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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 14 JANVIER 2004

COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du mardi 13 janvier 2004


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES

1.  Statut d'autonomie de la Polynésie française. - Suite de la discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi adoptés par le Sénat après déclaration d'urgence «...».

QUESTION PRÉALABLE «...»

Question préalable de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Emile Zuccarelli, Eric Raoult, René Dosière. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE COMMUNE «...»

MM.
Michel Buillard,
Christian Paul,
Jean-Christophe Lagarde,
Pierre Goldberg,
Mmes
Béatrice Vernaudon,
Christiane Taubira,
MM.
Michel Diefenbacher,
Frédéric de Saint-Sernin,
Noël Mamère,
Jean-François Mancel,
Eric Raoult.
Clôture de la discussion générale commune.
MM. Christian Paul, le président.
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer.
M. le président.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Fait personnel «...».
M. Christian Paul.
3.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

STATUT D'AUTONOMIE
DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

Suite de la discussion d'un projet de loi organique
et d'un projet de loi adoptés par le Sénat
après déclaration d'urgence

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française (n° 1323, 1336) et du projet de loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française (n° 1324, 1336), l'un et l'autre adoptés par le Sénat après déclaration d'urgence.

Question préalable

    M. le président. Sur le projet de loi organique, j'ai reçu de M. Émile Zuccarelli une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Émile Zuccarelli.
    M. Émile Zuccarelli. Monsieur le président, madame la ministre de l'outre-mer, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, mes chers collègues, n'ayant pas eu connaissance au moment où je préparais mon intervention des propos que notre collègue Dosière allait tenir pour défendre brillamment l'exception d'irrecevabilité sur ce texte, je sais que je n'éviterai pas les redites.
    Comme notre collègue Simon Sutour, au Sénat, je voudrais d'abord m'interroger sur l'opportunité de ces deux projets de loi qui nous sont soumis : pourquoi si vite, pourquoi si tôt et pour quoi faire ?
    Aucune réponse à ces trois questions n'a été apportée par le Gouvernement lors du débat au Sénat, organisé - est-il besoin de le rappeler ? - dans la précipitation, le dernier jour de la session avant la suspension des travaux de la Haute Assemblée. Les deux projets de loi, organique et ordinaire, dont la discussion est jointe, sont le prolongement de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, notamment la première application de l'article 74 de la Constitution créant les collectivités d'outre mer, et le complément de la loi organique du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.
    Pour autant, cette « logique » affichée ne saurait justifier tous les dérapages et tous les errements politiques qui me paraissent plus souvent relever de la complaisance envers les représentants polynésiens de la majorité que de l'intérêt national et de la cohésion de la République, pourtant invoqués.
    Les relations rénovées entre les collectivités d'outre-mer issues de la réforme constitutionnelle et la nation ne peuvent être que la traduction d'une volonté politique déterminée. Elles reposent sur une approche pragmatique, avec le recours à un éventail de solutions juridiques sans cesse plus large. Malheureusement, j'ai le sentiment, à la lecture de vos projets de loi, que nous n'avons pas la même approche de ces solutions et de leur pertinence.
    Je tiens à le dire d'entrée de jeu : ce constat, je le fais comme député de la nation, sans aucun amalgame entre la situation de la Polynésie et celle de la Corse, dont je suis élu par ailleurs. J'ai bien conscience des différences géographiques ou historiques qui séparent ces entités au sein de la République française. Mais c'est précisément parce qu'ici nous sommes les représentants de l'ensemble de la nation indivisible qu'il me paraissait nécessaire d'intervenir, ne serait-ce que pour échapper à la suspicion de ne m'intéresser qu'à certaines îles proches au détriment d'îles plus lointaines.
    Cette clarification faite, je m'interroge, comme mes collègues de l'opposition, sur une telle précipitation : pourquoi le Gouvernement a-t-il tenu à faire entériner si rapidement ce nouveau statut d'autonomie pour la Polynésie française ?
    Permettez-moi de rappeler quelques points d'histoire.
    En 2004, la Polynésie française fêtera vingt années d'autonomie. Car c'est bien avec la loi du 6 septembre 1984, votée à l'initiative de notre ancien collègue Georges Lemoine, alors secrétaire d'Etat à l'outre mer, que l'autonomie interne a été consacrée et que la tutelle exercée par le haut-commissaire a disparu au profit d'un contrôle de légalité a posteriori sur les actes émanant des autorités territoriales.
    Depuis cette date, la volonté a été marquée à plusieurs reprises de continuer cette mutation progressive vers plus d'autonomie, une autonomie dont, encore une fois, personne ne conteste le principe, et moi moins que quiconque. Ce que en revanche nous pouvons contester, ce sont ses modalités d'application.
    Le gouvernement de Lionel Jospin avait souhaité aller plus loin que la loi de 1984. Il avait déposé, au mois de mai 1999, un projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française, qui transformait ce territoire en « pays d'outre-mer » et organisait un nouveau transfert de compétences, afin de permettre à cette collectivité d'adopter des mesures spécifiques en matière d'emploi, de droit d'établissement et d'accession à la propriété foncière.
    Mais, alors que ce texte, sur lequel j'avais d'ailleurs, à titre personnel, quelques réserves, avait été adopté dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et le Sénat, le Président de la République, Jacques Chirac, n'a pas été au bout du processus et n'a pas soumis la réforme au Congrès, pour les raisons que l'on sait - ou plutôt que l'on ignore.
    La révision constitutionnelle de mars 2003 a repris - vous l'avez indiqué, madame la ministre, - certains éléments de la réforme inaboutie de 1999, en proposant d'étendre ces dispositions, à l'origine spécifiques à la Polynésie française, à l'ensemble des collectivités d'outre-mer dotées de l'autonomie. Pourtant le gouvernement Jospin avait pris l'engagement, en 1999, que le passage de la loi constitutionnelle à la loi organique se ferait en association avec la population et toutes les forces vives.
    S'agissant de la Polynésie, la mise en oeuvre de cette réforme aujourd'hui ne m'apparaît pas acceptable pour des raisons à la fois de méthode, trop de précipitation et absence de débat local ou national, et de fond, car l'autonomie est une bonne chose, mais elle ne saurait en aucun cas s'opposer à la vraie démocratie - l'autonomie n'est pas la négation de la démocratie.
    La précipitation que je dénonce ce soir a déjà été regrettée en Polynésie par nos collègues de la Haute Assemblée qui ont évoqué, à juste titre, un véritable verrouillage du débat parlementaire et une réforme faite à la hâte sans aucune communication claire de la part du Gouvernement, ni aucune consultation de la population.
    J'en veux pour preuve les délais laissés à notre assemblée pour l'examen des textes en commission des lois. Alors que ce projet de loi organique contient 198 articles, et je ne parle pas du projet de loi ordinaire qui en comporte près d'une trentaine, le rapporteur de la commission des lois, M. Bignon, qui n'a été officiellement désigné que le mardi 6 janvier dernier, devait présenter, dès le lendemain, son rapport devant la commission.
    M. René Dosière. C'est en effet un tour de force ! Mais les Picards sont des gens solides ! (Sourires.)
    M. Émile Zuccarelli. Peut-être s'attendait-il à être nommé rapporteur, mais tout de même ! A supposer que M. Bignon ait le talent et la connaissance des problèmes suffisants pour rédiger un rapport en vingt-quatre heures, quid du parlementaire moyen qui doit, c'est le moins que l'on puisse attendre de la représentation nationale, s'imprégner des textes avant de les voter les yeux ouverts ? A moins qu'on ne lui demande de voter les textes les yeux fermés mais ce ne serait pas de bonne méthode ni guère respectueux du Parlement.
    Les délais ont en outre été étonnamment brefs pour l'examen des amendements en commission et la venue en séance publique.
    La discussion devant le Sénat n'a pas été en reste. Me souvenant du débat sur la Constitution et autour de la disposition, contestée ici même, aux termes de laquelle tous les textes de décentralisation devaient d'abord passer d'abord par le Sénat, il m'a semblé que le Sénat n'avait pas tenu un débat ayant la densité et la profondeur que l'on était en droit d'attendre pour un texte de cette importance. Mais peut-être la présence du sénateur président de Polynésie a-t-elle incité nos collègues sénateurs à examiner les choses plus rapidement ?
    Comment assurer dans ces conditions la transparence et le sérieux d'un débat sur des matières aussi importantes que les réformes statutaires de nos collectivités ?
    J'entends démontrer ici - c'est au fond tout le sens de la motion que je défends - qu'il n'y a pas urgence à délibérer sur ce texte, dans une telle précipitation et qu'il conviendrait sans doute de reporter à plus tard un examen qui risque sinon de n'être qu'une pure formalité. D'autant que, sur le fond, ce texte pose des problèmes majeurs de constitutionnalité et d'opportunité.
    Je m'interroge également sur l'absence de tout bilan de l'existant préalable pourtant nécessaire à l'examen d'une telle réforme. J'avais déjà souligné le défaut du Gouvernement qui s'entête à proposer de nouvelles réformes institutionnelles sans préalablement mesurer l'impact des évolutions déjà obtenues par les collectivités territoriales au sein de la République. Comment peut-on réformer un statut sans connaître l'impact des précédentes dispositions ? Ce fut le cas notamment en Corse - pardonnez-moi de m'y référer - pour le projet de suppression des départements en 2003. Il n'existait aucune étude précise des éventuels problèmes de chevauchement de compétences, par ailleurs invoquées pour justifier la réforme, et des moyens de les résoudre sans passer par la suppression d'un échelon territorial. Mes demandes répétées d'un minimum d'expertise avaient alors poussé le Gouvernement à commander - un peu tardivement - un audit pour établir un état des lieux.
    Il en est de même concernant la Polynésie. Depuis le début du processus de refonte institutionnelle engagé en 1977, par l'octroi d'une autonomie financière et administrative, et poursuivi en 1984, l'absence d'un bilan clair est flagrante. Pourquoi s'entêter à approfondir une réforme statutaire sans évaluer les résultats des précédentes ?
    Mon interrogation porte aussi sur l'absence d'une consultation de la population de la Polynésie française. La volonté du Gouvernement, proclamée à travers l'acte II de la décentralisation, était notamment de rapprocher la décision du citoyen pour une meilleure efficacité et de concrétiser la démocratie de proximité, à travers notamment la tenue de référendums locaux. Cette réforme statutaire aurait dû faire l'objet d'une consultation populaire,...
    Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Non !
    M. Émile Zuccarelli. ... comme ce fut le cas pour la Corse et pour les Antilles, qui ont été interrogées sur des modifications les concernant. Certes, le résultat de la consultation n'a pas été celui que le Gouvernement espérait. Mais c'est de la démocratie, avec ses charmes et ses aléas !
    Au nom de l'égalité de traitement des citoyens français, les collectivités d'outre-mer doivent bénéficier des mêmes prérogatives. Vous avez d'ailleurs vous-même indiqué, madame la ministre, lors de votre intervention au Sénat le 18 décembre dernier, et vous l'avez rappelé tout à l'heure, que « le droit de pétition et le référendum local [avaient] également vocation à s'appliquer dans ces collectivités ». Pourquoi ne pas appliquer dès aujourd'hui cette mesure qui résulte de la réforme institutionnelle de mars 2003 ? Le but d'une telle réforme statutaire devrait être un renforcement de la démocratie et de la représentativité sur ce territoire, avec l'organisation de réels débats et une implication forte de la population.
    Vous serez d'accord avec moi pour convenir que les réformes envisagées ne sont pas moins importantes que celles prévues en Corse, en Guadeloupe ou en Martinique. Je dirai même au contraire. Le projet qui nous est proposé est même un texte fondamental qui bouleversera l'économie générale de la gouvernance de la Polynésie.
    La vérité, c'est que le Gouvernement, comme la majorité de l'assemblée polynésienne et son président, ont tout fait pour escamoter le débat public sur le territoire de la Polynésie.
    Tout à l'heure, en réponse aux interventions d'un de nos collègues du groupe socialiste, on nous a affirmé - je crois que c'était Mme  la ministre, à moins que ce ne fût le président de la commission - que les Polynésiens se sont exprimés et qu'il faut maintenant faire ce qu'ils nous ont dit, sous peine de risquer d'enclencher des problèmes gravissimes. Mais pour ma part, je n'ai pas entendu les citoyens. Il paraît que l'assemblée territoriale de Polynésie a émis un avis !
    M. René Dosière. Ah bon ?
    M. Pierre Goldberg. On n'en a pas été informés !
    M. Jean-Christophe Lagarde. On ne peut pas vraiment parler d'avis !
    M. Emile Zuccarelli. En effet, pas vraiment. Et, si j'osais, je rappellerais quand même que les membres de l'assemblée territoriale de Corse, il n'y a pas si longtemps - cela fait moins d'un an -, dans les mêmes conditions, se sont prononcés à une large majorité en faveur d'un ensemble de propositions gouvernementales à propos desquelles ils n'avaient pas fait campagne, mais que le peuple, une fois consulté, a dit ne pas vouloir, et c'est très bien ainsi ! Cela représente tout de même, me semble-t-il, une faille dans le respect du principe de consultation des populations, qui constitue la base de la démocratie.
    Cette assemblée de la Polynésie française, dont on disait à l'instant qu'elle aurait été partiellement consultée, n'a pu examiner que dans la précipitation, ce qui a d'ailleurs conduit l'opposition à refuser de participer à ce simulacre. Jugez-en : le pouvoir local a réduit l'examen des 197 articles - à l'époque, il y en avait 197 - à une simple délibération composée de deux malheureux articles. C'est a posteriori seulement que le conseil économique, social et culturel local a été consulté. Quant aux syndicats professionnels et aux autres forces vives, ils n'ont pas été mieux traités puisqu'ils ont dû subir, sans vrai débat, quelques exposés didactiques.
    Et la consultation du peuple, je le répète, il n'en a pas été question.
    S'inquiéterait-on d'un nouvel échec éventuel du Gouvernement dans une consultation locale, après la Corse et les Antilles ? La majorité polynésienne actuelle craindrait-elle d'être mise à mal, au moment où l'on tente, par une réforme électorale inscrite au détour des projets de loi dont nous discutons - notre collègue Dosière l'a largement évoqué tout à l'heure -, de museler les oppositions en les écartant de toute représentation à l'assemblée de la Polynésie ? J'espère, madame la ministre, que vous nous en direz plus sur les motifs qui vous ont conduite à renoncer à consulter le peuple.
    Mme la ministre de l'outre-mer. Je l'ai déjà dit !
    M. Emile Zuccarelli. Cette affaire a pourtant été présentée comme déterminante par le Gouvernement, par le Président de la République, lors de son dernier déplacement dans l'archipel, et par le sénateur président de celui-ci.
    A la vérité, et j'en arrive aussi par là au fond de la réforme, j'ai le sentiment que l'échange qui nous réunit aujourd'hui relève de la pure formalité et que M. Gaston Flosse, chef du gouvernement de Polynésie, se serait volontiers, s'il avait pu, contenté d'une discussion à deux. Les assemblées parlementaires, Sénat comme Assemblée, sont traitées comme de véritables chambres d'enregistrement des décisions prises à Papeete. On nous demande d'acter ici les choix effectués ailleurs. Tout cela n'est pas sérieux et démontre plutôt une volonté de non-débat sur le statut d'autonomie renforcée de la Polynésie française. Celui-ci n'est pas en cause, mais nous sommes ici pour examiner les textes, et je m'étonne, je le dis tranquillement à mes collègues très estimés de la majorité, de les voir faire chorus avec le principe d'un débat qui va être mené à la hussarde.
    Les projets de loi qui nous sont proposés aujourd'hui, tant le projet de loi organique que le projet de loi ordinaire, dépassent largement les objectifs de la réforme constitutionnelle.
    Il en est ainsi du concept ambigu de « pays d'outre-mer », qui, il est vrai, n'est pas utilisé pour la première fois... Je ne reprendrai pas l'analyse développée tout à l'heure par René Dosière, mais je remarque que Mme la ministre lui a répondu que la terminologie pouvait varier et que l'expression « pays d'outre-mer » n'avait pas forcément le même sens ici que dans un autre texte - tout comme les lois de pays n'ont pas le même sens selon que l'on est en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie. Cela me paraît tout de même une pente extrêmement dangereuse car il est nécessaire que les cadres législatifs qui régissent les citoyens d'un même pays, ici ou là-bas, soient lisibles. Ou alors, s'il n'y a plus de solidarité entre nous, il faut le dire.
    Le fond du projet laisse apparaître de sérieux écueils et, pour tout dire, même s'il paraît que c'est une « fixation », une véritable dérive vers un dispositif d'incroyable concentration des pouvoirs entre les mains d'un seul homme.
    En effet, dans son article 5, le projet de loi organique ajoute au gouvernement, à l'assemblée et au conseil économique, social et culturel de Polynésie une autre institution : celle de la présidence. Une modification aussi profonde de l'équilibre institutionnel de la Polynésie aurait sans doute exigé, j'y reviens, l'approbation de la population. Cette innovation renforce l'exécutif et tend à une personnalisation du pouvoir. Le risque de déséquilibre des pouvoirs mérite donc mûre réflexion ; la présidentialisation aurait mérité quelques explications. Or elle n'est accompagnée, dans les projets de loi, d'aucune justification.
    Plus globalement, les textes qui nous sont soumis conduiront - même si ce n'est pas leur objectif avoué - à concentrer un peu plus les pouvoirs territoriaux entre les mains du président de la Polynésie.
    M. Pierre Goldberg. Tout à fait !
    M. Emile Zuccarelli. Sous couvert de consolider les liens de la France avec l'archipel et d'écarter l'indépendance - car l'autonomie est l'antidote à l'indépendance, soit, je veux bien -, on va consolider les potentats locaux dans ce qui sera, pour reprendre le terme employé dans un quotidien du matin, un « royaume » fait sur mesure pour le président de la Polynésie ! Les mesures qui nous sont proposées organisent la préservation d'avantages, de privilèges, de pouvoirs indus. Ainsi, le projet de statut confère au président des compétences dans des domaines pour le moins curieux : les hydrocarbures, la fiscalisation de la rénovation immobilière, les investissements de fonds publics dans des structures relevant du droit privé.
    M. René Dosière. Les casinos !
    M. Emile Zuccarelli. Il crée même un régime dérogatoire en matière d'immunité !
    Je dirai un mot aussi des « lois du pays », création hybride dont on ne connaît pas la portée, les seules lois régionales autorisées à ce jour dans le cadre de la République concernant la Nouvelle-Calédonie.
    M. René Dosière. C'est davantage que des lois régionales !
    M. Emile Zuccarelli. Nous nous en sommes déjà largement expliqués et je ne souhaite pas alourdir le débat, mais j'attends, là encore, madame la ministre, que vous définissiez la portée de cette innovation juridique. Qui, en particulier, aura le contrôle de ces lois du pays ? Le Conseil constitutionnel, comme pour la Nouvelle-Calédonie ? Vous avez répondu par la négative, car ce ne seront pas des lois. Les juridictions administratives, comme cela paraît plus vraisemblable ? Mais, si tel est le cas, quelle différence faites-vous entre les lois du pays et les règlements ? Et pourquoi, sinon pour satisfaire l'ego de tel ou tel, créer un telle monstruosité juridique ?
    Qu'en est-il encore de ces « ordonnances de pays », créées par analogie avec les ordonnances du gouvernement de la France, avec cette seule différence que la France est un Etat souverain ?
    Le Conseil d'Etat, dans son avis rendu en octobre 2003, a indiqué que les projets de loi créaient une nouvelle catégorie de collectivités territoriales, les « pays d'outre-mer », non prévue par l'article 74 de la Constitution. Comment le Gouvernement peut-il ne pas prendre en compte une telle remarque du Conseil d'Etat et présenter ses textes sans modification ?
    Parallèlement, on ne peut que s'inquiéter des articles 171 à 175 du projet de loi organique, qui suppriment certaines compétences du tribunal administratif de Papeete et bafouent ainsi que le principe même d'égalité entre les citoyens. A croire que l'on cherche à supprimer tout ce qui pourrait, à terme, devenir un contre-pouvoir local.
    On peut par ailleurs s'interroger sur le déclassement de fait des communes. Alors qu'une loi organique est nécessaire pour rendre applicable en Polynésie le code général des collectivités territoriales - c'est l'objet de l'article 13 -, la loi ordinaire la complétant prévoit de fixer par ordonnance le cadre général et de compléter les dispositions par décret en Conseil d'Etat.
    En transférant, à l'article 34, des pouvoirs de police à certains agents territoriaux, le projet de loi organique entérine des dérives préoccupantes. Parallèlement, on retire au représentant de l'Etat le pouvoir de mobiliser le territoire en cas de catastrophe naturelle, ce qui ne pourra qu'entraîner une désorganisation des dispositifs fort dommageable.
    Et je ne m'étendrai pas sur les articles 31 et 32, que notre collègue Dosière a évoqués tout à l'heure. Je rappellerai seulement qu'à notre sens, et tout semble l'indiquer, même si ce texte est postérieur au jugement de 2002 du Conseil constitutionnel, en matière de dévolution de pouvoirs législatifs, la ligne jaune a été nettement mordue.
    Je vais vous dresser un petit inventaire à la Prévert, pêle-mêle, des mesures que l'on veut nous faire adopter à la hussarde. Franchement, je m'interroge. Je ne dis pas que toutes sont également détestables ou inquiétantes, mais toutes soulèvent des problèmes importants et mériteraient qu'on ne les passe pas à pieds joints. Mais vous le savez, mes chers collègues ici présents, car vous êtes tous des personnes bien informées de ces questions et des spécialistes de l'article 74, contrairement à moi.
    M. Christian Paul. Mais certains ont des oeillères...
    M. Emile Zuccarelli. Savez-vous que la Polynésie, « pays d'outre-mer », se gouvernera désormais « librement »... et « démocratiquement », croit-on utile d'ajouter ?
    Savez-vous que la République « garantit l'autonomie de la Polynésie » et « favorise l'évolution de cette autonomie » ?
    Savez-vous que la Polynésie « détermine librement les signes distinctifs permettant de marquer sa personnalité dans les manifestations publiques officielles »  - soit - et qu'elle peut « créer un ordre spécifique reconnaissant les mérites de ses habitants et de ses hôtes » ?
    M. René Dosière. Cela existe depuis 1996 ! Vous n'êtes pas encore grand-croix ? (Sourires.)
    M. Emile Zuccarelli. Je vais y songer !
    Je reprends. Savez-vous que « l'Etat et la Polynésie veillent au développement de ce pays d'outre-mer » ? Cette proclamation me paraît couler de source !
    Savez-vous que les institutions polynésiennes comprennent, outre les anciennes institutions, « le président », lequel, dans certains cas, peut saisir le Conseil constitutionnel ?
    Savez-vous que les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas expressément dévolues à l'Etat par le présent projet ?
    Savez-vous que la Polynésie « peut disposer de représentations auprès de tout Etat [...] ou de tout organisme international » et que le président de la Polynésie « négocie l'ouverture de ces représentations et nomme les représentants » ?
    Savez-vous - tout à l'heure, j'ai entendu quelqu'un le justifier - que des préférences de recrutement, y compris dans la fonction publique locale ou dans les activités libérales, peuvent être définies au profit des personnes « justifiant d'une durée suffisante de résidence » en Polynésie ou « de mariage, de concubinage ou de pacte civil de solidarité avec ces dernières » ? Je comprends bien que certains problèmes doivent être résolus, mais lorsque certains partis classés à l'extrême droite évoquent la préférence nationale, on hurle, à juste titre, et je me dis que ces dispositions-là ne tombent pas sous le sens aussi facilement - c'est l'ancien ministre de la fonction publique qui se permet cette remarque !
    Savez-vous que la Polynésie peut créer ses propres peines et amendes ?
    Savez-vous que les autorités polynésiennes peuvent créer leurs propres entreprises de production et de diffusion d'émissions audiovisuelles ?
    Savez-vous que les autorités de la République peuvent confier au président de la Polynésie les pouvoirs lui permettant de négocier et signer des accords avec un ou plusieurs Etats ou organismes relevant des Nations unies ?
    Savez-vous que la Polynésie fixe les règles relatives aux marchés publics et délégations de service public des communes, de leurs groupements et de leurs établissements publics, pas moins ?
    Savez-vous que le gouvernement de la Polynésie est l'exécutif de la Polynésie française, dont il détermine et conduit la politique ?
    Savez-vous que le président de la Polynésie dirige l'action du gouvernement, représente la Polynésie et promulgue les lois de pays ?
    Savez-vous que l'article 31 étend le pouvoir normatif du gouvernement local à certaines dispositions pénales en matière de jeux de hasard ? C'est vous, si je me souviens bien, madame la ministre, qui avez dit, tout à l'heure - cela m'a fait un peu drôle - qu'il vous paraissait normal que le gouvernement polynésien ou l'assemblée de Polynésie puissent intervenir dans les lois et les règles pénales. Peut-être ai-je mal compris, mais j'avoue que cela m'inquiète fortement.
    J'arrête là cet inventaire non exhaustif.
    Les habitants de ces terres attendaient-ils de telles mesures ? Ces textes répondent-ils réellement aux aspirations des Polynésiens pour un meilleur développement économique et social ? Comment pouvez-vous l'affirmer, madame la ministre ? Encore une fois, la population n'a pas été consultée, et je suis sceptique quant à la validité d'une volonté populaire exprimée, dans ce cas de figure, par l'assemblée polynésienne. Il aurait fallu des débats plus approfondis, en tout cas, que celui d'aujourd'hui.
    En conclusion, je ne peux donc que redire ma surprise d'une telle hâte de la part du Gouvernement, qui semble faire, avec ses projets de loi, du sur mesure. Le débat, pour être de qualité, mérite du temps.
    Les valeurs démocratiques et l'utilité de la discussion parlementaire me semblent avoit été bafouées à l'occasion de l'examen de ces textes. Si l'on ne peut qu'approuver le processus de décentralisation pour une meilleure prise en compte des spécificités des territoires, on ne peut cautionner une telle urgence, aux conséquences sans doute désastreuses pour la démocratie.
    La décentralisation doit aller de pair avec une nouvelle réflexion sur les relations entre la République et les nouvelles collectivités d'outre-mer, avec un approfondissement des débats impliquant tous les acteurs, y compris, au premier chef, le citoyen, afin que, comme l'a déclaré le Président de la République en visite à Papeete, « ce partenariat, cette fraternité, cette relation d'estime, de confiance et d'amitié profonde continue de vivre » entre la République et les collectivités d'outre-mer. Cette précipitation et les conditions déplorables du débat m'en font douter.
    Dans votre exposé des motifs, vous écrivez, madame la ministre : « La Polynésie française a pleinement à bénéficier la première d'un nouveau statut qui confortera les acquis des précédentes lois statutaires et qui permettra d'affirmer sa personnalité et ses intérêts propres au sein de la République, conformément à la volonté de sa population. » C'est là où je ne suis pas d'accord : sa volonté ne s'est pas exprimée, même si l'on peut croire, en effet, que la population est « majoritairement attachée à la France dans le respect de son identité culturelle ».
    Vous n'avez à aucun moment apporté la démonstration que la volonté de la population de Polynésie française était d'aller vers l'évolution que vous proposez.
    Je suis également convaincu que ce nouveau statut n'est pas celui qui s'impose absolument pour affirmer la personnalité de la Polynésie, ses intérêts propres au sein de la République.
    Admettons que vous ayez beaucoup discuté et étudié les dispositions que vous nous proposez, au point de sembler nous reprocher : « Mais de quoi vous occupez-vous ? De quoi vous mêlez-vous ? » Je tiens cependant à dire que, tout en respectant profondément la Polynésie, tout en respectant profondément ses particularités, ses singularités, le besoin de prévoir en effet des modalités de gouvernance tenant compte de la distance générale, de l'éparpillement des territoires et de tout ce qui a été évoqué ici, pour autant, au-delà des nécessités de la différenciation, et quand bien même, mais je n'y pense pas un seul instant, une évolution vers l'indépendance que tout le monde écarte - et c'est très bien -, se produirait, j'estime que la République doit continuer à se soucier de l'application, partout et là-bas, des principes démocratiques, des principes républicains, comme celui de la séparation des pouvoirs ou celui des contre-pouvoirs.
    Trouverions-nous normal, si un pays accédait à l'indépendance, que nous fassions tout pour le mettre dans le chenal conduisant à la dictature ? Bien sûr que non !
    M. Michel Piron. C'est un peu excessif !
    M. Emile Zuccarelli. Oh ! Cela a pu arriver dans notre histoire. Ce n'est pas un sujet de fierté pour nous, mais certains pays que nous avons conduits vers l'indépendance ont trouvé, au bout du chemin, la dictature, et nous pouvons nous demander si nous avons bien travaillé.
    Il n'en est pas question ici. Nous sommes dans le cadre de la recherche d'une autonomie qui est bonne dans ses principes, mais la République a tout de même le devoir d'installer les principes républicains et les principes démocratiques au coeur de ses territoires d'outre-mer. C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous demande d'adopter la question préalable sur le projet de loi organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Eric Raoult, pour le groupe UMP.
    M. Eric Raoult. Avant de dîner, nous avions entendu un Dosière philosophique ; nous venons d'entendre un Zuccarelli très politique, qui voulait parler à Bastia en faisant mine de s'adresser à Faa'a et Raiatea. Ce n'était pas tout à fait réussi.
    Vous soutenez, cher collègues, qu'il n'y a pas lieu de délibérer. Justement si, parce que la Polynésie n'est pas la Corse, parce que les difficultés de la Corse, que vous avez parfois courageusement dénoncées, ne sont pas celles de la Polynésie.
    Au Sénat, avez-vous dit, trois questions ont été posées.
    Pourquoi si tôt ? Mais est-ce vraiment si tôt, alors que ces problèmes ont été largement débattus, alors que la commission a envoyé une mission sur place, alors surtout que ce sujet est pendant depuis 1999 ?
    Pourquoi si vite ? Mais le président Clément a rappelé qu'à d'autres dates et sous d'autres gouvernements, on était allé parfois bien plus vite. J'ai eu l'impression, pendant quelques instants, qu'il n'y avait qu'une homonymie entre le Zuccarelli de ce soir et l'ancien ministre de la fonction publique du gouvernement Jospin. Pourtant, c'est bien le même. Il sait donc que, de Lemoine à Girardin, en vingt années d'autonomie, cette forme de décentralisation réussie, il y a eu bien plus de gouvernements dirigés par ses amis que par les nôtres.
    Pour quoi faire ? J'ai pour ma part l'impression que les socialistes, qui sont un peu amnésiques, essaient d'oublier ce qu'ils n'ont pas fait et que certains s'écoutent plus qu'ils ne veulent être écoutés, comme si quelque chose les gênait, à savoir la réussite de la Polynésie française, l'efficacité de son président et le fait que ni le parti socialiste ni le parti radical de gauche n'ont réussi à s'implanter sur ce territoire.
    M. Emile Zuccarelli. Oh !
    M. Christian Paul. Incroyable !
    M. Eric Raoult. Que vous le vouliez ou non, chers collègues, et même si vous adressez des clins d'oeil à certaines personnes dans les tribunes, c'est la vérité.
    En revanche, il est clair que Mme la ministre est dans la bonne voie, puisqu'elle est critiquée sur des bancs totalement différents pour des raisons totalement différentes, entre ceux qui, au fond, n'ont fait que rappeler ce qu'ils n'avaient pas fait et M. Zuccarelli qui est intervenu plutôt pour Corse-Matin que pour Les Nouvelles de Tahiti.
    M. Emile Zuccarelli. Décidément, vous n'arrivez pas à prendre de la hauteur !
    M. Eric Raoult. Moi, quand je parle de la zone franche de Clichy-Montfermeil, je ne m'adresse pas à la zone franche de Corse. L'insularité que vous connaissez, monsieur Zuccarelli, est très différente de celle de la Polynésie.
    M. Emile Zuccarelli. Elevez un peu le débat !
    M. Eric Raoult. En tout cas, votre intervention très politique n'a nullement établi qu'il n'y aurait pas lieu de délibérer. Oui, il y a lieu de délibérer ! Votre question préalable n'est ni fondée ni motivée, et franchement, j'ai préféré le lyrisme de René Dosière à la tonalité décalée de votre discours...
    M. Christian Paul. On n'est pas à Star Academy, on ne choisit pas les intervenants !
    M. Eric Raoult. ... qui s'adressait en réalité aux Corses en ignorant les réalités politiques polynésiennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Emile Zuccarelli. Vous n'avez rien compris ! Nous sommes les députés de la nation !
    M. le président. La parole est à M. René Dosière, pour le groupe socialiste.
    M. Michel Bouvard. Voyons s'il est toujours aussi lyrique... (Sourires.)
    M. René Dosière. Monsieur le président, je pense utile de voter la question préalable parce qu'il reste trop d'incertitudes sur des questions de fond. On aurait pu espérer que les débats en commission des lois ou même, dans cette enceinte, les réponses aux motions de procédure permettent à l'Assemblée d'obtenir des précisions. Nous n'avons eu droit, au mieux, qu'à des arguments dilatoires.
    Il faudra pourtant bien, madame la ministre, que, faute de l'avoir fait au Sénat, vous donniez à l'Assemblée, avant la fin de la discussion, la réponse à la question suivante : pourquoi avoir déclaré l'urgence ? Est-il exact - le bruit en est venu à mes oreilles - qu'il soit envisagé de dissoudre l'assemblée de Polynésie une fois le texte adopté ? En l'occurrence, la réponse est très simple, puisque cette prérogative appartient au Président de la République, par décret délibéré en conseil des ministres. Vous pouvez donc nous répondre par oui ou par non.
    La seconde question qui n'a reçu qu'une réponse dilatoire portait sur l'élection du futur président de la Polynésie. J'ai fait valoir qu'il n'était pas normal ni même constitutionnel que le président puisse être choisi en dehors de l'assemblée, comme l'autorise désormais le deuxième alinéa de l'article 69 du statut. Le président de la commission des lois et vous-même, madame la ministre, m'avez rétorqué que c'était la même chose qu'en Nouvelle-Calédonie. Eh bien, j'ai le regret de vous dire, ainsi qu'à M. le rapporteur, dont je viens de lire l'analyse de l'article 69, que cet argument n'est pas exact et qu'il est même totalement faux. Il y a au moins cinq différences qui rendent impossible sur ce point, la comparaison entre la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie.
    Première différence : la Polynésie est une des collectivités territoriales de la République énumérées à l'article 72, puisqu'elle fait partie des « collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 ». La Nouvelle-Calédonie n'est pas une collectivité territoriale de la République, mais un pays sui generis où les seules collectivités territoriales sont les provinces et les communes. Les collectivités territoriales se gouvernent par des conseils élus. Ce n'est pas le cas de la Nouvelle-Calédonie.
    Deuxième différence : en Polynésie, il n'y a pas, comme dans les autres collectivités territoriales à l'exception de la Corse, de séparation entre le délibératif et l'exécutif, tandis que le statut de la Nouvelle-Calédonie opère cette séparation en distinguant un congrès et un gouvernement. Vous auriez pu, madame la ministre, aligner le statut de la Polynésie sur celui de la Corse. Je trouve d'ailleurs que la distinction entre le délibératif et l'exécutif est une meilleure formule pour le fonctionnement des collectivités. Mais, de ce point de vue, la Polynésie reste soumise au droit commun des collectivités territoriales et son exécutif doit donc être choisi en son sein.
    Troisième différence : le président de Polynésie est élu par l'assemblée au scrutin uninominal. En Nouvelle-Calédonie, le congrès n'élit pas un président, il élit le gouvernement, et le fait au scrutin de liste. De surcroît, ce gouvernement est, de droit, pluriel, c'est-à-dire qu'il comprend la majorité et l'opposition.
    Quatrième différence : en Polynésie, c'est le président, une fois élu, qui nomme ses ministres : en Nouvelle-Calédonie, c'est le gouvernement, une fois élu, qui élit lui-même son président, ainsi que son vice-président. Il est même implicite - je regrette d'ailleurs que la loi ne le prévoie pas explicitement comme le suggérait notre collègue Pierre Frogier - que le vice-président doit être d'une autre couleur politique que le président.
    Enfin, cinquième différence : en Polynésie, le gouvernement, choisi par le président, est naturellement monocolore ; en Nouvelle-Calédonie, l'opposition, en l'occurrence les Kanaks, est représentée de droit au gouvernement.
    Autrement dit, il n'y a aucune comparaison possible entre la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie pour l'élection du président. Si nous devons débattre, il faut que le débat porte sur les questions de fond et qu'on ne nous fasse pas des réponses dilatoires, pour que chaque citoyen français, de Polynésie comme de métropole, soit parfaitement informé des dispositions que nous allons voter.
    M. le président. Je mets aux voix la question préalable.
    (La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale commune

    M. le président. Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Michel Buillard.
    M. Michel Buillard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il m'appartient tout d'abord d'exprimer notre reconnaissance au Gouvernement pour avoir déclaré l'urgence sur les deux projets de loi concernant le statut d'autonomie de la Polynésie française. Cela s'imposait, car il y a quatre ans que nous attendons cette importante révision statutaire.
    Les deux projets soumis à notre examen sont décisifs pour l'avenir de la Polynésie.
    L'autonomie, mode de gouvernement novateur que nous avons choisi, a permis le développement de la Polynésie. Et c'est la réussite de ce développement qui justifie aujourd'hui que l'on aille plus loin dans le sens d'une autonomie qui a fait ses preuves.
    L'autonomie s'est construite progressivement, avec pragmatisme, à mesure que les Polynésiens se sentaient à même d'assumer de nouvelles responsabilités. Les responsables polynésiens, à l'exemple de notre président-sénateur, furent prudents dans leur démarche. Ils étaient conscients que tout échec aurait pu justifier un retour en arrière ou faire le lit des thèses indépendantistes.
    L'acte I de l'autonomie, c'est, en 1984, le transfert des responsabilités à un exécutif polynésien élu succédant à la toute-puissance des gouverneurs.
    M. René Dosière. Merci, les socialistes !
    M. Michel Buillard. Cet exécutif met en jeu sa responsabilité politique devant l'assemblée, qui peut le sanctionner par une motion de censure.
    L'acte II de l'autonomie, c'est le transfert progressif de nouvelles compétences au territoire, à mesure que les Polynésiens s'estiment à même de les assumer. Ce sont principalement les lois statutaires et modificatives de 1984, 1990, 1994, 1995, et la dernière loi statutaire de 1996.
    Au cours des vingt dernières années, sous la direction de Gaston Flosse, les Polynésiens ont lutté âprement pour le développement de leur pays. J'ai eu l'honneur d'être associé à ce combat en tant que ministre et vice-président du gouvernement. Et je peux vous dire que cet homme, riche de son expérience de ministre de la République, de député européen et de parlementaire aux nombreux mandats, forme ses ministres polynésiens aux responsabilités, à la gestion publique, à l'autonomie. Il nous insuffle sa vision de l'avenir et sa culture du développement. Nous lui sommes tous infiniment redevables.
    Sans doute avons-nous vécu des heures difficiles, comme les émeutes liées à la reprise des essais nucléaires. Nous avons connu la sanction politique par une motion de censure. Mais c'est le propre de l'autonomie et l'une des différences essentielles avec les collectivités administratives décentralisées de métropole : nos institutions sont de nature politique et les élus polynésiens assument, à chacune de leur décision, la responsabilité politique de leur gestion.
    Quel est le bilan de ces vingt années de gestion autonome et de pouvoirs transférés ?
    La politique du président du gouvernement est unsuccès économique et social reconnu. Je n'aurai pas l'outrecuidance de procéder à une étude comparative des résultats économiques de la Corse et de la Polynésie.
    M. Simon Renucci. Ce n'est pas comparable !
    M. Michel Buillard. Je n'aurai pas cette outrecuidance, compte tenu du déficit de connaissances qu'a malheureusement démontré notre collègue Emile Zuccarelli en matière de droit de l'outre-mer.
    Ces nouveaux pouvoirs ont été le moteur de notre développement et nous ont permis de relever le défi de la reconversion depuis l'arrêt des essais nucléaires. La croissance économique atteint 5 % par an en moyenne depuis 1995. Les Polynésiens ont aujourd'hui un niveau de vie comparable à celui des Australiens et des Néo-Zélandais. Nous avons significativement augmenté nos ressources propres grâce au tourisme, à la perliculture et à la pêche.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. René Dosière. Les Polynésiens ne sont pas tous riches !
    M. Michel Buillard. Les bénéfices de cette croissance économique et le soutien financier important de l'Etat ont été consacrés au partage avec les plus démunis d'entre nous.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. Michel Buillard. C'est ainsi qu'avant même la création en métropole de la couverture maladie universelle, nous avons créé une protection sociale généralisée et gratuite pour tous ceux qui perçoivent un revenu inférieur au SMIC.
    M. Éric Raoult. C'est vrai !
    M. Michel Buillard. Des milliers de logements sociaux ont été construits.
    M. René Dosière. Le tout avec l'aide de l'Etat !
    M. Michel Buillard. Bien sûr, et merci à l'Etat !
    Nous avons imaginé des instruments d'insertion sociale et économique qui préservent la dignité humaine et l'épanouissement personnel, fondés sur un principe de responsabilité : pas de rémunération sans travail.
    Le résultat de la politique de reconversion économique est donc un succès, confirmé par la stabilité politique de notre pays. Nous sommes instruits par l'expérience malheureuse de nos voisins du Pacifique, comme le Vanuatu. J'invite notre collègue René Dosière à dépasser le cadre de ses missions administratives et de ses promenades de santé en Nouvelle-Calédonie pour aller visiter le Vanuatu. Il pourra se rendre compte par lui-même que l'aide de la coopération aujourd'hui est sans commune mesure avec l'aide de l'Etat quand le Vanuatu s'appelait les Nouvelles-Hébrides.
    M. René Dosière. Le Vanuatu reçoit en un an ce que la Polynésie reçoit en un jour !
    M. Michel Buillard. Quand vous dites ici que la France continue à aider les pays lorsqu'ils sont indépendants, monsieur Dosière, je m'inscris en faux contre cette affirmation ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Si l'autonomie a démontré qu'elle était un système de gouvernement efficace au service du développement, la réussite même du développement nécessite maintenant que l'on aille plus loin dans la consolidation juridique de l'autonomie. Cette consolidation est bien l'objet principal de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 et des projets de loi soumis à notre examen. Ces textes consacrent l'acte III de l'autonomie. Ils font d'elle un véritable concept juridique à valeur constitutionnelle garanti par l'article 74 de la Constitution.
    L'autonomie prend place dans la Constitution aux côtés de la décentralisation, et par conséquent s'en distingue. Il en résulte que le juge ne peut plus se contenter d'une analogie avec le droit commun de la décentralisation territoriale et qu'il doit faire prévaloir les spécificités de l'autonomie.
    Selon l'article 74, seules les collectivités d'outre-mer dotées de l'autonomie sont susceptibles de bénéficier de quatre nouveaux principes constitutionnels, que la Polynésie française est la première à appliquer. Ils constituent, après la reconnaissance de la valeur constitutionnelle de l'autonomie, le deuxième volet de la consolidation de l'autonomie polynésienne.
    Le premier principe permet à la Polynésie française, qui devient un pays d'outre-mer en vertu du projet de loi organique, de bénéficier de compétences plus larges. Le pays se voit transférer de nouvelles compétences propres, mais il peut aussi à présent participer à l'exercice des compétences régaliennes de l'Etat. Cette faculté reconnue au pays va permettre à la Polynésie de mieux faire respecter ses propres textes en prévoyant les sanctions à leurs infractions et en les constatant elle-même.
    Le deuxième principe permet au pays de préserver des compétences susceptibles d'être remises en cause par un accord international ou une loi. L'assemblée polynésienne sera en effet autorisée à « déclasser » une loi empiétant sur les compétences du pays. En matière de négociations internationales, la Polynésie sera mieux associée aux négociations des traités intéressant ses compétences. Elle pourra en outre prendre des initiatives internationales autonomes.
    Le troisième principe soumet certains actes de l'assemblée de la Polynésie française, les « lois du pays », à « un contrôle juridictionnel spécifique ». Sur ce point, l'intention du législateur doit être bien entendue. Avec la dernière révision constitutionnelle, la Polynésie française est sortie du droit commun de la décentralisation territoriale pour gagner le domaine constitutionnel de l'autonomie. En conséquence, le contrôle des lois du pays par le juge doit avant tout avoir pour objectif de préserver cette dernière. Cela implique au moins deux changements fondamentaux.
    Le premier est que, lorsque les compétences du pays sont sujettes à controverse devant le juge administratif, la compétence polynésienne doit être présumée. Vous avez évoqué devant le Sénat, madame la ministre, les « interprétations jurisprudentielles peu favorables à l'autonomie territoriale » qui imposent les régularisations du pouvoir constituant dérivé et du législateur organique pour protéger les compétences de la Polynésie française. Nous ne pouvons nous permettre ces régularisations chaque année. La Polynésie française est titulaire d'une compétence de principe. Il doit être définitivement posé que par décision de la souveraineté nationale, la compétence de la Polynésie française prime en cas de doute.
    Second changement fondamental : dans l'exercice de son contrôle juridictionnel spécifique, le juge administratif ne saurait apprécier la validité des lois du pays de la même façon qu'une délibération d'un conseil régional. Les premières interviennent dans les matières législatives et sont soumises au contrôle exclusif du Conseil d'Etat. Elles ont donc nécessairement, dans la hiérarchie des normes, une valeur supérieure à la délibération du conseil régional.
    Le contrôle du Conseil d'Etat à l'égard des lois du pays doit donc se rapprocher de celui du Conseil constitutionnel à l'égard des lois : il doit davantage procéder à un contrôle de « compatibilité » de la norme qu'à un strict contrôle de « conformité ». C'est la résultante de la nature politique des institutions polynésiennes et de la responsabilité politique à laquelle les élus polynésiens sont exposés par le jeu des motions de censure, à la différence des élus des collectivités territoriales métropolitaines.
    Les lois du pays font partie des nouveaux pouvoirs que le pays se voit conférer. C'est bien l'assemblée qui en est la principale bénéficiaire. Le président, quant à lui, garde sensiblement les mêmes prérogatives. Il est, certes, consacré comme une institution à part entière. Mais n'est-ce pas normal dans un environnement géographique essentiellement composé de pays indépendants ou dotés d'un véritable « self-government » ?
    M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
    M. Bernard Accoyer. Mais c'est très important, ça, monsieur le président !
    Mme Béatrice Vernaudon. C'est très intéressant !
    M. Eric Raoult. Accordez-lui un peu d'autonomie ! (Sourires.)
    M. Michel Bouvard. Laissez-le s'exprimer !
    M. Michel Buillard. Nous sommes en train de parler de la Polynésie, et si vous permettez, monsieur le président, j'ai encore beaucoup de choses à dire !
    M. le président. Mon cher collègue, vous avez peut-être beaucoup de choses à dire, mais votre groupe n'avait qu'à vous donner un temps de parole plus important. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous disposez de dix minutes : je vous demande simplement de respecter ce temps de parole.
    M. Pierre Goldberg. Votre temps de parole est limité comme celui des autres !
    M. le président. Mes chers collègues, je demande à chacun de respecter son temps de parole. C'est ce que j'ai fait depuis le début de la soirée. Etant impartial, je tiens à ce qu'il en soit ainsi pour tout le monde.
    M. Pierre Goldberg. Tout à fait !
    M. Bernard Accoyer. Impartial !
    M. le président. N'est-ce pas, monsieur Accoyer ?
    M. Christian Paul. M. Raoult l'aurait sans doute laissé parler plus longtemps !
    M. Émile Zuccarelli. Il fallait déposer une motion de procédure, monsieur Buillard !
    M. Michel Buillard. Je vais donc terminer, monsieur le président, tout en regrettant de ne pas pouvoir m'expliquer plus longtemps. Vous avez pourtant entendu nos collègues : ils souhaitent que les élus polynésiens puissent s'exprimer sur ce dossier.
    M. Michel Bouvard. Bien sûr !
    M. Michel Buillard. Alors nous nous exprimons et nous disons ce que nous pensons...
    M. Bernard Accoyer. Très bien !
    M. Éric Raoult. Ils ont d'ailleurs fait 18 000 kilomètres pour s'exprimer !
    M. Michel Buillard. ... des bienfaits de ce texte.
    Il nous semble que, dans le cadre de l'autonomie renforcée, le pouvoir législatif des collectivités d'outre-mer et les mesures préférentielles dont bénéficient leurs populations constituent bien des mesures d'avenir.
    Je tiens à rendre hommage à notre excellent rapporteur, M. Jérôme Bignon, à M. le président Pascal Clément, pour les propos qu'il a tenus, ainsi qu'à ceux de notre collègue Robert Pandraud relatifs à la nécessité de procéder - et je vous invite à méditer ses paroles - à des adaptations audacieuses et de ne pas remettre en cause l'attachement profond que les Polynésiens éprouvent à l'égard de la République. J'exprime également ma profonde reconnaissance au Président de la République, au Premier ministre, à Mme la ministre de l'outre-mer, ainsi qu'au président sénateur Gaston Flosse, sans lesquels ce statut n'aurait pu voir le jour.
    M. Pierre Goldberg. Et nous ?
    M. Michel Buillard. Vous avez dit trop de mal de la Polynésie pour que je vous remercie.
    M. Pierre Goldberg. Je n'ai pas encore parlé !
    M. Michel Buillard. En votant ce statut, nous contribuerons à la poursuite du développement économique et social, donnerons à la jeunesse polynésienne espoir et confiance dans l'avenir et récompenserons l'harmonie humaine que la Polynésie se fait fort de préserver. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Éric Raoult. Ce discours fera date !
    M. le président. Encore une fois, mon cher collègue, je n'avais pas du tout l'intention de vous contraindre, mais nous devons respecter les temps de parole. Je n'ai pas fixé le vôtre, qui a été déterminé par le groupe UMP. Votre groupe aurait pu vous donner cinq minutes de plus, mais moi, je suis obligé de faire respecter ce qui a été convenu. N'est-ce pas monsieur Accoyer ?
    M. Bernard Accoyer. Monsieur Salles, je vous en prie ! Ça suffit !
    M. le président. Non, monsieur Accoyer : c'est moi qui vous en prie !
    La parole est à M. Christian Paul pour dix minutes et pas une de plus !
    M. Christian Paul. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat, même s'il s'engage dans les pires conditions pour le travail parlementaire (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), est d'abord pour moi l'occasion de saluer les citoyens de Polynésie (« Ah ! » sur les mêmes bancs), ceux qui ont pu venir ici à Paris, mais aussi ceux, plus nombreux bien sûr, qui, là-bas dans le Pacifique, sont très attentifs à la manière dont vous et nous parlons ici de la Polynésie et de la République.
    M. Éric Raoult. Très bien, jusqu'à maintenant.
    M. Christian Paul. Je veux aussi saluer ceux de nos collègues qui représentent le territoire au sein de notre assemblée et dire à M. Buillard que personne ici ce soir ne dira de mal de la Polynésie et des Polynésiens.
    M. Éric Raoult. Très bien.
    M. Michel Bouvard. Bon début ! Continuez comme cela !
    M. Christian Paul. Mes chers collègues, je souhaite aujourd'hui, à mon tour, porter témoignage de l'affection profonde des Polynésiens pour la France. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Ce désir de France n'est en rien contradictoire avec l'autonomie et avec son renforcement.
    Même pour ceux qui seraient tentés par les formes institutionnelles et politiques les plus audacieuses, cet attachement, c'est d'abord l'idée que la République veut la justice et fait respecter le droit. La question qui nous est donc posée aujourd'hui, ce n'est pas l'autonomie, qui n'est pas discutée dans son principe, mais la démocratie.
    M. Émile Zuccarelli et M. Simon Renucci. Très bien.
    M. Christian Paul. Aussi, je vous propose de prendre l'exigence démocratique comme fil conducteur et comme mesure pour juger ce texte.
    Du reste, de ce projet, nous discuterons, bien sûr, dans le débat, article par article et pied à pied, soyez-en sûrs, en particulier s'agissant des compétences du pouvoir normatif.
    Mais l'existence même de la démocratie est le vrai rempart à préserver. A la mesure de cette exigence démocratique et de façon solennelle, je veux dénoncer une faute, hélas ! déjà commise et évoquer trois risques qui, dès le vote de ce statut, seront autant de menaces pour les libertés démocratiques en Polynésie française. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Éric Raoult. C'est bien compliqué !
    M. Christian Paul. Cette faute, madame la ministre, le président de la République et le Gouvernement l'ont déjà commise et en portent donc la responsabilité.
    Les Polynésiens n'ont pas été consultés. Depuis longtemps déjà pourtant - et ce fut la pratique constante de ces dernières années - toute évolution statutaire en outre-mer a été précédée d'une consultation des populations concernées. Lionel Jospin l'avait souhaitée pour la Nouvelle-Calédonie et pour Mayotte. Ce fut fait avec succès.
    Votre gouvernement, celui que vous soutenez, mes chers collègues de la majorité, l'a pratiquée aussi en Martinique et en Guadeloupe. Là, c'est vrai, une politisation excessive par vos amis et une pédagogie insuffisante du côté du Gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
    M. Éric Raoult. Et la duplicité du parti socialiste !
    M. Christian Paul. ... vous ont valu le désavoeu, le « non » de nos concitoyens.
    Mais, au moins aux Antilles, ils avaient pu débattre et choisir.
    M. Éric Raoult. M. Larifla n'est pourtant pas un élu de l'UMP !
    M. Christian Paul. En Polynésie, rien de tel ! Le peuple de Polynésie était-il indigne de cette consultation ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je ne préjuge pas de ce qu'aurait été son choix - d'ailleurs le Conseil constitutionnel sera appelé à trier le bon grain de l'ivraie. (Mêmes mouvements.) Mais les opinions auraient pu s'exprimer au-delà des murs de l'assemblée territoriale. Ainsi, les partisans de ce statut auraient exposé leurs arguments, mais ceux qui le contestent auraient également eu droit, enfin, à une parole publique équitable dans un cadre acceptable.
    Après avoir rappelé cette faute, hélas ! déjà commise, et après d'autres, comme René Dosière et Emile Zuccarelli - qui l'ont fait, je crois, avec beaucoup de rigueur et de conviction -, je veux éclairer notre assemblée sur les dérives qui minent la vie publique du territoire et que le projet du Gouvernement conforte et entretient.
    Il y a trois risques pour l'avenir de la démocratie en Polynésie.
    Le premier est la concentration des pouvoirs. A la lecture de ce projet, tout révèle la volonté de présidentialiser les institutions de la Polynésie collectivité d'outre-mer.
    Le vocabulaire d'abord, qui installe le président de la Polynésie française dans un écrin juridique qui n'est pas sans rappeler le pouvoir d'un chef d'Etat. Et je dirai d'ailleurs, sans malice, mes chers collègues, que l'accueil pharaonique réservé au président Chirac en août 2003 avait l'allure d'une visite d'Etat.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oh !
    M. Éric Raoult. Jaloux !
    M. Christian Paul. C'est pourtant vrai ! Je n'étais pas du voyage, monsieur Raoult. Vous y étiez, peut-être, comme M. de Saint-Sernin et d'autres.
    M. Éric Raoult. Non, je l'ai vu à la télévision, sur RFO !
    M. Christian Paul. Le dispositif ensuite. Le président pourra être choisi hors du champ de l'assemblée, et comme l'a très bien rappelé René Dosière, cela est aux antipodes, certes, mais surtout aux antipodes de notre tradition institutionnelle et de notre histoire politique. (Sourires.)
    Les pouvoirs du président de Polynésie et ceux du Gouvernement seront renforcés. Le recours au référendum local a le parfum du plébiscite. D'ailleurs, le mode d'élection ne sera-t-il pas, demain, le suffrage universel ? Et déjà le risque monarchique se dessine (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), un risque que l'opposition locale combat et que tous les observateurs vérifient sur place.
    M. Bernard Accoyer. C'est un délire paranoïaque !
    M. Christian Paul. Oui, mes chers collègues, en Polynésie s'installe le risque, déjà dénoncé à d'autres moments de notre histoire, du coup d'Etat permanent ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Christophe Lagarde. ... pratiqué pendant quatorze ans par Mitterrand !
    M. Bernard Accoyer. C'est de la provocation !
    M. Christian Paul. Tous les ingrédients sont là : le secret de la réforme, les excès qu'elle contient, l'urgence de la procédure - et j'y ajouterai la mystique du chef.
    Quelle est, au fond, la logique de ces institutions ?
    Ce n'est pas l'autonomie renforcée de la Polynésie, c'est une logique tout autre, celle qui a fondé partout la pratique post-coloniale de la droite outre-mer (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) : ... Mes chers collègues, si je vous dérange, je crois que je vais continuer !
    M. Michel Bouvard. Pourquoi pas l'esclavagisme, pendant que vous y êtes ? Cela nous rappelle quelque chose ! Décidément, vous n'avancez pas beaucoup !
    M. Christian Paul. ... Le pouvoir personnel posé comme un rempart devant une tentation indépendantiste exagérée à dessein.
    M. Michel Bouvard. Ça rappelle quand Jospin accusait la droite d'être esclavagiste !
    M. Christian Paul. Nous sommes en effet loin, bien loin, du projet de Lionel Jospin pour l'outre-mer.
    M. Michel Bouvard. Vous dérivez autant que lui !
    M. Christian Paul. Le second risque est l'aggravation de la tutelle exercée sur les communes. Chacun dénonce - c'est même un rituel - la faiblesse des communes de Polynésie. Chacun sait combien elles sont dépourvues de pouvoirs et de ressources.
    M. Joël Beaugendre. Qu'avez-vous fait à ce sujet ?
    M. Bernard Accoyer. Oui ! Qu'avez-vous fait quand vous étiez ministre ?
    M. Christian Paul. Et les communes de Polynésie ne verront pas leur rôle véritablement amélioré. Pourquoi leur refuser de véritables ressources propres ?
    Monsieur Accoyer, révisez l'histoire récente : c'est le Président de la République qui n'a pas souhaité que nous puissions aller plus loin dans le projet de réforme de la Polynésie.
    M. Bernard Accoyer. Ce n'est jamais votre faute ! Avec les socialistes, c'est toujours de la faute des autres !
    M. René Dosière. C'est bien le Président qui convoque le Parlement en Congrès !
    M. Christian Paul. Entre deux psychothérapies, révisez donc l'histoire !
    Pourquoi refuser à ces communes des pouvoirs habituellement dévolus à un niveau de responsabilité communal, par exemple en matière d'urbanisme ? Pourquoi laisser à la discrétion du gouvernement de la Polynésie l'amélioration - facultative, notez-le bien - des compétences des communes ?
    Enfin, troisième risque, et non le moindre, la démocratie sera confisquée par la loi électorale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Éric Raoult. Vous êtes un expert en ce domaine !
    M. Christian Paul. Je comprends que cela vous dérange ! S'agissant de la Polynésie, la loi électorale est désormais écrite à Papeete, et non pas à l'Assemblée nationale, ni rue Oudinot ! Et c'est au Sénat - le Gouvernement n'ayant sans doute pas voulu assumer cette tâche - qu'un amendement que je qualifierai de « présidentiel » est venu donner des armes supplémentaires pour réduire l'opposition polynésienne. Alors que la présence de contre-pouvoirs exprime la réalité de la démocratie, cette idée est désormais bannie de la Polynésie.
    M. Michel Piron. La loi ne serait pas démocratique ? C'est curieux !
    M. Christian Paul. Oui, mes chers collègues de la majorité, j'espère que vous aurez le courage moral et politique - c'est à vous de l'assumer en priorité - de revenir, sur ce point, au projet initial du Gouvernement.
    Ces trois dérives pèsent déjà, et pèseront encore sur les relations entre la Polynésie et notre République, parce qu'elles minent la vie publique et nourrissent les malentendus et les reproches réciproques. Fallait-il, pour ces terres de lumière, un projet aussi opaque ? Les Polynésiens attendent de la République qu'elle accompagne leur développement et qu'elle garantisse la justice et la loi. Ils n'attendent pas que l'Etat soit un guichet, mais un partenaire présent et loyal. Ce n'est pas là une préoccupation éphémère.
    Pour conclure, permettez-moi de vous livrer le témoignage du voyageur républicain que je fus, arrivant pour la première fois aux Marquises, cet archipel le plus éloigné de tous les continents. Je fus, c'est vrai, surpris d'entendre cette revendication de liberté politique que défendait mieux que quiconque M. Lucien Kimitete, tragiquement disparu depuis. La terre des hommes, les Marquises, donnait alors une leçon à la Polynésie et à la France. Les Marquisiens, comme bien d'autres dans toutes les îles de Polynésie, n'ont cessé de craindre ce jacobinisme présidentiel, quel que soit l'homme qui l'incarne. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mes chers collègues, je ne défends pas le statu quo en Polynésie, mais j'invite vivement l'Assemblée nationale à ne pas faire de la démocratie polynésienne un champ de ruines. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe UDF est, naturellement, en Polynésie comme dans les autres territoires d'outre-mer, collectivités d'outre-mer et pays d'outre-mer - désormais, les noms se multiplient ! -, favorable à l'autonomie, puisqu'il est évident, comme chacun l'a rappelé ici, qu'à des milliers de kilomètres de Paris, avec des particularismes, une géographie, une culture et une histoire différents de ceux de la métropole, on doit pouvoir s'adapter. Il est donc logique d'aller vers l'autonomie, et je crois que chacun ici le concède.
    J'ai eu la chance de me rendre deux fois en Polynésie française à titre privé avant l'été dernier, puis de participer à une mission parlementaire, avec cinq de nos collègues, en vue de vous rendre compte de cette mission à l'occasion le projet de loi qui vous est proposé aujourd'hui.
    Je voudrais remercier le président Clément, qui a eu à coeur de rendre cette mission à la fois passionnante et concrète. Nous avons pu rencontrer tous les acteurs de la vie politique, économique et sociale polynésienne, et surtout nous rendre sur le terrain, sans rester enfermés dans un bureau, où nous n'aurions pu nous « rendre compte » que de ce qu'on aurait bien voulu nous raconter.
    Je tiens également à remercier nos collègues polynésiens de leur accueil, tant M. Michel Buillard, député-maire de Papeete, que Mme Vernaudon, car ils ont su exposer leurs points de vue, ainsi que toutes celles qui ont montré leur intérêt pour les futurs travaux de l'Assemblée nationale sur ce sujet.
    Si je commence par ces remerciements, ce n'est pas par tradition ou par coutume. Je ne suis pas toujours quelqu'un de poli, monsieur le président ; j'essaie simplement d'être correct. Il s'agit de montrer que beaucoup de gens, là-bas, attendent de savoir ce que nous allons faire et quels arbitrages vont être rendus par la nation parce qu'ils sont habitués à un système politique qui n'est pas tout à fait celui de la métropole.
    Madame la ministre, je veux avant tout souligner que vous avez eu au moins un mérite, à mes yeux, en nous présentant ce projet de loi : celui de revenir en arrière, - ce qui constitue en réalité un progrès - sur ce qui avait été concocté dans le statut de 1999. Je n'ai pas l'habitude de lancer des fleurs au Président de la République, mais je pense franchement qu'en n'ayant pas convoqué le Congrès pour lui faire voter ce qu'avait fait adopter le gouvernement Jospin par l'Assemblée, il a rendu un fier service à la France et à la Polynésie française. Vous avez su, mieux que vos prédécesseurs, résister aux demandes émanant du gouvernement local. S'il est légitime que ce dernier en formule, il est du devoir de la République, et de son gouvernement que vous représentez, de savoir y résister.
    A nos yeux, ces deux projets de loi contiennent à la fois de vraies avancées pour la Polynésie, des dispositions purement cosmétiques en direction du gouvernement polynésien, des insuffisances et des dangers.
    Parmi les avancées, attendues par la population, comme nous avons pu le constater sur place, figure d'abord la protection de l'emploi local. Il est en effet indispensable, en particulier sur ce territoire, de protéger l'emploi local. Il faudra évidemment examiner comment cette disposition sera mise en oeuvre.
    Une autre avancée est réalisée en ce qui concerne le droit foncier, avec la mise en place d'un tribunal foncier. Cela est essentiel, compte tenu de la complexité du droit foncier et du problème foncier en Polynésie, ainsi que de son importance pour le développement de ce pays d'outre-mer.
    L'extension du contrôle de la chambre des comptes me paraît également intéressante car il convient de rapprocher au plus près les règles applicables en la matière de celles que nous connaissons en métropole.
    L'ouverture de l'accès au médiateur de la République constituera une garantie supplémentaire donnée aux citoyens français de Polynésie.
    Des mesures importantes permettront aux communes polynésiennes d'entrer davantage dans le droit commun, même si cela ne sera pas encore totalement vrai. Puisque l'un de vos prédécesseurs, madame la ministre, disait que parler de ce sujet était devenu une antienne ou une tradidion, il convenait de souligner qu'une avancée était accomplie en la matière. Tel est aussi le cas avec la disposition qui permettra l'entrée de l'opposition dans les conseils municipaux des villes de plus de 3 500 habitants, ce dont la Polynésie a grandement besoin.
    Quant à la cosmétique, elle est utilisée, nous semble-t-il, pour amuser les Polynésiens dans le jeu politique, pour permettre au gouvernement polynésien actuel, dans un face-à-face un peu désuet avec les indépendantistes, d'affirmer qu'il obtient, progressivement, les hochets qui permettent d'affirmer l'identité de la Polynésie.
    J'ai entendu le débat que vous avez eu avec notre collègue René Dosière à propos des lois de pays. Comme, de tout façon, personne n'a osé donner directement cette appellation aux textes en cause, vous avez écrit qu'il s'agissait des « actes appelés lois de pays ». Cela fait plaisir, cela ne mange pas de pain et ils resteront des actes réglementaires. C'est d'ailleurs pourquoi vous avez décidé qu'ils seraient soumis au Conseil d'Etat et vous avez fort bien fait car, s'il s'était agi de véritables lois de pays, elles auraient relevé du Conseil constitutionnel où il aurait pu se poser quelques problèmes.
    Le président de la Polynésie devient une institution. Il sera donc un mini-chef d'Etat si l'on rapproche cette disposition de ce qui existait auparavant et de ce qui est aussi instauré : le drapeau, l'hymne, l'ordre national, la fête, les langues et les accords internationaux.
    Je veux néanmoins appeler votre attention sur le fait que si l'autonomie est nécessaire, elle ne doit pas s'accompagner d'une multiplication de symboles de ce qui pourrait être entendu comme une sortie de la République française, même si je pense que telle n'est la volonté ni des Polynésiens ni du gouvernement de Polynésie française. Il n'en reste pas moins que quand on a des lois, un drapeau, un hymne, un gouvernement, un ordre national, ou presque, une fête nationale, ou presque, une langue, et que l'on va avoir une représentation diplomatique auprès d'Etats étrangers - ce qui me paraît très grave et me permettra de faire la transition avec les dangers du texte -, on n'est plus très loin de ce que peut revendiquer un pays qui veut devenir un Etat national. Je mets donc l'Assemblée nationale en garde à cet égard.
    J'en viens donc aux insuffisances et aux dangers que nous avons décelés dans le texte.
    En ce qui concerne d'abord les communes, madame la ministre, le texte devrait permettre deux avancées qui me paraissent essentielles.
    Comme de nombreux collègues dans cette assemblée, je suis maire et je ne crois pas que l'on peut exercer cette fonction dans la plénitude si l'on ne dispose pas de la compétence en matière d'urbanisme. Or celle-ci n'est pas donnée aux maires polynésiens par le projet qui prévoit qu'elle ne leur sera accordée que dans les conditions définies par le territoire. Mais chacun sait que les relations entre les communes et le territoire ne sont pas toujours simples. J'ai rencontré quelques maires en Polynésie française et il me paraît légitime qu'on leur donne la compétence en matière d'urbanisme, c'est-à-dire, d'aménagement du territoire de sa commune.
    Dans le même ordre d'idée, je présenterai un amendement visant à permettre aux maires, comme cela est le cas en métropole, de proposer des attributions de logements sociaux même quand leur commune n'a pas les moyens nécessaires pour participer à leur réalisation. Nous savons bien, en effet, que les moyens des mairies en Polynésie sont faibles. Si un maire au contact de sa population n'est pas en mesure de donner satisfaction à certains de ses administrés, il n'est pas vraiment un maire.
    M. René Dosière. Cet amendement a été repoussé par la commission !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Je ne m'étenderai pas sur la question des cinquante pas géométriques aux Marquises, me bornant à souligner qu'il serait logique que cette disposition disparaisse du projet de loi.
    M. René Dosière. Cette demande a également été repoussée par la commission !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Par ailleurs, le refus de la décentralisation interne à la Polynésie nous a surpris, étonnés, voire choqués. Il est, en effet, paradoxal que le gouvernement polynésien demande à Paris l'autonomie, c'est-à-dire, une forme de décentralisation, ce qui est parfaitement légitime, et, dans le même temps, refuse de mettre en oeuvre la décentralisation à l'intérieur même de la Polynésie. Pourtant, cela a été souvent rappelé, elle est aussi étendue que l'Union européenne nouvelle. Elle couvre des milliers de kilomètres carrés et possède des frontières extrêmement importantes, constituées d'immenses masses maritimes. Il serait donc logique que l'on puisse décentraliser en son sein. Cela avait été tenté avec la création des conseils d'archipels, mais on n'en parle plus, ce qui est regrettable.
    Il est tout aussi regrettable que l'on refuse de faire des communes et de leurs regroupements des contre-pouvoirs au gouvernement central.
    Quant au droit du travail, madame la ministre, il devient complètement local. Certes, il est sans doute indispensable de l'adapter à une situation différente de celle que nous connaissons en métropole à des milliers de kilomètres, mais on commence déjà à avoir des difficultés en termes de continuité territoriale. Ainsi une grande société nationale, RFO, pour ne pas la citer, a appelé mon attention sur le fait que ses services juridiques ne savaient plus très bien à quel droit du travail devaient être soumis les salariés qu'elle envoie en Polynésie. C'est un problème réel et il faudrait qu'il y ait une discussion permanente entre l'Etat et le gouvernement de Polynésie afin qu'un citoyen français métropolitain allant travailler là-bas, par exemple pour une grande société nationale, bénéficie de toute la sécurité juridique nécessaire au regard du droit du travail applicable en métropole.
    Le transfert des jeux me paraît également discutable.
    Quant à l'instauration de la coprésidence du FIP - au président du gouvernement et au haut commissaire - elle ne me paraît pas une bonne disposition.
    D'abord, on peut douter de sa constitutionnalité, puisque aucune collectivité ne peut avoir de tutelle que une autre. Or le FIP, alimenté par des sommes prélevées sur le produit des taxes du territoire, a pour objet de donner de l'argent aux communes. Le fait qu'il soit coprésidé par le président du gouvernement donne à ce dernier une forme de tutelle sur les communes. Cela ne me paraît pas sain, d'autant que celles-ci demandent plus d'équité.
    Puisque vous avez évoqué, cher collègue, le cas des Marquises, je me souviens du maire d'Hiva Oa nous expliquant que les deux projets auxquels il tenait le plus - je veux parler de la mémoire de Jacques Brel et de la mémoire de Gauguin - n'avaient pas reçu un centime de franc pacifique de la part du territoire.
    M. René Dosière. Il vote trop mal ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Merci de conclure, monsieur Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Deux dispositions, sur lesquelles je ne m'attarderai pas, monsieur le président, et par lesquelles je vais conclure, nous paraissent encore plus dangereuses que toutes les autres. Elles constituent surtout des mesures de circonstances. Je veux parler du système électoral et du mode de désignation du président.
    Le mode d'élection retenu - nous aurons l'occasion d'y revenir dans le débat -, vise à placer le Tahoeraa, partie de la majorité actuelle en Polynésie, et la Tavini, parti des indépendantistes, seuls l'un face à l'autre en permanence, c'est-à-dire à priver de choix toutes celles et tous ceux qui ne souhaitent pas l'indépendance mais qui voudraient changer de majorité.
    M. Éric Raoult. On veut assurer la stabilité !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Cela est extrêmement dangereux, et je pense que les indépendantistes ne sont pas si mécontents que cela - en tout cas le Tavini -, même s'ils ne le disent pas, puisque cela leur permettra d'être la seule opposition institutionnelle au gouvernement en place. Ils recueilleront ainsi les fruits de tous les mécontentements. Quand j'entends certains affirmer que ces projets de loi tendent à permettre le maintien de la Polynésie dans la République française, je dis que c'est une fausse stratégie qui risque de nous coûter cher.
    Nous aurons ainsi une assemblée qui sera élue par un scrutin unique en France, c'est-à-dire à un tour, avec une prime majoritaire, mais organisé par circonscription. Cela n'a aucun sens, aucune logique ! On peut choisir le scrutin proportionnel si on veut assurer la représentation de tous. On peut accorder une prime majoritaire si l'on veut dégager une majorité, mais on ne peut le faire dans le cadre de circonscriptions car on risque alors de se retrouver sans majorité !
    J'ai certes entendu parler d'urgence - et je ne me prononcerai pas à cet égard - mais qui pourrait nous expliquer où est aujourd'hui le problème électoral en Polynésie française ? Connaît-elle des difficultés de gouvernance ? Au cours des trente dernières années, y a-t-il eu vacance du pouvoir ? A-t-elle connu une assemblée incontrôlable ? Existe-t-il un risque d'instabilité institutionnelle ? Quelle est la raison de ce choix ?
    M. Christian Paul. Empêcher l'UDF d'arriver !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Peu importe pour ce qui concerne l'UDF : elle n'a pas d'ambitions en la matière !
    M. le président. Monsieur Lagarde !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Il me semble souhaitable et nécessaire qu'un système de représentation qui fonctionne depuis quarante ou cinquante ans en Polynésie française ne soit pas modifié, à moins qu'il s'agisse - je reprends à mon compte cette interrogation - de changer la loi électorale pour raccourcir le mandat de l'assemblée de Polynésie française élue jusqu'en 2006. Elle fonctionne et elle doit pouvoir continuer son travail. Ayant assisté à l'une de ses séances, j'ai pu constater qu'elle delibérait et que des majorités s'y dégagaient sans aucune difficulté.
    M. le président. Merci, monsieur Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Il n'y a pas de raison que l'on revienne en arrière. J'aimerais donc que le débat nous éclaire sur ce point.
    M. le président. La parole est à M. Pierre Goldberg.
    M. Pierre Goldberg. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons, ce soir, comme cela a été répété à plusieurs reprises, un projet de loi organique de 197 articles - excusez du peu - et un projet de loi de 26 articles faisant l'objet d'une discussion commune.
    Quelques heures de discussion seulement y ont été consacrées au Sénat, le dernier jour de la séance de l'année 2003, entre les questions d'actualité au Gouvernement, l'examen de la loi de finances pour 2004 et de la loi de finances rectificatives de 2003.
    Quelques heures de discussion seulement sont prévues aujourd'hui, dans cet hémicycle, quelques heures demain. Enfin l'examen de ces textes devrait être achevé à la fin du mois, l'urgence ayant été déclarée par le Gouvernement.
    Pourquoi nous accorde-t-on si peu de temps pour un texte comportant tant d'articles ? J'ai étudié plusieurs possibilités : soit il s'agit d'un texte qui fait l'objet d'un large consensus, ce qui justifierait qu'il n'y soit pas consacré de longues heures de discussion ; soit ce texte a tellement été examiné et discuté en amont qu'il ne mériterait plus de faire l'objet d'un examen approfondi, soit nous sommes saisis d'un texte sans conséquence qui ne modifiera en rien la situation actuelle.
    Ces deux projets de loi portent réforme du statut de la Polynésie française, lequel accordera désormais une autonomie renforcée à cette collectivité. Ce nouveau statut fait-il donc l'objet d'un large consensus ?
    M. René Dosière. Non !
    M. Pierre Goldberg. La population polynésienne n'a pas été consultée et, à moins que je ne commette une erreur, il n'est pas prévu qu'elle le soit à l'issue de cette discussion bien que ces textes touchent à l'organisation de la vie sociale, économique, culturelle et politique des Polynésiens. Comment se fait-il, dès lors, qu'il ne soit pas prévu de les consulter sur ce nouveau statut qui va décider de la vie institutionnelle future de la Polynésie ?
    Les électeurs antillais et corses - pour ne citer qu'eux - ont pourtant été consultés dans des circonstances quasiment similaires. En effet, le 7 décembre dernier, un référendum a été organisé sur une réforme institutionnelle des Antilles. De la même manière les électeurs corses avaient été consultés, quelques mois plus tôt, sur la modification de l'organisation institutionnelle de la Corse. Les textes que nous examinons aujourd'hui mériteraient, pour le moins, de connaître le même sort et d'être soumis aux électeurs polynésiens.
    Certes, ce nouveau statut nous est présenté comme étant souhaité par la collectivité. C'est d'ailleurs ce qui justifierait, aux yeux de la majorité, l'absence d'une telle consultation. Pourtant l'exemple des Antilles devrait nous servir de leçon. Ce n'est pas parce qu'une réforme est souhaitée par la majorité des élus qu'elle l'est par la majorité des habitants. Notre collègue Émile Zuccarelli l'a excellemment rappelé pour ce qui concerne la Corse. C'est pourquoi, au nom des député-e-s communistes et républicains, je demande solennement au Gouvernement l'organisation d'un référendum sur la modification du statut de la Polynésie française.
    M. Christian Paul. Très bien !
    M. Pierre Goldberg. A défaut de savoir si ce nouveau statut fait l'objet d'un large consensus, nous n'ignorons pas, en revanche, qu'il s'agit d'une réforme qui n'a pas été sérieusement examinée et débattue en amont par l'assemblée de la Polynésie. L'avant-projet de loi organique a en effet été transmis le 20 juin dernier à cette assemblée pour avis, lequel a été rendu une dizaine de jours plus tard en l'absence des élus de l'opposition. Ils ont en effet refusé de prendre part à une délibération tronquée - je n'hésite pas à l'affirmer - portant sur seulement deux articles, sans que les quelque 220 autres soient examinés.
    Pour sa part, le conseil économique, social et culturel de Polynésie a, quant à lui, été saisi pour avis sur cette réforme après en avoir émis le voeu et bien après que l'assemblée de la Polynésie eut elle-même rendu son avis. Drôle de façon de procéder, il faut le reconnaître.
    Enfin, pour parfaire ce climat d'extrême précipitation, l'urgence a été déclarée sur ces textes alors que rien, absolument rien ne le justifiait. Le contenu même du texte justifierait-il donc que son examen parlementaire ne mérite pas plus d'égards et pas plus de temps ? Aucun texte, quel que soit son contenu, ne mérite d'être traité de la sorte, encore moins quand il s'agit d'un projet d'une telle ampleur et aux conséquences si lourdes pour les citoyens. Les conséquences de l'adoption d'une telle réforme seront en effet considérables puisqu'elle touche, je l'ai déjà souligné, à l'organisation institutionnelle de la collectivité polynésienne, donc à l'organisation de sa vie sociale, économique, culturelle et politique.
    Cela étant je ne voudrais pas que ces remarques soient interprétées dans le sens d'une hostilité de notre part à l'autonomie. Les députés communistes se sont toujours montrés favorables à une plus grande autonomie de l'outre-mer, voire, si les populations le souhaitent, et je n'hésite pas à le dire, à l'indépendance de ces territoires.
    Lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie, qui a été adopté conforme par l'Assemblée et le Sénat en octobre 1999, mais qui, comme cela a été souligné précédemment, n'a jamais été soumis au vote du Congrès, mon collègue et ami Jacques Brunhes avait rappelé notre attachement au renforcement de l'autonomie introduite progressivement en Polynésie depuis 1984.
    Néanmoins, il n'avait pas manqué non plus de rappeler nos inquiétudes quant au respect des règles démocratiques en Polynésie, eu égard notamment à la pratique monarchique, c'est le moins qu'on puisse dire, de M. Gaston Flosse. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Ces remarques restent toujours d'actualité et, en raison des conditions de l'examen de ces textes, nous sommes enclins à penser qu'elles sont en fait taillées proprement sur mesure par et pour le gouvernement de M. Flosse. Cette discussion parlementaire n'est en fait qu'une formalité pure et simple pour légitimer les accords passés, dans le mépris le plus absolu des règles démocratiques.
    C'est pourquoi nous avons décidé, en tant que groupe, de ne pas y prendre part. Je me contenterai donc de présenter brièvement quelques remarques sur le fond, attestant qu'une telle réforme aurait mérité un examen sérieux digne de ce nom.
    Ainsi l'article 106 du projet de loi organique prévoit la modification des modes d'élection des représentants de l'assemblée de la Polynésie française, en portant de 5 à 10 % des suffrages exprimés le seuil requis pour qu'une liste soit admise à la répartition des sièges. Cet article porte considérablement atteinte à la représentation politique pluraliste, comme l'a malheureusement fait en son temps, la loi du 11 avril 2003 sur l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen, adoptée dans des conditions que je n'hésite pas à qualifier de honteuses pour notre République.
    Sans être particulièrement au fait de la vie politique polynésienne, tout un chacun connaît aujourd'hui les conditions fort peu démocratiques de l'exercice du pouvoir par M. Flosse. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union du mouvement populaire.)
    M. Eric Raoult. Arrêtez ! Ce sont des critiques ad hominem !
    M. Pierre Goldberg. Avec ce texte, le Gouvernement fait un cadeau royal à sa majorité et assène un coup qui peut être fatal à l'opposition. Ce sont donc les Polynésiens dans leur ensemble qui seront victimes d'une telle confiscation démocratique.
    D'ailleurs, si d'aucuns pensaient que j'exagère, le conseil économique, social et culturel de la Polynésie n'a pas manqué de dénoncer dans son avis cette disposition qui ne permettra pas « d'assurer une représentation suffisante des différents courants de pensée ». N'est-ce pas d'une extrême gravité ?
    En revanche, rien n'est prévu dans ce texte pour garantir une plus grande transparence des décisions, notamment de toutes celles qui ont trait à l'utilisation des fonds publics destinés à ce territoire.
    Aussi aurait-il été nécessaire que soient prévus des critères objectifs, stricts et publics en ce qui concerne les aides, subventions, exonérations, dérogations, transactions fiscales et douanières ou encore remises gracieuses.
    M. Eric Raoult. Comme en Seine-Saint-Denis !
    M. Pierre Goldberg. En tout état de cause, le contrôle de l'Etat ne peut pas être affaibli.
    Enfin, je ne vois rien qui, dans ce nouveau statut, permettra à la population polynésienne d'améliorer ses conditions de vie : quid du logement, de la santé ou de l'éducation ?
    En conclusion, ce nouveau statut d'autonomie n'a pour objectif que de servir les intérêts d'une majorité et d'un homme sans prendre en compte les besoins réels de la population polynésienne et tout cela, avec la complicité objective de votre gouvernement.
    Nous voterons donc contre ce texte sans prendre part à sa discussion qui n'en porte que le nom et nous renouvelons avec force notre demande de voir la population polynésienne consultée sur son propre avenir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme Béatrice Vernaudon.
    Mme Béatrice Vernaudon. Je m'associe tout d'abord aux remerciements que mon collègue Michel Buillard, peu avant moi, a exprimés à votre égard, madame la ministre, ainsi qu'à l'égard de M. le président de la commission des lois et de M. Jérôme Bignon, rapporteur des deux projets de loi que nous examinons. Je déplore la caricature que la gauche ne cesse de faire de la Polynésie depuis le début de l'examen de ces textes.
    M. René André. Tout à fait.
    M. Eric Raoult. Ils n'y sont jamais allés !
    Mme Béatrice Vernaudon. En les entendant, j'ai mal à la Polynésie !
    M. Jean-Pierre Gorges. Nous aussi !
    Mme Béatrice Vernaudon. Je répondrai à l'orateur qui m'a précédée et qui déplorait l'absence de consultation de la population polynésienne, que la Constitution n'exige la consultation que lorsque l'on change de régime entre l'article 43 et l'article 74. (« Tout à fait » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Par ailleurs, comme on l'explique depuis le début, ce projet de loi s'inscrit dans la lignée du texte de 1999.
    Vous ne pensez pas, monsieur Goldberg, que les deux textes de lois que nous examinons apporteront quelque chose à la Polynésie. Je vais vous démontrer le contraire.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Très bien !
    Mme Béatrice Vernaudon. J'ai la conviction que la présente loi organique s'inscrira dans l'histoire de notre collectivité, à la fois comme le texte fondateur qui aura pemis aux communes de Polynésie d'être reconnues dans leur statut de majeures, comme le texte témoin de la confiance que le Gouvernement de la République accorde aux Polynésiens, à ses élus d'aujourd'hui et de demain, pour assurer un développement durable et harmonieux de leur collectivité, et comme le texte qui aura permis à la Polynésie de prendre une part active au développement régional.
    La nouvelle capacité d'action des communes va leur permettre de prendre une place de choix, aux côtés de l'Etat, du gouvernement et de l'assemblée de Polynésie. La vie démocratique s'intensifiera dans ces collectivités de proximité, mouvement d'autant plus heureux que le territoire est caractérisé par sa dispersion.
    Le statut codifie désormais les compétences classiques d'attribution des communes et énumère les matières auxquelles celles-ci pourront participer si elles le souhaitent, dans le cadre d'un partage avec la Polynésie que celle-ci définira. Il s'agit notamment de l'urbanisme, de l'aide sociale, de la culture, du patrimoine local.
    Le projet de loi ordinaire prévoit une habilitation du Gouvernement aux fins de compléter le code général des collectivités territoriales par des dispositions adaptées qui aligneront le régime des communes de Polynésie sur le régime communal qui vous est familier depuis deux décennies en métropole, notamment le contrôle a posteriori des actes administratifs des collectivités locales. Cette modernisation se manifestera aussi, à bref délai je l'espère, madame la ministre, par l'élaboration d'un statut du personnel communal, si vivement attendu en Polynésie.
    Les communes pourront instaurer une fiscalité directe, mais la mise en oeuvre de celle-ci, il faut le dire, demeurera quasi impossible pour les moins peuplées et les plus isolées d'entre elles, leurs administrés n'ayant que de petits moyens d'existence et le tissu économique n'y étant encore que peu développé.
    La mise en oeuvre de ces nouvelles compétences appelle, par compensation, des moyens financiers. La Polynésie et l'Etat devront aider les communes à développer leurs infrastructures, notamment pour la distribution d'eau potable, la collecte et le traitement des déchets et, pour les plus importantes d'entre elles, la collecte des eaux usées, autant de chantiers excessivement onéreux, mais incontournables pour l'économie touristique et la santé de nos populations. A cet effet, l'intercommunalité que facilite la loi organique pourra se renforcer.
    Mais le développement des communes nécessitera aussi et surtout des moyens humains importants. La formation des hommes sera, à mes yeux, le principal défi. C'est là que l'attente est la plus forte.
    Les élus locaux attendaient impatiemment cette loi, qui va enclencher l'arrivée des autres dispositions nécessaires pour leur permettre de réussir la décentralisation communale. Ils comptent sur la synergie de la Polynésie et de l'Etat pour leur en donner les moyens.
    La loi organique est le texte témoin de la confiance entre la métropole et la Polynésie française.
    Cette confiance transparaît dans la somme des compétences relevant du domaine de la loi qui sont transférées. Ainsi, l'assemblée de Polynésie pourra statuer sur la totalité du droit du travail alors que, jusqu'à présent, l'absence des principes fondamentaux s'était révélée un frein à l'élaboration de textes satisfaisants.
    Cette confiance transparaît aussi dans la faculté offerte à la Polynésie, sous réserve d'une procédure très rigoureuse et complexe, d'élaborer dans quelques-unes des compétences régaliennes, des dispositions que les tribunaux de Polynésie appliqueront, par exemple, en matière de filiation adoptive.
    Parallèlement, la loi organique aménage une protection spécifique des compétences dévolues dans le domaine de la loi contre les empiètements des lois métropolitaines postérieures à la publication de la présente loi organique. Michel Buillard en a parlé.
    Bien d'autres dispositions vont élargir les compétences de la collectivité sur la communication audiovisuelle, les SEM, les groupements d'intérêt public. Les autorités locales participeront à la carte de l'enseignement universitaire et de la recherche. La Polynésie a besoin de mettre en adéquation la formation de cadres compétents avec ses besoins.
    Par cette loi organique, le Gouvernement met à la disposition des institutions locales ce que vous me permettrez d'appeler une trousse à outils bien remplie. Seule la confiance dans les ouvriers responsables autorise la remise de telles prérogatives.
    L'animosité des Etats du Pacifique contre les essais nucléaires a maintenu la Polynésie dans un isolement politique et culturel qui, pendant trente ans, s'est rajouté à son isolement géographique. La fermeture définitive du Centre d'expérimentation du Pacifique a balayé cette animosité.
    La Polynésie a progressé grâce à l'aide et à la confiance illustrée par les statuts successifs. Elle a développé son économie, s'est modernisée, notamment en multipliant ses infrastructures pour le désenclavement de ses archipels, et elle a scolarisé ses enfants jusqu'à un très bon niveau. L'université agit aujourd'hui comme un aimant attirant vers le haut. Elle a assuré une meilleure qualité de vie à ses habitants, en généralisant depuis 1995 l'accès gratuit aux soins et le bénéfice des prestations sociales.
    Parallèlement, la majorité des petits Etats du Pacifique, devenus indépendants, rataient le train du progrès et pouvaient à l'occasion des rencontres de coopération constater que le développement de la Polynésie ne se faisait pas au détriment de la pérennité de sa culture et de la préservation de ses valeurs.
    Sans vouloir porter atteinte au principe selon lequel, en matière de relations internationales, chaque pays ne parle que d'une voix, la Polynésie, eu égard aux 18 000 kilomètres qui la séparent de la métropole et en raison d'une culture insulaire commune, souhaitait naturellement disposer d'une place officielle au sein de la communauté des Etats du Pacifique.
    Les représentations, les conventions de coopération décentralisée et les arrangements administratifs ouvriront dès demain à la Polynésie des opportunités pour, non seulement développer ses échanges économiques, culturels ou technologiques, mais aussi, au titre de la solidarité, apporter son aide au développement de ces micro-Etats.
    Cette loi organique est donc tout en devenir. Ce qui sera fondamental, madame la ministre, c'est sa mise en oeuvre au quotidien, car il y a la lettre, et l'esprit. Je suis convaincue que cette autonomie renforcée prendra toute sa dimension si, dans l'esprit d'ouverture qui a généré la réforme constitutionnelle, il est fait un usage généreux, et non pas étriqué, des cas d'association.
    Il y a quelques jours, madame la ministre, la presse rapportait vos propos. Vous avez déclaré : « La France d'outre-mer est une France qui réussit, et qui a valeur d'exemple. » et, encore : « Elle est performante dans les énergies renouvelables et le développement durable ». La Polynésie se reconnaît dans cette France qui gagne et elle entend continuer dans cette voie. Aussi, je demande à mes collègues de voter ce texte qui est l'outil devenu aujourd'hui nécessaire aux élus polynésiens pour poursuivre le développement de leur pays d'outre-mer au sein de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira.
    Mme Christiane Taubira. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, j'ai appris des sociétés à palabres, là où la démocratie est lustrée tous les jours par une pratique collective de la décision et une gestion publique et transparente des litiges, que, pour être légitime, la parole doit dire sa source. Aussi, avant de développer mon propos, je préciserai qui parle et d'où.
    Rassemblés dans cet hémicycle, nous représentons la souveraineté nationale. A ce titre, nous avons une compétence générale pour traiter de tous les sujets. J'ai toujours considéré qu'il en découlait plus de devoirs que de droits. Puisque l'éthique en politique s'appuie sur quelques règles, j'ai inscrit parmi les miennes une obligation de réserve assortie d'un devoir de présence, d'attention respectueuse et d'effort de compréhension lorsque les mesures sont spécifiques et qu'elles concernent en particulier des territoires à forte identité culturelle.
    M. Eric Raoult. Très bien !
    Mme Christiane Taubira. Parce que j'ai confiance dans la clairvoyance, la lucidité et l'expertise disponibles sur place, je reste persuadée que nul n'est mieux placé que ceux qui vivent une réalité pour l'appréhender et savoir comment la transformer. Notre responsabilité intervient après, dans une solidarité éclairée par un débat franc et sincère, axé principalement sur la compatibilité des mesures avec les principes et les valeurs que nous avons choisi de partager.
    C'est ce qui a dicté mon attitude chaque fois qu'il a été question de textes concernant spécifiquement la Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte ou la Corse. S'agissant de la Nouvelle-Calédonie, parce qu'il s'agissait de la paix sociale et civique, de la réconciliation politique de partis jusque-là ennemis, parce qu'il était question de commencer à démolir une injustice plus que centenaire, de donner toutes ses chances au dialogue, de mettre un terme à des troubles sanglants, mais aussi parce que la loi organique était le fruit de discussions longues et fécondes de ces partis qui, courageusement, sont restés fidèles à leurs idéaux, et surtout parce que la souveraineté partagée est une innovation ingénieuse, stimulante pour l'ensemble de l'outre-mer, je me suis engagée d'une autre façon et fortement sur ce texte, avec une parole autorisée et justifiée par une représentation parlementaire sans opposition.
    C'est ainsi que je perçois l'éthique en politique. Ce sont des raisons de même nature, morales et politiques, quoique moins pressantes, qui me conduisent à intervenir dans le débat d'aujourd'hui.
    De quoi s'agit-il ? L'enjeu des textes dont nous débatons aujourd'hui n'est pas limité à un réajustement institutionnel dicté par un souci de rationaliser une architecture administrative qui serait devenue obsolète ou dispendieuse.
    Non, il s'agit d'une réforme statutaire, d'une nouvelle répartition, il s'agit de partage de compétences et de transfert de pouvoirs.
    Des inquiétudes, fondées, s'expriment sur les procédures de concertation, c'est-à-dire le respect du pluralisme, et de consultation populaire, c'est-à-dire le respect des fondements mêmes de la démocratie. Les combats pour le respect des procédures se sont étalés sur des dizaines d'années. Leurs acquis doivent être sauvegardés et au besoin défendus.
    Le texte, dense, qui a été transmis à l'assemblée territoriale en juin 2003 a été substantiellement corrigé par le Conseil d'Etat. Le Président de la République a décrété l'urgence, privant le Parlement du temps nécessaire pour un examen dans la sérénité, tellement souhaitable dans de tels débats.
    L'inquiétude et la crainte ont été exprimées que des pratiques tout juste conformes au droit - et parfois à peine conformes au droit - trouvent une base légale dans les dispositions contenues dans ce texte.
    M. René Dosière. Comme cela est bien dit !
    Mme Christiane Taubira. C'est à ce titre et de là que je parle, parce que, attaché à la démocratie, on ne peut rester indifférent à de tels enjeux et à de tels risques. Et j'en parle avec le souvenir ému et enthousiaste de l'unique séjour que j'ai effectué dans ce pays mystérieux, en saluant ses élus de toutes sensibilités, les amis que j'y compte encore et l'ensemble de la population.
    Les textes que nous étudions aujourd'hui, et notamment la loi organique portant statut d'autonomie, participent, et c'est heureux, de la dynamique engagée par la première réforme statutaire de 1977. Il faut dire que la Polynésie revient de loin. Il y a à peine un demi-siècle, ce pays portait le nom étrange d'Etablissement Français de l'Océanie, comme un dernier comptoir oublié. L'empire colonial commençait l'achèvement de son démantèlement, mais il aura fallu vingt ans de plus pour que les citoyens de Polynésie, qui ne l'étaient pas encore, voient disparaître le code de l'indigénat qui instituait et réglementait ce statut insolite et, somme toute, pervers, de sous-citoyen, voire de non-citoyen.
    Depuis, comme dans une tentative rédemptrice de rattrapage, les gouvernements successifs ont proposé, tous les six ou sept ans, de nouveaux statuts territoriaux ou élaboré des dispositions de modifications conséquentes.
    L'autonomie de gestion lui était accordée en 1977, quoique le chef d'orchestre demeurât le gouverneur, haut fonctionnaire d'Etat, plus enclin à surveiller et à punir qu'à impulser et stimuler l'initiative locale.
    En 1984, ce fut le tour de l'autonomie interne. Fidèle à ses idéaux et conformément à ses engagements, la gauche partage le pouvoir, elle reconnaît la culture, elle fait droit à des aspirations identitaires parfaitement légitimes en ces terres lointaines et multiculturelles, elle cède des compétences jusque-là injustement centralisées, elle favorise la démocratie en donnant la prééminence à une assemblée élue, issue du suffrage universel.
    En juillet 1990, les pouvoirs du gouvernement local sont renforcés. En avril 1996, une autonomie évolutive est annoncée. Des moyens financiers sont octroyés pour accompagner la reconversion d'une économie alors très fortement dépendante des essais nucléaires.
    Cette évolution se poursuit aujourd'hui, sept ans plus tard, par les textes que nous examinons. Ils consolident les dispositions de 1996, mais présentent malgré tout quelques reculs notoires, notamment dans les domaines culturels et judiciaires, quelques risques sérieux pour la démocatie et également quelques modifications importantes qui concernent les « lois de pays » - nous verrons bien ce qu'elles finiront par devenir -, les ordonnances et, subséquemment, comme on dirait dans un procès-verbal policier, le droit du travail, sujet essentiel et sensible s'il en est, le droit foncier, domaine éruptif mais déterminant, la communication audiovisuelle, lieu de toutes les convoitises, les pouvoirs d'enquête et de police dont l'extension ne saurait se faire de façon anodine, la publicité des débats de l'assemblée, le doit communal, notamment sur les programmes de logements sociaux, le mode d'élection du président et les relations internationales.
    Vous avez noté que j'ai sélectionné les dispositions qui relèvent principalement des libertés publiques, des libertés individuelles, de l'égalité de traitement, des dérogations, de l'équité dans l'expression publique, de la libre administration des communes, de la légitimité de la représentation suprême et du positionnement géopolitique dans le bassin régional.
    J'avoue que je ressens comme un sentiment d'inconfort, un sentiment déconcertant, comme une espèce de complicité dans le dépouillement d'un droit, à débattre ici d'un transfert de compétences, sur des matières essentielles, qui rapprochent - et c'est heureux ! - la décision du citoyen, mais sans que le citoyen ait été consulté, sans qu'il ait été sollicité pour nous dire comment il veut vivre son appartenance à la communauté nationale, comme s'il était dérisoire de savoir s'il adhère ou non à cette nouvelle organisation de pouvoir, comme s'il était inconvenant de concevoir qu'il puisse exprimer des attentes, des inquiétudes, des interrogations, des insatisfactions qui trouveraient des réponses dans les débats accompagnant une campagne en vue d'une consultation populaire.
    Les Polynésiens seraient-ils capricieux s'ils exigeaient de pouvoir exercer dans toute leur plénitude les droits liés à la citoyenneté, s'ils exigeaient de pouvoir émettre un avis sur leur avenir ? Les considère-t-on comme des citoyens immatures ? Serait-il fantaisiste d'estimer que, lorsque les conditions d'élaboration des règles communes changent trois fois en une seule génération, la consultation populaire est une garantie de la vitalité du contrat démocratique ? Serait-il extravagant de penser que les Polynésiens sont attachés à certaines prérogatives, à certains attributs, qu'ils ne veulent pas regarder disparaître passivement, confinés dans le silence que leur imposent ceux qui décident de leur sort ?
    C'est une manie déplorable que de prétendre savoir mieux que les personnes concernées quelles doivent être les couleurs, les senteurs et la cadence de leur bonheur.
    M. René Dosière. Le président sait tout !
    Mme Christiane Taubira. Je pense, pour ma part, que les Polynésiens ont une opinion sur le refoulement dans la sphère privée de leur langue, exclue par l'article 57 des rapports officiels avec l'administration.
    Je suis certaine qu'ils sont inquiets du danger que fait peser sur la démocratie ce droit de censure instauré par l'article 129 - ancien 124 -, et qui permettra que certains débats de leur assemblée, élue au suffrage universel, puissent se tenir à huis clos, en cachette, à la dérobée, en braconnage démocratique.
    M. Christian Paul. C'est vrai !
    Mme Christiane Taubira. Et, parce qu'ils sont instruits de la nature humaine, ils savent les risques d'abus et de dérive, lorsque les contre-pouvoirs ne sont pas arrimés au droit et au pluralisme, libres et accessibles, incorruptibles et inviolables. Lorsque la concentration des pouvoirs permet de transformer les droits en faveurs, c'est une invitation à revenir à la féodalité.
    Or, la démocratie, ce n'est pas le verrouillage des possibles par la majorité, ce n'est pas la force de décision de la majorité sans débat. Au contraire, elle se mesure aux garanties offertes aux oppositions et aux minorités. La démocratie, nous dit le philosophe Alain, c'est le règne du droit.
    La vie publique polynésienne a récemment été modernisée. Elle n'a nul besoin des soubresauts que lui promettent certaines dispositions de cette loi, telles que celles contenues dans l'article 69 - ancien article 64 - sur le mode d'élection du président, l'article 34 sur les pouvoirs d'enquête et de police, l'article 49, ancien article 48, sur les marchés publics, les articles 173 et 176 et leurs restrictions sur le recours contre les projets de lois de pays, et l'article 106, ancien article 100, qui fera disparaître de la représentation certaines franges de l'opinion publique.
    Et, parce qu'ils savent que la morale ne nuit pas à la politique, ils veulent savoir quelles vont être ces règles décentralisées applicables aux casinos et aux jeux de hasard.
    M. René Dosière. Très bien !
    Mme Christiane Taubira. Alors, cette urgence ? Est-ce une façon d'expier le fait d'avoir sacrifié le texte de la Polynésie en refusant de convoquer le Congrès, ce qu'a fait le Président de la République pour ne pas avoir à ratifier la loi sur la liberté et la responsabilité de la magistrature ? Les Polynésiens n'ont pas à être les otages de la mauvaise conscience dans les jeux de pouvoir. On n'enterre pas les injustices. Elles finissent toujours par ressurgir. En choisissant de ne pas faire droit aux forces qui labourent l'avenir, vous infligez aux Polynésiens une grave injustice morale et politique. Tôt ou tard, elle reviendra ricocher sur votre dédain tranquille. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Noël Mamère. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Michel Diefenbacher.
    M. Michel Diefenbacher. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la Polynésie n'est pas une carte postale. Elle est une société vivante et une économie en plein devenir. Comme toutes les communautés ouvertes dans un monde qui change, la Polynésie est à la fois prometteuse et vulnérable.
    Les Polynésiens ont toujours été accueillants. Pour autant, ils n'ont jamais renoncé à leur identité. L'arrivée des vagues successives venues d'au-delà des mers - les navigateurs, les pionniers, les fonctionnaires et, aujourd'hui, de plus en plus, les retraités - a créé une société où le métissage est la règle. Ce qui est remarquable, c'est que cette évolution n'a jamais dénaturé l'identité polynésienne, ni d'ailleurs entraîné la moindre dérive communautariste.
    Ouverte depuis toujours sur le monde, la Polynésie n'a jamais perdu son âme. La société polynésienne est aujourd'hui un modèle d'authenticité et d'intégration. Consacrer l'autonomie de cette collectivité, c'est d'abord reconnaître ce remarquable résultat. C'est aussi affirmer la volonté de le consolider.
    Quant à l'économie, elle reste largement tributaire de décisions ou de processus extérieurs au territoire. La dépense publique de l'Etat se décide à Paris, le cours des perles se fixe à Tokyo ou à Genève, le tourisme international se gère un peu partout dans le monde. Mais, jour après jour, il se forme en Polynésie uneéconomie locale qui progresse vers un juste équilibre entre la modernité et les traditions, entre l'efficacité et les solidarités.
    Si l'arsenal juridique national - code général des impôts, code du travail, code de la sécurité sociale notamment -, avec sa complexité, ses rigidités et son coût, s'était appliqué sans discernement à la Polynésie, ce résultat aurait-il été obtenu ? Certainement pas. Consacrer l'autonomie, c'est reconnaître la réussite des autorités locales, et c'est en tirer les conclusions qui s'imposent pour l'avenir.
    Parce que son peuple est solidaire, parce que son économie se modernise, parce que sa culture est préservée, la Polynésie française a, je le crois, un bel avenir devant elle. Pourtant, dans un monde où seuls pèsent les grands ensembles politiques, économiques ou financiers, dans une économie de plus en plus ouverte aux grands vents de la mondialisation, elle est, par l'étroitesse de son marché et sa dépendance à l'égard de l'extérieur, singulièrement vulnérable.
    Il est donc essentiel qu'elle puisse s'adosser à la communauté nationale. Le projet de statut que vous présentez, madame la ministre, est à cet égard doublement important. Il fixe la protection dont la collectivité pourra se prévaloir, il précise la relation qui l'unit à la République.
    La protection, c'est d'abord très naturellement celle qui est apportée par l'Etat, dans l'exercice de ses fonctions régaliennes : protection contre les risques internationaux - la défense -, contre l'insécurité - la police et la justice -, contre les risques de change - la monnaie. Cela a plusieurs fois été évoqué, je n'y reviens donc pas.
    La protection, c'est aussi la correction des déséquilibres internes. Plus un marché est étroit et ouvert, plus il est vulnérable. C'est à l'évidence le cas du marché de l'emploi. C'est aussi le cas du marché foncier : dans l'immensité de l'océan Pacifique, les terres sont rares et donc convoitées. La coexistence du droit coutumier local qui est un droit de l'indivision et du code civil qui facilite au contraire les sorties de l'indivision, a longtemps entraîné bien des spoliations. Il est essentiel d'éviter que, demain, l'internationalisation des transactions en génère de nouvelles. Sur ces différents points, on ne peut, madame la ministre, que saluer le pragmatisme du projet gouvernemental.
    En ce qui concerne la relation avec la métropole, il est évident qu'elle ne sera durable que si elle est fondée sur la confiance. En renforçant l'autonomie de la collectivité, en lui donnant les moyens d'une majorité claire et d'un projet efficace, le projet de statut joue clairement la carte de la confiance. Est-ce un pari dangereux ? L'autonomie serait-elle, comme on le dit souvent, l'antichambre de l'indépendance ? A mon sens, non. J'ai même la conviction que c'est tout le contraire. L'histoire nous montre, en effet, que la Polynésie n'a été tentée par l'indépendance que lorsqu'elle a eu le sentiment que l'Etat voulait contester ses particularités et limiter ses pouvoirs, bref, lorsque la défiance s'était installée.
    Jeune administrateur, j'ai vécu à Papeete la crise institutionnelle de 1976-1977. Je peux témoigner que, si la revendication indépendantiste a pu se développer à l'époque, c'était en réaction contre la perspective d'une départementalisation dont les Polynésiens ne voulaient pas.
    Contrairement à ce qu'on a longtemps craint, l'autonomie ne comporte en elle-même aucune dérive vers l'indépendance. Elle est, au contraire, un pacte avec la République. On peut être profondément polynésien et profondément français. Là-bas, on se sent d'autant plus profondément français que l'on est d'abord reconnu profondément polynésien. Pour toutes ces raisons, je voterai des deux mains, madame la ministre, le projet de statut que vous défendez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Frédéric de Saint-Sernin.
    M. Frédéric de Saint-Sernin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'évolution du statut de la Polynésie française depuis 1984 n'a fait que progresser de manière constante vers un renforcement de l'autonomie. Depuis vingt ans qu'un exécutif y est élu, on peut certainement affirmer que la Polynésie française dispose, mieux qu'auparavant, de vrais moyens de développement. Cela fait quelque temps déjà - et, singulièrement, depuis l'achèvement des essais nucléaires - que la Polynésie a réussi à diversifier ses atouts, aussi bien dans le domaine du tourisme que de la perliculture et de l'agriculture. Son produit intérieur brut a très fortement progressé, en particulier au cours des dix dernières années, et la cohésion sociale en a été nettement renforcée.
    Les textes qui nous sont aujourd'hui présentés procèdent, dans cet esprit, des dispositions prévues par la Constitution à l'issue de la révision du 28 mars de l'année dernière. Rappelons que, depuis, les Polynésiens peuvent se gouverner librement dans le cadre de la République, et c'est très bien ainsi. Nous parlons, en effet, d'une collectivité située à 20 000 kilomètres de l'Hexagone, et dont les différents archipels - le rapporteur et le président de la commission des lois l'ont rappelé - s'étendent sur un territoire aussi vaste que l'Europe.
    On sait l'attachement de nos compatriotes de Polynésie à la France, à ses institutions et à ses valeurs républicaines, mais il est légitime que le statut qui régit la collectivité puisse défendre au mieux l'identité et les cultures polynésiennes. Avec les nouvelles dispositions de l'article 74 de la Constitution, la Polynésie française voit son autonomie réaffirmée, et le projet de statut qui nous est présenté offre de nouvelles compétences, qui continueront d'aider la Polynésie dans son développement.
    J'évoquerais d'abord les mesures présentées dans les articles 18 et 19 du projet, qui mettent en oeuvre, conformément à l'article 74 de la Constitution, le principe de la protection des emplois et du patrimoine foncier. Pour des raisons locales, ces mesures me paraissent objectivement souhaitables et - pour répondre aux questions qu'on pourrait se poser en métropole - gage d'équilibre pour la société polynésienne. Il appartient, en revanche, aux instances locales de mettre en application ce principe de manière équitable.
    Ce texte éclaire aussi les responsabilités de la Polynésie française par rapport à l'Etat, dans certains domaines régaliens. Parmi les domaines dans lesquels s'exerce le contrôle de l'Etat sur certains actes, il me paraît important d'évoquer la politique étrangère. En effet, la Polynésie française, comme les autres départements et collectivités d'outre-mer, constitue une véritable plate-forme française dans un environnement particulier. Cet atout considérable pour notre pays doit être valorisé sur tous les continents et dans tous les océans. Grâce à ce projet, la Polynésie française pourra être associée à certains engagements internationaux de la France, et pourra même, dans ce cadre, faire valoir certaines initiatives - dans le respect, bien sûr, de nos convictions.
    Il est certain que, tout en accroissant fortement les compétences locales, les avancées juridiques que l'on nous présente aujourd'hui gomment aussi certaines difficultés nées de problèmes d'interprétation et préjudiciables à l'autonomie de la collectivité polynésienne. Les textes votés par l'assemblée de Polynésie française s'en trouveront renforcés. La saisine du Conseil constitutionnel sera possible pour protéger la Polynésie des effets de certaines lois.
    Enfin, je voudrais revenir sur le fond de l'article 1er du projet qui fait de la Polynésie un « pays d'outre-mer qui se gouverne librement et démocratiquement ». J'insiste sur le fait que la Polynésie demeure dans le cadre de l'article 74 de la Constitution, et ne change donc pas de régime aujourd'hui. Réalisant de nouveaux transferts de compétences, l'évolution actuelle se justifie par le renforcement de la décentralisation voulue en France par le Premier ministre et défendue en l'espèce par vous, madame la ministre de l'outre-mer. Or, ce renforcement de la décentralisation en métropole comme en Polynésie française est contrôlé. Contrairement à certaines affirmations, l'équilibre entre les différentes institutions locales demeure celui qui a été arrêté dans le statut de 1996, la modernisation de la vie politique locale se rapproche du droit commun, les droits des élus sont renforcés, ainsi que le poids du conseil économique et social.
    Mais, au fond, la modernisation du statut d'autonomie n'est pas une fin en soi. L'important est de donner à la Polynésie française les moyens juridiques de son développement économique et social, les moyens de rayonner dans son environnement géographique.
    Toujours, les Polynésiens et leurs élus ont su profiter de l'évolution statutaire pour défendre une vision harmonieuse et équilibrée de la société polynésienne. Surtout, l'autonomie a permis de repousser les chimères de l'indépendance.
    M. René Dosière. Fantasme !
    M. Frédéric de Saint-Sernin. Alors, en soutenant ces textes, continuons de faire confiance aux Polynésiens pour bâtir leur avenir dans la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. René Dosière. Je crois que ça va s'animer !
    M. Noël Mamère. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, le texte que nous étudions aujourd'hui est en soi un scandale. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il a été imposé en procédure d'urgence, discuté la veille de Noël au Sénat, sans que rien ne justifie cette précipitation inhabituelle. Le fait même de l'examiner ici devrait poser question aux parlementaires que nous sommes. Tahiti est-elle en danger ? Papeete va-t-il être submergé par une vague terroriste ou séparatiste d'envergure ? Où était donc l'urgence ? Seul le bon vouloir du prince Flosse et de son ami Chirac, le monarque républicain, explique que nous examinions ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Henri Cuq. Vous nous avez habitués à mieux !
    M. Frédéric de Saint-Sernin. Tout en finesse !
    M. Noël Mamère. Depuis deux ans, M. Raffarin n'a à la bouche que le mot « décentralisation ». Il expérimente des formes dites nouvelles de régionalisation et, pour cela, il se targue de consulter démocratiquement les Français, comme, avec le succès que l'on sait, en Corse, en Martinique et en Guadeloupe. Mais le Gouvernement exclut délibérément la Polynésie du processus de consultation démocratique et crée une situation d'exception inacceptable. Sans aucune consultation populaire, les 250 000 habitants de Polynésie vont donc se voir imposer une énième évolution statutaire dont les caractéristiques ressemblent à un habit constitutionnel taillé sur mesure au profit du potentat local, M. Gaston Flosse.
    M. Christian Paul. Exact !
    M. Eric Raoult. Oh !
    M. Noël Mamère. Ajoutons que les élus locaux n'ont été invités à se prononcer que sur l'ensemble du texte, et non sur chacun de ses quelque 200 articles.
    Ce nouveau statut remettra-t-il en cause le pouvoir de quelques familles privilégiées et de leurs alliés métropolitains qui contrôlent l'activité économique de l'île ? Non.
    Permettra-t-il de combattre l'alcoolisme ou les accidents de la route qui, en Polynésie, excèdent largement la moyenne française ? Non.
    Enrayera-t-il le suicide des jeunes, qui atteint des chiffres alarmants ? Non.
    Permettra-t-il d'instituer le RMI, qui n'existe pas en Polynésie où il est remplacé par des dispositifs organisant le clientélisme...
    M. Eric Raoult. Et le travail !
    M. Noël Mamère. ... et la dépendance des chômeurs vis-à-vis du pouvoir ? Non.
    Permettra-t-il de résoudre les difficultés de la santé publique où, sur un territoire de 240 000 habitants, le gouvernement local est incapable de recruter un seul cancérologue ? Non.
    Permettra-t-il de supprimer le groupement d'intervention de la Polynésie, véritable garde prétorienne du potentat Flosse qui emploie plus de 600 personnes, soit des effectifs dépassant ceux de la police et de la gendarmerie réunies ?
    M. Eric Raoult. C'est pour réparer les dégâts causés par les cyclones !
    M. Noël Mamère. Alors que la loi statutaire de 1996, imposée par un règne sans partage de plus de vingt-cinq ans, avait pour objectif de s'opposer aux indépendantistes et au déclin de l'île en maîtrisant le développement économique, le même argumentaire est utilisé aujourd'hui, alors même que la situation économique empire, sans lien avec les dispositifs statutaires.
    La réalité, c'est que le projet de loi organique conforte une dérive autocrate de Gaston Flosse, appuyé par ses amis parisiens. Nous sommes extrêmement inquiets des conséquences de ces dérives, même si nous n'osons croire aux rumeurs qui viennent de l'île nous indiquant qu'au moment même où l'UMP est privée de certains de ses revenus parisiens, la machine à laver polynésienne serait prête à fonctionner (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et à transformer l'île en une sorte de zone franche extralégale loin, si loin de Paris et de la curiosité des contribuables français.
    M. Henri Cuq. Ces propos sont lamentables.
    M. Eric Raoult. Il ne faut pas réagir, il n'attend que cela.
    M. Noël Mamère. Ainsi, par exemple, le territoire pourra-t-il écrire son code des marchés publics applicable aux communes ? Dans un territoire où, plus de dix mois après sa condamnation définitive pour trafic d'influence, un conseiller territorial est maintenu en place au poste de président de la commission permanente de l'assemblée territoriale, voilà une disposition qui laisse pour le moins songeur.
    M. René Dosière. Hélas !
    M. Noël Mamère. Chers collègues de la majorité, vous savez que nous n'avons aucune chance de changer ce statut, ni même d'amender ce texte, sans votre soutien. C'est donc sur vous que repose la faculté de laisser passer ou non ce véritable passe-droit au service d'un homme et de son réseau d'influences.
    M. Christian Paul. Lourde responsabilité.
    M. Noël Mamère. Si nous nous trouvons en face de scandales financiers, politiques ou d'une révolte populaire dans quelques mois ou dans quelques années, ne vous étonnez donc pas. Vous aurez été largement mis en garde ici. C'est à vous, ici et maintenant, de prendre vos responsabilités. En proposant, par copinage, ce projet de loi indigne, le gouvernement Chirac-Raffarin se fait le complice d'intérêts particuliers, de coquins et de requins (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qui mettent un territoire français en coupe réglée (Protestations sur les mêmes bancs) et qui s'opposent aux aspirations du peuple de Polynésie.
    M. Henri Cuq. Vous tuez vos propres arguments ! En fait, vous n'en avez pas !
    M. Noël Mamère. Nous refusons, pour notre part, d'être les complices de cette opération qui nuit gravement à l'image de la France dans tout le Pacifique et qui transforme un de ses territoires en république bananière. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Frédéric de Saint-Sernin. Quelle grossièreté !
    M. Noël Mamère. Mesdames, messieurs de la majorité, vous devez empêcher cette forfaiture. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Henri Cuq. Quel dommage que M. Mamère en arrive là !
    M. Éric Raoult. Et pourtant, il était journaliste !
    M. Noël Mamère. Et vous, vous étiez quoi avant d'être ministre ?
    M. Christian Paul. Bien envoyé !
    M. le président. La parole est à M. Jean-François Mancel.
    M. Jean-François Mancel. Monsieur Mamère, quand on n'a pas d'arguments politiques, on attaque les hommes.
    M. Noël Mamère. Pour ça, vous êtes un spécialiste !
    M. Jean-François Mancel. M. Dosière avait déjà un peu dérapé tout à l'heure : vous, vous êtes dans le décor !
    M. Noël Mamère. Je suis ici comme politique et pas comme journaliste ! Je ne vais pas rappeler ce que vous avez fait à la tête du conseil général de l'Oise !
    M. Jean-François Mancel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les deux textes qui nous sont soumis s'inscrivent d'abord dans une suite logique d'étapes législatives. Ce sont les textes qui ont précédé qui ont permis de moderniser la Polynésie française et de conduire cette terre et cette population française du Pacifique à relever efficacement tous les défis auxquels elles sont confrontées.
    Ceux qui nous sont soumis sont, pour la première fois, la traduction du nouvel article 74 de la Constitution révisée le 28 mars 2003. Ce sont les conséquences de ces textes qui vont désormais conduire la Polynésie française à une véritable autonomie.
    Ce nouveau statut va enfin permettre à ce pays d'outre-mer au sein de la République de mieux affirmer encore son appartenance à la France, et de l'affirmer en respectant et en renforçant son identité, tout en lui donnant les moyens nouveaux de son développement économique et social.
    Certains voudraient attendre encore, alors que tout montre que les partisans du ralentissement ou du report cherchent uniquement à masquer derrière cet attentisme procédurier, comme on l'a vu tout à l'heure, leur embarras devant une réforme qui s'impose ou leur opposition systématique, archaïque, caricaturale, à des fins évidemment partisanes, tant au plan national que local.
    La réflexion a eu lieu. Chacun a pu s'exprimer. Les attentes des Polynésiens sont grandes, et elles sont légitimes. Il est donc temps d'agir, parce que c'est l'intérêt de la Polynésie et, parce que c'est, tout autant, l'intérêt de la France.
    Ces deux textes clarifient les compétences de cette collectivité d'outre-mer, répartissent précisément les responsabilités entre celle-ci et l'Etat, établissent les contrôles nécessaires. Conformément à la volonté du Gouvernement en matière de décentralisation, ils permettent de transférer à la Polynésie des compétences nouvelles en matière de droit civil, de droit du travail, de droit commercial, de circulation maritime ou de liaisons aériennes. L'ensemble de ces dispositions donnera au gouvernement polynésien et à l'assemblée les moyens juridiques de poursuivre et d'amplifier la politique de développement économique dynamique et responsable qui a largement fait ses preuves et qui a contribué à ce qu'une très large majorité de nos compatriotes polynésiens affirment clairement leur attachement à la France et leur rejet de l'indépendance.
    Il faut savoir ce que nous voulons : ou bien nous considérons que nous devons répondre à l'attachement à la communauté nationale d'un certain nombre de nos compatriotes répartis sur la carte du monde et contribuer avec eux au rayonnement de notre pays, ou bien nous considérons que nous ne leur devons rien, que la France peut se replier sur l'Hexagone et vivre petitement.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Caricature !
    M. Jean-François Mancel. Dans les deux cas, il faut avoir le courage de tirer les conséquences de ses choix, monsieur Lagarde !
    M. Jean-Christophe Lagarde. C'est une caricature, monsieur Mancel, et ce n'est pas la première fois !
    M. Christian Paul. Ni la dernière !
    M. Jean-François Mancel. Seul le premier choix me paraît conforme à nos idéaux, et, je l'espère, aux vôtres.
    Etre français aussi loin et dans des conditions si particulières n'est guère facile. D'où la nécessité d'un statut spécifique respectant l'identité territoriale et humaine, et d'une politique gouvernementale adaptée, à l'image de celle que vous menez, madame la ministre, avec pertinence et efficacité.
    J'ai pu constater, en juillet 2003, à l'occasion du voyage du Président de la République, à quel point le peuple polynésien a saisi cette occasion...
    M. Christian Paul. Ah ! vous y étiez ?
    M. Jean-François Mancel. Eh oui ! C'est pourquoi je peux en parler mieux que vous, monsieur Paul. Vous n'y étiez pas,...
    M. Christian Paul. Heureusement !
    M. Jean-François Mancel. ... comme vous l'avez dit tout à l'heure.
    M. Christian Paul. J'aurai eu honte !
    M. Jean-François Mancel. J'ai pu constater, disais-je, à quel point le peuple polynésien a saisi cette occasion pour manifester son attachement à la France. J'ai aussi pu constater, et cela m'a rendu très fier en tant que citoyen français, le rayonnement exceptionnel de notre pays sur toute cette zone du Pacifique si importante aujourd'hui, grâce à la présence de nos collectivités et de nos compatriotes d'outre-mer.
    Sachons, mes chers collègues, lorsqu'il s'agit de la Polynésie, nous évader de la belle carte postale, traditionnelle certes, si facile à dénigrer, comme l'a fait tout à l'heure notre collègue Dosière.
    M. René Dosière. Où avez-vous vu du dénigrement ?
    M. Jean-François Mancel. Sachons y voir un pays d'outre-mer qui sert les intérêts de la France, et de quelle façon ! Sachons y voir une société multiraciale exemplaire, dont nous avons des leçons à tirer.
    M. Jean-Christophe Lagarde. La Réunion aussi est exemplaire à cet égard.
    M. Jean-François Mancel. Sachons y voir une réussite économique et sociale réelle,...
    M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
    M. Jean-François Mancel. ... sous l'impulsion du président Flosse, extraordinairement critiqué ce soir - je le disais tout à l'heure - parce qu'il réussit et qui a si bien su mêler dans la même ambition la Polynésie et la France.
    Créons mes chers collègues, par ces textes, ceux qui nous sont soumis ce soir, les moyens juridiques nouveaux permettant à la Polynésie et à la France de poursuivre leur route ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Christian Paul. Et sans vous, j'espère !
    M. le président. La parole est à M. Eric Raoult, dernier orateur inscrit.
    M. Eric Raoult. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il n'est pas aisé d'intervenir après la provocation de M. Mamère. Mais ce n'est pas la première fois. On l'a entendu sur la sécurité, sur les sans-papiers, on l'entend sur la Polynésie.
    M. Noël Mamère. Et vous aussi, on vous a beaucoup entendu, mais pas pour dire les mêmes choses.
    M. Éric Raoult. Pas sur ce sujet-là, monsieur Mamère !
    M. Noël Mamère. C'était pour dire les mêmes choses que Le Pen, ou à peu près ! On vous a vu en tant que ministre !
    M. Éric Raoult. Puisque vous en parlez, je vais vous en parler moi aussi dans quelques instants.
    M. Noël Mamère. Essayez de parler de la Polynésie. Après on verra.
    M. Éric Raoult. S'agissant de ce texte, je voudrais, madame la ministre, revenir un instant sur trois idées importantes.
    Premier point : la France est présente en Polynésie et elle est présente dans le Pacifique. On a dit que l'avenir du monde se jouerait dans le Pacifique. M'étant rendu en Polynésie, j'ai pu voir, en écoutant les élus, que s'il y a une partie du monde où lorsqu'il y a un cyclone on ne s'adresse pas aux Etats-Unis, c'est le Pacifique.
    M. René Dosière. Les Etats-Unis sont plus au nord !
    M. Éric Raoult. Lorsque le vent souffle à Nioué, à Fidji, à Samoa, aux îles Salomon, ou ailleurs dans cette région, c'est vers la Polynésie français que l'on s'adresse. Il nous faut le rapeller chers collègues : dans une époque d'intense activité humanitaire comme celle que nous connaissons, la place de la France est assurée dans le Pacifique...
    M. René Dosière. Sud !
    M. Éric Raoult. ... par la Polynésie et par la Nouvelle-Calédonie.
    On a beaucoup parlé de consultation, on a beaucoup parlé de l'article 74. Pourrait-on, chers collègues, parler des cultivateurs de vanille de Raietea, des fermes perlières de Mangareva, des plongeurs de Bora-Bora ? Nous avons trop souvent de la Polynésie une vision de carte postale, qui nous empêche de voir tout à fait les réalités de là-bas.
    A cet égard, monsieur Paul, vous m'avez un peu surpris durant toute cette soirée. Comment peut-on si aisément passer du statut de ministre de la République à celui de militant de base ?
    M. Christian Paul. Oh, vous savez, ce n'est pas déshonorant d'être militant de base !
    M. Éric Raoult. Durant cette soirée de débat, j'en suis presque venu à oublier le ministre qui, et c'était son rôle, était auprès du Président de la République en toutes occasions lorsque se tenait le débat sur l'outre-mer. Très franchement, je le dis pour connaître, comme beaucoup d'entre vous ici, ce qu'est l'outre-mer,...
    M. Christian Paul. Et alors ?
    M. Eric Raoult. ... on ne peut pas passer d'un rôle aussi éminent à une position aussi simpliste, monsieur Paul !
    M. Didier Quentin. Très juste !
    M. Christian Paul. Rappeler les règles de la démocratie, ce n'est pas simpliste ! Car vous les oubliez !
    M. Eric Raoult. Si, votre position est très simpliste ! Ce soir, j'ai entendu beaucoup de provocations et de simplifications. Nous avons entendu quelquefois citer l'article 74, mais nous avons entendu au moins une centaine de fois le nom du chef du gouvernement de la Polynésie française.
    M. Christian Paul. C'est vous qui faites de la provocation, monsieur Raoult, et vous le savez ! Car je ne l'ai pas cité une seule fois !
    M. Eric Raoult. Comme un certain nombre d'entre vous, comme vous, monsieur Paul, nous connaissons cet homme. Je dirai qu'il est des chefs de gouvernement qui ont la capacité d'être des chefs d'Etat. Vous avez parfois eu, vous les socialistes, des chefs de gouvernement qui étaient plutôt des chefs de clan. C'est toute la différence qui existe entre différents débats qui ont eu lieu sur l'outre-mer et celui-ci.
    M. Christian Paul. Monsieur Raoult, vous ne pouvez pas, sur ce texte, nous donner de telles leçons !
    M. Eric Raoult. Monsieur Paul, je ne vous donnerai pas de leçons, vous nous en avez suffisamment donné pour qu'on vous fasse un certain nombre de réponses. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Henri Cuq. C'est ce qu'on appelle le retour à l'envoyeur !
    M. Eric Raoult. Mon département, monsieur Paul, c'est un peu l'anti-Polynésie. Ma circonscription est un lieu d'affrontements, où vivent plusieurs communautés, où les gens sont confrontés à des difficultés. Je suis maire d'une ville qui connaît des problèmes. Je peux témoigner qu'en Polynésie, il n'y a pas de racisme, il n'y a pas de Front national, il y a une société française exemplaire, qui offre un spectacle que l'on voudrait voir dans beaucoup de communes et de régions métropolitaines.
    M. René Dosière. « Faut pas rêver », c'est le lundi !
    M. Eric Raoult. La différence qui existe peut-être aujourd'hui entre les régions que nous gérons en métropole et les réalités de la Polynésie française, c'est qu'il existe là-bas cette exigence démocratique dont on a parlé.
    M. Christian Paul. Sur ce point, interrogez l'opposition !
    M. Eric Raoult. Alors essayons d'arrêter les réquisitoires, tentons plutôt un plaidoyer. Faisons en sorte que la « liberté de s'exprimer » se manifeste à nouveau.
    J'étais jeune assistant parlementaire, ici même, lorsque vous étiez encore étudiant ou à l'ENA, monsieur Paul. J'étais ici en 1984 et je me souviens du débat qui est intervenu. Pascal Clément était un éminent parlementaire, déjà à cette époque, et je me souviens d'avoir entendu les socialistes émettre l'idée qu'après la logique de la décentralisation, ce serait la logique de l'autonomie qui prévaudrait outre-mer. Nous n'avions pas fait les mêmes caricatures que celles que nous avons entendues aujourd'hui.
    Si l'outre-mer, et plus particulièrement en Polynésie, connaît la stabilité et l'efficacité, c'est que, depuis 1991, la stabilité politique a été une stabilité électorale.
    M. René Dosière. C'est pour cela qu'il faut changer le mode de scrutin ?
    M. Christian Paul. Afin de garantir pour l'éternité le maintien au pouvoir d'un seul parti ?
    M. Eric Raoult. Très franchement, monsieur Dosière, nous avons aujourd'hui entendu beaucoup de propos excessifs, beaucoup de caricatures qui ne correspondent pas aux réalités que vous connaissez pourtant, monsieur Paul, en raison des responsabilités qui ont été les vôtres. Monsieur Dosière, vous avez eu l'occasion de suivre le président de la République. Je ne sais pas si la visite du chef de l'Etat a été « pharaonique », monsieur Paul, mais les applaudissements qu'il a reçus dans le stade de Papeete ne ressemblaient guère aux huées auxquelles M. Mitterrand avait eu droit à Nouméa. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La discussion générale commune est close.
    La parole est à M. Christian Paul, pour un rappel au règlement.
    M. Christian Paul. Monsieur le président, ayant été mis en cause à plusieurs reprises par M. Raoult, je souhaiterais lui dire simplement deux choses.
    M. le président. Monsieur Paul, si c'est pour un fait personnel, je vous donnerai la parole en fin de séance.
    M. Christian Paul. Je pensais que nous étions en fin de séance, monsieur le président.
    M. le président. Non, la séance n'est pas terminée : je vais donner la parole à Mme la ministre de l'outre-mer.
    M. Christian Paul. Bien. Dans ce cas, j'interviendrai plus tard.
    M. Pascal Clément, président de la commission. D'ici là, vous aurez eu le temps de vous calmer.
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer.
    Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Je voudrais faire quelques brèves remarques sur le débat qui vient de se dérouler et qui, malheureusement, n'a pas toujours été d'une grande tenue. La caricature l'a parfois emporté sur la réalité objective d'une collectivité d'outre-mer qui marche, qui réussit. Et c'est peut-être ce qui irrite un peu trop souvent,...
    M. Eric Raoult. Et qui gêne !
    Mme la ministre de l'outre-mer. ... et qui gêne, effectivement.
    Qu'il me soit permis de revenir sur les critiques répétitives émanant du côté gauche de cet hémicycle, selon lesquelles nous aurions préparé ces projets de loi dans la précipitation, et sans consulter les populations polynésiennes. Alors là, je voudrais quand même rafraîchir la mémoire à certains ! Après avoir entendu ce que j'ai entendu dans la bouche de M. Zuccarelli, de M. Paul et de différents orateurs de l'opposition, je rappellerai que dix mois après la révision constitutionnelle, nous mettons en oeuvre les dernières possibilités permises par l'article 74 de la Constitution, et ce au bénéfice de la Polynésie française. Qu'aviez-vous fait, monsieur Paul ou monsieur Zuccarelli - je m'adresse à ces deux éminents députés qui étaient membres du gouvernement Jospin ?
    M. Christian Paul. Et qui en sont fiers !
    Mme la ministre de l'outre-mer. J'espère bien que vous en êtes fiers puisque vous aviez fait un travail tout à fait remarquable qui s'intitulait - vous voyez qu'il était épais - « Projet de loi organique relative à la Polynésie française, version n° 3 ». La date : 24 janvier 2000. Ce texte avait donc été élaboré avant même que la révision constitutionnelle préparée en 1999 ne puisse aboutir, et il l'avait été sous l'autorité de l'ancien directeur de cabinet de M. Zuccarelli.
    M. Eric Raoult. Ah, ah !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Donc, quand j'entends parler de précipitation, je suis tout de même un peu étonnée. Le gouvernement de Lionel Jospin a préparé un texte aussi volumineux, traduisant le contenu de la...
    M. René Dosière. Est-il sorti, ce texte ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Mais il fait partie des documents que j'ai trouvés à mon arrivée au ministère de l'outre-mer !
    M. René Dosière. Ce projet n'a jamais été présenté, madame la ministre.
    Mme la ministre de l'outre-mer. Vous aviez vraiment beaucoup travaillé : on en était déjà à la troisième version le 24 janvier 2000. Je n'ai vu nulle part, d'ailleurs, qu'il était prévu à l'époque de consulter les Polynésiens sur un tel texte. Et maintenant, vous nous reprochez, dix mois après une révision constitutionnelle, de traduire dans les faits un texte élaboré après une large concertation - la commission des lois et son président sont allés sur place. Très franchement, nous dire que nous allons trop vite !
    M. Christian Paul. La leçon des Antilles n'a pas porté, madame la ministre.
    Mme la ministre de l'outre-mer. Je suis d'ailleurs persuadée que, si nous n'avions rien fait, on nous aurait adressé le reproche inverse.
    Deuxièmement, s'agissant de ces consultations que vous n'aviez absolument pas envisagées lorsque vous étiez au pouvoir, j'ai entendu certains d'entre vous faire des amalgames avec les Antilles. Après les contrevérités que j'ai pu entendre ce soir, je voudrais quand même vous rappeler que même si la révision constitutionnelle ne vous plaît pas - vous ne l'avez pas votée -, elle s'impose à vous. Or, je vous invite à relire le texte de cette révision. Vous verrez que la consultation populaire est obligatoire dans deux cas. Elle l'est quand on change fondamentalement les institutions, par exemple quand on envisage de supprimer la région ou le département - c'est pour cette raison que nous avons consulté les Antillais. Et elle l'est lorsque l'on change de régime législatif, ce qui, en l'espèce, n'est pas le cas. La Polynésie française ne change absolument pas de régime législatif.
    Les transferts de compétences, qu'ils s'appliquent aux collectivités régies par l'article 74 ou à celles régies par l'article 73, n'exigent en rien que la population soit consultée : la Constitution ne le prévoit pas. Au reste, nous sommes tout à fait dans la continuité de ce que le gouvernement précédent avait envisagé, puisque je n'ai trouvé nulle trace de documents prévoyant que les Polynésiens seraient consultés sur ce qui n'est simplement qu'un renforcement de leur statut actuel,...
    M. Christian Paul. Quelle mauvaise foi !
    Mme la ministre de l'outre-mer. ... et non une modification de celui-ci.
    Quand j'entends M. Zuccarelli et d'autres dénoncer le manque de lisibilité du texte, se livrer à des exégèses sur les lois du pays, dois-je leur rappeler que ce n'est pas nous qui avons inventé la notion de « citoyenneté polynésienne », qui figure dans le texte de 1999, et sur laquelle nous sommes, heureusement, revenus ? En matière de lisibilité, nous n'avons donc pas de leçons à recevoir, parce que, très franchement, on n'y comprenait plus rien.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Tout à fait !
    M. René Dosière. Il ne fallait pas voter le texte !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, le peuple français est un, quelle que soit la diversité des identités culturelles, notamment outre-mer où elles contribuent à son rayonnement et constituent une richesse supplémentaire.
    A vous écouter, messieurs de l'opposition, j'ai eu l'impression que nous ne d'ébattions pas du même texte. Vous avez parlé, monsieur Zuccarelli, d'« ordonnances du pays » ; or cette notion ne figure nulle part dans le texte.
    M. Eric Raoult. C'est évident !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Où avez-vous donc bien pu la trouver ?
    Je tiens à rappeler, comme certains l'ont fait à droite de cet hémicycle, que le projet de loi réaffirme l'appartenance de la Polynésie à la République dans le respect de son identité, de son besoin de se gouverner elle-même, comme elle le fait depuis longtemps, en fonction des différents statuts qu'elle a connus. Nous nous inscrivons dans une évolution qui correspond à une évolution mondiale, et ce sans remettre en cause l'unité de la République.
    Le projet de loi renforce le contrôle de légalité ainsi que les pouvoirs des communes et il garantit le droit de recours juridictionnel devant le Conseil d'Etat. Je m'étonne donc que l'opposition puisse dénoncer des dispositions qui, pour la plupart, figurent déjà dans la loi organique de 1996 ou dans la Constitution révisée de 2003.
    Monsieur Christian Paul, vous vous êtes lamenté sur le sort des communes de Polynésie. Aussi, j'ai envie de vous demander pourquoi donc les projets de loi organique et ordinaire que vous aviez déposés au Sénat en mars 1998 n'ont jamais été discutés.
    M. René Dosière. Parce que le Président de la République n'a pas permis à la réforme constitutionnelle d'aboutir, et vous le savez !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Vous savez très bien qu'une grande partie de leurs dispositions est reprise dans le projet. Et pourquoi n'avez-vous pas modifié, à l'occasion des élections municipales de 2001, le mode de scrutin qui interdit en Polynésie à l'opposition d'être représentée dans les communes ?
    M. Christian Paul. Parce que le statut a été bloqué par le Président Chirac !
    M. René Dosière. Qui était Président de la République à l'époque ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Auriez-vous manqué de temps, entre juin 1997 et mars 2001, pour faire adopter cette réforme, alors que vous pouviez même y procéder par voie d'ordonnances ?
    Enfin, pourquoi n'avez-vous pas réglé les contributions de l'Etat au fonds intercommunal de péréquation en 2001 et en 2002 ?
    M. Eric Raoult. Là, ils ne répondent pas !
    M. René Dosière. Il faut poser la question à Bercy !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Je comprends, en revanche, certaines des inquiétudes évoquées par Michel Buillard et Béatrice Vernaudon concernant le rôle des communes. Je tiens à les rassurer. Le statut du personnel communal et l'extension du principe de décentralisation feront bien l'objet de deux ordonnances au cours du premier semestre 2004. J'ai pris cet engagement et je le tiendrai.
    Par ailleurs, le nouveau statut permettra aux communes de Polynésie, à l'instar de celles de métropole, de fixer librement les taux de leurs impôts locaux.
    Cette modernisation du statut des communes était vraiment nécessaire et urgente, et nous allons la réaliser.
    Monsieur Dosière, une phrase que vous avez prononcée tout à l'heure m'a profondément choquée. Parlant de la Nouvelle-Calédonie, vous avez dit : « L'opposition en Nouvelle-Calédonie, c'est-à-dire les Kanaks. » Je vous mets vraiment en garde contre de telles formules. Votre collègue sénateur Simon Loueckhote appréciera ce genre de réflexion, que je ne peux évidemment pas laisser passer sans réagir.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très juste !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Je souhaite maintenant donner quelques réponses à M. Lagarde. Tout d'abord, il a évoqué une « représentation diplomatique » de la Polynésie à l'étranger. Je voudrais lui dire qu'il s'agit, non de cela, mais simplement de bureaux, comme les collectivités territoriales peuvent déjà en avoir auprès des institutions européennes. Une telle représentation n'a donc aucun caractère diplomatique.
    Par ailleurs, pour ce qui est du droit du travail, la situation en Polynésie est la même qu'en Nouvelle-Calédonie. Bien évidemment, le code du travail métropolitain devra être complété pour préciser la situation des salariés métropolitains travaillant en Polynésie française au regard de leurs sociétés basées en métropole.
    Je remercie tous ceux qui, dans la majorité, ont eu l'objectivité de reconnaître que ces projets de loi s'inscrivent à la fois dans le cadre de l'unité de l'appartenance à la République et du respect de la Polynésie et des Polynésiens.
    Certains propos m'ont déçue, quand il s'agissait d'attaquer un homme qui a une stature d'homme d'Etat, d'attaquer des institutions qui ont fait leurs preuves, d'attaquer une organisation qui marche.
    Quand on retourne en Polynésie après être resté un certain temps sans y aller, comme cela a été mon cas pour cause d'alternance politique, on est frappé par l'ampleur des progrès. Quand on connaît les difficultés auxquelles sont confrontées de nombreuses collectivités d'outre-mer, il est rassurant et encourageant de voir combien la Polynésie française est dynamique, motivée et mobilisée pour son développement économique et social. Je n'hésite pas à dire qu'elle a valeur d'exemple pour tout l'outre-mer et, à certains égards, elle peut être un laboratoire pour la métropole.
    M. Eric Raoult et M. Didier Quentin. Très bien !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Enfin, j'aimerais que, dans cet hémicycle, on manifeste un peu plus de respect envers la population polynésienne, qui a apporté à notre pays une contribution que nous ne devons jamais oublier. Je ne saurais supporter que l'on use envers la Polynésie de dénigrement ou de condescendance à propos d'une aide de l'État, qui est en effet importante, et qui doit le rester. Car la dette nucléaire ne saurait s'éteindre, et la contribution de la Polynésie à la souveraineté de la France ne devra jamais être oubliée, ici ou ailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Mes chers collègues, je vous informe que la motion de renvoi en commission qui devait être défendue par M. Dosière a été retirée.
    M. Eric Raoult. Très beau geste !
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

FAIT PERSONNEL

    M. le président. La parole est à  M. Christian Paul, pour un fait personnel.
    M. Christian Paul. Monsieur le président, mes chers collègues, je voulais faire tout à l'heure un rappel au règlement pour répondre à M. Raoult qui m'a mis en cause à plusieurs reprises - ainsi que d'autres de mes collègues - dans son intervention. Ma réponse sera double.
    Tout d'abord, je lui dirai qu'il n'y a pas, dans cet hémicycle, ceux qui auraient le sens des responsabilités de l'Etat envers l'outre-mer - ce serait vous - et ceux - nous, en l'occurrence - dont les propos seraient, par nature, irresponsables. Il suffit de considérer le bilan des trois derniers gouvernements de gauche s'agissant de l'outre-mer - la paix civile en Nouvelle-Calédonie, les évolutions statutaires réussies à Mayotte, la loi d'orientation pour l'outre-mer, saluée dans tous les départements d'outre-mer au-delà des clivages partisans -, pour voir que vous n'avez pas le monopole de l'esprit de responsabilité envers l'outre-mer.
    M. Eric Raoult. Là, vous parlez comme un ministre. C'est bien !
    M. Christian Paul. Je ne qualifierai pas, madame la ministre, la foi avec laquelle vous défendez ce qui m'apparaît comme un texte de complaisance - « de copinage », dit Noël Mamère avec son style inimitable. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Monsieur Paul, le propos d'un fait personnel n'est pas de rouvrir le débat de fond.
    M. Christian Paul. Ensuite, si M. Raoult voulait bien considérer la réalité, il saurait qu'en Polynésie - et nous avons été un certain nombre à le dire ce soir -, il y a des journalistes molestés, des fonctionnaires humiliés, des opposants interdits de parole et un clientélisme de chaque instant,...
    M. le président. Monsieur Paul, n'ouvrez pas un droit de tirage pour un autre fait personnel.
    M. Christian Paul. ... ce n'est pas faire injure à la Polynésie que le reconnaître !
    M. le président. Nous vous avons entendu ; votre intervention est terminée.

3

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique :
    Questions au Gouvernement ;
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence :
    Du projet de loi organique, adopté par le Sénat (n° 1323), portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
    Du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 1324), complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
    M. Jérôme Bignon, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 1336).
    (Discussion générale commune.)
    A vingt-deux heures, deuxième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée, le mercredi 14 janvier 2004, à zéro heure vingt.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT