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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 19 NOVEMBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du mardi 18 novembre 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES

1.  Droit d'asile. Discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi. «...».
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
M. Jean Leonetti, rapporteur de la commission des lois.

QUESTION PRÉALABLE «...»

Question préalable de M. Alain Bocquet : MM. André Gerin, le rapporteur.

Rappel au règlement «...»

Mme Muguette Jacquaint, M. le président.

Reprise de la discussion «...»

MM. le ministre, Christian Vanneste. - Rejet de la question préalable.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Christian Vanneste,
Serge Blisko,
Philippe Folliot,
Mme
Muguette Jacquaint,
M.
Etienne Pinte.
Clôture de la discussion générale.
M. le ministre.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Article 1er «...»

Amendement de suppression n° 34 de M. Gerin : MM. André Gerin, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 35 de M. Gerin : MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 27 de M. Pinte : MM. Etienne Pinte, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements n°s 36 de M. Gerin, 28, 29 et 30 de M. Pinte : MM. Etienne Pinte, le rapporteur, le ministre. - Rejets.
Amendement n° 37 de M. Gerin : MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 38 de M. Gerin : MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 39 de M. Gerin : MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Adoption de l'article 1er
Article 2 «...»

Amendement de suppression n° 40 de M. Gerin : MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 2.

Article 4 «...»

Amendements n°s 41 de M. Gerin et 31 de M. Pinte : MM. Etienne Pinte, le rapporteur, le ministre. - Rejets.
Amendements identiques n°s 33 de M. Pinte et 42 de M. Gerin : MM. Etienne Pinte, le rapporteur, le ministre. - Rejets.
Adoption de l'article 4.

Après l'article 4 «...»

Amendement n° 22 de M. Blisko : M. Serge Blisko.
Amendement n° 23 de M. Blisko : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre.
Rejet des amendements n°s 22 et 23.

Article 6 «...»

Amendement n° 43 de M. Gerin : MM le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 6.

Article 7 «...»

Amendement n° 44 de M. Gerin : MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 32 de M. Pinte : MM. Etienne Pinte, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 7.

Articles 8, 11 et 13. - Adoptions «...»
VOTE SUR L'ENSEMBLE «...»

Adoption de l'ensemble du projet de loi.
M. le ministre.
2.  Dépôt de propositions de loi «...».
3.  Dépôt d'un rapport «...».
4.  Dépôt d'un projet de loi modifié par le Sénat «...».
5.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

DROIT D'ASILE

Discussion, en deuxième lecture,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile (n°s 1165, 1209).
    La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
    M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, mesdames, messieurs les députés, nous nous retrouvons donc ce soir pour l'examen en deuxième lecture par votre assemblée du projet de loi réformant notre droit d'asile. Le ministre des affaires étrangères, Dominique de Villepin, qui est retenu à Bruxelles par des engagements internationaux et vous prie de bien vouloir excuser son absence, m'a demandé de vous présenter ce texte, comme nous l'avions déjà fait ensemble en juin dernier.
    Ce projet, je me plais à le souligner, a été nettement enrichi par les apports de votre commission des lois et par les amendements de plusieurs membres de votre assemblée, appartenant aux divers groupes de l'Assemblée. Il l'a également été lors de son examen en première lecture par le Sénat, j'y reviendrai dans un instant.
    Je vous avais dit, en juin dernier, la volonté du Gouvernement de réformer notre dispositif d'asile pour lui redonner tout son sens et pour le rétablir dans sa vocation d'accueil prompt et généreux des réfugiés et des apatrides. Chacun peut en effet s'accorder sur deux exigences : d'une part, la France est déterminée à perpétuer dignement sa tradition d'accueil des opprimés ; d'autre part, notre droit d'asile et notre dispositif d'accueil, qui sont indéniablement en crise, doivent répondre plus correctement aux attentes des demandeurs d'asile.
    Depuis le printemps dernier, comme vous le savez, beaucoup a été fait. Je ne rappellerai pas les avancées qui sont le fruit de votre travail en première lecture, mesdames et messieurs les députés. Votre rapporteur sera probablement amené à le faire.
    Quant aux innovations introduites par le Sénat au terme du débat intervenu le 23 octobre dernier, elles apportent - de l'avis même de votre commission des lois - des précisions conformes à l'esprit qui a été le vôtre le 5 juin.
    C'est ainsi que la référence aux traités internationaux relatifs aux réfugiés a été complétée par l'ajout du protocole de New York du 31 janvier 1967. Ce protocole, je le rappelle, a étendu les effets de la convention de Genève aux personnes qui sont devenues réfugiées par suite d'événements survenus postérieurement au 1er janvier 1951 et sans aucune limitation géographique.
    Autre précision importante : le Sénat a posé le principe général de la convocation des demandeurs d'asile à un entretien - un véritable entretien. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides pourra toutefois s'en dispenser dans des circonstances conformes à ce que prévoient les directives communautaires en cours d'élaboration.
    Ainsi, l'OFPRA pourra se dispenser de convoquer le demandeur lorsqu'il s'apprête à rendre une décision favorable sur la seule base des éléments en sa possession. L'entretien sera également facultatif lorsque le demandeur a la nationalité d'un Etat pour lequel la clause de cessation de la convention de Genève s'applique - en clair, lorsqu'il est patent que des persécutions n'y sont plus pratiquées ni tolérées. La convocation sera de même inutile lorsque des raisons médicales interdisent au demandeur de se présenter, ou, enfin, lorsque les éléments fournis à l'appui de la demande sont manifestement infondés. Naturellement, et j'insiste sur ce point, l'office restera en toute hypothèse soumis au contrôle du juge dans l'application qu'il fera de ces dispositions.
    Par ailleurs, le principe de la protection assurée par des agents non étatiques est un élément important de la réforme. Cette protection est le corollaire de l'abandon du critère jurisprudentiel de l'origine étatique des persécutions. Le Sénat a souhaité en limiter la portée aux seules organisations internationales et régionales. Les partis ou autres organisations ne figurent donc plus parmi les organismes susceptibles d'offrir cette protection.
    Le Sénat a également précisé les conditions dans lesquelles devra s'apprécier l'asile interne. L'auteur des persécutions devra être pris en compte. Cette précision s'ajoute à l'obligation faite à l'office d'apprécier les conditions générales prévalant dans la partie du territoire où le demandeur pourrait trouver un asile interne, ainsi que la situation personnelle de l'intéressé.
    Les sénateurs ont par ailleurs atténué les limites posées à l'octroi de la protection subsidiaire. Elle pourra être refusée, alors que l'intéressé remplit les conditions pour en bénéficier, lorsqu'il y aura des raisons sérieuses de penser que son activité - et non plus sa présence - sur le territoire français constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat. Le projet de loi prévoyait que la présence sur le territoire pouvait constituer une menace. Le Sénat a préféré qu'il soit fait référence à l'activité du demandeur.
    Le Sénat a aussi posé le principe que l'OFPRA pourra « mettre fin » au bénéfice de la protection subsidiaire. Il était prévu qu'il puisse « retirer » cette protection. Cet amendement permet de privilégier le principe de sécurité juridique. En effet, dans l'hypothèse où le bénéfice de la protection subsidiaire résulterait d'une décision de la commission des recours des réfugiés, le Sénat a en effet estimé que l'autorité de la chose jugée interdirait un retrait de cette protection par l'office, qui présenterait un caractère rétroactif. Dès lors, l'OFPRA ne devait se voir confier qu'une faculté d'abrogation.
    Le Sénat a également abordé la question du transfert des archives de l'OFPRA au ministère des affaires étrangères, transfert qu'il a autorisé dans le respect des règles de confidentialité en vigueur. La direction des archives de ce ministère pourra désormais prendre en dépôt, dans de meilleures conditions de conservation, les archives les plus anciennes de l'office, actuellement stockées à Aubervilliers. L'accès à ces archives sera limité aux seules personnes autorisées par le directeur de l'OFPRA.
    S'agissant, par ailleurs, de l'organisation de la commission des recours des réfugiés, la formulation retenue par le Sénat, qui écarte la nomination de membres du parquet en activité, est de nature à apaiser certaines craintes quant à l'indépendance de la juridiction.
    Toujours à propos de la CRR, le Sénat a souhaité maintenir sa compétence consultative en matière d'éloignement des réfugiés statutaires. Par ailleurs, un amendement précise que les requérants peuvent se faire assister d'un conseil et d'un interprète devant la CRR.
    Enfin, le Sénat a accepté la proposition du Gouvernement selon laquelle les préfets de département ou le préfet de police de Paris pourront être chargés de l'admission au séjour des demandeurs d'asile dans plusieurs départements. Cette extension de compétence est nécessaire pour la mise en place de plates-formes régionales de traitement des demandes d'asile. Un tel dispositif, envisagé dans un premier temps à titre expérimental à Lyon, permettra le traitement intégré et décentralisé des demandes, tous les services compétents étant regroupés en un même lieu.
    J'appelle enfin votre attention sur les dispositions transitoires du projet de loi, qui, elles aussi, ont été amendées. Il est prévu que « les demandes de reconnaissance de la qualité de réfugié en cours d'instruction auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi seront traitées comme des demandes d'asile au sens de la présente loi ». Ces dispositions, qui valent pour l'OFPRA, s'appliqueront également, mutatis mutandis, à la CRR.
    Après ces explications sur les amendements adoptés par le Sénat, je souhaite maintenant faire état des dernières évolutions qui touchent les deux projets de directive communautaire sur le droit d'asile.
    Le projet de directive sur le statut de réfugié et la protection subsidiaire a pour objectif d'harmoniser l'interprétation par les Etats membres de la convention de Genève, notamment la notion de « réfugié » et la protection dite « subsidiaire ».
    Un accord de principe avait été dégagé en novembre 2002 sur la première partie de cette directive, qui concerne les conditions d'octroi, de cessation ou d'exclusion du statut de réfugié, d'une part, et de la protection subsidiaire, d'autre part.
    Par contre, il n'y a pas encore d'accord sur la deuxième partie, c'est-à-dire sur le contenu de la protection internationale et la coopération entre Etats. Le blocage est dû aux réticences de certains Etats membres quant à l'égalité de traitement entre réfugiés statutaires et bénéficiaires de la protection subsidiaire, notamment au regard du droit au travail. La France soutient bien entendu une position d'égalité de traitement et d'accès au marché du travail, dans la logique d'intégration qui a toujours été la sienne. On peut néanmoins espérer que, conformément à l'objectif que se sont fixé les pays européens à Séville, l'adoption de cette directive pourra intervenir d'ici à la fin de l'année.
    Par ailleurs, le projet de directive sur les procédures d'octroi et de retrait du statut de réfugié constitue une première étape vers l'objectif à terme, fixé au Conseil européen de Tampere, d'une procédure d'asile commune. Ce texte prévoit des garanties de procédures pour l'examen des demandes d'asile, telles que la convocation du demandeur à un entretien, l'assistance juridique, l'interprétariat, etc. Il permet également le recours à des procédures accélérées, notamment lorsque le demandeur est ressortissant d'un pays d'origine sûr. L'objectif est également d'achever l'élaboration de cette directive d'ici à la fin de cette année.
    Je terminerai mon propos par quelques informations sur l'évolution de la situation à l'OFPRA et à la commission des recours des réfugiés.
    De 1998 à 2002, l'OFPRA a été confronté à une hausse croissante des demandes d'asile, qui sont passées de 22 990 à 52 877. Il n'est pas exclu, cependant, que nous constations une stabilisation relative de la demande en 2003. Mais, dans le même temps, la réforme du droit d'asile, du fait de l'unification des procédures des asiles conventionnel et territorial, va porter, en 2004, le nombre des dossiers à traiter par l'OFPRA à 85 000, et entraîner une forte augmentation du nombre de recours devant la CRR.
    Les moyens budgétaires de l'office ont accompagné cette évolution, passant de 17 millions d'euros en 2001 à 28,5 millions d'euros en 2003. Dans le projet de loi de finances pour 2004, que vous avez examiné il y a peu, pour faire face à la hausse des demandes d'asile et s'adapter aux innovations de la réforme, les crédits alloués à l'OFPRA et à la CRR augmentent de près de 10 millions d'euros, passant de 28,5 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale pour 2003 à 38,28 millions d'euros, soit une augmentation de 34 %. Au total, les moyens budgétaires de l'OFPRA et de la CRR auront plus que doublé entre 2001 et 2004.
    Dans le même temps, leurs effectifs auront presque triplé. En 2004, le nouvel ajustement des moyens en personnel porte l'effectif budgétaire de 586 à 677 agents, chiffre qui doit d'ailleurs être augmenté de 67 agents mis à disposition par diverses administrations. Cela permettra la consolidation des 105 emplois de contractuels ouverts en loi de finances rectificative pour 2002 et la création de 38 nouveaux emplois de contractuels. Par ailleurs, 25 emplois du ministère de la justice et 25 emplois du ministère de l'intérieur seront transférés à l'OFPRA et à la CRR.
    Ces moyens sont globalisés. Cette organisation, qui met dans le même ensemble les crédits et les emplois de la CRR et ceux de l'OFPRA, ne permet pas d'identifier les moyens de la juridiction administrative - la première de France, je le rappelle, par le nombre de décisions rendues chaque année - et la fait dépendre d'un établissement public dont elle est précisément chargée de juger les décisions.
    Cela ne pouvait se perpétuer. Afin d'accorder à la CRR la maîtrise des moyens dont elle dispose, il est envisagé, dans le cadre de la réforme du décret du 2 mai 1953, que son président devienne ordonnateur secondaire de ses dépenses.
    Tous ces efforts n'ont pas été déployés en vain. La capacité de traitement de l'OFPRA, qui ne dépassait guère 4 000 dossiers par mois, a atteint 6 600 dossiers au mois d'octobre dernier. Cet excellent résultat est également dû à la mobilisation des agents de l'office, dont je salue le professionnalisme et l'engagement. A ce rythme, nous devrions passer à un encours de demandes inférieur à 20 000 dossiers d'ici la fin de l'année. En l'espace d'un an, l'office aura donc ramené ses délais de traitement de plus de douze mois à moins de quatre mois. Au cours du printemps, nous devrions avoir atteint l'objectif assigné par le Président de la République, c'est-à-dire le traitement des demandes de l'OFPRA dans un délai de deux mois.
    Enfin, je ne vous cacherai pas que notre préoccupation se tourne désormais vers la commission des recours, dont les effectifs augmentent pourtant, je l'ai dit, de façon significative. Mais il est bien clair que les rendements accrus de l'OFPRA, l'arrivée en janvier prochain du contentieux de la protection subsidiaire, et le maintien à un haut niveau du taux de recours - entre 75 et 80 % des décisions rendues par l'office - vont rapidement conduire à l'engorgement de la juridiction. Un audit des procédures est donc actuellement en cours, qui devrait se traduire par des gains de productivité, mais c'est incontestablement en termes de moyens supplémentaires que va se poser le problème de l'allongement prévisible des délais de recours devant la commission.
    Voilà pour les moyens et les procédures.
    Vous le voyez, mesdames, messieurs les députés, le travail accompli est important, tant en termes d'améliorations apportées par les amendements au texte initial qu'en termes de mobilisation des moyens de l'administration.
    Vos débats ont été nourris, parfois passionnés. C'était légitime, justifié, car la matière du droit d'asile est grave, elle est chargée d'émotions, elle renvoie à des milliers de destins individuels broyés, pour lesquels la France apparaît comme un ultime recours.
    Mais l'émotion ne doit pas nous égarer, car toute législation durable et sérieuse doit aussi tenir compte des réalités diverses, et parfois contradictoires, qui s'imposent aux pouvoirs publics. Le Gouvernement a soutenu toutes les propositions qui allaient dans le sens d'une meilleure compréhension de la loi, dans le sens de l'efficacité et de la justice, dans le sens de la générosité et de la clairvoyance.
    Le projet de loi est désormais clair, complet et équilibré. Le Gouvernement souhaite donc que vous l'adoptiez en l'état. Compte tenu des déficiences du système actuel, sur lesquelles je ne reviendrai pas, il paraît en effet urgent d'appliquer les nouvelles dispositions dès le 1er janvier prochain.
    Je remercie, une fois de plus, toutes celles et tous ceux qui ont permis l'accomplissement de ce renouveau du droit d'asile. Je pense que nous pouvons être fiers d'avoir contribué à une juste réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Jean Leonetti, rapporteur de la commission des lois consitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 5 juin dernier, puis par le Sénat le 23 octobre, le projet de loi portant réforme du droit d'asile revient aujourd'hui devant nous.
    Ce texte a pour but de remédier aux graves dysfonctionnements du système français actuel. La longueur des procédures et les délais de traitement des demandes, deux ans en moyenne, rendait le processus inefficace, coûteux - 270 millions d'euros en 2001 - et surtout injuste.
    Le premier souci était de simplifier et d'unifier les procédures.
    En remplaçant l'asile territorial, qui relève aujourd'hui de la compétence du ministre de l'intérieur, par une protection dite subsidiaire, gérée par l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, le texte fait de cet organisme indépendant le guichet unique des demandeurs d'asile en France.
    En s'adaptant aux évolutions du monde en matière de persécution, et en se plaçant dans une logique d'harmonisation européenne, ce texte introduit des notions nouvelles dans notre législation, comme les persécutions d'origine non étatique, qui trouvent en pendants l'asile interne ainsi que la notion de pays d'origine sûrs.
    Ces évolutions étaient nécessaires pour éviter les flux migratoires entre les pays membres de l'Union en fonction des avantages des législations nationales en vigueur. Elles ont été prudemment encadrées. L'objectif de notre assemblée a été en permanence de trouver cet équilibre nécessaire entre l'efficacité et l'humanité, pour mettre fin au désordre et à l'injustice qui président aujourd'hui à la gestion de ce droit constitutionnel, qui constitue pour le Conseil d'Etat une liberté fondamentale.
    Le Sénat a modifié le texte dans le souci de renforcer encore le dispositif de protection et de garantie du demandeur d'asile, sans jamais entamer l'efficacité du projet initial. Il a ainsi souhaité préciser qu'une convocation du demandeur était obligatoire en vue d'une audition, alors que l'Assemblée nationale avait considéré qu'il suffisait de demander au demandeur d'asile d'apporter tous les éléments nécessaires à l'appui de sa demande, pensant que les modalités de l'audition devaient être renvoyées au décret.
    Le Sénat a également précisé que la protection subsidiaire ne pouvait être refusée que si l'activité de l'étranger, et non pas seulement sa présence, créait une menace grave. Il a renforcé le rôle de la Commission de recours des réfugiés, et assuré sa totale indépendance par rapport au pouvoir exécutif.
    Les nouvelles notions sont précisées : l'octroi de l'asile interne nécessite que soit pris en considération l'auteur des persécutions ; le fait d'être ressortissant d'un pays sûr ne dispense pas de l'examen individuel de la demande ; la liste des autorités de protection est limitée, les partis politiques en étant exclus ; enfin une disposition permet au demandeur de l'asile territorial d'être obligatoirement considéré comme demandeur de la protection subsidiaire, pour assurer la pérennité du système.
    Sur proposition du Gouvernement et dans le but de renforcer l'efficacité du dispositif, le Sénat a par ailleurs ouvert la possibilité d'étendre les compétences du représentant de l'Etat sur plusieurs départements.
    Enfin, un effort de clarification a été opéré par le Sénat qui a ajouté le protocole de New York de 1967 à la convention de Genève comme référence à la loi, donnant ainsi une portée universelle au texte.
    Les efforts conjugués de l'Assemblée et du Sénat ont beaucoup enrichi ce texte, celui-ci répond désormais aux préoccupations essentielles des organismes qui ont en charge les demandeurs d'asile, comme celle des associations. Il respecte, à notre sens, la tradition républicaine d'accueil de notre pays, notamment en supprimant définitivement la tutelle du ministre de l'intérieur sur l'asile territorial et en accélérant les procédures de réponse. Il permet dans le même temps de limiter les détournements de procédure au profit d'une immigration économique, l'impuissance du système actuel étant telle que l'application d'un principe constitutionnel auquel les demandeurs d'asile ont droit devenait impossible.
    Nous restons cependant persuadés que le nouveau dispositif d'examen des demandes d'asile ne pourra être pleinement efficace que s'il est complété par un renforcement des moyens humains et matériels des structures de gestion. D'ores et déjà - vous l'avez précisé, monsieur le ministre -, le budget est augmenté de près d'un tiers cette année, et les effectifs ont été multipliés par trois en seulement deux ans. Le raccourcissement des délais génère des économies, ce qui devrait permettre le renforcement des effectifs avec un budget de l'Etat constant.
    Les notions introduites risquent de soulever des difficultés d'interprétation. Aussi une évaluation devra-t-elle être effectuée, à la fois pour être conforme au droit européen et pour vérifier que l'équilibre difficile à trouver entre la justice, le droit, d'un côté, et l'efficacité, de l'autre, est maintenu. Il est certain que la situation actuelle est injuste, car elle pénalise le réfugié par des procédures complexes et longues, et favorise la présence prolongée sur notre sol de personnes qui ne relèvent pas de ce droit. Elle n'est pas tolérable, car on ne peut laisser sans recours possible à la décision du seul ministère de l'intérieur en matière d'asile territorial près de 30 000 demandes, dont seulement 2 % aboutissaient jusqu'à présent. Elle n'est pas logique car elle ne s'inscrit pas dans une conception harmonisée des législations européennes.
    La réforme qui nous est aujourd'hui proposée est équilibrée ; elle met fin à une fausse générosité des principes désavouée par l'injustice des faits. Elle met l'ordre et l'efficacité en conformité avec le droit et la justice. Elle est nécessaire mais aussi urgente. C'est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, de l'approuver dans les termes conformes au texte adopté par nos collègues du Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Question préalable

    M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec le projet de loi relatif au droit d'asile, nous sommes en face d'une politique gouvernementale expéditive, liberticide, qui exprime une attitude égoïste et hautaine, qui remet en cause les acquis sociaux. Le Gouvernement se révèle plus proche du patronat que des ouvriers, plus à l'écoute des riches que des pauvres. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Le Gouvernement « vend » une politique sécuritaire dans les relations internationales qui a beaucoup de ressemblance avec certains aspects de la politique régressive des années trente. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Cette orientation sécuritaire devient le credo des pays européens, engagés avec la droite et l'extrême droite dans des politiques d'arrogance, méprisantes et violentes vis-à-vis des réfugiés. On en vient à imaginer des zones « d'apartheid moderne » pour stocker, « parquer » même - le mot est utilisé par certains dirigeants européens - ces populations à la recherche de protection. Qu'en est-il du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés qui assure protection juridique et matérielle aux réfugiés sur des bases strictement humanitaires ?
    Nous sommes face à une république tronquée qui renie ses valeurs singulières et universelles ; une république défigurée qui préfère mettre l'argent public dans l'arme nucléaire plutôt que dans le social, qui fait preuve d'égoïsme et d'esprit de suffisance, qui chouchoute les marchands, qui méprise les peuples et, surtout, qui ignore des millions de réfugiés dramatiquement confrontés aux tragédies qu'engendre la domination impérialiste, aux inégalités et à la faim.
    Le Gouvernement remet en cause ce qui fait les lettres de noblesse de la France au profit d'une mondialisation ravageuse, d'un capitalisme financier qui écrase et parque les peuples au gré de ses intérêts.
    M. Charles Cova. Ça y est !
    M. André Gerin. M. de Villepin affirme qu'il met en place une politique plus juste et plus efficace. Tromperie. M. de Villepin affirme que la France reste fidèle à ses traditions d'accueil. Discours d'affichage. M. de Villepin prétend vouloir assurer une meilleure protection à ceux qui le méritent. En fait, M. de Villepin conduit, avec ce gouvernement, une politique expéditive, liberticide, égoïste et hautaine.
    Après le projet de loi d'orientation sur la sécurité, après le projet de loi pour la sécurité intérieure, après le projet de loi sur la grande criminalité et le projet de loi relatif aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers, nous abordons une nouvelle phase dans la politique de démantèlement de nos valeurs.
    M. Charles Cova. De vos valeurs !
    M. André Gerin. De nos voeux républicains.
    Le droit d'asile est une tradition de notre pays, une tradition de la République. Proclamé officiellement sous la Révolution française en 1793, il est intégré dans un article de la Constitution. Au XIXe siècle, il a connu quelques vicissitudes, mais la Seconde Guerre mondiale a créé un véritable électrochoc et la tradition de l'époque révolutionnaire s'est de nouveau trouvée au centre de la politique d'asile de notre pays. La Déclaration des droits de l'homme proclamée par l'ONU en 1948 proclame ce principe : « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays. » Oui, le droit d'asile est, en France, un véritable principe fondateur de la Constitution.
    Ce principe interdit de confondre la question de l'asile et celle de l'immigration. Or, comme le remarque Gérard Noiriel dans son livre intitulé Réfugiés et sans-papiers, « les pouvoirs publics ont préféré mettre en avant la responsabilité des réfugiés eux-mêmes, arguant du fait qu'un grand nombre d'étrangers qui demandent l'asile politique aujourd'hui ne sont pas vraiment victimes de persécutions politiques. Force est de constater que cette stratégie anti-réfugiés a été efficace. La plupart des Etats de l'Union européenne l'ont reprise à leur compte pour durcir leur législation sur le droit d'asile ».
    Le droit n'est plus dans l'air du temps : telle est la philosophie qui sous-tend les lois Pasqua-Debré adoptées par le Parlement il y a dix ans. La loi de 1998 de Chevènement a peu modifié les dispositions tant décriées par les associations de défense des droits de l'homme. Elle a plutôt confirmé une vision ségrégative du monde.
    L'exposé des motifs du présent projet de loi est clair : « Notre pays est devenu aujourd'hui l'un des principaux pays d'accueil des demandeurs d'asile en Europe. Cette tendance à la hausse s'est confirmée en 2002. Le cumul des procédures - asile conventionnel et asile territorial - accentue par ailleurs cette tendance et contribue à faire de l'asile un moyen utilisé pour séjourner en France et un vecteur d'immigration irrégulière. »
    Le Gouvernement souhaitait une fusion entre asile et immigration. Cet état d'esprit entretient l'amalgame. La mainmise du ministre de l'intérieur sur l'OFPRA confirme cette obsession policière et sécuritaire. Quelques mois après la nomination, en février, du nouveau directeur de l'OFPRA par le ministre des affaires étrangères, le ministre de l'intérieur met en place un homme à lui à un poste de direction non défini. Nous sommes en pleine carambouille ! Cette nomination discrète confirme la teneur des documents datés de janvier 2003, qui envisageaient le transfert de la tutelle vers le ministre de l'intérieur, même si le projet infirmait ce dispositif et le ministre des affaires étrangères déclarait : « L'indépendance et le devoir d'asile sont au coeur de l'OFPRA et de la Commission des recours des réfugiés. C'est leur métier et leur fierté depuis cinquante ans. Il n'est pas question de revenir là-dessus. »
    Ces faits illustrent la politique « insolidaire » du gouvernement Raffarin. Elle a été dénoncée par plusieurs associations telles que la Ligue des droits de l'homme ou la Coordination française pour le droit d'asile, qui regroupe de nombreuses associations dont la CIMADE.
    On ne peut admettre que le droit d'asile soit sabordé et que, pour justifier ce sabordage, le Gouvernement s'abrite derrière des arguments quantitatifs et financiers. On ne peut admettre que le Gouvernement tienne des discours différents : ouverts à l'ONU en faveur de la paix ; fermés en France, défendant une politique d'asile à contretemps qui s'aligne sur le monde occidental pour des raisons politiciennes à courte vue.
    Le rapport sur les défis de l'immigration future du Conseil économique et social, présenté par Michel Gevrey, aborde le sujet central des demandeurs d'asile : « Le Conseil prend acte des orientations du projet de loi du Gouvernement relatif au droit d'asile. Il partage à cet égard les remarques de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, qui déplore l'appréhension réductrice du droit d'asile retenue par le projet de loi. Privilégiant dans l'exposé des motifs une approche purement quantitative et économique en mettant en exergue la hausse du nombre des demandeurs et l'accroissement des coûts, le Gouvernement justifie la réforme qu'il entreprend par la nécessité de réduire les flux ainsi que le coût de cette demande. Une telle approche conduit à réduire la question de l'asile à un problème de politique migratoire. »
    « Le Conseil estime nécessaire de rappeler que le caractère constitutionnel du droit d'asile et les engagements internationaux de la France interdisent de confondre les questions d'asile et d'immigration. »
    « Le Conseil souhaite que le droit d'asile soit mieux respecté, en sortant de la logique actuelle de suspicion systématique de fraude à l'emploi de la part des demandeurs d'asile, dont le nombre de plus en plus élevé résulte avant tout des situations de guerre et de conflits dramatiques dans de nombreux pays, y compris des persécutions par des acteurs non étatiques. »
    Le Gouvernement est pris en défaut d'humanité. C'est un Gouvernement au coeur sec, pris en flagrant délit d'abandon d'une France de l'hospitalité. Le Sénat, de droite, confirme cette ligne de durcissement, malgré quelques améliorations. La définition du droit d'asile se réduit comme peau de chagrin.
    L'asile territorial meurt après quelques années d'existence. Il est remplacé par la notion de « protection subsidiaire ». On aggrave encore la situation dramatique des demandeurs d'asile qui campent parfois sur les places publiques dans l'espoir du règlement administratif de leur situation. La place Carnot à Lyon, face à la gare de Lyon-Perrache, est l'un de ces lieux qui font honte à notre pays.
    Plus grave encore, la protection subsidaire ne va-t-elle pas remplacer le statut de réfugié conventionnel ? Les critères de rejet sont définis, mais ils sont vagues. L'audience de l'intéressé n'est pas obligatoire, l'Office peut éviter de convoquer les personnes à une audition si « les éléments fournis à l'appui de la demande sont manifestement infondés ». Ces décisions seront prises sans confrontation contradictoire.
    A l'inverse, les associations qui défendent les droits de l'homme proposent que chaque demandeur soit entendu, que les conditions de cette audience soient définies, que l'interprète soit prévu, ainsi que l'assistance par un conseil, un avocat ou un représentant d'association, que l'aide juridictionnelle soit possible, tout comme la prise en charge du coût du transport, enfin qu'un procès-verbal acte cet entretien.
    Le projet demande à l'OFPRA d'apprécier si l'activité du demandeur sur le territoire national constitue une menace grave pour l'ordre public. Est-ce la raison pour laquelle vous voulez placer cet organisme sous la tutelle du ministère de l'intérieur ?
    Surtout, la notion d'ordre public est devenue idéologique, aujourd'hui tarte à la crème, fourre-tout pour les gouvernants. C'est une notion floue qui invite à une posture sécuritaire. Elle autorise tous les abus, toutes les interprétations. Elle accentue la fusion souhaitée par la droite de la droite entre intérieur et affaires étrangères. Comme je le disais en première lecture le 4 juin 2003, « l'ensemble de cette démarche qui assimile l'ordre public, la sécurité publique et la sûreté de l'Etat révèle à point nommé l'obsession sécuritaire du Gouvernement ».
    Seules les personnes autorisées par le directeur général de l'Office pourront avoir accès aux dossiers des demandeurs d'asile dont la demande aura été définitivement rejetée. Mais toutes les décisions de rejet seront transmises au ministre de l'intérieur et, à la demande de ce dernier, le directeur général de l'Office communiquera à des agents habilités des documents d'état civil ou de voyage permettant d'établir la nationalité. Voici l'OFPRA et son directeur aux ordres d'une vision sécuritaire !
    Au-delà de cette omniprésence de la philosophie sécuritaire et du poids de plus en plus prépondérant de la dimension policière, je tiens à revenir sur la notion même d'asile d'un point de vue européen. Ce projet de loi plie, en effet, les traditions françaises à des conceptions d'autres pays qui jusqu'alors nous étaient étrangères, des conceptions manichéennes. L'Europe nous corsète, elle sert de prétexte répressif.
    Le Gouvernement se fait le précurseur de l'application de décisions européennes. Il tend à intégrer dans le droit français le contenu d'une directive de Bruxelles qui crée la notion de pays sûr. Cette notion très grave met à bas le concept même de droit d'asile. La Russie, aujourd'hui, est-elle un pays d'origine sûr, au regard de la situation actuelle en Tchétchénie ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Charles Cova. Dans la bouche d'un communiste, ce propos est formidable ! Plus c'est gros, plus ça passe !
    M. André Gerin. A chacun de balayer devant sa porte !
    M. Charles Cova. Vous, vous avez une porte cochère !
    Il vous faut un grand balai !
    M. Pierre-Louis Fagniez. Pour nous, ce sera vite fait !
    M. André Gerin. Respectez donc le point de vue des autres, même si vous ne le partagez pas !
    La notion de pays d'origine sûr est liée au choix politique du directoire des puissants du G8 qui veulent imposer leurs normes, le modèle occidental, la loi des seigneurs.
    Autre exemple des contraintes imposées par l'Europe, cette disposition de l'article 1er, qui précise que « l'office peut rejeter la demande d'asile d'une personne qui aurait accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine si cette personne n'a aucune raison de craindre d'y être persécutée ou d'y être exposée à une atteinte grave et s'il est raisonnable d'estimer qu'elle peut rester dans cette partie du pays ». Cette notion d'asile interne est très inquiétante, car elle réduit la notion même d'asile.
    Aux termes de cette définition, les réfugiés irakiens, en 1991, n'auraient pu bénéficier de l'asile. L'existence d'une zone dans le nord de l'Irak, au Kurdistan, où les troupes de Saddam Hussein étaient absentes du fait de la résistance kurde, aurait en effet permis de rejeter toutes les demandes.
    Or cette notion est contraire à la Convention de Genève selon laquelle seuls les Etats reconnus peuvent offrir une protection efficace à leurs ressortissants.
    Par ailleurs, l'asile interne va obliger toutes les personnes persécutées à chercher protection dans leur propre pays. Dans un pays en guerre civile, par exemple sur le continent africain, où de nombreux pays sont confrontés à une situation de guerre civile endémique et où les zones d'influence sont partagées, les habitants se verront de fait exclus de l'asile en France. Ce concept d'asile interne peut annihiler toute possibilité d'obtenir la protection de Genève ou la protection subsidiaire.
    Ce projet de loi sonne, selon nous, le glas du droit d'asile comme valeur originelle de la République française. Le fantasme sécuritaire du Gouvernement en est la cause principale, mais on ne peut oublier aussi une intégration de plus en plus poussée dans l'Europe de la Convention de Schengen. Les ministres de l'intérieur des Cinq travaillent actuellement à la constitution d'une liste des pays sûrs et à une police des frontières européenne.
    Le gouvernement français tient par tous les moyens à repousser les pays du tiers monde, les persécutés des pays pauvres. Qu'ils restent donc dans leur pays ou dans les camps des pays limitrophes ! Faisons en sorte de les rejeter à la frontière le plus vite possible ! Il faut barricader l'Europe ! Ainsi pourrait être résumée la politique que vous menez. Au nom de la sacro-sainte alliance, le génocide tchétchène est passé par pertes et profits.
    Alors que le développement de la démocratie dans le monde est un enjeu de civilisation, la mondialisation capitaliste actuelle - terriblement ravageuse - est la cause principale du non-développement de nombreux pays et des guerres régionales ou civiles pour le contrôle des richesses de zones ou de pays. Les raisons économiques et le rôle tenu par les grandes multinationales pour piller les richesses sont souvent à l'origine des conflits qui éclatent de par le monde.
    Au lieu d'aborder les vraies questions, on cherche des boucs émissaires pour satisfaire des objectifs politiciens à courte vue, des objectifs franco-français. Il faudrait, au contraire, mettre en oeuvre une véritable solidarité au niveau mondial. Votre politique contribue malheureusement à faire fonctionner la machine à exclure. Ça ne ressemble plus à la France, c'est la France défigurée. Vos projets de loi de régression, pour une France frileuse et repliée, vont porter atteinte à son image dans le monde. Du reste, le club des Etats les plus riches du monde n'a remédié à aucun des graves problèmes de la planète. Mais qui peut croire que l'économie de marché dominée par la finance sera la seule réponse à la misère, alors que tout montre que cette économie en est la cause principale ?
    Alors que la question des réfugiés est cruciale pour l'avenir des civilisation en ce début de XXIe siècle, le G8 traite le sujet par-dessus la jambe. Et la politique du Gouvernement suit cet exemple négatif. Vous reniez l'hospitalité. Vous amputez la fraternité. Il faut au contraire oser une mondialisation de la solidarité, de la justice et de la fraternité ! Il faut oser faire vivre la République, la nation, le bleu, le blanc et le rouge ! Commencez à le faire en adoptant cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Monsieur Gerin, je suis quelque peu déçu à la fois par le ton et par le fond de votre intervention. Sur le ton, vous avez été agressif, caricatural, excessif, et donc dérisoire et peu crédible.
    Mme Muguette Jacquaint. Oh !
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Sur le fond, déposer une question préalable sous-entend qu'il n'y a pas lieu de légiférer. Vous souhaitez donc vous en tenir au statu quo. Ainsi, que le ministère de l'intérieur reçoive 28 000 demandes de réfugiés ne semble pas vous déranger. Ce dernier était sans doute dénué de toute critique lorsque la gauche était aux affaires car, pendant cinq ans, votre lâche silence couvrait le fait que 2 % seulement de ces demandeurs d'asile territorial obtenaient gain de cause. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Dans le même contexte, vous ne vous êtes jamais insurgé contre Sangatte, alors que vous n'ignoriez pas que le centre était le résultat de la disparité des législations européennes, puisque 2 % seulement des réfugiés demandaient le droit d'asile en France, tandis que les autres espéraient pouvoir partir en Angleterre, où ils savaient que les dispositions législatives étaient plus favorables. Mais pendant cinq ans, vous n'avez rien dit ; vous avez eu l'indignation tranquille.
    Aujourd'hui, vous demandez une convocation et une audition systématiques, ce que le texte prévoit précisément pour tous les demandeurs d'asile, alors que, pendant cinq ans, les auditions ont été à peine supérieures à 60 %, 40 % des demandes étant rejetées sur simple examen des dossiers. Vous avez l'indignation un peu tardive, comme d'ailleurs tous les membres de votre groupe, et je dirai même comme votre parti. C'est toujours avec beaucoup de retard que vous vous rendez compte que l'injustice et le désordre sont générateurs de totalitarisme.
    M. André Gerin. C'est dommage que vous ne soyez pas à jour !
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Voilà peu, il y avait deux camps dans le monde. Et je comprends que la nostalgie continue à vous étreindre car les choses étaient simples alors.
    Mme Muguette Jacquaint. On n'est pas des nostalgiques ! Ne prenez pas vos désir pour des réalités !
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Il était facile de savoir où étaient les réfugiés. Il y avait le monde libre, à l'ouest, et le monde communiste, à l'est, et les réfugiés allaient généralement de l'est à l'ouest. Mais à ce moment-là aussi, votre parti garda un long et lâche silence.
    Aujourd'hui, je regrette que vous ayez choisi ce ton. Je ne l'attendais pas de vous monsieur Gerin, qui n'avez pas l'habitude de manier l'excès. Vous essayez toujours au contraire de trouver des solutions, à la fois pragmatiques et dignes de nos traditions républicaines. Malheureusement, vous avez lu, ce soir, un texte qui n'est conforme ni à la réalité de l'instant ni à ce que l'on doit proposer. La démocratie, c'est la recherche patiente et obstinée d'équilibres difficiles à trouver entre l'ordre et la justice. Elle ne consiste pas à stigmatiser ou à insulter l'adversaire.
    M. André Gerin. Votre discours est digne des années 30 ! Vous ne supportez pas la contradiction !
    M. le président. Monsieur Gerin, la parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Monsieur Gerin, Staline est mort en 1953. Cela fait maintenant cinquante ans. Il faudrait tourner la page.
    M. André Gerin. C'est vous qui tenez un discours archaïque !

Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour un rappel au règlement.
    Mme Muguette Jacquaint. Mon intervention porte sur le déroulement de nos travaux.
    Monsieur le rapporteur, vous prétendez que M. Gerin a tenu des propos...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Méchants !
    Mme Muguette Jacquaint. Il y a de quoi être méchant à l'égard de ce projet. En tout état de cause, je n'accepte pas que vous disiez dans cet hémicycle que les communistes sont des lâches.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
    M. Pierre-Louis Fagniez. Il a parlé de nostalgie !
    Mme Muguette Jacquaint. Si, vous l'avez dit ! N'essayez pas de vous reprendre ! Vous nous avez traités de lâches ! On peut ne pas être d'accord avec ce que les communistes font ou ont fait. D'ailleurs, nous n'avons pas toujours été satisfaits par l'action menée par les ministres communistes au sein du gouvernement précédent et de combien d'autres encore ! Mais ne prétendez pas que le présent texte va dans le sens de l'amélioration du droit d'asile et des droits de l'homme.
    M. le président. Madame Jacquaint, nous sommes hors rappel au règlement !
    Mme Muguette Jacquaint. Il s'agit d'un rappel au règlement. Et s'il le faut, j'irai jusqu'au fait personnel...
    M. le président. Ce n'est pas un fait personnel.
    Mme Muguette Jacquaint. Je pense que si ! Les propos du rapporteur étaient insultants.
    M. le président. Comme le prévoit le règlement, la parole pour un fait personnel ne peut être accordée qu'en fin de séance.

Reprise de la discussion

    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur Gerin, vous avez exprimé vos doutes - c'est le moins qu'on puisse dire - sur l'opportunité de légiférer sur le droit d'asile. Et vous l'avez fait sur un mode très polémique. Je ne vous suivrai pas sur ce terrain d'autant que le débat qui s'est déroulé dans cet hémicycle lors de la première lecture a permis d'aller au fond des choses et de répondre aux questions de principe que vous avez à nouveau soulevées ce soir. Je me contenterai donc de faire quelques observations rapides.
    Cette réforme de l'asile révèlerait selon vous une France « hautaine et frileuse ». Or, comme le Gouvernement l'a exposé le 5 juin dernier, le droit d'asile est, dans l'esprit de la majorité, un droit fondamental auquel la France a toujours été et reste profondément attachée. Ce droit sacré connaît cependant une crise bien réelle dans son application, et non dans son principe. La France compte bien rester une terre d'asile. Simplement, il faut que cet asile corresponde à une réalité car, au-delà de la théorie, il y a l'expérience concrète et c'est là que nos points de vue divergent même si, au fond, nous savons tous qu'il y a urgence à agir.
    La France a l'obligation de protéger ceux qui en ont réellement besoin. Pour ce faire, le Gouvernement se devait de vous proposer des solutions équilibrées entre générosité et efficacité. Voilà pourquoi la loi protégera davantage et aussi plus vite les demandeurs d'asile de bonne foi. La France tient compte des données du monde tel qu'il est, elle sait les souffrances qui sont celles des réfugiés, et leur déception aussi quand leur sort reste incertain pendant de très longs mois alors qu'ils sont sur notre sol.
    Votre deuxième série d'objections porte sur l'amalgame que le projet de loi ferait entre asile et immigration. Nous sommes bien d'accord, monsieur le député, l'asile, ce n'est pas la gestion des flux migratoires. Mais ce n'est pas davantage une procédure qui serait destinée à accueillir l'ensemble des déshérités de la planète, trop nombreux hélas ! Ce sont d'autres moyens, d'autres politiques qu'il faut mettre en oeuvre pour faire face à la misère et au sous-développement.
    Sur ce plan, la France est en tête de ce combat. Je peux en témoigner et j'espère pouvoir le faire en d'autres circonstances en tant que responsable, au sein du Gouvernement, de l'aide au développement. Il n'y a pas de commune mesure entre les 6 000 à 8 000 droits d'asile accordés chaque année et les 2 millions de visas délivrés dans le même temps. Je le répète donc fermement, la question de l'immigration ne passe pas par celle de l'asile.
    Quant à l'inspiration sécuritaire, vous avez même dit « liberticide », il faut vraiment s'en tenir aux faits. Quels sont-ils ? Le ministère de l'intérieur se voit dessaisi, par ce texte, des attributions qui lui étaient confiées par la loi RESEDA votée en 1998 par la précédente majorité. Il va perdre la responsabilité des 30 000 dossiers par an de l'asile territorial. Je ne vois là rien qui caractérise la mainmise du ministère de l'intérieur sur le droit d'asile telle que vous l'avez décrite. C'est même exactement le contraire.
    Il est important toutefois que des relations de travail existent entre l'OFPRA et le ministère de l'intérieur. En pratique, une cellule de l'intérieur, placée cependant sous l'autorité du directeur de l'OFPRA, assurera la liaison quotidienne avec les préfectures et le ministère de l'intérieur, parce qu'il faut bien que les décisions qui sont prises par l'Office ou la commission de recours des réfugiés se traduisent dans la pratique.
    Enfin, vous avez évoqué les concepts de pays d'origine sûr ou d'asile interne qui, selon vous, risquent d'aboutir à la création de zones d'apartheid moderne. Je pense que certains mots sont un peu lourds et qu'il faut éviter de les employer dans n'importe quel contexte.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Surtout aujourd'hui !
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. En l'occurrence, c'est très excessif. Nous savons que la menace aujourd'hui a changé, que le monde ne se limite plus aux seuls affrontements prévus par les conventions internationales qui ont établi le droit de la guerre. Il nous faut prendre en compte ces nouvelles réalités et en tirer les conséquences sur notre droit d'asile, sur la façon de le concevoir et de le mettre en application.
    Vous demandez la suppression de la référence à l'asile interne dans le projet de loi. Mais si un demandeur d'asile peut avoir accès à une protection sur tout ou partie du territoire de son pays d'origine et qu'on n'a raisonnablement aucune raison de craindre qu'il risque d'y être persécuté ou exposé à une atteinte grave, l'OFPRA pourrait lui refuser le statut de réfugié. Je dis bien « pourrait » et non « devrait ». Ce qui veut dire qu'un examen au fond de la demande est bien prévu. La France, respectueuse de ses engagements internationaux, de sa tradition aussi, continuera, je le confirme, à défendre le droit fondamental à un examen au fond de chaque demande.
    La notion de pays d'origine sûr, dites-vous, remettrait en question l'effectivité du droit d'asile et serait contraire au préambule de la Constitution. Mais de quels pays parlons-nous vraiment ? Précisément de ceux où n'existe pas de risque sérieux de persécution. Cette notion de pays d'origine sûr renvoie à des pays stables, c'est-à-dire disposant de structures démocratiques, respectant les droits de l'homme, dans lesquels les persécutions ne sauraient être ni perpétrées, ni tolérées, ni laissées impunies. Pour autant, les demandeurs d'asile de ces pays auront néanmoins la garantie d'un examen au fond de leur demande. Il n'est pas question, par conséquent, de rejeter automatiquement une demande au motif qu'elle proviendrait d'un pays d'origine sûr.
    En définitive, monsieur Gerin, rien dans ce projet de loi ne caractérise le défaut d'humanité que vous avez voulu y déceler. La réforme qui vous est soumise est destinée avant tout à redonner sa portée à la tradition française d'accueil des opprimés. Redonner une force nouvelle au droit d'asile, c'est confirmer l'engagement de notre pays en faveur de cette défense des libertés.
    Au total, mesdames, messieurs les députés, je ne vois pas, dans les propos qui viennent d'être tenus dans la défense de sa question préalable par M. Gerin, d'argument qui puisse vous conduire à adopter cette question préalable. Je vous demande en conséquence de bien vouloir la rejeter.
    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Christian Vanneste.
    M. Christian Vanneste. Talleyrand disait : « Tout ce qui est excessif est insignifiant », et vous venez d'en donner une parfaite illustration, monsieur Gerin. A vous entendre, on se demande s'il s'agit de politique ou de psychologie, tant votre discours relève de la projection.
    M. André Gerin. Vous êtes blessé !
    M. Christian Vanneste. Ainsi, il est frappant que vous fassiez référence aux années trente, car cela révèle la grande différence qui existe entre vous et nous : nous, nous cherchons à nous adapter au monde moderne, alors que vous, vous continuez à projeter sur ce monde des ombres idéologiques fantasmatiques. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Comme le disait très bien le rapporteur, M. Leonetti, tout à l'heure, auparavant, les choses étaient évidentes.
    M. André Gerin. Vous êtes gêné !
    M. Christian Vanneste. Deux mondes coexistaient : un monde totalitaire et un monde de la liberté. Or, c'est ce dernier qui a réussi. La démocratie libérale est libre et riche. C'est pourquoi beaucoup souhaitent y vivre : à la fois pour être libres - c'est une raison d'ordre politique - et pour vivre mieux - c'est une raison d'ordre économique. C'est tout le problème auquel nous sommes confrontés actuellement. En effet, ceux qui par milliers fuyaient l'oppression communiste et choisissaient la liberté étaient manifestement des réfugiés politiques. Aujourd'hui, en revanche, ceux qui viennent chez nous sont originaires de pays pauvres et recherchent à la fois la richesse et la liberté. Ils sont donc tantôt des réfugiés politiques, tantôt des réfugiés économiques. Le projet de loi a tout simplement pour objet d'adapter notre législation à cette réalité.
    Or, vous projetez sur cette démarche des concepts excessifs. M. le ministre l'a relevé tout à l'heure, employer le mot « apartheid » le jour même où le Président de la République d'Afrique du Sud nous rend visite est particulièrement malvenu ! Mesurez vos expressions !
    M. Charles Cova. C'est choquant !
    M. André Gerin. Vous êtes blessé, car c'est la vérité ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Christian Vanneste. Nous ne sommes pas blessés, nous sommes navrés pour vous, monsieur Gerin. En général, nous tenons à vous exprimer notre amitié, mais là, vraiment, nous sommes déçus.
    Mme Muguette Jacquaint. Sur l'apartheid, nous n'avons pas de leçons à recevoir !
    M. le président. Madame Jacquaint, monsieur Gerin, laissez M. Vanneste s'exprimer !
    M. Christian Vanneste. Vous avez également employé le mot : « liberticide ». Mais, monsieur Gerin, tout le travail accompli aussi bien par la commission des lois de l'Assemblée que par le Sénat a consisté au contraire à renforcer la protection juridique des réfugiés. S'il est prévu que le ministère de l'intérieur ne contrôlera plus l'asile territorial comme c'était le cas auparavant, c'est précisément pour renforcer la liberté. Tout ce que vous avez dit était donc en contradiction avec le texte.
    Enfin, vous prétendez que ce projet de loi est expéditif.
    M. André Gerin. Oui.
    M. Christian Vanneste. Mais, encore une fois, c'est tout le contraire : il tend à accélérer les procédures, parce que la lenteur est aussi source de souffrance pour ceux qui attendent, c'est-à-dire les réfugiés eux-mêmes.
    Nous ne pouvons donc que rejeter votre question préalable en vous demandant encore une fois de réfléchir et d'ouvrir les yeux. Regardez la réalité autour de vous ! Elle a changé depuis quelques années, même si vous regrettez certains univers concentrationnaires qui, Dieu merci, ont disparu de ce monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je mets aux voix la question préalable.
    (La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Christian Vanneste.
    M. Christian Vanneste. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, trois idées me paraissent devoir déterminer la portée de ce projet de loi.
    Tout d'abord, dans un domaine où les discours les plus généreux entraînent souvent les situations les plus dramatiquement inhumaines, ce texte fait preuve de sincérité.
    Trop souvent, la demande d'asile conventionnel ou constitutionnel et, plus encore, l'asile territorial, ne font que masquer un désir d'immigration économique. La loi dite Chevènement s'est avérée désastreuse. Les dysfonctionnements furent nombreux. Surtout, cette législation déraisonnable a permis, à ce jour, une augmentation exponentielle des demandes, passées de 22 000 en 1998 à 83 000 en 2002. La problématique de l'asile participe aujourd'hui à la gestion des flux migratoires et non à la seule protection de l'intégrité physique des personnes. C'est là une dérive de la politique du précédent gouvernement à laquelle il était urgent de remédier.
    En supprimant l'asile territorial, le projet de loi soumis aujourd'hui à l'examen de l'Assemblée en deuxième lecture met fin à un dispositif doublement inefficace. En effet, l'asile territorial, trop lié à une situation particulière, était source de nombreuses demandes irrecevables et avait pour conséquence de surcharger l'administration sans apporter de véritable solution aux demandeurs.
    Ensuite, face à l'humanisme rhétorique, ce texte met en oeuvre ce qu'on pourrait appeler un humanisme réel. Celui-ci repose en particulier sur la réduction de la longueur du traitement des demandes, aujourd'hui de dix-huit mois en matière d'asile conventionnel et de vingt-deux mois pour l'asile territorial. Je me plais à souligner que, doté de moyens financiers et humains supplémentaires, l'OFPRA pourra travailler mieux aujourd'hui et demain, et la commission de recours des réfugiés, après-demain.
    De même, ce texte fait de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides un guichet unique - M. le rapporteur l'a indiqué tout à l'heure - garant d'une égalité plus grande entre les demandeurs.
    L'OFPRA se voit attribuer un nouveau rôle. Il sera désormais entièrement compétent pour tout ce qui concerne le droit d'asile. Il n'existera plus qu'une seule formalité à remplir pour demander l'asile en France. Le demandeur ne fera plus qu'une demande de statut de réfugié. Si ce dernier lui est refusé, l'administration se chargera de voir d'elle-même si le demandeur peut obtenir la protection subsidiaire. Un seul guichet pour une seule demande : c'est mettre un terme aux situations déshumanisantes et humiliantes des demandeurs démunis.
    L'Office devra aussi s'interroger - et c'est une donnée essentielle - sur l'auteur de la persécution pour apprécier la possibilité effective pour le demandeur de trouver une protection sur une partie de son territoire d'origine. Là encore, la reconnaissance et la définition des agents non étatiques des persécutions est un progrès dans la prise de conscience du monde tel qu'il est. Car, si de vastes systèmes totalitaires justifiant amplement l'asile politique ont aujourd'hui disparu, de très nombreuses régions du monde ont vu s'accroître l'insécurité, notamment dans des pays aux frontières incertaines, soumis à des autorités diverses et souvent rivales.
    Enfin, ce projet de loi établit un véritable équilibre entre l'expression légitime de la souveraineté nationale dans un domaine qui est le sien et la nécessaire harmonie entre les politiques européennes. Durant le débat sont apparues des tendances contradictoires. L'une d'elles consiste à brandir comme un sabre de bois l'une exception française qui ferait de la France la terre de l'asile sans limite. N'est-ce pas l'avis de M. Gerin ? L'autre tend à soumettre notre politique à la tutelle par trop étroite d'organismes extérieurs. Or, pour sa part, la commission des lois s'est refusée à ce qu'un lien direct soit établi entre la Commission des recours des réfugiés et un organisme international, en l'occurrence le Haut Commissariat des Nations unies.
    L'instauration de la protection subsidiaire, la notion d'asile interne et celle de pays d'origine sûr rapprochent considérablement notre dispositif de celui des autres Etats membres de l'Union européenne. Tel était, d'ailleurs, l'objet de la proposition de résolution sur la politique européenne d'asile qu'avait défendue notre collègue Thierry Mariani.
    Cette loi, je le répète, protégera avant tout les demandeurs d'asile de bonne foi. En effet, les nouvelles dispositions prévues par cette réforme permettront de séparer, rapidement et sans ambiguïté, le demandeur d'asile véritable de celui qui cherche à utiliser ce dispositif à des fins d'immigration économique.
    Pour conclure, je voudrais souligner les apports du Sénat à l'élaboration de ce texte. Nos collègues ont défini plus rigoureusement les pays sûrs. En retenant leur capacité à veiller au respect des principes d'un Etat de droit, ils ont tenu à accentuer ce que j'appelais tout à l'heure l'humanisme réel. Il ne suffit pas d'introduire les Droits de l'homme dans un texte constitutionnel, encore faut-il se donner les moyens de les appliquer concrètement. Par ailleurs, ils ont rappelé que la prise en compte du caractère sûr du pays d'origine ne peut faire obstacle à l'examen individuel de chaque demande.
    M. Serge Blisko. Heureusement que les sénateurs sont là !
    M. Christian Vanneste. Le Sénat a souhaité en outre entourer la procédure d'examen de la demande d'asile de garanties supplémentaires. Ainsi, il a posé le principe de la convocation du demandeur d'asile par l'OFPRA, assorti d'exceptions limitativement énumérées. Il a également précisé que les magistrats de l'ordre judiciaire appelés à présider les sections de jugement de la Commission des recours seront des magistrats du siège en activité ou des magistrats honoraires, afin de conforter l'indépendance de cette institution. Le Sénat a enfin tenu à distinguer, dans les motifs du refus d'octroi de la protection subsidiaire en raison du trouble porté à l'ordre public, la simple présence du réfugié et son activité. On ne saurait effectivement punir deux fois celui qui, ayant trouvé un refuge, serait poursuivi par ses persécuteurs ou leurs partisans, alors qu'il ne se livrerait lui-même à aucune activité politique.
    Le texte que nous allons voter ce soir est donc un texte équilibré qui règle un problème délicat et urgent. Au nom du groupe UMP, je vous demande de le soutenir avec vigueur, afin que cette réforme puisse transformer positivement notre droit d'asile. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme du droit d'asile, que nous examinons ce soir en deuxième lecture, confirme, hélas ! les craintes que j'avais exprimées au nom du groupe socialiste sur le devenir du droit d'asile en France.
    Ce texte sera vraisemblablement adopté ce soir. Ce sera alors tout l'édifice du droit d'asile - droit fondamental à valeur constitutionnelle, de portée universelle et imprescriptible - qui s'effondrera. Notre tradition ancienne d'accueil des réfugiés, indispensable, appartiendra à un passé glorieux, mais révolu. Car c'est l'essence même du droit d'asile qui est menacé par ce texte, en raison notamment de la place toujours plus importante que vous accordez au ministère de l'intérieur dans ce domaine.
    Lorsque nous parlons des réfugiés politiques, nous parlons de femmes et d'hommes victimes des malheurs du monde. Lorsque vous les évoquez, c'est en termes de chiffres, de rentabilité et de coût du traitement de la demande. Au nom de quoi peut-on oublier les persécutions, véritables tragédies humaines qui souvent touchent des familles entières, voire des peuples entiers, au profit de logiques d'efficacité comptable ? L'asile n'est pas une question technique : il s'agit du droit fondamental de la personne humaine à vivre en sécurité quand elle est menacée dans son pays d'origine.
    Vous avez invoqué, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, l'engorgement de l'OFPRA et la lenteur des procédures. Nul ne les nie. Mais la réponse est faussée. Si, pour vous, la question de l'asile ne relevait que d'un problème de chiffres, la réponse la plus adaptée aurait été d'attribuer des moyens humains et matériels supplémentaires. Vous dites l'avoir fait, mais vous craignez un engorgement début 2004, dû au fait que le ministère de l'intérieur passera la main s'agissant de la protection subsidiaire. Je vous rappelle que, en 1989, le gouvernement de Michel Rocard avait pu débloquer la situation assez vite en allouant des moyens supplémentaires à l'Office. Vous auriez donc pu résorber cet engorgement sans dommage pour le droit d'asile. Mais vous avez vu là un moyen supplémentaire de décourager les candidats à l'asile. Monsieur le ministre, ce n'est pas avec un projet de loi que vous réglerez les flux migratoires quand règnent, ailleurs, autant de misères et de conflits. Vous avez été nombreux, mes chers collègues, sur tous les bancs, à évoquer ce monde de conflits, de génocides, de menaces qui pèsent sur la vie de populations entières.
    Certes, monsieur le ministre, l'OFPRA travaille lentement, mais il parvient - et je tiens à mon tour à rendre hommage à son personnel - à faire la différence entre asile et immigration. Et le recours à la CRR permet de reconnaître les blessures de notre monde, de savoir, comme le disait Aragon, « là où notre siècle saigne ». Et notre siècle saigne beaucoup !
    La politique d'immigration est une chose, le droit d'asile en est une autre. La confusion voulue et entretenue entre immigrés irréguliers et demandeurs d'asile conduit à diaboliser ces derniers et à en faire des faux demandeurs. En suscitant cette suspicion envers les demandeurs « abusifs » - qu'il est nécessaire de renvoyer chez eux, sans doute -, vous faites de la question de l'asile un sous-ensemble de la politique migratoire et vous justifiez par là même la présence de plus en plus active du ministère de l'intérieur dans la procédure d'asile. Le directeur de l'OFPRA le dénonce aujourd'hui. Avec la nomination d'un préfet, vous ne pouvez plus dire le contraire. Quels arguments allez-vous nous opposer ?
    Voilà donc le retour de la thématique du fraudeur, chère au Gouvernement lorsqu'il s'agit d'expliquer ses ratés politiques. Après les faux chômeurs, les faux RMistes, les faux malades, c'est sur les faux demandeurs d'asile que l'on braque les projecteurs.
    Certes, nous observons une augmentation des demandes. Mais ce n'est pas une spécificité française. Non seulement la demande est en hausse dans notre pays comme dans d'autres, mais elle l'est beaucoup moins qu'au Royaume-Uni, en Suède ou en Autriche. En outre, si la demande est en hausse, l'acquisition du statut de réfugié, elle, est en forte baisse. Ainsi, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la France comptait 400 000 réfugiés politiques, dont une grande majorité de républicains espagnols et de réfugiés des pays d'Europe envahis par les nazis avant 1939. En 1986, ils n'étaient plus que 180 000. Aujourd'hui, ils sont 130 000, soit 0,5 % des 22 millions de réfugiés recensés dans le monde par le Haut Commissariat aux réfugiés, les deux tiers d'entre eux étant accueillis dans les pays du tiers-monde. Nous sommes donc loin du terrifiant afflux de réfugiés qui, selon le Gouvernement, déferleraient sur la France. A titre d'exemple, un pays très pauvre, la Tanzanie, accueille plus de réfugiés que les quinze Etats membres de l'Union européenne.
    Votre souci premier n'est pas d'apporter protection aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté, comme on le disait en 1793, mais de contrôler l'entrée d'un maximum d'entre eux sur notre territoire et de les renvoyer au plus vite chez eux. Pour ce faire, vous créez un ensemble de dispositions douteuses d'un point de vue constitutionnel, et vous laissez la plus large place au ministère de l'intérieur dans la procédure de l'asile.
    Je reviens sur ce qui nous sépare. La notion d'« asile interne » introduite par votre texte permettra de rejeter la demande formulée par une personne qui « aurait » - j'insiste sur ce conditionnel - accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine. J'ai amplement démontré, lors de la première lecture, ce qu'une telle formule pouvait avoir de spécieux.
    Cette notion d'asile interne est une monstruosité juridique, puisqu'elle permet de refuser l'accès à notre territoire à un individu dont on reconnaît pourtant qu'il est persécuté - c'est donc l'inverse de la Convention de Genève - et de le renvoyer dans des conditions qui ne sauraient être qu'acrobatiques - excusez-moi le terme, monsieur le rapporteur, mais nous en avons discuté en commission - dans une zone réputée plus tranquille de son pays d'origine. Cela sera extrêmement dangereux pour ces personnes - quand ce ne sera pas, dans bien des cas, nous le savons tous, techniquement inapplicable - et contribuera à vider l'asile de son sens littéral qui est : « protéger en accueillant sur notre sol ».
    Cet asile interne, qui sera en deçà de la protection que peut accorder un Etat, est totalement anticonstitutionnel, car il ne respecte ni la convention de Genève, que la France a ratifiée il y a plus de cinquante ans, ni le préambule de la Constitution de 1946, qui stipule que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République » et non pas « sur une partie du territoire de son pays d'origine réputée plus sûre ».
    Permettez-moi de citer cet exemple, que j'ai déjà évoqué : à Srebrenica, en 1995, des populations supposées en sécurité, car placées sous la protection des forces armées de l'ONU, ont pourtant été victimes de massacres perpétrés sous les yeux mêmes des casques bleus.
    La mise en oeuvre de la notion d'asile interne nous engage sur un terrain dangereux, puisqu'elle va générer inévitablement des zones « ethniquement pures », ce que l'on a appelé la « cantonisation » dans les années 1990 à propos de l'ex-Yougoslavie.
    La France va-t-elle cautionner de telles situations ? Alors qu'à l'intérieur de nos frontières nous nous élevons tous, je crois, à juste titre, contre les effets pernicieux des replis communautaires, allons-nous créer dans ces pays des cantons communautaires à caractère ethnico-religieux ?
    Votre texte propose une autre novation dangereuse, avec la notion de « pays d'origine sûr », dont l'OFPRA aura à dresser la liste. Cette création, introduite par l'article 2 du projet du loi, est parfaitement étrangère à notre droit. La France devra, pour la mettre en oeuvre, prendre en compte des données de politique étrangère dont elle n'aura pas la maîtrise.
    Il s'agira de créer des catégories difficilement gérables sur le plan diplomatique, monsieur le ministre, compte tenu de l'instabilité politique de certains pays. On ne voit pas comment la France pourra expliquer à des pays avec lesquels nous entretenons des relations diplomatiques et commerciales importantes, où vit une communauté française expatriée, qu'ils sont considérés comme des pays non sûrs ? Elle sera obligée de leur reconnaître le caractère de pays sûr, et nous mettrons ainsi la vie de personnes persécutées dans ces pays en danger, dans une parfaite mauvaise conscience.
    Laisser à l'OFPRA la responsabilité de dresser cette liste placerait cette autorité administrative dans une situation ambiguë et contraire à l'esprit de son statut. Etre à la fois juge et partie mettrait l'office dans une situation dangereuse et propice à l'exposer à de multiples pressions politiques et diplomatiques. Il est clair que cela générerait des difficultés qui risqueraient de contrarier le bon fonctionnement de cet organisme.
    Par ailleurs, en introduisant le caractère « sûr » ou pas du pays dont est originaire le demandeur d'asile, vous méconnaissez totalement le caractère individuel et personnel du droit d'asile et vous rompez le principe d'égalité entre demandeurs, car un pays peut être sûr pour l'un et pas pour l'autre dans la même situation. Je ne veux pas entrer dans les détails à cette heure-ci, mais nous avons tous des exemples à l'esprit.
    Prenons le cas d'un Tchétchène. Les autorités en place sont-elles capables d'offrir une protection sur une autre partie du pays d'origine ? D'ailleurs, qu'est le pays, dans ce cas ? Est-ce la Russie ou la Tchétchénie ? Quelle est, en droit international, l'existence de la République de Tchétchénie ? Elle n'existe virtuellement pas. C'est une zone de combat. Le Tchétchène a un passeport russe quand il arrive en France. Nous accordons donc le droit d'asile à des Russes en fermant les yeux sur cette réalité pour les considérer seulement comme des Tchétchènes.
    Cela conforte les propos que j'ai tenus sur la notion de pays sûr. Allons-nous expliquer à M. Poutine que nous ne pouvons pas être tout à fait d'accord avec sa politique en Tchétchénie ? Que pèsent les 150 000 Tchétchènes par rapport aux énormes enjeux diplomatiques, commerciaux, de politique extérieure que nous avons avec la Russie ? C'est pourquoi je plaide pour la poursuite d'un traitement individualisé, personnel de chaque demandeur d'asile.
    Je crains, monsieur le ministre, que ces trois mots : « pays d'origine sûrs », n'entraînent beaucoup de complications et bien des malheurs.
    J'en viens à une disposition qui nous afflige particulièrement : la communication au ministère de l'intérieur des documents relatifs à toutes les personnes dont les demandes auront été rejetées. Quelle dérive ! Il a été question tout à l'heure des archives et il est évident qu'elles peuvent, sous certaines conditions de confidentialité, être entreposées ailleurs qu'à Aubervilliers, mais la communication de documents récents au ministère de l'intérieur nous paraît grave. Cette mesure laisse apparaître la philosophie de votre texte.
    En dehors de la magistrale démonstration de la mainmise de la place Beauvau sur le droit d'asile que cela constitue, vous confondez, une fois de plus, droit d'asile et immigration, question relevant effectivement du ministère de l'intérieur, mais aussi du ministère des affaires sociales. Cette disposition nouvelle, plutôt effrayante, va à l'encontre de la décision du 22 avril 1997 du Conseil constitutionnel qui avait affirmé la « confidentialité des éléments d'information détenus par l'OFPRA relatifs à la personne sollicitant en France la qualité de réfugié » et avait confirmé que cette confidentialité revêtait le caractère d'« une garantie essentielle du droit d'asile, principe de valeur constitutionnelle qui implique notamment que les demandeurs du statut de réfugié bénéficient d'une protection particulière ».
    Vous affirmez également vouloir harmoniser notre droit d'asile avec les normes européennes, en particulier pour le mettre en conformité avec le traité d'Amsterdam. Mais de quelles normes s'agit-il ? Les seules que nous connaissons, en effet, ne sont qu'à l'état de projets car elle n'ont pas encore été adoptées. Il n'y a donc aucun fondement, aucune urgence à la transposition de directives qui n'existent pas ! Devancer ainsi l'appel, alors que la France ne se donne pas les moyens d'appliquer certaines directives en vigueur démontre que vous agitez vos vieilles peurs pernicieuses et obsolètes de l'étranger dans l'espoir d'orienter nos voisins vers un durcissement de la politique de l'asile. En fait, la France est en avance et fait pression sur ses voisins pour imposer un durcissement de la réglementation.
    Je termine en évoquant un aspect qui a été peu évoqué en première lecture et je le regrette : les oubliés du droit d'asile. Il s'agit des mineurs isolés, souvent victimes de réseaux mafieux qui les exploitent. Nous aurions souhaité que soit créée, au sein de l'OFPRA, une section particulière, comme l'appelle de ses voeux depuis plusieurs années l'association France terre d'asile. Nous ne disposons en effet d'aucun outil sérieux pour comptabiliser ces enfants. Il existe même des disparités criantes entre les chiffres du parquet de Paris, 1 400, ceux de l'aide sociale à l'enfance, 1 350 et ceux fournis par Roissy, un millier. Les mineurs n'ont pas la même capacité que les adultes à formuler leurs récits ; il faut les protéger, les aider à s'intégrer dans notre société. Nous avions émis cette proposition lors de la première lecture ; vous l'aviez alors rejetée.
    En conclusion, je me pose la même question que mon collègue le sénateur Louis Mermaz : que reste-t'il du discours français sur les droits de l'homme ?
    Monsieur le ministre, dans les années trente, les politiques restrictives que notre pays avait mises en place par malthusianisme, déjà sous la pression de l'extrême droite, nous ont conduits à refuser d'accueillir des dizaines de milliers d'Allemands ou d'Autrichiens fuyant le nazisme.
    La plupart, partis en Angleterre ou aux Etats-Unis, ont contribué de façon décisive à l'essor scientifique et médical de ces pays. Sait-on par exemple qu'un quart des prix Nobel américains sont des réfugiés venus de ces pays ? Beaucoup ont regretté, parce qu'ils étaient plus proches de la France spirituellement et philosophiquement, de n'avoir pas été alors accueillis en France. Pire encore, le régime de Vichy a persécuté les citoyens allemands et autrichiens antinazis et les a remis aux nazis, comme le relate Anne Seghers dans son beau roman Transit. Ce mot évoque d'ailleurs une réalité plus proche de nous, celle des zones de transit, véritables Sangatte qui fleurissent aux portes de l'Europe.
    Pourtant, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le souvenir brûlant de ces épisodes peu glorieux avait fait mûrir dans notre pays la volonté, chère à René Cassin, de devenir exemplaire dans ce domaine. On n'est jamais assez exemplaire, mais nous avions réussi, avec la transposition dans notre droit de la Convention de Genève au début des années cinquante, à rester ce phare de la liberté. Je regrette que, aujourd'hui, les droits de l'homme soient remplacés par une espèce d'obsession de la chasse aux fraudeurs.
    La Révolution française a donné, en 1793, son assise constitutionnelle au droit d'asile, principe maintes fois réaffirmé. Aujourd'hui avec votre réforme, nous passons d'un droit positif à un droit négatif qui cherche à empêcher que des gens persécutés arrivent à entrer dans notre pays. Dehors, les combattants de la liberté, les miséreux, les oubliés, les exilés ! La France se protège contre votre arrivée.
    J'en suis vraiment désolé, car le débat a souvent été de qualité, mais, avec ce texte, vous bafouez les principes de base du droit à la protection, vous donnez la priorité à l'expulsion ; vous oubliez l'histoire de notre France, berceau des droits de l'homme. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.
    M. Philippe Folliot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, patrie des droits de l'homme, la France reconnaît depuis de nombreuses années - je dirai presque depuis toujours - le principe inscrit dans l'article 14 de la déclaration universelle des droits de l'homme, selon lequel toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile pour fuir la persécution. Elle l'a toujours fidèlement respecté.
    S'il ne saurait être question de remettre en cause cette notion, les chiffres de ces dernières années ont mis en lumière la nécessité de remédier aux problèmes qui pouvaient survenir à l'occasion des demandes d'asile. Nombre des procédures, engorgement de l'instruction des demandes, délais de traitement scandaleusement longs, toutes ces faiblesses administratives ont révélé les carences de notre système et dénaturé la tradition d'accueil dont la France peut s'enorgueillir.
    Aussi le fait que le Gouvernement propose un projet de loi visant à simplifier les procédures afin de réduire les délais de traitement et tendant à mettre notre droit en conformité avec les démarches administratives constitue-t-il une avancée majeure dont nous ne pouvons que nous féliciter. Nous soutenons bien sûr tout ce qui a vocation à simplifier les démarches administratives, tant il est vrai que notre pays souffre bien souvent de lourdeurs en la matière. Redonner au droit d'asile ses lettres de noblesse paraît être le minimum que l'on puisse faire au regard des situations difficiles dans lesquelles se trouvent bien des demandeurs. Le guichet unique et les nouvelles compétences données à l'OFPRA permettront de réduire les délais de traitement des procédures. Les chiffres communiqués, qui font état de délais en moyenne supérieurs à une année, montrent que la France n'était pas en mesure de remplir la tâche qui lui incombait de manière honorable. Humainement et socialement, cela était intolérable.
    En outre, l'extension du champ d'application du droit d'asile aux menaces d'origine non étatiques nous paraît être une mesure plus que nécessaire. La multiplication des conflits ethniques ou religieux a souligné le caractère protéiforme des menaces et, par conséquent, la nécessité d'adapter notre législation. Nous ne pouvions faire l'économie d'une telle disposition, et l'ensemble de la représentation nationale s'en félicite.
    Il convient encore de souligner la simplification et l'unification des procédures. Ainsi l'asile territorial sera remplacé par la protection subsidiaire qui permettra à une personne ne répondant pas aux critères prévus par la convention de Genève de bénéficier d'un statut particulier. Cela témoigne de la volonté du Gouvernement de ne pas réduire pour autant la possibilité d'accueillir les personnes victimes de persécutions dans leur pays.
    Ainsi que l'a très bien souligné notre collègue de l'Union centriste au Sénat M. Vanlerenberghe, il faudra veiller à ce que cette procédure ne soit pas détournée et utilisée à mauvais escient par des étrangers dont l'immigration n'aurait qu'un but économique. La différence entre la notion de droit d'asile et celle d'immigration clandestine, comme cela a été souligné par différents orateurs, est quelque chose d'important, car la seconde nuit fortement à la première. Il était donc essentiel de profiter de ce texte pour rétablir un certain équilibre et améliorer la protection des demandeurs d'asile. Lors de la première lecture, le groupe UDF avait d'ailleurs déposé des amendements tendant à la renforcer.
    Nous proposions d'associer étroitement le HCR aux ministères des affaires étrangères et de l'intérieur pour élaborer la liste des pays d'origine sûrs, d'élargir la définition de la protection subsidiaire, et de restreindre celle de l'asile interne. Nous souhaitions également aller plus en avant dans la simplification des procédures en proposant un document provisoire unique de séjour. En effet, il nous paraissait important que les compétences inestimables du CHR puissent être utilisées.
    Je ne me lancerai pas dans un long plaidoyer en faveur du haut commissariat aux réfugiés, mais il me semble utile de vous communiquer un chiffre qui montre à quel point sa présence dans le dispositif est plus que légitime : installé dans 182 pays, sa connaissance en fait l'expert incontournable de la situation géopolitique à travers le monde.
    La rédaction du projet de loi, en particulier l'article relatif à la commission de recours des réfugiés, n'exclut pas le HCR qui aura la possibilité de nommer une personnalité qualifiée de nationalité française.
    S'agissant de cette commission de recours, je souhaite d'ailleurs appeler votre attention sur la possibilité de statuer par ordonnance sur les affaires ne présentant aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision de l'OFPRA. Cette disposition a d'ailleurs fait l'objet d'un amendement qui a été examiné en commission. Selon certaines estimations, en effet, jusqu'à 30 % des recours pourraient être traités sans examen par la formation collégiale. Or la simplification et la rapidité de traitement des dossiers ne doivent pas être opérées au détriment du respect des droits fondamentaux.
    Même si cette possibilité ne remet pas directement en cause ce droit de recours, la complexité grandissante et le renforcement du contrôle par le ministère de l'intérieur vont nécessiter un examen collégial dans de nombreux cas. La collégialité demeure dès lors la garantie d'une étude approfondie du dossier. En la matière, les affaires dites simples ne sont pas nécessairement moins complexes que d'autres.
    La commission a pourtant rejeté ces amendements qui n'auraient pas remis en cause l'économie générale du texte et qui auraient donné l'image d'une procédure que personne n'aurait pu critiquer. Inversement le dispositif prévoyant la possibilité de statuer par ordonnance offre la possibilité de voir ce texte remis en cause par ses détracteurs éventuels.
    Je tiens enfin à aborder un autre aspect essentiel du texte qui concerne l'harmonisation de notre droit avec les directives européennes, montrant son importance au regard de la législation européenne.
    En effet, les Quinze s'apprêtent à adopter une décision du Conseil relative à l'organisation de vols communs pour l'éloignement, à partir du territoire de deux Etats membres ou plus, de ressortissants de pays tiers faisant l'objet de mesures d'éloignement. Lors du Conseil justice et affaires intérieures, le comité mixte au niveau ministériel a donné son feu vert à l'application de ces dispositions. Il est intéressant de souligner que les organes compétents du Conseil sont parvenus à un accord aussi bien sur le texte que sur les annexes qui contiennent des précisions très détaillées sur les mesures de sécurité à prendre, lesquelles doivent respecter les principes humanitaires.
    A titre d'exemple, les mesures de coercition prévues en cas de refus ne doivent pas compromettre ou menacer la capacité de la personne renvoyée à respirer normalement. Des précisions sont apportées sur la position exacte que doivent adopter les personnes renvoyées.
    Enfin, l'Union européenne a décidé de poursuivre son combat en matière d'abus dans le droit d'asile, afin d'améliorer son efficacité tout en respectant la convention de Genève et la tradition humanitaire des Etats membres. Dans ce but, lors du conseil européen de Bruxelles des 16 et 17 octobre, les chefs d'État et de gouvernement avaient insisté pour que le conseil achève sans attendre ses travaux sur une proposition de directive, de manière à respecter le délai fixé à la fin de 2003 par les conseils européens de Séville et de Thessalonique. Cette proposition de directive examinée par le conseil JAI concerne les normes minimales communes relatives à la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié. Un accord avait été trouvé, notamment pour ce qui concerne la rétention des demandeurs d'asile et la procédure à suivre en cas de retrait implicite de la demande d'asile ou de la renonciation implicite à celle-ci.
    En outre, le conseil a examiné la question des pays tiers sûrs, sans toutefois prendre de décision sur l'établissement d'une liste au niveau européen, ni sur les procédures à adopter aux frontières quand un candidat au statut de réfugié est entré sur le territoire d'un Etat membre via un de ces pays sûrs. Tout cela montre l'importance d'une harmonisation européenne de la législation relative au droit d'asile.
    Le respect de la tradition française ne peut passer que par une législation commune, réprimant les abus et accueillant seulement les personnes en réelle difficulté.
    Cette préoccupation européenne se traduit également par la création, par la Commission, d'une agence européenne de gestion et de coopération opérationnelle aux frontières extérieures de l'Union. Cette structure communautaire permanente assistera les Etats membres dans la mise en oeuvre de la législation communautaire relative au contrôle et à la surveillance de ces frontières ainsi qu'au retour de ressortissants de pays tiers. Néanmoins, elle ne jouera aucun rôle dans l'élaboration des politiques ; elle ne formulera pas de proposition législative et n'exercera pas de compétences d'exécution.
    La politique communautaire vise à mettre en place une gestion intégrée, permettant de garantir un niveau élevé et uniforme de contrôle des personnes et de surveillance aux frontières extérieures, comme condition préalable à la création d'un espace de liberté, de sécurité et de justice.
    Tout cela suppose que l'on édicte des mesures fixant les normes et modalités auxquelles doivent se conformer les Etats membres pour effectuer ces contrôles. Cela implique également que la France se donne les moyens législatifs de pouvoir intégrer ces notions dans notre droit dans le cadre de l'harmonisation législative européenne.
    Monsieur le ministre, ce texte est un bon texte. Il va dans le bon sens.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Très bien !
    M. Serge Blisko. Aïe !
    M. Philippe Folliot. Il respecte des principes fondamentaux de notre société et conserve à notre pays sa vocation de terre d'accueil, de terre d'asile, tout en corrigeant les excès que nous avons pu constater et qui ont pour conséquence de mettre les demandeurs d'asile dans une situation qu'ils ne méritent pas parce qu'ils sont alors assimilés à ceux qui viennent dans notre pays uniquement pour des raisons économiques.
    En fonction de ces éléments, le groupe UDF et apparentés vous apportera son soutien et votera ce texte.
    M. Christian Vanneste. Très bien !
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le droit d'asile est autant un droit pour chaque personne qu'un devoir pour chaque Etat. En effet, un Etat qui fonde son existence sur la protection des droits de l'homme ne peut qu'inscrire le droit d'asile dans sa Constitution. C'est ce que la France a fait, et ce depuis 1793. Et combien de fois la Constitution et les droits de l'homme n'ont-ils pas été rappelés ici même, cet après-midi, par le président de l'Afrique du Sud !
    J'ai écouté l'intervention de M. Vanneste. La France est un pays moderne, une société riche, a-t-il dit. Mais une société moderne peut-elle cultiver l'individualisme et se fonder sur la seule compétitivité économique ? Dans ces conditions, le repli sur soi est inévitable. Alors que le monde et l'espace européen ouvrent leurs frontières, les pays formant la Communauté européenne ferment les leurs afin que les pauvres venus des pays du Sud n'attentent pas à leurs droits économiques et sociaux.
    Oui, un pays moderne comme la France, monsieur le ministre, a un devoir de solidarité et d'hospitalité envers des femmes et des hommes persécutés dans leurs pays. Jusqu'à présent, elle exerçait ce devoir avec générosité. Cela doit continuer. Les causes de persécutions, imprévisibles, toujours présentes et sans cesse renaissantes, ne sont pas près de disparaître en dépit des efforts déployés par la communauté internationale pour y apporter des solutions durables. Nous le constatons tous les jours : les tensions internationales se succèdent et prennent des formes diverses. Tant qu'elles n'auront pas disparu, la solidarité internationale restera nécessaire et les démocraties devront continuer à accueillir provisoirement chez elles ceux qui luttent partout ailleurs pour le respect des droits de l'homme.
    M. Serge Blisko. Très juste.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Oui.
    Mme Muguette Jacquaint. La solidarité ne se limite donc pas à un pays envers des peuples opprimés. Elle doit également jouer au niveau international, entre Etats.
    La convention de Genève traduit ainsi cette exigence de solidarité internationale : lorsqu'un Etat se trouve incapable d'assurer la protection de ses ressortissants face à la persécution, les autres Etats s'engagent à leur accorder une protection de substitution.
    La loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile s'inscrit donc dans cet esprit, mais avec une définition plus restrictive de la qualité de réfugié que la convention de Genève. En effet, la convention, dans son article 1er, ne précise pas de qui doivent émaner les persécutions, et définit le réfugié comme celui qui ne peut pas, ou ne veut pas, se réclamer de la protection de son pays d'origine. Mais, avec le présent projet de loi, ce n'est pas tant une définition restrictive du réfugié qui nous est proposée, c'est surtout une restriction du droit d'asile dans son ensemble. Asile interne, protection subsidiaire au rabais, notion de pays d'origine sûr, recours devant la commission de recours des réfugiés réduits à leur plus simple expression, tout est fait pour repousser le plus grand nombre possible de demandeurs d'asile dès leur arrivée sur le territoire, ou pour ensuite rejeter leur demande de statut de réfugiés.
    A première vue, ce projet apparaît contraire à la décision du Conseil constitutionnel du 13 août 1993. J'en rappelle le principe essentiel relatif au droit d'asile : le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel renvoie le préambule de la Constitution de 1958, dispose, dans son quatrième alinéa, que : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République. » Si certaines garanties attachées à ce droit ont été prévues par des conventions internationales, introduites en droit interne, il incombe au législateur d'assurer, en toutes circonstances, l'ensemble des garanties légales que comporte cette exigence constitutionnelle. S'agissant d'un droit fondamental, dont la reconnaissance détermine l'exercice par les personnes concernées des libertés et droits reconnus de façon générale aux étrangers résidant sur le territoire par la Constitution, la loi ne peut en réglementer les conditions qu'en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec d'autres règles de valeur constitutionnelle.
    Dans ces conditions, expliquez-nous, monsieur le ministre, comment les notions d'asile interne et de pays d'origine sûr et la redéfinition des autorités de protection rendent le droit d'asile plus effectif ? Vous avez déjà en partie répondu au sujet de l'asile interne mais votre réponse ne nous satisfait pas. Comment pouvez-vous affirmer que le fait de pouvoir rejeter une demande d'asile - ou, en tout cas, de se dispenser d'auditionner le demandeur, ce qui revient au même - au seul motif que les éléments fournis à l'appui de cette demande sont « manifestement infondés », ne porte pas atteinte au droit d'asile ? Nous ne pouvons accepter la négation d'un droit, pourtant fondamental, de la personne, l'ultime droit de l'homme qui est exercé lorsque tous les autres ont disparu. La solidarité nationale et internationale doit jouer pleinement en la matière.
    Pourtant, nous ne pouvons que constater en matière d'accueil des réfugiés un recul des mécanismes de solidarité entre les pays. En effet, les règles qui déterminent l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile encouragent chaque État membre à renvoyer à ses voisins le maximum de demandeurs d'asile. Parallèlement, les efforts de la communauté internationle tendent depuis peu à maintenir les réfugiés chez eux ou, tout du moins, près de chez eux. L'esprit qui anime les politiques d'asile de la communauté internationale, ou plutôt des pays industrialisés et riches, est de se protéger des réfugiés par le biais de solutions pour le moins contestables. Comment ne pas s'inquiéter alors de ce que, suite au sommet de Thessalonique en juin dernier, les Quinze aient été prêts à adopter une proposition de M. Tony Blair prévoyant l'externalisation de l'asile ?
    M. Serge Blisko. C'est effrayant !
    M. André Gerin. De l'apartheid !
    Mme Muguette Jacquaint. Certes, le projet a été abandonné. Pour l'instant ! Mais il existe déjà des « zones de protection régionale » au plus près des pays de départ, où les candidats au droit d'asile seront accueillis et protégés. Le protectionnisme aujourd'hui n'est plus économique : les capitaux et les marchandises circulent librement, alors que la libre circulation des hommes pose un problème. En matière d'asile, le maître mot est donc devenu « protection ».
    Les événements du 11 septembre n'y sont d'ailleurs pas complètement étrangers. Ils ont en tout cas conforté l'approche sécuritaire des politiques d'asile.
    M. Serge Blisko. Bien sûr !
    Mme Muguette Jacquaint. Celles-ci oscillent traditionnellement entre deux pôles : le premier privilégie les droits de l'homme et s'attache au respect du droit fondamental qu'est l'asile ; le second privilégie le droit souverain de l'État d'admettre sur son territoire qui il veut, en fonction de considérations diplomatiques ou d'ordre public.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. C'est vrai !
    Mme Muguette Jacquaint. Les événements du 11 septembre ont remis au premier plan les préoccupations sécuritaires des États et leur contrepartie, à savoir un affaiblissement des droits de l'homme, comme nous pouvons le constater avec le présent projet de loi. En effet, ce texte illustre parfaitement les propos que je viens de tenir et nourrit donc nos craintes.
    Je pense tout d'abord à la notion d'asile interne. Nous l'avons déjà dénoncée lors de la première lecture et mon collègue André Gerin vient de le faire à nouveau. Mais je ne désespère pas de vous convaincre du danger de l'inscrire dans notre droit. En effet, cette notion se définit par la protection dont une personne pourrait bénéficier sur une partie du territoire de son pays d'origine si elle n'a aucune raison de craindre d'y être persécutée, ou d'y être exposée à une atteinte grave, et s'il est raisonnable d'estimer qu'elle peut rester dans cette partie du territoire.
    Une telle approche est terrible et constitue une véritable menace de mort pour des milliers de personnes. Si une personne se trouve dans une région de son pays qui n'est pas sûre, elle est en péril. Si elle cherche à se rendre dans une partie sûre de son pays, au lieu de s'enfuir à l'étranger, elle risque d'être encore plus exposée ! N'y a-t-il pas un danger supplémentaire à la contraindre à trouver une zone de protection ? Et même, si elle parvient à se rendre dans une région sûre, qui peut garantir l'absence de toute menace ?
    Cette notion, cela ne peut vous échapper, sera très difficile à appliquer. Ce qui est d'autant plus incompréhensible, c'est qu'elle est contraire à l'article 1er A, deuxième alinéa, de la convention de Genève, qui vise le pays tout entier où l'un de ses ressortissants craint d'être persécuté et non une de ses parties.
    L'extension des autorités susceptibles d'offrir une protection et l'introduction de la notion d'asile interne n'ont d'autre objectif que de refuser l'asile au plus grand nombre de demandeurs. Nous nous opposons à cette logique et avons donc de nouveau déposé des amendements tendant à redéfinir ou à supprimer cette notion.
    Quant à celle de « pays d'origine sûr », elle ne peut que nous alarmer, surtout lorsque l'on sait que ce sera à l'OFPRA de déterminer la liste de ces pays.
    Trois remarques rapides à ce propos.
    Premièrement, cette notion est contraire au principe de non-discrimination inscrit à l'article 3 de la convention de Genève, selon lequel « les Etats contractants appliqueront les dispositions de cette convention aux réfugiés sans discrimination quant à la race, la religion ou le pays d'origine ». Cette disposition est claire. Je m'étonne que vous n'ayez pas remarqué sa contradiction avec la notion de « pays d'origine sûr ».
    Deuxièmement, se voyant confier la mission de dresser la liste des pays sûrs, l'OFPRA se trouverait dans une situation contradictoire et deviendrait, à coup sûr, l'enjeu de pressions diplomatiques et politiques. Troisièmement, on peut se demander selon quels critères s'établira cette liste.
    Ce ne sont, pour l'instant, que des interrogations virtuelles. Mais la réalité rattrapera vite l'OFPRA, qui devra trancher et prendre une décision. A cet égard, nous ne pouvons que nous inquiéter de la mise sous tutelle de l'office par le ministère de l'intérieur, qui aura, de ce fait, également connaissance des décisions de rejet du statut de réfugié.
    La volonté du Gouvernement de réduire les délais d'instruction des demandes d'asile se fonde, en réalité, sur une restriction du droit d'asile et des droits des demandeurs. Ne nous méprenons pas, ces restrictions vont accroître la précarité, déjà grande, des demandeurs en attente d'un statut de réfugié. Vous le savez, ceux-ci seront encore davantage conduits à travailler dans la clandestinité pour des employeurs peu regardants mais désormais protégés par la nouvelle loi sur l'immigration.
    Nous pourrions nous rassurer en nous disant que les associations de défense des étrangers sont là pour les aider. Mais, quand on connaît les difficultés financières auxquelles elles sont confrontées du fait des coupes drastiques opérées dans les budgets sociaux et des retards dans le versement des subventions, on ne peut que s'inquiéter pour la diffusion d'informations à destination des étrangers. Quant à l'aide et à l'accueil que ces associations sont en droit de leur offrir, le pire est à craindre, puisqu'elles seront désormais suspectées de délit de solidarité. Nous aimerions d'ailleurs connaître votre position à ce sujet, monsieur le ministre : ces associations ont-elles encore un avenir ? Pourront-elles encore exercer leur activité ?
    Si j'insiste sur ce point, c'est que leurs missions participent à cette fameuse intégration dont vous nous avez longuement parlé durant la discussion sur le projet de loi relatif à l'immigration. Par contre, le silence gouvernemental est total sur le contrat d'intégration qui était présenté comme la contrepartie de ces deux textes.
    En conclusion, je tiens simplement à réaffirmer notre position sur l'amalgame qui est fait entre asile et immigration. La volonté de contrôler les flux migratoires ne devraient jamais permettre une remise en cause aussi profonde du droit fondamental qu'est l'asile. La France doit conserver sa tradition républicaine d'accueil, d'hospitalité et de protection des personnes dont la vie est en péril, uniquement pour avoir voulu défendre la liberté.
    M. André Gerin et M. Serge Blisko. Très bien !
    M. le président. La parole est à  M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Monsieur le ministre, je regrette une fois de plus que le ministre des affaires étrangères ne soit pas à vos côtés pour nous répondre sur un sujet aussi emblématique que celui du droit d'asile.
    Le 10 octobre dernier, le Conseil d'Eglises chrétiennes en France écrivait à M. le Premier ministre pour exprimer sa vive préoccupation pour l'avenir de l'asile en France. Les signataires écrivaient : « Nous craignons que le projet de loi ne vienne durcir les conditions de reconnaissance de la qualité de réfugié en introduisant des notions restrictives telles que "pays sûr ou "zones internes de sécurité. Le recours à ces notions nouvelles en droit français est-il conforme à notre tradition de l'asile ? »
    Ils se posaient également la question de l'asile territorial en écrivant : « Si l'asile territorial est confondu avec l'asile politique, les demandeurs dits "territoriaux, essentiellement des Algériens, se trouveront sans statut dès janvier 2004, au moment où la legislation en cours de discussion deviendra effective. »
    Cette lettre était signé par Monseigneur Ricard, président de la Conférence des évêques de France, par le pasteur de Clermont, président de la Fédération protestante de France et par Monseigneur Emmanuel, président de l'Assemblée des évêques orthodoxes de France. Elle n'a reçu aucune réponse, ni de M. le Premier ministre, ni de M. le ministre des affaires étrangères. Pourquoi ?
    Le projet de loi réformant le droit d'asile que nous examinons à nouveau aujourd'hui est nécessaire - je le reconnais - et ambitionne de traiter plus rapidement les demandes d'asile. Il mérite cependant d'être encore amélioré. Et je regrette que, pendant son examen, en deuxième lecture, en particulier à la commission des lois de l'Assemblée nationale, il ait été fait si peu de cas de propositions d'amendements parlementaires.
    Trois sujets posent, me semble-t-il, problème.
    Premier sujet : le droit à la vie familiale en matière d'asile n'est toujours pas inscrit spécifiquement dans la loi. Pourquoi laisser aux juges la liberté d'apprécier le droit d'un réfugié de pouvoir vivre avec sa famille, son conjoint, ses enfants ?
    Aujourd'hui, la jurisprudence de la Commission des recours et celle du Conseil d'Etat ont consacré le principe de l'unité de famille et reconnu que le principe de la protection s'étend à la personne de même nationalité qui est unie par le mariage ou qui a une liaison suffisamment stable et continue pour former avec lui une famille.
    Cette protection doit aussi bénéficier aux enfants mineurs du demandeur, ainsi qu'aux mineurs placés sous tutelle ou adoptés. Il me semble, monsieur le ministre, qu'il convient au minimum d'inscrire dans la loi que le principe de protection s'étend à ces catégories de personnes. Si j'insiste, c'est que, malheureusement, nous avons connu une mauvaise expérience avec les ascendants. Rappelez-vous : la Commission de recours des réfugiés avait pendant des années inclu les ascendants du demandeur dans le principe de l'unité de famille, avant que le Conseil d'Etat ne décide récemment le contraire. Voilà pourquoi il est très important d'inclure dans la loi ces catégories, afin qu'un jour elles ne risquent pas d'être exclues de la protection.
    Il y a donc lieu aussi, dans certains cas je l'admets, d'étendre cette protection aux ascendants. Comment, effectivement, laisser derrière soi une mère ou un père âgé qui resterait seul et pourrait subir les conséquences du départ de son enfant ?
    Deuxième sujet : la possibilité de statuer par ordonnances pour examiner les recours présentés en Commission des recours des réfugiés est considérablement élargie. Non seulement cette disposition est étendue aux présidents de sections mais le projet de loi justifie le traitement par ordonnance de certains dossiers, non plus seulement pour des raisons de forme ou de recevabilité, mais de fond. Ne seront pas examinés collégialement les dossiers qui n'apportent pas « d'élément sérieux susceptible de remettre en cause les motifs de la décision du directeur de l'Office ». Il s'agit d'une nouveauté radicale dans le traitement des recours devant la CRR.
    Certes - j'en conviens - il faut réduire les délais d'examen. Mais le recours est une procédure de plein contentieux dont il faut respecter l'esprit et les règles - et en particulier les droits de la défense.
    De plus en plus souvent, des décisions sur le fond ne seront plus rendues par une formation collégiale, ce qui est une garantie essentielle dans la tradition française du contrôle juridictionnel, mais par une seule personne. Bien que la procédure soit écrite, les déclarations orales sont essentielles à l'audience, car elles permettent à la formation de jugement d'apprécier la crédibilité et le bien-fondé, ainsi que la sincérité des informations fournies par le requérant.
    M. le président. Il faut conclure, monsieur Pinte.
    M. Etienne Pinte. Même si des efforts sont effectués dans ce domaine, de nombreux demandeurs ne sont pas entendus oralement.
    L'expérience a montré que beaucoup de dossiers dits « vides », qui ont valu aux requérants le rejet par l'OFPRA, ont connu un « renflouement miraculeux » devant la CRR grâce à l'audition du demandeur ou à la présence d'un avocat. L'importance de l'audience est telle qu'il est extrêmement rare que des décisions d'annulation soient prises en l'absence du requérant.
    Surtout, cette procédure méconnaît la situation réelle du demandeur d'asile. Celui-ci, faute d'aide juridique, ne réussit pas, le plus souvent, à produire devant l'OFPRA le récit explicite des persécutions qu'il a subies, pas plus qu'à rassembler en temps voulu et à présenter d'une manière cohérente les preuves de ces mêmes persécutions. Le demandeur ne consulte un avocat, en règle générale, qu'après avoir reçu la décision de rejet de l'OFPRA et, même, après avoir envoyé son recours à la Commission. La véritable préparation de son dossier ne commence, malheureusement, qu'à partir de ce moment-là.
    Troisième sujet, pour terminer, je regrette que le projet de loi écarte délibérément le Haut commissariat aux réfugiés de la Commission de recours. Il n'y siégera plus en tant que tel et ne pourra que désigner une personne qualifiée pour le représenter. C'était l'honneur de la France que d'avoir jusqu'à présent admis au sein de la Commission de recours des représentants du HCR, et notre pays n'avait eu qu'à se féliciter de pouvoir bénéficier de leur expertise et de l'éclairage qu'ils ont pu apporter dans l'appréciation des situations. Leur présence minoritaire n'a jamais mis en péril notre souveraineté nationale et les arguments d'anticonstitutionnalité que l'on m'oppose ne tiennent pas la route. Pourquoi faire de grandes envolées lyriques sur le rôle de l'ONU devant le Conseil de sécurité si l'on est incapable d'offrir chez soi une place à part entière à l'un de ses organismes, qui plus est dans un domaine où la France se targue d'être un exemple, celui du droit d'asile ?
    M. Christian Vanneste. Très bien !
    M. le président. La discussion générale est close.
    La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais en premier lieu saluer l'excellent travail de la commission des lois, en particulier de son rapporteur, M. Jean Leonetti, et remercier tous les députés qui ont participé à cette discussion, avec une gratitude particulière pour les orateurs des groupes UMP et UDF, qui ont apporté leur soutien à cette réforme.
    Je m'efforcerai d'apporter brièvement quelques réponses à certaines observations qui ont été formulées.
    Mme Jacquaint nous a dit que « toute personne qui n'est pas en sécurité dans son pays pour des raisonsethniques, politiques ou religieuses et dont la vie est, dece fait, en danger doit pouvoir se réfugier dans un pays respectant les droits de l'homme ». Le Gouvernement souscrit pleinement à cette déclaration. Le projet qui vous est soumis ne contrarie en rien les principes fondateurs qui sous-tendent ces propos et qui découlent directement de nos valeurs et de nos traditions.
    Comme l'a souligné M. Vanneste, « face à l'humanisme rhétorique, ce texte vise à mettre en oeuvre un humanisme réel ».
    Je voudrais vous remercier ici, monsieur Vanneste, pour votre soutien au principe de réalisme qui sous-tend cette réforme et qui cherche à lui donner concrètement les moyens de respecter les principes dont elle s'inspire.
    Ainsi l'asile constitutionnel n'est-il en aucun cas affecté. Toute personne persécutée en raison de ses convictions et de son action en faveur de la liberté continuera de pouvoir trouver refuge en France. Il eût été choquant qu'il en fût autrement.
    De même la réforme est fidèle aux principes de la Convention de Genève et aux engagements internationaux de l'Etat. En élargissant la place et le rôle du HCR au sein de l'OFPRA, le Gouvernement honore des engagements pris voici plus de cinquante ans.
    M. Folliot et M. Pinte viennent d'évoquer le problème de la participation du HCR à la Commission de recours des réfugiés. C'est pour des raisons de nature juridique que le texte a été rédigé de cette façon en ce qui concerne la représentation du HCR au sein de la Commission de recours des réfugiés.
    Cette commission est une juridiction administrative, qui rend des jugements au nom du peuple français. Il n'était pas possible d'introduire une autorité internationale dans cette juridiction nationale qui exerce des compétences dans un domaine non conventionnel. Mais, comme l'ont remarqué M. Folliot et d'autres orateurs, le HCR pourra continuer d'apporter son concours et ses compétences au fonctionnement de la commission, puisque le dispositif qui a été mis au point, et qui échappe au risque d'inconstitutionnalité - risque mesuré lors des débats devant le Conseil d'Etat -, le permettra.
    Le concept de « pays d'origine sûr », a été évoqué par plusieurs orateurs, notamment, et assez longuement, par M. Blisko. Il n'est contraire ni à notre principe d'égalité devant la loi, ni à la Convention de Genève. Le Conseil constitutionnel, en effet, exige que soit garanti l'examen au fond du dossier personnel des demandeurs. Le projet de loi qui vous est présenté ne remet pas en cause cette condition. Au contraire, il pose le principe d'un entretien au cours duquel le demandeur aura la possibilité d'exposer sa situation et de faire valoir ses arguments. Les exceptions à cette faculté relèvent uniquement du bon sens. Etre originaire d'un pays sûr, n'enlève rien à cette possibilité.
    Je rappelle en outre que le Conseil constitutionnel accepte que la loi établisse des règles différentes à l'égard de personnes qui se trouvent elles-mêmes dans des situations différentes. Une personne originaire d'un pays sûr pourra donc légitimement être différemment de celle qui provient d'un pays en crise.
    Vous avez dit, monsieur Blisko, que le Gouvernement fondait sa démarche sur un prétexte fallacieux, voire sur un mythe, une crainte obsessionnelle de la fraude. Comment ignorer pourtant le détournement de procédure dont est victime le droit d'asile ? En réalité, ce détournement, qui conduit à mélanger des situations qui n'ont rien de commun, met en danger le droit d'asile.
    Le réfugié, au sens du droit d'asile, est une personne victime de persécutions ou menacée par des persécutions, à raison de ce qu'elle croit, de ce qu'elle est, et non de sa situation économique.
    Je le répète encore une fois, pour faire face aux situations de détresse économique et sociale, qui existent, malheureusement, dans un certain nombre de régions du monde, il faut utiliser d'autres moyens qu'élargir à l'infini la notion de droit d'asile, laquelle perdrait alors tout son sens.
    M. Blisko, Mme Jacquaint et M. Pinte ont estimé que la notion d'asile interne réduirait la portée pratique du droit d'asile. Je rappelle que cette notion est le corollaire de l'abandon du critère jurisprudentiel de la nature étatique des agents de persécution. Elle vise donc à ouvrir de nouvelles garanties. Le concept d'asile interne s'efforce de prendre en considération les exigences d'un environnement international qui a beaucoup changé, et qui est appelé à changer sans doute encore.
    Si un demandeur peut avoir accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine, et qu'on n'a aucune raison de craindre qu'il puisse y être persécuté ou exposé à une atteinte grave, pourquoi lui accorder le statut de réfugié dans un pays distant du sien de plusieurs milliers de kilomètres, alors que l'objectif est d'assurer la protection et la sécurité de la personne en question ? Il me semble que nous sommes là dans un domaine qui relève du bon sens, et que, l'objectif étant bien fixé, le principe étant bien respecté, il convient surtout de s'assurer que les précautions sont prises.
    Or de ce point de vue, les garanties qui étaient inscrites dans le projet de loi initial ont été renforcées par le Sénat. L'asile interne, qui figure dans les projets de directives que le Conseil de l'Union européenne devrait adopter prochainement, recueille d'ailleurs, d'ores et déjà, l'accord de tous les Etats de l'Union.
    La protection par des acteurs non étatiques est aussi une réalité d'aujourd'hui. Pensons à celle que peuvent offrir les Nations unies, ou certaines agences en dépendant, ou encore certaines organisations régionales ou sous-régionales, telle la Communauté de développement de l'Afrique de l'Ouest, la CDAO, dans le cas de la Côte d'Ivoire. Une telle protection peut être efficace et justifier le refus qui serait opposé au demandeur d'asile, dès lors qu'on serait assuré qu'il n'a aucune raison de craindre pour sa personne.
    Retarder l'application de cette nouvelle notion serait différer une réforme qui vise à rapprocher les législations européennes, dont les divergences actuelles induisent des effets néfastes et rendent nécessaire leur harmonisation.
    Les différentes notions que je viens d'évoquer, et dont il a été débattu précédemment, font d'ailleurs l'objet d'un consensus entre les Etats membres.
    Quant aux questions touchant le rôle du ministère de l'intérieur, qui a été évoqué à de nombreuses reprises, j'y ai d'ores et déjà répondu en partie à l'occasion de la question préalable de M. Gerin. Mais je voudrais ajouter que je m'étonne qu'on puisse regretter la disparition de l'asile territorial, qui n'assurait une protection qu'à 1 % ou 2 % des demandeurs. Son remplacement par la protection subsidiaire me paraît un progrès évident. Celle-ci ouvre de nouveaux droits en faveur des demandeurs d'asile. Ils bénéficieront à ceux qui ne pouvaient prétendre à une protection au titre de la Convention de Genève et que l'asile territorial protégeait jusqu'à présent de manière très imparfaite.
    La question des mineurs isolés a été évoquée par M. Blisko. Elle se pose, effectivement. L'OFPRA constate, en effet, un accroissement du nombre des mineurs isolés demandeurs d'asile. Il traite ces dossiers avec une attention particulière, même si ce traitement n'est pas exempt de difficultés. D'une part, beaucoup de ces mineurs sont proche de l'âge de la majorité et, d'autre part, ils ont besoin, de par la loi, de bénéficier d'un représentant légal qui les assiste dans la procédure. La loi du 2 mars 2002 a constitué, à cet égard, un pas en avant en prévoyant la désignation d'un administrateur ad hoc.
    La création d'une section « transversale » au sein de l'OFPRA, qui serait chargée de ces dossiers et qui a été évoquée par M. Blisko, n'a pas été retenue à ce jour, comme il l'a dit, mais chacune des divisions géographiques au sein de l'Office, chargée du traitement des dossiers, comporte des officiers de protection spécialisés dans ce domaine sensible.
    M. Pinte a soulevé, comme il l'avait déjà fait précédemment, le problème des ascendants du demandeur d'asile. Le Gouvernement n'a pas l'intention de modifier les règles du regroupement familial qui sont en vigueur pour les réfugiés. Aux termes de l'article 15-10° de l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui est relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, une carte de résident, valable dix ans, est accordée au conjoint du réfugié et à ses enfants mineurs.
    S'agissant des bénéficiaires de la protection subsidiaire, à l'instar de ce qui est aujourd'hui prévu pour les bénéficiaires de l'asile territorial, c'est le droit commun du regroupement familial qui aura vocation à s'appliquer, c'est-à-dire l'attribution aux membres d'une famille d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », d'une durée de validité d'un an. Le Gouvernement ne voit donc pas la nécessité d'étendre de manière automatique la protection accordée à un demandeur d'asile à son conjoint ou à son partenaire, ainsi qu'à leurs enfants ou à leurs ascendants.
    En conclusion, le texte qui vous est soumis, mesdames et messieurs les députés, qui a été discuté de façon approfondie, précisé et amélioré par votre assemblée, puis par le Sénat, se montre fidèle, je pense, à son objectif de recentrer le droit d'asile sur sa vocation de toujours et d'apporter des réponses rapides aux demandeurs en leur offrant des garanties solides en matière de respect de leurs droits, en particulier grâce à un élément fondamental que comporte ce texte, à savoir le contrôle du juge sur les décisions prises. C'est pourquoi le Gouvernement vous demande de bien vouloir l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Discussion des articles

    M. le président. J'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

Article 1er

    M. le président. « Art. 1er. - L'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile est ainsi rédigé :
    « Art. 2. - I. - L'office exerce la protection juridique et administrative des réfugiés et apatrides ainsi que celle des bénéficiaires de la protection subsidiaire. Il assure, en liaison avec les départements ministériels intéressés, l'application des garanties fondamentales offertes par le droit national, l'exécution des conventions, accords ou arrangements internationaux intéressant la protection des réfugiés en France et, notamment, la protection prévue par la convention de Genève du 28 juillet 1951 et par le protocole de New York du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés. Il coopère avec le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés et facilite sa mission de surveillance dans les conditions prévues par les accords internationaux.
    « II. - L'office statue sur les demandes d'asile dont il est saisi. Il convoque le demandeur à une audition. Il peut s'en dispenser s'il apparaît que :
    « a) L'office s'apprête à prendre une décision positive à partir des éléments en sa possession ;
    « b) Le demandeur d'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève susmentionnée ;
    « c) Les éléments fournis à l'appui de la demande sont manifestement infondés ;
    « d) Des raisons médicales interdisent de procéder à l'entretien.
    « Au terme d'une instruction unique au cours de laquelle le demandeur d'asile aura été mis en mesure de présenter les éléments à l'appui de sa demande :
    « 1° L'office reconnaît la qualité de réfugié à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ainsi qu'à toute personne sur laquelle le haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés exerce son mandat aux termes des articles 6 et 7 de son statut tel qu'adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 14 décembre 1950 ou qui répond aux définitions de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux réfugiés en vertu de la convention de Genève susmentionnée ;
    « 2° Sous réserve des dispositions du IV, il accorde le bénéfice de la protection subsidiaire à toute personne qui ne remplit pas les conditions d'octroi du statut de réfugié énoncées à l'alinéa précédent et qui établit qu'elle est exposée dans son pays à l'une des menaces graves suivantes :
    « a) La peine de mort ;
    « b) La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
    « c) S'agissant d'un civil, une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence généralisée résultant d'une situation de conflit armé interne ou international.
    « Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordée pour une période d'un an renouvelable.
    « III. - Les persécutions prises en compte dans l'octroi de la qualité de réfugié et les menaces graves pouvant donner lieu au bénéfice de la protection subsidiaire peuvent être le fait des autorités de l'Etat, de partis ou d'organisations qui contrôlent l'Etat ou une partie substantielle du territoire de l'Etat, ou d'acteurs non étatiques dans les cas où les autorités définies à l'alinéa suivant refusent ou ne sont pas en mesure d'offrir une protection.
    « Les autorités susceptibles d'offrir une protection peuvent être les autorités de l'Etat et des organisations internationales et régionales.
    « L'office peut rejeter la demande d'asile d'une personne qui aurait accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine si cette personne n'a aucune raison de craindre d'y être persécutée ou d'y être exposée à une atteinte grave et s'il est raisonnable d'estimer qu'elle peut rester dans cette partie du pays. L'office tient compte des conditions générales prévalant dans cette partie du territoire, de la situation personnelle du demandeur ainsi que de l'auteur de la persécution au moment où il statue sur la demande d'asile.
    « IV. - La protection subsidiaire n'est pas accordée à une personne s'il existe des raisons sérieuses de penser :
    « a) Qu'elle a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité ;
    « b) Qu'elle a commis un crime grave de droit commun ;
    « c) Qu'elle s'est rendue coupable d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ;
    « d) Que son activité sur le territoire constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat.
    « L'office, procédant à son initiative ou à la demande du représentant de l'Etat à un réexamen, peut mettre fin à tout moment au bénéfice de la protection subsidiaire pour les motifs énumérés aux a, b, c, et d du présent IV.
    « Il peut refuser à chaque échéance de renouveler le bénéfice de la protection subsidiaire lorsque les circonstances ayant justifié son octroi ont cessé d'exister ou ont connu un changement suffisamment profond pour que celle-ci ne soit plus requise. »
    M. Gerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 34, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 1er. »
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Nous continuons à nous opposer à la restriction du droit d'asile instaurée par ce projet de loi. L'article 1er applique des normes restrictives de protection, telles que la notion d'asile interne et une protection subsidiaire au rabais, contraires à la tradition française d'accueil et de générosité en matière d'asile. Il convient donc de le supprimer.
    J'aurai ainsi défendu, monsieur le président, l'ensemble des amendements que j'ai déposés.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable car la suppression de l'article 1er viderait totalement la loi de son sens. L'OFPRA ne serait plus un guichet unique et on supprimerait la protection subsidiaire dont on ne peut nier qu'elle est une avancée considérable pour les demandeurs d'asile par rapport à l'asile territorial.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Même avis, pour les mêmes raisons.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 35, ainsi rédigé :
    « Supprimer le c) du II du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952. »
    Il a été défendu, monsieur Gerin ?
    M. André Gerin. Oui.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Défavorable également.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Pinte a présenté un amendement, n° 27, ainsi rédigé :
    « Dans le c) du 2° du II du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952, après les mots : "sa vie, insérer les mots : ", sa liberté. »
    La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Le projet de loi remplace l'asile territorial par la protection subsidiaire. Or les motifs ouvrant droit à la protection sont plus restreints que ceux prévus actuellement dans le cas de l'asile territorial. Ainsi, en vertu de la loi du 11 mai 1998, le candidat à l'asile territorial doit établir « que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».
    Cet amendement a pour objectif de maintenir pour la protection subsidiaire les motifs de protection actuellement applicables à l'asile territorial en ajoutant la menace à la liberté.
    Monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à ma question tout à l'heure. Quelle sera, à partir du 1er janvier prochain, la situation des Algériens demandeurs territoriaux ? Ils vont passer d'un statut à un autre. Va-t-on les renvoyer chez eux ? Vont-ils automatiquement bénéficier du droit créé par la loi ou seront-ils dans une situation de non-droit ? C'est la question que posait le Conseil des Eglises chrétiennes de France et vous n'avez pas expliqué pourquoi il n'a pas été répondu à sa lettre.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable, pour deux raisons. D'abord, la protection subsidiaire est une avancée considérable par rapport à l'asile territorial, je n'insisterai pas sur ce point. Ensuite, prenons garde à ne pas créer de confusion entre site constitutionnel et protection subsidiaire. Sinon, on viderait totalement de son sens l'asile constitutionnel.
    J'ajoute, monsieur Pinte, que quelqu'un ayant demandé l'asile territorial sera automatiquement demandeur de la protection subsidiaire. Il n'y a aucun vide juridique. C'était précisé dans la loi et cela a été encore précisé par le Sénat.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Je comprends bien votre interrogation et votre démarche, monsieur Pinte. Les critères de la protection subsidiaire sont en effet définis de manière plus précise que ceux de l'asile territorial, mais l'OFPRA aura désormais une compétence liée en la matière. Autrement dit, dès lors que les critères seront réunis, il sera tenu d'accorder la protection subsidiaire.
    Si l'on introduit la notion de liberté, on risque d'avoir des situations paradoxales. Une personne privée de liberté, ou menacée de l'être, non pour ses croyances, son action politique, religieuse ou autre, mais pour des faits relevant du droit commun, pourrait ainsi demander à bénéficier de ces dispositions, ce qui serait un détournement assez redoutable. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.
    Tous ceux dont les demandes sont en instance d'examen seront réputés avoir présenté leur demande sous l'empire des nouvelles dispositions qui vous sont proposées. Il n'y aura donc pas de situation de non-droit.
    Quant à la lettre dont vous me parlez, la réponse est déjà partie, je pensais même qu'elle vous était pavenue.
    M. le président. La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Je parlais monsieur le ministre, d'une lettre que le Conseil des Eglises chrétiennes de France a adressée le 10 octobre au Gouvernement pour s'inquiéter des modalités du nouveau projet de loi sur le droit d'asile, et je voudrais savoir pourquoi le Premier ministre ou le ministre des affaires étrangères n'y ont pas répondu.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Je n'étais pas au courant et je vais m'informer. Il y aura certainement une réponse.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de quatre amendements n°s 36, 28, 29 et 30, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 36, présenté par M. Gerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi rédigé :
    « Compléter le II du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 par l'alinéa suivant :
    « 3° Dès lors que la qualité de réfugié est reconnue à un demandeur d'asile ou que la protection subsidiaire lui est octroyée, le même statut est reconnu à son conjoint ou son partenaire engagé dans une relation stable et à leurs enfants. Il peut également être reconnu aux ascendants du demandeur. »
    Les amendements n°s 28, 29 et 30 sont présenté par M. Pinte.
    L'amendement n° 28 est ainsi rédigé :
    « Compléter le II du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 par l'alinéa suivant :
    « 3° Dès lors que la qualité de réfugié est reconnue à un demandeur d'asile ou que la protection subsidiaire lui est octroyée, le même statut est reconnu à son conjoint ou son partenaire non marié engagé dans une relation stable. »
    L'amendement n° 29 est ainsi rédigé :
    « Compléter le II du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 par l'alinéa suivant :
    « Dès lors que la qualité de réfugié est reconnue à un demandeur d'asile ou que la protection subsidiaire lui est octroyée, le même statut est reconnu aux enfants du demandeur et de son conjoint, du demandeur seul ou de son conjoint seul et aux enfants mineurs placés sous la tutelle du demandeur ou de son conjoint ou qui étaient alors entièrement ou principalement à la charge du demandeur ou de son conjoint. »
    L'amendement n° 30 est ainsi rédigé :
    « Compléter le II du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 par l'alinéa suivant :
    « Dès lors que la qualité de réfugié est reconnue à un demandeur d'asile ou que la protection subsidiaire lui est octroyée, le même statut est reconnu aux ascendants du demandeur, et de son conjoint, qui sont à sa charge ou qui seraient gravement menacés par le départ de celui-ci. »
    L'amendement n° 36 a été défendu.
    La parole est à M. Etienne Pinte, pour soutenir les amendements n°s 28, 29 et 30.
    M. Etienne Pinte. Il s'agit de prévoir explicitement d'étendre au conjoint marié ou concubin du demandeur le bénéfice de la qualité de réfugié ou de la protection subsidiaire qui lui aura été octroyée. En effet, la loi ne le précise pas.
    Il s'agit aussi de prévoir explicitement d'étendre aux enfants mineurs du demandeur et de son conjoint le bénéfice de la qualité de réfugié ou de la protection subsidiaire qui leur a été octroyée.
    De la même manière, je souhaite que l'on étende cette protection aux ascendants.
    Comme je l'ai expliqué dans mon intervention générale, la Commission de recours des réfugiés a pris en compte pendant des années les demandes d'asile des ascendants mais le Conseil d'Etat s'est prononcé contre une telle pratique. Je crains donc qu'en fonction de cette jurisprudence ou, pourquoi pas, de certains organes de l'OFPRA, ou de la commission de recours des réfugiés, on puisse retirer cette protection à certaines catégories d'hommes, de femmes ou d'enfants qui devraient être protégées. C'est la raison pour laquelle je pense qu'il est préférable de l'inscrire dans la loi.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 36, 28, 29 et 30 ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable.
    Comme M. le ministre l'a expliqué clairement tout à l'heure, c'est le regroupement familial qui est le statut de droit commun pour les réfugiés. Il faudrait modifier l'ordonnance de 1945, ce qui n'est pas souhaitable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté une amendement, n° 37, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le deuxième alinéa du III du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 :
    « Les seules autorités susceptibles d'offrir une protection sont les autorités de l'Etat internationalement reconnu ».
    Cet amendement a été défendu.
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Louis Léonetti, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Défavorable également.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 38, ainsi rédigé :
    « Supprimer le dernier alinéa du III du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952. »
    Cet amendement a été défendu.
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable également.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Défavorable également.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Guerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 39, ainsi rédigé :
    « Supprimer le d) du IV du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952. »
    Cet amendement a été défendu.
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Défavorable également.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
    (L'article 1er est adopté.)

Article 2

    M. le président. « Art. 2. - L'article 3 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 précitée est ainsi modifié :
    « 1° Non modifié ;
    « 2° Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
    « A l'expiration de leur période d'administration courante par l'office, les dossiers des demandeurs d'asile dont la demande aura été définitivement rejetée seront confiés à la garde du ministère des affaires étrangères. Seules les personnes autorisées par le directeur général de l'office y auront accès. Ces archives ne pourront être librement consultées qu'à l'issue des délais prévus à l'article 7 de la loi n° 79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives.
    « Lorsqu'une demande d'asile est rejetée, le directeur général de l'office ou le président de la commission des recours des réfugiés transmet la décision motivée au ministre de l'intérieur. A la demande de ce dernier, le directeur général de l'office communique à des agents habilités des documents d'état civil ou de voyage permettant d'établir la nationalité de la personne dont la demande d'asile a été rejetée, ou, à défaut, une copie de ces documents, à la condition que cette communication s'avère nécessaire à la mise en oeuvre d'une mesure d'éloignement et qu'elle ne porte pas atteinte à la sécurité de cette personne ou de ses proches. »
    M. Gerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains - ont présenté un amendement, n° 40, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 2. »
    Cet amendement a été défendu.
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Défavorable également.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
    (L'article 2 est adopté.)

Article 4

    M. le président. « Art. 4. - L'article 5 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 précitée est ainsi rédigé :
    « Art. 5. - I. - Il est institué une commission des recours des réfugiés, juridiction administrative, placée sous l'autorité d'un président, membre du Conseil d'Etat, désigné par le vice-président du Conseil d'Etat.
    « La commission comporte des sections comprenant chacune :
    « 1° Un président nommé soit :
    « a) Par le vice-président du Conseil d'Etat parmi les membres du Conseil d'Etat ou du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
    « b) Par le premier président de la Cour des comptes parmi les magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes.
    « Les membres des corps visés aux a et b peuvent être en activité ou honoraires ;
    « c) Par le garde des sceaux, ministre de la justice, parmi les magistrats du siège en activité et les magistrats honoraires de l'ordre judiciaire ;
    « 2° Une personnalité qualifiée de nationalité française, nommée par le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés sur avis conforme du vice-président du Conseil d'Etat ;
    « 3° Une personnalité qualifiée nommée par le vice-président du Conseil d'Etat sur proposition de l'un des ministres représentés au conseil d'administration de l'office.
    « II. - La commission des recours des réfugiés statue sur les recours formés contre les décisions de l'office prises en application du II et du IV de l'article 2.
    « II bis. - La commission des recours des réfugiés examine les requêtes qui lui sont adressées par les réfugiés visés par l'une des mesures prévues par les articles 31, 32 et 33 de la convention du 28 juillet 1951 susmentionnée et formule un avis quant au maintien ou à l'annulation de ces mesures. En cette matière, le recours est suspensif d'exécution. Dans ce cas, le droit au recours doit être exercé dans le délai d'une semaine.
    « II ter. - Les intéressés peuvent présenter leurs explications à la commission des recours et s'y faire assister d'un conseil et d'un interprète.
    « III. - Le président et les présidents de section peuvent, par ordonnance, régler les affaires dont la nature ne justifie pas l'intervention d'une formation collégiale. A ce titre, ils peuvent donner acte des désistements, constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur un recours et rejeter les recours entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance. Ils peuvent également statuer sur les demandes qui ne présentent aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause les motifs de la décision du directeur général de l'office. »
    Je suis saisi de deux amendements n°s 41 et 31, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 41, présenté par M. Gerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 41, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le 2° du I du texte proposé pour l'article 5 de la loi du 25 juillet 1952 :
    « 2° Un représentant du haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés ; ».
    L'amendement n° 31, présenté par M. Pinte, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le 2° du I du texte proposé pour l'article 5 de la loi du 25 juillet 1952 :
    « 2° Un représentant du haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés, de nationalité française, nommé par le haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés sur avis conforme du vice-président du Conseil d'Etat. »
    L'amendement n° 41 a été défendu.
    La parole est à M. Etienne Pinte, pour soutenir l'amendement n° 31.
    M. Etienne Pinte. Le 2° du I de l'article 4 du projet de loi met fin à la représentation directe du Haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés au sein de la Commission de recours des réfugiés.
    Or, dans sa décision du 5 mai 1998, le Conseil constitutionnel a déjà validé la présence d'un représentant du HCR au sein de la commission de recours des réfugiés. Le Conseil constitutionnel a décidé que, compte tenu du caractère minoritaire de la présence du HCR au sein de la commission de recours des réfugiés, cette présence ne portait pas atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.
    Dès lors, même si la protection subsidiaire est considérée comme relevant du seul droit national, le raisonnement du Conseil constitutionnel, dans sa deuxième branche, valide clairement le maintien de la représentation directe du HCR au sein de la commission de recours des réfugiés. En effet, les demandes de protection conventionnelle et de protection subsidiaire « présentent entre elles un lien étroit » et, bien que basées « sur des fondements juridiques distincts, elles requièrent un examen éclairé des mêmes circonstances de fait ».
    Le projet de loi ne parle que d'une personnalité qualifiée, nommée par le vice-président du Conseil d'Etat sur proposition du Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés. Cela ne me semble pas satisfaisant, car cette personnalité ne pourrait être, comme c'est actuellement le cas, un haut fonctionnaire international dont le statut l'empêcherait d'être nommé par une administration française.
    C'est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement.
    M. François Rochebloine. Très bien !
    M. Etienne Pinte. Tout cela, bien entendu, avec l'accord du vice-président du Conseil d'Etat.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Nous sommes d'accord sur l'objectif. Personne ne conteste le rôle important que doit jouer le HCR dans la commission de recours. La solution retenue par l'Assemblée nationale et le Sénat garantit la constitutionnalité tout en faisant en sorte que ce rôle soit maintenu.
    La loi, monsieur Pinte, prévoit une personnalité qualifiée de nationalité française, nommée par le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés sur avis conforme du vice-président du Conseil d'Etat, et l'amendement un représentant du Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, de nationalité française, nommé par le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés sur avis conforme du vice-président du Conseil d'Etat. Franchement, voyez-vous une différence fondamentale ?
    Il me semble que votre amendement, comme celui de M. Gerin, est pleinement satisfait. Le Haut Commissaire aux réfugiés siège aux Nations unies et a un pouvoir prééminent dans la commission de recours. Son représentant est nommé sur avis conforme du vice-président du Conseil d'Etat, ce que vous ne contestez pas. Il doit être de nationalité française pour préserver la constitutionnalité.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Même avis.
    M. le président. La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Je ne partage pas du tout votre interprétation. Il y a une grande différence juridique entre une personnalité qualifiée et un représentant, qui peut être un haut fonctionnaire international,...
    M. François Rochebloine. Absolument !
    M. Etienne Pinte. ... même s'il est de nationalité française et même si le vice-président du Conseil d'Etat a donné son accord. D'ailleurs le HCR ne s'y est pas trompé.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 33 et 42.
    L'amendement n° 33 est présenté par M. Pinte, l'amendement n° 42 est présenté par M. Gerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le III du texte proposé pour l'article 5 de la loi du 25 juillet 1952. »
    L'amendement n° 42 a été défendu.
    La parole est à M. Etienne Pinte pour soutenir l'amendement n° 33.
    M. Etienne Pinte. Le projet de loi attribue au président de la commission ainsi qu'aux présidents de section un pouvoir dont ils ne disposaient pas auparavant : celui de déterminer, seuls, si une demande d'asile ne présente aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause les motifs de la décision du directeur de l'OFPRA. Les présidents prendront cette décision de façon solitaire, suite à une instruction dont nous ignorons d'ailleurs les caractéristiques, en attendant le décret du Conseil d'Etat qui les déterminera.
    On fait ainsi l'impasse sur le caractère juridique de la procédure devant la commission, qui relève du plein contentieux. On méconnaît surtout la situation réelle du demandeur d'asile qui, faute d'aide juridique, ne réussit pas, le plus souvent, à produire devant l'OFPRA un récit suffisamment explicite des persécutions qu'il a subies, ni à rassembler nécessairement en temps voulu et à présenter d'une manière cohérente les preuves de ces persécutions. En général, le demandeur ne consulte un avocat qu'après avoir reçu la décision de rejet du directeur de l'OFPRA.
    Par conséquent, soit ces ordonnances seront prises en réalité sur la seule base du dossier déjà constitué devant l'OFPRA, ce qui reviendrait à écarter le caractère de recours de plein contentieux de la procédure devant la commission, soit elles seront prises suite à une véritable « instruction ». Cette « instruction présidentielle » devra nécessairement prévoir l'audition du requérant, le témoignage oral constituant un élément essentiel de preuve.
    Ce n'est malheureusement qu'à partir du moment où l'avocat est saisi que commence la véritable préparation du dossier. Dans de nombreux cas, c'est à partir de ce moment-là, quand il y a en quelque sorte un dialogue entre le président ou les présidents de sections et l'intéressé assisté d'un avocat, que l'intéressé peut s'exprimer, se défendre mieux et éventuellement avoir une réponse positive.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable. Je comprends l'inquiétude de mes collègues car le fait de statuer par ordonnance peut apparaître comme une procédure expéditive. Néanmoins je souhaiterais faire quelques remarques.
    Aujourd'hui, 60 000 demandes environ aboutissent en première instance et, dans 80 % des cas, le demandeur débouté fait un recours. Aujourd'hui, toutes les demandes d'asile territorial n'aboutissent pas à l'OFPRA. Avec la mise en place d'un guichet unique, 30 000 demandes seront désormais soumises à l'avis de l'OFPRA. Lorsqu'elles seront déboutées - elles le sont aujourd'hui à 98 % - il y aura dans 80 % des cas un recours.
    Devant une telle affluence de demandes à la commission de recours des réfugiés, il paraît logique d'éliminer les demandes manifestement infondées. Sinon, au lieu d'avoir un engorgement à l'extérieur, nous aurons un engorgement au niveau de la commission de recours des réfugiés.
    Toutes les juridictions ont ce type de protection, notamment le Conseil d'Etat. Si, pour une procédure de recours, on n'élimine pas les demandes manifestement infondées ou non sérieuses, une juridiction va obligatoirement à l'engorgement. S'il suffisait de mettre son nom et de déclarer qu'on fait un recours, tous les déboutés de première instance iraient en recours en deuxième instance, vous le savez bien, monsieur Pinte.
    Il faut trouver un équilibre entre l'efficacité et la justice, si l'on veut que les véritables demandeurs d'asile jouissent de leurs droits. Finissons-en avec l'amalgame qui est fait, dans cet hémicycle, par la gauche et quelquefois aussi par M. Pinte : nous ne sommes pas en train d'accueillir des pauvres, mais d'accorder à des gens qui le méritent un droit que leur reconnaît notre Constitution. On est bien entre le juridique et le technique. Si ce droit leur est reconnu, ce n'est pas une politique de l'immigration qui doit le modifier. S'ils y ont droit, ils l'obtiennent. S'ils n'y ont pas droit, ils ne l'obtiennent pas. Il n'est pas question de réguler l'immigration de la pauvreté : c'est un autre sujet, cela n'a rien à voir avec ce droit constitutionnel qui, dans notre pays, remonte à la Révolution.
    Aussi le recours doit-il suivre une procédure logique et faut-il se prémunir contre les demandes manifestement infondées. Toutes les juridictions le font. Je ne vois pas comment, avec un afflux prévisible de 30 000 demandes supplémentaires passant par l'OFPRA, nous pourrions nous permettre de ne pas retenir cette disposition.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Même avis. M. le rapporteur vient d'exposer parfaitement les raisons qui nous conduisent à penser que cette procédure - possibilité de régler les affaires par ordonnance, en particulier en cas d'irrecevabilité manifeste du recours ou s'il manque des pièces - est essentielle au bon fonctionnement de cette juridiction.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 33 et 42.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
    (L'article 4 est adopté.)

Après l'article 4

    M. le président. M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 22, ainsi libellé :
    « Après l'article 4, insérer l'article suivant :
    « Après l'article 7 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 précitée, est inséré un article 7-1 ainsi rédigé :
    « Art. 7-1. - Lorsqu'un étranger se présente à la frontière et qu'il demande son admission au titre de l'asile, celle-ci ne peut être refusée que si elle est manifestement infondée et après avis conforme du ministre des affaires étrangères. La demande est manifestement infondée lorsqu'elle est insusceptible de se rattacher aux critères prévus par la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés et son protocole du 31 janvier 1967 ou d'autres critères justifiant l'octroi de l'asile.
    « La décision prononçant le refus d'admission peut faire l'objet d'un recours suspensif devant la commission des recours des réfugiés dans les quarante-huit heures à compter de sa saisie. »
    La parole est à M. Blisko.
    M. Serge Blisko. Avec votre permission, monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement n° 23.
    M. le président. Je vous remercie de le proposer.
    M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 23, ainsi libellé :
    « Après l'article 4, insérer l'article suivant :
    « Après l'article 7 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 précitée, est inséré un article 7-2 ainsi rédigé :
    « Art. 7-2. - Le premier alinéa du I de l'article 35 quater de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France est complétée par deux phrases ainsi rédigées :
    « Dans ce dernier cas, des membres de l'Office de protection des réfugiés et apatrides interrogent le demandeur d'asile sur son identité, sa provenance et les motifs de sa demande d'asile. Ils décident du fait de savoir si la demande est manifestement infondée ou non. »
    Vous avez la parole, monsieur Blisko.
    M. Serge Blisko. Nous touchons là au coeur du problème. Et je veux dire à mon excellent collègue Leonetti que, pour qu'un droit puisse s'exercer pleinement, il faut d'abord que nous mettions en place les conditions effectives et réelles de son exercice. Chaque année arrivent en France 80 000 personnes, qui se présentent aux frontières terrestres, maritimes et, surtout, à Roissy, qui est la grande porte d'entrée de notre pays. Pour celles qui franchissent les frontières terrestres, il n'est prévu aucun contrôle a priori, ni policier ni douanier, et elles peuvent ensuite aller déposer, tant bien que mal, une demande auprès de l'OFPRA.
    Celles qui arrivent à Roissy, zone hautement sécurisée, ne peuvent pas sortir de l'aérogare sans passer devant la police ou la douane. C'est alors qu'elles font la demande d'asile et qu'elles sont dirigées vers une zone d'attente pendant le temps strictement nécessaire à un examen tendant à déterminer si la demande n'est pas manifestement infondée. La situation est telle qu'elle est décrite dans tous les journaux et qu'elle est source de nombreux contentieux. C'est dans cette zone d'attente, qui est déjà exorbitante du droit commun, que se joue à quitte ou double la demande d'asile. Soit la situation est suffisamment claire, ou mérite d'être éclaircie, et le demandeur est maintenu en zone d'attente - il sera à un moment ou à un autre en contact avec l'OFPRA - ; soit il est très rapidement, trop rapidement, et sous le contrôle extrêmement ténu d'associations, mis en zone de rétention puis refoulé.
    Les amendements n°s 22 et 23 visent à rendre permanente la présence de l'OFPRA. Votre administration, monsieur le ministre, est composée de gens compétents. Je veux une fois encore louer le travail complexe qu'ils effectuent dans des conditions matérielles difficiles. Il serait bon qu'une sorte d'escouade de l'OFPRA puisse être présente en permanence sur le terrain, à Roissy, là où les nouveaux arrivants sont rapidement dirigés vers la zone d'attente. Il faudrait qu'elle dispose des moyens nécessaires, car les procédures sont très précises et très particulières.
    Encore une fois, monsieur le rapporteur, il ne s'agit pas de gagner du temps ou de finasser pour donner aux fraudeurs les moyens de rester en France. D'ailleurs, nous savons tous, pour les avoir vus travailler, que les officiers de protection de l'OFPRA ont l'habitude de détecter assez rapidement les fraudeurs. Ils font très vite le « tri » - excusez le mot - entre les faux et les vrais demandeurs d'asile, ceux dont il faut examiner plus à fond la demande. Or, rien n'est plus facile que de dire non au énième représentant de telle ou telle nationalité - je n'en citerai aucune. Je suis d'accord avec M. le rapporteur : il est question d'un droit fondamental, constitutionnel, reconnu par la juridiction internationale et qu'il peut sauver la vie et la liberté d'hommes et de femmes. Il est important qu'il soit exercé dans des conditions correctes, et non pas dans les conditions actuelles, qui ne sont pas tout à fait dignes de notre pays.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable.
    M. Serge Blisko. Quel dommage ! (Sourires.)
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Vous vous y attendiez, mon cher collègue. En fait, nous nous éloignons de notre texte. Il s'agit d'une procédure d'admission sur le territoire, qu'on appelle peut-être un peu abusivement l'asile à la frontière, et qui relève du ministère de l'intérieur assisté par les services de l'OFPRA.
    M. Serge Blisko. C'est ce que j'essayais de démontrer tout à l'heure.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Vous l'avez dit vous-même : l'OFPRA est tout à fait capable de faire la distinction entre la demande manifestement infondée et celle qui peut éventuellement donner lieu à une étude approfondie. Or les personnels de l'OFPRA peuvent être délégués sur place et examiner les demandes lorsque cela paraît nécessaire. L'OFPRA peut apporter son concours en cas de doute et lorsqu'on se trouve à la limite de l'asile, puisqu'on en est, en fait, à statuer sur l'admission sur notre sol.
    M. Serge Blisko. Je ne veux pas entamer un long débat à cette heure, mais c'est bien aux limites de la loi que l'injustice doit être traquée. C'est là que nous risquons de manquer d'une protection bien nécessaire.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Le rapporteur l'a dit à juste titre : la période particulière dont nous parlons n'est pas encore l'instruction de la demande de droit d'asile, mais se situe en amont, et cela ne concerne pas directement notre texte. C'est pour cette raison que le Gouvernement n'est pas favorable aux deux amendements.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 6

    M. le président. « Art. 6. - L'article 10 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 précitée devient l'article 8 et est ainsi rédigé :
    « Art. 8. - Lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'examen de sa demande d'admission au séjour relève du préfet compétent et, à Paris, du préfet de police. Un préfet de département et, à Paris, le préfet de police, peut être compétent pour exercer cette mission dans plusieurs départements.
    « L'admission au séjour ne peut être refusée au seul motif que l'étranger est démuni des documents et des visas mentionnés à l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.
    « Sous réserve du respect des dispositions de l'article 33 de la convention de Genève susmentionnée, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si :
    « 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres Etats ;
    « 2° L'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève susmentionnée ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. Un pays est considéré comme tel s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'Etat de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La prise en compte du caractère sûr du pays d'origine ne peut faire obstacle à l'examen individuel de chaque demande ;
    « 3° La présence en France de l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat ;
    « 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d'asile la demande d'asile présentée dans une collectivité d'outre-mer s'il apparaît qu'une même demande est en cours d'instruction dans un autre Etat membre de l'Union européenne.
    « Les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4°.
    « Dans le cas où l'admission au séjour est refusée pour le motif énoncé au 1°, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la commission des recours des réfugiés ne sont pas compétents. Dans le cas où l'admission au séjour a été refusée pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4°, l'étranger qui souhaite bénéficier de l'asile peut saisir l'office de sa demande. »
    M. Gerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 43, ainsi rédigé :
    « Après le mot : "susmentionnée, supprimer la fin du 2° du texte proposé pour l'article 8 de la loi du 25 juillet 1952. »
    Cet amendement a été défendu.
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
    (L'article 6 est adopté.)

Article 7

    M. le président. « Art. 7. - L'article 11 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 précitée devient l'article 9 et est ainsi rédigé :
    « Art. 9. - Lorsqu'il est admis à séjourner en France en application des dispositions de l'article 8, l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'office ne peut être saisi qu'après la remise de ce document au demandeur. Après le dépôt de sa demande d'asile, le demandeur se voit délivrer un nouveau document provisoire de séjour. Ce document est renouvelé jusqu'à ce que l'office statue et, si un recours est formé devant la commission des recours, jusqu'à ce que la commission statue.
    « Toutefois, par dérogation aux dispositions du précédent alinéa, le document provisoire de séjour peut être retiré ou son renouvellement refusé lorsqu'il apparaît, postérieurement à sa délivrance, que l'étranger se trouve dans un des cas de non-admission prévus aux 1° à 4° de l'article 8.
    « Lorsqu'en application de l'article 8 ou du présent article, le document provisoire de séjour est refusé, retiré, ou son renouvellement refusé pour l'un des motifs mentionnés du 2° au 4° de l'article 8, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides statue par priorité sur la demande d'asile. »
    M. Gerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 44, ainsi rédigé :
    « I. - Après le premier alinéa du texte proposé pour l'article 9 de la loi du 25 juillet 1952, insérer l'alinéa suivant :
    « Le document provisoire de séjour prévu à l'alinéa précédent vaut autorisation provisoire de travail et permet au demandeur d'asile d'exercer l'activité professionnelle de son choix sur l'ensemble du territoire métropolitain. »
    « II. - En conséquence, dans le deuxième alinéa de cet article, substituer au mot : "précédent le mot : "premier. »
    Cet amendement a été défendu.
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Je voudrais dire à M. Gerin que sa préoccupation est partagée par tous les députés et par la commission des lois, qui a cherché, en vain, une solution à ce problème. En effet, nous le disions tout à l'heure dans un débat plus vif, si seuls 2 % des gens, à Sangatte, demandaient l'asile en France, c'est parce qu'ils avaient la possibilité de travailler en Grande-Bretagne, mais pas en France. En matière de droit au travail, toute disparité au niveau européen risque de modifier les flux migratoires à l'intérieur de l'Union et d'avoir un effet contre-productif.
    D'autre part, nous avons, aujourd'hui, étudié avec M. Pinte la façon dont on pourrait octroyer ce droit au bout de un an. M. le ministre a rappelé que, dans un temps très bref, les délais ont été considérablement raccourcis et que les objectifs qu'a fixés le Président de la République sont en passe d'être atteints dans les mois à venir si nous adoptons ce projet de loi. Préciser que le réfugié en attente aura droit à un travail au bout d'un an, c'est presque désespérer que cette loi ait une quelconque efficacité et puisse s'appliquer.
    Enfin, accorder un droit au travail à quelqu'un, pour, ensuite, éventuellement, le débouter, le priver de son travail et le renvoyer chez lui, c'est créer une situation inhumaine et être inefficace.
    Pour ce qui est des autorisations de travail, c'est à l'Union européenne de donner des directives. Je suis sûr qu'elle le fera dans un sens positif, pour permettre à la fois de raccourcir les procédures telles qu'elles ont été définies et de favoriser l'émergence d'un droit au travail, pour que l'on puisse insérer les demandeurs d'asile à l'intérieur de la Communauté européenne. Mais la directive me paraît un peu hypocrite - si je peux oser ce terme un peu agressif - dans la mesure où elle donne, d'une part, aux demandeurs d'asile la possibilité d'être sur le marché du travail, et, d'autre part, aux Etats la faculté de définir une préférence communautaire. Même si nous appliquions les directives européennes, cela représenterait en effet, pour le demandeur d'asile, un obstacle à l'obtention d'un travail.
    Cette préoccupation est donc parfaitement légitime, et nous l'avions identifiée, dans le premier rapport, comme un problème majeur. Nous espérons que le raccourcissement des délais et l'harmonisation européenne apporteront la solution que nous ne pouvons trouver ce soir.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Pinte a présenté un amendement, n° 32, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article 9 de la loi du 25 juillet 1952 par l'alinéa suivant :
    « En l'absence d'une décision par l'Office sur la demande d'asile dans un délai d'un an, à compter de la demande d'admission au séjour, si ce retard n'est pas principalement imputable au demandeur, une autorisation provisoire de travail sera délivrée au demandeur d'asile. Elle sera renouvelée jusqu'à ce que l'Office statue et, si un recours est formé devant la commission des recours des réfugiés, jusqu'à ce que la commission statue sur la demande. »
    La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec l'interprétation du rapporteur. On ne peut pas utiliser les directives de la Communauté européenne lorsqu'elles nous arrangent et les refuser dans les autres cas.
    Monsieur le ministre, mon amendement tend à transposer en droit interne les dispositions concernant le droit au travail des demandeurs d'asile prévues à l'article 11 de la directive du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile, dont la transposition doit intervenir d'ici à un an.
    Que dit cette directive ? « L'accès au marché du travail n'est pas refusé durant les procédures de recours, lorsqu'un recours formé contre une décision négative prise lors d'une procédure normale a un effet suspensif, jusqu'au moment de la notification d'une décision négative sur le recours. »
    Nous ne pouvons ignorer la précarité matérielle et psychologique des demandeurs d'asile, qui ne reçoivent actuellement de l'Etat que l'allocation unique d'attente d'un montant avoisinant 300 euros, versée en une seule fois, et une allocation d'insertion, prévue par l'article R. 351-10 du code du travail, d'un montant de 290 euros par mois, versée pendant un an au maximum. Le demandeur d'asile dispose donc de 290 euros par mois pour survivre, et ce, pendant un an. Puis, plus rien. Il est vrai que l'on peut espérer que l'accélération des procédures permette que les décisions soient prises avant un an. Mais l'amendement a pour objectif d'offrir une mesure conservatoire permettant que, au cas où la décision ne serait pas prise avant un an, il pourrait bénéficier du droit au travail, tel que cela est prévu par la directive européenne. On a beaucoup critiqué le ministre de l'intérieur à propos de la réforme de la double peine, en prétendant qu'il voudrait s'immiscer dans les procédures de l'OFPRA. Je me permets de vous signaler que, pendant toute la procédure d'instruction des dossiers en matière de double peine, le ministre de l'intérieur a pris la décision d'assigner à résidence, avec droit au travail, toutes les personnes qui sont en instance de décision définitive de régularisation, de telle sorte qu'elles puissent survivre à la situation d'attente dans laquelle elles se trouvent.
    Je ne vois donc pas pourquoi le ministère de l'intérieur, qui a été tant décrié, se montrerait plus libéral que le ministère des affaires étrangères, qui reste d'une intransigeance inhumaine dans ce domaine.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Même avis. Je voudrais simplement faire observer que, en droit administratif, l'absence de réponse de l'administration - et donc, en l'espèce, de l'OFPRA - au bout de deux mois équivaut à une décision implicite de rejet. Elle est donc attaquable à partir de la fin de ce délai devant la commission de recours. Par conséquent, les efforts accomplis par cette réforme pour réduire les délais de traitement des dossiers, joints à cette disposition juridique, donnent, me semble-t-il, la garantie aux demandeurs qu'ils ne connaîtront pas la longue attente à laquelle ils sont actuellement exposés. Et, dans ces conditions, même si je comprends l'intention qui sous-tend cet amendement, je pense qu'elle est satisfaite par les dispositions juridiques qui pourront s'appliquer dorénavant. Par conséquent, je ne juge pas que l'amendement conserve son objet.
    M. le président. La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Dans mon esprit, il conserve son objet, monsieur le ministre. Je le répète : c'est une mesure conservatoire permettant à des hommes et à des femmes de pouvoir travailler au cas où, pendant des mois et des mois, ils n'obtiendraient pas de décision définitive de l'OFPRA ou de la commission de recours.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
    (L'article 7 est adopté.)

Articles 8, 11 et 13

    M. le président. « Art. 8. - L'article 12 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 précitée devient l'article 10 et est ainsi modifié :
    « 1° A et 1° Non modifiés ;
    « 2° La dernière phrase du même alinéa est ainsi rédigée : "Il délivre sans délai au réfugié la carte de résident prévue au 10° de l'article 15 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée et au bénéficiaire de la protection subsidiaire la carte de séjour temporaire prévue à l'article 12 ter de cette ordonnance. »
    Je mets aux voix l'article 8.
    (L'article 8 est adopté.)
    M. le président. « Art. 11. - Après l'article 12-1 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 précitée, qui devient l'article 11, il est inséré un titre III ainsi rédigé :

« TITRE III

« « DISPOSITIONS DIVERSES

    « Art. 12 à 18. - Non modifiés.
    « Art. 19. - Les modalités d'application de la présente loi sont fixées par décret en Conseil d'Etat, notamment :
    « 1° A Les conditions d'instruction des demandes d'asile dont l'office est saisi ;
    « 1° B Les modalités de désignation du préfet de département compétent pour exercer la mission définie au premier alinéa de l'article 8 dans plusieurs départements ;
    « 1° L'autorité compétente pour saisir l'office d'une demande de réexamen mentionnée au IV de l'article 2 ;
    « 2° Les modalités de désignation des représentants de l'Etat et du représentant du personnel au conseil d'administration, ainsi que celles des personnalités qualifiées ;
    « 3° Les modalités de désignation et d'habilitation des agents mentionnés au dernier alinéa de l'article 3 ;
    « 4° La durée du mandat des membres de la commission des recours des réfugiés ;
    « 5° Les conditions d'exercice des recours prévus à l'article 5 ainsi que les conditions dans lesquelles le président et les présidents de section de la commission des recours peuvent, après instruction, statuer par ordonnance sur les demandes qui ne présentent aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause les motifs de la décision du directeur général de l'office ;
    « 6° Le délai pour la délivrance du document provisoire de séjour prévu au premier alinéa de l'article 9 et permettant de déposer une demande d'asile ;
    « 7° Le délai dans lequel le demandeur d'asile qui a reçu le document provisoire de séjour susmentionné doit déposer sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
    « 8° Le délai pour la délivrance, après le dépôt de la demande d'asile auprès de l'office, du nouveau document provisoire de séjour prévu au premier alinéa de l'article 9, ainsi que la nature et la durée de validité de ce document ;
    « 9° Le délai pour la délivrance du titre de séjour après la décision d'octroi par l'office ou la commission du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire ;
    « 10° Les délais dans lesquels statue l'Office français de protection des réfugiés et apatrides selon la procédure prioritaire prévue au troisième alinéa de l'article 9. » (Adopté.)
    « Art. 13. - La présente loi entrera en vigueur le 1er janvier 2004. Toutefois, les dispositions de l'article 13 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 précitée dans sa rédaction antérieure à la présente loi resteront en vigueur pour ce qui concerne les demandes d'asile territorial déposées avant cette date.
    « Les demandes de reconnaissance de la qualité de réfugié en cours d'instruction auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à la date d'entrée en vigueur de la présente loi seront traitées comme des demandes d'asile au sens de la présente loi.
    « Les demandeurs d'asile territorial ayant une demande d'admission au statut de réfugié pendante devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à la date d'entrée en vigueur de la présente loi sont réputés se désister de leur demande d'asile territorial. Il en va de même des demandeurs d'asile territorial qui présentent une demande d'asile à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi. Les uns et les autres sont réputés avoir demandé l'asile au titre de la présente loi. » (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

    M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
    Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
    M. Etienne Pinte. Je m'abstiens !
    M. le président. Il n'y a pas d'abstention dans un vote à main levée.
    M. Etienne Pinte. Je ne vote pas le texte.
    (L'ensemble du projet de loi est adopté.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, je voulais simplement remercier à nouveau l'Assemblée, la commission des lois, son rapporteur et tous ceux qui ont participé à ce débat. Le Gouvernement est convaincu que, grâce à ce texte, nous allons pouvoir rééquilibrer le droit d'asile et lui rendre l'efficacité qui commençait à lui faire sérieusement défaut.

2

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

    M. le président. J'ai reçu, le mardi 18 novembre 2003, de M. Jacques Remiller une proposition de loi tendant à la création d'une journée nationale de solidarité en faveur des personnes âgées dépendantes.
    Cette proposition de loi, n° 1220, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mardi 18 novembre 2003, de M. Jean-Pierre Abelin une proposition de loi relative à l'assimilation des propriétaires de chambres d'hôtes à des travailleurs indépendants et à certains aménagements en terme d'affiliation aux régimes de sécurité sociale.
    Cette proposition de loi, n° 1221, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mardi 18 novembre 2003, de M. Jean-Christophe Lagarde une proposition de loi relative à la lutte contre les propos homophobes.
    Cette proposition de loi, n° 1222, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mardi 18 novembre 2003, de Mme Chantal Brunel une proposition de loi tendant à renforcer les garanties des redevables dans les procédures de recouvrement des cotisations sociales.
    Cette proposition de loi, n° 1223, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mardi 18 novembre 2003, de Mme Geneviève Colot une proposition de loi visant à imposer une distance de cinquante kilomètres entre deux centres d'enfouissement technique.
    Cette proposition de loi, n° 1224, est renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mardi 18 novembre 2003, de M. Michel Voisin une proposition de loi tendant à renforcer la protection des biens mobiliers dont la conservation présente un intérêt historique ou artistique.
    Cette proposition de loi, n° 1225, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mardi 18 novembre 2003, de M. Gérard Hamel une proposition de loi visant à autoriser un établissement public de coopération intercommunale à mettre en oeuvre un dispositif de vidéosurveillance.
    Cette proposition de loi, n° 1226, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mardi 18 novembre 2003, de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues une proposition de loi visant à interdire le port apparent de signes religieux, politiques ou philosophiques à l'école.
    Cette proposition de loi, n° 1227, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mardi 18 novembre 2003, de Mme Muriel Marland-Militello et plusieurs de ses collègues une proposition de loi tendant à créer une commission d'attribution des soins infirmiers aux personnes handicapées vivant à domicile.
    Cette proposition de loi, n° 1228, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mardi 18 novembre 2003, de Mme Muriel Marland-Militello et plusieurs de ses collègues une proposition de loi visant à permettre aux personnes lourdement handicapées, totalisant cent vingt trimestres d'assurance vieillesse, de bénéficier d'une retraite à taux plein.
    Cette proposition de loi, n° 1229, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mardi 18 novembre 2003, de M. Christian Blanc et plusieurs de ses collègues une proposition de loi visant à instaurer un service garanti pour les transports publics réguliers de voyageurs.
    Cette proposition de loi, n° 1230, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mardi 18 novembre 2003, de M. Yves Bur et plusieurs de ses collègues une proposition de loi visant à permettre aux bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé de relever du régime local alsacien mosellan.
    Cette proposition de loi, n° 1231, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

3

DÉPÔT D'UN RAPPORT

    M. le président. J'ai reçu, le 18 novembre 2003, de M. Guy Geoffroy un rapport n° 1232, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la parité entre hommes et femmes sur les listes de candidats à l'élection des membres de l'Assemblée de Corse (n° 1215).

4

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
ADOPTÉ PAR LE SÉNAT

    M. le président. J'ai reçu, le 17 novembre 2003, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux responsabilités locales.
    Ce projet de loi (n° 1218) est renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

5

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique.
    Questions au Gouvernement ;
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 884, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité :
    Mme Christine Boutin, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 1216) ;
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 1211).
    A vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée le mercredi 19 novembre 2003 à zéro heure trente.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Transmissions

    Par lettre du 14 novembre 2003, M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale les textes suivants :

Communications du 14 novembre 2003

N° E 2434. - Proposition de règlement du Conseil prorogeant jusqu'au 31 décembre 2005 l'application du règlement (CE) n° 2501/2001, portant application d'un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004 et modifiant ledit règlement (COM [2003] 634 final).
N° E 2435. - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 975/99 fixant les exigences pour la mise en oeuvre des actions de coopération au développement qui contribuent à l'objectif général du développement et de la consolidation de la démocratie et de l'Etat de droit ainsi qu'à celui du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du règlement (CE) n° 976/99 (COM 639 final).
N° E 2436. - Proposition de règlement du Conseil portant adaptation du règlement (CE) n° 1782/2003 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, du règlement (CE) n° 1786/2003 portant organisation commune des marchés dans le secteur des fourrages séchés et du règlement (CE) n° 1257/99 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) liée à l'adhésion de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie à l'Union européenne (COM [2003] 640 final).
N° E 2437. - Proposition de décision du Conseil portant adaptation de l'acte d'adhésion de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie et des adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne, à la suite de la réforme de la politique agricole commune (COM 643 final).
N° E 2438. - Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 95/408/CE concernant les modalités d'établissement pour une période transitoire, de listes provisoires des établissements de pays tiers dont les Etats membres sont autorisés à importer certains produits d'origine animale, produits de la pêche et mollusques bivalves vivants, pour en prolonger la validité (COM [2003] 652 final).
N° E 2439. - Proposition de règlement du Conseil instituant des droits de douane supplémentaires sur les importations de certains produits originales des Etats-Unis d'Amérique (COM 661 final).
N° E 2240. - Communication de la Commission : une initiative européenne pour la croissance, investir dans les réseaux et la connaissance pour soutenir la croissance et l'emploi (COM 690 final).