Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2003-2004)

 

ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 26 NOVEMBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mardi 25 novembre 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

1.  Fin de la mission d'un député «...».
2.  Service civique pour les jeunes. - Discussion d'une proposition de loi «...».
M. Daniel Vaillant, rapporteur de la commission des affaires culturelles.
M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Jean-Marc Ayrault,
Claude Leteurtre,
François Liberti,
Mme
Claude Greff,
MM.
Jean-Pierre Dufau,
Jacques Floch.
Clôture de la discussion générale.
3.  Ordre du jour de l'Assemblée «...».

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR «...»

4.  Service civique pour les jeunes. - Suite de la discussion d'une proposition de loi «...».
M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille.
M. Daniel Vaillant, rapporteur de la commission des affaires culturelles.
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles.

VOTE SUR LE PASSAGE À LA DISCUSSION
DES ARTICLES «...»

M. Jean-Pierre Dufau, Mme Claude Greff, M. Claude Leteurtre.
L'Assemblée, consultée, décide de ne pas passer à la discussion des articles ; la proposition de loi n'est pas adoptée.
5.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

FIN DE LA MISSION D'UN DÉPUTÉ

    M. le président. Par lettre du 19 novembre 2003, M. le Premier ministre m'a informé que la mission temporaire précédemment confiée à M. Emmanuel Hamelin, député du Rhône, prenait fin le 21 novembre 2003.

2

SERVICE CIVIQUE POUR LES JEUNES

Discussion d'une proposition de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault, M. Daniel Vaillant et plusieurs de leurs collègues tendant à créer un service civique pour tous les jeunes (n°s 1199, 1235).
    La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Daniel Vaillant, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à la famille, mes chers collègues, je suis très honoré de rapporter devant vous une proposition de loi déposée par le groupe socialiste et son président, Jean-Marc Ayrault, visant à créer un service civique pour tous les jeunes. C'est un projet ambitieux. Il est surtout nécessaire et même urgent.
    Député d'un arrondissement populaire parisien, je prends chaque jour la mesure du désarroi de nos concitoyens devant la montée de l'individualisme qui engendre incivilité, violence et dilue le sentiment d'appartenance à la collectivité nationale. De toute évidence, le lien social s'est distendu et une confusion s'est établie entre droits et devoirs. Il est donc indispensable de rechercher des moyens qui permettraient de mettre davantage les valeurs de la République à l'ordre du jour.
    Face à ce constat partagé, nous ne devons pas nous satisfaire de l'immobilisme : il nous faut agir. Dans ce cadre le renforcement du rôle de l'école publique et la place de la famille est une priorité et c'est pourquoi nous proposons de mettre en place un service civique et citoyen qui sera un véritable investissement républicain. Il témoignera de la volonté de l'Etat de redonner du sens au pacte social.
    Le service militaire, tel qu'il existait jusqu'en 1997, était devenu obsolète et très inégalitaire : il ne concernait que les garçons et était vécu comme une contrainte inutile et traumatisante pour les carrières professionnelles. Par ailleurs, il semblait très désuet à beaucoup d'appelés au point que 150 000 d'entre eux bénéficiaient d'exemptions.
    Néanmoins, le service militaire possédait des vertus évidentes. Il permettait à de nombreux jeunes de sortir du giron familial et d'en rencontrer d'autres, différents par leurs origines et leurs expériences. Il leur offrait la possibilité de connaître une discipline de vie, de donner un sens, même imparfait, au vivre ensemble.
    Au-delà de ce brassage social et culturel, il participait à la cohésion nationale en ce qu'il était un lieu où se transmettaient un certain nombre de valeurs. Raoul Girardet, historien spécialiste de la nation a souligné que la disparition du service militaire « participe sans doute de la fracture sociale » car le service était « un lieu de rencontre où l'étudiant bourgeois pouvait rencontrer le fils de paysan ».
    Enfin, il pouvait être l'occasion d'acquérir une formation, de se découvrir des talents et des capacités professionnelles.
    Ce sont tous ces aspects positifs que nous souhaitons recréer. J'y ajoute un constat, celui de la politologue reconnue Anne Muxel : « Les jeunes ne sont ni dépolitisés, ni démobilisés. Ils font preuve au contraire d'une conscience aiguë des problèmes touchant la collectivité. » Cela me fait dire que ce service civique et citoyen sera bien accepté par eux. Ils y verront non une simple contrainte mais bien une chance, en enrichissement personnel au travers du collectif.
    Ce service que nous proposons constitue non pas un retour en arrière mais une initiative innovante.
    Dans les autres pays de l'Union européenne, il existe des expériences de service civil mais la diversité des dispositifs est directement liée à l'existence ou non d'un service militaire. Dans les Etats où celui-ci demeure, comme en Allemagne ou dans les pays scandinaves, a été instauré un service civil obligatoire mais il n'est accessible qu'aux objecteurs de conscience. En revanche, dans les Etats où la conscription soit n'existe pas, soit est en voie de suppression, comme l'Irlande, l'Italie, la Belgique, les Pays-Bas ou encore la Grande-Bretagne, seuls fonctionnent des dispositifs faisant appel au volontariat ou le favorisant.
    Sur ce sujet, notre assemblée a enregistré la proposition de loi de notre collègue Claude Greff qui tend à créer un « temps citoyen » de trois semaines pour tous les jeunes. Je pensais que la proposition du groupe socialiste serait accueillie positivement par la majorité. Il semble que notre collègue émette une réserve essentielle sur la caractère obligatoire.
    Mme Claude Greff. Absolument !
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
    Cela étant, je vous le concède, il y a bien une différence entre le groupe socialiste et la majorité : nous, nous avons inscrit notre proposition de loi à l'ordre du jour. En revanche nous pouvons nous demander si celle de notre collègue ne serait pas qu'une proposition d'affichage, puisque je ne crois pas que le groupe UMP l'ait reprise !
    Notre proposition de loi est le fruit d'un long travail qui a abouti à un texte clair, construit et facilement réalisable. Pour cela, il convient que notre assemblée le décide aujourd'hui.
    Elle a d'abord une caractéristique particulière : l'obligation. Nous pensons, en effet, qu'un service effectué sur la base du volontariat ne concernerait pas bon nombre des jeunes auxquels nous voulons nous adresser en priorité. En revanche, nous pensons utile de le proposer aux jeunes de nationalité étrangère résidant régulièrement sur notre sol, sur la base du volontariat.
    J'insiste particulièrement sur le caractère universel du service civique, car la République ne doit laisser personne au bord du chemin. Ce service sera, pour de nombreux jeunes, une occasion nouvelle d'acquérir les fondamentaux qui leur manquent. Cela est vrai non seulement pour ceux qui ont quitté l'école sans diplôme ou qui n'ont pas de formation et peu de perspectives, mais aussi pour ceux qui, malgré la réussite scolaire, n'ont pas toujours acquis ces fondamentaux. Pour tous, il sera un lieu de rencontre et de découverte des autres, dans ce temps donné à la République et que celle-ci leur offre.
    Ce service civique permettra aux jeunes d'en rencontrer d'autres dans la diversité de la société, de les accepter avec leurs différences, qu'elles soient sociologiques, idéologiques, ethniques ou religieuses. Bref, il s'agira d'un moment d'immersion et d'insertion sociale qui constituera un véritable retour sur investissement pour notre société, une sorte de creuset républicain pour estomper les différences.
    Permettez-moi maintenant de décrire un peu plus en détail le dispositif.
    Nous proposons que ce service s'effectue en deux périodes, obligatoires pour tous, d'une durée d'un mois chacune, étalées en principe sur deux ans, mais pouvant être contractées sur une seule année. Ainsi, ce service n'altérera en rien la formation ou le parcours professionnel des jeunes. Il s'effectuera après le bac, ou à dix-huit ans pour ceux qui auront quitté l'école avant, pendant les périodes de congés.
    La première année, la période obligatoire sera consacrée à une formation théorique pour laquelle seront rappelés les fondamentaux de notre société : les valeurs de la République - la laïcité, le civisme, le respect des autres et de soi - mais aussi quelques règles élémentaires d'hygiène de vie pour lutter, par exemple, contre le SIDA, les MST, l'alcool, le tabac, la drogue. Des cours de culture générale et de vie pratique pourront également être dispensées. C'est pendant cette période que s'intégreront les éléments de l'actuelle journée d'appel de préparation à la défense.
    Cette première période sera aussi l'occasion pour les intéressés de bénéficier de stages d'initiation pratique dans des domaines aussi différents que le secourisme, la sécurité civile, la restauration du patrimoine, la préservation de l'environnement, l'éducation, la santé, l'action humanitaire. Et cette liste n'est pas exhaustive.
    La seconde année, la période, toujours obligatoire, permettra aux jeunes, en fonction de leurs centres d'intérêts, de leurs goûts et de leurs projets personnels, d'appréhender de manière pratique les matières qui les intéressent. Cette approche concrète se fera au travers de modules spécialisés dans les domaines précités et dans les lieux spécifiques : établissements scolaires, écoles de police et de gendarmerie, hôpitaux, casernes de l'armée ou des pompiers, maisons de retraite, parcs naturels ou régionaux. D'autres lieux peuvent être envisagés.
    Il conviendra, bien sûr, de laisser toute la souplesse nécesaire à ce dispositif, notamment dans le choix des périodes et de leur répétition, sur un ou deux ans, bref de s'adapter aux contraintes universitaires ou professionnelles des jeunes dans ce cadre strict.
    Enfin, à l'issue de ces deux périodes obligatoires, ceux qui le souhaiteront pourront avoir accès à une période de service prolongé, de six mois à un an, qui leur permettra de valider certains acquis après formation et évaluation. Cette possibilité offrira à certains la formation initiale qu'ils n'auront pas pu acquérir au cours de leur scolarité. Pour d'autres, il pourra s'agir d'une première étape vers la vie professionnelle. Ce service prolongé devra bien sûr faire l'objet d'une indemnisation.
    Plus concrètement encore, nous abordons le mode d'organisation du service.
    Un délégué interministériel sera nommé. Cela est prévu par l'article 3 de la proposition de loi. Il aura la charge de coordonner les services des différents ministères concernés par le dispositif. L'organisation du savoir devra être décentralisée, prenant appui sur les structures existantes et créant les partenariats nécessaires avec la collectivités ou même - pourquoi pas ? - avec des structures privées conventionnées.
    Un encadrement motivé et motivant doit être trouvé. En effet, pendant un mois, les jeunes seront amenés à se côtoyer et à vivre ensemble, à l'exception des repos hebdomadaires. Il apparaît dès aujourd'hui difficile de puiser dans le vivier de l'armée puisque la disparition de la conscription a entraîné la suppression des 35 000 postes de sous-officier et des 3 000 à 4 000 postes d'officier qui s'en occupaient. On pourrait, en revanche, envisager de se tourner vers l'éducation nationale et le milieu associatif pour trouver les formateurs nécessaires et compétents. De même, de jeunes retraités pourraient être sollicités pour assurer cette tâche. Notre pays regorge de bonnes volontés et de personnels qualifiés. Utilisons leur savoir-faire et leur énergie au service du pacte républicain et de la cohésion sociale.
    Pour ce qui est de la transmission des savoirs, là encore, les possibilités d'encadrement existent déjà. Ainsi les associations connaissent bien ce type de travail. Certaines entreprises rappellent déjà des jeunes retraités. L'Etat peut donc aussi proposer à ces derniers de faire profiter la jeunesse de leur expérience et de leur savoir. De même, certaines professions pourraient être sollicitées pour se présenter et animer des ateliers. Je pense à la sécurité civile, à l'armée, à l'école, aux services sanitaires et sociaux.
    Bref, vous le voyez, nous diposons des atouts pour réussir ce service ; il nous suffit de bien les coordonner et d'y mettre les moyens, car, bien sûr, ce service aura un coût. Je l'ai estimé à environ 2 milliards d'euros. Ce n'est certes pas rien, mais la France peut le financer, puisqu'il est équivalent à la baisse de l'impôt sur le revenu, d'autant que la dépense pour le service civique serait bien plus efficace pour l'avenir. Là encore, nous proposons une utilisation plus juste et plus dynamique de l'argent public. Cet objectif n'est donc pas hors d'atteinte.
    Ce service civique et citoyen est bien, au sens propre du terme, un investissement républicain. Il sera tout autant utile au développement personnel des jeunes qu'à celui de la société dans son ensemble. Il sera également l'occasion d'apporter un élément de réponse aux problèmes contre lesquels notre société butte depuis tant d'années, quels que soient les gouvernements. De véritables bénéfices seront retirés de sa mise en oeuvre.
    Il ne s'agit donc en aucun cas, vous l'aurez remarqué, d'une quelconque « usine à gaz », comme j'ai pu l'entendre récemment. C'est un projet bien concret qui répond à des problèmes réels. Je tiens d'ailleurs à insister sur le caractère transversal de la proposition qui, touchant à tous les domaines de notre vie collective, aura une utilité sociale forte. Pour les jeunes, ce sera du « gagnant-gagnant » : ils donneront de leur temps et la République leur offrira tout ce qu'elle est. Pour la société aussi, ce sera du « gagnant-gagnant ».
    Pour conclure, je citerai le Premier ministre actuel qui a déclaré, le 24 octobre 2002 : « La période récente vient de démontrer combien l'ambition collective, républicaine, pouvait être malmenée. Mon engagement est de restaurer ce vouloir-vivre ensemble. A la générosité du projet, consistant à tout mettre en oeuvre pour favoriser le rapprochement entre les différentes composantes de la société doit correspondre une exigence, proclamée haut et fort ; celle du respect intangible, dans l'espace public, des principes républicains. »
    Le groupe socialiste vous propose de passer aux actes maintenant, car il y a urgence, mes chers collègues. Le pacte républicain est réellement fragilisé. Tous les jours, cela se traduit par davantage d'individualisme, par le non-respect des règles, par la montée de la violence et des communautarismes. Les jeunes eux-mêmes sont conscients de ces dégâts. Pire, il en souffrent et en sont les premières victimes. Le coût en est finalement très élevé pour la société.
    Je suis certain que cette réforme sera bien acceptée si elle est bien expliquée. Je vous demande donc de donner une suite favorable à cette proposition de loi ; d'en discuter les articles et les amendements ; de la considérer avec toute l'ouverture d'esprit et la bienvaillance que les Français attendent de la représentation nationale. (Applaudissement sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la famille.
    M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, si l'objet de cette proposition de loi défendue par M. Vaillant est louable, ses modalités nous apparaissent comme peu convaincantes. J'y reviendrai.
    Nul ne conteste un point fondamental qui apparaît en filigrane : contre la culture de l'individualisme ou contre le communautarisme, contre les réflexes de la violence ou du rejet de l'autre, notre pays a, plus que jamais, besoin d'être rassemblé. Dans cet esprit, il faut réanimer l'idéal républicain, lequel s'organise autour de quelques repères qui sont les valeurs républicaines qui expriment notre communauté de destin et font de chaque individu un citoyen.
    Si les auteurs de cette proposition de loi sont inspirés par des motifs légitimes, les réponses apportées, elles, ne sont pas véritablement adaptées aux enjeux que la République doit affronter. Le sens de l'intérêt général tient davantage de l'exigence morale et républicaine qui anime la société et son sytème éducatif qu'à une sorte de kit fourni clés en main au terme de deux mois de stage.
    Mesdames et messieurs les députés, à l'issue d'un grand débat national, la France a mis un terme à la conscription. Pour des raisons qui tiennent autant à la géopolitique, à la stratégie qu'à la technicité croissante des systèmes d'armes, le service national ne remplissait plus que très partiellement son rôle. A cet aspect militaire réduit, s'est ajouté un sentiment de frustration et d'injustice éprouvé par les jeunes appelés qui ne comprenaient plus véritablement ce qu'on attendait d'eux. Bref, le creuset républicain incarné par le service national ne jouait plus son rôle.
    Le service national fut donc réformé pour faire place à la professionnalisation des armées. Pour autant, les différents textes qui ont suivi la réforme de la conscription ont permis de préserver une certaine conception de la défense et du service de l'intérêt général.
    Par la journée d'appel et de préparation à la défense, tous les jeunes Français, garçons ou filles, reçoivent une information sur les questions de la défense de la nation. Au-delà, ce rendez-vous « citoyen » permet d'aborder l'aspect global et multiforme de l'unité nationale en démontrant qu'elle est l'affaire de tous. S'y ajoute l'indispensable « devoir de mémoire » afin de maintenir vivant le souvenir du sacrifice des générations précédentes au service de la France.
    Par ailleurs, les différentes formes de volontariat civil permettent aux jeunes Françaises et Français d'exprimer toute leur générosité aux travers d'actions humanitaires ou sociales. Je pense tout particulièrement au volontariat de solidarité internationale et au volontariat civil de cohésion et de solidarité. Celui-ci offre aux jeunes la possibilité de s'investir, entre six et vingt-quatre mois, au sein d'associations à but non lucratif afin d'y mener des actions de prévention et de lutte contre toutes les formes d'exclusion.
    A l'opposé de ces dispositifs ciblés et fondés sur le principe du volontariat, le « stage civique » proposé par le groupe socialiste semble plus hasardeux tant d'un point de vue conceptuel qu'opérationnel. Ainsi, en termes de contenu, les jeunes Français disposeraient, sur un mois, d'une formation « patchwork » qui mêlerait le civisme à des cours de « vie pratique », les valeurs républicaines aux règles d'hygiène de vie. Sans se soucier ni de l'organisation technique ni de l'encadrement nécessaire, les auteurs de cette proposition de loi ajoutent à la théorie, la pratique. Ainsi durant quatre semaines, nos jeunes rejoindraient une association ou une administration mais la proposition de loi ne précise nullement les missions qui seraient offertes ! Les auteurs de cette proposition sous-estiment les moyens financiers et surtout humains que réclamerait un service civique obligatoire.
    Mesdames et messieurs les députés, on ne peut réduire la question de la citoyenneté à la seule civilité ! Le groupe socialiste pense-t-il vraiment que c'est en faisant visiter des casernes de pompiers ou en aidant de jeunes enfants à traverser la rue que l'on transmettra les fondements du pacte républicain ?
    M. Jacques Floch. Caricature !
    M. le ministre délégué à la famille. Nul n'est naturellement hostile au renforcement de la sociabilité, mais la vérité, c'est que la citoyenneté est une affaire d'éducation ; c'est l'affaire de l'Education !
    La France a confié à l'école la formation des citoyens et la charge de leur promotion, indépendamment de leurs origines sociales et culturelles. S'il ne s'agit pas de vivre dans la « nostalgie » de l'instruction publique de la IIIe République, veillons à ne pas oublier l'ambition originelle des pères fondateurs de l'école publique : en faire le creuset de la citoyenneté !
    Lorsque M. Vaillant nous explique que le service civique « sera un lieu essentiel de rappel de ce qui constitue le ciment de notre société : les valeurs de la République, la laïcité, le civisme, le respect des autres », il a, bien entendu, raison sur le fond, mais il se trompe de lieu ! C'est à l'école d'enseigner les rudiments du « vivre ensemble ». C'est à l'école que l'on acquiert les valeurs de la République, dont celles de l'égalité et de la laïcité, et que l'on apprend le respect des autres ! C'est par conséquent à l'école que nous devons consacrer notre énergie, nos efforts et les millions d'euros que coûterait le service civique qui nous est aujourd'hui proposé.
    Sous l'impulsion du Président de la République, le Gouvernement a lancé un grand débat sur l'école qui sera suivi d'un projet de loi dont l'objectif est de rénover notre institution soclaire. C'est dans le cadre de ce débat que les réflexions du groupe socialiste sur la citoyenneté devraient figurer.
    Mesdames et messieurs les députés, c'est à l'école que la devise républicaine doit être apprise pour s'ancrer dans les coeurs et les esprits. Mais il convient aussi de déveloper une politique qui donne du sens à cette devise. Pour que la liberté ne soit pas un slogan mais une réalité, il faut que la peur de l'insécurité soit chassée partout où elle existe. En république, il ne peut y avoir de zones de non-droit.
    Pour que l'égalité entre les hommes et les femmes soit une réalité, il convient que les droits reconnus aux femmes dans tous les pans de la vie économique et sociale s'appliquent concrètement, une attention devant être plus particulièrement portée sur les jeunes femmes issues de l'immigration. L'égalité des chances pour l'accès à l'emploi représente par ailleurs un enjeu essentiel pour la cohésion sociale de notre nation. Nul ne doit se voir refuser un travail pour des raisons étrangères à sa compétence ! L'égalité doit également être entendue comme la capacité offerte à chacun de surmonter ce qui est vécu comme une fatalité sociale. On touche là au problème de la promotion sociale.
    Nous le savons, à plus de 80 %, la trajectoire scolaire, professionnelle ou salariale des enfants issus de milieux ouvrier ou employé reste identique à celle de leurs parents. Dès lors, il n'est pas étonnant qu'un certain nombre de jeunes finissent par se convaincre que l'on ne leur donne pas la possibilité de se révéler et de libérer leur énergie au service de leur pays. Stage civique ou pas, la tentation est alors grande de se replier dans un réflexe communautaire pour palier l'absence de reconnaissance citoyenne.
    C'est à cette fatalité qu'il faut s'attaquer, non par un stage improvisé et obligatoire de deux mois, mais en garantissant à chacun les armes de l'insertion et de la promotion sociale. La réforme de la formation professionnelle répond à cet objectif autant que les contrats-jeunes en entreprise, qui offrent un vrai contrat de travail dans le secteur privé à des jeunes peu qualifiés, ceux-là mêmes qui oscillaient jusqu'alors entre petits stages et grande galère.
    La fraternité républicaine, c'est, concrètement, épauler toutes celles et ceux qui s'engagent dans le secteur associatif. Ils sont nombreux en France. Dans cette perspective, nous avons créé le CIVIS, qui est un contrat pour les jeunes porteurs d'un projet social ou humanitaire.
    La fraternité, c'est aussi offrir aux cent mille personnes qui rejoignent chaque année la France de façon légale les clefs de leur insertion dans la société française et, pour ceux qui choisissent de devenir Français, les conditions de leur assimilation pleine et entière. C'est ainsi que nous avons amélioré les conditions d'accueil des étrangers en leur fournissant une formation civique et linguistique.
    Voilà quelques exemples du travail de fond que nous devons engager pour donner plus de sens à notre devise républicaine.
    Mesdames et messieurs les députés, face au risque de fragmentation du corps social et à toutes les formes d'égoïsme, l'idéal républicain reste d'actualité. Il doit être réaffirmé et imposé partout où cela est nécessaire. La proposition de loi soumise à votre assemblée est inspirée, je le répète, par des intentions louables, mais elle est trop improvisée et ne répond que très partiellement, et parfois même maladroitement, aux défis qui sont lancés à notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Marc Ayrault.
    M. Jean-Marc Ayrault. Comme vous, monsieur le rapporteur Daniel Vaillant, je veux croire que la République a encore quelque chose à dire. Je veux croire qu'elle est encore capable de transmettre ses valeurs. Je veux croire qu'elle continue de porter un projet collectif qui transcende les barrières de classe, de naissance et d'origine.
    Oui, notre pays est en proie au désarroi. Oui, il a le sentiment que notre modèle républicain se délite. Le marché envahit progressivement toutes les sphères de la société. L'argent, l'individualisme, la réussite deviennent les références dominantes. Les solidarités traditionnelles s'affaiblissent. Le monde du travail s'atomise. Le sentiment du déclin français, qui aujourd'hui fait le succès des librairies, est autant la résultante de l'érosion de nos valeurs communes que de la crise économique.
    Que veut dire, en effet, la fraternité quand on meurt de pauvreté dans la canicule d'un été parce que l'Etat n'est pas là, parce que les voisins sont en vacances, parce que les services d'urgences sont débordés pour répondre aux appels de détresse ?
    Mme Claude Greff. Et vous, où étiez-vous ?
    M. Jean-Marc Ayrault. Que veut dire la solidarité quand des hommes et des femmes tombent dans l'exclusion et l'oubli à cause d'un licenciement ou d'un divorce ? Que signifie la citoyenneté quand tant de jeunes titulaires d'une carte d'identité nationale sont sans cesse renvoyés à leur couleur de peau, à leur nom ou à leur origine ? Que veut dire l'unité de la République quand le communautarisme et le corporatisme tentent de prendre l'Etat en otage ?
    Mesdames, messieurs les députés, le 21 avril 2002 nous a explosé à la figure, parce que nous n'avons pas su estimer la profondeur de cette crise de valeurs. La leçon n'a pas été retenue par l'actuelle majorité. Eloigné dans la stratosphère diplomatique, dépourvu de vision nationale, le chef de l'Etat apparaît plus que jamais impuissant à fédérer autour d'un projet collectif pour la France. Le gouvernement de M. Raffarin en est réduit à culpabiliser les Français, qui penseraient trop à l'argent et pas assez au coeur. Terrible renversement de sens !
    Non, la générosité et l'altruisme - M. Vaillant l'a rappelé - ne font pas défaut à la France. Il suffit de voir les bénévoles qui s'investissent dans les associations d'aide aux plus démunis, les étudiants, les enseignants qui prennent de leur temps pour sauver les élèves de l'échec scolaire. Il suffit également de penser aux jeunes, garçons et filles, aux infirmières, aux médecins qui s'engagent dans des opérations de secours aux peuples en détresse.
    Ce n'est pas le peuple qui est coupable d'égoïsme, c'est le modèle de société qu'on lui propose.
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Absolument !
    M. Jean-Marc Ayrault. Tous ces gestes, tous ces mouvements de solidarité, qui sont nombreux, ont besoin d'une impulsion nouvelle, d'un cadre, d'une organisation qui permettent de mobiliser l'ensemble de la société.
    Ce rôle, mes chers collègues, c'est à la puissance publique de l'assumer. C'est à l'Etat de faire vivre les valeurs du pacte républicain. C'est à l'Etat d'organiser le cadre qui permettra de fédérer les énergies. Mais l'Etat ne peut pas tout. La solidarité, l'intégration sont une alchimie qui ne peut réussir sans un engagement personnel, sans une volonté de chacun de participer à un projet collectif, par-delà ses origines ou sa situation sociale.
    Le citoyen d'aujourd'hui ne peut se réduire à un consommateur de droits ou de prestations. Il doit être un acteur conscient et responsable. Les droits qui lui sont reconnus sont inaliénables, les devoirs qu'il lui faut assumer sont imprescriptibles. « Chacun seul est responsable de tous » disait avec justesse Antoine de Saint-Exupéry.
    C'est donc dans cet esprit, comme vous l'a rapporté M. Vaillant, que le groupe socialiste propose d'instaurer un service civique pour tous les jeunes Français, garçons et filles.
    Ce projet a une histoire qui dépasse les frontières partisanes. Il a été conçu il y a plus de dix ans par le secrétaire d'Etat à l'action humanitaire, Bernard Kouchner. Il a été étudié par la commission Seguin en 1996 pour remplacer le service militaire, avant d'être enterré par le ministre de la défense de l'époque, M. Millon, qui le trouvait trop coûteux. Il a été repris dans le programme présidentiel du candidat Jospin, conscient qu'il fallait relancer un processus d'intégration en panne. Et il fait maintenant l'objet dans cette assemblée de notre proposition de loi.
    Qu'un projet de cette importance rapproche les républicains des deux rives est pour moi salutaire : cela témoigne d'une prise de conscience collective, de l'urgence à redonner un tronc commun à notre société.
    Ni l'école, monsieur le ministre, submergée par les problèmes sociaux, ni la journée de préparation à la défense, qui se réduit à une évaluation des connaissances, ni les associations, qui ont tout juste les moyens de subvenir à l'urgence, ni la famille, souvent fragilisée, ne sont en mesure seules de former les jeunes à la citoyenneté.
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Bien sûr !
    M. Jean-Marc Ayrault. C'est bien une responsabilité collective de la nation tout entière.
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Tout à fait !
    M. Jean-Marc Ayrault. Le service civique est un chaînon manquant dans notre organisation sociale.
    Il permettra aux nouvelles générations d'appréhender les fondamentaux de notre vivre ensemble. Il leur donnera la possibilité de participer activement, concrètement et positivement, parce qu'ils le souhaitent, à des projets de solidarité. Il ouvrira à ces jeunes, garçons et filles, des voies nouvelles pour s'insérer dans le monde du travail. Il sera, nous le souhaitons, l'université permanente d'une nouvelle citoyenneté.
    Sa première originalité est d'établir un véritable partenariat entre l'Etat, les collectivités locales et les associations agréées. Il sera ouvert à tous les jeunes Français, garçons et filles, au terme de leur cursus scolaire ou universitaire, et son organisation sera souple et décentralisée : la durée de deux mois pourra être effectuée en deux périodes distinctes ou consécutives. Après un apprentissage des valeurs qui fondent notre pacte républicain, chaque jeune effectuera un stage de formation, soit dans des organismes publics, soit dans des associations consacrées à tous les domaines de la solidarité et de la citoyenneté. Au terme de cette période obligatoire, il ou elle se verra proposer une période plus longue, facultative, de six mois à un an, qui lui permettra de réaliser son projet d'engagement civique, que ce soit dans les secteurs de l'éducation, de la santé, des personnes âgées ou handicapées, ou encore ceux de la sécurité civile, de l'aide au développement du tiers-monde ou de la protection de l'environnement.
    Parce qu'il doit être un véritable creuset de l'intégration et du brassage, ce temps du service civique, pris intégralement en charge par l'Etat, fera l'objet non seulement d'une compensation financière mais également d'une validation professionnelle. Il sera également proposé, facultativement, à tous les jeunes étrangers vivant sur notre territoire et qui souhaitent s'y intégrer.
    Imaginons l'aide qu'auraient pu apporter tous ces jeunes aux personnes âgées isolées pendant la canicule, l'été dernier, la responsabilisation qu'elle aurait entraînée et le lien intergénérationnel qu'elle aurait permis de recréer. La solidarité ne doit plus être vécue par procuration mais s'exercer dans le réel. Les nouvelles générations - j'en suis convaincu - ont la même générosité et le même altruisme que les précédentes. Faisons-leur confiance, mais donnons-leur les moyens d'exprimer cette confiance. Ce qu'elles veulent, en effet, c'est être responsabilisées dans des causes qu'elles savent justes, nobles et utiles à la société.
    Cette proposition - certains ont ironisé à son sujet - est tout sauf passéiste. Nous n'avons pas la nostalgie des organisations de jeunesse qui quadrillaient l'espace social. Nous ne cherchons pas à ressusciter le service militaire, qui a été pour les appelés autant un vecteur d'intégration que le règne de l'ennui et du passe-droit. Nous voulons retrouver un ciment qui unisse la communauté nationale autour de ses valeurs fondatrices. Alors, je suis sûr que, peu à peu, avec tenacité, la République regagnera le terrain perdu.
    J'entends déjà les critiques : « Vous ressuscitez les chantiers de jeunesse », « Les jeunes ne veulent pas d'une nouvelle obligation », « Le mouvement de l'histoire, c'est l'incitation, le mécénat, la libération des énergies individuelles, le desserrement des règles... » Ce sont les arguments qui vont m'être opposés. Sommes-nous si peu assurés de la force de nos principes que nous ne nous sentions plus en mesure de demander - et d'expliquer - à nos concitoyens un effort partagé équitablement ? Croyons-nous que l'Etat soit devenu si peu respecté qu'il ne peut plus transcender les individualismes ? Avons-nous donc abdiqué toute volonté de changer le cours des choses quand il contredit tout ce pour quoi nous sommes élus ?
    La République est à mes yeux un progrès continu vers plus de droits et d'égalité, elle est aussi un projet collectif fondé sur des obligations communes, sur des droits et des devoirs. A se complaire dans le culte de l'individu, nous laissons la sphère privée commercialiser l'espace public, « marchandiser » l'esprit public, comme on dit aujourd'hui. A ne plus raisonner qu'en consommateurs, nous ouvrons la voie aux incivilités, au désengagement individuel. A réduire l'Etat aux acquêts, nous faisons le lit du communautarisme et du corporatisme. Chacun chez soi et Dieu pour tous, est-ce là notre communauté de destin ?
    Eh bien non ! Avec mes amis du groupe socialiste, je ne m'y résigne pas. Je crois que la République française est une idée originale et universelle qui nous permet d'affronter tous les défis de la modernité. Je crois qu'elle est encore capable de faire progresser les droits et d'obtenir le consentement aux devoirs. Je crois qu'elle est toujours un vivre ensemble qui transcende les individualismes, concilie la responsabilité et l'ouverture aux autres et marie la liberté et la solidarité.
    Alors, bien sûr, le service civique ne suffira pas à retisser le lien social s'il n'existe pas une grande politique de solidarité et d'intégration qui combatte les ghettos, les discriminations et l'exclusion. Mais c'est un point de départ, un signe fort, un acte de refondation, une volonté de réappropriation de nos valeurs, de façon claire et assumée.
    Mesdames, messieurs les députés, chers collègues, cette volonté n'est pas notre exclusive. Je la sais partagée sur bien des bancs de cette assemblée. C'est pourquoi je veux croire, au-delà des propos du ministre, que, dans ce combat-là, vous serez capables de dépasser les frontières partisanes et de voter avec nous cette proposition de loi qui n'a qu'un seul but : retrouver la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre.
    M. Claude Leteurtre. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'idée d'un service civique n'est pas neuve. Elle serait même plutôt récurrente depuis que le service national a été supprimé en 1997. Il est vrai que certain de ses avantages ont disparu avec lui. En dehors de son rôle essentiel pour la défense de notre pays, le service national permettait un brassage social indéniablement utile à la cohésion sociale. Il restait cependant perçu comme une contrainte pour les jeunes qui cherchaient au maximum à y échapper. Il faut d'ailleurs noter la forte augmentation du nombre d'objecteurs de conscience durant les dernières années du service national. En 1983, ils étaient 1 707 ; en 1995, 10 000 ! Quoi qu'il en soit, alors qu'en 1997 la question de son remplacement était déjà posée, aucun gouvernement n'a pris depuis l'initiative de faire de véritables propositions.
    Cependant, chacun y a réfléchi et plusieurs partis politiques ont fait, sur ce sujet, des propositions. L'UDF avait d'ailleurs inscrit dans son programme des dernières législatives l'idée de créer un service civil humanitaire. Notre débat d'aujourd'hui aura au moins la vertu de clarifier les positions des uns et des autres sur le sujet.
    L'UDF considère que le proposition de loi de MM. Ayrault et Vaillant et de leurs collègues du groupe socialiste est en fait une fausse bonne idée. Il y a deux raisons essentielles à cela : son caractère obligatoire et la durée du service civique proposé. L'exposé des motifs de la proposition, pavé de bonnes intentions, montre bien toute l'ambiguïté de la démarche qui nous est soumise.
    On nous propose de consacrer une première période de ce service civique à une formation théorique où seront rappelés les fondamentaux de notre société : les valeurs de la République, la laïcité, le civisme, l'égalité entre les hommes et les femmes, le respect des autres et de soi, etc., etc. Cet inventaire à la Prévert est bel et bon. Chacun ne peut qu'y souscrire ; et pourtant il me met mal à l'aise. N'est-ce pas au sein de l'école que tout cela doit s'apprendre ? Si à l'âge de dix-huit ans ces fondamentaux ne sont pas acquis, c'est à désespérer des qualités de notre enseignement.
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. C'est pourtant bien la réalité !
    M. Claude Leteurtre. S'ils ne sont pas acquis à cet âge, ils ne le seront pas plus à l'âge adulte, quoique l'on fasse !
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. C'est à désespérer alors !
    M. Claude Leteurtre. Favoriser l'engagement des jeunes, renforcer le lien intergénérationnel, permettre un brassage social : certes, l'intention est louable, mais, là encore, ne mélangeons pas tout.
    Vous souhaitez permettre aux jeunes d'exprimer leur générosité et leur souhait de participer à des actions de bénévolat. Franchement, ce n'est pas en créant une obligation contraignante que l'on inciterera aux gestes gratuits.
    Par essence, le bénévolat et le volontariat sont des actes de libre adhésion.
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Voilà !
    M. Claude Leteurtre. Vouloir les embrigader, les canaliser, les étatiser, c'est tout simplement vouloir les détruire.
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. C'est sûr qu'on ne le trouve pas à l'UMP, le service civique !
    M. Claude Leteurtre. La mode est à dire que le bénévolat n'existe plus. Pourtant, jamais les associations n'ont été aussi vivaces, jamais elles n'ont rendu autant de service à notre société. Faut-il rappeler l'action des Restos du Coeur, de la Croix-Rouge, des gestionnaires de la quasi-totalité des établissements d'accueil des handicapés, enfants et adultes ? Il n'y a pas de crise du bénévolat, pas plus que de manque de générosité des Français.
    Au nom de la solidarité, on va obliger les salariés de notre pays à offir une journée de leur travail. Je suis persuadé que le résultat serait meilleur si, là aussi, on avait fait appel au bénévolat en laissant chaque salarié décider s'il souhaitait participer à cette action en donnant un, deux, voire plusieurs jours de son travail.
    M. François Loncle. A vot'bon coeur, messieurs-dames !
    M. Gérard Bapt. Ce serait un peu difficile à gérer !
    M. Claude Leteurtre. Ne soyons pas hypocrites, ne parlons pas de solidarité lorsqu'il s'agit de solidarité obligatoire et contraignante !
    Oui, aidons à la libération de la générosité naturelle de la jeunesse. Non, ne le faisons pas par la contrainte et l'obligation.
    On peut d'ailleurs s'interroger sur la légalité d'un service civique obligatoire. Il n'est pas du tout sûr qu'il soit compatible avec la charte européenne des droits de l'homme, pas plus d'ailleurs qu'avec la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui précise, dans son article 5, que « nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire ».
    M. François Loncle. Il ne s'agit pas de travail !
    En outre, le service civique que vous proposez serait obligatoire pour une durée minimale de deux mois. Dès lors qu'il s'agit d'une contrainte, on comprend que vous l'ayez réduit à sa plus simple expression. Pour nous, à l'Union pour la démocratie française, qui sommes pour un service civique basé sur la libre adhésion, c'est une durée minimum de six mois qu'il faudrait. Ce n'est pas un gadget qu'il faut mettre en place, mais une véritable organisation qui permettra à tous ceux qui le souhaitent de donner de leur temps, les jeunes comme les adultes. A partir du moment où nous serions dans le cadre d'une libre adhésion, il faudrait rendre cette volonté possible et efficace, en l'aidant à s'exprimer dans un vrai projet de solidarité et d'engagement au service des autres.
    Je comprends votre souci de rechercher un équilibre, mais, de votre côté, reconnaissez que la solidarité ne se satisfait pas de demi-mesures, une part obligatoire incombant à l'Etat, et une part facultative revenant aux autres. Pour nous, et compte tenu du coût important de ce dispositif, évalué à 2 milliards d'euros - c'est un minimum, me semble-t-il -, qui sera à la charge du contribuable -, il convient que l'efficacité soit au rendez-vous de la générosité. L'Union pour la démocratie française n'est pas contre un service civique, à condition qu'il se fonde sur la libre adhésion, qu'il soit ouvert à tous, sans aucune condition, et qu'il s'inscrive dans une durée assez longue, en rapport de sa finalité.
    « Du choc des idées jaillit la vérité », disait Platon. La proposition qui nous est soumise aujourd'hui a l'avantage de fixer les opinions des uns et des autres sur le sujet. Elle permettra certainement au Gouvernement, comme nous le souhaitons, de s'emparer très rapidement de ce sujet en toute confiance, car il aura compris qu'il y a sur le fond un véritable consensus au sein de notre assemblée. Monsieur le rapporteur, l'Union pour la démocratie française vous reconnaît ce mérite, mais ne vous suivra pas sur la façon dont vous le concevez.
    M. René Couanau. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. François Liberti.
    M. François Liberti. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise vise à instituer un service civique pour tous les jeunes. Partant du constat d'une société de plus en plus inégalitaire et individualiste, et de la menace de disparition du pacte social, il nous est proposé de recréer une institution susceptible de transmettre les valeurs fondamentales de la République.
    En saisissant l'opportunité de la crise de cet été, le but est donc de créer pour les jeunes un moment privilégié d'échange et d'égalité de partage au nom des valeurs de la République, comme la laïcité, le civisme, le respect des autres et de soi, le respect des différences. Cette revendication avait déjà été exprimée par nos collègues du groupe socialiste il y a quelques années. L'Union pour la démocratie française, sous d'autres aspects, ainsi que l'Union pour un mouvement populaire ont également déposé des textes sur le même thème.
    Depuis 1997, le service militaire n'existe plus. Il était devenu obsolète et très inégalitaire. Pour notre part, nous nous étions abstenus au moment du vote visant à sa suppression. Nous considérions en effet qu'il fallait défendre une armée mixte, plus professionnelle, tout en offrant aux jeunes un minimum d'instruction militaire et civique.
    Il est vrai que la conscription offrait la possibilité aux jeunes de connaître une discipline de vie, de donner un sens au « vivre ensemble » en permettant un brassage social et culturel. En renforçant le sentiment d'appartenance à la communauté française, le service national constituait le lien fort entre l'individu et la nation. Il était dans ce sens facteur de cohésion sociale - sans oublier que, à certaines époques, il a également constitué un élément de sauvegarde de la République.
    La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui vise à réinventer un système qui permettrait d'inculquer aux jeunes que le civisme est un devoir et la citoyenneté un droit, c'est-à-dire de réhabiliter les valeurs de la République. Pour cela, le texte nous propose de rendre obligatoire le service civique pour les Français, garçons et filles, après l'obtention du baccalauréat, ou dès l'âge de dix-huit ans s'ils sont sortis du système scolaire.
    Le service civique serait composé d'une première période courte - un mois - consacrée à un stage théorique sur la République et ses valeurs. Cette première période comprendrait un tronc commun de culture générale, mais également divers modules spécialisés que les jeunes pourraient choisir en fonction de leurs centres d'intérêt, par exemple dans le domaine de la préservation de l'environnement ou de l'action humanitaire.
    Ce qui est défini comme un « stage » permettant l'immersion et l'insertion dans le creuset républicain serait suivi, l'année suivante, d'une mise en pratique d'un mois dans des lieux spécifiques mettant l'accent sur l'utilité sociale du travail effectué et la solidarité. Il serait également possible de compléter ce service par une période d'engagement plus longue, de six mois à un an, autorisant la validation de certains acquis après formation et évaluation.
    Si les principes exposés sont justes, cette proposition de loi n'est pas sans soulever un certain nombre de problèmes et d'interrogations. La position du groupe des député-e-s communistes et républicains demeure très réservée sur ce projet. En qualifiant ce système de transversal, il induit des confusions maladroites entre le volontariat et l'obligation, le bénévolat et l'activité rémunérée, le civisme et le projet professionnel, l'intégration et l'exclusion.
    Pour commencer, on s'adresse à l'éducation nationale et au milieu associatif pour trouver des formateurs compétents. Lorsque l'on a l'ambition de créer une institution, car il s'agit bien de répondre à un besoin de socialisation, de contrôle et de régulation, il faut s'en donner les moyens. Il ne faut pas induire de confusion entre les lieux et les fonctions des différentes institutions qui structurent notre société. Qui plus est, cela peut conduire à occulter les missions quotidiennes, n'ayons pas peur des mots, de formation à l'esprit civique de l'école, et ce, dans un contexte où le Gouvernement engage une nouvelle loi d'orientation sur l'école fondée sur des choix de régression au niveau des moyens et d'une profonde inégalité sociale quant aux objectifs.
    Autre aspect discutable de cette proposition, c'est l'obligation de volontariat. Les jeunes, quelles que soit leur origine sociale et culturelle, sont en majorité des êtres généreux et curieux. Pourquoi nier un engagement qui existe déjà ? A l'heure de la stigmatisation excessive de la jeunesse, les jeunes veulent plus que jamais exister en tant qu'acteurs crédibles et reconnus de notre société.
    Face à leurs doutes et incertitudes dans un monde complexe et difficile à décrypter, ils s'engagent volontiers aujourd'hui dans des actions qui, aussi modestes soient-elles, les aident à mieux se connaître, à découvrir les richesses du groupe et ainsi à construire ensemble. Leur participation à des travaux d'action humanitaire ou de solidarité peut aussi les aider à prendre confiance en leur utilité et leur valeur.
    Avec un service civique obligatoire, on court le risque de dévoyer le sens et le bénéfice de l'engagement de notre jeunesse. Ce serait, de mon point de vue, une erreur.
    A cela s'ajoute un risque de confusion entre l'engagement citoyen et l'élaboration d'un projet professionnel, un risque dont toutes les conséquences n'ont peut-être pas été suffisamment pesées. La possibilité de proroger le service en contrepartie d'une indemnité n'aura pour effet que de créer un nouvel emploi jeune social, un sous-emploi jeune. Comment ne pas imaginer, par exemple, que les jeunes les plus démunis en termes de perspectives d'avenir ne s'engouffreront pas dans ce système ? Ils y seront d'autant plus incités que les deux premiers mois sont obligatoires. Il y a là un effet d'aubaine que certains employeurs ne manqueront pas de saisir.
    Pour rester dans le domaine de l'insertion professionnelle stricto sensu, des dispositifs existent déjà, qui visent à préparer l'entrée des jeunes dans la vie active par des actions préventives de sensibilisation à l'insertion, en collaboration étroite avec les partenaires économiques et sociaux. Ces dispositifs prévoient des mesures spécifiques adaptées à certaines situations, sur lesquelles il y aurait d'ailleurs beaucoup à dire, qu'il s'agisse des buts, des moyens ou encore du caractère démocratique de leur fonctionnement. Pourquoi ajouter une nouvelle voie à ce système jugé trop souvent complexe et illisible ?
    De surcroît, avec le RMA élaboré par le gouvernement Raffarin sous la dictée du MEDEF, qui vise à livrer au patronat une main-d'oeuvre précaire quasi gratuite, il y a évidemment fort à craindre que ce dispositif ne vienne compléter une logique d'assouplissement et de flexibilité à outrance du droit du travail. Tout au contraire, nous le savons tous, des garanties s'imposent face au risque de voir des emplois déjà précaires remplacés par des emplois encore plus précaires et largement subventionnés.
    N'y a-t-il pas non plus un risque d'amalgame avec le contrat d'insertion dans la vie sociale - le CIVIS - qui n'est rien d'autre qu'une forme de sous-emploi d'utilité sociale ? Que dire du projet, désormais au coeur du débat, d'instaurer un service minimum dans les services publics ? Ces jeunes volontaires sous-payés tomberaient fort à propos...
    Cette proposition de loi soulève également la question de l'intégration des jeunes étrangers. Ces derniers ne seront pas, à lire votre texte, contraints d'y participer. Or il a été clairement affirmé pendant les travaux de la commission que la participation au service civique pourrait devenir un critère pour la naturalisation ou l'obtention d'une carte de séjour de longue durée. Nous voyons bien ici le lien qui pourrait être fait entre l'intégration dans la société et ce type de contrat : seul l'étranger ayant suivi le parcours d'intégration proposé serait présumé remplir la condition d'une intégration « satisfaisante ». Or qu'est-ce qu'une intégration « satisfaisante » ? Il n'y a pas critère plus subjectif.
    Nous sommes en profond désaccord avec cette conception de l'intégration des étrangers dans notre société : il n'existe pas un modèle préconçu d'intégration, mais autant d'exemples d'intégration qu'il y a d'étrangers.
    Je ne peux donc que réaffirmer les réserves du groupe des député-e-s communistes et républicains à l'égard de cette proposition de loi qui, pour le moins, mérite une réflexion un peu plus approfondie. Cela dit, favorable en toutes circonstances au débat, et tout particulièrement dans cette enceinte, notre groupe souhaite que notre assemblée puisse engager la discussion et votera le passage à la discussion des articles.
    M. le président. La parole est à Mme Claude Greff.
    Mme Claude Greff. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la citoyenneté mérite que l'on s'y penche. C'est un constat que, visiblement, nous partageons les uns et les autres. Le sujet est intéressant, mais il doit, me semble-t-il, être abordé dans un tout autre état d'esprit que celui qui nous est proposé par le groupe socialiste. Si l'objet de sa proposition paraît louable, c'est sur la méthode que nous sommes en total désaccord et je veux vous en donner les raisons.
    Il y a encore quelques années, les valeurs républicaines avaient un sens pour nous tous. Aujourd'hui, notre pacte républicain est fragilisé. Les valeurs semblent diluées. La vie a changé, les hommes ont changé et ces évolutions tendent à occulter la lumière républicaine derrière l'individualisme. Dans un monde en constante mutation nous devons faire face à une multiplication des attentes de nos concitoyens. Pourtant, les Français, et notamment les jeunes, ont toujours un certain attrait pour les choses collectives. La flamme n'est pas éteinte ; encore faut-il leur donner l'occasion et surtout les moyens de s'investir.
    C'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi visant à créer un temps citoyen. J'y pensais depuis de très nombreuses années, car je sais que le monde associatif est un excellent facteur d'intégration sociale. Je n'ai pas, comme vous l'avez dit tout à l'heure, attendu le 21 avril ou la canicule pour savoir qu'il était urgent de répondre à la demande des Français.
    Après avoir été un membre actif de ces associations, aujourd'hui, j'ai la possibilité, en tant que députée, de pouvoir répondre concrètement à un souhait souvent exprimé, c'est-à-dire valoriser l'engagement des Français et les inciter davantage à vivre ensemble. Ils sont 21 millions de Français à être déjà engagés dans le bénévolat. Si 58 % de nos seniors s'investissent déjà beaucoup, l'engagement des jeunes reste faible : seulement 37 % des quinze - vingt-neuf ans. Pour autant, mon expérience dans le monde associatif m'a prouvé que les jeunes souhaitent vraiment s'investir. Mais pour cela, il faut savoir les intéresser, les valoriser, leur donner envie, s'adapter à leurs disponibilités, et non pas les contraindre.
    La première mission d'un député est de répondre aux attentes des Français. Mais pour ce faire, il faut savoir parler le même langage qu'eux, et, plus simplement, les connaître, les écouter, et mieux les comprendre. Compte tenu de l'évolution de la société, il est préférable de faciliter et d'encourager leur investissement auprès des autres plutôt que de les y obliger.
    S'il y a unanimité pour rendre vigueur à la citoyenneté, il est nécessaire aujourd'hui de redonner une signification forte à des mots que vous avez - vous à gauche - trop galvaudés, comme les mots de « citoyen » ou « civisme ».
    Mes chers collègues, nous ne pouvons adhérer à la proposition de loi du groupe socialiste qui veut que le service civique pour tous les jeunes soit obligatoire.
    Avec votre proposition de loi, monsieur Vaillant, il y aurait des jeunes qui pourraient être considérés comme des citoyens puisqu'ils auraient fait leur service civique, et les autres, les moins jeunes, ceux qui ne pourraient pas faire preuve de citoyenneté puisqu'ils n'auraient plus l'âge. En outre, il y aurait d'un côté les Français dont le service civique serait obligatoire et, de l'autre, ceux pour lesquels ce ne le serait pas, les étrangers, par exemple.
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. C'est la Constitution !
    Mme Claude Greff. Non, monsieur Vaillant, vous vous trompez ! Le civisme, la solidarité, les valeurs humaines et le respect de l'autre concernent chacun de nous, sans aucune différence, même ceux qui ont rejoint légalement le territoire français.
    Une fois de plus, vous nous démontrez que vous ne connaissez plus la France et les Français. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Loncle. Arrêtez ce genre de plaisanterie !
    Mme Claude Greff. Vous souhaitez imposer vos idées sans écouter les besoins de nos concitoyens ni y répondre. Vous procédez de la même façon que pour la loi sur les 35 heures !
    M. Claude Gaillard. Eh oui !
    M. Claude Greff. Et, si je puis me permettre, monsieur Vaillant, je souhaiterais mettre une petite annotation sur votre copie : « Il y a de l'idée mais, attention, vous n'êtes pas loin du hors-sujet. »
    M. Gérard Bapt. C'est une annotation de professeur de classe élémentaire ! C'est nul, pitoyable !
    M. Alain Néri. Quelle arrogance !
    Mme Claude Greff. En effet, comment faire adhérer les jeunes citoyens à l'idée de la République ? Par la contrainte, par l'obligation ? Où est la liberté de choix, l'initiative de l'être humain ?
    Votre proposition de loi envisage la citoyenneté comme une obligation : c'est une grave erreur. L'obligation que vous proposez ne correspond pas à l'esprit de notre République dont la devise comporte, je tiens à vous le rappeler, trois mots essentiels : liberté, égalité, fraternité.
    Comment pouvez-vous encore croire, monsieur Vaillant, avec les responsabilités qui ont été les vôtres, que l'on puisse contraindre à agir des jeunes dont l'horizon d'opinion est aujourd'hui de plus en plus large avec Internet, la télévision, la mondialisation des idées ? Il faut leur permettre de vivre leur citoyenneté concrètement, avec fierté et honneur, et non pas par obligation. C'est une éducation qui se fait au quotidien, conjointement au sein de la cellule familiale et de l'école.
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Et si ça ne marche pas ?
    Mme Claude Greff. Il faut leur faire confiance, tout comme je fais confiance aux Français.
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Donc, tout va bien !
    Mme Claude Greff. Ma proposition de loi sur le temps citoyen fait confiance à la nature humaine. Elle est optimiste et pragmatique.
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Et vous ne faites rien !
    Mme Claude Greff. Son but essentiel est de rassembler les Français, de leur permettre de mieux vivre ensemble et non de les diviser. Tel est également le sens de celle de notre collègue Patrick Beaudouin en cas de catastrophe naturelle.
    L'engagement citoyen que je propose est volontaire, librement consenti, donc non obligatoire, et répond à la demande des jeunes.
    Créer un temps citoyen, ce n'est pas nous obliger à vivre un temps citoyen, comme vous me l'avez fait remarquer. C'est simplement proposer un temps où l'on pourra s'engager à vivre sa citoyenneté car, monsieur Vaillant, la citoyenneté se vit, elle ne se proclame pas sous le joug de la contrainte.
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. On en sait autant que vous !
    M. Claude Gaillard. C'était un rappel !
    Mme Claude Greff. Je ne reviendrai pas sur les moyens financiers qu'impliquerait la mise en place de votre service civique. Vous nous dites : 2 milliards d'euros et 39 000 personnels supplémentaires.
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Où avez-vous vu 39 000 personnels supplémentaires ?
    Mme Claude Greff. Mais sur quel budget imputer le coût d'une telle opération ? Où trouver ces personnels ? Sur quels critères les recruter ? Quel serait leur statut ?
    Vos vagues explications n'apportent malheureusement, comme toujours, que de vagues réponses.
    Avec la proposition de loi visant à créer le temps citoyen, de telles difficultés ne se posent pas. Comme il repose sur le volontariat, il ne sera pas nécessaire de recourir aux forces de l'ordre pour aller chercher les récalcitrants. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Le civisme est l'affaire de tous et ne doit pas concerner que les jeunes. C'est une formidable occasion de se tourner vers les autres pour mieux se connaître. L'incitation est, de ce fait, un élément essentiel.
    Avec le temps citoyen, on pourra valoriser l'esprit civique par la délivrance d'un brevet d'honneur de citoyenneté, véritable reconnaissance de la nation. Ce document préciserait également les savoir-faire acquis.
    Volontariat, reconnaissance, solidarité et incitation sont les piliers de l'engagement civique, et je crains fort qu'en dehors de ces principes, la citoyenneté ne sorte pas grandie aux yeux de nos jeunes et de la population tout entière.
    Accomplir un stage théorique, se former en deux mois n'est pas l'objet du civisme. La formule que vous proposez, uniquement tournée vers l'intérêt personnel et la formation de l'individu, ne contribuerait qu'à apporter une pierre supplémentaire au triste édifice de l'individualisme. Votre service civique est trop restrictif. Il est non-renouvelable, et puis il ne dure que deux mois ! Le civisme, est-ce se tourner vers les autres seulement pendant deux mois ? Certes, votre texte offre aux jeunes la possibilité, qui pourrait être intéressante, de mettre en place un projet. Mais pourquoi voulez-vous proposer une telle disposition ? Le travail accompli par les travailleurs sociaux et les associations d'insertion ne vous convient-il pas ? Pour ma part, je le trouve remarquable.
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Tout va bien !
    Mme Claude Greff. Ne confondez pas, monsieur Vaillant, formation personnelle et action tournée vers les autres ! Nous sommes tous concernés par le civisme, que l'on soit jeune, moins jeune, français, étranger ou, je vais même plus loin, handicapé. Chacun peut, à sa façon et selon ses possibilités, avoir une action de solidarité.
    De plus, pourquoi s'adresser uniquement aux jeunes, alors que les générations issues du baby-boom, arrivant à la retraite, ne demandent qu'à partager leur expérience et trouver ainsi une nouvelle source d'occupation qui leur permette de rompre avec certains problèmes d'isolement ? La solidarité - c'est un constat - est aussi intergénérationnelle.
    Le temps citoyen, quant à lui, permet de recréer un lien d'humanité entre les personnes de toute génération. Il est un moyen d'intégration à la communauté républicaine qui respecte la liberté de choix des citoyens, principe fondamental de notre République. Il signifie l'adhésion à la pratique, et aux valeurs de la République. Sa durée est limitée, fractionnable : il peut être réalisé pendant trois semaines consécutives ou en 100 heures fractionnées. Il est donc peu contraignant et facilement réalisable. Il est également renouvelable. Enfin, en laissant à toute personne la possibilité de s'engager en fonction de ses disponibilités, il est compatible avec la vie personnelle, professionnelle et familiale. Sa souplesse présente un réel avantage.
    M. Alain Néri. Vous en parlerez quand vous présenterez votre proposition ! Pour l'instant, c'est hors sujet !
    Mme Claude Greff. Il permet de mettre en relation les besoins exprimés et les bonnes volontés souhaitant rendre service.
    Le temps citoyen est tout simplement ne plus vivre à côté, mais avec les autres.
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Heureusement que le groupe socialiste est là pour vous permettre d'en parler !
    Mme Claude Greff. C'est un engagement altruiste qui ne sera détourné par aucune compensation financière et qui concrétisera les valeurs et les « savoir-être » transmis par la famille et par l'école.
    Concrètement, le temps citoyen, c'est la cohésion sociale, avec, par exemple, l'accompagnement des personnes âgées, l'aide aux sinistrés. C'est l'action humanitaire, avec la participation aux banques alimentaires, aux vestiaires sociaux, aux Restaurants du Coeur ; c'est aussi la prévention, avec la surveillance des forêts, par exemple. C'est également l'éducation, avec l'aide aux devoirs - voilà pourquoi je parlais du temps « fractionné » : pourquoi ne pas consacrer deux heures de temps en temps à assister et à accompagner des jeunes le soir ? C'est aussi l'accompagnement des clubs sportifs. C'est là où nous sommes tous. Ce peut être aussi une action en faveur du développement durable et de la préservation de l'environnement, comme nettoyer les plages ou les rivières dans l'intérêt de la commune, et bien d'autres choses encore.
    Des besoins, je sais qu'il y en a partout.
    Mes chers collègues, obligation, charge financière exorbitante, cours magistral de citoyenneté, jeunisme, suppression du lien nation-défense : votre proposition de loi comporte de trop nombreux inconvénients pour être réaliste et pour être acceptée par la représentation nationale. Le dispositif présente une contrainte bien trop excessive pour emporter l'adhésion des jeunes et de l'ensemble de la population. Et, pourtant, l'adhésion, c'est bien l'élément décisif de la réussite d'une telle initiative. En outre, votre proposition ne semble pas avoir pris la mesure du risque réel de concurrence avec les emplois sociaux. Enfin elle constitue une régression au moment où notre pays a besoin d'aller de l'avant.
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Avec vous ?
    Mme Claude Greff. Je veux conclure mon propos en vous disant qu'il est bon que vous sachiez que ce que nous voulons, nous, c'est un autre idéal que celui que vous nous proposez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.
    M. Jean-Pierre Dufau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais que nous en revenions à la proposition de loi tendant à créer un service civique pour tous les jeunes, déposé par Jean-Marc Ayrault, Daniel Vaillant et les membres du groupe socialiste. Car, en écoutant Mme Greff, j'ai cru que nous étions en train d'examiner une proposition de loi déposée par l'UMP sur le temps citoyen. Cela s'appelle de la confiscation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Revenons donc au sujet.
    La crise de la démocratie représentative éclaire le civisme d'une nouvelle lumière. Nous sommes aujourd'hui confrontés au déplacement de la problématique du civisme, cette « vertu privée d'utilité publique », selon Hélène Bellanger. Au risque extérieur de l'invasion s'est substituée une menace intérieure, celle de la dislocation sociale. Patriotisme et défense de la nation doivent donc se muer en défense du lien social, pour contrecarrer les égoïsmes et les communautarismes.
    Force est de constater l'augmentation des inégalités, malgré la volonté républicaine d'inscrire l'égalité comme principe partagé. Nombreux sont ceux qui se résignent à accepter l'impuissance à répartir les richesses et l'emploi, et nombreuses sont les tentatives idéologiques pour substituer un vague concept d'équité à celui d'égalité, qui fonde notre république.
    Il convient dès lors de remettre à l'honneur les valeurs communes de droits et devoirs, pour agréger l'individu au corps social, et rétablir le lien entre démocratie représentative, démocratie participative et sociale.
    Le civisme, enfant de la IIIe République et de l'école de Jules Ferry, a été enfermé dans une image que l'on se plaît a railler, comme s'il datait d'un autre âge. Faites-en l'éloge et on vous taxera d'archaïsme. L'amalgame est trompeur. L'objectif n'est certes plus de mourir pour la patrie et les envolées de Corneille n'ont plus la même urgence. La logique européenne, l'impératif d'une politique de défense professionnelle, l'évolution vers une planète mondialisée et la notion de citoyens du monde nous ont détournés d'une vision belliciste de l'attachement à la patrie. Pourtant, le civisme reste d'actualité, puisqu'il est avant tout un dévouement à la République, comme respect des droits et obligations envers la citoyenneté.
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Absolument !
    M. Jean-Pierre Dufau. Or la démocratie n'est pas un statut pérenne. Ni la démocratie ni la République ne sont plus naturelles que d'autres organisations. On doit, en conséquence, oeuvrer continuellement à les construire, les protéger et les moderniser. Il faut donc préparer la jeunesse à l'exercice de la citoyenneté. C'est l'objet de cette proposition de service civique pour tous, comportant une période obligatoire et une période facultative. Ce n'est pas une demi-mesure, c'est un projet équilibré et réaliste.
    Dans le cadre d'une société où l'absentéisme électoral est devenue monnaie courante, il n'est pas vain de rappeler que respecter le modèle politique qui nous permet de vivre libres, c'est d'abord l'instituer, le contrôler et l'animer. Chacun sait que la démocratie est le pire des systèmes politiques, mais on n'en a pas trouvé de meilleur.
    De plus, au civisme vertical du citoyen envers les institutions s'ajoute un civisme horizontal à l'égard des autres citoyens, le « vivre ensemble ». Penser le civisme comme une vertu consistant à remplir ses devoirs à l'égard de la République et des autres citoyens au nom de la solidarité n'a rien de conservateur ou de ringard, au contraire.
    Le civisme, dans cette acception, est d'autant moins conservateur qu'il véhicule une dynamique : il délivre le sujet politique de son statut de simple usager et de consommateur de droits. Il définit une éthique de la responsabilisation politique, notamment. Et le choc du 21 avril est là pour nous rappeler à quel point cette éthique et cette dynamique sont capitales.
    Reste que, si le civisme est bien la vertu du citoyen, la question demeure de savoir quel citoyen, pour quelle cité ! La réponse a évolué depuis le xixe siècle. Les versions proposées dans le cadre de l'école depuis 1882, malgré leurs toilettages successifs, semblent souffrir aujourd'hui d'un décalage avec la société. Le problème réside dans la délégation que la société accorde à l'école pour socialiser la jeune génération. Les conditions de cette délégation ont changé depuis un siècle et l'école ne semble pas y suffire. Toutefois, le civisme de la IIIe République, que d'aucuns réduisent abusivement à sa version patriotique, n'en délivrait pas moins l'apprentissage de valeurs communes qui n'ont rien d'obsolètes : liberté, égalité, fraternité, justice et solidarité.
    Comment alors renouer avec cet apprentissage de valeurs ? En n'oubliant pas que le civisme ne se réduit pas au simple patriotisme ou au nationalisme. Il n'est que l'émanation de ce que la République défend. Ces valeurs s'inscrivaient hier dans des frontières. Ce n'est plus le cas, mais elles demeurent capitales dans une société qui a tendance au repli individualiste du chacun pour soi. Faut-il en prendre son parti ? Accepter que ce repli impose une nouvelle régulation du « vivre ensemble » par un passage du civisme à je ne sais quelle civilité ? Admettre un moindre respect des textes compensé par le respect d'autrui ? Cela ne tiendrait pas longtemps.
    Il est en revanche possible de tenir compte de l'évolution, sinon des valeurs, du moins de l'appréhension qu'en ont la société en général et les jeunes en particulier, et de combattre un repli égoïste autant que suicidaire : le chacun pour soi, cher à la société libérale. Struggle for Life !
    Mme Claude Greff. Oh ! Oh !
    M. Alain Néri. C'est du patois landais !
    M. Jean-Pierre Dufau. Le civisme sert alors de contrepoids pour n'abandonner personne sur le bord de la route dans une république sociale, celle qui nous anime.
    Les jeunes sont porteurs de valeurs qu'ils expriment plus précocement qu'autrefois. Cette maturité sans doute liée à l'éducation donnée par l'école notamment, et je l'espère par la famille, monsieur le ministre, n'est cependant pas toujours en phase avec celle-ci, ni avec la société. Elle n'est pas exempte d'une méfiance née du sentiment de l'écart entre discours officiels et pratiques sociales.
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Absolument !
    M. Jean-Pierre Dufau. Une méfiance qui résulte parfois d'une méconnaissance de notre système institutionnel. Si la responsabilité des élus est en cause, la responsabilisation des jeunes l'est aussi. Chacun de nous est concerné.
    C'est le paradoxe du 21 avril d'avoir mis en avant le décalage des jeunes avec le politique et, presque en même temps, leur mobilisation pour la défense des valeurs républicaines. Les manifestations qu'ils organisent, contre l'extrême droite par exemple, sont bien souvent spontanées et affichent une liberté à l'égard du politique. Les jeunes ne voient plus le lien direct entre les problèmes qu'ils rencontrent dans leur vie quotidienne et les questions qui sont débattues au sommet de l'Etat ou même dans cet hémicycle.
    Il convient donc, plus que jamais, de resserrer le lien social. Pour cela, il faut redonner aux jeunes un rêve collectif,...
    Mme Claude Greff. Nous sommes bien d'accord !
    M. Jean-Pierre Dufau. ... mais dans le cadre d'un projet suffisamment proche d'eux pour qu'ils retrouvent un intérêt.
    Mme Claude Greff. Je le répète, nous sommes bien d'accord.
    M. Jean-Pierre Dufau. Tel est l'objectif de la proposition de loi sur le service civique que nous présentons aujourd'hui.
    Cette proposition de loi est simple, facile d'application,...
    Mme Claude Greff. Non !
    M. Jean-Pierre Dufau. ... et s'adresse à tous les jeunes majeurs. Elle prévoit deux périodes de service civique d'un mois réparties sur un ou deux ans.
    Bien sûr, pas plus que l'éducation civique ne peut résoudre à elle seule tous les problèmes de l'école, le service civique ne résoudra pas à lui seul tous les problèmes auxquels est confrontrée la société. Toutefois, l'un et l'autre se complètent et se renforcent mutuellement.
    Ce service permettra d'abord de délivrer une formation théorique d'un mois rappelant les fondamentaux de notre société : valeurs de la République, laïcité de l'Etat, égalité entre les hommes et les femmes. N'oublions pas que l'abstention ou les votes purement contestataires sont souvent le fruit d'une méconnaissance du système. De plus, il est urgent que chacun se souvienne que les droits ne durent que tant que les devoirs les soutiennent.
    Le service civique permettra ensuite de travailler à l'intérêt commun sans ignorer l'intérêt de l'individu qui y contribue. Il est ainsi proposé des stages d'initiation dans des domaines tels que le secourisme, la sécurité civile, la restauration du patrimoine ou la préservation de l'environnement.
    Là où les fonctions d'assimilation et d'intérêt public achoppaient dans le cadre d'un service militaire sans efficacité au regard de l'évolution de la société - et qui, je le rappelle, ne concernait que les jeunes gens -, le service civique peut et doit répondre aux attentes. On ne peut pas en même temps préconiser et développer la parité et ne pas aller jusqu'au bout du raisonnement.
    L'objectif de la proposition de loi est concret et répond aux aspirations des jeunes. La seconde période obligatoire d'un mois leur permettra d'appréhender de manière pratique, sur la base du volontariat, les causes qui les intéressent : action humanitaire, solidarité, prévention, éducation ou environnement sont autant de domaines qui serviront de creuset à l'intégration républicaine.
    Les étrangers pourront aussi s'y investir sur la base d'un volontariat. C'est là encore un facteur d'intégration à ne pas négliger.
    Par ailleurs, la mise en place du dispositif sera facilitée par l'intervention d'un délégué interministériel qui agira sur un axe double. Horizontalement, puisque l'opération, qui concerne différents domaines, intéresse plusieurs ministères - la nomination d'un délégué interministériel permettra d'identifier un responsable chargé de la coordination. Verticalement, étant donné que la phase opérationnelle se déclinera aux plans régional et départemental, sous la responsabilité de l'Etat républicain et en partenariat avec les institutions.
    Cette proposition de loi s'inscrit dans le droit-fil de notre Constitution. En effet, le service civique prolongera et concrétisera deux éléments forts de notre pacte républicain.
    Premièrement, il intégrera la journée d'appel de préparation à la défense en approfondissant l'initiation aux institutions qui y est dispensée. Tous s'accordaient à trouver insuffisante cette journée, instituée en même temps que la professionnalisation de l'armée. Elle paraît en effet un peu courte en termes de lien civique. On voudrait la remplir avec tant de choses que les vingt-quatre heures prévues n'y suffisent pas. Cette proposition de loi permettra donc l'approfondissement souhaité.
    Deuxièmement, le service civique concrétisera le contenu des cours d'éducation civique scolaires. En aidant les jeunes à oeuvrer à un rêve collectif, on passera d'une formation initiale à une formation continue, de l'éducation civique à un engagement civique auquel ce service civique donnera corps, en marquant les jeunes, filles et garçons, pour toute leur vie de citoyens.
    Pour la gauche, l'opportunité d'un tel texte coule de source. Le combat pour le civisme est lié à l'attachement aux traditions républicaines et aux valeurs affirmées à gauche depuis le xive siècle : liberté, égalité, fraternité, laïcité, tolérance et solidarité. Le civisme est ainsi un élément qui participe à la défense des droits sacrés de l'individu face à la raison d'Etat, de la nécessaire action de l'Etat en direction des plus faibles, de la culture républicaine illustrée par la reconnaissance des grandes libertés - syndicale, associative, de la presse - et des réformes sociales.
    C'est déjà dans cet esprit que s'inscrivait la loi du 10 novembre 1997 portant sur l'inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales. Le rapport d'information sur le suivi de cette loi, que j'ai eu l'honneur de présenter, prévoyait des mesures d'accompagnement, notamment la promotion d'actions de sensibilisation en faveur de la citoyenneté : l'idée était de compléter les campagnes d'information nationale par des actions de terrain ayant pour cadre des cours d'éducation civique, juridique et sociale dans les lycées et dans la cité, la journée d'appel de préparation à la défense ou encore les communes, par le biais d'une fête de la citoyenneté. Ces propositions demeurent. Il faut faire vivre la citoyenneté.
    Ce service civique fait aussi écho au corps de volontaires européens du développement et au projet « Globus », lancés lors des deux septennats de François Mitterrand. Il était alors question d'une approche humanitaire et civique du service national.
    Cette proposition de loi s'inscrit dans la perspective des idéaux défendus par la gauche. Toutefois, les idées républicaines sont aujourd'hui partagées sur tous les bancs de cet hémicycle. L'heure n'est heureusement plus aux attaques contre ceux qu'une certaine droite appelait « la gueuse », il y a un siècle. Le dispositif du service civique que nous vous présentons est sans doute améliorable, mais il est nécessaire. Alors ouvrons la discussion.
    En période de cohabitation, il y eut un accord sur la professionnalisation de l'armée. J'espère qu'il sera possible de parvenir aussi à un accord sur ce texte. Tout comme l'usage abusif du mot « citoyen », qui est utilisé « à toutes les sauces » pour servir de blanc-seing, l'appel au civisme est trop souvent un symptôme : il convient d'en faire un espoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jacques Floch.
    M. Jacques Floch. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, la IIIe République, lors de son instauration, avait rêvé de faire rencontrer l'ensemble des Français pour qu'ils comprennent bien l'intérêt de leur destinée commune et sachent, dans une étroite solidarité, faire vivre leur patrie, la France.
    Les grands républicains de la fin du xixe siècle surent imposer l'école obligatoire pour tous sans distinction. Elle fut un creuset, un lieu de rencontre, mais limité : les filles et les garçons étaient séparés, l'accès à l'enseignement secondaire était réservé aux jeunes dont les familles avaient quelques moyens ou aux boursiers besogneux - ce qui permettait d'assurer l'idée de la promotion sociale républicaine -, et il en allait de même l'enseignement supérieur.
    Il fallut attendre la fin du xxe siècle pour oser dire que 80 % d'une classe d'âge pourrait accéder au baccalauréat. Il n'en demeure pas moins que les enfants de milieux modestes ont toujours d'énormes difficultés à entrer à l'Université ou dans une grande école, et à y poursuivre leurs études : il suffit pour s'en convaincre de voir qui fréquente Sciences Po à Paris ou qui réussit le concours d'entrée à l'ENA, quant aux modestes tentatives d'ouverture dérogeant aux voies royales, elles ont quelque difficulté à exister.
    D'où l'idée de penser à un creuset commun, qui fasse fi des origines sociales, pour y enseigner les fondements de notre société républicaine, y apprendre à mieux vivre ensemble, à respecter l'autre, et y développer les idées de démocratie et de solidarité ?
    Nos grands ancêtres avaient cru percevoir dans le service militaire le moyen adapté à ces rencontres nécessaires. Certes, mais la moitié de la population - les jeunes femmes - en était exclue. De surcroît, avant la grande réforme de la fin du XIXe siècle, de petits arrangements permettaient à une grande partie de la population masculine de se dispenser du devoir de servir : ministres des cultes ; rejetons de riches familles qui pouvaient se faire remplacer contre rémunération par quelqu'un que la pauvreté ou la misère ambiante rendaient sensible a une telle proposition. Enfin, les conditions dans lesquelles était effectué le service militaire ne favorisaient pas l'éducation civique, l'objectif non avoué étant surtout de fournir de la chair à canon.
    Le creuset a tout de même fonctionné pendant de nombreuses années, et des hommes se sont rencontrés et se sont parlé ! Toutefois, je ne suis pas sûr que tous aient gardé de cette période de leur vie un souvenir inoubliable.
    M. Guy Teissier. Bien sûr que si !
    M. Jacques Floch. Certains reconnaissent, avec le temps, que, grâce à ce mélange de classes sociales, d'origines, de formations, de religions et de professions différentes, ils ont mieux compris la France.
    D'un commun accord, il y a quelques années, le Président Jacques Chirac et le Premier ministre de l'époque, Lionel Jospin, ont décidé, sur proposition du ministre de la défense, Alain Richard, de suspendre le service militaire - et non de le supprimer. Toutefois, ils ont ajouté qu'il convenait néanmoins que nos jeunes concitoyens sachent que la France a une politique et des moyens de défense. A cette fin, il a été instauré une journée de préparation à la défense.
    Durant quelques mois, j'ai eu l'honneur de suivre le fonctionnement de cette journée, étant chargé au ministère de la défense des relations avec les jeunes Français. Je ne peux dire que j'ai été enthousiasmé par les conclusions que j'en ai tirées. En effet, il apparaît que les 800 000 jeunes filles et jeunes gens qui, chaque année, sont invités à cette journée, n'y trouvent pas toujours leur compte, que celle-ci est trop courte, qu'elle est surchargée de programmes et tenue souvent dans des locaux par trop scolaires, et que ces jeunes n'en gardent, en dépit des grandes qualités de ceux qui les accueillent, qu'un vague souvenir - et, bien sûr, un certificat leur permettant de passer le permis de conduire et des concours ou des examens. Tout cela, c'est un peu juste pour leur donner l'esprit civique.
    Les conversations que j'ai pu avoir avec les jeunes me confirment dans l'idée qu'une grande partie d'entre eux souhaiteraient servir, servir les autres, donc servir la France. J'imagine donc assez bien que la mise en place d'un service civique tel qu'il nous est proposé pourrait être complété par un volet spécifique consacré à la défense, ce qui contribuerait à en donner une autre idée et une autre vision.
    Les jeunes filles et les jeunes gens qui vivent en France sont souvent généreux et prêts à donner. Encore faut-il leur proposer pour cela les moyens pour agir et le cadre les plus adapté. Nombre d'entre eux ont su, en 2002, défendre la République et la démocratie. Nombre d'entre eux aimeraient, après le drame de l'été dernier, apporter leur contribution à la rencontre entre générations, source de savoir, de solidarité et de compréhension avec les autres.
    Mes chers collègues, notre proposition de loi répond à ce souci. Vous pouvez l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La discussion générale est close.

3

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

    M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 12 décembre 2003 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.
    Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

Modification de l'ordre du jour

    M. le président. J'appelle l'attention de l'Assemblée sur le fait que l'ordre du jour d'aujourd'hui et de demain a été modifié.
    Cet après-midi, après le vote solennel sur le projet de loi relatif au RMI-RMA, nous procéderons au vote sans débat sur six conventions internationales.
    Nous commencerons ensuite la discussion du projet autorisant la ratification du traité d'élargissement de l'Union européenne, qui se poursuivra ce soir, sans doute jusqu'à une heure avancée, les autres textes initialement prévus étant retirés de l'ordre du jour.
    Les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur le projet relatif à l'élargissement de l'Union européenne auront lieu demain, après les questions au Gouvernement.

4

SERVICE CIVIQUE POUR LES JEUNES
(suite)

    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la famille.
    M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement partage pleinement le souci de la plupart des orateurs, qu'il s'agisse de réaffirmer les valeurs de la République ou de lutter contre l'individualisme et le communautarisme. Nous nous retrouvons tous sur ces sujets. La République, c'est à la fois des droits et des devoirs.
    Plusieurs intervenants l'ont rappelé : l'idée d'un service civique obligatoire n'est pas neuve. De surcroît, c'est une fausse bonne idée, dont l'application se heurte à plusieurs obstacles.
    D'abord, il existe déjà de nombreux dispositifs permettant l'engagement et qui fonctionnent plutôt bien - j'ai d'ailleurs eu le sentiment que quelques-uns d'entre eux avaient été oubliés.
    Ensuite, il ne faut pas transformer en obligation un acte qui se veut d'abord un acte de générosité. Comme l'a brillamment montré Mme Claude Greff, il convient d'abord de répondre au désir des jeunes de s'investir et de s'engager en améliorant les dispositifs existants. Les propositions que Mme la députée a faites en ce sens sont tout à fait intéressantes ; je crois d'ailleurs que Patrick Beaudouin a également fait des propositions dans ce domaine. Il ne s'agit pas de passer de l'ombre à la lumière, mais de s'appuyer sur les dispositifs existants et de voir comment on peut les aménager et les améliorer pour faciliter l'engagement.
    Enfin, rien ne serait pire que de caricaturer les jeunes ou de cultiver une quelconque nostalgie de ce qui se faisait à une certaine époque ! Il faut au contraire faire preuve de beaucoup de pragmatisme, témoigner de capacités d'adaptation et définir le cadre qui permettra à tous nos concitoyens de s'engager, quel que soit leur âge, dans des projets collectifs d'intérêt général. C'est dans cet esprit qu'il faut continuer, et beaucoup d'orateurs l'ont souligné. Le Gouvernement s'est engagé dans cette voie et est prêt à poursuivre son travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Daniel Vaillant, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, beaucoup de choses ont été dites ce matin. Nous avons fait le constat partagé que les choses n'allaient pas. Toutefois, c'est un point sur lequel les orateurs de la majorité ne sont tout de même pas étendus. Si tout allait bien, j'imagine que Mme Greff n'aurait pas déposé une proposition de loi sur le temps citoyen. Je lui fais d'ailleurs remarquer que c'est grâce à l'opportunité offerte par la niche parlementaire réservée au groupe socialiste qu'elle a pu s'exprimer sur ladite proposition de loi, la majorité n'ayant pas jugé utile de l'inscrire à l'ordre du jour alors qu'elle en avait la possibilité. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Claude Greff. C'est faux !
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Certaines interventions ont souligné que notre idée était bonne et généreuse et qu'elle correspondait à un besoin fondé sur un constat. Nous imaginions donc qu'il en serait fait plus de cas, d'autant que, comme je l'avais dit en commission, cette proposition n'était pas à prendre ou à laisser. La discussion parlementaire sur les articles et sur les amendements aurait permis, j'en suis convaincu, de parvenir à un texte largement consensuel entre « Républicains des deux rives », comme les appelle Jean-Marc Ayrault. Il n'en demeure pas moins que des arguments techniques vont nous être opposés pour ne pas aller plus loin dans la discussion de ce texte et, donc, pour proposer à l'Assemblée de le rejeter.
    M. Patrick Lemasle. C'est dommage !
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Vous dites, monsieur le ministre, que l'école doit être le lieu où doit être délivré l'enseignement du civisme et de la citoyenneté.
    M. René André. Et la famille !
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. La famille aussi, bien sûr. Du reste, M. Jacob est ministre délégué à la famille.
    Toutefois, vous savez bien, monsieur le ministre, que, dans les couches sociales en difficulté, certaines familles n'ont pas les moyens de transmettre un certain nombre de valeurs. On ne peut que le regretter. Pour autant, il ne faut pas les accabler. Force est de prendre ces cas en considération, même s'ils sont marginaux.
    Quant à l'école, pour qu'elle joue ce rôle, encore faut-il que le Gouvernement et la majorité qui le soutient n'affaiblissent pas l'école publique, l'école de la République, en réduisant ses moyens et ses personnels. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Dois-je rappeler que votre premier geste a été de supprimer les emplois-jeunes dans l'éducation nationale ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Guy Teissier. Qu'avez-vous fait de l'argent ?
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Très franchement, votre argumentation est un peu courte, monsieur le ministre.
    La vérité, c'est qu'entre les « Républicains des deux rives », il y a des différences d'approche philosophique et idéologique.
    M. Michel Delebarre. Bien sûr !
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Nous, nous voulons que les jeunes soient placés sur un pied d'égalité : c'est ce à quoi pourrait servir le service civique en opérant un brassage social de tous les jeunes.
    M. René Couanau. Il est temps !
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Il n'est jamais trop tard pour rattraper les erreurs commises,...
    M. Roland Chassain. Par vous !
    M. Henri Cuq. Et elles étaient grandes, les erreurs !
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. ... y compris en période de cohabitation, monsieur le député.
    M. René André. Vous n'êtes plus ministre !
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Notre proposition n'avait pas pour but d'opérer un clivage entre nous, de vous faire réagir négativement. Elle visait à passer à l'acte à partir du constat partagé selon lequel il faut faire quelque chose d'autre.
    Le caractère obligatoire du service civique est, pour nous, le seul moyen permettant un brassage social, une confrontation d'idées au sein d'un même lieu, et ce pendant une durée limitée afin de ne pas perturber le cursus universitaire ou le parcours professionnel. L'objectif de ce texte est de donner aux jeunes des fondamentaux, de leur inculquer le respect des valeurs de la République, le respect de l'autre et de soi-même. D'autant que cette acquisition des fondamentaux est également nécessaire, je puis vous l'assurer, pour ceux qui réussissent à l'école et ont des perspectives de carrière : chacun d'entre nous a eu l'occasion de rencontrer des bac + 10 et qui ne connaissent pas nécessairement certains fondamentaux. Comme je l'ai dit, il faut rechercher du gagnant-gagnant.
    Je ne commenterai pas davantage les interventions, si ce n'est celle du M. Leteurtre. S'exprimant au nom de l'UDF, il a parlé de travail forcé. Il faut savoir garder la mesure. Nous n'avons pas proposé que le service civique se déroule à Cayenne. (Sourires.) Il invoque même cet argument comme motif d'anticonstitutionnalité. Je rappelle que l'éducation nationale est obligatoire, et que, fort heureusement, ce caractère obligatoire laïque de l'école de la République n'a pas encore été remis en cause. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Nadine Morano. Elle est amusante, celle-là !
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Il a ensuite employé le mot « embrigadement ». L'UDF ferait-elle le rapprochement avec la façon de fonctionner de l'UMP ? (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Michel Delebarre. Ah non !
    Mme Nadine Morano. Jaloux !
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Je tiens à le rassurer, il ne s'agit que d'offrir une opportunité à tous les jeunes. A ce titre, je suis persuadé que le service civique serait grandement apprécié, beaucoup plus que vous ne le dites.
    M. Patrick Lemasle. Très bien !
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Enfin, je voudrais revenir sur l'intervention de M. Liberti. J'avoue que je ne l'ai pas comprise. Je pensais que nous partagions au moins cette volonté de donner aux jeunes la possibilité d'acquérir un certain nombre de valeurs.
    Mme Nadine Morano. C'est le rôle de l'école !
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Il ne s'agit pas bien sûr de concurrencer l'école, pas plus qu'il ne s'agit de proposer par ce biais une catégorie nouvelle d'emplois. Le but de notre démarche est, au contraire, d'ouvrir des pistes pour inciter les jeunes à la recherche de quelque chose à suivre une formation et à s'orienter vers un métier.
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Il est temps de s'en préoccuper !
    Mme Nadine Morano. Instruction civique, leçons de morale !
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Mais ce ne sont pas les difficultés d'organisation qui provoquent votre opposition, mesdames, messieurs, mais bien des problèmes budgétaires.
    Mme Nadine Morano. A qui les doit-on ?
    M. Patrick Ollier. Oui, c'est vous qui les avez créés !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. C'est votre héritage !
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Et surtout vous ne voulez pas vous engager dans cette démarche. Vous ne voulez pas, par exemple, que les 3 milliards d'euros de baisse d'impôt des plus riches (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
    M. Guy Tessier. Dont vous avez bénéficié !
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. ... contribuent à faire en sorte que tous les jeunes puissent assimiler les valeurs de la République, les droits du civisme et le devoir de la citoyenneté.
    M. Guy Tessier. Démagogue !
    M. Yves Fromion. Vous êtes le fossoyeur de l'éducation nationale !
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Vous ne le voulez pas parce que, manifestement, cela vous pose un problème. Je ne sais pas si c'est entre vous ou si c'est avec votre Gouvernement. En tout cas, M. Jacob a clairement dit non. Concrètement, il y a ceux qui souhaitent avancer et ceux qui préfèrent l'immobilisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. René Couanau. Caricature !
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je regrette que la fin de ce débat ait été ternie par les propos pour le moins surprenants du rapporteur qui s'est laissé emporter.
    M. Pierre Hériaud. C'était de la caricature !
    M. René Couanau. Non, c'est naturel chez lui.
    M. Guy Teissier. C'est un spécialiste du dérapage, en effet !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je rappelle que les emplois-jeunes ont été remplacés par les assistants d'éducation.
    Mme Martine David. On est loin du compte !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. L'aide apportée est différente. En tout état de cause, les contrats sont beaucoup plus sûrs. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Quant à vos allusions concernant le mode de fonctionnement de l'UMP, je vous en laisse la responsabilité, monsieur le rapporteur, mais je ne peux m'empêcher de penser qu'elles pourraient fort bien s'appliquer au parti socialiste. Je remercie le ministre, qui, dans son propos introductif, a fort bien posé le problème soulevé notamment par Mme Greff.
    Il a parlé de louables intentions. C'est vrai, et sans doute pourrions-nous trouver, après un large débat, des solutions intéressantes.
    M. Didier Migaud. Baratin !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Mais, aujourd'hui, au moins trois préalables restent à lever, me semble-t-il.
    Premièrement, l'encadrement est éludé alors que le fort contingent concerné par la montée en puissance du dispositif serait très difficile à gérer.
    Deuxièmement, ce service pourrait concurrencer les emplois sociaux et conduire à une éviction d'emplois permanents, vous le savez, nous en avons parlé en commission. La proposition de loi prévoit en effet d'orienter les jeunes vers les hôpitaux, les maisons de retraite, les établissements pour personnes âgées, auprès des handicapés, dans les parcs naturels.
    Troisièmement, M. Leteurtre l'a évoqué, ce service civique pourrait très bien être assimilé à un travail forcé. Quelle est la différence entre un travail forcé et un travail obligatoire, un travail contraint ? Même pour un mois ou deux, il s'agirait d'un travail sous-rémunéré, effectué sous la contrainte.
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Ce n'est pas un travail !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. L'opération que vous proposez ne peut réussir que si tous ces points sont réglés.
    Nous avons tous à coeur de trouver des remèdes à l'évolution de notre société vers toujours plus d'individualisme et de repli sur soi.
    M. Michel Delebarre. Pas de la même manière !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. L'isolement des plus faibles, qui s'est tristement illustré cet été avec la canicule, le recours systématique à la solidarité institutionnelle de l'Etat providence ne sont pas les signes d'une société en bonne santé, j'en conviens. Si nous sommes favorables à un lieu ou à un « temps » permettant aux jeunes d'exprimer leur solidarité avec toutes les couches de la nation, ce pourrait être un service civil - pourquoi pas ? - sur la base du volontariat comme l'a proposé Claude Greff.
    Le principe du volontariat éluderait tous les obstacles, éthiques et juridiques, qui s'opposent à la création d'un service civique obligatoire. Il aurait en outre l'avantage de favoriser l'ajustement de la durée du service au profil des postes, certains justifiant un volontariat prolongé.
    M. Jean-Pierre Dufau. C'est ce qui est proposé !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. De manière générale, il impliquerait une gestion sur mesure, voire à la carte, sous peine de décourager les vocations.
    En tout état de cause, la création et l'acceptation d'un tel service civil ne peut se concevoir qu'après l'organisation d'une large discussion, ouverte à tous, que nous sommes nombreux, ici, à souhaiter.
    Pour le reste, nous devons faire confiance aux jeunes.
    M. Patrick Lemasle. Mettez-y un peu plus de conviction !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Ils sauront bien, comme l'ont fait les jeunes des générations précédentes, vivre la générosité, le dévouement, la solidarité, le civisme et certainement, s'il le faut, le patriotisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Claude Leteurtre. Très bien !

Vote sur le passage à la discussion des articles

    M. le président. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales n'ayant pas présenté de conclusions, l'Assemblée, conformément à l'article 94, alinéa 3, du règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi.
    Conformément aux dispositions du même article du règlement, si l'Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition de loi ne sera pas adoptée.
    Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour le groupe socialiste.
    M. Jean-Pierre Dufau. Nous avons écouté attentivement les arguments des uns et des autres. La majorité et le ministre ont qualifié cette proposition de loi de fausse bonne idée.
    M. Henri Cuq. Comme souvent, avec vous !
    M. Jean-Pierre Dufau. Pour ma part, j'ai trouvé que les raisons qu'ils avançaient pour la rejeter étaient de fausses bonnes raisons.
    M. Guy Teissier. Facile !
    M. Jean-Pierre Dufau. Le constat est unanimement partagé - M. le rapporteur, M. le ministre et d'autres intervenants ont même appelé à un large débat sur cette question. Alors je vous dis : « Chiche, ici et maintenant ! ».
    M. Didier Migaud. Très bien !
    M. Jean-Pierre Dufau. Et puisque nous sommes d'accord sur le fond, puisque les difficultés soulevées tiennent aux modalités d'application, accordons-nous sur la forme - en quelques heures, c'est possible.
    On nous reproche de vouloir instaurer un service civique obligatoire qui ne serait qu'une demi-mesure, à l'inverse d'un service volontaire, qui serait une mesure pleine. J'avoue que j'ai du mal à comprendre. Nous proposons en effet un service obligatoire de deux mois, plus un service volontaire de six mois à un an. Plutôt qu'une demi-mesure, on pourrait presque parler d'une mesure et demie, avouez-le.
    La variation de six mois à un an de la période optionnelle répond au souci de M. le rapporteur, qui voulait que l'on ajuste le service en fonction du champ d'investigation choisi. Donc la souplesse que vous réclamez est déjà prévue.
    Les modalités d'encadrement méritent d'être discutées, nous en convenons, mais des réponses pourraient être apportées lors de la discussion des amendements ou par le biais des circulaires d'application ou des décrets.
    Quant à l'argument qui consiste à dire que ce volontariat - malgré tout réclamé mais dans un autre projet de loi - pourrait concurrencer des emplois sociaux, je le trouve particulier. Je n'ai pas l'impression que les jeunes qui auraient pu aider cet été, dans les hôpitaux, auraient concurrencé des emplois sociaux - et en tout cas, personne ne s'en serait plaint ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Goulard. Quel argument !
    M. Jean-Pierre Dufau. En vous entendant parler de ce « travail forcé » que vous assimiliez presque aux travaux forcés, j'avais l'impression que vous faisiez allusion au projet de loi sur le RMA. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. René Couanau. N'importe quoi !
    M. Jean-Pierre Dufau. Le caractère obligatoire de l'école n'a jamais été remis en question, le rapporteur l'a souligné. J'espère que personne, ici, ne remet en cause la nécessité d'une formation civique obligatoire, qui fait l'objet de ce texte.
    La majorité invoque de fausses bonnes raisons, de manière purement politicienne.
    M. René André. Oh ! là ! là !
    M. Jean-Pierre Dufau. Lorsque nous étions dans la majorité et que des propositions de loi comme celles du bracelet magnétique ont été présentées, Daniel Vaillant était alors ministre de l'intérieur, nous les avons votées.
    Mme Martine David. Eh oui !
    M. Edouard Landrain. Mais si vos propositions étaient bonnes, nous les voterions !
    M. René Couanau. Ce n'est pas le cas !
    M. Jean-Pierre Dufau. Simplement, parce que ce vote nous semblait aller dans le sens du progrès. C'est cela que nous attendons, une attitude responsable, et non une attitude politicienne.
    Certes, ce texte peut être amélioré. Mais, pour cela, il faut ouvrir la discussion pour permettre à nos jeunes de recevoir une formation civique qui, dans le cas où ils opteraient pour une durée un peu plus longue, pourrait être validée, comme cela est prévu dans le texte.
    Cette proposition de loi n'est pas faite pour nous, elle est faite pour la jeunesse : ne la désespérons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    Mme Claude Greff. A vous entendre, nous ne serions pas très éloignés les uns des autres.
    Pour ma part, le seul point sur lequel je vous rejoins, c'est sur la nécessité de parler de la citoyenneté.
    M. Philippe Vuilque. Débattons alors !
    Mme Claude Greff. Vous n'avez pas aimé mon intervention, mais j'avais raison de vous mettre en garde ! Attention, vous disais-je, je pourrais mettre sur votre copie : il y a de l'idée, mais vous n'êtes pas loin du hors-sujet. Cette fois, vous avez franchi le pas. Vous êtes hors sujet, faute d'avoir tenu compte de mon avertissement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine David. Rabaissez-en un peu. Ce ton est détestable !
    Mme Claude Greff. Nous ne parlons pas de la même chose !
    Mme Martine David. Effectivement, nous n'avons pas les mêmes valeurs !
    Mme Claude Greff. Vous faites référence aux emplois sociaux ou au RMA. Mais vous ne tenez pas compte du besoin que nous avons aujourd'hui de valoriser non seulement la jeunesse, mais la population tout entière, puisque le civisme s'adresse à chacun d'entre nous.
    Nous avons tous la possibilité de mener une action citoyenne. Mais nous divergeons en ceci qu'à nos yeux cette action ne pourra réellement fédérer la population si elle est obligatoire. Le civisme mérite d'être abordé par le volontariat. Qui plus est, celui-ci sera davantage incitatif.
    Enfin, vous avez oublié une chose essentielle, c'est que nous, nous avons besoin de faire confiance aux Français.
    M. Daniel Vaillant, rapporteur. Un vrai besoin, en effet !
    Mme Claude Greff. Nous avons besoin de les aider à retrouver cette fierté, cet honneur d'être français et de pouvoir concrétiser leur action dans le civisme.
    Tous ces éléments m'amènent à penser que nous sommes vraiment très loin de l'objectif de votre service civique volontaire.
    Mme Martine David. Tant mieux ! Une chose de plus qui nous sépare !
    Mme Claude Greff. Compte tenu de toutes ces explications, je propose de ne pas passer à la discussion des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. Claude Leteurtre. Je serai bref. Je répondrai simplement à M. le rapporteur sur le fond. Si tout le monde reconnaît le bien-fondé d'une telle proposition, une mesure empêche malgré tout une discussion plus poussée, c'est son caractère obligatoire, totalement contraire à l'esprit d'un jeune, par nature rétif à toute contrainte. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine David. Ça c'est un argument. On devrait les laisser faire tout ce qu'ils veulent ? C'est triste !
    M. Claude Leteurtre. Cet argument est tout à fait valable ! Le rapporteur lui-même, dans l'introduction de son rapport, citant la politologue Anne Muxel, souligne ce trait de caractère et la nécessité de ne procéder à aucun « embrigadement » - je reprends ses propres termes.
    Dans ces conditions, cette discussion est inutile, car la proposition n'est pas valable sur le fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Martine David. C'est cela, oui !
    M. le président. Je mets aux voix le passage à la discussion des articles.
    (L'Assemblée décide de ne pas passer à la discussion des articles.)
    M. le président. L'assemblée ayant décidé de ne pas passer à la discussion des articles, la propostition de loi n'est pas adoptée.

5

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Questions au Gouvernement ;
    Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 884, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité ;
    Discussion du projet de loi, n° 945, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud :
    M. Eric Raoult, rapporteur, au nom de la commission des affaires étrangères (rapport n° 1142).
    (Procédure d'examen simplifiée ; art. 107 du règlement.)
    Discussion du projet de loi, n° 947, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part (ensemble dix annexes, deux protocoles, un acte final et quatorze déclarations) :
    M. Eric Raoult, rapporteur, au nom de la commission des affaires étrangères (rapport n° 1143).
    (Procédure d'examen simplifiée ; art. 107 du règlement.)
    Discussion du projet de loi, n° 648, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Sultanat d'Oman en vue d'éviter les doubles impositions (ensemble un protocole) :
    Mme Martine Aurillac, rapporteure, au nom de la commission des affaires étrangères (rapport n° 1144).
    (Procédure d'examen simplifiée ; art 107 du règlement.)
    Discussion du projet de loi, n° 1146, autorisant l'approbation de l'accord portant création de l'Organisation internationale de la vigne et du vin :
    M. Jacques Remiller, rapporteur. au nom de la commission des affaires étrangères (rapport n° 1214).
    (Procédure d'examen simplifiée ; art. 107 du règlement.)
    Discussion du projet de loi, n° 948, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord euroméditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République algérienne démocratique et populaire, d'autre part (ensemble six annexes, sept protocoles, un acte final, cinq déclarations communes et neuf déclarations unilatérales) :
    M. Henri Sicre, rapporteur, au nom de la commission des affaires étrangères (rapport n° 1213).
    (Procédure d'examen simplifiée ; art. 107 du règlement.)
    Discussion du projet de loi, n° 946, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord euroméditerranéen instituant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République libanaise, d'autre part (ensemble deux annexes, cinq protocoles, un acte final, treize déclarations communes et deux déclarations unilatérales) :
    M. Richard Cazenave, rapporteur, au nom de la commission des affaires étrangères (rapport n° 1212).
    (Procédure d'examen simplifiée ; art. 107 du règlement.)
    Discussion du projet de loi, n° 1048, autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie :
    M. Hervé de Charette, rapporteur, au nom de la commission des affaires étrangères (rapport n° 1241).
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à onze heures vingt-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
ORDRE DU JOUR
ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
(Réunion du mardi 25 novembre 2003)

    L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 25 novembre au vendredi 12 décembre 2003 inclus a été ainsi fixé :
    Mardi 25 novembre 2003 :
            Le matin, à 9 h 30 :
    Discussion de la proposition de loi de MM. Jean-Marc Ayrault et Daniel Vaillant tendant à créer un service civique pour tous les jeunes (n°s 1199-1235).
    (Séance d'initiative parlementaire.)
            L'après-midi, à 15 heures, après les questions au                 Gouvernement, et le soir, à 21 h 30.
    Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi, adopté par le Sénat, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité (n°s 884-1216-1211).
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud (n°s 945-1142).
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part (ensemble dix annexes, deux protocoles, un acte final et quatorze déclarations) (n°s 947-1143).
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Sultanat d'Oman en vue d'éviter les doubles impositions (ensemble un protocole) (n°s 648-1144).
    Discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord portant création de l'Organisation internationale de la vigne et du vin (n°s 1146-1214).
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République algérienne démocratique et populaire, d'autre part (ensemble six annexes, sept protocoles, un acte final, cinq déclarations communes et neuf déclarations unilatérales) (n°s 948-1213).
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen instituant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République libanaise, d'autre part (ensemble deux annexes, cinq protocoles, un acte final, treize déclarations communes et deux déclarations unilatérales) (n°s 946-1212).
    (Ces six textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 107 du règlement.)
    Discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie (n°s 1048-1241).
    Mercredi 26 novembre 2003 : l'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement :
    Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie (n°s 1048-1241).
    Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (n°s 1109-1236).
            Le soir, à 21 h 30 :
    Eventuellement, discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi financement de la sécurité sociale pour 2004.
    Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (n°s 1109-1236).
    Jeudi 27 novembre 2003 :
            Le matin, à 9 h 30 :
    Discussion de la proposition de loi de MM. Patrick Bloche et Jean-Marc Ayrault portant pénalisation des propos à caractère discriminatoire (n°s 1194-1244).
    (Séance d'initiative parlementaire)
            L'après-midi, à 15 heures et le soir à 21 h 30 :
    Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (n°s 1109-1236).
    Eventuellement, vendredi 28 novembre 2003 :
            Le matin, à 9 h 30, l'après-midi, à 15 heures, et                 le soir, à 21 h 30 :
    Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (n°s 1109-1236).
    Mardi 2 décembre 2003 :
            Le matin, à 9 h 30 :
    Questions orales sans débat.
            L'après-midi, à 15 heures, après les questions                 au Gouvernement, et le soir, à 21 h 30 :
    Déclaration du Gouvernement sur les rapatriés et débat sur cette déclaration.
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance (n° 1152).
    Mercredi 3 décembre 2003 :
            L'après-midi, à 15 heures, après les questions au                 Gouvernement, et le soir, à 21 h 30 :
    
Discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2003 (n° 1234).
    Jeudi 4 décembre 2003 :
            Le matin, à 9 h 30, l'après-midi, à 15 heures, et                 le soir, à 21 h 30 :
    Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2003 (n° 1234).
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom (n° 1163).
    Vendredi 5 décembre 2003 :
            Le matin, à 9 h 30, l'après-midi, à 15 heures, et                 le soir, à 21 h 30 :
    Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom (n° 1163).
    Mardi 9 décembre 2003 :
            Le matin, à 9 heures :
    Débat sur la conciliation des exigences de la continuité du service public des transports et du droit de grève. (Séance d'initiative parlementaire.)
            L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 h 30 :
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la parité entre hommes et femmes sur les listes de candidats à l'élection des membres de l'Assemblée de Corse (n°s 1215-1232).
    Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la bioéthique (n°s 593-761-709).
    Mercredi 10 décembre 2003 :
            L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 h 30 :
    Suite de l'ordre du jour de la veille.
    Jeudi 11 décembre 2003 :
            Le matin, à 9 h 30 :
    Discussion de la proposition de loi de M. Luc-Marie Chatel tendant à redonner confiance au consommateur (n° 1141). (Séance d'initiative parlementaire.)
            L'après-midi, à 15 heures et le soir, à 21 h 30 :
    Eventuellement, suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la bioéthique (n°s 593-761-709).
    Discussion du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (n° 1233).
    Vendredi 12 décembre 2003 :
            Le matin, à 9 h 30, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à                 21 h 30 :
    Suite de la discussion du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (n° 1233).