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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 10 DÉCEMBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mardi 9 décembre 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

1.  Débat sur la conciliation des exigences de la continuité du service public des transports et du droit de grève. «...».
M.
Jacques Kossowski.
M.
Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles.
M.
Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques.
M.
Pascal Clément, président de la commission des lois.
Mme
Odile Saugues,
MM.
Christian Blanc,
André Gerin,
Robert Lecou,
Jean Le Garrec,
Hervé Mariton,
Mme
Annick Lepetit,
MM.
Georges Tron,
Jean-Michel Bertrand,
Noël Mamère,
Mme
Françoise de Panafieu,
M.
Jacques Myard,
Mme
Arlette Grosskost,
MM.
Christian Vanneste,
Etienne Blanc,
Christian Philip,
Maurice Giro.
M.
Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
Clôture du débat.
2.  Ordre du jour de l'Assemblée. «...».
3.  Ordre du jour des prochaines séances. «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures.)

1

DÉBAT SUR LA CONCILIATION DES EXIGENCES DE LA CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC DES TRANSPORTS ET DU DROIT DE GRÈVE
    M. le président. L'ordre du jour appelle le débat sur la conciliation des exigences de la continuité du service public des transports et du droit de grève.
    L'organisation de ce débat ayant été demandée par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire, la parole est au premier orateur de ce groupe, M. Jacques Kossowski.
    M. Jacques Kossowski. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, monsieur le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, mes chers collègues, ce débat sur la conciliation de la continuité du service public dans les transports et du droit de grève constitue pour notre groupe parlementaire un événement d'une particulière importance. En effet, nous nous félicitons que, pour la première fois, notre assemblée se saisisse de cette question concrète intéressant nombre de nos concitoyens, qu'ils vivent en province ou en région Ile-de-France. A cette occasion, permettez-moi de remercier très chaleureusement le président de notre groupe, Jacques Barrot, qui s'est investi pour qu'une telle discussion ait enfin lieu.
    Ce débat a pu être organisé grâce à la mobilisation sans précédent de nombreux députés de la majorité. Je tiens à rappeler que 310 de nos collègues UMP et UDF ont cosigné une proposition de loi instituant un « service garanti » dans les transports terrestres, texte que j'avais déposé en avril 2002. Qu'ils soient eux aussi vivement remerciés.
    Monsieur le ministre, je vous sais gré d'avoir accepté de dialoguer en toute franchise avec nous dans cet hémicycle. Votre présence mérite d'être saluée, car il s'agit d'un sujet difficile où, depuis des années, la passion l'a souvent emporté sur la raison. Mais le règlement du dossier des retraites prouve qu'il est possible d'avancer lorsque existent la volonté et le dialogue. Ce dialogue, nous souhaitons l'engager avec vous dans la sérénité. Il doit aussi être l'occasion de vous faire part d'un certain nombre de nos convictions auxquelles nous sommes profondément attachés.
    Monsieur le ministre, que souhaite vous dire notre groupe ?
    Il nous semble essentiel que le Gouvernement prenne en votre nom un engagement ferme pour qu'un « service garanti », et non un service minimum, soit prochainement mis en place dans les transports publics, terrestres, nationaux et régionaux.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Très bien !
    M. Hervé Mariton. Action !
    M. Jacques Kossowski. Cette distinction sémantique entre « service minimum » et « service garanti » est primordiale. En effet, nous considérons que le service minimum existe déjà à la SNCF, à la RATP ou dans les différentes régies de transport. Par exemple, lors des grandes grèves qui se sont déroulées au printemps dernier, le trafic n'a jamais été totalement interrompu. Certains trains ou rames de métro ont continué à fonctionner, mais de manière anarchique. Vous en conviendrez, la situation actuelle n'est absolument pas satisfaisante pour les usagers et les entreprises. Dès lors, il convient de garantir une offre de transport normale aux heures de pointe.
    Pour vous en convaincre - mais ne l'êtes-vous pas déjà, monsieur le ministre ? -, je souhaiterais avancer trois principaux arguments qui militent en faveur de ce « service garanti ».
    En premier lieu, une large majorité des Français se déclare très favorable à l'instauration d'un tel dispositif, comme le prouvent les dernières enquêtes d'opinion. Les 4 et 5 décembre derniers, un sondage IFOP réalisé pour Le Journal du dimanche révélait que 74 % des Français étaient favorables à une limitation du droit de grève et pour l'instauration d'un service garanti dans les transports.
    M. Hervé Mariton. Action !
    M. Jacques Kossowski. Déjà, en mai de cette année, une autre enquête BVA, réalisée pour les Contribuables associés, montrait que 81 % de nos compatriotes, dont 77 % de salariés du public, voteraient, s'ils étaient députés, pour que le droit de grève soit systématiquement assorti d'un service garanti. Il est intéressant de noter que ces résultats transcendent les sensibilités politiques et sociales traditionnelles. Un consensus existe. Rien ne serait plus préjudiciable que l'immobilisme.
    Les usagers, en particulier les plus modestes, ne supportent plus - à juste titre - d'être la cible privilégiée de conflits entre une direction et des organisations syndicales. Ils n'acceptent pas non plus d'être financièrement pénalisés par un mouvement de grève dont ils subissent les effets négatifs avec impuissance.
    Pensons à toutes ces personnes qui ont dû, au printemps dernier, prendre des jours de congés ou de RTT pour éviter de se rendre à leur travail durant la grève des transports. Et à ceux aussi qui, dans les administrations ou les entreprises, ont vu leur salaire amputé en raison des retards.
    Que dire de la situation des entreprises qui sont de plus en plus dépendantes des réseaux de transport en commun ? Elles ont à supporter des conséquences économiques nuisibles à leur bon fonctionnement.
    Depuis des années, cette question du service garanti continue à se poser lors de chaque arrêt de travail dans les transports et rien n'a changé pour améliorer la situation des usagers, des administrations et des entreprises. Nous sommes dans une situation de statu quo provoquée par certaines organisations syndicales qui craignent de voir réduire leur influence et se livrent parfois à des surenchères.
    Monsieur le ministre, vous disposez dans l'opinion d'un fort courant de soutien pour engager une telle réforme. Nous souhaitons que vous preniez en compte l'expression de cette volonté.
    Le deuxième argument en faveur du « service garanti » revêt un caractère plus juridique. Nous pensons que l'adoption de ce concept permettra de rétablir un plus juste équilibre entre droit de grève et continuité du service public.
    Tout d'abord, je tiens à rappeler, en particulier à nos détracteurs, que le principe du « service garanti » respecte pleinement le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui stipule que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Notre démarche s'inscrit dans cet esprit. En effet, il ne s'agit nullement de supprimer le droit de grève mais seulement de l'encadrer par un texte législatif. Les salariés qui le souhaitent conserveront toujours la possibilité d'arrêter le travail entre les deux plages horaires garantissant le service. Leur pouvoir de négociation et d'influence sur les décisions de la direction au moyen de la grève sera préservé.
    Mais le droit de grève dans les transports ne nous apparaît légitime que s'il existe un cadre garantissant un autre principe constitutionnel qui, lui, pour l'instant, n'est guère respecté, je veux parler de la « continuité du service public ».
    Je note avec satisfaction qu'un éminent collègue de gauche a reconnu publiquement que cette continuité du service public « était une demande légitime de nos concitoyens ».
    M. Alain Bocquet. Des noms !
    M. Jacques Kossowski. Des noms ? M. Le Garrec.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. M. Jean Le Garrec !
    M. Jacques Kossowski. Permettez-moi tout de même de regretter que l'ancienne majorité n'ait pris aucune initiative, à l'époque, pour répondre à cette attente.
    Pourtant, la jurisprudence a maintes fois confirmé la force juridique de ce principe. Ainsi, dès 1909, le Conseil d'Etat, dans son arrêt Winckell, affirmait que la continuité est « l'essence du service public ».
    Cette logique a été défendue par le Conseil constitutionnel. Tel fut le cas, notamment le 29 juin 1987, dans une décision où les neuf sages ont réaffirmé que « la continuité du service public, au même titre que le droit de grève, a le caractère d'un principe de valeur constitutionnelle ». Dans cette décision, le juge constitutionnel a même considéré que « le Parlement peut aller jusqu'à l'interdiction du droit de grève aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l'interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays ».
    C'est aussi ce principe de continuité qui a motivé la décision rendue le 18 mai 1995 par la cour d'appel de Douai. Cette dernière a estimé que la finalité de la grève est bien d'excercer une pression sur l'employeur par l'arrêt de travail en vue de négociations mais, précise-t-elle, cette pression ne doit pas être telle qu'elle désorganise l'entreprise au point de l'empêcher de remplir sa mission qui, s'agissant dans le cas précis de la SNCF, est d'assurer la continuité du transport des voyageurs.
    L'idée de service garanti respecte parfaitement les libertés démocratiques et syndicales, tout en conciliant droit de grève, continuité du service public et préservation de l'intérêt général.
    Dernier argument plaidant en faveur du service garanti : nous pensons qu'il viendrait utilement compléter la procédure d'alarme sociale qui existe déjà à la RATP et qui devrait, à notre avis, être étendue dans toutes les entreprises et régies de transports publics. Ce dispositif visant à régler préventivement un différend par la négociation a permis d'éviter des jours d'arrêt de travail. Mais rien n'est actuellement prévu lorsque la concertation a échoué. Ainsi, au printemps dernier, le processus d'alarme sociale n'a pas empêché des débrayages de grande envergure à la RATP. Le service garanti pourrait donc prendre le relais, lorsque les tentatives de règlement préalable d'un conflit n'auraient pas abouti et que la grève deviendrait inévitable.
    M. Hervé Mariton. Très bien !
    Mme Odile Saugues. La grève, c'est la soupape de sécurité !
    M. Jacques Kossowski. Monsieur le ministre, nous souhaitons que, devant la représentation nationale, vous preniez des engagements forts en faveur de la mise en place d'un service garanti, qui est techniquement réaliste et socialement responsable. Souvenez-vous qu'il s'agit d'une promesse faite devant les Français par le Président de la République.
    Il serait pour le moins anormal que, partout en Europe sauf en France, il existe, soit par accord, soit par la loi ou le règlement, un service public garanti en cas de grève. Il faut mettre fin à ce que certains appellent « une exception française ».
    Sur ce sujet, il semble donc que vous vouliez préalablement ouvrir une concertation avec les partenaires sociaux et les entreprises concernées. Pour notre part, nous sommes prêts à vous suivre dans cette voie, celle de la négociation, qui a toujours été défendue par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin depuis son arrivée à Matignon.
    Mais, comme pour la réforme des retraites, arrivera le temps de l'action.
    M. Yves Bur. Tout à fait !
    M. Jacques Kossowski. Aussi, nous voulons obtenir de votre part une date précise où devront se terminer impérativement les négociations. Le milieu du mois de juin prochain nous paraît constituer une bonne échéance. Nous aurons ensuite le temps, avant les vacances d'été, de discuter et de voter un texte de loi prenant en compte le résultat de ce dialogue social et garantissant aux usagers la continuité des services de transports publics terrestres.
    Si tel n'était pas le cas, et après avoir déposé quinze propositions de loi en dix ans, il est certain que les députés sauront assumer pleinement leur responsabilité de législateur afin que le service garanti voie enfin le jour, comme le réclament nos concitoyens.
    Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour nous donner le contenu de votre méthode de travail et un calendrier très précis. Au nom de mon groupe, je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Dubernard, le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la continuité est volontiers présentée comme l'un des points d'ancrage nécessaires du service public. Elle est confortée par un dispositif juridique important résultant, entre autres, de décisions du Conseil constitutionnel. Garantie proclamée pour l'usager, contrainte supposée pour l'agent public, la continuité est en réalité dans un équilibre précaire. Entre le principe enseigné dans les facultés de droit et la réalité observée sur le terrain, le décalage est suffisant pour que soit ouvert un débat de fond.
    Les services publics de transport représentent aujourd'hui une part déterminante de la conflictualité en France. Il ne se passe pratiquement pas de mois sans que les transports publics soient en grève quelque part en France, qu'il s'agissse d'entreprises du secteur privé ou du secteur public.
    Les répercussions dans l'opinion sont désastreuses. Les Français sont las de subir des prises d'otage à répétition. Il faut dire que les dommages de certains de ces conflits ont été particulièrement lourds : faillites et licenciements supplémentaires, jours de travail perdus, perte de recettes touristiques, allongement des délais de recherche d'emploi, baisse du PNB annualisé, et aussi hausse brutale des consultations pour asthme et maladies pulmonaires en raison des embouteillages !
    M. Jacques Desallangre. Oh !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. C'est un fait, il convient de le garder en mémoire.
    M. Yves Bur. Eh oui !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Ces fortes pertubations laissent à chaque fois l'impression d'une disproportion totale entre le but recherché et les moyens employés. Les conséquences économiques et sociales sont démesurées par rapport à des revendications parfois catégorielles qui ne concernent pas toujours les usagers,...
    Mme Odile Saugues. Au final, cela les concerne toujours !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. ... mais qui sont pourtant rituellement justifiées par la « défense du service public ».
    Les Français acceptent de plus en plus difficilement que le service public ne joue pas son rôle, d'autant que, de part sa nature même et compte tenu du soutien financier dont il bénéficie de la part de la collectivité, il devrait avoir à coeur d'être performant. L'image de la France dans le monde s'en trouve atteinte. Qui n'a pas été interpellé, au cours de ses voyages, par cette situation très particulière que seul dans le monde connaît notre pays ?
    En Europe, tout en respectant un droit fondamental inscrit dans la Constitution ou la loi, la plupart des gouvernements ont pris des mesures pour que l'exercice du droit de grève ne menace aucun des intérêts considérés comme « essentiels » à la vie des citoyens.
    En Allemagne et en Autriche, les fonctionnaires n'ont pas le droit de faire grève.
    M. Jacques Desallangre. Vous privatisez !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Que ce soit par la voie de lois ou de règlements, comme en Allemagne, en Espagne, en Italie, au Portugal, au Danemark et au Luxembourg, ou par le moyen d'accords conclus par les partenaires sociaux, comme en Belgique, en Finlande et en Suède, le fonctionnement des « services essentiels » est assuré.
    En France, l'exigence de services garantis est très peu développée, puisqu'elle ne s'applique que dans certains secteurs, et de manière ponctuelle. Par ailleurs, l'idée de services essentiels n'a jamais été définie précisément. Fourniture d'eau potable, de gaz, d'eau et d'électricité, enlèvement à une certaine fréquence des ordures ménagères, entretien en vue d'en assurer la sécurité des voies publiques, soins médicaux et secours d'urgence, accueil des enfants dans les écoles, services de l'administration pénitentiaire, de la justice ou de la sécurité du territoire : nous devrons, tôt ou tard, passer au crible tous les secteurs pour déterminer une fois pour toutes le périmètre des besoins sociaux absolument nécessaires.
    M. Jacques Desallangre. Il va falloir discuter avec le privé, et ça ne va pas être facile !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Si l'on dépasse les discours dogmatiques, ce n'est pas un problème de droite ou de gauche,...
    Mme Odile Saugues. C'est le vôtre !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. ... mais de modernisation de la gestion des secteurs de l'Etat,...
    M. Yves Bur. Très juste !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. ... qui va au-delà du simple fait de réguler l'exercice du droit de grève. L'enjeu de notre débat est aussi de réfléchir sur l'avenir du service public français.
    M. Jacques Desallangre. Vous y avez déjà réfléchi : vous privatisez !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, je ne peux pas parler !
    M. Jacques Desallangre. Cessez de provoquer !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. C'est vous qui provoquez !
    M. le président. Monsieur Desallangre, je vous en prie !
    M. Yves Bur. M. Desallangre caricature. Il n'a toujours rien compris !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. La qualité et la compétitivité sont des exigences incontournables pour des pays développés qui souhaitent préserver leurs acquis économiques et sociaux.
    L'objectif, bien entendu, n'est pas de remettre en cause le droit de grève,...
    M. Jacques Desallangre et Mme Odile Saugues. Ah bon ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. ... qui est partie intégrante des libertés collectives, mais plutôt d'engager une réflexion de fond pour diminuer le nombre de conflits. Comment remettre la grève à sa juste place : celle d'un moyen de pression, ni trop fort, ni trop faible, qui respecte les usagers et les nécessités du service public. Il n'y a, en effet, pas de fatalité à un fort taux de grève dans une entreprise, quelle qu'elle soit. Les dirigeants des entreprises concernées sont-ils vraiment plus mauvais qu'ailleurs, moins soucieux de leurs salariés, incapables de conduire un dialogue social de qualité ? Ce n'est évidemment pas de cela qu'il s'agit.
    Quant à l'expression de « gréviculture »,...
    M. Yves Bur. Eh oui !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. ... volontiers utilisée à l'encontre des agents, elle ne contribue guère à éclairer le débat sur les causes profondes de cette situation. Ceux-ci sont les premiers à souffrir de ce déficit d'image des services collectifs. Leur jeter l'anathème est facile mais ne résout rien.
    Il y a là un problème de fond, qui dépasse le cadre du sujet traité : le fait syndical dans notre pays. La France est en effet, parmi les pays d'Europe, celui qui a le plus grand nombre de syndicats et le taux de syndicalisation le plus faible. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cette dispersion syndicale, particulièrement manifeste chez les grands opérateurs publics de transport, rend plus difficile l'exercice d'un dialogue social de qualité.
    Mme Odile Saugues. A cause du MEDEF !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Résultat : un climat peu propice à de véritables négociations et une culture de la protestation qui demeure plus prégnante que celle du réformisme social.
    M. Yves Bur. En raison de la concurrence syndicale !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Théoriquement, la grève constitue le stade ultime du conflit social.
    M. Yves Bur. La grève comme moyen de promotion d'un syndicat !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Dans la pratique, elle est presque devenue un préalable à toute négociation. Le délai légal de cinq jours prévu pour le dépôt des préavis de grève est rarement mis à profit pour tenter une réelle négociation. Au fond, les syndicats considèrent souvent que le déclenchement effectif d'une grève permet d'évaluer les rapports de force avant de négocier.
    Des préavis, ayant souvent pour origine des sections locales, sont déposés à répétition pour des motifs mineurs, voire dérisoires, avec pour seule finalité de maintenir ou d'alimenter une situation de mécontentement permanent justifiant ainsi la compétition syndicale interne.
    M. Yves Bur. Eh oui !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Cette situation est profondément dommageable. Elle nuit au fait syndical lui-même, pourtant indispensable dans une société démocratique, à l'équilibre des rapports sociaux, au respect des employés, mais également à l'évolution même des entreprises. Les principales organisations syndicales sont conscientes de la nécessité de faire évoluer le panorama actuel. En définitive, les dirigeants des organisations syndicales comme ceux des entreprises sont prisonniers d'un système qui a atteint ses limites.
    Il faut souligner de ce point de vue l'importance du projet de loi présenté par François Fillon et qui viendra en discussion dans cet hémicycle à la fin de la semaine. Il reprend le texte du 16 juillet 2001 signé par tous les partenaires sociaux, à l'exception de la CGT, sur « les voies et moyens de la négociation collective ». Cette réforme est essentielle pour dynamiser le dialogue social dans notre pays et pour le doter de règles adaptées à notre siècle.
    Toutefois, pour revenir à la question précise « comment concilier continuité des services publics transports et droit de grève ? », je dirai qu'il faut avant tout garder à l'esprit qu'il ne suffit pas d'avoir des dispositifs juridiques pour que cela produise des effets. Ne perdons pas de vue ce premier élément.
    J'ai fait allusion à la loi du 31 juillet 1963 et au préavis légal de cinq jours. La règle légale, on le voit, n'a pas toujours l'efficacité escomptée. Ce détournement de la loi de 1963 peut amener à dire qu'il faut aller plus loin et imposer dès demain, par voie législative, le service garanti. Cela peut aussi renvoyer à une autre méthode : la voie des négociations internes aux entreprises. Une négociation entre partenaires sociaux peut conduire à un vrai service garanti à l'usager.
    Nous avons tous à l'esprit le dispositif d'alarme sociale qui existe à la RATP. En 1996, un protocole sur l'organisation du dialogue social et la prévention des conflits a été signé entre le président Bailly et la plupart des organisations syndicales, à l'exception de la CGT. Ce protocole contient un volet déontologique qui affirme en particulier que l'enjeu du dialogue social est certes le progrès social, mais également la qualité du service rendu aux voyageurs, service dont la continuité est un élément essentiel. L'accent est mis sur les dispositions à prendre pour prévenir le conflits sociaux. Les résultats sont probants avec une amélioration très significative de la continuité du service.
    Tout comme vous, monsieur le ministre, je suis favorable à ce que nous tenions avant tout la ligne du dialogue social. Nous aurions tort de faire de l'effet d'annonce sur ce thème au détriment de la concertation.
    Mme Odile Saugues. Le dialogue social, parlons-en !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Au demeurant, la négociation collective permettra d'arrêter des dispositions équilibrées qui concilieront au mieux le sacrifice demandé aux grévistes et la gêne des usagers. Faut-il que les arrêts de travail ne soient autorisés qu'entre dix heures et dix-sept heures, comme le suggère Jacques Kossowski ? Faut-il qu'en zone urbaine le transport soit assuré au moins pendant deux durées de trois heures en début et en fin de journée, comme le propose Christian Blanc ? Il y a tout un travail de réflexion à conduire pour dessiner le contour des prestations indispensables et les caractéristiques du service garanti, notamment ses modalités et ses horaires. Ce travail pourrait d'ailleurs être couronné par une loi de consensus, comme vous l'avez suggéré.
    Cela étant posé, les attentes fortes qui se sont manifestées lors des dernières élections nous invitent aussi à agir. Les Français ne comprendraient pas que le Gouvernement soit indéfiniment paralysé par le dialogue social.
    M. Yves Bur. Très juste !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Nous avons été élus sur un projet que nous devons engager. Si des règles ne sont pas trouvées par accord, le Gouvernement devra prendre ses responsabilités.
    M. Yves Bur. Voilà !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. En définitive, si la concertation s'enlise, la collectivité, propriétaire des services publics de transport, devra avoir le dernier mot.
    Dans cette affaire, il faut être pragmatique. Je suis attaché en premier lieu à l'aboutissement de résultats. Je serais tenté de dire que, dans cette affaire, seul compte le résultat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Yves Bur. Au boulot !
    Mme Odile Saugues. La fin ne justifie jamais les moyens !
    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, l'image d'une France du travail bloquée sur les quais du métro ou de la gare fait sourire à l'étranger. L'exception française serait-elle plus dans la manière de cesser le travail que dans la volonté de protéger ceux qui veulent travailler même lorsque certains décident de se mettre en grève ? Cette image d'un pays souvent en grève est, certes, largement caricaturale, mais elle est cependant symbolique d'une des faiblesses françaises, comme si notre pays n'était pas capable de mettre en oeuvre des mécanismes de prévention des conflits sociaux.
    Mme Odile Saugues. Mais si, il en est capable !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. En France, la grève n'apparaît plus comme le moyen ultime de pression, mais comme un instrument courant et extrêmement efficace pour faire avancer des revendications professionnelles - souvent légitimes - dans certaines entreprises.
    Une telle pratique, lorsqu'il s'agit des transports publics, a deux conséquences importantes. D'abord, elle s'oppose au principe de la continuité des services publics, et le droit à la grève, essentiel à nos yeux, est détourné de son sens pour devenir un moyen de pression général prenant alors en otage des millions de Français, peu concernés par la revendication catégorielle - légitime peut-être - défendue par les grévistes. Ensuite, elle a des conséquences économiques considérables qui portent atteinte aux résultats de nos entreprises et donc forcément à l'emploi !
    Il y a un paradoxe insoutenable à voir ceux qui veulent légitimement défendre leur droit à l'emploi provoquer ainsi la mise au chômage de ceux dont les entreprises subissent durement ces « grèves blocages ».
    Un exemple, entre autres : la grève de l'an dernier de la SNCF, qui a coûté 250 millions d'euros. On sait dans quel état se trouvent aujourd'hui les comptes de l'entreprise. On connaît aussi, depuis 2001, les conséquences économiques du mouvement social des agents de conduite du fret : ce sont les transports routiers qui en ont, avant tout, profité !
    Je revendique la protection du droit de grève. Je revendique aussi la continuité des services publics de transport. L'Europe, elle, a su régler le problème contrairement à notre pays.
    Mme Odile Saugues. Non !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La France, les partenaires sociaux et le Gouvernement doivent être capables aujourd'hui de concilier les deux par un dialogue, et, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, rapidement.
    Rappelons qu'il s'agit de concilier des principes de même valeur juridique. Le droit de grève est un droit constitutionnel garanti par le Préambule de la Constitution, qui doit s'exercer « dans le cadre des lois qui le règlementent » ; or aucune loi n'a été votée par le Parlement. Quant à la continuité du service public, le Conseil constitutionnel lui a reconnu, à de multiples reprises, le caractère de principe à valeur constitutionnelle, notamment par une décision du 25 juillet 1979. Les bases sont là pour pouvoir régler le problème.
    Aujourd'hui, seule la loi du 31 juillet 1963 a une portée d'ordre général pour les services publics. Elle interdit en effet les grèves « surprises » ainsi que les grèves tournantes et elle organise les modalités de la grève en imposant le dépôt d'un préavis avec indication du motif et de la durée de la grève.
    Par ailleurs, seuls certains fonctionnaires, notamment ceux qui exercent dans des services ayant trait aux pouvoirs régaliens de l'Etat, se voient interdire le droit de grève : c'est le cas des magistrats, des personnels de l'armée, de la police, des services pénitentiaires, ou encore des pompiers, par exemple. De fortes restrictions existent aussi pour les services de radiodiffusion et de télédiffusion ainsi que pour la distribution du gaz ou de l'électricité. Ce n'est pas juste, monsieur le ministre ! Il y a une France à plusieurs vitesses en ce qui concerne le droit de grève dans les services publics. Il est donc temps de clarifier cette question. Les services publics appartiennent à tous. Aussi est-il nécessaire de donner aux Français des assurances quant à la continuité de ces services.
    C'est un service garanti, plutôt qu'un service minimum - et je remercie M. Kossowski de l'avoir précisé -, que nous voudrions réussir à organiser. Cette distinction a une grande portée pratique car le service minimum existe déjà et n'apporte aucune satisfaction aux usagers. Certes, les jours de grève, le trafic n'est que rarement complètement bloqué et quelques moyens de transport continuent à fonctionner, mais ce service minimum ne sert pas à grand-chose : il est sans aucune prévisibilité pour l'usager, dans la mesure où il ne permet pas de prévoir un temps de transport raisonnable pour un trajet donné. Il est donc dommageable pour l'usager.
    Cette insuffisance du service minimum semble faire l'objet d'un consensus. Personne ne s'y trompe. Cette solution, très complexe à mettre en oeuvre techniquement, n'est qu'un pis-aller.
    Il convient donc de s'orienter vers un service garanti qui prévoie l'obligation de maintenir un trafic normal aux heures de pointe, pour reporter l'arrêt du travail aux heures les moins chargées de la journée. Nos collègues M. Jacques Kossowski et M. Christian Blanc ont fait des propositions très précises : discutons-en.
    Un service garanti étendu à tous les services de transports publics et au fret ferroviaire est indispensable. Ce service garanti doit concerner tous les réseaux et ne pas se limiter à la RATP et à la SNCF, qui ne sont pas les seuls à offrir des prestations de transports publics. Il semble dès lors indispensable d'inclure dans le dispositif les services de transport collectifs de province.
    De même, il serait opportun de prévoir un dispositif similaire pour le transport des marchandises par chemin de fer, car ce mode de transport a trop souffert par le passé - et souffre encore aujourd'hui - de manque de régularité. La fluidité du trafic fret a une répercussion sur le trafic voyageurs et il n'est pas souhaitable que deux types d'organisation sociale existent à la SNCF. Du trafic fret dépendent aussi des pans entiers de notre économie. Il est aussi important que le trafic voyageurs, d'où la nécessité de faire évoluer la façon dont les responsables abordent le problème.
    A cet égard, je salue le travail mené aujourd'hui par la SNCF pour réorganiser sa branche fret et définir les modalités d'un service garanti pour les marchandises en assurant à quelques trains dits « vitaux » une priorité absolue et une parfaite traçabilité de façon à rassurer les chargeurs sur la régularité de ce trafic prioritaire. C'est un début. Félicitons-nous de ce changement culturel de l'entreprise, qui ne considère plus que le seul trafic noble est celui des voyageurs !
    Comment parvenir à définir un service garanti qui tienne compte des spécificités de chaque mode de transport ?
    Certaines entreprises ont cherché à définir leur propre système. C'est le cas de la RATP, qui, dès 1992, a mis en place une mission permanente de conciliation. La première tentative fut un semi-échec et prit fin avec les grandes grèves de 1995. Il fallut ensuite mettre en oeuvre un véritable changement culturel pour ne plus considérer la grève comme un outil banal de pression mais comme l'ultime recours lorsque les procédures de négociation sociale périodique ont échoué.
    Cette démarche s'est traduite par la signature d'un accord en 1996, mon collègue Dubernard l'a rappelé. Ce premier accord, qui a réellement fait baisser la conflictualité, a été complété, en 2001, par un accord, qui, lui, a achevé la décentralisation du droit syndical. C'est un nouveau progrès.
    Quelques chiffres permettent de mesurer les effets positifs de cet accord : le nombre de jours de grève par an est passé de un jour par agent à la fin des années 1990 à 0,25 jour en 2002. Les alarmes sociales se soldent dans 60 % des cas par un constat d'accord.
    Dans le même temps, la négociation collective s'est constamment développée et a abouti à de nombreux accords. Tout cela est positif, il faut en être conscient. Après une telle avancée constructive, l'état d'esprit des partenaires doit permettre d'aller plus loin.
    Ce petit historique des relations sociales à la RATP met en lumière le long travail qu'a supposé la réussite de cette démarche, qui a profondément transformé, dans un sens positif, la culture interne de la RATP.
    Trouver des modalités pour un service garanti exige une profonde mutation des entreprises de transport, encore fortement marquées par la culture de classes et par un mode de management très hiérarchique et très centralisé.
    De plus, le service garanti n'est qu'un élément du dialogue social qui doit se traduire par des efforts de démocratisation dans la vie de l'entreprise. Sans cette mobilisation de l'ensemble du personnel, il sera impossible de revoir les modes d'organisation ou de parvenir à une organisation plus flexible pour s'adapter aux demandes de la clientèle et des usagers.
    Le système mis en place par la SNCF est plus fragile, car il n'a pas été approuvé par les organisations syndicales majoritaires, mais la dynamique de négociation est lancée. Toutefois, le dispositif est plus proche du service garanti, puisqu'il permet d'élaborer, en concertation avec les organisations syndicales, un plan de transports adapté selon le degré de mobilisation du personnel gréviste. Cet accord s'est accompagné d'une réflexion sur les moyens de mieux responsabiliser les chefs des unités opérationnelles. Mais ce changement n'est pas suffisant. Il suffit de se rappeler les grèves de 2001 et de 2002 qui ont contribué à affaiblir l'entreprise, dans un contexte d'ouverture vers l'Europe.
    Ces quelques exemples montrent que le service garanti ne sera pas aisé à mettre en oeuvre et que seules des négociations d'entreprise peuvent permettre de définir précisément les modalités d'un service garanti afin de concilier, comme nous le voulons, le service public et le droit de grève.
    Il semble donc préférable de laisser aux partenaires sociaux le temps de la négociation, avec peut-être l'aide d'une commission d'experts - pourquoi pas, monsieur le ministre, c'est une bonne idée -, afin de régler le problème dans les mois qui viennent.
    Le Gouvernement, par les moyens qui lui appartiennent, y compris la loi si cela est nécessaire, pourrait fixer une date butoir pour aboutir à des projets d'accord, afin d'éviter toute tentation d'enlisement, les partenaires ayant conscience que, faute d'accord, une loi devra intervenir.
    Je vous fais confiance, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat. Je crois que la stratégie que vous proposez est le bon moyen d'aborder le sujet. Nous souhaitons donc que le dialogue prenne le pas sur la contrainte. Seule une décision librement acceptée pourra résoudre ce problème, j'en suis conscient.
    Cette volonté d'encadrer les arrêts de travail collectifs ne doit pas être perçue comme une menace sur le droit de grève ou comme une tentative de contrôler la liberté de faire grève. Il s'agit surtout de permettre aux parties prenantes de comprendre la nécessité d'améliorer les modalités d'organisation du service public, en évitant de léser les usagers qui sont les premières victimes de perturbations inopinées dans les transports publics.
    Le service garanti doit être l'occasion de renforcer le dialogue social et de définir de nouvelles procédures pour éviter que des accords signés par des organisations syndicales minoritaires soient applicables.
    Le service garanti doit être l'occasion de renforcer le dialogue social et de définir de nouvelles procédures afin d'éviter que des accords signés par des organisations syndicales minoritaires ne soient applicables.
    Le service garanti suppose un large consensus, il doit être l'occasion de démocratiser les mécanismes de la négociation sociale en soumettant les accords - pourquoi pas - à un vote référendaire dans l'entreprise.
    Que ce soit aussi pour le Gouvernement, monsieur le ministre, le moment de fixer le cadre des concertations et le calendrier de ce dialogue social, moderne et transparent. Notre détermination est totale. Le rendez-vous doit être pris et si le dialogue ne parvient pas à régler le problème, alors, la loi s'imposera.
    La représentation nationale veut montrer sa volonté de participer, grâce à ce débat, à l'évolution majeure des relations sociales dans notre pays, d'une manière responsable, fondée sur plus de confiance pour éviter plus de contrainte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Très bien !
    M. Christian Blanc. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à la veille de la loi de juillet 1963 sur le droit de grève dans les services publics, Jacques Fauvet relevait, le 29 juin 1963, à la une du Monde que « la question du droit de grève dans les services publics est habituellement posée quand le travail cesse et non moins régulièrement quand il reprend. Facile à énoncer, elle est certes beaucoup plus difficile à résoudre ».
    Je n'aurai pas l'ambition de trancher aujourd'hui une question aussi complexe que celle de la conciliation entre principe de continuité du service public et respect du droit de grève ou, comme l'écrivait Pierre Delvolvé, dans son article fondateur de la Revue française de droit administratif à propos du service public des transports, entre liberté d'aller et venir et droit de grève.
    Plutôt que de se perdre dans des blandices de discours hésitant entre dogmatisme sans chair et pragmatisme sans morale, qui caractérisent si souvent les prises de position concernant le service garanti, je souhaiterais - c'est mon rôle de président de la commission des lois - rappeler quelques points de droit.
    Le principe de continuité du service public a été élevé au rang de principe fondamental par le Conseil d'Etat en 1980. Pour reprendre la définition donnée par ce dernier, le principe de continuité implique que tout service public doit fonctionner de façon régulière, sans interruptions autres que celles prévues par la règlementation et en permanence s'agissant des services essentiels pour la vie sociale - services de sécurité et de santé, énergie, eau, certains types de transport.
    Ce principe avait été reconnu comme principe à valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel l'année précédente. Si ce principe est battu en brèche par la possibilité reconnue à l'administration ou, plus généralement, aux gestionnaires des services publics de décider, lorsqu'ils le jugent nécessaire, de supprimer celles des prestations dont le caractère obligatoire n'a pas été reconnu par la loi, il l'est surtout par le droit de grève.
    Trois phases peuvent être distinguées de manière schématique dans l'histoire de l'avènement de ce droit dans les services publics. Dans une première phase, la grève est, comme pour les salariés du secteur privé, une infraction pénale ; dans une deuxième phase, elle reste pour l'administration et le juge un « acte illicite ». Puis-je vous rappeler qu'en 1894 Jean Jaurès, Jules Guesde et Marcel Sembat proposèrent un texte tentant de règlementer le droit de grève dans les services publics - il n'y avait à l'époque aucun droit sur la question : « Ce sera la volonté régulière et pacifique du nombre remplaçant l'usage ou l'abus anarchique de la force individuelle ; ce sera l'état social succédant à l'état de nature. » Dans une troisième phase, elle devient un droit constitutionnellement reconnu.
    Le Conseil d'Etat, dans sa célèbre décision Dehaene du 7 juillet 1950, reconnaît le droit de grève aux agents publics, n'imposant ce droit qu'à l'administration et reconnaissant aux chefs de service la possibilité de requérir la présence de certains agents à leur poste.
    Restait une question : le législateur pouvait-il déroger au droit de grève ? Le Conseil constitutionnel a répondu que non. Dans sa décision de 1979, il consacre pour la première fois, la valeur constitutionnelle du droit de grève, tout en relevant son caractère relatif. Le législateur ne peut ainsi prévoir la suppression du droit de grève pour aucune catégorie de salariés, du secteur privé comme du secteur public.
    Enfin, en se fondant sur l'alinéa 7 du Préambule de 1946 - le premier acte constitutionnel qui reconnaît le droit de grève en France -, la Cour de cassation, compétente pour juger in fine des contrats de travail qui lient salariés et employeurs des services publics industriels et commerciaux, a affirmé, dès 1951, que l'exercice du droit de grève ne rompait pas le contrat de travail, mais ne faisait que le suspendre.
    Entre ces deux principes, des efforts de conciliation ont été faits.
    Les efforts accomplis pour assurer la conciliation entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l'intérêt général, auquel la grève peut porter atteinte, ont été permanents. L'objectif de conciliation a été posé par le Conseil d'Etat en 1950, dans la décision Dehaene, si importante en ce domaine et dont mon lointain et illustre prédécesseur, René Capitant, disait qu'elle était audacieuse, mais légitime et nécessaire. Le commissaire du gouvernement Gazier relevait à ce propos qu'« admettre sans restriction la grève des fonctionnaires, ce serait ouvrir des parenthèses dans la vie constitutionnelle et... consacrer officiellement la notion d'un Etat à éclipses ».
    Le Conseil constitutionnel a rapplé cette indispensable conciliation dans nombre de ses décisions. Je citerai la décision du 25 juillet 1979, celle du 22 juillet 1980, celle des 19 et 29 janvier 1981 sur la loi « Sécurité et liberté » ou encore celles du 18 septembre 1986 sur la liberté de communication et du 18 juillet 1987 relative aux retenues pécuniaires consécutives aux grèves de courte durée, qui censure le principe d'une retenue plus que proportionnelle à la durée des grèves inférieures à une journée dans le cas des services publics autres que l'Etat.
    Le législateur est, lui aussi, intervenu à plusieurs reprises, affirmant le caractère relatif du droit de grève. Je rappelle que l'interdiction du droit de grève date pour les CRS de 1947, pour les personnels de la police nationale de 1948, pour les personnels pénitentiaires et les magistrats de 1958, pour les personnels de transmission du ministère de l'intérieur de 1968, et pour les militaires de 1972. Tout cela est relativement récent. Le service minimum est prévu pour les personnels de la radio-télévision depuis 1979, et pour les personnels de la navigation aérienne depuis 1985. De manière plus générale, la loi de 1963 institue l'interdiction des grèves tournantes et un préavis obligatoire dans les services publics.
    Toutes les tentatives de conciliation ont échoué. Certes, quelques entreprises publiques ont, depuis ces lois, mis au point des mécanismes innovants. Il suffit d'évoquer le système de l'« alarme sociale », mis en place en 1996, sous le président Christian Blanc, à la RATP. Mais, au-delà de ces quelques initiatives, la législation générale requise par le Préambule de la Constitution de 1946 n'a pas été édictée. Le Conseil d'Etat l'a d'ailleurs regretté dans son rapport de 1994. Autrement dit, il nous pousse à légiférer.
    Et la jurisprudence n'a guère pallié ce manque. En effet, elle a porté moins sur des sujets qui intéressent directement les citoyens - comme le service garanti ou l'exécution de la mission par d'autres que les salariés en grève - que sur des aspects plus techniques, tels le caractère raisonnable des motifs de grève, les retenues pécuniaires ou la question des sanctions disciplinaires. Tout juste a-t-elle précisé qu'en l'absence de loi, le pouvoir réglementaire pouvait intervenir à titre subsidiaire. C'est ce qu'a indiqué le Conseil d'Etat dans sa décision de 1984 Fédération nationale des PTT-CGT.
    Dans sa tentative de conciliation, la jurisprudence est même quelquefois allée un peu loin : il suffit pour s'en convaincre de rappeler la décision de la chambre sociale de la Cour de cassation du 3 février 1998, revenant sur une interprétation constante des juges du fond, et faisant une application sans doute trop littérale de la loi de 1963, dernière législation connue à ce jour sur le droit de grève. En effet, la Cour de cassation est allée jusqu'à imposer une durée minimale à une grève, interdisant les préavis qui ne prévoyaient qu'une heure de grève.
    L'échec des efforts de conciliation s'explique aisément. Lorsque l'autorité constituante, en l'occurrence le constituant de 1946, est volontairement équivoque, le pouvoir législatif systématiquement défaillant - la loi de 1963 est loin d'avoir tout réglé -, et l'autorité gouvernementale perpétuellement hésitante, ce n'est pas le juge qui peut, seul, redresser la situation.
    Une solution existe pourtant : la promotion du principe d'adaptation à laquelle je crois utile de faire appel, et que certains se plaisent à appeler « mutatibilité » ou « adaptabilité ». Cet autre principe fondamental de notre service public n'a jamais fait l'objet de jurisprudences particulières. Ce qui apparaissait comme avant-gardiste aux grandes heures de l'école du service public s'avère aujourd'hui consubstantiel à nos modes de vie. C'est par son truchement que nous arriverons à concilier ces deux impératifs que constituent la continuité du service public et le respect de l'expression des droits des salariés et agents publics.
    Dans le contexte européen, le service public ne peut perdurer dans sa spécificité qu'en s'adaptant aux évolutions technologiques et à la demande sociale. Si le contenu de l'intérêt général change et implique que les utilisateurs des transports, par exemple, ne pâtissent pas d'une grève - personne ne niera dans cet hémicycle que cette demande est de plus en plus forte -, alors le service public doit s'adapter. Cette exigence d'adaptation sous le signe de l'efficacité fixe une limite à l'exigence de continuité qu'elle contribue à satisfaire.
    Si nous sommes amenés à légiférer sur la question du service garanti, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat - le Préambule de la Constitution rappelle à cet égard que la matière est éminemment législative -, il faut être prudent et ne pas imposer à tous les services publics un carcan qui ferait fi de ce principe d'adaptation. Dans le même temps, il conviendrait de réfléchir à l'assouplissement des conditions de mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat ou de la collectivité concernée par un mouvement de grève à raison des dommages causés.
    Tels sont les quelques points de droit que je souhaitais rappeler. En conclusion, pour éviter de tomber de Charybde en Scylla et s'écarter à la fois des « gréviculteurs » - pour reprendre un mot populaire cité par le président de la commission des affaires sociales dont l'origine remonte à une pièce de théâtre de Jean Drault jouée en 1902 au Grand Guignol - qui sont déjà stigmatisés -  et des thuriféraires de l'interdiction absolue du droit de grève, il convient de trouver, s'agissant du service public auquel nous sommes tous attachés, une juste mesure entre dogmatismes et pragmatismes de toutes espèces, les uns s'abritant, le cas échéant, derrière les autres. (Applaudissements sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jacques Blanc. Très bien !
    M. le président. Nous en arrivons aux orateurs inscrits. La parole est à Mme Odile Saugues.
    Mme Odile Saugues. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la droite française semble souffrir de manière endémique d'un étrange prurit appelé service minimum c'est en effet la quinzième proposition de loi déposée sur ce thème depuis 1992, quitte à opposer deux droits majeurs...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Non : concilier !
    Mme Odile Saugues. ... et ce faisant, les Français eux-mêmes.
    D'un côté, il y aurait ceux qui, profitant d'un statut qui fait d'eux des privilégiés, utiliseraient de façon erratique le droit de grève, sans subir pour autant de contrepartie pénalisante, ni en termes de salaire, ni en termes de carrière ; et de l'autre, une partie de la population confrontée à des difficultés insurmontables dues à des arrêts de travail répétés dans le secteur public. Il faut noter que, les Français, lorsqu'ils s'expriment - et je dirai au passage, que dans les sondages, 73 % sont pour le dialogue social et seulement 24 % pour la loi - mettent dans un pot commun tous les dysfonctionnements auxquels ils sont confrontés : retards, problèmes liés à la qualité du matériel, interruption momentanée de service, s'agissant plus particulièrement des transports publics. Nous n'avons pas le droit d'accepter cette caricature, par ailleurs dangereuse pour la démocratie. Nous ne pouvons pas non plus accepter que la grève soit l'unique moyen de règlement de tous les conflits.
    Le dépôt d'un préavis de grève est un constat d'échec dans le fonctionnement du dialogue social, dont il marque le plus souvent l'absence. Mais j'insisterai sur le fait que c'est un échec grave car, si la grève induit d'importantes perturbations dans le fonctionnement des entreprises, ses effets se prolongent bien après la reprise du travail. Elle « pourrit » le climat à l'intérieur même des services et perturbe les relations sociales au-delà de sa durée effective. Je le dis pour l'avoir vécu : après un conflit dur, où chacun a donné beaucoup de lui-même en terme de salaire, d'équilibre familial, d'espoirs ou d'évolution de carrière, il n'est pas facile de reprendre sa place dans l'entreprise.
    Le droit de grève en France remonte à 1864 et il est affirmé dans le Préambule de la Constitution de 1946. C'est un principe constitutionnel, reconnu par la charte sociale européenne du 18 octobre 1961. C'est un droit individuel qui s'exerce collectivement. La continuité du service public, que l'on veut lui opposer, est un principe reconnu par le Conseil constitutionnel.
    Dans le débat qui nous occupe, que nous proposez-vous ? D'instaurer ce que d'aucuns appellent un « service minimum dans les services publics par l'intermédiaire d'une loi ». C'est, d'après François Chérèque, « la pire façon d'aborder la question » et d'après le rapport du sénateur Huriet, un « pis-aller ».
    Pour préparer les Français à cette modification importante de l'exercice du droit de grève, vous avez, monsieur de Robien, organisé un tour d'Europe : quelles sont les pratiques de nos voisins et quel niveau de « service minimum » y est-il appliqué, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit ? Chaque pays visité, chaque culture a en effet une expression différente de la nôtre. Il semble que l'exercice ait soulevé l'enthousiasme de certains élus de votre bord.
    La tradition a conditionné la mise en oeuvre du dialogue social dans chacun des pays interrogés. Or aucune ne correspond à nos modes de fonctionnement.
    La culture française des services publics a fait de ceux-ci des outils de qualité, au service de tous, la sécurité restant le maître-mot. On en a constamment la preuve, notamment dans les transports. Et cette exigence de sécurité de l'usager fait - tous les professionnels le savent - que l'on ne peut assurer le service minimum que certains d'entre vous vous brûlent d'envie de définir et d'encadrer.
    Point n'est besoin d'avoir vu le film de Ken Loach. La lecture de la presse suffit pour comprendre le naufrage du service des chemins de fer britanniques et se rendre compte que la population anglaise aurait sûrement préféré quelques journées sans trains - indispensables à l'affirmation de revendications fortes - et bénéficier aujourd'hui d'un transport, dont la qualité, la sécurité et le coût pour l'usager seraient comparables à ce que nous avons en France au lieu d'un service inadapté, obsolète et dangereux.
    M. Jacques Desallangre. Très bien !
    Mme Odile Saugues. Cessez donc de vouloir prendre chez nos voisins européens ce qui vous arrange politiquement, en essayant de le plaquer sur notre culture et notre droit du travail.
    Les Français, les salariés, les syndicalistes attendent de vous de vraies réponses en termes d'élaboration et de respect du dialogue social, indispensable à tout progrès. Ils sont adultes et ils sont capables, quand les négociations sont menées de façon respectueuse des intérêts du plus grand nombre, de travailler de façon collective.
    Il suffit, pour s'en convaincre, de citer le système dit « d'alarme sociale » en vigueur à la RATP depuis 1996 et renouvelé en 2001 avec - ce qui est exemplaire - l'adhésion de toutes les organisations syndicales. Ce système a permis de diviser par cinq le nombre de jours de grève par salarié dans ce service public du transport en Ile-de-France.
    Plutôt que de vouloir imposer par la loi un service minimum qui ne résoudra rien, posez-vous honnêtement la question de savoir pourquoi la fonction publique, qui représente environ un quart de la population active en France, est à l'origine de la majorité des conflits ? 64 % et 61 % des jours de grève en 1995 et 1996. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Robert Lecou. C'est en effet significatif.
    Mme Odile Saugues. C'est en faisant évoluer les rapports sociaux dans l'entreprise - et l'échec du système de l'alarme social à la SNCF, trop hiérarchisé dans son organisation, l'a bien démontré - que nous devons trouver une solution durable.
    Une approche simpliste ne conduirait qu'à restreindre le droit de grève des agents : la contrainte ne saurait en aucun cas se substituer à la négociation.
    Ce service minimum obligerait en outre à choisir entre des horaires et des destinations, donc entre des citoyens et leurs contraintes. L'usage prouve que ce choix ne bénéficie pas toujours aux citoyens les plus modestes, qui sont habituellement mis en avant dans les sondages. Il n'est qu'à voir la SNCF qui préfère faire circuler certains TGV alors que les Franciliens attendent des TER.
    Certes, il faut d'abord passer par le dialogue social. Mais ce terme reste une incantation pour ce gouvernement : les 35 heures, rendues inopérantes par un simple décret ; le revenu minimum d'activité, passé en force malgré les oppositions soulevées dans votre propre majorité ; la disparition, à la sauvette, du principe de faveur ; la suppression d'un jour férié, le lundi de Pentecôte, précisément au détriment de la fonction publique, par un coup de menton du Premier ministre - ce qu'Alain Madelin a lui-même qualifié de « rétablissement de la corvée ». Excusez du peu !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Allons, allons !
    Mme Odile Saugues. Tout nous laisse craindre un « détricotage » rapide des droits chèrement acquis par des générations de salariés et qui doivent constituer, pour l'Europe que nous voulons construire, non pas un obstacle à lever, mais un but à atteindre. L'Europe doit tirer vers le haut les droits des salariés, et non supprimer les acquis de plus d'un siècle de luttes.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Et le droit des usagers ?
    M. Eric Woerth. Y pensez-vous ?
    Mme Odile Saugues. Dialogue social, dites-vous ? Non, monsieur le ministre. Lors des grèves de ce printemps, à l'occasion du débat sur les retraites, le Gouvernement n'a eu de cesse d'opposer les salariés de la fonction publique à ceux du privé. Lors du débat sur le RMA, ce même gouvernement a eu l'impudeur d'opposer les « salariés pauvres » aux « pauvres sans salaire ».
    Le climat que vous entretenez est malsain pour les Français. L'honnêteté nous fait obligation de préciser que le black-out ne fut total qu'en 1995. Il faut dire que le gouvernement d'alors, droit dans ses bottes, avait fait tout ce qu'il fallait pour que les cheminots tombent le sac - selon l'expression consacrée - et que tous les salariés soient dans la rue.
    Cette continuité du service public, que vous appelez de tous vos voeux, est pourtant mise à mal par la suppression de certaines lignes SNCF, de bureaux de poste en zone rurale, de lignes aériennes, et ce au nom de la rentabilité et du libéralisme. (Exclamations sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Eric Woerth. Cela n'a rien à voir !
    Mme Odile Saugues. C'est vous qui le dites.
    M. Jacques Desallangre. Où est l'intérêt de l'usager là-dedans ?
    M. Alain Bocquet. Ça ne les intéresse pas !
    Mme Odile Saugues. Dois-je rajouter à cette liste la suppression du financement des transports urbains, services publics, services au public par excellence ? Cette suppression touche les plus modestes, dans toutes les régions de France, laissant les maires brutalement démunis. Que deviennnent les promesses du Président de la République sur la priorité accordée au respect de l'environnement ?
    De la parole aux actes, les Français seront juges. C'est bien ce que redoute le Gouvernement. Monsieur le ministre, ne cédez pas à la tentation de l'électoralisme ! (Exclamation sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    La proximité de l'échéance des élections régionales a poussé certains, en Ile-de-France plus précisément, à faire des promesses que vous croyez devoir tenir dans la précipitation : il faut sauver le soldat Copé ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    La situation de l'emploi, l'éclatement des collectifs de travail, la précarisation, les délocalisations, l'individualisation pèsent sur les salariés et leur capacité à agir collectivement par la grève.
    Le droit de grève est si peu utilisé dans ces périodes où faire travailler les salariés sous la pression et dans l'incertitude du lendemain est devenu une culture qui s'affiche. Le service public représente le seul lieu où ce droit peut encore s'exprimer, les salariés du secteur privé étant, de fait, interdits du droit de grève par la situation précaire et angoissante qui leur est faite.
    Chacun d'entre nous doit avoir à l'esprit que le jour où les salariés de la fonction publique ne pourront plus faire grève de façon efficace - et, reconnaissons-le, forcément contraignante pour les citoyens -, nous pourrons légitimement craindre de voir ce droit tomber en désuétude, dans un monde du travail déstructuré, en un mot libéral. Soyez persuadés que nous, socialistes, nous ne l'accepterons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Eric Woerth. Quel misérabilisme !
    M. le président. La parole est à M. Christian Blanc.
    M. Christian Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis quinze ans, 80 % des Français se prononcent dans les sondages pour la continuité du service public dans les transports publics. Comment la représentation nationale peut-elle, depuis si longtemps, ignorer la volonté des Français ? Car c'est le Parlement, et lui seul, qui a la compétence constitutionnelle pour rendre compatibles les deux principes constitutionnels que sont la continuité du service public et l'exercice du droit de grève.
    Après le président Clément, je rappellerai ce préambule de la Constitution : « Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. » Seul le législateur est habilité à opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève est un moyen et la sauvegarde de l'intérêt général auquel la grève peut porter atteinte.
    Notre incapacité à répondre à l'attente des Français tient en un mot, la crainte : celle des gouvernements et des majorités successives face à des syndicats catégoriels, à des corporatismes ayant la capacité de paralyser la vie du pays.
    Peut-on rappeler une évidence que l'on feint d'oublier ? Les services publics ne sont pas la propriété de leurs salariés : les services publics appartiennent à la nation.
    Ces raisons font que nous avons déposé, à l'automne, une proposition de loi, aujourd'hui cosignée par 160 d'entre nous. Je ne la détaillerai pas, puisque je l'ai adressée à chacun, qu'il soit dans la majorité ou dans l'opposition.
    L'objet de cette proposition de loi est d'assurer la continuité du service public des transports de voyageurs en conciliant le droit de grève et les autres principes constitutionnels. Elle ne concerne que les transports réguliers de voyageurs. Une garantie de service public pour les transports urbains est instaurée : trois heures en début de matinée et trois heures en fin de journée. Le droit de grève peut s'exprimer pleinement sur les deux tiers de l'activité quotidienne.
    Je voudrais faire remarquer que si, à un moment donné, 100 % des salariés, ou même 60 % d'entre eux, font grève entre midi et trois heures du matin, il serait malvenu pour un dirigeant d'entreprise de penser qu'il n'y a pas de problèmes. Et il ne serait pas dans sa fonction de ne pas comprendre, comme dans toute entreprise, qu'il peut y avoir des problèmes de salaire, des problèmes sociaux, ou des problèmes d'organisation du travail. Que penser, en revanche, d'une entreprise paralysée par 4 à 5 % de ses salariés ? Une telle hypothèse ne me paraît pas illustrer de façon plus démocratique l'exercice du droit de grève. C'est un point sur lequel il nous faudra insister pour sortir de l'impasse dans laquelle on essaie de nous acculer, à savoir qu'il y aurait une contradiction entre la continuité du service public et l'exercice du droit de grève.
    S'agissant des liaisons interrégionales, nous avons préféré la notion de trajet à celle de plage horaire, afin de garantir un minimum de dessertes avec les métropoles de province et d'outre-mer.
    En France, le service public n'est pas seulement un concept juridique, une administration de services ou une idée. C'est une véritable conception du lien social. Il exprime la responsabilité de tous envers chacun, et de chacun envers la nation. Le modèle français de service public correspond à une aspiration pour que les activités qui se trouvent au coeur de la solidarité nationale soient effectivement au service du public. Il n'est plus possible de qualifier de service public une activité simplement parce qu'elle est exercée par un organisme public, mais bien parce qu'elle remplit une activité d'intérêt général et défend un véritable service collectif.
    Instaurer un service garanti dans les transports de voyageurs en cas de grève, c'est assurer la pérennité du service public. Ce point est souvent oublié, en particulier par nos collègues de gauche. L'absence de continuité entraîne une désaffection croissante des Français. Cette mise en cause affaiblit lentement, mais sûrement, la légitimité du service public.
    M. Jacques Desallangre. La remise en cause du service public, vous êtes le mieux placé pour en parler !
    M. Christian Blanc. Nous devons réaffirmer les valeurs qui y sont liées, comme la solidarité entre les Français et les différentes parties du territoire. Elles sont à la base de la cohésion sociale de notre pays et du pacte républicain qui la fonde.
    M. Jacques Desallangre. Bien sûr !
    M. Christian Blanc. Je le rappelle : dans tous les pays européens, ce sont les forces de gauche - partis politiques et syndicats - qui ont réglé la question de l'articulation entre ces deux principes que sont la continuité du service et l'exercice du droit de grève.
    Je souhaiterais que partout, y compris à gauche, on réfléchisse bien sur les responsabilités que nous sommes ou non prêts à prendre face à la situation à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui. Nous devons tous nous sentir responsables.
    Pourquoi cette proposition de loi ? Parce que l'exaspération des citoyens est grande et que cette question a valeur de symbole. La société française est en combustion lente et la totalité de la classe politique perd de plus en plus sa légitimité. Nous pouvons adresser un signal fort à nos concitoyens qui demandent de l'engagement et du courage dans la mise en oeuvre de règles de droit de nature à faciliter la vie quotidienne, ainsi que des résultats concrets et immédiats.
    J'entends dire, ici et là, et ce matin encore, qu'il faut donner la priorité au dialogue social. Je ne comprends pas le sens d'un propos aussi vague et aussi confortable.
    Je suis un homme de dialogue : je l'ai été en Nouvelle-Calédonie, à la RATP et à Air France. La proposition de loi que nous déposons prévoit, après la promulgation de la loi, six mois de concertation ou de négiociation, entreprise par entreprise, sur les modalités d'application de la loi et sur ses conséquences diverses sur l'organisation du travail. Mais le dialogue social n'est possible que si chacun agit dans le cadre de ses compétences et dans le respect des prérogatives de l'autre.
    On ne peut pas demander à un syndicat de représenter plus que les salariés qui lui ont donné mandat. On ne peut pas lui demander d'être le représentant des Français ni de prendre des décisions qui incombent à d'autres. Chacun doit assumer ses responsabilités propres.
    Quand j'ai rejoint Air France, en 1993, alors que la compagnie était en situation de dépôt de bilan, pouvais-je demander aux syndicats de passer un accord portant sur 6 000 suppressions de postes, le gel de salaires pour quatre ans, le passage de trente-huit à trente-neuf heures du temps de travail hebdomadaire ? Evidemment non ! C'était « imbuvable » et cela ne pouvait être accepté en l'état. J'ai dû faire appel à tous les salariés par référendum pour présenter un plan drastique, qui conditionnait la vie de l'entreprise, son redémarrage, et ce plan fut approuvé par 83 % des salariés. Alors, et alors seulement, il fut possible de contractualiser entre la direction et les syndicats sur un très grand nombre de questions.
    M. Jacques Desallangre. C'est le chevalier Blanc !
    M. Christian Blanc. Imaginons un instant que mon actionnaire d'alors, l'Etat, m'ait donné pour instruction de trouver un accord avec les partenaires sociaux, au nom du dialogue social, sur la stratégie de l'entreprise. Eh bien, si nous avions dû rechercher un compromis avec les solutions proposées alors par les syndicats, on parlerait aujourd'hui d'Air France comme d'un glorieux souvenir !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Très juste !
    M. Christian Blanc. Dix ans plus tard, Air France est une des meilleures entreprises mondiales, pour la fierté de ses salariés et de leurs syndicats.
    Chers collègues, j'y insiste pour ce débat mais aussi pour la suite : en ce qui concerne les services publics, la compétence de l'Etat ne se négocie pas.
    Alors y a-t-il un risque social à légiférer ? Probablement oui. Mais, à mes yeux, le risque politique principal est aujourd'hui dans l'extrême prudence. Dans la conduite sur verglas, il est plus dangereux de freiner que d'accélérer.
    Mme Odile Saugues. Sauf si l'on sort de la route !
    M. Christian Blanc. Qui peut croire qu'une négociation conclue avec des organisations catégorielles et des syndicats sur des procédures de prévention des conflits apportera une garantie de continuité aux voyageurs des transports publics, si tant est qu'une telle négociation puisse aboutir lorsqu'il faudra définir les sanctions à appliquer en cas de non-respect des procédures d'alerte ? Rien ne serait pire que de donner à penser aux Français qu'il s'agit là d'une nouvelle habileté de la représentation nationale pour ne pas traiter au fond de la continuité du service public dans les transports, à laquelle ils sont très majoritairement attachés.
    Si, comme je le souhaite, le Parlement est appelé à délibérer sur un projet de loi portant à la fois sur la prévention des conflits et sur la continuité du service public, et cela avant le mois de mars 2004, les organisations politiques et les organisations syndicales seront confrontées à un vrai choix sur la modernisation du service public et sa pérennité. Les Français, par leur vote à l'occasion des élections régionales, pourront juger des positions de chacun et éventuellement conclure le débat en cas de crise sociale.
    Chers collègues, il faut savoir qui dirige le pays. Le peuple, que nous représentons tous, ou les intérêts catégoriels ? Il faut savoir s'il est possible de moderniser la France et son Etat. L'impossibilité d'effectuer rapidement des réformes profondes conduirait, je le crains, à une crise de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'Assemblée nationale, à l'initiative de l'UMP, débat aujourd'hui de la conciliation entre la continuité du service public des transports et le droit de grève. Sous ces termes juridiques se cache une atteinte au droit de grève par l'instauration d'un service dit « minimum », alors que la droite est incapable d'assurer le minimum de service public en raison d'abandons successifs.
    C'est un projet auquel la droite est « accro ». Hier déjà, onze propositions de loi avaient été déposées à ce sujet. C'est du harcèlement législatif !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Oh !
    M. André Gerin. C'est aussi dans ce cadre que le rapport d'information de la délégation de l'Assemblée pour l'Union européenne dénonce l'exception française. Après la criminalisation de la misère avec la stigmatisation de l'immigration, il faut faire preuve d'autorité pour servir le bon peuple, tenter de mettre les salariés au pas, il faut criminaliser l'action syndicale.
    Aujourd'hui, la majorité de droite croit que le moment est venu de s'attaquer à un droit constitutionnel fondateur des libertés de la République, le droit de grève. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Odile Saugues. Mais si !
    M. André Gerin Il n'y a pas de temps à perdre. Avec l'atteinte au droit de grève, c'est l'architecture du droit du travail que la droite veut démanteler.
    Mme Odile Saugues. Détricoter !
    M. André Gerin. Les emplois stables sont en voie de disparition. Le monde du travail est menacé d'éclatement, d'atomisation, d'individualisation. La qualité des services publics et des transports, l'intérêt des usagers, c'est le cadet de vos soucis !
    M. Charles Cova. Quoi !
    M. André Gerin. En effet, il y a quelques semaines, le Gouvernement affichait sa volonté de supprimer les crédits d'Etat permettant le développement des transports en commun dans les régions,...
    M. Jacques Desallangre et Mme Odile Saugues. Eh oui !
    M. André Gerin. ... sans parler des coupes sombres dans les budgets sociaux, avec, insulte suprême, l'augmentation du budget de la défense et des crédits de l'arme nucléaire.
    M. Eric Woerth. Vous oubliez le MEDEF !
    M. Charles Cova. Et Mme Bettencourt !
    M. André Gerin. Dans leur vie quotidienne, les usagers sont confrontés à une très forte détérioration de la qualité des services publics, notamment dans les transports. Les déplacements du domicile au travail dans la région parisienne et dans les grandes agglomérations deviennent, à certianes heures, insupportables, invivables, inhumains, comme si le métro transportait des bestiaux ! Le fameux slogan des années soixante-dix est malheureusement toujours d'actualité : l'Etat ne vous transporte pas, il vous roule !
    Les investissements sont régulièrement amputés. De ce fait, de très nombreuses villes et quartiers sont abandonnés. Les centres villes ou les villes centres sont privilégiés au détriment des quartiers périphériques et des banlieues. Les familles les plus modestes sont domiciliées dans les villes les moins bien équipées. C'est la ségrégation, l'exclusion, l'apartheid social. Voilà la vérité !
    Dans certains territoires, des cars surchargés contraignent des usagers à des conditions de transport indignes. Des lignes de bus sont suspendues après vingt heures ou vingt et une heures le week-end. C'est la création de zones de non-droit où les missions régaliennes de la République on été insidieusement abandonnées. Comment osez-vous parler de « continuité » du service public » ou de « service garanti de transport », pour reprendre vos propres mots, devant un tissu de réseaux de transport tellement réduit que l'on peut, dans certains secteurs, parler de désert et d'une France que l'on organise à plusieurs vitesses. De qui se moque-t-on ? Tout laisse penser que les transports deviendront rapidement, dans ces territoires, ce qu'ils sont aux Etats-Unis ou en Angleterre : vétustes, peu commodes et mal entretenus. La suprématie de la voiture individuelle sera favorisée, avec ses conséquences sur la pollution. Le coût vertigineux du stationnement et la paralysie des villes en seront d'autres conséquences, tandis que des quartiers entiers, des villes, parfois même des départements seront carrément exclus du service public.
    Quand une partie de la droite « lepénisée » rêve d'interdire purement et simplement le droit de grève, vous organisez aujourd'hui cette détérioration. C'est la notion même de service public que vous ne supportez pas. Les services publics ont toujours été considérés comme une charge non profitable pour l'Etat et comme un secteur d'activité non rentable pour le capitalisme financier. Pour le grand patronat et ses représentants, la notion de service public est antinomique avec la financiarisation de l'économie et de la société tout entière.
    M. Jacques Desallangre. Tout à fait !
    M. André Gerin. Aucun secteur ne doit être épargné. Toute activité doit permettre la recherche du profit, y compris les transports. Les usagers doivent payer.
    M. Jacques Desallangre. Ce ne sont plus des usagers, mais des clients !
    M. André Gerin. C'est la sélection par l'argent. Le droit de grève est une entrave à la profitabilité.
    M. Eric Woerth. Et l'entrave à la liberté des usagers ?
    Mme Odile Saugues. Ce sont aussi des salariés, les usagers !
    M. Jacques Desallangre. Leur tour viendra !
    M. André Gerin. Aucun domaine n'est épargné. La régression sociale est organisée pour la ville, la santé, l'école, la justice, la solidarité, le logement, le travail ! Ce qui se passe aujourd'hui à l'hôpital est malheureusement éloquent.
    Mme Marie-Jo Zimmermann. La faute à qui ?
    M. André Gerin. Les services publics sont attaqués par de nombreuses instances, sur le plan national, mais aussi européen. La privatisation, la libéralisation, est une arme que vous utilisez contre le service public.
    M. Jacques Desallangre. Exactement !
    M. André Gerin. La semaine dernière, l'Assemblée nationale débattait de la privatisation de France Télécom, qui aurait atteint sa phase finale. La question de l'existence même du service public des télécoms se pose. Les activités relevant de cette notion ont disparu. Le dépeçage du service public s'accélère. La Poste, l'électricité, Gaz de France sont à leur tour sur le gril. La Commission européenne et le MEDEF l'exigent comme un préalable.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ah ! Le MEDEF !
    M. André Gerin. Vous vous êtes reconnus ? C'est bien ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jacques Desallangre. Et la continuité du service public ? On n'en parle plus ?
    M. le président. Poursuivez, monsieur Gerin !
    M. André Gerin. C'est une voie désastreuse ! Celle qu'a choisie la Grande-Bretagne, avec un réseau ferré de très mauvaise qualité, non pas à cause du droit de grève, très limité dans ce pays, mais à cause de la privatisation et de la libéralisation des transports.
    M. Christian Vanneste. Non ! A cause de l'absence d'investissements pendant des décennies ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. André Gerin. Est-ce cela votre modèle ?
    Mme Odile Saugues. C'est cela le libéralisme !
    M. André Gerin. Pour ce directoire des puissants qui organise, au niveau européen, la criminalisation de la misère et de l'immigration, le droit de grève devient une anomalie capitalistique. On veut, à présent, criminaliser le syndicalisme. Car le capital financier pourrit tout : l'économique, le social, le culturel. C'est ce que j'appelle aujourd'hui, en France, le pétainisme industriel (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), une pédagogie du renoncement.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Vous tombez dans la bêtise !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est ridicule !
    M. André Gerin. Si vous dites que c'est ridicule, je le confirme, car c'est que cela vous gêne ! Le renoncement, l'abandon de l'industrie de notre pays, c'est aujourd'hui la vérité ! Et cela va de pair avec votre logique politique.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Votre argumentation est nulle !
    M. André Gerin. Je suis sérieux et je persiste.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. On ne va pas se mettre à opposer les pétainistes et les staliniens !
    M. André Gerin. De toute façon, vous vous dérobez toujours !
    La grève est inscrite comme un droit fondamental dans la Constitution de 1958. Le Préambule de la Constitution de 1946, qui a valeur constitutionnelle au même titre que la Déclaration des droits de l'homme de 1789, dispose en effet que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Et cette réglementation existe déjà. La loi de 1963 a créé le préavis de cinq jours dans les services publics. Or, vous le savez, ce préavis n'est jamais utilisé par les directions pour négocier efficacement avec les syndicats.
    Mme Odile Saugues. Malheureusement !
    M. André Gerin. Faire grève, à vos yeux, est devenu suspect. Pourtant, le droit de grève a une telle valeur qu'au-delà même de sa portée constitutionnelle on juge souvent le caractère démocratique d'un pays à son existence et à ses limitations. C'est donc la démocratie même que vous allez blesser. En développant une politique sécuritaire et liberticide, ce gouvernement va plomber une liberté fondamentale. Limiter le droit de grève sous prétexte de la liberté de circulation serait un leurre. Ce serait une atteinte grave à la démocratie économique et sociale.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Et les usagers ? Et les Français ?
    M. André Gerin. C'est un discours tarte-à-la-crème, monsieur Ollier.
    Circulez ! Fini le dialogue social ! Le conflit du travail devient hors-la-loi ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Les Français sont hors-la-loi ?
    M. André Gerin. Vous allez remettre en cause la fonction publique, en particulier le statut des fonctionnaires, jadis acquis de haute lutte.
    La droite est unanime pour condamner le préjudice subi par les entreprises, mais elle ne montre pas du tout la même sollicitude pour les usagers qui subissent sa politique, une politique dure pour les modestes, généreuse pour les puissants. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Caricature !
    M. André Gerin. Vous prétendez, comme Le Pen, défendre les usagers. (Vives protestations sur les mêmes bancs.) En réalité, vous vous moquez du peuple. Pour vous, la grève n'a pas sa place dans cette société d'injustice sociale et de souffrance.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est faux !
    M. André Gerin. De nombreux gouvernements ou régimes ont tenté d'interdire la grève.
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Ce n'est pas du tout notre intention !
    M. Eric Woerth. Que faites-vous de l'intérêt général, monsieur Gerin ?
    M. André Gerin. Pour le gouvernement de la droite et du MEDEF, le droit de grève et les droits des salariés sont incompatibles avec la liberté de licencier, de délocaliser, de privatiser.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Votre discours est réactionnaire !
    M. André Gerin. Les atteintes au droit de grève, à la liberté de défendre les conditions de travail, sont indispensables pour la gestion libérale du capitalisme à la Thatcher.
    M. Jacques Desallangre. Bien sûr !
    M. André Gerin. Le service public et la qualité du service public sont de véritables enjeux. C'est un défi de société. Il faut développer le service public, il faut donner des droits nouveaux, des pouvoirs nouveaux aux fonctionnaires salariés, pour qu'ils soient acteurs et décideurs des stratégies d'entreprise. Aujourd'hui, ils en sont exclus. On ne touche pas au pouvoir sacré des dirigeants de la technostructure. On ne partage pas le pouvoir. Après le 21 avril,...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le parti communiste a fait 3 % à la présidentielle !
    M. André Gerin. ... la droite peut se croire tout permis, y compris de bouleverser les acquis de notre histoire.
    Monsieur le ministre, vous nous dites vouloir donner des réponses modérées, mais le Gouvernement s'attaque frontalement au droit du travail sur toute la ligne ! Aujourd'hui, avec cette atteinte au service public, c'est tout le monde du travail qui est agressé et humilié !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Mais non !
    M. André Gerin. Certains députés auront même droit, pour leurs propos, aux compliments de Jean-Marie Le Pen (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), car ils pensent qu'en reprenant des objectifs éculés de l'extrême droite, l'UMP va récupérer la mise.
    M. Jacques Kossowski. Vous ne nous aurez plus avec ça ! C'est fini !
    M. André Gerin. Ce sont des impératifs commerciaux, de compétitivité, de rivalité qui amènent le Gouvernement à défendre à tous crins le dogme du marché et à oublier les hommes. Il relègue au dernier rang la démocratie sociale et économique. L'entreprise capitaliste a cessé d'être l'espace stable d'une vie au travail. Comment pourriez-vous accepter, dans ces conditions, que le service public demeure un facteur de stabilité dans la société ?
    Le nouvel esprit du capitalisme est de produire de la valeur pour le bénéfice des actionnaires et des grands de la finance. Telles sont les injustices criantes que ressent notre peuple.
    La nature du contrat de travail a changé. Pour les salariés d'aujourd'hui, il ne s'agit même plus d'échanger la docilité au travail contre la sécurité de l'emploi. Vous valorisez l'individualisme au détriment des accords et des droits collectifs.
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Pas du tout !
    M. André Gerin. Cela avantage les classes dominantes mais pénalise l'immense majorité des salariés qui sont condamnés à la recherche permanente d'emplois devenus généralement précaires.
    En cassant le collectif, vous cassez les solidarités. Surtout, vous ébranlez le rempart des services publics à la française pour tenter de mettre au pas les salariés, les employés, les ouvriers. Vous développez, avec cette menace contre le droit de grève, une logique de déshumanisation. Vous faites violence à des millions d'honnêtes gens (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) qui ont une haute idée de la France, du service public et de la République. Vous les montrez du doigt pour les culpabiliser et les humilier, parce que vous les méprisez.
    Votre logique politique va aggraver les inégalités sociales, augmenter la souffrance sociale. Ce gouvernement incarne la politique de l'indifférence, la politique de « l'insolidarité », en remettant en cause les valeurs des droits sociaux. Cette politique produit et généralise l'insécurité sociale.
    Toucher au droit de grève, ce serait engager une rupture historique qui aurait des conséquences sociales dramatiques et dangereuses. Aujourd'hui, on parle des transports ; demain, on parlera du droit de grève des usagers des transports.
    M. Jacques Desallangre. Eh oui ! Leur tour viendra !
    M. André Gerin. Nous sommes déterminés à faire front à cette révolution conservatrice, à mettre en échec ce projet néfaste pour les libertés et la République.
    Monsieur le ministre, votre volonté affichée de nous rassurer nous incite, au rebours de vos propos, à nous mobiliser davantage encore, car la tentative liberticide est là, à la droite de la droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.- Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Robert Lecou.
    M. Robert Lecou. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, remettons-nous, si vous le voulez bien, sur les rails de l'intérêt général et du service public.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. Robert Lecou. Vous comprendrez que mon intervention s'inspire très largement du rapport qui m'a été demandé par la délégation pour l'Union européenne en vue d'analyser la réglementation du droit de grève dans les services publics en Europe.
    M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Excellent rapport !
    M. Robert Lecou. Je tiens tout d'abord à remercier le président Barrot d'avoir favorisé ce débat parlementaire et M. Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne, de m'avoir confié une mission qui m'aura permis, je l'espère, d'apporter un éclairage utile à vos réflexions, dont je souhaite, si vous le voulez bien, monsieur le ministre, élargir le champ d'investigation au-delà des services publics de transport.
    Le droit de grève est gravé dans le marbre du Préambule de la Constitution de 1946. Il remonte à 1864, à l'époque du Second Empire. Le droit de grève est un important symbole de conquête sociale et de progrès démocratique. Nous y sommes très attachés.
    La continuité des services publics est un principe général du droit de la République française, reconnu par le Conseil constitutionnel. L'article 5 de la Constitution de 1958 dispose que le Président de la République « assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat ». Nous devons également y être attachés.
    Concilier droit de grève et continuité du service public, permettre ainsi la promotion du service public, tels sont les enjeux du débat.
    La mise en place d'un service minimum dans les services publics fait l'objet, depuis quelques années, d'une forte demande de l'opinion publique et des responsables politiques. Le projet n'en est pas moins controversé. Certains syndicats y sont opposés et d'autres personnes ou organisations suggèrent des solutions diverses, à l'image des multiples propositions de loi qui ont été déposées à ce sujet.
    De fait, cette question touche à au moins trois principes essentiels de valeur constitutionnelle : le droit de grève, la continuité des services publics, le principe de la protection de la santé et de la sécurité des personnes et des biens. On pourrait aussi évoquer le droit au travail ou la liberté d'aller et venir, qui sont également des principes constitutionnels.
    Il s'ensuit que si l'intérêt général impose de remédier à la multiplication des grèves qui se produisent depuis plusieurs années en France et à la paralysie des services qui les accompagne, cela ne peut se faire sans une concertation de l'ensemble des parties prenantes.
    Avant d'aborder le fond, je souhaiterais formuler deux remarques d'ordre général.
    La première est que la grève est un constat d'échec : échec du dialogue social, mais aussi échec pour les syndicats, pour les employeurs et pour les usagers.
    Aussi le service garanti - et non minimum - doit-il être considéré non pas comme un remède miracle mais comme un moyen ultime d'assurer la continuité du service public lorsque le dialogue social a échoué. C'est la raison pour laquelle il doit être entendu comme un service garanti au plus haut niveau possible, compatible avec l'exercice du droit de grève. Seule une démarche de cette nature permettra de promouvoir un service public de qualité.
    La deuxième remarque est qu'il y a lieu de prendre en considération l'ensemble des secteurs essentiels et pas seulement ceux conjoncturellement en butte à des difficultés, comme les transports.
    Cela étant préalablement posé, il semble opportun, avant de proposer toute réforme, d'observer la façon dont les autres pays, notamment ceux de l'Union européenne, ont su concilier droit de grève et continuité du service public. Il convient de comparer pour mieux réformer, sans pour autant transposer, car il nous faut une solution franco-française.
    Sur la situation en Europe, nous pouvons dresser trois constats principaux.
    Premier constat : si tous les pays européens reconnaissent le droit de grève, la moitié seulement d'entre eux dispose d'un régime général de service minimum dont le bilan est globalement satisfaisant. Il en est ainsi de sept Etats : l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Grèce, la Suède, la Finlande et la Belgique, mais, dans ce pays, pour le seul secteur privé. A cet égard, permettez-moi une présentation succincte de la situation dans deux pays particulièrement intéressants, dans lesquels je me suis rendu.
    En Italie, d'abord, le champ d'application est très large et une autorité indépendante est garante du fonctionnement du système. En effet, le régime italien repose sur deux lois, dont l'élaboration s'est accompagnée d'une large concertation avec les partenaires sociaux. Cette législation comporte notamment une liste des services publics essentiels pour lesquels doit être assuré un service garanti et elle précise que les conditions permettant de l'assurer doivent être définies par des conventions collectives. A défaut d'accord sur le service minimum entre les partenaires sociaux, il appartient à une commission d'arrêter les conditions de mise en service, d'apprécier l'opportunité des prestations minimales définies par les conventions collectives et de formuler, au besoin, des prescriptions complémentaires. Cette commission joue également, auprès des partenaires sociaux, un rôle de médiation et d'arbitrage et elle peut ouvrir une procédure de sanction lorsque les conditions du service minimum ne sont pas respectées.
    La loi italienne prévoit en outre plusieurs dispositions limitant le recours à la grève et le gouvernement dispose de moyens de réquisition.
    Chaque secteur est soumis à des règles particulières, adaptées à sa spécificité. Dans les transports collectifs, par exemple, la grève n'est pas autorisée pendant les heures de pointe. Elle ne peut non plus survenir pendant certaines périodes de l'année, notamment les vacances scolaires et les périodes d'élection. Enfin, on ne peut cumuler deux grèves dans les transports, par exemple, dans les transports ferroviaires et aériens, ni mener en même temps une grève locale et une grève nationale.
    Le bilan de l'application du service minimum en Italie est, dans l'ensemble, jugé satisfaisant.
    En Espagne existe aussi un service minimum appliqué à des secteurs essentiels. La grève, soumise à un préavis de dix jours, doit être présentée au ministre du travail, qui, sauf cas flagrant d'illégalité, ne peut que l'autoriser. Pendant ce délai de dix jours, direction d'entreprise et syndicats doivent continuer de négocier, soit pour annuler la grève, soit pour définir les conditions d'un service minimum. S'ils ne parviennent pas à se mettre d'accord, il revient au gouvernement de fixer, au travers d'un ou plusieurs arrêtés, les conditions de ce service minimum qui seront exécutoires. Ces conditions sont définies au cas par cas, lors de chaque mouvement de grève, l'objectif étant d'assurer la continuité des services publics. Elles sont généralement très détaillées, précisant les conditions applicables à chaque centre de travail, à chaque service, à chaque salarié et pour chaque tranche horaire.
    Ce régime donne dans l'ensemble satisfaction, même si, en cas de contentieux, les jugements des tribunaux sont rendus trop tardivement.
    Deuxième constat : les pays ne disposant pas de service minimum ne sont pas, en général, compte tenu de leur législation ou de la place du dialogue social, confrontés à des conflits sociaux importants. Dans plusieurs d'entre eux, le recours au droit de grève est strictement réglementé. Ainsi, en Allemagne, en Autriche et au Danemark, les fonctionnaires ne disposent pas de ce droit. Par ailleurs, la mise en oeuvre de la grève peut être soumise à des conditions restrictives : en Allemagne par exemple, l'appel à la grève doit être d'abord approuvé par une forte majorité qualifiée des salariés syndiqués, qui est généralement de l'ordre de 75 %. En outre, ne sont autorisées que les grèves portant sur la négociation des conventions collectives et elles doivent être impérativement précédées de négociations, dont la tenue exige généralement plusieurs semaines. Enfin, les syndicats sont tenus de payer à leurs membres grévistes une indemnité représentant environ les deux tiers des salaires retenus par les employeurs.
    Dans plusieurs pays, l'intensité et la qualité du dialogue social permettent d'éviter les conflits. Tel est le cas notamment en Allemagne, ainsi qu'en Autriche, au Danemark, aux Pays-Bas et en Irlande. En Belgique, en l'absence de réglementation sur le droit de grève et le service minimum dans le service public, les partenaires sociaux s'accordent souvent pour limiter, en cas de conflit, les désagréments causés aux usagers. Les entretiens que j'ai pu avoir lors de mon déplacement à Bruxelles ont révélé l'attention particulière des partenaires sociaux à limiter les grèves par le développement du dialogue et de la concertation et, lorsque les conflits sont inévitables, à gêner le moins possible l'usager, à éviter, en tout cas, de lui causer un dommage disproportionné.
    Troisième constat : la France fait figure de cas particulier, ce qui explique le caractère conflictuel du sujet et pourrait justifier une réforme. Selon la directrice générale de la direction générale des affaires sociales de la Commission européenne, la France est, au regard de l'exercice de la grève, l'un des seuls pays de l'Union européenne à se distinguer par l'absene de reconnaissance d'un principe de continuité des services publics. Cette particularité se caractérise par la combinaison des trois éléments principaux suivants : un droit de grève large, un droit qui ne garantit que partiellement la continuité du service public, un dialogue social limité.
    Néanmoins, il convient de saluer certaines initiatives visant à instaurer ou à renforcer ce dispositif préventif. Il en est ainsi, notamment, du protocole signé en 1996 entre la direction de la RATP et la plupart des organisations syndicales, renouvelé en 2001 avec l'accord de tous les syndicats. Grâce, en particulier, au procédé d'alarme sociale, il a permis de limiter sensiblement les conflits : division par trois du nombre de préavis et par cinq du nombre de participation aux grèves.
    L'esprit de cette démarche ainsi que l'exemple de certains pays peuvent servir de base à l'élaboration d'une loi cadre pour répondre à cette situation particulière de la France, qui ne satisfait personne : ni les entreprises, qui subissent des pertes importantes, ni les usagers, qui sont privés du service public - ce sont d'ailleurs, souvent, les salariés les plus démunis ou les plus modestes qui subissent en première ligne les inconvénients de la grève, leurs moyens ne leur permettant pas de trouver des solutions alternatives -, ni l'Etat, qui n'est pas en mesure d'assurer la continuité du service public, ni les représentants syndicaux, les grèves ne leur permettant pas toujours, loin s'en faut, de satisfaire leurs revendications et entraînant des pertes importantes de salaire. C'est donc l'intérêt général du pays dans son ensemble qui en pâtit.
    Devant une situation française qui ne satisfait donc personne et qui implique de nombreux acteurs, la première et la meilleure des voies à favoriser est celle du dialogue social entre les partenaires sociaux. Ces derniers sont, en effet, les mieux placés pour déterminer les conditions permettant de garantir le service public. Cela étant, comme il ne sera jamais certain que les partenaires sociaux parviennent à un accord, il est utile d'envisager l'intervention de la loi pour instaurer le service garanti. Il est d'ailleurs nécessaire de rappeler que, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, seule la loi peut aménager l'exercice du droit de grève, qui a une valeur constitutionnelle. Le Préambule de la Constitution de 1946 prévoit, en effet, « Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. »
    Indispensable, cette loi pourrait donc énumérer les secteurs essentiels dans lesquels la continuité du service public s'impose ; renvoyer vers les partenaires sociaux, en leur donnant un délai, la négociation et la définition du service garanti dans ces secteurs essentiels ; instaurer, dans l'hypothèse où ces négociations n'aboutiraient pas, une autorité indépendante et judicieusement composée qui aurait pour objectif de déterminer, après avis des partenaires sociaux, les règles du service garanti.
    Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je prendrai l'initiative de déposer une proposition de loi en ce sens. Cela correspondra à l'attente des Français dans l'ensemble des secteurs qui nécessitent un service garanti, ainsi qu'à l'intérêt de favoriser l'image du service public et de la France.
    Le texte prendrait en compte le nécessaire pragmatisme et favoriserait la sérénité, deux qualités nécessaires en la circonstance. Il aurait, me semble-t-il, l'avantage de correspondre à la volonté que la grande majorité des Français attendent des responsables politiques. Pour autant, il laisserait, comme vous le préconisez fort justement, monsieur le ministre, toute leur place aux partenaires sociaux. Enfin, il contribuerait, comme le souhaite le Gouvernement, à l'amélioration du dialogue social en France.
    Concilier droit de grève et continuité du service public, telle est notre responsabilité. Nous pouvons y parvenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.
    M. Jean Le Garrec. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est assurément un des problèmes les plus difficiles que nous abordons ce matin. J'en avais souligné la complexité en intervenant d'ailleurs, en mars 1999, à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi de M. Dominique Bussereau, aujourd'hui membre du Gouvernement, qui avait d'ailleurs permis d'engager un débat intéressant et fructueux.
    M. Hervé Mariton. M. Bussereau avait raison.
    M. Jean Le Garrec. En dix ans, une quinzaine de propositions de loi ont été déposées sur ce sujet. Je rappelle ainsi que le travail mené par le Sénat en 1999 sur ce thème avait abouti à toute une série de propositions, mais qui ne passaient pas par la loi. Le sénateur Chérioux, membre de la majorité sénatoriale, avait d'ailleurs reconnu que le service minimum dans les services publics était difficile à mettre en oeuvre en raison des situations et des contraintes techniques. Cette remarque pose très bien le problème dont nous débattons ce matin, en montrant qu'il est à la fois politique et technique. Le sondage paru dans Le Journal du Dimanche du 7 décembre, exprime d'ailleurs cette complexité.
    M. Hervé Mariton. Pas du tout !
    M. Jean Le Garrec. Monsieur Mariton, écoutez-moi !
    M. Hervé Mariton. Je ne fais que ça !
    M. Jean Le Garrec. Le sondage comporte deux chiffres significatifs.
    D'une part, 74 % des sondés veulent un service minimum défini par la loi.
    M. Hervé Mariton. Ils ont raison !
    M. Jean Le Garrec. Je comprends très bien ceux qui pensent particulièrement aux transports, car ils souhaitent avoir davantage de sécurité à cet égard.
    Chacun d'entre nous connait la place que tiennent les transports dans la vie de tous les jours, et sait combien leur perturbation gêne les usagers dans leur travail, moi le premier.
    D'autre part, 73 % des sondés proposent et veulent une solution négociée.
    M. Hervé Mariton. Ils préfèrent l'idéal au bien !
    M. Jean Le Garrec. Cela montre la totale ambivalence de leur position.
    M. Hervé Mariton. Pas du tout ! Ils préfèrent être riches que pauvres !
    Mme Odile Saugues. C'est le danger des sondages !
    M. Jean Le Garrec. Le dilemme qu'il faut s'efforcer de résoudre réside dans cette ambiguïté.
    M. Hervé Mariton. La question était mal posée !
    M. Jean Le Garrec. En tout cas, la réponse était parfaitement claire ! (Sourires.)
    A l'évidence, le problème n'est pas constitutionnel. Il faut donc cesser de le poser en ces termes. En effet, si le droit de grève est reconnu par le Préambule de la Constitution, celui-ci indique qu'il peut être encadré par la loi. Il est dont inutile d'épiloguer sur cette question.
    De plus, de nombreuses décisions, non pas constitutionnelles, mais qui avaient valeur constitutionnelle, ont souligné le principe de la continuité du service public.
    En réalité, les difficultés rencontrées en la matière découlent de notre histoire. En effet, le droit de grève a été conquis après un siècle d'actions et de combats.
    Mme Odile Saugues. Tout à fait !
    M. Jean Le Garrec. C'est pourquoi toute tentative de le restreindre se heurte à la valeur symbolique qu'a acquis ce droit. C'est la raison pour laquelle le problème se pose sur le plan politique et non pas au niveau constitutionnel. Cette ambivalence se retrouve, d'ailleurs, dans le comportement de nos compatriotes dans des situations de grande grève comme nous en avons connues, par exemple, en 1995. Nous avons en effet pu constater en même temps l'exaspération des usagers et un sentiment de compréhension à l'égard des grévistes, sans doute parce qu'il existe - j'hésite à employer l'expression, mais je n'en vois pas d'autre - une sorte de conception de la grève par délégation. C'est une réalité !
    M. Hervé Mariton. Ce ne sera plus le cas avec un service minimum.
    M. Jean Le Garrec. Dans un tel contexte, je compends très bien votre extrême prudence, monsieur de Robien : vous avez fortement raison de rechercher toutes les voies possibles. Je comprends tout aussi bien la position de M. Fillon qui met en garde contre la tentation de recourir à la loi pour traiter ce sujet d'autant que, le 11 décembre, nous examinerons un texte tendant à renforcer la dialogue social. J'ajoute que, pour la première fois depuis dix-huit mois, je suis d'accord avec M. Fillon. Je tenais à le souligner car cela ne m'arrive pas très souvent !
    M. Hervé Mariton. Est-ce à son avantage ?
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est de l'opposition constructive !
    M. Jean Le Garrec. Cela étant, la difficulté politique se double d'une difficulté technique, qui est apparue à l'occasion de ce que l'on appelle la crise des grands systèmes.
    Un débat avait été engagé sur ce sujet il y a une dizaine d'années, mais il n'a plus cours aujourd'hui, et c'est vraiment dommage. En effet chacun voit très bien que les grands systèmes, qu'il s'agisse des transports, de l'électricité ou d'autres, sont de plus en plus sophistiqués, de plus en plus complexes. En outre, ils sont souvent gérés par des ingénieurs, qui ont une tentation irrépressible de remplacer l'homme par la technique.
    M. Hervé Mariton. Qu'avez-vous contre les ingénieurs ?
    M. Jean Le Garrec. Cette situation pose un problème, comme on l'a vu en plusieurs occasions aux Etats-Unis et même en France : il suffit d'un seul point de crise pour que tout le système se dérègle en boucle. La véritable sécurité de ces grands systèmes passe par le personnel des services publics. Il est seul à même d'en garantir la sécurité et la fiabilité. On ne peut pas parler d'un service minimum, dont je comprends très bien qu'il réponde aux désirs des usagers, sans poser au préalable la question de la sécurité, car, je le répète, la vocation fondamentale des agents du service public est de garantir en permanence la sécurité de systèmes de plus en plus complexes.
    Nous avons donc, d'une part, un problème politique difficile, que tous les gouvernements connaissent, et d'autre part, un problème technique extrêmement complexe, surtout si l'on déroule toute la chaîne des service publics jusqu'aux collectivités territoriales. En effet, on ne peut pas se contenter de raisonner au niveau du pouvoir central, car plusieurs services publics ont des ramifications jusque dans les communes.
    Telles sont les données du problème. La question est de savoir sur quels principes nous pouvons agir. J'en vois trois.
    Le premier est la distinction entre service public et service du public, thème sur lequel j'avais moi-même lancé une campagne en 1985. Cela me vieillit un peu, mais peu importe car j'ai encore quelque jeunesse d'argumentation. Ne faites donc pas de remarques déplacées, car cela m'agace énormément ! (Sourires.)
    Le deuxième principe est celui de la responsabilité des agents du service public au regard de la sécurité. Il s'agit d'un thème très fort, fondamental, et qu'il faudra traiter de plus en plus souvent.
    Le troisième principe est celui de la responsabilité des agents dans la pérennité du service public. M. Lecou a parlé de la RATP et chacun connaît les effets très positifs de l'action ainsi engagée : négociations en 1996, négociations en 2000. A cet égard, je ne citerai que deux chiffres : nous sommes passés d'une journée de grève par agent en 2001, à 0,2 journée de grève par agent en 2002 !
    M. Hervé Mariton. Et en 2003 ?
    M. Jean Le Garrec. Une politique similaire, quoique insuffisante, avait été amorcée au sein de la SNCF.
    Il convient donc, messieurs les ministres, de réfléchir à quelques pistes qui feront l'objet de ma conclusion.
    Premièrement, il faudrait élaborer une charte négociée des services publics qui soit un texte fondateur et qui puisse être déclinée localement.
    Deuxièmement, il serait indispensable de mener une réflexion sur l'amélioration des techniques de prévenance. On pourrait prévoir cinq jours de prévenance, puis cinq jours de négociation sociale, la combinatoire des deux aboutissant parfois à des résultats. La question est de savoir s'il faut resserrer ou élargir ce dispositif. Le dialogue est ouvert à ce sujet et vous savez encore mieux que moi que les organisations syndicales y sont prêtes. J'en veux pour preuve l'accord très général intervenu au sein de la RATP et que tous les syndicats ont signé en 2002.
    Troisièmement, on devrait instaurer une autorité de médiation dont l'intervention serait liée à la charte négociée des services publics. Il s'agit d'une démarche complexe, sur laquelle j'ai cependant consulté des syndicats : ils se sont montrés ouverts à cette réflexion, à laquelle pourraient prendre part des représentants de haut niveau administratif et des représentants syndicaux. Cette instance aurait compétence pour amorcer des solutions en cas de besoin.
    Enfin, quatrième proposition : nous prônons une consultation annuelle sur l'image de chaque service public débouchant sur une réflexion d'ensemble permettant de préciser les dispositifs de négociation, de définir ce que doit être, de nos jours, un service public de qualité et la continuité de celui-ci et, si cela est nécessaire, de disposer d'un lieu d'appel.
    Je connais bien les organisations syndicales. Je connais leurs responsabilités. Je sais à quel point elles sont attachées au service public. Elles ont l'exemple de services publics dégradés, au point de ne même plus assurer la sécurité, dans d'autres pays, que, par correction, je ne veux pas citer. Vous savez auxquels je pense.
    Mme Odile Saugues. Pourquoi ne pas les citer ?
    M. Jean Le Garrec. Je citerai, entre autres, la Grande-Bretagne, comme cela les choses sont claires.
    Si l'on met toutes ces données sur la table, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous pourrons avancer, mais nous ne le pourrons que dans la négociation, ce qui nous renvoie au débat que nous allons avoir cette semaine et la semaine prochaine sur la relance de la négociation sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.
    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, rien ne remplace la volonté ! Et à la charte que M. Le Garrec appelle de ses voeux, il faut, conformément aux grands principes républicains prévalant dans cette maison, préférer la loi. En effet, rien ne remplace la volonté, monsieur le ministre. Bien sûr, il y faut aussi le savoir-faire. Mais celui-ci, vous l'avez assurément.
    La question qui se pose aujourd'hui à la majorité et au groupe UMP est simple : savons-nous ce que nous voulons et le voulons-nous vraiment ?
    La question, nous ne l'inventons pas, les Français la posent très clairement. Ils souhaitent, depuis longtemps, la continuité du service public des transports en même temps que le respect et l'affirmation du droit de grève, et ils attendent de nous une solution.
    Vous avez évoqué le sondage publié par Le Journal du Dimanche. Puis-je rappeler que les trois quarts de nos compatriotes souhaitent la continuité du service public et qu'entre une solution plus douce et une solution un peu moins douce, ils disent préférer la solution plus douce.
    M. Jean Le Garrec. La solution négociée ! Employons le bon mot !
    M. Hervé Mariton. Mais un sondage reste de l'ordre du virtuel. Ce que les Français veulent, fondamentalement, c'est une solution. Nous nous y sommes engagés et il importe de respecter nos engagements.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ce n'est pas simple !
    M. Hervé Mariton. Pour concilier la continuité du service public et le droit de grève, il faut raisonner 50/50. La grève peut perturber le fonctionnement du service. C'est d'ailleurs son but. Il ne faut donc pas avoir, pour le service minimum ou garanti, une ambition déraisonnable. La loi pourrait demain - ce que je souhaite - habiliter le Gouvernement à réglementer un service minimum - après concertation avec les entreprises et les organisations syndicales - permettant d'assurer jusqu'à 50 % du service, mais pas au-delà ! Ainsi pourrait être respectés les deux éléments de base qu'il nous faut concilier : le respect de la grève et la continuité du service.
    Tout cela doit reposer sur ce qui fait partie non seulement du savoir-faire, mais tout simplement de la force de la République, à savoir la négociation, la consultation avec les organisations syndicales, la compréhension du fonctionnement interne des entreprises. Mais, au bout du bout, c'est une loi qu'il nous faut. Elle sera l'engagement de la responsabilité politique.
    Je ne crois pas, monsieur le ministre, que votre responsabilité puisse être déléguée à de hautes autorités. Compte tenu de l'exception française, la responsabilité ultime est politique. Aucun d'entre nous ne le niera.
    Que des Sages apportent leurs conseils, oui. Que l'on analyse les expériences à l'étranger, oui. Il a été beaucoup question de l'Italie ce matin. Or tout ne marche pas si bien que cela : Milan a été complètement bloquée lundi dernier. Que l'on observe, que l'on écoute, que l'on discute, oui, autant qu'on le veut ! Mais, à un moment, il faudra trancher. Une solution simple, monsieur le ministre, est attendue.
    J'ajoute qu'il n'y a pas beaucoup de sujets comme celui-ci où l'on peut répondre à la demande des Français sans que cela ne coûte rien au budget de l'Etat et en même temps améliorer le fonctionnement des entreprises et la compétitivité de l'économie française.
    Monsieur le ministre, sur un sujet de société, sur un sujet politique comme celui-ci, ne gâchons pas la réponse que nous devons aux Français.
    M'exprimant au nom du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - et j'insiste sur le qualificatif populaire, monsieur le ministre - je fais remarquer qu'il y a, dans la réforme que nous demandons pour la continuité du service public dans le respect du droit de grève, une dimension éminemment populaire.
    Vous n'appartenez pas à l'UMP, monsieur le ministre - nul n'est parfait (Sourires) - mais il est essentiel que vous compreniez cette dimension-là.
    Ce que nous souhaitons, c'est de l'action : une loi-cadre ou une loi de couronnement. Vous pouvez ouvrir ce débat. Si une loi de couronnement suffit et permet de répondre à nos compatriotes, pourquoi pas ? Ce serait un résultat heureux et en quelque porte votre couronnement. L'important, c'est, d'aboutir. Pour cela, il faut fixer un terme. Il serait souhaitable que le Gouvernement dépose devant l'Assemblée nationale, avant la fin de la session, c'est-à-dire avant l'été, un projet de loi tendant à assurer la compatibilité entre le droit de grève et la continuité du service public...
    Mme Odile Saugues. Vous êtes le seul à vouloir une loi.
    M. Hervé Mariton. ... et apportant à nos compatriotes la réponse qu'ils demandent et qu'ils méritent.
    M. Jean Tiberi. Très bien !
    M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit.
    Mme Annick Lepetit. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pourquoi un débat, aujourd'hui, sur le service minimum ? M. Robert Lecou vient à peine de remettre son rapport sur le service minimum dans les services publics en Europe. Il vient d'ailleurs de nous en livrer quelques extraits. Le ministre de Robien est, dit-on, pressé par les députés UMP de légiférer sans plus attendre. L'orateur qui s'est exprimé avant moi vient d'ailleurs de le lui demander. Pas moins de six propositions de loi ont déjà été déposées depuis dix-huit mois. Si j'ai bien compris, il s'agit d'un compromis : un débat sans proposition de loi précise et sans vote, avant Noël, pour calmer les ardeurs des plus fervents défenseurs du service minimum dans les services publics.
    Cette question, Jean Le Garrec l'a rappelé, a déjà été débattue plusieurs fois dans cette assemblée. Depuis 1988, plus d'une quinzaine de propositions de loi ont été déposées sur ce sujet. Toutes ont échoué. L'urgence explique-t-elle aujourd'hui ce débat inscrit à la va-vite à l'ordre du jour de notre assemblée ? Pourtant, le niveau de grève dans les entreprises publiques n'a jamais été aussi bas. Le nombre de conflits dans les services publics de transport baisse considérablement depuis quelques années. A moins que la résurgence soudaine, en cette fin d'année, de la question du service minimum ne s'explique par les prochaines échéances électorales. Qui sait ? Le sujet a pour avantage d'être médiatique, très médiatique. Nous voyons de nouveau fleurir les sondages sur la question, sondages accompagnés de commentaires où chacun s'accorde à souligner le paradoxe des Français qui sont plutôt favorables à une limitation du droit de grève pour instaurer un service minimum dans les transports publics, mais contre une loi interdisant le droit de grève. Jean Le Garrec citait tout à l'heure le sondage IFOP-JDD : à peine 24 % des Français interrogés privilégieraient la voie législative.
    Mais pourquoi, monsieur Mariton, opposer les Français entre eux ?
    M. Hervé Mariton. Je ne les oppose pas ! Les trois quarts disent la même chose !
    Mme Annick Lepetit. Les usagers ne constituent pas une catégorie à part.
    M. Hervé Mariton. En effet !
    Mme Annick Lepetit. Ils sont aussi des salariés, attachés au maintien du droit de grève, comme les salariés sont aussi des usagers, attachés à la qualité des services dont ils ont besoin.
    M. Jean Le Garrec. Très juste !
    Mme Annick Lepetit. Les services publics appartiennent à tous les citoyens.
    M. Jean Le Garrec. Absolument !
    Mme Annick Lepetit. Cela a été dit plusieurs fois. Mais avons-nous la même conception de ce qu'est un citoyen, mesdames et messieurs les députés ?
    Je rappelle d'ailleurs à M. Christian Blanc que les salariés des services publics sont aussi des citoyens.
    Ce débat est en tout cas pour moi l'occasion de dénoncer des contrevérités au sujet du service minimum, du droit de grève, des services publics et de la place donnée aux transports publics dans notre pays.
    Contrairement à ce que voudraient faire croire certains députés de la majorité, une loi sur le service minimum n'est pas la solution miracle. Franchement, pouvons-nous réellement, dans cet hémicycle, trouver le juste milieu, comme le prétendent certains, entre le droit de grève, qui est un droit constitutionnel, et la continuité du service public ?
    La diversité des solutions ne peut à mon sens se résumer en un seul texte législatif. Ainsi, la question des transports ne se pose pas de manière comparable en région parisienne, par exemple, et en zone rurale. En outre, si l'on veut appliquer le service minimum tel que le proposent certains députés de la majorité, on créera plus de problèmes qu'on n'en résoudra.
    M. Robert Lecou. Mais non ! Vous n'avez pas écouté !
    Mme Annick Lepetit. Je parle bien du service minimum que propose la droite, car il existe déjà aujourd'hui un service minimum dans les transports publics. Lors des dernières grèves, sauf celles de 1995, dont, j'imagine, tout le monde se souvient, il y a toujours eu des moyens de transports en circulation.
    Mais, premièrement, le service minimum que vous nous proposez est inapplicable : aujourd'hui, quand il y a grève et donc, de fait, service minimum, c'est-à-dire, que des trains, des métros ou des autobus roulent, c'est la cohue, les quais sont bondés, et les voyageurs risquent des accidents. En temps ordinaire, aux heures de pointe, le réseau est déjà saturé sur certaines lignes. Une fois encore, ce matin, nous étions tous serrés comme des sardines dans une boîte. Comment le service minimum prôné par quelques-uns pourra-t-il être appliqué les jours de grève si l'on veut respecter les normes de sécurité pour les voyageurs et les agents?
    M. Robert Lecou. C'est un service garanti qu'il faut.
    Mme Annick Lepetit. Même le MEDEF, dans un rapport intitulé Propositions du MEDEF en vue d'assurer la continuité et la qualité des services publics essentiels, qui date de 2001, démontre que le service minimum est difficilement applicable dans les transports en commun pour des raisons techniques. Qui peut souhaiter qu'on ignore les règles élémentaires de sécurité ?
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. On parle d'un service garanti, pas minimum !
    Mme Annick Lepetit. Deuxièmement, en voulant légiférer sur le droit de grève, vous créerez plus de problèmes que vous n'en résoudrez. Une majorité des Français est attachée à ce droit. Or assurer un service minimum...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Un service garanti !
    Mme Annick Lepetit. ... aux heures de pointe revient à restreindre, voire à interdire le droit de grève.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce n'est pas vrai !
    M. Robert Lecou. Nous parlons d'un service garanti : vous n'avez pas écouté !
    Mme Annick Lepetit. Il est regrettable d'entendre des élus de la majorité réclamer le service minimum à tout crin,...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Service garanti !
    Mme Annick Lepetit. ... au lieu de se pencher sur les causes réelles du problème. La grève s'explique toujours par un échec du dialogue social. C'est donc celui-ci qu'il faut améliorer, tout comme il faut améliorer nos services publics dont les perturbations sont le plus souvent imputables à des dysfonctionnements.
    M. Robert Lecou. C'est ce que nous proposons !
    Mme Annick Lepetit. Ainsi, notre demande est claire : améliorer le dialogue social dans les services publics en même temps que le fonctionnement de ceux-ci et garantir un budget adapté à leurs besoins pour qu'ils répondent aux attentes des usagers.
    Pour le moment, le Gouvernement ne fait ni l'un ni l'autre. Il faut dire aux Français que les dysfonctionnements des services publics des transports sont très souvent dus à des incidents techniques, à un manque de personnel, à un manque d'investissement et non à des grèves. Et l'Etat porte, à cet égard, une lourde responsabilité. Ce gouvernement, mesdames, messieurs de la majorité, avec vous, a supprimé des crédits revenant aux transports en commun...
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ce n'est pas vrai.
    Mme Annick Lepetit. ... et a réduit les moyens affectés à la modernisation et à l'entretien des lignes de transport d'Ile-de-France.
    Comme députée parisienne, je peux témoigner que la région Ile-de-France et la ville de Paris font tout, elles, pour développer les transports en commun, mieux les organiser et améliorer la qualité de service. Mais le STIF, le Syndicat des transports d'Ile-de-France, depuis deux ans, a vu ses crédits réduits.
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Nous allons décentraliser, ce que vous n'avez jamais fait !
    Mme Annick Lepetit. Pour le moment, ce syndicat présidé par l'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat,...
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Dans un an, c'est fini !
    Mme Annick Lepetit. ... et le budget 2004 accusera une baisse de 100 millions d'euros : 50 millions de l'Etat, 50 millions des collectivités locales. Je vous informe aussi - car il est intéressant de le noter - qu'en 2003 le conseil d'administration a dénoncé le désengagement de l'Etat. Les élus de la droite se sont d'ailleurs abstenus, ce qui est, pour le moins, paradoxal. Nous verrons bien quels seront les votes sur le budget 2004, qui sera examiné mercredi prochain, je crois.
    Réduire le budget des transports en commun n'est pas le meilleur moyen de répondre aux besoins des usagers. Et ce n'est pas la restriction du droit de grève via le service minimum qui rendra les lignes de métro moins saturées, tous les usagers vous le confirmeront.
    M. François Brottes. Très bien !
    Mme Annick Lepetit. Que dire, par exemple, de la ligne 13 du métro, qui passe notamment par ma circonscription, quotidiennement surchargée, voire quelquefois impraticable ?
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Un nouveau système sera inauguré dans quelques semaines.
    Mme Annick Lepetit. Une loi améliorera-t-elle le quotidien ? Non ! C'est mentir que de faire croire qu'une loi, tout à coup, arrangera tout. Plutôt que du service minimum, il convient, à mon avis, de débattre de la place que nous voulons donner aux transports en commun.
    M. Robert Lecou. Quel raccourci !
    Mme Annick Lepetit. Le Gouvernement et sa majorité ont beau jeu de dénoncer les agents qui font grève quand eux-mêmes ne remplissent pas leurs devoirs vis-à-vis des usagers. Maintenant, le Gouvernement doit assumer ses choix budgétaires et politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Georges Tron.
    M. Georges Tron. Vous me permettrez tout d'abord, monsieur le président, de dire à MM. les membres du Gouvernement, et tout particulièrement à M. de Robien, que, en tant qu'orateur également du groupe UMP, je me réjouis, pour ma part, de pouvoir dialoguer avec eux sur un sujet fondamental et que je voudrais aborder de façon dépassionnée. Nos sensibilités, aux uns et aux autres, doivent nous conduire à chercher la complémentarité et donc notre enrichissement mutuel, et je suis certain que, sur ce sujet, monsieur le ministre, nous y parviendrons tous ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, et M. Christian Vanneste. Très bien !
    M. Georges Tron. Je voudrais, pour ma part, non pas prendre du recul, parce que j'ai trouvé les propos des uns et des autres assez modérés sur le sujet, mais exposer mon point de vue sur la question en temps que rapporteur du budget de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
    Quel que soit le nom qu'on lui donne - service minimum, service garanti, conciliation du droit de grève et de la continuité des services publics - nous sommes en réalité au coeur de la réforme de l'Etat. Il n'est pas inutile de le rappeler. Or, dans le cadre de la réforme de l'Etat, il faut avoir à l'esprit deux éléments, qui, à mes yeux, sont essentiels.
    Premièrement, aucune réforme ne peut se faire contre les fonctionnaires ou contre les salariés des entreprises publiques.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien ! C'est le bon sens.
    M. Georges Tron. Notre devoir bien compris consiste donc à convaincre. Il ne s'agit pas de lancer quelque projet que ce soit sans que chacun mesure bien qu'il doit y être associé.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, et Mme Marie-Jo Zimmermann. Absolument !
    M. Georges Tron. Deuxièmement, il va de soi qu'au coeur même de la réforme de l'Etat, l'usager est présent : il est central.
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Voilà !
    M. Georges Tron. La perception des aspirations de celui-ci est donc essentielle. Plus que de savoir s'il faut ou non une loi, ce qu'il importe est de savoir comment on peut assurer la défense de l'usager tout en convaincant le fonctionnaire ou le salarié de l'entreprise publique qu'il peut parfaitement s'y retrouver, tant en termes d'épanouissement personnel que dans le cadre de sa fonction professionnelle. Voilà le véritable enjeu.
    Permettez-moi de faire trois brèves remarques.
    D'abord, le débat est ancien. Si mes informations sont exactes, les premières réflexions, les premiers textes proposant des procédures de conciliation et d'arbitrage dans les conflits du travail datent de 1935 ou 1936. Nous ne sommes donc pas véritablement des novateurs et il ne faudrait pas croire que le débat d'aujourd'hui nous place, comme par hasard, au coeur d'une actualité brûlante.
    Deuxième observation : le Conseil constitutionnel nous renvoie régulièrement à nos responsabilités de législateurs. Il l'a encore fait dans une décision en date du mois de juillet 1999 ; cela avait été également le cas, rappelons-le, lors de la mise en place du service minimum dans l'audiovisuel en 1979 ou dans la navigation aérienne en 1984.
    Troisièmement, on sent à l'évidence, bien des collègues l'ont déjà dit, non pas une pression de l'opinion publique, mais bien l'exaspération de nos concitoyens. En tant que député de la banlieue parisienne, je suis souvent interpellé par mes administrés qui me demandent s'il est normal d'arriver pratiquement deux fois par semaine à son travail avec une heure de retard...
    Mme Annick Lepetit. Ce n'est pas uniquement dû au droit de grève !
    M. Georges Tron. ... à cause de mouvements de grève spontanés.
    Je dis les choses avec modération, madame Lepetit. Peut-être devriez-vous m'écouter pour vous en rendre compte. Si vous n'écoutez pas, vous ne pourrez pas vous apercevoir que je suis modéré ! (Sourires.)
    Sur la base de ces trois constats, je puis vous faire part maintenant de mon point de vue : il est extrêmement simple. A mon avis, la loi ne peut intervenir qu'en fin de parcours, et seulement si aucun autre moyen ne permet d'aboutir à une solution. Cela dit, je suis profondément optimiste : je suis persuadé que les procédures de concertation et de conciliation doivent réussir. Ce qui m'amène à une nouvelle série de remarques.
    Premièrement, les orateurs qui m'ont précédé l'ont sans doute également remarqué, point n'est besoin de le répéter sur tous les tons : les accords internes dans les entreprises publiques, ça marche. Il n'est qu'à voir l'accord signé au mois de juin 1996 à la RATP : il aura permis de diviser le nombre de jours de grève par quatre. Ce n'est pas négligeable.
    Deuxième observation, qui n'est pas négligeable non plus : force est de reconnaître que ces accords s'insèrent pour ainsi dire, progressivement, dans notre paysage politique et social, et les formations syndicales, dans leur diversité, y adhèrent peu à peu. C'est ainsi que la CGT elle-même a fini par signer l'avenant conclu à la RATP au mois d'octobre 2001. Autrement dit, les formations les plus réfractaires se mettent à comprendre qu'il y va de l'intérêt de tous de prendre part à ce genre de protocole.
    Troisième remarque : ces accords favorisent la transparence en ce qu'ils obligent tant l'entreprise que les organisations syndicales à matérialiser très concrètement les sujets d'éventuels désaccords auxquels il faut répondre, et c'est là que tout le monde y gagne, en formalisant des propositions par définition et par obligation constructives.
    Quatrième et dernière observation : ces accords tendent tout naturellement à se généraliser. C'est ce qui se produit actuellement à la SNCF, par exemple. Non seulement le projet d'entreprise - qui n'est pas encore un accord - induit déjà une diminution naturelle du nombre de jours de grève, mais l'amélioration du dialogue social et de la prévention des conflits incite les salariés à exposer leurs revendications à leur direction sans avoir besoin de recourir aux jours de grève.
    J'en conclus tout naturellement, monsieur le ministre, que nous devons affirmer notre volonté d'aboutir par la concertation. Si c'est cette direction que vous entendez suivre, je la trouve pour ma part tout à fait bienvenue.
    La réforme de l'Etat, je l'ai dit en commençant, suppose, et c'est à mes yeux l'essentiel, le dialogue, la concertation, tout un travail de conviction. Et notre mission est d'y aider.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Bertrand.
    M. Jean-Michel Bertrand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après tant d'années d'hésitations et de renoncements, la représentation nationale se saisit enfin de cette question essentielle : la continuité du service public pendant les périodes de grève. A peine est-elle évoquée que l'on voit toutes les forces se lever et s'arc-bouter pour bloquer cette réforme - comme les précédentes...
    On pourrait du reste se poser la question : pourquoi est-ce dans notre pays, où le droit de grève est le plus largement utilisé et où il a le plus de conséquences économiques et sociales négatives, que la représentation syndicale compte le plus faible nombre d'adhérents et enregistre les résultats les plus décevants ? Peut-être faut-il en conclure que ces grèves, telles qu'elles sont gérées, ne sont pas les bonnes réponses à de vraies questions. Elles apparaissent à l'évidence comme des constats d'échec, un signe de faiblesse, à l'image d'une arme de dissuasion, arme du plus faible qui, trop utilisée, perd toute son efficacité.
    Solution ultime, par ses conséquences, la grève en vient à pénaliser, en fin de compte, plus faibles encore que ses initiateurs. Qui peut nier l'extrême injustice de ces mouvements dans les services publics, qui pénalisent, y compris sur le plan financier, les plus modestes des ouvriers et des employés, c'est-à-dire ceux qui n'ont pas les moyens de trouver des solutions de remplacement ?
    Quant aux entreprises, combien d'entre elles, souvent, là encore, les plus modestes, n'ont y pu résister, condamnant leurs salariés au licenciements ? Les exemples, trop nombreux et trop cruels, sont dans toutes les mémoires. Nous sommes tous conscients qu'il faut préserver le droit de grève, mais comme arme ultime de légitime défense sociale. Et comme il en va de tout acte de légitime défense, il faut qu'un juge ou un arbitre puisse en apprécier l'utilisation.
    Les Français qui sont trop fins politiques - deux mille ans d'histoire, cela forge une conscience - souhaitent majoritairement conserver le droit de grève, mais ils sont près de 80 %, salariés de la fonction publique ou du secteur privé, à réclamer qu'il ne les pénalise plus dans leur vie et que l'on respecte leur droit au travail et leur liberté de se déplacer.
    Faut-il un service garanti, limité aux transports comme on nous le propose ce matin ? Pourquoi pas ? Mais il me semble que l'effort et la difficulté ne seraient pas plus grands si on l'élargissait à tous les services essentiels, car l'obstacle à surmonter est d'abord d'ordre psychologique, culturel et politique.
    Abandonnons la fausse efficacité des vieilles recettes conflictuelles, pour ne pas dire révolutionnaires. Ces luttes sont d'un autre âge et les plaidoiries de ce matin en sont un triste exemple. Ouvrons ensemble encore un peu plus la voie du dialogue social, de la négociation et du compromis, celui dans lequel il n'y a ni vaincu ni vainqueur, sinon le pays et l'intérêt général.
    Les Français jugent vite ce qui est bon pour eux. Oui au droit de grève, mais avec un fonctionnement satisfaisant. Ils savaient la réforme des retraites indispensable ; ils n'ont pas fait grève. Ils savent la réforme du droit à la formation nécessaire ; ils n'ont pas fait grève. Il en sera de même pour la réforme du dialogue social dans quelques jours.
    Mme Annick Lepetit. Méthode Coué !
    M. Jean-Michel Bertrand. N'oublions pas que, dans le vote du 21 avril, il y avait la sanction de l'incapacité des forces politiques et sociales, républicaines et modérées, à réformer le pays et à l'adapter aux exigences des temps nouveaux. Le fait d'avoir posé dans cette enceinte la question du droit de grève et du service public nous oblige maintenant à y répondre. Cette alerte vaut pour nous tous, chers collègues, mais aussi pour tous les représentants syndicaux. Tous les Français y seront attentifs. Ne bloquons plus, par archaïsme, intérêt ou pusillanimité, une réforme sociale attendue par huit Français sur dix. Acceptons le dialogue. Faisons-nous confiance, comme nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, pour aboutir à une loi dans six mois. Vous nous parlez de conciliation de deux principes : aujourd'hui, c'est de réconciliation entre les Français et leurs élus politiques et syndicaux qu'il s'agit. Roger Vaillant, auteur progressiste, affirmait : « C'est le pire des crimes de condamner des jeunes gens à ne rien attendre de la vie. »
    Alors, si vous le voulez bien, ensemble, osons l'avenir de la modernisation sociale ; le pays l'attend. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Annick Lepetit. La modernisation sociale sans un sou !
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat de ce matin sur le droit de grève dans les services publics est typique de la gestion gouvernementale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Faire croire que l'on prend le temps de débattre alors que, une fois de plus, on prépare un mauvais coup contre les salariés ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jacques Myard. Mamère est un expert !
    Mme Annick Lepetit. C'est pourtant vrai !
    M. André Gerin. Il a raison !
    M. Noël Mamère. La précipitation est mauvaise conseillère, vous le savez bien, monsieur le ministre. Et vous vous méfiez tellement de l'extrémisme d'une partie de votre majorité que vous nous imposez un débat sur le débat : il ne s'agit pas de voter une loi d'initiative parlementaire, mais de préparer les conditions du débat au sein de votre propre majorité... Comme vous avez raison de prendre ces précautions !
    Après le déplorable amendement Garraud,...
    M. Christian Vanneste. L'excellent amendement Garraud !
    M. Noël Mamère. ... les propositions de votre majorité - UMP et UDF confondues, le fait est rare - font une fois de plus fi du fameux « dialogue social » que vous proclamez. Elles vont toutes dans le même sens : restreindre le droit de grève et le droit syndical.
    Pour atteindre cet objectif, vous vous appuyez indûment sur la colère réelle des usagers des transports afin de mieux la détourner de sa vraie cible. Car pour les usagers des transports, le vrai service minimum existe déjà : c'est celui que la SNCF leur impose quotidiennement !
    M. Jacques Myard. C'est gentil pour les cheminots !
    M. Noël Mamère. Ce ne sont pas les grèves des cheminots qui sont la cause de leurs tracas quotidiens, mais bien le démantèlement progressif du service public et la diminution des crédits affectés à la sécurité. Ce que les usagers des transports refusent, c'est l'accumulation des retards, les arrêts injustifiés, les pannes, les agressions...
    Mme Annick Lepetit et Mme Odile Saugues. Bien sûr !
    M. André Gerin. Il a raison !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Adressez-vous à votre président de région !
    M. Noël Mamère. Les usagers des transports veulent en finir avec cette véritable souffrance au quotidien. C'est bien pour cela, entre autres raisons, qu'ils ont soutenu par procuration les grèves des transports en 1995 et encore celles de ce printemps, menées par les cheminots qui défendaient l'intérêt général, le service public, la sécurité sociale et le droit à la retraite. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Tous les sondages, toutes les enquêtes montrent que les Français soutenaient ces mouvements.
    La droite et une grande partie des médias ont depuis longtemps galvaudé une expression : « Les usagers pris en otage. » Non, quand les cheminots font grève, ils ne prennent pas le public en otage. Ils défendent une liberté fondamentale, écrite dans notre Constitution : le droit de grève. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)
    M. Christian Vanneste. Il y en a une autre, celle de se déplacer et de travailler !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Qui décide ?
    M. André Gerin. Décidément, ils n'aiment pas ! Ce sont des intolérants !
    M. Noël Mamère. Ayez au moins la patience de m'écouter pendant cinq minutes ! Nier ce droit pousserait une partie des salariés vers des formes de radicalisation qui n'auraient rien de bénéfique pour le service public, et bon nombre d'autres vers la résignation. Dans un cas comme dans l'autre, ce n'est pas bon pour la démocratie.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il faut respecter les équilibres !
    M. Noël Mamère. Quand les salariés font grève, ce n'est jamais par plaisir. C'est pour améliorer leurs conditions de vie et de travail ou pour optimiser le service public. Ce n'est donc pas en instaurant un service minimum que l'on rendra service aux usagers, mais en traitant à la racine les causes de ces conflits.
    L'attaque contre le droit de grève s'inscrit dans la ligne du gouvernement Raffarin, qui chaque jour s'en prend un peu plus au code du travail et aux libertés syndicales.
    M. Jacques Myard. A vos archaïsmes plutôt ! C'est Jurassic Park !
    M. Noël Mamère. Cette contre-réforme, pourrait-on dire, vise en réalité à affaiblir la résistance des salariés à la politique de régression sociale menée conjointement par le MEDEF et par la droite. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Christian Vanneste. Ah ! Le baron Seillière ! On l'attendait !
    M. Noël Mamère. Les retenues sévères pour fait de grève dans la fonction publique, la casse méthodique de l'inspection du travail, la condamnation de syndicalistes à la prison, dont José Bové et René Riesel,...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. De syndicalistes casseurs !
    M. Noël Mamère. ... ou les lois anti-immigrés font partie, monsieur Ollier, de la vaste offensive menée depuis deux ans par votre gouvernement pour restreindre les libertés publiques. Le dialogue social est bloqué. Nous avons affaire à une société où l'élargissement des droits des salariés est regardé de travers, où un patronat brutal tente en permanence de faire reculer le droit et le fait syndical.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Discours rétrograde !
    M. Noël Mamère. Certains syndicalistes sont d'ailleurs d'accord pour instituer une réelle obligation de concertation avant la grève. Soit on y parvient par la concertation et la médiation, comme ce que fut le cas à la RATP avec la procédure dite d'alerte sociale, qui a fait ses preuves, soit on prétend imposer d'emblée des instances de concertation en échange de l'interdiction de la grève. Les syndicats, j'en suis désolé pour vous, mesdames et messieurs, refuseront à juste titre ce que l'on peut appeler un marché de dupes qui n'est pas négociable.
    Les députés Verts souhaitent également que les associations de consommateurs et d'usagers soient partie prenante dans processus de concertation et qu'elles puissent s'exprimer sur les conditions de transport, et pas seulement en cas de grève.
    M. André Gerin. Tout à fait !
    M. Noël Mamère. Rappelons que la RATP a augmenté cet été le prix du ticket de métro. On peut se demander s'il n'y a pas là une atteinte au service public, en tout cas aux usagers.
    M. André Gerin. Absolument ! C'est la sélection par l'argent !
    Mme Annick Lepetit. C'est une injustice sociale !
    M. Jacques Myard. Et allons-y ! On rase gratis !
    M. Noël Mamère. Non, on ne rase pas gratis, monsieur Myard. Mais quand on est conscient de la fracture sociale dont parle le Président de la République, que vous soutenez, on fait des efforts en direction de ceux qui la subissent le plus durement.
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Cette augmentation était nécessaire ! En province, le transport est plus cher qu'à Paris !
    M. Noël Mamère. Ni les députés ni les ministres n'ont l'habitude de prendre le métro tous les jours ou d'habiter dans des banlieues difficiles, que je sache ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jacques Myard. Si, justement !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Tous en vélo !
    M. Noël Mamère. Moi, je prends le métro chaque jour, voici mon ticket !
    M. Jacques Myard. Moi aussi, j'ai le mien ! Tenez !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il l'a acheté ce matin !
    M. Noël Mamère. Pas du tout. Il est même très vieux ! Du reste, le service des transports de l'Assemblée nationale peut vous fournir une carte permanente. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Et un vélo !
    M. Noël Mamère. Les usagers doivent détenir un rôle essentiel d'évaluation des prestations remplies par le service public.
    En résumé, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, n'ajoutez pas à la liste de vos mauvais coups la limitation du droit de grève. Le droit de grève est et restera en France un principe inaliénable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. André Gerin. Très bien !
    Mme Françoise de Panafieu. Laurent Fabius qui loue une moto, Mamère dans le métro, on aura tout vu !
    M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie. Nous ne sommes pas dans le métro, mais à l'Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Françoise de Panafieu.
    Mme Françoise de Panafieu. Monsieur le président, je n'ai pas préparé mon ticket de métro, je n'ai pas loué de moto pour venir jusqu'ici ce matin, mais cela ne m'empêchera pas de parler des transports en commun.
    Mme Annick Lepetit. Prenez vos rollers !
    Mme Françoise de Panafieu. Lors de la campagne présidentielle, Jacques Chirac avait pris l'engagement d'assurer aux Français la continuité de service public dans les transports en commun.
    M. Noël Mamère. Votre majorité, madame !
    Mme Françoise de Panafieu. Aujourd'hui, monsieur le ministre, nous vous invitons à regarder tous ensemble comment remplir ce contrat avec les Français.
    Ce contrat est une exigence, car la continuité du service public est un principe constitutionnel, une exigence réclamée par 80 % des Français depuis de trop nombreuses années. Une exigence car aucune entreprise, aucun service de transports ne gagne à voir son image dégradée par la menace de paralysie possible du système.
    Puis-je rappeler aussi que la grève coûte cher, puisque c'est au fond des impôts des Français que nous parlons aujourd'hui ?
    Mme Arlette Grosskost. Très bien !
    M. Noël Mamère. Executive Life, cela coûte cher aussi !
    Mme Françoise de Panafieu. Car ce sont bien leurs impôts qui permettent d'assurer ce service public des transports. Elles coûtent cher sur le moment ; elles coûtent cher également par l'onde de choc qu'elles provoquent sur plusieurs mois.
    Les grèves, par exemple, expliquent pour partie le désamour des Franciliens à l'égard de leurs transports en commun. La fréquentation du métro est en baisse de 10 %, celle des autobus de 6,5 %. Et comment se satisfaire de cette situation quand le syndicat des transports d'Ile-de-France affiche un déficit de plus de 100 millions d'euros, dont un tiers est à imputer à la chute de la fréquentation ? Garantir la fiabilité des transports aux Franciliens serait à coup sûr les inciter à en faire bon usage.
    Mme Saugues a cité tout à l'heure Jean-François Copé, candidat UMP à la présidence de la région Ile-de-France, qui n'hésite pas, c'est vrai, à donner clairement son avis sur le sujet. On le voit, on l'entend.
    M. Jacques Myard. Il a raison !
    Mme Odile Saugues. Démagogie !
    Mme Françoise de Panafieu. Quoi de plus normal quand on sait qu'en 2005, décentralisation oblige, ce sera la région Ile-de-France, et non plus l'Etat, qui aura en charge et le budget et le dossier ?
    Mme Annick Lepetit. Avec quel financement ?
    M. Jacques Myard. Il faut réduire les coûts de communication de la région !
    Mme Annick Lepetit. Vous vous croyez en campagne pour les régionales !
    Mme Odile Saugues. Vous êtes sur la liste ?
    M. Noël Mamère. Pas un mot là-dessus ! Nous sommes à l'Assemblée nationale !
    Mme Françoise de Panafieu. Ce qui est anormal, c'est le silence assourdissant du président socialiste sortant de la région Ile-de-France, candidat à sa propre succession. Etonnez-vous, après cela, qu'il reste un illustre inconnu pour une majorité de la population francilienne ! Il n'y a plus que vous pour vous en étonner. Pour ma part, cela ne me surprend plus du tout.
    Ne rien faire, monsieur le ministre, ne rendrait service à personne : ni aux usagers, ni aux entreprises, ni au service des transports. Pour concilier droit de grève et droit des usagers, vous ne souhaitez pas une loi répressive. Nous vous avons entendu. Vous avez raison. Vous parlez de dialogue social ; là aussi, vous avez raison.
    M. André Gerin. C'est une vaste plaisanterie !
    Mme Françoise de Panafieu. Ce dialogue doit être le plus large possible avec les entreprises concernées, les partenaires sociaux et les experts juridiques. Cette méthode a déjà très bien fonctionné. Elle nous a aidés à régler le problème des retraites. Faisons de même, avec toutefois en tête un calendrier précis, et nous attendons quelques précisions sur le sujet. Il y a un temps pour la concertation - elle est indispensable, nous vous l'accordons -, mais il y a aussi un temps pour la décision : elle vous appartient, elle nous appartient.
    Monsieur le ministre, à nous tous aujourd'hui de savoir comment remédier à ce que le Président de la République appelle à juste titre cette défaillance dans notre système social. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.
    M. Jacques Myard. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, de quoi s'agit-il ? Beaucoup a déjà été dit avec des propos auxquels je souscris.
    Le fondement même du débat, c'est le service public, c'est-à-dire l'expression même du vouloir vivre ensemble. Le service public, monsieur le ministre, ce n'est pas le service universel. Il ne s'agit pas de pallier les faiblesses du marché et, à ce propos, ne prenez pas au pied de la lettre et pour argent comptant les dire de la Commission de Bruxelles. La notion de service public, vous le savez, c'est bien la volonté politique et commune de structurer la vie collective sur le fondement d'une politique prédéterminée par le peuple et par le Parlement notamment, sur le fondement de l'égalité et de la continuité absolue des services rendus à la population au nom de la politique arrêtée ensemble.
    Quant à la grève, qui est un arrêt concerté du travail et donc du service, même si elle est parfois légitime au nom d'un certain nombre d'intérêts particuliers,...
    Mme Catherine Génisson. Au nom d'intérêts collectifs, plutôt.
    M. Jacques Myard. ... elle brise, dans un certain nombre de secteurs, la notion de service public. Il faut en être conscient et prétendre le contraire est une imposture.
    M. André Gerin. Démago !
    M. Jacques Myard. Certes, il y a des domaines plus stratégiques que d'autres. Lorsque les ouvriers des Gobelins s'arrêtent de travailler, cela à moins de conséquences sur la volonté du vivre ensemble, mais l'on sait très bien que les transports ou La Poste sont des domaines consubstantiels à la notion même du vouloir vivre ensemble...
    M. André Gerin. Démago !
    M. Jacques Myard. ... et que la grève n'est pas acceptable. Lorsque La Poste se met en grève au moment où des élèves doivent recevoir leurs convocations à des examens, on peut vraiment se poser des questions.
    Aujourd'hui, on assiste à une véritable prise de conscience de la nécessité absolue des services publics, et je m'étonne qu'ils ne soient pas défendus par celles et ceux qui en avaient fait leur fonds de commerce il y a quelques années et qui, aujourd'hui, sont de véritables apostats - je pèse mes mots.
    M. André Gerin. Ridicule !
    Mme Odile Saugues. Ici, c'est un lieu de laïcité !
    M. Jacques Myard. Nos concitoyens ne peuvent plus accepter l'insupportable. Ils en ont assez de subir au quotidien les oukases de quelques-uns qui les prennent en otage. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Il n'en demeure pas moins qu'il ne faut pas faire de l'angélisme et qu'il faut bien évidemment traiter en amont la question des rapports du travail, car il y a des hommes et des femmes, et il peut bien sûr y avoir des conflits.
    Comment en sortir ? Une prise de conscience nationale est salutaire pour imposer la continuité du service, n'en déplaise aux tenants du Jurassic Park de la lutte des classes.
    Mme Catherine Génisson. On finirait par en sourire !
    M. André Gerin. Vous, c'est la lutte des claques !
    M. Jacques Myard. Il faut avoir le courage de définir un certain nombre de secteurs stratégiques dans lesquels la grève doit être l'exception des exceptions, et même n'a pas lieu d'être. Il faut imposer des méthodes de négociation en amont et instituer un médiateur des conflits, pour éviter l'inéluctable. Et c'est un sujet de société suffisamment important pour qu'il soit tranché par référendum. Une fois que le peuple aura parlé, après un débat, bien sûr, au Parlement, les choses seront claires et on tournera la page de l'archaïsme des Jurassic Parks. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Odile Saugues. Vous risqueriez d'avoir des surprises ! Chiche !
    M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost.
    Mme Arlette Grosskost. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi à mon tour de remercier le groupe UMP de l'Assemblée nationale et son président Jacques Barrot de nous offrir ce matin, après de nombreux atermoiements sous le gouvernement précédent, la possibilité de débattre d'une véritable question d'intérêt public.
    A ce titre, dans une proposition de loi que j'ai déposée avec trois de mes collègues, Jean-Michel Bertrand, Etienne Blanc et Christian Vanneste, nous avons souhaité mettre en exergue la nécessité de concilier le principe de valeur constitutionnelle qu'est le droit de grève, et qu'il n'est absolument pas question de remettre en cause, avec des principes de même valeur, qui ont pour nom la liberté d'aller et venir, la sauvegarde de l'intérêt général, la continuité du service public, ou bien encore le droit au travail.
    Une grève, aussi légitime soit-elle, ne saurait porter gravement et durablement atteinte aux besoins essentiels d'un pays et de ses habitants, s'agissant plus particulièrement, comme cela a d'ailleurs déjà été souligné, des plus modestes de nos concitoyens, qui n'ont souvent pas d'autre choix que d'utiliser les transports collectifs pour rejoindre leur lieu de travail, ni de moyen de substitution pour remédier à l'absence de ces mêmes services publics en cas de grève.
    On ne peut impunément, à répétition ou à l'envi, bloquer l'accès de nos grandes agglomérations, contraindre les familles à des solutions de dernière minute pour se rendre au travail ou conduire les enfants à l'école, voire pour les garder au domicile, empêcher les salariés de rejoindre leur entreprise, et compromettre ainsi la viabilité de notre tissu économique et, par là même, l'emploi dans notre pays, tout cela pour la défense unilatérale d'intérêts trop souvent catégoriels !
    Mme Odile Saugues. Quelle honte !
    Mme Arlette Grosskost. Une minorité ne saurait légitimement porter atteinte de façon répétitive ou prolongée à la liberté de circulation du plus grand nombre. Cela équivaudrait à un détournement du droit de grève et à un piétinement de la continuité du service public. Force est de constater qu'en France, où domine encore et toujours la culture du conflit, le débrayage est devenu un véritable facteur de désordre social.
    M. André Gerin. C'est minable !
    Mme Odile Saugues. Lamentable !
    Mme Arlette Grosskost. C'est malheureusement ce qui nous distingue des autres pays membres de l'Union européenne où des procédures incitant à la négociation ont été imaginées et mises en place depuis longtemps, comme cela a été rappelé par notre collègue Robert Lecou.
    La grève est de moins en moins un élément de négociation dans la gestion préventive d'un conflit. Bien au contraire, elle s'inscrit trop souvent dans un comportement déviant (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...
    Mme Odile Saugues. Caricature !
    Mme Annick Lepetit. Lamentable !
    Mme Arlette Grosskost. ... pour en faire une arme de chantage, voire d'intimidation, utilisée au bénéfice exclusif de quelques-uns, souvent poussés par une réflexion idéologique, la vôtre, au mépris tout aussi exclusif des usagers qu'ils sont censés servir !
    Mme Odile Saugues. Quelle honte ! C'est une caricature grossière !
    Mme Annick Lepetit. Nous, nous avons été raisonnables !
    Mme Arlette Grosskost. Si le taux de syndicalisation est souvent le reflet de la bonne respiration sociale d'une démocratie, le faible niveau où il se situe chez nous ne doit-il pas nous interpeller ? Est-il besoin de rappeler que l'Etat voit ainsi son administration perdre jusqu'à 700 000 journées de travail ? Ne serait-il pas en droit de se prémunir contre les conséquences ou les abus du recours à la grève payés par les contribuables que nous sommes ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Il est même en devoir de le faire dans la mesure où l'arrêt du fonctionnement des services publics peut créer une situation préjudiciable à l'intérêt général de manière grave et irrémédiable. Dans les transports, notamment, cette pratique abusive a souvent accrédité l'idée de l'existence de deux Frances : celle du secteur public, et des privilèges de ses agents, et celle du secteur privé, où les salariés sont assujettis aux règles de l'économie de marché.
    Et pourtant ! Les agents du secteur public sont investis d'une responsabilité particulière, ils ne sont pas exonérés du devoir de participer à la bonne marche économique et sociale de notre pays. Cette même responsabilité légitime un aménagement du droit de grève en raison de la nature même des missions qu'ils sont censés exercer dans le respect d'une éthique professionnelle. C'est donc un véritable service garanti qui doit être offert aux usagers de tous les services publics, notamment dans les transports, et évidemment aux heures de pointe. C'est l'objet de notre proposition de loi.
    En matière de libertés publiques, il est des moments où la défense des droits collectifs devient vraiment d'intérêt général et, pour ce faire, monsieur le ministre, osons dénouer quelque peu les noeuds qui étranglent la France. Je formule le voeu que cela puisse se faire en pleine intelligence avec les parties en présence, c'est-à-dire dans la concertation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. André Gerin. C'est Le Pen qui va être content !
    Mme Odile Saugues. On n'en est pas loin !
    M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste.
    M. Christian Vanneste. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'occasion nous est offerte aujourd'hui par le groupe UMP de débattre sur la conciliation de deux principes de droit, le droit de grève et la continuité du service public.
    Il aura fallu le dépôt de plusieurs propositions de loi, et de très nombreux cosignataires, pour que le débat ait lieu. Celui-ci s'intègre dans l'indispensable modernisation de notre pays. La défense du principe de la continuité du service public doit être un engagemeent fort de la majorité parlementaire, pour les Français et pour la France.
    Dans un sondage BVA de mai 2003, 81 % des Français se déclaraient favorables à une loi visant à garantir un service minimum dans les services publics en grève. Aujourd'hui, la continuité du service public est une impérieuse nécessité, tant pour les administrations et les établissements publics que pour les salariés, les entreprises et les familles qui se retrouvent, je le répète, otages de grèves qui débordent souvent le cadre de leur légitimité. Grèves par procuration, on l'a dit tout à l'heure, grèves d'ingérences, grèves préventives même, cette année, les exemples sont nombreux de cette utilisation illégitime du droit de grève. C'est paradoxalement la faiblesse du syndicalisme en France...
    Mme Odile Saugues. A qui la faute ?
    M. Christian Vanneste. ... qui entraîne de ces débordements dans les services publics jouissant d'un monopole. Ce fait a été récemment mis en lumière par M. Bernard Zimmern dans La Dictature des syndicats.
    M. André Gerin. Minable !
    M. Christian Vanneste. Par ailleurs, les usagers se sont progressivement montrés plus exigeants envers les services publics. L'efficacité est devenue un critère important, la continuité une donnée essentielle. Cette carence du service public cristallise de plus en plus de revendications, et en particulier celle d'un service garanti.
    Le service garanti doit permettre de rendre la grève efficace, en délimitant son objet et son contour, comme c'est le cas en Allemagne, par exemple.
    Mme Odile Saugues. En Allemagne, on respecte les syndicalistes !
    M. Christian Vanneste. Il s'agit ainsi de définir des règles permettant le respect du principe de continuité. Ces règles n'ont pu être mises en place par des accords d'entreprise. C'est aujourd'hui au législateur de les mettre en oeuvre. Une des solutions consisterait par exemple à instituer des périodes de non-grève, comme c'est le cas en Italie par exemple.
    La proposition de loi que j'ai déposée avec mes collègues Arlette Grosskost, Jean-Michel Bertrand et Etienne Blanc va dans le sens de l'amélioration de la vie quotidienne de nos concitoyens et de la modernisation de notre pays. En effet, un petit nombre de personnes ne peuvent bloquer la totalité d'un pays. Il est assez scandaleux que les professions les moins exposées aux risques économiques pénalisent celles qui le sont le plus. La France est, sur bien des points, terriblement archaïque et conservatrice. Toute réforme y soulève des réactions corporatistes. Mais, assez curieusement, c'est aussi la grève générale, la grève politique à la Georges Sorel, qui semble encore fossilisée dans certains esprits.
    Au sein de l'Union européenne, c'est la continuité qui l'emporte sur le droit de grève, et la France reste un cas isolé en Europe, comme le précise le rapport de M. Lecou. En effet, la plupart des autres pays européens ont mis en place des dispositifs permettant d'assurer la continuité des services publics, en particulier des transports collectifs, en cas de grève. Chacun, à sa manière, a trouvé une réponse appropriée en mettant en valeur leur caractère vital pour le fonctionnement de la société. Ainsi, sept de nos partenaires, et non des moindres, l'Espagne et l'Italie par exemple, ont une législation spécifique sur la continuité du service public. En France, le droit de grève est reconnu par la Constitution, ainsi que le droit à la continuité dans les services publics essentiels. Or la France est le seul pays à n'avoir pas su trouver de compromis entre ces deux droits fondamentaux par une législation adaptée.
    A l'heure où la construction européenne doit se concrétiser par une harmonisation globale des législations, il est plus que temps que la France s'inscrive dans la logique des Etats membres dotés au moins d'un réel service minimum.
    Nous attendons donc un engagement gouvernemental fort sur cette question, car cette réforme est légitime et elle est urgente.
    Instaurer un service garanti dans les services publics est une idée de pur bon sens, et surtout économiquement indispensable. La fiabilité des services publics fait partie des critères qui motivent l'investissement, la création d'entreprises et donc l'emploi, qui est la priorité des priorités. C'est un aspect essentiel de l'attractivité de notre pays. C'est pourquoi j'appelle de mes voeux la mise en place d'un service garanti global pour l'ensemble du service public. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Etienne Blanc.
    M. Etienne Blanc. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis 1946, date à laquelle le droit de grève a été inscrit dans le Préambule de notre Constitution, le moins que l'on puisse dire est que le service garanti est un sujet tabou.
    Au cours des quatre dernières années, cette question a été abordée à 144 reprises à l'occasion des propositions de loi, des questions au Gouvernement, des questions écrites ou des questions orales sans débat. C'est bien curieux alors même que 80 % des Français plébiscitent aujourd'hui une réglementation du droit de grève dans le service public et pour le moins la mise en place d'un service garanti. Et on le comprend. Dans cette cohorte figurent les Français parmi les plus modestes, ceux qui n'ont pas la possibilité de trouver un véhicule pour se rendre sur leur lieu de travail, une réponse pour la garde de leurs enfants, ou de recourir à une société privée pour enlever les ordures ménagères lorsqu'il y a une grève de longue durée.
    Les Français savent bien que l'Europe entière aujourd'hui a réglé cette question, ou a contribué à la régler, de deux manières : en mettant en place un service garanti ou en renforçant l'obligation dans le service public de développer le dialogue social.
    En France, non seulement le droit nous le permet, mais il nous y invite. Il suffit de relire l'arrêt Dehaene du Conseil d'Etat du mois de janvier 1950 : le Gouvernement a la possibilité, lorqu'il y a carence du service public, de mettre en place un système qui permette de répondre à son obligation de continuité et de permanence. Il y a surtout l'arrêt du Conseil constitutionnel du 25 juillet 1979 : le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle mais il existe un autre principe de valeur constitutionnelle qui se traduit dans la continuité du service public et il est possible au législateur de mettre en place un système permettant de réglementer le droit de grève dans le service public, notamment lorsque la grève porte atteinte aux besoins essentiels du pays.
    Oui, nous sommes un certain nombre à penser que le moment est venu de prendre une décision dans ce domaine.
    On nous dit que la loi serait trop abrupte, qu'il ne faudrait pas légiférer, qu'il faudrait renvoyer aux partenaires sociaux le soin de régler cette question. Entre l'obligation de légiférer et le renvoi au dialogue social, il existe un juste compromis. Dans les six mois qui viennent, avant qu'une loi ne soit adoptée par notre assemblée, nous devons instaurer un dialogue sur plusieurs thèmes, en nous inspirant d'ailleurs du droit européen : obligation de négocier, d'aller plus loin dans une discussion avant de recourir à la grève, comme l'ont fait les Italiens et les Espagnols ; augmentation du délai de préavis comme aujourd'hui à la RATP, le délai de cinq jours étant peut-être un peu trop court ; discussion sur la qualité du service public, sur l'intéressement des fonctionnaires à la qualité du service public. Tout cela doit faire partie du dialogue social pendant les six mois qui viennent, mais il faut qu'au terme de ces six mois, nous ayons une loi.
    Pourquoi d'ailleurs en limiter le champ aux services des transports ? En 1979, le Conseil constitutionnel a étendu la possibilité de légiférer.
    M. Robert Lecou. Tout à fait !
    M. Etienne Blanc. Y a-t-il obligation de se cantonner aux seuls services des transports alors même que se pose le problème de l'école, du collège ou du lycée, comme celui de la collecte des ordures ménagères ou des grands services publics délégués ? La question mérite d'être posée.
    Mme Odile Saugues. Et voilà ! C'est bien ce que nous disions : le détricotage est en marche !
    M. Etienne Blanc. Quant au contenu de ce texte, sa préparation doit être très précise. Mettre en place des plages horaires, fixer de manière précise les obligations qui pèsent sur le service public pendant ces plages horaires, imaginer une qualité minimale de ce service publics, sont choses à nos yeux indispensables.
    Oui, monsieur le ministre, la loi est indispensable car, si nous ne légiférons pas sur le droit de grève dans les services publics, nous donnerons alors l'impression de faire la grève du droit, ce qui serait un comble pour la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Christian Philip.
    M. Christian Philip. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, débattre ce matin de l'instauration d'un service garanti pour donner l'assurance à nos concitoyens d'une continuité des services publics essentiels était une nécessité, à la fois parce qu'il y a sur ce point une demande forte des Français - que chacun d'entre nous constate dans sa circonscription -, et parce qu'il y a là une occasion unique d'introduire des mécanismes favorisant un dialogue social trop souvent difficile dans notre pays.
    Une loi sera donc nécessaire. Elle sera nécessaire pour déterminer le cadre du dispositif retenu. Mais cette loi ne peut être élaborée sans une réponse préalable à certaines questions, sans concertation, on l'a déjà dit, avec tous les acteurs des entreprises concernées. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, la méthode que vous avez choisie est sage. Voilà pourquoi, quoi qu'on en ait dit aussi, le débat de ce matin, préalable à l'acte de légiférer, était nécessaire. Légiférer par principe n'est jamais bon. Donner à certains le sentiment d'une déclaration de guerre serait absurde et ne conduirait pas à une application saine de la loi votée.
    Une loi, oui, mais une loi qui devra d'abord choisir son champ d'application. Même si les transports constituent un service public particulier - car chacun se déplace tous les jours et aucune activité économique n'échappe à cette nécessité -, faut-il limiter une loi sur le service garanti au secteur des transports ?
    Notre collègue Lecou, dans le rapport qu'il a présenté la semaine dernière devant la délégation à l'Union européenne, a montré clairement que la question, en fait, porte sur ce que nos amis québécois appellent les services essentiels.
    M. Robert Lecou. Oui.
    M. Christian Philip. La loi devra, selon moi, concerner tous les services essentiels pour lesquels la continuité du service public s'impose. Les énumérer nécessitera un débat et des choix, d'où cette discussion préalable. Se limiter aux transports donnerait peut-être l'impression d'une loi de circonstance, stigmatiserait un secteur qui n'est pas le seul répondant à la notion de service essentiel, et empêcherait que la loi soit vraiment comprise et acceptée par tous.
    Une loi, donc, mais une loi qui devra veiller à respecter trois orientations.
    Elle devra prévoir l'obligation et les formes minimales d'un dialogue social, préalable à l'officialisation du conflit, comme du service garanti à organiser. On n'évitera pas les conflits. On peut les accepter, et donc accepter, bien entendu, l'interruption du service, mais on ne peut pas accepter que tout n'ait pas été tenté pour l'éviter. Des mécanismes doivent donc obliger au dialogue. Et le service garanti doit être, au minimum, un cadre, que la loi organisera.
    Deuxième orientation, il faut faire confiance aux entreprises responsables de ces services essentiels,...
    M. Robert Lecou. Absolument !
    M. Christian Philip. ... comme on l'a fait à la RATP ou à la SNCF. Elles auront à établir les modalités du dialogue social et, en cas d'échec, les détails de la mise en place du service garanti. Mais la loi doit fixer une chose : l'obligation de résultat.
    M. Robert Lecou. Tout à fait !
    M. Christian Philip. Enfin, troisième orientation, il faut créer un organe de régulation,...
    M. Robert Lecou. Très bien !
    M. Christian Philip. ... une autorité indépendante, un peu à l'instar du CSA dans un autre domaine, qui veillerait au respect de la loi et qui devrait intervenir au cas où un service public essentiel ne serait pas capable de définir et de mettre en oeuvre les principes arrêtés par la loi.
    M. Robert Lecou. Bravo !
    M. Christian Philip. Une loi, oui, mais une loi qui garantira deux principes constitutionnels tout aussi importants, dont la conciliation, c'est vrai, n'est pas facile : le principe du droit de grève, droit fondamental sur lequel il n'y a pas lieu de discuter,...
    M. Robert Lecou. Tout à fait !
    M. Christian Philip. ... et le principe de continuité du service public, sans lequel celui-ci n'aurait plus de raison d'être. Cette conciliation est possible, comme le montre l'exemple de tous nos partenaires européens. Aucun d'entre nous ne peut sérieusement contester le caractère démocratique des pays qui nous entourent. Et pourtant, ils ont mis en place un service garanti.
    Mme Annick Lepetit. Avec quel résultat ?
    M. Christian Philip. Aucun de ces pays n'a jamais vu aboutir un recours intenté contre lui devant la Cour européenne des droits de l'homme. Par conséquent, comment peut-on sérieusement condamner la nécessaire compatibilité entre ces deux principes ? Pourquoi ce qui est possible ailleurs ne le serait-il pas chez nous ? Nous devons y parvenir pour répondre à l'attente légitime de nos concitoyens.
    Le Gouvernement, en exprimant sa volonté d'aboutir tout en s'obligeant à une concertation préalable avec tous les acteurs concernés, saura, j'en suis sûr, monsieur le ministre, nous proposer une loi qui aura le grand mérite de faciliter la réconciliation des Français avec la notion de service public.
    Mme Odile Saugues. Ce n'est pas sûr !
    M. Christian Philip. Car il faut en avoir conscience : la grève qui ne respecte pas les clients des services publics est le moyen le plus sûr de dévaloriser la notion de service public.
    M. Robert Lecou. Ça c'est bien vrai !
    M. Christian Philip. Et le service garanti, c'est la seule réponse crédible à l'attente des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Maurice Giro, dernier orateur inscrit.
    M. Maurice Giro. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il n'est jamais facile d'être le dernier orateur inscrit,...
    Mme Annick Lepetit. Et le dixième de l'UMP !
    M. André Gerin. Si c'est difficile, il ne fallait pas s'inscrire, monsieur Giro !
    M. Maurice Giro. ... car beaucoup de choses ont été dites. Aussi, mon intervention sera courte.
    Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais vous remercier d'avoir permis le débat que nous engageons aujourd'hui et vous dire combien il est important. Important et attendu : 81 % des Français se sont prononcés, dans un sondage BVA des 2 et 3 mai 2003, en faveur de l'instauration d'un service minimum.
    Mon intervention portera sur deux points : le droit de grève et la continuité du service public.
    Pour ma part, je souhaite, comme je l'ai écrit dans la proposition de loi que j'ai déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale, qu'un vote à bulletin secret soit effectué avant tout dépôt de préavis de grève dans les services publics ou les établissements publics. Je reste persuadé que la mise en place de ce vote donnerait une meilleure image de l'exercice du droit de grève. Je ne cherche pas à le supprimer, comme certains le pensent, mais je veux qu'il soit exercé démocratiquement. Son exercice ne doit pas être déclenché par une minorité, par des votes à mains levées, ni s'accompagner, comme c'est parfois le cas, d'entraves à la liberté du travail. Je comprendrais mal que des élus n'acceptent pas l'exercice de la démocratie dans ce domaine, sachant que Léon Trotski, dans une lettre du 25 avril 1929 à Boris Souvarine, explique qu'il est pour l'instauration d'un vote à bulletin secret.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous entendez, monsieur Gerin ? Il faut relire Trotski !
    M. André Gerin. C'est vrai ! C'est si beau !
    M. Maurice Giro. Notre but doit être de redonner toute sa place au dialogue social dans le service public, afin que le recours à la grève n'y soit plus utilisé comme un moyen de gérer les conflits, mais redevienne le droit ultime des salariés à cesser le travail quand les tentatives de discussion ont échoué.
    Le droit de grève, qui est une liberté fondamentale, doit cesser d'être un moyen de chantage qui consiste à prendre les clients et les usagers en otage. Il ne doit plus paralyser notre économie. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Quel est l'objectif de l'instauration d'un service minimum garanti ? C'est de protéger les droits des usagers, en particulier ceux des plus dépendants. Car qui souffre le plus d'une grève dans les transports publics ? Ce n'est pas celui qui peut choisir d'aller travailler ou de rester chez lui, ce n'est pas celui qui a le choix de prendre sa voiture ou un taxi. C'est celui qui n'a pas le choix. C'est celui qui, s'il ne se rend pas à son travail, risque de le perdre ou de voir son salaire amputé de la durée de son absence. C'est celui qui est obligé d'utiliser les transports en commun. On sait aussi que, lorsque La Poste est en grève, les commandes en souffrance ou les règlements retardés mettent en péril certaines entreprises, souvent les plus petites. Et que font les parents des plus jeunes enfants quand les portes de l'école primaire ou maternelle sont fermées alors qu'ils doivent rejoindre leur lieu de travail ?
    Mme Catherine Génisson. Au fait, et l'école maternelle à deux ans ?
    M. Maurice Giro. Les services publics sont donc essentiels dans notre vie quotidienne. Ils sont financés par chacun d'entre nous et doivent être au service de tous.
    Pour toutes ces raisons, je défends la mise en place, en cas de conflit social, d'un service minimum garanti aux utilisateurs des services publics, de tous les services publics, sachant qu'il est du ressort des organisations syndicales, en accord avec les entreprises de service public et les branches, d'établir ce minimum, de sorte que le fonctionnement normal des services ne soit pas profondément altéré. Alors, l'Etat ne devra intervenir par la loi indispensable que si les partenaires ne parvenaient pas à se mettre d'accord.
    Sachez, monsieur le ministre, que je serai, que nous serons, à vos côtés pour enfin apporter des réponses à une majorité de Français, qui attendent de nous que nous agissions. (Applaudissements sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je tiens à vous remercier, tous, de votre participation à ce débat, et particulièrement, bien sûr, le groupe UMP, qui en est à l'origine, et son président, Jacques Barrot - m'a fait savoir qu'il ne pourrait pas être là pendant tout le débat. Je remercie aussi les nombreux parlementaires, de toutes sensibilités, qui ont travaillé sur cette question, parfois depuis très longtemps, dans le cadre de rapports ou de propositions de loi, qui ont été souvent cités. L'un d'entre eux, d'ailleurs, est à mes côtés sur le banc du Gouvernement : il s'agit de Dominique Bussereau. Je vous remercie tous de ce travail, de votre patience aussi, car, jusqu'à ce que le président Barrot prenne l'initiative de ce débat, vous n'aviez pas pu vous exprimer - sauf à une seule occasion, l'examen de la proposition de loi de Dominique Bussereau - et présenter vos travaux ici, à l'Assemblée nationale.
    Le débat de ce matin ne sera pas un débat pour la forme et encore moins, j'en prends l'engagement devant vous, un débat pour rien. Nous tous, que nous soyons parlementaires, partenaires sociaux ou membres de l'exécutif, nous avons le devoir, et nous le ressentons tous, de répondre à cette demande de respect. Parce que c'est finalement le respect que les Français nous réclament, et notamment les plus fragiles et les plus exposés d'entre eux. Bien sûr que ce débat porte sur la continuité du service public, mais il est avant tout, me semble-t-il, un débat sur l'équité, un débat sur l'égalité, un débat sur la solidarité. Et d'ailleurs, c'est bien ainsi que je comprends l'invitation à agir exprimée par Jacques Kossowski ou par Christian Blanc.
    Oui, nous avons le devoir de répondre à cette demande forte de respect des Français, mais nous avons aussi le devoir de construire avec les partenaires sociaux ce qui a manqué jusqu'alors pour avancer : une méthode.
    M. Maurice Leroy. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Une méthode qui transforme nos objectifs en objectifs communs, en véritables voies de progrès pour tous les défenseurs du service public, lesquels, je le sais, siègent sur tous les bancs de cette assemblée. Nous devons tracer un chemin qui, comme presque tous les orateurs l'ont dit, concilie, en les respectant, deux grands principes constitutionnels : le droit de grève et la continuité du service public. Et enfin, pour que cette réforme, qui est une réforme de progrès social, réussisse, pour qu'elle améliore la vie quotidienne de nos concitoyens, ce qui est quand même l'objectif, ne le perdons pas de vue, il faut qu'elle soit équilibrée, applicable. Et pour qu'elle soit applicable, il faut qu'elle soit concertée. Je vous ferai tout à l'heure plusieurs propositions qui s'inscrivent dans le droit-fil de cette démarche.
    Revenons pour l'instant, si vous le permettez, aux grèves dans les entreprises de service public de transport, grèves qui sont perçues par nos concitoyens tantôt avec un certain fatalisme, tantôt avec révolte, parfois avec solidarité, mais jamais avec indifférence.
    Cette situation de conflictualité hors norme, qu'a bien décrite Etienne Blanc, pose à mon avis quatre vrais problèmes que je voudrais évoquer avec vous.
    D'abord, un problème social. Vous l'avez dit, ce sont bien les plus modestes des Français qui ne peuvent pas se payer un moyen de transport individuel. Mme Arlette Grosskost l'a souligné, ce sont les personnes les plus modestes qui sont les plus affectées par ces arrêts de travail. Pour eux, il n'y a pas forcément de voiture - et même si c'est le cas, cela représente un surcoût pour eux -, et encore moins possibilité de prendre un taxi.
    « Ce n'est pas normal que les travailleurs soient à chaque fois les victimes de l'échec des négociations entre direction et syndicats » : c'est là une réflexion qui m'a été faite par un représentant de l'un des syndicats que j'ai reçus lors des concertations individuelles que j'ai menées il y a deux semaines. Cette remarque vaut pour les travailleurs, c'est vrai, mais aussi pour les mères de famille, les chômeurs, les personnes âgées - ou moins âgées - qui doivent se rendre chez un médecin ou à l'hôpital.
    Après le problème social, il y a un problème juridique, avec deux aspects à souligner. Le président Clément les a également relevés dans son intervention, en ajoutant un éclairage - et quand je dis un éclairage, le mot est bien faible quand il s'agit du président Clément - d'ordre constitutionnel, qui m'a semblé très important.
    Le premier fait à noter, c'est que l'équilibre voulu par le législateur entre continuité du service public et droit de grève n'est pas bien respecté, dans notre pays, dans le domaine des transports. C'est une évidence. La continuité du service public est mise à mal par des mouvements sociaux alors qu'elle est, au même titre que le droit de grève, reconnue comme un principe constitutionnel, souvent oublié.
    La deuxième remarque juridique, c'est que ce devoir de continuité du service a, historiquement, il faut le rappeler, une contrepartie : le statut protecteur des agents. Au début du chemin de fer, par exemple, compte tenu des lourdes sujétions d'horaires et de déplacement imposées par ces nouveaux métiers, il n'était pas facile pour les employeurs de trouver et de fidéliser du personnel. C'est pour cela que s'est imposée l'idée de donner aux agents un même statut, et un statut qui comporte - et il n'y a rien d'insultant à le dire - un certain nombre d'avantages. Eh bien, je trouve que dans ce donnant-donnant tout à fait légitime, le volet « continuité » a tout de même été un peu oublié au fil du temps.
    Outre le problème juridique et le problème social, il y a un problème économique, qui touche, au-delà même des entreprises publiques de transport, de plus en plus soumises à la concurrence, l'ensemble de l'économie nationale. De la très grande entreprise à la PME locale ou aux artisans, entre les déficits d'exploitation pour les unes et les pertes sèches pour les autres, la facture économique d'une grève est à la hauteur du rôle stratégique des transports dans l'économie nationale.
    Je souligne aussi qu'il y va de l'image de la France dans le monde, comme l'a justement rappelé le professeur Dubernard.
    M. Bernard Accoyer. Très juste !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Et l'image d'un pays, cela compte pour les créateurs d'emplois internationaux qui cherchent des pays d'accueil. Parmi les critères qui guident leurs choix, il y a évidemment la taxe professionnelle, l'emploi ou la formation, mais il y a aussi la paix sociale, et donc la qualité du dialogue social qui en est une condition.
    J'ajoute, madame Saugues, que les conflits pourrissent, comme vous avez eu raison d'y insister, le climat dans l'entreprise, et cela bien après la fin du conflit. Il y a des amertumes qui restent, des blessures qui ont du mal à se cicatriser. Cela aussi fait partie de notre particularisme français.
    Se pose encore un dernier problème, lié directement au problème économique : celui du service public des transports.
    Sous l'effet de ces conflits répétés, le service public perd chaque fois de son attractivité, alors que chacun - ici même et ailleurs - s'emploie à promouvoir toutes les bonnes alternatives à la route et à la voiture individuelle. Cette conflictualité affaiblit l'ensemble des défenseurs du service public, et fait qu'il y a moins d'usagers, moins de clients...
    M. Jacques Myard. Plus de déficits !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... et, bien sûr, moins d'agents. Or, les agents, grévistes ou non grévistes, voient toujours, d'une manière ou d'une autre, la facture de la grève apparaître sur leur feuille de paie. En outre, le climat professionnel reste empoisonné par les séquelles accumulées des précédents conflits.
    Je n'ose pas croire que ceux-là mêmes qui redoutent la privatisation des services publics sous l'effet de la mondialisation ne soient pas aujourd'hui avec nous pour donner à notre service public les outils et les équipements,...
    M. Jacques Myard. Très juste ! Ce sont des apostats !
    Mme Odile Saugues et Mme Annick Lepetit. Et les financements ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... autrement dit, les atouts qui vont lui permettre d'assurer - et c'est un minimum - son attractivité, donc sa pérennité, madame Saugues. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Odile Saugues. Pour les équipements, il faut des financements !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je suis certain que notre service public, grâce à cette sérénité retrouvée, récupérerait des parts de marché auprès d'une clientèle alors rassurée. Oui, M. Philip l'a bien rappelé, il faut réconcilier les Français avec la notion de service public. Un service public qui, ne l'oublions pas, doit être à la hauteur des défis européens qui se posent désormais à nos entreprises de transport.
    A cette situation de conflictualité ouverte et latente, le Gouvernement a le devoir d'apporter des solutions. Elles existent, et il faut simplement essayer de les admettre ensemble. A côté de nous, en Europe, d'autres pays ont eu ces problèmes, et ils se sont rassemblés pour les gérer. C'est pour cela que je suis allé les rencontrer : du 15 septembre au 30 octobre, j'ai effectué cinq visites d'étude dans cinq pays européens - l'Italie, le Portugal, l'Espagne, l'Allemagne et la Belgique. A chaque fois, dix syndicats sur quinze m'ont accompagné. On partait de Charles-de-Gaulle, au petit matin et on revenait par le dernier avion. Dans les cinq pays, nous avons rencontré chaque fois les organisations syndicales des entreprises de transport, les directions de ces entreprises, les autorités publiques de tutelle et nous avons débattu avec nos hôtes, sans aucune retenue, mais nous avons aussi échangé beaucoup entre nous, pendant l'aller et pendant le retour.
    Comme vous avez sans doute pu le lire dans la presse, les systèmes peuvent se classer en deux grandes familles.
    En premier lieu, il y a les pays du Nord, où la qualité du dialogue social et des dispositifs de prévention rendent exceptionnel le conflit. J'ajoute que le droit de grève est beaucoup plus réglementé et limité qu'en France - parfois, d'ailleurs, comme en Allemagne, une partie des agents n'a pas le droit de grève, madame Saugues.
    Mme Odile Saugues. Certes, mais le dialogue social y est plus développé !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Dans ces pays, il n'y a pas de texte de loi sur un service garanti. Cela dit, quand un conflit a lieu, c'est la pagaille. Elle peut être totale, comme on l'a vu récemment en Autriche. Et, ailleurs, comme en Belgique, la paix sociale peut se révéler tellement coûteuse qu'elle peut même peser sur l'emploi, dans le secteur privé, mais aussi dans les entreprises de transport public elles-mêmes.
    En second lieu, on trouve des pays à plus forte conflictualité - les pays méditerranéens, dirons-nous - dans lesquels la loi a fixé le principe d'un service minimum dans les transports. Dans ces pays latins, on rencontre deux variantes qui encadrent le droit de grève.
    Dans la première, ce sont la loi ou le règlement qui encadrent « à chaud » la négociation des partenaires sociaux sur le service garanti en période de grève. Si la négociation entre les parties échoue, c'est le gouvernement - là-bas, on dit l'administration - qui fixe un service minimum. C'est par nature, un système de régulation « à chaud » qui connaît fréquemment des suites juridiques. Bien après la fin de la grève, le juge crée, en fin de compte, une sorte de jurisprudence en matière de service minimum.
    Dans la seconde variante en vigueur, notamment en Italie, mais aussi au Québec, dont je sais bien qu'il ne se trouve pas en Europe, le législateur prévoit que le service garanti est déterminé « à froid » - c'est bien la moindre des choses quand on parle du Québec. (Sourires.) Ce sont des accords contractuels impulsés puis validés par une autorité indépendante qui fixent la pratique. L'autorité indépendante peut également, en l'attente ou en l'absence d'accords contractuels, adopter des réglementations provisoires, après avoir mené des tentatives de concertation entre les parties. Elle peut aussi décider des sanctions à l'encontre de l'une ou l'autre des parties qui ne respecterait pas les règles du jeu.
    A M. Mariton, qui souhaite que le pouvoir politique conserve ses responsabilités en la matière, je précise que l'autorité indépendante n'a pas de rôle quant au fond du conflit. Elle se borne à vérifier le respect des services essentiels pendant la durée du conflit. Et, comme beaucoup d'entre vous qui connaissez ce système - je pense à M. Lecou, qui l'a analysé avec beaucoup de soin -, je reconnais avoir été, d'une certaine façon, séduit par l'« ingénierie sociale » italienne et surtout par le rôle de cette autorité administrative tout à la fois initiatrice d'accords de service garanti et gardienne respectée de leur bon usage. Il a fallu quinze ans de travail pour aboutir, qui plus est dans un climat de vrai consensus politique et social ! Mais le résultat est à la hauteur de l'immense travail mené dans le cadre d'un dialogue vraiment accompli.
    J'en veux pour preuve la réaction des trois grands syndicats italiens qui, il y a quelques jours à Milan, se sont désolidarisés d'une grève générale sauvage qui ne respectait pas le règlement défini avec la commission de garantie.
    Mme Annick Lepetit. Il n'y a pas de grèves sauvages !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. « Violer le règlement est inadmissible. On prend en otage les autres travailleurs et on réduit le consensus pour d'autres batailles », a déclaré le leader de la CGIL.
    M. Jacques Myard. Aggiornamento, mesdames et messieurs de la gauche !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. S'il vous plaît, monsieur Myard. Quelles leçons plus globales peut-on tirer de l'expérience de nos voisins européens ?
    Première leçon : aucun des syndicats européens auditionnés ne nous a confié avoir perdu sa force de revendication à la suite de la mise en place d'une système de continuité de service. Aucun ! On s'aperçoit bien que les systèmes mis en place survivent aux alternances politiques et s'inscrivent durablement dans le patrimoine social.
    M. Maurice Leroy. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Vous devriez y penser, madame Saugues, non pas que je souhaite l'alternance politique...
    Mme Catherine Génisson et M. André Gerin. Mais si !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... mais, si un tel système avait été mis en place il y a vingt ans, peut-être auriez-vous pu en « bénéficier ».
    Deuxième leçon : aucun système n'est complet, reconnaissons-le. En Europe du Nord, même s'il y a très peu de grèves, aucune réponse n'est proposée aux usagers en cas de conflit. Dans certains cas, on a constaté que la paix sociale était achetée très cher d'un point de vue macroéconomique, avec des conséquences sociales que j'ai déjà évoquées à propos de la Belgique. En Europe du Sud, il y a certes un service garanti, mais, faute d'outils de prévention suffisamment performants en amont, le nombre des grèves est demeuré élevé, avec une conflictualité qui est restée, on le sent bien, à fleur de peau.
    Evidemment, chaque pays a son histoire sociale, des histoires à chaque fois passionnantes, parce que - et Jean Le Garrec l'a rappelé avec une grande sagesse - le social, par définition, est une matière vivante, une histoire d'hommes et de femmes qui, dans le conflit ou dans le rassemblement, s'efforcent d'avancer vers une société qu'ils estiment plus juste. Inutile donc de chercher à reproduire à l'identique tel ou tel système, d'autant plus que, nous l'avons vu, aucun d'entre eux n'est parfait.
    Construisons donc notre propre système à la française, un système équilibré, marchant à bon rythme, sur deux jambes : la prévention des conflits d'un côté ; la continuité du service public en période de grève, de l'autre. La démarche de prévention, vous l'avez presque tous souligné, est la base de tout. « Toute grève est un échec », m'ont dit toutes les organisations syndicales que j'ai reçues en tête à tête.
    J'ajoute qu'elle s'accompagne toujours d'une facture sociale toujours très lourde. Ces organisations disent encore : « La meilleure grève, c'est celle qu'on n'a pas faite. Mais sans la grève, on n'obtient rien. »
    Sortons de ce qui est trop souvent une logique d'affrontement, en offrant aux partenaires sociaux de nouveaux espaces de dialogue où pourra souffler l'esprit de responsabilité des différentes parties. Cette volonté d'un dialogue social en amont, intense, adulte, n'a rien d'une utopie. Le secteur privé y est parvenu très majoritairement. Dans le secteur des transports publics, la RATP a été pionnière en matière de prévention, avec, en 1996, une démarche concertée d'alarme sociale, qui a été approuvée par sept organisations syndicales - Georges Tron a parfaitement analysé ce dispositif qui a vraiment changé de façon très positive la RATP. La démarche instruite par le président Bailly constitue réellement une belle exception française, un mieux-disant social dont les organisations syndicales, la direction et le pays peuvent être fiers. Elle a d'ailleurs été largement citée dans les pays européens où nous nous sommes rendus.
    En quoi consiste l'alarme sociale ? Il s'agit à la fois d'un code de déontologie reconnaissant l'importance des clients, une conception de la grève, considérée comme un recours ultime après un échec en amont du dialogue social, et un dispositif d'alarme sociale préalable au préavis lui-même.
    Le dispositif mis en place à la RATP est simple, efficace et, surtout, opérationnel. Lorsqu'une des parties - direction ou organisations syndicales - identifie un problème susceptible de devenir conflictuel, elle active la procédure d'alarme sociale et elle avertit l'autre par un courrier. Puis, dans un délai de cinq jours, direction et organisations syndicales se réunissent. Selon l'issue de cette réunion entre les partenaires sociaux, un constat d'accord ou de désaccord est rédigé, le constat d'accord engageant les parties signataires. L'obligation de devoir motiver par écrit une échec ou un refus est décisive, nous a confié une organisation syndicale de la RATP.
    Les résultats sont édifiants : depuis 1996, le nombre de préavis déposés a été divisé au moins par trois (« Voilà ! » sur les bancs du groupe socialiste) et le taux de participation aux arrêts de travail par cinq.
    Mme Annick Lepetit. Absolument !
    Mme Catherine Génisson. Merci de le souligner, monsieur le ministre.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Depuis 1996, on recense seulement deux journées de grève totale : une en 1999 à la suite du décès tragique d'un agent ; l'autre en mai 2003 à propos des retraites.
    Voilà donc un dispositif qui marche,...
    M. Maurice Leroy. C'est vrai !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... et qui a radicalement changé la vie quotidienne des clients...
    M. Jacques Myard. Des usagers !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... et aussi des agents. Cette vraie réussite sociale a installé le dialogue au coeur de l'entreprise et de son fonctionnement. Lors du tour d'Europe que nous avons effectué, ce cas français a été cité en exemple, et nos accompagnateurs et moi-même en étions fiers.
    A la SNCF aussi, la conflictualité a baissé au cours de ces dernières années, même si la situation actuelle, en particulier la répétition de conflits locaux, ne peut satisfaire les usagers. A la SNCF, la direction s'est aussi engagée dans une démarche de prévention, que je salue et qui a abouti, en septembre de cette année, à la signature d'un accord par trois organisations.
    Mme Annick Lepetit. Tout à fait !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. L'amélioration du dialogue social est une contrainte vertueuse pour les directions d'entreprise. Elle les amène à se réformer, à décentraliser de réels pouvoirs au niveau du management opérationnel. Le dialogue et le respect du client deviennent des valeurs qui s'imposent à tous.
    La prévention des conflits est bien la priorité du Gouvernement, et, si j'ai bien compris, celle de nombreux députés, notamment celle de Jean Le Garrec, qui a parlé de « technique de prévenance ».
    Dans un premier temps, il s'agira de renforcer et de développer au sein de toutes les entreprises de transports terrestres de voyageurs des dispositifs négociés de prévention des conflits.
    M. Maurice Leroy. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. L'exemple réussi de la RATP, reconnu comme tel en Europe, nous encourage à nous engager dans cette voie. Comme Maurice Giro, je ne me résous pas à l'idée que, dans les transports, le préavis de grève soit parfois devenu une forme trop banalisée du dialogue social.
    M. Pierre-Christophe Baguet et M. Maurice Leroy. Exactement !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Le Gouvernement souhaite donc présenter, après concertation, un projet de loi de prévention et d'anticipation des conflits dans les entreprises de transport.
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ce texte de loi de confiance et de progrès incitera les entreprises à mettre en place un dispositif négocié de prévention des conflits avant le dépôt d'un éventuel préavis. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Ayons bien présent à l'esprit que pour dialoguer il faut être deux : direction et organisations syndicales. Le Gouvernement tient à un engagement total des équipes de direction des entreprises publiques de transports terrestres pour améliorer leurs outils de dialogue. (« Très bien ! » sur les mêmes bancs.)
    Voilà pour ce qui concerne la prévention des conflits. Nous pouvons tous, j'en suis sûr, partager l'objectif de redonner à la grève dans les transports un rôle ultime et exceptionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    J'en arrive maintenant à la continuité du service public, problème qui est lié à celui de la prévention des conflits.
    M. Hervé Mariton. Très juste !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Quelle que soit la qualité du dialogue social dans une entreprise, la grève restera une réalité, ne serait-ce qu'en tant que fait démocratique inscrit dans notre histoire et dans notre Constitution. Il nous appartient donc d'offrir aux usagers, quand une grève devient inévitable, une vraie organisation négociée de la continuité du service public.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. Jacques Myard. Ce qui veut dire qu'ils ne doivent pas s'arrêter !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Pour atteindre cet objectif, nous souhaitons et nous devons fonder notre démarche sur le dialogue. Oui, convaincre plutôt que contraindre. Je sais que les partenaires sociaux sont disponibles pour approfondir cet échange dans le cadre d'une concertation féconde et menée au bon rythme.
    Le dialogue, c'est ce qu'a demandé dans son intervention Christian Philip, notamment. C'est aussi une méthode liée à mon engagement politique. Je sais que M. Mariton a rappelé celui-ci et mon appartenance à une sensibilité politique de la majorité. Je n'aurai pas la cruauté de rappeler la sienne dans un passé pas si lointain. (Sourires sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Sauvadet. Il fallait le préciser !
    M. Jacques Myard. C'est cela la richesse de l'UMP !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ce n'est évidemment pas à l'engagement de M. Mariton au sein de l'UMP que je faisais allusion.
    Le dialogue, c'est aussi, bien entendu, la voie tracée par le Président de la République lui-même dans son discours du 5 avril 2001 à Caen. Je le cite : « Il faut commencer par la voie du dialogue et de la discussion afin de trouver les meilleures solutions, au cas par cas. Beaucoup y sont parvenus. Pourquoi pas la France ? »
    Sur ce sujet, le dialogue social, c'est de toute façon le chemin de l'efficacité tant il est clair que la bonne compréhension des agents concernés est la garantie d'une application effective. J'ai la conviction, comme Françoise de Panafieu, et vous tous, j'en suis sûr, que nous ne réussirons pas, sous prétexte que les majorités précédentes n'ont pas travaillé - ou insuffisamment travaillé - sur ce sujet, en montant une catégorie de Français contre une autre : ...
    M. Michel Hunault. Très juste !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... les agents contre les clients, ...
    M. Jacques Myard. Les usagers !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... les salariés du service public contre les usagers de celui-ci, les syndicats contre les PME, les Français du privé contre les Français du public, la droite contre la gauche.
    A l'inverse, j'ai la volonté de trouver, par le respect mutuel et la pédagogie quotidienne, le chemin, sinon d'un consensus - difficile, je le sais - au moins d'un dialogue et d'une compréhension pour la démarche qui s'engage.
    Si l'on veut trouver ce chemin du consensus, ou au moins de la compréhension, il faut commencer par nuancer certaines idées. J'ai remarqué, ces derniers temps, que le débat portait au moins autant sur le principe lui-même que sur la manière dont il pourrait s'appliquer dans telle ou telle entreprise.
    Un dispositif de continuité du service public est aussi complexe à définir socialement qu'à bâtir techniquement. A M. Mariton qui demandait : « A question simple, réponse simple », je répondrai : « A question compliquée, réponse adaptée et concertée. »
    M. Maurice Leroy. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. La commission de garantie italienne nous expliquait que, sur certains dispositifs, elle avait cherché pendant plusieurs mois avec les partenaires sociaux d'un secteur la réforme la plus adéquate.
    Beaucoup de questions restent à expertiser ou à clarifier de la manière la plus complète, notamment sur le plan juridique, je viens de le montrer. J'ai en tout cas acquis la totale conviction qu'avant toute décision, un travail de fond, juridique, social et technique devait être préalablement accompli, à mes côtés, par un petit groupe d'experts. La mission de ce conseil d'experts, qui va être mis en place en janvier, sera triple.
    M. Alain Madelin. Encore une commission !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ce ne sera pas une commission destinée à renvoyer l'examen des problèmes aux calendes grecques. On voit bien, monsieur Madelin, que vous ne me connaissez pas encore tout à fait.
    La première mission de ce groupe d'experts sera de vérifier la faisabilité technique d'un dispositif de continuité de service public, mode par mode, et dans différentes hypothèses de conflit. Le président Jean-Michel Dubernard, avec beaucoup d'esprit pragmatique, a justement souligné la nécessité d'expertiser le champ des « prestations indispensables ». Je retiens également la demande du président Ollier de disposer de simulations sur des organisations optimisées du service en temps de grève. A quoi servirait-il de voter une loi qui serait censurée par le Conseil consitutionnel, faute d'expertises préalables suffisantes ?
    M. Alain Gest. Très bien !
    M. Jacques Myard. Faites un référendum pour éviter l'obstacle du Conseil constitutionnel !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. La deuxième mission consistera à valider précisément les différentes options juridiques possibles de mise en place d'un service garanti dans le secteur des transports. Dans l'hypothèse d'une loi, la mission d'expertise devra nous préciser, par exemple, ce qui pourra être renvoyé au règlement ou à l'accord. A ce sujet, il devra aussi préciser la forme juridique de la ou des structures qui pourraient être mises en place, au service des partenaires sociaux, pour les aider à bâtir des accords de continuité de service public. Pour convaincre le juge constitutionnel, il faudra bien peser les scénarios, afin de vérifier qu'ils ne dépassent pas le stade des « restrictions nécessaires » précisées par le juge suprême.
    M. Maurice Leroy. Eh oui !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. La troisième mission du conseil des experts, et non la moindre, sera de nouer un dialogue permanent et fructueux avec les partenaires sociaux, de susciter en temps réel leurs réactions sur l'avancée des travaux concernant les deux premières missions.
    Ce travail engage l'avenir de notre secteur des transports. Il ne s'agit donc pas d'un travail conjoncturel, mais bien d'une tâche structurante. Le sujet doit se traiter d'une manière dépassionnée, à l'abri des joutes verbales des campagnes électorales. Ce n'est pas un enjeu électoral.
    M. Jacques Myard. C'est un enjeu de société, monsieur le ministre !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. C'est en effet un enjeu de société.
    M. Hervé Mariton. Il faut réussir !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Tout à fait. C'est la raison pour laquelle, en janvier, j'installerai auprès de moi ce groupe d'experts de haut niveau. Il devra rendre ses conclusions définitives au plus tard l'été prochain. Si vous le voulez, je reviendrai vous les présenter. Nous disposerons peut-être alors d'un premier bilan de notre politique de prévention dans l'ensemble du secteur des transports terrestres de voyageurs.
    La démarche du Gouvernement, vous l'avez compris, mesdames et messieurs les députés, est résolue. Elle n'est ni partisane ni agressive, elle se veut participative. Rien ne sera possible sans le dialogue et l'écoute, rien ne sera possible si nous n'arrivons pas à conjuguer prévention et respect du client. A l'inverse d'un geste hâtif, plus emblématique qu'efficace, le dialogue marque aussi la confiance que met le Gouvernement dans la capacité des hommes à réfléchir ensemble, à trouver ensemble, comme disait Georges Tron, des solutions durables en faveur d'un service public efficace, respectueux des clients. Bref, le Gouvernement aspire à construire ensemble des solutions qui soient guidées par l'intérêt général.
    Oui, le système français est trop figé. Oui, il est indigne d'un pays moderne qui se veut une démocratie paisible. Notre volonté de réussir à faire évoluer les choses en quelques mois, par le dialogue, la concertation et la compréhension réciproque, est totale. Notre détermination est d'aboutir à moins de grèves grâce à davantage de dialogue social.
    Sous cet angle, l'Europe nous donne une grande leçon. Elle nous aura permis, sur ce sujet comme sur tant d'autres, de retrouver très rapidement l'audace et la confiance dans des rapports sociaux pacifiés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Nous avons terminé le débat sur la conciliation des exigences de la continuité du service public des transports et du droit de grève.

2

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

    M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 19 décembre, puis du mardi 6 au jeudi 8 janvier 2004 inclus, a été fixé ce matin en conférence des présidents.
    Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.
    Par ailleurs, la procédure d'examen simplifiée a été engagée pour la discussion de trois projets de loi autorisant la ratification de conventions internationales, inscrits à l'ordre du jour du jeudi 18 décembre.

3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Questions au Gouvernement ;
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 1215, relatif à la parité entre hommes et femmes sur les listes de candidats à l'élection des membres de l'Assemblée de Corse :
    M. Guy Geoffroy, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 1232) ;
    Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 593, relatif à la bioéthique :
    M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 761) ;
    Mme Valérie Pecresse, rapporteure pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (avis n° 709).
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
ORDRE DU JOUR
ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
(Réunion du mardi 9 décembre 2003)

    L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 9 décembre au vendredi 19 décembre 2003, puis, après interruption des travaux, du mardi 6 janvier au jeudi 8 janvier 2004 inclus a été ainsi fixé :
    Mardi 9 décembre 2003 :
            Le matin, à 9 heures :
    Débat sur la conciliation des exigences de la continuité du service public des transports et du droit de grève. (Séance d'initiative parlementaire.)
            L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 h 30 :
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la parité entre hommes et femmes sur les listes de candidats à l'élection des membres de l'Assemblée de Corse (n°s 1215-1232) ;
    Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la bioéthique (n°s 593-761-709).
    Mercredi 10 décembre 2003 :
    L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 h 30 :
    
Suite de l'ordre du jour de la veille.
    Jeudi 11 décembre 2003 :
            Le matin, à 9 h 30 :
    Discussion de la proposition de loi de M. Luc-Marie Chatel tendant à redonner confiance au consommateur (n°s 1141-1271). (Séance d'initiative parlementaire.)
            L'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 22 heures :
    Eventuellement, suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la bioéthique (n°s 593-761-709) ;
    Discussion du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (n°s 1233-1273).
    Vendredi 12 décembre 2003 :
            Le matin, à 9 h 30, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 h 30 :
    Suite de la discussion du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (n°s 1233-1273).
    Mardi 16 décembre 2003 :
            Le matin, à 9 h 30 :
    
Questions orales sans débat.
            L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement :
    Suite de la discussion du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (n°s 1233-1273).
            Le soir, à 21 h 30 :
    Eventuellement,
discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi de finances pour 2004 ;
    Suite de la discussion du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (n°s 1233-1273).
    Mercredi 17 décembre 2003 :
            L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 h 30 :
    
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (n°s 1233-1273).
    Jeudi 18 décembre 2003 :
            Le matin, à 9 h 30 :
    
Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du traité entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif à la mise en oeuvre de contrôles frontaliers dans les ports maritimes de la Manche et de la mer du Nord des deux pays (n° 1246) ;
    (Ce texte faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 106 du règlement.)
    Sous réserve de sa transmission, discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la commission préparatoire de l'Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires sur la conduite des activités relatives aux installations de surveillance internationale, y compris les activités postérieures à la certification (ensemble une annexe) ;
    Sous réserve de sa transmission, discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale. (Ces deux textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 107 du règlement) ;
    
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (n°s 1233-1273).
            L'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 h 30 :
    Eventuellement, discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi de finances rectificative pour 2003 ;
    Suite de la discussion du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (n°s 1233-1273).
    Vendredi 19 décembre 2003 :
            Le matin, à 9 h 30, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 h 30 :
    Eventuellement,
suite de la discussion du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (n°s 1233-1273) ;
    Eventuellement, navettes diverses.
    Mardi 6 janvier 2004 :
            Le matin, à 9 h 30 :
    Questions orales sans débat.
            L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 h 30 :
    Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (n°s 1233-1273) ;
    Discussion de la proposition de résolution européenne sur la diversité linguistique dans l'Union européenne (n°s 907-1020-902) ;
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires et des conseils en propriété industrielle et des experts en ventes aux enchères publiques (n°s 768-1250).
    Mercredi 7 janvier 2004 :
            L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 h 30 :
    Discussion de la proposition de résolution européenne sur le deuxième paquet ferroviaire (n°s 712-897) ;
    Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi pour la confiance en l'économie numérique (n° 991).
    Jeudi 8 janvier 2004 :
            Le matin, à 9 h 30, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 h 30 :
    
Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi pour la confiance en l'économie numérique (n° 991).