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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 14 JANVIER 2004

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mardi 13 janvier 2004


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN

1.  Débat sur la politique de l'audiovisuel et de la presse en France «...».
M. Pierre-Christophe Baguet.
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication.
MM.
Frédéric Dutoit,
Alain Joyandet,
Didier Mathus,
François Rochebloine,
Christian Kert,
Michel Françaix,
Patrice Martin-Lalande,
Dominique Richard,
Emmanuel Hamelin,
Patrick Bloche,
Bertho Audifax,
Michel Bouvard.
M. le ministre.
2.  Ordre du jour de l'Assemblée «...».
3.  Création d'une mission d'information «...».
4.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

DÉBAT SUR LA POLITIQUE DE L'AUDIOVISUEL
ET DE LA PRESSE EN FRANCE

    M. le président. L'ordre du jour appelle le débat sur la politique de l'audiovisuel et de la presse en France.
    L'organisation de ce débat ayant été demandée par le groupe Union pour la démocratie française, la parole est au premier orateur de ce groupe, M. Pierre-Christophe Baguet.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le président, monsieur le ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, je suis particulièrement heureux d'ouvrir ce débat sur la politique de l'audiovisuel et de la presse en France, et je tiens à remercier notre président de groupe, Hervé Morin, de nous offrir ce temps du dialogue.
    Le genre humain n'a longtemps communiqué que par la parole. Aucun message ne pouvait donc laisser de trace objective durable. Par la suite, l'écriture est venue transformer le message en un bien qui peut se transmettre et se conserver. Mais c'est seulement après la découverte de l'imprimerie que celle-ci a pu devenir l'instrument privilégié de la diffusion de l'information. Le journal fait connaître l'événement et, par là même, fait participer le monde à l'existence politique. Ce besoin de nouvelles qui se crée est si vif que le journal peut être amené à fabriquer l'événement. C'est toute l'organisation politique de la cité qui s'en trouve bouleversée car les grands débats sont portés à la connaissance de l'homme de la rue.
    D'un stade oral individuel, nous sommes, avec l'écrit, passés à un stade organisé de la communication. Méfiant, l'Etat est dès lors devenu en ce domaine très centralisateur, voire censeur dans certaines périodes de notre histoire. Puis, parallèlement à l'émancipation de l'écrit, la radio, la télévision ont fait leur apparition. Elles ont l'une et l'autre aussi leurs titres de gloire. Dois-je rappeler l'importance de la radio pendant la Seconde Guerre mondiale et le célèbre : « les Français parlent aux Français », sans parler des émissions et des jeux qui sont restés dans l'inconscient collectif, comme Le Jeu des mille francs, qui rappelait l'histoire des villes et assurait ainsi la promotion de l'aménagement du territoire ?
    De même, la télévision a su s'imposer avec de grandes émissions telles que Cinq colonnes à la une ou La caméra explore le temps. C'était le temps du noir et blanc. C'était aussi celui du temps de la formation de citoyens plus critiques sur eux-mêmes, sur notre pays, sur le monde.
    Aujourd'hui, si le rôle social et politique de ces médias reste évident, le contexte économique et technologique nous conduit à nous interroger. Nous assistons en effet depuis quelques années à une accélération d'évolutions tout aussi différentes et complexes que la diversité accrue des contenus, le changement toujours plus rapide des habitudes de vie de nos concitoyens, une révolution toujours plus soutenue des techniques et des contenants, des exigences financières des investisseurs toujours plus fortes, une internationalisation des marchés.
    Dans ce contexte, ces médias sont menacés de ne plus pouvoir tenir leur rôle majeur dans le développement de l'esprit critique et de la transmission des connaissances. Or, en tant que législateurs, nous sommes les garants de ce rôle. Surtout, nous avons le devoir de garantir le pluralisme, l'égalité d'accès et le droit à l'information. Il en va de notre responsabilité politique, comme de notre démocratie. C'est pourquoi le groupe UDF a jugé important et nécessaire d'organiser ce débat car nous devons pouvoir prendre du recul pour discuter ensemble de l'Etat régulateur de réalités économiques, pour discuter ensemble et au mieux de l'Etat garant des droits fondamentaux.
    Pourtant, dans des conditions économiques terriblement fragiles et face à des évolutions technologiques si soudaines, nous ne légiférons pas toujours dans les meilleures conditions, manquant bien souvent de recul et de vision globale, au risque de ne plus répondre aux enjeux. Nous n'avons pas toujours le temps nécessaire d'accompagner réellement et efficacement ces mutations. Nous n'avons pas toujours le temps nécessaire d'en maîtriser les conséquences culturelles, économiques et humaines. Trop souvent, les textes législatifs nous sont apportés dans l'urgence ou la précipitation,...
    M. François Rochebloine. C'est vrai !
    M. Pierre-Christophe Baguet. ... voire présentés après une succession de rebondissements et de coups de théâtre. Ainsi, depuis 1986, nous faisons subir à ce secteur, un à un, des textes réglementaires, nationaux ou européens, au risque de le fragiliser toujours davantage. En revanche, on passe parfois à côté de tout échange.
    Prenons l'exemple de l'ouverture des secteurs interdits de publicité à la télévision. Je suis surpris qu'elle ait été décidée sans un vrai débat national.
    M. Michel Françaix. C'est vrai !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Les conséquences économiques pour la radio et la presse sautent pourtant aux yeux.
    M. Michel Françaix. Eh oui !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Pour ce qui concerne plus précisément la presse, les répercussions sur le pluralisme sont évidentes. La balance entre titres puissants et titres plus vulnérables, entre presse de loisir et presse d'opinion va se trouver à nouveau mise à mal.
    Il nous arrive parfois même, pour un même média, de légiférer de façon contradictoire à quelques semaines près. Ainsi, lors de l'examen du budget de la communication, nous avons voté des mesures légitimes à destination de la presse : aide à la distribution et aux kiosquiers, aide aux photographes-auteurs. Mais notre assemblée a ensuite discuté une éco-taxe, certainement elle aussi légitime, mais peu à même de rassurer une presse qui peine à rentrer dans ses frais.
    Tout cela donne l'étrange sentiment qu'un jour on offre son soutien que l'on retire le lendemain.
    M. Michel Françaix. C'est vrai !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Un jour, on encourage et, le lendemain, on déstabilise. Où est la lisibilité, où est la cohérence dans tout cela ?
    M. Michel Françaix. Il n'y en a pas !
    M. Pierre-Christophe Baguet. La communication de demain mérite plus de réflexion, plus d'organisation et plus de précaution. Au lieu d'entraver le développement économique de ces secteurs, sachons respecter l'esprit entrepreneurial. Je me permets à cet égard de vous rappeler que les chiffres d'affaires des groupes audiovisuels et de la presse écrite sont chacun de l'ordre de 10 milliards d'euros.
    Pour le seul secteur de l'audiovisuel, les foyers français dépensent environ 7 % de leur budget par an, étant entendu que cette estimation comprend la redevance, l'abonnement à une télévision payante, les dépenses en places de cinéma et l'achat de cassettes vidéo et DVD. Les Français passent en moyenne trois heures et vingt-deux minutes par jour devant leur petit écran et consacrent plus de trois heures à écouter la radio ; ils sont 36 % à lire tous les jours un quotidien. Parce que nous sommes tous profondément attachés au rôle social et politique de la radio, de la télévision et de la presse écrite, nous devons plus que jamais aider celles-ci à s'adapter aux évolutions économiques et technologiques.
    Sans réussites économiques multiples, le pluralisme disparaîtra ! A nous d'aider nos groupes industriels à atteindre des seuils de développement suffisamment élevés pour résister à la concurrence internationale, sans pour autant sombrer dans le danger de concentration verticale fatale à ce pluralisme ! Aidons nos entreprises aux dimensions humaines à devenir plus compétitives !
    Mais dans ce secteur où tout se tient, on légifère un jour avec vous, monsieur le ministre, le lendemain avec votre collègue du budget, et un autre jour avec votre collègue de l'industrie, et chacun a son approche et sa vision, toujours légitimes. Mais il arrive qu'ainsi nous provoquions des dommages collatéraux pas vraiment souhaités.
    Aussi voudrais-je vous faire une proposition qui s'appuie sur une démarche déjà mise en place par votre collègue des affaires sociales, François Fillon, et qui reprend le principe simple de subsidiarité. En effet, dans le domaine social, on ne peut plus légiférer sans l'avis préalable des partenaires sociaux, qui ne doivent plus subir la loi, mais l'accompagner au plus près des réalités du terrain. Ainsi, après le dialogue social préalable, je voudrais vous proposer le dialogue des médias préalable. Prenons ensemble l'engagement, en cette période de voeux, de ne plus légiférer sans consulter tous les partenaires de la communication. Nous n'assisterions plus ainsi au lobbying désordonné de tel ou tel secteur et l'Etat serait alors le garant de la complémentarité et de la modernisation des acteurs de la communication.
    Pour autant, la presse écrite, la radio et la télévision doivent faire la preuve de leur capacité d'adaptation, notamment aux nouvelles technologies. Chacun doit intégrer l'ère du numérique et de l'internet, ce quatrième média offrant des opportunités exceptionnelles à saisir. Ainsi, dans le domaine de la télévision, l'arrivée de l'ADSL est une chance sous réserve qu'on ne laisse pas filer celle de la TNT. Alors même que cette dernière technologie permettra de favoriser le développement d'un nouveau média de proximité, ce qui serait en soi très positif, il ne faudrait pas qu'une syndication avec des réseaux nationaux s'organise au détriment des médias locaux. C'est à nous d'y veiller et d'encourager les différents acteurs locaux - presse, télévision et radio - à se réunir pour proposer ensemble une offre attractive, compétitive et riche en contenus de proximité. Car nous devons réaffirmer notre volonté d'assurer l'égal accès de nos concitoyens à tous les médias d'information. Aujourd'hui, le risque est grand que ne se développe une inégalité d'accès entre des zones urbaines largement arrosées et des campagnes abandonnées. Un premier pas vient d'être fait dans le secteur de la téléphonie mobile, avec la couverture des zones blanches. Poursuivons l'effort, notamment en direction des trois piliers-médias que je viens d'énoncer. Et si l'internet et le numérique sont des moyens extraordinaires pour, même dans l'isolement, vivre l'information en temps réel, cela ne peut suffire. Méfions-nous d'une société entièrement tournée vers l'immédiateté et parfois vers la solitude !
    Sachons préserver également le temps primordial de l'analyse, celui du recul, qui nous permet à tous de mieux comprendre le monde qui nous entoure et de faire des choix libres !
    Notre rôle à nous, responsables publics, consiste donc aussi à préserver cet accès indispensable à l'analyse.
    Faute de temps, je ne m'attarderai que sur un point, concernant la télévision.
    L'égalité d'accès dont je viens de parler n'a pas grand sens si elle ne s'accompagne pas d'une offre plurielle. Or une offre plurielle implique de l'innovation et de la création. Cette création a besoin de l'aide de l'Etat. En France, cette dernière se traduit par les aides du compte de soutien à l'industrie audiovisuelle. Aussi, je reviendrai quelques instants sur l'affaire qui agite la création audivisuelle : je veux parler de l'émission Pop Star.
    Permettez-moi de m'inquiéter de la décision du Conseil d'Etat du 30 juillet dernier, rendant cette émission éligible à ce mode de financement. Cette décision pose un réel problème pour l'avenir de la création audiovisuelle et risque d'ouvrir la porte à des émissions proches ou de même type. Elle permettrait non seulement à leurs producteurs de bénéficier du soutien financier du CNC, mais aussi à des chaînes de télévision d'inclure ces programmes dans leurs quotas, alors que l'on peut s'interroger sur la réalité de leur caractère culturel.
    M. François Rochebloine. Absolument !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Il nous faut donc au plus vite rassurer les acteurs d'un secteur déjà très fragilisé, en délimitant de façon précise et indiscutable la notion d'oeuvre audiovisuelle. Il y a urgence, d'autant que l'inquiétude ne date pas d'hier : voilà deux ans déjà que le CSA a annoncé qu'en l'état de la réglementation actuelle, il ne pouvait que classer cette émission comme une oeuvre audivisuelle. Fallait-il réellement attendre la confirmation par le Conseil d'Etat pour lancer une réforme ambitieuse ? Evidemment non.
    Monsieur le ministre, nous comptons sur vous !
    Parallèlement au soutien à la création, les efforts déjà très importants de la télévision publique comme de la télévision privée en faveur d'une information de qualité et d'émissions favorisant une plus grande citoyenneté et valorisant notre démocratie doivent être poursuivis.
    J'en viens à la radio.
    Quelques chiffres : 87 % de nos concitoyens l'ont écoutée au moins une fois dans les dernières vingt-quatre heures et 93 % dans les dernières quarant-huit heures ; chaque foyer dispose en moyenne de 5,7 postes.
    La radio est donc l'un des médias préférés des Français. Or, là encore, l'égalité d'accès n'existe pas sur l'ensemble du territoire. En effet, lorsque les Français partent en vacances, ils ne sont pas sûrs de retrouver leurs émissions favorites. Ils ne comprennent pas qu'à l'époque du téléphone portable universel, ils ne puissent capter sur la totalité du pays la station de radio de leur choix. Quand c'est possible, ils doivent parfois se lancer dans des recherches interminables pour trouver la bonne fréquence.
    Mes chers collègues, dans mon rapport sur le budget de la communication, je vous ai proposé de répondre à la situation par une classification de la bande FM. En effet, entre 2006 et 2008, près de la moitié des 3 400 autorisations de radios privées arriveront à expiration. Ce calendrier est une formidable chance pour optimiser la gestion du spectre. Surtout, il offre une occasion à ne pas manquer pour permettre à nos concitoyens de bénéficier d'une égalité d'accès à une offre plurielle de stations. Mais attention, cette occasion ne se présentera pas deux fois ! Pour la concrétiser, il faudra une décision politique forte dans un cadre aux objectifs clairs.
    D'abord, toutes les radios existantes, y compris les radios associatives, seront protégées. Ensuite, les radios à vocation nationale devront bénéficier d'une couverture nationale et d'une fréquence maîtresse, avec une priorité clairement affichée, que je réclame pour les radios d'information politique et générale et celles du service public. Pour ces radios généralistes et publiques, qui constituent un maillage social et culturel essentiel, je revendique en quelque sorte une discrimination positive.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Cela ne m'étonne pas !
    M. Pierre-Christophe Baguet. A cet égard, je déposerai un amendement lors de l'examen proche du projet de loi sur la communication électronique et les services de communication audiovisuelle. Il permettra au CSA d'organiser plus librement la gestion du spectre afin d'atteindre cet objectif louable.
    Enfin, il faut respecter l'équilibre des « trois tiers » : un tiers de radios publiques, un tiers de radios privées, un tiers de radios indépendantes et associatives. Pour garantir ce droit au pluralisme et cette égalité d'accès, j'ai proposé une méthode en cinq points : il faut une loi adaptée, qui repose sur des principes clairs ; le Gouvernement doit prendre des engagements financiers précis ; la compétence et l'indépendance technique du CSA doivent être renforcées ; il faut accorder au service public de la radio une plus grande liberté vis-à-vis de TDF et, enfin, définir un calendrier rigoureux pour l'ensemble des réformes à la veille de la redistribution des fréquences privées.
    Deux de ces cinq points sont déjà satisfaits depuis le 23 octobre dernier. En effet, le projet de loi relatif à France Télécom a mis fin au monopole de TDF et a organisé le transfert effectif des personnels compétents de TDF au CSA. Ne nous arrêtons pas en si bon chemin, d'autant que vous m'avez dit, monsieur le ministre, être très sensible à cette redistribution du paysage radiophonique. En effet, lors de la présentation de votre budget, vous avez annoncé tout à la fois une étude en partenariat avec le CSA, dont les résultats doivent être connus au début de cette année - ne tardons pas ! -, mais aussi la constitution d'un groupe de travail sur la numérisation, piloté par la direction des médias. Surtout, vous vous êtes engagé à nous présenter par voie d'amendements, dès le projet de loi transposant le paquet télécoms, un cadre juridique solide pour le développement futur de la radio. Or ce débat aura lieu dans notre hémicycle pas plus tard que dans une quinzaine de jours. Peut-être pourriez-vous dès à présent nous en exposer les principaux axes.
    Je souhaite aborder maintenant la situation de la presse écrite.
    C'est uniquement par les informations et les idées qu'elle communique que la publication perdure dans la mémoire collective. Un journal, c'est de l'histoire en route, de la science en action et de la géographie localisée. C'est aussi des informations plus modestes ou plus personnelles. Le journal entretient ses lecteurs de la vie politique du pays, des législations de ses assemblées et des activités de ses élus. Il raconte, commente, discute, explique, amuse. Il correspond toujours à ces principes séculaires : informer, parfois contester, éduquer, et distraire.
    Aujourd'hui, la presse compte 17 000 titres pour 10,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Elle emploie plus de 50 000 salariés. Chaque semaine, de nouveaux titres se créent mais, paradoxalement, leur durée de vie se réduit considérablement. C'est le signe d'un secteur en grande difficulté. Nous en connaissons les causes : érosion du lectorat depuis plusieurs années, baisse des ressources publicitaires et conjoncture économique défavorable, concurrence de plus en plus vive avec les autres médias, relations contractuelles difficiles avec La Poste ; arrivée de journaux gratuits, modification et instabilité des habitudes de lecture et, demain, ouverture des secteurs interdits de publicité à la télévision.
    M. Michel Françaix. C'est déjà le cas aujourd'hui !
    M. Pierre-Christophe Baguet. La presse est inquiète et il est urgent de la rassurer. Comme je l'ai souligné, elle est par essence le média de la réflexion, elle est ce rempart à l'information immédiate et brute. Mais elle est également un formidable tissu de liens de proximité et d'informations locales et nos concitoyens ne s'y trompent pas : ils sont très attachés à leur journal, particulièrement dans les régions, fiers de leur appartenance à une même communauté. C'est pourquoi il est urgent d'envoyer à la presse des signes forts.
    Monsieur le ministre, vous nous avez annoncé un plan national d'aide à la presse. Je vous soutiens a priori pleinement dans cet effort. Mais, pour être efficace, ce plan ne pourra être mis en oeuvre sans une totale cohérence gouvernementale. J'ai déjà évoqué l'exemple d'amendements contradictoires. Aussi n'y reviendrai-je pas.
    Le plan en faveur de la presse devra, selon moi, assurer une meilleure lisibilité des aides publiques, remettre à plat les soutiens à la presse pour une plus grande efficacité,...
    M. Michel Françaix. Enfin !
    M. Pierre-Christophe Baguet. ... introduire davantage de transparence dans l'utilisation réelle du fonds d'aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale.
    Ce plan devra également aborder tout particulièrement les concours à la modernisation de la distribution et de la diffusion. Il faut stopper l'hémorragie des fermetures de marchands de journaux - une par jour depuis quatre ans ! Pour cela, il faut améliorer les revenus de ces derniers. Pourquoi l'Etat ne favoriserait-il pas la polyvalence en permettant aux kiosquiers et aux libraires de vendre d'autres produits, voire d'assurer d'autres missions, en devenant en province - pourquoi pas ? - des points Poste. Ce serait un bon exemple de coopération entre la presse et La Poste.
    M. Jean-Marie Le Guen. Il suffisait d'y penser !
    M. Pierre-Christophe Baguet. A ce propos, s'il est évident que La Poste doit se moderniser, elle ne peut le faire au détriment de la presse. C'est tout l'enjeu de la mission conduite par Henri Paul, qui s'efforce de transformer des rapports jusqu'ici conflictuels en rapports de partenariat. Gageons qu'il y réussira ! La démarche n'est pas simple et les sommes en jeu sont considérables, mais rappelons que, depuis 1996, année de référence des accords Galmot, la presse a augmenté sa contribution de 286 millions d'euros à 436 millions en 2001. A l'avenir, ce secteur en difficulté ne saurait faire plus ! Tout concours public à la presse doit être considéré non comme un soutien à un secteur économique plus favorisé qu'un autre, mais comme une aide au lecteur, et donc au pluralisme auquel nous sommes tous attachés.
    Mais une presse forte et plurielle, cela passe aussi par sa modernisation. Cela ne pourra se faire sans le concours réel et dynamique des principaux concernés. Il ne faut pas qu'ils hésitent à innover, à diversifier leurs financements et à chercher de nouveaux modes de distribution. Déjà, certains éditeurs proposent des montages astucieux, propices à une baisse des coûts. Qu'ils ne soient pas les seuls !
    Cette modernisation urgente et nécessaire peut malheureusement s'accompagner parfois de drames sociaux et humains. L'actualité en témoigne. C'est pourquoi l'Etat devra pleinement s'engager dans d'éventuels plans sociaux, que j'espère les moins nombreux possible. Il devra jouer un rôle essentiel dans les reconversions. Il y va de sa responsabilité. Nous devons avoir le courage d'en parler tous ensemble.
    Monsieur le ministre, mes chers collègues, en proposant ce débat, l'objectif du groupe UDF est de réaffirmer la volonté politique d'un égal accès de nos concitoyens aux trois médias principaux d'information que sont la presse écrite, la radio et la télévision. Au moment du développement nécessaire et encourageant du numérique et de l'électronique, la représentation nationale doit savoir préserver cet équilibre d'accès.
    Je ne saurais conclure sans rappeler combien, même si nous avons souligné quelques-unes des difficultés actuelles, notre savoir-faire est reconnu au plan international. Aussi sachons l'exporter ! Je pense notamment à l'AFP, l'une des toutes premières agences mondiales d'information, et la première sur plusieurs continents. Sa compétence y est vantée.
    M. Michel Françaix. Eh oui !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Dès lors, qui mieux que l'AFP peut jouer ce rôle de moteur et d'exemple international réussi ? Sachons nous en inspirer pour la future chaîne internationale française d'information. Encore faudrait-il, monsieur le ministre, que le Gouvernement paie ses dettes à l'AFP ! Cette chaîne d'information internationale est appelée à jouer un rôle crucial dans l'exportation de ce savoir-faire. A cet titre, je me réjouis que les opérateurs retenus souhaitent être reçus par la défunte, néanmoins brillante, mission parlementaire pilotée par mon collègue François Rochebloine.
    Enfin, osons réaffirmer l'exigence de l'excellence du pluralisme tant dans la liberté d'accès que dans la liberté d'expression ! Pour cela, proposons une véritable pédagogie des médias, en particulier à destination des plus jeunes. L'un des buts de l'école est de construire des hommes libres. Or, cet état passe par la compréhension de l'information. Dès lors, pourquoi ne pas inscrire aux programmes scolaires l'éducation à l'image et à la radio, comme on a institué une semaine de l'écrit ? Cela permettrait de préparer au mieux les jeunes aux nouvelles évolutions de la communication.
    Egalité d'accès, pluralité, respect économique, responsabilité et humanité : c'est dans cet esprit que le groupe UDF souhaite débattre avec vous de la communication de demain. Ces quelques heures, monsieur le ministre, mes chers collègues, vont nous le permettre. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous défendons une idée de la République qui accorde à la culture et aux médias une place importante. C'est de la presse écrite que je souhaite parler aujourd'hui.
    Depuis la Libération, la presse quotidienne a perdu près d'un tiers de sa diffusion, alors que la population a augmenté de 30 %. Tout mouvement de retrait des engagements de l'Etat vis-à-vis de la presse écrite, notamment vis-à-vis de la presse quotidienne d'information politique et générale, toute rupture des équilibres de l'économie de ce secteur pourrait être fatal à de nombreux titres. Prenons garde, car l'uniformité pourrait être fatale à la presse dans son ensemble ! Son appauvrissement dessinerait les contours d'un pays amorphe, atone, avec de redoutables risques pour la démocratie.
    La diffusion payée des différents titres a accusé une baisse globale de 4,6 % en 2002 par rapport à 2001. Les estimations qui « circulent » en ce qui concerne l'année qui vient de se terminer ne sont guère plus encourageantes. Elles font état, par exemple, d'une baisse par rapport à 2002 de 4,6 % pour Le Monde, de 5 % pour Libération, Le Figaro se maintenant tout juste. Beaucoup parlent d'un véritable marasme à propos de la situation dans laquelle se trouvent aujourd'hui de nombreux journaux. Le terme n'est malheureusement pas trop fort et qualifie bien l'ampleur des difficultés auxquelles se heurte ce secteur. La patrie de Théophraste Renaudot et de la Gazette de France, dont le premier numéro est sorti en 1631, si mes souvenirs sont exacts, est l'un des pays où on lit le moins de journal. La presse française occupe la vingt-deuxième place dans le monde, la septième en Europe. Plusieurs raisons de fond expliquent cette situation.
    La première est évidemment la domination télévisuelle. Les Français, qui passent en moyenne près de trois heures et demie par jour devant leur poste de télévision, ont moins de temps à consacrer à la lecture d'un journal. On le sait, la télévision a dévitalisé tous les organes régulateurs de la volonté collective que sont le Parlement, la justice, l'école et la presse écrite. Notons au passage que cette prédominance de la télévision et son hégémonie influent sur le style du journalisme et entraînent une rhétorique de l'image.
    Mais il n'y a pas que cela : les journaux subissent les évolutions politiques de notre société. Après une période d'exacerbation des combats idéologiques, la presse a vu son identité même remise en cause. La chute du communisme a quelque peu précipité l'histoire, laissant à penser que l'on assistait à la fin des idélogies. La presse d'opinion, si puissante avant-guerre, a été durement touchée. Parallèlement, elle a été fragilisée par le profond mouvement de « déliaison » avec le collectif qui affecte nos sociétés. Marcel Gauchet dirait que nous sommes dans une époque qui légitime deux diagnostics apparemment contradictoires : « La démocratie triomphe... mais au moment même où elle s'installe dans l'incontestable, on la découvre en proie à un profond malaise. Elle se voit frappée par un mouvement de désertion civique. » Les journaux qui se structurent autour de la vie démocratique en subissent, là encore, le contrecoup.
    La baisse générale de diffusion manifeste également un certain manque de confiance, voire un désaveu du lectorat à l'égard d'un produit qui ne correspond plus à ses attentes soit que le public, de plus en plus cultivé et mieux informé, n'y trouve plus son compte, soit qu'un certain journalisme ait produit aux yeux des lecteurs des effets de censure ou de « capture » du débat. Selon certains professionnels, les médias d'information français, de même que les écoles de journalisme, pourraient être très sérieusement handicapés par le retard qu'accuse notre pays en matière d'expertise collective dans des domaines tels que la gestion d'informations, la connaissance des lectorats, les techniques rédactionnelles et éditoriales, la documentation de presse, ou encore la didactique du journalisme. Il suffit de voir ce qui se passe aux Etats-Unis pour constater un décalage qui ne va pas toujours dans le sens que l'on imagine vu de l'Hexagone.
    La Fédération nationale de la presse française a d'ailleurs été récemment partie prenante d'une étude sur l'état de la recherche appliquée en journalisme et sur les besoins de la profession dans ce domaine. Combien de titres nationaux et régionaux subsisteront dans dix ans ? Savons-nous assez que pluralité des titres ne signifie pas forcément pluralisme, loin s'en faut ? La croissance des empires de presse constitue l'un des élément majeurs du journalisme contemporain. La mise en régie d'un nombre croissant de titres semble être une dominante de l'époque. Même si certaines histoires de presse débutent encore, la gageure est de plus en plus difficile à relever. La lourdeur des coûts de fonctionnement et de distribution, l'augmentation du prix du papier pèsent sur le prix de revient d'un produit qu'il faut vendre deux fois : aux lecteurs et aux annonceurs. Le prix moyen des quotidiens français se situe parmi les plus élevés des pays développés, à un moment où la concurrence des gratuits est de plus en plus forte.
    Comment mieux défendre la diversité de la presse, la qualité de l'information, l'indépendance des titres à l'égard des groupes industriels et des régies publicitaires ? Je m'interroge. Sans doute est-il déplaisant de devoir recourir à l'Etat pour recréer le nécessaire pluralisme de presse. Cependant, les secteurs économiques ne peuvent demeurer les seuls dépositaires de cette mission d'intérêt général. Rien n'importe plus pour l'intérêt commun que la possibilité démocratique de comparer les informations et les points de vue. La presse écrite est l'un des piliers de notre démocratie. Je suis de ceux qui croient plus que jamais à la fonction irremplaçable de l'écrit. Comment, en effet, peut-on se forger ses propres opinions dès lors qu'un média comme la télévision a presque totalement oublié les vertus de l'explication au profit d'une simple présentation des faits ? On ne mesure pas encore à quel point l'information a perdu de sa substance en répondant aux « impératifs d'audience ». La télévision n'est pas une machine à produire de l'information ; elle doit reproduire des événements. Le lien télévisuel est un lien sans échange, sans réciprocité, alors que la démocratie exige des citoyens actifs.
    L'Etat s'est attaché de longue date à garantir la liberté de la presse et à conforter les conditions de son pluralisme. Cette année encore, le projet de loi de finances pour 2004 a consolidé le dispositif de soutien existant. Au total, le montant des aides directes et indirectes de l'Etat s'élève à près de 900 000 euros, malgré les fortes contraintes qui pèsent sur les finances publiques. La défense du pluralisme, en particulier par l'intermédiaire du fonds d'aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires, fait l'objet d'un effort important avec des crédits qui seront augmentés de plus de 30 %. Malgré tout, au moment où la presse va devoir affronter l'ouverture de la publicité pour la grande distribution à la télévision, qui a commencé cette semaine, ce secteur a besoin d'être rassuré. Le Gouvernement a annoncé un plan ambitieux pour évaluer l'efficacité des aides actuelles, répondre aux difficultés concernant la modernisation de la fabrication, aider à la reconquête du lectorat, mais beaucoup de questions sont en suspens. Va-t-on parvenir à éviter un nouveau « choc postal » ?
    La solution de M. Baguet est une solution indirecte. Le cadre des relations entre la presse et La Poste constitue, pour toutes les parties concernées, un enjeu essentiel. La subvention de l'Etat au transport postal de la presse, soit 290 millions d'euros, a été maintenue en 2004, mais nous attendons avec impatience les conclusions définitives de la mission Henri Paul, comme d'ailleurs toute indication sur l'état d'avancement des réflexions engagées par vos services, monsieur le ministre, sur la plupart des dossiers sensibles.
    S'agissant de la distribution, on sait que 1 600 points de vente ont disparu ces trois dernières années et plus de 6 000 ces quinze dernières années. Or, le réseau de ces diffuseurs est vital pour la survie des journaux dans notre pays où le lecteur privilégie l'achat au numéro. Des aménagements concernant la taxe professionnelle de ces diffuseurs ont été adoptés en décembre dernier. Peut-on faire davantage ?
    Vous avez déclaré, à plusieurs reprises, monsieur le ministre, qu'il fallait réorienter les jeunes vers la lecture de la presse. Vous avez raison. Selon la Fédération nationale de la presse française, 92 % des quinze - vingt-cinq ans lui reconnaissent une « véritable fonction informative ». Les quotidiens notamment représentent pour eux une référence, devant toutes les formes de magazine. Malheureusement, cette classe d'âge reste peu consommatrice : 37 % des quinze - vingt-cinq ans lisent un quotidien régional ou national, 35 % d'entre eux se rendent une fois par semaine dans un kiosque. Avez-vous avancé sur les mesures incitatives qui pourraient être prises ?
    Mes chers collègues, alors que nous sommes engagés dans un large débat pour réformer notre démocratie, il est indispensable que la question de la presse écrite devienne une préoccupation majeure. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
    M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur Baguet, mesdames, messieurs les députés, le débat sur les médias qui nous réunit très opportunément ce matin est incontestablement, pour la représentation nationale et le Gouvernement, l'occasion de prendre plus précisément la mesure de la situation d'un paysage en profonde et rapide mutation, de préciser l'état de notre réflexion sur les perspectives de son développement et, naturellement, d'indiquer ce que nous voulons faire pour soutenir ce développement.
    Les médias, vous l'avez justement rappelé, monsieur le député des Hauts-de-Seine, évoluent aujourd'hui à un rythme accéléré, à l'image d'ailleurs de notre société dont ils sont le miroir, mais dont ils influencent également les métamorphoses. Nous savons, par exemple, à quel point la télévision a modifié en profondeur les comportements de nos concitoyens, parfois pour le meilleur, parfois pour le pire. Il est donc de notre responsabilité commune de mesurer et d'accompagner ces évolutions pour consolider le secteur de la communication dans son développement économique, son rôle social et son ambition culturelle.
    La presse écrite est confrontée aux défis particuliers que lui adresse aujourd'hui la culture émergente de l'instantané, de l'image, de la gratuité. On sait, par exemple, que l'irruption des gratuits dans le paysage de la presse a profondément accéléré le mouvement de désaffection d'une partie de nos concitoyens, à l'égard de la presse quotidienne notamment. La presse écrite doit également savoir reconquérir un lectorat qui s'érode de manière apparemment inexorable, particulièrement chez les plus jeunes. C'est un enjeu de civilisation. C'est également, pour nous tous, un enjeu de démocratie, car, historiquement, l'apparition de la démocratie et celle d'une presse quotidienne libre indépendante sont deux phénomènes concomitants.
    La presse, notamment la presse quotidienne qui connaît des difficultés spécifiques, doit aussi faire face à des défis techniques et économiques, en particulier la maîtrise des paramètres économiques de sa fabrication, de sa distribution et de sa diffusion. Ses charges atteignent en effet des niveaux que beaucoup d'entrepreneurs de presse jugent excessifs, provoquant le renchérissement des prix de vente et amplifiant, par voie de conséquence, la désaffection de nombreux lecteurs. Il est vrai que la presse est plus chère en France que dans la plupart des autres grandes démocraties européennes.
    La télévision aborde, quant à elle, une nouvelle étape de son évolution, accélérée par les possibilités qu'offrent la technologie numérique et les nouveaux modèles économiques qu'elle induit. Les offres de télévision payante par câble et par satellite ont pris une place déterminante dans le paysage audiovisuel en s'imposant dans plus d'un tiers des foyers français. Ce phénomène continue de s'amplifier. De nouvelles technologies de diffusion et de distribution des programmes apparaissent, à l'instar de la télévision numérique terrestre et de l'utilisation du réseau téléphonique grâce à l'ADSL. Une révolution des programmes s'accomplit parallèlement. De nouveaux formats de programmes se développent, comme la télé-réalité. La télévision interactive, la vidéo à la demande et les téléviseurs à disque dur pourraient demain modifier encore plus substantiellement les pratiques des téléspectateurs.
    A ces enjeux s'ajoutent les enjeux économiques liés à la conquête des marchés, au contrôle des canaux de diffusion, à la recherche du moindre coût de production des programmes, comme en témoigne le processus de délocalisation des tournages. Ces évolutions constituent des défis nouveaux pour nos systèmes de soutien à la production audiovisuelle. Ce paysage est aussi marqué par certains archaïsmes comme, par exemple, le faible développement des télévisions locales.
    Enfin, le paysage des opérateurs est également en profonde mutation. Les acteurs historiques fondateurs de notre paysage audiovisuel sont souvent entrés dans des processus de restructuration ou de recomposition dont les évolutions récentes nous offrent l'image. Je pense ainsi au désengagement de Suez du capital de M 6 ou de Paris Première, à la création ou au rapprochement de certaines chaînes thématiques - on a beaucoup parlé du rapprochement de Match TV et de TV Breizh -, à la restructuration du groupe Canal, à la reconfiguration possible du secteur du câble. Donc, vous le voyez bien, ce paysage, qu'on l'aborde par ses aspects technologiques, économiques, programmatiques ou capitalistiques, est en profonde mutation.
    La radio est également à une étape charnière de son développement. La saturation actuelle de la bande FM, après vingt ans d'essor, conduit à un regain d'intérêt pour les ondes moyennes, délaissées jusqu'à présent en France, et à l'émergence, enfin, de projets de développement de la radio numérique. Les évolutions technologiques font aussi espérer une possible optimisation de la bande FM elle-même, rendant d'ailleurs demain beaucoup plus aisée la question délicate de la police des fréquences. Et on sait, vous l'avez rappelé, monsieur Baguet, à quel point un certain nombre de stations qui ont vocation à se présenter comme des stations nationales, aspirent aujourd'hui à l'attribution d'un nombre plus important de fréquences, de manière à couvrir de façon plus égale l'ensemble du territoire de notre pays.
    Enfin, le développement extraordinaire de l'Internet et, plus particulièrement du haut débit, s'il doit également être encouragé comme le Gouvernement et le Parlement s'emploient à la faire, notamment dans une perspective très volontaire d'aménagement de nos territoires, implique de nouveaux défis pour l'industrie des contenus, avec notamment la question du piratage et de la protection du droit d'auteur, ou encore celle à laquelle, je le sais, beaucoup de parlementaires sont extrêmement sensibles, de la répression des contenus illicites : propos racistes et révisionnistes ou images et messages portant atteinte à la dignité des mineurs.
    Le développement du courrier électronique, qui révolutionne les échanges et les modes de travail, s'accompagne quant à lui d'une sorte de pollution nouvelle avec l'explosion du phénomène du courrier électronique non sollicité : le spam.
    Depuis dix-huit mois, le Gouvernement s'est employé, de manière pragmatique mais résolue, et dans une permanente concertation avec les différentes professions concernées - j'y reviendrai - à régler un certain nombre de questions en suspens, parfois en jachère, et à encadrer ces évolutions dans la perspective unique du respect et du soutien de l'intérêt général.
    Les modalités et le calendrier de lancement de la télévision numérique terrestre ont ainsi été précisés sur des bases crédibles et réalistes. Le CSA a pu confirmer qu'il fixait à décembre 2004 la première étape du lancement de la télévision numérique terrestre.
    Dans cette perspective, l'Etat a mis en place un préfinancement des opérations de réaménagement des fréquences pour un montant de 32 millions d'euros et défini, par la voie réglementaire, un cadre juridique adapté et incitatif pour la mise en oeuvre de ces opérations techniques essentielles, actuellement en cours de réalisation.
    Une concertation permanente des différents acteurs a été animée dans un premier temps par M. Michel Boyon. Elle l'est aujourd'hui par M. Daniel Boudet de Montplaisir, bien connu dans cette assemblée. Un groupe de travail spécialisé prépare notamment la communication en direction du grand public. Il est évident en effet que la réussite de cette communciation sera déterminante pour le succès du lancement de la télévision numérique terrestre.
    J'ai par ailleurs récemment indiqué que l'Etat conserverait l'un des trois canaux préemptés par le précédent Gouvernement, ce qui ouvre la voie, de façon très opportune à mes yeux, au regroupement sur un seul et même multiplexe de l'ensemble des chaînes publiques, comme le prévoit la loi du 1er août 2000. Sur le premier multiplexe, nous retrouverons France 2, France 3, France 5, La Chaîne parlementaire, Arte et la chaîne qui utilisera le sixième canal préempté pour les besoins de la diffusion d'une chaîne publique. Ce canal conservé par l'Etat permettra donc d'enrichir l'offre numérique d'une chaîne publique supplémentaire. Celle-ci, je l'avais indiqué, ne procédera pas de la création d'une nouvelle antenne, mais de la valorisation de l'une des chaînes thématiques dans lesquelles le groupe France Télévisions est impliqué.
    Le Gouvernement est convaincu que la TNT a toute sa place dans notre paysage audiovisuel aux côtés d'autres modes de distribution de la télévision : le hertzien, le câble, le satellite, l'ADSL, qui est à mes yeux non pas concurrente mais complémentaire de la TNT. Nous devons surtout, les uns et les autres, nous garder de faire du dogmatisme technologique.
    Le décret fixant la liste des secteurs interdits de publicité télévisée a été modifié le 8 octobre 2003 pour tenir compte d'une situation que vous connaissez tous. Le dernier décret qui régissait le dispositif d'accès de certains secteurs à la publicité télévisée datait de 1992. Il était en infraction aux règles européennes relatives à la libre prestation de service. Le contentieux engagé depuis 1997 menaçait, faute de réaction des gouvernements précédents - j'ai le regret de le dire - de faire tomber l'ensemble des dispositions actuelles en déstabilisant les secteurs concernés et les médias.
    La concertation que j'ai menée pendant un an avec l'ensemble des secteurs concernés - et cette méthode, monsieur Baguet, répond tout à fait au voeu que vous avez exprimé - et les échanges réguliers avec la Commission, notamment avec le commissaire en charge de la concurrence, nous ont permis de dégager un nouvel équilibre. Le nouveau décret prévoit une ouverture progressive et sélective, selon des modalités respectueuses des équilibres économiques de la presse et de la radio. Ces dispositions sont également destinées à favoriser le développement des télévisions locales et des télévisions thématiques dans le respect, je ne cesserai de le dire, des intérêts de la presse quotidienne, notamment régionale.
    Le secteur de la presse, qui était majoritairement demandeur d'une telle ouverture, peut depuis le 1er janvier dernier faire de la publicité à la télévision. Je suis heureux de constater que plusieurs titres, y compris des quotidiens, ont déjà utilisé cette possibilité nouvelle. Les secteurs de l'édition et de la distribution ont également profité de l'ouverture qui leur était faite sur les chaînes locales ou thématiques. La distribution accédera au numérique hertzien dès son lancement et à l'analogique hertzien le 1er janvier 2007. Cette montée en puissance permet de conforter les médias les plus fragiles, à commencer par les chaînes locales et thématiques.
    J'ai, en revanche - et je tiens à souligner ce point pour bien marquer l'équilibre des solutions auxquelles nous nous sommes rangés -, fait le choix de maintenir l'interdiction de publicité pour le cinéma de façon à préserver la situation de l'offre cinématographique française et européenne et, de ce fait, la réalité de la diversité culturelle dans ce secteur.
    S'agissant de la distribution, les campagnes promotionnelles sont de fait réservées à la presse - et la presse quotidienne régionale a été très sensible à ce choix de notre part -, seules les campagnes institutionnelles pouvant accéder à la publicité télévisée.
    Le secteur audiovisuel public, de son côté, a été recentré sur ses missions propres de service public et invité à affirmer davantage la singularité de ses programmes. Les discussions entre l'Etat et France Télévisions concernant la révision du contrat d'objectifs et de moyens du groupe public sont très proches de leur conclusion. La stratégie de France Télévisions sera ainsi officiellement redéfinie autour des axes forts que j'ai arrêtés avec le président de France Télévisions : la qualité des programmes, avec notamment le renforcement de l'offre de programmes de culture et de connaissance, singulièrement en première partie de soirée, de façon que ceux-ci, pour reprendre l'expression de Catherine Clément, ne soient pas relégués la nuit et l'été : ces émissions ont également vocation à être des programmes de première partie de soirée, et je pense que l'immense succès de L'Odyssée de l'espèce, par exemple, montre bien que nos concitoyens ne sont pas, par principe, réfractaires à des programmes de qualité, élevant leur entendement, élevant leur intelligence.
    Mme Christine Boutin. C'est certain !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Le deuxième axe concerne l'adaptation des programmes au handicap de nos compatriotes sourds ou malentendants. Le troisième axe concerne l'accroissement de l'offre de programmes de proximité, régionaux, par France 3.
    Ces trois axes sont d'ores et déjà mis en oeuvre concrètement par France Télévisions, sans attendre la conclusion de l'avenant au contrat d'objectifs et de moyens qui lie le groupe à l'Etat. C'est ainsi que France 3 a lancé, en septembre dernier, sa nouvelle formule du 19-20, sur une plage horaire élargie, qui rencontre un réel succès auprès des téléspectateurs. De même, France 2 a commencé, dès le 7 janvier dernier, à sous-titrer l'intégralité de ses journaux télévisés de 13 heures et de 20 heures pour les sourds et malentendants. C'est une bonne chose. C'est une marque de respect de la télévision publique à l'égard de ceux de nos concitoyens, et ils sont nombreux - au moins 10 % de la population -, qui souffrent de troubles auditifs.
    La recherche d'une meilleure gestion du service public est par ailleurs encouragée, ainsi qu'une meilleure organisation de ses structures. Ainsi que je l'ai exposé tout récemment au conseil des ministres, le rattachement du réseau France-Outre-mer, RFO, au groupe France Télévisions sera réalisé dans le courant de cette année, si naturellement le Parlement approuve ce processus. Les dispositions législatives nécessaires seront présentées à votre délibération dans les prochaines semaines, à l'occasion du projet de loi sur les communications électroniques et les services de communication audiovisuelle, sous forme d'amendements du Gouvernement. Cette importante réforme permettra de développer l'offre de programmes de proximité outre-mer, d'améliorer la visibilité de l'outre-mer sur les chaînes publiques de métropole, et de mieux affirmer le principe républicain de continuité territoriale des programmes des sociétés nationales de radio et de télévision.
    Pour ce qui est de la communication publique en ligne, la loi sur l'économie numérique que vous venez d'approuver en seconde lecture pose enfin les bases nécessaires à son développement, en fixant les responsabilités de chacun.
    Je regrette cependant, je tiens à vous le dire franchement, que votre assemblée n'ait pas suivi la proposition du Gouvernement visant à maintenir la communication publique en ligne dans la communication audiovisuelle.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Tout à fait !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur Baguet, cette mesure a été prise à la suite d'un amendement déposé, hélas ! par un député de votre formation. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'union pour un mouvement populaire.) Vous le voyez, si nous avons parfois des problèmes de cohérence, les différents groupes en ont également !
    Je n'oublie pas non plus, monsieur Dutoit, que lors du vote de la loi de finances, c'est un amendement d'un député de votre groupe, M. Brard en l'occurrence, qui proposa tout simplement la disparition de la redevance,...
    M. François Rochebloine. Il y a des partisans de cette suppression au sein de tous les groupes !
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... mode de financement de l'audiovisuel public auquel nous sommes par ailleurs très attachés.
    M. Frédéric Dutoit. Je n'étais pas d'accord !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je suis très heureux de vous l'entendre dire. (Sourires.)
    En tout cas, si la position du Gouvernement avait été entendue, nous aurions un cadre unique pour régir les contenus, indépendamment de la technologie employée pour leur diffusion. Je redoute pour ma part, les développements technologiques faisant, que des pans entiers de l'activité de programmes soient soustraits aux dispositions de régulation prévues par la loi, surtout si les définitions que vous avez adoptées de la radio et de la télévision, qui incluent les services de vidéo à la demande, devaient être remises en cause au regard du droit communautaire. Je crois que nous avons tous intérêt à affirmer que les programmes, quel que soit leur mode de d'émission, sont soumis aux mêmes dispositions de régulation et de contrôle.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Tout à fait !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Il me semble donc nécessaire d'approfondir ces questions, sur lesquelles le débat ne me semble pas devoir être définitivement considéré comme clos.
    Il n'est pas anormal que la télévision et la radio, d'une part, la communication publique en ligne, d'autre part, soient soumises à des règles techniques adaptées à leurs spécificités. Cela va de soi. Mais il serait dangereux que certaines questions, telles que la responsabilité éditoriale, la protection du droit des auteurs, la protection des mineurs, soient assujetties à des régimes trop différenciés en fonction du mode d'accès aux contenus.
    Dans le domaine de la presse écrite, l'Etat a souhaité renouveler son partenariat avec l'Agence France-Presse, troisième agence de presse mondiale et outil essentiel du développement de l'information et du rayonnement de notre pays.
    Un contrat d'objectifs et de moyens a été conclu le 20 novembre 2003 entre l'Etat et l'Agence pour la période 2003-2007. Grâce à un engagement financier fort de l'Etat, marqué surtout par l'évolution croissante du tarif des abonnements, en contrepartie d'un effort de maîtrise de ses charges par l'Agence, un chemin clair est tracé pour redresser sa situation tout en confortant sa vocation internationale.
    Dans la logique du contrat d'objectifs et de moyens, l'Etat et la presse ont, en outre, fait le choix de la continuité dans la direction de l'Agence. Son président-directeur général, M. Bertrand Eveno, a été reconduit pour un nouveau mandat de trois ans, afin d'exécuter et de mettre en oeuvre le contrat qu'il a négocié avec l'Etat. La stabilité de la direction de l'Agence est un gage de la confiance que le Gouvernement témoigne à l'avenir de l'Agence.
    Par ailleurs, l'Etat accompagne la presse et La Poste dans leur démarche de modernisation du cadre de leurs relations. La mission confiée par le Gouvernement à M. Henri Paul, conseiller-maître à la Cour des comptes, a permis de renouer les fils du dialogue et de créer une dynamique réellement positive. J'en ai eu le témoignage tout récemment en réunissant le président de La Poste, son équipe de direction et les principaux représentants de la presse française. L'Etat a accompagné cette démarche en maintenant au même niveau sa subvention de 290 millions d'euros au transport postal de la presse. Là aussi, monsieur Baguet, le respect de la concertation préalable avec les parties concernées a prévalu.
    Le travail engagé par la mission Paul entre aujourd'hui dans une phase décivive, qui laisse espérer la concrétisation très prochaine d'un nouvel accord. Un cadre pluriannuel rénové pourra ainsi fixer les contours de la relation tripartite entre la presse, La Poste et l'Etat. Je dois d'ailleurs vous confier que j'ai pu prendre la mesure d'un phénomène tout à fait nouveau. Jusqu'à présent, La Poste considérait le transport de la presse comme une charge qu'on lui imposait au nom de considérations de service public. Or, aujourd'hui, elle la voit de plus en plus comme un client sur lequel elle peut avoir intérêt à s'appuyer dans un contexte concurrentiel. Nous sommes donc là au seuil d'une véritable révolution dans la relation entre la presse et La Poste.
    Mme Christine Boutin. Il était temps !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Ce travail accompli, madame et messieurs les députés, est pragmatique. Il s'inspire, tout comme les autres chantiers en cours, de principes qui recoupent très largement ceux exposés, il y a quelques instants, par M. Pierre-Christophe Baguet et par le président Dubernard.
    Défendre le pluralisme, cela signifie encourager l'accroissement, la diversification et la régionalisation de l'offre de télévision et de radio et, pour ce qui est de la presse, lui permettre de sauvegarder la richesse de son offre et d'accéder aux nouveaux supports. Nous avons tous intérêt, la démocratie a intérêt à ce que reste riche, demain, l'offre de presse locale en Bretagne, avec le Télégramme et Ouest-France, que Le Républicain lorrain continue de très bien informer nos concitoyens de la Moselle, que L'Est républicain le fasse également avec talent en Meurthe-et-Moselle, etc.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Et Le Progrès ? (Sourires.)
    M. le ministre de la culture et de la communication. Cette très grande diversité de la presse quotidienne régionale et départementale constitue une véritable richesse pour notre pays.
    Mais défendre le pluralisme, cela veut dire également promouvoir un service public de l'audiovisuel fort, singulier et de qualité.
    Pardonnez-moi d'être un peu long, monsieur le président, mais je souhaite faire un exposé aussi complet que possible de l'action du Gouvernement dans ce domaine. Plusieurs chantiers ont été ouverts qui vont mobiliser le Gouvernement et le Parlement. Dans quelques jours, au début du mois de février, l'Assemblée nationale abordera ainsi la discussion du projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, transposition d'une directive européenne, une « loi de l'audiovisuel », en quelque sorte, puisque plus de soixante-dix articles de ce texte, qui en comporte une centaine, concernent le droit applicable en ce domaine. Sa discussion sera l'occasion d'aborder des questions essentielles pour l'avenir du paysage audiovisuel.
    La transposition des directives européennes du « paquet télécoms » sera ainsi l'occasion d'adapter la réglementation qui régit le câble de façon à lui assurer une plus grande égalité dans la concurrence avec les autres réseaux de télécommunication, tant pour la diffusion de services audiovisuels que pour l'Internet et la téléphonie. Compte tenu de l'ampleur des investissements qui ont été consentis dans le domaine du câble, nous avons en effet tout intérêt à faire en sorte que ce réseau soit valorisé.
    L'allégement des contraintes qui pèsent actuellement sur les câblo-opérateurs permettra la restructuration nécessaire du secteur, qui a un rôle essentiel à jouer pour le développement de la société de l'information. L'adoption de la loi du 31 décembre 2003 relative à France Télécom a déjà été l'occasion de supprimer le seuil de 8 millions d'habitants qui s'imposait aux câblo-opérateurs, empêchant leur développement et d'éventuels rapprochements susceptibles de développer de meilleurs stratégies économiques. Le cadre juridique unifié qui vous sera proposé permettra ainsi de prendre en compte l'innovation que constitue la télévision sur ADSL.
    Ce projet de loi comporte également de nombreuses dispositions favorables au développement des télévisions locales. Après avoir été pendant des années l'Arlésienne de notre paysage audiovisuel - je dis cela pour vous faire plaisir, monsieur Dutoit (Sourires) -, elles sont en train d'en devenir une réalité structurante.
    L'ouverture progressive et sélective des secteurs interdits de publicité télévisée favorisera, je le répète, le développement des télévisions locales, dans le respect des intérêts de la presse quotidienne - notamment régionale et départementale. Le Gouvernement a également souhaité encourager, dans le respect du pluralisme, l'implication des entreprises audiovisuelles et de presse et des collectivités locales dans le développement de ces projets.
    Ce contexte stimulant explique sans doute que les appels à projets organisés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel suscitent d'ores et déjà un très vif intérêt. Il y a là un excellent indice.
    L'année 2004 sera également marquée par le lancement de la chaîne d'information internationale, comme l'a confirmé le Président de la République le 9 janvier. Après deux ans d'étude et de réflexion, cette chaîne va devenir une réalité. Votre assemblée - vous l'avez rappelé, monsieur le député Baguet - a d'ailleurs participé à cette réflexion,...
    M. Didier Mathus. C'est beaucoup dire !
    M. François Rochebloine. Et pour quel résultat ?
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... grâce au travail de la mission d'information commune présidée par M. François Rochebloine, puis de la mission parlementaire confiée par le Premier ministre à M. Bernard Brochand.
    M. François Rochebloine. Ce n'était pas la meilleure des initiatives à prendre !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Le projet élaboré conjointement par France Télévisions et TF1 a été retenu. Il peut désormais entrer dans une phase opérationnelle.
    M. Didier Mathus. C'est un chèque signé à TF1 !
    M. le ministre de la culture et de la communication. La France va d'ailleurs engager dès cette semaine des démarches auprès de la Commission européenne afin de veiller à la parfaite conformité du projet avec la réglementation communautaire, concernant notamment les aides d'Etat - une conformité qu'il est bon de vérifier très en amont.
    Je n'oublie pas, naturellement, que le débat budgétaire a été pour le Parlement l'occasion de demander avec insistance au Gouvernement d'engager une réforme profonde de la redevance, pour qu'elle soit appliquée à compter du 1er janvier 2005. M. Patrice Martin-Lalande a été tout particulièrement insistant sur la nécessité d'un règlement de cette question très en amont du débat budgétaire pour 2005.
    M. Patrice Martin-Lalande. Et ce n'est pas fini ! (Sourires.)
    M. Pierre-Christophe Baguet. Ce n'est qu'un début !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Comme je m'y suis déjà engagé devant vous lors du débat budgétaire pour 2004, ce travail sera conduit de façon concertée avec la représentation nationale. Avant d'organiser un groupe de travail à cette fin, et pour éclairer les débats, il conviendrait que le Gouvernement confie à une personnalité reconnue une mission préparatoire, non pas seulement sur la question de la redevance, mais aussi sur l'ensemble des modalités de financement de l'audiovisuel public et les évolutions envisageables pour chacune d'entre elles.
    M. Michel Françaix. Le vingt-troisième rapport sur la question !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je tiens à vous le dire : dans mon esprit, il ne s'agit pas d'une initiative dilatoire. Ce travail doit être accompli très rapidement, de façon à permettre à la représentation nationale et au Gouvernement d'arrêter le principe de leurs choix au plus tard au printemps,...
    M. Pierre-Christophe Baguet. Au printemps 2004 ?
    M. le ministre de la culture et de la communication. Bien sûr !
    M. Michel Françaix. Il n'y a plus de saison !
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... avant l'irruption, dans nos débats, de la préparation technique du budget pour 2005, c'est-à-dire l'établissement du niveau des recettes et des dépenses de l'audiovisuel public.
    Quoi qu'il en soit, je tiens à vous rassurer : ce travail ne fera pas obstacle à la signature, au cours du présent trimestre, de l'avenant au contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions, sur les bases évoquées tout à l'heure.
    Ne l'oublions pas, la sécurisation du financement de l'audiovisuel public est un moyen de stabiliser l'un des cadres de financement de nos industries de programmes audiovisuels. L'avenir de nos industries techniques du cinéma et de l'audiovisuel, aujourd'hui menacées par les délocalisations, est en effet essentiel. Tout doit être fait, dans le respect des règles européennes - le combat actuel de la France auprès de la Commission souligne cette nécessité -, pour fixer sur le territoire de notre pays le plus grand nombre possible de productions françaises et étrangères. Notre vocation est en effet d'accueillir plus largement les productions étrangères, ce qui serait une bonne chose pour nos industries techniques.
    Nos dispositifs de soutien à la création et à la diffusion d'oeuvres ayant été jugés valides par la Commission, il est essentiel, à mes yeux, qu'aucune ambiguïté ne subsiste sur ce qu'est une oeuvre. A la suite de l'affaire que vous avez évoquée, et qui a suscité l'émotion que l'on sait, j'ai ouvert un chantier de réflexion sur ce sujet, qu'il nous faudra aborder sans dogmatisme d'un côté, et sans cynisme de l'autre. C'est une question essentielle, qui ne relève pas uniquement de la rhétorique culturelle.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Exactement !
    M. le ministre de la culture et de la communication. La réponse qu'on lui donnera aura en effet, par la force des choses, de profondes conséquences sur nos dispositifs et nos politiques d'aide à la création et à la diffusion d'oeuvres.
    Je présenterai dans le courant du printemps au conseil des ministres une communication sur la politique de soutien à la création audiovisuelle qui nous donnera l'occasion de faire le point sur ces questions. Cette communication abordera notamment les questions fiscales. Vous le savez, les dispositions que vous avez arrêtées en matière de soutien fiscal à la création et à la production cinématographique ont suscité un très vif intérêt dans le secteur de la production audiovisuelle, et il serait tout à fait légitime de nous interroger sur la possibilité de les étendre à celui-ci.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Voilà un bonne idée !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Cela suppose naturellement que nous parvenions à préserver les dispositions essentielles de la directive « télévision sans frontières » qui fonde le soutien de la France à ces industries de programmes. Il s'agit là d'un enjeu fondamental pour la diversité culturelle, et la France y sera bien évidemment très attentive dans le cadre du processus de réexamen de la directive.
    Dans le domaine de la radio, le groupe de travail conduit par le directeur du développement des médias, en liaison avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel, me remettra dans les tout prochains jours une proposition d'adaptation de notre législation destinée à permettre le développement de la radio numérique. Naturellement, je vous en informerai aussitôt.
    Nous serons également amenés, dans les mois qui viennent, à arrêter une position définitive sur l'idée de replanifier la bande FM en vue d'attribuer des fréquences uniques à des réseaux nationaux, dans la perspective ouverte par M. Pierre-Christophe Baguet dans son rapport sur les crédits de la communication. J'ai demandé à mes services, en liaison avec le CSA, de commander sur ce point une étude de modélisation, qui devra naturellement être conduite dans la plus grande transparence.
    Faute de temps, je n'évoquerai pas les enjeux communs aux industries culturelles et au secteur de la communication, comme par exemple la lutte contre le piratage. Vous savez toutefois à quel point je reste mobilisé sur le sujet. Après la loi pour l'économie numérique, la loi de transposition de la directive sur les droits de l'auteur dans la société de l'information nous donnera l'occasion d'y revenir.
    M. Didier Mathus. La loi des lobbys !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Dans le domaine de la presse écrite, le début de cette année est marqué non seulement par les travaux de la mission Paul, que j'ai déjà évoqués, mais également par les discussions qui se sont ouvertes entre le Syndicat de la presse parisienne et le Syndicat du Livre sur les conditions de la fabrication des quotidiens nationaux. Le Gouvernement suit ces négociations avec la plus grande attention et fera tout ce qui est en son pouvoir pour aider les partenaires professionnels et sociaux en présence à prendre leurs responsabilités, comme ils semblent vouloir le faire. L'intérêt commun de tous, c'est que nous aidions le développement de la presse, et que nous sachions enrayer son possible déclin.
    Le Conseil supérieur des messageries de presse, à l'initiative de son président, M. Yves de Chaisemartin, a également relancé les discussions sur la revalorisation de la situation difficile des diffuseurs de presse. J'y suis personnellement très attentif, et j'ai tenu à le témoigner en assistant hier à la première réunion de l'ensemble des parties prenantes. L'adoption par le Parlement dans la loi de finances pour 2004, à la suite d'un amendement de M. Patrice Martin-Lalande, d'une disposition permettant aux collectivités locales de réduire les bases de la taxe professionnelle des diffuseurs de presse, est également venue consacrer un travail engagé pendant plusieurs mois, à ma demande, entre le Parlement, mes services, et la direction de la législation fiscale, et attester de l'attention portée par l'ensemble du Gouvernement, aussi bien par moi que par M. Lambert, à la situation du réseau de diffusion de la presse. Il conviendra d'ailleurs aujourd'hui de sensibiliser les maires, d'une part à l'existence de cette mesure, d'autre part à l'intérêt de voir les différentes collectivités l'adopter, notamment dans les grandes villes, où le réseau de diffusion de la presse est une réalité vivace. J'ai d'ailleurs pris l'initiative de saisir M. le maire de Paris à ce sujet, de façon que la Ville adopte, si possible, des dispositions à même de venir en aide à un réseau tout particulièrement sinistré sur le territoire de la capitale. En effet, comme vous le savez, le nombre de kiosques fermés s'accroît, hélas ! d'année en année.
    D'autres sujets importants sont sur la table, comme la modernisation des aides directes à la presse, ou le nouveau plan de modernisation des Nouvelles messageries de la presse parisienne. Je souhaite également que le ministère de la culture et de la communication et les professionnels puissent annoncer, dans le courant du premier semestre, une initiative forte pour encourager les jeunes à la lecture de la presse quotidienne, sur laquelle je viens de confier une mission de préfiguration à M. Bernard Spitz, maître des requêtes au Conseil d'Etat. Je l'ai rencontré hier soir et, dès notre premier entretien, il m'a fait une proposition qui semble pouvoir conjuguer à la fois l'efficacité et la faisabilité économique. Nous pourrions peut-être être en mesure d'annoncer, d'ici au printemps, une grande opération de promotion de la presse auprès des jeunes.
    L'ensemble de ces mesures et de ces initiatives composera le plan national pour la presse que j'ai annoncé le 20 novembre à Bordeaux - en votre présence, monsieur Baguet - et que je souhaite développer et mettre en oeuvre tout au long du premier semestre, en mobilisant notamment l'expertise des différents professionnels autour de ce qui pourrait devenir, conformément aux voeux du Premier ministre, une sorte de commission nationale pour la presse.
    Vous le voyez, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, si l'univers des médias est en permanente mutation, il n'est pas d'enjeu important qui ne soit pris en compte par le Gouvernement. Le ministère de la culture et de la communication anticipe ces évolutions autant que faire se peut, y répond de manière rapide, adéquate et pragmatique, dans le respect de la responsabilité des professionnels concernés, mais surtout de ce qui nous réunit ici, c'est-à-dire l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.
    M. Frédéric Dutoit. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à exprimer ma satisfaction de la tenue d'un débat sur la politique de l'audiovisuel et de la presse en France. Je saisirai donc l'occasion pour réaffirmer notre attachement aux principes d'indépendance, de créativité, de pluralisme, et à l'innovation de nos médias.
    Je commencerai, comme le président de la commission des affaires culturelles, par le secteur de la presse écrite d'information générale et politique, qui, tant à l'échelon régional qu'à l'échelon national, connaît un contexte toujours incertain. Les causes de ce qu'il convient d'appeler une véritable crise sont à chercher du côté de la baisse des recettes publicitaires, d'une diminution de la diffusion et de l'augmentation des coûts de production et d'acheminement. Au contraire, la presse spécialisée grand public et la presse gratuite d'annonces connaissent un essor régulier.
    La diffusion de quotidiens en France est bien inférieure à la moyenne européenne. Si l'on compte 164 quotidiens pour 1 000 habitants en France, cette proportion atteint 402 pour 1 000 au Royaume-Uni et 333 pour 1 000 en Allemagne. Après la Seconde Guerre mondiale, il y avait en France près de 300 quotidiens nationaux et régionaux alors qu'il n'en existe aujourd'hui qu'une cinquantaine.
    Face à ce déclin, la stratégie la plus communément adoptée consiste, pour les grands groupes de presse, à acheter leurs concurrents. Cette stratégie conduit à une concentration toujours plus grande, qui peut avoir pour conséquences la perte d'indépendance des rédactions et une réduction du pluralisme. En effet, les groupes hégémoniques, mais non concurrents, se partagent le marché en toute connivence et accaparent les recettes publicitaires. La collusion entre les grands intérêts financiers et les médias n'apparaît nulle part aussi criante qu'en France et en Italie. Le « cela va de soi » politique fait malheureusement partie de ce paysage qui conduirait, si l'on n'y prenait garde, à une pensée unique, si dangereuse pour notre démocratie.
    Il devient de plus en plus difficile, pour un journaliste, de faire preuve d'audace afin de transgresser cette union sacrée idéologique si soucieuse de compromis et de tiédeur. Au-delà d'une remise en cause progressive de la liberté d'expression du journaliste, on assiste à une tendance accrue à l'uniformisation des sujets traités, à la frilosité, voire à l'inexistence des débats politiques, scientifiques ou culturels.
    Aujourd'hui, le public doit être ciblé et les journaux, soucieux de s'adresser au plus grand nombre, multiplient les sujets tapageurs, ceux qui se vendent bien. Pour dégager des marges bénéficiaires, on cherche à baisser le coût de fabrication de l'information, on recherche l'émotion et le scoop et on précarise les salariés. Le métier de journaliste est en voie de paupérisation et de précarisation, et ce ne sont pas les quelques journalistes stars aux revenus proches de ceux du show-biz qui masquent cette réalité.
    Cette uniformisation est accentuée par l'apparition des quotidiens gratuits. Ces titres, financés par les ressources publicitaires, sont réalisés par de petites équipes dont le travail consiste principalement en la reproduction de dépêches d'agences. Face au préjudice causé par cette concurrence déloyale, plusieurs quotidiens payants ont choisi d'adapter leur stratégie en lançant leurs propres gratuits d'information avec pour objectif, à terme, de pourvoir chacune des grandes villes de France de ce type de quotidien. Tel est le cas à Paris, bien sûr, mais aussi à Marseille où je suis élu.
    De surcroît, cette inégalité de concurrence va être renforcée par l'ouverture de la publicité à la télévision pour la presse écrite. Seuls ceux qui auront les moyens de se payer cette publicité pourront en profiter, ce qui va accroître encore la concentration et l'uniformisation de nos médias. Cette tendance laisse malheureusement augurer le lancement de nouveaux magazines TV par les chaînes de télévision venant concurrencer les suppléments des quotidiens.
    La marchandisation de l'information et son corollaire, l'uniformisation, sont des réalités qu'il faut combattre avec force, car elles privent le lecteur de la confrontation des idées, du débat démocratique audacieux et vrai, seul de nature à lui permettre de construire sa citoyenneté et sa liberté de pensée.
    Quel est donc le rôle de la presse dans la société ? Est-il d'informer les citoyens et de forger leur esprit critique ou de les inciter à consommer ? La survie et le développement de la presse écrite, comme vecteur de liberté, d'émancipation, d'égalité et d'engagement des citoyens devraient un peu plus intéresser votre gouvernement, monsieur le ministre, soucieux de lutter contre la montée de tous les extrémismes politiques et/ou religieux.
    Quelques pistes mériteraient d'être sérieusement examinées et ce débat devrait être l'occasion d'engager une réflexion sur les solutions sociales et financières qui permettraient de sortir de cette impasse. Ainsi, pourquoi ne pas augmenter les fonds d'aide aux journaux à faibles ressources publicitaires, empêcher l'augmentation régulière des tarifs postaux, accroître les dotations du fonds de modernisation de la presse, inciter, par des mesures fiscales, à l'abonnement aux journaux, ou instaurer un mécanisme de péréquation afin de mieux répartir les recettes publicitaires ?
    Pour garantir une certaine équité dans la production de l'information sur la scène internationale, la situation de l'Agence France-Presse - que vous avez évoquée, monsieur le ministre - mérite aussi d'être traitée dans ce débat.
    Vous le savez, l'AFP est la première agence de presse francophone et la troisième agence mondiale. Il n'en existe d'ailleurs que trois de cette envergure. L'AFP, pièce essentielle de notre « diplomatie d'influence », est le fruit d'une volonté politique : en effet, son statut garantit son indépendance et l'existence de son réseau international. Elle compte près de 80 bureaux et 150 points de contacts à travers le monde, et produit près de 1 200 dépêches par jour.
    Comme l'a récemment souligné la commission des affaires culturelles du Sénat, l'insuffisance des moyens de l'AFP met en péril son rayonnement et son devenir. Cette situation de crise pèse directement sur ses personnels. Alors que le contrat d'objectifs et de moyens défini avec l'Etat exige que l'agence parvienne à un équilibre financier dans les quatre années à venir, les salariés de l'AFP redoutent et excluent que la charge de ce rééquilibrage ne repose que sur leurs seules épaules.
    Conformément à une logique purement industrielle, il serait ainsi question de replier l'activité de l'agence sur l'Europe et de multiplier les partenariats avec des agences locales, afin de fermer certains bureaux.
    M. Michel Françaix. Scandaleux !
    M. Frédéric Dutoit. Tout à fait !
    Aujourd'hui, plus que jamais, s'impose la définition, concertée avec l'ensemble des parties intéressées, d'un plan de développement. La constitution d'une mission d'information parlementaire va d'ailleurs être demandée par notre groupe, afin de répondre à cette attente.
    A l'heure où la France envisage de se doter d'une chaîne télévisée d'information internationale, nous ne pouvons tolérer que les pouvoirs publics se désintéressent d'une entreprise de presse francophone qui a toujours su se démarquer de ses concurrentes anglo-saxonnes et qui diffuse en six langues une version française de l'information.
    M. Michel Françaix. Très bien !
    M. Frédéric Dutoit. Venons-en justement à la chaîne télévisée d'information internationale, laquelle sera détenue à 50 % par France Télévisions et financée à hauteur de 70 millions d'euros par l'Etat, même si on attend l'accord de l'Europe.
    M. François Rochebloine. Ce n'est qu'une première estimation !
    M. Frédéric Dutoit. Effectivement, monsieur le député.
    A notre avis, le projet retenu manque d'ambition, monsieur le ministre. On attendait une chaîne indépendante des sources habituelles, proposant des reportages exclusifs ; bien au contraire, le rapport Brochand ne préconise que des ressources free lance. Les téléspectateurs risquent donc de ne voir que des images ressassées.
    Au-delà de ces orientations auxquelles nous sommes opposés - mais j'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises dans cet hémicycle -, notre collègue Bernard Brochand propose un bouleversement du paysage audiovisuel public. Sert-il de cheval de Troie à un proche démantèlement du PAF ?
    Permettez-moi de citer son rapport : « La future chaîne devra ouvrir la voie au regroupement, au recentrage et à la rationalisation de l'offre audiovisuelle française. » Notre collègue est très clair puisqu'il propose - je le cite encore - « une suppression des capacités de traitement de l'information propres à TV5 et à Arte, qui feraient largement double emploi avec celle de la chaîne. »
    Je tiens à m'insurger, avec les personnels concernés et des collègues de l'Assemblée nationale sur tous les bancs, contre cette entreprise de démolition arbitraire. Il faut engager une nouvelle concertation afin de réaliser un projet ambitieux, réaliste et respectueux de l'équilibre entre l'audiovisuel privé et l'audiovisuel public.
    Toujours dans ce domaine de l'audiovisuel, nous assistons à une dérive insupportable vers la télé marchande et la télé spectacle. Depuis les années 80, avec l'emprise croissante des logiques économiques libérales et de la publicité sur les médias audiovisuels, c'est au nom de l'Audimat que, désormais, on censure la télévision et la radio. Cette censure s'exerce au détriment des programmes à faible audience dont on considère qu'ils ne génèrent pas de grandes rentrées financières pour les chaînes.
    Ainsi, on élimine les émissions prétendument non populaires, pour ne pas dire populistes, ou on les rejette en fin de programme. Vous l'avez reconnu tout à l'heure, monsieur le ministre. La censure n'est, en effet, jamais aussi efficace que lorsqu'elle est ignorée. On peut aussi appeler cela la dictature de l'Audimat.
    Un bon moyen de contrecarrer cette dérive est de soutenir, de développer et de renforcer un pôle moderne de l'audiovisuel public. Or, malgré ce que vous avez annoncé, il n'en est rien. Pourquoi ne pas réfléchir à la création de sociétés de téléspectateurs et d'auditeurs qui seraient consultées sur les programmes, voire sur les orientations de gestion ? N'oublions pas que l'audiovisuel doit rester la propriété sociale des citoyens. La démocratie, me semble-t-il, a tout à y gagner.
    Les chaînes généralistes ont perdu 10 % de leurs téléspectateurs. Affaiblir le pôle audiovisuel public, c'est empêcher et disqualifier la production publique intégrée et encourager l'externalisation de cette production. Les pays qui ont fait le choix d'une politique de service public fort ont aussi une production intégrée forte : 53,5 % en Allemagne, 62,1 % au Royaume-Uni contre seulement 13,4 % en France, ce qui place la production indépendante privée à 86,6 %.
    Cette logique favorise les producteurs animateurs, les producteurs de fictions et de documentaires, d'ailleurs grands utilisateurs d'intermittents. Vous comprendrez, monsieur le ministre, que je ne pouvais pas laisser passer ce débat sans dire deux mots sur ce sujet qui sera le dernier dont je traiterai dans mon intervention.
    Au lieu de morigéner le service public, on aurait tout intérêt à aller voir du côté du secteur privé où se cachent la plupart des abus et des fraudes. Les textes relatifs à l'assurance chômage des intermittents sont entrés en vigueur le 1er janvier 2004. Ils entraîneront l'exclusion de près de 25 000 professionnels de toute indemnisation du chômage et accentueront les inégalités entre ceux qui bénéficient de gros cachets et ceux qui connaissent plus de difficultés. En considérant les intermittents comme des privilégiés, le Gouvernement va non seulement priver ces artistes de la stabilité d'un revenu minimum, mais aussi affaiblir l'émulation et la diversité culturelle dont notre pays pouvait être fier.
    Comment peut-on raisonnablement parler de privilégiés quand on sait que plus de la moitié des professionnels du spectacle n'a pas accès à l'indemnisation du chômage et que la moitié des allocataires touchent moins de 15 euros par jour ? Leur statut approche dangereusement celui des intérimaires. Certes, ce régime a généré des abus. On dit même que les ASSEDIC sont devenues les sponsors des sociétés de production ! Quel cynisme !
    Aujourd'hui, il est urgent de défendre d'arrache-pied le statut d'intermittent tout en réfléchissant à ses évolutions souhaitables. Or ce gouvernement s'acharne sur le symptôme au lieu de s'attaquer aux racines du mal. Il a beau jeu, aujourd'hui, de proposer, de décerner un label de bonne conduite aux sociétés de production qui n'abusent pas des intermittents !
    Quelqu'un a pourtant dit qu'il fallait pourchasser les patrons-voyous.
    La ténacité et la détermination des intermittents sont remarquables. Au-delà de leurs revendications concernant la sauvegarde de leur régime d'assurance chômage, leur mobilisation doit nous inciter à réfléchir au statut de l'artiste et des techniciens et à la place de la création dans notre société. C'est de l'avenir et de l'indépendance de la culture en France, de la liberté de création et du développement de l'expression artistique, d'une certaine idée de la France et de l'exception culturelle française qu'il s'agit.
    Si vous n'écoutez pas l'opposition, monsieur le ministre, écoutez au moins les maires de France, les élus de proximité, parmi lesquels figurent nombre de vos compagnons politiques, dont certains siègent même sur les bancs de notre assemblée : n'appliquez pas l'accord sur l'intermittence, qui n'a été signé - je le répète une nouvelle fois - que par des organisations minoritaires au sein de la profession, qu'il s'agisse des salariés ou des employeurs, et renégociez ! Je suis d'ailleurs persuadé que si la loi de M. Fillon sur le dialogue social avait été votée plus tôt, cet accord n'aurait pas vu le jour.
    Pour conclure, je dirai qu'il faut préserver la possibilité pour tous les créateurs et pour tous les journalistes de s'exprimer, et laisser aux pouvoirs publics celle de les y aider. C'est un impératif de notre temps. L'audiovisuel et la presse ne peuvent être régis par les seules lois du marché. La défense du pluralisme des idées et des expressions artistiques impose une intervention publique régulatrice. L'importance de ces enjeux nécessite donc que l'on puisse mener des politiques culturelles et audiovisuelles volontaristes.
    La mondialisation libérale menace les identités culturelles et, si l'on n'y prend garde, elle engendrera une standardisation culturelle et l'uniformisation des comportements et des modes de vie. Il importe de promouvoir des valeurs et des références communes à l'ensemble de l'humanité, en s'appuyant sur les spécificités léguées par l'histoire, sur le respect des identités et sur la richesse de la diversité des cultures. Il sera en effet impossible de préserver les cultures nationales et régionales, ainsi que les acteurs, notamment économiques, qui en sont les vecteurs, sans politiques volontaristes pour créer un cadre favorable aux créateurs et aux journalistes.
    L'élagissement de l'accès à la culture et à l'information diversifiée, dans le contenu et dans la forme, en un mot leur démocratisation, sont tout autant nécessaires. La nature particulière des biens et services culturels et audiovisuels ainsi que ceux de la presse, doit dès lors être clairement reconnue, car ils véhiculent des idées, du sens.
    Vous ne serez pas étonné si je vous dis, après toutes ces remarques, monsieur le ministre, combien votre politique de l'audiovisuel et de la presse ne nous satisfait pas. Nous ferons toujours entendre notre voix dès lors qu'il s'agira de réfléchir à des solutions pour remédier à toutes les difficultés que je viens d'évoquer - et à d'autres dont je n'ai pas eu le temps de traiter - et de s'engager dans la voie de l'émancipation humaine.
    M. Alain Néri. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.
    M. Alain Joyandet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le secteur de la communication et des médias est en pleine évolution. Il a subi de profonds changements depuis le début des années quatre-vingt. Rappelons-nous quel était le paysage de l'audiovisuel à cette époque et ce qu'il est devenu.
    De profonds bouleversements sont également intervenus dans la presse écrite, avec l'apparition de très nombreux magazines thématiques et le tassement, voire le recul, de la presse d'information générale. L'émergence de l'Internet bouscule encore un peu plus les habitudes en offrant de nouvelles possibilités de communiquer sans passer par les médias traditionnels.
    Ces évolutions sont liées en grande partie aux nouvelles technologies appliquées aussi bien aux anciens qu'aux nouveaux médias. La modification des habitudes d'écoute et de lecture de nos concitoyens dépend directement de ces nouvelles offres qui arrivent sur le marché.
    Toute la difficulté résidera donc, dans les années à venir, dans le rythme et la manière avec lesquels les opérateurs et les pouvoirs publics vont pouvoir accompagner ces évolutions, en permettant la diversité, donc l'arrivée de nouveaux entrants, sans déstabiliser l'économie actuelle du grand secteur de la communication.
    De véritables défis sont devant nous, monsieur le ministre. Vous avez raison d'être ouvert aux évolutions, en même temps que vous êtes attentif aux difficultés que rencontrent de nombreuses entreprises de presse. En effet, il n'y a pas de pluralisme possible sans régulation, laquelle doit être exercée avec le discernement nécessaire, afin de permettre aux entreprises d'atteindre des volumes d'activité suffisants pour rivaliser avec nos concurrents, tout en évitant une concentration excessive, qui étoufferait forcément le pluralisme. Il s'agit en fait d'un véritable enjeu de démocratie ; vous l'avez rappelé.
    Cette mutation a été plutôt bien réussie dans le domaine de la radio. Il y a vingt ans, trois grands groupes se partageaient 100 % de l'audience. Aujourd'hui, ces groupes sont toujours bien vivants, mais de nouveaux entrants ont pu se faire une place. Nous ne sommes certes pas arrivés à un point d'équilibre parfait, mais un grand pas a été accompli sur la voie du pluralisme, même si l'on aurait pu souhaiter des évolutions législatives un peu moins brutales à certains moments, car elles ont eu pour conséquence de mettre en difficulté de nombreux nouveaux opérateurs de radio, ce que l'on peut regretter.
    S'agissant de la télévision, la mutation reste devant nous. La situation est un peu plus compliquée, car les moyens à mettre en oeuvre dans ce secteur ne sont pas comparables à ceux engagés pour la radio ; ils sont beaucoup plus importants. On peut toutefois en tirer certains enseignements pour l'avenir, notamment en ce qui concerne l'atomisation de l'audience en fonction de la diversité de l'offre. D'ailleurs, les mesures qui permettent d'établir des comparaisons entre les foyers qui ne reçoivent que les chaînes traditionnelles et ceux qui sont abonnés à des bouquets montrent bien la rapidité de l'évolution des habitudes des téléspectateurs.
    Cela doit donner matière à réfléchir dans la mise en oeuvre de la TNT, de la télévision par satellite ou encore de l'ADSL. Peut-être faudrait-il, monsieur le ministre, mettre au point une stratégie globale, car la mise en oeuvre de ces différents moyens de diffusion aura une conséquence directe sur l'évolution des audiences et, forcément, sur la structure économique des entreprises qui composent le paysage audiovisuel.
    L'ouverture aux télévisions régionales devra, pour être réussie, être opérée en collaboration avec la presse quotidienne régionale, afin de pouvoir réaliser des économies d'échelle et s'appuyer sur des structures économiques sérieuses, déjà existantes. A cet égard, l'idée, émise ces jours-ci, de pratiquer par étapes pour la mise en oeuvre de la TNT est peut-être intéressante. En tout cas, elle mérite d'être étudiée.
    S'agissant de la presse écrite, je salue la détermination du Gouvernement, qui maintient les aides à la presse, et son intervention en faveur de la diffusion, grâce au maintien dans le budget des fameux 290 millions d'euros destinés à La Poste. Le rapport confié à M. Paul sur ce sujet nous en dira un peu plus dans les mois à venir.
    Vous avez raison, monsieur le ministre, de souligner la prise de conscience de La Poste. Elle considérait auparavant ce travail comme une charge. Mais, si la presse n'était plus diffusée par La Poste, qu'en serait-il de cette dernière ? Les conséquences seraient sans doute très négatives.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Tout à fait !
    M. Alain Joyandet. Le groupe d'études que j'ai l'honneur de coprésider avec M. Françaix, ici présent, peut vous confirmer que les relations presse-Poste sont au centre des préoccupations des différents organismes représentant la presse française.
    La diffusion est un sujet sur lequel les professionnels réfléchissent. Les pouvoirs publics peuvent sans doute participer au redressement de cette diffusion, en aidant encore un peu plus les diffuseurs.
    S'agissant de la modernisation des outils de production, rendue nécessaire par les évolutions de l'ensemble du secteur, il y a lieu, là aussi, d'être très attentif. Les investissements très importants qui s'y rattachent devront trouver leur financement et leur équilibre, sous peine d'entraîner des concentrations supplémentaires, ce qui serait regrettable, alors même que le pluralisme a déjà disparu dans nombre de secteurs, en particulier dans la presse quotidienne régionale. Vous avez salué, monsieur le ministre, un certain nombre de titres de la PQR, mais il fut un temps où nous trouvions, dans chaque région, plusieurs titres. Or c'est une situation de monopole qui règne aujourd'hui dans un très grand nombre de régions françaises.
    Comme on le voit, l'ensemble du secteur de la communication va être touché par des évolutions qui, je le répète, dépendent beaucoup des technologies. Les besoins de nos compatriotes sont latents et se révèlent à l'occasion d'offres de services nouveaux auxquels ils adhèrent. Ils souhaitent toujours plus d'interactivité, plus de proximité, plus de choix. Paradoxalement, ils n'ont pas très envie de consacrer beaucoup de temps à la réflexion mais sont attirés par l'instantané et l'éphémère. C'est aussi un vrai sujet de société.
    Nous allons donc devoir, tous ensemble - et je vous sais, monsieur le ministre, très sensible à ces évolutions - résoudre ce qui ressemble fort à la quadrature du cercle. Dans un marché globalement constant, au sein duquel les habitudes de consommation évoluent relativement vite et où les technologies sont en perpétuel bouleversement, il nous revient de définir un cap qui permette le maintien de nos grandes institutions d'information dans leur diversité et leur pluralisme, tout en ouvrant le secteur à de nouveaux opérateurs dont le talent n'est plus à démontrer.
    Pour ma part, je me méfie, monsieur le ministre, du marché. Ses seules vertus n'assureront pas l'avenir du secteur. La régulation est indispensable, et c'est un rude exercice. Il s'agit souvent de concilier des intérêts privés opposés. Une de nos meilleures garanties de bon équilibre est sans doute de maintenir un secteur public fort. Je me réjouis de l'intelligence avec laquelle les dirigeants successifs de nos radios publiques ont anticipé l'évolution des besoins de nos compatriotes. Je regrette toutefois que notre télévision publique n'ait pas été aussi clairvoyante, aussi dynamique et aussi simple. Je note que c'est la radio publique qui a fait France Info, mais que ce n'est pas la télévision publique - hélas ! - qui s'est engagée dans les télés d'information en continu. Le privé l'a fait avant le public.
    M. Didier Mathus. C'est vous qui l'avez interdit !
    M. Alain Joyandet. France Télévisions aurait bien fait de s'inspirer de la stratégie de Radio France, même si les deux médias sont bien évidemment différents. Les organisations générales, à terme, se superposeront.
    Dans ce monde en perpétuelle évolution, nous n'avons aucun intérêt à compliquer encore plus l'environnement de nos médias.
    J'ai été très rassuré, monsieur le ministre, par les propos que vous avez tenus au sujet du texte que nous avons voté la semaine dernière. Je ne crois pas que créer un droit spécifique de l'Internet soit une bonne chose. Dans les différents secteurs économiques, une même entreprise aura forcément à terme des intérêts dans l'audiovisuel, qu'il soit national ou régional, dans la presse écrite et dans la communication en ligne. Nous avons donc tout intérêt dans l'avenir à rationaliser, à simplifier, à homogénéiser notre droit et nos organismes de tutelle ou de régulation. Il n'y a pas, d'un côté, les nouvelles technologies et, de l'autre, les médias traditionnels, mais il y a, d'un côté, les contenus et, de l'autre, les différents supports techniques de diffution ou de transmission.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Exactement.
    M. Frédéric Dutoit. Ce n'est pas cela Internet !
    M. Alain Joyandet. Les auteurs, quels qu'ils soient, seront confrontés, demain, à la multiplication des supports sur lesquels seront diffusées leurs oeuvres. Je pense aux journalistes mais aussi à tous les créateurs.
    Je me réjouis, monsieur le ministre, que l'homme de culture que vous êtes ait, à la suite du Président de la République, à nouveau affirmé son attachement au rayonnement de la France dans le monde. Je suis à ce sujet en parfait accord avec notre ami du groupe UDF, même si je peux être en désaccord sur la loi sur Internet.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Pas moi !
    M. Alain Joyandet. Dans le cadre du rayonnement de la France dans le monde, j'espère que le nouveau projet de chaîne internationale saura s'appuyer sur l'AFP, qui est une grande agence mondiale dont la France doit être fière et dont nous devons absolument sauver l'avenir.
    M. Michel Françaix. Donnons-lui les moyens !
    M. Alain Joyandet. Dans votre longue intervention, vous avez, monsieur le ministre, détaillé les actions du Gouvernement dans le secteur difficile de la communication où doivent se concilier tant de tendances contradictoires : la diversification des technologies en même temps que la globalisation des contenus, la diversification de la demande en même temps que la concentration des entreprises. C'est tout notre modèle culturel et notre organisation démocratique qui sont en jeu. Cela étant, personnellement, je ne crois pas au grand soir.
    M. Frédéric Dutoit. Moi non plus. (Sourires.)
    M. Alain Joyandet. Vous venez de rappeler les diverses facettes de votre action : elle est tout à la fois publique, attentive, dense, pragmatique, intelligente et engagée.
    Pour toutes ces raisons, le groupe UMP vous soutient et soutient le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Didier Mathus.
    M. Didier Mathus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons bien compris que le présent débat, voulu par l'UDF, venait souligner les inquiétudes créées par la confusion de la politique du Gouvernement dans le domaine des médias et de l'audiovisuel. Je ne suis pas sûr que l'intervention du ministre ait permis d'y voir beaucoup plus clair.
    Je suis d'accord avec M. Joyandet : lorsque l'on parle de média et d'audiovisuel, on parle de culture et d'information, et donc de démocratie. On ne peut donc s'en remettre aux forces du marché. Il faut une régulation publique forte qui soit l'expression d'une volonté collective.
    Force est de constater que, depuis maintenant bientôt deux ans que vous êtes au pouvoir, nous avons beaucoup de mal à voir clair dans votre politique en ce domaine. Notre vision est, au contraire, obscurcie par un enchevêtrement, un maquis d'amendements adoptés au gré de divers textes parlementaires sous la pression de lobbies aux intérêts parfois contradictoires.
    Quel pourrait être le rôle d'un gouvernement dans une démocratie moderne comme la nôtre pour assurer la régulation publique du secteur des médias ? Il devrait, selon moi, répondre à trois exigences.
    La première est de veiller au pluralisme, c'est-à-dire au pluralisme des messages et des éditeurs, à la multiplicité des opérateurs et à la transparence de leurs structures.
    La deuxième exigence est de moderniser et maintenir un pôle puissant qui constitue en lui-même un facteur d'équilibre dans le paysage audiovisuel et joue un rôle fédérateur dans la collectivité nationale en produisant de l'identité. Nous avons donc intérêt à protéger le pôle public et à lui donner les moyens de son développement.
    La troisième exigence est de consolider des groupes audiovisuels capables de porter le développement d'une industrie de la création en langue française.
    Force est de constater que, dans le domaine de la télévision, auquel je me tiendrai, pour ma part - Michel Français parlera de la presse écrite et Patrick Bloche évoquera d'autres aspects -, vous avez échoué sur ces trois points.
    Après trois ans de pouvoir, quel est votre bilan ? L'élan numérique du service public a été brisé, sa consolidation financière compromise. La télévision privée a sombré dans la plus extrême médiocrité avec l'invasion de la « télé-réalité ». La production française s'est affaiblie. En réalité, le seul fil conducteur apparent de votre politique - qu'il s'agisse de la télévision numérique ou de la chaîne internationale, sur laquelle je reviendrai tout à l'heure - aura été une promotion méthodique et appliquée des intérêts du groupe Bouygues, fût-ce au détriment, parfois, de la télévision publique. Tant d'ingratitude pourrait d'ailleurs surprendre au regard des efforts déployés par le tandem dirigeant de France 2 pour être agréable au Gouvernement ! Mais il est vrai que la dette de M. Chirac à l'égard du groupe Bouygues et du journal télévisé de TF 1, dette qui remonte au moins à la dernière campagne présidentielle, est de celles que l'on ne finit jamais de payer.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Honteux !
    M. Didier Mathus. J'évoquerai juste trois points.
    Le premier a trait à la télévision publique où force est de constater, là aussi, que les mauvais coups n'ont cessé de pleuvoir. Divers rapports de commande, de multiples tentatives de déstabilisation au fil de vos propres interventions, monsieur le ministre, ont tenté de déséquilibrer la télévision publique. Je rappellerai l'interdiction qui lui a été faite de développer une chaîne d'information en continu. Il serait assez saugrenu de le lui reprocher, monsieur Joyandet, alors que c'est votre gouvernement, votre majorité, qui l'en a empêché.
    M. Alain Joyandet. C'est faux !
    M. Didier Mathus. La France est le seul pays en Europe où le Gouvernement ait interdit à sa propre télévision publique de développer une chaîne d'information en continu, là encore pour encore protéger les intérêts de LCI et donc du groupe Bouygues.
    M. Alain Joyandet. C'est faux !
    M. Didier Mathus. Je rappellerai aussi quelques mesquineries budgétaires : la subtilisation du milliard de francs prévu pour le développement de chaînes numériques ou, plus simplement, l'impasse budgétaire de 8 millions d'euros au budget 2004 pour l'ensemble des organismes de l'audiovisuel public : aucun des budgets de ces organismes n'est aujourd'hui assuré. Le coup de grâce a été porté, il y a quelques semaines, avec la suppression de toute perspective de développement d'une chaîne nouvelle sur le numérique, interdisant ainsi de facto toute évolution à la télévision publique dans notre propre pays.
    L'acharnement contre celle-ci paraît parfois difficilement compréhensible. Je rappellerai certains faits que nous avons, sur ces bancs, dénoncés à plusieurs reprises.
    Depuis qu'un ancien membre du cabinet d'Alain Juppé dirige France 2, épaulé par l'ancien directeur de l'information de RTL, il ne s'est pas écoulé de mois sans que soit programmée une émission spéciale avec l'épouse du Président de la République, le ministre de l'intérieur, ou son épouse, au risque même de compromettre l'indépendance et l'autorité dont devrait au contraire faire preuve la télévision publique en matière d'information. C'est dire à quel point vous êtes ingrat, monsieur le ministre.
    Le deuxième point sur lequel je souhaite intervenir est la télévision numérique. Il n'y a pas de raison pour que seul le maillon de la diffusion échappe à la numérisation dans la chaîne de la production télévisée. Avec la loi d'août 2000, vous disposiez d'un cadre adapté pour lancer le numérique en France. Regardez l'exemple anglais. La réussite du numérique anglais - 120 000 décodeurs vendus chaque mois - s'est appuyée sur un modèle inspiré de la loi française, avec une offre centrée sur l'opérateur public anglais, la BBC.
    La télévision numérique est pourtant un bel enjeu démocratique. En permettant de multiplier les canaux, donc les opérateurs, à moindre coût pour le consommateur, elle assure le pluralisme et la diversité. C'est justement là que le bât blesse : ni TF 1, ni M 6 ne veulent qu'on touche à ce singulier paysage audiovisuel français qui fait de l'une - TF 1 - la chaîne la plus hégémonique de tous les pays démocratiques, avec plus de 50 % du marché publicitaire à elle seule, et de l'autre - M 6 - la chaîne télévisée la plus rentable du monde.
    Tout a été fait pour retarder et compromettre le lancement du numérique hertzien. Vous avez, monsieur le ministre, au nom du Gouvernement, rempli cette mission sans faillir.
    Le passage de cinq à sept chaînes par groupe prévu par le projet de loi sur la communication électronique empêchera in fine toute remise en cause de la situation exorbitante de ces deux opérateurs si, malgré tous vos efforts, le numérique hertzien parvenait enfin à voir le jour.
    Je dirai quelques mots des conséquences du retrait du groupe Suez dans l'audiovisuel français. Je regrette que l'on n'en parle pas plus. Après la décision du CSA, le Gouvernement ne peut pas s'en laver les mains. On ne voit pas ce qui va empêcher le groupe allemand Bertelsmann, qui contrôle déjà la première radio généraliste française, de prendre le contrôle effectif de M6. Mais la question de Paris Première est également posée. Alors que les opérateurs français n'ont pratiquement aucune possibilité de s'implanter en Allemagne, le contrôle de Paris Première par un groupe allemand serait tout de même une étrange gageure dans notre paysage audiovisuel.
    Le troisième et dernier point que je veux soulever est la chaîne internationale, sujet sur lequel François Rochebloine, le méritant président de la mission parlementaire, sera certainement plus éloquent que moi.
    Comment commenter ce psychodrame ? On peut simplement constater que le Gouvernement a fait preuve d'un singulier mépris à l'égard du Parlement et même de sa propre majorité. Le rapport Brochand, qui, on l'a bien compris, n'était qu'un rapport de commande pour rétablir TF 1 dans le jeu, ouvre une perspective qui n'en est pas une. L'élimination des acteurs les plus pertinents de l'audiovisuel français dans le domaine extérieur que sont TV 5, RFI, Canal Plus et l'AFP, l'alliance à cinquante - cinquante entre deux groupes qui ont des cultures incompatibles - alliance qui s'apparente au mariage de la carpe et du lapin -, le cadeau insensé fait à LCI de verrouiller la diffusion sur le territoire national, le tout financé exclusivement par l'argent des contribuables pour le plus grand bénéfice de TF 1, nous poussent, vous en conviendrez, à nous interroger sur les motivations du Gouvernement.
    Quant au budget prévu, il s'élève à 70 millions d'euros ! Rappelons pour mémoire que celui de BBC World est de 600 millions d'euros. Je ne vois pas comment, avec cet argent qui de toute façon n'existe pas aujourd'hui, on arrivera à fabriquer une chaîne internationale digne de ce nom.
    Après ces quelques exemples de ce qu'a été votre politique - difficilement lisible - dans le domaine de l'audiovisuel, je me tournerai, pour conclure, vers Pierre-Christophe Baguet, qui travaille depuis plusieurs années sur ce secteur. Il a eu beaucoup de bonnes idées mais il vient d'en avoir une moins bonne, celle des fréquences uniques de radio. Cela me paraît, au-delà des apparences, une fausse bonne idée. Les radios généralistes n'ont pas besoin du Parlement pour faire leur promotion et pour se protéger. Il reste peu de choses aujourd'hui de l'élan lyrique qu'a constitué la FM dans les années 80, avec cette aspiration à la diversité, à la liberté d'expression. Ne portons pas le coup de grâce à ce qu'il en reste, avec des fréquences uniques qui formateraient définitivement la bande FM, et refuserait tout espace aux radios indépendantes, associatives, à vocation culturelle, et à toutes celles qui assurent un minimum de liberté sur la bande FM. Il faut renoncer à cette mauvaise idée, parce qu'elle ne va pas dans le sens de la protection des libertés, qu'il est de notre rôle d'assurer. En effet, lorsqu'on parle de communications, on pense d'abord liberté de la communication.
    Pour toutes ces raisons, à la différence du groupe UMP, le groupe socialiste ne soutient pas du tout votre politique, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Patrick Bloche. Très bien !
    M. Dominique Richard. Cela nous rassure !
    M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.
    M. François Rochebloine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis tout particulièrement de l'initiative de notre groupe UDF et, à mon tour, je remercie notre président Hervé Morin d'organiser un débat sur la politique de l'audiovisuel. Celui-ci devrait permettre à la représentation nationale de connaître la position du Gouvernement sur un sujet important pour notre pays, le projet de chaîne française d'information continue à vocation internationale, qui semble aujourd'hui très controversé.
    Lancé par le Président de la République lors de la campagne présidentielle, ce projet a motivé la création, en décembre 2002, d'une mission d'information commune aux commissions des affaires culturelles et des affaires étrangères. Cette mission a remis en mai dernier un rapport assorti de propositions précises, adoptées - fait exceptionnel dans un domaine aussi sensible que celui de la politique audiovisuelle - à l'unanimité des groupes composant notre assemblée. Ce rapport préconise la création d'un groupement d'intérêt public, regroupant l'ensemble des opérateurs publics - France Télévisions, RFI, RFO, Arte France, l'AFP, TV 5, CFI - tout en étant ouvert, sur la base du volontariat, aux groupes privés qui souhaitent contribuer à la future chaîne, par la mise à disposition de programmes, de personnels, ou de capacités de diffusion.
    Un tel schéma opérationnel aurait le double mérite de mutualiser les moyens existants et d'éviter d'ajouter une nouvelle structure dans le secteur de l'audiovisuel extérieur, dont les financements et la tutelle, partagés entre le ministère des affaires étrangères et celui de la culture et de la communication, manquent singulièrement de cohérence.
    Pourtant, à ce jour, l'exécutif n'a donné aucune suite à ce rapport, fruit du travail accompli par les parlementaires issus des différents groupes, et notamment par le rapporteur, mon collègue et ami Christian Kert. En revanche, il a demandé à l'un des membres de la mission d'information commune de faire de nouvelles propositions, qui ont été rendues publiques en septembre dernier. Pour ma part, et je sais que ce point de vue est très largement partagé au sein de cette assemblée, je considère qu'une telle désinvolture à l'égard du Parlement n'est pas acceptable. Ce n'est pas ainsi que l'on revalorisera son rôle !
    Inacceptable également le contenu de ce rapport, pourtant approuvé par le Premier ministre dès sa parution. Il prévoit, en effet, de constituer une société détenue à 50 % par TF 1 et à 50 % par le groupe France Télévisions, tout en étant intégralement financée par le contribuable. Le président de cette chaîne serait directement nommé par les deux actionnaires, sans intervention du CSA, qui n'aurait par ailleurs aucun pouvoir de contrôle sur la chaîne. Plus étonnant encore, la chaîne ne serait pas diffusée en France ! Ce dernier point ayant suscité de nombreuses réactions, l'idée de diffuser en France les seuls modules en langue étrangère a même circulé. Un tel projet s'explique davantage par le souci d'éviter toute nouvelle concurrence dans le secteur de l'information continue française que par la volonté de mettre en place un nouvel outil de référence dans le domaine de l'information internationale.
    Les promoteurs de ce projet mettent en avant la plus grande crédibilité et la plus grande indépendance dont jouirait une société audiovisuelle privée. Un tel argument est tout simplement désobligeant vis-à-vis des journalistes du service public. Il ne résiste par ailleurs pas aux faits. Il suffit, en effet, de comparer la couverture du conflit irakien par CNN, chaîne privée, et par la BBC, chaîne publique, pour se convaincre que le caractère privé d'une chaîne d'information ne suffit pas pour assurer son indépendance. De plus, il est pour le moins curieux que le schéma retenu exclue du tour de table les seuls opérateurs existants ayant une véritable expérience de l'information internationale : RFI, TV 5 et CFI.
    Par ailleurs, aucune chaîne d'information continue internationale, y compris CNN, n'est actuellement bénéficiaire, faute d'un marché publicitaire suffisant. Pour cette raison, nos voisins britanniques, avec BBC-World, et nos voisins allemands, avec Deutsche Welle, ont confié l'information internationale à des opérateurs publics. La chaîne Al-Jazira, basée au Qatar, qui est devenue la chaîne d'information de référence du monde arabe, est elle-même majoritairement financée par des fonds publics.
    Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, dans notre pays, dès lors qu'une mission d'intérêt général est majoritairement financée par des fonds publics, elle relève du service public. Or le schéma actuellement retenu ignore ce principe, la future chaîne étant suffisamment publique pour être financée par le contribuable, mais suffisamment privée pour échapper au contrôle du CSA et ne pas être diffusée en France ! Plus grave, la fourniture de programmes par les sociétés actionnaires donnerait lieu à une rémunération. Un tel montage est manifestement incompatible avec le droit de la concurrence, puisque l'actionnaire privé bénéficierait ainsi d'un financement public.
    Je m'étonne, en outre, que la composition du capital de la future société n'ait pas donné lieu à un appel d'offres, conformément aux dispositions de la loi du 29 janvier 1993 qui assure la transparence des délégations de service public.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Très bien !
    M. François Rochebloine. J'aimerais, monsieur le ministre, connaître la position du Gouvernement sur ces deux points.
    A vrai dire, mes chers collègues, le projet de future chaîne d'information internationale, dont nous reconnaissons tous la nécessité, est bien mal parti.
    M. Patrick Bloche. Le fait du prince !
    M. François Rochebloine. Alors que la future chaîne est censée démarrer ses programmes à la fin de l'année, aucun crédit n'a été dégagé par la loi de finances pour 2004. Elle nécessite au bas mot 70 à 80 millions d'euros par an pour fonctionner et le coût de chaque module en langue étrangère est de l'ordre de 15 millions d'euros.
    La décision récente d'interrompre brutalement la diffusion de France 2 dans le nord de l'Italie et l'arrêt de la diffusion de CFI-TV à compter du 31 décembre dernier soulignent la faiblesse des marges budgétaires dont disposent les pouvoirs publics. Le contraste avec les ambitions affichées n'en est que plus cruel.
    Pour toutes ces raisons, j'ai récemment déposé une proposition de loi reprenant les conclusions de la mission d'information commune qui avaient été adoptées, dois-je le rappeler, à l'unanimité des groupes. En quelque sorte, c'est la proposition de loi de cette mission commune.
    Ce texte donne un statut clair à la future chaîne, en consacrant explicitement son indépendance et sa mission d'intérêt général. Dans le même temps, il vise à clarifier la tutelle de l'audiovisuel extérieur, aujourd'hui partagée entre Matignon, le Quai d'Orsay et le ministère de la culture et de la communication. A cette fin, il propose de créer un haut conseil de l'audiovisuel extérieur, chargé de définir les grandes orientations stratégiques de ce secteur.
    J'aimerais connaître la position du Gouvernement sur cette proposition de loi, dont l'examen rapide par le Parlement serait de nature à relancer, sur des bases consensuelles, un projet essentiel pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française, du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Alain Joyandet. Quelle collusion !
    M. le président. La parole est à M. Christian Kert.
    M. Christian Kert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Pierre-Christophe Baguet nous a donné plusieurs raisons qui justifient un tel débat, et je suis content qu'il ne soit pas dans ses intentions de vouloir légiférer à nouveau en la matière. Je crois en effet, comme un grand nombre d'entre nous, je pense, ici, que parmi les maux dont peut souffrir notre paysage audiovisuel français, le trop-plein de réglementation n'est pas l'un des moindres.
    A force de vouloir protéger le cinéma, la presse, la création, les auteurs, la musique et tant d'autres domaines de la vie culturelle française, on aboutit à une charge législative et réglementaire, sur les chaînes publiques d'abord mais également sur les chaînes privées, suffisamment lourde pour que l'on puisse poser une question lancinante : lorsque l'on reproche à notre télévision de manquer parfois d'intelligence et de diversité dans sa programmation, ne le doit-on pas avant tout au poids des contraintes que l'on fait peser sur ce secteur ?
    Alors, débat, oui, monsieur Baguet, car la communication constitue un tel vecteur de société qu'il ne peut laisser les parlementaires indifférents, mais préparation d'un énième texte, non, car nous savons bien que ces textes aboutissent généralement à de nouveaux interdits au nom du droit, de la morale, ou de telle ou telle directive, à moins peut-être de vouloir simplifier ou tout simplement libéraliser certaines dispositions comme celles qui protègent le cinéma le mercredi soir, le vendredi soir, le samedi soir, le dimanche après-midi, alors que ce sont les télévisions qui, par leurs obligations, assurent probablement près de 50 % du financement des films.
    L'exception culturelle française, monsieur le ministre, a donc quelque ambiguïté. Obliger les chaînes à regrouper la diffusion des films sur trois soirs seulement de la semaine, et donc à voir leurs programmations se télescoper, ce n'est peut-être plus une solution d'avenir, la fréquentation des salles, qui continue à légèrement baisser, en témoigne. J'espère que, dans le cadre de la mission qu'avec M. le Premier ministre, vous venez de me confier, je parviendrai à proposer des pistes plus novatrices pour favoriser la création cinématographique.
    Dans ce débat, il y a un écueil à éviter, c'est de remettre gratuitement sur le tapis l'éternel problème de l'utilité du secteur public. Ou alors il nous faut répondre à une interrogation : qu'attendons-nous de différent de nos chaînes publiques que ne puissent apporter les chaînes privées ? Et gardons-nous de toute hâte dans notre jugement !
    La mémoire m'est toujours douloureuse au souvenir de mes interventions sur l'émission C'est mon choix. Pensant avec certains de mes collègues défendre la qualité de l'audiovisuel public, j'avais condamné un peu rapidement cette émission en affirmant qu'elle n'avait pas sa place sur une chaîne publique. Mal m'en a pris ! Les téléspectateurs, fanas, et nombreux à l'être, de cette émission se sont alors offusqués du fait qu'un parlementaire puisse refuser aux chaînes publiques le droit de divertir, même à petit prix.
    En fait, nous balançons en permanence ici entre plusieurs philosophies, souvent contradictoires, et nous continuons à nous interroger sur les critères de service public de l'audiovisuel. Quelles valeurs exactement doit-on retrouver sur les écrans publics que l'on ne retrouve pas sur ceux du privé ? Au moment où nous allons redéfinir les objectifs de la redevance en reformulant ses modes de perception, sujet qu'évoqueront tout à l'heure M. Martin-Lalande et M. Richard, il sera alors peut-être temps de dire ce que nous attendons des uns et des autres.
    Libérer les tensions économiques et réglementaires qui pèsent sur l'audiovisuel, c'est un premier chantier. Repenser l'utilité et la place de chacun des opérateurs en est un deuxième. Adapter le secteur à son temps en est un troisième. Et là, vous allez devoir corriger les erreurs du passé.
    Peut-on, en effet, dire qu'un ministre de la communication ait voulu, jusqu'à présent, favoriser la création de chaînes régionales et surtout locales ? Des tentatives, oui ; des projets de long terme, non. Et vous allez affronter une difficulté particulière par rapport à vos prédécesseurs : alors même que vous en appelez aux chaînes locales, ce dont nous vous félicitons, le CSA venant d'ouvrir le plan « Télés locales » en analogique à une dizaine ou à une douzaine de villes françaises, l'arrivée prochaine de la TNT, progrès technologiques obligent, favorisera certes tout d'abord quelques grandes chaînes, mais, immédiatement après, les locales. Comment allez-vous faire cohabiter ce démarrage à double détente qui risque de se solder par des difficultés pour les précurseurs que seront les utilisateurs de l'analogique, collectivités locales comprises ?
    D'autres intervenants que moi approfondiront le sujet de la TNT, notamment M. Hamelin, mais voilà déjà une difficulté qu'il vous faudra surmonter d'ici à 2006, délai raisonnable pour penser voir émettre les télés locales en numérique.
    Le sujet qui a déclenché chez nos collègues UDF cette volonté d'organiser un débat est peut-être la gestion du dossier de la chaîne internationale d'information en continu. Ce n'est pas vous faire offense, monsieur le ministre, que de dire ici que le fait de désigner un membre d'une mission parlementaire pour « revoir la copie » de ses collègues n'a pas été du meilleur effet, quelle que soit par ailleurs la qualité du collègue en question.
    M. Michel Françaix. C'est un euphémisme !
    M. Christian Kert. De fait, la solution à laquelle travaille actuellement le Gouvernement est éloignée de celle que nous préconisions dans la mission ad hoc. Défenseur ardent de ce travail parlementaire, François Rochebloine a tout à l'heure bien expliqué les choses. Pour autant, il vous faut réussir, car l'absence d'une telle chaîne internationale pour expliquer la position de la France est apparue tellement évidente lors du conflit en Irak que nous sommes nombreux à redouter que l'actualité ne repasse vite le plat. J'en vois, en ce qui me concerne, une première illustration avec le dossier ITER. Si les Américains persistent à soutenir le Japon contre le site français de Cadarache, on peut redouter qu'aucune chaîne dans le monde n'explique que ce choix, qui ne devrait s'effectuer que sur des critères scientifiques ou technologiques, ne serait en fait dicté que par des considérants politiciens.
    Les députés avaient imaginé une structure qui avait l'avantage, en conservant au secteur public une prééminence, d'associer tous les acteurs de l'audiovisuel qui s'intéressaient au projet. Il y avait, là, un respect des équilibres que nous persistons à penser important.
    Ce que nous voulons désormais à l'UMP, au-delà du débat tactique sur les critères de choix, débat maintenant dépassé, c'est une chaîne qui parle essentiellement, mais pas uniquement, le français, François Rochebloine l'a rappelé, et qui devrait donc adapter sa langue aux langues des régions du monde, c'est une chaîne dont la création participe à la remise en ordre de l'audiovisuel extérieur de la France, c'est, enfin, une chaîne qui ait les moyens car, compte tenu du retard que nous avons déjà enregistré et par le fait même que le marché est déjà très occupé, la chaîne française devra, pour percer, se battre avec des armes de poids.
    Nos collègues du groupe UDF souhaitaient probablement que ce débat colle à une certaine actualité du sujet. Ils sont servis avec le démarrage de la publicité pour les secteurs jusqu'à présent interdits. Ce ne sera peut-être pas la seule révolution de l'année, mais c'en est déjà une. En effet, depuis le 31 décembre minuit, l'interdiction qui empêchait la presse, l'édition et la distribution de faire leur publicité à la télévision est tombée, totalement pour la première, partiellement pour les deux autres. Le résultat ne s'est pas fait attendre. Dès les quatre premiers jours de janvier, soixante-dix-huit spots pour les titres de presse ont été diffusés sur des chaînes privées et une campagne dans le secteur public a commencé depuis le 10 janvier pour accompagner le lancement du supplément d'un grand quotidien parisien. En termes de liberté commerciale, le paysage audiovisuel français marque indéniablement un point. Nous vous le devons et nous imaginons qu'il vous a fallu un certain courage. M. Mathus, qui parlait tout à l'heure d'ingratitude, a été lui-même ingrat de ne pas le reconnaître !
    Peut-on évoquer le paysage audiovisuel français sans évoquer ses liens avec le CSA ? Non ! Instance de régulation souvent prise comme pilote, le CSA n'entend pas subir l'arrivée d'images venues de tous les coins du monde comme une entrave à sa mission, mais encore faut-il qu'il possède les réels moyens d'adapter cette mission aux évolutions du secteur.
    A cet égard, il existe un défaut dans le dispositif : la société Eutelsat, jadis publique, aujourd'hui pratiquement privée, profite d'une sorte de vide juridique qui l'autorise à diffuser une centaine de chaînes sur l'Europe dont certaines, en provenance du Moyen-Orient, posent de réels problèmes déontologiques tant à certains de nos partenaires européens qu'à nous-mêmes. Comme il s'agit d'une ancienne société du service public, très performante de surcroît grâce à son réseau satellitaire Hot Bird, un contrôle devrait être possible ; ce n'est pas le cas aujourd'hui. Un amendement à la loi de 1986, ou un dispositif particulier au règlement de cette société, est nécessaire. Il ne s'agit pas là d'empiler une réglementation supplémentaire, il s'agit réellement de se prémunir contre certaines chaînes qui pourraient représenter, plus que des abus, un véritable danger.
    Il serait paradoxal que nous fassions tant d'efforts pour assurer un équilibre entre les chaînes domestiques et que nous ne parvenions pas à contrôler des chaînes qui arroseraient notre territoire par la grâce d'une société trouvant son fondement dans le secteur public.
    Pour conclure, sans sombrer dans le scénario de catastrophe-fiction écrit et interprété tout à l'heure par M. Mathus, il est vrai que certains opérateurs s'inquiètent des conditions de la mise en place de la TNT, notamment du modèle d'organisation de l'offre, à commencer par la répartition des multiplex et le rythme de déploiement envisagé dont ces opérateurs redoutent qu'ils handicapent le démarrage de la TNT. Notre collègue Emmanuel Hamelin s'appliquera tout à l'heure à développer ces aspects, mais il y a là un rendez-vous dont vous savez l'importance, et mon groupe souhaite qu'il fasse l'objet d'une attention particulière de votre part. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Françaix.
    M. Michel Françaix. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, j'aurais pu vous parler du projet sans ambition de la chaîne d'information internationale, la voix de la France entre les mains de TF 1, qui n'a pas fait grand cas de la représentation nationale et qui va fragiliser TV 5 et RFI.
    J'aurais pu vous parler de la TNT, qui devait permettre l'éclosion de chaînes gratuites - elles seront presque toutes payantes -, l'éclosion de chaînes publiques - elles seront privées -, l'éclosion de chaînes locales - elles bénéficient de bien peu de considération de la part du Gouvernement -, l'éclosion de chaînes de nouveaux opérateurs : on privilégiera TF 1. Tout va très bien pour la TNT : début 2005, à peine 35 % des Français pourront y avoir accès. Reste à mettre au point le décodeur, le distributeur, les financements... Une paille !
    J'aurais pu vous parler de la réforme de la réception de la redevance, toujours reportée.
    Mais j'ai décidé de vous parler plutôt de la presse.
    La presse d'information quotidienne se porte mal, et cela a été signalé par un certain nombre de mes collègues. Le prix, les difficultés de distribution, le lectorat en perte de vitesse, la publicité en berne, l'AFP en crise, et maintenant l'autorisation des publicités liées à la grande distribution et l'édition à la télévision et la déferlante des gratuits vont évidemment accélérer la déstabilisation de la presse écrite.
    Monsieur le ministre, vous connaissez la fragilité de la presse quotidienne d'opinion : en Allemagne : 24 millions d'exemplaires, au Royaume-Uni : 18 millions, en France : 8,5 millions. Rapporté au nombre d'habitants, le taux d'achat est de 385 exemplaires pour 1 000 habitants en Grande-Bretagne, 346 en Allemagne, 180 en France. L'Allemagne a 350 titres, le Royaume-Uni, 109, la France, 87. Les recettes publicitaires des quotidiens allemands représentent 6 milliards d'euros, celles des quotidiens anglais 3,3 milliards, et celles des quotidiens français 1,5 milliard. La part du marché publicitaire consacrée à la presse quotidienne est de 32 % en Allemagne, 24 % au Royaume-Uni, 17 % en France. Le déclin rapide des quotidiens politiques a entraîné en cinquante ans la chute du tirage total de 12 millions à 8,5 millions de lecteurs.
    Le manque d'adaptation du réseau, la disparition de nombreux points de vente, le coût élevé des frais de production ont contraint la presse à augmenter le prix de vente des quotidiens, ce qui a pour conséquence la désaffection du public populaire et du public jeune, sensibles au prix de vente. La presse française est la plus chère d'Europe - en moyenne 1 euro, pour 0,60 en Angleterre, 0,75 en Allemagne - et, paradoxalement, elle est la plus aidée.
    La diffusion est l'un des maillons faibles de la presse écrite. Faillites, cessations d'activité, le nombre de points de vente ne cesse de baisser. Tout le monde constate la baisse de la diffusion de la presse quotidienne, la concurrence des journaux gratuits et la crise du marché publicitaire. En dix ans, 4 000 mille points de vente ont disparu en France sur un total d'environ 31 000.
    Outre les contraintes horaire - treize heures par jour, au moins six jours par semaine - , les diffuseurs doivent affronter l'explosion du nombre de produits à traiter : 3 000, avec pour corollaire une lourde gestion des stocks en raison du fort taux d'invendus. Un quart des journaux présents dans les points de vente n'a vendu aucun exemplaire.
    Paris compte 320 kiosques ouverts, mais 60 ont fermé en 2003, soit 20 % du parc. Une centaine de kiosquiers sont menacés de disparition, vivant en dessous du seuil de rentabilité. Seule la municipalité de Paris a pris en compte cette difficulté, monsieur le ministre.
    M. Patrick Bloche. Absolument !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Depuis M. Tiberi !
    M. Michel Françaix. Et je n'ai pas le sentiment que dans ce cadre-là, le Gouvernement ait vraiment voulu faire beaucoup d'efforts.
    Certains, évidemment, n'ont pas attendu la réforme du système pour trouver de nouveaux canaux de distribution. Le Parisien a créé sa propre société de distribution, et a aujourd'hui un solde positif qui atteint 800 nouveaux points de vente. C'est d'ailleurs pour cela que dans un marché exécrable, Le Parisien a résisté.
    Mais plus important peut-être, les gratuits. Lancés au printemps 2002, Métro et Vingt Minutes diffusent environ 800 000 exemplaires par jour. Ils touchent un lectorat délaissé par la presse quotidienne, des lecteurs jeunes, urbains, recrutés parmi les femmes et les classes moyennes.
    Il est vrai que le déficit de femmes dans le lectorat de la presse d'information est le résultat d'une spécificité bien française. Le droit de vote des femmes n'ayant été instauré qu'en 1945, il n'est pas étonnant que la presse d'information, garante de la démocratie, se soit constituée durant un siècle pour un problème exclusivement masculin. Féminisme et rajeunissement, la presse devrait sûrement mettre l'accent sur ces deux points si elle souhaite un renouveau des quotidiens en France.
    Paradoxalement, en redonnant le goût de la lecture de notre presse à des personnes qui avaient été laissées de côté par la disparition des grands quotidiens populaires, les quotidiens gratuits stimulent le marché de la presse. Mais ce phénomène des gratuits ne fait qu'amplifier une situation économique difficile que traverse le marché de la presse depuis quelques années, tant en termes de recettes publicitaires qu'au niveau du réseau de diffusion de presse. Ce sont maintenant les magazines qui sont à leur tour touchés par la concurrence des produits gratuits. Le premier gratuit mensuel consacré aux livres, Lectures pour tous, a été lancé jeudi 8 janvier, et distribué à 100 000 exemplaires. Un magazine hebdomadaire gratuit consacré au monde du sport et des loisirs a été lancé cette semaine. Le groupe Amaury planche sur le lancement d'un produit gratuit. La Socpresse s'apprête à lancer des quotidiens gratuits à Lyon et Lille, et travaille sur un projet parisien. J'aimerais bien sûr connaître la position du Gouvernement sur tout cela.
    Cette presse d'information gratuite, qui trouve son lectorat et sa crédibilité, d'autant plus qu'elle est réalisée par des journalistes professionnels, à partir des agences de presse, doit-elle, monsieur le ministre, entrer dans le domaine de la presse d'opinion ou dans celui du prospectus commercial ? Est-ce que ce type de presse a pour finalité de servir de réceptacle à la publicité payante, ou attire-t-elle de nouveaux lecteurs qui n'auraient jamais lu de presse quotidienne traditionnelle ? Sommes-nous dans le domaine de la presse d'opinion ou dans celui du prospectus commercial qu'il faut taxer ? Voilà des questions auxquelles j'aimerais que, dans un débat comme celui-ci, le ministre puisse répondre. Mais il est vrai que c'est peut-être moins facile que de sortir d'un discours certes intéressant, mais tout de même un peu convenu.
    La presse quotidienne traditionnelle est lue en Ile-de-France par 3,5 millions de personnes, la presse gratuite par 1,5 million de lecteurs : les deux tiers ont moins de trente-cinq ans, alors que les deux tiers du lectorat de la presse traditionnelle ont plus de trente-cinq ans. Eh oui, le phénomène de gratuité est devenu naturel pour les jeunes générations. Et cette presse reprend sous forme écrite le style oral de France Info, ou le format visuel de LCI ou des Six Minutes de M 6.
    S'agit-il de la presse de notre époque - information concise, variée, tonique, d'accès facile, qui séduit les jeunes, comme le dit Philippe Zagdoun -, ou faut-il considérer, comme je le pense et comme l'affirme Patrick Eveno, que l'information ne peut pas être un produit gratuit ? L'information libre suppose l'existence de journalistes qui pratiquent la quête et la mise en forme des informations, tandis que des entreprises de presse assurent la rémunération des rédactions et le financement des coûts de production et de distribution.
    Et puis, depuis le 1er janvier, presse, édition et grande distribution ont désormais le droit de faire leur pub à la télé. Le supermarché Champion a prévu deux spots quotidiens sur sept chaînes du câble et du satellite. Déjà, le bimestriel L'Art de voyager diffuse un spot sur TF1 et - tout va bien ! - le livre Confidences royales a été promu sur Paris Première et LCI. Que vous le vouliez ou non, cette ouverture va précipiter la disparition d'éditeurs indépendants.
    Le durcissement de la concurrence exercée par les médias audiovisuels et par les journaux gratuits impose souvent à la presse écrite une refonte de son système économique, dont celui de la fabrication. Vous avez eu raison de le souligner. Mais considérer que le coût de la main-d'oeuvre est la seule cause des malheurs des journaux serait un contresens sur les causes réelles et sérieuses de la régression de la presse.
    Enfin, n'est-il pas paradoxal qu'on trouve beaucoup d'argent pour une chaîne de télévision internationale orchestrée par TF 1 et qu'on reste insensible aux besoins de l'AFP à l'international - au plan national, on fait ce qu'on peut -, alors qu'elle peut jouer un rôle capital dans l'influence de la France à l'étranger ?
    Décidément, tous ces dossiers ne peuvent être traités à la légère. Il paraît évident que si nous croyons à l'écrit, si vous croyez à l'écrit, monsieur le ministre, il faudra des aides sélectives et le courage d'aider davantage la presse d'opinion en laissant davantage la presse spécialisée aux lois du marché. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que vous ne pouvez pas toujours augmenter les aides, mais alors il faut faire des choix. Quand on aide tout le monde, vous le savez, monsieur le ministre, on n'aide personne. Est-il scandaleux de penser que dans l'intérêt de la démocratie, Le Monde et Le Figaro méritent plus que Paris-Turf et Automagazine ?
    Encore un mot : êtes-vous d'accord, monsieur le ministre, pour que la presse qui s'adresse à des consommateurs ne bénéficie pas des mêmes aides que la presse qui s'adresse aux citoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.
    M. Patrice Martin-Lalande. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aurais pu dire un certain nombre de choses sur la télévision, la radio et la presse écrite, mais je m'en abstiendrai puisqu'elles figurent dans mon rapport sur le budget de la communication. Je me limiterai à évoquer deux points.
    Le redevance, tout d'abord. Je veux redire ici qu'une vraie réforme de la redevance s'impose d'urgence. A cet égard, je vous rappellerai les conclusions du rapport que j'avais présenté au nom de la commission des finances en juillet dernier. Il est clair que la consolidation de la redevance en tant qu'imposition de toute nature, conservant l'essentiel de ses caractéristiques les plus critiquées et les plus critiquables, notamment le coût de recouvrement par un service spécialisé, avec des moyens de contrôle qui posent de véritables problèmes juridiques comme de principe, ne peut être considérée comme une solution définitive. La question ne sera susceptible d'être réglée qu'après une réforme beaucoup plus profonde, indiquais-je à l'époque, consistant à rapprocher la gestion et le recouvrement de ce nouvel impôt de ceux de la taxe d'habitation, sans bien sûr, il est important de le redire, faire de la redevance une taxe additionnelle à la taxe d'habitation. Il s'agit d'une collecte conjointe et non pas d'un impôt qui se rattache à un autre. Cette réforme, je le rappelle, permettrait de réaliser une économie de moyens significative, de l'ordre d'une centaine de millions d'euros par an - excusez du peu ! - et, éventuellement, de générer un produit supplémentaire pouvant atteindre 170 millions d'euros, compte tenu du niveau actuel de fraude à la redevance.
    Ce produit supplémentaire pourrait être utilisé de diverses manières, les besoins ne manquent pas : en réduction du déficit budgétaire - et là, les besoins sont grands ; en diminution du montant de la redevance unitaire ; en amélioration des moyens de l'audiovisuel public ; en réduction de la durée des écrans publicitaires. Il pourrait également être utilisé pour une prise en charge partielle du coût des décodeurs de télévision numérique terrestre s'il se révélait nécessaire de donner un coup de pouce.
    Cette vraie réforme de la redevance constitue un objectif majeur pour améliorer le financement du service public de l'audiovisuel comme pour la réforme de l'Etat, dont il serait une illustration particulièrement visible.
    Le Gouvernement a entériné ce point de vue lors de la discussion du budget 2004 et, monsieur le ministre, vous venez de rappeler son engagement.
    Je prends acte, avec satisfaction, de la volonté du Gouvernement d'engager rapidement la concertation avec le Parlement pour préparer la réforme de la redevance. Il y a en effet, monsieur le ministre, urgence à agir afin que les décisions soient prises dès ce printemps 2004 et que leur mise en oeuvre intervienne dès l'année 2005 dans de bonnes conditions. C'est important pour le financement du service public de l'audiovisuel - qui est l'objectif principal -, pour la situation des personnels du service de la redevance, qui sera nouvelle, et qui demande une préparation, une concertation, en prenant le temps qu'il faut, ainsi que pour la bonne compréhension de la réforme par les contribuables, en évitant toute confusion avec la fiscalité locale.
    Comme dans les lettres que je vous ai adressées, monsieur le ministre, ainsi qu'au ministre de l'économie et au ministre du budget, j'insiste sur l'absolue nécessité de tenir un calendrier très serré. Votre annonce d'un rapport confié à une personnalité peut être une chance pour lancer dès maintenant le travail du futur groupe de concertation sur la redevance. A mon sens, il faut que le Gouvernement désigne cette personnalité dans les prochains jours et lui donne clairement une double mission. La première devrait être de préparer, en un mois - les travaux préparatoires sont nombreux, y compris ceux émanant du Parlement -, le document qui servira de base de travail au groupe de concertation que vous allez mettre en place. La deuxième mission qui devrait être confiée à cette personnalité, c'est d'être le rapporteur de ce groupe de concertation pendant les quelques semaines ou quelques mois de travail nécessaires, et ce dès sa première réunion, laquelle devrait avoir lieu, à mon sens, avant la fin du mois de février prochain. Il y a véritablement urgence.
    Si une autre solution était retenue, elle serait préjudiciable à la réforme de la redevance car elle brouillerait les intentions du Gouvernement, qui souhaite s'appuyer sur le travail parlementaire et sur la concertation avec les représentants des deux assemblées, et elle retarderait la décision en rendant plus problématique une application en 2005.
    Un mot sur la redevance 2004, monsieur le ministre. Selon les prévisions inscrites dans la loi de finances, il manquerait autour de 8 à 10 millions d'euros, sur un produit total de 2,5 milliards d'euros de redevance, y compris la compensation. Pour améliorer le recouvrement de la redevance dans l'année, il faut poursuivre l'effort d'information, et d'abord sur son utilité, dont beaucoup de nos concitoyens ne sont pas fondamentalement convaincus.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Tout à fait !
    M. Patrice Martin-Lalande. Je crois que l'initiative prise par France Télévisions avec l'émission « C'est dans l'air », conduite par Yves Calvi, à laquelle Didier Mathus et moi-même avons eu le plaisir de participer aux côtés du président de France Télévisions, a été un exemple intéressant de sensibilisation à l'utilité de la redevance. Il faut poursuivre ce travail par tous les autres moyens, pour mieux asseoir la légitimité de la redevance dans la tête de nos concitoyens.
    Il faut aussi montrer la volonté de poursuivre la lutte contre la fraude avec les nouveaux moyens qu'apporte le fait que la redevance est, depuis ce 1er janvier, une taxe fiscale.
    Si par malheur, malgré la mise en place de ces moyens de pédagogie et de lutte contre la fraude, la collecte n'était pas meilleure que la prévision, il faudrait, monsieur le ministre, que le Gouvernement s'engage à assurer le complément de ressources publiques indispensable au service public, c'est-à-dire à respecter les 3 % d'augmentation qui sont prévus et qui, d'ailleurs, ont fait l'objet, pour l'essentiel, d'engagements du Gouvernement dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens. Le Gouvernement est-il prêt à prendre cet engagement dans le cas où la collecte manquerait, de quelques millions d'euros, son objectif ?
    Deuxième point que je souhaitais aborder : il y a une certaine contradiction entre le financement contractualisé du service public, avec les contrats d'objectifs et de moyens, et le vote par le Parlement, chaque année, des ressources destinées à financer ce service public.
    La transformation de la redevance, taxe parafiscale dont le taux et l'assiette étaient jusqu'alors fixés par décret du Gouvernement, en imposition classique dont tous les éléments sont soumis au Parlement, y compris l'évolution du barème et de l'assiette, modifie très sensiblement, en effet, les modalités et le calendrier de détermination du produit de la nouvelle redevance, quel que soit son mode de recouvrement. La décision applicable l'année suivante ne sera en effet connue avec certitude qu'à compter de l'adoption du texte définitif, laquelle peut, en cas de recours constitutionnel contre la loi de finances, n'intervenir véritablement que le dernier ou l'avant-dernier jour de décembre.
    Jusqu'à présent, le Parlement se contentait d'adopter, selon un vote formel, le principe de l'évolution et du produit attendu et autorisait la poursuite de la perception de la taxe parafiscale incluse dans la liste des taxes parafiscales. Une première évolution était intervenue avec l'adoption de mesures d'exonération par la loi, à l'initiative de l'Assemblée nationale, mais elle n'était pas allée jusqu'à modifier le barème ou les modalités de recouvrement et de contrôle.
    Par ailleurs, l'engagement, au travers des contrats d'objectifs et de moyens, pris par le Gouvernement envers les entreprises de l'audiovisuel sur l'évolution des ressources publiques - essentiellement fiscales - qu'il leur garantit sur une période pluriannuelle longue, en contrepartie d'objectifs qualitatifs ou quantitatifs, cet engagement, donc, n'est pas contraignant pour le Parlement. Celui-ci conserve naturellement, en application de la Constitution, la liberté de ne pas consentir à cette évolution. La discussion à l'Assemblée nationale de l'article 20 dans la dernière discussion budgétaire du projet de loi de finances pour 2004, qui réforme le régime juridique de la redevance, constitue une illustration claire de cette difficulté. L'affectation d'une recette fiscale rend la difficulté plus évidente encore, même si elle n'en est pas la cause. Le financement par la budgétisation des crédits affronterait les mêmes difficultés potentielles.
    Plusieur solutions sont envisageables, notamment un débat présentant au Parlement les grands traits de la politique audovisuelle et les moyens à y consacrer - le débat d'aujourd'hui a pu être un début d'illustration de cela, mais il faudrait qu'il soit systématisé et se fasse en amont - ou la signature de contrats d'objectifs et de moyens prévoyant différents scénarios budgétaires, ou renégociés systématiquement chaque année. Tout cela, ce sont des solutions théoriques.
    Il pourrait également être envisagé une indexation automatique du barème de la redevance sur un indice à définir. Ce choix serait cependant peu compatible avec les prérogatives du Parlement en termes de fixation de taux d'imposition et pourrait de toute manière être néanmoins remis en cause chaque année en l'absence d'une stratégie claire et partagée quant à l'usage des fonds collectés. Par ailleurs, rien n'indique que l'indice, même choisi avec discernement, augmenterait suivant un rythme cohérent, dans le temps, avec les besoins de l'audiovisuel public.
    Une autre solution, plus ambitieuse, associant plus étroitement le Parlement, me semble devoir être retenue : l'instauration d'une discussion pluriannuelle des moyens de l'audiovisuel public, incluant le produit attendu, voire la fixation des barèmes pour la durée du contrat d'objectifs et de moyens. Cela permettrait au Parlement, en cas de difficulté majeure, de revenir, année après année, sur les choix opérés. Cela permettrait aussi de faire en sorte que le Gouvernement et le Parlement prennent un engagement à échéance pluriannuelle, ce qui donnerait à ces contrats d'objectifs et de moyens toute leur dimension.
    Voilà quelques remarques et propositions que je voulais faire sur ce problème du financement du service public de l'audiovisuel, dont on sait qu'il constitue un enjeu très lourd, défi que le Gouvernement et le Parlement sont prêts à relever. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Dominique Richard.
    M. Dominique Richard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis dix-huit mois, on assiste à une multiplication de prises de position, de rapports, qu'ils soient commandés par le Gouvernement ou qu'ils soient d'initiative parlementaire, de textes législatifs ou réglementaires, de transpositions de directives européennes, de décisions de justice, que sais-je, qui tous contribuent à une modification profonde du large secteur de la communication, modification dont la cohérence d'ensemble n'est pas toujours facile à cerner.
    De ce point de vue, et au début d'une année qui s'annonce riche en ce domaine, il est tout à fait opportun de prendre aujourd'hui le temps de la réflexion. Les sujets sont nombreux, et en raison du temps qui m'est imparti, vous me permettrez de limiter ma contribution aux principales questions touchant à l'audiovisuel.
    Il est en effet indispensable que nous nous interrogions sur les missions de notre audiovisuel public, non pas du seul point de vue financier, mais en prenant en compte la place du service public dans le paysage audiovisuel français.
    Il faut réaffirmer l'existence d'un périmètre clair et ambitieux pour les chaînes publiques, afin qu'elles apportent une autre tonalité et un contenu spécifique, différent de ce que font les chaînes privées, ce qui seul justifie l'origine des fonds perçus.
    La question des recettes est intimement liée à celle des contenus et dissocier les deux aspects serait, de mon point de vue, une erreur fondamentale. La redevance se trouve contrainte de disparaître, au même titre que les autres taxes parafiscales. C'est pourquoi la loi de finances pour 2004 a introduit une disposition transitoire, dans l'attente, pour 2005, d'une réforme. Au-delà de la seule technique de recouvrement, je souhaite que l'excellent rapport de notre collègue Martin-Lalande soit le guide et le pivot de la réflexion du Gouvernement et du Parlement à ce sujet.
    Ne nous focalisons pas exclusivement sur l'aspect financier, mais posons-nous la question de savoir si nous donnons à notre service public les moyens de nos ambitions, sans le livrer à la seule pression publicitaire. Nous avons l'une des plus faibles redevances d'Europe : comment demander alors au service public de prendre certains risques, par exemple en s'engageant plus encore dans la voie des préconisations du rapport Clément ?
    La problématique du financement est importante, car il s'agit également de notre capacité à encourager une production audiovisuelle française de qualité, propre à faire rayonner notre culture et, surtout, capable de se distinguer des programmes trop formatés et bon marché.
    Or la production audiovisuelle française connaît des difficultés, à la fois conjoncturelles et structurelles. Ainsi, les derniers chiffres de vente à l'export des programmes français en général, et d'animation en particulier, indiquent une baisse inquiétante pour 2002. Par ailleurs, d'un point de vue structurel, le marché des producteurs souffre de son hyperconcentration, puisque 8 % des sociétés réalisent 50 % des productions.
    Certes, les professionnels dressent de l'année passée un bilan malgré tout « globalement positif », mais leur situation financière demeure fragile. Il nous faut donc trouver les moyens d'encourager notre production, à l'instar du crédit d'impôt voté récemment. Cette mesure est saluée par bon nombre de professionnels, mais elle reste aujourd'hui réservée au cinéma. Il faut élargir ce dispositif à la production audiovisuelle, tout comme il faudra aller encore plus loin dans la lutte contre la délocalisation des tournages et de la postproduction. Les velléités des services de la Commission européenne ne sont pas de nature à nous rassurer de ce point de vue et vont à l'encontre du nouveau dispositif que vous avez lancé pour soutenir les tournages en région. Nous aimerions en savoir plus sur la position du Gouvernement, notamment sur l'impérieuse nécessité de ne pas disjoindre la chaîne du cinéma.
    Parallèlement, la notion d'oeuvre audiovisuelle a fait couler beaucoup d'encre en 2003. L'arrêt Popstars a permis de prendre conscience qu'en parfaite conformité avec le décret de 1990, des chaînes pouvaient bénéficier de soutiens financiers publics pour des émissions relevant davantage des critères de la « télé-réalité » ou de simples émissions de plateau. Si cette question n'est pas rapidement réglée, cela ne sera pas sans conséquences pour l'avenir de la création en France.
    La réflexion sur la redéfinition de l'oeuvre a été engagée par votre ministère et par le CSA, en lien avec les professionnels. Pouvez-vous, monsieur le ministre, informer la représentation nationale de l'état de la réflexion en la matière ? Il me semble en effet urgent de parvenir à une nouvelle définition, garantissant pleinement que les fonds publics soutiennent bien des productions relevants de critères précis de création.
    M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !
    M. Dominique Richard. Il en va d'une certaine morale et de la vitalité de notre diversité culturelle, à laquelle le Président de la République a rappelé son attachement devant l'UNESCO il y a quelques semaines.
    Il conviendrait également que soit menée une réflexion particulière sur les difficultés que rencontre le secteur de l'animation, si talentueux en France. Les programmes destinés à la jeunesse, et au public familial d'une manière générale, doivent tenir une place de choix dans les grilles de programmation de l'audiovisuel public. Une étude récente a d'ailleurs montré que la TNT anglaise devait, en partie, son succès commercial au lancement de deux chaînes publiques s'adressant à la jeunesse.
    Cet exemple doit aussi nous pousser à donner à la TNT française tous les ingrédients du succès. L'enjeu est majeur en matière d'accès à l'information, à la culture et au savoir, puisqu'il s'agit d'offrir à tous les foyers un bouquet minimum de quinze chaînes gratuites, soit trois fois plus qu'aujourd'hui.
    Le lancement imminent de la TNT n'est-il donc pas l'occasion de perfectionner notre système d'aides et de quotas de production ainsi que de diffusion de programmes d'origine française et européenne ?
    Dans cet esprit, ne pourrait-on pas prévoir un mécanisme d'encouragement financier en direction des chaînes pour les inviter à aller au-delà des exigences minimales fixées par les contrats d'objectifs et de moyens ? Par exemple, une part du produit de la redevance ne pourrait-elle être réservée pour verser une sorte de prime aux diffuseurs qui dépasseraient leurs obligations en matière de diffusion d'oeuvres françaises ou européennes ? D'une certaine façon, cela reviendrait à préférer la carotte au bâton.
    Ces enjeux sont majeurs pour notre pays, monsieur le ministre. Ils exigent une entière mobilisation et une grande ambition. Il y va de la capacité de notre audiovisuel à se moderniser et de la diversité culturelle à s'affirmer. Il y va aussi de la capacité du service public à toujours mieux remplir les missions que la communauté nationale lui a confiées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Emmanuel Hamelin.
    M. Emmanuel Hamelin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le large débat qui s'est engagé dans notre assemblée, à l'initiative de M. Baguet - et je l'en remercie -, nous a permis d'aborder plusieurs sujets. Pour ma part, je n'interviendrai que sur celui de la télévision numérique terrestre.
    La technologie numérique est en train de bouleverser notre quotidien. Si la TNT connaît un déploiement massif, le numérique a révolutionné des domaines aussi divers que la photographie, le courrier électronique ou encore la vidéo.
    La TNT, qui consiste à transmettre des programmes télévisés sous forme d'un signal numérique à partir d'émetteurs placés au sol, a vocation à convertir très prochainement au numérique la télévision hertzienne, qui, jusqu'à présent, permettait de transmettre les grandes chaînes télévisées sous forme d'un signal analogique terrestre.
    Ce nouveau mode de diffusion présente des avantages considérables. Il est la garantie d'un élargissement de l'offre, notamment publique, qui permettra de passer de cinq à dix-neuf chaînes gratuites, dont deux ou trois chaînes locales. Je souligne cela pour rassurer M. Françaix qui semblait inquiet à ce sujet.
    M. Michel Françaix. Je le suis encore !
    M. Emmanuel Hamelin. Je parle du nombre des chaînes gratuites, mon cher collègue.
    La TNT va également permettre d'établir une dynamique chez le téléspectateur en raison de la place importante qui sera faite à l'interactivité. En effet, le téléspectateur devient actif devant son téléviseur en ayant accès au guide des programmes et à différents services à la carte.
    La TNT offre, outre une qualité de l'image et du son exceptionnelle et un accès au « home cinéma », une simplicité de réception et d'utilisation.
    Au-delà de ces avantages directs pour le téléspectateur, la TNT constitue un atout économique certain et évident, ce qui ne sera pas sans effet sur les télévisions locales dont a parlé Christian Kert. La télévision numérique permettra en effet d'abaisser les coûts de diffusion par rapport à ceux de l'analogique, grâce notamment à l'harmonisation des techniques de diffusion et à la compression numérique. Cette mutation technique a engendré des capacités supplémentaires permettant aux opérateurs de proposer des chaînes de complément ou de multidiffuser leurs programmes.
    La TNT permettra finalement aux téléspectateurs de bénéficier d'une offre de plus de trente chaînes en qualité numérique.
    Malgré tous ces avantages, le temps n'est pas très éloigné où certains, y compris dans nos rangs, prédisaient un destin sombre à la télévision numérique terrestre. Il est vrai, n'en déplaise à M. Mathus, que nos prédécesseurs avaient su alimenter cette idée en commettant un certain nombre d'erreurs stratégiques et en fixant un calendrier irréaliste à l'époque : ils avaient, par exemple, omis de prendre en compte les délais de construction des réseaux de diffusion numérique et sous-estimé l'ampleur des réaménagements préalables des fréquences analogiques.
    Aujourd'hui, qu'en est-il ? Le Gouvernement, à la suite de la remise d'un rapport complémentaire de Michel Boyon sur la télévision numérique terrestre, a annoncé qu'il préfinancerait à hauteur de 32 millions d'euros les réaménagements ponctuels des fréquences analogiques, préfinancements qui seront remboursés en cinq ans par les chaînes numériques et sans intérêt.
    En conformité avec le calendrier que proposait Michel Boyon dans son rapport, le CSA a, le 19 décembre dernier, annoncé que la phase de lancement de la TNT aura lieu entre le 1er décembre 2004 et le 31 mars 2005. Celle-ci concernera, dans un premier temps, 40 % de la population, le taux de couverture devant atteindre 60 % en 2005, avec un objectif final de 85 %.
    Toutefois, le déploiement de la TNT n'est pas propre à la France. Cette technologie se développe partout en Europe mais également aux Etats-Unis ou au Japon, où l'on annonce de très nombreux plans d'arrêt de la télévision analogique.
    En Grande-Bretagne, la TNT, après avoir connu des débuts difficiles, est aujourd'hui en plein développement avec plus de 2 millions de foyers connectés. Ce développement, on le constate également en Suède, en Finlande, aux Pays-Bas et en Allemagne, où la ville de Berlin est passée en un an au tout numérique.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Tout à fait !
    M. Emmanuel Hamelin. Une telle évolution est symptomatique d'une volonté européenne de mettre en oeuvre ce nouveau mode de diffusion avec des modalités adaptées aux spécificités des différents paysages audiovisuels européens. Elle confirme également, s'il en était besoin, la légitimité de la France à vouloir développer le numérique terrestre, malgré quelques détracteurs qui s'évertuent à en ralentir l'application.
    Cependant, dans ce contexte favorable, deux problèmes restent encore à résoudre. Le premier concerne la distribution commerciale des offres de la TNT, un problème que les éditeurs doivent régler eux-mêmes - et je ne doute pas de leur capacité de le faire. Le second est relatif à l'application du principe du must carry, Patrice Martin-Lalande a d'ailleurs déposé récemment un amendement à ce sujet, auquel je suis favorable, puisqu'il consiste à garantir aux nouvelles chaînes de la TNT l'accès au câble et au satellite.
    Aujourd'hui, compte tenu de l'arrivée de la télévision sur le réseau ADSL, si les nouvelles chaînes de la TNT ne disposent pas d'une surface d'exposition suffisante et d'un accès accru au marché publicitaire, elles seront confrontées, surtout lors de leur démarrage, dans les premières années, à des difficultés pour parvenir à un bon équilibre financier et commercial.
    C'est la raison pour laquelle je souhaite que le Gouvernement prenne des dispositions pour assurer à ces nouveaux entrants des conditions optimales de fonctionnement.
    C'est donc dans ce contexte favorable, où l'avenir de la TNT se précise, que je veux remercier le Gouvernement de s'être engagé à mettre en oeuvre cette nouvelle technologie, sans oublier, bien sûr, le CSA pour son évidente contribution.
    Je souhaite également rendre un hommage particulier au travail réalisé par Michel Boyon dans le cadre de sa mission.
    M. Patrice Martin-Lalande. Un excellent travail !
    M. Emmanuel Hamelin. Celui-ci a participé largement au succès du lancement de la télévision numérique terrestre dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.
    M. Patrick Bloche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment ne pas lier le débat que nous avons ce matin sur l'audiovisuel et sur la presse - merci, monsieur Baguet ! - à celui que nous avons eu la semaine dernière et qui nous a conduits si justement à définir de façon distincte la communication publique en ligne et la communication audiovisuelle ?
    Sans reprendre les fantasmes de la convergence numérique mais en constatant simplement l'explosion de la diffusion des images et des sons, grâce au haut débit et au développement prévisible des services de radio et de télévision à la demande, il est plus que probable que les médias audiovisuels et en ligne vont de plus en plus se marier pour mieux se compléter. Penser ce nouveau paysage est donc un enjeu majeur.
    Penser cette complémentarité croissante entre services en ligne, audiovisuel et presse, c'est inévitablement établir une communauté d'action entre culture et communication, deux administrations aujourd'hui différentes - même si elles dépendent du même ministre - qui ont tant de mal à communiquer.
    Alors que l'Etat va jusqu'à déconcentrer les crédits du CNC, rien ou presque n'a encore été fait pour penser une politique des médias en région. On a construit les radios libres sur l'ensemble du territoire à partir de Paris, assisté aux convulsions de la presse régionale... sans quitter le Cercle Interallié. Pourquoi ne pas donner ainsi aux médias locaux des interlocuteurs proches d'eux et de chez eux ?
    D'où, d'ailleurs, notre perplexité sur la « fausse bonne idée », pour reprendre la formule de Didier Mathus, du grand « big bang » de la bande FM. Au prétexte du confort de l'auditeur - par ailleurs partiellement réglé par la généralisation du RDS -, et sans apparent souci de la préservation de la diversité et du pluralisme radiophonique, ne reste-t-on pas là sur un vieux schéma centralisateur ?
    M. Pierre-Christophe Baguet. Ce n'est pas vrai !
    M. Patrick Bloche. L'heure n'est-elle pas plutôt à ce que le mouvement de décentralisation des politiques culturelles s'empare enfin des questions de communications locales, de télévisions de proximité, de radios associatives, de réseaux locaux à haut débit d'échanges et de données ?
    Ce qui est plus que jamais en jeu, c'est naturellement la diversité culturelle, la diversité des contenus diffusés, tout particulièrement dans le domaine audiovisuel, qu'après le câble et le satellite, l'ADSL va de plus en plus assurer, encore mieux sans doute que la TNT.
    M. Patrice Martin-Lalande. Mme Tasca ne voulait pas en entendre parler !
    M. Patrick Bloche. Il reste qu'en ce début 2004, la représentation nationale se doit de parler des images et des sons que reçoivent le plus grand nombre de nos concitoyens qu'on appelle encore auditeurs ou téléspectateurs. Et le constat, loin d'évoquer le pluralisme et la diversité, s'inscrit plutôt dans la standardisation et l'uniformisation. Alors que la régulation est de plus en plus débordée et que le divorce entre les industries culturelles et le monde de la création s'accentue, la concentration est plus que jamais à l'ordre du jour. Concentration des titres musicaux diffusés et programmés sur les ondes du fait des accords entre diffuseurs et maisons de disques, ou encore intégration verticale du secteur musical qui fait que chaînes de télévision ou radios créent leur propre label de production. Rappelons-nous l'appel lancé, il y a juste deux ans, par Jean Ferrat qui réclamait une « exception culturelle » pour la chanson, afin que ne soient plus réduits au silence des « pans entiers de la création française ».
    Evoquons la régulation ratée en termes de diversité du paysage audiovisuel, avec une uniformisation organisée en amont de la diffusion, du fait de la position dominante d'une société productrice d'émissions pour les chaînes publiques comme privées.
    Par ailleurs, les quotas sont détournés par le biais de la qualification en oeuvres de création d'émissions dont tout le monde sait qu'elles ne le sont pas. Enfin, de graves menaces financières pèsent sur les professionnels du documentaire.
    L'audiovisuel vit à l'heure de la bataille des grilles de programmes, loin des enjeux culturels mais dans des logiques commerciales, entre access prime time, prime time et télé-réalité dont on nous annonce qu'elle va se muer en télé-ruralité. Dans ce contexte que la recherche de revenus publicitaires rend âprement concurrentiel, les chaînes publiques font des choix qui laissent songeur. Ainsi, lorsqu'on interroge Marc-Olivier Fogiel sur le fait que France 3 a décidé que l'émission On ne peut pas plaire à tout le monde ne sera plus diffusée le vendredi en deuxième partie de soirée mais le dimanche en début de soirée, il répond, avec une honnêteté dont il faut lui faire crédit : « La différence, c'est qu'à deux heures du matin, on pouvait se permettre de mettre en avant des gens dont la notoriété est faible, comme le chanteur Raphaël. Je ne suis pas sûr qu'à 20 h 50 il ait sa place. » Monsieur le ministre, on a très envie de vous dire : quid de la mission que vous aviez confiée à Catherine Clément ? »
    Cette restriction de l'offre conduit à un formatage des oeuvres où la contribution de l'audiovisuel à l'évolution de notre société vers un « vivre ensemble » mieux assumé par la prise en compte de la diversité, donc de la richesse, et de la complexité, donc des contradictions, s'est ainsi singulièrement réduite. Les critères déterminés par les chaînes de télévision s'inscrivent de plus en plus dans une tendance banalement conservatrice. Ce que résumait parfaitement Jean-Luc Seigle, en septembre 2002, évoquant à propos de la fiction-télé la « surenchère de héros moralisateurs ». Il écrivait : « Par ces images simplistes et manichéennes, le petit écran fait en réalité écran à la réalité et ne participe plus à sa mission originelle : être le témoin de son temps. » Il terminait par cette interrogation : « Le service public a-t-il vraiment pour mission de participer à la surenchère ? »
    A cet égard, chers collègues, sans doute faudrait-il qu'élus et responsables politiques que nous sommes, ayons les yeux moins rivés sur le journal télévisé de vingt heures dont l'influence sur la conscience collective, sur la formation de l'opinion des Français comme on dit, est sans conteste bien moindre qu'un téléfilm.
    Des professionnels comme les scénaristes - qui occupent une position stratégique, puisque ce sont eux qui sont chargés de raconter les histoires - sont aujourd'hui entrés en résistance comme l'évoquait au Sénat, en mars dernier, Emmanuelle Sardou. Je la cite : « La lutte des scénaristes de la télévision française est quotidienne. Ils sont confrontés à ce que l'on peut appeler la pyramide de la peur. »
    M. Patrice Martin-Lalande. Quel scénario castastrophe !
    M. Patrick Bloche. Je poursuis la citation : « Au bas de cette pyramide inversée, nous trouvons le scénariste, libre, audacieux, plein d'idées, original, désireux de ne pas faire l'énième clone de Urgences, de l'Instit ou de Navarro, mais sans pouvoir. Plus on monte dans cette pyramide aux échelons si nombreux, plus le scénariste est confronté à des gens qui décident à sa place de ce que doit être son histoire, de la manière dont elle doit être racontée et du sens qu'elle doit porter [...] et plus ces gens ont de pouvoir, plus ils ont peur ! »
    Nous ne pouvons, en tant que législateurs, être insensibles à ces interpellations, alors que notre souci de pluralisme et de diversité nous amène à réglementer régulièrement les tuyaux, laissant les contenus en voie d'uniformisation accélérée hors de notre champ le plus habituel d'intervention.
    Ces considérations, avant tout hexagonales, ne sauraient naturellement nous éloigner du cadre européen, surtout lorsque vient de s'y exprimer une bien inopportune volonté d'encadrer les systèmes d'aides publiques au cinéma et à la création audiovisuelle.
    Malgré ces menaces, ne devons-nous cependant pas avoir des objectifs plus ambitieux ? Ce système de soutien au cinéma et à l'audiovisuel ne doit-il pas - sans doute sous une forme modernisée - être étendu à l'ensemble de l'espace européen ? Cela ne doit-il pas être un de nos objectifs dans l'actuel processus d'élargissement ? Si l'on y croit, nous ne devons souffrir d'aucune timidité et promouvoir haut et fort cette idée d'une industrie culturelle, soucieuse de diversité et de pluralisme, adossée à une offre publique forte. Encore faudrait-il procéder aux réformes nécessaires pour prouver la viabilité économique et culturelle de notre modèle et sortir d'une vision malthusienne du service public comme du soutien au cinéma.
    La même ambition doit animer la puissance publique dans sa capacité à soutenir une activité essentielle à toute la filière audiovisuelle, celle de la distribution. L'idée que vient de lancer Franck Soloveicik et selon laquelle un organisme pourrait, en France, fortifier le risque que prennent les entreprises du secteur, ne peut à cet égard que mériter toute notre attention.
    En effet, comment ne pas considérer que notre mobilisation collective pour la diversité culturelle ne peut qu'aller de pair avec l'affirmation de la présence internationale de la France et de la francophonie ? Cette préoccupation, nous la partageons, notamment quand il s'agit de l'information. Cette volonté de porter la « voix de la France » au-delà de nos frontières avait réuni la représentation nationale sur un projet audiovisuel équilibré et pluraliste. Depuis lors, tout ou presque a été dit, et encore excellemment ce matin, du mépris du Gouvernement à l'égard de ce travail parlementaire et de son choix partisan, pour ne pas dire sectaire, qui engage des fonds publics au bénéfice exclusif d'un opérateur privé, qui réduit des acteurs historiques de l'information à l'international, comme l'AFP et RFI, au simple rôle de prestataire de service et qui n'offre aucune des garanties démocratiques et d'indépendance que la loi impose pourtant aux médias nationaux.
    M. Michel Françaix. C'est vrai !
    M. Patrick Bloche. L'exécutif ayant récemment confirmé sa volonté funeste d'atteindre son objectif en 2004, la question la plus pertinente qui doit être posée aujourd'hui dans cet hémicycle est la suivante : avec quels financements, si tant est que les 70 millions d'euros prévus soient suffisants ? J'avais interpellé le ministre des affaires étrangères à ce sujet le 7 novembre dernier. Il nous avait alors répondu que « le budget du ministère des affaires étrangères ne comporte pas les moyens de financer une telle chaîne », ajoutant que « les marges de redéploiement sont inexistantes ». Alors que l'audiovisuel public n'est pas totalement financé pour l'année qui commence, doit-on craindre que le fait du prince n'accentue son manque de moyens ? Si c'est le cas, les bonnes intentions et les programmes ambitieux exprimés à son égard ce matin dans cet hémicycle risquent de n'être que paroles en l'air et engagements sans lendemain. Mais n'est-ce pas la spécialité du Gouvernement comme de sa majorité, l'exemple, il est vrai, venant de haut ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Bertho Audifax.
    M. Bertho Audifax. Monsieur le ministre, ce débat sur la politique de l'audiovisuel et de la presse en France a lieu au moment où le Gouvernement a décidé de s'engager très volontairement dans une réforme de Réseau France Outre-mer. L'objectif affiché de cette réforme est de doter RFO d'un projet stratégique en l'intégrant sous forme de filiale au groupe France Télévisions. Je voudrais vous faire part très simplement de mon enthousiasme, mais aussi de quelques craintes, face à cet ambitieux projet. Mes remarques seront très simples : ce seront celles d'un consommateur plus que celles d'un technicien.
    D'abord, une réforme de RFO était-elle nécessaire ?
    Avec 207 millions d'euros de dotations publiques, les sondages médiamétriques montrent, en règle générale, une dégradation de l'audience de RFO, tant pour la radio que pour la télévision, dans tous les territoires d'outre-mer. Je suis donc persuadé que l'heure de cette réforme était venue. Fondée en 1983 par le regroupement en une société unique des stations locales de France 3, RFO s'est développée et était devenue le média de référence dans chaque collectivité d'outre-mer grâce à ses deux chaînes de télévision, Télépays et Tempo, et à ses deux fréquences radiophoniques. Un programme synthétique, RFO Sat, bénéficie d'une diffusion internationale par satellite, à raison de quatre heures par jour en France métropolitaine sur le câble.
    La multiplication des radios dites libres a bouleversé le paysage radiophonique, apportant un ton nouveau mais aussi des excès, sur lesquels je reviendrai. Force est de constater que RFO Radio n'a pas su s'adapter, en tout cas à la Réunion, à ce nouvel univers puisque, de l'avis général, on navigue entre conservatisme et tentation d'imiter, sans se référer à ce qui est le rôle essentiel du service public.
    A mon sens RFO Radio devrait être le pôle d'équilibre et de modération, dans le grand tohu-bohu de ce qui est devenu le coutumier de la radio à la Réunion : les « radios-doléances », populistes et démagogiques. Elle devrait affirmer son rôle socio-éducatif, indispensable dans des sociétés fragiles et, quoi qu'on puisse en penser, encore repliées sur elles-mêmes.
    Un ton résolument jeune et dynamique est-il incompatible avec une mission socio-éducative ? Le défi n'est pas simple, mais il doit être relevé par le service public.
    Dans le domaine de la télévision, depuis 1990, l'évolution des technologies de diffusion, telles que le satellite ou le câble, et la diversification de l'offre à la suite de la multiplication des chaînes privées ont bouleversé le monde audiovisuel. Les chaînes thématiques satellites permettent aux téléspectateurs des DOM de se composer des programmes à la carte. RFO Télévision ne peut résister à cette facilité qu'en devenant le média de la réalité locale, celui qui permet la réflexion sur les problèmes locaux, le média de la modération, tout en permettant un débat où raison et démocratie prennent le pas sur les simplismes excessifs et la démagogie.
    Oui, je suis persuadé que le téléspectateur des DOM a besoin de mieux comprendre les difficultés sociales, économiques et culturelles de nos micro-sociétés.
    Oui, je suis persuadé qu'il est demandeur d'une information objective de qualité, qu'il est du rôle du service public de lui dispenser.
    Oui, je suis persuadé que ces débats doivent être constamment replacés dans le contexte national et dans celui du monde dans lequel nous vivons.
    L'accroissement de l'offre de programmes de proximité est une nécessité absolue. Mais avant de l'envisager, monsieur le ministre, c'est à une véritable réflexion de fond sur ces programmes qu'il faut se livrer : quel contenu ? quelle forme ? comment expliquer sans ennuyer ? comment faire participer sans tomber dans des excès démagogiques ? Autant de questions auxquelles aucune réponse n'a réellement été apportée depuis vingt ans.
    Le problème de la visibilité de l'outre-mer en métropole est aussi aigu pour toute la communauté métropolitaine qui est originaire des DOM ou qui entretient des liens très forts avec l'outre-mer : la présence audiovisuelle de l'outre-mer en métropole est considérée comme insuffisante et elle est mal vécue.
    Je ne crois pas que, dans le contexte économique actuel, il soit possible d'imposer des créneaux outre-mer sur nos chaînes nationales. La qualité du travail outre-mer, celle des images et des émissions, ainsi que l'originalité des expériences socio-éducatives et culturelles et l'ouverture de grandes émissions nationales sur l'outre-mer sont seules capables de susciter l'intérêt de nos compatriotes pour nos outre-mers.
    N'oublions pas non plus que notre dissémination aux quatre coins du monde doit nous permettre d'être des relais rapidement efficaces et particulièrement aguerris des grandes chaînes nationales dans nos régions. Ne serait-il pas logique, par exemple, que les équipes de la Réunion soient les plus disponibles pour des reportages ou des émissions à Madagascar, à l'île Maurice, aux Comores, aux Seychelles ou en Afrique du Sud ? Des liens peuvent sûrement être noués entre les grandes équipes professionnelles nationales et locales. (M. le ministre fait un signe d'assentiment.)
    M. Pierre-Christophe Baguet. Bien sûr !
    M. Bertho Audifax. La nouvelle stratégie pour RFO doit, à mon sens, procéder de toutes ces réflexions. L'enjeu n'est pas simple. Votre volonté, monsieur le ministre, et celle de Mme la ministre de l'outre-mer sont impressionnantes depuis cinq mois, si impressionnantes que l'on vous reproche de vouloir aller trop vite. En fait, vous n'avez pas beaucoup de temps.
    Aucune réforme ne sera réussie sans moyens. Aucune réforme ne sera réussie sans le concours du personnel de RFO. Ce personnel attendait depuis longtemps une volonté, et vous avez voulu et su l'associer à votre projet.
    Pour être en relation avec de nombreux acteurs de RFO-Réunion, je peux vous dire qu'au-delà des craintes légitimes que suscite toute réforme d'envergure, ce personnel est conscient de la nécessité d'un nouvel horizon pour RFO. Il a souffert de problèmes de management, d'un manque de lisibilité de l'action souhaitée, de départs répétés des meilleurs éléments locaux, d'un manque d'échanges professionnels lui permettant de poursuivre une formation continue de qualité et, enfin, d'une fausse objectivité. Il ne souhaite pas, et je partage totalement son avis, que les coopérations locales fassent des antennes de RFO des dépendances des pouvoirs politiques locaux. Le rôle de l'Etat doit être clair, il doit veiller à l'indépendance et à l'objectivité réelle, et non simplement affichée, de RFO.
    Une nouvelle stratégie, le maintien de l'identité et des spécificités de RFO au sein de la holding, l'importance accordée à la radio dans le développement de RFO, l'accroissement et l'amélioration constante des programmes de proximité, l'amélioration méritée de la visibilité de l'outre-mer en métropole, telles sont bien les bases de votre projet. Croyez bien, monsieur le ministre, que les parlementaires de la majorité seront à vos côtés pour la réussite de cette ambition pour l'outre-mer. Mais soyez également persuadé qu'ils veilleront à ce que les moyens soient suffisants.
    M. le président. Monsieur Audifax, veuillez conclure !
    M. Bertho Audifax. Permettez-moi, en terminant,...
    M. le président. Soit ! Mais rapidement !
    M. Bertho Audifax. ... d'évoquer le rôle de contrôle du CSA dans l'outre-mer. Je suis choqué de constater que le CSA ne réagit jamais aux émissions du type « radio-doléances ». Dans ces émissions devenues pluriquotidiennes à la Réunion, n'importe qui par téléphone, sous couvert d'anonymat, peut mettre en cause un fonctionnaire ou un homme public sur un problème local. Ce problème n'a pas fait l'objet d'une présentation objective par l'animateur, le mis en cause n'a pas droit à la parole, l'animateur est seul juge de l'orientation qu'il donne au débat en acceptant ou en refusant des appels, en laissant développer certains arguments ou en interrompant certaines communications. On aboutit ainsi, au nom de la liberté d'expression, à une démagogie insupportable, à des attaques intolérables à la dignité de chacun - les insultes en direct ne sont pas censurées - et à une déformation invraisemblable de la vérité, masquant habilement une intoxication politique.
    Le CSA ne peut pas accepter sans réagir de tels lynchages médiatiques. Je vous demande, monsieur le ministre, d'intervenir sur ce point et je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, dernier orateur inscrit.
    M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat fort utile intervient quelques semaines seulement après la fin de la discussion de la loi de finances pour 2004 et du collectif de fin d'année. A cette occasion, une fois de plus a été ouvert au sein de notre assemblée le débat sur la redevance télévisuelle, telle qu'elle existe depuis de nombreuses années, avec ses archaïsmes, son ancienneté, ses inconvénients, sur lesquels je ne reviendrai pas puisque deux rapports de la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances, sous la précédente législature et au débat de cette législature, notamment à l'initiative de notre collègue Patrice Martin-Lalande, ont souligné le caractère inadapté de cette redevance.
    Je voudrais de nouveau, monsieur le ministre, rappeler la volonté de notre commission d'obtenir, comme l'engagement en a été pris pendant la discussion budgétaire, la transformation de la redevance télévisuelle au cours de cette année. C'est bien à cette condition que, à l'occasion de la transformation de la taxe parafiscale en « imposition de toute nature » conformément à la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, le Parlement a accepté de reconduire celle-ci dans les mêmes termes et dans le même format que ceux retenus pour le précédent exercice budgétaire.
    Je dois dire à titre personnel que, comme nombre de membres de la commission des finances, j'ai été particulièrement choqué des tentatives de modifier, dans le cadre du collectif budgétaire de fin d'année, ce qui avait été adopté par la commission mixte paritaire à l'occasion du projet de loi de finances pour 2004.
    Cela étant, au-delà du problème de la redevance télévisuelle, c'est le problème de la redéfinition des missions de l'Etat en matière d'audiovisuel public qui se pose. A cet égard, je souhaite que le débat d'aujourd'hui soit utile. Il convient en effet de poser préalablement le problème du périmètre et des moyens de l'audiovisuel public, qu'il s'agisse des moyens de fonctionnement, notamment par rapport aux obligations imposées par le cahier des charges, ou des moyens en capital par rapport aux ambitions qui sont les nôtres quant à la création de nouveaux médias et à la modernisation technique - télévision numérique terrestre, numérisation de Radio France, élargissement avec la création de la chaîne internationale d'information francophone, particulièrement nécessaire afin que nous ne soyons pas tributaires des informations des seuls médias anglo-saxons.
    M. Frédéric Dutoit. Personne ne dit le contraire !
    M. Michel Bouvard. Pour cela, il convient que nous puissions aussi nous inscrire dans une perspective pluriannuelle s'agissant des moyens. Ceux-ci ne peuvent dépendre uniquement des contrats d'objectifs assignés directement par le Gouvernement aux chaînes de télévision publique, par exemple.
    M. Patrice Martin-Lalande. Assurément !
    M. Michel Bouvard. Il serait naturel que, dans le cadre d'un débat, et d'autant plus que la loi organique relative aux lois de finances en ouvre la possibilité, nous puissions nous inscrire dans une démarche budgétaire pluriannuelle à laquelle le Parlement serait largement associé...
    M. Patrice Martin-Lalande. Il le faut !
    M. Michel Bouvard. ... pour définir les objectifs ainsi que les moyens.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Bien sûr !
    M. Michel Bouvard. Cela étant, se pose le problème du périmètre de l'audiovisuel public.
    Je voudrais vous dire, monsieur le ministre, ma conviction profonde sur le fait qu'il est nécessaire aujourd'hui d'avoir l'audace de se poser le problème du périmètre. Nous aurons des besoins en capital importants pour satisfaire à la TNT et aux besoins de la chaîne internationale d'information francophone. Le temps n'est-il pas venu de s'interroger sur l'existence dans l'audiovisuel public de deux chaînes d'information généralistes, dont l'une est particulièrement consommatrice des moyens de la redevance audiovisuelle, à hauteur de plus de 600 millions d'euros ?
    Une étape importante ne consisterait-elle pas à engager une réflexion sur la présence de France 2 dans cet audiovisuel public, d'examiner dans quelles circonstances France 2 pourrait sortir de ce périmètre...
    M. Frédéric Dutoit. Tiens, tiens !
    M. Michel Bouvard. ... pour donner des moyens en capital aux chaînes existantes et aux chaînes à venir, à la radio et à l'INA, pour permettre d'envisager la suppression de la redevance télévisuelle, celle de la redevance audiovisuelle, ainsi que la budgétisation de cette charge pour le budget de l'Etat ?
    M. Pierre-Christophe Baguet. Eh bien !
    M. Michel Bouvard. Cela aurait également le mérite de renforcer le dialogue entre les responsables de l'audiovisuel public et le Parlement.
    La redevance crée une situation de confort...
    M. Patrice Martin-Lalande. Un confort relatif !
    M. Michel Bouvard. ... puisqu'il suffit, somme toute, de la relever lorsque des problèmes budgétaires se posent.
    M. François Rochebloine. C'est comme la CSG !
    M. Michel Bouvard. De cette situation de confort, nous sommes quelque peu sortis, et Patrice Martin-Lalande a raison de rappeler que les choses sont un plus relatives qu'elles ne l'ont été.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Exact !
    M. Michel Bouvard. Mais je suis bien obligé de constater qu'à ce jour les dépenses engagées et la gestion des chaînes publiques ne sont pas encore aussi satisfaisantes qu'elles pourraient l'être et que le contrôle exercé jusqu'à présent par le Parlement en la matière n'a été que fort limité. Dans l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances, nous devons nous acheminer vers une négociation, vers la logique du plafonnement des autorisations d'emploi et vers la logique des indicateurs de performance, qui doivent s'imposer à ce secteur comme ils vont progressivement s'imposer aux autres secteurs concernant la gestion et l'action de l'Etat.
    Telles sont les quelques réflexions personnelles que je souhaitais vous livrer, monsieur le ministre.
    M. Michel Françaix. On espère qu'elles sont personnelles !
    M. Michel Bouvard. Permettez-moi d'en aborder une toute dernière, concernant le problème des télévisions de proximité. Celles-ci n'ont pas vocation à être cantonnées aux grandes zones urbaines : nous devons aussi trouver des moyens de développement pour leur permettre d'atteindre les territoires ruraux où, à côté du travail de qualité accompli par France 3 dans le cadre de sa mission de service public, existe le besoin d'une télévision de proximité qui doit pouvoir se développer et remplir des mission d'information, de dialogue et de diffusion culturelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs, comme la séance doit être levée dans quelques instants, je ne pourrai pas répondre à la masse immense et passionnante des questions qui ont été posées ce matin.
    J'insisterai cependant sur l'opportunité de l'initiative de votre collègue Pierre-Christophe Baguet en faveur du débat qui vient d'avoir lieu. Celui-ci a été divers et riche.
    Cela va sans dire, je me tiendrai à la disposition de la représentation nationale et notamment de la commission des affaires culturelles, du groupe d'étude sur la presse, ainsi que du groupe de travail que nous allons constituer sur la redevance...
    M. Patrice Martin-Lalande et M. Michel Bouvard. N'oubliez pas la commission des finances !
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... et de la commission des finances, pour répondre aux différentes questions qui viennent d'être posées.
    J'ai été frappé par la richesse de ce débat et par son caractère respectueux de la diversité des opinions. A cet égard, je regrette que M. Mathus se soit, une nouvelle fois, cru obligé de se livrer à des insinuations indignes sur une prétendue connivence entre le Gouvernement et un groupe de télévision privé. Je tiens naturellement à protester contre cette façon tendancieuse et indigne de présenter les choses.
    M. Alain Joyandet. Très bien !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Seul le souci du service public et de l'intérêt général nous anime.
    Je ne pourrai pas aller plus avant malgré le caractère essentiel de certaines questions qui ont été posées par M. Rochebloine, par M. Audifax s'agissant de l'outre-mer, par vous tous, mais, je le répète, ce débat était utile. Il a souligné l'intérêt conjoint que le Gouvernement et la représentation nationale portent à l'avenir de l'audiovisuel et de la presse dans notre pays. Nous n'avons pas fini de travailler sur cette question.
    M. Patrice Martin-Lalande. Oh non !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je vous ai naturellement écouté avec beaucoup d'attention, monsieur Bouvard. Je tiens à être clair : je pense que le périmètre actuel de l'audiovisuel public est convenable. Je n'ai pas souhaité qu'il s'étende à l'occasion de la mise en place de la TNT, néanmoins je reste persuadé que l'existence d'une grande chaîne généraliste est nécessaire pour assurer la force et la crédibilité du service public de télévision.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Très bien !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Par ailleurs, sans préjuger des décisions que prendra la représentation nationale, je pense que l'existence d'un mode de financement spécifique est la meilleure solution et que la budgétisation serait extrêmement risquée.
    M. Patrice Martin-Lalande. C'est risqué en effet !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Mais c'est un point de vue, il vous appartiendra d'en débattre.
    M. François Rochebloine. Deux mots sur la CII, monsieur le ministre !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur Rochebloine, s'agissant de la chaîne d'information internationale, cela fait vingt ans que nous débattons d'un projet de ce type. Nous sommes sur le point de prendre des décisions. Nous avons en tout cas arrêté des options et c'est, à tout prendre, une meilleure chose que de ne rien faire. La solution qui a été retenue est singulière,...
    M. François Rochebloine. Elle est en effet exceptionnelle !
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... car elle n'est pas familière à la culture politique et économique de notre pays dans la mesure où elle associe les deux grands pôles de la télévision que sont, d'un côté, la télévision de service public - France Télévisions - et, de l'autre, le principal opérateur de la télévision privée, à savoir TF1. Monsieur le député, je vous le dis de façon très respectueuse pour le travail accompli...
    M. François Rochebloine. Par la mission !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Certes, mais je sais l'intérêt particulier que vous avez porté à cet exercice de réflexion et de consultation. Il faut que nous sachions surmonter certaines de nos préventions et certains de nos réflexes. L'association des savoir-faire de deux grandes sociétés de télévision et des équipes rédactionnelles qu'elles abritent peut être une chance pour la mise en place rapide d'une chaîne d'information internationale d'origine française. Je crois également que toutes les questions relatives au caractère conforme du mode de financement, à sa compatibilité avec les règles de la concurrence, qu'elles soient nationales ou européennes, peuvent être réglées de façon positive. Quant à l'autorité du CSA, j'observe qu'elle ne s'exerce pas aujourd'hui de façon égale à l'égard de l'ensemble des sociétés qui procèdent, de façon directe ou indirecte, de l'audiovisuel public. En outre, tous les grands pays voisins qui ont des chaînes nationales d'information internationale ont pris le parti de ne pas diffuser celles-ci sur le territoire national. C'est le cas de l'Allemagne avec Deutsche Welle et de la Grande-Bretagne avec BBC World.
    Comme vous l'avez rappelé, monsieur le député, l'audiovisuel extérieur est sous la tutelle conjointe du ministère des affaires étrangères, de façon principale, et du ministère de la communication, de façon induite. Le Premier ministre a arrêté des choix. Ce sont désormais les choix du Gouvernement dans son ensemble, donc de tous les ministres. Il appartiendra au Gouvernement de les soumettre à la délibération du Parlement, s'agissant notamment du mode de financement de cette chaîne. Nous ne manquerons pas de le faire très prochainement.
    M. François Rochebloine. Nous aurions aimé entendre M. Brochant !
    M. le président. Nous avons terminé le débat sur la politique de l'audiovisuel et de la presse en France.

2

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

    M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 29 janvier inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.
    Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu.

3

CRÉATION D'UNE MISSION D'INFORMATION

    M. le président. La conférence des présidents a décidé, en application de l'article 145, alinéa 3, du règlement, la création d'une mission d'information sur la sécurité du transport aérien de voyageurs.

4

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Questions au Gouvernement ;
    Discussion, après déclaration d'urgence :
    - du projet de loi organique, adopté par le Sénat, n° 1323, portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
    - du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 1324, complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
    M. Jérôme Bignon, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 1336).
    (Discussion générale commune.)
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT