide d'incitations fiscales et de soutien à la création de fondations, pour contribuer à une recherche nourrie de sciences fondamentales - c'est indispensable - et tournée vers la demande économique et sociale.
    Le soutien à l'innovation doit en effet passer en priorité par le secteur privé, les entreprises en phase de croissance, les fondations de recherche, car il faut créer une dynamique liant la recherche et l'économie. Il ne s'agit pas de développer des projets de recherche déconnectés du réel, mais au contraire de nourrir avec des aides publiques des projets privés pouvant déboucher sur des applications industrielles à l'aide de la recherche fondamentale et appliquée.
    Les ressources publiques effectivement disponibles pour soutenir l'effort national de recherche et développement en 2004 atteindront au moins 10,3 milliards d'euros : aux mesures fiscales du projet de loi de finances, qui correspondent à un effort financier de l'Etat de l'ordre de 1 milliard d'euros, il faut ajouter 8,9 milliards d'euros de crédits budgétaires des différents ministères intervenant au titre du budget civil de la recherche et du développement technologique, 150 millions d'euros, inscrits sur un compte d'affectation spéciale, provenant des recettes de privatisation - cette somme devrait constituer un capital d'amorçage pour les fondations de recherche scientifique -, ainsi que 322 millions d'euros, correspondant à la partie des subventions gelées en 2002 qui n'ont pas été annulées, et restent donc à verser, en 2004, aux organismes de recherche et aux fonds d'intervention du ministère délégué à la recherche et aux nouvelles technologies.
    Plus spécifiquement, les crédits attribués au ministère par le projet de loi de finances pour 2004 s'élèvent à 6,2 milliards d'euros en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, soit une progression de 1,8 %.
    Le projet de budget dégage trois grandes priorités : premièrement, la promotion de la recherche par les entreprises et le financement privé de la recherche ; deuxièmement, l'accroissement de l'attractivité des formations supérieures par la recherche, qui passe par le renforcement de l'insertion professionnelle des jeunes docteurs, nationaux et étrangers, dans le dispositif national de recherche et d'innovation ; troisièmement, la poursuite des fonds incitatifs, instruments privilégiés pour conduire la logique de projets sur les thématiques prioritaires retenues par le ministère délégué à la recherche.
    Je relèverai cinq moyens de réaliser ces objectifs.
    D'abord, la politique d'accueil de post-doctorants, français ou étrangers, dans les organismes de recherche sera développée, avec le recrutement programmé, en 2004, de 600 post-doctorants, la signature de 300 conventions industrielles de formation par la recherche supplémentaires et la revalorisation du montant brut de l'allocation de recherche de 4 % au 1er octobre 2004 - celui-ci atteindra alors 1 306 euros, soit 15,75 % de plus qu'au 31 décembre 2001, ce qui constituera un élément extrêmement incitatif.
    Ensuite, les crédits des deux fonds d'intervention du ministère - le fonds de la recherche technologique et le fonds national de la science - seront reconduits, et les moyens des établissements publics de recherche, des fondations privées et de la recherche universitaire seront globalement maintenus, afin de mener à bien les projets engagés.
    Puis, sera mis en oeuvre le plan gouvernemental en faveur de l'innovation et de la recherche industrielle, qui s'appuie sur une réorganisation des dispositifs d'aide à la recherche industrielle, faisant de l'ANVAR, au niveau régional, le guichet unique de l'octroi de subventions aux PME. L'objectif est bien de simplifier les démarches des entreprises. Les avances remboursables aux entreprises sont aussi remplacées par des subventions en capital, afin de soutenir le lancement de projets lourds à porter seuls au départ.
    En outre, les efforts prévus dans les domaines de l'aéronautique et de l'espace, avec 45 millions d'euros supplémentaires versés par la France à l'Agence spatiale européenne, permettront de financer le plan de retour en vol d'Ariane 5 et la réalisation de la phase de développement du programme Galileo. Dans le même ordre de priorités, il faut noter, en matière de recherche aéronautique, le soutien au programme A380, à hauteur de 160 millions d'euros.
    Enfin, la meilleure utilisation des moyens affectés au secteur nucléaire sera rendue possible par la réduction et la rationalisation des coûts du CEA, gage de sa compétitivité et de son succès à long terme, grâce au développement des coopérations avec ses partenaires industriels, dans le cadre de la mise en place d'un pôle dédié aux nanotechnologies.
    Dans un contexte de décroissance de l'emploi public, le ministère s'est efforcé de maintenir les moyens disponibles au sein des organismes de recherche. La réduction des dépenses se traduit par des mesures de suppressions de 550 emplois de chercheurs, d'ingénieurs et de techniciens. Ces suppressions, toutefois, sont intégralement compensées par la possibilité, pour les établissements, de recruter 550 contractuels sur subvention d'Etat : la mesure porte sur 200 CDD de chercheur et 350 CDD d'ingénieur. En faisant appel aux contractuels de longue durée, les organismes publics de recherche pourront assouplir la gestion de leur personnel scientifique et adapter l'emploi aux besoins, en améliorant la réactivité des laboratoires aux projets et en incitant les scientifiques étrangers à revenir en France. M. Cabal vient de démontrer l'utilité de cette orientation.
    Pour favoriser le développement de la recherche privée par les entreprises innovantes, le projet de loi de finances pour 2004 comprend plusieurs mesures fiscales novatrices et ciblées, notamment la création du statut de jeune entreprise innovante, ouvrant droit à des exonérations fiscales et sociales, et le renforcement du crédit d'impôt recherche, représentant un coût fiscal supplémentaire de 444 millions d'euros.
    Ainsi, le mode de calcul du crédit d'impôt recherche sera modifié, à compter du 1er janvier 2004, pour inciter les entreprises à augmenter leurs dépenses de recherche et développement ou à les maintenir. Une part en volume sera ajoutée à l'actuelle part en accroissement. Les dépenses éligibles seront étendues aux frais de défense de brevet et de veille technologique, et les dépenses de recherche confiées à des organismes de recherche publique seront prises en compte pour le double de leur montant, afin de renforcer le partenariat entre recherche publique et privée.
    Pour les jeunes entreprises innovantes, les exonérations sont de quatre types : exonération totale des charges patronales pour l'emploi de chercheurs ; exonération d'impôt sur les sociétés, totale sur les trois premiers exercices, puis dégressive jusqu'à 50 % sur les deux suivants ; exonération des impôts locaux - taxe professionnelle et taxe foncière sur les propriétés bâties - après délibération des collectivités locales, bien entendu ; enfin, exonération d'impôt sur les plus-values de titres détenus depuis plus de trois ans par les actionnaires individuels.
    Les investisseurs dits « providentiels » constituent un soutien déterminant aux jeunes entreprises, particulièrement celles qui innovent, en leur apportant des capitaux mais aussi leur expérience professionnelle. Ils sont très nombreux dans le monde anglo-saxon, mais font défaut en France. Le projet de loi de finances pour 2004 encourage ces investisseurs à apporter des fonds à des entreprises nouvelles ou en cours de création, en leur permettant de gérer leur portefeuille de participations dans un outil juridique spécifique, la société unipersonnelle d'investissement à risque, bénéficiant d'un avantage fiscal reflétant le risque élevé de tels investissements.
    Enfin, la réforme juridique et fiscale des fondations, instituée par la loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, propose un nouveau statut type des fondations d'utilité publique, doté d'un cadre fiscal plus incitatif. Dix mesures fiscales d'envergure inciteront ainsi les fondateurs et les donateurs, particuliers ou entreprises, à créer ou à financer une fondation d'utilité publique ; les fondations, en France, ne représentent actuellement que 0,1 % de l'effort de recherche, contre 4 % outre-Atlantique.
    Le projet de budget de la recherche pour 2004 s'inscrit ainsi dans un plan d'ensemble à long terme. C'est un budget volontariste, privilégiant des contenus précis, mobilisateur des acteurs publics et privés, pour que son exécution marque un progrès par comparaison avec les années précédentes. Il prépare l'avenir sur des bases saines, dans la perspective pluriannuelle confirmée - sur sept ans - d'une progression très sensible des moyens financiers que l'ensemble du pays entend consacrer à sa recherche et à sa capacité d'innovation.
    C'est pourquoi, madame la ministre, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la recherche pour 2004. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
    M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, produire des connaissances, répondre aux attentes de la population, tel est le rôle de la science, que nous considérons comme une source de progrès technologiques, industriels et sociaux, et comme un puissant facteur de croissance.
    La commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire a donc examiné les crédits de la recherche et des nouvelles technologies en tentant de traduire l'impact de la recherche en termes de développement scientifique et économique, l'approche budgétaire incombant davantage à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, et l'approche sociale, naturellement, à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    Votre politique, madame la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, s'appuie sur des moyens budgétaires importants et ardemment défendus au cours des arbitrages interministériels. Vous devez en être félicitée.
    Vous êtes effectivement en mesure de présenter un budget pour 2004 qui, renforçant l'action en faveur des jeunes chercheurs, favorise l'emploi scientifique et s'accompagne d'une gestion par projets bien identifiés. Il soutient la recherche en entreprise, le développement des fonds incitatifs et des fondations scientifiques, tout en confortant les secteurs stratégiques que sont l'aéronautique, l'espace, l'énergie, les nanotechnologies et, ce qui répond à une attente forte de la population, le biomédical. Et, pour ce qui concerne les préoccupations environnementales, le challenge de la voiture propre zero emission, utilisant l'hydrogène, nous mobilisera beaucoup dans les années à venir.
    Le projet de budget civil de recherche et de développement - le fameux BCRD - pour 2004, établi dans un contexte économique et budgétaire difficile, traduit la volonté forte du Gouvernement de préserver la place fondamentale de la recherche dans le nouveau dynamisme qu'il souhaite donner aux structures économiques et industrielles du pays.
    S'inscrivant dans l'objectif européen et national, défini au sommet de Barcelone et réaffirmé depuis lors, de consacrer 3 % du PIB, en 2010, aux dépenses de recherche et de développement, il prend en compte la double préoccupation de l'effort public, qui devra se situer au tiers du total, et de l'effort des entreprises, qui devra en atteindre les deux tiers - leurs parts respectives actuelles étant, rappelons-le, de 0,95 % pour le public, c'est-à-dire presque 1 %, et de 1,25 % pour les entreprises, ce qui reste insuffisant.
    En ce qui concerne le volet public, à périmètre budgétaire comparable, les dotations du BCRD progressent de 0,9 %, à près de 9 milliards d'euros - 8,928 milliards exactement ou, pour mémoire, près de 60 milliards de francs -, soit 3,15 % du budget de l'Etat. Ce n'est pas mince.
    Mais il convient d'ajouter à ce budget la création d'un nouveau fonds incitatif, le FPR, fonds des priorités de recherche, s'articulant avec le nouveau statut des fondations et devant être doté de 150 millions d'euros, en plus, bien sûr, du fonds national de la science et du fonds de la recherche technologique. Si l'on compte les mesures d'exonérations fiscales et les recettes affectées aux agences ou organismes de recherche, le taux d'augmentation de l'ensemble des moyens disponibles directement pour la recherche publique est porté à 3,9 %. Je tiens à souligner que c'est une progression très forte. Le seul budget du ministère de la recherche et de la technologie est d'ailleurs nettement consolidé, puisqu'il augmente de 1,7 %.
    Les établissements publics à caractère scientifique et technologique, comme les établissements publics à caractère industriel et commercial, voient leurs dotations maintenues. Ils seront désormais fondés sur une approche plus réactive, le financement sur projets sera renforcé et l'évaluation mieux adaptée sur des bases scientifiques précisées. C'est exactement ce que nous souhaitions pour améliorer leur efficacité. On peut citer, par exemple, les projets communs de l'INSERM et de l'INRA sur les corrélations entre nutrition et risques de cancer, ou encore les fameux instituts « sans mur » avec mobilisation thématique.
    La recherche française doit, bien sûr, être appréciée en liaison avec la recherche européenne. C'est pourquoi l'articulation de l'effort français avec la politique européenne, organisée par le VIe PCRD - programme cadre de recherche et de développement technologique -, doit être améliorée, le lancement récent, en décembre 2002, des premiers appels à projet laissant apparaître une sous-participation de la France. Le taux de 10 % des propositions est rarement dépassé, alors que les financements nationaux de la recherche européenne atteignent 18,5  % de ceux de l'Union européenne. On peut, à cet égard, regretter non seulement la lourdeur des contrôles a priori pesant sur les EPST, qui nuit à leur réactivité, mais aussi et surtout la complexité des procédures de dépôt de dossier, cela fut répété au cours de toutes les auditions. Pourtant, au niveau européen, les entreprises françaises savent être performantes, comme le prouvent les initiatives EUREKA, qui sélectionnent des PME innovantes.
    En ce qui concerne l'emploi scientifique, la politique engagée par le Gouvernement en faveur des jeunes chercheurs, dans le cadre d'un plan rénové de gestion prévisionnelle des emplois scientifiques, s'est amplifiée. La revalorisation de l'allocation de recherche sera de 15 % en trois ans. Donnons le chiffre : avec l'exercice d'un monitorat, elle atteint 1 591 euros mensuels depuis la rentrée universitaire.
    L'accroissement du nombre de contrats de post-doctorants se poursuit, à hauteur de 600, parallèlement à un assouplissement des recrutements. En outre, il est proposé de faire passer à 900 le nombre de conventions industrielles de formation par la recherche, les fameuses CIFRE, l'objectif étant d'en atteindre 1 500 en 2010. Rappelons que ces conventions sont très appréciées des PME et des filières professionnelles. Le dispositif équivalent pour les techniciens, CORTECHS, se développe, en interaction avec les régions, qui le cofinancent.
    Le deuxième volet de l'action gouvernementale, madame la ministre, vise à stimuler l'effort des entreprises en matière de recherche. Il ne vous aura donc pas échappé, mes chers collègues, qu'il s'insère dans une politique globale de soutien public actif au développement de la recherche, fondamentale et aussi appliquée. C'est, à mon sens, une très bonne orientation pour ouvrir la voie au retour de la croissance et des emplois.
    Les mesures du plan innovation, madame la ministre, que vous avez présenté conjointement avec Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, devraient en effet faire bénéficier la recherche privée d'environ 1,1 milliard d'euros d'aides, sous forme de dispositions fiscales favorables ou d'exonérations de charges. L'effort public, direct ou indirect, en faveur de la recherche, devrait dès lors dépasser 10 milliards d'euros, soit une très nette augmentation par rapport aux années antérieures.
    La dynamisation de l'initiative privée se traduit, d'abord, par la réforme profonde et appréciable du fameux crédit d'impôt recherche, le CIR. Mes collègues l'ont dit, le volume de ses dépenses sera pris en compte à hauteur de 5 % et leur croissance annuelle à hauteur de 45 %, le plafond étant porté à 8 millions d'euros. Surtout, son périmètre est élargi. J'espère par conséquent que l'efficacité sera au rendez-vous.
    S'ajoutent à cela la création de la société unipersonnelle d'investissement à risque - pour les fameux business angels -, les mesures en faveur de la jeune entreprise innovante et la rénovation du statut des fondations, qui permettra le développement de véritables fondations scientifiques. Les fondations ne seront donc plus consacrées uniquement à la mise en valeur du patrimoine historique ou artistique.
    Hier soir, à l'article 52, nous avons d'ailleurs adopté un amendement visant à supprimer le mot « initiales », afin d'ouvrir la possibilité pour l'Etat de verser des dotations en capital à des fondations existantes du secteur de la recherche.
    Instruments d'une grande souplesse de fonctionnement, les fonds incitatifs voient leur place renforcée dans le projet de budget. Leur importance en termes de transversalité, de réactivité et de disponibilité n'est plus à démontrer.
    Le Fonds national de la science - FNS - et le Fonds de la recherche technologique - FRT - connaîtront, en 2004, une reconduction de leur capacité d'engagement accrue de 60 % en deux ans. Je tiens à le souligner encore une fois.
    Rappelons également l'apparition d'un nouveau fonds, le FPR - Fonds prioritaire de la recherche -, plus spécialement destiné à financer les projets de fondations incitant les financements privés à se tourner vers la recherche. Ce projet me tient à coeur et je suis heureux qu'il se concrétise enfin !
    L'Agence nationale pour la valorisation de la recherche - ANVAR - voit son rôle précisé dans le cadre de cette politique énergique de renforcement de la recherche privée, en développant son action régionale.
    Je ne voudrais pas conclure mon intervention sans évoquer la place de la science dans la société. Elle doit être une préoccupation constante du Parlement. La mission chargée d'étudier la diffusion de la culture scientifique du sénateur Pierre Laffitte montre bien qu'il s'agit d'une priorité nationale. L'information et la culture scientifiques doivent être renforcées dès l'enseignement primaire et maintenues dans le secondaire.
    J'estime également qu'un développement structuré et raisonné des connaissances scientifiques dans l'ensemble de la population se traduirait par une meilleure appréciation des avantages et des risques de l'application des résultats de la recherche scientifique. Cette culture scientifique plus et mieux répandue rendrait inutile l'introduction du principe de précaution dans notre dispositif juridique, principe dont on peut supposer dès maintenant qu'il aurait de graves conséquences pour l'innovation et l'esprit d'entreprise.
    M. Jean Dionis du Séjour. Très juste !
    M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis. En conclusion, votre rapporteur estime que l'effort important représenté par un BCRD en progression dans une conjoncture économique assez morose, joint à des incitations fiscales doublées en faveur de la recherche en entreprise, permettra à la France de tenir ses objectifs de croissance des dépenses de recherche, conduisant au progrès technologique et, bien entendu, au développement économique de notre société. Il vous demande donc de suivre l'avis favorable donné par la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire à l'adoption des crédits de la recherche et des nouvelles technologies pour 2004. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen, premier orateur inscrit.
    M. Pierre Cohen. Non, madame la ministre, nous ne pouvons plus vous considérer uniquement comme une spationaute dont la carrière professionnelle a été admirable pour l'histoire de la science ! Non, madame la ministre, nous ne pouvons débattre de ce budget de façon strictement comptable, d'autant plus que celui de l'an dernier n'a pas été entièrement exécuté ! Non, madame la ministre, nous ne pouvons accepter des orientations budgétaires qui tournent le dos à plus de soixante années d'histoire de notre pays marquées par le Front populaire, le gaullisme et les Assises de la recherche sous François Mitterrand ! Oui, madame la ministre, nous nous devons d'exprimer notre colère avec l'ensemble de la communauté scientifique unanime !
    Mais aujourd'hui, au-delà de ma colère contre un mauvais budget, je veux manifester mon complet désaccord avec votre politique, celle du gouvernement Raffarin qui mettra définitivement à mal la recherche française. Depuis un an et demi, certains ont pu s'interroger sur la différence entre la gauche et la droite. Ce gouvernement de droite libérale apporte un éclairage tout particulier à cette question en remettant en cause toutes les spécificités françaises de solidarité, de service public, voire en réduisant la puissance de la France dans l'Europe et dans le monde. La recherche en est malheureusement le parfait symbole.
    Tout d'abord, sur le plan purement comptable, après un budget 2003 catastrophique, que tout le monde avait dénoncé, et d'importantes annulations budgétaires en cours d'exercice - pour certains laboratoires des reports de 2002 n'ont même pas été réalisés -, il y a lieu aujourd'hui de s'inquiéter des propositions que vous formulez pour 2004. Non, nous ne pouvons pas nous laisser endormir par l'annonce d'une hausse de 3,9 % dont vous-même, madame la ministre, n'êtes pas convaincue ! Ce budget n'est pas plus crédible que les autres, car il est entaché de gels, de régulations, d'annulations. A cela, s'ajoutent les pressions européennes. Alors, comment faire confiance à ce gouvernement !
    Dans sa structure même, ce budget n'est pas juste, car, si nous revenons au périmètre équivalent, et en comparaison avec celui de 2003 qui fut, comme je l'ai souligné, un très mauvais budget, on note pour le seul BCRD une diminution de 1,4 % en dépenses ordinaires et en autorisations de programme et une progression de seulement 0,9 % en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, c'est-à-dire que l'on se situe en dessous de l'inflation qui dépasse, à ce jour, 2 %. Je suis très étonné que les rapporteurs affichent leur satisfaction alors que vous asphyxiez les laboratoires.
    Certes, la droite a traditionnellement toujours un peu méprisé le CNRS, mais je suis étonné qu'un laboratoire aussi prestigieux que le CEA connaisse lui aussi une diminution de ses crédits, alors que tout le monde s'accorde à reconnaître que c'est un modèle de diversification, qu'il peut obtenir des résultats en matière de recherche fondamentale et qu'il a prouvé ses compétences dans des domaines aussi prioritaires que le vivant. Il faut donc débattre devant les Françaises et les Français. J'ai trop souvent pesté contre le fait qu'un domaine aussi important soit débattu en catimini, comme si nous défendions uniquement ici l'intérêt de quelques laboratoires. C'est l'avenir de notre pays, de l'Europe et d'un modèle de société qui est en jeu. Voilà pourquoi je m'associe aux propos de François Brottes, qui a trouvé choquant que vous ne soyez pas venue en commission, car nos échanges auraient été moins formels.
    M. François Brottes. C'est vrai !
    M. Pierre Cohen. Peut-être me répondrez-vous que l'on ne vous y a pas invitée, ce qui serait malheureux pour les présidents des commissions, mais je constate que les ministres qui ont demandé à venir débattre en commission ont généralement obtenu satisfaction.
    Je ne me livrerai pas à une analyse comptable de ce budget, mais je lui ferai deux reproches essentiels.
    Tout d'abord, ce n'est pas une surprise - vous l'avez déjà annoncé - , vous continuez à affaiblir la recherche publique. En effet, des efforts ont été faits dans le domaine de la recherche il y a vingt-cinq ou trente ans, avec la création d'organismes et un recrutement massif, mais un grand nombre de ces personnels va partir à la retraite entre 2006 et 2010. Certes, on retrouve le même phénomène dans l'enseignement et dans certains secteurs de la fonction publique. Mais, à l'instar de la médecine, la recherche ne s'improvise pas. Elle nécessite du temps. Jean-Yves Le Déaut, dans un rapport au Premier ministre, avait insisté sur la nécessité d'anticiper en la matière et Roger-Gérard Schwartzenberg a lancé un plan pluriannuel sous le gouvernement Jospin.
    Ne pas envisager de telles actions, c'est ouvrir la voie à un affaiblissement de la politique publique en matière de recherche, d'autant que non seulement vous ne créez pas les postes nécessaires pour l'avenir, mais, de plus, vous remplacez les 1 100 départs de 2004 par 550 recrutements de titulaires et par 550 personnels embauchés en CDD. De la part de mes collègues de droite, je trouve cela savoureux ! Ceux-là mêmes qui ont critiqué le caractère précaire des emplois-jeunes d'une durée de cinq ans nous présentent maintenant ces CDD de deux à trois ans comme un élément fort pour la recherche et un facteur de pérennité ! Non ! Soyons sérieux ! Mme Alice Saunier-Seïté, M. d'Aubert, M. Valade ont tous rêvé d'une telle remise en cause du statut des chercheurs, vous, vous la réalisez ! Comme le président Chirac, dans sa bulle mondiale, peut difficilement remettre en cause la recherche, on vous fait administrer cette politique à doses homéopathiques. Vous rejetez le plan de gestion prévisionnelle du personnel qu'il avait été si difficile d'obtenir, vous évitez les remplacements après les départs en retraite - du moins pour la moitié d'entre eux - et vous préparez un nouveau statut pour les personnels.
    Je ne sais si Mme Thatcher y aurait songé ! Tout cela aura des conséquences catastrophiques pour notre recherche publique.
    La première concernée est la recherche fondamentale, considérée comme un atout dans le monde entier, qui a besoin de temps, d'une certaine sérénité et de pérennité. On ne pilote pas la recherche fondamentale avec des commandes. Elle est vitale pour la France, en particulier dans une période où l'on élabore un projet de constitution européenne. Pensez-vous sincèrement, madame la ministre, que la recherche en mathématiques, physique, chimie, sciences humaines est compatible avec des CDD ?
    M. François Brottes. C'est du sabordage !
    M. Pierre Cohen. Cette politique représente aussi un danger pour les secteurs stratégiques. En effet, nous ne sommes pas aux Etats-Unis. En France, et même en Europe, seule la puissance publique peut offrir des orientations à long terme sur le vivant, sur l'énergie ou même sur le spatial, secteur que vous connaissez bien, madame la ministre.
    Une autre conséquence catastrophique de cette décision, qui est déjà bien amorcée, mais que vous contribuez à rendre irréversible, est le désintérêt des jeunes pour les carrières de la recherche scientifique. Nous avons, avec Jean-Yves Le Déaut, demandé la création d'un plan prévisionnel pluriannuel pour créer un appel d'air vers les professions scientifiques et de la recherche, et cela a été accepté. Pensez-vous, madame la ministre, que c'est en utilisant des CDD et en diminuant le nombre de postes créés que vous susciterez des vocations et empêcherez les jeunes de partir à l'étranger ou de s'orienter vers des carrières plus médiatisées ou plus lucratives ?
    Vous affaiblissez la recherche publique, madame la ministre, mais vous espérez que la recherche privée deviendra essentielle, et qu'elle assurera, en 2010, les deux tiers de l'effort de recherche.
    Je considère que vous vous trompez, d'abord parce que les entreprises font de plus en plus la fine bouche en matière de recherche, ensuite parce que les moyens que vous prévoyez sont largement insuffisants. Vous élargissez l'assiette du crédit d'impôt recherche, que nous avions institué, mais ce système peut augmenter les volumes apparents de l'aide sans toutefois augmenter l'effort de recherche fait par les entreprises. Nous aurons donc une sorte de banalisation, si bien que ce sera plus une aide à l'innovation qu'une aide à la recherche.
    S'agissant de l'incitation personnelle, il serait intéressant de procéder à une véritable évaluation des lois de Claude Allègre sur l'innovation.
    Vous augmentez très sensiblement les contrats CIFRE, alors qu'ils ne sont pas tous utilisés et que les entreprises continuent à n'embaucher que peu de jeunes issus de la recherche. C'est le maillon faible de notre tissu industriel.
    Vous créez un nouveau fonds pour la recherche privée, alors que deux fonds extrêmement importants permettaient déjà au Gouvernement et à la puissance publique d'orienter la recherche. Sans vouloir caricaturer, j'espère que ce nouveau fonds ne sera pas une extension du Téléthon.
    Votre budget me procure néanmoins deux satisfactions, madame la ministre. D'abord, il accorde une priorité à la culture scientifique et technique. C'est quelque chose de très important, car notre pays souffre d'un manque de culture scientifique et technique. Cela dit, l'essentiel de l'amélioration concernera la Cité des sciences, que je trouve admirable, mais aucune ressource supplémentaire n'est envisagée pour amorcer un réseau de développement de la culture scientifique et technique en direction des compétences repérées sur le territoire. C'est une critique que j'ai faite pendant cinq ans.
    Un dernier sujet m'intéresse énormément.
    M. le président. Oui, mais soyez bref !
    M. Pierre Cohen. Il s'agit de l'espace. Je vous félicite, madame la ministre, d'avoir réussi à convaincre l'Europe de la nécessité de maintenir ces moyens budgétaires, mais je déplore que tous les enseignements de la crise n'aient pas été tirés et que les comportements soient restés les mêmes. Huit mois après la définition des orientations, les personnels du CNES sont dans un total désarroi et des entreprises comme Alcatel sont en train de refaire les erreurs du passé. On continue à casser les connaissances et les compétences. On embauche des CDD en sachant que cela n'est pas ainsi que l'on préparera l'avenir et la puissance publique n'est pas là pour affirmer la continuité.
    L'asphyxie des laboratoires publics, la remise en cause du plan pluriannuel des emplois scientifiques, la marche forcée vers une recherche privée qui n'a jamais montré qu'elle souhaitait prendre le relais de la recherche publique, voilà autant de raisons qui font que nous ne pourrons pas voter ce budget, madame la ministre. Nous vous demandons solennellement d'ouvrir les yeux et de faire marche arrière, sous peine d'endosser la responsabilité d'avoir programmé la mort de la recherche publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.
    M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'an dernier nous n'avions pas hésité à qualifier le budget de la recherche de variable d'ajustement. Cela avait fait grincer des dents, mais cela nous semblait être la vérité. Ce n'est plus le cas cette année, heureusement.
    En effet, l'augmentation des moyens alloués à la recherche constitue un progrès important et nous saluons les trois points forts de ce budget : la définition de chantiers prioritaires, les mesures en faveur de la recherche privée et le crédit d'impôt recherche.
    Certes, le chemin sera long avant d'atteindre les 3 % du PIB à l'horizon 2010, objectif fixé par le Président de la République. A cette vitesse, plus de dix ans seront nécessaires pour atteindre l'objectif européen. Pouvons-nous attendre, car le retard actuel de croissance de la France est dû en grande partie à l'insuffisance de ses efforts de recherche ?
    Comme l'ont dit MM. Cabal et Gatignol, le salut pour la recherche française viendra non pas du BCRD - notre point de vue diverge de celui de nos collègues socialistes -, mais de la recherche industrielle, nous en sommes convaincus.
    M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis. Très bonne remarque !
    M. Jean Dionis du Séjour. Autre point positif : l'Etat détermine clairement, cette année, quelles sont ses priorités et comment il compte les financer. Nous vous y avions invité l'an dernier, madame la ministre, et nous saluons donc ce pas fait dans la bonne direction. Lors de la discussion générale du projet de budget pour 2003, le groupe UDF avait insisté sur trois points : l'importance d'une perspective européenne pour la recherche, la détermination claire des priorités nationales et la nécessité d'une politique d'évaluation. Nous souhaitons préciser nos propositions et nos questions à l'occasion du projet de budget pour 2004.
    Nous sommes convaincus que la recherche française n'a de sens, dans l'avenir, que si elle est pensée à l'échelle européenne. Que s'est-il passé, madame la ministre, en un an, en termes de gouvernance de l'Europe de la recherche, de détermination des priorités européennes ? Quelles sont vos propositions pour accroître le financement de l'Union en matière de recherche ? Où en est la recherche européenne, notamment dans les domaines des télécoms...
    M. Alain Gouriou. Très bien !
    M. Jean Dionis du Séjour. ... comme dans tous ceux où les efforts des Etats membres se recoupent ou se superposent stérilement ? Pour faire face aux nouveaux défis, il est urgent de mettre en place des technopoles européennes : où en est-on ? En matière de gouvernance européenne, nous disposons d'un projet remarquable : celui de l'European research council, qui préconise qu'une part significative de crédits nationaux vienne soutenir la recherche fondamentale à l'échelle de l'Europe. Comment concevez-vous son articulation avec le conseil des ministres de la recherche ?
    Le deuxième point sur lequel nous voudrions insister est la détermination de priorités nationales pour la recherche. Nous saluons l'effort qui a été fait dans ce projet de budget : il y a des choix, il y a un financement. Les priorités ont été fixées. Vous devez veiller, madame, à ce qu'elles restent constantes jusqu'à 2007, indépendemment des péripéties électorales.
    Vous retenez dans votre budget quatre priorités : la santé, le développement durable et la lutte contre l'effet de serre, la gestion des ressources en alimentation et la diffusion de la culture scientifique. Comment répartirez-vous, entre ces quatres priorités, la somme annoncée de 150 millions d'euros du fonds des priorités pour la recherche ? Combien pour la santé ? Combien pour les nouvelles énergies ? Je n'ai pas su le lire dans les documents budgétaires.
    Je prendrai deux exemples : le cancer et le véhicule propre.
    La lutte contre le cancer a été élevée, à juste titre, par le Président de la République, au rang d'une des trois priorités de son mandat en ce qui concerne les problèmes de société. Pouvez-vous nous indiquer clairement quel est le financement du plan cancer ? Comment s'articule-t-il avec le budget du ministère de la santé ? Comment envisagez-vous le financement des canceropôles ? Remarquons au passage que l'INC - pour l'Institut national du cancer - ne figure pas parmi les sigles utilisés dans vos documents. Madame la ministre, allez-vous faire le choix d'une vision consolidée et détaillée du financement du plan cancer ?
    Autre exemple : la recherche sur le véhicule propre. Quelle est l'articulation entre les fonds attribués par votre ministère et ceux provenant de celui de l'écologie et du développement durable ? Cette recherche sur le véhicule propre ne devait-elle pas être financée par l'augmentation des taxes sur le gazole ? Il s'agit, selon nous, de zones d'ombre, sur lesquelles nous attendons une réponse.
    De plus, votre budget - et cela a été souligné par Claude Gatignol - semble ne pas exprimer une prise de conscience forte de la nécessité de l'évaluation.
    M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis. En effet, c'est extrêmement important !
    M. Jean Dionis du Séjour. Au moment où l'on parle de rémunérer les fonctionnaires selon leurs mérites, nous nous étonnons du silence de votre budget en la matière. Quels sont vos moyens de contrôle sur l'INSERM, le CEA, le CNRS ? Ces organismes publics bénéficient de crédits considérables et, là plus qu'ailleurs, le travail et l'emploi des fonds doivent être controlés, les résultats des recherches évalués selon des critères indiscutables : brevets, publications internationales.
    Vous avez obtenu - et les arbitrages budgétaires ont dû être difficiles - des mesures fiscales intéressantes pour nos entreprises. Nous sommes néanmoins convaincus que cette politique ne portera ses fruits que lentement. Les taux de déduction sont faibles par rapport aux autres pays, notamment la Grande-Bretagne. Quelle politique comptez-vous mettre en oeuvre pour atteindre l'objectif souhaitable d'un doublement de l'effort privé de recherche et développement à moyen terme ?
    Nous voudrions reprendre ce qu'ont dit nos collègues Cabal, Gatignol et Cohen sur la nécessité du développement et de la diffusion de la culture scientifique. Les inscriptions d'étudiants dans des DEUG scientifiques sont en net recul. Les chiffres sont éloquents : à la rentrée 2003, ce recul a atteint 5,2 %. La baisse est constante depuis 1995. N'est-ce pas le moment, madame la ministre, de remettre en cause la pertinence de nos démarches, notamment celle de nos campagnes de communcation ?
    Pour conclure, je souhaiterais formuler un regret et un souhait, et indiquer le vote du groupe UDF.
    Le regret a été émis par M. Cohen : les membres de la commission des affaires économiques de notre assemblée n'ont pas pu vous entendre. Vous auriez pu ainsi nous apporter, de manière plus détaillé que ce matin, les informations que nous en sommes en droit d'attendre du Gouvernement et nous aurions pu approfondir ensemble notre réflexion.
    Le souhait est le suivant : que vous soyez un peu plus ministre des nouvelles technologies et que vous preniez à bras-le-corps le chantier de la loi sur la diffusion des nouvelles technologies de l'information et de la communication, annoncée par Jean-Pierre Raffarin le 12 novembre 2002. Ce chantier qui complète le plan RESO 2007 est aujourd'hui en panne. Madame la ministre, nous avons besoin de cette loi pour réduire la fracture numérique, nous avons besoin de votre implication et nous comptons sur vous.
    Madame la ministre, je vous prie d'excuser ce commentaire un peu « scolaire ». La copie est meilleure que l'an dernier,...
    M. Pierre Cohen. Non !
    M. Jean Dionis du Séjour. ... mais des efforts restent à faire. Néanmoins, le groupe UDF ne cachera pas son approbation et votera votre budget.
    M. le président. La parole est à  M. Frédéric Dutoit.
    M. Frédéric Dutoit. Vous avez annoncé, madame la ministre, qu'avec une augmentation de 3,9 %, le budget de la recherche était en forte hausse. Cette augmentation concerne vos priorités : la promotion de la recherche par les entreprises et son financement privé, seul moyen selon vous d'atteindre le seuil des 3 % du PIB fixé par le Président de la République. Le crédit d'impôt recherche et les autres aides aux entreprises dépassent un milliard d'euros, soit 2,5 fois les crédits de paiement du CNRS.
    L'augmentation de ce budget s'appuie sur des calculs prévisionnels alambiqués : 100 millions d'euros proviendraient d'un décompte des hypothétiques déductions d'impôts consenties aux entreprises. Le fonds incitatif et industriel, nouvellement créé et financé par des privatisations, devrait servir à des recherches dont les sources de crédit sont habituellement diverses. Votre objectif serait d'inverser le rapport public-privé dans le financement de la recherche que vous ne vous y prendriez pas autrement.
    Ainsi, avec tout le respect que je vous porte, madame la ministre, ne pensez-vous pas que vous appliquez là une politique dogmatique : celle du marché libéral, qui n'a pour seul objectif que la rentabilité à court terme ? En toute logique, avec de telles orientations, vous sacrifiez les établissements publics. La gestion par projet que vous entendez imposer à la recherche française risque d'assujettir les organismes publics aux finalités du seul secteur marchand. Les dotations des établissements publics sont reconduites ou diminuées et les annulations de 2002 et 2003 ne sont pas absolument pas compensées.
    Vous savez - sinon je reviendrai vous le dire lundi prochain - qu'à titre personnel, comme avec mon groupe, je soutiens le projet ITER sur le site de Cadarache. Mais les autorisations de programme, au-delà de ITER, sont reconduites pour tous les EPST, sauf pour le CEA dont les crédits sont amputés de 61,2 % et, dans une moindre mesure, pour le CNES.
    Les EPIC connaissent, quant à eux, une situation plus grave encore puisque le total des autorisations de programme et des crédits de paiement chute de 9,5 %. Comment ces établissements publics vont-ils pouvoir assurer leurs dépenses de fonctionnement ? La compression des crédits interdit tout investissement à long terme par les laboratoires.
    Autre point noir de ce budget 2004 : l'emploi. vous avez annoncé, madame le ministre, vouloir une recherche ambitieuse aujourd'hui pour préparer demain.
    Vous voulez renforcer l'attrait de la recherche pour les jeunes. Alors, pourquoi supprimer les 550 postes de titulaire et mettre en danger les statuts des chercheurs et des ITA, et la prérennité des laboratoires ? Déjà, l'an passé, 150 postes de chercheur avaient été supprimés et des CDD de post-doctorants mis en place. Cela signifie que chaque contractuel est « assis » sur un poste de fonctionnaire. Cette mesure de transformation de postes de titualires en CDD, intervenant au premier juillet 2004, permettra de faire une économie de 4,2 millions d'euros l'an prochain, soit de 8,2 millions d'euros en année pleine. Diminuer le nombre de débouchés en augmentant le nombre de contractuels, c'est préparer une catastrophe humaine et s'attaquer à l'avenir même de la recherche. Car de cette façon, on repousse à près de trente-cinq ans l'âge d'entrée dans les entreprises de recherche. On embauche plus tôt en France que dans les autres pays, mais l'entrée dans les entrepises est extrêmement difficile à cet âge. Par ailleurs, ont perd ce qui faisait l'attrait de la France : la sécurité de l'emploi.
    La France compte six chercheurs pour mille habitants, contre huit pour mille aux États-Unis. Ce déficit de 120 000 personnes ne pourra être comblé que par le recrutement, d'ici à 2010, de 700 000 chercheurs. Cela se traduirait, pour le seul CNRS, par l'embauche de mille chercheurs tous les ans.
    Le budget 2004 comporte tout de même un point positif que je veux, avec la communauté des chercheurs, saluer ici : les allocations de recherche, auxquelles les jeunes doctorants ont droit - actuellement de 56 euros - augmenteront de 4 % C'est une avancée bien maigre, certes, pour des chercheurs payés 1 290,17 euros par mois, mais c'est une avancée tout de même. Par ailleurs, trois cents doctorants payés sur des libéralités, sous forme de bourses, auront droit à une couverture sociale. Il est tout de même dommage que le Gouvernement sous-estime l'ampleur de la situation : 2 000 à 2 500 étudiants pourraient être concernés par cette mesure.
    Le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a annoncé vouloir faire de la recherche une priorité. Pour cela, les mesures incitatives devraient porter en priorité sur l'emploi scientifique, et non sur l'externalisation de la recherche. C'est seulement dans ce contexte que pourraient se coordonner, sans se confondre, les secteurs privé et public.
    Vos orientations sacrifient et étouffent la recherche fondamentale publique et indépendante. Je ne veux prendre qu'un exemple, parmi tant d'autres : les effets sur la santé des antennes relais ne sont pas encore clairement définis, et les populations riveraines sont souvent mobilisées pour appliquer le principe de précaution. Seulement, les enjeux financiers liés au développement des communications sont énormes : les trois opérateurs de téléphonie mobile ont réalisé un chiffre d'affaires avoisinant celui de la construction aéronautique ou spatiale. Comment imaginer, sans recours à la recherche publique, obtenir dans ce domaine des résultats neutres et indépendants de toute pression économique. ?
    Pour toutes ces raisons et au nom des principes que nous défendons, madame le ministre, nous voterons contre votre budget.
    M. le président. La parole est à M. Pierre Lasbordes.
    M. Pierre Lasbordes. Madame la ministre, si le précédent budget était construit comme un budget de transition fondé sur une consommation effective des crédits, les crédits alloués pour 2004 témoignent d'un engagement fort et prioritaire pour notre avenir, même si cela doit contredire les propos excessifs - voire injustes - de mon collègue Pierre Cohen.
    En effet, gardant comme étoile fixe la perspective de porter de 2 % à 3 % en 2010 la part de notre PIB consacrée à la recherche, ce budget donne aux crédits publics l'impulsion nécessaire y participer à hauteur de 1 %, les 2 % restants devant être assurés par la recherche privée qui va bénéficier de mesures de soutien très importantes à l'innovation dans le présent projet de loi de finances. Au regard de cet objectif majeur voulu par le Président de la République, les choix budgétaires pour 2004 sont également un signal fort adressé aux chercheurs.
    Dans un contexte économique contraint et difficile, le BCRD augmente en effet, à périmètre constant, de 2,2 % et de près de 3,9 % si l'on ajoute la dotation du nouveau fonds prioritaire de la recherche de 150 millions d'euros.
    Je ne peux revenir sur le détail des chiffres que vous-même, madame la ministre, ainsi que les différents rapporteurs avez abondamment commentés, mais je souhaite souligner l'importance de certains d'entre eux qui me paraissent significatifs, en particulier ceux attachés au FNS ou FRT qui sont en progression.
    Ce budget, madame la ministre, est également clairement orienté en direction de la jeunesse. Vous avez saisi l'importance de la formation des futurs chercheurs, en accroissant les dotations de près de 8 % pour les porter à 305 millions d'euros. Ces perspectives volontaristes illustrent parfaitement la nécessité de raisonner en termes de culture de projet et de résultat.
    Vous revalorisez pour la deuxième année consécutive l'allocation de recherche. Après une première hausse de 5,5 %, vous prévoyez une augmentation supplémentaire de 4 % en 2004, correspondant à une progression totale de 15 % depuis 2002.
    De même, le nombre de conventions CIFRE augmente de 300, soit une hausse de 35 % par rapport à 2003. Les 400 contrats « post-doc », qui avaient rencontré un vif succès l'an dernier, verront leur nombre augmenter de 200.
    Enfin, vous garantissez une couverture sociale aux doctorants, notamment dans le cadre de la maladie et de la retraite. Vous remédiez ainsi à une grave injustice que nos prédécesseurs n'ont jamais voulu prendre en compte.
    Rendre les métiers de la science attractifs, faire venir dans nos équipes de recherche des compétences étrangères, assurer le retour de nos plus brillants chercheurs, favoriser la mobilité vers l'entreprise sont autant de défis que notre pays se doit de relever pour préparer l'avenir.
    M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis. C'est une source de croissance !
    M. Pierre Lasbordes. Votre budget y contribue.
    Je ne peux pas non plus reprendre dans le détail les dotations de chaque organisme, mais il est important de souligner la stratégie globale qui assure aux organismes concernés un maintien général des moyens et met en avant la nécessité d'une plus grande souplesse dans le recrutement, afin d'assurer aux laboratoires la capacité de se mobiliser sur une thématique prioritaire de recherche.
    Madame la ministre, je voudrais insister sur un dernier point qui me paraît essentiel et combattre cette idée fausse selon laquelle un contrat à durée déterminée est synonyme de précarité. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Alain Gouriou. Et les emplois-jeunes ?
    M. Pierre Lasbordes. Non, un emploi sur CDD n'est pas un emploi précaire ! N'en déplaise à notre opposition.
    Cette politique courageuse, qui vise à introduire davantage de souplesse, est fondée sur le pragmatisme et répond à la volonté unanime des directions d'organismes de pouvoir recruter plus vite sans attendre jusqu'à une année, comme c'est le cas aujourd'hui.
    Pour 2004, tous les départs à la retraite seront remplacés, dont une partie - 550 en tout - le sera effectivement sous forme de CDD. Je rappelle tout de même que l'ensemble des ministères font des efforts importants et que tous n'assurent pas de remplacement. Ces contrats de trois et cinq ans pourront être financés sur les ressources propres des EPST ou sur des crédits publics.
    Responsabiliser davantage les organismes en leur donnant la capacité de recruter rapidement un jeune chercheur constitue un premier élément d'une politique de simplification et d'allègement des procédures administratives qu'il est urgent de mettre en place.
    M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis. Sinon, c'est la sclérose !
    M. Pierre Lasbordes. Oui, monsieur Cohen, nous pouvons faire de la bonne recherche avec de la souplesse. C'est ce que font nos concurrents. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Indépendamment des moyens alloués, le secteur de la recherche ne peut plus faire l'économie de réformes profondes de ses structures qui étouffent, par leur poids et leur obsolescence, toute initiative constructive. (En effet ! sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Est-il possible d'évaluer le temps ainsi perdu par les chercheurs à devoir régler des problèmes administratifs ? Peut-on mesurer l'impact de ceux-ci dans un contexte concurrentiel comme celui de la recherche ? Les exemples, à tous les niveaux, sont à bien des égards édifiants.
    Loin d'ignorer l'ampleur de la tâche, on peut d'ores et déjà se féliciter de la réforme du code des marchés publics que le précédent gouvernement s'était employé à rendre si complexe qu'il était devenu totalement inadapté au secteur de la recherche. Ces nouveaux aménagements replacés dans un projet économique sont essentiels, même si un affranchissement total du code, assorti de contrôles a posteriori très stricts, aurait été de loin préférable.
    Des mesures simples, madame la ministre, peuvent être proposées et rapidement mises en oeuvre. Je n'en citerai qu'une : la possibilité de transmettre aux laboratoires, au plus tard le 31 janvier, leur lettre de cadrage budgétaire pour qu'ils connaissent suffisamment tôt les moyens dont ils vont disposer.
    Ne serait-il pas opportun de faire de la recherche un secteur pilote en matière de simplifications administratives, à un moment où le Gouvernement met en place une profonde réforme de l'Etat ? Car l'allégement du travail administratif des chercheurs, c'est autant de temps supplémentaire pour la recherche.
    Simplifier le travail des chercheurs constituerait, indépendamment des moyens engagés et sans que cela ne coûte, une réelle dynamique, l'essentiel étant d'établir une culture de confiance dans les relations qui existent au quotidien entre la recherche et les administrations.
    Si la synergie entre la recherche publique et privée est fortement encouragée par l'augmentation du nombre de conventions CIFRE et de contrats partenariaux, je souhaiterais à mon tour souligner l'importance des mesures du plan en faveur de l'innovation contenues dans le projet de loi de finances. En effet, le crédit d'impôt recherche est rénové et plus incitatif : il prend désormais en compte une part du volume des dépenses de 5 %, son assiette est élargie à la protection intellectuelle et son plafond est réévalué à la hausse. Un soutien très important est également assuré aux investisseurs providentiels et à la jeune entreprise innovante.
    Toutes ces mesures engagées vers l'avenir, fondées sur la confiance et le projet, représentent un effort de l'Etat de près d'un milliard d'euros en année pleine. Il s'agissait d'une attente forte de la part des professionnels de l'innovation et des chefs d'entreprise. Vous avez su, madame la ministre, être à leur écoute et répondre à leurs aspirations. Vous devez en être félicitée.
    A ce titre, je ne doute pas que vous saurez, avec M. Hervé Gaymard, être à l'écoute de la recherche appliquée au secteur agricole. Cette recherche est d'autant plus indispensable qu'elle concerne plusieurs centaines de milliers d'exploitants. Pouvez-vous nous confirmer votre appui pour que les instituts et centres techniques agricoles gardent des ressources financières équivalentes à ce qu'ils percevaient l'année passée ?
    Une politique de la recherche doit se construire autour d'objectifs clairs et suffisamment lisibles pour emporter l'adhésion de chacun. Les fondements de notre République et de notre démocratie imposent une généralisation du savoir. Or force est de constater que la diffusion de ce savoir n'est pas satisfaisante. Comme le souligne un récent rapport du Sénat, celle-ci doit être inscrite au rang des priorités nationales. Des initiatives existent, mais de façon encore trop éparse et leur impact est limité.
    La diffusion de la culture scientifique doit intervenir dès le plus jeune âge, dans les programmes scolaires, où doit être favorisé l'esprit de science fondé sur l'observation et l'expérience. Il est nécessaire d'améliorer encore la cohérence et l'efficacité des réalisations des différents acteurs nationaux, régionaux et locaux, qu'ils soient de statut public ou associatif, et de faire de la diffusion de la culture scientifique et technique un enjeu dans l'aménagement du territoire et une action permanente. Ne peut-on imaginer qu'un grand organisme comme la Cité des sciences et de l'industrie puisse être à l'origine d'un vaste réseau national de coordination ?
    Il est indispensable de mobiliser bien plus fortement les médias et l'ensemble des vecteurs de communication sur les sujets scientifiques. Enfin, l'évaluation de la carrière des chercheurs devrait inclure plus fortement ces missions de diffusion des connaissances. Car combler le fossé qui s'est creusé entre la science et les citoyens, retrouver la confiance dans le progrès des connaissances pour débattre sereinement des grands enjeux de notre société seraient le moyen de répondre à la désaffection, notamment des jeunes, pour les métiers de la science.
    De même, en préfiguration de la mise en place de la LOLF et du rôle important qu'aura à jouer le Parlement, il est indispensable d'y organiser un vaste débat, à l'instar de celui sur l'avenir de l'école. Nous sommes nombreux à le réclamer. Nous devons aller à la rencontre des chercheurs et échanger ensemble sur les problématiques et les enjeux de la recherche.
    M. Alain Gouriou. Les chercheurs sont dans la rue !
    M. Pierre Lasbordes. Il n'y en a pas beaucoup.
    En conclusion, madame la ministre, le budget que vous présentez aujourd'hui s'inscrit clairement dans une démarche offensive en direction des acteurs publics et privés. J'espère que ces efforts seront poursuivis dans la même perspective, afin de placer durablement et visiblement la recherche au coeur d'une priorité stratégique tout entière dirigée vers l'avenir, au travers d'une économie tournée vers la connaissance et la communication, dans une culture de projet, de résultat, de confiance et d'excellence scientifique. C'est pourquoi le groupe UMP apporte tout son soutien à votre budget et invite l'Assemblée à émettre un vote favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Nous allons suspendre quelques instants.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix heures cinquante, est reprise à dix heures cinquante-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.
    La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Madame la ministre, j'aurais souhaité pouvoir vous dire dans cette discussion budgétaire que la recherche est redevenue une priorité nationale.
    M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis. C'est le cas.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Malheureusement, le cru budgétaire 2004 n'est guère meilleur que le précédent, même s'il a été maquillé pour lui donner meilleure figure.
    Depuis deux ans, la recherche a connu de multiples déboires. Des gels ou, pire, des annulations de crédits font que l'exercice rituel auquel nous nous livrons aujourd'hui n'a, à mon sens, qu'une valeur virtuelle puisque, dans un mois, Bercy peut, comme l'an passé, supprimer des crédits budgétaires votés par le Parlement...
    M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis. Cela a toujours été le cas !
    M. Jean-Yves Le Déaut. ... pour combler les déficits qui s'aggravent.
    Pouvez-vous nous dire aujourd'hui, madame la ministre, quel sera le niveau d'exécution du budget voté l'an dernier ? Entre ce qui a été voté l'année dernière et ce que les laboratoires ont touché cette année, les chiffres ne sont pas les mêmes.
    Est-il exact que le budget civil de recherche et développement a été ponctionné de 350 millions d'euros au cours de l'année 2003, c'est-à-dire de 4 %, ce qui correspond à une baisse presque équivalente au budget de l'INSERM ?
    Comment pouvez-vous accepter que, comme je l'ai constaté il y a quelques semaines, 230 millions de reports de crédits des troisième et quatrième trimestres 2002 n'aient toujours pas été versés ? Le sont-ils aujourd'hui ou quand le seront-ils ? J'attends votre réponse.
    Cette rigueur qui se prolonge depuis deux ans fait que les laboratoires sont aujourd'hui exsangues. Nos rapporteurs l'ont dit de manière plus diplomatique, mais les responsables du CNRS, de l'INSERM et de l'INRA, que nous avons entendus ensemble, constatent tous qu'ils n'ont plus aucune réserve financière. Certains de ces organismes sont en cessation de paiement et ne peuvent même pas régler les pensions civiles du quatrième trimestre 2003. Les investissements lourds ou mi-lourds, les achats d'équipements ont été différés dans certains cas, supprimés dans d'autres. Les contrats de plan Etat-régions ne sont pas respectés.
    M. Alain Gouriou. Loin s'en faut !
    M. Jean-Yves Le Déaut. Pardonnez-moi la sévérité de ces critiques, madame la ministre, mais elles sont nécessaires, car la situation est grave et les discours d'autosatisfaction deviennent insupportables quand il existe un tel décalage avec ce qu'il faut bien appeler la misère des organismes de recherche.
    Le Président de la République a déclaré pendant la campagne électorale que la France devrait consacrer 3 % de son produit intérieur brut à son effort de recherche. En prenant l'hypothèse d'une croissance de 2 % par an, il aurait fallu augmenter les crédits de 7 % chaque année. Mais si l'on tient compte des budgets 2002, 2003 et 2004, ce n'est plus 7 % mais 10 % d'augmentation qu'il faudrait maintenant, de 2005 à 2010, pour tenir cet engagement.
    M. Pierre Cohen. Eh oui !
    M. Jean-Yves Le Déaut. Les objectifs fixés ne seront donc pas atteints. Votre discours n'est pas crédible et la majorité ne s'honore pas à le reprendre.
    M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis. Il faut être réaliste et tenir compte des contraintes.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Oui, mais cela signifie que vos déclarations ne sont que des incantations. En réalité, les chercheurs et les doctorants sont démoralisés, car ils savent que des coupes sombres vont être opérées dans les programmes en cours.
    Un pays qui ne prépare pas aujourd'hui l'avenir sera demain distancé. Le développement économique de 2010 sera la résultante de la recherche d'aujourd'hui. Les mines du XXIe siècle ne seront plus les mines de fer ou de charbon qu'on a connues en Lorraine, mais des mines de matière grise.
    Ce budget est celui de l'illusion, car il n'augmente pas de 3,9 %. En réalité, il augmente seulement de 1 % en dépenses ordinaires et en crédits de paiement. Et encore, dans le secteur de l'aéronautique, ce 1 % est obtenu grâce à des allègements fiscaux. Ce ne sont pas des espèces sonnantes et trébuchantes. On pourrait même dire que c'est de la monnaie de singe, dans la mesure où ce ne sont pas les laboratoires qui vont en bénéficier.
    Quant aux fondations, vous avancez le chiffre de 1,9 %, qui proviendrait d'un fonds spécial d'Etat alimenté par des ventes d'actifs et doté de 150 millions d'euros. M. Lasbordes me disait tout à l'heure que ces crédits ont été votés hier. Mais pouvez-vous nous dire, madame la ministre, à quelles fondations iront ces fonds, sachant qu'elles ne sont pas encore créées, et d'où viendront ces actifs, sachant que cet argent n'est pas encore disponible ? Pouvez-vous nous expliquer comment ces crédits seront répartis en 2004 entre les laboratoires ? Qui déterminera les secteurs prioritaires et les laboratoires éligibles ? Est-ce que les fondations seront libres de subventionner qui elles veulent ? Et dans ces conditions, comment pouvez-vous nous assurer que l'Etat sera garant de la qualité de la recherche et de l'aménagement du territoire ?
    Enfin, je voudrais vous faire part de ma très grande inquiétude quant à la politique de l'emploi scientifique. Sur la base du théorème de Lambert,... le ministre (Sourires), - un seul remplacement pour deux départs à la retraite - 550 postes de chercheurs et de techniciens seront supprimés en 2004. Avec les départs massifs prévus dans les prochaines années, d'ici trois ou quatre ans ce sont 1 500 postes qui vont être supprimés à chaque exercice. Avec Pierre Cohen, nous avions écrit dans notre rapport qu'il fallait, au contraire, anticiper sur les années de forts départs à la retraite, sans reproduire de manière homothétique les courbes d'emploi du baby-boom de l'après-guerre, mais en adoptant une politique de long terme. Nous n'avons pas eu gain de cause, car Bercy espère qu'on supprimera effectivement ces postes, quitte à nous promettre de les rétablir dans dix ou quinze ans. Cela signifie que, mécaniquement, les organismes de recherche vont fondre en termes d'effectifs.
    Pour 2004, vous remplacez les 550 postes statutaires supprimés par 550 « post-doc » contractuels. Sachant que l'âge moyen de la soutenance de thèse est de 28 à 29 ans, plus encore dans les sciences humaines et sociales, et que l'âge de l'embauche dans un organisme de recherche ou une université est de 31 ou 32 ans, comment pouvez-vous espérer que les 5 000 docteurs qui ne seront pas pris dans les organismes de recherche pourront, à cet âge, pour échapper à ces filières cul-de-sac, se faire engager par des entreprises privées ? Notre système de formation supérieure est dans l'impasse.
    Et que dire des rémunérations ? De ce point de vue, tous les gouvernements sont critiquables. Certes, Lionel Jospin avait augmenté de 5,5 % les allocations de recherche, mais elles étaient alors misérablement basses. Vous les avez augmentées de 4 %,...
    M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis, De 15 % sur trois ans !
    M. Jean-Yves Le Déaut. ... même si le décret à mis du temps à sortir, et vous comptez poursuivre. Mais aujourd'hui, je dis, comme tous les doctorants, que nous ne sommes pas à la hauteur de l'enjeu. Cette année, 6 700 policiers adjoints sans aucune qualification ont été recrutés à 1 290 euros par mois, alors qu'un doctorant n'a droit qu'à 1 190 euros. Voilà les choix et les arbitrages de la République ! Ce n'est pas la rémunération de ces policiers qui est en cause, elle est correcte. C'est ce qu'on donne à nos chercheurs. Alors, nous devons tirer le signal d'alarme ! Il faut plus d'efforts pour soutenir, pour sauver la recherche française ! Il faut aller beaucoup plus loin qu'aujourd'hui !
    Vous n'êtes pas directement en cause, madame la ministre, mais le groupe socialiste considère que le Gouvernement ne donne pas la priorité à la recherche. C'est pourquoi il ne votera pas vos crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Gilbert Gantier.
    M. Gilbert Gantier. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, la recherche, c'est l'avenir. Nous en sommes tous convaincus : les chercheurs, bien entendu, mais aussi les économistes, les financiers, les industriels. Nous savons que la croissance économique et le progrès social, fondements d'une politique moderne, dépendent du haut niveau de la recherche scientifique d'une nation.
    Pourtant, en dépit de cette analyse consensuelle, notre recherche scientifique est en danger, dans le domaine privé comme dans le domaine public. J'en veux pour preuve le fait que, par exemple, les laboratoires pharmaceutiques français ont perdu un quart de leur part de marché mondial en cinq ans.
    La France, avec un effort de recherche représentant 2,17 % de son PIB, occupe le quatrième rang des pays de l'OCDE. Mais la réalité est différente de l'image qu'en donnent ces chiffres. En effet, les pays nordiques comme la Suède et la Finlande, qui ne sont pas inclus dans ce classement, consentent des efforts de recherche largement supérieurs à celui de la France
    Autre fait frappant et inquiétant : l'étude de l'évolution annuelle des dépenses intérieures de recherche et développement place notre pays en dernière position en Europe au cours de la dernière décennie. La faiblesse des moyens accordés par la France à la recherche est certainement une des raisons du fameux « déclin de la France » dont on parle tant en ce moment et qui fait que nous occupons aujourd'hui le douzième rang de la compétitivité en Europe.
    Enfin, plus grave encore, l'hégémonie américaine en matière de recherche scientifique ne peut être combattue avec une dotation budgétaire, à PIB corrigé, plus de trois fois inférieure à celle des Etats-Unis dans des secteurs stratégiques tels que la recherche biomédicale.
    Le niveau de la France reste excellent, certes, dans des domaines comme les mathématiques ou l'astrophysique, mais il décline ailleurs, par exemple dans la recherche biologique ou les nanotechnologies, pourtant porteuses d'avenir.
    Nombre de nos étudiants quittent notre pays pour accomplir une carrière souvent brillante à l'étranger. A l'inverse, le contingent des chercheurs étrangers qui viennent chez nous est faible.
    Cette situation hypothèque grandement la recherche française de demain.
    Le corps des chercheurs, encore très dynamique et disposant de la remarquable infrastructure mise en place par les organismes publics de recherche, ne demande qu'à produire une recherche scientifique de haut niveau, si des moyens nouveaux, distribués selon un critère d'efficacité, lui sont rapidement attribués.
    Le groupe UDF défend plusieurs types de solutions : inciter les entreprises à investir dans la recherche et le développement ; orienter une part de l'épargne vers ces projets ; assouplir la gestion des crédits de recherche.
    La seule recherche publique ne peut suffire, à l'avenir. La recherche privée devra se développer considérablement et c'est au niveau des entreprises qu'il faudra réaliser la recherche appliquée.
    Par ailleurs, des scientifiques de renom - comme, par exemple, le généticien Axel Kahn - soutiennent la proposition du président du Conseil stratégique de l'innovation d'affecter une part des recettes des privatisations à des projets retenus pour leur rentabilité scientifique et sociale.
    Notre pays risque d'hypothéquer la croissance et le progrès social des années à venir s'il ne développe pas rapidement les moyens d'une recherche de haut niveau. Nous sommes convaincus que le retard de croissance actuel de la France par rapport aux Etats-Unis et à d'autres pays est dû pour moitié à l'insuffisance des efforts de recherche consentis depuis plus de vingt ans, alors qu'ils n'ont cessé d'augmenter outre-Atlantique par exemple. Le redressement de la recherche française constitue donc une urgence pour l'avenir des générations futures.
    Nous vous faisons confiance, madame la ministre, pour redresser cette situation. En conséquence, je confirme ce qu'a dit mon collègue et ami Dionis du Séjour : nous voterons votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Claude Birraux.
    M. Claude Birraux. Madame la ministre, après une année en demi-teinte, la recherche est de retour au premier plan. Vous avez su lui donner de nouvelles orientations et de nouvelles impulsions, modifiant ainsi profondément les schémas traditionnels. Bien sûr, certains seront tentés de faire les comptes et d'établir des comparaisons pour décortiquer les 3,9 % d'augmentation du budget consacré à la recherche. Mais j'ai un peu de mémoire, et trop d'expérience dans cette maison pour oublier que souvent, des chiffres flatteurs, des annonces budgétaires ont été démentis par des régulations budgétaires qui effaçaient d'un trait de plume les belles promesses de fleurs qui n'avaient pas eu le temps de devenir fruits.
    M. Jean Dionis du Séjour. C'est beau !
    M. Claude Birraux. On avait même inscrit dans la première loi sur la recherche que le taux de croissance des crédits alloués à la recherche publique devait entraîner automatiquement celui des financements de la recherche privée. Cela prête à sourire, aujourd'hui. C'est pourtant l'exacte vérité.
    Faut-il rappeler, par ailleurs, que Claude Allègre avait déclaré à cette tribune que la recherche n'était pas la priorité du gouvernement Jospin, parce qu'il fallait d'abord la réformer ?
    M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis. C'est exact !
    M. Pierre Cohen. Cela ne sert à rien !
    M. Claude Birraux. Le ministre qui lui a succédé s'est évertué à calmer les esprits échauffés par son bouillant prédécesseur. Cependant, il s'est contenté d'annonces flatteuses mais non financées, même s'il a eu le mérite de lancer le projet « Soleil », mettant fin à une querelle qui me semblait bien peu scientifique.
    Le déclin nous guette-t-il ? Sommes-nous engagés dans une spirale descendante ?
    Les vives réactions des chercheurs suscitées par la publication récente d'un ouvrage intitulé Le Grand Gâchis montrent que ce sujet est sensible et les interpelle.
    Le Comité national d'évaluation de la recherche estime que la production des scientifiques travaillant en France est assez honorable. Pour les publications, elle se situe au cinquième rang mondial, derrière les USA, le Japon, le Royaume-Uni et la RFA. En revanche, nos positions se sont dégradées concernant les dépôts de brevets. Il est intéressant de relever que le nombre et l'impact des publications britanniques sont supérieurs aux nôtres, alors qu'une certaine Mme Thatcher avait mis la recherche publique au régime sec.
    Les difficultés pour stimuler notre potentiel de recherche tiennnent à plusieurs facteurs.
    Le premier d'entre eux est ce système de pilotage budgétaire utilisé par tous les gouvernements, que l'on peut qualifier de « stop and go ». Dans les situations budgétaires tendues, tous ont en effet cédé à la tentation de réduire les crédits de la recherche, déstabilisant des organismes qui ne peuvent plus développer de vision à long terme.
    Le deuxième facteur est la rigidité de la structure des institutions, qui empilent des priorités et manquent de réactivité pour faire face à des thématiques nouvelles. Pouvez-vous nous indiquer, à cet égard, quelles suites concrètes sont données aux rapports du comité national d'évaluation de la recherche ?
    Le dernier facteur est l'érosion progressive de l'esprit d'excellence, de l'évaluation et de la confrontation internationale. Après avoir auditionné des directeurs d'administrations ou de laboratoires nationaux aux Etats-Unis, le rapporteur de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques que je suis se prend à rêver d'un régime présidentiel - qui n'est pas dans notre tradition, dit-on - où ces mêmes directeurs d'administration ou de laboratoire national ou d'unité viennent défendre publiquement leurs demandes budgétaires et justifier leurs dépenses devant les commissions du Congrès.
    M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis. Eh oui, c'est un exercice qu'il faudrait instituer !
    M. Claude Birraux. C'est dire combien j'approuve vos orientations et vos priorités : développer l'esprit d'excellence et la culture de projets, juger les équipes selon une évaluation internationale.
    Les moyens dont vous vous êtes dotée grâce à l'augmentation spectaculaire des crédits alloués au Fonds national de la science - FNS - et au Fonds de la recherche technologique - FRT - doivent vous permettre de réorienter les priorités vers des thématiques nouvelles et de faire naître la culture de projets que nous appelons de nos voeux et qui n'est autre, je le rappelle, que la règle européenne, que nous avons eu tant de mal à assimiler.
    Le groupe UMP soutient sans réserve votre politique d'innovation, car elle ne se limite pas seulement à une forte augmentation du crédit d'impôt recherche, mais crée une dynamique favorable aux entreprises innovantes. Les instituts de recherche eux-mêmes ont compris que la conquête de l'avenir et de l'innovation ne se gagnait pas à l'ancienneté.
    Je veux souligner de cette tribune combien j'ai apprécié les rencontres entre l'INRA, l'INSERM et les membres de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. La vision stratégique de l'INRA à l'horizon 2020, présentée par son président au moment où son mandat s'achève, mérite que l'on s'y attarde, car il trace des lignes d'action fortes pour donner de la cohérence, renforcer les synergies entre organismes de recherche et de formation en agronomie, aujourd'hui séparés, afin de créer des pôles d'exellence.
    La politique de l'emploi scientifique mise en place à l'INSERM ne vise pas seulement à récompenser financièrement les meilleurs chercheurs, mais aussi à attirer des chercheurs étrangers. L'émulation et la mobilité vers l'institut concourent ainsi à l'élévation globale du niveau scientifique. J'ajoute que l'INSERM a créé en 2002 quarante-quatre nouvelles unités de recherche.
    La loi Allègre a offert des possibilités nouvelles considérables pour la valorisation de la recherche et l'innovation. Ce qualificatif est approprié si on considère la situation « ante Allègre ». Toutefois, en comparaison avec ce qui se pratique ailleurs, le chemin est encore long pour atteindre l'état idéal. Beaucoup trop d'obstacles réglementaires et statutaires de toutes sortes s'opposent encore à ce que l'esprit d'innovation imprègne chercheurs et organismes de recherche.
    La situation la plus enviable est, à ma connaissance, celle de Louvain-la-Neuve, où la rétribution de la propriété intellectuelle est clairement répartie entre le chercheur, son équipe et l'université. Cette dernière peut créer des start-ups, des filiales, prendre des participations. Elle s'est dotée d'une structure permanente de valorisation de la recherche. Les crédits qu'elle alloue au fonds d'amorçage sont équivalents à ceux que notre pays a consacrés au premier appel à projets pour entreprises innovantes, soit 200 millions de francs !
    Si vous voulez que les excellentes mesures favorables à l'innovation que vous avez prises portent pleinement leurs fruits, il vous faut lever tous ces obstacles que l'on pourrait qualifier de réglementaires, établir des règles du jeu claires et cohérentes et, surtout, simplifier les procédures administratives. Si, par la même occasion, vous pouviez persuader Bruxelles de simplifier ses propres procédures, qui prennent trop de temps aux chefs de projets, la recherche européenne en sortirait gagnante.
    J'aimerais vous parler du cas particulier de l'IRSN. Avec Robert Galley, nous avons beaucoup oeuvré pour que cet institut soit créé dans son périmètre et ses compétences actuels. Or son fonctionnement est gravement compromis par la carence de l'Etat, doublée de l'arrogance du représentant du ministère du budget au conseil d'administration. Comment tolérer que cet EPIC soit resté sans conseil d'administration près d'un an, que sa situation fiscale n'ait pas été prise en compte pour définir sa dotation, que ni les actifs de l'OPRI, ni son fonds de roulement n'aient encore été transférés à son profit ? Dès novembre, l'institut a dû recourrir à l'emprunt pour boucler ses fins de mois alors que l'Etat et Bercy font preuve de carences qu'ils ne toléreraient ni de la part des entreprises ni de celle des collectivités, et qu'une somme de 11 millions d'euros, provenant du fonds de roulement de l'OPRI, attend encore d'être transférée. Est-ce tolérable ? En juin 2004, 900 agents devront choisir leur statut : rester à l'IRSN ou retourner au CEA. Il est grand temps de leur redonner confiance.
    Enfin, je voudrais dire un mot d'un sujet qui paraît tabou de ce côté-ci de l'Atlantique : la recherche duale. Nous avons créé une paroi étanche entre la recherche militaire et la recherche civile. Les américains n'ont pas ces pudeurs et, que ce soit dans le domaine de l'espace ou dans celui de l'aéronautique, pour ne citer que ces deux exemples, les subventions d'Etat pour la recherche militaire peuvent profiter à la recherche civile. Une loi datant de l'époque Reagan permet même que les résultats des laboratoires nationaux soient transférés gratuitement aux entreprises américaines lorsque les intérêts stratégiques des Etats-Unis sont concernés.
    Le groupe UMP votera évidemment votre budget. Pour que se mette en place la société de l'innovation et que se propage l'esprit d'innovation, il vous faut, madame la ministre, parfaire votre dispositif en faisant la traque aux obstacles et aux freins de toutes sortes. Parallèlement, il nous faut trouver de nouvelles voies de financement de la recherche si nous voulons atteindre l'objectif de 3 % du PIB fixé par le Président de la République. Les fondations spécifiques sont une voie innovante, mais nous devons vérifier qu'il n'existe pas d'obstacles ou de procédures qui les rendraient inefficaces ou inadaptées pour la recherche. L'affectation d'une part des recettes des privatisations à une sorte de fonds d'amorçage constituerait un signe positif du Gouvernement.
    Nous sommes prêts, madame la ministre, à vous accompagner dans vos démarches afin de rechercher avec vous les voies de la réactivité. Permettez-moi à cet égard d'ouvrir une parenthèse. J'étais lundi dernier au CERN - Conseil européen pour la recherche nucléaire. Les Britanniques emploient trois personnes à temps plein pour qu'elles se renseignent auprès des laboratoires du CERN sur ce qui peut être transférable, faire l'objet d'un dépôt de brevet et être utilisé et développé en Grande-Bretagne, tandis que nous, nous nous lamentons toujours sur les chercheurs qui cherchent le boson de Higgs, dont un certain nombre de financiers n'ont que faire.
    Recherchons donc les voies de la réactivité, de la souplesse et de l'excellence. Nous voterons votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. la parole est à M. Jacques Domergue, dernier orateur inscrit.
    M. Jacques Domergue. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après une année 2003 difficile pour un grand nombre d'organismes de recherche, le budget 2004, plus favorable, témoigne de la prise de conscience du Gouvernement que même lorsque la croissance n'est pas au rendez-vous, un pays comme la France doit se projeter dans l'avenir et investir dans la recherche. La mondialisation est déjà très ancienne pour les milieux scientifiques, et face à la menace des économies émergentes - hier le Japon, aujourd'hui la Chine -, notre salut passe inévitablement par une créativité accrue et des innovations plus nombreuses qui nous assureront, dans les domaines technologiques, la continuité du leadership. En un mot, investir aujourd'hui dans la recherche, c'est préserver le potentiel des générations futures et maintenir notre rang parmi les grandes nations de la planète.
    Avec un BCRD en augmentation de 2,2 % et le renforcement et la création de nouveaux fonds de recherche à hauteur de 1,7 %, vous envoyez un signe fort aux scientifiques. La recherche, en France, renoue avec la croissance.
    Permettez-moi, madame la ministre, de faire quelques remarques. Tout d'abord, dans une période de réduction des emplois publics - et le domaine de la recherche ne fait pas exception -, le maintien en nombre des emplois scientifiques mérite d'être souligné. Le remplacement des fonctionnaires partis à la retraite par des CDD est compris par les scientifiques à condition, premièrement, que ce type de procédure soit limité dans le temps, sous peine de voir, pour citer un responsable du CNRS, « défonctionnariser la recherche », et deuxièmement que ces CDD soient plus attractifs que les emplois de fonctionnaires qu'ils sont censés remplacer. La culture de projet, à laquelle se rattachent les nouvelles orientations des emplois scientifiques, doit permettre d'apporter la souplesse, l'adaptabilité, la flexibilité, pour employer un mot à la mode, indispensables à un domaine qui, par définition, est en perpétuel mouvement.
    Par ailleurs, il convient de favoriser le retour en France des « post-doc ». Aujourd'hui, pratiquement la moitié de ceux-ci travaillent à l'étranger, et nous sommes confrontés à des difficultés pour les rapatrier alors qu'ils constituent le vivier de la créativité de la France. Les conditions matérielles offertes dans les pays d'accueil sont souvent supérieures à celles que nous pouvons leur proposer. A cet égard, les 5 millions d'euros prévus vont dans le bon sens, mais ils ne sont peut-être pas suffisants. Il faudra probablement intensifier les apports budgétaires, pour permettre à ces scientifiques de reprendre confiance en la France et de se réinsérer dans le tissu scientifique français.
    S'agissant, enfin, de la recherche effectuée par des entreprises privées, les efforts consentis en leur faveur sont positifs. Mais les établissements publics à caractère scientifique et technique - les EPST - le reconnaissent : ils ne sont pas encore suffisamment orientés vers les PME, les partenariats étant plus développés et plus solides avec les grosses entreprises françaises ou étrangères. La force des Etats-Unis, qui restent tout de même le modèle le plus attractif en matière de recherche, réside dans la richesse des fondations et des institutions caritatives. Il faut développer ce type de partenariat et les dispositifs de défiscalisation. La France permet aux particuliers de défiscaliser les investissements qu'ils réalisent dans les DOM-TOM ou dans les « vieilles pierres ». Ne serait-il pas valorisant de défiscaliser les investissements qui visent à soutenir un organisme de recherche, un programme ou une université ?
    Madame la ministre, en période de ralentissement économique, le premier réflexe consiste à réduire l'investissement dans ce qui est parfois peu visible et pas immédiatement productif. La recherche en fait partie. Mais certains pays considèrent au contraire que c'est dans ces périodes difficiles qu'il faut investir pour l'avenir. Ainsi, le Canada vient de développer un véritable plan de recherche pour se projeter dans l'avenir et favoriser l'innovation. Par le budget que vous nous présentez, vous démontrez la force de conviction que vous avez su mobiliser et déployer pour convaincre le Gouvernement de renforcer les efforts de recherche. Permettez-moi à ce titre, madame la ministre, de vous en remercier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.
    Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Monsieur le président, madame et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, beaucoup de choses ont été dites ce matin sur le projet de budget, que je résumerai pour ma part de la façon suivante : le BCRD pour 2004 sous-tend une vraie réforme. Il n'est que le levier financier d'une stratégie visant à donner un nouvel élan à la recherche française. Le consensus s'est fait pour reconnaître que le mouvement est nécessaire et que dans la compétition économique mondiale, celle des savoirs, de la création, de l'innovation constitue le premier enjeu. La Chine vient de dépasser la France pour les dépenses de recherche et développement. Ce nouveau compétiteur ne se trompe pas : il investit dans l'intelligence. Et si nous ne bougeons pas, les chercheurs, que j'ai écoutés, entendus, avec lesquels j'ai beaucoup dialogué ces derniers mois, continueront à se plaindre. Le système doit évoluer, tout le monde le dit.
    C'est pourquoi le budget engage, comme le relève le CSRT dans son avis récent, un changement fort dans la structure de l'allocation par l'Etat des moyens humains et financiers aux activités scientifiques et technologiques de la France. Les orientations sont claires : notre recherche doit répondre au mieux aux attentes de nos concitoyens et de notre économie aujourd'hui et pour demain. Pour cela, il faut que la recherche soit plus réactive, qu'elle redevienne attractive pour les jeunes et les étrangers et qu'elle soit la source des innovations des entreprises. Rien en effet ne se fera sans une recherche fondamentale dynamique. Il est hors de question de l'affaiblir, de la sacrifier ou de l'opposer à une recherche plus finalisée. En revanche, elle doit s'adapter, s'ouvrir aux attentes de nos concitoyens et des entreprises tout en demeurant le socle sur lequel se bâtissent les véritables progrès.
    La découverte ne se décrète pas, elle ne se programme pas davantage. Cette évolution du système, progressive mais nécessaire, doit concerner chacun, les scientifiques comme les futurs scientifiques, les laboratoires publics comme les entreprises.
    Oui, la recherche, c'est d'abord la matière grise, c'est-à-dire les hommes et les femmes de science. Il faut faire plus, et mieux, pour attirer vers la science.
    C'est pourquoi nous devons, comme l'a rappelé M. Dionis du Séjour, situer au premier rang de nos priorités le partage de la culture scientifique. Le budget qui lui est consacré ne peut pas se résumer à une petite ligne identifiée comme telle. Les actions, vous le savez, sont nombreuses et très diverses. La fête de la science participe partout en France à éveiller dans l'ensemble de la population, et en particulier chez les jeunes, le goût pour la science et pour le progrès technique. Le ministère subventionne de nombreux collogues de haut niveau, tous expertisés, qui permettent aux chercheurs, aux développeurs et aux décideurs de rencontrer le reste de la société.
    Je tiens aussi à mentionner sur le BCRD, même s'ils ne sont pas retracés dans le fascicule « recherche » qui est soumis à votre approbation, les crédits pour le Muséum d'histoire naturelle, pour le Palais de la découverte ou pour la Cité des sciences et de l'industrie. Je crois beaucoup à ces lieux de partage de la science. J'ai d'ailleurs demandé à ces établissements d'être des têtes de pont pour l'animation de la culture scientifique dans les régions qui sont trop souvent oubliées.
    La diffusion la plus large de la culture scientifique est indispensable pour créer des vocations scientifiques et pour supprimer, ou atténuer, les peurs et les frilosités de certains à l'égard de la science. C'est un gage de meilleure compréhension et de partage des enjeux, et je dirai même de partage des décisions avec le risque de faire et le risque de ne pas faire. Je ferai en décembre une communication en conseil des ministres à propos de la culture scientifique et technique en tirant bénéfice de deux rapports parlementaires très riches, celui des sénateurs Laffitte, Blandin et Renar et celui à paraître du député Hamelin.
    M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis. Très bien !
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Un autre problème pour inciter les étudiants à faire de la recherche est le manque de débouchés et le niveau des rémunérations pour des jeunes qui sont au minimum à bac+5.
    Cette année, je renforce avec plus de vigueur encore que l'année dernière l'attractivité de la science pour les jeunes, comme vous venez de le rappeler, madame Le Brethon : revalorisation de 4 % de l'allocation de recherche, soit une augmentation de 15,7 % depuis 2002 ; extension de la couverture sociale aux thésards qui ne bénéficiaient que de libéralités, afin qu'ils soient couverts pour la maladie, et surtout qu'ils commencent à cotiser pour les retraites ; octroi de 300 bourses CIFRE supplémentaires à la place de 300 allocations de recherche classiques car les résultats sur l'emploi sont probants : 95 % des thésards CIFRE trouvent un travail dans les trois mois qui suivent la soutenance de leur thèse, dont 90 % dans l'entreprise et, vous le savez, nous manquons de chercheurs dans les entreprises. Si nous souhaitons ouvrir des perspectives d'emploi scientifique différentes et accrues, nous devons proposer des formations plus ouvertes sur l'ensemble du monde de la recherche d'aujourd'hui.
    Autre mesure pour accroître l'attractivité de la science pour les jeunes : les contrats de post-doctorats. Les 400 que j'ai créés l'an passé ont connu un vrai succès et il en est prévu 200 de plus l'an prochain. Ce dispositif manquait en France. Désormais, pour faire un « post-doc », nos jeunes docteurs n'auront plus besoin de s'expatrier, sauf s'ils le souhaitent pour la spécificité de leur formation ; ils devront simplement changer de laboratoire. C'est la condition de ce « post-doc » car la mobilité est gage d'enrichissement des hommes et des structures de recherche.
    Nous proposons aussi - et M. Domergue en a parlé tout à l'heure - des mesures d'aides au retour pour les « post-doc » qui sont à l'étranger et des mesures d'attractivité pour les chercheurs étrangers qui intégreront des projets nationaux. Je n'insiste pas sur l'importance de telles mesures.
    S'agissant de l'emploi public, je soulignerai qu'il n'y aura pas moins de chercheurs dans les laboratoires en 2004. Il y en aura même 200 de plus avec les « post-doc » dont je viens de parler. J'y ai personnellement veillé car nous sommes bien conscients que la recherche se fait avec des chercheurs, des ingénieurs et des cadres administratifs motivés et que nous devons, en France comme en Europe, maintenir et augmenter l'emploi scientifique.
    L'an prochain, 1 600 personnes partiront des EPST dont 1 050 à la retraite mais il y aura 1 050 recrutements de fonctionnaires et 550 postes de contractuels. Ces contractuels, c'est une nouveauté dans le système sans en être une. Aujourd'hui, il y en a déjà près de 1 000 mais leur recrutement devait être gagé sur des emplois budgétaires. Il y en a parce qu'il en faut. Aujourd'hui, nous prenons acte de ce besoin, nous l'officialisons en quelque sorte en disant ouvertement que c'est nécessaire et que c'est un axe de notre politique.
    C'est nécessaire parce qu'on doit pouvoir recruter plus vite, et non attendre jusqu'à dix-huit mois qu'un candidat soit recruté par voie de concours. Il faut pouvoir recruter vite parce qu'un projet urgent de recherche peut surgir, on l'a vu cet hiver avec l'épidémie du SRAS - et parce qu'un excellent chercheur français ou étranger qui ne pourrait être recruté partirait à l'étranger. Ces emplois sur projets constituent un élément essentiel pour la recherche française, que nous voulons réactive et compétitive.
    Il ne s'agit pas de supprimer les emplois de fonctionnaires car ce statut peut être - et est - adapté à la recherche. Il s'agit de créer de la souplesse. Le statut de chercheur permanent est, pour certaines disciplines et à un moment donné de la carrière, un atout de notre système de recherche français qui nous est envié à l'étranger. Il n'est pas dans mon intention de le faire disparaître, monsieur Cohen. Nous diversifions les statuts parce que cela est nécessaire et demandé. Retenez que l'introduction des 550 postes contractuels sur trois à cinq ans ne représente que 1,2 % du nombre de nos emplois scientifiques publiques, qui sont supérieurs à 40 000.
    Au moment où les départs à la retraite dans nos laboratoires sont particulièrement importants et où la question du renouvellement de notre force de recherche est posée, nous serions coupables de reproduire à l'identique la structure des emplois et de ne pas donner à nos laboratoires toute la réactivité et la capacité de redéploiement dont ils ont absolument besoin. J'ai sollicité nos organismes de recherche, leurs dirigeants, pour travailler en commun sur la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences. Nous pourrons, comme M. Le Déaut le demandait, vous faire part de ces réflexions en comparaison des plans précédemment proposés.
    La volonté politique forte d'inciter les entreprises à augmenter leur investissement en recherche et développement doit naturellement s'accompagner d'un élargissement des perspectives d'emploi scientifiques dans l'entreprise. D'où l'importance d'organiser les passerelles, de modifier les formations et de favoriser cette fertilisation commune. Mais cela doit se faire, j'en conviens avec vous, le plus possible en amont.
    Enfin, il faut à notre recherche une capacité d'émulation qui récompense les performances, ce qui passe par la systématisation de l'évaluation. Mais l'évaluation individuelle du chercheur doit aujourd'hui être élargie. Elle ne peut plus se réduire à la traditionnelle bibliométrie ; il faut prendre mieux en compte des activités comme la participation à la diffusion des connaissances, à l'enseignement, à l'administration de la recherche, ainsi que la participation au dépôt de brevets et à la conclusion de contrats de partenariat entre la recherche publique et la recherche en entreprise.
    M. Gilbert Gantier. Très bien !
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Ces critères seront pris en compte sous forme de primes, et celà dès cette année comme application du plan innovation.
    Avec l'évaluation et la reconnaissance, l'excellence sera encouragée. La recherche exige l'excellence. Notre organisation doit donc procurer moyens, souplesse, simplification, autonomie et responsabilisation, perspectives lisibles - et attractives -, reconnaissance sociale et financière. C'est ainsi que l'attractivité de la recherche française sera assurée.
    Les laboratoires publics forment le deuxième plan de cette nouvelle stratégie car c'est là que se forment les savoirs de demain et que se trouve la recherche fondamentale. Une nouvelle culture liée à l'évaluation dont je viens de vous parler doit présider à ces modifications. En effet, monsieur Birraux, passer d'un financement de structure à un financement sur projet constitue un changement culturel fort qu'il nous faut impulser plus clairement.
    Certes les moyens des EPST et EPIC sont constants cette année. Ils n'en demeurent pas moins à des niveaux raisonnables. Cette stabilisation est l'expression d'un choix clair : celui de réformer le financement de la recherche progressivement, sans heurts et en cohérence avec les évolutions européennes qui privilégient le financement par projets.
    En effet - et vous l'avez noté - les fonds du ministère, le FNS ou le FRT, sont, eux, en large augmentation : ils bénéficient de 25 % de crédits en plus en comptant les contributions du ministère de la défense au titre de la recherche duale.
    Ces fonds financent des projets et représentent aujourd'hui une part importante du financement des organismes de recherche - EPST ou EPIC. Il s'agit d'instruments puissants qui financent, sur projets, orientent notre recherche fondamentale comme appliquée et permettent de renforcer les liens entre les entreprises et les laboratoires. Il nous faut aussi savoir concentrer des moyens et des équipes sur des projets prioritaires en termes d'excellence, d'enjeux sociétaux et économiques. Il nous faut développer des pôles de compétences dynamiques dans les régions associant une formation de qualité dans les universités et les grandes écoles, une recherche académique conduite par les universités, les organismes de recherche et le monde de l'entreprise quelle que soit sa taille, avec les collectivités territoriales, acteurs si importants au service de l'attractivité nationale et du développement local.
    En cohérence avec cette stratégie de l'Etat, j'ai demandé aux organismes, avec lesquels nous travaillons de façon très proche, d'orienter également leur financement dans le sens du développement de la culture de projet. De même que la performance individuelle est aujourd'hui évaluée, la performance collective de ces projets devra l'être également à l'aune d'une évaluation internationale car c'est de la qualité de cette performance et de sa reconnaissance internationale qu'émergeront de nouveaux projets, de nouveaux partenaires, de nouveaux financements et qu'en définitive pourra s'enclencher ce cercle vertueux qui conduira nos chercheurs comme nos entreprises au succès.
    Je tiens à être bien comprise : pour moi, la recherche fondamentale n'interdit pas le projet. Un chercheur, quel qu'il soit, connaît son projet de recherche : il doit désormais le formaliser, l'exprimer et en accepter l'évaluation. C'est un changement mais, dans ce que nous proposons, projet ne signifie pas recherche appliquée : il conjugue démarche d'excellence et de responsabilité.
    Le BCRD 2004 qui vous est soumis n'est pas l'opposition entre le public et le privé, entre le fondamental et l'application, le conceptuel et le finalisé. C'est au contraire la volonté de s'appuyer sur la recherche fondamentale et sur nos laboratoires publics des organismes et des universités, qui constituent un atout considérable dans le paysage européen et mondial, pour dynamiser et ouvrir cette recherche et mobiliser autour de nos laboratoires l'ensemble des acteurs économiques.
    Il est certain, monsieur Lasbordes, qu'il faudra accompagner tout cela de simplifications administratives et comptables pour que les laboratoires soient plus performants et que du temps soit dégagé pour faire de la recherche plutôt que de l'administratif. Vous avez évoqué, monsieur Birraux, la situation de l'IRSN et de l'OPRI. Ces organismes témoignent de la nécessité d'aller plus loin dans la simplification et l'organisation. Le chantier est engagé et sera mis en oeuvre par étapes dans l'agenda 2006.
    Notre objectif n'est pas celui d'une privatisation de la recherche dont certains nous accusent, privatisation qui serait contre-productive pour l'Etat qui souhaite promouvoir la science comme bien public d'intérêt collectif par une recherche indépendante, neutre, - pour reprendre le terme employé par M. Dutoit - performante, ouverte, capable de lui fournir l'expertise indispensable à la décision politique, la confiance du citoyen, la fierté d'une science créatrice de savoirs et de valeurs partagées.
    L'objectif est un investissement de toutes les forces créatrices avec une recherche publique forte en complémentarité et en synergie et jouant un rôle de catalysateur et de levier pour une recherche en entreprise innovante, facteur de croissance, de progrès et créatrice d'emplois et de richesses. C'est un objectif sur lequel nous sommes, bien sûr, tous mobilisés.
    Une preuve supplémentaire de cette volonté de synergie et de complémentairté est la création du nouveau fonds que vous avez tous évoqué, le Fonds de priorité de recherche, alimenté par le CAS pour 150 millions d'euros. Il est notamment destiné, vous l'avez compris, aux fondations qui associent financement public et privé, philanthropie des particuliers dans le cadre des fondations d'utilité publique et intérêts économiques des entreprises.
    Ces fondations de recherche, vous le savez, constituent chez nos partenaires européens, en Angleterre en particulier, ou aux Etats-Unis des outils puissants de financement de la recherche. Nous ne pouvions être en reste. Il nous fallait progresser. Les fondations Pasteur ou Curie sont des exemples du succès qui peut être obtenu dans le cadre de ces structures de fondations. Il nous en faut plus, toujours aussi excellentes et de renommée internationale. C'est ce que nous entreprenons, avec une loi sur le mécénat rénovée et la mobilisation des fonds du CAS que vous avez votée hier. Nous souhaitons d'ailleurs plus de souplesse dans leur utilisation.
    L'objectif, vous le connaissez : amener les dépenses en recherche et développement à l'aune de 3 % du PIB en 2010. Actuellement, les dépenses publiques de R & D représentent 0,95 % du PIB, et nous voulons qu'elles atteignent 1 % au minimum à l'horizon 2010. Il nous faut donc poursuivre et renforcer notre effort. Restent les 2 % qui doivent provenir de financements privés pour atteindre les 3 % comme s'y est engagé le Président de la République pour la France à l'instar des autres pays de l'Union européenne. Ils sont actuellement à 1,25 %.
    L'année 2004 - je crois qu'on peut le dire, même si l'effort de recherche doit être encore plus ambitieux - exprime une priorité gouvernementale pour la recherche. L'investissement sur l'intelligence et la recherche est le pilier de la préparation de l'avenir et l'effort à faire est important, nous en sommes conscients.
    Au-delà de l'effort en faveur de la recherche publique, le Gouvernement - c'est un point que vous examinerez cet après-midi - doit faire des efforts importants en direction des entreprises pour les encourager à investir dans la R & D. Je les évoquerai très rapidement. C'est vrai que j'aurais aimé, avec beaucoup d'entre vous, que l'ensemble de ces mesures - la jeune entreprise innovante, le statut du business angel, le crédit impôt recherche - fassent l'objt d'une loi pour marquer leur importance et montrer l'investissement du Gouvernement en faveur de l'innovation. Mais la loi de finances et les mesures réglementaires vont permettre de les mettre en place. C'est un outil sur lequel nous nous appuyons pour avancer.
    Le crédit d'impôt recherche est une mesure phare du PLF. C'est une réforme profonde que nous proposons. Seront pris en compte dans l'assiette, non seulement l'accroissement des dépenses en R & D mais également leur niveau. Il est prévu aussi, pour répondre à la demande de l'ensemble des partenaires, le relèvement du plafond et l'élargissement de la base des dépenses éligibles. Le fait que les partenariats avec les laboratoires publics compte double et que les dépenses liées à la défense des brevets soient prises en compte constitue un point majeur pour le rapprochement des laboratoires publics avec les industriels. Le dopage du crédit d'impôt recherche conduira à doubler cette réduction d'impôt. Nous pensons pouvoir toucher ainsi sept fois plus d'entreprises qu'en 2003.
    Le statut de la jeune entreprise innovante vise volontairement un public d'entreprises plus précis : celles qui se créent autour de projets de recherche et développement et d'innovation et qui supportent de lourdes charges d'investissement et de développement avant de commercialiser leurs produits et accéder à la rentabilité. Il faut les aider à passer ce cap difficile.
    Enfin, le statut de business angel est destiné à toutes les jeunes entreprises. Il s'agit d'accroître le nombre des « investisseurs providentiels » susceptibles d'apporter aux jeunes entreprises non seulement des capitaux, mais aussi et surtout leur expérience de la gestion et du développement. Actuellement cette catégorie d'investisseurs est proportionnellement dix à vingt fois moins représentée en France que dans les économies anglo-saxonnes. C'est pourquoi nous avons fait un effort en ce domaine.
    Notre volonté, vous l'avez compris, c'est l'attractivité de la recherche publique comme de la recherche en entreprise. Non seulement nous ne les opposons pas, mais, au contraire, nous encourageons les synergies et les partenaires entre public et privé : primes aux partenariats, doublement des crédits d'impôt recherche pour ces contrats. Je veux insister aussi sur l'importance pour les jeunes chercheurs d'avoir une meilleure connaissance du monde de l'entreprise et une sensibilisation aux règles de la propriété intellectuelle et d'avoir plus d'efficacité et de professionnalisme dans la valorisation de la recherche. Ces actions associées font partie d'une même stratégie cohérente.
    Au total, les moyens de la recherche augmentent de 3,9 % en dépenses ; elles sont doublées en dépenses fiscales pour accompagner ce mouvement de réforme. C'est donc près de 8 % de moyens supplémentaires directs et indirects que nous proposons de mobiliser pour aller vers les 3 % du PIB pour la recherche et le développement. Mais, il reste encore beaucoup à faire. Il reste notamment à dialoguer, avec la représentation nationale, mais aussi avec tous les acteurs de la recherche pour préciser et parachever cette stratégie. Parmi ces réflexions, orienter une partie de l'épargne vers des investissements en recherche est une piste que nous explorons activement comme vous l'avez noté, monsieur Gautier. Donc nous aurons encore des propositions à faire en 2004.
    Nous avons conscience que cette stratégie politique ne trouvera toute sa cohérence qu'avec la mobilisation de tous les acteurs de la recherche, publique et privée, l'adhésion de citoyens confiants dans les progrès maîtrisés de la science et le soutien des responsables politiques, conscients des enjeux fondamentaux que représentent l'investissement dans l'intelligence pour une société des savoirs, cette économie de la connaissance, comme on l'appelle maintenant, qui se met en place aujourd'hui pour préparer l'avenir de nos enfants et la préservation de la planète où ils vivront. Nous devons leur proposer - ce sera mon message - des rêves et des conquêtes à entreprendre avec passion. Cela aussi fait partie du devoir de la recherche.
    Mais pour conduire tout cela, nous ne sommes pas seuls. Je n'oublie pas l'Europe, monsieur Gatignol, car cet objectif partagé des 3 %, vous l'avez souligné à plusieurs reprises, les thématiques, les stratégies et l'organisation de ce que nous pouvons proposer en France sont totalement dépendants de nos partenaires européens. L'Union elle-même s'est elle aussi investie dans les dépenses de recherche et de développement en soutenant l'initiative de croissance que nous voulons tous impulser. Les réflexions préalables sur les plates-formes technologiques, les stratégies, la part de la recherche fondamentale prise en compte par l'Union européenne, la préparation en cours, ambitieuse, du septième programme-cadre : autant d'objectifs sur lesquels je suis mobilisée. J'ai déjà eu, à plusieurs reprises, l'occasion de m'exprimer devant les instances européennes pour faire avancer la réflexion dans tous ces domaines, M. Cabal le sait bien, qu'il s'agisse du secteur spatial ou encore du projet ITER. Vous connaissez tous ma mobilisation en faveur de l'Europe ; mais j'entends que la France reste le chef de file sur tous ces grands projets.
    J'aurais aimé pouvoir vous parler des priorités thématiques de notre recherche, de sa qualité. Ce serait passionnant, mais nous n'en avons malheureusement pas le temps. C'est pourtant le lieu et je souhaite avoir l'occasion de convaincre la représentation nationale de la réalité du potentiel de notre recherche dans un environnement international.
    M. Jean Dionis du Séjour et M. François Brottes. Il fallait venir en commission !
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Je suis à votre disposition, tout comme j'ai volontiers répondu à l'invitation de vos collègues sénateurs des commissions des affaires économiques et des affaires culturelles.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Il faut savoir s'inviter ! (Sourires.)

    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Je vous le répète : je suis à votre disposition.
    M. Jean-Yves Le Déaut. M. Cabal y veillera.
    M. Christian Cabal, rapporteur spécial. Exactement !
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. En conclusion, c'est avec confiance, avec lucidité que je vous demande de voter ce budget, un budget ambitieux, un budget d'action, de réforme, qui s'inscrit, je le répète, dans une volonté de construire l'Europe de la recherche et, j'irai plus loin, un espace européen de l'enseignement supérieur, de la recherche et d'innovation - c'est ainsi que l'on se met de plus en plus souvent à l'appeler -, qui n'est autre que la traduction de la proposition que j'avais faite dans le cadre de la LOLF, de mettre en place, au niveau français, une mission interministérielle enseignement supérieur et recherche, pour que cette priorité reste, parce qu'elle est nécessaire, constamment nôtre dans les mois et les années à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous en venons à l'exercice intéressant, mais toujours délicat, des questions et des réponses. La règle du jeu, ce sont des questions rapides et des réponses tout aussi rapides.
    Nous commençons par le groupe socialiste.
    La parole est à M. Alain Gouriou.
    M. Alain Gouriou. Votre projet de budget, madame la ministre, à lire le « jaune », fait état d'une « réflexion sur la création d'un grand instrument de recherche national constitué d'une plate-forme expérimentale qui associerait les principaux organismes de recherche, mais également les collectivités territoriales et les industriels ». Or les différents acteurs de la technopole de Lannion ont proposé à la DATAR, dans le cadre de la préparation du CIADT du mois de décembre, plusieurs projets allant dans ce sens : la création d'un centre commun pour la recherche dans le domaine des télécommunications, des nouvelles technologies et du multimédia ; la création de deux plates-formes expérimentales sur les fibres optiques spéciales et sur les transmissions optiques à très haut débit ; enfin, l'étude et le développement de technologies au service des personnes handicapées et des technologies appliquées à la sécurité - deux domaines jugés prioritaires par le Président de la République.
    Pouvez-vous, madame la ministre, nous faire part de vos sentiments sur ces projets ?
    Enfin, le réseau national de recherche en télécommunications joue depuis 1998 un rôle intéressant en matière de coordination et d'aide aux projets innovants. Les moyens attribués à ce réseau n'apparaissent pas très nettement dans votre projet de budget. Pouvez-vous nous préciser les moyens prévus en 2004 pour le RNRT ?
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Monsieur le député, l'objectif du réseau national de recherche en télécommunications reste évidemment de renforcer le potentiel d'innovation des acteurs français dans le secteur des télécommunications. Créé en 1997 par M. Fillon, alors ministre délégué à la poste, aux télécommunications et à l'espace, renouvelé en 2003, après cinq années de fonctionnement, le réseau national de recherche en télécommunications a fait l'objet d'une évaluation très précise menée par un cabinet d'audit externe.
    Cinq domaines sont couverts dans ce réseau : les technologies optiques et hertziennes, le traitement du signal et les circuits intégrés associés, l'architecture des réseaux, le génie logiciel pour les télécommunications, les interactions homme-machine, ergonomie et acceptabilité des services.
    L'évaluation menée en 2002 montre que le RNRT a largement atteint ses principaux objectifs. Il a permis une restructuration durable de la recherche-développement dans le secteur des télécommunications en créant ou en renforçant les liens entre les différents acteurs. Il a contribué à ce titre au développement de la recherche et des projets proposés ainsi qu'à l'animation scientifique du domaine. Il a également facilité l'émergence de nouveaux services, en soutenant, par exemple, la mise en place de plates-formes d'intégration et d'expérimentation.
    L'évaluation a mis en avant deux axes de progression ou d'adaptation : d'une part, le RNRT doit davantage s'intégrer à ce qui est notre contribution à l'espace européen de la recherche ; d'autre part, il doit collaborer plus étroitement avec les PME.
    Le Gouvernement a pleinement conscience des potentialités du bassin du Trégor en matière de recherche dans le domaine des télécommunications. La politique conduite dans le domaine de la promotion de l'Internet haut débit et de la libération des technologies alternatives bénéficie directement aux entreprises et start-ups de la région.
    En ce qui concerne France Télécom, le plan stratégique mis en place fin 2002 par le nouveau président a fixé l'innovation et la recherche comme priorités. Cela devra se traduire par des actions concrètes.
    Vous avez également raison de rappeler que ces nouvelles technologies de l'information et de la communication sont au service de deux priorités nationales : la sécurité routière et la lutte contre le handicap.
    Concernant ce dernier thème, votre région peut se prévaloir de réalisations particulièrement intéressantes, notamment grâce à l'ENSTB, l'école nationale supérieure des télécommunications de Bretagne. Elles seront prises en compte dans le programme « Technologies et handicap » que le Gouvernement a récemment initié.
    Voilà, monsieur le député, les éléments de réponse que le ministère de la recherche peut apporter à votre question.
    M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.
    M. Christian Bataille. Madame la ministre, conformément à la logique budgétaire que vous affichez par rapport aux dépenses de recherche, les entreprises devant prendre le relais d'un Etat défaillant, vous annoncez la création d'un nouveau fonds : le fonds prioritaire de la recherche.
    Je reprends les propos - laconiques - du dossier de presse censé présenter votre budget : « Les financements alloués à ce nouveau fonds pour des projets prioritaires seront ciblés sur un nombre limité de projets de grande ampleur dans un objectif d'efficacité ». Pouvez-vous nous en dire un peu plus, madame la ministre ?
    Il faut se reporter à l'exposé des motifs de l'article 52 du PLF 2004 pour voir se dessiner avec plus de netteté le chemin que le Gouvernement tente de prendre. Ce fonds, à partir de recettes du compte d'affectation spéciale n° 902-24, se verrait affecter une dotation de 150 millions d'euros. Il s'agit en fait de mettre en place une « fondation dans le secteur de la recherche » - je reprends le terme exact -, autrement dit une fondation privée destinée à financer les grandes priorités en matière de recherche.
    Ce serait une grande première en France. Est-ce le modèle américain qui vous sert de référence ? Qu'en sera-t-il du contrôle public exercé sur cette fondation ? Je comprends que vous vouliez profiter des avantages fiscaux considérables consentis aux entreprises faisant des dons aux fondations grâce à la loi sur le mécénat, récemment adoptée. J'ai même cru comprendre que ces avantages pourraient également profiter à une autre nouvelle fondation de nature totalement différente.
    Avec les outils fiscaux qui figurent dans ce projet de loi de finances, vous espérez développer la recherche privée. Mais celle-ci ne saurait être une alternative au développement de la recherche publique. Je vous remercie de nous rassurer, madame la ministre.
    M. Pierre Cohen. Très bien !
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Monsieur le député, votre question me permet d'aborder rapidement les thèmes prioritaires que nous avons évoqués tout à l'heure, dont une partie des financements proviendra effectivement de ce fonds, doté de 150 millions d'euros, au travers notamment de fondations sur lesquelles je reviendrai.
    Le FNS, pour la partie « recherche fondamentale » et le FRT, pour son caractère plus finalisé, participeront également au financement de ces thématiques prioritaires, qui permettent souvent d'associer des équipes pluridisciplinaires et dont la mise en oeuvre est confiée à nos organismes publics.
    Quatre priorités qui ont été retenues cette année dans le budget : la recherche pour la santé, notamment sur le cancer, le vieillissement et les maladies infectieuses ; le développement durable, avec en particulier les énergies, domaine que vous connaissez bien, et les véhicules propres ; la sécurité alimentaire et sanitaire, la gestion des ressources, en particulier des ressources en eau ; la culture scientifique enfin, que j'ai évoquée tout à l'heure.
    Des appels à projet vont être lancés pour les utilisations habituelles des fonds incitatifs, FNS et FRT, comme à l'accoutumée. Pour ce qui concerne le fonds prioritaire de la recherche, alimenté par le compte d'affectation spéciale, nous nous attachons en ce moment, avec des organismes et des industriels, à organiser des tours de table autour de projets de recherche qui correspondent à nos priorités ou à celles que nos interlocuteurs nous font remonter.
    L'objectif pour nous est d'obtenir le meilleur effet de levier possible entre financements public et privé.
    Nous avons mobilisé tous les organismes de recherche pour réfléchir ensemble à ce que pourraient être les nouvelles fondations. De nombreux projets nous ont d'ores et déjà été soumis : l'INRETS, par exemple, propose de créer une fondation dans le domaine de la sécurité routière, en association avec des partenaires industriels ; l'INSERM, dans le domaine des essais précliniques ; l'INRA dans celui de la sécurité alimentaire. Bien d'autres idées sont encore en germe.
    Il ne faudrait pas pour autant oublier les fondations existantes que j'ai déjà évoquées et qui fonctionnent bien. Elle agissent plutôt, il est vrai, dans le domaine de la recherche biomédicale : l'Institut Pasteur, l'Institut Curie ont eux aussi des projets à nous proposer, susceptibles d'être pris en compte par le nouveau fonds. Enfin, et cette question me tient à coeur, pourquoi les institutions de culture scientifique ne vous présenteraient-elles des propositions dans le cadre de fondations ? Nous pourrions ainsi envisager soutenir la diffusion du savoir nécessaire au développement de la recherche.
    M. Bernard Carayon. Très bien !
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. A côté de ce financement public, pour la première fois fléché sur des objectifs de recherche et développement, il nous faut maintenant obtenir la mobilisation des industriels. Nous nous y employons, nous devons tous nous y attacher. Il nous faut pour cela arrêter de bonnes orientations ; plusieurs devraient se concrétiser dès 2004. Il est vrai que l'adoption, hier, de l'article 52 du projet de loi de finances nous offrira davantage de flexibilité dans l'utilisation de cet outil complémentaire par rapport à notre arsenal existant, auquel bon nombre de pays européens, sans oublier les Etats-Unis, recourent déjà avec beaucoup d'efficacité.
    M. le président. Nous passons à une question du groupe UDF.
    La parole est à M. Gilbert Gantier.
    M. Gilbert Gantier. Madame la ministre, le Gouvernement s'est engagé à présenter au Parlement avant la fin de l'année 2004 une loi d'orientation sur la politique énergétique de la nation. L'enjeu est de préparer notre avenir énergétique en assurant à la fois le développement durable de l'économie et l'indépendance énergétique de notre pays. La France, grâce à une politique poursuivie constamment depuis une soixantaine d'années sous tous les régimes et par tous les gouvernements, est devenu un des leaders mondiaux de l'industrie électronucléaire ; l'enjeu industriel est donc de taille pour Areva, pour EDF et pour tout ce secteur de notre industrie.
    Le débat s'est centré sur la question de l'opportunité du lancement d'un réacteur nucléaire nouveau de type EPR. Nous considérons, pour notre part, qu'il est vital pour la France de réduire sur le long terme notre consommation de produits pétroliers, sans compter le triple avantage que comporte l'énergie nucléaire : l'indépendance énergétique, un coût raisonnable et l'absence de production de gaz à effet de serre.
    M. Claude Birraux. C'est vrai !
    M. Gilbert Gantier. Madame la ministre, quelle est la position du Gouvernement sur le lancement d'une nouvelle génération de réacteurs nucléaires ?
    M. Claude Birraux. Très bonne question !
    (Mme Hélène Mignon remplace M. Jean Le Garrec au fauteuil présidentiel.)

PRÉSIDENCE DE Mme HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

    Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Vous le savez, monsieur Gantier, le Gouvernement a tenu à organiser au tout début de l'année 2003, un débat national sur les énergies pour répondre aux défis qui nous attendent concernant notre approvisionnement énergétique, qu'il s'agisse du réchauffement climatique engendré par le rejet des gaz à effet de serre dans l'atmosphère, ou de la nécessité de concevoir une politique énergétique capable de prendre en compte les évolutions et les réalités économiques, voire les tensions qui ne manqueront pas d'apparaître au niveau international.
    Le Livre blanc sur l'énergie, présenté la semaine dernière par Nicole Fontaine, propose, à partir d'un éclairage factuel sur l'énergie, une présentation des objectifs et des orientations de la politique de l'énergie et un ensemble de propositions concrètes et chiffrées qui figureront dans le projet de loi d'orientation sur les énergies.
    L'une des questions à laquelle la concertation devra répondre est le choix de maintenir l'option nucléaire ouverte. A l'issue de la concertation et dans le cadre du projet de loi que le Gouvernement pourrait proposer au Parlement, il conviendra de discuter de la possibilité de valider cette orientation stratégique et de permettre à EDF de lancer la construction d'un démonstrateur EPR.
    Une question majeure se pose, qui doit encore être débattue, celle de choisir une stratégie à proposer pour l'échéance de 2020, date de la mise en arrêt progressive du parc actuel. C'est dans ce contexte que se pose la question du lancement d'un démonstrateur et du réacteur européen à eau pressurisée dont vous avez évoqué les avantages.
    Afin d'éclairer le débat, je puis vous indiquer que, du point de vue du ministère de la recherche, l'EPR ne représente pas une révolution par rapport aux générations précédentes. Il comporte des améliorations notables en termes de sûreté et de radioprotection, mais s'inscrit dans la continuité de l'évolution technologique. En ce sens, sa maturité technologique, fondée sur l'héritage des générations de réacteurs que la France a su développer, maîtriser et opérer avec succès, en garantit la maîtrise et la sécurité.
    La génération IV, ultérieure, doit évidemment bénéficier d'un effort de recherche important. Elle constitue la perspective naturelle de ce que nous devrons entreprendre pour procéder au renouvellement, dans un second temps.
    Mais il faut garder le sens des responsabilités. Attendre la mise au point vers 2040 de la génération IV de centrales nucléaires, en rupture technologique par rapport aux centrales actuelles, ce qui pourrait permettre de franchir une étape décisive avec la réduction des déchets nucléaires produits, suppose que nous puissions prolonger au moins jusqu'à soixante ans la durée de vie de nos centrales actuelles, ce qui est très peu probable.
    Je pense que la réalisation de l'EPR dès aujourd'hui est un élément important pour le maintien des compétences de nos scientifiques, de nos industriels et d'EDF afin qu'ils puissent développer les générations de réacteurs futurs. Sans ces compétences, la France risquerait de perdre la place qui est la sienne aujourd'hui.
    Mme la présidente. Nous passons au groupe des député-e-s communistes et républicains.
    La parole est à M. Frédéric Dutoit.
    M. Frédéric Dutoit. Madame la ministre, l'avenir de la recherche française sur le sida est étroitement lié à l'avenir de l'Agence nationale de recherches sur le sida.
    L'ANRS, financée par des fonds publics, est un groupement d'intérêt public qui associe les ministères chargés de la recherche, de la santé et des affaires étrangères, ainsi que l'INSERM, le CNRS et l'institut Pasteur.
    Les chercheurs, médecins et associations s'accordent pour souligner le rôle capital joué par cette agence unique en Europe. Pourtant, le budget de l'ANRS est simplement reconduit, sans hausse pour financer ses nouvelles missions sur les hépatites B et C.
    En 2004, la subvention du ministère de la recherche sera de 36,7 millions d'euros, comme en 2003, avant les gels de crédits. Seuls des fonds incitatifs pourraient, selon vous, permettre à cette agence d'accroître ses moyens, mais tout cela demeure bien aléatoire.
    Aujourd'hui, c'est l'ensemble de la recherche contre le sida qui se trouve menacée par cette frilosité et cette précarité budgétaires. La recherche publique, affaiblie, risque d'être supplantée par la recherche des laboratoires pharmaceutiques privés, dont les études ne peuvent garantir ni interdisciplinarité, ni indépendance, ni transparence, ni neutralité, et cette question est encore plus opportune lorsque l'on s'interroge sur l'échec thérapeutique ou les effets indésirables d'un traitement.
    A l'heure où les pouvoirs publics envisagent la création d'une agence de recherche sur le cancer, l'affaiblissement de l'ANRS demeure impensable. Un contrat d'objectifs négocié entre l'ANRS et votre ministère permettrait cependant de rationaliser les fonds pour la recherche dans le domaine du sida et de l'hépatite. Pourriez-vous informer la représentation nationale sur d'éventuelles négociations autour d'un tel contrat ?
    Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Monsieur le député, les budgets de l'ensemble des établissements publics de recherche, hors masse salariale, ont été reconduits pour 2004, et l'ANRS a connu le même traitement que les autres.
    Dans le cadre d'une politique visant à renforcer la culture de projet que je vous ai exposée, je me suis cependant engagée à abonder ce budget via les fonds incitatifs, qui sont en forte croissance, sur des actions bien définies. Nous y avons travaillé ensemble. Cela permettra, au vu des propositions de l'Agence, d'augmenter ses moyens pour lui permettre de faire face à ses nouvelles missions de recherches sur les hépatites B et C, sans pénaliser la recherche sur le sida.
    Concernant les moyens spécifiques aux hépatites, je rappelle que les équipes qui travaillent avec des financements de l'ANRS reçoivent déjà des budgets récurrents de leurs organismes, INSERM ou CNRS par exemple, figés en général pour quatre ans.
    En raison de l'inertie liée à ce mode d'attribution des budgets, la montée en puissance des moyens de l'ANRS sur les hépatites ne peut se faire que progressivement sur deux ou trois ans, par exemple, mais j'ai d'ores et déjà débloqué 1,2 million d'euros supplémentaires pour lancer des travaux.
    C'est pour prendre en compte ce délai et pour pouvoir accompagner l'évolution des objectifs de l'ANRS par un engagement clair que j'ai proposé à M. Kazatchkine, le directeur général de l'Agence, de mettre en place rapidement une contractualisation pluriannuelle de l'ANRS. Le renouvellement du GIP, au début de 2004, me paraît le moment approprié pour cet acte fort. Michel Kazatchine et son équipe sont mobilisés pour qu'un contrat d'objectifs soit préparé et discuté avec les partenaires du GIP d'ici à la fin de l'année, l'objectif étant de l'adopter formellement au début de 2004.
    Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour une seconde question.
    M. Frédéric Dutoit. Je vous remercie, madame la ministre, pour cette réponse. C'est un élément important pour les équipes concernées.
    Les crédits de paiement consacrés à l'Institut national de la recherche sur les transports et leur sécurité sont en baisse de 14,8 %. Cet établissement public à caractère scientifique et technologique a pour mission principale d'effectuer des recherches visant à l'amélioration pour la collectivité des systèmes de transport. Il est l'acteur majeur de cette recherche en France.
    En faisant appel au recrutement de contractuels de longue durée, vous prétendez répondre à un souci de gestion plus souple des personnels au sein des EPST. Vous prétendez adapter l'emploi scientifique aux besoins, assurer une plus grande réactivité des laboratoires aux projets et inciter les scientifiques étrangers à venir travailler en France.
    Au-delà de la précarité institutionnalisée, dont j'ai déjà parlé, comment ne pas penser que la qualité du travail scientifique lui-même, reposant largement sur la capitalisation du savoir, ne peut se concevoir que par la stabilité des ressources humaines ? La précarité, source de stress, n'est pas un état qui favorise la créativité, l'épanouissement personnel et l'implication, que ce soit dans le secteur privé ou dans la fonction publique. Déjà, dans un emploi de post-doctorant, la majeure partie du temps est consacrée à la recherche d'un emploi stable. Comment attirer les jeunes vers la recherche si on leur propose de telles conditions ?
    Aujourd'hui, dans cet établissement en particulier, mais il y en a bien d'autres, des pans entiers de projets ou des éléments clefs du fonctionnement des équipes de recherche reposent sur des personnels sous statut temporaire et non renouvelable. Notre pays est l'un des principaux acteurs de la recherche sur les transports en Europe et dans le monde. L'INRETS est sacrifié alors que le Gouvernement se targue de faire reculer la violence routière.
    Alors que le Gouvernement fait de la répression une priorité pour améliorer la sécurité des transports, serez-vous la ministre qui limite la capacité de notre pays pour améliorer les techniques en ce domaine ? J'espère que non ! Comprenez que cette question est légitime puisqu'elle permet de s'interroger sur l'équilibre souhaitable entre prévention et répression. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
    Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Effectivement, monsieur le député, la sécurité routière est une priorité du Gouvernement et nous nous réjouissons tous des efforts réalisés collectivement qui ont déjà permis de réduire de 25 % le nombre de tués sur un an. Bien sûr, il faut aller plus loin, notamment grâce à la recherche. L'INRETS comme le LCPC, que vous n'avez pas cité, sont deux établissements fortement impliqués dans la prévention et la sécurité active et passive.
    Le comité interministériel sur la sécurité routière qui s'est tenu en décembre 2002 a lancé, sur ma proposition, des programmes importants de recherche en sécurité routière. Il y a des aspects technologiques avec le renforcement de l'action du PREDIT, le programme national de recherche et d'innovation dans les transports, financé par le fonds de recherche technologique, mais il ne faut pas négliger les sciences humaines et sociales, les études comportementales sur la conduite avec prise de drogues éventuellement ou de certains médicaments, sur l'hypovigilance, financés via les fonds incitatifs du fonds national de la science.
    Le budget stratégie est donc au service d'une FRT et FNS orientant les recherches de l'INRETS sur des sujets prioritaires. Sur ces missions ponctuelles, des contractuels ou des « post-doc » ont été embauchés, et leurs résultats seront valorisés.
    J'ai évoqué dans ma réponse à M. Bataille, la fondation Sécurité routière qui nous est proposée par l'INRETS, ce qui peut être aussi une façon de mobiliser les projets dans ce domaine particulier. Nous réfléchissons actuellement au tour de table. Il faut certes pouvoir embaucher de façon souple de jeunes chercheurs ou de jeunes ingénieurs, mais associer des industriels et des entreprises permettant d'offrir à ces jeunes des perspectives d'emploi.
    Quant à la baisse des crédits, l'INRETS possède en caisse une année de crédits de paiement. Nous lui avons demandé, comme nous l'avons fait cette année pour d'autres établissements, de consommer ses reliquats. C'est une question de bonne gestion.
    Mme la présidente. Nous passons à une question du groupe UMP.
    La parole est à M. Jean-Louis Léonard.
    M. Jean-Louis Léonard. Madame la ministre, vous venez d'évoquer les efforts sur les transports terrestres, notamment l'intervention du PREDIT, et vous avez aussi évoqué l'une des quatre priorités du Gouvernement qu'est le plan « véhicules propres », présenté le 15 septembre dernier.
    Ce plan devient, si nous avons bien compris, un élément éminemment structurant de la recherhce sur les transports terrestres et devrait normalement constituer un accélérateur formidable pour l'ensemble des recherches, que ce soit les projets du PREDIT ou les projets du réseau hydrogène, etc.
    Ces budgets ne sont pas tous de votre ressort. Ils dépendent d'une manière générale du BCRD que vous pilotez et que vous gérez. Je tiens d'ailleurs à vous remercier et à vous féliciter de cette pugnacité qui va vous permettre je crois, de relancer ces recherches.
    Celles-ci ne vont pas cependant sans problème, en raison notamment de leur diversité.
    Les industriels ont engagé des moyens considérables, notamment en Asie, mais nous sommes un peu déçus de ce qui se passe en France. Tout en étant convaincus que le véhicule des années 2020-2030 sera électrique, ils consacrent l'essentiel de leur moyens aux moteurs à faible émission, ce qui pollue un peu le débat.
    L'Europe est très engagée. Elle finance déjà des plates-formes de test aussi bien sur l'intermodalité que sur les véhicules propres et vient d'annoncer que, dans ses grands projets, elle a retenu l'hydrogène, ce qui vient encore complexifier les axes de recherche.
    Compte tenu des enjeux considérables, extrêmement différents, tant dans leurs dimensions que dans leurs calendriers, nous aimerions connaître les axes prioritaires que vous avez choisis et, bien entendu, pour 2004, les financements correspondants.
    Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Monsieur le député, votre question traduit votre intérêt et la compétence qui est la vôtre en ce domaine. Nous avons eu l'occasion d'en discuter longuement très récemment.
    Le plan « véhicules propres » comporte de nombreux aspects, mais nous avons retenu cinq thèmes essentiels sur lesquels nous souhaitons porter un effort complémentaire : les moteurs et carburants, afin, notamment par une meilleure compréhension des phénomènes de combustion et un effort de recherche sur les dispositifs de post-traitement, de limiter les émissions de polluants atmosphériques ; la gestion et le stockage de l'énergie électrique à bord des véhicules pour faire disparaître l'un des obstacles technologiques qui restent encore au développement de la filière électrique ; la consommation des auxilliaires, notamment de la climatisation ; la réduction du bruit, l'objectif étant d'anticiper les règlementations européennes relatives à la réduction du bruit de roulement et des bruits annexes comme la climatisation ou le claquement des portières - il y a du travail à faire en ce domaine, je crois que tout le monde est d'accord sur ce point ; enfin, le développement de la pile à combustible, comme énergie d'appoint ou comme mode de propulsion du véhicule.
    Ce système constituera une véritable rupture technologique par rapport au moteur à combustion. Son principal atout est de n'émettre ni polluants ni oxydes de carbone sur le lieu de son utilisation, à condition que l'hydrogène soit stocké à bord du véhicule et sous réserve de résoudre les problèmes liés au stockage, notamment en termes de sécurité.
    Ces aides constitueront un complément aux grands programmes d'envergure européenne et mondiale auxquels la France participe par ailleurs.
    Il est prévu d'affecter 31 millions d'euros d'aides supplémentaires en 2004 pour accélérer et amplifier les projets de recherche sur ces thèmes que nous aurons définis en concertation avec les industriels, mais aussi, avec le PREDIT, que vous connaissez si bien, monsieur Léonard.
    Mme la présidente. Nous avons terminé les questions.

JEUNESSE, ÉDUCATION NATIONALE ET RECHERCHE
III. - RECHERCHE ET NOUVELLES TECHNOLOGIES

    Mme la présidente. J'appelle les crédits inscrits à la ligne : "Jeunesse, éducation nationale et recherche :
    III. - Recherche et nouvelles technologie ». »

ÉTAT B

Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires

des services civils (mesure nouvelles)

    "Titre III : 31 494 780 euros.
    "Titre IV : moins 4 599 969 euros.

ÉTAT C

Répartition des autorisations de programmes et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles)

TITRE V. - INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

    « Autorisations de programme : 1 220 000 euros ;
    « Crédits de paiement : 610 000 euros. »

TITRE VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT
ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

    « Autorisations de programme : 2 333 125 000 euros ;
    « Crédits de paiement : 1 857 951 000 euros. »
    Je mets aux voix les crédits inscrits au titre III de l'état B.
    (Les crédits du titre III de l'état B sont adoptés.)
    Mme la présidente. MM Bataille, Brottes, Cohen, Le Déaut et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 270, ainsi rédigé :
    « Sur le titre IV de l'état B concernant la jeunesse, l'éducation nationale et la recherche : III. - Recherche et nouvelles technologies, majorer les crédits de 4 599 969 euros. »
    La parole est à M. Pierre Cohen.
    M. Pierre Cohen. Nous avions proposé plusieurs amendements, ce qui nous aurait permis d'avoir un véritable débat, mais un seul a été retenu. Cela dit, madame la ministre, vous nous avez annoncé un débat à l'Assemblée dans les prochains mois, avec soit une nouvelle loi, soit des orientations. Ce sera l'occassion d'approfondir un peu plus les sujets que nous avons évoqués.
    Cet amendement a été retenu car vous aviez réduit le titre IV et nous avons le droit de rétablir des crédits annulés.
    Les propositions que nous faisons sont symboliques, nous voulons essayer de démontrer qu'en dépit du brio de votre intervention, certaines de vos décisions ne sont pas comprises par l'ensemble de la communauté scientifique. Les médias ont tout de même pratiquement tous montré les dangers de votre politique de la recherche.
    Nous vous proposons d'abord de majorer les crédits d'un laboratoire qui nous semble être le symbole de votre politique. Tout le monde s'accorde à dire que le CEA, ces dernières années, s'est diversifié et a mené diverses actions, avec une grande compétence, qu'il s'agisse de recherche fondamentale ou de recherche appliquée.
    Il y a tout de même une contradiction très forte entre le discours du Président de la République, qui parle d'énergies renouvelables, d'un grand débat sur les énergies, et le fait d'amputer les crédits d'un laboratoire qui a fait preuve, dans ce secteur comme dans les sciences du vivant, d'une très grande compétence et d'une remarquable efficacité.
    Par ailleurs, comme j'approuve votre discours sur la culture scientifique et technique, nous souhaitons majorer les crédits du chapitre « Action d'incitation, d'information et de communication » et ainsi améliorer le fonctionnement de l'agence de diffusion de l'information technologique.
    La Cité des sciences comme d'autres grands organismes ont besoin de véritables orientations et de moyens. Vous nous avez promis que, dans les prochaines semaines, le Gouvernement ferait des propositions. Il est fondamental de diffuser l'information et la connaissance sur l'ensemble du territoire grâce à toutes les associations et à toutes les dynamiques qui existent.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Cabal, rapporteur spécial. Au sein de la commission des finances, un débat très nourri s'est engagé sur la politique de recherche et, plus particulièrement, sur les crédits budgétaires qui y sont consacrés dans la loi de finances pour 2004. Vous n'y avez pas été invitée, madame la ministre, mais vous avez d'autres occasions de vous exprimer, comme ce matin.
    L'amendement n° 270 n'a pas été soumis à la commission. J'interviendrai donc à titre personnel.
    Monsieur Cohen, notre incompréhension est réciproque.
    Tout d'abord, vous proposez une augmentation de crédits pour un organisme qui ne l'a pas demandée, ce qui est certes touchant et sympatique...
    M. Pierre Cohen. Il n'avait pas demandé que l'on diminue ses crédits !
    M. Christian Cabal, rapporteur spécial. Vous voyez bien que nous ne partons pas des mêmes bases. Une effort de convergence s'impose ! (Sourires).
    Ensuite, la plupart des EPST et des EPIC bénéficient de dotations identiques, voire supérieures, à celles de l'année précédente. Certains voient leurs crédits sensiblement augmenter en raison de leurs structures ou de leurs objectifs, comme le CNES. D'autres, comme le CEA, ont fait des propositions budgétaires qui s'inscrivent dans le cadre d'une meilleure allocation des ressources et dans un programme d'économies internes.
    Les différents fonds dont nous disposons vont être amplifiés, si je puis dire, par les méthodes qui ont été rappelées tout à l'heure, de telle sorte que le CEA disposera de crédits largements supérieurs à ceux de l'exercice écoulé.
    M. Alain Gouriou. Vous plaisantez ?
    M. Pierre Cohen. Oui, il plaisante !
    M. Christian Cabal, rapporteur spécial. Assurément non !
    En fait, ce qui nous oppose, ce n'est rien, moins qu'un conflit idéologique.
    Monsieur Cohen, vous avez parlé, me semble-t-il de « point de rupture ». Quoi qu'il en soit, ce n'est pas en donnant toujours plus d'argent à des institutions que l'on fait progresser les choses. Il faut définir les besoins et apporter des réponses, ce qui n'est en rien contradictoire avec les allocations de ressources qui ont été décidées. Tel est mon avis.
    M. Jean-Louis Léonard. Très bien !
    M. Christian Cabal, rapporteur spécial. Quant aux actions de diffusion de la culture scientifique, les crédits qui leurs sont destinés sont relativement importants, mais ils sont sujets à des fluctuations annuelles, liées aux activités propres de telle ou telle période. Mme la ministre pourra sans doute nous apporter des précisions sur ce point. La diminution substancielle par rapport à l'année dernière résulte du fait que les actions franco-allemandes de 2003 pour la célébration du traité de l'Elysée ne seront pas reconduites.
    A titre personnel, j'invite l'Assemblée à rejeter l'amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Monsieur Cohen, je vous remercie de proposer une majoration de crédits pour mon ministère. (Sourires.)
    Je vais vous expliquer pourquoi les crédits des chapitres 43-01 et 45-13 seront en diminution en 2004.
    Les crédits du chapitre 43-01 d'abord.
    Un certain nombre d'opérations exceptionnelles ont été réalisées en 2003, telles que la célébration du vingt-cinquième anniversaire du traité de l'Elysée, qui a exigé des financements dans le cadre des échanges franco-allemands. Des choses très intéressantes ont été faites à ce propos, et nous en sommes très fiers, mais elles n'auront plus lieu en 2004.
    J'ajoute que le financement de l'ADIT, que M. Carayon a toujours beaucoup soutenue, dépendra de son statut, qui pourrait évoluer en 2004, ce qui explique aussi la diminution de crédits.
    J'en viens aux crédits du chapitre 45-13.
    Le CEA engage une politique d'économies de fonctionnement qui ne remettra nullement en cause ses activités de recherche. Sur ce point, nous serons très vigilants et nous en discutons d'ailleurs avec sa direction.
    Ainsi que l'a dit M. Cabal, ce qui compte, c'est moins le montant total des crédits que celui affecté à un projet.
    Le CEA est déjà un organisme très ouvert, qui dispose, grâce à des partenariats finalisés avec le monde industriel, de ressources complémentaires, de sorte qu'aucun des projets actuels n'est remis en cause.
    En conséquence, je propose à mon tour à l'Assemblée de rejeter l'amendement n° 270, qui ne me paraît pas opportun.
    Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Dutoit.
    M. Frédéric Dutoit. Je me félicite que mes amis socialistes partagent la préoccupation que j'ai exprimée tout à l'heure à propos du CEA.
    Je suis pour ma part très favorable à l'amendement.
    Je peux concevoir que les crédits soient affectés non pas a priori, mais à des projets précis. D'ailleurs, cela ne me semble pas contradictoire avec la nécessité d'une intervention forte du service public dans le domaine de la recherche, laquelle est à mes yeux, même si elle s'opère en mixité avec le privé, une garantie de développement, d'indépendance et de neutralité de la recherche. Mais j'avoue avoir un très gros souci concernant le projet ITER.
    Les salariés, les ingénieurs, les techniciens, les chercheurs du site de Cadarache sont très préoccupés. La plupart d'entre eux souhaitent que le projet ITER soit accueilli à Cadarache et ils redoutent que, si ce n'est pas le cas, le devenir même du site ne soit remis en cause.
    La référence à la notion de projet est essentielle, mais elle ne doit pas limiter les potentialités de la recherche publique.
    La recherche dans le domaine nucléaire, concernant notamment le traitement des déchets, est une question suffisamment importante dans le monde pour que nous soyons à la pointe en ce domaine.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Nous avons bien entendu les arguments de Mme la ministre et de M. le rapporteur spécial, qui ont fait valoir que les restructurations étaient nécessaires. Mais comment peut-on à la fois afficher des ambitions pour la santé, l'agriculture et l'énergie et diminuer les crédits du Commissariat à l'énergie atomique ?
    Madame la ministre, vous nous présenterez, au nom du Gouvernement, un projet de loi d'orientation sur l'énergie qui fera suite au grand débat sur l'énergie que nous avons eu ici même. Nous en discuterons au mois de janvier 2004. Mais ce texte ne parle pas de recherche, qui n'est mentionnée qu'au détour d'une phrase par laquelle on reconnaît que les améliorations technologiques sont indispensables. Ce projet de loi met en revanche en exergue des ambitions en matière de développement du nucléaire et des énergies renouvelables.
    Nos divergences ne portent pas sur le fond, mais sur la traduction des volontés. Il est évident que si nous voulons rester au XXIe siècle un grand pays industriel, nous devons développer la recherche.
    Tous mes collègues ici présents le savent, quand, lors de l'examen des budgets précédents, les augmentations n'étaient pas suffisantes et qu'il manquait quelques millions d'euros, on défendait le budget du Commissariat à l'énergie atomique. Et aujourd'hui, c'est ce budget qui est sacrifié sur l'autel des restrictions budgétaires. C'est bien la démonstration que, comme je l'indiquais précédemment, les augmentations budgétaires ne sont que du maquillage, et qu'en réalité il s'agit de baisses de crédits.
    Vous nous dites aussi que vous souhaitez développer - et je ne doute pas que vous en ayez la volonté - l'information scientifique et technique, c'est-à-dire le rapport entre la science et le citoyen, à un moment où le citoyen n'a plus confiance dans la science.
    Vos explications me paraissent bien floues. En tout cas, elles ne m'ont pas convaincu.
    Je pense que vous n'êtes pas d'accord avec ces baisses de crédits, mais que vous devez pourtant les assumer parce qu'elles procèdent d'arbitrages gouvernementaux.
    La diffusion de la culture scientifique et technique n'aura pas lieu.
    Voilà qui illustre bien notre analyse d'ensemble de votre budget : aujourd'hui, dans nos laboratoires, la situation est catastrophique. C'est le droit du Parlement - et c'est même son rôle - que de refuser des mesures nouvelles quand elles sont mauvaises.
    Faisons un petit effort, mes chers collègues, sur tous nos bancs : notre Parlement s'honorerait en soutenant la recherche française, et donc le Commissariat à l'énergie atomique, qui est très présent, je le souligne au passage, dans la circonscription d'un député de l'UMP qui s'est exprimé ce matin.
    Mme la présidente. L'Assemblée me semble suffisamment éclairée.
    Je mets aux voix l'amendement n° 270.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits inscrits au tire IV de l'état B.
    (Les crédits du titre IV de l'état B sont adoptés.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre V de l'état C.
    (Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V de l'état C sont adoptés.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre VI de l'état C.
    (Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI de l'état C sont adoptés.)
    Mme la présidente. Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, concernant la recherche et les nouvelles technologies.
    La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    Mme la présidente. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004, n° 1093 :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 110).
    Explications de vote et vote sur les crédits des budgets ayant fait l'objet d'un examen en commission des finances élargie :
    Ville et rénovation urbaine :
    M. François Grosdidier, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 7 du rapport n° 1110) ;
    M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome I de l'avis n° 1112) ;
    Sports :
    M. Denis Merville, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 39 du rapport n° 1110) ;
    M. Edouard Courtial, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome XIII de l'avis n° 1111) ;
    Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat ; articles 75 et 76 ; articles 50, 51 et 54 à 56 (comptes spéciaux du Trésor) :
    M. Jean-Jacques Descamps, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 17 du rapport n° 1110) ;
    M. Serge Poignant, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome VII de l'avis n° 1112).
    Articles non rattachés : articles 60 à 71.
    Articles « services votés » et articles de récapitulation : articles 43, 44, 45, 48, 49, 57, 58 et 59.
    Eventuellement, seconde délibération.
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT