ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES
JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 27 NOVEMBRE 2003
COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mercredi 26 novembre 2003
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ
1. Questions au Gouvernement «...».
CODE DU TRAVAIL «...»
MM. Maxime Gremetz, François Fillon, ministe des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
PROJET ITER À CADARACHE «...»
MM. Bernard Deflesselles, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministe.
PACTE DE STABILITÉ «...»
MM. François Loncle, Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
SUPPRESSION DU CONTRAT DE QUALIFICATION «...»
MM. Gilles Artigues, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
INFORMATION DES SALARIÉS SUR LEURS DROITS
À LA RETRAITE «...»
Mme Valérie Pecresse, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
APPLICATION DES PEINES
EN MATIÈRE DE TERRORISME «...»
MM. Jean-Paul Garraud, Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.
ATTITUDE DU PREMIER MINISTRE «...»
MM. Gérard Bapt, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.
EUROPE DE LA DÉFENSE «...»
M. Céleste Lett, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.
POLITIQUE DE RÉNOVATION URBAINE «...»
MM. Jean-Pierre Nicolas, Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.
PÉAGES ROUTIERS «...»
MM. Alain Gouriou, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
CONSTRUCTION DE LOGEMENTS SOCIAUX «...»
MM. Lucien Degauchy, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
VIOLENCES CONTRE LES FEMMES «...»
Mmes Geneviève Levy, Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.
Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC
2. Elargissement de l'Union européenne «...».
Explications de vote et vote sur l'article unique d'un projet de loi.
M. Hervé de Charette, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères.
M. le président.
EXPLICATIONS DE VOTE «...»
M. Gilles Artigues,
Mme
Marie-George Buffet,
MM.
Jacques Barrot,
Jean-Marc Ayrault.
VOTE SUR L'ARTICLE UNIQUE «...»
Adoption, par scrutin, de l'article unique du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance «...»
3. Adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité «...».
Discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois.
DISCUSSION GÉNÉRALE «...»
MM.
André Vallini,
Jean-Paul Garraud,
Michel Vaxès,
Philippe Folliot,
Guy Lengagne,
Christian Estrosi,
Noël Mamère,
Thierry Mariani,
Christian Decocq.
Clôture de la discussion générale.
MM. le président, le garde des sceaux.
Rappel au règlement «...»
M. Michel Vaxès.
Modification de l'ordre du jour «...»
MM. le président, Pascal Clément, président de la commission des lois.
Suspension et reprise de la séance «...»
DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Article 1er «...»
Amendement n° 304 de M. Vallini : MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, le rapporteur, le garde des sceaux, le président de la commission des lois. - Rejet.
Amendement n° 4 rectifié de la commission des lois : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 402 de M. Vaxès : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 291 de M. Vallini : MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 403 de M. Vaxès : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 392 de M. Warsmann : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendements n°s 5 de la commission et 305 de M. Vallini : MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Jean-Yves Le Bouillonnec. - Adoption de l'amendement n° 5 ; l'amendement n° 305 tombe.
M. le président.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
4. Ordre du jour de la prochaine séance «...».
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
QUESTIONS AU GOUVERNEMENT
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous commençons par le groupe des député-e-s communistes et républicains.
CODE DU TRAVAIL
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, vous allez profiter de la période de Noël pour engager une remise en cause sans précédent du code du travail, pour le « détricoter » comme l'a dit Bernard Thibault. Nous tenons donc à alerter avec gravité et solennité le monde du travail sur le projet régressif du Gouvernement de réforme du dialogue social. La réforme qui se dessine remet en cause de façon brutale les acquis protecteurs des salariés dans la mesure où elle permettra que la loi ne soit plus respectée par l'employeur. L'extension des accords dérogatoires pourra faire voler en éclat les garanties apportées par la loi, un accord de branche, une convention collective en faveur des salariés. Il y aura autant de règles que d'entreprises, battant en brèche les garanties collectives. Voilà le nouveau code du travail dicté par le MEDEF !
Quant au principe de l'accord majoritaire, certes vous faites un pas, mais nous sommes loin du véritable accord majoritaire souhaité par les syndicats. Avec eux nous travaillons depuis des mois pour élaborer un véritable projet de démocratie sociale actualisant la représentativité des organisations syndicales et mettant en oeuvre la validité d'un véritable accord majoritaire à tous les niveaux de négociation c'est-à-dire un accord signé par un ou plusieurs syndicats représentant la majorité des salariés.
Derrière les mots de votre texte, il y a la réalité. Vous voulez faire régresser la législation sociale de cinquante ans. Vous avez réussi à vous mettre à dos toutes les organisations syndicales, excepté le MEDEF qui saute de joie, et on le comprend. En guise de dialogue social, on fait mieux ! Monsieur le ministre, nous exigeons le retrait de votre projet et la poursuite des discussions avec les syndicats. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur Gremetz, nul ne peut nier que nous connaissons une crise du syndicalisme et, d'une manière plus générale, une crise des institutions représentatives. En effet, le taux de salariés syndiqués est de 5 % seulement, c'est-à-dire l'un des plus faibles de tous les pays européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cette crise des institutions représentatives est l'une des causes de la crise politique actuelle et nous avons le devoir de chercher des solutions pour y remédier.
En arrivant, le Gouvernement a trouvé sur la table un accord intitulé « La position commune sur les voies et moyens de l'approfondissement de la négociation collective », qui a été signé en 2001 par toutes les organisations syndicales et patronales, sauf une, je le concède : la CGT. Aux termes de cet accord, le Gouvernement et le Parlement doivent s'engager à ouvrir un champ plus large à la négociation sociale. Autrement dit, le législateur doit s'engager à ne pas intervenir dans des domaines où les partenaires sociaux sont susceptibles de se mettre d'accord.
Le deuxième point clé de cette position commune, c'est l'indépendance des différents niveaux de négociation. Il s'agit de permettre à l'entreprise de négocier pour adapter les accords à sa situation particulière.
Le troisième point, c'est la marche progressive vers l'accord majoritaire. En effet, si l'on veut, demain, donner plus de responsabilités aux partenaires sociaux, il faut naturellement que la légitimité des accords qu'ils signent soit incontestable.
Le Gouvernement a repris telle quelle la position commune. Rien que la position commune mais toute la position commune ! Il vous proposera un texte équilibré qui vise à donner plus de responsabilités aux partenaires sociaux, à aller vers plus de légitimité avec l'accord majoritaire et à donner plus d'indépendance à la négociation d'entreprise. Monsieur Gremetz, il est faux de dire que ce texte permettra d'aller contre la loi.
M. Maxime Gremetz. C'est pourtant la vérité !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La loi restera toujours au-dessus de tous les accords, quel que soit le niveau où ils sont signés. On m'accuse, ici, de faire le jeu du MEDEF,...
Plusieurs députés du groupe communiste. Oui !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... mais on m'accuse ailleurs d'avoir, en matière d'accords collectifs, une position bolchevique. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe communiste.) Entre ces deux caricatures, la démonstration est faite, monsieur Gremetz, que ce texte est un texte d'équilibre qui permettra d'aller vers beaucoup plus de progrès social. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
PROJET ITER À CADARACHE
M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour le groupe Union pour un mouvement populaire.
M. Bernard Deflesselles. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et j'y associe Maryse Joissains-Masini, présidente de la communauté du pays d'Aix, et Daniel Spagnou.
Monsieur le Premier ministre, il y a trois heures à peine, l'Europe a choisi, à l'unanimité, son champion pour accueillir le plus grand projet scientifique mondial des trois prochaines décennies. Son choix s'est porté sur le CEA de Cadarache, en Provence-Alpes-Côte d'Azur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous recueillons ainsi les fruits d'un engagement total de la communauté scientifique, des collectivités territoriales et des pouvoirs publics. Votre engagement sans faille dont témoigne votre récente visite à Cadarache, ainsi que celui de Claudie Haigneré, Renaud Muselier et Pierre Lellouche, car ce projet relève d'une compétition scientifique et diplomatique, ont été déterminants.
Ce futur réacteur, qui vise à reproduire l'énergie du soleil, devrait permettre, au cours des décennies à venir, de répondre durablement aux besoins en énergie de la planète tout en préservant l'environnement. Mais cette victoire n'est qu'une victoire d'étape et nous interdit de relâcher nos efforts. Il nous faut maintenant concourir contre le Japon et le Canada pour obtenir, d'ici à un mois, une décision favorable de la communauté internationale. Si ce projet est fondamental pour la France et sa communauté scientifique, il l'est tout autant pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Avec 5 milliards d'euros d'investissements pour la construction sur dix ans, 5 milliards pour son exploitation sur vingt ans, plusieurs milliers d'emplois créés et 2 milliards d'euros de retombées économiques, c'est pour notre région le plus beau des défis à relever.
Monsieur le Premier ministre, comment, dans un esprit de candidature olympique, comptez-vous porter les espoirs et les attentes de notre pays et de notre région ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le député, l'Europe vient en effet, à l'unanimité, de choisir Cadarache, en Provence-Alpes-Côte d'Azur, comme site d'implantation du projet ITER. Candidat de l'Europe, Cadarache porte nos espoirs pour ce grand projet scientifique. Avec plus de 10 milliards d'euros d'investissements et des milliers d'emplois, ce premier grand projet mondial a mobilisé la communauté scientifique de façon exceptionnelle.
Mon premier sentiment est de gratitude à l'égard de nos amis espagnols qui, en faisant preuve du sens de l'intérêt général (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), ont permis à l'Europe de se rassembler sur un seul projet pour gagner la compétition mondiale.
Ma deuxième marque de gratitude va à la commission, qui a préparé l'ensemble de ce dispositif, au commissaire Busquin, à tous ceux qui ont procédé à l'évaluation et ainsi révélé les atouts de Cadarache.
Je voudrais aussi saluer la communauté scientifique, les chercheurs, les ingénieurs, les techniciens, notamment ceux du CEA de Cadarache (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), et de JET en Angleterre, tous ceux grâce auxquels ce projet s'est imposé par sa qualité. Je veux encore saluer le travail des collectivités territoriales, dire à Mme Joissains-Masini et à la communauté d'Aix, à M. Spagnou et aux départements, à la région, à l'ensemble des élus locaux, que cette mobilisation collective a payé parce qu'elle a convaincu. Vous vous êtes engagés financièrement sur ce grand projet. C'est un élément très important qui a aidé à convaincre et à obtenir cette victoire, qui est en effet une victoire d'étape, monsieur Deflesselles.
Permettez-moi aussi de saluer l'action courageuse et experte de Claudie Haigneré, qui a fait un travail remarquable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) La France lui doit beaucoup parce qu'elle a su présenter à l'ensemble de ses collègues ce dossier avec clarté et efficacité.
Je salue enfin l'ensemble de la diplomatie française, ainsi que le travail de votre collègue Pierre Lellouche (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), émissaire du Gouvernement, qui est allé dans toutes les capitales européennes (« Il n'est pas là ! » sur les bancs du groupe socialiste) rencontrer l'ensemble des spécialistes pour qu'ils continuent à défendre le dossier. Son initiative nous a permis d'obtenir l'unanimité.
Il ne vous a pas échappé, mesdames, messieurs, que derrière un si grand projet il y a la recherche, dont le budget est en augmentation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C'est une stratégie très importante. Face à la tentation du déclin dont parlent certains, notre pays doit retrouvrer le goût de l'avenir, de la science et de la technologie. Là, nous pouvons faire en sorte que la planète trouve son énergie du futur sans pollution, tout en ayant la capacité de répondre aux problèmes du développement, notamment des pays les plus fragiles. Ce projet est donc non seulement scientifique et industriel, mais également humanitaire, parce qu'il sert le développement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
PACTE DE STABILITÉ
M. le président. La parole est à M. François Loncle, pour le groupe socialiste.
M. François Loncle. Monsieur le Premier ministre, dans cette série de compliments façon « 7 d'or » que vous venez d'adresser (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - « Jaloux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), s'agissant d'une bonne décision, vous auriez pu également mentionner le rôle de votre prédécesseur sur ce dossier...
Mme Martine David. Ça, il ne l'a pas fait !
M. François Loncle. ... et l'implication de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, présidée par Michel Vauzelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean Glavany. Cette réussite, on la doit à Jospin !
M. François Loncle. Monsieur le Premier ministre, vous ne respectez pas l'Assemblée nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) A deux reprises, hier, notre président de groupe, Jean-Marc Ayrault, a dénoncé la façon dont votre gouvernement impose un ordre du jour totalement préjudiciable au bon déroulement de nos travaux, notamment d'ici à la fin de l'année. Hier encore, vous avez refusé de répondre aux questions de notre collègue Didier Migaud...
Mme Martine David. Scandaleux !
M. Gérard Bapt. Lamentable !
M. François Loncle. ... et même à celle posée par M. Auberger.
M. Gérard Bapt. Il n'est pas trop tard !
M. François Loncle. Il s'agit pourtant d'un sujet qui a des effets directs sur la vie quotidienne de nos compatriotes : les conséquences sociales, fiscales et budgétaires des engagements pris par la France à Bruxelles, les conséquences du Conseil Ecofin. Pourquoi un tel silence ? Pourquoi raser les murs, comme vous le faites ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Serait-ce parce que les engagements que vous avez pris sont inavouables ?
Mme Martine David. Oui !
M. François Loncle. Serait-ce parce que la note à payer par les Français ne peut être rendue publique avant les échéances électorales ? Serait-ce parce que notre position vient gravement de s'affaiblir en Europe au moment où la Conférence intergouvernementale se réunit pour décider d'une Constitution ?
Bref, nous sommes en droit de vous poser à nouveau les questions que formulaient hier notre collègue Migaud. Quel est le montant précis des annulations de crédits prévues dès janvier 2004, après celle de 6 milliards d'euros intervenue cette année ? Dans quels budgets allez-vous tailler le logement, l'emploi, la santé, les transports, la recherche ou tous en même temps ? Monsieur le Premier ministre, expliquez-vous ! Expliquez aux Français ce qui les attend ! Rendez des comptes, car l'origine de tout cela, c'est la politique économique et sociale désastreuse que vous menez depuis dix-huit mois. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Monsieur Loncle, veuillez conclure.
M. François Loncle. Prenez enfin vos responsabilités. La prise de responsabilité, cela commence ici,...
M. Yves Nicolin. La question !
M. François Loncle. ... devant la représentation nationale, où il faut assumer ce que l'on fait et s'en expliquer. Vous avez, de manière absurde,...
M. Bernard Accoyer. C'est vous qui êtes absurde !
M. Dominique Tian. Quelle est la question ?
M. François Loncle. ... supprimé aux Français un jour de congé. Vous venez vous-même de vous mettre, dangereusement pour la France, en congé de l'Europe ! Répondez-nous, monsieur le Premier ministre ! Ne vous mettez pas en congé de l'Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'État aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le député, hier, il s'est passé quelque chose de très important : la position de la France a été comprise et approuvée. Francis Mer l'a soutenue avec beaucoup de conviction et d'efficacité. La décision d'hier est irréprochable sur la forme. La Commission a formulé des recommandations concernant la France et l'Allemagne. Ces recommandations ont été examinées par le Conseil Ecofin qui les a rejetées, puis a approuvé les conclusions de la présidence italienne. Les formes du traité ont donc été parfaitement respectées.
Mme Martine David. Vous avez tout à cacher !
M. le secrétaire d'État aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Cette position était aussi solide sur le fond. C'est la force des arguments de la France qui, aujourd'hui, triomphe.
Mme Martine David. Quels arguments ?
M. le secrétaire d'État aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Et la meilleure preuve, c'est qu'une majorité d'États membres a entendu les raisons de notre pays.
Monsieur le député, il y a plusieurs leçons à tirer de ce qui s'est passé hier. D'abord que nous n'en serions pas là si le gouvernement Jospin n'avait pas fait preuve de tant de légèreté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean Glavany. Et Mitterrand ? Ce n'est pas sa faute pendant que vous y êtes ?
M. le secrétaire d'État aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. En effet, en 1998, 1999, 2000, quand la croissance était forte, vous avez sacrifié l'avenir budgétaire de notre pays à des intérêts immédiats. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean Glavany. C'est nul !
M. le président. Monsieur Glavany !
M. le secrétaire d'État aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Ensuite, si nous avions appliqué les prescriptions de la Commission de façon littérale nous aurions peut-être cassé le moteur de la reprise. Si, aujourd'hui, nous voyons repartir l'économie française (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), c'est parce que nous avons fait les bons choix de politique conjoncturelle, les bons choix de politique budgétaire. Et si nous avions été laxistes, la majorité des États membres ne nous aurait pas suivis.
M. Jean-Marc Ayrault. Répondez à la question !
M. le secrétaire d'État aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Hier, l'Europe a été une Europe des citoyens. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Elle a compris l'intérêt de préserver l'emploi et la croissance. La France a été entendue. La décision qui a été prise hier sert l'intérêt de notre pays. Elle sert également l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
SUPPRESSION DU CONTRAT DE QUALIFICATION
M. le président. La parole est à M. Gilles Artigues, pour le groupe Union pour la démocratie française.
M. Gilles Artigues. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, et j'y associe mon collègue Yvan Lachaud.
Le groupe UDF s'inquiète, aux côtés des professionnels de l'alternance et de leurs étudiants, de la suppression annoncée du contrat de qualification. Ce contrat a pourtant fait ses preuves. Il offre une vraie formation rémunérée et apporte une solide expérience professionnelle. Nous avons deux interrogations.
La première concerne la pérennité des centres de formation ; au nombre de 500 dans notre pays, qui emploient plus de 20 000 personnes. Vous avez dit envisager dans votre texte, qui sera étudié prochainement, de passer de 25 % à 15 % de présence dans ces centres.
Notre seconde interrogation a trait à la possibilité d'accéder à une formation diplômante. Pour un BTS ou un bac professionnel en alternance par exemple, il faut de dix-huit à vingt-quatre mois. Or votre texte ne prévoit que douze mois de formation. Je sais qu'une dérogation est prévue, mais cela ne suffit pas à lever toutes les inquiétudes.
Nous nous demandons aussi sur quoi s'appuieront les directions départementales du travail et de l'emploi pour choisir la durée des formations et si les branches professionnelles qui choisiront le diplôme ne seront pas tentées de proposer un contrat ou un certificat de qualification professionnelle interne qui n'aura pas la même valeur et ne permettra pas aux jeunes ou aux demandeurs d'emploi d'être armés dans le monde de l'emploi et pour la recherche d'un travail.
Pouvez-nous nous dire, quelles sont vos intentions en la matière, avant que nous n'étudions votre projet de loi en commission et en séance publique. Il est en effet indispensable que ce projet apparaisse, non pas comme une régression, mais bien comme une avancée sociale, que le groupe UDF appelle de ses voeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, la disposition que vous évoquez, à savoir la création du contrat de professionnalisation, est l'une de celles que nous nous apprêtons à transposer dans la loi et qui figure dans l'accord signé par les partenaires sociaux. Cette disposition ne présente pas les inconvénients ou les risques que semblent craindre aujourd'hui de nombreux responsables en matière de formation professionnelle.
Cet accord institue une durée minimale de six à douze mois. C'est un progrès par rapport à la situation antérieure. Jusqu'à présent, en effet, la formation professionnelle était largement pratiquée dans certaines branches, et extrêmement réduite dans d'autres.
Les branches pourront, à tout moment, décider de durées plus importantes que la durée de base, notamment pour les jeunes qui n'ont pas achevé un second cycle de l'enseignement secondaire, ceux qui ne sont pas titulaires d'un diplôme de l'enseignement technologique ou professionnel, ou pour ceux qui visent des certifications ou des formations particulières.
Ce dispositif ne risque pas de déboucher sur des formations de branche non sanctionnées par un diplôme national. De la même façon, les organismes de formation n'ont pas à craindre de voir leur activité se réduire, puisque tout l'objectif de cette réforme voulue par les partenaires sociaux est d'accroître le nombre de salariés en formation.
De fait, l'effort réalisé par les entreprises en matière de formation professionnelle sera pratiquement doublé. Et si, en moyenne, les formations seront plus courtes, leur nombre en sera plus élevé.
Enfin, monsieur le député, si nous acceptons d'aller plus avant sur la voie du dialogue social, nous pourrons de plus en plus souvent traduire dans la loi un accord unanime des partenaires sociaux. Et l'Assemblée, je pense, aura à coeur de respecter les équilibres de ces accords. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et de l'Union pour la démocratie française.)
INFORMATION DES SALARIÉS
SUR LEURS DROITS À LA RETRAITE
M. le président. La parole est à Mme Valérie Pecresse, pour le groupe UMP.
Mme Valérie Pecresse. Monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, la loi instaurant la réforme des retraites a prévu d'instaurer un droit personnel à l'information de chaque Français sur ses acquis en la matière. A échéance régulière, nos compatriotes doivent savoir à combien se montera leur retraite.
Aujourd'hui, les parcours professionnels des Français sont beaucoup plus variés qu'il y a vingt ans, avec plusieurs métiers, des périodes de chômage ou de formation. A cette variété des vies actives, correspond une multiplicité des régimes de retraite. C'est pourquoi, comme le confirment les travaux du Conseil d'orientation sur les retraites, nos compatriotes ne connaissent pas le montant de la retraite à laquelle ils ont droit. Ils ne sont pas satisfaits de cette situation et ils ont raison.
Le Gouvernement doit faire en sorte qu'ils disposent de cette information, qui leur permettra de prendre en toute connaissance de cause des décisions très importantes : passer ou non à temps partiel, changer ou non d'emploi, continuer ou non de travailler après soixante ans, racheter ou non des années d'étude pour augmenter le montant de leur retraite.
Certes, la mise en place de ce système d'information individuelle est un chantier difficile qui mobilisera des énergies importantes, à un moment où les régimes de retraite doivent faire face à l'arrivée massive des générations de l'après-guerre. Néanmoins, l'engagement a été pris et nous devons le tenir.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, après la communication que vous avez faite en conseil des ministres ce matin, je vous demande quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière. L'information de chaque Français sur sa retraite, c'est pour quand ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame la députée, l'information de chaque Français pour sa retraite, c'est maintenant ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Un guide sera distribué...
Mme Martine David. Par Raffarin ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... à tous les fonctionnaires de l'Etat et mis à la disposition de tous les Français à partir de la mi-décembre, au travers du réseau de la Caisse nationale de l'assurance vieillesse et des caisses affiliées. Parallèlement à la mise à la disposition de ce guide, un service d'information téléphonique et un site internet seront mis en place dans les prochains jours. (« Allô ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Au-delà, nous avons décidé d'enclencher le système d'information individuelle prévu dans le texte de loi que vous avez voté. Dès le début de l'année 2004, nous mettrons à disposition de tous les Français qui le souhaiteront un moteur de simulation, qui fonctionnera dans un premier temps avec les données que les intéressés rentreront eux-mêmes, puis, au fur et à mesure de l'harmonisation des systèmes informatiques à travers le GIP, qui regroupera les 200 régimes de retraites existant dans notre pays, ce moteur de simulation sera alimenté par les données réelles venant des caisses. En 2006, nous pourrons proposer à tous les Français une simulation individuelle soit à leur demande, soit par un envoi à leur domicile pour qu'à période régulière ils puissent connaître leur situation au regard de la retraite et faire les choix que permettent les nouvelles dispositions que vous avez adoptées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
APPLICATION DES PEINES
EN MATIÈRE DE TERRORISME
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.
M. Jean-Paul Garraud. Monsieur le garde des sceaux, la juridiction de la libération conditionnelle du tribunal de Pau vient d'ordonner la remise en liberté de l'un des plus emblématiques terroristes emprisonnés sur le territoire français : Georges Ibrahim Abdallah, condamné à la réclusion criminelle en 1987. Heureusement, sur vos instructions, le Parquet a immédiatement fait appel de cette décision. L'ex-chef des Fractions armées révolutionnaires libanaises, détenu depuis 1984, restera donc emprisonné jusqu'à l'examen de l'appel, le 16 janvier prochain.
Sans porter la moindre appréciation sur une décision de justice, je m'interroge sur l'application de la loi du 15 juin 2002 qui a déjà permis, le 19 mars 2001, la libération d'un autre terroriste condamné en 1985 à la réclusion criminelle à perpétuité. Je rappelle qu'avant cette loi, c'est le ministre de la justice qui se prononçait dans ce domaine qui concerne la sécurité de l'Etat et de nos concitoyens.
Si je comprends l'évolution législative en matière de droit commun, je suis plus que réservé en matière de terrorisme, à l'heure où celui-ci frappe avec une violence extrême dans le monde.
Pour l'enquête et le jugement des terroristes, une procédure particulière est mise en oeuvre : la cour d'assises siège en formation spéciale, c'est-à-dire qu'elle est composée uniquement de magistrats professionnels et non de jurys populaires, on comprend pourquoi. Or aucune disposition spécifique n'est prévue quant à l'application des peines infligées aux délinquants terroristes et c'est donc le droit commun qui s'applique. Ainsi, la juridiction de la libération conditionnelle apprécie un acte terroriste comme pour n'importe quelle autre infraction - vol, escroquerie, par exemple - alors qu'il est bien évidemment radicalement différent.
Ma question est simple, monsieur le garde des sceaux : afin d'éviter, une telle érosion des peines que j'ai déjà dénoncée ici même car il ne faut pas oublier que ces terroristes ont été condamnés à perpétuité - et - des mises en liberté intempestives, n'est-il pas envisageable, dans un souci de logique et de parallélisme des règles de procédure entre les phases d'enquête, de jugement et d'application des peines, de mettre en place une procédure spécifique pour l'application des peines en matière de terrorisme ? Il existe d'une procédure spécifique avant jugement ; il serait cohérent d'instaurer une procédure spécifique après jugement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous avez raison de souligner le particularisme de la lutte antiterroriste. C'est une quasi-guerre que nous menons à l'encontre de certaines organisations terroristes internationales. C'est la raison pour laquelle, la France s'est progressivement dotée d'un dispositif juridique particulier.
Après les attentats qui ont touché notre pays voilà une vingtaine d'années, le legislateur a donné une compétence spéciale au tribunal de grande instance de Paris, avec une spécialisation tant au niveau du Parquet qu'au niveau des juges d'instruction. Ce système donne entière satisfaction.
Je rappelle que, cet après-midi même, vous allez examiner, en deuxième lecture, le texte relatif à la lutte contre la criminalité organisée, qui comprend un certain nombre d'éléments de nature à renforcer la lutte contre le terrorisme. Je pense aux possibilités d'infiltration, de sonorisation ou encore de prise en compte des repentis : autant d'armes qui permettront à la justice de combattre plus efficacement le terrorisme national et international.
Pour répondre précisément à votre question, monsieur le député Garraud, les lois de 1986 et de 1996 ont aggravé les peines susceptibles d'être prononcées par les magistrats mais, comme vous l'avez souligné, le particularisme en vigueur avant la condamnation ne se retrouve pas au stade de l'exécution des peines. Nous devons tout de même prendre en compte le fait que l'exécution des peines suppose une certaine proximité entre le juge qui en est chargé et le détenu. Si nous confions, par hypothèse, l'exécution des peines à des juges du tribunal de grande instance de Paris, cela ne manquera pas de poser quelques problèmes pratiques pour les condamnées détenus dans différentes prisons de France ; je souhaite, en effet, maintenir la possibilité de les affecter dans des prisons différentes, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité que chacun comprendra ici.
Je ne peux vous donner de réponse aujourd'hui, monsieur le député. Nous devons faire le point et mettre en regard les inconvénients et les avantages d'un système centralisé, car n'oubliez pas - le cas que vous avez évoqué en est d'ailleurs une illustration - qu'il est toujours possible de faire appel, c'est-à-dire de renvoyer la décision, à la cour d'appel, qui peut prendre plus de distance vis-à-vis des faits.
Quoi qu'il en soit, je m'engage, à faire le point complet sur cette affaire pour choisir entre avantages et inconvénients des deux formules. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
ATTITUDE DU PREMIER MINISTRE
M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste.
M. Gérard Bapt. Mon intention, monsieur le président, était de poser une question relative à la santé publique, plus particulièrement au sida. Mais ce à quoi nous avons assisté à trois reprises, au cours des dernières séances de questions d'actualité, me conduit à interpeller directement M. le Premier ministre, vous prie de bien vouloir m'en excuser.
Je veux en effet insister sur une autre forme de fléau qui s'installe dans le pays, nuit au moral des Français et donc à notre économie : c'est le fait que M. le Premier ministre refuse systématiquement de répondre aux questions que lui pose l'opposition devant la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il en laisse le soin tantôt au ministre délégué au commerce extérieur, tantôt au secrétaire d'État aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, tantôt au ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire. Demain, peut-être, le secrétaire d'État aux anciens combattants répondra à des questions de fond concernant l'avenir des Français. Avez-vous, monsieur le Premier ministre, quelque chose à cacher, pour systématiquement devant la représentation nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialie. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Charles Cova. Voyou !
M. Gérard Bapt. Quelles sont les conséquences des engagements que vous faites prendre à M. Mer devant l'Union européenne ?
Ce week-end, monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré qu'il n'y avait qu'un seul patron au Gouvernement : vous. Prouvez-le devant la représentation nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Très bien !
M. Gérard Bapt. Votre défausse accroît le malaise des Français. Votre défausse nuit au retour de la confiance, donc au retour de la croissance que vous appelez de vos voeux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Yves Nicolin. Baratin !
M. Gérard Bapt. Monsieur le Premier ministre, nous ne pouvons pas penser que vous agissez ainsi par mépris (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) de la représentation nationale ou même de l'opposition. Nous ne pouvons pas penser que, pour les années qui viennent, vous n'avez pas pris d'engagements devant l'Union européenne ni imaginé le plan budgétaire et fiscal que devront supporter les Français.
M. Marc-Philippe Daubresse. La question !
M. Gérard Bapt. Alors, assumez votre rôle ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Dites-nous quelles sont vos intentions au plan économique, budgétaire et fiscal pour les années qui viennent. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. Mes chers collègues !
M. Gérard Bapt. C'est important pour le moral des Français et pour l'esprit républicain qui doit régner dans cette assemblée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Noël Mamère et M. Émile Zuccarelli. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Debout !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le député, je vous réponds parce que je vis mal le mépris que vous exprimez...
Mme Martine David. Nous aussi !
M. le Premier ministre. ... vis-à-vis d'un certain nombre de ministres qui s'expriment devant vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Que ce soient des hommes ou des femmes, des ministres ou des secrétaires d'Etat (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), ils appartiennent à une équipe ! Ils portent un message ! (Exclamations sur les mêmes bancs.) Je souhaite qu'ils puissent être entendus, comme cela a toujours été le cas dans la République, en tant que membres du Gouvernement, et assumer toutes les responsabilités gouvernementales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme Martine David. C'est vous le patron !
M. le Premier ministre. Je vous répondrai d'autant plus facilement que j'ai toujours, quant à moi, respecté l'opposition ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme Martine David. La preuve !
M. le Premier ministre. Vous répondre n'est pas un problème. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues !
M. le Premier ministre. Je trouve même un certain plaisir (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) à vous expliquer ce que vous devriez savoir : la France a connu de grandes difficultés vis-à-vis de ses partenaires européens...
M. François Hollande. On connaît !
M. le Premier ministre. ... pendant les cinq dernières années où vous étiez au gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Elle a perdu de la crédibilité ! Elle a perdu de la confiance ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Il a fallu que, pas à pas, nous puissions regagner cette crédibilité et confiance ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Au début, pensant que le gouvernement que je dirige se conduirait celui de mon prédécesseur, l'Europe a pensé qu'elle devrait nous sanctionner. (« Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. François Hollande. Assumez vos responsabilités ! C'est scandaleux !
M. le Premier ministre. Petit à petit, nous l'avons convaincue que notre feuille de route était crédible, qu'elle pouvait avoir confiance (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) mais que, d'abord, il nous faudrait travailler au retour de la croissance. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme Martine David. Et le chômage ?
M. le Premier ministre. Quand je constate que la consommation et l'investissement redémarrent, je me dis que nous avons fait les bons choix économiques (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...
Mme Martine David. La preuve !
M. le Premier ministre. ... et je me réjouis que l'Europe l'ai compris ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
L'engagement que nous avons pris devant nos partenaires européens...
Plusieurs députés du groupe socialiste. Lesquels ?
M. le Premier ministre. ... c'est celui que nous avons pris devant l'Assemblée nationale ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il est de maîtriser nos dépenses, de respecter notre budget et d'atteindre, en 2005, l'objectif de 3 % de déficit de notre budget !
Voilà pourquoi nous avons dit à l'Europe que nous avions besoin de temps ! Il fallait, en effet, « écluser » toutes les difficultés que nous devions surmonter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. François Hollande. C'est votre politique qui est mauvaise !
M. le Premier ministre. Finalement, l'Europe a compris ! L'Europe a mesuré la situation dans laquelle nous étions et elle nous a donné cette capacité de construire,...
M. François Hollande. Qu'avez-vous à construire ?
M. le Premier ministre. ... étape après étape, le redressement de la France (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) qui nous amènera à la nécessaire discipline budgétaire.
Le pacte de stabilité et de croissance n'est pas en cause mais nous savons que, sans croissance, nous avons besoin de temps. Nous faisons des réformes structurelles tout en regrettant que celles-ci n'aient pas été engagées quand la croissance était là. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Au fond, si je ne passe pas mon temps à ce micro pour vous répondre,...
Mme Martine David. C'est que vous n'avez rien à dire !
M. le Premier ministre. ... c'est que je ne veux pas vous mettre trop souvent en mauvaise posture ! (Mmes et MM. les députés de l'Union pour un mouvement populaire se lèvent et applaudissent. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
EUROPE DE LA DÉFENSE
M. le président. La parole est à M. Céleste Lett, pour le groupe UMP.
M. Céleste Lett. Madame la ministre de la défense, ma question porte sur les dernières avancées en matière d'Europe de la défense.
En l'espace de quelques jours, deux points notables sont à relever à cet égard. En effet, la semaine dernière, le conseil « affaires générales », réuni à Bruxelles, a décidé de créer une agence européenne dans le domaine du développement des capacités de défense, de la recherche, des acquisitions et de l'armement. Par ailleurs, lundi, le Président de la République, qui était à Londres pour le vingt-sixième sommet franco-britannique, a longuement abordé la question de la défense européenne avec le Premier ministre britannique. A cette occasion, la presse a rapporté que Londres et Paris auraient proposé de doter l'Union européenne d'une force de réaction rapide, susceptible d'être mise au service des Nations unies en cas de crise.
Madame la ministre, pouvez-vous préciser l'intérêt et les contours de ces deux propositions qui sont la marque d'une volonté d'avancer pas à pas dans la construction d'une défense européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le député, les deux opérations que nous avons menées avec succès en Macédoine et en République démocratique du Congo au cours de l'été ont montré que l'Europe de la défense existait. Elle a cependant besoin d'être confortée et développée, et les deux avancées que vous venez de mentionner vont dans ce sens.
D'abord, la décision de créer une agence de l'armement et de la défense, qui a été prise au mois de novembre par les Vingt-cinq, souligne notre volonté d'agir en commun pour assurer la cohésion de nos besoins opérationnels - capacités militaires, par exemple - pour développer la recherche et pour s'entendre sur les programmes d'acquisition. Cette agence sera effective au printemps 2004.
Quant à la création d'une force d'intervention très rapide, il s'agit là d'une décision commune des Britanniques et des Français prise lors du dernier sommet franco-britannique qui sera soumise à nos vingt-trois partenaires.
Au-delà de la force européenne de 60 000 hommes, notre objectif est de créer une force d'intervention très rapide qui serait la première à entrer sur un théâtre d'opérations dans le cadre d'une action autonome de l'Union européenne, nous permettant ainsi d'intervenir, en application d'une résolution de l'ONU, dans des domaines relevant de l'action européenne et éventuellement en Afrique.
Cette proposition sera soumise à la décision de nos partenaires pour une mise en oeuvre dans les tout prochains mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
POLITIQUE DE RÉNOVATION URBAINE
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas, pour le groupe UMP.
M. Jean-Pierre Nicolas. Monsieur le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, depuis une vingtaine d'années, une crise urbaine et sociale persiste dans les quartiers concentrant des familles économiquement et socialement fragilisées, qui vivent dans des conditions d'habitat et d'environnement dégradées.
Face à cette situation, vous avez su tirer avec le Premier ministre, les leçons des politiques menées jusqu'alors et vous avez agi en faisant adopter par le Parlement la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine. Ce texte, qui traduit un effort de solidarité dans notre société, s'inscrit dans la droite ligne des engagements du Président de la République tels qu'il les a rappelés récemment à Valenciennes, refusant ainsi toute fatalité.
Au-delà de la réinsertion sociale par l'économie et l'emploi, grâce à la création de quarante et une zones franches urbaines supplémentaires, vous allez, avec cette loi, modifier considérablement sur cinq ans, l'habitat et l'environnement des personnes vivant dans les quartiers prioritaires. Des moyens financiers jamais égalés jusqu'alors ont été affectés à ce programme. Six milliards d'euros sont ainsi mobilisés en partenariat avec l'ensemble des acteurs sociaux concernés- c'est suffisamment rare pour être souligné. Encore faudra-t-il que quelques coups de canif budgétaires ne viennet pas amputer ces crédits, comme ce fut le cas sous le gouvernement précédent.
Monsieur le ministre, pouvez-vous présenter à la représentation nationale le dispositif que vous avez mis en place pour concrétiser ces objectifs et faire en sorte que les crédits alloués arrivent bien là où il faut, quand il faut pour la reconquête économique et sociale indispensable de ces quartiers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.
M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur le député, sur cette question des quartiers et des cités, qui, on le voit dans l'actualité, est devenu un problème central de la société française, le diagnostic posé par tous était assez sévère. Moins de 8 % des crédits affectés à la rénovation urbaine arrivaient en effet en moyenne chaque année réellement sur les sites. Or, on le sait, quand il y a peu d'interventions, la situation ne fait que se dégrader.
Les moyens désormais prévus, vous les connaissez, vous les avez votés. Pour la première fois dans l'histoire de la République, une loi de programmation de cinq ans a été votée en la matière pour assurer la durée dans les financements et la garantie d'un engagement annuel minimum de l'Etat. En outre, et comme cette politique est menée en partenariat avec les acteurs sociaux, une convention d'intervention a été signée dès le 10 septembre, soit quelques jours après le vote de la loi par chacun des acteurs. Grâce à un tableau de financement établi semestre par semestre, on saura exactement qui finance quoi. Voilà pour les engagements financiers.
En effets globaux, le programme est six fois plus important qu'il ne l'était précédemment. Mais notre vrai problème est de faire en sorte que ces mesures arrivent là où elles doivent arriver, vous avez raison, monsieur le député. Et là, nous avons opéré un changement de méthode radicale. Nous sommes ainsi sortis des onze ou douze procédures de l'Etat qui permettaient parfois des décalages. Nous disposons à présent d'un outil unique, transparent, un établissement public industriel et commercial cogéré avec tous les partenaires. Les collectivités locales, le monde HLM connaissent, en effet, exactement l'état de chaque dossier.
Aujourd'hui, moins de trois mois après le vote de la loi, monsieur le député, dix villes ont déjà bénéficié de divers concours pour 1,2 milliard d'euros, dont près de 400 millions au titre de l'Agence. Demain, trois villes seront concernées - Boulogne-sur-Mer, Trappes et Stains - puis onze la semaine suivante. Et d'ici à l'été prochain, toutes les villes comportant des sites de rénovation urbaine auront passé une convention claire leur assurant de bénéficier de crédits véritablement affectés pendant des années. Le programme global de 30 milliards - ça peut paraître énorme mais c'est au moins à l'échelle de notre problème - sera tenu minute après minute.
Enfin, un comité de suivi indépendant a été nommé pour garantir la transparence. Chaque site est même filmé actuellement. Nous pourrons ainsi rendre compte à la représentation nationale et à son président année après année.
Un dernier mot pour vous remercier, vous, mesdames et messieurs les députés, et le Premier ministre, pour les arbitrages qui ont permis de faire une véritable révolution dans le mode de fonctionnement de l'État. Pour des raisons d'efficacité, nous avons accepté que des budgets de mon propre ministère soient mis dans un pot commun extérieur républicain, géré par tous ceux qui sont concernés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
PÉAGES ROUTIERS
M. le président. La parole est à M. Alain Gouriou, pour le groupe socialiste.
M. Alain Gouriou. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Je voudrais, tout d'abord, monsieur le Premier ministre, vous faire remarquer que vous n'avez toujours pas répondu aux questions des intervenants de notre groupe. Nous vous demandions des chiffres précis - combien d'impôts en plus, de crédits en moins, d'austérités en plus - et des informations claires et nettes sur les engagements qui ont été pris par votre gouvernement pour éviter des sanctions de l'Europe à la suite du déficit excessif de la France pour la deuxième année consécutive. Mais vous nous répondez par des incantations et des polémiques sur la gestion de votre prédécesseur. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Dois-je vous rappeler que, de 1997 à 2002, le pacte de stabilité a été intégralement respecté ?
M. Jean Glavany. Eh oui !
M. Alain Gouriou. Depuis que vous êtes là, la France est en infraction permanente par rapport à ses engagements européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
J'en viens à ma question. Au début du mois de novembre, le Gouvernement a fait voter par le Sénat un amendement au projet de loi sur les responsabilités locales autorisant l'instauration de péages sur les voies routières express, soit par l'Etat, soit par les collectivités locales, sur les réseaux routiers dont ils ont la charge. Ces péages constitueront un handicap supplémentaire pour les régions et les départements les plus excentrés, en particulier pour une région comme la Bretagne, déjà fortement défavorisée par son enclavement et sa périphéricité.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !
M. Alain Gouriou. Ces péages pénaliseront à l'évidence les entreprises de transport, mais aussi les producteurs et les consommateurs de ces régions. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dois-je vous rappeler, monsieur le Premier ministre, que le plan routier breton, voulu par le général de Gaulle...
M. le président. Monsieur Gouriou, pourriez-vous poser votre question, s'il vous plaît !
M. Alain Gouriou. J'y arrive, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ce plan s'inscrivait dans une action nationale de solidarité vis-à-vis d'une région périphérique. En choisissant de rétablir ces péages...
M. le président. Votre question, monsieur Gouriou !
M. Alain Gouriou. J'abrège, monsieur le président ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le Premier ministre, qui faut-il croire ?
M. Jean Marsaudon. Pas vous en tout cas !
M. Alain Gouriou. Votre ministre, M. Devedjian, qui fait adopter cet amendement par la majorité sénatoriale, ou M. Delevoye, qui affirmait avant-hier encore que les axes routiers n'étaient pas concernés par cette mesure ou vous-même, monsieur le Premier ministre qui garantissez aux régions périphériques la gratuité de leur réseau ?
M. le président. Je considère que votre question est posée, monsieur Gouriou.
M. Alain Gouriou. Un mot, monsieur le président ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pouvez-vous nous dire clairement, monsieur le Premier ministre, vos intentions et vos projets ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un amendement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, je pense que vous faites allusion à l'étude que mène actuellement l'Europe sur la possibilité de mettre en place une redevance sur le trafic des poids lourds. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme Martine David. Ce n'est pas du tout la question !
M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Et vous demandez très clairement si la Bretagne sera touchée par cette redevance.
M. Alain Gouriou. Mais non !
M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je vais vous répondre tout aussi clairement. Nous étudions aujourd'hui l'expérience allemande d'un suivi des poids lourds par GPS. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Bernard Roman. Répondez donc à la question qui vous a été posée !
M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. L'avantage d'un tel système serait simplement de permettre la taxation des poids lourds venant de l'étranger passant sur le sol français.
Mme Martine David. Vous répondez à côté parce que la question vous gêne !
M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. L'inconvénient, c'est que des régions excentrées comme la Bretagne verraient leur attractivité mise à mal.
Si une telle redevance devait être instituée, il faudrait donc qu'elle soit clairement affectée aux infrastructures, que la compétitivité des entreprises françaises soit respectée et que l'attractivité des régions excentrées telles que la Bretagne soit préservée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
CONSTRUCTION DE LOGEMENTS SOCIAUX
M. le président. La parole est à M. Lucien Degauchy, pour le groupe UMP.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oh Lucien ! Notre génie, notre lumière !
M. le président. Pour une fois, vous avez officiellement la parole, monsieur Degauchy ! (Sourires.)
M. Lucien Degauchy. Monsieur le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, le logement est une préoccupation essentielle de tous les Français. Or les motifs d'inquiétude sont nombreux. En effet, nombre de nos concitoyens sont démunis face à la hausse des loyers et à l'augmentation des prix de vente des appartements et des maisons. Plus grave, de plus en plus de familles ou de personnes seules ont du mal à trouver un logement qui convienne réellement à leurs besoins.
Cette pénurie d'habitations est d'ailleurs aussi vive à Paris que dans nos villes de province. Car, malgré les déclarations souvent fracassantes, malgré les nombreuses promesses de la majorité précédente, très peu de logements sociaux ont été construits.
Dans ces conditions, il est indispensable, monsieur le ministre, comme vous l'avez d'ailleurs souvent dit, d'augmenter l'offre de logements. Telle est précisément la politique suivie par le Gouvernement depuis que nous sommes aux affaires. Pouvez-vous nous donner les chiffres des constructions neuves en 2003 et présenter les mesures que vous envisagez de prendre pour répondre davantage aux attentes des Français en matière de logement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur Degauchy, vous avez raison, la crise que connaît aujourd'hui l'offre de logements est le résultat de la politique ou plutôt de la non-politique conduite pendant cinq ans. Face à cette situation, le Gouvernement qui a été nommé en 2002 a pris des mesures énergiques.
A cet égard, je tiens à remercier la majorité pour avoir voté une loi qui soulage la tâche des maires, libère les terrains à construire et relance l'investissement locatif. Nous en voyons d'ailleurs les premiers résultats. Voici les chiffres. Le nombre de logements autorisés en 2003 progresse déjà de 7 %, et la vente de logements neufs de 24 % d'une année sur l'autre - un peu plus dans le logement locatif, un peu moins dans le logement individuel. Quant au nombre de permis de construire pour les logements sociaux, il a augmenté de 11 % en 2003 par rapport à 2002. Et nous attendons bien sûr les résultats du nouveau dispositif fiscal, la modification du régime Besson. Sachez qu'il a d'ores et déjà permis de créer 40 000 logements nouveaux. Nous escomptions ces résultats pour la fin de l'année 2003 : nous les avons obtenus le 30 septembre, soit avec trois mois d'avance.
Beaucoup reste cependant à faire. En 2004, notre objectif est double : construire 80 000 logements sociaux, niveau jamais atteint depuis dix ans, avec une orientation très nette en faveur de l'accession sociale à la propriété.
Alors oui, monsieur le député, nous avons hérité d'un secteur du logement qui était en panne. Mais désormais, il se remet en marche. En 2003, la construction de logements est en forte hausse. Et c'est tant mieux. Ce ne sont pas les personnes concernées par les dix mille emplois supplémentaires créés dans ce secteur qui s'en plaindront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et UDF.)
VIOLENCES CONTRE LES FEMMES
M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy, pour le groupe UMP, pour poser la dernière question.
Compte tenu de l'heure, la question suivante ne pourra en effet pas être posée.
Mme Geneviève Levy. Madame la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, alors que, hier, se tenait la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, la situation de ces femmes demeure en France préoccupante. Aujourd'hui, une femme sur six est victime de violences et une sur dix est battue par son conjoint. Six femmes succombent chaque mois des suites de ces agressions et quelque cinquante mille femmes sont, elles, victimes de viols au cours d'une année.
Hier, vous avez réuni une trentaine d'hommes issus du monde de la presse, de la chanson, du droit ou de la publicité, pour leur proposer de signer une charte contre les violences faites aux femmes. Pourriez-vous nous dire pourquoi vous avez souhaité impliquer ces hommes ?
Ce matin, vous avez fait une communication en conseil des ministres. Pourriez-vous faire le point sur les moyens dont on dispose pour lutter contre ces violences ?
Enfin, puisqu'il s'agit d'une journée internationale, je vous demande de bien vouloir nous indiquer la façon dont la France compte s'engager et faire entendre sa voix au plan international. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.
Malheureusement, madame la ministre, votre réponse ne pourra être télévisée compte tenu de l'heure. (Exclamations sur divers bancs.) Si chacun respectait son temps de parole, cela ne se produirait pas !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Madame la députée, la lutte contre les violences est bien un combat de la modernité. A cet égard, je tiens à saluer la très forte mobilisation que j'ai constatée hier, sur tous les bancs de cet hémicycle, en faveur de la lutte contre les violences faites aux femmes.
Cette mobilisation, qui est à l'honneur de la République, concerne toutes les femmes de France, et particulièrement celles qui sont victimes de ces violences. Elle inspire aussi l'action du Gouvernement et s'élargit aujourd'hui à la société civile. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que ce soient les hommes qui disent non à la violence et s'engagent à ce « zéro violence » qui est beaucoup plus qu'un concept : il correspond à un engagement personnel et collectif. C'est encore au nom de cette mobilisation que nous signerons demain matin, avec l'ensemble des professionnels de la publicité, un accord qui fera progresser la déontologie professionnelle quant à l'image des femmes dans le monde de la publicité. C'est toujours cette mobilisation qui nous a conduits à choisir la voie législative pour répondre à vos attentes en matière de lutte contre les discriminations et de lutte contre les violences conjugales, en particulier en permettant l'éloignement du conjoint violent.
Connaissant votre engagement remarquable au service des femmes afghanes et de l'Afghanistan, je tiens à souligner que la lutte contre les violences ne s'arrête pas aux frontières de la France. Elle concerne aussi toutes les femmes qui, dans le monde, sont victimes de l'obscurantisme, des conflits ou des violences. En Afghanistan point aujourd'hui le formidable espoir que la Loya Jirga ouvre la voie à l'égalité des droits. Il y a quelques semaines, j'ai dit à Kaboul aux femmes afghanes que la France était à leurs côtés.
Toutefois, cette évolution est fragile et toute régression quand aux droits des femmes à Kaboul ou ailleurs dans le monde serait un recul pour l'humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. J'espère que, la semaine prochaine, chacun respectera son temps de parole.
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Jean Le Garrec.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
ÉLARGISSEMENT DE L'UNION EUROPÉENNE
Explications de vote et vote sur l'article unique
d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'article unique du projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie.
La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires étrangères.
M. Hervé de Charette, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, madame la ministre déléguée aux affaires européennes, mes chers collègues, je parcours les bancs de cette Assemblée, pour constater que la foule s'y presse. (Sourires.)
M. Pierre Forgues. Elle va venir !
M. le président. Vos collègues vont arriver !
M. Hervé de Charette, rapporteur. Merci monsieur le président : votre optimisme me touche !
J'ai tenu à m'exprimer avant les explications de vote pour dire combien je me réjouis de l'existence d'une majorité très forte dans cet hémicycle - du moins si j'en crois les opinions formulées par les représentants des différents groupes de l'Assemblée - en faveur de la ratification du traité d'adhésion des dix pays, notamment d'Europe centrale et orientale, qui est soumise à notre examen. Même s'il est toujours imprudent de se prononcer par anticipation, je pense qu'il s'agira presque de l'unanimité. Cela signifie bien que la France accueille avec sympathie, avec chaleur, avec conviction ces pays qui ont manifesté le désir de se joindre à nous au sein de l'Union européenne.
À cet égard, notre démarche est semblable à celle de tous les Etats membres qui débattent actuellement de ces adhésions. En effet, les indications dont nous disposons montrent que les mêmes dispositions d'esprit prévalent sur les bancs de tous les parlements et de toutes les assemblées des pays de l'Union européenne.
De notre côté, nous avons estimé que cette démarche était à la fois déterminée et lucide. Nous avons ainsi examiné ensemble l'état de préparation des Dix pour constater que, si des problèmes restaient encore à résoudre, les efforts accomplis par les pays candidats étaient dignes d'éloges au regard du remarquable travail qu'ils ont tous accompli au cours des dernières années pour se mettre en harmonie avec les normes européennes.
Par ailleurs, l'attention que nous avons portée au contenu du traité nous a permis de constater que son texte était bon. En effet, il est directement inspiré de la mise en oeuvre des règles édictées par l'Union européenne - il ne s'agit donc pas d'une adhésion au rabais - et il prévoit des dispositions spécifiques qui devraient permettre d'éliminer les préoccupations et les inquiétudes que l'on peut encore avoir dans certains domaines.
Nous avons également examiné les conséquences attentues de cet élargissement pour les pays intéressés, ce qui nous a permis de constater ensemble - j'ai le sentiment de résumer les interventions que j'ai écoutées avec beaucoup d'attention - que, dans les dix pays candidats, l'adhésion a déjà été un facteur formidable de progrès. Ce mouvement sera évidemment amplifié au cours des années qui viennent. Je ne doute pas, en effet, que, pour les dix pays candidats, l'adhésion à l'Union européenne ouvre une ère nouvelle.
Pour nous, sans fermer les yeux sur les difficultés qui ont été rappelées sur ces bancs, il est clair que l'adhésion de ces dix pays nous ouvrira des possibilités nouvelles tant du point de vue des intérêts pratiques, c'est-à-dire du développement économique de nos pays, notamment de la France, que pour la collectivité que nous formons ensemble au sein de l'Union européenne. Pour conclure, notre collègue Jacques Barrot, président du groupe UMP, a souligné que l'élargissement était une chance, et cette belle formule a trouvé des échos dans les interventions des différents orateurs.
Vous avez été nombreux à exprimer le souhait que l'Europe en s'élargissant ne renonce pas à ses ambitions, et à plaider pour la poursuite d'un projet fondé sur l'idée d'une Europe forte. Je veux rappeler que, sur l'ensemble des bancs de l'Assemblée, nous avons insisté sur la nécessité de mener à bien la réforme des institutions de l'Union comme le corollaire naturel et indispensable de l'élargissement. Monsieur le ministre, madame la ministre, je ne doute pas, vous aurez entendu le message que vous ont adressé l'ensemble des groupes de cette assemblée à propos de la réforme institutionnelle et que je peux résumer d'un mot : tenez bon sur une question que nous considérons comme absolument centrale dans la poursuite de la politique européenne.
Voilà, monsieur le président, mes chers collègues, ce que je voulais dire à l'issue de ce débat. Il a connu un moment fort, cette nuit, entre minuit et quatre heures du matin. Ce n'était peut-être pas l'heure idéale, mais cela n'a pas changé nos convictions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, nous voici parvenus au terme de notre débat sur la ratification du traité d'adhésion de dix nouveaux Etats membres de l'Union européenne. Nous l'avons tous souligné hier : il s'agit bien d'un moment historique pour l'Europe, pour les dix pays adhérents comme pour la France.
Le débat d'hier a témoigné du grand sérieux avec lequel vous avez tous souhaité aborder ce sujet. Il aura été l'occasion de marquer la vigueur de l'engagement européen de notre pays. Il a également mis en avant l'esprit de responsabilité qui nous anime, au moment où l'Europe s'engage dans un élargissement sans précédent dans son histoire. Au terme de ce débat, la volonté de rassemblement est manifeste, même si certaines voix ont pu faire entendre leurs inquiétudes qui, bien sûr, doivent être prises en compte.
Je souhaite en tirer quelques enseignements avant que le vote n'intervienne.
En premier lieu, nous avons été nombreux à constater qu'au terme de ces longues négociations, menées avec sérieux et patience, l'élargissement s'effectuera dans des conditions satisfaisantes pour les pays adhérents comme pour les actuels membres. Les pays adhérents sont très largement prêts à entrer dans l'Union, à respecter les règles communes, au terme d'un effort d'adaptation sans précédent, auquel tous les intervenants ont rendu un hommage appuyé. Il reste encore naturellement des efforts à accomplir mais personne ne doute que les nouveaux Etats membres seront prêts le 1er mai prochain. Au demeurant, des mesures de sauvegarde ont été prévues en cas de difficulté.
Les coûts de l'élargissement, nous l'avons vu, sont maîtrisés. Pleinement pris en compte dans le cadrage budgétaire actuel de l'Union, ils inspireront la réforme des perspectives financières de l'Union, qui sera le premier grand chantier de l'Europe élargie. Il faudra, à cette occasion, trouver les moyens de financer les nouvelles politiques communes, avec le souci d'une saine maîtrise de nos dépenses.
Les perspectives économiques de l'élargissement sont prometteuses. Grâce à l'extension du marché unique à 75 millions de nouveaux consommateurs, l'économie européenne toute entière va bénéficier du dynamisme de la croissance dans les nouveaux États membres.
Il y a là pour nos entrepreneurs, nos petites et moyennes entreprises notamment, de nouveaux marchés qui sont autant d'opportunités bienvenues face au ralentissement actuel de la conjoncture.
En deuxième lieu, cet élargissement va s'accompagner d'un approfondissement de l'Europe, qui devra passer par l'adaptation de ses institutions et de ses politiques. Nous avons examiné hier le détail de ces politiques européennes, nous avons pris la dimension des nouvelles priorités qu'il s'agit de mettre en place pour répondre aux demandes et aux inquiétudes de nos concitoyens dans le domaine de la croissance et de l'emploi, de la sécurité intérieure ou encore de la politique intérieure et de la défense. Il y a là d'importants champs d'action pour la solidarité entre les membres de l'Union.
Il y a surtout un nouvel horizon, pour faire de l'Europe élargie un acteur qui compte au sein de la communauté internationale. L'effort d'approfondissement, c'est aussi et surtout une capacité renouvelée de l'Union à faire évoluer ses institutions pour les rendre plus démocratiques et plus efficaces. Comme nous l'avons tous souligné hier, cette efficacité devra prendre en compte la nécessité d'une plus grande souplesse dans la conduite des actions de l'Europe élargie. Avec 25 membres, notre Union doit se montrer plus flexible, plus ouverte à des formes diversifiées de partenariat, et davantage en mesure d'épouser les réalités de terrain, chaque fois que c'est nécessaire.
Le projet de traité issu des travaux de la convention présidée par Valéry Giscard d'Estaing nous en donne la possibilité. A nous désormais, dans le cadre de la Conférence intergouvernementale en cours, de tirer tout le parti du texte qui nous est soumis, et d'adopter une Constitution ambitieuse, à la hauteur des défis que nous devons affronter. Je veux, à la veille du conclave ministériel de Naples à la fin de la semaine, rester optimiste. Il faut que tous les membres de l'Union prennent conscience de leur responsabilité face à l'histoire et prennent la mesure des enjeux qui s'imposent aujourd'hui à l'aventure européenne que nous conduisons depuis près de cinquante ans.
Enfin, nos débats d'hier ont clairement montré que l'Europe élargie devait définir de nouvelles relations avec l'ensemble de ses voisins, qu'il s'agisse des futurs membres de l'Union ou des pays avec lesquels nous entendons développer des partenariats privilégiés. Nous devrons, à cette fin, faire preuve de patience, d'imagination, inventer de nouvelles formes d'association, prévoir de nombreux rendez-vous. L'important pour l'Europe élargie sera bien de rester fidèle à sa vocation et d'offrir à tous ceux qui souhaitent coopérer avec elle l'exemple d'une Union soucieuse de solidarité, de justice et de paix.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, dans ce nouveau temps de l'Europe, qui s'ouvrira demain, nous voulons que la France soit à la hauteur de ses responsabilités, dans la ligne de son engagement permanent et avec la volonté d'offrir un message de générosité et de lucidité. Ayons confiance dans la capacité de notre pays à se faire entendre. Notre voix est écoutée, elle est respectée, dès lors qu'elle est soucieuse de dialogue, de tolérance, et qu'elle sait respecter l'autre.
Tel est bien l'esprit qui a inspiré nos discussions tout au long des travaux d'hier, et qui doit maintenant nous guider sur le chemin de l'Europe nouvelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre.
Mes chers collègues, avant de donner la parole à un représentant de chacun des groupes, je voudrais saluer la présence dans les tribunes du ministre des affaires européennes de Slovaquie, M. Korcok, présence qui revêt pous nous une importance toute particulière en ce moment. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)
M. le président. En application de l'alinéa 3 de l'article 54 du règlement, nous allons entendre les explications de vote de chacun des groupes.
La parole est à M. Gilles Artigues, pour le groupe UDF.
M. Gilles Artigues. Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd'hui est un grand jour car nous avons à débattre et à voter la ratification du traité d'adhésion à l'Union européenne des dix pays qui vont nous rejoindre. Nous ne nous lassons pas de les citer : la Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie, la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, l'Estonie, Malte et Chypre.
Pour les députés de l'UDF, qui n'ont cessé de témoigner leur attachement à la construction européenne, c'est une étape décisive dans l'histoire de notre continent. Nous accueillons chaleureusement nos dix voisins de l'Union européenne. Voici enfin que l'Europe se retrouve unie après tant d'années de division ; voici que les murs tombent définitivement, que les frontières s'ouvrent inexorablement.
Demain, nous serons vingt-cinq pays et plus de 450 millions d'habitants. Les occupants de la maison européenne sont là. Encore nous faut-il faire en sorte que la maison européenne soit capable de les accueillir. Il nous reste à faire évoluer les règles du jeu pour qu'elles s'appliquent effectivement à l'Europe politique des ving-cinq. C'est pourquoi l'élargissement de l'Europe est inséparable de la mise en place d'une Constitution pour l'Europe et d'institutions fortes. L'élargissement et la discussion de la Constitution européenne nous offrent enfin l'occasion historique de répondre à ce besoin d'institutions pour donner à l'Europe un visage. Nous tenons bien évidemment à saluer l'exceptionnel travail réalisé par le président Valéry Giscard d'Estaing, en espérant que les Etats qui se réunissent et qui discutent ne vont pas le détricoter.
Cette nouvelle Europe dont nous votons aujourd'hui la naissance, nous lui confions de hautes ambitions.
Pour commencer, l'Europe doit porter un vrai projet de paix et de stabilité, en particulier parce que l'Europe élargie est faite de pays qui ont souffert. Dans ce but, la constitution d'une Europe de la défense devient une priorité urgente.
L'Europe doit ensuite devenir une zone de prospérité économique et de progrès social. La dynamique des échanges doit s'accélérer et l'expansion soutenue des économies de l'Europe centrale et orientale doit profiter aux autres pays. En même temps, les principes de solidarité et de progrès social doivent permettre, contre un monde ultralibéral, l'élaboration d'un modèle social européen reposant sur les principes de l'économie sociale et du développement durable.
Enfin, l'Europe doit défendre un modèle de civilisation, une culture et des valeurs. Elle doit affirmer une identité culturelle forte dans le cadre d'un ensemble géopolitique qui reconnaît et protège la diversité des cultures, des langues nationales et régionales.
Le projet de traité et de Constitution marque en ce sens une avancée. Pour la première fois, un projet de traité donne valeur constitutionnelle aux droits fondamentaux de ses citoyens, notamment en matière sociale. Pour la première fois sont reconnus juridiquement les politiques de lutte contre les exclusions et les discriminations, le développement durable, l'égalité des sexes. C'est un réel progrès.
Construire l'Europe à vingt-cinq, c'est réconcilier le continent européen en effaçant une coupure qui n'a été qu'artificielle. C'est se donner une chance de contruire un avenir moins sanglant, économiquement plus prospère, humainement plus libre et plus fraternel, dans le respect des identités et des cultures de chacun. C'est construire une communauté de destin.
Pour toutes ces raisons, bien évidemment, c'est avec enthousiasme que l'UDF votera pour le projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'élargissement de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, madame et monsieur le ministre, mes chers collègues, les députés communistes et républicains sont favorables à l'élargissement de l'Union européenne à dix nouveaux pays, (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), ...
M. Michel Hunault. C'est nouveau !
Mme Marie-George Buffet. ... dès lors que les peuples concernés l'ont eux-mêmes souhaité.
Les hommes et les femmes de notre continent attendent que l'on puisse ainsi oeuvrer au rapprochement effectif entre les peuples, que l'on puisse envisager de fonder une paix solide, durable, choisie. Ils attendent de l'Europe qu'elle soit un espace ouvert sur les autres peuples du monde, un espace qui concoure à la construction d'une autre mondialisation. Ils attendent qu'elle fasse émerger d'autres règles à d'autres fins.
Ils veulent contruire une Europe sociale et solidaire aux lieu et place de cette Europe libérale, une Europe renforçant ses atouts économiques et industriels, ses potentiels de recherche et d'éducation, une Europe harmonisant par le haut ses politiques sociales et développant les services publics, une Europe respectueuse de la diversité culturelle, une Europe qui apporte le progrès aux femmes et aux hommes qui vivent de leur travail. Il ne faut pas fermer les portes de l'Europe à ces aspirations.
Nous ne nous reconnaissons pas dans les arguments qui développent des peurs égoïstes, aussi suspectes dans leurs motivations que dangereuses dans leurs effets. Nous voudrions d'abord souligner que le dumping social n'a pas attendu l'élargissement pour exister. Le contrecarrer devrait être l'honneur et l'objectif d'une Europe de progrès.
A ceux qui clament que cet élargissement coûterait cher aux contribuables français, il faut expliquer que le tort de l'Union européenne n'est pas d'être trop généreuse avec les pays entrants, mais au contraire de ne l'être pas assez. Cela se vérifie dans les efforts drastiques, dignes des saignées de Molière, qui leur ont été demandés. Le coût de l'élargissement devrait du reste mettre à contribution les grandes entreprises occidentales qui ont réalisé des profits dans ces pays depuis l'ouverture de leur marché.
M. Jean Marsaudon. C'est extraordinaire d'entendre ça !
Mme Marie-George Buffet. A ceux qui profitent de ce débat pour nourrir les replis, il faut rappeler la chance pour tous les peuples d'une Europe qui serait de progrès partagé.
Il faut ouvrir les portes de l'Europe.
M. Philippe Briand. A la Géorgie !
Mme Marie-George Buffet. Mais de quelle Europe parlons-nous ? De l'Europe d'aujourd'hui, de l'Europe de la mise en concurrence, de la loi du marché ? Ce n'est pas de celle-là que veulent les peuples de notre continent !
La question qui nous est posée aujourd'hui est une question-piège, et nous craignons que le rendez-vous historique dont on nous rebat les oreilles demeure dans l'histoire un moment douloureux pour les peuples concernés.
M. Jean Marsaudon. Budapest 1956 !
Mme Marie-George Buffet. Il faut avoir à l'esprit la façon féodale dont les négociations ont été menées. Par un chantage à l'isolement, ils se sont vu imposer l'acquis communautaire, la chape libérale, le traité de Maastricht et ses frères de misère. C'était à prendre ou à laisser. Est-ce cela l'Europe, présentée çà et là comme une contruction commune des peuples ?
Le dernier exemple en date est le passe-droit que se sont octroyé Paris et Berlin, pliant l'Europe à leur volonté libérale, alors que c'est le pacte de stabilité tout entier qu'il faut remettre en cause. L'acquis communautaire, qu'il faudrait traduire par « dogme libéral », n'est pas pour nous une valeur sacrée, mais un vice rédhibitoire à combattre. C'est pourquoi il faut remettre l'Europe sur le métier, avec les dix nouveaux entrants. Partout, il faut que les peuples aient leur mot à dire.
Nous demandons un référendum sur le projet de Constitution, qui vise à inscrire en Europe le libéralisme comme la fin de l'histoire.
Nous disons à ces peuples « bienvenue ! », mais nous leur disons aussi « attention ! L'Europe qui vous ouvre les bras a imposé à nos peuples déjà trop de souffrances ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) « L'Europe qui vous ouvre les bras est à refaire. »
M. Jean Marsaudon. Prague 1968 !
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, respectez le débat !
Mme Marie-George Buffet. S'il s'agissait de dire oui à l'Europe des peuples, nous n'aurions pas une seconde d'hésitation. Mais il nous est demandé, dans le même temps, de dire oui à l'Europe des marchés, à votre Europe, qui s'imposera à eux.
Voilà pourquoi, monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les députés communistes et républicains ne prendront pas part à ce vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Jean-Pierre Gorges. Quelle honte !
M. le président. Avant de donner la parole aux orateurs suivants, je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collèges de regagner l'hémicycle.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jacques Barrot, pour le groupe UMP.
M. Jacques Barrot. Monsieur le ministre, madame la ministre, notre « oui » à l'élargissement se veut d'abord une démarche d'accueil fraternelle pour les dix nouveaux États. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ces nations et ces peuples ont traversé des épreuves terribles. Ils ont vécu sous le joug soviétique. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Je vous en prie !
M. Jacques Barrot. Ils ont tourné leur regard vers l'Europe comme vers la chance de leur libération. En outre, ils ont fait de remarquables efforts pour sortir de l'économie administrée, construire un État de droit et transposer les règles que s'est données l'Union européenne. Se dérober aujourd'hui à ce rendez-vous avec eux leur paraîtrait tout à la fois incompréhensible et injuste.
Les accueillir, c'est aussi poursuivre la vocation que s'est donnée l'Union européenne : construire un espace européen de paix, de concorde, à l'abri des conflits d'hier, des nationalismes belliqueux et des querelles de frontière. A cet égard, les Dix sont désormais assurés de bénéficier de cette sécurité qui leur a souvent été refusée.
Mais l'élargissement, c'est aussi une chance, pour l'ensemble des Européens, de jouer un rôle irremplaçable dans la construction de la paix à travers le monde. L'Europe n'est-elle pas par excellence le continent des réconciliations, du dépassement des déchirements occasionnés par les luttes intestines et par les conflits de tous ordres, y compris religieux ? Ce continent qui a été capable de se guérir de ses traumatismes et de dépasser ses divisions est sans doute plus capable que d'autres, de servir de modèle, aussi bien au Moyen-Orient qu'en Afrique ou en Amérique latine.
L'élargissement, ce sont aussi des chances nouvelles pour la croissance de la France et de l'Europe. Nous devenons un des plus grands marchés du monde. Nous accueillons des pays dont la croissance actuelle est plus élevée que la nôtre et qui recèlent un potentiel important de dynamisme. Leur histoire, interrompue par l'étatisation de leurs économies, a démontré jadis leurs capacités scientifiques et industrielles. Si nous leur donnons toute leur place, ils renforceront notre potentiel de croissance.
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Jacques Barrot. Enfin, l'élargissement fera de l'Europe un acteur plus écouté dans la mondialisation. Elle pourra peser plus fortement au sein des organisations internationales. Elle aura une plus grande capacité d'entraînement des autres Etats au service d'une mondialisation humanisée. Elle pourra promouvoir un modèle social et culturel original, dont le monde a besoin pour éviter une uniformisation dangereuse. Voilà toutes les chances que nous offre cet élargissement et dont il faut que nos compatriotes prennent pleinement conscience.
Mais, monsieur le ministre, madame la ministre, cet élargissement, il nous faut le réussir. Et pour cela, il y a trois conditions à réunir.
La première, c'est qu'il faut à la nouvelle Europe une vie institutionnelle efficace.
M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !
M. Jacques Barrot. Oui, nous soutenons les efforts du gouvernement français pour préserver les avancées inscrites dans le projet de Constitution établi par la Convention. Oui, nous le soutenons quand il refuse une Constitution au rabais.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
M. Jacques Barrot. Il faudra organiser, dans l'Europe élargie, un cercle vertueux de croissance. Aux Quinze d'accepter un effort de soutien aux Dix pour permettre leur mise à niveau, pour en faire des partenaires économiques et sociaux à part entière, avec lesquels pourront se nouer des échanges fructueux pour tous.
Enfin, troisième condition de la réussite, il faut populariser la nouvelle Europe. Il est temps, de susciter de nouveaux projets, tant en matière de défense, d'infractructures, que de recherche,...
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Jacques Barrot. ... capables d'illustrer cette Europe-puissance qui ne saurait se réduire à une zone de libre-échange. Ce sont des projets qui mobiliseront les Européens et qui entraîneront la multiplication des échanges entre les jeunes générations.
L'UMP militera à vos côtés, monsieur le ministre, madame la ministre, pour donner à cette Europe une identité, une personnalité qui lui permettra de jouer tout son rôle dans le monde. C'est ainsi que nous entendons rester fidèles à l'esprit des fondateurs, qui ont tant oeuvré sur ce chantier. Qui peut aujourd'hui nier que cette construction ait déjà été un apport déterminant pour la paix et le progrès ?
Pour tout cela, sans réserves ni réticences, l'UMP, à l'unanimité, apporte son soutien au traité d'élargissement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.
M. Jean-Marc Ayrault. La manière dont ce débat a été organisés par le Gouvernement, en pleine nuit, n'est pas digne d'une grande démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Michel Bouvard. On a fait ça pour cacher vos divisions !
M. Jean-Marc Ayrault. Tous ceux qui étaient présents cette nuit, y compris s'ils appartiennent à la majorité, ne sont pas loin de penser comme moi.
Cette manière d'organiser le débat affaiblira la portée historique de notre vote. Elle exprime l'indifférence ou la gêne de ce gouvernement vis-à-vis des pays qui ont eu, pendant cinquante ans, la malchance d'être du mauvais côté du mur. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean Marsaudon Dites-le plutôt aux communistes !
M. le président. Je vous en prie !
M. Jean-Marc Ayrault. Le continent s'unit comme nous l'avions souhaité, depuis cinquante ans, dans les décombres de la guerre, mais votre gouvernement, monsieur le ministre, donne le sentiment de subir l'événement. Comment peut-on être frileux quand tombe le mur de l'histoire ? Parce que nous sommes la France, parce que nous portons l'esprit de solidarité dans le monde, nous n'avons pas le droit de céder à un égoïsme de riche ou de faire preuve d'une prudence de rentier. L'adhésion des dix peuples de l'Est et du Sud qui nous rejoignent est un dû.
C'est pourquoi je le redis solennellement à ces peuples : bienvenue, vous êtes des nôtres, à égalité de droits et de devoirs.
Nous pouvons avoir des divergences sur la manière de construire cette union, sur son degré d'intégration, sur la représentation de chacun, mais nous avons le même projet de civilisation : une Europe des solidarités fondée sur une communauté de destin qui unit des peuples libres dans des pays libres.
Tout recommence aujourd'hui. Nous savons que l'Union ne fonctionnera pas à vingt-cinq comme elle l'a fait à six, à dix ou à quinze. Le danger qui guette l'Europe est la paralysie et l'impuissance. Ce qui s'est passé lundi soir à Bruxelles, à l'initiative, hélas, de la France, témoigne du danger que fait peser l'égoïsme de notre gouvernement, (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), qui donne des leçons de maintien à ses partenaires et est le premier à s'affranchir des règles auxquelles il a lui-même souscrit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Le pacte de stabilité mérite d'être réformé. Il ne peut se réduire à une vision monétariste et doit aussi favoriser la croissance et le plein emploi. Mais cette réforme ne peut s'accomplir dans le diktat du fait accompli. Elle ne peut récompenser l'échec économique et la gabegie financière. Par la faute de votre équipe, monsieur le ministre, le gouvernement économique de l'Europe vient de subir sa plus cinglante défaite ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Quelles seront les conséquences pour les Français ? Quel plan d'austérité ? Nous ne le savons toujours pas, et votre refus persistant de répondre à nos questions est choquant et nous inquiète.
La France et l'Europe risquent de payer très cher cette arrogance. Nous mesurons à quel point à la conférence intergouvernementale.
Vous avez, hier, monsieur le ministre des affaires étrangères, affirmé votre refus solennel d'une constitution européenne au rabais. J'aimerais croire à votre sincérité et à votre détermination. Une constitution de l'Europe vaut mieux que des messes basses. Le projet de la Convention marque est, à l'évidence, un progrès important qui mérite d'être encore amélioré sur les plans fiscal, social, diplomatique et militaire. Hélas ! les manquements de votre gouvernement à la solidarité et à la discipline isolent notre pays et font le lit de la coalition des « eurotièdes » qui veut simplement s'en tenir au statu quo.
Mais ce projet de constitution n'est qu'un cadre, un moyen. C'est une vision politique de l'Europe à venir que nous attendions. Vous n'avez pas répondu à cette attente. Osons donc reconnaître que l'Europe connaît une dérive libérale ! Osons donc dire à nos partenaires et à nos peuples que l'Europe des vingt-cinq n'avancera plus du même pas qu'à quinze ! Osons donc dire que nous voulons des groupes pionniers, des groupes d'avant-garde qui iront plus vite et plus loin dans l'intégration sociale, fiscale, militaire et diplomatique ! Osons donc dire que la France et l'Allemagne en seront les moteurs, mais qu'aucune nation n'en sera exclue a priori !
La condition impérative à cette entreprise, que votre gouvernement ne respecte pas, est la constance. Que nous soyons nous-mêmes exemplaires ! Que la France respecte sa parole devant les nations de l'Union ! Sortons des incantations ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. Je vous en prie !
M. Jean-Marc Ayrault. Finissons-en avec les discours qui font de l'Europe le bouc émissaire ou la solution à tous nos problèmes ! L'Europe à venir ne réussira qu'en mariant le possible et le souhaitable, qu'en associant les peuples d'Europe à sa construction, qu'en étant un véritable espace politique où l'alternance démocratique peut modifier le cours des choses.
Telle est la position des socialistes.
Notre défi est donc simple mais immense : que les progressistes de toute l'Europe s'unissent ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Qu'ils travaillent ensemble pour faire un contrepoids à la mondialisation libérale ! Alors, oui, nous retrouverons la confiance des peuples. Cette longue marche commence aujourd'hui et c'est pourquoi le groupe socialiste de l'Assemblée nationale votera oui à cet élargissement (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) avec conviction, mais les yeux grands ouverts. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamation sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
Je vais mettre aux voix l'article unique du projet de loi relatif à l'élargissement de l'Union européenne.
Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
Le scrutin est ouvert.
M. le président. Le scrutin est clos.
Voici le résultat du scrutin, il mérite quelque attention vu l'importance du sujet :
Nombre de votants 527
Nombre de suffrages exprimés 508
Majorité absolue 255
Pour l'adoption 505
Contre 3
L'Assemblée nationale a adopté.
(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française, ainsi que de nombreux bancs du groupe socialiste.)
M. Noël Mamère. Très bien !
M. le président. Cela méritait en effet quelques applaudissements.
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.)
M. le président. La séance est reprise.
ADAPTATION DE LA JUSTICE
AUX ÉVOLUTIONS DE LA CRIMINALITÉ
Discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (n°s 1109, 1236).
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission de lois, mesdames, messieurs les députés, nous examinerons aujourd'hui en deuxième lecture le texte qui va renforcer les moyens d'action de la justice contre la criminalité organisée.
Dans cette matière sensible du droit pénal et de la procédure pénale, le dialogue entre les deux assemblées est très important, et le Gouvernement a souhaité que la navette parlementaire nous permette de réaliser le travail le plus exhaustif possible.
Ce projet, dont je vais vous rappeler les grandes lignes, avait donné lieu à la chancellerie à de très larges consultations des différents acteurs de la justice, magistrats, avocats et professionnels de la justice.
Le diagnostic, c'était d'abord la radicalisation d'une partie de plus en plus important de la délinquance et de la criminalité. Nous avons à faire face à de véritables entreprises criminelles, qui organisent des trafics et utilisent la violence pour impressionner et faire peur, afin d'atteindre leurs objectifs financiers.
Deuxième élément du diagnostic, la nécessité d'améliorer le fonctionnement de la justice pénale pour renforcer le service rendu à nos concitoyens.
Nous voulons d'abord introduire dans notre droit la notion de délinquance et de criminalité organisée, déjà connue de nombre de nos voisins européens et indispensables au bon fonctionnement des mécanismes d'entraide répressive.
Le critère que je vous ai proposé est un critère de bon sens : la gravité des incriminations, et la notion de bande organisée, déjà connue et définie par notre code pénal, qui traduit bien le caractère structuré des réseaux contre lesquels il faut nous armer plus efficacement.
Ensuite, je vous ai demandé d'adapter les structures mêmes de la justice pénale tout à la fois à la nouvelle géographie du crime, et en particulier à son l'internationalisation, et à la nécessaire spécialisation des magistrats qui s'y attaquent. Ce sont des juridictions interrégionales qui auront vocation à connaître des affaires de criminalités organisée, et qui bénéficieront des moyens logistiques et humains nécessaires pour saisir ces affaires dans toute leur complexité.
Cette même logique m'a conduit à hausser au niveau interrégional les pôles financiers qui n'existent actuellement que dans quelques très rares juridictions.
M. Gérard Léonard. Excellente idée !
M. le garde des sceaux. En ce qui concerne les pouvoirs des autorités de poursuite et les règles de procédure applicables à la criminalité organisée, mon propos était d'étendre des règles qui sont actuellement d'application très cantonnée, alors que la plupart de nos partenaires en ont une conception plus volontaire.
Il s'agit de la possibilité de recourir aux procédures de surveillance et d'infiltration, à des mécanismes d'atténuation ou d'exemption de peine au bénéfice des repentis. Vous y avez ajouté la sonorisation et l'interception d'images dans certains lieux, et votre commission des lois a précisé, à l'occasion de cette deuxième lecture, le régime applicable à la garde à vue d'une durée maximale de 96 heures, que je vous avais proposé de rendre applicable à la catégorie la plus grave des infractions de criminalité organisée.
Je vous avais également soumis une innovation procédurale, à mon avis indispensable à l'amélioration du fonctionnement de notre justice : la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Le nombre d'articles parus depuis lors sur le sujet dans des publications, spécalisées ou non, ou le fait que des colloques regroupant universitaires et praticiens se multiplient montre clairement que les praticiens du droit se sont approprié ce sujet, ce dont je me félicite.
car elle est de bon augure lorsque viendra le temps du déploiement de cette nouvelle procédure.
La navette a été l'occasion de préciser utilement les contours de cette procédure qui préserve les fondements traditionnels de notre système juridique en réservant l'exclusivité de son déclenchement au procureur de la République et en faisant du président du tribunal le décideur final.
Avec le plein accord du Gouvernement, le Sénat a ajouté au texte du projet deux importantes séries de dispositions, que je voudrais évoquer rapidement.
La première concerne la transposition des dispositions de la décision-cadre du 13 juin 2001 relative au mandat d'arrêt européen. Cette initiative très opportune était pleinement justifiée par la nécessité de respecter nos engagements européens dès le début de l'année 2004. Avant-hier, avec mes collègues anglais, espagnol, allemand et portugais, lors d'une réunion tenue à l'initiative de mon collègue espagnol, nous avons évoqué avec un certain nombre de professionnels les conditions de mise en oeuvre de ce mandat européen. Ces discussions ont encore confirmé l'intérêt de cette formule, qui va faire gagner de précieux mois à la justice des pays qui auront introduit un tel dispositif dans leur législation interne. Pour prendre l'exemple des extraditions entre la France et l'Espagne ou entre l'Espagne et la France, ce n'est pas loin d'une année que nous allons gagner sur la procédure actuelle, ce qui veut dire bien sûr une plus grande efficacité.
La seconde série de dispositions introduit une innovation, avec la création d'un fichier national informatisé des auteurs d'infractions sexuelles. Au nom du Gouvernement je m'étais engagé à mettre sur pied un tel fichier. Le constat est en effet alarmant : en vingt ans, les infractions sexuelles sont devenues la première cause d'incarcération. Il s'agit là de comportements gravement traumatisants pour les victimes et leur entourage.
Les personnes ayant fait l'objet d'une condamnation pour une infraction sexuelle grave seront enregistrées dans un fichier national, tenu par l'autorité judiciaire. Leurs adresses y figureront également et elles auront l'obligation de signaler tout changement. Le Sénat a fixé la durée de conservation des informations à quarante ans.
Ce fichier sera consultable par les magistrats. Il sera également accessibles aux officiers de police judiciaire, sur la base d'un critère géographique ou nominatif, à l'occasion des enquêtes ouvertes pour la recherche d'auteurs d'infractions sexuelles. Enfin, l'autorité préfectorale pourra vérifier si une personne qui sollicite un agrément au titre d'une profession impliquant des contacts avec l'enfance et l'adolescence y est ou non inscrite.
Telle est la première ébauche du dispositif.
Ce système, nous le devons d'abord aux victimes d'infractions sexuelles.
Ce que les Français nous demandent en matière de sécurité et de justice, nous n'avons pas le droit de ne pas l'entendre.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tout à fait !
M. le garde des sceaux. Mesdames, messieurs les députés, l'ensemble du projet est sous-tendu, vous l'avez compris, par cette idée qu'il faut affronter les réalités en face, sans faiblir, et en tirer toutes les conséquences en termes d'organisation de notre société. La force d'une démocratie se mesure à sa capacité à se protéger des atteintes et, par la même, à se renforcer.
Jamais je n'accepterai que l'on continue de ne rien faire pour parvenir à ce qui est la clé de la confiance des Français dans leur justice : punir rapidement et sauvegarder les droits des victimes comme les libertés individuelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je voudrais en quelques mots vous rendre compte du texte, tel qu'il nous est présenté pour cette deuxième lecture.
Tout d'abord, la navette a permis de solidifier deux piliers du texte.
Le premier pilier, c'est la création de pôles spécialisés, destinés à lutter contre la criminalité organisée. C'est une excellente innovation, nos prédécesseurs ont mis en place ce type de législation pour lutter contre le terrorisme. Confier toujours de telles affaires à des magistrats spécialisés du parquet et du siège permet à la France d'avoir l'outil le plus efficace possible, même s'il faut toujours rester très humble en la matière. Face aux défis du développement de la criminalité organisée, que le ministre vient à nouveau d'évoquer à la tribune, il est important que nous autorisions la constitution de telles juridictions spécialisées qui, au fil des années, vont acquérir un savoir-faire afin d'éviter que des affaires ayant de nombreuses ramifications soient traitées par un tribunal local qui se contenterait de poursuivre les infractions visibles sans utiliser tous les moyens pour arrêter les véritables auteurs de la criminalité organisée.
Deuxième pilier, ce texte contient des moyens pour donner aux procureurs de la République plus d'outils pour apporter une réponse proportionnée à l'acte de délinquance, car nos concitoyens sont toujours révoltés d'apprendre le taux trop élevé de classements sans suite. Les innovations de ce texte, comme la comparution après reconnaissance préalable de culpabilité, le développement de la composition pénale ou de l'ordonnance pénale, donnent aux procureurs de la République des moyens supplémentaires pour apporter une réponse en cas de violation de la loi. Nos concitoyens y sont très attachés.
Je vais maintenant présenter brièvement quatre points importants sur lesquels la commission des lois a travaillé pour cette seconde lecture.
Premier point, le fichier des délinquants sexuels, créé par un amendement du Sénat. Nous avons essayé de trouver des solutions à la fois justes, proportionnés et efficaces. Ainsi, nous n'avons pas retenu une inscription systématique de l'information pendant quarante ans pour fixer des durées plus proportionnées, allant de dix à trente ans, selon la gravité de l'infraction. De même, nous n'avons autorisé que la consultation ponctuelle du ficher, pour savoir si une personne est ou n'est pas inscrite.
Nous voulons aussi des solutions efficaces car, si nous nous engageons à créer un tel fichier, c'est avec deux objectifs : interdire l'accès aux professions en rapport avec les enfants ou les adolescents à des personnes déjà condamnées qui figurent dans le fichier, et permettre aux officiers de police judiciaire chargés d'une enquête d'avoir l'information en temps réel pour mener leur enquête. Chacun sait bien que, lorsque la disparition d'un enfant est constatée, c'est dans les minutes qui suivent qu'il est nécessaire d'avoir les éléments nécessaires pour mener l'enquête et tout faire pour sauver la vie d'un enfant qui aurait pu être enlevé. Ainsi, chaque année, toute personne inscrite au fichier devra envoyer au casier judiciaire la justification de son adresse. Nous ne voulons pas être incapables de retrouver la trace d'une personne enregistrée au fichier le jour où une enquête serait nécessaire.
Nous avons voulu aussi que soient inscrits dans ce fichier l'ensemble des personnes qui ont été condamnées ces dernières années pour délinquance sexuelle, délictuelle ou criminelle. Cela concerne 100 000 personnes. La difficulté était de trouver leur adresse.
Nous avons adopté ce matin en commission un amendement qui permet de concilier la proportionnalité et l'efficacité, tout en rappelant bien que ce fichier ne peut pas être divulgé en dehors des cas très stricts pour lesquels il peut être consulté.
En première lecture, nous avions travaillé sur l'application des peines, et nous avions annoncé que nous allions continuer ce travail en seconde lecture. Nous avons avancé sur un point très important, l'exécution des peines. C'est un message que l'ensemble des fonctionnaires de police et de gendarmerie et l'ensemble des magistrats attendaient. Trop souvent encore, en effet, les forces de police et de gendarmerie font leur travail, les magistrats également, un jugement définitif est prononcé et l'exécution ne suit pas.
En moyenne, entre une audience en tribunal pénal et le moment où l'on commence à mettre à exécution la décision, le délai est supérieur à sept mois, ce qui explique qu'un certain nombre de décisions de nos tribunaux ne sont pas du tout appliquées ou ne le sont que partiellement.
Il est inadmissible de laisser une telle situation perdurer, d'abord parce qu'il se développe alors un sentiment d'impunité, ensuite parce que l'efficacité de la sanction dépend de la rapidité avec laquelle elle est exécutée. Plus encore que sa gravité, ce qui est important, c'est la rapidité avec laquelle la sanction est prononcée et exécutée. Ce n'est qu'ainsi que nous montrerons aux victimes combien nous avons pris en compte leur situation et que nous rappellerons aux délinquants qu'ils ont franchi la ligne blanche.
M. Jean-Paul Garraud. Très bien !
M. le garde des sceaux. Nous avons voté un dispositif novateur à ce sujet, puisque nous prévoyons la généralisation de la convocation directe à l'audience. Lorsqu'une personne aura été condamnée dans une audience de tribunal correctionnel, elle recevra, avant de quitter le palais de justice, une convocation en main propre pour se rendre au service pénitentiaire d'insertion ou de probation ou chez le juge d'application des peines. Le délai d'appel de dix jours sera naturellement respecté mais la limite est fixée à trente jours.
Nous n'avons pas voulu créer de problèmes de fonctionnement dans les juridictions et nous avons adopté des amendements ne rendant ce nouveau système obligatoire qu'à partir du 31 décembre 2006. Le Gouvernement a annoncé que, dans trois ressorts de cour d'appel, une expérimentation allait être menée dès le 1er janvier. Un long délai de trois ans permettra d'avancer dans l'informatisation de la chaîne pénale. Les juridictions pourront disposer de modules d'informatisation, notamment pour la gestion informatisée des emplois du temps et des calendriers, ce qui permettra de donner des rendez-vous en temps réel chez les juges d'application des peines ou dans les services de probation.
La commission des lois, comme cela avait été annoncé en première lecture, a également travaillé pour lutter contre les sorties « sèches » de prison. Il faut avoir le courage de voir la vérité en face. En France, aujourd'hui, après avoir exécuté leur peine de prison, la plupart des détenus font une sortie « sèche ». Une sortie sèche, cela signifie qu'un matin, les surveillants disent au revoir au détenu, qui retourne dans le milieu où il a commis des actes de délinquance. Chacun comprendra bien qu'en agissant de cette manière, on multiplie les risques que le détenu se retrouve, hélas, en situation de récidiver. Par conséquent, il faut que nous trouvions des moyens pour limiter autant que faire se peut les sorties sèches et pour développer les sorties accompagnées.
M. Gérard Léonard. Très bien !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. A cette fin, nous avons adopté un dispositif qui tient compte de ceux qui existent déjà. En effet, alors que, à l'heure actuelle, il y a en France près de 2 000 places en centres de semi-liberté - régime qui permet au détenu d'exécuter sa peine de prison le soir et le week-end et de travailler le reste du temps, seules 1 200 sont utilisées ; par conséquent, près de 800 places en semi-liberté ne sont pas utilisées. De même, alors que, grâce à l'engagement du Gouvernement, 500 condamnés peuvent faire l'objet d'une surveillance électronique, seuls 233 condamnés étaient soumis à un tel type de surveillance au 1er novembre dernier.
Nous disposons aujourd'hui de dispositifs qui permettent que les sanctions pénales et les peines de prison soient exécutées tout en gardant un lien avec le travail. A cet égard, je cite souvent l'exemple de l'Allemagne où 15 % des places de prison sont des places semi-liberté. Il faut savoir que, pour certains détenus, le fait de couper tous les liens avec le monde du travail n'est pas sain. Or une courte peine de prison, c'est souvent quatre mois passés devant la télévision avec comme seule activité la sortie, et ce dans des conditions de promiscuité que chacun connaît.
M. Alain Cousin. Tout à fait !
M. Gérard Léonard. C'est vrai !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Pour un certain nombre de détenus, il y a mieux à faire. Le fait de travailler, c'est faire le premier pas vers un comportement respectueux des lois. C'est aussi le moyen pour les personnes concernées d'indemniser leurs victimes avec l'argent qu'elles gagnent. (« Très bien » ! sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Enfin - et ce n'est pas le moindre des arguments -, c'est une façon de mieux maîtriser la dépense publique : une journée en maison d'arrêt coûte au contribuable soixante euros par jour, contre vingt à trente euros pour une journée de semi-liberté et vingt-deux euros pour une journée sous surveillance électronique.
S'agissant des courtes peines de prison, nous souhaitons que les magistrats les mettent à exécution beaucoup plus rapidement, c'est-à-dire dans les trente jours. C'est la première étape. Et en seconde étape, nous voulons que, chaque fois que cela est possible, ces courtes peines soient plus individualisées, ce qui implique une responsabilisation des individus concernés en les amenant à travailler ou en les maintenant dans leur travail.
En ce qui concerne les peines de moyenne durée - qui peuvent aller jusqu'à cinq ans de prison -, nous estimons que si le service pénitentiaire d'insertion et de probation juge qu'un détenu offre des chances de réinsertion ou s'est comporté de façon correcte en prison, celui-ci doit pouvoir effectuer les derniers mois de sa peine sous le régime de semi-liberté ou sous surveillance électronique.
M. Alain Cousin. Très bien !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L'idée est d'alléger la contrainte qui pèse sur les personnes. Toutefois, en cas de non-respect des obligations fixées - obligation de travailler, obligation de respecter tel traitement, obligation d'indemniser, obligation de ne pas fréquenter tel quartier ou telle victime (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) -, le retour à la case départ est automatique. Le juge de l'application des peines aura le pouvoir d'interrompre immédiatement le dispositif mis en oeuvre et de renvoyer la personne concernée en maison d'arrêt.
Il s'agit là d'une orientation nouvelle...
M. Guy Geoffroy. Très positive !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. ... pour l'exécution des peines. Certes, nous voulons une exécution rapide, mais nous souhaitons qu'elle soit proportionnée et individualisée.
Voilà, mes chers collègues, résumé rapidement, l'essentiel du travail que nous avons accompli.
Pour conclure, je voudrais remercier l'ensemble des membres de la commission des lois pour leur participation à ce travail, laquelle a débouché sur l'adoption de nouveaux amendements et permettra, je suis sûr, de faire de ce texte un grand texte de procédure pénale qui améliorera le fonctionnement de la justice de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. André Vallini.
M. André Vallini. Monsieur le ministre, devant une réforme de la procédure pénale, il faut toujours se poser une question simple : cette réforme est-elle un progrès pour la justice ? Ou, en d'autres termes, améliore-t-elle le fonctionnement de notre justice pénale ?
Face à un tel texte, et contrairement à ce que vient de dire M. Warsmann en conclusion, la réponse est forcément négative.
M. Gérard Léonard. Vous êtes décevant !
M. André Vallini. D'abord, la justice française n'en peut plus des réformes successives.
M. Alain Cousin. Des mauvaises réformes !
M. André Vallini. Les magistrats, les avocats, les greffiers, tous succombent sous le fardeau des réformes. En vingt-deux ans, depuis février 1981 et la célèbre loi dite « loi sécurité et liberté », la procédure pénale a été réformée vingt-trois fois.
M. Jean-Paul Garraud. Par vous aussi !
M. André Vallini. A peine les règles sont-elles entrées en application qu'elles sont déjà modifiées, à la faveur d'un changement de majorité, ou même d'un simple mouvement ministériel, quand il ne s'agit pas d'un mouvement syndical.
Les textes votés sont de plus en plus nombreux, souvent plus compliqués que les précédents, parfois même contradictoires et donc toujours mal appliqués. Si bien que, aujourd'hui, ce dont nous aurions besoin, c'est d'engager une réflexion de fond, et à froid, sur ce que doit être la procédure pénale en France et en Europe - j'y reviendrai - dans ma conclusion.
Au lieu de cela, vous nous présentez un texte qui touche 418 articles du code de procédure pénale ! Quatre cent dix-huit articles, ce n'est pas rien !
Nous disons oui, évidemment, en deuxième lecture comme en première, aux dispositions qui ont été ajoutées à votre texte par le rapporteur Warsmann en ce qui concerne l'exécution des peines.
Toutefois, nombre des dispositifs qu'il a évoqués existent déjà, et on n'a pas attendu M. Warsmann pour tenter d'améliorer les choses. C'est ainsi que, sous la précédente législature, beaucoup de mesures ont été prises. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Paul Garraud. Reconnaissez au moins que ce que propose M. Warsmann est bien !
M. André Vallini. Nous prenons acte, monsieur Garraud, que des progrès sont accomplis,...
M. Gérard Léonard. Ils sont considérables !
M. André Vallini. ... et nous voterons les avancées proposées, comme en première lecture. En fait, le vrai progrès serait de discuter de la loi pénitentiaire qui a été préparée par Mme Lebranchu sous le précédent gouvernement.
Mme Elisabeth Guigou. Tout à fait !
M. André Vallini. Ce texte a fait pendant un an l'objet d'une large concertation avec tous les partenaires concernés par la question pénitentiaire. Il est dans un tiroir de la chancellerie, il est prêt à être discuté puis voté par le Parlement.
Nous disons aussi oui à la coopération judiciaire internationale et au mandat d'arrêt européen. Mais là encore, Mme Guigou et Mme Lebranchu ne vous ont pas attendus pour avancer dans cette direction.
M. Jean-Paul Garraud. Il fallait le faire !
M. André Vallini. Nous aurions également dit oui à un vrai projet de loi sur la grande criminalité organisée. Toutefois, ce n'est pas le cas avec votre texte, lequel est, de surcroît, très insuffisant en matière économique, financière et fiscale, domaines dans lesquels la criminalité est aujourd'hui très organisée. C'est là dans ces domaines qu'elle est aujourd'hui la plus dangereuse au plan international et c'est là qu'il aurait fallu agir. Or le texte ne propose rien en la matière.
Au-delà de cette lacune béante, quelles sont les tendances lourdes du texte qui nous est proposé en deuxième lecture, après que le Sénat l'eut un peu amélioré sur certains points, et beaucoup durci et détérioré sur d'autres ?
Ce texte prévoit d'abord un accroissement considérable des pouvoirs de la police judiciaire au stade de l'enquête, qu'elle soit préliminaire ou de flagrance, la flagrance pouvant même être étendue de huit à quinze jours en cas d'urgence.
La durée de la garde à vue pourra être portée à quatre-vingt-seize heures, alors qu'une telle mesure ne concernait jusqu'à présent que les terroristes et les trafiquants de stupéfiants.
En outre, les perquisitions de nuit seront facilitées, et il sera possible d'installer des micros et des caméras cachés dans des domiciles privés, à l'insu de leurs occupants. Pour dissiper les inquiétudes que suscite cette dernière disposition, vous répondez que sa mise en oeuvre requièrera nécessairement l'autorisation du juge des libertés et de la détention. Encore heureux, pourrait-on répondre.
Quant à la disposition prévoyant la réquisition par les OPJ de toute personne physique ou morale et de toute administration publique pour obtenir la remise de tout document intéressant l'enquête, elle est beaucoup plus porteuse de dangers que d'efficacité. J'ajoute - et ce n'est pas le moins important - que si le choix fait au départ par l'OPJ d'agir ou non dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée se révèle par la suite erroné, ce ne sera pas constitutif de nullité. Cela n'aura donc aucune incidence sur la régularité de la procédure, ce qui est du jamais vu dans la procédure pénale de notre pays.
En ce qui concerne le deuxième volet du texte, lequel est relatif à la procédure pénale de droit commun, nous assistons, comme en première lecture, à une très forte extension des pouvoirs de la police judiciaire, à un renforcement du rôle du ministère public, qui s'accompagne d'un effacement du principe de l'opportunité des poursuites, et donc à une extension des procédures de composition pénale, d'ordonnance pénale ou de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité - ce qui est une innovation -, autant de missions supplémentaires que les parquets auront beaucoup de mal à assumer, étant donné leur charge de travail déjà bien lourde et leur moyens bien limités, et ce, monsieur Garraud, malgré l'augmentation du budget de la justice depuis sept ans.
M. Jean-Paul Garraud. Je n'ai rien dit !
M. André Vallini. Je rappelle que ce budget a augmenté de 30 % en cinq ans sous le gouvernement Jospin. Que n'en faites-vous autant depuis deux ans que vous êtes au pouvoir ! Certes, vous augmentez les crédits de la justice, mais pas dans les mêmes proportions que nous l'avons fait.
Vous réaffirmez le pouvoir hiérarchique sur le parquet, ce que vous avez d'ailleurs confirmé, et de quelle manière, lors de la séance des questions au Gouvernement d'hier après-midi. Toutefois, dans ce cas, monsieur le ministre, il faudrait offrir au parquet la contrepartie nécessaire en matière de garanties de son indépendance - de son autonomie, si vous préférez - et offrir les mêmes garanties statutaires que celles dont bénéficient les magistrats du siège en termes d'avancement et de discipline. Je vous rappelle à ce sujet que des textes existent, là encore, qui ont été votés en première lecture. Je pense au projet de loi de Mme Guigou sur les rapports chancellerie-parquet...
M. Gérard Léonard. C'est incroyable !
M. André Vallini. ... ainsi qu'à la réforme du CSM, engagée également par Mme Guigou. Il s'agit de textes que vous aviez votés ici avec nous en première lecture et qui ont ensuite été votés au Sénat.
S'agissant d'ailleurs de la réforme du CSM, le Président de la République a renoncé à le soumettre au Congrès : sans doute a-t-il eu peur, pour une raison que j'ignore, que sa majorité change d'avis entre Paris et Versailles.
M. Gérard Léonard. C'est nul !
M. André Vallini. Bref, ces textes existent. Il suffit d'aller au bout de cette logique. Vous ne le faites pas, et c'est dommage pour l'indépendance de la justice, et donc pour la confiance que les Français peuvent avoir dans leur justice.
Pour ce qui est des magistrats du siège, le texte vise à cantonner leur rôle à un pouvoir de décision, voire à le faire évoluer vers une fonction de contrôle et d'homologation.
En ce qui concerne la défense - ce qui n'est pas le moins important -, le développement des procédures accélérées, sans véritable débat contradictoire, ne laissera qu'un rôle secondaire, voire un rôle d'alibi, aux avocats, le parquet pouvant même assister, dans certains cas, aux auditions des témoins sans que la défense soit présente.
M. Jean-Paul Garraud. Caricature !
M. André Vallini. En fait, monsieur le ministre, le texte remet en cause deux fonctions essentielles du procès pénal : le débat contradictoire et la publicité des audiences.
En résumé, vous marginalisez le juge d'instruction au profit du procureur, sous le contrôle léger - très léger - du juge des libertés et de la détention, que nous avons créé, face à une défense qui sera, elle, bien démunie.
Si la loi relative à la présomption d'innocence de juin 2000 avait permis de réformer notre système judiciaire par le haut, notamment au regard des droits de l'homme et des droits de la défense,...
M. Jean-Paul Garraud. Elle avait paralysé le système !
M. André Vallini. ... vous vous apprêtez, vous, monsieur le ministre, à modifier la procédure pénale par le bas, c'est-à-dire en privilégiant le répressif. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
De plus, au fil des lectures successives entre l'Assemblée et le Sénat, le texte s'est transformé en véritable fourre-tout, puisqu'on y trouve maintenant des dispositions relatives au fichier des délinquants sexuels...
M. Jean-Paul Garraud. Heureusement !
M. André Vallini. Ce fichier sera peut-être utile, mais, là encore, nous ne vous avions pas attendus : Mme Guigou avait engagé une réflexion sur ce sujet et nous avions beaucoup avancé. Comme vous, nous sommes contre les délinquants sexuels, aussi ne caricaturez pas nos positions.
M. Guy Geoffroy. Mais vous n'avez rien fait !
M. André Vallini. Désormais, on trouve également dans ce texte relatif à la criminalité organisée des dispositions sur la liberté de la presse ou sur la responsabilité des personnes morales. Bref, il y a un peu de tout dans ce texte « très ouvert », et on est loin de l'objectif affiché au départ.
En fait, par ce texte, que ce soit dans son premier volet, relatif à la « criminalité organisée », ou dans son deuxième volet, relatif à la « procédure de droit commun », vous cherchez à prendre une sorte de revanche sur la loi de juin 2000.
Votre majorité, monsieur le ministre - M. Garraud, M. Léonard et bien d'autres -, ne cesse de vous pousser dans cette direction.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est vrai !
M. André Vallini. Pourtant cette grande loi républicaine de juin 2000, je veux parler de la loi Guigou sur la présomption d'innocence, avait permis à notre droit de progresser de façon considérable. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Paul Garraud. On a vu le résultat !
M. André Vallini. Monsieur Garraud, je vous signale, au cas où vous l'ignoriez, puisque vous n'étiez pas député à l'époque, que le premier des inspirateurs de ce texte était le Président de la République Jacques Chirac, qui avait déclaré que la présomption d'innocence était bafouée dans notre pays. Nous étions tous d'accord sur ces bancs pour dire qu'il fallait la protéger - mais vous auriez été là à l'époque, sans doute que vous n'auriez pas été d'accord -, et c'est ce que nous avons fait en juin 2000, le Parlement améliorant même le texte, le plus souvent à l'unanimité, pour mettre la procédure pénale française au niveau de celles des démocraties européennes par rapport auxquelles nous avions beaucoup de retard. Avec ce texte, monsieur Perben, nous reprenons le retard que nous avions réussi à rattraper dans ce domaine.
Depuis, la campagne présidentielle puis la campagne législative sont passées par là, le vent à tourné et désormais il souffle dans l'autre sens, vers le tout-sécuritaire, le tout-répressif, le tout-carcéral. Ainsi que je l'ai souligné lorsque j'ai défendu la motion d'irrecevabilité en première lecture, ce texte a été voulu et concocté par le ministre de l'intérieur. A l'origine, c'est un texte qui vient de la Place Beauvau : c'est M. Sarkozy et les commissaires de police qui ont voulu ce texte et qui l'ont quasiment écrit !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Utile rappel !
M. André Vallini. Nous sommes donc en présence d'une loi pénale d'origine policière, ce qui est une grande première dans l'histoire républicaine !
Monsieur le ministre, notre procédure pénale, je le répète, n'a pas besoin d'une énième réforme, surtout lorsqu'il s'agit d'une régression comme c'est le cas ici.
En 1958, une grande étape a été franchie avec le passage du code d'instruction criminelle au code de procédure pénale. En 1981, une autre grande étape a été franchie lorsque la justice française s'est placée enfin dans le cadre de la Convention européenne des droits de l'homme. En juin 2000, nous avons encore assisté à une grande étape avec la loi Guigou. Désormais, il faut stabiliser les choses.
Depuis maintenant vingt ans, grâce notamment à la Convention européenne des droits de l'homme qui s'impose aussi en France depuis 1981, des principes fondamentaux on été dégagés par la jurisprudence et ils permettent d'envisager une véritable conception européenne du procès pénal, dans le cadre d'une espèce de jus communis élaboré par des juristes de près de quatre-vingts pays - et en disant cela, je pense aussi à la Cour pénale internationale. C'est cela que toute la justice attend. Magistrats, avocats, membres des corps judiciaires, professeurs de droit pénal, étudiants, mais aussi justiciables attendent tous une grande réforme européenne en matière judiciaire et non une énième réforme de la garde à vue ou de la détention provisoire.
C'est donc à partir de ce cadre que constituent aujourd'hui, dans toute l'Europe, les principes fondamentaux de la Convention européenne des droits de l'homme et la jurisprudence de la Cour européenne des droit de l'homme, mais aussi à partir des principes qui seront demain l'oeuvre de la Cour de Luxembourg en application de la Charte des droits fondamentaux qui figurera dans la future Constitution européenne - laquelle sera bientôt, je l'espère, examinée par le Parlement et soumise à notre vote ou à un référendum -, que nous devrions, que vous devriez, monsieur le ministre, commencer à construire une justice pénale française qui soit en harmonie avec celles de tous les pays de l'Union européenne.
Quant au texte - et ce sera ma conclusion -, il est mauvais pour la procédure pénale, pour les justiciables et pour les droits de la défense. C'est un texte dangereux, porteur de régression, qui ne sera même pas efficace en matière de criminalité organisée économique, financière et fiscale puisque c'est un sujet qu'il n'aborde même pas. Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme Elisabeth Guigou. Excellente intervention !
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.
M. Jean-Paul Garraud. Monsieur le garde des sceaux, le projet de loi que vous nous soumettez peut véritablement être considéré comme un texte fondamental de notre législation.
Respectant parfaitement les engagements pris auprès de nos concitoyens, vous nous proposez une réforme particulièrement importante de notre système pénal. En revenant sur un certain nombre de lois qui avaient paralysé l'action des forces de l'ordre et de la justice - je tiens tout de même à le rappeler -, nous allons enfin pouvoir restituer à notre institution judiciaire les outils juridiques qui lui permettront de lutter contre la délinquance et, en particulier, la grande criminalité.
Toutes les phases de la procédure sont concernées : l'enquête, l'instruction, le jugement, l'application des peines, De plus, l'entraide judiciaire internationale ainsi que de nombreuses dispositions visent à rendre plus efficace la lutte contre les formes nouvelles de délinquance et de criminalité.
C'est donc aussi une réforme courageuse, car il ne suffit pas de donner, même si c'est indispensable, des moyens nouveaux. Il faut également mettre en place les procédures et les structures qui nous permettront d'atteindre les objectifs que nous nous sommes assignés.
Après avoir voté l'augmentation du budget de la justice, nous allons donc voter cette nouvelle loi avec toutes les importantes innovations qu'elle contient. Il en est ainsi, par exemple, de la création des juridictions interrégionales, des opérations policières de surveillance et d'infiltration, de l'harmonisation des régimes de garde à vue, du jugement sur reconnaissance préalable de culpabilité, du fichier pour les délinquants sexuels et de toutes les dispositions concernant l'application des peines.
S'agissant de ce dernier point, je tiens à souligner l'excellent travail réalisé par notre rapporteur, Jean-Luc Warsmann, qui n'a pas ménagé sa peine et qui s'est complètement impliqué dans cette affaire, notamment en s'intéressant particulièrement aux dispositions relatives à une véritable exécution des peines et aux mesures d'individualisation et d'accompagnement destinées à éviter la récidive et à favoriser la réinsertion.
Nous nous sommes aussi attachés à favoriser une évolution des mentalités, car l'équation sanction-prévention, condamnation-éducation, privation de liberté-réinsertion est difficile à résoudre. Cela renvoie à l'éternel débat sur la prison : est-elle là pour punir ou pour guérir ?
Nos prédécesseurs ont beaucoup réfléchi à toutes ces questions, lors de maints colloques et conférences. Toutefois, pendant ce temps-là, la délinquance explosait et nos concitoyens ne disposaient plus de la première de leurs libertés : la sécurité.
Pour notre part, nous préférons agir avec pragmatisme et efficacité. C'est notre responsabilité, l'une de celles pour lesquelles nous avons été élus.
Avec ce texte, nous nous attaquons à la grande délinquance, celle des réseaux mafieux, celle des trafics internationaux qui se jouent des frontières et des limites administratives, celle qui utilise tous les moyens et toutes les techniques modernes, celle qui dispose de revenus considérables, grâce notamment au trafic de drogue, celle qui profitait de notre législation archaïque, fondée sur des a priori idéologiques comme ceux destinés à jeter la suspicion sur les forces de l'ordre - je viens encore d'en entendre un exemple -, taxées de vouloir porter atteinte aux droits de l'homme. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. André Vallini. Je n'ai pas dit cela ! Vous racontez n'importe quoi !
M. Jean-Paul Garraud. Certaines des lois votées par l'ancienne majorité se sont en effet construites sur de tels postulats.
Par exemple, pour limiter la détention provisoire, mesdames messieurs de l'opposition, vous avez estimé qu'il suffisait d'enlever cette compétence au juge d'instruction pour la confier à un autre juge dit des libertés et de la détention.
Mme Elisabeth Guigou. Supprimez la mesure, et vous verrez !
M. Jean-Paul Garraud. Vous avez cru ainsi diminuer le nombre des détentions sans vous soucier le moins du monde de l'augmentation simultanée de la délinquance. C'était totalement incohérent : en effet, comment peut-on isoler la mise en détention provisoire du délit, ou du crime, qui la provoque ? Comment pouvait-on masquer l'évolution de la délinquance, que tout le monde percevait,...
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quel est le rapport ?
M. Jean-Paul Garraud. ... en faisant retomber la responsabilité sur le seul juge d'instruction, qui serait animé des pires arrière-pensées ?
Mme Elisabeth Guigou. Quelle défiance vis-à-vis des juges !
M. Jean-Paul Garraud. En fait, les juges des libertés prononcent bien plus de mises en détention provisoire que les juges d'instruction, avec bon nombre d'effets pervers qu'il faudra examiner d'urgence : le système pénal s'est quasiment bloqué, les « niches à nullité » se sont multipliées et on a abouti à des mises en liberté scandaleuses, dont tout le monde se souvient. Dans un avenir que j'espère proche, il faudra engager un grand débat sur la place du juge d'instruction dans notre système procédural.
Le projet de loi qui nous est soumis reprend, dans son architecture générale, l'ensemble de nos préoccupations : la restauration de l'autorité de l'Etat grâce à une justice plus efficace et surtout plus effective dans l'exécution de ses décisions, des innovations procédurales destinées à bien cibler les objectifs pour répondre au mieux à la criminalité, les droits des victimes - souvent cités dans les textes antérieurs, mais en réalité peu considérés jusqu'ici, le sort du délinquant étant souvent préféré à celui de la victime -,...
Mme Elisabeth Guigou. Comment pouvez-vous dire cela ? On ne va pas vous laisser faire !
M. Jean-Paul Garraud. ... une simplification de la procédure accompagnant un renforcement des droits de la défense et des règles du procès équitable. Il faut évidemment persévérer dans la voie de cette simplification.
Les réformes nombreuses de la procédure pénale ont souvent ajouté, par des strates successives, de nouvelles contraintes, sans rien retrancher. Ces réformes obéissaient à des logiques différentes et, jusqu'à présent, aucune synthèse n'a vraiment été élaborée.
Le coût est énorme car les nouvelles obligations absorbent les augmentations de crédit que nous pouvons accorder. A tel point qu'en dépit des budgets en hausse, la justice est toujours aussi lente et qu'elle ne répond pas aux attentes légitimes de nos concitoyens.
La simplification de la procédure est, à mon avis, la clef de voûte, le fil directeur qui doit maintenant guider nos réformes.
Sans rien enlever aux grands principes d'impartialité, d'objectivité et du contradictoire, qui régissent la procédure, le dégraissage, si j'ose dire, de nos textes est une véritable nécessité.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous optez pour une justice expéditive !
Mme Elisabeth Guigou. Dégraissons, dégraissons !
M. Jean-Paul Garraud. Tous les professionnels du droit attendent cette refonte d'ensemble de notre procédure pénale, d'autant plus importante qu'il s'agit de lutter avec détermination contre la grande criminalité. Celle-ci a en effet beaucoup évolué. Le truand de haut vol n'est plus celui qui peut rester encore présent dans l'imagerie populaire. Les rouages de la grande criminalité mettent en cause des systèmes de pouvoir, des structures ou des organisations en réseaux, des filières qui mêlent inextricablement les activité légales et illégales, qui regroupent des opérateurs criminels et des acteurs intégrés dans l'économie et la société civile.
Appréhender un membre d'une organisation criminelle sans démanteler l'ensemble du réseau est un coup d'épée dans l'eau : même l'arrestation du chef d'une famille mafieuse ne désorganise qu'en surface sa structure criminelle. Or notre justice a été conçue sur l'idée que le crime était un acte coupable commis par un individu déterminé en une circonstance donnée. Le délit ou le crime était une atteinte à l'ordre public, immédiatement visible, leur auteur était clairement identifiable et le rôle de la police et de la justice était simplement de le trouver pour le juger.
Dans les réseaux criminels, c'est le contraire : les actes délictueux sont multiples, leur accomplissement résulte d'une agrégation des capacités criminelles, d'une subtile division du travail dans le temps comme dans l'espace, d'une hiérarchisation des pouvoirs, d'une répartition des tâches et d'un partage des compétences.
Le crime n'y est pas immédiatement visible. Pourtant, ses conséquences sociales sont immenses, multiples, souvent éloignées de l'épicentre décisionnel. Fréquemment les trafics s'articulent avec d'autres : drogues, armes, traite des êtres humains, par exemple.
Enfin, les énormes capitaux que procurent ces activités sont blanchis dans le système économique et financier, puis réinvestis dans d'autres activités, légales ou criminelles.
Le bon sens appelle l'efficacité dans le respect du droit. Et pour être efficace, l'organisation de la justice doit répondre aux nécessités qui lui sont imposées par la matière qu'elle traite. On n'affronte pas la grande criminalité organisée comme un crime passionnel !
Comment faire ?
La mauvaise tentation consisterait à scinder les étapes : la police serait chargée d'enquêter, la justice seulement de mettre le dossier en l'état d'être jugé. Cette manière de faire est celle de la procédure accusatoire de type anglo-saxon, que l'erreur judiciaire guette à chaque pas. Douce aux riches et aux puissants, elle est impitoyable pour les petits et les pauvres. Mais ce n'est pas ce modèle qui inspire votre projet, monsieur le garde des sceaux. Dans celui-ci, certains pouvoirs d'enquête n'ont pas été donnés à la police, mais au parquet, composé de magistrats - je dis bien : de magistrats -, qui doivent solliciter d'un juge des libertés les autorisations et les mandats qui, par principe, peuvent porter atteinte aux droits et libertés individuels.
Ce système présente des avantages : il clarifie l'exercice des pouvoirs de chacun tout en garantissant le respect des droits des justiciables. C'est pourquoi cette procédure tend à devenir le modèle procédural européen, adopté par un nombre croissant de pays et par l'Union européenne elle-même pour son procureur européen, qui devrait voir le jour dans la future Constitution européenne.
Respectueux d'un équilibre sain entre la défense et l'accusation, ce système présente un autre avantage en matière de lutte contre la criminalité organisée : le parquet retrouve un rôle de vrai directeur d'enquête et peut mettre en place une véritable politique pénale, définie, si besoins est, au niveau central.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce sont deux choses différentes !
M. Jean-Paul Garraud. C'est absolument indispensable en ce qui concerne la lutte contre les grands trafics. Le parquet n'est pas tenu par les mêmes contraintes procédurales que le juge d'instruction et il peut définir, sous votre autorité, monsieur le garde des sceaux, une vraie politique générale, applicable sur tout le territoire.
Structure hiérarchisée capable de s'organiser en départements dotés de magistrats et d'assistants spécialisés, entretenant des relations étroites avec les différents services administratifs et policiers, le parquet peut donc adapter ses moyens aux nécessités nouvelles d'une lutte intelligente, mobile, cohérente et structurée contre la grande criminalité organisée.
Cette orientation est celle de votre projet, monsieur le garde des sceaux, qui ne supprime heureusement pas le juge d'instruction mais qui superpose au système inquisitoire les mécanismes de cette nouvelle procédure.
Vous avez choisi la voie du pragmatisme plutôt que l'éternel débat sur les mérites et les inconvénients des systèmes procéduraux. Cette manière de procéder doit être approuvée et cette audace réformatrice ne doit pas s'arrêter en chemin.
D'abord, le renforcement des pouvoirs du parquet implique la garantie de son indépendance. Cela ne signifie pas que les procureurs doivent être laissés à eux-mêmes, mais que les garanties d'impartialité de l'Etat doivent être assurées. Il n'est pas choquant d'admettre que le garde des sceaux puisse saisir la justice de demandes de poursuites et même donner son avis sur celles-ci.
M. Gérard Léonard. Très bien !
M. Jean-Paul Garraud. Les réformes menées depuis le début de cette législature en faveur de la lutte contre l'insécurité et de la restauration de l'Etat de droit commencent à produire leurs effets. Mais il s'agit d'un simple commencement et non d'un achèvement : le Parlement et le Gouvernement doivent maintenir et poursuivre leurs efforts. C'est exactement ce que nous faisons avec cette loi essentielle relative à la lutte contre la grande criminalité, que nous voterons avec une grande conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Gérard Léonard. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.
M. Michel Vaxès. Monsieur le garde des sceaux, le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a été considérablement modifié par le Sénat : près de trois cents amendements ont en effet été adoptés par la Haute Assemblée.
J'ai constaté qu'un certain nombre de ces amendements répondaient aux craintes que nous avions exprimées lors de la première lecture. Alors que nous n'avions pu nous faire entendre dans cet hémicycle, les sénateurs, sans doute soucieux d'épargner à votre projet quelques critiques du Conseil constitutionnel, en ont modifié des dispositions particulièrement critiquables de ce point de vue.
Les sénateurs ont rétabli la présence de l'avocat dès la trente-sixième heure de la garde à vue, dans le cadre de la procédure exceptionnelle de l'article 1er qui prévoit une garde à vue possible de quatre-vingt-seize heures. Nous l'avions demandé en première lecture, mais sans l'obtenir. Ils ont également rétabli l'information du parquet dès le début de la garde à vue, alors qu'elle était prévue au départ « dans les meilleurs délais ».
Avec la Commission nationale consultative des droits de l'homme, nous nous étions inquiétés des atteintes que ce texte porte aux droits de la défense. L'Assemblée nationale avait notamment voté la réduction du délai pour invoquer la nullité des actes d'instruction. Les sénateurs sont revenus au délai originel de six mois.
Notre souci de respecter tout à la fois les droits des victimes et les droits de la défense nous avait conduits à dénoncer la mise en place de la procédure du « plaider-coupable ». Sans nous rejoindre sur ce point, les sénateurs ont malgré tout décidé de renforcer la présence de l'avocat dans le cadre de cette nouvelle procédure. Jugeant très certainement ces dispositions d'inspiration anglo-saxonne contraires au principe de la publicité des débats - celle-ci étant, rappelons-le, l'une des garanties d'un procès juste et équitable -, ils ont décidé que la personne devait être entendue en audience publique.
Nous nous étions émus de l'allongement de la durée de l'enquête de flagrance qui accroît, de façon exceptionnelle et dérogatoire, les pouvoirs de la police judiciaire, alors que le recours à l'enquête préliminaire et à la commission rogatoire fonctionne bien. Prenant sûrement conscience des risques d'atteinte aux libertés individuelles, les sénateurs ont décidé que seul le procureur de la République pouvait décider de poursuivre une enquête de flagrance.
La majorité de notre assemblée, qui n'a pas hésité en première lecture à modifier le projet du Gouvernement dans le sens d'une plus grande atteinte aux libertés individuelles, avait par exemple décidé de supprimer le dispositif prévoyant qu'une personne ne pouvait être condamnée sur le seul fondement des déclarations d'un policier infiltré. Le Sénat a jugé plus prudent de rétablir cette disposition en rappelant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.
Force est de constater, une fois n'est pas coutume, que le Sénat s'est trouvé contraint d'adoucir quelques-unes des dispositions les plus agressives du texte tel qu'il est sorti de la première lecture de l'Assemblée nationale. Cela en dit long sur l'état d'esprit de votre majorité - une majorité absolue et, pour cette raison, absolument sourde aux propositions de l'opposition. Mais nous ne pouvions attendre davantage du Sénat.
Tel qu'il se présente aujourd'hui, le projet n'emporte pas notre adhésion, d'autant que le Sénat a, par ailleurs, durci d'autres de ses dispositions. Et il aura encore moins de chance d'y parvenir avec les amendements de notre commission des lois, si notre assemblée décide de les adopter.
En effet, nous devons malheureusement constater que la plus grande partie des remarques que nous avions formulées en première lecture demeurent fondées.
Nous avions regretté la création de juridictions spécialisées pour répondre aux infractions de délinquance et de criminalité organisées d'une grande complexité. La multiplication de juridictions spécialisées ne saurait à notre sens garantir une procédure pénale fondée sur des principes clairs et reconnus, assurent les conditions d'un procès équitable et respectueux des droits de l'homme.
Le Sénat a ainsi adopté le texte proposé pour l'article 706-75 du code de procédure pénale, lequel fonde la compétence de ces juridictions sur la notion d'« affaires qui sont ou apparaîtraient d'une grande complexité ». Cette formulation est bien trop imprécise pour fonder d'exceptionnelles extensions de compétences territoriales.
Face à un projet de loi qui prétend moderniser la justice pénale pour faire face aux aspects les plus durs de la criminalité organisée, nous avions également dénoncé le fait que soit pas évoquée la criminalité organisée en matière économique, financière et fiscale. A ce stade de son examen, ce texte est toujours aussi muet sur ces infractions, qu'il est pourtant urgent de combattre avec la plus grande fermeté.
Notre insistance à dénoncer la notion de « délinquance et de criminalité organisées » était justifiée par notre crainte de voir le recours à une procédure exceptionnelle reposer sur une qualification juridique particulièrement délicate à réaliser, d'autant qu'elle sera donnée par les premiers enquêteurs.
M. Christophe Caresche. Eh oui !
M. Michel Vaxès. Si le choix, qui sera celui, je le rappelle, de l'officier de police judiciaire, d'agir ou non dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée, se révèle par la suite erroné, il ne sera jamais constitutif de nullité.
Il me semble essentiel d'insister une fois encore sur ce point car les pouvoirs donnés aux enquêteurs dans le cadre de cette procédure sont exorbitants et risquent de devenir très rapidement attentatoires aux libertés individuelles.
Enfin, nous nous étions élevés contre le développement des procédures accélérées sans débat contradictoire. Il en va ainsi de l'extension de la composition pénale par laquelle le procureur peut, avant d'engager l'action publique, proposer bon nombre de mesures, dont des mesures de sûreté. Cette extension revient en fait à confier au parquet le jugement de la plus grande majorité des affaires pendantes devant les tribunaux.
Le procureur sera également le maître de l'utilisation du « plaider-coupable », qui permet à une personne ayant avoué une infraction d'éviter un procès, et de se voir attribuer une peine réduite. Nous dénonçons une fois de plus l'utilisation de cette procédure à l'anglo-saxonne qui, ainsi que je l'ai déjà dit lors de l'examen de votre budget, monsieur le garde des sceaux, répond à la seule préoccupation du coût de la justice au détriment de sa qualité. Ni la victime, qui se sentira abandonnée de la justice, ni l'auteur, qui pourra négocier le prix de sa peine sans prendre la mesure de la gravité de son acte, ne sortiront gagnant de cette nouvelle procédure.
D'ailleurs, les trente-cinq procureurs généraux des cours d'appel ont fustigé, dans un « projet de charte du ministère public français », ce système qui « ne saurait être introduit dans la procédure pénale française ». Ils estiment en effet que l'introduction de la procédure accusatoire serait de nature à « instaurer des inégalités entre les justiciables » et à « déterminer le sort des procès quasi exclusivement en fonction de la qualité des prestations de la défense ou de l'accusation ».
Cette dérive vers un système accusatoire, nous l'avions déjà dénoncée en première lecture. Est-il encore possible que, sous l'éclairage des procureurs généraux, premiers concernés et principaux acteurs, la majorité de cette assemblée décide de revoir sa copie ? J'en doute. Mais ce qui est certain, c'est que toutes les critiques que nous avions formulées en première lecture restent d'actualité.
Nous avons pris notre parti de ne pas redéposer l'ensemble des amendements que nous avions rédigés hier. Nous souvenant du sort qui leur avait été alors réservé, le réalisme nous conduit à penser qu'ils n'ont guère de chance d'en connaître un différent aujourd'hui. Mais notre optimisme ne saurait être atteint par notre place minoritaire dans cet hémicycle. Aussi avons-nous décidé d'amender la part des modifications du Sénat qui viennent aggraver les dispositions du projet de loi.
Nous vous proposerons de revenir sur l'article 1er afin d'introduire dans la liste des infractions de criminalité et de délinquance organisées les délits de corruption.
Nous vous proposerons aussi d'introduire dans notre code pénal une nouvelle infraction afin de réprimer les comportements délictueux commis par ces chefs d'entreprise qu'avec nous certains des vôtres ont appelé les « patrons voyous ».
Nous reviendrons sur la création par le Sénat, à la demande du Gouvernement, d'un nouveau fichier des auteurs d'infractions sexuelles, en rappelant notamment que la Commission consultative des droits de l'homme s'est autosaisie de cette question et qu'elle n'a pas encore rendue son avis. Du reste, les débats du Sénat invitent à beaucoup de prudence et à prendre le temps nécessaire pour évoquer un tel sujet.
Nous vous proposerons de revenir sur l'article 16 ter, introduit par les sénateurs, qui constitue une atteinte réelle et sérieuse à la liberté de la presse. Notre commission des lois en a d'ailleurs pris la mesure et son président a déposé un amendement en ce sens.
Nous proposerons enfin de supprimer l'article 69 quater A, qui marque un véritable recul pour la dignité des détenus gravement malades ou dont l'état est incompatible avec la détention.
Voilà pour l'essentiel de nos amendements.
Cela dit, vous aurez compris, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues de la majorité, que nous restons sceptiques quant à l'efficacité réelle du texte dans la lutte contre la grande délinquance, que nous nous opposons à la nouvelle architecture de la justice qu'il dessine et qu'en conséquence nous voterons contre.
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot. Willy Bruggeman, coordonnateur adjoint d'Europol, déclarait dans son discours relatif à la lutte contre le crime organisé : « L'Europe combat une criminalité organisée, unifiée dans ses objectifs et ses méthodes, avec quarante codes pénaux différents et autant de forces de police et d'appareils judiciaires qu'il y a de pays en cause. Là réside le secret de la progression et de la réussite du crime organisé. »
Cette phrase, prononcée en 2001, reste plus que jamais d'actualité tant il est vrai que la criminalité organisée s'est diversifiée et étendue. A cela, plusieurs raisons. La mafia sicilienne contrôlant les trafics d'armes et de drogue a bien évolué depuis ces dernières années.
D'abord, on ne parle plus de la mafia, mais des mafias, qui peuvent être chinoises, turques, russes, albanaises, américaines ou autres : la mondialisation s'est étendue aussi à la criminalité.
Ensuite, les secteurs d'activité de ces organisations se sont particulièrement développés, couvrant désormais toutes les activités illicites, de la prostitution au blanchiment de capitaux via des sociétés financières, en passant par le détournement des aides humanitaires ou le contrôle des matières premières.
Ces organisations criminelles très compétentes et très bien structurées ont su profiter des failles du système et des événements internationaux. En effet, en polarisant les forces de police sur la lutte anti-terroriste, les événements du 11 septembre ont permis aux mafias de prospérer. Le chef du FBI, par exemple, a placé la lutte contre les organisations criminelles au sixième rang de ses priorités. L'état des lieux est alarmant et votre texte, monsieur le garde des sceaux, témoigne d'une volonté politique forte et dynamique de combattre cette criminalité organisée. Adapter la justice aux évolutions de la criminalité, tel est l'intitulé du texte qui nous est proposé et que, bien entendu, nous soutiendrons.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Très bien !
M. Philippe Folliot. En effet, plusieurs lectures s'offrent à nous. Dans un premier temps, l'institution d'une procédure particulière applicable à la criminalité et à la délinquance organisées ne peut que recueillir notre assentiment. Si l'on veut combattre efficacement, il faut se doter des moyens de sortir de l'angélisme naïf de mauvais aloi qui était aux premières loges il y a peu, et ne pas traiter cette délinquance organisée de la même manière que des actes illicites isolés. A titre d'exemple, la légalisation de la procédure d'infiltration donne la possibilité à la police d'infiltrer des structures criminelles et de remonter des réseaux. Nous sommes tous conscients du fait que les grandes structures criminelles utilisent la petite délinquance pour agir et contrôler certaines activités lucratives. Cette procédure peut également permettre de mettre à jour la délinquance en col blanc qui tire les ficelles de ces petits réseaux et que nous devons combattre avec la plus grande vigueur.
L'insécurité est le plus souvent le fait de petits délinquants qui agissent au sein de marchés parallèles orchestrés par des hommes puissants et qui se veulent intouchables. La criminalité en col blanc est tout aussi répréhensible, à nos yeux, que la petite délinquance. Il ne pourrait y avoir plus longtemps deux poids, deux mesures.
Un autre volet majeur de ce texte est celui de l'entraide judiciaire européenne, qui permet à la France de mieux lutter contre la criminalité organisée dans sa dimension internationale. Le texte prévoit, notamment, la mise en oeuvre de la Convention d'entraide judiciaire européenne en matière pénale, signée le 29 mai 2000, la création d'équipes d'enquête communes à plusieurs pays et la possibilité, pour des enquêteurs étrangers, d'opérer sur notre territoire. Sans entrer dans les détails techniques du texte, je tiens à souligner l'utilité d'une telle mesure. Nous ne lutterons efficacement qu'en mutualisant nos compétences, en développant cette entraide et en échangeant des informations.
Si la criminalité s'est internationalisée, la combattre suppose de dépasser les frontières. Seule une coopération efficace peut aboutir à des résultats significatifs.
Au niveau national aussi, la coopération doit être le mot d'ordre dans la lutte contre la criminalité. Nous encourageons à ce sujet la poursuite et la mise en place de mesures allant dans le sens d'une plus grande coopération entre la police et la justice. Il s'agit en effet non pas d'opposer celles-ci, mais de faire en sorte que le travail important mené par l'ensemble des forces de police et de gendarmerie dans notre pays puisse se concrétiser efficacement au travers de la justice. D'où la proposition de coordonner les enquêtes sous la tutelle du procureur, ou encore d'allonger la durée de l'enquête de flagrance. Non seulement ces dispositions permettront de rassembler les informations sous l'autorité d'une seule et même personne, mais en autorisant des enquêtes plus longues, elles donneront aussi la possibilité de diligenter des actes de procédure qui exigent des délais dépassant habituellement la durée légale prévue jusqu'ici.
Il est certain que, dans ces conditions, le juge d'instruction voit son rôle évoluer. Mais ne peut-on envisager cet élément sous un angle différent ? Au lieu d'appréhender cette question sous l'angle d'une réduction des pouvoirs du juge d'instruction, ne peut-on pas, au contraire, l'envisager comme un moyen de redonner au juge d'instruction le pouvoir d'effectuer un travail plus qualitatif ? En effet, les cabinets d'instruction croulent actuellement sous les dossiers. Les dispositions du projet de loi, en diminuant le nombre des affaires renvoyées devant les juridictions d'instruction, leur permettront de mener des enquêtes plus approfondies.
Nous devons nous féliciter de ces avancées qui rendront au juge d'instruction ses lettres de noblesse en lui accordant les moyens de concentrer son action.
Il faut souligner également le travail remarquable du rapporteur Jean-Luc Warsmann et de François Zocchetto, au Sénat, qui ont enrichi le texte du Gouvernement non seulement par leurs propositions dans le domaine de l'application des peines, mais aussi en améliorant les dispositifs initialement prévus.
Nous nous étions interrogés en première lecture sur les nouvelles mesures concernant les repentis. Cette innovation législative recueillait, certes, notre approbation, mais nous nous étions inquiétés de l'absence de modalités susceptibles d'assurer une protection efficace.
Or le rapporteur de la commission des lois du Sénat a su intégrer dans ce texte un dispositif complet garantissant une protection efficace - mesures de réinsertion, institution d'une commission s'inspirant du modèle italien, etc. - permettant l'effectivité de ce système nouveau dans notre procédure pénale. L'introduction d'une telle commission garantira l'application homogène et cohérente de la protection des repentis. En outre, la création, par la commission des lois du Sénat, d'un fichier des délinquants sexuels évitera la multiplication des faits divers mettant en cause des récidivistes.
En tant que rapporteur pour avis du budget de la gendarmerie, j'ai eu l'opportunité, il y a quelques mois, de me rendre à l'Institut de recherches criminelles de la gendarmerie nationale, l'IRCGN. Cela a été pour moi l'occasion d'apprécier le considérable, quoique dur, travail fait en la matière par des hommes et des femmes qui se consacrent entièrement à la traque des criminels les plus odieux qui utilisent Internet, entre autres moyens, pour commettre des actes particulièrement déviants. Permettez-moi, à cet égard, monsieur le garde des sceaux, d'émettre une bien modeste critique.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quel courage !
M. Philippe Folliot. Nous avons constaté que votre projet de loi a subi de nombreuses modifications entre sa lecture à l'Assemblée nationale et celle au Sénat. Je devrais plutôt parler d'« améliorations », tant le texte s'est enrichi. Néanmoins, mon inquiétude porte sur la cohérence de la politique pénale et sur la vision globale que nous devons avoir. Le texte de loi a fait, me semble-t-il, trop de place à l'actualité judiciaire estivale. Nous sommes, comme tout le monde, indignés par les faits divers qui ont émaillé l'actualité - récidive d'un violeur, importants feux de forêts, etc. -, mais je ne pense pas que nous puissions avoir une politique pénale cohérente et solide si nous accumulons les textes dès l'apparition du moindre problème. En d'autres termes, les objectifs du projet de loi dénommé communément « grande criminalité » ont été modifiés par un empilement législatif que certains peuvent juger excessif. Cet empilement est néfaste. En effet, les trop nombreuses réformes de la procédure pénale réalisées depuis une vingtaine d'années sont une source de nullité de procédure en raison d'une mise à jour trop fréquente. Alors de grâce, monsieur le garde des sceaux, ne cédons pas à ces pressions médiatiques et donnons-nous le temps, sur certains sujets, de mener une vraie réflexion ! Il y va de la cohérence et de la crédibilité de notre action politique et de la politique judiciaire à suivre.
Quatre points nous tiennent particulièrement à coeur.
Nous sommes très favorables à l'adoption d'une procédure particulière liée à la pollution des eaux maritimes par rejets des navires. Ce problème rencontré depuis de trop nombreuses années, ainsi que toutes les catastrophes écologiques liées au naufrage de pétroliers, imposent en effet de prendre des mesures spécifiques pour lutter contre ces pollueurs. Ces derniers s'abritent trop souvent derrière des pavillons de complaisance ou des législations internationales différentes d'un pays à l'autre pour mettre à mal, au nom du profit, ce bien commun que sont nos côtes maritimes, avec des conséquences dramatiques sur l'économie, l'écosystème et l'environnement.
Par ailleurs, nous félicitons le rapporteur, M. Warsmann, pour son excellent travail s'agissant des mesures relatives à l'application des peines. Les moyens financiers ne pouvaient suffire à mettre un terme à la surpopulation carcérale et à la récidive trop fréquente. Ces problèmes nécessitent une réflexion afin d'envisager un dispositif digne de ce nom. Il fallait traiter la question à la source, notamment en simplifiant et en accélérant les sanctions alternatives à la détention, tombées en désuétude faute d'efficacité. En favorisant à nouveau le travail d'intérêt général ou le sursis-mise à l'épreuve, nous redonnerons confiance aux magistrats, et cela permettra à l'institution carcérale de n'accueillir que celles et ceux qui doivent l'être.
Ensuite, l'inscription législative de l'exécution rapide des courtes peines de prison redonnera une crédibilité et un sens à la sanction. Il paraissait en effet absurde d'exécuter un jugement plusieurs mois après son prononcé. De la même manière, une réorganisation plus profonde de notre système judiciaire doit permettre l'importante et nécessaire réduction des délais d'instruction et de jugement d'une affaire. En effet, les procédures sont trop longues, scandaleusement longues parfois, ce qui est durement ressenti par les victimes.
Enfin, nous sommes favorables à la diversification des modalités d'exécution des peines, notamment avec le placement sous surveillance électronique et la semi-liberté. La réinsertion professionnelle est l'une des garanties contre la récidive.
Je conclurai mon propos en soulignant un point particulier relatif à la lutte contre les discriminations.
Il nous paraissait important de prévoir dans la loi la répression du négationnisme concernant tous les génocides, et notamment le génocide arménien.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Absolument !
M. Philippe Folliot. La France l'a reconnu il y a quelques années, elle se doit logiquement de réprimer tout négationnisme.
Voilà en quelques mots, monsieur le garde des sceaux, le fruit de notre réflexion sur ce texte que le groupe UDF et apparentés soutiendra. Vous avez pris conscience des problèmes existants et vous donnez à notre institution judiciaire les moyens d'y remédier. Nous ne pouvons que vous en féliciter.
M. le président. La parole est à M. Guy Lengagne.
M. Guy Lengagne. En préambule, je signale qu'une erreur s'est glissée dans la « feuille jaune ». En effet, je suis non pas apparenté socialiste, mais bien socialiste, et fier de l'être. C'est aussi en ma qualité de corapporteur de la délégation pour l'Union européenne, avec notre collègue Didier Quentin de l'UMP, pour les questions de sécurité maritime, que j'interviendrai dans le présent débat. Je limiterai donc mon intervention aux articles 9 et 10 du projet de loi relatifs aux infractions en matière de pollution des eaux maritimes par rejets des navires.
Le fait pour la France de donner l'exemple renforcera incontestablement son poids dans les instances européennes ou internationales, ce dont on ne peut que se réjouir. Le texte qui revient du Sénat confirme, pour l'essentiel, les objectifs poursuivis par le projet de loi en ce qui concerne la lutte contre ce que j'appellerai les « voyous des mers », même si les sanctions sont atténuées pour ne pas pénaliser notre seule flotte de commerce. Après l'Erika, le Prestige, comme Didier Quentin et moi-même l'avons rappelé dans le rapport que nous avons présenté à la délégation pour l'Union européenne en mai dernier, l'opinion publique exige désormais une obligation de résultat de la part des autorités de l'Etat. Les articles 9 et 10 du projet de loi tentent d'y répondre. Je n'y reviens pas.
Je préciserai simplement qu'au sein de notre assemblée, comme au Sénat d'ailleurs, l'accent a été mis, avec raison, sur la nécessité de doter les tribunaux, notamment ceux du littoral, de moyens en personnel, c'est-à-dire de magistrats supplémentaires.
L'effort devra également porter sur d'autres domaines, qui ne concernent pas directement la chancellerie. Il est notamment urgent de mettre en place un corps unique de gardes-côtes, comme c'est le cas en Grande-Bretagne, la dispersion actuelle des moyens en matériel et en personnel entre plusieurs administrations étant, à l'évidence, une entrave importante à la prévention efficace des pollutions marines. Mais légiférer ne suffit pas, monsieur le garde des sceaux. J'en donnerai une illustration. Les commandants de navire - vous le savez - ont l'interdiction de déballaster en mer, ou de dégazer, mais les ports doivent leur offrir des installations pour vider leurs cuves. Or, le président de l'association des commandants de navires est venu nous faire part de son expérience. Les cuves de son navire dans lesquelles se trouvaient des déchets étaient pleines, mais il est arrivé que le port soit dépourvu d'installations pour les vider, ou que ces installations soient en panne, ou que les cuves de stockage soient saturées. Il n'avait dès lors comme solution que de rester au port, ce qui aurait coûté extrêmement cher et ne lui aurait pas permis de respecter son planning, ou de repartir et de vider ses cuves en mer.
M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Vous avez raison !
M. Guy Lengagne. Je me réjouis de votre appui, monsieur le président.
Je ne développerai pas ce point, mais il importe de sanctionner l'Etat qui n'a pas mis à disposition de ce capitaine les installations adéquates. La France, comme d'autres Etats d'ailleurs, n'a toujours pas transposé la directive 2059 du 27 novembre 2000 sur les installations de réception portuaires pour les déchets d'exploitation et les résidus de cargaison. Ce n'est pas directement de votre compétence, monsieur le garde des sceaux, mais il serait bon de faire remonter l'information. En ce qui concerne la France, un projet d'habilitation, pris en application de l'article 38 de la Constitution, y remédiera peut-être. Le littoral français, bordé sur sa façade ouest par le plus grand boulevard maritime du monde, est l'un des plus exposés, mais la France, je le répète, ne peut lutter seule contre les marées noires. Les lois nationales ne peuvent suffire.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Absolument !
M. Guy Lengagne. Certains vous diront même que la réglementation imposée est du ressort exclusif de l'Organisation maritime internationale.
C'est exact, mes chers collègues, mais je rappelle qu'il faut au moins cinq, six ou sept ans pour qu'une décision soit prise au sein de l'OMI, où les Etats voyous, ou semi-voyous, ont la majorité. A partir de là, nos propositions risquent donc de se trouver édulcorées.
C'est en ce sens que l'Europe peut, en attendant, jouer un grand rôle. La Commission qu'il est de coutume de critiquer - et je ne suis pas le dernier à le faire - a été, à l'initiative de Mme de Palacio, à l'avant-garde, par exemple avec les mesures Erika I et Erika II. Mme de Palacio explique que si les Etats avaient mis en place Erika I et Erika II, on n'aurait sans doute pas eu à subir la catastrophe du Prestige. Je ne suis pas sûr qu'elle n'ait pas raison.
Après cette catastrophe, le Conseil européen des 20 et 21 mars 2003 a souhaité que l'Union européenne se dote, « sur la base juridique appropriée », d'un système de sanction destiné à lutter contre la pollution par les navires, et ceci avant fin 2003. La Commission a donc présenté une proposition de directive. Malheureusement, comme nous avons pu le déplorer devant la délégation pour l'Union européenne, la discussion de la proposition de directive instituant des sanctions, notamment pénales, en cas d'infraction de pollution se présente sous les plus mauvais auspices. En effet, au fur et à mesure que s'estompaient l'émotion et la pression médiatique suscitées par la catastrophe du Prestige, les Etats membres, y compris la France, ont repris leurs vieilles habitudes : ils freinent les efforts déployés par la Commission en vue de renforcer la sécurité maritime de l'Europe. Ainsi, ils ont soulevé le problème de la base juridique de la proposition de directive en contestant que celle-ci puisse définir les infractions et les sanctions, y compris pénales, matière qui relèverait, selon eux, du troisième pilier. Cette controverse a conduit la Commission à présenter, au mois de mai dernier, une proposition de décision cadre qui précise le régime des sanctions.
Je me permets, monsieur le ministre, d'évoquer très rapidement le problème de fond qui est sans doute au coeur de mon intervention : est-ce qu'une directive, qui ne porte normalement que sur le premier pilier, peut prévoir des sanctions qui relèvent du troisième ? Les puristes diront que c'est impossible. Cela m'amène à faire deux observations.
D'une part, en cas de directive, la Commission dispose d'une arme, qui s'appelle « le recours en manquement ». Elle peut donc obliger les États à respecter la directive. Et la directive n'a pas besoin de l'unanimité, tandis que la décision cadre en a besoin, le Parlement européen n'est d'ailleurs que consulté dans ce dernier cas.
D'autre part, si une décision cadre n'est pas appliquée, la Commission ne dispose aujourd'hui d'aucun recours ; un Etat, oui, mais cela risque de traîner en longueur.
Vous devinez ce qui va se passer : on va perdre du temps. Et en l'occurrence, si on perd du temps, on arrivera au 1er mai 2004, date à laquelle nous ne serons plus quinze mais vingt-cinq. Parmi les nouveaux Etats adhérents figurent Malte et Chypre, qui étaient classés dans les Etats voyous. Je pense qu'ils ont redressé la barre pour pouvoir rentrer au sein de l'Europe, mais je ne suis pas sûr qu'ils feront en sorte qu'une telle décision cadre puisse être votée à l'unanimité, c'est un point important.
Pour prévenir ces risques, Didier Quentin et moi-même - car nous travaillons ensemble dès lors qu'il s'agit de défendre le littoral - avons présenté, voici quelques jours, une proposition de résolution qui a été soutenue à l'unanimité par la délégation pour l'Union européenne. Dans le droit-fil des positions adoptées par celle-ci et par l'Assemblée nationale, ce texte se prononce en faveur du maintien, dans la proposition de directive, de la définition des infractions et des sanctions. Je souhaite, monsieur le ministre, que le Gouvernement, dans les arbitrages qui devraient être rendus par la suite, partage les préoccupations de la délégation. Car il y va des intérêts bien compris de la France et de ceux de plusieurs Etats membres, notamment les pays riverains de la Baltique ou de la Méditerranée, qui ne sont nullement à l'abri des catastrophes.
Ceux qui se préoccupent de la pollution maritime ont la volonté d'avancer vite. Je ne souhaite pas - et je le dis aussi bien en tant que socialistes, qu'au nom de la délégation - que demain, parce que les discussions n'auront pas avancé, une pollution touche à nouveau nos côtes. Je vous laisserai alors expliquer aux Français les subtilités entre ce qui dépend du premier et du troisième pilier, subtilités à cause desquelles on n'aurait pas pris les mesures adéquates. Les quelques expériences que j'ai vécues montrent que c'est en « débordant » légèrement des textes que l'ont fait avancer les choses.
Je ne vous demanderai pas de me répondre, monsieur le ministre, car je sais qu'en tant que garde des sceaux, et votre position n'est pas facile. Je vous demande simplement de faire passer ce message dans vos services, ainsi que dans cette autre forteresse qu'est le ministère des affaires étrangères, et auprès du SGCI, qui a son rôle à jouer dans les discussions européennes. Pour le reste, je laisse mes collègues du groupe socialiste s'exprimer.(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).
M. Pascal Clément, président de la commission, Très bien !
M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi.
M. Christian Estrosi. Monsieur le ministre, permettez-moi d'abord de vous dire que le projet de loi que nous examinons en deuxième lecture aujourd'hui marque une étape importante dans la lutte contre la criminalité sous toutes ses formes.
Je vous en félicite, comme j'en félicite tous les membres de notre majorité qui vous ont soutenu. Dans le temps de parole qui m'est imparti, je me contenterai de soulever trois points.
En premier lieu, je tiens à saluer votre initiative et celle de nos collègues de la Haute Assemblée, qui ont décidé de mettre en place un fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, bien entendu sous le contrôle des juges.
Vous savez l'attention que je porte à ce problème, qui a été inscrit dans la LOPSI, puis dans la LSI. Il convient de développer le fichier national des empreintes génétiques. Je crois que c'est par la police technique et scientifique que nous réussirons à faire évoluer les résultats de nos services judiciaires et de la justice, et que nous leur permettrons d'être plus efficaces. Il faut donc y concentrer le maximum de moyens.
Je me suis rendu à Londres, au Home Office, et dans les entreprises ayant délégation pour gérer les enquêtes et les prélèvements d'empreintes génétiques. Deux millions de noms sont fichés au Royaume-Uni. Nous en avions environ 1 800 dans notre pays il y a quelques mois ; nous en aurons près de 13 000 d'ici à la fin de l'année et probablement 150 000 d'ici à la fin de l'année prochaine, l'objectif étant de 300 à 400 000 d'ici à trois, quatre ans.C'est déjà une avancée notable.
Cela étant, nous avons un retard considérable en ce domaine puisque c'est depuis 1988 que des pays comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni ont souhaité bénéficier des dernières avancées en matière de relevé des empreintes génétiques. Nous devons aujourd'hui nous donner les moyens de rattraper ce retard et votre texte de loi y contribue grandement ; je veux vous en remercier, monsieur le ministre.
Je me réjouis de voir qu'il sera désormais possible en France, comme vous avez commencé à le faire, de procéder à un prélèvement forcé d'empreintes sur les criminels sexuels. Nous nous donnons ainsi les moyens de mettre en partie un terme à la sauvagerie de ces criminels monstrueux qui violent, mutilent et assassinent des innocents. Mais je souhaiterais que nous allions plus loin et qu'au-delà des seuls crimes sexuels l'ensemble des délinquants sexuels soient inscrits à notre fichier.
Au Royaume-Uni, n'importe quel délit - voire un simple excès de vitesse - fait l'objet d'une inscription au fichier des empreintes génétiques.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela n'a rien de rassurant !
M. Christian Estrosi. C'est grâce au prélèvement effectué lors d'un vol à l'étalage, il y a un mois, que la police a pu interpeller un dangereux criminel qui, trois ans auparavant, avait violé et assassiné une petite fille. Voilà qui démontre toute l'efficacité de la politique qui est menée dans ce domaine au Royaume-Uni.
En deuxième lieu, j'évoquerai les nouvelles peines frappant les auteurs volontaires et involontaires d'incendies de forêts. Avec le soutien de certains collègues, j'ai déposé en septembre dernier, une proposition de loi cosignée par près de deux cents députés afin que l'échelle des peines à l'encontre des incendiaires soit aggravée. Je me réjouis, là encore, de voir que devant la Haute Assemblée votre texte a été renforcé dans ce sens. Dorénavant, les incendiaires, pyromanes et imprudents paieront le prix fort pour leurs actions et leurs omissions. J'ose espérer que plus jamais nos paysages ne seront dévastés et mutilés par des incendies qui, cet été encore, dans ma région, ont coûté la vie à plusieurs pompiers.
Enfin, en troisième lieu, monsieur le ministre, au-delà de votre projet de loi, je souhaite que nous engagions dès aujourd'hui une réflexion profonde sur l'amélioration de notre système judiciaire, s'agissant notamment du rôle et de la responsabilité de nos magistrats.
Il y a une semaine jour pour jour, la gérante d'un magasin de chaussures du 17e arrondissement de Paris était sauvagement égorgée, tuée de vingt-cinq coups de couteau dans son arrière-boutique. L'arrestation de son meurtrier présumé, un multirécidiviste déjà recherché pour une tentative de meurtre sur une autre femme, n'apaise pas pour autant notre colère et notre incompréhension.
On pourrait parler aussi, je m'en entretenais avec Jean-Paul Garraud il y a quelques instants, de ce criminel arrêté cinquante-trois fois, condamné vingt-six fois et qui a assassiné froidement un policier il y a quelques jours de cela.
A Nice, voici dix jours, un bijoutier est mort d'une balle en pleine tête tirée par un individu déjà plusieurs fois condamné pour violence, qui était sorti de prison trois semaines auparavant.
Pourquoi ces meurtres gratuits et ignobles ? Et surtout, pourquoi des individus violents, dangereux, plusieurs fois condamnés, sont-ils en liberté ?
Un policier qui tire sur un délinquant qui tentait de l'écraser avec sa voiture est condamné, poursuivi pour bavure et se voit faire l'objet de mesures réglementaires dans sa propre administration. Mais un magistrat qui relâche un dangereux multirécidiviste qui abat froidement le premier commerçant venu en sortant de prison ne commet-il pas là une faute aussi grave ?
M. André Schneider. Tout à fait !
M. Christian Estrosi. Il est peut-être temps de réfléchir à la mise en place d'un système de responsabilisation de nos magistrats - au-delà des primes au mérite que vous avez souhaité instituer, monsieur le garde des sceaux, ce dont je me réjouis. Rappelons aux magistrats qu'ils ne peuvent, en s'abritant derrière le principe de l'opportunité des poursuites, s'affranchir totalement de la politique pénale.
L'accroissement constant des pouvoirs des juges, dans le souci d'une meilleure personnalisation de la peine, a dominé l'évolution de notre droit pénal depuis deux siècles. En 1994, lors de la réforme du code pénal, nous avons d'ailleurs supprimé les minima des peines encourues. Peut-être est-il temps de songer à les rétablir, au moins pour certains crimes et actes de délinquance lourds.
Monsieur le garde des sceaux, gardons présent à l'esprit nos engagements : chaque faute doit être sanctionnée par une peine adaptée, certes, mais ferme. Trop souvent encore, nous constatons que c'est la police qui interpelle et que ce sont les parquets qui relâchent.
Je suis convaincu qu'avec votre projet de loi, nous avons déjà fait un immense pas en avant. Je tiens à vous en rendre hommage. Il nous reste encore un pas à franchir, et je sais pouvoir compter sur vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
M. Noël Mamère. Monsieur le garde des sceaux, votre projet de loi, qui n'était que l'application de la doctrine Sarkozy en matière judiciaire, est devenu après examen par le Sénat et par la commission des lois un vaste fourre-tout, dont j'avais d'ailleurs déjà dénoncé le caractère liberticide lors de la première lecture.
Du fichage des délinquants sexuels à l'information des maires sur les procédures judicaires concernant les administrés de leur localité, votre projet est devenu une sorte d'OVNI législatif (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)...
M. Christian Estrosi. M. Mamère va se retrouver sur orbite !
M. Noël Mamère. ... qui parle de tout et de rien et dont l'application risque d'engorger les tribunaux qui attendent surtout de nouveaux moyens. On ne peut que s'interroger sur cette stratégie qui est d'ailleurs plus proche de la Place Beauvau que de la Place Vendôme.
Cette contre-réforme, car il s'agit bien de cela, va ébranler les bases mêmes de notre République, fondée sur la cohésion sociale, l'égalité de tous devant la loi, les libertés individuelles et collectives. Vous prétendez adapter la justice aux évolutions de la criminalité, mais vous faites l'impasse sur la grande délinquance économique et sociale. Après les catastrophes de l'Erika et du Prestige, vous préparez une juridiction traitant de la pollution maritime, mais vous ne dites pas un mot sur la criminalité écologique, sur ceux qui introduisent les OGM, qui polluent notre air et nos sols et qui provoquent des problèmes de santé publique.
Cette contre-réforme repose sur trois éléments essentiels, qu'il faut rappeler ici.
Premier élément : l'accroissement des pouvoirs de la police et l'affaiblissement du rôle constitutionnel de la justice dans le domaine de la garantie des libertés individuelles. L'extension de la procédure à la notion de criminalité organisée, de bande organisée - dont nous cherchons vainement une définition précise - donne le champ libre aux services de police pour choisir la qualification des infractions sur lesquelles ils enquêtent. Dans son avis du 27 mars 2003, la Commission nationale consultative des droits de l'homme a d'ailleurs exprimé son inquiétude quant à votre projet qui fonde la création d'une procédure dérogatoire au droit commun et accroît la complexité de la procédure pénale.
Ces nouveaux pouvoirs sont censés être contrôlés par les procureurs de la République et par les juges des libertés, mais l'activité actuelle de ceux-ci démontre qu'ils ne sont qu'un alibi judiciaire, sans réel contrôle de l'action policière. Enfin, si le secret professionnel est en principe respecté dans votre projet de loi, dans le cas spécifique des journalistes et du respect de la confidentialité, la possibilité de faire des perquisitions à leur domicile inquiète très justement et très grandement la profession et pourrait ouvrir la voie à de graves abus.
Deuxième élément : l'américanisation des procédures. Le statut de « repenti », importé de la tradition américaine, et dont l'application chez nos voisins italiens a montré les dérives, est une prime à la délation. Après l'affreuse mise en cause de personnalités à Toulouse, on peut voir combien cette procédure pourrait être dangereuse. Le recours aux repentis, c'est l'introduction, à tous les niveaux, d'une manipulation qui peut se retourner contre les justiciables, mais aussi contre la police, contre les juges, contre les avocats ou contre n'importe quelle institution. Je préfère pour ma part une vraie enquête, menée par un juge d'instruction, sur la base de preuves, à une justice qui laisse la porte ouverte à l'infiltration.
Enfin, le texte crée une procédure dite de comparution sur reconnaissance préalable, qui n'est rien d'autre qu'une transposition dans notre droit de la procédure anglo-saxonne dite du « plaider coupable ». Elle autorise des dérapages évidents sous la triple pression de l'urgence, du secret et de la menace de comparution immédiate. En américanisant la justice française, on ne sert ni la préservation des libertés individuelles ni les droits de l'homme.
Troisième élément essentiel : l'atteinte portée à l'indépendance de la magistrature par rapport au pouvoir exécutif. La marginalisation de la fonction de juger au profit d'un parquet tout puissant est en effet une des bases de votre projet. Cette procédure élimine le juge, élude la question de la culpabilité et réduit les droits de la défense, surtout pour les personnes les plus démunies. Il faut s'inquiéter de l'introduction d'un nouvel article 30 du code de procédure pénale, selon lequel « le ministre veille non pas à la définition de la politique pénale, mais surveille l'application de la loi ». D'autres articles enfin renforcent les pouvoirs de contrôle des procureurs généraux sur le procureur de la République. Autant dire que, par exemple, en matière politico-financière ou de dossiers sensibles, le pouvoir exécutif ne se gênera pas pour choisir ses juges.
En dernier lieu, je dois vous dire que j'ai été choqué que, dans cette loi fourre-tout, un amendement proposé par notre collègue Rudy Salles et précisant explicitement que le génocide arménien était inclus dans le champ des dispositions répressives de la loi de 1881 visant les crimes contre l'humanité ait été rejeté par la commission des lois, alors qu'il pouvait faire aisément consensus dans cette enceinte, laquelle a reconnu solennellement le génocide arménien.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !
M. Noël Mamère. Nos compatriotes d'origine arménienne apprécieront.
Pour l'ensemble de ces raisons, monsieur le ministre, les députés Verts que je représente ici voteront contre l'adoption de ce projet de loi qui renforce la « fracture judiciaire et morale » qui mine notre pays. Monsieur le ministre, ne laissez pas votre nom associé à un tel texte !
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
M. Thierry Mariani. Nous sommes aujourd'hui réunis pour examiner en deuxième lecture ce texte, déposé en avril 2003, que nous avons adopté une première fois au mois de mai dernier et qui constitue, à mon sens, une avancée majeure pour notre justice.
Tout d'abord, ce projet de loi va permettre la mise en oeuvre de réponses spécifiques aux nouvelles formes de délinquance et de criminalité organisées. Pour la première fois, en effet, la délinquance et la criminalité organisées sont définies en droit français. Ainsi, vous donnez une liste d'infractions qui relèvent nécessairement des organisations criminelles qui oeuvrent aujourd'hui dans notre pays.
Face à ces associations de malfaiteurs de plus en plus présentes et de plus en plus dangereuses, vous avez permis, monsieur le garde des sceaux, la création d'un régime procédural spécifique, pour permettre à nos forces de sécurité intérieure et à notre justice de disposer enfin des armes adéquates.
Votre projet de loi crée, entre autres, la possibilité d'effectuer des opérations d'infiltration, de sonorisation et de fixation d'image dans les lieux publics ou privés. Et vous avez bien voulu accepter - je vous en remercie - un amendement que j'avais défendu en première lecture, autorisant à rémunérer en toute légalité les indicateurs de police, afin de mettre fin à l'hypocrisie qui a régné jusqu'à présent.
Le Sénat a toutefois modifié la rédaction que l'Assemblée nationale avait accepté de voter sur ce point. Je soutiens d'ailleurs tout à fait la nouvelle formulation qui nous est proposée, puisqu'elle apporte une solution au problème. Ce faisant, néanmoins, la Haute Assemblée a renvoyé à la loi de finances la création du support budgétaire permettant la rémunération des indicateurs de police. Pourriez-vous m'indiquer, monsieur le garde des sceaux, les actions que vous avez entreprises ou que vous allez entreprendre pour doter le chapitre correspondant des moyens financiers nécessaires ?
Votre projet de loi vise en second lieu à améliorer l'efficacité de la réponse pénale.
Sur ce sujet, le texte initial constituait déjà une avancée considérable. En effet, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité accélérera la réponse pénale effective apportée à nombre d'infractions. La aussi, vous avez su, monsieur le garde des sceaux, accepter des amendements de notre assemblée. Je me félicite à cet égard que le Sénat ait conservé mon amendement mettant fin à l'un des héritages calamiteux de la gauche : l'effacement systématique du casier judiciaire des mineurs délinquants, le jour de leurs dix-huit ans.
Profitant de cette intervention, je défendrai également une série d'amendements visant à remplacer, dans les dispositions de la procédure pénale relatives à la notification des droits des gardés à vue ou à l'information des magistrats, l'expression « sans délai » - aberration issue une fois de plus de la loi dite de présomption d'innocence du 15 juin 2000 - par l'expression « dans les meilleurs délais ». Ce point, vous le savez, est essentiel, et pas seulement grammaticalement parlant. En effet, depuis l'entrée en vigueur de l'expression « sans délai », nos gendarmes et policiers, que je rencontre régulièrement, se trouvent confrontés, chaque jour, à des annulations de procédure à la suite d'actes effectués le plus rapidement possible mais, malheureusement pas toujours « sans délai ». Nous ne pouvons accepter que de tels dysfonctionnements perdurent, que des délinquants soient relâchés parce que des députés de gauche, pleins de bonnes intentions, n'ont pas eu conscience, une fois de plus, des réalités du terrain. J'espère par conséquent, monsieur le garde des sceaux, que vous saurez accepter mes amendements, tels qu'ils ont été adoptés par la commission des lois.
Enfin, et je terminerai ici mon exposé, notre justice souffre de l'absence de publicité de l'action de la justice. Or, ainsi que je m'en suis ouvert, à cette tribune, à plusieurs reprises, ce problème est grave pour ne pas dire essentiel. En effet, cette absence de publicité développe à tort, chez certains Français, un sentiment d'impuissance face à une justice qui ne leur semble pas assez bien rendue.
C'est pourquoi j'ai déposé à l'article 24 de votre projet de loi un amendement visant à instituer de véritables bans de justice. L'objectif est simple : il s'agit de tout faire pour que les personnes qui ont connaissance de faits graves, c'est-à-dire de crimes ou délits punis de dix ans d'emprisonnement, sachent que la justice a effectivement été rendue. J'espère que nous saurons profiter de cette deuxième lecture pour régler ce problème.
Monsieur le garde des sceaux, je tiens à vous remercier, une fois de plus, de la qualité de ce projet de loi. Comme le 21 mai dernier, je vous assure de tout mon soutien, car ce texte constitue un acte majeur de la modernisation de notre justice. C'est le signal d'une remise en ordre qui devrait rassurer la population et inquiéter les criminels et les délinquants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Christian Decocq.
M. Christian Decocq. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « L'histoire d'un peuple est inséparable de la contrée qu'il habite. » Voilà une réflexion que les gens du Nord, dont je suis l'élu, peuvent méditer encore et toujours. Car ce pays de frontières, qui a appris hélas ! dans le passé ce qu'il devait à la géographie, connaît aujourd'hui un nouvel avatar dû encore à sa situation transfrontalière : le trafic de drogue. Celui-ci se développe particulièrement dans les nombreux quartiers où les indices de souffrance sont plus grands qu'ailleurs. Et il serait naïf, voire inconséquent, de se limiter à constater en ces lieux une délinquance ordinaire de proximité ou de voie publique en refusant de voir une réalité plus terrible, celle d'une criminalité organisée, installée et bien ancrée.
On en connaît les caractéristiques. C'est d'abord une criminalité qui a trouvé dans la proximité de la frontière un atout pour se développer. C'est bien connu, les frontières font encore barrage aux policiers et aux magistrats mais facilitent les trafics des délinquants. Cette criminalité crée et développe par ailleurs une économie souterraine réelle et importante qui a elle-même besoin de tranquillité et de silence pour prospérer. Elle veille donc à ne pas donner l'occasion à la police de s'intéresser de trop près à son territoire. Ces trafiquants vont ainsi jusqu'à aider des personnes, voir des familles entières, en difficulté.
Monsieur le garde des sceaux, il ne faut pas s'y tromper - personne ne s'y trompe d'ailleurs - des pratiques mafieuses, sinon un ordre mafieux apparaissent bel et bien dans nos villes. Votre projet de loi vise précisément à combattre cette pieuvre, cette gangrène morale qui corrompt toutes nos valeurs républicaines et compromet l'idée même de réhabilitation du travail honnête.
Face à l'Europe de la délinquance organisée, vous entreprenez donc de mettre en place l'Europe de la justice. Les outils existent déjà : le mandat d'arrêt européen, la convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire, Eurojust. En transposant les dispositions prévues par la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, vous donnez à la police et à notre justice les moyens de lutter efficacement contre ces ramifications transnationales. Le 29 avril 2003 à La Haye, Eurojust a été inauguré en présence des ministres et des représentants de toutes les justices de l'Union européenne et des pays candidats. Cette institution permet de coordonner l'action des autorités nationales en charge des enquêtes et des poursuites.
C'est sur cette coopération que votre vigilance doit se porter, monsieur le garde des sceaux. En effet, un rapport approuvé par le Conseil de l'Europe consacré à l'évaluation de l'entraide judiciaire mentionne de graves dysfonctionnements. Il fait état de trois causes principales : les lourdeurs bureaucratiques, l'absence de personnels, de moyens et de ressources suffisantes et, enfin, la mauvaise formation des juges concernant les langues et la législation européenne.
Notre assemblée a déjà contribué à résoudre les problèmes relatifs aux moyens et à l'insuffisance de personnels en votant, en août 2002, la loi d'orientation et de programmation pour la justice. La qualité de la formation de nos magistrats n'étant pas mise en cause, mon inquiétude concerne « ces lourdeurs bureaucratiques ». Je n'ignore pas cependant que le Gouvernement a lancé le vaste chantier de la réforme de l'État. Il s'agit d'un impératif d'efficacité.
La relation transfrontalière évolue. Nous sommes passés de la ligne Maginot à l'Eurodistrict. Bientôt, notre assemblée aura à discuter d'un amendement adopté par le Sénat dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales, et qui ouvre le syndicat mixte d'une collectivité française aux collectivités territoriales étrangères. Les élus apprennent au quotidien le travail transfrontalier. La justice ne doit pas être en décalage par rapport à cette nouvelle culture de la relation transfrontalière.
Que répondre à ce maire de la métropole lilloise, habitué à ces nouvelles pratiques, qui m'écrit pour me décrire les dysfonctionnements de la coopération transfrontalière entre les autorités judiciaires de la France et de la Belgique dans une affaire où il y a eu mort d'homme ? Il exprime un désarroi que peut ressentir un élu local face à un manque d'information et de coopération entre les institutions judiciaires.
Monsieur le garde des sceaux, votre volontarisme pour construire l'Europe de la justice doit être accompagné du réalisme dont vous avez fait preuve pour dresser le constat de l'ampleur et de la gravité des actes de la criminalité organisée. Tout enlisement bureaucratique serait forcément mal vécu par les élus comme par nos concitoyens.
Avec ce texte, vous éviterez aux régions transfrontalières d'être décrochées de l'Etat de droit. Vous éviterez à nos quartiers d'être « ghettoïsés » par ces organisations mafieuses.
Réalisme plus volontarisme égale efficacité. Par ce texte, vous contribuez, monsieur le garde des sceaux, à entretenir l'esprit de résultat voulu par le Gouvernement. C'est la vraie réponse aux extrémismes : montrer aux citoyens de ce pays que nous les avons entendus et que nous avons la volonté de réformer. C'est précisément pour cela que je soutiens, avec mon groupe, votre projet de loi et votre action. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La discussion générale est close.
Monsieur le garde des sceaux, vous voulez peut-être nous annoncer une modification de l'ordre du jour ?
M. le garde des sceaux. Je crois savoir, monsieur le président, que le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 n'est pas prêt.
M. le président. En effet.
M. le garde des sceaux. Je souhaite donc que nous en restions ce soir à l'examen du présent texte, afin que nous puissions travailler dans la sérénité. Je crois d'ailleurs que le président de la commission des lois et le rapporteur partagent mon point de vue.
M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Tout à fait !
M. le président. Comme cela, les choses sont claires.
M. le garde des sceaux. Quelques mots pour répondre aux orateurs.
À M. Vallini qui est intervenu d'une manière assez critique, je ferai observer que le développement de la criminalité organisée est un phénomène international. C'est ce constat qui nous a conduits, mes collègues ministres de la justice de toutes les grandes démocraties et moi-même, à nous organiser pour lutter contre ces entreprises criminelles. C'est la raison pour laquelle, tant en termes d'organisation des juridictions - les juridictions interrégionales - qu'en termes de procédure, il est nécessaire de doter les magistrats, et plus généralement la justice, de moyens permettant de parvenir à une plus grande efficacité.
J'ai pris bonne note que M. Vallini considérait que le fichier des délinquants sexuels était utile. Nous aurons l'occasion d'en reparler lors de la discussion des articles.
Je voudrais remercier M. Garraud de ses observations. Oui, vous avez eu raison de le souligner, monsieur le député, ce texte renforce à de nombreuses reprises les prérogatives des magistrats du siège. Il en est ainsi par exemple pour le juge des libertés et de la détention.
Par ailleurs, nous avons été très attentifs, tant lors de l'élaboration du texte qu'au cours des discussions ici et au Sénat, à ce que les droits de la défense soient non seulement préservés mais également renforcés. Il en est ainsi dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler maintenant le « plaider coupable à la française », qui, je le rappelle, ne correspond en rien, ou presque, à ce qui est pratiqué dans d'autres pays, et en particulier aux Etats-Unis.
M. Vaxès a centré, quant à lui, son propos sur la lutte contre la délinquance économique et financière. Or j'ai trouvé assez cocasse la critique qu'il a formulée en la matière. Certes, les pôles financiers, dont on a beaucoup parlé, il y a quelques années, sont ce qu'ils sont. Ça marche quelquefois - pas toujours. Mais, en tout état de cause, le présent texte prévoit que sept à dix juridictions interrégionales disposeront de pôles économiques et financiers renforcés et mieux structurés.
Répondant à M. Mamère, je rappellerai que cette discussion intervient après dix-huit mois d'action, en particulier sur le plan budgétaire. Il est exact, en effet, que les juridictions interrégionales que j'évoquais à l'instant ne pouvaient être proposées que dans le cadre d'une augmentation du nombre de magistrats, de greffiers et de fonctionnaires. Le budget 2004 qui a été voté à l'Assemblée il y a quelques jours prévoit précisément la mise en place concrète de ces juridictions interrégionales. Il y en aura probablement sept.
Monsieur Folliot, vous vous êtes ému, en vous adressant à moi, de l'évolution du texte par amendements successifs. Certes, le ministre est toujours responsable, mais il faut aussi rappeler que l'ampleur prise par le texte ne procède pas uniquement de la volonté du ministre, et c'est d'ailleurs très heureux. Car si la loi est faite à partir d'un projet présenté par le Gouvernement, elle est élaborée par le Parlement, dans une discussion qui, sur ce sujet comme celui-là, prend nécessairement un peu de temps.
J'ai précisément souhaité, pour ce texte, que l'urgence ne soit pas déclarée par le Gouvernement, pour que nous puissions lui consacrer deux vraies lectures dans chacune des deux Assemblées. Un texte qui porte, pour l'essentiel, sur la procédure pénale, me semble en effet nécessiter des ajustements successifs - cela me paraît même absolument indispensable. Je crois, d'ailleurs, que, sur un certain nombre de points, ces lectures vont permettre de parvenir à des équilibres qui auraient été difficilement atteints avec une seule lecture dans chaque Assemblée.
Pour le reste, il est important de souligner que l'augmentation du volume du texte résulte, pour l'essentiel, de deux éléments qui me semblent peu contestables, et qui font, d'ailleurs, l'objet d'un assez large consensus.
Il s'agit d'abord de l'introduction en droit interne du mandat d'arrêt européen, qui est une nécessité. Malheureusement, l'agenda parlementaire ne permettra pas que le texte soit voté définitivement avant le 1er janvier, ce qui nous mettra en retard de quelques jours par rapport à l'engagement pris à juste titre par la France. Je me suis entretenu de cette question avec mes quatre collègues anglais, allemand, espagnol et portugais, lundi dernier, en Espagne, à l'occasion d'une réunion de travail sur la mise en oeuvre effective du mandat d'arrêt européen. Nos cinq pays seront - à quelques jours près pour la France - prêts au 1er janvier, et il faut donc maintenant voir comment les différents magistrats pourront le mettre en oeuvre concrètement.
L'ampleur prise par ce texte s'explique par ailleurs par des mesures adoptées à l'initiative du rapporteur, mais que le Gouvernement soutient fermement, sur les aménagements de peine. Nous connaissons, en effet, compte tenu de l'augmentation de la population carcérale et de l'état de vétusté de nos prisons - qui ne sera corrigé que dans trois à cinq ans - une situation qui nous impose un impératif d'aménagement de peines et des fins de peine. Cette question a donc contribué à donner de l'ampleur au texte, mais l'enjeu en valait la peine.
À M. Lengagne qui est intervenu, en particulier, sur les questions de pollution, j'indique que, compte tenu des amendements sénatoriaux et des discussions que nous avons eues à ce sujet avec le rapporteur de la commission des lois, nous parviendrons, au cours de cette seconde lecture par l'Assemblée nationale, à un texte qui sera volontariste en termes de lutte contre les pollueurs des mers et qui ne déséquilibrera économiquement ni la profession dans notre pays ni le pavillon français. S'il faut en effet sanctionner aussi bien les Français que les étrangers, il convient de ne pas défavoriser nos nationaux. Cela serait tout à fait contre-productif. Nous devrions donc aboutir à un texte plus sévère que les dispositions actuellement en vigueur et assurant une égalité de traitement entre les Français et les étrangers.
M. Estrosi est revenu sur trois sujets.
Sur les deux premiers - le fichier des délinquants sexuels et la lutte contre les pyromanes - nous partageons le même point de vue.
En ce qui concerne la récidive, les cas qu'il a cités illustrent bien l'émotion que l'on peut ressentir face à certains actes. Néanmoins, il faut tenir compte du fait que toute peine doit pouvoir être aménagée. Le fonctionnement régulier de la justice veut aussi qu'on laisse aux tribunaux toute latitude pour constater les faits avérés, s'assurer de la réalité des infractions ou des crimes commis, et confronter cette réalité au code pénal en tenant compte des circonstances et des personnalités. Là réside d'ailleurs la principale difficulté dans l'exercice de la fonction de magistrat.
Cela étant, je suis tout à fait disposé à confier à un groupe de travail, composé à la fois de professionnels et d'élus, le soin de mener une réflexion sur ce sujet.
M. Christian Estrosi. Très bien !
M. le garde des sceaux. J'admets en effet que la question de la récidive pose encore problème. En réponse à votre intervention, monsieur Estrosi, je vous indique donc que je suis prêt à faire cette ouverture.
M. Christian Estrosi. Très bien !
M. le garde des sceaux. Il faut en effet que nous y voyons clair et que nous soyons informés par les professionnels, en particulier par des magistrats, de la manière dont ils perçoivent cette réalité. Cela devrait nous permettre d'aboutir le plus vite possible à des conclusions pratiques sur ce sujet.
M. Christian Estrosi. Merci, monsieur le ministre.
M. le garde des sceaux. Je tiens à dire à M. Mamère que cette loi ne prendra évidemment tout son sens que si sa mise en oeuvre est accompagnée par une évolution positive des moyens de la justice. A cet égard, je rappelle que, comme je l'ai déjà souligné lors du débat sur le projet de budget de mon ministère pour 2004, la loi d'orientation du 9 septembre 2002 a prévu une très importante progression en termes de moyens humains et financiers, tant en investissement qu'en fonctionnement. Pour la deuxième année consécutive, mon budget respectera strictement cette loi d'orientation et de programmation en 2004. Voilà un élément de réponse déterminant aux propos tenus par M. Mamère.
Pour le reste, je suis un peu désolé que ce dernier nie quasiment l'évidence, c'est-à-dire le développement de la criminalité organisée. Il a même indiqué qu'il avait vainement cherché la définition de la notion de bande organisée. Pourtant, elle figure bien dans la loi, précisément dans l'article 132-71 du code pénal. Grâce à cette deuxième lecture, M. Mamère aura eu une réponse à son interrogation !
À M. Mariani, qui a également évoqué la question des moyens, je peux confirmer les propos que j'ai tenus précédemment, en particulier en ce qui concerne les moyens humains. Les juridictions interrégionales trouveront dans le budget 2004 la réponse à la question qu'il se pose. Il prévoit en effet les créations des postes de magistrat, de greffier et de fonctionnaire nécessaires à la mise en oeuvre de ce texte.
Monsieur Decocq, vous avez raison de souhaiter la collaboration entre la justice et la police. Elle passe à la fois par une confiance réciproque et par le respect des prérogatives des uns et des autres. Il est en particulier indispensable d'assurer une bonne articulation entre le parquet et la police judiciaire, entre les juges d'instruction et la police judiciaire. Le travail qui a été entrepris, en particulier depuis dix-huit mois, par les uns et les autres, et qui a été concrétisé dans les différents textes que vous avez été amenés à examiner, à amender, et que nous avons, avec le ministre de l'intérieur, mission de mettre en oeuvre, répond à ce besoin de confiance réciproque et de bonne coopération.
Tels sont, monsieur le président, les quelques éléments de réponse que je souhaitais apporter aux différents intervenants.
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour un rappel au règlement.
M. Michel Vaxès. Mon intervention est fondée sur l'article 58-1, relatif au déroulement de la séance.
Monsieur le président, nous souhaiterions y voir clair pour la suite de nos travaux car les informations changent de minute en minute. Alors qu'il avait été prévu que nous interrompions l'examen de ce projet à la fin de la discussion générale, pour le reprendre ce soir après le vote du texte de la CMP sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons appris que la commission mixte paritaire n'avait pas terminé ses travaux et que nous ne pourrions donc pas être saisis de ce texte ce soir. Ce n'est évidemment la faute à personne.
M. Pascal Clément, président de la commission. Si, c'est la faute aux sénateurs ! (Sourires.)
M. Michel Vaxès. Si vous voulez, monsieur le président de la commission !
En tout cas, il convient de nous placer dans les meilleures conditions pour travailler.
M. le président. Monsieur Vaxès, je vais vous répondre.
M. Michel Vaxès. Nous voudrions donc savoir quel sera l'ordre du jour des séances de ce soir et de demain matin, cette dernière devant être consacrée initialement au seul examen de la proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste. Si devait y être ajoutée la discussion du texte de la CMP, il faudrait nous en informer rapidement afin que nous puissions nous organiser en conséquence au sein de nos groupes.
Modification de l'ordre du jour
M. le président. Ainsi que M. le garde des sceaux vient de l'indiquer, le Gouvernement modifie en effet l'ordre du jour de la séance de ce soir, pour en retirer l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.
En conséquence, je vais lever la séance.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Pascal Clément, président de la commission. On ne peut évidemment que se plier aux réalités, en l'occurrence l'attente de la fin des travaux de la CMP. En revanche, je ne comprends pas pourquoi nous lèverions la séance à dix-neuf heures au lieu de la poursuivre jusqu'à vingt heures. Cela n'empêcherait nullement le personnel de notre assemblée de disposer d'une heure et demie avant la reprise de la séance du soir. Nous y gagnerions une heure de travail, et cela nous permettrait de nous coucher une heure plus tôt cette nuit, ce qui arrangerait à la fois le personnel et les parlementaires.
M. Jean-Paul Garraud et M. Thierry Mariani. Très bien !
M. le président. Monsieur le président, je suis d'accord avec vous : nous pouvons continuer la discussion.
M. Pascal Clément, président de la commission. Merci, monsieur le président.
M. le président. En tout état de cause, cet échange nous a permis de faire la clarté sur l'ordre du jour de la séance de ce soir, qui reprendra normalement à vingt et une heures trente. Quant à l'ordre du jour de la séance de demain, il n'est pas modifié.
Je dois néanmoins suspendre la séance quelques instants.
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Discussion des articles
M. le président. J'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.
Article 1er
M. le président. « Art. 1er. - I. - Le livre IV du code de procédure pénale est complété par un titre XXV ainsi rédigé :
« TITRE XXV
« DE LA PROCÉDURE APPLICABLE
À LA CRIMINALITÉ
ET À LA DÉLINQUANCE ORGANISÉES
« Art. 706-73. - La procédure applicable à l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes et des délits suivants est celle prévue par le présent code, sous réserve des dispositions du présent titre :
« 1° Crime de meurtre commis en bande organisée prévu par le 8° de l'article 221-4 du code pénal ;
« 2° Crime de tortures et d'actes de barbarie commis en bande organisée prévu par l'article 222-4 du code pénal ;
« 3° Crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-40 du code pénal ;
« 4° Crimes et délits d'enlèvement et de séquestration prévus par les deux premiers alinéas de l'article 224-1 et par les articles 224-2 à 224-5 du code pénal ;
« 5° Crimes et délits aggravés de traite des êtres humains prévus par les articles 225-4-2 à 225-4-7 du code pénal ;
« 6° Crimes et délits aggravés de proxénétisme prévus par les articles 225-7 à 225-12 du code pénal ;
« 7° Crimes de vol commis en bande organisée prévu par l'article 311-9 du code pénal ;
« 8° Crimes aggravés d'extorsion prévus par les articles 312-6 et 312-7 du code pénal ;
« 8°bis Crime de destruction, dégradation et détérioration d'un bien commis en bande organisée prévu par l'article 322-8 du code pénal ;
« 8°ter Crimes en matière de fausse monnaie prévus par les articles 442-1 et 442-2 du code pénal ;
« 9° Crimes et délits constituant des actes de terrorisme prévus par les articles 421-1 à 421-5 du code pénal ;
« 10° Délits en matière d'armes commis en bande organisée prévus par l'article 3 de la loi du 19 juin 1871 qui abroge le décret du 4 septembre 1870 sur la fabrication des armes de guerre, les articles 24, 26 et 31 du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions, l'article 6 de la loi n° 70-575 du 3 juillet 1970 portant réforme du régime des poudres et substances explosives, l'article 4 de la loi n° 72-467 du 9 juin 1972 interdisant la mise au point, la fabrication, la détention, le stockage, l'acquisition et la cession d'armes biologiques ou à base de toxines ;
« 10° bis Délits d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'un étranger en France commis en bande organisée prévus par le quatrième alinéa du I de l'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
« 10° ter Délits de blanchiment prévus par les articles 324-1 et 324-2 du code pénal, ou de recel prévus par les articles 321-1 et 321-2 du même code, du produit, des revenus, des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° à 10°bis ;
« 11° Délits d'association de malfaiteurs prévus par l'article 450-1 du code pénal, lorsqu'ils ont pour objet la préparation de l'une des infractions mentionnées aux 1° à 10° ter.
« Pour les infractions visées aux 3°, 6° et 9°, sont applicables, sauf précision contraire, les dispositions du présent titre ainsi que celles des titres XV, XVI et XVII.
« Art. 706-74. - Non modifié.
« Chapitre Ier
« Compétence des juridictions spécialisées
« Art. 706-75 et 706-76. - Non modifiés.
« Art. 706-77. - Le procureur de la République près d'un tribunal de grande instance autre que ceux visés à l'article 706-75 peut, pour les infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73, à l'exception du 9° et 706-74, requérir le juge d'instruction de se dessaisir au profit de la juridiction d'instruction compétente en application de l'article 706-75. Les parties sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations par le juge d'instruction. L'ordonnance est rendue huit jours au plus tôt et un mois au plus tard à compter de cet avis.
« Lorsque le juge d'instruction décide de se dessaisir, son ordonnance ne prend effet qu' à compter du délai de cinq jours prévu par l'article 706-78 ; lorsqu'un recours est exercé en application de cet article, le juge d'instruction demeure saisi jusqu'à ce que soit porté à sa connaissance l'arrêt de la chambre de l'instruction passé en force de chose jugée ou celui de la chambre criminelle de la Cour de cassation.
« Dès que l'ordonnance est passée en force de chose jugée, le procureur de la République adresse le dossier de la procédure au procureur de la République près le tribunal de grande instance compétent en application de l'article 706-76.
« Les dispositions du présent article sont applicables devant la chambre de l'instruction.
« Art. 706-78. - L'ordonnance rendue en application de l'article 706-77 peut, à l'exclusion de toute autre voie de recours, être déférée dans les cinq jours de sa notification, à la requête du ministère public ou des parties, soit à la chambre de l'instruction si la juridiction spécialisée au profit de laquelle le dessaisissement a été ordonné ou refusé se trouve dans le ressort de la cour d'appel dans lequel se situe la juridiction initialement saisie, soit, dans le cas contraire, à la chambre criminelle de la Cour de cassation. La chambre de l'instruction ou la chambre criminelle désigne, dans les huit jours suivant la date de réception du dossier, le juge d'instruction chargé de poursuivre l'information. Le ministère public peut également saisir directement la chambre de l'instruction ou la chambre criminelle de la Cour de cassation lorsque le juge d'instruction n'a pas rendu son ordonnance dans le délai d'un mois prévu au premier alinéa de l'article 706-77.
« L'arrêt de la chambre de l'instruction ou de la chambre criminelle est porté à la connaissance du juge d'instruction ainsi qu'au ministère public et notifié aux parties.
« Les dispositions du présent article sont applicables à l'arrêt de la chambre de l'instruction rendu sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 706-77, le recours étant alors porté devant la chambre criminelle.
« Art. 706-79. - Non modifié.
« Chapitre II
« Procédure
« Section 1
« De la surveillance
« Art. 706-80. - Les officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, les agents de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République donnée par tout moyen, peuvent étendre à l'ensemble du territoire national la surveillance de personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de les soupçonner d'avoir commis l'un des crimes et délits entrant dans le champ d'application des articles 706-73 ou 706-74 ou la surveillance de l'acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission de ces infractions ou servant à les commettre.
« L'autorisation préalable à l'extension de compétence prévue par le premier alinéa peut être demandée, par tout moyen, au procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptible de débuter ou, le cas échéant, au procureur de la République saisi en application des dispositions de l'article 706-76.
« Section 2
« De l'infiltration
« Art. 706-81. - Non modifié.
« Art. 706-82. - Les officiers ou agents de police judiciaire autorisés à procéder à une opération d'infiltration peuvent, sur l'ensemble du territoire national, sans être pénalement responsables de ces actes :
« 1° Acquérir, détenir, transporter, livrer ou délivrer des substances, biens, produits, documents ou informations tirés de la commission des infractions ou servant à la commission de ces infractions ;
« 2° Utiliser ou mettre à disposition des personnes se livrant à ces infractions des moyens de caractère juridique ou financier ainsi que des moyens de transports, de dépôt, d'hébergement, de conservation et de télécommunication.
« L'exonération de responsabilité prévue au premier alinéa est également applicable, pour les actes commis à seule fin de procéder à l'opération d'infiltration, aux personnes requises par les officiers ou agents de police judicaire pour permettre la réalisation de cette opération.
« Art. 706-83. - Non modifié.
« Art. 706-84. - L'identité réelle des officiers ou agents de police judiciaire ayant effectué l'infiltration sous une identité d'emprunt ne doit apparaître à aucun stade de la procédure.
« La révélation de l'identité de ces officiers ou agents de police judiciaire est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 EUR d'amende.
« Lorsque cette révélation a causé des violences, coups et blessures à l'encontre de ces personnes ou de leurs conjoints, enfants et ascendants directs, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 EUR d'amende.
« Lorsque cette révélation a causé la mort de ces personnes ou de leurs conjoint, enfants et ascendants direct, les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 EUR d'amende, sans préjudice, le cas échéant, de l'application des dispositions du chapitre Ier du titre II du livre II du code pénal.
« Art. 706-85. - En cas de décision d'interruption de l'opération ou à l'issue du délai fixé par la décision autorisant l'opération et en l'absence de prolongation, le magistrat ayant délivré l'autorisation prévue à l'article 706-84 fixe, par une décision renouvelable, un délai pendant lequel l'agent infiltré peut poursuivre les activités mentionnées à l'article 706-82 sans en être pénalement responsable, afin de lui permettre de cesser sa surveillance dans des conditions assurant sa sécurité.
« Art. 706-86. - Non modifié.
« Art. 706-87. - Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement des déclarations faites par les officiers ou agents de police juidiciaire ayant procédé à une opération d'infiltration.
« Les dispositions du présent article ne sont cependant pas applicables lorsque les officiers ou agents de police judiciaire déposent sour leur véritable identité.
« Section 3
« De la garde à vue
« Art. 706-88. - Pour l'application des articles 63, 77 et 154, si les nécessités de l'enquête ou de l'instruction relatives à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, la garde à vue d'une personne peut, à titre exceptionnel, faire l'objet de deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures chacune.
« Ces prolongations sont autorisées, par décision écrite et motivée, soit, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention, soit par le juge d'instruction.
« La personne gardée à vue doit être présentée au magistrat qui statue sur la prolongation préalablement à cette décision. La seconde prolongation peut toutefois, à titre exceptionnel, être autorisée sans présentation préalable de la personne en raison des nécessités des investigations en cours ou à effectuer.
« Lorsque la première prolongation est décidée, la personne gardée à vue est examinée par un médecin désigné par le procureur de la République, le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire. Le médecin délivre un certificat médical par lequel il doit notamment se prononcer sur l'aptitude au maintien en garde à vue, qui est versé au dossier. La personne est avisée par l'officier de police judiciaire du droit de demander un nouvel examen médical. Ces examens médicaux sont de droit. Mention de cet avis est portée au procès-verbal et émargée par la personne intéressée ; en cas de refus d'émargement, il en est fait mention.
« Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, si la durée prévisible des investigations restant à réaliser à l'issue des premières quarante-huit heures de garde à vue le justifie, le juge des libertés et de la détention ou le juge d'instruction peuvent décider, selon les modalités prévues au deuxième alinéa, que la garde à vue fera l'objet d'une seule prolongation supplémentaire de quarante-huit heures.
« La personne dont la garde à vue est prolongée en application des dispositions du présent article peut demander à s'entretenir avec un avocat, selon les modalités prévues par l'article 63-4, à l'issue de la quarante-huitième heure puis de la soixante-douzième heure de la mesure ; elle est avisée de ce droit lorsque la ou les prolongations lui sont notifiées et mention en est portée au procès-verbal et émargée par la personne intéressée ; en cas de refus d'émargement, il en est fait mention. Toutefois, lorsque l'enquête porte sur une infraction entrant dans le champ d'application des 3° et 9° de l'article 706-73, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue de la soixante-douzième heure.
« Section 4
« Des perquisitions
« Art. 706-89. - Non modifié.
« Art. 706-90. - Si les nécessités de l'enquête préliminaire relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, décider, selon les modalités prévues par l'article 706-92, que les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction pourront être effectuées en dehors des heures prévues par l'article 59, lorsque ces opérations ne concernent pas des locaux d'habitation.
« Art. 706-91. - Si les nécessités de l'instruction relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge d'instruction peut, selon les modalités prévues par l'article 706-92, autoriser les officiers de police judiciaire agissant sur commission rogatoire à procéder à des perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction en dehors des heures prévues par l'article 59, lorsque ces opérations ne concernent pas des locaux d'habitation.
« En cas d'urgence, le juge d'instruction peut également autoriser les officiers de police judiciaire à procéder à ces opérations dans les locaux d'habitation :
« 1° Lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit flagrant ;
« 2° Lorsqu'il existe un risque immédiat de disparition des preuves ou des indices matériels ;
« 3° Lorsqu'il existe des présomptions qu'une ou plusieurs personnes se trouvant dans les locaux où la perquisition doit avoir lieu sont en train de commettre des crimes ou des délits entrant dans le champ d'application de l'article 706-73.
« Art. 706-92. - A peine de nullité, les autorisations prévues par les articles 706-89 à 706-91 sont données pour des perquisitions déterminées et font l'objet d'une ordonnance écrite, précisant la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels les visites, perquisitions et saisies peuvent être faites ; cette ordonnance, qui n'est pas susceptible d'appel, est motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires. Les opérations sont faites sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, et qui peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales.
« Dans le cas prévu par les 1°, 2° et 3° de l'article 706-91, l'ordonnance comporte également l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision par référence aux seules conditions prévues par cet alinéa.
« Art. 706-93. - Non modifié.
« Art. 706-94. - Supprimé.
« Art. 706-95. - Non modifié.
« Section 5
« Des interceptions de correspondances émises
par la voie des télécommunications
« Art. 706-96. - Si les nécessités de l'enquête de flagrance ou de l'enquête préliminaire relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, autoriser l'interception, l'enregistrement et la transcription de correpsondances émises par la voie des télécommunications selon les modalités prévues par les articles 100, deuxième alinéa, 100-1 et 100-3 à 100-7, pour une durée maximum de quinze jours, renouvelable une fois dans les mêmes conditions de forme et de durée. Ces opérations sont faites sous le contrôle du juge des libertés et de la détention.
« Pour l'application des disposition des articles 100-3 à 100-5, les attributions confiées au juge d'instruction ou à l'officier de police judiciaire commis par lui sont exercées par le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire requis par ce magistrat.
« Le juge des libertés et de la détention qui a autorisé l'interception est informé sans délai par le procureur de la République des actes accomplis en application de l'alinéa précédent.
« Section 6
« Des sonorisations et des fixations d'images
de certains lieux ou véhicules
« Art. 706-97. - Lorsque les nécessités de l'information concernant un crime ou un délit entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge d'instruction peut, après avis du procureur de la République, autoriser par ordonnance motivée les officiers et agents de police judiciaire commis sur commission rogatoire à mettre en place un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l'image d'une ou plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé. Ces opérations sont effectuées sous l'autorité et le contrôle du juge d'instruction.
« En vue de mettre en place le dispositif technique mentionné au premier alinéa, le juge d'instruction peut autoriser l'introduction dans un véhicule ou un lieu privé, y compris hors des heures prévues à l'article 59, à l'insu ou sans le consentement du propriétaire ou du possesseur du véhicule ou de l'occupant des lieux ou de toute personne titulaire d'un droit sur ceux-ci. S'il s'agit d'un lieu d'habitation et que l'opération doit intervenir hors des heures prévues à l'article 59, cette autorisation est délivrée par le juge des libertés et de la détention saisi à cette fin par le juge d'instruction. Ces opérations, qui ne peuvent avoir d'autre fin que la mise en place du dispositif technique, sont effectuées sous l'autorité et le contrôle du juge d'instruction.
« Art. 706-97-1. - Les décisions prises en application de l'article 706-97 doivent comporter tous les éléments permettant d'identifier les véhicules ou les lieux privés ou publics visés, l'infraction qui motive le recours à ces mesures ainsi que la durée de celles-ci.
« Art. 706-97-2. - Ces décisions sont prises pour une durée maximum de quatre mois. Elles ne peuvent être renouvelées que dans les mêmes conditions de forme et de durée.
« Art. 706-97-3. - Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui peut requérir tout agent qualifié d'un service, d'une unité ou d'un organisme placé sous l'autorité ou la tutelle du ministre de l'intérieur ou du ministre de la défense et dont la liste est fixée par décret, en vue de procéder à l'installation des dispositifs techniques mentionnés à l'article 706-97.
« Les officiers ou agents de police judiciaire ou les agents qualifiés mentionnés au premier alinéa du présent article chargés de procéder aux opérations prévues par l'article 706-97 sont autorisés à détenir à cette fin des appareils relevant des dispositions de l'article 226-3 du code pénal.
« Art. 706-97-4. - Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui dresse procès-verbal de chacune des opérations de mise en place du dispositif technique et des opérations de captation, de fixation et d'enregistrement sonore ou audiovisuel. Ce procès-verbal mentionne la date et l'heure auxquelles l'opération a commencé et celles auxquelles elle s'est terminée.
« Les enregistrements sont placés sous scellés fermés.
« Art. 706-97-5. - Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui décrit ou transcrit, dans un procès-verbal qui est versé au dossier, les images ou les conversations enregistrées qui sont utiles à la manifestation de la vérité.
« Les conversations en langue étrangère sont transcrites en français avec l'assistance d'un interprète requis à cette fin.
« Art. 706-97-6. - Les enregistrements sonores ou audiovisuels sont détruits, à la diligence du procureur de la République ou du procureur général, à l'expiration du délai de prescription de l'action publique.
« Il est dressé procès-verbal de l'opération de destruction.
« Section 7
« Des mesures conservatoires
« Art. 706-98. - Non modifié.
« Section 8
« Dispositions communes
« Art. 706-99. - Non modifié.
« Art. 706-100. - Lorsqu'au cours de l'enquête il a été fait application des dispositions des articles 706-80 à 706-96, la personne ayant été placée en garde à vue six mois auparavant et qui n'a pas fait l'objet de poursuites peut interroger le procureur de la République dans le ressort duquel la garde à vue s'est déroulée sur la suite donnée ou susceptible d'être donnée à l'enquête. Cette demande est adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
« Lorsque le procureur de la République décide de poursuivre l'enquête préliminaire et qu'il envisage de procéder à une nouvelle audition ou à un nouvel interrogatoire de la personne au cours de cette enquête, cette personne est informée, dans les deux mois suivant la réception de sa demande, qu'elle peut demander qu'un avocat désigné par elle ou commis d'office à sa demande par le bâtonnier puisse consulter le dossier de la procédure. Le dossier est alors mis à la disposition de l'avocat au plus tard dans un délai de quinze jours à compter de la demande et avant, le cas échéant, toute nouvelle audition ou tout nouvel interrogatoire de la personne.
« Lorsque le procureur de la République a décidé de classer l'affaire en ce qui concerne la personne, il l'informe dans les deux mois suivant la réception de sa demande.
« Dans les autres cas, le procureur de la République n'est pas tenu de répondre à la personne. Il en est de même lorsqu'il n'a pas été fait application des dispositions des articles 706-80 à 706-96 au cours de l'enquête.
« Lorsque l'enquête n'a pas été menée sous la direction du procureur de la République du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la garde à vue a été réalisée, celui-ci adresse sans délai la demande au procureur qui dirige l'enquête.
« Art. 706-101. - I. - Non modifié.
« II. - Supprimé. »
MM. Vallini, Le Bouillonnec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 304, ainsi rédigé :
« Après le troisième alinéa du I de l'article 1er, insérer l'alinéa suivant :
« Art. 706-72-1. - Constitue une bande organisée, au sens du présent titre, un groupement de personnes qui participent sciemment à une structure ou une entreprise conçue en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou plusieurs infractions. »
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour présenter l'amendement n° 304.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La notion de « bande organisée », telle qu'elle figure dans le code pénal, et que M. le garde des sceaux nous a rappelée tout à l'heure, reste insuffisamment précise, d'autant que la bande organisée apparaît dorénavant comme n'étant plus seulement un élément constitutif d'une circonstance aggravante, mais déterminera l'option qui permettra de fait l'ouverture d'une procédure exorbitante de la procédure ordinaire. Nombre de spécialistes, et non des plus modestes, en termes de compétences juridiques, sénateurs et députés, mais aussi professeurs et personnalités éminentes du monde judiciaire, ont appelé à une autre définition de la bande organisée afin d'éviter toute ambiguïté dans la qualification des faits sur la base desquels les services de police et le parquet pourraient engager une procédure lourde de conséquences - nous y reviendrons - et surtout susceptible de créer bon nombre de difficultés. La définition actuelle, nous l'avions dit en première lecture est insuffisante. Le même débat s'est tenu au Sénat. Malheureusement, le Gouvernement n'a pas souhaité ouvrir le champ d'une nouvelle définition. C'était pourtant l'occasion.
Nous persistons d'autant plus dans notre analyse qu'il ne sera pas possible, en l'état des textes, d'obtenir la nullité de la procédure lorsque, au terme de sa conduite, il aura été constaté qu'elle a été engagée sans fondement factuel. Voilà pourquoi nous croyons nécessaire de redéfinir la notion de bande organisée, sachant que l'actuelle définition n'avait d'autre objectif que de mettre en relief la commission d'un fait pour constituer une circonstance aggravante. A noter que la définition de la bande organisée est la même que celle de l'association de malfaiteurs... C'est la raison pour laquelle la précision nous paraît devoir s'imposer. La rédaction de notre amendement n° 304 est peut-être en deçà de ce qui peut être exigé, mais il importe que la notion de bande organisée soit précisée compte tenu des conséquences qui résulteront de l'utilisation de ce terme dans le choix de la procédure applicable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. La commission des lois a rejeté cet amendement. Nous avons, une fois de plus, relu l'article 132-71 ce matin : « Constitue une bande organisée au sens de la loi tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou de plusieurs infractions. »
M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Quelle est la différence ?
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cette définition prévaut depuis longtemps. Elle a fait l'objet d'une abondante jurisprudence. Elle est donc parfaitement arrêtée. Voilà le premier argument qui nous conduit à rejeter l'amendement n° 304.
Mais il en est un second que notre collègue a du reste très honnêtement reconnu : l'amendement proposé, par le fait qu'il met en avant des notions très vagues de « structure » ou d'« entreprise », marquerait un recul. Ce qui ne peut que conforter l'avis défavorable de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Même avis. Je n'ai rien à ajouter à ce qui vient d'être excellemment dit.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Précisément, les notions d'« entreprise » et de « structure » ont en la circonstance toute leur importance, dans la mesure où l'objectif avoué de la loi, auquel nous avons tous souscrit, est de répondre à des processus de bandes éminemment structurés. La bande organisée dans le but de se livrer à de petits trafics dans un quartier n'a rien à voir avec le phénomène que, très légitimement, vous voulez traiter, et nous en sommes d'accord, à savoir les organisations au niveau international. Or c'est bien cet aspect-là que nous voulions mettre en avant, alors que la rédaction jusqu'alors adoptée ne retient pas la notion d'organisation volontaire et délibérée.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Pascal Clément, président de la commission. Je voudrais tenter de convaincre M. Le Bouillonnec, quoique le rapporteur lui ait déjà expliqué le problème : si l'on adoptait sa définition, c'est toute la jurisprudence sur la question qui s'effondrerait. Nous repartirions à zéro, ce qui irait à l'encontre de l'objectif que vise l'amendement n° 304. La jurisprudence n'existant plus, loin de parvenir à une plus grande sévérité, nous verrions au contraire les poissons passer à travers les mailles du filet. Quand bien même son amendement a été déposé avec les meilleures intentions du monde, il n'en serait pas moins totalement contre-productif.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 304.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 4 rectifié, ainsi libellé :
« Après le mot : "séquestration, rédiger ainsi la fin du 4° du texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale : "commis en bande organisée prévus par l'article 224-5-2 du code pénal ;. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Luc Warsmann. Amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. MM. Vaxès, Braouezec, Chassaigne et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 402, ainsi rédigé :
« Supprimer le 10° bis du texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale. »
La parole est à M. Michel Vaxès.
M. Michel Vaxès. Le délit auquel fait référence le quatorzième alinéa de l'article 706-73 du code de procédure pénale est le pendant, rappelons-le, de celui que vous avez défini à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à l'immigration, à ceci près qu'il n'était alors nulle part question de l'insérer dans le champ d'application de la criminalité organisée. Cette aggravation, à elle seule, nous conforte dans la proposition que je défends ici, et qui vise à supprimer le 10° bis du texte proposé pour l'article 706-73. Cette conviction est encore renforcée par la définition, que vous venez de rappeler, de la bande organisée.
Que l'on se réfère à la réponse du ministre à cet amendement au Sénat, ou que l'on se réfère à la définition que vous venez de donner, le problème restera entier pour les associations à but humanitaire. Notre pays est riche d'un mouvement associatif qui porte, dans ses actes, des valeurs de solidarité, de générosité, d'hospitalité. Sensibles à la souffrance des plus vulnérables, ces associations ne se déterminent pas dans leur action humanitaire à partir de considérations d'appartenance philosophique, politique, religieuse, ethnique, nationale, ni au regard de la situation administrative, régulière ou non, de celles et ceux auxquels elles décident de porter secours. Elles apportent une aide humanitaire aux femmes, aux hommes qui en ont besoin, un point, c'est tout. Qui pourrait le leur reprocher ?
Si le 10° bis de cet article était maintenu, pouvez-vous, monsieur le ministre ou monsieur le rapporteur, nous assurer que ces bénévoles ne seront pas considérés demain comme des délinquants agissant en bande organisée ? Ce ne serait pas acceptable. Voilà pourquoi notre amendement n° 402 propose de supprimer cet alinéa. J'ajoute, monsieur le garde des sceaux, que votre réponse au Sénat n'est pas de nature à nous rassurer, bien au contraire ; elle ne fait que conforter nos inquiétudes dans la mesure où vous n'excluez pas les associations à but humanitaire des délits tels que définis par ce 10° bis.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. Je rappelle que nous visons des réseaux organisés qui profitent de la misère des gens et que nous organisons précisément des instruments juridiques pour atteindre la tête de ces réseaux. Il s'agit véritablement de démanteler des organisations dont chacun a pu constater, ces derniers mois, la réalité. Ajoutons que les délinquants sont rarement bénévoles ! Ceux que nous voulons atteindre, ce sont les individus qui sont à la tête de ces réseaux et qui font de l'argent sur la misère des gens. C'est précisément l'objectif du 10° bis du texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale et c'est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à votre amendement qui vise à le supprimer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le garde des sceaux. Je tiens à souligner l'importance de cette affaire. Ce type de réseau est en plein développement au niveau international, comment peut-on nier cette réalité alors que nous apprenons chaque fois des choses abominables : des étrangers qui meurent dans des camions hermétiquement fermés, ou entassés sur des bateaux dans des conditions invraisemblables, alors que ces pauvres gens ont payé des sommes astronomiques par comparaison avec leur revenu habituel, tout cela au bénéfice de mafias internationales ? C'est précisément pour démanteler ces organisations que je vous propose de nous doter d'armes supplémentaires... Franchement, de tels agissements n'ont rien à voir avec la générosité dont nous devons faire preuve vis-à-vis de pauvres gens dans le besoin !
Ne mélangeons pas les genres. Lorsque des femmes ou des hommes sont dans des situations de détresse, il faut évidemment les aider. Tout le monde est d'accord avec cette préoccupation humanitaire que, en tant que ministre, je partage. Mais, en l'occurrence, il ne s'agit pas de cela. Il s'agit de demander au Parlement de nous donner des moyens pour lutter contre ces mafias sans nom qui exploitent la misère du monde dans des conditions totalement inacceptables.
M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.
M. Michel Vaxès. J'entends bien vos arguments, monsieur le garde des sceaux, et je serais prêt à y souscrire. Malheureusement, ce n'est pas ce que dit le texte de votre projet de loi. Relisez attentivement ce 10° bis : « Délits d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'un étranger en France commis en bande organisée prévus par le quatrième alinéa du I de l'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ». Or, compte tenu de la modification déjà opérée dans la loi sur l'immigration, l'expression : « Toute personne qui, alors qu'elle se trouvait en France ou dans l'espace international des zones aéroportuaires situées sur le territoire national » de l'ordonnance du 2 novembre 1945 devient : « Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d'un étranger ». Mais il ne s'agit pas de cela. Ce ne sont évidemment pas ces associations humanitaires qui aident les clandestins à entrer dans notre pays. Elles contribuent seulement à soulager les souffrances de ceux qui y sont. Nous voulons seulement être assurés qu'elles seront exclues de la qualification de bande organisée.
M. Xavier de Roux. Cela va de soi !
M. Michel Vaxès. Certes, mais le texte de la loi ne doit pas aller de soi. La loi doit être précise, et en l'occurrence elle ne l'est pas.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 402.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. M. Vallini, M. Le Bouillonnec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 291, ainsi rédigé :
« Après le 10° ter du texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale, insérer l'alinéa suivant :
« 10° quater Délits de corruption définis par les articles 433-1 et 433-2. »
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement va dans le sens de ce que nous venons d'entendre de la part du Gouvernement et du rapporteur. Nous demandons que soit intégré, dans la liste des infractions et des délits, le délit de corruption tel qu'il est défini par l'article 433-1 et 433-2. La corruption constituant une pratique totalement en osmose avec les faits que nous essayons de combattre, il ne doit pas y avoir de difficulté à l'intégrer dans la liste des délits qui tomberont dans le cadre de la criminalité organisée ou alors, que l'on nous explique pourquoi ce n'est pas possible !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission a un avis défavorable à cet amendement auquel elle s'était déjà opposée en première lecture. Nous avions alors été pris à partie par l'opposition qui nous reprochait de trop élargir le champ de la criminalité organisée. Nous avons travaillé à trouver un équilibre, aujourd'hui confirmé par le Sénat ; or voilà que l'opposition, tout sourire, prend maintenant l'argumentation inverse et nous explique que le champ ne serait pas assez étendu ! Nous devons préserver l'équilibre. Nous avons essayé de concentrer la notion de criminalité organisée sur tout ce qui nous a semblé faire le plus souvent l'objet de réseaux, qu'il s'agisse de trafics, de traite d'êtres humains ou d'autres délits du même genre. Par souci d'équilibre et parce que le code offre déjà de nombreux moyens de procédure pour lutter contre la corruption, nous ne l'avons pas retenu. La commission a donc rejeté cet amendement, comme elle l'avait fait en première lecture.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le garde des sceaux. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 291.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. MM. Vaxès, Braouezec, Chassaigne et les membres du groupe des députée-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 403, ainsi rédigé :
« Compléter le texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale par l'alinéa suivant :
« 12° Délits de corruption, prévus par les articles 4322-11, 433-1, 435-1, 435-2 et 435-3 du code pénal. »
La parole est à M. Michel Vaxès.
M. Michel Vaxès. Cet amendement tend à intégrer le délit de corruption dans la liste de l'article 1er qui concerne les délits en bande organisée, et c'est bien de cela qu'il s'agit.
Chacun sait que la délinquance économique et financière est aujourd'hui largement constituée d'affaires de corruption active ou passive. Leur nombre a plus que doublé ces dernières années. Elles représentent aujourd'hui 72 % des faits d'atteinte à la probité. Les magistrats assurent que ces délits de corruption sont de plus en plus difficiles à prouver pour deux raisons principales : d'une part, parce que leur mode opératoire devient de plus en plus sophistiqué, d'autre part, parce qu'ils mettent en jeu des sociétés écrans et des intermédiaires particulièrement bien organisés.
Au moment donc où la corruption constitue, à l'évidence, une forme de délinquance particulièrement bien organisée, au moment où se confirment les liens de plus en plus étroits entre corruption et criminalité organisée à l'échelle internationale, au moment où la corruption relève de systèmes de plus en plus sophistiqués, le projet de loi omet, dans la liste des crimes et délits relevant de la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisée, de faire figurer la corruption !
Cet amendement propose de corriger cette omission en incluant un alinéa supplémentaire dans l'article 706-773 du code de procédure pénale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L'amendement n° 403 est le frère jumeau du précédent. La commission y est donc défavorable.
Je me permets de vous rappeler, mes chers collègues, qu'en première lecture nous avons étendu le champ de la criminalité organisée au délit de blanchiment. Nous pouvons donc intervenir dans les affaires internationales de grande complexité grâce à ce délit de blanchiment auquel nous avons également ajouté, en dépit des nombreuses critiques de l'opposition à l'époque, le délit de recel. C'est dire que nous avons eu la volonté, en première lecture, d'embrasser le plus largement possible tout ce qui ressort de la criminalité organisée.
La commission propose donc à l'Assemblée de rejeter cet amendement et de garder l'équilibre général du texte que nous avons adopté en première lecture.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le garde des sceaux. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 403.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. M. Warsmann a présenté un amendement, n° 392, ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-76 du code de procédure pénale, supprimer les mots "663 (deuxième alinéa). »
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 392.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 5 et 305, pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement présenté par M. Warsmann, rapporteur, est ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-80 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "sur autorisation du procureur de la République donnée par tout moyen, les mots : "après en avoir informé le procureur de la République et sauf opposition de ce magistrat.
« II. - En conséquence, au début du dernier alinéa de cet article, substituer aux mots : "L'autorisation, les mots : "L'information.
« III. - En conséquence, dans le dernier alinéa de cet article, subsituer au mot : "peut, le mot : "doit. »
L'amendement n° 305, présenté par MM. Vallini, Blazy, J. Lambert, Le Bouillonnec et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-80 du code procédure pénale, substituer aux mots : "du procureur de la République donnée par tout moyen, les mots : "écrite et motivée du procureur de la République. »
La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l'amendement n° 5.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s'agit par cet amendement de rétablir la version du texte adoptée en première lecture.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le garde des sceaux. Favorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour défendre l'amendement n° 305.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L'article 1er prévoit que le procureur donne par tout moyen des instructions. Nous pensons qu'il vaut mieux qu'il les donne par écrit et de manière motivée.
Il s'agit de protéger le procureur de la République de toute interprétation de ses instructions par les services de police judiciaire et les services de police judiciaire de toute confusion dans la compréhension des instructions du procureur. Le fait que celles-ci soient écrites et motivées - les techniques de transfert immédiat, le fax notamment, facilitent cette transmission - permettra de rendre incontestables les modalités selon lesquelles les services de police judiciaire sont intervenus.
Je pense que cette modification peut satisfaire les préoccupations que nous partageons tous.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission des lois est attachée à l'information préalable du procureur « par tout moyen ». De quoi s'agit-il ? Des officiers de police judiciaire seront autorisés, dans une affaire, à étendre la surveillance de certaines personnes sur l'ensemble du territoire français. Pour répondre à un impératif de rapidité, nous avons prévu l'information préalable par tout moyen, qui nous semble plus efficace et plus souple, tout en ménageant l'intervention du procureur de la République, qu'une autorisation de surcroît écrite et motivée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le garde des sceaux. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 305 tombe.
Répondant aux amicales sollicitations du président de la commission, nous avons traité de quelques amendements, ce qui nous aura mis en voix pour la suite.
Je rappelle que le Gouvernement a modifié l'ordre du jour de la séance de ce soir, dont est retiré l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE
M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 1109, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité :
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 1236).
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexe au procès-verbal
de la 1re séance
du mercredi 26 novembre 2003
SCRUTIN (n° 394)
sur l'ensemble du projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie.
Nombre de votants
527
Nombre de suffrages exprimés
508
Majorité absolue
255
Pour l'adoption
505
Contre
3
L'Assemblée nationale a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
Groupe U.M.P. (364) :
Pour : 343. - MM. Jean-Claude Abrioux, Bernard Accoyer, Manuel Aeschlimann, Alfred Almont, Jean-Paul Anciaux, René André, Philippe Auberger, Jean Auclair, Bertho Audifax, Mme Martine Aurillac, MM. Édouard Balladur, Jean Bardet, Mme Brigitte Barèges, MM. François Baroin, Jacques Barrot, Mme Sylvia Bassot, MM. Patrick Beaudouin, Joël Beaugendre, Jean-Claude Beaulieu, Jacques Bénisti, Jean-Louis Bernard, Marc Bernier, André Berthol, Jean-Michel Bertrand, Xavier Bertrand, Jean-Yves Besselat, Gabriel Biancheri, Jérôme Bignon, Jean-Marie Binetruy, Claude Birraux, Étienne Blanc, Émile Blessig, Roland Blum, Jacques Bobe, Yves Boisseau, René Bouin, Roger Boullonnois, Gilles Bourdouleix, Mmes Chantal Bourragué, Christine Boutin, MM. Loïc Bouvard, Michel Bouvard, Ghislain Bray, Victor Brial, Philippe Briand, Jacques Briat, Mme Maryvonne Briot, M. Bernard Brochand, Mme Chantal Brunel, MM. Michel Buillard, Yves Bur, Christian Cabal, François Calvet, Bernard Carayon, Pierre Cardo, Antoine Carré, Gilles Carrez, Richard Cazenave, Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud, MM. Yves Censi, Jean-Yves Chamard, Hervé de Charette, Jean-Paul Charié, Jean Charroppin, Jérôme Chartier, Luc-Marie Chatel, Gérard Cherpion, Jean-François Chossy, Jean-Louis Christ, Dino Cinieri, Pascal Clément, Philippe Cochet, Georges Colombier, Mme Geneviève Colot, MM. François Cornut-Gentille, Louis Cosyns, René Couanau, Édouard Courtial, Jean-Yves Cousin, Alain Cousin, Yves Coussain, Jean-Michel Couve, Charles Cova, Paul-Henri Cugnenc, Henri Cuq, Olivier Dassault, Marc-Philippe Daubresse, Jean-Claude Decagny, Christian Decocq, Jean-Pierre Decool, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Francis Delattre, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Yves Deniaud, Bernard Depierre, Léonce Deprez, Jean-Jacques Descamps, Éric Diard, Jean Diébold, Michel Diefenbacher, Jacques Domergue, Renaud Donnedieu de Vabres, Jean-Pierre Door, Dominique Dord, Philippe Douste-Blazy, Guy Drut, Jean-Michel Dubernard, Philippe Dubourg, Gérard Dubrac, Jean-Pierre Dupont, Mme Marie-Hélène des Esgaulx, MM. Christian Estrosi, Pierre-Louis Fagniez, Francis Falala, Yannick Favennec, Georges Fenech, Jean-Michel Ferrand, Alain Ferry, André Flajolet, Jean-Claude Flory, Nicolas Forissier, Jean-Michel Fourgous, Marc Francina, Mme Arlette Franco, MM. Pierre Frogier, Yves Fromion, Claude Gaillard, Mme Cécile Gallez, MM. René Galy-Dejean, Daniel Gard, Jean-Paul Garraud, Daniel Garrigue, Claude Gatignol, Jean de Gaulle, Jean-Jacques Gaultier, Guy Geoffroy, Alain Gest, Jean-Marie Geveaux, Franck Gilard, Georges Ginesta, Jean-Pierre Giran, Claude Girard, Maurice Giro, Louis Giscard d'Estaing, Claude Goasguen, Jacques Godfrain, François-Michel Gonnot, Jean-Pierre Gorges, François Goulard, Jean-Pierre Grand, Mme Claude Greff, MM. Jean Grenet, Gérard Grignon, François Grosdidier, Mme Arlette Grosskost, MM. Serge Grouard, Louis Guédon, Jean-Claude Guibal, Lucien Guichon, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Christophe Guilloteau, Gérard Hamel, Emmanuel Hamelin, Michel Heinrich, Pierre Hellier, Laurent Hénart, Michel Herbillon, Pierre Hériaud, Patrick Herr, Antoine Herth, Philippe Houillon, Jean-Yves Hugon, Michel Hunault, Sébastien Huyghe, Denis Jacquat, Édouard Jacque, Christian Jeanjean, Yves Jego, Mme Maryse Joissains-Masini, MM. Marc Joulaud, Alain Joyandet, Dominique Juillot, Didier Julia, Alain Juppé, Mansour Kamardine, Aimé Kergueris, Christian Kert, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, MM. Jacques Kossowski, Patrick Labaune, Marc Laffineur, Jacques Lafleur, Mme Marguerite Lamour, MM. Robert Lamy, Édouard Landrain, Pierre Lang, Pierre Lasbordes, Thierry Lazaro, Mme Brigitte Le Brethon, MM. Robert Lecou, Jean-Marc Lefranc, Marc Le Fur, Jacques Le Guen, Michel Lejeune, Pierre Lellouche, Dominique Le Mèner, Jean Lemiere, Jean-Claude Lemoine, Jacques Le Nay, Jean-Claude Lenoir, Gérard Léonard, Jean-Louis Léonard, Jean Leonetti, Arnaud Lepercq, Pierre Lequiller, Jean-Pierre Le Ridant, Céleste Lett, Mme Geneviève Levy, M. Gérard Lorgeoux, Mme Gabrielle Louis-Carabin, MM. Lionnel Luca, Daniel Mach, Alain Madelin, Richard Mallié, Jean-François Mancel, Thierry Mariani, Hervé Mariton, Mme Muriel Marland-Militello, MM. Alain Marleix, Franck Marlin, Alain Marsaud, Jean Marsaudon, Mme Henriette Martinez, MM. Patrice Martin-Lalande, Philippe Armand Martin (51), Alain Marty, Jacques Masdeu-Arus, Jean Claude Mathis, Pierre Méhaignerie, Christian Ménard, Alain Merly, Damien Meslot, Gilbert Meyer, Pierre Micaux, Mme Marie-Anne Montchamp, M. Pierre Morange, Mme Nadine Morano, MM. Pierre Morel-A-L'Huissier, Jean-Marie Morisset, Georges Mothron, Alain Moyne-Bressand, Jacques Myard, Jean-Marc Nesme, Jean-Pierre Nicolas, Hervé Novelli, Jean-Marc Nudant, Patrick Ollier, Dominique Paillé, Mme Françoise de Panafieu, M. Robert Pandraud, Mmes Béatrice Pavy, Valérie Pecresse, MM. Jacques Pélissard, Philippe Pemezec, Pierre-André Périssol, Bernard Perrut, Christian Philip, Étienne Pinte, Michel Piron, Serge Poignant, Mme Bérengère Poletti, M. Axel Poniatowski, Mme Josette Pons, MM. Daniel Poulou, Daniel Prévost, Christophe Priou, Jean Proriol, Didier Quentin, Michel Raison, Éric Raoult, Jean-François Régère, Frédéric Reiss, Jean-Luc Reitzer, Jacques Remiller, Marc Reymann, Dominique Richard, Mme Juliana Rimane, MM. Jérôme Rivière, Jean Roatta, Camille de Rocca Serra, Mme Marie-Josée Roig, MM. Vincent Rolland, Jean-Marie Rolland, Serge Roques, Philippe Rouault, Jean-Marc Roubaud, Michel Roumegoux, Max Roustan, Xavier de Roux, Martial Saddier, Francis Saint-Léger, Frédéric de Saint-Sernin, André Samitier, André Schneider, Bernard Schreiner, Georges Siffredi, Yves Simon, Jean-Pierre Soisson, Michel Sordi, Frédéric Soulier, Daniel Spagnou, Alain Suguenot, Mmes Michèle Tabarot, Hélène Tanguy, MM. Jean-Charles Taugourdeau, Guy Teissier, Michel Terrot, Mme Irène Tharin, MM. André Thien Ah Koon, Jean-Claude Thomas, Dominique Tian, Jean Tiberi, Alfred Trassy-Paillogues, Georges Tron, Jean Ueberschlag, Christian Vanneste, François Vannson, Mme Catherine Vautrin, M. Alain Venot, Mme Béatrice Vernaudon, MM. Jean-Sébastien Vialatte, René-Paul Victoria, Philippe Vitel, Gérard Voisin, Michel Voisin, Jean-Luc Warsmann, Gérard Weber, Éric Woerth, Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Michel Zumkeller.
Contre : 2. - MM. Bruno Bourg-Broc et Roland Chassain.
Abstentions : 2. - MM. Nicolas Dupont-Aignan et Étienne Mourrut.
Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
Pour : 131. - Mme Patricia Adam, M. Damien Alary, Mme Sylvie Andrieux-Bacquet, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Éric Besson, Jean-Louis Bianco, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Marcel Cabiddu, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Jean-Pierre Defontaine, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Claude Évin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Paul Giacobbi, Joël Giraud, Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Élisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, François Huwart, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Jean Le Garrec, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit, MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin (32), Christophe Masse, Didier Mathus, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christophe Payet, Jean-Claude Perez, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Roger-Gérard Schwartzenberg, Dominique Strauss-Kahn, Mme Christiane Taubira, MM. Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Jean-Claude Viollet et Philippe Vuilque.
Abstentions : 15. - MM. Jacques Bascou, Jean-Pierre Blazy, Daniel Boisserie, Marcel Dehoux, Marc Dolez, Jean-Pierre Dufau, Henri Emmanuelli, Arnaud Montebourg, Christian Paul, Germinal Peiro, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Henri Sicre, Pascal Terrasse, Michel Vergnier et Alain Vidalies.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
Pour : 26. - MM. Jean-Pierre Abelin, Pierre Albertini, Gilles Artigues, Pierre-Christophe Baguet, François Bayrou, Christian Blanc, Bernard Bosson, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Charles de Courson, Stéphane Demilly, Jean Dionis du Séjour, Gilbert Gantier, Francis Hillmeyer, Yvan Lachaud, Maurice Leroy, Claude Leteurtre, Hervé Morin, Nicolas Perruchot, Jean-Luc Préel, François Rochebloine, Rudy Salles, André Santini, François Sauvadet, Rodolphe Thomas, Francis Vercamer et Gérard Vignoble.
Contre : 1. - M. Jean-Christophe Lagarde.
Abstentions : 2. - MM. Philippe Folliot et Jean Lassalle.
Groupe communistes et républicains (22).
Non-inscrits (12) :
Pour : 5. - MM. Patrick Balkany, Gérard Charasse, Yves Cochet, Noël Mamère et Émile Zuccarelli.
Mises au point au sujet du présent scrutin
(Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4,
du Règlement de l'Assemblée nationale)
MM. Bruno Bourg-Broc et Roland Chassain qui étaient présents au moment du scrutin ou qui avaient délégué leur droit de vote ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter « pour ».
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