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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 12 DÉCEMBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du jeudi 11 décembre 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

1.  Formation professionnelle et dialogue social. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi. «...».

QUESTION PRÉALABLE «...»

Question préalable de M. Alain Bocquet : MM. Maxime Gremetz, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, Claude Gaillard, Jean-Claude Lefort, Francis Vercamer, Alain Vidalies. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Jean-Claude Lefort,
Bernard Depierre,
Christian Paul,
Francis Vercamer.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Décision du Conseil constitutionnel «...».
3.  Dépôt d'un rapport «...».
4.  Dépôt de projets de loi adoptés par le Sénat «...».
5.  Dépôt de propositions de loi adoptées par le Sénat «...».
6.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt-deux heures.)

1

FORMATION PROFESSIONNELLE
ET DIALOGUE SOCIAL

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (n°s 1233, 1273).

Question préalable

    M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Maxime Gremetz, pour une durée ne pouvant excéder une heure trente.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, chers collègues, la représentation nationale est saisie, en cette fin d'année, à l'approche de Noël - ce n'est sûrement pas un hasard ni un cadeau -, d'un projet de loi comportant deux parties distinctes, afin, sans doute, de mieux profiter de l'une pour faire passer l'autre.
    M. Jean-Claude Lefort. Exactement !
    M. Maxime Gremetz. Faut-il y voir malice ? Le refus totalement incompréhensible de notre commission d'organiser des votes séparés du texte plaide en faveur de ce doute, monsieur le ministre.
    L'article 63, alinéas 3 et 4, de notre règlement dispose :
    « Dans les questions complexes et sauf dans les cas prévus aux articles 44 et 49 de la Constitution, le vote d'un texte par division peut toujours être demandé. L'auteur de la demande doit préciser les parties du texte sur lesquelles il demande des votes séparés.
    « Le vote d'un texte par division est de droit lorsqu'il est demandé par le Gouvernement ou la commission saisie au fond. Dans les autres cas, le président de séance, après consultation éventuelle du Gouvernement ou de la commission, décide s'il y a lieu ou non de voter par division. »
    Ma surprise a été immense quand j'ai constaté que, sur cette simple question, le président de la commission a fait procéder à un vote qui s'est traduit par un refus de la majorité de la commission d'organiser des votes séparés. Pourtant, vous savez qu'il s'agit de deux textes tout à fait différents : l'un transcrit dans la loi un accord sur la formation professionnelle, accord que j'ai qualifié d'historique, car il a été signé par l'ensemble des organisations syndicales ; l'autre a été rejeté par l'ensemble des organisations syndicales.
    Chacun aurait pu comprendre que nous souhaitions émettre un vote positif sur la première partie du texte, qui traite du droit individuel à la formation, et nous opposer sévèrement à sa deuxième partie.
    Puisque la commission a répondu de manière négative, vous laissant, monsieur le ministre, le soin de trancher, je vous pose la question : que décidez-vous ?
    En tout état de cause, nous considérons que le Gouvernement aurait dû faire adopter d'abord par le Parlement l'accord historique sur la formation professionnelle, car le titre Ier du projet de loi recueille l'approbation de tous - syndicats et députés, sur tous les bancs - même s'il faut l'améliorer.
    En revanche, nous sommes farouchement opposés, comme je viens de le dire, au contenu du titre II, qui porte sur le dialogue social.
    Ce couplage de textes est d'autant moins justifié que le ministre a prétexté un problème de calendrier. Cela me paraît un peu exagéré et je ne vois pas quel obstacle nous empêcherait de voter ce texte par division, afin de clairement identifier les enjeux de chacune des parties. Mais, peut-être est-ce ce qui vous gêne ?
    Nous sommes saisis de deux dispositifs législatifs - l'un relatif à la formation professionnelle, l'autre portant réforme du dialogue social - qui sont deux révolutions en matière de législation sociale. Mais les révolutions peuvent être progressistes ou nous ramener à l'âge de pierre.
    Vous vous appuyez sur deux compromis entre les partenaires sociaux pour légitimer vos projets. Pourtant, beaucoup de choses méritent d'être dévoilées. Et je vais m'attacher à le faire.
    C'est pourquoi, pour éviter toute confusion, je vous proposerai, monsieur le ministre, mes chers collègues, d'aborder, dans un premier temps, la partie relative à la formation professionnelle et, dans un second temps, de « décortiquer » votre réforme du dialogue social, car il est évident que nous n'aurons pas la même approche de ces deux transcriptions législatives.
    Examiner la partie de ce projet de loi consacrée à la formation professionnelle nécessite aujourd'hui, me semble-t-il, tout d'abord, de comprendre à quel point l'accélération du progrès technique a toujours entraîné l'évolution des systèmes de formation.
    Notre époque se caractérise par le franchissement dangereux d'un seuil désormais bien connu : les conséquences des innovations pénètrent aujourd'hui dans nos vies à des rythmes bien plus rapides que celui du renouvellement des générations, et la transmission des savoirs et des savoir-faire ne s'opère plus par la seule imprégnation et transmission familiale.
    C'est ainsi que la nécessité de s'adapter aux avancées scientifiques et techniques s'impose tout au long de la vie. Il faut alors permettre à tous de réitérer l'acte de se former à un moment ou à un autre de son existence.
    Après de longues et laborieuses négociations, l'accord sur l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie a été signé par l'ensemble des organisations syndicales et patronales. Cet accord, je l'ai dit, est historique. Il traduit la volonté, partagée par tous, de refonder un système de formation inégalitaire dont les limites sont aujourd'hui clairement définies.
    Les pratiques consécutives à l'accord national interprofessionnel de juillet 1970 et à la loi de 1971 ont révélé les constats suivants : la formation va à la formation, la formation continue ne paie pas et la formation aurait trop tendance à se réduire à l'adaptation du salarié à son emploi.
    Aujourd'hui, l'éducation permanente des adultes n'agit que très marginalement comme outil de rééquilibrage des inégalités sociales. La concentration sur l'adaptation au poste de travail et la difficulté de s'inscrire plus largement dans des logiques de développement professionnel et personnel, l'insuffisance de l'investissement en formation continue au regard des enjeux à venir, les inégalités d'opportunité d'accès, notamment pour les salariés les moins stables ou les plus vulnérables sur le marché du travail sont autant de dérives qu'il faut aujourd'hui combattre. Tous ces éléments ont contribué à éloigner le système de ses objectifs initiaux.
    Mais quels étaient ces objectifs initiaux ? De la Révolution française à la loi de 1971, les finalités de la formation et de l'enseignement vont glisser progressivement de l'enrichissement humain à une promotion sociale qui passerait par la promotion professionnelle.
    Dès la IIIe République, la loi Astier du 25 juillet 1919 institua des cours de perfectionnement pour les adultes souhaitant bénéficier d'une formation destinée à parfaire leur qualification.
    Puis le Préambule de la Constitution de 1946 fit de la formation professionnelle un « principe politique, économique et social particulièrement nécessaire à notre temps ». La nation doit alors garantir « l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture ». Aussi peut-on affirmer aujourd'hui, en référence à ce bloc de constitutionnalité, que l'inscription juridique du droit à la formation professionnelle se situe au sommet de la hiérarchie des normes.
    La loi de 1971 a instauré une obligation de dépenses pour les entreprises et posé les bases d'un droit à la formation à l'initiative du salarié, à travers la création du congé individuel de formation. Il s'agissait alors de rendre la formation permanente possible en créant un système intégrant de façon coordonnée et cohérente la formation initiale et la formation continue.
    Pourtant, très rapidement, les évolutions du contexte économique déplacent les problèmes auxquels est censée répondre la formation permanente. La montée du chômage et la multiplication des statuts d'emploi installent la précarité au coeur des évolutions professionnelles. La flexibilisation de la production modifie ce que les entreprises attendent de leurs salariés. Bref, les missions de promotion sociale dévolues à la formation disparaissent au profit de réponses à des problèmes d'emploi et d'activité professionnelle.
    Le Livre blanc, diffusé par le secrétariat d'Etat à la formation professionnelle en mars 1999, tirait les enseignements de l'évolution d'un système qui ne répondait plus à ces objectifs initiaux et définissait quatre axes majeurs pour le refonder : le développement de la validation des acquis de l'expérience, la mise en place d'un droit individuel à la formation, la reconfiguration des dispositifs de professionnalisation des jeunes et la clarification du rôle des acteurs de la formation continue.
    Après l'adoption de la loi de janvier 2002 sur la validation des acquis de l'expérience, la VAE, l'accord interprofessionnel et ce projet de loi constituent une étape décisive dans la concrétisation de ces axes de réforme.
    L'engagement actif des salariés dans la formation tout au long de la vie dépend en priorité des ouvertures et des opportunités qu'offre le système que l'on entend remodeler. Le droit individuel à la formation, le DIF, institue une sorte de « droit de tirage » qui devrait garantir au salarié la possibilité de négocier son projet. Ainsi, il devrait permettre des accès plus conséquents à la formation tout en sollicitant un engagement actif du salarié.
    Car là est bien la question : il faut des dispositions qui favorisent l'intérêt et la motivation pour l'engagement dans un parcours de développement professionnel. Autrement dit, il faut que l'individu devienne acteur de sa progression professionnelle.
    Or, et c'est sur ce point que nos positions divergent, la réalisation véritable d'un droit à la formation n'est possible qu'à condition que la formation s'effectue pendant le temps de travail, que ce droit soit assorti d'une rémunération décente et qu'il débouche sur une véritable qualification, choisie en toute liberté.
    En deçà de ces nécessités, il ne saurait être question que de liberté de se former ou de ne pas se former car il s'agit non pas d'assurer sa promotion sociale et professionnelle, mais seulement de préserver son employabilité, ce qui est radicalement différent.
    Et c'est bien là que le bât blesse : ce projet, en instaurant l'idée d'un co-investissement nécessaire entre le salarié et l'employeur, institutionnalise une pseudo-liberté de se former mais pas le droit véritable de se former.
    De même, nous défendons avec véhémence le critère de l'initiative du salarié pour s'inscrire dans un projet de formation. Or, aux termes de ce projet de loi, l'initiative se révèle être un critère juridique bien fragile. Celle-ci est-elle réellement libre, monsieur le ministre, quand l'employeur a un droit de regard sur le contenu, les modalités et les périodes de la formation ?

    En ces temps de fort chômage, la menace du licenciement affaiblit considérablement la façon dont l'individu va appréhender et s'approprier ce droit à l'initiative. Comment ne pas percevoir déjà que son exercice renverra inéluctablement à une opposition entre l'intérêt de l'entreprise et l'intérêt du salarié ? Comment concilier l'impératif de promotion sociale individuelle par la formation, d'une part, et, d'autre part, la contribution collective au développement économique par la mise en oeuvre de ses compétences ?
    Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le ministre, que la conciliation de ce double intérêt était pourtant au coeur du consensus idéologique qui avait permis à la loi de 1971 de voir le jour. Gardons-nous, aujourd'hui, de bousculer ou de fragiliser un édifice reposant sur les valeurs inscrites dans notre Constitution.
    Comment consacrer un droit individuel à la formation et à l'éducation tout au long de la vie sans l'accompagner des financements adéquats ? Cela revient à créer un droit abstrait, qui n'est plus, dans les faits, un droit, mais une simple possibilité.
    La formation des demandeurs d'emploi n'est pas au coeur des préoccupations que traduit ce projet de loi. La décentralisation et le désengagement corrélatif de l'Etat pourraient à terme aggraver les difficultés d'accès à la formation des personnes les plus fragiles sur le marché du travail.
    Qu'en est-il de l'offre publique en matière de formation ? Comment les lycées, les universités et les organismes de formation vont-ils se positionner après le vote de ce texte ?
    Nous avons reçu de nombreux courriers nous mettant en garde contre l'effet négatif que pourrait engendrer ce projet, notamment pour l'activité des centres de formation en alternance.
    Nos interrogations et les inquiétudes des acteurs de la formation sont légitimes et méritent d'être formulées. Nous espérons que ces débats apporteront des réponses suffisamment claires pour que nous puissions continuer de nous féliciter de l'inscription dans la loi de cet accord historique.
    Après avoir exprimé notre sentiment sur votre réforme de la formation professionnelle, et avant de rentrer dans le détail de votre projet de réforme du « dialogue social », j'aimerais m'attarder quelques instants sur votre bilan, monsieur le ministre, à la tête du ministère du travail. Pour être honnête et plus précis, je devrais plutôt parler du bilan du Gouvernement.
    M. Jean-Claude Lefort. Oui !
    M. Maxime Gremetz. Car vous n'êtes qu'un rouage, n'est-ce pas ?
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Un petit rouage !
    M. Jean-Claude Lefort. Mais néanmoins important...
    M. Maxime Gremetz. Un rouage. Je ne veux pas vous faire porter la responsabilité de tous les malheurs du monde et de toutes les mauvaises mesures que prend le Gouvernement.
    M. Jean-Claude Lefort. D'aucuns s'y essaient !
    M. Maxime Gremetz. Vous dites : « Je suis un petit rouage », comme si je vous sous-estimais. Pas du tout ! Je comprends bien qu'il y a une politique gouvernementale, des arbitrages, un Premier ministre, un Président de la République, un ministre de l'intérieur (Sourires)...
    M. Yves Bur. Au-dessus, il y a le « MEDEF » ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Et le MEDEF, bien sûr, le chef suprême ! Mais je vais y venir.
    Après quelque dix-huit mois, la majorité UMP-UDF a marqué de son empreinte notre environnement social et compte bien, d'après ce que je peux lire ici ou là, poursuivre dans cette voie, en s'attachant avec détermination à exécuter le carnet de commandes bien rempli du MEDEF. C'est pourquoi j'ai parlé, à l'occasion de l'examen du RMA, de bon génie du MEDEF, qui exauce tous les voeux du baron Seillière. D'ailleurs, ce dernier l'a confirmé.
    Mais pour quels résultats ?
    Après la forte hausse du mois de septembre - + 1 % -, le nombre de demandeurs d'emploi a encore progressé de 0,2 % en octobre. Il s'est accru de 4 700 le mois dernier pour atteindre 2,44 millions, soit un taux de 9,7 %. Nous nous rapprochons, mois après mois, de la barre fatidique des 10 %, qui n'avait plus été atteinte depuis 1993, période qui doit sans doute vous rappeler un certain gouvernement et certains événements. Les gouvernements se suivent, les problèmes restent, plus ou moins forts, selon les moments. L'avenir ne semble pas à la décrue, puisque l'INSEE prévoit un taux de chômage de 9,9 % pour la fin de l'année.
    Croyez-le bien, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela ne me réjouit pas, car, derrière ces chiffres, ce sont des jeunes, des femmes, des hommes, des familles qui souffrent et qui peinent. Des gens et des régions vont encore subir les choix idéologiques de votre gouvernement, les bouées de sauvetage seront toujours un peu moins gonflées et les lots de consolation toujours plus méprisants : suppression de l'ASS, des contrats aidés, réforme du régime indemnitaire de l'assurance chômage, RMA, etc.
    Selon un économiste de l'OFCE, rien ne permet de miser sur une baisse prochaine du nombre de demandeurs d'emploi. Selon lui, les taux de marge des entreprises restent très bas. « Pour les rétablir », écrit-il - et vous savez que, quand je fais une citation, je peux donner les références exactes -, « les entreprises ont le choix entre augmenter les prix ou baisser les coûts. La première solution n'est guère envisageable, donc cela devrait passer par des licenciements » ! Voilà qui a le mérite de la clarté et de la franchise. Ce n'est pas une affirmation gratuite, monsieur le ministre. Les propos que je viens de citer ont été tenus au début du mois par Eric Heyer, pour ne pas le nommer, qui est un économiste de l'OFCE.
    M. Yves Bur. Il parle d'or !
    M. Maxime Gremetz. Malheureusement, le chômage devrait s'accroître aussi longtemps que le rythme de croissance restera au-dessous de 2 %. Et si décrue il y a, celle-ci viendra en même temps que la fonte des neiges, c'est-à-dire au printemps prochain. Mais vous n'en prenez pas le chemin, à en croire ce même économiste. Selon lui, « le Gouvernement ne contribue pas à enrichir la croissance en emplois ». Et vous ne pouvez pas dire qu'il est marxiste ou lui coller je ne sais pas quelle étiquette !
    M. Jean-Claude Lefort. Il est tout simplement réaliste !
    M. Maxime Gremetz. Simplement, son travail l'amène à faire certains constats.
    Et vous pouvez toujours crier aux 35 heures, comme on crie au loup. Mais osez mesurer l'efficacité de la multiplication des exonérations et des avantages fiscaux accordés aux entreprises !
    Et que dire de votre budget qui sacralise cette politique ? Je ne parle pas du coût des fêtes et des factures en retard mais du budget d'investissement pour l'emploi. Je le répète : 20 milliards d'euros sur 30...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Dix-sept !
    M. Maxime Gremetz. ... seront destinés à compenser les exonérations de cotisations, que l'OFCE juge inefficaces pour l'emploi.
    Pendant ce temps-là, les coupes sombres viennent grever tous les budgets, y compris le vôtre en matière de contrats aidés pour les personnes les plus éloignées de l'emploi, par exemple. Et, pour être un peu plus concret sur le dossier de l'emploi, l'avenir des chômeurs âgés s'assombrit un peu plus chaque jour.
    La légère baisse du chômage des plus de cinquante ans à la fin du mois d'octobre ne saurait masquer qu'actuellement, près de 380 000 chômeurs de plus de cinquante ans bénéficient d'un dispositif qui, tout en leur assurant un revenu, les dispense de rechercher un emploi. Cela signifie, pour parler clair et en picard, que ceux-là ne sont pas comptabilisés dans le nombre de chômeurs. Mais, dès l'an prochain, la réforme du régime UNEDIC conduira à une baisse des durées d'indemnisation.
    Les chômeurs de plus de cinquante-cinq ans qui bénéficient de l'ASS vont perdre le surcroît d'allocation de 40 % dont ils profitaient jusqu'alors. De quoi faire grimper le taux de chômage des plus de cinquante ans l'an prochain ainsi que les situations de précarité.
    Et vous voulez les faire travailler plus longtemps et allonger leur durée de cotisations pour ouvrir leurs droits à la retraite ! Mais ils sont déjà sans emploi ! Preuve en est encore, si besoin était, que votre réforme des retraites est un contresens autant économique que social.
    Les informations me parviennent chaque jour, monsieur le ministre. J'ai lu ce soir - c'est tout neuf - un sondage sur le bilan de l'action gouvernementale. Or, alors que vous pensez avoir mené à bien la réforme des retraites, en dépit des difficultés, je vous fais observer que 2 % seulement des Françaises et des Français pensent que ce gouvernement gouverne en faveur des catégories les plus pauvres, contre 67 % en faveur des catégories privilégiées. Les Françaises et les Français ne se trompent pas, ils sont intelligents.
    Quant à la réforme des retraites, 69 % la désavouent. Je vous avais demandé de faire un référendum, et j'avais prédit que vous seriez battu à plate couture. Vous l'avez bien compris et vous ne l'avez pas fait. Aujourd'hui, 69 % des Français désavouent totalement votre réforme des retraites, et ce n'est pas terminé, loin s'en faut !
    Sur la question de l'emploi, vous êtes également mal classé : 72 % pensent que la politique de l'emploi du Gouvernement a fait faillite, et 71 % pensent de même sur l'impôt. Je peux vous donner le sondage, il n'a pas été commandé par L'Humanité, vous l'avez bien compris.
    M. Jean-Claude Lefort. C'est dans quel journal ?
    M. Maxime Gremetz. Dans le numéro de L'Express qui est sorti aujourd'hui. Il est tout chaud.
    M. Jean-Claude Lefort. Il n'est donc pas suspect de partialité.
    M. Maxime Gremetz. Mais non ! L'Humanité est incapable de sortir un sondage pareil parce qu'on l'accuserait d'être trop sectaire.
    Un autre sondage est paru dans un autre hebdomadaire qui confirme tout à fait ce sentiment des Français. Et je ne parle pas de la notoriété des personnalités politiques...
    M. Jean-Claude Lefort. Ce serait intéressant.
    M. Maxime Gremetz. ... et des membres du Gouvernement. Je reste sur les questions de fond. Je ne m'intéresse pas, vous le savez bien, aux questions de personnes. C'est pourquoi, monsieur le ministre, ce n'est pas à vous que je m'en prends, mais à la politique du Gouvernement.
    Ne croyez donc pas que votre réforme des retraites est passée dans l'opinion publique, que c'est un morceau avalé qui n'a plus de goût, comme on dit chez nous. Pas du tout !
    Voilà les résultats de votre politique, monsieur le ministre, une politique qui a commencé très fort, il y a dix-huit mois, avec l'assouplissement des 35 heures. Souvenons-nous de la première déclaration du MEDEF à votre arrivée. Il a dit : « Les 35 heures sont une aberration, il faut les abroger ! » Aussitôt dit, aussitôt fait ! Le bon génie que vous êtes a, non pas abrogé, car les 35 heures étaient populaires, et vous êtes plus intelligent que ça, mais assoupli ! La nuance est ténue, je vous l'accorde, mais vous l'avez fait exister.
    C'était le premier étage de votre fusée en direction de la planète MEDEF : réforme des 35 heures, puis suspension des principes de la loi de modernisation sociale pour ce qui concerne les licenciements économiques boursiers. Vous nous avez expliqué que c'était à cause de cette loi de modernisation sociale qu'il y avait des plans sociaux. Cette loi n'existe plus, mais les licenciements, eux, ont été multipliés par dix, par vingt !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est faux. Ils ont baissé.
    M. Maxime Gremetz. Tout ça après avoir supprimé les emplois-jeunes, les CES, les CEC, le programme TRACE pour les jeunes, pour, il y a quelques jours, créer le RMA. Et aujourd'hui, c'est la réforme du dialogue social et la remise en cause du code du travail. Sur la planète MEDEF, en effet, point besoin de code.
    Mais n'allons pas trop vite. Premier étage donc, les 35 heures ! Souvenons-nous encore : une vraie réforme pour de vrais mensonges.
    Si la législation sur la réduction du temps de travail avait été diversement appréciée par certains salariés, en particulier dans les petites et moyennes entreprises, c'est en raison des imperfections et du manque d'audace sur certains points, du gouvernement de gauche à l'époque, et non en raison des objectifs clairement affichés. Au contraire. La preuve en est le faible taux de renégociation de la RTT depuis votre loi.
    Les deux lois existantes relatives à l'aménagement et à la réduction du temps de travail méritaient - comme nous le proposions - d'être améliorées, d'être porteuses de plus d'avancées encore. C'est incontestable, surtout pour la seconde. C'est pourquoi nous avions déposé en temps voulu plusieurs amendements visant à corriger ces imperfections afin que la réduction du temps de travail soit réellement un progrès social et sociétal partagé par tous. Et nous n'avions pas ménagé nos efforts en ce sens, chacun s'en souvient, comme nous ne ménagerons pas nos efforts jusqu'au 19 ou 20 décembre prochain, pour combattre votre projet de loi sur le dialogue social, qui n'est qu'un mot et un leurre.
    Toutefois, tant le principe que les objectifs - à savoir la recherche d'un meilleur équilibre entre le temps de travail, le temps pour soi, le temps pour les autres et l'amélioration de la qualité de la vie de travail comme de la vie personnelle - ont été appréciés des salariés, voire recherchés par eux. Dès lors, vous ne pouviez pas frontalement annoncer que vous réduiriez à néant ces attentes.
    Vous relayiez les propos du MEDEF et rejetiez en bloc tout processus historique de réduction du temps de travail. Vous avez donné corps à ces volontés, déjà à cette époque !
    Mais vous ne voulez toujours pas de la RTT et vous confirmez vos intentions en nous présentant un projet qui remet subrepticement en cause les 35 heures par le biais des accords dérogatoires d'entreprise. En détournant le principe de faveur, vous donnez un nouveau point d'appui au MEDEF.
    Vous parliez d'assouplissement, mais c'était une supercherie et vous n'aviez d'autre intention que de duper les salariés de notre pays. Par un arsenal de dispositions régressives, par une batterie de mesures anti-sociales, nuisibles pour les droits des salariés, fragilisantes pour la croissance et la création d'emploi, vous avez aggravé la vie des salariés dans l'entreprise et remis en cause l'équilibre trouvé pour une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale et sociale. D'ailleurs, 85 % d'entre eux estiment que leurs conditions de travail se sont dégradées.
    Or, il ne faut pas s'y tromper : ce que vous avez proposé est à mille lieues de ces préoccupations.
    Les membres de la majorité répètent de tels mensonges, que le Gouvernement reprend à son compte, que nous avons peur d'attaquer vos certitudes de front. Mais je vais, là encore, vous donner une référence très intéressante sur les 35 heures. Il faut toujours chercher et regarder ! Il s'agit d'un sondage IFOP réalisé pour le Journal du Dimanche les 9 et 10 octobre 2003. Je fais remarquer au passage, que je ne prends toujours mes références dans L'Humanité !
    Vous l'avez peut-être vu, mais vous ne l'avez pas comme moi découpé ! Parce que ça vous gène.
    Première question : « Depuis cinq ans, la durée hebdomadaire du travail est passée de 39 heures à 35 heures dans un certain nombre d'entreprises. Vous, personnellement, êtes-vous passé aux 35 heures ou bénéficiez-vous, dans votre entreprise, d'un accord de réduction du temps de travail ? Oui, 62 % ; non, 37 %. »
    Deuxième question : « Au total, diriez-vous que vous êtes, ou non, satisfait de la mise en place des 35 heures ? Oui, 66 % ; non, 34 %. » J'ai vraiment l'impression que vous pensez à la place des gens parce qu'à vous écouter les 35 heures, aïe, aïe, aïe !
    Continuons pour en avoir le coeur net ! La troisième question portait sur l'impact de la mise en place des 35 heures. Pour 73 % des personnes interrogées, elle a permis de consacrer plus de temps à leur famille, pour 69 % de consacrer plus de temps à leurs loisirs, pour 56 % de se reposer davantage, pour 27 % de s'investir davantage dans la vie associative, pour 26 % de consommer davantage.
    Voulez-vous que je continue ?
    M. Jean-Claude Lefort. Oui.
    M. Maxime Gremetz. C'est intéressant, n'est-ce pas ? On nous répète tous les jours que ce n'est pas bon. Or ce sondage montre le contraire.
    Pour répondre à votre demande, je continue ma lecture.
    M. Jean-Claude Lefort. Merci, cher collègue.
    M. Maxime Gremetz. Pour 65 % des sondés, la mise en place des 35 heures a eu un impact positif sur l'ambiance générale du travail, pour 59 % sur l'implication de chacun dans l'entreprise, pour 55 % d'une manière générale, sur la qualité du produit ou de la prestation que délivre l'entreprise ! Et vous venez raconter que les 35 heures, ce n'est pas bon, que les gens se plaignent, que l'activité s'en trouve ralentie et que l'efficacité est moins grande ! Si on interroge les salariés sur la rentabilité de leur entreprise, 47 % disent qu'elle s'est améliorée. Je vous ferai parvenir cette étude de l'IFOP car elle permet de se faire une idée plus juste que d'écouter ceux qui disent n'importe quoi, font de la propagande ou expriment une conviction sincère mais personnelle.
    Ce que vous avez proposé est à mille lieues de ces préoccupations. Vous n'avez fait qu'abonder dans le sens des revendications du MEDEF, vous laissant bercer par le chant de leurs sirènes, et en allant même à l'encontre des propos tenus par le chef de l'Etat. Chacun se souvient, ici, des propos du Président de la République : « Travailler plus pour gagner plus. »
    Avec cette réforme, tous pourront travailler plus, et certains ne verront même jamais leur temps de travail réduit. Mais une chose est sûre : les salariés gagneront moins. Et c'est vérifié aujourd'hui.
    Tout d'abord, l'harmonisation des différents SMIC a freiné leur pouvoir d'achat. Cette augmentation du SMIC horaire, que vous n'aviez de cesse de mettre en avant, est en fait l'arbre qui cache la forêt. Si cette harmonisation était impérative, si l'amélioration du dispositif complexe existant était nécessaire, vous en avez dissimulé les conséquences, car ce système comporte un terrible effet pervers.
    Car si vous prévoyez d'accorder des coups de pouce, vous avez dans le même temps supprimé l'un des deux mécanismes d'indexation qui entraînait la progression du SMIC chaque année. En dévoyant le mode traditionnel de calcul du SMIC, vous conduisez les salariés à faire un bond en arrière de trente-cinq ans, en resservant les bases de calcul de l'ancien SMIG !
    Il y a deux ans, vous prétendiez que réduction du temps de travail et augmentation du pouvoir d'achat étaient incompatibles. - c'était déjà une contrevérité manifeste. Dans ce que vous proposez aujourdhui, l'augmentation du temps de travail s'articule avec perte sensible de rémunération... Qui plus est, vous renvoyez à la négociation la majoration salariale des heures supplémentaires, avec un plancher de 10 % et non plus de 25 %. Il est vrai que ce n'est pas vous qui avez inventé ce nouveau régime ; mais vous l'avez maintenu, allant même jusqu'à l'étendre aux entreprises de moins de vingt salariés. Autrement dit, un plus grand nombre de salariés verront leurs heures supplémentaires moins rémunérées. Où est la possibilité de travailler plus pour gagner plus ?
    A l'époque, vous nous aviez accusés de mépriser les chômeurs et les précaires avec les deux précédentes lois. Que faites-vous aujourd'hui en n'incitant pas les entreprises à réduire leur temps de travail et en créant le RMA ?
    Où sont les dispositifs permettant de libérer du travail et d'encourager les créations d'emplois ? Vous vouliez faire travailler davantage ceux qui travaillent déjà, et moins les rémunérer. C'est un contresens économique évident, la preuve en est désormais faite.
    Dans son intervention générale, lors de la première séance du jeudi 3 octobre 2002, mon amie Muguette Jacquaint portait déjà l'appréciation suivante : « Votre projet de loi, en visant la baisse du coût du travail sans contrepartie, aura des effets négatifs sur l'emploi, des conséquences sociales inacceptables, des résultats néfastes sur l'économie, et ce au moment où le chômage remonte et la croissance ralentit. » Regardez aujourd'hui les chiffres de la conjoncture économique, monsieur le ministre. Vous ne pouvez pas le contester !
    Toutes ces dispositions s'inscrivaient déjà dans une philosophie de remise en cause de l'ordre public social telle qu'elle apparaissait dans un avis du Conseil d'Etat en 1973.
    En renvoyant largement à la négociation, caractérisée par des rapports de forces inégaux et contestables, vous permettez au patronat de dévoyer toutes les mesures que la loi empêchait jusqu'à présent de remettre en cause en prévoyant des garanties minimum pour les salariés.
    C'était déjà le début de votre entreprise de démantèlement du code du travail. Pour résumer, vous commenciez par bousculer la hiérarchie des normes : la négociation qui n'aboutit qu'à préserver les droits acquis est désormais considérée comme positive, ce qui coupe court à toute avancée sociale. C'est une véritable régression que vous vous attachez maintenant à intégrer totalement et définitiviement dans les règles sociales de notre pays.
    Mais les 35 heures sont populaires et ne peuvent être à l'origine de tous les maux de notre société, contrairement à ce que s'acharnent désespérément à faire croire certains collègues de la majorité. La réalité, c'est qu'elles restent appréciées et cela vous gêne. Alors, plutôt que de revenir dessus, vous vous employez à contourner les derniers obstacles et votre projet de réforme du dialogue social tombe à point nommé. Si vous n'êtes pas convaincus, je vous ferai part de quelques déclarations d'amis qui vous sont proches, bien connus ; elles en disent long.
    Le deuxième étage de la fusée « direction planète MEDEF » a été la suspension, pour ne pas dire l'abrogation, des articles anti-licenciements de la loi de modernisation, que nous avions arrachés au gouvernement précédent. Je dois reconnaître, comme vous, que leurs effets se sont fait attendre : faute d'être allés jusqu'au bout de la logique et de l'attente du monde du travail, nous sommes restés au milieu du gué. Bien mal nous en a pris !
    Avec ce texte, vous avez poursuivi la démolition des avancées sociales engagées par la gauche, y compris des plus modestes. Après avoir brisé le processus de réduction du temps de travail, vous vous êtes attaqué méthodiquement au droit de contestation et de propositions alternatives aux licenciements dits économiques - en réalité des licenciements boursiers. Seul le MEDEF, lancé dans sa grande offensive de refondation sociale, y a trouvé avantage. Et encore aujourd'hui.
    Oui, monsieur le ministre, c'est un texte de revanche sociale, condamné unanimement par les organisations syndicales des salariés. Leurs déclarations, que je tiens à votre disposition, sont sans ambiguïté à cet égard.
    Chacun se souvient ici du rôle des parlementaires communistes pour faire avancer le droit et la protection des salariés en matière de licenciement économique, après les drames de Lu, Danone ou encore Michelin, Whirpool, Magnetti-Marelli, etc.
    Mais, manifestement, le désarroi de ces salariés, considérés comme inutiles par ces grands groupes, la destruction morale de leur famille, ne suscitent chez vous aucune émotion.
    Vous vous résignez volontairement à cette fatalité économique - qui n'en est pas une - et cédez ainsi à l'appétit du MEDEF de voir remis en cause, encore et toujours, le code du travail et l'ordre public social, ouvrant du même coup la porte à l'arbitraire, à l'accroissement des inégalités entre les salariés et au détournement de la négociation collective. Délibérément enfermés dans une logique dogmatique qui veut accorder toute liberté au patronat, dans sa recherche du profit sans morale, de faire du salarié un outil taillable et corvéable à merci, vous êtes allés au-devant des exigences des grands groupes qui entendent déréglementer et démanteler la législation sociale. Vous encouragiez déjà la remise en cause des avantages acquis par les salariés en leur ôtant tout appui pour engager la négociation. Et pourtant, dans un contexte économique incertain, avec le ralentissement de la croissance, l'augmentation du chômage et du nombre des exclus, l'heure n'est vraiment pas à ouvrir les vannes des licenciements !
    A l'occasion de cette loi, vous aviez pourtant avancé un élément intéressant, celui du principe de l'accord majoritaire. Mais, sous ce prétexte, vous proposiez aux salariés de creuser leur propre tombe en négociant leur licenciement ou celui de leurs collègues ! Cette philosophie transparaît quelque peu dans la deuxième partie de votre projet de loi, que nous examinons aujourd'hui.
    En outre, vous vouliez nous faire croire à une simple suspension des articles anti-licenciement. Mais, derrière cette suspension, c'est leur suppression pure et simple qui est programmée. Vous gommez sans scrupules les mesures permettant de prévenir les licenciements. Car d'ici à six mois, les partenaires sociaux devront se mettre d'accord sur de nouvelles règles, et selon les nouvelles modalités de négociations sociales. Vous êtes même allés plus loin en détournant le sens même de la négociation collective : alors que son objet devrait être de conférer aux salariés des droits et des garanties et non d'en supprimer, la négociation collective devient ici l'instrument de la régression sociale, notamment parce que vous remettez fondamentalement en cause - sans le dire, comme à votre habitude - le principe de faveur.
    On connaît la pression à laquelle sont soumis les négociateurs dans le cadre des plans de restructuration et de licenciements ; avec votre texte, la négociation servira dorénavant à déroger aux garanties légales, et dans un sens défavorable aux salariés.
    Cette atteinte, particulièrement grave, à l'ordre public social et à la hiérarchie des normes, qui figurait déjà dans la première ébauche du présent budget, annonce clairement le démantèlement du code du travail. Que reste-il comme garantie si le droit de licenciement est renvoyé à la négociation d'entreprise sans même être encadré par la négociation interprofessionnelle ou de branche ?
    Le texte que vous nous présentez aujourd'hui de façon précipitée a donc déjà un air de déjà vu. En effet, pour donner un semblant de légitimité à une négociation dont la seule vocation sera de déréglementer, il introduit la notion d'accord majoritaire qui sonne agréablement à nos oreilles. Nous-même en avions proposé le principe lors de l'examen de l'assouplissement des 35 heures, et vous l'aviez refusé. Aujourd'hui, il revient. Mais pour faciliter, une fois de plus, les dérogations.
    Rappelons-nous également que vous êtes le ministre qui dit avoir sauvé le système de retraite par répartition en introduisant discrètement les fonds de pension à la française ! N'est-ce pas vrai, monsieur le ministre ? Faut-il encore que je vous apporte des preuves ?
    M. Yves Bur. Allons-y ! Vous n'avez pas de fiche là-dessus ?
    M. Maxime Gremetz. Je vais vous les apporter.
    Dans la même veine, vous voulez moderniser le dialogue social par l'avènement de l'accord majoritaire en bouleversant la hiérarchie des normes. Ne vous laissez pas aveugler par le chant des sirènes du MEDEF, monsieur le ministre : il en voudra toujours plus et vous ne le contenterez jamais.
    Mais les parlementaires communistes entendent bien résister à cette volonté de déréglementation sociale. Nous vous en ferons la démonstration tout au long de ce débat. Nous ferons barrage à votre volonté, poussée par le patronat, de mettre en oeuvre un monde du travail sans foi ni loi.
    Assouplissement des 35 heures, suspension de la loi de modernisation sociale, renvoi aux départements de la responsabilité de l'insertion et des plus précaires avec la décentralisation du RMI et la création du RMA, le tour est joué ! Ne reste qu'à préparer l'atterrissage de la fusée sur sa nouvelle terre promise. Et là, bonjour la réforme du dialogue social et la remise en cause de l'ordre public social ! Car le but est bien de préparer au mieux le terrain des prochaines réformes. C'est bien, ne l'oublions pas, à la lumière de cette prétendue nouvelle « démocratie sociale » que vont s'élaborer les prochains accords sur la durée du travail, avec la suppression d'un jour férié, l'assouplissement des règles de licenciement, l'application du nouveau contrat de chantier, prochain espoir du MEDEF !
    Vous avez en effet de grands projets. Je vous l'ai dit tout à l'heure : M. de Virville s'emploie à dépoussiérer le code du travail - comme par hasard ! Après le RMA, cet OVNI dérogatoire, comme nous l'avons appelé, à statut non identifié - c'est le moins qu'on puisse dire -, on va créer un nouveau contrat de plus : le contrat de projet ou de chantier. Ainsi que l'explique M. le ministre - je peux vous donner la citation exacte -, il faut donner plus de souplesse.
    Chez nous, il n'y a pas assez de contrats, pas assez de précarité, pas assez de flexibilité. Alors on va créer un nouvel OVNI, un contrat à la carte, sans trop de formalisme, dont la durée sera liée à celle du projet, qui introduira encore un peu plus de flexibilité et de précarité. On n'aura même plus à payer la prime de précarité. Formidable ! C'est un recul d'un siècle au moins !
    Si vous n'avez pas attaqué frontalement les 35 heures, si vous n'avez que « suspendu » les articles de la loi de modernisation sociale, c'était parce que, dans vos cartons, se préparait le dernier étage de la fusée : la négociation et les principes de validité d'un accord. Sans oublier, bien sûr, l'extension du champ des accords dérogatoires. Ainsi, la boucle est quasiment bouclée et votre mission aura été menée conformément au bon vouloir du MEDEF.
    Il n'y a plus qu'une étape à franchir, plus qu'un maillon de la chaîne protectrice des salariés à briser : ce maillon faible, c'est celui qui assure les garanties collectives, celui qui empêche de déroger aux principes de la loi.
    Je vous entends déjà vous écrier : les précédents gouvernements avaient déjà engagé le principe dérogatoire,...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est bien de le reconnaître !
    M. Maxime Gremetz. ... contre notre avis, rappelez-vous. Car nous savons bien que, sitôt que l'on accepte quelques dérogations, elles se multiplient à l'infini, la brèche est ouverte et on s'y engouffre. C'est ce que vous ne manquez pas de faire en arguant : c'est vous qui l'avez fait, nous, on continue. Mais ce n'est pas parce que quelqu'un a fait mal qu'on est obligé de continuer. Il est permis de mieux faire. Nous avions exprimé notre désaccord, critiqué cette blessure au sein du code du travail, alerté sur les dangers qu'elle recelait. Etait-ce une raison pour la généraliser ? D'une exception vous faites une règle. Et quand les exceptions deviennent la règle, se pose un problème majeur : notre législation va bel et bien reculer de cinquante ans.
    Toutefois, la façon dont est présentée cette remise en cause dans votre projet est assez habile, je dois le reconnaître. Pour commencer, vous tentez de faire croire à la révolution de l'accord majoritaire. Puis, vous faites une concession au MEDEF : la généralisation de l'accord dérogatoire. Le tout derrière le prétexte de transcrire une position commune censée redynamiser la démocratie dans l'entreprise.
    Pourquoi ai-je parlé de concession au MEDEF ? Je fais référence à une déclaration récente de M. Seillière parue dans un grand quotidien daté du 15 octobre dernier, précisant qu'il n'accepterait l'accord majoritaire que si le principe de faveur était remis en cause et la dérogation généralisée. Est-ce suffisamment clair ou dois-je vous fournir d'autres citations ? Cette déclaration a d'ailleurs précédé votre ultime volte-face, au moment des derniers arbitrages. Auparavant, c'était un peu mieux, mais les derniers arbitrages ont été sauvages... Le MEDEF a vraiment dû trouver ce gouvernement formidable : il lui donne tout ce qu'il veut ! Et ce ne sont pas les maigres garanties que vous prévoyez en guise de compensation qui nous contrediront : nous verrons même qu'elles confirment notre analyse.
    Dès lors, regardons d'un peu plus près votre conception de la démocratie sociale et ses conséquences pour les salariés. En écoutant votre intervention liminaire, je me suis rappelé quelqu'un, que j'avais rencontré à l'occasion d'une manifestation publique et qui me disait : « Il a bien parlé, mais qu'est-ce qu'il a dit ? » (Sourires.) Aussi, permettez-moi de m'essayer à un décryptage de ce que vous entendez par accord majoritaire et principe dérogatoire. Pour cela, partons justement de la position commune signée par l'ensemble des organisations syndicales - à l'exception de la CGT. Quelles bases pose cette position commune ?
    Tout d'abord, elle reconnaît un essoufflement de la négociation sociale et par conséquent - mais plus implicitement - une crise de légitimité de la représentativité. Il faut tout de même rendre grâce aux organisations syndicales d'avoir essayé de moderniser les relations sociales.
    En juillet 2001, quatre confédérations syndicales, CFDT, FO, CGC, CFTC, et trois organisations patronales, MEDEF, UPA, CGPME, amorcent un changement profond dans le système en vigueur depuis la Libération. Dans une « position commune », les signataires affirment vouloir renforcer le dialogue social. Ce qui suppose au moins deux conditions.
    Premièrement, une organisation syndicale ne doit plus pouvoir faire la pluie et le beau temps toute seule. Cela va de soi. Aujourd'hui encore, une seule signature au bas d'un accord suffit à le valider !
    Deuxièmement, l'Etat, avant de légiférer, doit inviter les partenaires sociaux à négocier dans les domaines sociaux. Il s'agit de mettre les pratiques françaises au diapason de l'Europe.
    A ces deux conditions, plusieurs organisations syndicales - la CFDT et la CGT - en ajoutent une troisième : la représentativité des organisations syndicales a besoin de s'appuyer sur des instruments de mesure précis. Nous en sommes bien d'accord.
    Cette position commune, vous l'avez, par certains aspects, quelque peu détournée - c'est le moins qu'on puisse dire. Mais, tout de même, portons un regard lucide sur cette initiative.
    Reconnaissons d'abord, que, faute d'unanimité, la « position commune » sur la négociation collective et, notamment, sur le principe d'accord majoritaire, recherchée avec ardeur par le patronat, est bien fragilisée, ce qui n'est pas le moindre des contradictions pour une position commune qui prétend vouloir « renforcer la légitimité des accords ».
    Par ailleurs, le texte précise que « la volonté d'élargir les attributions conférées à la négociation collective et d'assurer son développement nécessite la définition d'un mode de conclusion des accords qui, sans remettre en cause la capacité de chaque organisation syndicale représentative d'engager l'ensemble des salariés, renforce la légitimité des accords et garantisse l'équilibre de la négociation » - c'est ce qu'écrivent les « interlocuteurs sociaux » signataires. Une période « de transition » pour vérifier que « le nouveau mode de conclusion des accords constitue une étape positive au regard du double objectif de développer la négociation collective et de renforcer sa légitimité » pourrait être instaurée.
    Or, à regarder de plus près la formulation délibérément floue, le « nouveau » mode de conclusion des accords ne l'est que dans les mots. « Un accord national interprofessionel ou un accord de branche, quel que soit le nombre d'organisations syndicales représentatives signataires, n'entrerait en vigueur que dans la mesure où la majorité des organisations syndicales représentatives n'auraient pas fait usage de leur droit d'opposition », propose le patronat, suivi en cela par FO, la CFTC et la CGC. Autrement dit, on ne change rien... C'est la reconnaissance du droit d'opposition, non un accord majoritaire.
    Ainsi, dans le cas présent - et si la position commune était un véritable accord -, deux organisations syndicales ne pourraient pas, en dépit d'une majorité écrasante en voix lors des élections professionnelles, faire valoir de droit d'opposition. Et il en irait de même dans les branches qui - fait essentiel - décideraient du mode de conclusion des accords dans les entreprises.
    Quant aux accords d'entreprise, leur entrée en vigueur serait subordonnée à l'un ou l'autre des deux modes de conclusion, adoptés par accord de branche.
    Je vous rappelle que les organisations majoritaires en voix, la CGT et la CFDT, représentent 57 % aux élections professionnelles. Elles auront beau faire, elles ne sont que deux, et, face aux trois autres organisations, elles ne pourront rien décider, il n'y aura pas d'accord majoritaire. Si vous étiez élus comme cela, mes chers collègues, vous diriez que c'est une élection à la mode soviétique ou à la mode Poutine, et vous auriez raison ! Tout cela est donc contraire à l'accord majoritaire.
    Nous arrivons au coeur du sujet. Il faut décortiquer. Il faut de la pédagogie. C'est tellement bien fait, si intelligemment présenté, qu'on est obligé d'en passer par là.
    M. Yves Bur. M. le ministre apprécie !
    M. Jean-Claude Lefort. C'est un peu flatteur, quand même !
    M. Maxime Gremetz. J'ai déjà dit tout à l'heure que c'était fait avec intelligence. Mais il faut bien regarder quelles sont les mesures d'application. Il faut voir comment ça marche.
    On peut le résumer ainsi : en parlant d'« accord majoritaire », le Gouvernement se dit qu'il va faire plaisir aux communistes - car nous, les communistes, nous nous battons pour l'accord majoritaire depuis 1982.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous n'êtes pas très efficaces !
    M. Maxime Gremetz. Depuis 1982, nous sommes porteurs de cette idée, qui est la base même de la démocratie. Je vous donnerai le texte si vous voulez. Depuis 1982 ! Vous voyez que ce n'est pas d'aujourd'hui. La démocratie, pour nous, est la base essentielle, et le principe majoritaire nous paraît donc tout à fait normal. Quand j'étais encore syndicaliste, je me battais pour cela. Nous étions tout seuls, mais c'est parce qu'il n'y avait personne d'autre. C'étaient les salariés qui décidaient.
    L'entrée en vigueur des accords d'entreprise serait donc subordonnée à l'un ou à l'autre des deux modes de conclusion, adopté par accord de branche. Pour résumer, on applique donc l'accord majoritaire dans les entreprises, où il peut s'appliquer, mais on le rattrape au niveau de la branche et, au lieu de la majorité des organisations syndicales représentant la majorité des salariés, c'est la majorité des organisations qui décide ! Quand les trois petites organisations sont face aux deux grosses, qui représentent 60 % des voix, ce sont les trois petites qui ont raison ! Voilà donc comment on se rattrape : c'est au niveau de la branche qu'on décide de la façon dont la validité des accords sera réglée dans l'entreprise. C'est aussi simple que ça.
    M. Jean-Claude Lefort. C'est du bonneteau !
    M. Maxime Gremetz. C'est du bonneteau, en effet. Ce n'est pas bête, mais nous ne sommes pas sots non plus. Chacun est capable de comprendre tout ça.
    Il est également prévu que, au niveau de la branche, les organisations majoritaires en nombre, qui représentent 30 %, décident du mode de validation des accords et des points qui peuvent donner lieu à des accords dérogatoires à la convention collective, à l'accord de branche et à la législation sociale. Si ce n'est pas remettre le principe de faveur en cause, le syndicaliste que je suis n'y comprend plus rien !
    M. Jean-Claude Lefort. Mais si !
    M. Maxime Gremetz. Je crois bien que j'y comprends quelque chose et, en tout cas, je vois bien les conséquences dramatiques que cela aurait pour les salariés.
    On peut gager sans risque que, dans la branche, on trouvera souvent trois organisations syndicales pour adopter le second mode de conclusion des accords.
    Derrière le minuscule pas en direction d'une légitimité accrue des acteurs sociaux et de la validation majoritaire des accords, tout l'esprit de cette déclaration commune est là. La preuve en est que les « interlocuteurs sociaux » prennent la peine de préciser que, « en l'absence d'accord de branche, les accords d'entreprise devraient, pour entrer en vigueur, être conclus dans les conditions définies au point B » - il s'agit du droit d'opposition. Ce n'est pas un accord majoritaire conclu par les grandes organisations syndicales qui représentent la majorité des salariés. Non, elles doivent utiliser leur droit d'opposition. On nous parle de démocratie sociale, de l'attitude constructive que doivent avoir les organisations syndicales. Mais on les oblige toujours à recourir au droit d'opposition. On n'avancera jamais.
    Monsieur le ministre, si votre objectif, sans doute louable, est de respecter cette position commune, cela ne dispense pas l'Etat d'étudier soigneusement les effets et les conséquences du relevé de décision. Je pense sincèrement que, avec cette conception du dialogue social et ce mode de validité d'accord, nous allons au blocage plus qu'à la construction sociale. Et quand bien même vous vous retrancheriez derrière cette position, elle suppose aussi, selon nous, l'actualisation de la représentativité, à laquelle elle ne touche pas. Du point de vue de la représentativité, en effet, on se croirait encore en 1966. Mais c'est à nous qu'il appartient de bouger. Pour cela, il faut des élections de représentativité dans chaque branche. Aujourd'hui, de grandes organisations syndicales sont représentatives mais ne sont pas reconnues comme telles. Comment voulez-vous faire progresser le dialogue social sans la FSU, l'UNSA, SUD, les Dix et d'autres ? Il faut prendre en compte ces nouvelles organisations. Moi, je ne suis pour le monopole ni de la CGT ni d'une autre organisation, mais pour le pluralisme syndical. Les salariés choisissent ceux qui les représentent. Quoi de plus normal ? Or, là, on ne touche pas du tout à cette question et on ne peut pas avancer si on ne le fait pas.
    En fait, on répond à l'exigence du MEDEF, qui veut que l'on remette en cause le principe de faveur, parti pris condamné par toutes les organisations syndicales.
    On dit que les organisations syndicales ne sont pas d'accord sur tout, que certaines désapprouvent le principe d'accord majoritaire. Les deux seules qui y sont favorables, la CGT et la CFDT, représentent 57 % des voix aux dernières élections. Mais les organisations syndicales sont toutes d'accord pour dire que ce projet n'est pas bon, qu'il ne correspond pas à la déclaration commune, qu'il remet en cause - de façon intelligente, certes - le principe de faveur, avec la multiplication des accords dérogatoires, et que cela aura des conséquences dans tous les domaines.
    Je vais vous dire mon sentiment : cette réforme est la plus grave de toutes celles que vous nous proposez. Pourtant, ce n'est pas rien de remettre en cause des acquis et des conquêtes sociales que nous avons construits, pendant des dizaines d'années, comme notre système si original des retraites par répartition ou la sécurité sociale. Mais, là, c'est encore plus grave, parce que vous touchez à tout le droit du travail, au bloc de législation sociale qui concerne chaque aspect de la vie, les salaires, la formation, les conditions de travail : tout.
    Dès lors que cela peut être dérogatoire, c'est-à-dire en dessous de la loi, il n'y a plus de limite. Si l'on veut un recul social sans précédent, c'est ainsi qu'il faut s'y prendre. Je ne dis pas que j'aie raison, mais je parle en m'appuyant sur mon expérience et, en tout cas, je partage totalement l'opinion des organisations syndicales, qui condamnent absolument cela, parce que c'est notre avenir qui est en jeu.
    M. le ministre dit que le code du travail est toujours là. Certes, mais, comme le Gouvernement, j'anticipe : j'ai bien vu que M. le ministre avait demandé un « dépoussiérage » du code à M. de Virville. Pour le mettre en conformité avec quoi ? Avec ça. Vous voyez bien qu'il n'y a plus aucune protection.
    Je vous ai rapporté tout à l'heure ce que disait Force ouvrière : « Le MEDEF en rêvait, le Gouvernement l'a fait ! »
    Mme Chantal Brunel. Oh !
    M. Maxime Gremetz. Mais oui, je vous le prouve. Regardez ! (M. Gremetz brandit un document.) « Le MEDEF en rêvait, le Gouvernement l'a fait ! » Signé : Force ouvrière. Ce n'est pas la CGT qui dit cela. Voulez-vous connaître la position de la CFDT ? Je peux vous la rappeler, afin qu'on ne me dise pas que j'invente. Et savez-vous ce que pense la CGT ?
    M. Roger Boullonnois. Non !
    M. Maxime Gremetz. Mais si ! Vous parlez de dialogue social et vous dites : « La CGT, on s'en fout ! » C'est la première organisation syndicale ! Vous rendez-vous compte de ce que vous dites ?
    M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Gremetz ! Continuez !
    M. Maxime Gremetz. Je continue, mais qu'on ne me dise pas : « Je me fous de la CGT ! »
    M. le président. Personne n'a dit cela, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Mais si, il l'a dit !
    M. Jean-Claude Lefort. Il a dit : « Je m'en moque ! »
    M. Maxime Gremetz. Il a dit : « Ça ne m'intéresse pas ! »
    M. Roger Boullonnois. Il vous faut un appareil, monsieur Gremetz !
    M. Jean-Claude Lefort. Non, l'appareil, c'est pour Chirac ! (Sourires.)
    M. le président. Monsieur Lefort, taisez-vous et n'interrompez pas M. Gremetz, qui s'achemine tranquillement vers la fin de son intervention.
    M. Maxime Gremetz. Puisque cela ne vous intéresse pas, je vais vous le lire. Je n'avais pas l'intention de le faire, mais, dans ces conditions, j'y suis obligé. C'était ce matin, mais pas dans L'Humanité, dans Le Figaro Economie.
    M. Jean-Claude Lefort. On va finir par croire que vous ne lisez pas L'Humanité !
    M. le président. Monsieur Lefort, arrêtez !
    M. Maxime Gremetz. « Tel qu'il est proposé, l'accord majoritaire est une perspective virtuelle, dit Bernard Thibault. Une majorité de syndicats, ce n'est pas la même chose que des syndicats représentant une majorité de salariés. Le droit d'opposition donne plus de pouvoir à trois petits syndicats qu'à deux syndicats majoritaires. Cela va se traduire par la persistance d'un dialogue social artificiel. Il ne faut pas s'étonner que les réformes soient contestées sur le fond. S'il y a un taux de conflictualité aussi élevé dans notre pays, c'est à cause de ces règles. Soit le Gouvernement ne comprend pas toute la portée de cette réforme, soit au contraire il en mesure les effets, et c'est encore plus grave. »
    On lui demande : « Vous contestez également la remise en question de la hiérarchie des accords ? » Bernard Thibault répond : « Sur ce point, le texte a évolué dans des conditions inadmissibles. Les syndicats ont été consultés sur un texte qui n'est pas celui qui a été examiné en conseil des ministres. » Comme dialogue social, on fait mieux !
    « Entre-temps, le MEDEF a obtenu de Matignon une modification fondamentale qui permet aux entreprises de déroger aux accords de branche et à la loi. C'est la remise en question de la hiérarchie des normes. Cela va créer un droit social qui évoluera de façon différente selon les branches et les entreprises. On se dirige vers un maquis juridique inextricable, tant pour les juristes que pour les représentants syndicaux. Cela est d'autant plus paradoxal qu'une mission gouvernementale prépare actuellement une simplification du droit du travail ! Les salariés seront les principales victimes de ces dispositions. » Voilà un leader syndical responsable.
    A la question : « Comment comptez-vous vous opposer à tout cela ? », il répond : « C'est un sujet récurrent pour toutes les réformes. Sur l'assurance maladie, par exemple, si le Gouvernement s'en tient au mécanisme tel qu'il le propose, on retombera dans les mêmes ornières que sur la retraite, avec un texte approuvé par des syndicats minoritaires. La sécurité sociale, voilà bien un lieu où l'absence de règles de représentativité pose un problème : il serait judicieux de refaire des élections puisque nous y représentons les salariés. »
    On lui demande : « Le Gouvernement affiche sa volonté de dialogue. Le préambule du texte de loi prévoit de renvoyer à "la négociation d'abord avant toute décision législative. » Bernard Thibault répond : « Il y a le discours et il y a les actes. Ce gouvernement nous met de plus en plus devant le fait accompli : regardez la suppression du jour férié ou la création d'un chèque-emploi pour les petites entreprises. Sur la concertation, on n'en est même plus au service minimum, c'est le zéro pointé. Le Gouvernement aujourd'hui devient la chambre d'enregistrement des revendications du MEDEF. Dans ces conditions, la contestation ne peut que s'amplifier. »
    J'aurais eu tort de me refuser le plaisir de vous lire ce passage. C'est une analyse lucide. Voilà ce que la CGT, qui a tant fait pour qu'on aille vers une réforme de la démocratie sociale, pense aujourd'hui de ce projet. On n'a pas raison seul contre tout le monde. Il faut considérer les avis différents.
    D'éventuelles élections de représentativité doivent donc servir de base d'appréciation pour un accord majoritaire dans la branche. C'est notre conviction, différente de celle qu'affirme votre projet de loi. Nous en discutons depuis des mois avec les organisations syndicales, avec des juristes et des inspecteurs du travail - notre rapporteur le sait, puisqu'il a assisté à certaines de ces réunions -, travaillant ensemble à la construction de rapports modernes et nouveaux en matière de dialogue social.
    Celle-ci repose sur trois piliers : représentativité ; autonomie des niveaux de négociation et principe de l'accord majoritaire - au sens où sont majoritaires les syndicats représentant la majorité des salariés en voix - ; respect de la hiérarchie des normes.
    Je vais m'attacher à vous démontrer que, si ce texte emploie ces mots, il organise le contraire de ce que vous prétendez. J'en reviens donc à cet ami qui me disait : « Il a bien parlé, mais qu'est-ce qu'il a dit ? »
    M. Yves Bur. C'est la question qu'on se posait !
    M. Maxime Gremetz. J'ajouterai : qu'est-ce qu'il prépare ? En ce qui concerne la représentativité, rien. Pourtant, il faut l'actualiser, afin que le paysage syndical soit rénové.
    Le système actuel décourage tous ceux qui veulent une négociation collective vivante, au contenu plus riche, portée par des acteurs vraiment légitimes aux yeux des salariés et devant déboucher sur des accords eux aussi légitimes. De ce point de vue, nous faisons le même constat, monsieur le ministre. Nous constatons une sous-syndicalisation, un essoufflement du dialogue social.
    La loi de 1950 n'est à l'évidence aujourd'hui plus adaptée à un paysage syndical qui a profondément changé. En un demi-siècle, les relations sociales ont fortement évolué et la désyndicalisation a affaibli tous les acteurs. Il y a donc matière à concevoir un nouveau paysage syndical.
    La France est le pays industrialisé où il y a le moins de personnes syndiquées et où leur nombre a le plus fortement baissé au cours du dernier quart du xxe siècle. Le taux de syndicalisation des salariés est proche de 5 %. Nous avons une vue très claire de tout cela.
    Ce débat sur la représentativité syndicale n'est pas nouveau. Pierre Rosanvallon notait déjà en 1988 que « la faiblesse endémique du nombre d'adhérents du syndicalisme français et les équivoques engendrées par le fait du pluralisme se sont conjuguées pour rendre progressivement très confus les critères définissant la représentativité ».
    Ce débat est revenu à l'ordre du jour en 1998, à l'occasion de l'application de la loi Aubry sur les 35 heures, qui posait la question de la légitimité des accords sur la réduction du temps de travail signés par des syndicats minoritaires. C'est notamment l'accord du 28 juillet 1998, négocié dans la métallurgie entre l'UIMM et FO, CFTC et CGC qui a entraîné l'ouverture du débat. En effet, les syndicats CGT et CFDT, qui avaient la majorité des voix des salariés dans la branche, avaient rejeté l'accord. Ces deux organisations ont alors décidé d'ouvrir le dialogue sur la question de la représentativité syndicale, estimant que, face à un faible taux de syndicalisation des organisations françaises, les mécanismes de la représentativité favorisent les accords minoritaires et, partant, nuisent à l'efficacité du syndicalisme.
    Si ces syndicats ont pris en main le sujet de la représentativité, c'est que les pouvoirs publics avaient affiché leur neutralité, estimant qu'il s'agissait là d'un débat interne au mouvement syndical.
    Nous sommes convaincus, pour notre part, qu'il est nécessaire d'avancer sur cette question. Et nous proposerons de lier l'actualisation de la représentativité à l'introduction de l'accord majoritaire au sens d'organisation syndicale représentant la majorité des salariés, principe que nous portons - je vous le confirme, monsieur le ministre - depuis 1982 ! Cette proposition a pour objectif de favoriser la coopération syndicale et de donner aux salariés une raison nouvelle de participer aux choix de leurs représentants.
    Mais quand je parle de représentativité, je ne parle pas seulement de celle des organisations syndicales ouvrières, je parle aussi de la représentativité du côté patronal. Parce que, entre nous soit dit, il n'y a pas qu'une seule organisation patronale. Or, elle se présente souvent en situation de monopole, mettant les autres de côté. Je ferme la parenthèse.
    Notre proposition contribuerait à un rééquilibrage des pouvoirs entre syndicats et patronat : grâce à cette exigence, les employeurs ne seraient plus sûrs de trouver quasiment à tous les coups un ou des signataires, ce qui est rendu possible par la règle de l'unicité de signature.
    Cette proposition est par ailleurs conforme au souhait de la CFDT et de la CGT. En effet, en 1998, à la suite de la conclusion de l'accord du 28 juillet, Louis Viannet, alors secrétaire général de la CGT, déclarait : « Dès lors que la conclusion ou la non-conclusion d'un accord engage l'ensemble des salariés compris dans le champ de la négociation, il devient essentiel que sa validité soit conditionnée par l'aval majoritaire de la collectivité du travail. » C'est clair et c'est précis. Pour la CFDT, une telle mesure entraînerait, au final, plus d'efficacité et de démocratie sociale. C'est clair, c'est précis et c'est juste.
    Nous partageons entièrement ce souci et préconisons d'actualiser régulièrement la notion de représentativité en fonction des résultats aux élections professionnelles et proposons de regrouper, selon les branches, toutes les élections des délégués du personnel ou des comités d'entreprise le même jour, ce qui devrait permettre de banaliser ces consultations.
    Nous partageons également la proposition d'une confédération portant l'idée d'abaisser le seuil du nombre de salariés par entreprise nécessaire pour ouvrir des élections de représentants. Pour être plus précis, il s'agit d'organiser des élections professionnelles y compris dans les entreprises de moins de dix salariés. Aujourd'hui, le code du travail prévoit que les élections pour le comité d'entreprise ou pour les représentants du personnel n'ont lieu que dans les entreprises de plus de cinquante salariés. Donc, vous avez une majorité de salariés dont on ne peut même pas dire qu'ils sont représentés. Ils ne sont représentés par personne puisqu'il n'y a pas d'élection professionnelle dans leur entreprise. Et dans ces conditions, on ne voit pas bien ce que représente un salarié mandaté, puisqu'il n'y a pas eu d'élections. Cela pose une vraie question de démocratie, de démocratie élémentaire.
    Nous approuvons donc cette proposition et la soumettons à votre réflexion pour redynamiser la démocratie à tous les niveaux, même au niveau des petites structures. Car, aujourd'hui, le constat est simple : seules les cinq confédérations ont un droit automatique à se présenter aux élections, du moins au premier tour, les autres syndicats devant prouver leur représentativité en justice. Cela entraîne la situation suivante : c'est le juge qui devient l'arbitre du dialogue social, alors que c'est aux salariés de donner leur légitimité à chacun. C'est pourquoi il convient d'ouvrir le jeu électoral à tous les syndicats légalement constitués, dans un scrutin à un seul tour, ouvrant ainsi la voie à la généralisation de la représentation collective syndicale.
    Quant aux syndicats exclus du bénéfice de la présomption de représentativité, ils figurent parmi les plus fervents partisans d'une révision des règles - c'est notamment le cas de la FSU, de SUD et de l'UNSA -, qu'il s'agisse de conditionner la validité des accords à une signature majoritaire, de renforcer la légitimité des syndicats par l'audience électorale ou de permettre à tous les syndicats légalement constitués de pouvoir se présenter aux élections. Nous ne pouvons pas l'ignorer non plus.
    Ces propositions nous paraissent favoriser un véritable pluralisme et un renforcement de la liberté syndicale fondée sur le libre choix. Nous avons donc déposé un amendement visant à actualiser cette représentativité en proposant que dans chaque branche, et le même jour, il y ait élection. Sinon, monsieur le ministre, dès lors que le projet ne prévoit pas d'élections de représentativité, le petit pas fait vers des accords majoritaires est complètement faussé.
    J'en viens maintenant aux deuxième et troisième piliers de notre vision du dialogue social : le principe de l'accord majoritaire et le respect du principe de faveur.
    M. le président. Il ne vous reste que quelques minutes, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Non, parce que j'ai commencé plus tard que prévu.
    M. le président. Non, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Si ! Si ! Tout le monde était en retard.
    M. Charles Cova. Une heure et demie, ça suffit largement, monsieur le président !
    M. le président. Non, monsieur Gremetz, j'ai même décompté les temps d'arrêt.
    M. Maxime Gremetz. Non, monsieur le président, j'ai regardé, j'ai bien noté ! Je l'ai noté là, à la première page.
    M. le président. Allons-y, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. J'en viens donc maintenant aux deuxième et troisième piliers de notre vision du dialogue social.
    Le Gouvernement a présenté la « position commune » comme étant la base de son projet. On pouvait donc s'attendre à ce qu'il respecte le soi-disant « deal » - je n'aime pas ce mot, disons l'accord réciproque - passé en 2001.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il a été respecté.
    M. Maxime Gremetz. Une lecture attentive du projet dans sa version définitive montre qu'il n'en est rien : le principe majoritaire pourra être encore plus facilement escamoté. Par contre, la négociation dérogatoire dans un sens défavorable au salarié sera généralisée.
    S'agissant de l'entrée en vigueur des accords d'entreprise, la « position commune » prévoit deux possibilités entre lesquelles les négociateurs des accords de branche devront choisir : soit la signature par une ou plusieurs organisations syndicales ayant obtenu au moins 50 % des votants lors des dernières élections au comité d'entreprise ou des délégués du personnel ; soit l'absence d'opposition d'organisations syndicales non signataires ayant recueilli au moins 50 % des votants. En l'absence d'accords de branche, la « position commune » laisse le choix entre les deux formules.
    Le projet de loi reprend les deux options, mais il impose, en l'absence d'accord de branche, la seconde formule : un accord d'entreprise sera donc valide dès lors que la ou les organisations syndicales ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles n'auront pas fait opposition. En clair, il suffira que le texte soit signé par un syndicat minoritaire et que les autres s'abstiennent de prendre position pour que l'opposition du syndicat majoritaire soit vouée à l'échec.
    Sur la base des données comptabilisées par le ministère du travail, s'agissant des résultats aux dernières élections au comité d'entreprise, on peut penser que cette règle prétendument majoritaire sera plus virtuelle que réelle. A supposer que les résultats des élections au comité d'entreprise soient, dans une entreprise, identiques aux moyennes constatées aux dernières élections, on voit bien que la seule opposition des deux premiers syndicats - CFDT et CGT - sera insuffisante pour faire échec à un accord signé par les trois autres, qui sont ultraminoritaires.
    Le Gouvernement ne peut justifier cet écart par rapport à la « position commune » - qui elle-même admettait une entorse grave à la règle de l'accord majoritaire - par le fait qu'il a introduit dans la loi, pour les accords de branche, la possibilité de subordonner leur validité à leur signature par des organisations syndicales majoritaires en nombre. En effet, une telle possibilité est elle-même conditionnée par la conclusion d'un accord de branche. A défaut d'un tel accord sera appliquée la règle selon laquelle l'accord est valable si une majorité d'organisations syndicales ne s'y oppose pas. C'est d'une simplicité biblique !
    M. le président. Monsieur Gremetz, il faut conclure.
    M. Maxime Gremetz. Du calme, du calme ! D'ailleurs, je vous fais observer...
    M. le président. Monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Je termine, monsieur le président.
    M. le président. Très bien.
    M. Jean-Claude Lefort. Ce que dit M. Gremetz est essentiel, monsieur le président.
    M. le président. Monsieur Lefort, taisez-vous !
    M. Maxime Gremetz. Non, mais ça devient d'un autoritarisme !
    M. le président. Monsieur Gremetz, terminez, je vous en prie.
    M. Maxime Gremetz. Si ça continue, on va parler encore longtemps, hein ?
    M. le président. Non, monsieur Gremetz, ce n'est pas possible.
    M. Maxime Gremetz. Oh mais vous pouvez éteindre le micro, je n'en ai pas besoin pour parler. Donc, il n'y a aucun problème. Je peux parler autant que je veux.
    M. le président. Concluez, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Sans jouer les voyants, on peut parier que le droit d'opposition va devenir la règle et l'accord majoritaire, au sens d'organisation syndicale représentant la majorité des salariés, l'exception. Cette préférence encourage ceux qui ne signent jamais et récoltent quand même le fruit des accords. Ce n'est pas un encouragement à la construction et à la négociation, mais à la paralysie !
    Ainsi, votre texte ne consacre pas l'accord majoritaire au sens d'un accord qui, pour être valide, doit être signé par des syndicats ayant la majorité des voix aux élections professionnelles. Il prévoit qu'au niveau professionnel, comme à celui de la branche, un accord pourra être minoritaire si une majorité de syndicats ne s'y oppose pas. Mais cette majorité sera mesurée non pas en voix mais en nombre d'organisations. Curieuse démocratie qui permettra dans toute branche à trois syndicats, même minoritaires, de s'opposer à la volonté des deux autres. Vous persistez dans l'écueil déjà dénoncé et qui est au coeur de la problématique d'aujourd'hui : la minorité pourra continuer de faire la règle, monsieur le ministre.
    Comme je l'ai dit, certes une branche sera libre d'organiser, pour légitimer ses accords, une élection de représentativité. Elle pourra aussi permettre à ses entreprises de fonder leurs accords sur l'approbation de syndicats majoritaires aux élections professionnelles. Mais cette ouverture risque de n'être que virtuelle, puisqu'elle est conditionnée par le feu vert d'une majorité de syndicats de la branche... en nombre ! C'est la première grande critique qui justifie pleinement la motion de procédure que je suis en train de défendre.
    M. le président. Monsieur Gremetz, il faut conclure !
    M. Maxime Gremetz. En plus de cette fausse avancée, votre réforme pose également le principe de l'accord dérogatoire généralisé.
    Votre façon d'articuler les choses, qui a pour objet et pour effet de généraliser l'accord dérogatoire, est à la fois simple et vicieuse.
    Premièrement, est posé le principe selon lequel l'accord ne peut comporter des clauses défavorables aux salariés, par rapport à l'accord de niveau supérieur, dans les domaines du salaire minimum, des classifications et de la protection complémentaire.
    Deuxièmement, dans tous les autres domaines, les accords d'entreprise pourront prévoir des clauses défavorables aux salariés par rapport aux garanties négociées dans un accord collectif de niveau supérieur. En clair, des accords d'entreprise pourront fixer, par exemple, des indemnités de licenciement moins favorables que celles prévues par l'accord de branche.
    M. le président. Monsieur Gremetz, je vous en prie, essayez de conclure.
    M. Maxime Gremetz. Je conclus, monsieur le président.
    Troisièmement, ce n'est que dans le cas où l'accord de branche stipulerait expressément que des clauses dérogatoires ne sont pas admises que les accords d'un niveau inférieur ne pourront pas déroger dans un sens défavorable au salarié. Pour être plus clair : si les syndicats de salariés veulent que les clauses de l'accord de branche s'imposent à tous les employeurs de la branche, il leur faudra « lâcher » des concessions.
    Autrement dit, si les syndicats veulent, par exemple, que le montant des indemnités de licenciement prévues par la convention de branche s'impose à toutes les entreprises de cette branche, il faudra que le patronat l'accepte, et il ne le fera que si, par exemple, le montant de ces indemnités est révisé à la baisse.
    En définitive, ce qui est aujourd'hui l'attribut essentiel de la norme - son caractère impératif - se marchandera demain. La « marchandisation » a donc fait un nouveau bond : elle vient se loger dans le coeur même du droit, qui plus est du droit du travail, lequel devrait avoir pour objet de protéger la partie la plus faible dans le contrat de travail.
    M. le président. Monsieur Gremetz, je vous en prie !
    M. Maxime Gremetz. Oui, je vais terminer.
    M. le président. Merci, monsieur Gremetz, de bien vouloir terminer.
    M. Maxime Gremetz. Je vais terminer par une conclusion, et donner un avis du président du MEDEF, qui me paraît tout à fait singulier. Par exemple, concernant les 35 heures, le président Ernest Seillière - c'est bien Ernest ?
    M. le président. Oui, oui, très bien !
    M. Maxime Gremetz. Pas d'impatience, on a tout notre temps. On a jusqu'au 20.
    M. le président. Non, vous n'avez pas tout votre temps.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, un peu de calme !
    M. le président. Mais je suis très calme !
    M. Maxime Gremetz. Regardez, tout à l'heure, M. Vidalies vous a fait gagner trois quarts d'heure.
    M. le président. Monsieur Gremetz, les temps de parole ne sont pas transférables. Je suis très calme, et je vous demande de conclure, c'est tout.
    M. Maxime Gremetz. Moi aussi, je suis très calme. Jour et nuit, je suis très, très calme.
    M. le président. Bon, concluez.
    M. Maxime Gremetz. Que pensez-vous de cette citation du président du MEDEF ? Moi, je la trouve très bien ! « Il faut détricoter les 35 heures par touches successives », dit M. Seillière. Et pour cela, il ajoute qu'on n'a pas besoin d'abroger les 35 heures : avec les accords dérogatoires, c'est par le bas qu'on va les prendre, ces 35 heures, et on va les remettre en cause. Je crois que la leçon est tirée.
    Je vais terminer, monsieur le président, puisque vous insistez tellement,...
    M. le président. Assurément !
    M. Maxime Gremetz. ... par une bonne citation, d'un spécialiste...
    M. le président. Très vite, alors !
    M. Maxime Gremetz. Je termine, monsieur le président. Ne soyez pas impatient.
    Pour celles et ceux d'entre vous qui douteraient encore, permettez-moi de vous faire part d'une dernière analyse, d'un avis impartial sur le sujet : « Le projet présente un diagnostic pertinent. Mais le texte démontre un réel état d'impréparation, une absence d'anticipation qui le rendent impertinent dans son état.
    « Le ministre n'attache pas assez d'importance aux effets que ces changements de règles peuvent entraîner. La position commune des partenaires sociaux, de juillet 2001, représentait un compromis, un équilibre entre les organisations syndicales, hormis la CGT, et le MEDEF.
    « Mais cette position commune ne dispense pas l'Etat d'étudier soigneusement les effets et les conséquences de son projet. On trouve d'abord dans ce texte l'attribution aux branches professionnelles d'une très lourde responsabilité. »
    M. le président. Monsieur Gremetz, vous pouvez conclure ?
    M. Maxime Gremetz. Je termine ma citation, s'il vous plaît. Je ne peux quand même pas interrompre la citation d'un homme aussi célèbre.
    M. le président. Monsieur Gremetz, je vous en prie !
    M. Maxime Gremetz. « C'est à ce niveau que seront définies les règles de négociation qui relevaient jusqu'alors de la loi. La branche dira si les règles qu'elle pose sont impératives ou non et quelle place est laissée à l'accord d'entreprise.
    « Si on donne une telle responsabilité aux branches, il faut au moins un accord majoritaire à ce niveau et pas seulement un droit d'opposition comme cela est prévu. »
    M. le président. Monsieur Gremetz, je vous en prie, concluez !
    M. Maxime Gremetz. « Par ailleurs, le projet de loi amplifie le mouvement de diversification des agents dans la négociation décentralisée et, avec cette diversification, l'idée majoritaire s'estompe. Un salarié mandaté, hors de toute présence syndicale dans l'entreprise, n'exprime aucune majorité.
    « Le ministre affirme vouloir renforcer la place des syndicats et la nécessité de l'accord majoritaire, mais ici,...
    M. le président. Monsieur Gremetz, vous pouvez terminer ?
    M. Maxime Gremetz. Bien sûr ! Mais vous pouvez fermer mon micro, il n'y a pas de problème.
    M. le président. Je vous en prie ! pas de provocation.
    M. Maxime Gremetz. Non, mais je vous le dis. Si vous voulez fermer le micro, vous le fermez.
    M. le président. Monsieur Gremetz, terminez !
    M. Maxime Gremetz. « En résumé, il est extrêmement regrettable de ne pas rechercher un profond consensus sur les règles de la négociation collective.
    « C'est, d'une certaine manière, un défi au bon sens, car ce sujet nécessite une adhésion, le soutien le plus large. Il faut donner confiance aux protagonistes. Fixer de nouvelles règles du jeu exige que les joueurs les comprennent et les acceptent. » Cette analyse n'est pas de M. le président - même s'il aurait pu la faire, et dans ce cas-là, il m'aurait pardonné un peu plus -, mais il s'agit du professeur Antoine Lyon-Caen, juriste éminent du travail.
    M. le président. Merci, monsieur Gremetz, je crois que vous avez conclu.
    M. Maxime Gremetz. Vous avez parfaitement compris, monsieur le président.
    Mais vous vous êtes entêté, ce soir, parce que là j'ai respecté exactement, à la minute près.
    M. le président. Non, monsieur Gremetz.
    Je vous en prie ! La démocratie, c'est le respect des règles, et c'est le respect du fonctionnement de notre assemblée et de son règlement...
    M. Maxime Gremetz. Et c'est de ne pas interrompre son voisin !
    M. le président. ... qui est le règlement de nous tous, y compris de vous.
    M. Maxime Gremetz. Heureusement que quand vous ne le respectez pas, on ne vous dit pas cela. Nous, nous sommes gentils.
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Quelques éléments de réponse à l'intervention de M. Gremetz.
    D'abord, sur le vote par division. S'il entend remettre en cause l'unité du texte, naturellement, le Gouvernement ne le suivra pas parce que le projet de loi reprend des textes qui ont été signés par les partenaires sociaux. Si, en revanche, il entend signifier son souhait de pouvoir voter favorablement sur une partie du texte, à savoir le titre Ier, je suis évidemment très intéressé.
    M. Gremetz marquerait ainsi son accord, non pas avec le Gouvernement - je ne saurais en rêver -, mais avec la volonté unanime des partenaires sociaux. Il rendrait ainsi justice au travail du Gouvernement en tant qu'il transpose fidèlement l'accord signé en septembre dernier. Si tel est bien le cas, je l'invite à voter les articles du titre Ier. Il aura ainsi le vote par division qu'il souhaite.
    Mais, en écoutant M. Gremetz, je comprends bien qu'au-delà des questions de procédure, nous avons des vraies divergences. Manifestement, M. Gremetz n'accepte pas la logique de l'accord en tant qu'il crée un mécanisme de coresponsabilité dans la mise en oeuvre d'actions de formation, non pas toutes, bien sûr, car cela n'intéresse ni les actions d'adaptation au poste de travail ni la mise en oeuvre du congé individuel de formation, mais l'innovation de l'accord qui met en oeuvre la coresponsabilité avec un partage de l'initiative et du temps de formation. Je regrette cette opposition, car ce choix des partenaires sociaux donnera, j'en suis convaincu, une réelle impulsion au développement de la formation professionnelle.
    Sur le dialogue social, ensuite M. Gremetz veut d'emblée une révision des règles de représentativité et le passage à l'accord majoritaire sur la base de la majorité d'adhésion et elle seule. Je crois qu'il sous-estime la nécessité d'une étape dans l'évolution de l'architecture des relations sociales. Toutes les concertations auxquelles j'ai procédé m'invitent à la prudence. Le texte pose le principe d'une élection de représentativité, sans y obliger. Le texte laisse le choix entre la majorité d'adhésion et l'absence d'opposition majoritaire, comme le proposait la position commune. En effet, le Gouvernement veut une réforme réussie en pratique, qui porte en elle un véritable développement du dialogue social.
    L'option proposée par M. Gremetz, en écartant a priori le mécanisme du droit d'opposition, ignore la réalité des relations sociales dans nombre d'entreprises. Je ne prendrai pas quant à moi le risque de créer, dans la loi, le blocage de la négociation collective.
    M. Claude Gatignol. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. M. Gremetz nous a dit que ce projet était plus grave que la réforme des retraites. Non, monsieur Gremetz, ce n'est pas plus grave, c'est plus important. Car, avec la rénovation de la démocratie sociale, nous sommes au coeur des évolutions structurelles et culturelles de notre pays. Vous pouvez toujours, monsieur Gremetz, dresser le procès de notre projet. Mais rien, absolument rien, ne réduira la portée d'une idée simple. C'est nous, et non la gauche, qui nous apprêtons à rénover les conditions d'un syndicalisme aujourd'hui essoufflé. C'est nous, et non la gauche, qui faisons entrer le principe majoritaire et d'une représentativité élargie dans le champ social. C'est nous, et non la gauche, qui insistons sur la nécessité d'un meilleur partage entre la démocratie politique et la démocratie sociale.
    La critique du parti communiste est, certes, intéressante. Mais que vaut-elle par rapport au mouvement que nous initions après des années et des années de statu quo ? Il est une dernière remarque que je voudrais adresser à Maxime Gremetz qui, je le sais, est, lui aussi, à la recherche d'une société plus participative : n'ayez pas peur du mouvement, il est plus porteur pour le syndicalisme que le statu quo. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Claude Gaillard, pour le groupe UMP.
    M. Claude Gaillard. J'ai écouté avec attention, pendant un peu plus d'une heure trente, ce que disait notre collègue. J'étais curieux de voir quelle argumentation il allait développer pour justifier cette question préalable, c'est-à-dire prouver qu'il n'y a pas lieu de délibérer.
    L'écoute était quelque peu délicate, je l'avoue : le fil directeur n'était pas évident, parce qu'il a utilisé plusieurs chemins de traverse. Mais j'ai bien compris quand même qu'il regrettait que les organisations syndicales n'aient pas plus de poids dans ce pays. A ce propos, je conçois sa douleur quand il rappelle que, depuis 1982, il souhaitait une évolution.
    M. Yves Bur. Eh oui !
    M. Claude Gaillard. Sur les vingt-deux ou vingt-trois dernières années, la gauche a eu le pouvoir à peu près dix-sept ans - nous, beaucoup moins - et il ne s'est rien passé. Je perçois donc dans son argumentation un réquisitoire très dur contre les gouvernements de gauche auxquels il a apporté un soutien sans faille pour tout ce qui n'a pas été fait.
    J'admets qu'on puisse juger que le texte ne va pas assez loin. Mais, face à un texte qui réhabilite les organisations syndicales, qui fait revivre la démocratie sociale, le moins que l'on puisse dire c'est que c'est un premier pas qui mérite d'être soutenu, quitte à regretter qu'on n'aille pas plus vite. En tout état de cause, je ne comprends pas qu'on pose une question préalable qui signifie qu'il n'y a pas lieu de délibérer.
    S'il était cohérent avec lui-même, une partie de son groupe ne devrait pas voter la question préalable. En tout cas, le groupe UMP ne la votera pas, parce qu'il considère que l'avancée qui nous est proposée est considérable et que le discours de M. Gremetz n'est qu'une nouvelle démonstration du bien-fondé de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lefort, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Jean-Claude Lefort. Je rassure notre collègue, l'ensemble du groupe des député-e-s communistes et républicains votera la question préalable défendue par Maxime Gremetz.
    M. Yves Bur. Cela fera deux voix !
    M. Jean-Claude Lefort. Avec le dépôt de cette question préalable, il considère - et nous avec lui - qu'il n'y a pas lieu de débattre de ce projet de loi. Je ne reprendrai pas son argumentation. Je pointerai simplement quelques idées.
    Avant de défendre sa question préalable, M. Gremetz a fait une proposition au Gouvernement - elle vient d'être évoquée par le ministre - qui consistait à séparer les deux titres, parce que l'un reçoit plutôt les faveurs de notre groupe et certainement de l'ensemble des groupes présents dans cet hémicycle tandis que l'autre soulève beaucoup plus de difficultés. En nous prononçant sur les deux titres séparément, nous réglerions le problème soulevé par M. Gremetz, cela nous permettrait de voter les articles afférents à la réforme de la formation professionnelle. Mais puisque notre vote portera sur l'ensemble du projet, il sera négatif, consacrant un refus de la totalité du projet de loi.
    Monsieur le ministre, nous vous tendons une perche. Je ne comprends pas que vous ne la saisissiez pas. Vous avez la possibilité de réunir l'Assemblée nationale en distinguant les deux titres. Tous ensemble, nous approuverions, sous réserve de l'adoption d'un certain nombre d'amendements que nous défendrions naturellement, le titre sur la formation.
    M. Christian Paul. Nous avons quelques réserves quand même.
    M. Jean-Claude Lefort. Certes !
    Visiblement, vous n'êtes pas prêt à un tel accord. Tant pis !
    Le deuxième élément que je voulais souligner, pour montrer la logique des propos de Maxime Gremetz, c'est qu'on devrait appliquer, à l'Assemblée nationale, le principe de faveur. En clair, nous ne devrions en aucun cas débattre de tout projet de loi qui constitue un recul en matière sociale, notamment s'agissant du code de travail.
    M. Christian Paul. En ce moment, on ne siégerait plus alors !
    M. Jean-Claude Lefort. Nous devrions ne débattre que des éléments constitutifs de progrès. Or, l'ensemble des organisations syndicales le soulignent, ce texte constitue un recul pour la France et pour les salariés.
    Mais il y a plus grave, j'en viens à mon troisième argument auquel vous ne devriez pas être totalement insensible, monsieur le ministre : ce projet de loi intervient le 11 décembre, tandis qu'au mois de mai, nous allons procéder à un élargissement de l'Union européenne. Un projet de Constitution est actuellement en discussion. Il y a dans tout cela une logique sur laquelle je voudrais attirer votre attention. Car je ne crois pas avoir affaire à des oreilles totalement obstruées. Sinon, un sonotone s'imposerait ! (Murmures sur divers bancs.)
    Il faut faire en sorte que cette constitution, qui est encore en débat, admette, elle aussi, le principe de non-régression sociale. Actuellement ce principe n'est pas inscrit dans le projet de Constitution européenne et cela pose une véritable question.
    Si on veut que l'Europe réussisse, que son élargissement soit accepté et nous fasse progresser vers un modèle social significatif pouvant peser au niveau international, alors il ne faut pas mettre les gens en concurrence, mais plutôt travailler à harmoniser l'ensemble vers le haut. Votre projet de loi, sur ce sujet précis, prend place à un moment donné de l'histoire de notre pays sans doute, mais aussi de l'histoire du continent ouest-européen et de l'Europe centrale. C'est pourquoi je trouve ma proposition de considérer que l'Assemblée nationale doit appliquer un principe de faveur tout à fait pertinente. Cela aurait une conséquence immédiate sur le projet de Constitution : il ne pourrait être adopté aucun principe de régression sociale. Autrement dit, toutes les lois ou directives européennes ne s'appliqueraient qu'à la condition qu'elles constituent un progrès pour les peuples. Sinon, elles ne s'appliqueraient pas.
    Monsieur le ministre, et ce sera ma conclusion, mon collègue Gremetz a parlé de « la planète MEDEF »...
    M. Maxime Gremetz. Ah oui !
    M. Jean-Claude Lefort. ... et d'une fusée que vous lanceriez. A force d'être tellement tendu vers ce soleil apparent que constitue le MEDEF, je crains, monsieur le ministre, que vous ne connaissiez le terrible destin d'Icare. (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe UDF.
    M. Francis Vercamer. Monsieur le président, l'intervention de M. Gremetz appelle de ma part des remarques sur la forme et sur le fond.
    D'abord, sur la forme, je voudrais souligner qu'il a l'habitude de déroger au principe de faveur et à la hiérarchie des normes à l'intérieur de cette assemblée.
    M. Pierre Cardo. En effet !
    M. Francis Vercamer. Il a dépassé allégrement son temps de parole, comme il le fait habituellement. Il ne montre pas l'exemple.
    M. Pierre Cardo. C'est vrai !
    M. Francis Vercamer. Lorsqu'on critique la mise à mal, pour reprendre son expression, du principe de faveur, on commence déjà par respecter son auditoire, dans cet hémicycle où la démocratie est de règle.
    Sur le fond, qu'a-t-il dit ? Il a évoqué un certain nombre de sujets qui me paraissent en effet importants.
    Premier problème, la représentativité syndicale. J'avais moi-même soulevé la question en commission. Comment peut-on dire qu'un syndicat est représentatif lorsque seulement 5 % des salariés du privé sont syndiqués ? Comment peut-on légitimer les organisations syndicales ?
    Deuxième problème, le démantèlement du droit social. J'en parlais tout à l'heure, déroger au principe de base qui existe depuis très longtemps en France, est-ce démanteler le droit social ou est-ce le réformer et avancer ? Où est le progrès ? M. Lefort semblait considérer que ce n'était pas un progrès. Sans doute le point de vue diffère selon que l'on se trouve d'un côté ou de l'autre du groupe UDF dans cette assemblée.
    Troisième problème, le principe majoritaire. Pour l'UDF, c'est un principe important. François Bayrou, répondant tout à l'heure à M. Blondel, faisait observer que lui-même l'avait proposé au moment des élections présidentielles.
    Mme Chantal Brunel. Qu'est-ce que cela vient faire ici ?
    M. Jean-Claude Lefort. M. Bayrou propose toujours tout !
    M. Francis Vercamer. Ces sujets nous préoccupent, à l'UDF.
    Malheureusement, les réponses apportées par M. Gremetz ne me satisfont pas. Elles ne font que susciter d'autres interrogations, qui appellent un débat. Dans ces conditions, écourter le débat par le vote d'une question préalable ne serait pas logique. Le groupe UDF bien évidemment ne votera pas la question préalable.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste.
    M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, quand vous vous exclamez que c'est vous et non la gauche qui appliquez les premiers le principe majoritaire, vous oubliez la loi sur les 35 heures.
    M. Pierre Cardo. C'était très réduit.
    M. Alain Vidalies. La première disposition législative d'application des principes majoritaires figurait dans ce texte, ainsi que dans la deuxième loi sur les 35 heures.
    Quant au respect des accords, je pourrais citer toute une série d'exemples. Je rappellerai simplement celui de l'accord sur la limitation des contrats précaires de 1990 signé par les partenaires sociaux, transformé en loi par un gouvernement de gauche. Je considère donc qu'il ne vous appartient pas de vous accaparer un quelconque monopole dans ce domaine.
    Cela dit, nous sommes dans une situation singulière. Nous examinons un texte qui, pour partie, engage une réforme profonde des conditions du dialogue social. Je l'ai dit tout à l'heure, et cela a été rappelé par l'orateur du groupe communiste, toutes les organisations syndicales de salariés protestent avec violence. Vous affirmez avoir respecté le texte qu'elles avaient elles-mêmes signé en 2001.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Absolument !
    M. Alain Vidalies. Comment expliquer alors la sévérité des communiqués de presse et les communiqués des bureaux confédéraux ? L'UPA, qui représente un million d'entreprises artisanales, s'exprime, elle aussi, avec beaucoup de force contre ce texte, s'inquiète des conséquences - il suffit de lire les communiqués, ils sont éloquents.
    Les experts en droit du travail -  même s'ils ne sont pas une référence absolue -, tous les commentateurs sont aujourd'hui inquiets quant aux conséquences de l'application de ce texte.
    Vous-même, monsieur le ministre, au cours de votre intervention tout à l'heure à la tribune, vous avez dit - c'était un moment important - qu'en fait ce texte ne correspondait pas à vos aspirations et que vous auriez été beaucoup plus favorable à un texte plus clair, à une avancée beaucoup plus importante, retenant directement le principe de l'application de l'accord majoritaire.
    Nous venons d'apprendre, par notre collègue UDF, que M. Bayrou lui-même serait très déçu puisqu'il serait, depuis très longtemps, semble-t-il, favorable à l'accord majoritaire. Le groupe communiste et nous-mêmes sommes aussi sur cette position.
    Allons-nous continuer à débattre d'un texte sur lequel tout le monde est déçu, voire opposé ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Quel raisonnement !
    M. Alain Vidalies. Arrêtons de nous faire mal. Puisque tout le monde, y compris vous-même, monsieur le ministre, et les organisations syndicales, protestent, je crois qu'il serait sage de décider qu'il n'y a pas lieu de délibérer. Les conditions sont manifestement réunies pour faire mieux ensemble. Voilà pourquoi le groupe socialiste votera la question préalable.
    M. Christian Paul. Très bien !
    M. le président. Je mets aux voix la question préalable.
    (La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

    M. le président. Nous en venons à la discussion générale.
    Dans un souci d'équilibre, je vais donner la parole à un représentant de chacun des quatre groupes, en demandant à tous de respecter leur temps de parole, afin de pouvoir lever la séance à une heure décente.
    La parole est à M. Jean-Claude Lefort, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Jean-Claude Lefort. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes saisis aujourd'hui d'un très important projet de loi qui prévoit deux modifications majeures à notre législation sociale.
    Je voudrais dire tout d'abord que les conditions dans lesquelles nous examinons ce texte ne sont pas à la hauteur de son enjeu. Nous sommes loin de disposer du temps nécessaire à l'examen d'un tel projet, notre assemblée souffrant d'un engorgement de son ordre du jour en cette fin d'année, tant nous avons affaire à des gens pressés. De plus, en amont, la venue précipitée de ce texte a terriblement limité les auditions pour lesquelles nous avons tous été sollicités. En d'autres termes, les moyens volontairement retenus pour travailler ne sont pas à la hauteur de l'importance de ce projet de loi. Il faut y voir une volonté maligne du Gouvernement parfaitement regrettable.
    On nous dira que ces deux réformes de notre législation sociale ont fait l'objet d'une large réflexion par les partenaires sociaux. Mais ceci ne saurait justifier cela, car c'est à nous, et à nous seuls, qu'il revient de légiférer.
    Cette consultation a donné lieu à deux accords. Tous deux sont historiques, mais pour des raisons bien différentes. Le premier d'entre eux, sur le dialogue social, a été discuté le 16 juillet 2001, tandis que le second, sur la formation professionnelle tout au long de la vie, a été signé à l'unanimité, le 20 septembre dernier.
    Si nous appréhendons sans souci particulier la traduction législative de l'accord sur la formation professionnelle, que nous souhaitons toutefois améliorer sur certains aspects, nous sommes en revanche franchement inquiets pour ce qui concerne la partie du dialogue social. Et cette sorte de schizophrénie provient non pas de nous, mais de celui qui présente ces deux textes simultanément. Il signifie par là, et je trouve que c'est un très grand tort qu'il se porte, que son « gaullisme social » revendiqué peut sous-tendre des démarches opposées.
    J'en viens au texte. Le titre Ier du projet de loi donne une traduction législative à un droit à la formation. Nous apprécions aussi qu'il résulte d'un accord interprofessionnel. La création d'un droit individuel à la formation pour chaque salarié peut, à nos yeux, être considérée comme l'amorce - je dis bien l'amorce - de la construction d'un socle de droits appartenant à la personne du salarié, transférables et cumulables d'une entreprise à l'autre. C'est important.
    Notre démarche consiste à faire confiance aux partenaires sociaux pour que le droit individuel à la formation, la validation des acquis de l'expérience et la professionnalisation entrent véritablement en oeuvre au mieux des intérêts des salariés. Mais nous espérons pouvoir corriger certaines imperfections de ce projet, afin que le texte de loi reste fidèle à la rédaction du compromis réalisé entre les partenaires sociaux alors qu'il s'en éloigne à certains moments, nous le verrons ultérieurement. Sur ce premier point, les choses sont donc claires pour nous, monsieur le ministre.
    En revanche, ce qui est moins clair quant à votre démarche, et nous en sommes très préoccupés, c'est la seconde partie de ce projet de loi. La partie relative à la prétendue « réforme » de la négociation collective, qui constitue à nos yeux une véritable régression plutôt qu'une évolution positive. Cela montre, d'ailleurs, que « réformer », ce n'est pas nécessairement progresser. Pour citer Raymond Soubie : « Le dialogue social, tout le monde est pour, mais il est plus souvent un alibi ou un slogan qu'une véritable pratique. »
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est vrai !
    M. Jean-Claude Lefort. Voilà un texte qui conforte cette appréciation. Nous aurions pu nous féliciter qu'un gouvernement se décide enfin à rénover le droit en matière de négociation collective. Or, force est de constater que, dans la version actuelle de votre texte, l'exercice risque fort d'être celui d'une occasion gâchée. Mais il y a une logique à ce texte qui le plombe littéralement d'entrée : il permettra de donner une nouvelle opportunité au MEDEF, à qui on ne refuse décidément rien, pour lui permettre d'obtenir gain de cause dans sa revendication acharnée de dévitaliser le code du travail. Après le démantèlement, progressif mais méthodique, du processus moderne de réduction du temps de travail auquel ce texte porte le coup de grâce, après la suppression des emplois-jeunes, des contrats aidés, des articles permettant d'ester contre les licenciements boursiers, ce projet de loi répond une nouvelle fois positivement aux desiderata du patronat. Cela devient indécent et provocateur à l'égard du monde du travail que de donner à croire que des intérêts particuliers puissent être synonymes d'intérêt général et, pis encore, qu'ils puissent supplanter l'intérêt général. Sans être précisément le mieux placé pour évoquer ce point, je suis toutefois sûr qu'il y a là plus qu'une entorse à la conception du gaullisme social.
    Pour permettre la transcription législative de ce que vous êtes bien seul à appeler « la modernisation du dialogue social », vous vous appuyez sur une position des syndicats qui n'a rien d'unanime, à la différence de l'accord du 20 septembre 2003. Celui du 16 juillet 2001, je le répète, n'a pas été unanime. Ce texte, qui n'a donc pas l'acceptation des syndicats, porte en son sein un redoutable « contrat » imposé une fois encore par le MEDEF. Plus clairement, en échange d'une avancée, qui n'en est pas véritablement une, vers l'accord majoritaire, s'ouvre la porte de la dérogation et de la fin de l'ordre public social ! Vous dites à qui veut bien l'entendre que ce texte provoque une véritable révolution en portant « le principe majoritaire » tout « en renforçant l'autonomie des niveaux de négociation ». Permettez-moi tout de même quelques observations supplémentaires, après celles formulées par Maxime Gremetz.
    D'abord, l'autonomie des niveaux de négociation est un leurre. Il est évident, par exemple, que tout accord de branche définira ou encadrera les négociations au niveau des entreprises. Vous appelez cela « autonomie » ? Libre à vous naturellement, mais, si l'autonomie a un sens, l'ingérence ou la contrainte en ont également un. Et en l'espèce, ces dernières dominent, de sorte que « l'autonomie » est purement virtuelle, comme est virtuel le principe de l'accord majoritaire que vous proclamez vouloir défendre. En réalité, la formule que vous proposez sacralise le droit d'opposition. Ce faisant, les problématiques que nous rencontrons dans les négociations aujourd'hui vont perdurer.
    Il n'est pas admissible qu'un accord signé par des partenaires sociaux qui sont minoritaires puisse engager toute une profession, voire l'ensemble du monde du travail. Ce n'est pas juste, parce que ce n'est pas démocratique. Nombreux sont les salariés, que nous avons rencontrés à différentes reprises, qui dénoncent cette insupportable réalité portant atteinte à la crédibilité des syndicats. C'est pourquoi nous avons une autre conception de la démocratie sociale qui repose sur trois éléments principaux : l'actualisation de la représentativité, le principe de l'accord majoritaire et le respect du principe de faveur.
    Notre démarche consiste à impulser, à tous les niveaux de la négociation, une nouvelle dynamique au dialogue social, une dynamique plus riche car plus démocratique, une dynamique destinée à engager le pays dans une nouvelle étape de la démocratie sociale. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé une proposition de loi visant à inscrire dans le code du travail le principe de l'accord majoritaire, au sens où un accord est réputé être majoritaire quand il est l'expression de la majorité des salariés. Et cette condition vaut validation de tout accord.
    Cette démarche est bien différente de la vôtre, monsieur le ministre. La nôtre est claire et sincère. Elle devrait donc pouvoir emporter l'accord. Je n'ai pas peur d'employer le mot « sincère », non pour vous choquer, mais pour que vous mesuriez à quel point ce projet de loi détricote le code du travail ! J'en veux pour preuve que, lorsque l'accord de branche ne précise pas les conditions de validation, vous proposez que, par défaut, ce soit le droit d'opposition qui valide tout accord. Singulière conception de la démocratie sociale qui fait primer un principe d'opposition sur celui de construction et d'engagement volontaire.
    Il n'est pas prévu dans votre texte, en effet, de subordonner l'entrée en vigueur des accords interprofessionnels et des accords de branche à la signature par les syndicats qui représentent la majorité des salariés - ce serait la moindre des choses. Il est seulement prévu que ces accords ne pourront pas entrer en vigueur lorsque la majorité des organisations s'y opposeront.
    Concrètement, dans une branche, il suffira, par exemple, que trois syndicats décident de ne pas faire opposition pour que votre règle dite majoritaire soit satisfaite. Un tel mécanisme ne peut que renforcer le poids et l'influence des organisations qui n'ont qu'une existence relative dans de nombreuses branches. Nous direz-vous, monsieur le ministre, que c'est une sorte de discrimination positive que vous instaurez là ? (Sourires.) Dans ce cas, cette variété made in Fillon de « discrimination positive » ne peut que recueillir l'agrément du MEDEF.
    La conséquence directe de ce mécanisme se devine déjà. Certes, une branche pourra organiser, pour renforcer la légitimité de ces accords, une élection permettant d'apprécier la représentativité des forces syndicales. Elle pourra aussi permettre à ses entreprises de fonder la validité de leurs accords en fonction de la signature d'une ou plusieurs organisations syndicales représentant la majorité des suffrages exprimés par les salariés aux dernières élections. Mais cela risque d'être une exception dans la mesure où ces possibilités ne peuvent être ouvertes que si elles sont autorisées par un accord supérieur, lequel sera adopté sur le mode du droit d'opposition. J'imagine mal des organisations syndicales minoritaires faire en sorte de se donner moins de poids pour influer dans les négociations de rang inférieur en privilégiant l'accord majoritaire au sens où nous l'entendons ! Vous le voyez, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'y a ni autonomie de négociation ni principe d'accord majoritaire, mais simplement une restriction de ces notions pourtant majeures.
    En plus de cette fausse avancée, qui est en vérité un recul, votre projet de loi donne satisfaction au MEDEF pour ce qui concerne la deuxième partie du contrat dite de position commune : la généralisation de l'accord dérogatoire. Avec cela, il n'est tout simplement plus besoin de code du travail. Le contrat a valeur limitée et dérogatoire. C'est exactement l'inverse de la notion d'égalité et d'universalité.
    Le MEDEF, par la voix de son président milliardaire, affirmait dans un entretien au journal La Croix du 20 novembre dernier : « Le MEDEF juge qu'un nouvel ordre économique et social doit remplacer le modèle mis en place en 1945. » Le MEDEF « juge », désormais ! Et 1945, cela ne vous rappelle rien qui aurait dû vous mettre en garde, monsieur le ministre ? Depuis 1945, en effet, le statut salarial repose, dans le domaine du travail, sur un principe essentiel : l'accord collectif conclu avec une ou plusieurs organisations syndicales ne peut déroger à la loi que s'il est plus favorable qu'elle au salarié. Ce principe dit « de faveur », inscrit dans le code du travail, devrait d'ailleurs être repris dans le projet de Constitution européenne, ce qui n'est pas le cas. Que faites-vous à cet égard, monsieur le ministre ? Ce manque tirera vers le bas tous les peuples européens et remettra en cause la construction européenne, mais peut-être est-ce ce que vous souhaitez. Pourtant, dans un avis du 22 mars 1973, le Conseil d'Etat a estimé que ce concept était au nombre des « principes généraux du droit du travail ». Le principe de faveur accorde en effet une double protection aux salariés, plus particulièrement à ceux qui sont employés dans les petites entreprises, souvent dépourvues de délégués syndicaux, voire de tout représentant du personnel.
    Une double protection, car, en premier lieu, il garantit qu'une convention ou qu'un accord collectif, même signé par une seule organisation syndicale représentative minoritaire dans la branche ou l'entreprise, ne portera pas atteinte aux avantages prévus par la loi ou par les accords collectifs de niveau supérieur.
    En second lieu, il favorise la diffusion des acquis obtenus dans une entreprise au profit des salariés employés dans les autres entreprises de la branche. En effet - c'est imparable -, dès lors qu'un employeur a dû consentir un avantage à ses salariés, il a lui-même fortement intérêt à ce que cet avantage soit repris le plus rapidement possible par un accord de branche étendu, de telle sorte qu'il soit rendu obligatoire pour tous les autres employeurs de la même branche.
    M. Maxime Gremetz. Sinon, ce serait de la concurrence déloyale !
    M. Jean-Claude Lefort. Le principe de faveur constitue donc un verrou faisant obstacle au « dumping social » entre les entreprises d'une même branche. Il constitue également un élément essentiel de la viabilité et de l'effectivité de la négociation de branche. En effet, quelle serait la portée effective des clauses d'un tel accord que vous proposez, par exemple celles fixant le montant des indemnités de licenciement, si, postérieurement à sa signature, les employeurs, par des accords dérogatoires d'entreprise, pouvaient payer des indemnités de licenciement d'un montant inférieur à leurs salariés ?
    Depuis plusieurs années, le MEDEF, toujours lui, en fait l'un des points forts de sa refondation sociale et j'ai le regret de constater, monsieur le ministre, que vous participez à cette mise en oeuvre, comme le reconnaît d'ailleurs avec jubilation M. Ernest-Antoine Seillière,...
    M. Maxime Gremetz. Le baron !
    M. Jean-Claude Lefort. ... qui déclare : « La refondation sociale se met peu à peu en place. » Et il ajoute, pour illustrer son propos, que « la réforme du dialogue social va instaurer un profond changement en donnant plus d'autonomie aux entreprises ». Veut-il autant de règles qu'il y a d'entreprises, créant ainsi autant de statuts différents et de situation différentes qu'il y a de salariés !
    Avec cette réforme, le MEDEF, qui, décidément, vous inspire - c'est incroyable, vous connaissant ! -, y trouve son compte, jugeant même que si ce texte « n'est pas encore le paradis ce n'est tout de même pas l'enfer ! » Et quand M. Seillière estime que ce n'est pas l'enfer pour ceux qu'il représente, il faut comprendre qu'on n'est pas loin du paradis ! (Sourires.) Une étape supplémentaire dans la déréglementation est ainsi engagée. Si le projet de loi met en oeuvre, dans sa première partie, un accord historique - le mot est récurrent dans notre discours - sur la formation professionnelle, son titre II est en revanche très préoccupant.
    M. Maxime Gremetz. C'est grave !
    M. Jean-Claude Lefort. La réforme du dialogue social qui se dessine constitue une remise en cause brutale de la hiérarchie des normes : la loi pourra ne plus être respectée ! En cela, le principe de l'accord majoritaire est l'arbre qui cache la forêt, car l'extension des accords dérogatoires pourra faire voler en éclats les garanties apportées par la loi en faveur des salariés. L'action du Gouvernement confirme que nous sommes face à une volonté relayée par vous-même de casser un à un les droits historiques des salariés, au lieu de les moderniser et de les renforcer - ce que l'on appelle le progrès.
    Les députés communistes et républicains s'opposent résolument à cette contre-réforme du dialogue social, laquelle est d'ailleurs condamnée par les organisations syndicales et les plus grands juristes.
    Une réforme moderne de la démocratie sociale donnant plus de droits aux salariés et à leurs représentants reste donc à réaliser. C'est dans ce sens qu'iront les propositions que notre groupe défendra tout au long de ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est qu'un début ! Continuons le combat !
    M. le président. La parole est à M. Bernard Depierre, pour le groupe UMP.
    M. Bernard Depierre. S'il m'était permis, monsieur le ministre, d'attribuer, au vu de ce projet de loi, un qualificatif au Gouvernement, j'utiliserais celui d'initiateur. Vous l'êtes, en effet, avec toute la polysémie positive du terme.
    Vous ouvrez une voie nouvelle dans la pratique politique, en rénovant le dialogue social et en lui redonnant pleinement son rôle, que le temps semblait avoir usé. Vous initiez l'ensemble de la classe politique, d'aujourd'hui et de demain, à cette nouvelle méthode en l'appliquant déjà à ce projet de loi. En ce sens, vous reprenez un dicton de nos régions : « Il n'y a de pédagogie que d'exemple. » De ce fait, vous mettez en pratique, dans un volet de ce texte, la méthode que vous nous présentez dans un autre, à savoir le dialogue social. Vous donnez d'autant plus de sens à la rénovation du dialogue social que vous l'appliquez à une réforme dont l'enjeu est ambitieux : celle de la formation professionnelle tout au long de la vie.
    Ce projet de loi transpose deux textes conclus par les partenaires sociaux. Il était risqué, mais courageux, de faire le pari de lier des réformes de cette envergure à la signature de tels accords. On ne peut que vous féliciter de votre témérité, qui s'est avérée payante.
    Le premier volet du texte permet la modernisation de notre appareil de formation professionnelle. Il n'aurait pas pu voir le jour sans la profonde et sincère volonté de changement des partenaires sociaux. C'est elle qui les a conduits jusqu'à l'accord du 20 septembre dernier sur l'accès des salariés à la formation professionnelle.
    Cet accord, que l'on peut qualifier d'historique tant il se détache du paysage syndicat habituel, a mis un terme à une négociation entamée il y a trois ans. Sa signature par l'ensemble des partenaires sociaux - y compris par la CGT, qui n'avait pas signé d'accord interprofessionnel national depuis 1995 - constitue une victoire pour le dialogue social. A l'instar du Premier ministre, nous saluons le « sens du dialogue et des responsabilités des organisations syndicales et patronales ».
    Ce projet de loi est donc exemplaire sur la forme puisqu'il s'inspire directement et fidèlement des partenaires sociaux, mais il l'est également sur le fond puisqu'il crée un droit individuel à la formation tout au long de la vie pour l'ensemble des salariés.
    La mise en perspective du système actuel de formation professionnelle avec les évolutions que connaît notre société ne peut que nous convaincre de l'enjeu et de l'impératif de cette réforme. Aux termes de la loi du 16 juillet 1971 sur la formation professionnelle, modifiée en février 1984, les entreprises de dix salariés et plus doivent consacrer une part de leur masse salariale à la formation de leurs employés, faute de quoi elles doivent verser une taxe d'un montant équivalent. Cette taxe s'élève à 1,5 % de la masse salariale et, en décembre 1991, l'obligation a été étendue aux entreprises de moins de dix salariés, aux indépendants et aux membres de professions libérales, à hauteur de 0,25 % de la masse salariale.
    Force est de constater que ce système est aujourd'hui contesté. Au regard des sommes dépensées - plus de 22 milliards d'euros -, les résultats peuvent paraître décevants.
    Chacun s'entend - l'accord du 20 septembre en témoigne - pour relever et condamner le manque de lisibilité du système actuel. En effet, il déresponsabilise l'ensemble des acteurs de la formation professionnelle, à savoir les partenaires sociaux, l'Etat et les régions, dont les compétences et les rôles sont respectifs enchevêtrés.
    Les inégalités que la législation actuelle maintient, voire engendre, sont une autre lacune du système à laquelle nous devons remédier : d'une part, des inégalités en termes de catégorie professionnelle et de diplôme, la formation concernant un ouvrier pour quatre cadres. Ce sont souvent ceux qui ont le plus besoin de formation qui en bénéficient le moins ; d'autre part, des inégalités en fonction de la taille des entreprises, 15 % des salariés des entreprises de moins de dix personnes ayant suivi une formation entre janvier 1999 et février 2000, contre 45 % des salariés d'entreprises de plus de 500 personnes.
    Comme il a été relevé au cours du séminaire national sur la maîtrise de la langue française, organisé les 8 et 9 décembre dernier à Sèvres, la France compte plus de 2 millions d'illettrés et le nombre de personnes en situation d'insuffisance linguistique est de toute évidence largement supérieur. Cette situation illustre un ensemble de détresses sociales et familiales, mais aussi l'absence de formation dans le monde du travail.
    Pourtant, la formation professionnelle que nous dispensons aujourd'hui prépare l'avenir de notre pays. Elle est indispensable pour faire face aux évolutions économiques et surtout démographiques.
    Non seulement elle contribue à la compétitivité des entreprises, mais elle peut aussi remédier à cette situation paradoxale où tant de chômeurs ne parviennent pas à trouver de travail, tandis que beaucoup d'entreprises recherchent en vain des salariés formés aux métiers dont elles ont besoin. C'est le cas dans les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration, du bâtiment, des travaux publics, mais aussi de tous les métiers d'aide à domicile et de soins.
    De surcroît, dans un contexte de mondialisation des échanges, et donc de concurrence croissante, la mobilité des salariés s'accroît et les ruptures professionnelles sont plus fréquentes.
    La formation intervient désormais comme un élément fondamental du processus de reconversion pour les salariés. Anticiper les évolutions économiques en formant les salariés, c'est la meilleure façon de prévenir les drames que représentent les licenciements.
    Outre la mutation économique, l'évolution démographique, marquée par le vieillissement de la population, appelle un effort significatif en matière de formation professionnelle. Les départs massifs en retraite, lors des dix prochaines années, vont créer un appel d'air sur le marché du travail. On estime que 2,7 millions de personnes devront être recrutées. Or les flux de sortie des jeunes du système éducatif ne suffiront pas à répondre aux besoins des entreprises.
    Les entreprises ont donc conscience qu'elles vont devoir trouver dans leurs rangs une partie des salariés dont elles ont besoin.
    Face aux limites actuelles du système de formation professionnelle et aux évolutions démographiques et économiques de notre société, quel est donc le défi que vous entendez relever dans ce projet de loi ?
    Il me semble que vous cherchez à changer la logique des entreprises et des employés vis-à-vis de la formation. Pour les entreprises, la formation doit être considérée non plus comme une obligation légale et une charge nouvelle imposée par le législateur, mais comme un investissement dans la qualification des salariés. Parallèlement, les employés ne doivent plus subir une formation quand elle leur est proposée, mais bien comprendre que c'est grâce à elle qu'ils pourront se reconvertir facilement.
    La première innovation du projet de loi réside dans l'instauration, pour chaque salarié, d'un droit individuel à la formation de vingt heures par an. Il relèvera de l'initiative du salarié, en liaison avec son entreprise.
    La deuxième innovation réside dans le partage du temps de formation entre le temps de travail et le temps libre. Le projet de loi reprend très fidèlement l'accord interprofessionnel qui instaure une coresponsabilité entre l'entreprise et le salarié, celui-ci pouvant utiliser une partie de son temps libre pour la formation avec, en contrepartie, une allocation de formation versée par l'entreprise.
    Enfin, la troisième innovation majeure du projet de loi concerne la création des contrats de professionnalisation, qui se substitueront aux contrats actuels de qualification, d'adaptation et d'orientation. Ils s'adresseront aux jeunes de moins de vingt-six ans, sans qualification professionnelle ou qui veulent compléter leur formation initiale, ainsi qu'aux demandeurs d'emploi, qui se verront ainsi délivrer un diplôme, un titre ou une qualification.
    Mises en oeuvre sur la base de la personnalisation des parcours, les actions de formation occuperont un minimum de 15 % de la durée de contrat ou de la période de professionnalisation. Mais il s'agit d'un socle minimal et ce temps de formation pourra être porté à 25 %.
    La formation, perçue comme un investissement pour nos entreprises, sera motivée par un effort financier renforcé. La part de la masse salariale consacrée à la formation dans les entreprises de moins de dix salariés passera de 0,15 % à 0,55 % en deux ans, et sera portée de 1,5 % à 1,6 % pour celles de plus de dix salariés. Beaucoup ont souhaité une période transitoire pour que les contrats de qualification engagés sur deux ans puissent aller jusqu'à leur terme
    Monsieur le ministre, le Gouvernement s'était engagé à s'appuyer sur les partenaires sociaux. Avec la réforme de la formation professionnelle, vous avez tenu votre promesse. Mais vous avez souhaité ne pas faire de cette consultation une simple démarche conjoncturelle. Aussi avez-vous décidé de l'inscrire dans les pratiques politiques de notre pays. C'est l'objet du deuxième volet de ce projet de loi. Comme vous l'avez dit vous-même, la démocratie sociale française doit définir de nouveaux modes de régulation et de participation.
    De fait, notre pays se distingue dans le paysage syndical européen par la faiblesse historique de son taux de syndicalisation, tombé à quelque 7 %, alors qu'il plafonne à 80 % au Danemark. Le statu quo d'un dialogue social essoufflé et l'éclatement des liens sociaux qui affectent la société nourrissent les extrémismes et des comportements corporatistes souvent excessifs. Alors que l'ensemble des partenaires sociaux, à l'exception de la CGT, signaient le 16 juillet 2001 une position commune sur les voies et les moyens de la négociation collective, le précédent gouvernement a préféré reporter cette réforme. Il a fait fi de toute forme de dialogue social. La méthode a montré toutes ses limites avec la mise en oeuvre passablement autoritaire des 35 heures, qui n'a donné lieu à aucune négociation. Le constat du caractère inadapté d'une loi uniforme pour l'ensemble des salariés et des secteurs témoigne de l'échec de cette pratique.
    Rompant avec cette logique, le Gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin a mis le dialogue social au coeur de son action.
    Dans le cadre de l'assouplissement des 35 heures, la loi a renvoyé à la négociation la fixation du contingent d'heures supplémentaires, le contingent réglementaire n'intervenant plus qu'à titre supplétif. Le Gouvernement a ainsi confié à la négociation interprofessionnelle la définition des orientations d'une réforme législative ultérieure.
    La loi prévoit également que les accords d'entreprise pourront déroger à certaines des règles de procédure en matière de licenciement, à condition d'être signés par des syndicats majoritaires dans l'entreprise.
    Partant du constat de l'essoufflement du dialogue social en France et du caractère inadapté des règles en matière de négociation collective, la réforme comporte un double objectif : dans un premier temps, renforcer le rôle des partenaires sociaux grâce à une extension du champ de la négociation collective par rapport à celui de la loi ; dans un second temps, renforcer la légitimité des accords collectifs, donc des syndicats chargés de les négocier.
    A cette fin, le projet de loi s'articule autour de trois idées.
    Premièrement, on s'y engage solennellement à faire de la négociation collective un préalable à toute procédure législative. A l'occasion de la réforme des règles régissant la négociation collective, le Gouvernement a inscrit dans l'exposé des motifs le principe du renvoi à la négocation interprofessionnelle lorsque les relations sociales sont en jeu.
    Deuxièmement, le principe majoritaire devient la référence pour la validation des accords dans les branches et dans les entreprises. Le régime actuel de la négociation collective se caractérise par la rigidité de l'architecture et de la hiérarchie des normes entre les différents niveaux de négociation.
    Enfin, troisièmement, l'articulation des niveaux de négociation - branches et entreprises - se trouve modifiée. Le projet de loi renforce l'autonomie des niveaux de négociation et permet à un accord d'entreprise de déroger aux accords de branche. Toutefois, dans un souci de prudence, vous avez tenu à encadrer triplement cet assouplissement : par la loi, par un contrôle exercé par les branches elles-mêmes et par le vote majoritaire, qui constitue une nouvelle garantie pour les salariés.
    On pourrait dire que le projet de loi ne va pas assez loin. Mais il convient plutôt de considérer que ce texte marque une étape nécessaire dans le processus de généralisation de l'accord majoritaire. La prudence s'imposait car, à l'heure actuelle, il n'est pas certain que toutes les organisations syndicales représentatives soient en mesure de signer des accords majoritaires.
    Pour le Parlement comme pour le Gouvernement, ce projet de loi constitue la première étape d'une démarche progressive pour développer la négociation collective. Les partenaires sociaux devront s'approprier les responsabilités que la loi leur confie.
    Vous avez tenu votre engagement. Nous tiendrons le nôtre en remplissant notre rôle de représentants de la nation. Les professionnels ont exprimé certaines craintes vis-à-vis de ce projet de loi. Remarquons que celui-ci a l'incontestable mérite d'initier une réforme jusque-là différée et d'encourager les partenaires sociaux à négocier et à s'accorder. Nous vous félicitons, monsieur le ministre, d'être l'initiateur d'une voix nouvelle dans la pratique politique française. Vous laissez la voie ouverte à des évolutions de cette réforme, que sa mise en oeuvre pourra inspirer dans les années à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour le groupe socialiste.
    M. Christian Paul. Dans la période que nous traversons, propice à la réduction des droits, favorable à l'affaiblissement des protections sociales, marquée par l'appauvrissement des budgets publics - voire par la « clochardisation » du ministère des affaires sociales - et inspirée en fait par le néolibéralisme, le volet « formation » du projet dont nous débattons ce soir aurait pu apparaître comme une « oasis de progrès dans un univers de revanche sociale ».
    C'est bien ainsi qu'apparaissait l'accord national interprofessionnel du 20 septembre dernier, qui concluait trois années de négociations souvent difficiles. Je salue d'ailleurs tous ceux qui ont contribué à son élaboration.
    Sans nul doute la discussion que nous engageons sur la formation professionnelle aurait-elle gagné à porter sur une grande loi s'attachant exclusivement à cet objectif. Mais en couplant l'examen de ce texte avec celui, inacceptable et contesté par toutes les organisations syndicales de ce pays, consacré à la négociation collective, vous avez, monsieur Fillon, pris en otage la formation professionnelle.
    Néanmoins, et c'est ici notre devoir, nous allons débattre de la formation tout au long de la vie. L'accord signé entre les partenaires sociaux nous y invite, et nous souhaitons sincèrement que la dynamique de cet accord, qu'il faut conforter et non pas affaiblir, sorte renforcée de nos débats.
    Pour autant, je vous invite, monsieur le ministre, à ne pas vous réfugier mécaniquement - et la tentation existe apparemment - derrière la signature des partenaires sociaux pour obtenir notre adhésion. Il y a en effet dans ce texte, sur plusieurs points, des dispositions qui ne respectent pas la lettre de l'accord.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est faux ! C'est vraiment n'importe quoi !
    M. Christian Paul. Vous nous le démontrerez, monsieur le ministre. Si nous avions plus de temps, je reprendrais mot pour mot le texte de l'accord,...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous pourriez y passer la nuit que vous ne prouveriez rien !
    M. Christian Paul. ... et celui de la lettre paritaire qui l'a ensuite accompagné, et nous le comparerions mot pour mot avec votre projet de loi. Vous verriez qu'il y a d'énormes différences.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Demandez aux organisations syndicales ce qu'elles en pensent ! Attention à ce que vous allez dire !
    M. Christian Paul. La CFDT elle-même, monsieur le ministre, et je n'y mets pas malice, vous reproche des « coquineries » introduites sous l'influence du MEDEF.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est faux !
    M. Christian Paul. Il en est ainsi de la date limite des accords qui peuvent entrer en contradiction avec la loi. Vous le savez bien, puisque le MEDEF joue la montre et que vous avez essayé de lui faire gagner deux ans dans l'application de ce texte.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est exactement le contraire !
    M. Christian Paul. Par ailleurs, l'accord est beaucoup plus riche, beaucoup plus dense que le texte que vous nous proposez de voter. Ainsi, et c'est l'exemple principal, la formation qualifiante différée qui est dans l'accord et dans la lettre paritaire n'est pas dans votre projet.
    Votre texte ne s'est pas donné non plus pour objectif de favoriser une approche globale de la formation professionnelle, qui aurait eu pour objectif la sécurité professionnelle et l'éducation permanente.
    L'Etat a une responsabilité propre que vous n'assumez plus vraiment. Deux budgets successifs, dont nous avons débattu dans cet hémicycle, et les projets de décentralisation à venir, ou la fin programmée de l'AFPA m'en ont convaincu.
    Les régions, qui ont d'ores et déjà un rôle essentiel et une expérience concrète, n'ont pas été associées à la préparation de cette loi, en dehors, je crois, d'une table ronde à laquelle vous avez bien voulu assister quelques instants.
    Surtout, l'affirmation d'un droit social est, pour les socialistes, inséparable des conditions réelles de son application. Cette exigence est essentielle pour le droit à la formation tout au long de la vie.
    Alors, monsieur le ministre, où est l'ambition, où est la volonté ? Car c'est bien cette ambition d'un droit d'accès à la formation tout au long de la vie que nous devons revendiquer et inscrire dans les lois à venir pour les salariés de notre pays et pour les fonctionnaires des trois fonctions publiques. Je veux vous dire d'emblée que nous souhaitons que cette relance de la formation professionnelle ne laisse pas ces derniers sur le bord de la route.
    C'est vrai, le diagnostic pourrait être partagé et la photographie de la situation actuelle de la formation professionnelle dans notre pays est telle qu'elle invite effectivement à la réforme.
    D'abord, l'inégalité d'accès à la formation professionnelle : chacun le sait, les salariés les mieux formés des grandes entreprises sont les principaux bénéficiaires du système actuel.
    Ensuite, l'insécurité professionnelle : les salariés les moins qualifiés sont les plus exposés au chômage.
    Mais il y a aussi le constat que la société française est déjà entrée dans une période de crise marquée dans de nombreux territoires et de nombreux secteurs de notre économie par un déficit de qualifications et de compétences.
    Tout cela est connu, et le rapport de Nicole Péry a valeur de référence pour apprécier la situation, comme son action et celle d'Elisabeth Guigou ont permis de bâtir la validation des acquis de l'expérience.
    Mais, derrière les mots, sommes-nous porteurs de la même ambition, de la même volonté ? Chacun parle d'un droit à la formation, mais l'UMP aime évoquer l'assurance, et même, en commission, « le devoir individuel de formation » à l'initiative de l'employeur, comme l'évoquait notre collègue Jean Ueberschlag. Je crois, pour ma part, que l'autonomie de chacun est d'autant mieux préservée que se déploient d'authentiques garanties collectives.
    Au fond, n'y a-t-il pas en filigrane deux visions de la formation professionnelle ? La première vise à prévenir le risque professionnel par un co-investissement de l'entreprise et du salarié. Cette coresponsabilité n'est pas critiquable en soi ; ce n'est pas suffisant, néanmoins. Une seconde approche doit s'ajouter. L'insécurité professionnelle est un risque qui doit être couvert aussi par des mécanismes de solidarité et par des politiques publiques qui engagent l'Etat, non seulement votre ministère, mais aussi celui de l'éducation nationale. Il y a bien, au fond, deux visions, deux approches de la formation professionnelle.
    Nous pourrions convenir ensemble qu'il s'agit d'améliorer le capital personnel de chacun. Nous pensons cependant que l'éducation et la formation sont davantage. L'éducation permanente et la formation professionnelle sont des biens publics, et même les éléments d'un nouveau contrat social. Les intérêts respectifs des salariés et des employeurs y ont leur place, dans l'entreprise, dans la négociation collective, dans le cadre paritaire, mais la régulation et le soutien public restent nécessaires et ne doivent pas disparaître.
    Nous évoquons, les uns et les autres, la formation tout au long de la vie, mais vous ne créez pas, dans cette loi, les conditions de la deuxième chance. L'article 4 se contente d'un affichage. Il y a pourtant en France des années de réflexion sur ce sujet, dans tous les partis politiques. Pourquoi différer la mise en place de la formation de la seconde chance ? En la différant, monsieur le ministre, vous y renoncez pour longtemps, et vous le savez. Et le manque de maturité des partenaires sociaux ne peut être invoqué pour justifier cette attitude, comme cela a été fait en commission. Il faut y voir une volonté défaillante de votre gouvernement.
    Nous nous accordons pour décrire les effets du choc démographique sur l'économie et sur la compétitivité de la France. Mais vous amorcez un désengagement massif de l'Etat en matière de formation professionnelle, là où il fallait un investissement public massif, aux côtés de l'effort supplémentaire demandé aux entreprises. Cette ambition, cette volonté, je ne les retrouve pas dans le projet du Gouvernement.
    Alors quelle loi proposez-vous, pour quels effets pratiques ? Je veux soumettre au débat, dès la discussion générale - nous irons plus au fond dans la discussion des amendements -, quatre questions que je crois essentielles pour apprécier ce texte et votre politique.
    Je rappellerai d'abord que l'accord national interprofessionnel est bien plus qu'une simple base de travail : c'est un socle de droits qui doit être encore amélioré par la négociation collective, en particulier dans les branches. Socle de droits que le Parlement peut et doit améliorer tout en veillant à respecter les équilibres issus de la négociation.
    Première question de fond, le droit individuel à la formation et sa mise en oeuvre. La loi, la négociation, les politiques publiques doivent créer les conditions de la mobilisation et de l'efficacité au service de ce droit. C'est la principale innovation de cet accord, chacun l'a rappelé. C'est désormais un acquis que la loi doit conforter.
    Le législateur doit néanmoins prendre en compte plusieurs préoccupations. D'abord, je le redis, monsieur le ministre, même si cela semble vous déplaire, le respect de l'accord.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le problème n'est pas que cela me déplaise ! C'est faux, voilà tout !
    M. Christian Paul. Plusieurs de nos amendements - vous le verrez dans la suite de la discussion - ont pour objectif le retour au texte initial.
    Le législateur doit également veiller au respect de l'initiative des salariés, parce que coresponsabilité doit signifier aussi co-initiative et c'est bien le minimum quand il s'agit d'un droit individuel.
    Il faut affirmer par ailleurs le droit des salariés les plus fragiles. Je pense en particulier aux salariés à temps partiel ou en contrat à durée déterminée que votre projet, à la suite des résistances du MEDEF, traite avec beaucoup de légèreté, voire de désinvolture. Je ne crois pas, monsieur le ministre, qu'on puisse proratiser - un vilain mot, pour une vilaine action - le droit individuel à la formation.
    Le législateur doit encore avoir pour préoccupation de préserver l'intégrité de ce droit dans le monde professionnel d'aujourd'hui, marqué par la mobilité. Vous le savez : 20 % des salariés changent d'emploi au moins une fois tous les cinq ans. Le droit individuel à la formation doit être transférable, et c'est à ce prix que son application sera sécurisée. Alors, sans doute faut-il des délais pour y parvenir. Nous souhaitons que vous preniez ici l'engagement de le faire et de prévoir au moins un rendez-vous de négociation et d'évaluation - dans deux ans au plus tard - sur cette question de la transférabilité du droit individuel à la formation.
    Enfin, il importe plus que tout de rendre ce droit applicable dans les entreprises et sur les territoires.
    A défaut, ce sera une conquête illusoire, une déception sévère et une occasion manquée, plus de trente ans après la grande loi de 1970.
    Et pour cela, il est impératif de veiller à prévenir deux catégories d'inégalités, qui sont présentes aujourd'hui mais que la loi ne doit pas aggraver. Il s'agit d'abord des inégalités entre les territoires. Le droit individuel à la formation ne réussira pas si ceux-ci ne s'organisent pas. Or aucun lieu de pilotage reconnu n'existe à ce jour, qu'il soit régional ou local. Et les branches, dans votre projet, conservent un rôle majeur, ce qui rend du coup ce projet très centralisé, voire centralisateur. Les syndicats sont insuffisamment organisés au plan régional. Les conseils régionaux eux-mêmes - M. Anciaux le sait bien - ne sont pas tous pourvus d'une véritable stratégie. Il y en a même qui n'en ont pas.
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Ce n'est pas le cas de la Bourgogne !
    M. Christian Paul. C'est à la Bourgogne que je pensais, monsieur Anciaux, vous m'avez deviné !
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Tel n'est absolument pas le cas en Bourgogne !
    M. Christian Paul. Et les bassins d'emploi manquent de moyens.
    Les autres inégalités concernent les entreprises. Les plus favorisées resteront, en l'état de ce projet, les plus grandes, celles où les salariés sont organisés et représentés, où ils peuvent, mieux qu'ailleurs, faire jouer leurs droits individuels et où les directions des ressources humaines sauront décrypter les circuits de la formation professionnelle et proposer les parcours les plus attractifs.
    Deuxième question de fond, le contrat de professionnalisation. Et là, monsieur le ministre, nous crions : « attention casse-cou ! »
    L'idée s'installe que votre projet casse le contrat de qualification ; j'invite à mon tour le législateur à bien méditer ce risque. Certes, dans ce domaine, les dérives sont connues. Les contrats de qualification ont pu devenir, ici et là, des substituts à la formation initiale, pour des publics qui n'étaient pas parmi les plus prioritaires. Certes, dans la protestation qui s'exprime, on perçoit la crainte des opérateurs de la formation professionnelle, des entreprises du secteur, qui redoutent de n'avoir guère de temps pour s'adapter. Mais la motivation de mon interrogation est d'une autre nature : attention à ne pas casser un outil utile pour le remplacer par un dispositif moins efficace, moins ouvert à cette partie de la jeunesse qui aborde la vie professionnelle après l'échec scolaire ou au terme de parcours hésitants, sans qualification opérationnelle en tout cas.
    A travers le contrat de professionnalisation, maintenons la souplesse de l'outil reconnu qu'était le contrat de qualification, la qualité et la durée de la formation, la priorité au public des jeunes ayant un réel besoin d'insertion professionnelle par l'alternance. Surtout, ne laissons pas à l'écart de ce dispositif les demandeurs d'emploi, notamment ceux dont le métier devient obsolète et qui ont besoin d'une reconversion professionnelle.
    La troisième grande question de fond porte sur le renoncement à un dispositif concret et cohérent permettant l'accès réel à la formation de la seconde chance.
    C'est dans le droit - ou plutôt le non-droit - à la seconde chance que réside, à nos yeux, le renoncement majeur, et je vais m'en expliquer, monsieur le ministre.
    A l'article 4, vous affichez la contribution de l'Etat à l'exercice d'un droit à la qualification différée, mais sans en fixer ni le contenu, ni les objectifs, ni le financement, alors que l'accord contenait des propositions et que les partenaires sociaux vous ont invité, contrairement à ce que vous dites en permanence, à aller plus loin à l'occasion de ce texte, et certainement pas à différer le traitement de la question - et je peux vous lire, si vous le souhaitez, à la fois l'accord et la lettre.
    Vous avez donc, au fond, écarté tout dispositif qui serait venu étayer cette intention, et la formation de la seconde chance restera, dans cette loi, une intention platonique, alors que c'est, dans la France des années 2000, l'un de principaux défis auxquels nous devons répondre, et le congé individuel de formation n'y suffit pas aujourd'hui.
    En effet, nous avons collectivement la responsabilité d'apporter une réponse concrète à nos concitoyens, et nous le ferons dans nos amendements. D'abord, à ceux qui ont quitté le système de formation initiale sans diplôme ni qualification, nous voulons donner une seconde chance de construire une qualification, en indexant l'effort collectif sur le capital scolaire initial lorsque celui-ci ne permet pas une insertion professionnelle durable. Nous voulons leur donner, en quelque sorte, un droit de tirage garanti par l'Etat et dont la durée serait inversement proportionnelle au niveau de qualification acquis en formation initiale.
    Nous devons aussi apporter une réponse concrète à tous ceux, salariés ou chômeurs, dont le projet est d'accéder à un nouveau métier, dans les domaines où parfois à la porte de chez eux la pénurie existe. Les socialistes ont fait sur ces sujets des propositions très précises.
    C'est vrai, ces propositions ont en commun d'exiger de l'Etat une mobilisation de moyens considérables, par redéploiement d'une partie des fonds de la formation profesionnelle, mais aussi par un investissement de l'Etat d'une ampleur nouvelle. Dans ces conditions, nous aurions pu parler de « formation tout au long de la vie ». Aussi, nous proposons de façon concrète que cette loi affirme, et ne se contente pas d'afficher, un droit d'accès à la formation. Monsieur le ministre, plusieurs amendements vous offriront sur ce point une session de rattrapage.
    Enfin, quatrième grande question de fond, le rôle des politiques publiques. Il y a, monsieur Fillon, malgré vos affirmations, malgré toutes vos dénégations, sur ce terrain, comme un parfum d'abandon. A deux reprises à cette tribune, à l'automne 2002 et à l'automne 2003, j'ai évoqué la minceur et la tiédeur des budgets de la formation professionnelle. A un moment où chacun s'accorde, même dans ce texte, à faire de cette dernière une obligation nationale, rien dans ces budgets ne vient traduire une contribution accrue de l'Etat à l'effort national de formation. Pas un euro de plus pour la formation professionnelle.
    Dans le même temps, cependant, deux clignotants se sont allumés et je vous invite, monsieur le rapporteur, à les observer, même en Bourgogne.
    Les lois de décentralisation tout d'abord. La première des inquiétudes pour les régions avec lesquelles ces évolutions n'ont pas été discutées, c'est la réalité des transferts financiers. Seront-ils fondés sur les budgets les plus récents, dont je viens de déplorer une nouvelle fois l'amputation ?
    La seconde inquiétude concerne l'absence de pilotages régionaux. En Bourgogne, par exemple, - pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, d'y insister, mais c'est notre terrain commun -, il n'y a pas de véritable plan régional de développement de la formation professionnelle et des formations.
    Le sort futur de l'AFPA est une autre illustration de l'abandon par l'Etat d'une organisation structurée de l'offre publique de formation. Je vous ai interpellé, monsieur le ministre, sur l'avenir de cet organisme qui remplissait une mission essentielle, grâce à son maillage national, à la qualité de ses équipes et de ses programmes, grâce à la proximité de cette association avec les salariés et les entreprises.
    M. le président. Monsieur Paul, il faut conclure.
    M. Christian Paul. Je m'achemine vers ma conclusion, monsieur le président.
    M. le président. M. Vercamer doit également intervenir.
    M. Christian Paul. Je ne vais pas m'inspirer du précédent de M. Gremetz ! (Sourires.)
    Quel sera le service public de la formation à l'issue des lois de décentralisation ?
    Cette fois-ci, je veux espérer, monsieur le ministre, que vous donnerez à l'AFPA des garanties claires. Quel sera le contenu des conventions entre l'AFPA, l'Etat et les régions ? Comment la mission de service public pour la formation et l'accompagnement social de l'AFPA sera-t-elle préservée de la concurrence d'offres moins disantes qualitativement ? L'intervention de l'AFPA relèvera-t-elle d'une convention durable ou d'appels d'offre au coup par coup ?
    Voilà des interrogations très concrètes, très pratiques. Voilà aussi des doutes très répandus. Si vous les laissez sans réponses, ne vous étonnez pas que cette loi rejoigne un long cortège de textes sans lendemain.
    Je conclurai en disant « oui » à la mise en oeuvre de cet accord national interprofessionnel. Les organisations syndicales sont allés au maximum de ce qu'elles pouvaient obtenir. Elles ne pouvaient pas obtenir plus, ni accepter moins. Mais je dirai « non » au désengagement de l'Etat, moderne Ponce Pilate que l'insécurité sociale et l'inégalité d'accès à la formation n'émeuvent qu'en apparence.
    Monsieur Fillon, il était grand temps de construire une grande loi pour la formation tout au long de la vie. Vous avez bénéficié d'un accord, accord plancher, certes, mais qui permettait de bâtir une nouvelle étape de la formation professionnelle, obligation nationale. A partir d'un accord plancher, vous avez cependant construit une loi en sous-sol. C'est pourquoi le groupe socialiste veillera, bien-sûr, à l'inscription de l'accord national dans la loi, mais dénoncera à chaque moment l'absence d'une politique publique à laquelle le Gouvernement a étrangement renoncé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe UDF.
    M. Francis Vercamer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, certains s'interrogent longuement sur ce qui peut bien lier ces deux sujets, à la fois si denses et apparemment si éloignés l'un de l'autre que sont la formation professionnelle tout au long de la vie et la relance du dialogue social. Outre le fait que la majeure partie de leurs dispositions soient issues de la négociation collective, les deux principales parties de votre texte se veulent, en réalité, une réponse aux profondes transformations que connaît le monde du travail.
    M. Jean-Claude Lefort. Vous trouvez ?
    M. Francis Vercamer. En effet, ces dernières années, nous avons pu voir se développer, dans plusieurs secteurs d'activités, le nombre des emplois offerts par les entreprises qui demeuraient non pourvus. Parallèlement, l'irruption des nouvelles technologies de l'information et de la communication a profondément transformé l'organisation du travail dans l'entreprise. Ni la législation du travail ni les relations sociales au travail n'ont anticipé ces bouleversements.
    Parmi les multiples questions que ces transformations soudaines, voire brutales, ont suscitées, il en est deux auxquelles il nous est donné de répondre aujourd'hui : comment assurer au salarié le développement continu de ses compétences pour assurer son adaptabilité et son employabilité ? Le droit doit-il évoluer par la loi ou par la négociation, c'est-à-dire par le contrat ?
    La réforme négociée de la formation professionnelle, puis du dialogue social, portée par ce projet de loi, tend à répondre aux défis qui nous sont lancés par ce que certains ont appelé, avec justesse, la « révolution des activités humaines ». Elle tend à y répondre, il n'est pas sûr qu'elle y parvienne. A tout le moins, monsieur le ministre, sera-t-il nécessaire, sur un certain nombre de points, de nous en convaincre.
    Quelques remarques préalables.
    Ce projet s'inspire de la même conception des relations sociales que les textes européens, qui privilégient la négociation et le dialogue social. De nombreux Etats membres de l'Union européenne disposent, en effet, d'une forte culture de négociation collective. Vous connaissez la volonté de l'UDF de veiller à la promotion des idéaux européens. C'est pourquoi je me réjouis de l'adéquation entre votre projet de loi et nos engagements européens.
    M. Jean-Claude Lefort. Ah !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ça va faire peur à M. Lefort !
    M. Francis Vercamer. Vous affirmez ainsi, dans l'exposé des motifs du projet de loi, qu'un nouvel équilibre doit caractériser les rôles respectifs de l'Etat et des partenaires sociaux. Vous prenez également « l'engagement solennel de renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail ». Je vous épargnerai les commentaires ironiques qu'a suscités cette affirmation, eu égard aux consultations pratiquées, dans le même temps, à propos de la question du jour férié. Quant à certaines remarques acerbes visant un gouvernement qui parlerait plus du dialogue social qu'il ne le pratiquerait, elles prêtent à sourire. Elles émanent précisément de celles et de ceux dont les pratiques, en ce domaine, de 1997 à 2002, n'ont guère brillé par leur exemplarité.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est bien de le rappeler, mais ils sont partis !
    M. Francis Vercamer. Nous ne contestons pas la solennité de l'engagement. Encore eût-il fallu qu'il ait une portée juridique forte. Or, il en est privé, dans la mesure où l'on ne trouve trace de cet engagement nulle part ailleurs que dans l'exposé des motifs. Il est vrai qu'il n'est pas sûr qu'une loi ordinaire suffise à introduire une telle innovation.
    La prééminence que vous reconnaissez aux partenaires sociaux reste donc, d'une certaine manière, dépendante de la bonne volonté du ministre, dont nous ne doutons pas en ce qui vous concerne.
    La position commune du 16 juillet 2001 incitait à clarifier l'articulation des différents niveaux d'élaboration des normes, afin « de créer une dynamique de complémentarité entre le rôle de la loi et celui de la négociation collective ». En décidant de ne pas opérer précisément cette clarification, on prend le risque de perpétuer la subordination de la négociation collective à la validation législative. Pour notre part, lors de la campagne présidentielle, nous avons proposé, avec François Bayrou, d'inscrire le droit à la négociation dans la Constitution. Une telle révision permettrait de préciser enfin la place et le rôle de l'Etat et d'asseoir la sphère d'autonomie des partenaires sociaux. Ce texte aurait dû être l'occasion de reconnaître la négociation collective comme une échelle normative à part entière. Les partenaires sociaux l'attendaient. Nous l'aurions approuvé.
    Pour ce qui est du texte lui-même, si le groupe UDF attend plusieurs éclaircissements à propos de certains aspects concernant la formation professionnelle, elle reste plus circonspecte en ce qui concerne le volet « dialogue social » qui appelle de nettes réserves.
    L'UDF est particulièrement attachée à la formation professionnelle, qui est placée, depuis plusieurs années, au coeur de notre projet politique, car elle est le moyen, pour chacun, de développer son employabilité dans son itinéraire professionnel, grâce à l'acquisition de compétences nouvelles. A cet égard, la reconnaissance, dans ce projet de loi, d'un véritable droit individuel à la formation marque une étape considérable, dans le même esprit que le compte épargne-temps-formation qu'avec Hervé Morin l'UDF avait proposé voilà deux ans. Nous accueillons donc avec satisfaction ce nouveau dispositif.
    S'agit-il pour autant du droit à la deuxième chance, évoqué par Jacques Chirac lors de la campagne présidentielle ? Je note, à cet égard, que le DIF est ouvert à celles et ceux qui travaillent en entreprise. Mais qu'en est-il du renforcement du droit à la formation de celles et ceux qui ne sont plus salariés par qui que ce soit, parce qu'ils ont perdu leur emploi ? Il me semble que ce chantier reste ouvert et qu'il déborde le seul domaine de la formation professionnelle.
    La formation professionnelle traduit un état d'esprit : l'importance, chez tout individu, de la capacité d'apprendre à apprendre, de l'esprit d'initiative et de créativité. Dans un monde où les innovations techniques se précipitent, la capacité à s'adapter, l'attitude et le comportement face au changement, sont aussi essentiels que la quantité des savoirs.
    Plus que jamais, la formation professionnelle doit s'affirmer dans les années à venir comme l'un des outils privilégiés pour relancer l'ascenseur social. Nous ne pouvons nous résigner à cette véritable panne de la mobilité professionnelle, qui se répercute, évidemment, sur la mobilité sociale et caractérise notre société depuis plusieurs années.
    Ce phénomène est d'autant plus prégnant que notre système actuel de formation professionnelle continue est profondément inégalitaire. Il est plus facile et fréquent d'accéder à la formation lorsqu'on est salarié de la fonction publique ou d'une grande entreprise et diplômé de l'enseignement supérieur que lorsqu'on est sans qualification, chômeur ou salarié d'une PME.
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. C'est vrai !
    M. Francis Vercamer. La formation tout au long de la vie contribue à la mobilité professionnelle des salariés. L'ensemble des partenaires sociaux, syndicats de salariés et patronaux, en est pleinement conscient. Les représentants des organisations professionnelles qu'il m'a été possible de rencontrer dernièrement se retrouvent pour souligner que, dans l'ensemble, votre texte est assez fidèle à cet accord, à quelques nuances ou précisions près.
    Celles-ci concernent, par exemple, dans la mise en oeuvre du droit individuel à la formation, les modalités de conclusion de l'accord entre le salarié et l'employeur, ou, le cas échéant, les modalités de notification de leur désaccord. Le texte n'est pas assez précis sur ce point qui peut pourtant être source de nombreux litiges.
    De la même manière, il ne précise pas la façon dont se calcule l'acquisition des droits lorsqu'un salarié dépend de plusieurs employeurs et ne détermine pas les modalités de prise en charge financière des frais de formation si celui-ci prend l'initiative de bénéficier de son droit à formation. Sauf erreur de ma part, je ne trouve pas non plus dans le texte de disposition qui précise si un salarié qui bénéficie d'une formation continue à acquérir le temps de celle-ci, des droits à formation.
    Par ailleurs, vous n'avez pas manqué, monsieur le ministre, de percevoir l'inquiétude qui a pu poindre, notamment chez les professionnels de la formation continue, au sujet de l'articulation entre la fin des contrats de qualification et l'entrée en vigueur des contrats de professionnalisation. Des doutes sérieux subsistent aujourd'hui quant à la possibilité de poursuivre avec le DIF des formations diplômantes dans le cadre du contrat de professionnalisation. Les interrogations portent notamment sur la durée maximale des actions de formation qui seront engagées dans le cadre de ce dernier.
    Mes collègues Gilles Artigues, Yvan Lachaud et Rudy Salles ont déjà eu l'occasion d'attirer votre attention sur ces questions. Nous avons, sur ces sujets, soumis à l'examen de la commission des affaires sociales plusieurs amendements qui, malheureusement, ont été rejetés.
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Pas tous !
    M. Francis Vercamer. Nous les présenterons à nouveau en séance publique, tout en demeurant très ouverts à toute proposition constructive.
    Enfin, nous aurions aimé trouver dans ce projet de loi des dispositions volontaristes concernant la transparence du financement de la formation professionnelle. Avec l'implication de l'Etat, des régions et des multiples organismes paritaires de collecte et de gestion des fonds collectés auprès des entreprises, le système est en effet extrêmement complexe, voire opaque. En tout état de cause, il n'assure pas la lisibilité de la gestion des fonds collectés et ne permet pas d'évaluer correctement la pertinence de l'ensemble des actions de formation menées.
    Moins consensuelle est la partie de votre projet de loi relative à la réforme du dialogue social. Le texte fait du principe majoritaire la règle de l'adoption des accords collectifs. C'est, il faut le souligner, une innovation majeure dans notre système de négociation collective. En effet, le principe majoritaire était, à l'origine, très éloigné de la conception française traditionnelle, dans laquelle le syndicat a vocation à représenter la classe ouvrière dans sa globalité. Or, représenter une majorité, c'est admettre qu'on ne représente pas l'ensemble.
    On se souvient toutefois que l'idée majoritaire a déjà inspiré plusieurs éléments de notre législation sociale. C'est le cas, d'abord, des accords d'entreprise qui, à défaut d'une majorité d'adhésion, évoquent une majorité négative avec le droit d'opposition. C'est ensuite le cas de la loi Aubry sur le temps de travail, qui évoque non seulement la signature d'organisations représentant une majorité de salariés mais également la possibilité d'un vote de ratification majoritaire des salariés, notamment lorsque l'accord sur le temps de travail est conclu par un syndicat minoritaire.
    L'instauration du principe majoritaire comme mode de conclusion d'un accord collectif est donc le résultat d'un long processus que vient parachever le présent projet de loi.
    Nous sommes globalement favorables au principe majoritaire, en ce qu'il oblige les partenaires sociaux à privilégier la responsabilité et impose la convergence des points de vue, mais à condition qu'il ne porte pas atteinte, à l'occasion des élections professionnelles ou de représentativité, au pluralisme syndical, très cher à l'UDF. Cependant, nous pensons qu'il se traduira davantage, au niveau national et au niveau des branches, par la pratique du droit d'opposition majoritaire que par l'application du principe majoritaire proprement dit.
    Nous regrettons, par ailleurs, que le projet de loi reste silencieux sur les conditions d'amélioration de la représentativité des syndicats. On sait qu'en moyenne, le taux de syndicalisation est très faible dans notre pays. Or, poser la question de l'accord majoritaire, c'est poser également celle des conditions de représentativité.
    Sur ce point, nous regrettons, tout d'abord, que le Gouvernement ne soit pas plus offensif sur l'évaluation de la représentativité syndicale, à travers l'organisation, à brève échéance, d'élections de représentativité ensuite, qu'une réflexion ne soit pas engagée sur la révision de la liste des organisations syndicales représentatives fixée en 1966 - la représentativité de droit ne pousse pas les organisations syndicales à séduire les électeurs, afin de les inciter au vote ; enfin, l'absence de mesures incitatives pour amener les salariés à se déplacer à l'occasion des scrutins professionnels ou de représentativité. En effet, au-delà du seul nombre d'adhérents, la représentativité syndicale se mesure également à la participation des salariés aux élections qui les concernent. Sur ce sujet, nous formulerons, lors de l'examen des amendements, plusieurs propositions visant à mieux cerner cette notion de représentativité.
    Enfin, la question de la représentativité et de la légitimité des acteurs se pose d'autant plus lorsque ceux-ci peuvent déroger à une règle supérieure plus favorable.
    Le principe de faveur est en effet l'un des piliers de l'ordre public social. Il pose le principe selon lequel tout étage de négociation qui diffère de l'étage supérieur ne peut déroger à celui-ci que s'il est plus favorable aux salariés. De fait, la possibilité, pour les accords d'entreprise ou d'établissement, de déroger dans un sens moins favorable à un accord de branche suscite de nettes réserves.
    Convenons, tout d'abord, que là encore le texte ne fait que reconnaître une tendance qui s'est affirmée au cours des deux dernières décennies. C'est notamment à partir des lois Auroux, en 1982, qu'ont été développées les négociations dans l'entreprise et reconnues les possibilités de dérogation sur l'organisation du temps de travail.
    On perçoit, évidemment, les raisons pour lesquelles les accords d'entreprise se voient reconnaître, dans votre texte, une faculté de dérogation plus étendue. L'exigence de souplesse, l'ambition de produire des règles toujours plus adaptées aux réalités de la situation locale des entreprises qui ne peuvent qu'interpeller le législateur.
    A dire vrai, celui-ci a bien perçu, depuis plus de trente ans, la nécessité d'accompagner les entreprises face aux changements économiques et sociaux qu'elles affrontent régulièrement : primes diverses, baisse des charges sociales, mesures incitatives multiples ont été adoptées afin de leur permettre de surmonter les effets de la concurrence tout en gardant le cap de la création d'emplois.
    Mais c'est aussi à force de multiplier incitations et dérogations que le droit du travail s'est complexifié, au point de devenir difficilement compréhensible pour ceux-là mêmes qu'il est censé protéger ou aider. Il y a désormais une réelle urgence à ce que ces politiques soient accompagnées d'un effort de simplification de notre législation sociale et de notre code du travail, afin d'en améliorer la lisibilité. La réforme du dialogue social aurait d'ailleurs gagné à s'inscrire dans un texte plus général visant à moderniser de manière significative le contenu de cette législation.
    Une telle modernisation ne doit pas pour autant se faire aux dépens de la nécessaire protection des salariés.
    Or, le principe de dérogation nourrit nos craintes de voir la législation sociale se complexifier davantage sans améliorer la protection du salarié. En effet, ce principe risque de précipiter une véritable parcellisation des situations de travail et un émiettement excessif du droit applicable. A l'inverse, il peut favoriser une ardeur législative nouvelle qui, à force d'inscrire dans la loi impérative la plupart des accords afin d'éviter les dérogations, deviendrait vite excessive.
    Par ailleurs, rien ne permet, à ce jour, de garantir qu'au sein des petites entreprises, où n'existe pas de représentation des salariés, l'équilibre de la négociation entre l'employeur et les salariés pourra être respecté.
    Votre texte nous donne le sentiment d'instituer la dérogation comme principe d'organisation du dialogue social. En ce qui concerne les accords d'entreprise, il reviendra à l'accord de branche d'empêcher cette dérogation, en mentionnant expressément que ces dispositions sont impératives. Tant que cette précision ne sera pas apportée, elle favorisera la prolifération d'accords d'entreprise en tout genre.
    Le système envisagé par le projet de loi risque en outre d'avoir un effet déresponsabilisant pour les acteurs de la branche, qui pourraient s'en remettre trop facilement aux accords d'entreprise. C'est la raison pour laquelle nous restons, pour notre part, attachés à la primauté de l'accord de branche sur l'accord d'entreprise, qui ne pourra y déroger qu'à la condition expresse d'y être autorisé par la branche.
    Ainsi, plutôt que d'autoriser par défaut la dérogation, nous préférons une autorisation expresse à déroger. Nous n'excluons pas toute possibilité de dérogation, mais il nous semble que celle-ci doit être encadrée par la branche et justifiée par la situation économique de l'entreprise, par exemple lorsque la dégradation de la situation du marché d'une entreprise place celle-ci devant un risque sérieux de difficultés au point de lui faire craindre un redressement judiciaire. L'accord d'entreprise pourrait alors déroger, pour un temps déterminé, aux dispositions de l'accord de branche dont elle dépend, qui constitueraient des sujétions trop lourdes à supporter.
    De la même manière, dans certaines filières industrielles connaissant des conditions de concurrence particulièrement exacerbées - je pense notamment au secteur textile -, un accord de branche pourrait déroger, sous certaines conditions et temporairement, à l'accord interprofessionnel qui lui est supérieur.
    En tout état de cause, il me semble important que l'accord dérogatoire redevienne l'exception. Il fera l'objet d'une nouvelle négociation, ouverte régulièrement dans l'entreprise ou dans la filière d'activité, pour évaluer si les conditions économiques qui ont présidé à son élaboration se poursuivent et justifient son maintien. A défaut, ce sont les dispositions de l'accord de branche, ou de l'accord interprofessionnel, qui retrouveront leur pleine et entière application.
    Telle est, monsieur le ministre, l'approche du groupe UDF vis-à-vis de ce projet de loi. Si nous approuvons, à quelques pistes d'améliorations près, que nous avons bon espoir de voir considérer, la partie consacrée à la formation professionnelle, vous pouvez constater que nous sommes plus réservés sur les modalités de relance du dialogue social. A défaut de pouvoir nous prononcer par un vote distinct sur les deux parties du texte, c'est bien l'importance que nous accordons à la formation professionnelle tout au long de la vie qui nous conduira à approuver votre projet de loi.
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

    M. le président. J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel communication de la décision du Conseil constitutionnel, rendue dans sa séance du 11 décembre 2003, sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.

3

DÉPÔT D'UN RAPPORT

    M. le président. J'ai reçu, le 11 décembre 2003, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, un rapport, n° 1285, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2004.

4

DÉPÔT DE PROJETS DE LOI
ADOPTÉS PAR LE SÉNAT

    M. le président. J'ai reçu, le 11 décembre 2003, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Commission préparatoire de l'Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires sur la conduite des activités relatives aux installations de surveillance internationale, y compris les activités postérieures à la certification (ensemble une annexe).
    Ce projet de loi, n° 1283, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 11 décembre 2003, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale.
    Ce projet de loi, n° 1284, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.

5

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
ADOPTÉES PAR LE SÉNAT

    M. le président. J'ai reçu, le 11 décembre 2003, transmise par M. le président du Sénat, une proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant création des communautés aéroportuaires.
    Cette proposition de loi, n° 1286, est renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu le 11 décembre 2003, transmise par M. le président du Sénat, une proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la création du registre international français.
    Cette proposition de loi, n° 1287, est renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, en application de l'article 83 du règlement.

6

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Aujourd'hui, à neuf heures trente, première séance publique :
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1233, relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social :
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 1273).
    A quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée, le vendredi 12 décembre, à une heure vingt.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Transmission

    M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale le texte suivant :
    E-2467 - Proposition de décision du Conseil concernant l'application provisoire des accords bilatéraux entre la Communauté européenne et la République du Belarus sur le commerce de produits textiles.

CONVOCATION
DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

    La conférence, constituée conformément à l'article 48 du règlement, est convoquée pour le mardi 16 décembre 2003, à 10 heures, dans les salons de la présidence.