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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 16 JANVIER 2004

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du jeudi 15 janvier 2004


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

1.  Saisine pour avis d'une commission «...».
2.  Développement des territoires ruraux. - Discussion d'un projet de loi «...».
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
M. Yves Coussain, rapporteur de la commission des affaires économiques.
M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour les dispositions relatives à la chasse.
M. Francis Saint-Léger, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour les dispositions relatives à la montagne.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques.
M. Emile Blessig, président de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire.

Suspension et reprise de la séance «...»
EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ «...»

Exception d'irrecevabilité de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Henri Nayrou, Yves Censi, Joël Giraud, Jean Lassalle, André Chassaigne, le ministre de l'agriculture. - Rejet.

QUESTION PRÉALABLE «...»

Question préalable de M. Alain Bocquet : MM. André Chassaigne, Hervé Mariton, Jean-Claude Perez, Jean Lassalle, le ministre de l'agriculture. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3.  Hommage aux victimes du naufrage d'un chalutier «...».
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales ; M. le président.
4.  Loi organique sur le statut d'autonomie de la Polynésie française. - Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire «...».
5.  Loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française. - Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire «...».
6.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

    M. le président. J'informe l'Assemblée que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a décidé de se saisir pour avis du titre II du projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle (n° 1055).

2

DÉVELOPPEMENT
DES TERRITOIRES RURAUX

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux n°s 1058, 1333).
    La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
    M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mesdames, messieurs les députés, nous avons l'honneur de soumettre aujourd'hui à l'examen de l'Assemblée nationale le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. Le calendrier de vos travaux en fait l'un des premiers textes examinés cette année et, comme vous, j'espère qu'il favorisera un regain de développement de nos territoires ruraux et le retour d'une grande confiance en l'avenir du monde rural.
    Ce texte ayant un caractère interministériel, je voudrais souligner la contribution de mes collègues Roselyne Bachelot, ministre de l'écologie et du développement durable, et Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, qui se trouvent aujourd'hui à mes côtés au banc du Gouvernement. De même, François Fillon, Gilles de Robien, Jean-François Mattei, Alain Lambert, Patrick Devedjian et Léon Bertrand ont également pris une part essentielle à son élaboration, et je tiens à les en remercier.
    Depuis le dépôt de ce projet sur le bureau de l'Assemblée, beaucoup d'entre vous, en particulier dans le cadre de la commission des affaires économiques, ont proposé de très nombreux amendements destinés à l'enrichir encore. Je souhaite à ce stade saluer le travail considérable de votre président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier. Il connaît bien, et depuis longtemps, toutes les questions d'aménagement du territoire dont il mesure plus que tout autre à la fois l'intérêt et la difficulté. Sous sa conduite, la commission des affaires économiques a examiné en quelques jours près de mille propositions d'amendement. Je sais combien son concours nous a été, et nous sera précieux dans les jours qui viennent, et je le remercie pour son engagement personnel. Mes remerciements vont aussi à MM. les rapporteurs pour la qualité de leurs travaux : Yves Coussain, député du Cantal ; Francis Saint-Léger, député de la Lozère pour le volet « montagne » ; et Jean-Claude Lemoine, député de la Manche, pour le volet « chasse ».
    Le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux traduit l'engagement du Président de la République de définir la nouvelle politique en faveur de nos territoires ruraux, qu'il avait annoncée à l'occasion d'un discours prononcé à Ussel en avril 2002, et qui a été confiée au ministère de l'agriculture, désormais en charge également des affaires rurales.
    Le texte répond aussi au sentiment d'abandon que ressentent un grand nombre de ceux qui vivent et travaillent en zone rurale. Je n'entends pas, par là, sacrifier à une quelconque nostalgie, ou évoquer un bon vieux temps mythique où l'agriculture aurait été reine. Le paysan n'a jamais été roi. Mais notre monde rural reposait sur un pacte que le pays dans ses profondeurs avait noué avec ses paysans.
    Alors qu'en instituant les enclosures, l'Angleterre confiait, dès le xviie siècle, son approvisionnement alimentaire à ses colonies et faisait de ses campagnes un lieu avant tout tourné vers le divertissement, la campagne française, elle, hébergeait autant d'activités artisanales, voire préindustrielles, que d'activités proprement agricoles. A la fin du xixe siècle, au moment où la ville naît à la manufacture et à l'industrie, Gambetta, en faisant de la terre un patrimoine et du paysan un petit propriétaire, promeut une agriculture produisant de façon différenciée un peut de tout partout, en même temps qu'il fait chausser aux paysans, selon l'expression célèbre, les « sabots de la République ». Notre pays scelle alors avec sa paysannerie un pacte qui durera des décennies. Depuis l'agrès-guerre, nos campagnes ont connu d'importants bouleversements : exode rural, vieillissement de la population, désertification, progression de la friche, enclavement des territoires. Daniel Halévy avait naguère donné un titre à ce constat : « La terre meurt ». Alors que les paysans deviennent agriculteurs et la terre un outil de travail que la mécanisation viendra optimiser, l'exode rural prive la campagne de ses habitants, désireux d'embrasser une autre profession ou un autre mode de vie.
    Avec 680 000 exploitants, 550 000 conjoints, un million de descendants, 135 000 salariés agricoles et 120 000 salariés des coopératives, les agriculteurs, même s'ils n'exercent plus aujourd'hui l'activité dominante du monde rural, demeurent encore, et heureusement, le coeur battant de nos campagnes. Mais s'ils participent au progrès, ils ont aussi souvent le sentiment d'en bénéficier moins que les autres et ils conservent une culture marquée par l'importance des aléas - nous l'avons vu encore en 2003 - et la prégnance de la sédentarité.
    Depuis plusieurs années, beaucoup s'étaient résignés face aux évolutions du monde rural : résignés à l'idée que les territoires ruraux ne se trouvaient plus au coeur de notre politique d'aménagement du territoire ; résignés à ce que le monde rural se vide progressivement de sa population au profit des villes ; résignés à l'idée que rien ne pouvait véritablement empêcher ce mouvement inexorable. La dispersion des politiques conduites a contribué à aggraver ce sentiment. Tout au plus espérait-on, ici ou là, retarder cette évolution. On persistait ainsi à opposer, dans la grande tradition du « Tableau de la France » de Michelet ou de Vidal de la Blache, une France urbaine dynamique à une France rurale condamnée au déclin. Rien n'a été véritablement entrepris depuis la loi du 4 février 1995, dite « loi Pasqua », qui a créé les pays et les démarches territoriales, développé les schémas d'aménagement des territoires et un système efficace de péréquation en faveur du monde rural, à travers le Fonds de gestion de l'espace rural et les zones de revitalisation rurale.
    Afin de se placer au plus près des réalités du terrain et des initiatives qui s'y développent, nous avons élaboré ce texte dans un cadre interministériel et de façon très concertée. Avant d'engager sa rédaction, nous avons voulu entendre « la voix trop souvent méconnue du réel », pour reprendre la belle expression de René Girard. C'est dans cet esprit qu'avec Jean-Paul Delevoye, nous avons reçu les représentants des grandes associations d'élus locaux : l'Association des maires de France, l'Association des départements de France, l'Association des régions de France, l'Association nationale des élus de la montagne et celle qui regroupe les élus du littoral.
    Nous avons également nourri notre réflexion des échanges que nous avons eus avec les parlementaires et lors de chacun de nos déplacements dans les départements, au contact des forces vives du monde rural.
    Outre l'ensemble des organisations professionnelles, syndicales et consulaires agricoles, nous avons consulté la plupart des instances qui participent à l'activité du monde rural : l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, l'Assemblée française des chambres de commerce et d'industrie, l'Assemblée permanente des chambres des métiers, l'Union professionnelle artisanale, ou encore l'Observatoire des métiers. Nous avons souhaité également recueillir les propositions des acteurs de la ruralité : le Conseil national pour l'aménagement et le développement du territoire, l'association Familles rurales, la Fédération nationale des foyers ruraux, la Fédération nationale pour l'habitat et le développement rural, l'Association nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'Association nationale pour le développement de l'aménagement foncier, la Fédération nationale de la propriété agricole et rurale, le groupe Monde rural, les conseils économiques et sociaux régionaux et le Conseil national de la montagne. Parallèlement, des groupes de travail largement ouverts se sont penchés sur des thèmes spécifiques : la pluriactivité, les groupements d'employeurs, l'agriculture de groupe, l'action sociale, la politique en faveur de la montagne et du pastoralisme, les services au public, la rénovation du patrimoine bâti, ou la protection des espaces agricoles périurbains.
    Pour être en mesure de participer plus efficacement à la définition et à la mise en oeuvre de cette nouvelle politique, l'ensemble des services de la DATAR, dont je salue ici le délégué, ont été mobilisés, et les services centraux de mon ministère ont été réorganisés, avec la création d'une direction générale chargée des affaires rurales et de la forêt. Enfin, outre les travaux du Commissariat général au Plan et de l'Institut national pour la recherche agronomique, nous avons pris en compte le rapport d'une très grande qualité que la DATAR a consacré à l'aménagement de la France rurale en 2020.
    Ces différents rapports, ces multiples auditions et consultations nous ont permis de dresser un portrait précis du monde rural et des politiques conduites en sa faveur. Certains soulignent le caractère éclectique, voire composite du projet de loi. Mais « la France se nomme diversité », comme l'écrivait déjà Fernand Braudel, et la variété des mesures qu'il comporte traduit avant tout la diversité du monde rural et des problèmes auxquels il est confronté.
    Nous avons tout d'abord une « campagne des villes », où une part de plus en plus importante des terres se trouve soumise à la pression croissante de l'urbanisme et de la spéculation foncière. Ces espaces constituent en effet une réserve foncière pour l'aménagement et le développement d'autres activités, notamment résidentielles, ce qui contribue à leur renchérissement à un niveau trop souvent incompatible avec le maintien de l'activité agricole et provoque de fréquents conflits d'usage.
    Nous avons ensuite les campagnes plus isolées, souvent situées en zone de montagne - mais pas toujours - qui continuent à perdre des habitants. Beaucoup d'entre elles voient leurs espaces agricoles progressivement abandonnés. Elles souffrent d'une mauvaise connexion aux réseaux modernes de communication. Hier, ce sentiment prévalait déjà lors de l'électrification. Il est toujours instructif de relire l'histoire. Avec le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, leur isolement prend une nouvelle forme : la fracture numérique. Pour y remédier, la solidarité nationale, qui s'exprime en l'occurrence par le biais de l'aménagement du territoire, dont Jean-Paul Delevoye a la charge, doit s'exercer de façon plus efficace et plus visible.
    Nous avons enfin de nouvelles campagnes soumises à l'influence des centres-bourgs où l'activité entrepreneuriale est importante, où la population progresse et crée des richesses. Entre 1975 et 2000, cette frange de nos espaces ruraux a gagné près d'un demi-million d'habitants et nos compatriotes sont chaque année plus nombreux à s'y établir. Les dynamiques de projet doivent y être mieux soutenues.
    Si nos campagnes ont retrouvé le même nombre d'habitants qu'en 1970, ce ne sont plus les mêmes ruraux et ce ne sont plus les mêmes campagnes, car, malgré le renouveau démographique et économique de nos territoires ruraux, force est de constater que les déséquilibres territoriaux se sont accentués au cours de la période récente. La déprise des zones isolées, comme le déséquilibre de nombreux espaces périurbains, en sont des exemples que vous connaissez bien dans vos départements et vos circonscriptions.
    Après avoir dressé ce constat que chacun, je crois, peut partager, je voudrais souligner que le projet de loi qui est soumis aujourd'hui à votre examen n'est pas une loi de société. En élaborant ce texte, le Gouvernement a voulu, avant tout, privilégier une attitude pragmatique, car nous ne voulons pas nous livrer à des annonces qui ne seraient pas suivies de réalisations. Il entend enrichir les outils mis à la disposition des acteurs de la ruralité.
    Ce projet de loi, qui privilégie tantôt la norme, tantôt l'incitation, s'inscrit en effet dans un dispositif plus large - j'ai parlé, en plusieurs occasions, d'un « bouquet rural » - comprenant les mesures décidées par le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire présidé par le Premier ministre Jean-PierreRaffarin, le 3 septembre, puis le 20 septembre dernier. La complémentarité voulue entre les dispositions législatives et les mesures du CIADT ressort dès le premier chapitre du projet de loi consacré à l'aménagement du dispositif des zones de revitalisation rurale, le CIADT ayant envisagé notamment de faire évoluer ces zonages. Rien ne serait plus réducteur, dès lors, que d'apprécier l'action du Gouvernement à la lumière des seules dispositions de ce projet de loi. De même, celui-ci s'articule parfaitement avec d'autres textes en cours d'élaboration, notamment, sur plusieurs points, avec le projet de loi organique sur les finances locales adopté en conseil des ministres le 22 octobre dernier et avec la loi sur les nouvelles initiatives économiques. Si cette dernière offre aux entrepreneurs les libertés dont ils ont besoin pour conduire leurs activités, le projet de loi que je soumets à votre examen permettra aux collectivités locales d'accompagner leurs efforts.
    Même s'il comporte, bien évidemment, un volet agricole, l'objet de ce projet de loi dépasse la seule agriculture car, si nous devons tenir compte des autres activités créatrices d'emploi dans le monde rural, il importe que les agriculteurs en demeurent le « coeur battant ». En 2004, puis en 2005, un projet de loi de modernisation de l'agriculture, annoncé par le Premier ministre, viendra par ailleurs compléter les dispositions agricoles du projet de loi et tirer les conséquences de la réforme de la politique agricole commune décidée à Luxembourg en juin de l'année dernière. La gestion du foncier rural, la place de l'agriculture au sein de l'espace rural, l'activité agricole devraient sans doute constituer le lien entre ces deux projets de loi.
    Ce projet de loi s'inscrit en cohérence avec la vision d'une France décentralisée, qui est celle du projet de loi relatif au développement des initiatives locales que vous examinerez à la suite de ce texte. Une France décentralisée, dans laquelle l'Etat n'a pas vocation à tout faire, ni à tout laisser faire mais où, garant de la cohésion nationale et de l'équité territoriale, il joue pleinement son rôle de « facilitateur ». Car il lui faut, avant tout, améliorer la dynamique des projets du territoire et créer un cadre propice à la libération des énergies et qui tienne compte des spécificités des zones rurales.
    Ce projet de loi veut apporter une réponse à la dispersion des politiques conduites en sa faveur. Initiées dans les années soixante par Michel Debré, alors Premier ministre, mises en oeuvre par Olivier Guichard puis Jérôme Monod, lorsqu'ils étaient délégués à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, les premières politiques d'aménagement du territoire sont venues rééquilibrer notre territoire et conjurer le « scénario de l'inacceptable » décrit par Jean-François Gravier dans son célèbre ouvrage de 1947 : Paris et le désert français. Mais au fil du temps, les approches et les intervenants se sont multipliés : les collectivités locales - régions, départements et communes - les intercommunalités, les pays et massifs ont mis en oeuvre des politiques, sans toujours trouver les dispositifs nationaux ou européens d'accompagnement souhaitables.
    L'empilement des dispositifs est tel que l'instance interministérielle d'évaluation des politiques de développement rural a pu regretter que les dispositifs en faveur du monde rural obéissaient alors à des logiques encore trop sectorielles, cloisonnées et faisant souvent appel à des mécanismes nombreux et insuffisamment articulés entre eux.
    Il est temps aujourd'hui d'aller plus loin, de redéfinir une véritable ambition pour nos campagnes et d'apporter une plus grande cohérence et une meilleure lisibilité à l'action de l'Etat dans ce domaine.
    Il est temps, pour cela, de donner une plus grande liberté d'action aux décideurs locaux. L'heure ne doit plus être à la désespérance et à l'« aquoibonisme », mais à l'initiative et à l'accompagnement des porteurs de projets.
    Ce rebond de nombreux territoires doit également nous rendre d'autant plus solidaires de tous ceux qui restent en difficulté. Je pense, notamment, aux communes rurales et aux communes de montagne soumises à d'importants handicaps. Le projet de loi est particulièrement attentif à cet enjeu de solidarité, qui est aussi un enjeu de cohésion nationale. Il est bien évident qu'il s'inscrit, à cet égard, dans le cadre de l'objectif de péréquation au profit des régions et des collectivités les plus fragiles, auquel le Gouvernement a conféré une valeur constitutionnelle. La réforme de la dotation globale de fonctionnement, engagée dès cette année, assure que les collectivités locales recevront les ressources nécessaires pour remplir ces nouvelles missions.
    Il est temps, enfin, qu'à cette diversité des ruralités, des acteurs et des situations réponde une diversité de nos moyens d'intervention. Car si elle veut tenir compte de la diversité du monde rural, cette politique doit adapter ses outils à la situation particulière de chaque territoire et apporter des réponses aussi concrètes et aussi complètes que possible aux différentes attentes de nos concitoyens ruraux. Des attentes qui touchent, avant tout, au développement économique, et donc à l'emploi, à l'offre de meilleurs services aux publics, ainsi qu'au respect des équilibres et des traditions.
    Favoriser le développement économique des territoires en améliorant leur attractivité, assurer l'égalité d'accès aux services aux publics, protéger certains espaces les plus spécifiques - les espaces agricoles et naturels périurbains - ou certains espaces sensibles - les zones de montagne, les zones humides -, tels sont d'ailleurs les objectifs poursuivis par ce texte.
    Sans me livrer à un exposé exhaustif de ces différentes dispositions, je souhaiterais en évoquer avec vous quelques-unes qui sont au coeur de nos préoccupations. Je fais, par ailleurs, confiance à la représentation nationale pour les enrichir en exerçant pleinement son droit d'amendement.
    S'agissant du développement économique et de l'emploi, nous devons faire jouer la solidarité nationale de façon plus efficace et plus lisible. Pour conforter le développement économique des territoires en déclin démographique, le projet de loi comporte de nombreuses mesures incitatives prenant appui sur les zones de revitalisation rurale - ZRR -, que sont venues compléter et relayer un ensemble de mesures décidées au CIADT. Il propose d'aménager le dispositif des ZRR et d'en actualiser les zonages en tenant compte des intercommunalités à fiscalité propre. Le dispositif sera ainsi réactualisé pour prendre en compte les données du dernier recensement, et fera l'objet d'une évaluation permanente pour en améliorer l'efficacité et la lisibilité.
    Le projet de loi propose également de créer des sociétés d'investissement pour le développement rural - SIDER -, de façon à faciliter, à l'instar de dispositifs analogues qui existent en milieu urbain, les projets économiques et les entreprises de petite dimension. Ces sociétés d'investissement pourront soutenir l'installation d'entreprises innovantes en zone rurale. Des avantages fiscaux seront consentis à leurs actionnaires, je pense notamment à l'amortissement, dès la première année, de 50 % du montant des sommes souscrites. Les modalités de mise en oeuvre de la responsabilité solidaire entre les membres des groupements d'employeurs pouvant appartenir à des secteurs aussi différents que l'agriculture, le commerce ou l'artisanat seront ainsi améliorées.
    Le dispositif d'amortissement du prix de revient actuellement accordé aux entreprises qui construisent ou font construire sera étendu à celles qui engagent des travaux de rénovation. Ces dispositions permettront non seulement aux entreprises qui s'installent de le faire au meilleur coût, mais aussi de restaurer des bâtiments à usage professionnel qui restent bien souvent inoccupés et se dégradent rapidement.
    Le texte consent également des exonérations de taxe professionnelle au profit des professionnels de santé humaine ou animale, et des exonérations de taxe foncière en faveur des logements privés sociaux.
    Les projets des petites communes, qui ont, plus que d'autres, besoin d'être accompagnés, pourront l'être davantage sur le plan financier.
    S'agissant des activités agricoles et touristiques, le projet de loi introduit des dispositions fiscales et financières et des mesures de simplification, de nature à favoriser les dynamiques locales.
    Le Président de la République a fait de l'emploi une priorité pour notre pays. Et celui-ci est également un enjeu majeur du développement des territoires ruraux. Dans le projet de loi, il fait l'objet de dispositions importantes, que le Gouvernement est prêt à enrichir par la voie d'amendements parlementaires ou gouvernementaux.
    Afin de mieux reconnaître la pluriactivité, le projet de loi encourage la mutualisation de l'emploi entre différents employeurs, et propose, via les centres de gestion de la fonction publique territoriale, d'élargir la possibilité de cumuler un emploi public et un emploi privé à tous les agents de la fonction publique territoriale employés par des communes de moins de 3 500 habitants, au lieu de 2 000 jusqu'alors. Une commune pourra désormais partager avec une entreprise de travaux agricoles un emploi de conducteur d'engins. Le salarié pourra, par exemple, entretenir les accotements de la voirie communale ou participer aux petits travaux d'entretien de celle-ci, tandis que, mis à disposition de l'entreprise privée, il pourra réaliser des travaux liés aux cultures.
    Pour faciliter l'association des différents acteurs économiques du monde rural - agriculteurs, artisans, commerçants - au sein de groupements d'employeurs multisectoriels, le projet de loi assouplit les règles qui les régissent. Lors d'une visite en Bretagne, j'ai récemment rencontré la situation d'un emploi partagé entre la collecte de lait pour la coopérative et le transport de bois d'oeuvre pour le charpentier. Pour favoriser de tels groupements, le projet de loi veille à la neutralité fiscale du groupement. Nous étendrons cette neutralité au régime des cotisations sociales par voie réglementaire. Pour lever le frein que constitue la responsabilité solidaire des membres du groupement d'employeurs, le Gouvernement déposera un amendement permettant aux groupements d'employeurs de constituer une réserve défiscalisée, afin de faire face au risque d'impayé de salaires et de charges sociales. Ces mesures sont essentielles car elles contribuent à briser les cloisonnements et à mettre en synergie les différentes activités du monde rural.
    Les emplois saisonniers, on le sait bien, souvent ne sont pas pourvus en raison de l'absence de logement proposé aux salariés. Le coût d'un logement ou les frais de déplacement peuvent, en effet, limiter l'intérêt pour le salarié d'accepter un emploi saisonnier. Afin de favoriser l'hébergement des saisonniers, le projet de loi prévoit un amortissement accéléré des gros travaux d'amélioration ainsi qu'un aménagement de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la taxe d'habitation.
    Le projet de loi propose également de simplifier les règles de rattachement aux régimes sociaux pour les pluriactifs non salariés.
    Il encourage, enfin, la formation professionnelle des salariés, notamment saisonniers, ou des conjoints collaborateurs. Il habilite ainsi les partenaires sociaux à adapter les conditions d'accès au congé individuel de formation des salariés en contrat à durée déterminée. Les secteurs de l'agriculture et du tourisme, gros pourvoyeurs d'emplois saisonniers, pourront désormais adapter les durées d'emploi pour accéder à une formation aux réalités de leurs secteurs. A ce titre, une personne ayant accompli une campagne saisonnière en agriculture puis en station de sports d'hiver pourrait bénéficier d'une formation la qualifiant pour l'emploi durable, alors que cette possibilité ne lui est pas ouverte aujourd'hui. Par voie d'amendement, le Gouvernement proposera au Parlement de créer un nouveau cas de recours au contrat de travail à durée déterminée, le CDD formation, afin de permettre aux saisonniers de se former entre deux contrats de travail tout en restant liés à l'entreprise. Les frais de formation et de rémunération s'imputeront sur le plan de formation de l'entreprise.
    Afin que les personnes souffrant de handicaps puissent exercer une activité parallèle en milieu ordinaire, le projet comporte des dispositions visant à favoriser la conclusion de contrats de travail hors ateliers protégés.
    Parce que les territoires ruraux sont en concurrence, nous devons également améliorer leur attractivité, afin d'y promouvoir l'installation et la reprise d'entreprises. Or, nous nous trouvons confrontés à une situation nouvelle et paradoxale, je veux parler de la crise du logement en milieu rural.
    L'offre de logements reste insuffisante en nombre comme en qualité. Des maisons de village se dégradent sans qu'on puisse ni les louer, ni les acheter, et trop de corps de fermes sont laissés à l'abandon, les repreneurs des terres n'ayant pas besoin de ces bâtiments, souvent inadaptés pour l'élevage ou la culture.
    M. Jean Dionis du Séjour. Très juste !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. C'est vrai !
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Allons-nous continuer à fermer les yeux ? Continuer à considérer que seule la ville peut loger les gens ? Que l'aménagement du territoire consiste seulement à gérer les populations concentrées en ville ? Bien entendu non. Nous devons augmenter l'offre de logements destinés aux actifs, en favorisant la rénovation du patrimoine bâti et le développement de l'habitat locatif dans les ZRR.
    Combien d'entre nous n'ont-ils pas été frappés par l'état d'abandon, parfois même de ruine, d'un grand nombre de bâtiments agricoles anciens, parfois même de caractère, alors que le manque de logements est réel dans la commune ?
    M. Jean Dionis du Séjour. C'est excellent, monsieur le ministre !
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. En laissant ainsi son patrimoine se dégrader, la France rurale s'apprauvrit. Désormais, la loi permettra à tout propriétaire, en fin de bail, de reprendre le bâtiment devenu inutile à son fermier, de le rénover et de le louer.
    Le projet de loi renouvelle, d'autre part, le dispositif du remembrement pour le simplifier et en faire un outil mieux adapté à la préservation de l'environnement et à l'approfondissement de la décentralisation. Le dispositif proposé veille à une meilleure concertation des collectivités locales dans la mise en oeuvre de leur politique d'aménagement. Voilà, mesdames, messieurs les députés, une série de mesures concernant le volet économique de ce projet de loi.
    Le deuxième grand pilier, sur lequel veille particulièrement Jean-Paul Delevoye, c'est de garantir une meilleure offre de services aux populations. Nous savons que cette offre de services est essentielle à l'attractivité économique, à la qualité de vie et, plus largement, à l'égalité des chances que notre pays doit à ses enfants. Une offre de services satisfaisant leurs besoins quotidiens, telle est également l'attente de ces nouveaux habitants venus chercher à la campagne une qualité de vie qu'ils trouvent de moins en moins dans les grandes métropoles.
    Ces dernières années, diverses dispositions, tant législatives que réglementaires ou organisationnelles, ont cherché à maintenir les services publics en milieu rural. Mais, pour des raisons qui tiennent notamment à la complexité des dispositifs imaginés, elles se sont avérées insuffisantes pour résoudre les difficultés de nombreuses communes ou pour prendre correctement en compte les nouvelles attentes des usagers. Certaines dispositions de la loi avaient fait l'objet d'expérimentations. Je sais que Jean-Paul Delevoye développera cet aspect des choses.
    Nous souhaitons faire prévaloir une nouvelle logique fondée sur la polyvalence des services et des partenariats. C'est pourquoi le projet de loi propose de simplifier et d'adapter le régime juridique des maisons de service public. De même, l'Office national des forêts pourra apporter son concours technique dans le cadre de ces maisons puisque son maillage territorial doit être mis au service de la communauté rurale. Ses équipements permettront de maintenir une présence sur tout le territoire, même lorsque les conditions climatiques la rendent difficile.
    Nous devons également accueillir les familles qui veulent s'installer à la campagne, en leur offrant un cadre de vie économique, social et environnemental à la hauteur de leurs aspirations. Bien sûr, elles y trouvent l'air pur, l'espace et le calme, et c'est précisément ce qu'elles sont venues chercher. Bien sûr, elles ont également trouvé les solutions économiques leur permettant d'y vivre. Mais, socialement, où est la halte-garderie pour les enfants ? Où est le médecin ? Non seulement les territoires ruraux gagnent des habitants, comme en atteste le dernier recensement, mais les naissances s'y multiplient. Nul ne s'en plaindra, mais il faut faire face à cette situation nouvelle. Notre pays doit l'égalité de l'accès aux services de santé à l'ensemble de ses citoyens. Et l'accessibilité aux services de santé est un facteur essentiel de l'équité territoriale.
    Il est proposé, à cette fin, d'instaurer une véritable coordination des aides accordées aux professions médicales par les diverses collectivités territoriales et les organismes d'assurance maladie, pour favoriser l'exercice en cabinets de groupe ainsi que la constitution de pôles de soins, et assurer une présence médicale sur l'ensemble du territoire. Il est, en effet, essentiel d'inciter les médecins à s'installer en zone rurale, si nous voulons y résorber le déficit de soins. Il y a quelques semaines, j'ai rencontré un jeune étudiant lozérien parti suivre des études de médecine à Montpellier, avec l'intention de revenir au pays pour y exercer sa vocation. Il pourra désormais bénéficier d'une indemnité d'étude s'il s'engage à exercer comme médecin généraliste au moins cinq ans en zone déficitaire. De leur côté, les collectivités territoriales pourront accorder des indemnités de logement et de déplacement aux étudiants de troisième cycle de médecine générale lorsqu'ils effectuent leurs stages dans les zones déficitaires.
    Afin de favoriser l'installation des vétérinaires dans les zones d'élevage, je vous propose également de les exonérer pendant cinq ans de taxe professionnelle.
    Le dernier volet concerne les espaces spécifiques ou sensibles.
    L'agriculture et la forêt occupent 80 % de notre territoire. Au-delà de la dimension économique de ces activités, leur rôle d'occupation de l'espace, souhaité et reconnu par la société, se heurte à la menace de l'étalement urbain, aux risques de déprise et de banalisation des espaces pastoraux et humides et à la perspective d'un morcellement de la propriété et d'une multiplication des dégâts de gibier en forêt. Le projet de loi cherche à apporter des réponses spécifiques aux problèmes de ces différents types d'espaces.
    Alors que le tiers des exploitations agricoles se trouvent désormais en zone périurbaine et qu'y vivent 20 millions de nos compatriotes, nous ne disposons pas d'un instrument foncier efficace comme il en existe pour aménager les territoires urbains. Il est essentiel d'y protéger l'agriculture, non seulement en raison de son importance économique, mais aussi pour sa contribution à l'entretien des paysages et du cadre de vie. C'est pourquoi le projet de loi permet de créer des périmètres de protection et d'aménagement de ces espaces, en concertation avec les communes concernées et en cohérence avec les outils d'urbanisme. Il ne s'agit pas de mettre en place un outil réglementaire supplémentaire, mais plutôt d'offrir aux collectivités intéressées la possibilité de s'engager conjointement en faveur de la protection de ces espaces, à travers un programme d'action articulant mieux les procédures et les compétences existantes.
    Je sais toutefois qu'une question reviendra dans le débat : quelle doit être la collectivité « tête de file » dans ces opérations ? Régions et parlementaires sont réticents à voir les régions assurer ce rôle, et le Gouvernement les a entendus. Les départements ayant manifesté leur intérêt, il ne s'opposera donc pas à l'idée de leur confier cette responsabilité. Cette mesure doit assurer une surveillance foncière et le maintien de prix des sols compatibles avec l'activité agricole. Le poids des acquisitions et du portage foncier pour les SAFER s'en trouvera allégé, ce qui leur permettra de développer, au service des collectivités territoriales, leurs fonctions d'opérateur foncier spécialisé dans les biens ruraux.
    Afin de préserver nos forêts, le projet de loi introduit des incitations fiscales favorisant la restructuration et une gestion durable des forêts privées. Le projet de loi aménage certaines dispositions existantes, de façon à encourager les pratiques pastorales remplissant des fonctions économiques et environnementales, telles que la lutte contre l'embroussaillement et la déprise agricole.
    Grâce à une fiscalité adaptée et à des programmes d'actions spécifiques, le projet permettra également une meilleure prise en compte des zones humides. Autrefois considérées comme des territoires insalubres qu'il convenait de conquérir, elles constituent un important patrimoine faunistique et floristique, en même temps qu'un réservoir d'eau superficiel qui régularise l'écoulement des eaux et prévient les risques d'inondation.
    Le projet de loi reconnaît clairement l'enjeu de leur préservation et de leur gestion. Il prévoit d'accorder une exonération totale ou partielle de la taxe foncière, moyennant un engagement de préservation. De même, les baux pourront être adaptés dans les zones présentant un intérêt stratégique pour l'eau.
    Outre des mesures qui bénéficieront particulièrement aux territoires montagnards, dont elles renforceront l'attractivité et favoriseront la gestion durable, le projet de loi cherche enfin à apporter une réponse à leurs problèmes spécifiques. J'ai personnellement tenu à ce que le projet de loi comporte un titre entièrement consacré à la montagne. Je sais que les élus de la montagne souhaitaient une loi autonome relative à la politique de la montagne.
    M. François Brottes. C'est vrai !
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Mais, compte tenu du calendrier parlementaire, il nous a semblé plus judicieux d'inclure une partie « montagne » dans ce projet de loi.
    M. François Brottes. Dommage !
    M. Joël Giraud. c'est du saucissonnage !
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. C'est la raison pour laquelle nous avons veillé à améliorer la collaboration des collectivités et la coordination des structures administratives concernées par la gestion d'un même massif montagneux.
    Le projet de loi, établi en concertation étroite avec la commission permanente du Conseil national de la montagne, présidé par Michel Bouvard, et l'Association nationale des élus de la montagne, dont le secrétaire général est François Brottes, actualise la loi « montagne » de 1985, pour tenir compte de la décentralisation et de la diversité des territoires de montagne, et permettre ainsi un meilleur équilibre entre leur protection et leur développement.
    Il prévoit de favoriser la coordination des collectivités et des structures administratives concernées par la gestion d'un même massif montagneux, dans le cadre d'ententes de massifs. Le projet de loi propose ainsi de conférer aux comités de massif de nouvelles prérogatives qui renforceront leur rôle et leur capacité d'initiative, dans la définition du projet de leur territoire et la gestion de leurs espaces naturels. Cela permettra de mieux intégrer les spécificités des massifs, tout en maintenant l'unité de la politique de la montagne.
    Le projet de loi propose enfin de simplifier le régime des unités touristiques nouvelles - UTN -, qui régit les aménagements touristiques en montagne, et d'adopter un mode de gestion de la taxe de séjour des stations touristiques de montagne plus favorable à l'intercommunalité.
    Roselyne Bachelot parlera de la chasse : là encore, il s'agit d'un sujet très important pour le respect des équilibres.
    Enfin, le projet de loi propose de renforcer les capacités d'intervention des établissements publics partenaires des territoires ruraux et, au premier chef, les chambres d'agriculture, dont le champ d'action est étendu et le réseau conforté, de même que les établissements d'enseignement agricole, qui se trouvent explicitement chargés d'une mission de développement.
    Telle est donc, mesdames, messieurs les députés, l'économie générale du projet de loi que je soumets à votre examen. Ce texte - je le sais - a suscité beaucoup d'attentes. Leur importance est d'ailleurs, à la mesure du découragement que connaissent depuis plusieurs années nombre de nos zones rurales. Le mouvement des hommes, des activités et des services vers les grands centres urbains est aujourd'hui moins net que dans le passé. Mais il nourrit un sentiment d'abandon parmi ceux qui y vivent ou y travaillent, et une inquiétude légitime pour l'avenir de leurs territoires.
    L'importance de ces attentes est également à la mesure de celle que la ruralité conserve dans la société française et de sa place dans l'équilibre de notre pays.
    Je voudrais, pour finir, vous faire part de quelques réflexions que m'ont inspirées les débats en commission.
    C'est, bien sûr, avec plaisir que j'ai pris connaissance des commentaires favorables qui rendent hommage à la qualité des expertises et des concertations qui ont contribué à la préparation de ce texte. Ils confortent aussi ma détermination à vous proposer, à travers ce texte, une gamme d'outils bien adaptés aux besoins du monde rural comme aux objectifs poursuivis par le Gouvernement.
    Mais j'ai aussi entendu certaines réserves, voire de la circonspection. Certains ont ainsi parlé d'un texte éclectique, voire composite. En fait, la variété des dispositions et leur longueur se sont imposées d'elles-mêmes, au cours de mes nombreux déplacements et devant les multiples questions que les acteurs de la ruralité et mes collègues ministres ont soumis à notre attention.
    En élaborant ce projet de loi, je n'ai pas cherché à faire oeuvre esthétique, mais plutôt à rédiger un texte qui soit au plus près des réalités du terrain, en phase avec les préoccupations, elles-mêmes très diverses, qui s'y manifestent.
    D'autres veulent voir dans ce projet de loi un texte de la « dernière chance » pour les zones rurales en déclin. Or il y a trop de volontés, d'énergies et de projets dans nos territoires ruraux pour porter un jugement définitif à leur égard et ignorer superbement leurs capacités de rebond. Le Gouvernement veut donc faciliter la réussite de ces dynamiques locales, il ne doit pas les décourager.
    Je sais que les mesures visant notamment à simplifier l'aménagement foncier et à en faire un outil mieux adapté à la préservation de l'environnement et à l'approfondissement de la décentralisation suscitent encore des interrogations et des inquiétudes. Au cours des dernières semaines, un travail considérable a été accompli grâce au dynamisme du président Patrick Ollier et de la commission des affaires économiques qu'il anime. Le Gouvernement a écouté ses propositions et a décidé d'améliorer significativement le projet initialement proposé à votre examen.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. C'est vrai, et je vous en remercie !
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Je veux le remercier, ainsi que Jacques Barrot, pour la part essentielle qu'ils y ont prise.
    Je voudrais enfin remercier l'ensemble des parlementaires qui ont contribué à l'élaboration de ce projet de loi, et particulièrement Yves Censi, à qui le Premier ministre avait confié une mission sur ce sujet. Par ses propositions, il a permis d'améliorer significativement notre texte.
    En matière de développement rural, si les choses étaient simples, cela se saurait. Nous aimerions tous qu'une mesure emblématique puisse tout englober, mais nous savons bien que le développement rural est beaucoup plus complexe, multiforme, et qu'il nécessite en réalité une pluralité d'interventions, de dispositions. Aussi avons-nous préféré mettre à la disposition des acteurs du développement local ce que nous avons appelé une « boîte à outils ». Toutefois, dans sa partie réglementaire et d'action gouvernementale, telle qu'elle a été décidée par le CIADT au mois de septembre et telle qu'elle sera complétée par des dispositions législatives, elle ne suffit pas : en matière de développement rural, nous devons en effet tenir compte de divers fondamentaux.
    Le premier fondamental, c'est, bien évidemment, la qualité des infrastructures, qu'il s'agisse des infrastructures classiques - la route et le rail - ou les infrastructures numériques. De ce point de vue, les deux CIADT de septembre et de décembre ont pris plusieurs mesures.
    Le deuxième fondamental, c'est la péréquation financière : à cet égard, le rendez-vous proposé par le ministre de l'intérieur et le ministre délégué aux collectivités locales est très important car, s'il n'y a pas de péréquation au profit des collectivités du monde rural, il est bien clair qu'il sera très dificile de mettre en oeuvre des politiques dynamiques.
    Le troisième fondamental, c'est la question des services publics et des services au public, qui doit, de notre part, requérir imagination et ambition, et c'est la raison pour laquelle nous avons, avec Jean-Paul Develoye, particulièrement travaillé sur ce sujet.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, messieurs les rapporteurs, je vous prie de m'excuser pour la longueur de ce propos liminaire, mais il y a tant à dire et tant à faire pour notre monde rural qu'il est bon de s'y attarder un peu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, Hervé Gaymard vient de nous exposer les enjeux et le contenu des principales dispositions du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, qui contribue au maintien d'une présence humaine sur l'ensemble du territoire national.
    Si l'homme a, de tout temps, façonné les territoires et les paysages, au risque de les affecter parfois par ses excès, il n'en demeure pas moins que cette présence peut être un atout pour l'entretien des espaces naturels en évitant l'uniformisation si préjudiciable à la biodiversité et pour la prévention des risques naturels. Particulièrement intéressée par l'ensemble de ce texte, je suis directement partie prenante pour deux de ses chapitres, relatifs à la protection des zones humides et à l'activité cynégétique.
    A cet égard, je voudrais vous remercier, cher Hervé Gaymard, d'avoir ménagé une large place à des mesures en faveur des espaces naturels. Les dispositions contenues dans ces deux chapitres marquent des avancées dans deux domaines où il était urgent d'agir et pour lesquels les acteurs de terrain sont prêts à relayer les orientations proposées.
    Il convient cependant de les aborder dans la perspective d'un calendrier plus large, qui verra successivement, d'ici à quelques mois, le dépôt d'un projet de loi traitant du patrimoine et de la biodiversité - je pense aux parcs nationaux, à Natura 2000, à la fiscalité, au statut des espèces - et le dépôt d'un projet de loi sur l'eau, dont j'ai annoncé les principales orientations le 16 décembre dernier.
    Le chapitre III du titre IV du projet de loi est donc relatif aux zones humides. C'est un véritable sujet de développement durable. Les zones humides ont très longtemps été regardées comme des territoires insalubres devant être asséchés. Ce faisant, l'homme y a façonné l'espace, contribuant à la richesse des milieux, tout en chargeant ces territoires d'histoire et de culture. Nos livres d'histoire le montrent bien : pour une bonne part, c'est l'homme qui en a fait la richesse, et la pérennité de ces milieux dépend de celle des gestes traditionnels qu'il a su y développer.
    Bien sûr, les zones humides sont également utiles à la collectivité, aussi bien comme bassins d'expansion des crues que par leur fonction d'assainissement, leur biodiversité ou l'attrait qu'elles présentent pour toutes sortes d'activités de tourisme et de loisir. Malheureusement, depuis plusieurs décennies, les zones humides ont connu une très forte régression, comme l'a montré le rapport du préfet Bernard en 1994. En 1995, le Gouvernement a engagé un plan national d'action pour enrayer cette régression, mais il faut bien constater aujourd'hui que ce plan s'est révélé insuffisant. Il est donc devenu indispensable de prendre de nouvelles mesures de sauvegarde, afin de renverser cette tendance.
    Le volet « zones humides » du projet de loi propose en particulier de rechercher avant tout la mise en valeur de ces territoires, dans le respect des activités économiques qui s'y déploient, ainsi que des héritages culturels et institutionnels. Il s'agit donc de permettre à une maîtrise d'ouvrage adaptée de s'organiser autour de projets de développement durable, et de les mettre en oeuvre à l'aide de nouveaux outils contractuels et réglementaires efficaces, à commencer par des possibilités d'exonération fiscale.
    Concrètement, le texte que vous allez examiner retient trois axes d'intervention : d'abord, mieux identifier les zones humides et y assurer la cohérence des politiques et des financements publics ; ensuite, créer les conditions d'un équilibre économique reposant sur des pratiques respectueuses des milieux ; enfin, aider à la structuration des maîtrises d'ouvrage pouvant oeuvrer en faveur des zones humides.
    Ces trois axes sont déclinés en six articles.
    L'article 48 permet de préciser la définition des zones humides - les textes actuels, hélas ! donnent trop souvent lieu à des contentieux.
    Les articles 49 et 50 posent les bases de dispositifs de gestion adaptés aux enjeux de ces territoires : il s'agit dans le premier cas, de promouvoir par la concertation des pratiques nouvelles. Ce mécanisme reprend les caractéristiques déjà introduites dans la loi sur les risques du 30 juillet 2003 pour les zones d'érosion.
    L'article 50 vise plus spécialement les zones humides dont l'existence même est nécessaire à la qualité de l'eau potable ou à celle des milieux aquatiques. Dans ces zones, il conviendra d'identifier, dans la concertation locale au travers des schémas d'aménagement et de gestion des eaux, des servitudes indemnisables qui pourront être instaurées.
    Les articles 51 et 52 concernent les maîtres d'ouvrage. Il faut permettre aux collectivités concernées par les zones humides côtières de faire appel au Conservatoire du littoral, et le statut des associations syndicales est mis à jour afin de mieux prendre en compte les enjeux actuels.
    Enfin, et j'en parlais à l'instant, l'article 63 prévoit la possibilité pour les communes de décider d'une exonération de taxe sur le foncier non bâti, totale ou partielle selon le cas, au profit des propriétaires de terrains dans les zones humides. Cette mesure permettra de compenser la surévaluation de la taxe foncière non bâtie dans les zones humides, surévaluation qui est dénoncée depuis de nombreuses années, et contribuera ainsi au rééquilibrage économique voulu par le Gouvernement.
    Voilà les mesures que je vous propose donc d'approuver, afin de préserver le patrimoine naturel et culturel remarquable que constituent ces zones humides pour notre pays.
    J'en viens, deuxièment, aux dispositions relatives à la chasse. La chasse et les chasseurs contribuent à la conservation et à l'entretien des territoires,...
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. ... à la diversité des habitats naturels - on l'a vu avec les zones humides -, à la gestion des populations de grands ongulés, dont ils doivent limiter l'impact sur les cultures et la forêt.
    M. Alain Marleix. Très bien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. La chasse, par l'activité qu'elle induit, occupe une place significative dans l'économie de nombreux territoires ruraux.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Ces deux raisons suffisent à motiver la présence de ce chapitre IV du titre IV dans un texte sur le développement des territoires ruraux.
    Les dispositions qu'il contient sont également le prolongement du travail législatif que nous avons engagé ensemble il y a un an, et qui s'est concrétisé par le vote de la loi du 30 juillet 2003 sur la chasse. Cette loi concernait assez peu la pratique de la chasse - hormis l'abrogation du mercredi, jour sans chasse -, mais davantage la réforme des statuts des fédérations de chasseurs. Cette réforme, j'en conviens, n'était sans doute pas la plus attendue par les chasseurs, car elle ne concerne pas directement la pratique de la chasse. C'est pourtant celle par laquelle il m'avait semblé judicieux de commencer, car les fédérations ont une responsabilité importante, et il convenait de restaurer la confiance en supprimant un ensemble de dispositions contraignantes, voire vexatoires, issues de la loi chasse de 2000.
    Les textes d'application de la loi ont été pris sans délai, ce qui a permis à l'ensemble des fédérations d'approuver les nouveaux statuts avant la fin de l'année 2003.
    La loi que vous avez votée l'été dernier a donc ramené la sérénité et nous permet de nous appuyer pleinement sur les fédérations et les associations pour approfondir et relayer ce travail entrepris avec un nouvel état d'esprit : la gestion au plus près du terrain, la responsabilisation et la confiance.
    Je m'étais engagée devant vous à poursuivre ces réformes, dans le cadre de cette loi sur la ruralité. Vous constaterez que le projet du Gouvernement aborde tous les sujets évoqués par votre assemblée lors de l'examen du premier projet de loi sur la chasse, et pour lesquels nous avions reporté à plus tard le moment de la décision. Il résulte d'un travail soutenu de consultations et d'expertises, conduit en étroite liaison par les deux ministères de l'agriculture et de l'écologie.
    Les principales dispositions qui en sont issues concernent d'abord l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. Dans le prolongement de nos débats du printemps dernier, j'avais pris cet engagement devant vous, monsieur le président du groupe « chasse » et cher rapporteur Lemoine. Nous travaillons depuis plus d'un an à cette réforme. Plusieurs missions de l'inspection générale de l'environnement, plusieurs rapports, de nombreuses réunions ont contribué, jour après jour, à enrichir notre réflexion, à laquelle vous avez été associés.
    Les principes de la réforme sont simples.
    Il s'agit, d'abord, de conforter cet office et ses missions. S'agissant plus particulièrement des personnels de terrain, le projet et les instructions que j'ai données au nouveau directeur général de l'établissement visent à améliorer la formation et l'encadrement, sous son autorité, des agents chargés des missions de police, à prendre en compte les priorités d'action fixées par les préfets - en liaison avec les présidents de fédération - et à mieux coordonner leurs interventions avec celles des autres agents publics chargés de missions de même nature.
    Il s'agit, ensuite, de restaurer la confiance entre l'Office national de la chasse et le monde de la chasse. La recomposition du conseil d'administration devra y contribuer. C'est pourquoi j'ai proposé un conseil plus resserré, d'une vingtaine de membres, où les représentants du monde cynégétique retrouvent leur place.
    M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Il faut, enfin, rétablir les conditions d'un équilibre financier durable.
    Au-delà de mesures immédiates d'économies internes demandées au directeur général de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, dont je veux saluer l'activité, un contrat d'objectifs sera signé d'ici l'été, qui permettra de formaliser nos engagements réciproques.
    Le principe d'une contribution de l'Etat à la prise en charge des missions d'intérêt général patrimonial a d'ores et déjà été acté et sera inscrit dans le contrat d'objectifs.
    M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les dispositions relatives à la chasse. Très bien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Le Gouvernement a voulu marquer son engagement dès cette année, en octroyant sur le budget 2004 un premier versement de deux millions d'euros.
    Les modifications législatives nécessaires ont été introduites dans le projet de loi. Elles supposent un effort partagé entre l'Etat, l'ONCFS et les chasseurs.
    Le projet de loi permet aussi une meilleure intégration des questions cynégétiques dans la planification territoriale, incluant une mise en cohérence de ses instruments de gestion, ainsi qu'il est indiqué à l'article 55. Ainsi est précisé le contenu des orientations régionales de gestion et de conservation de la faune et de ses habitats, les ORGFH, que vous connaissez bien et dont le nom est modifié à cette occasion pour affirmer leur rôle dans la conservation de la faune. Elles permettront, par une meilleure connaissance de la faune et de ses habitats, de déterminer les axes de la politique régionale pour une gestion durable de la faune, qu'elle soit chassable ou non chassable. C'est dans le cadre de ces orientations que s'inscrivent les schémas départementaux de gestion cynégétique, qui sont établis par les fédérations départementales des chasseurs en tenant compte des intérêts agricoles et forestiers du département, et en cohérence avec les principes de « gestion durable du patrimoine faunique et de ses habitats ». Ces schémas visent une gestion équilibrée des écosystèmes par la chasse.
    Avec l'article 56, la loi clarifie le régime de délivrance et de validation des permis de chasser - dont je rappelle qu'il vient d'être simplifié par l'institution d'un guichet unique pour la validation des permis de chasser - et simplifie également l'accès à la chasse pour les non-résidents, français ou étrangers.
    La loi simplifie et clarifie les conditions d'exercice de la chasse par des dispositions issues des réflexions et propositions du groupe de travail sur la simplification des textes que j'ai installé en février 2003.
    M. Patrice Martin-Lalande. C'est une bonne chose !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. C'était un engagement que j'avais pris devant vous, monsieur le député.
    Ces dispositions très pratiques, sur lesquelles nous reviendrons lors de l'examen de l'article correspondant - l'article 57 -, sont très attendues sur le terrain.
    Les articles 58 et 59, pour leur part, tendent à assurer un partage harmonieux entre les différents usages de l'espace rural, notamment en recherchant un équilibre agro-sylvo-cynégétique satisfaisant. S'il convient en effet de maîtriser le développement des populations de grand gibier, et plus particulièrement des sangliers, notamment par le biais des plans de chasse, pour réduire les dégâts aux cultures et aux récoltes, il est tout aussi essentiel de garantir un exercice de l'activité cynégétique qui s'inscrive dans le cadre du développement durable des territoires. Plusieurs dispositions nouvelles visent à mieux responsabiliser les différents acteurs et à maîtriser une situation devenue préoccupante tant pour les agriculteurs et sylviculteurs que pour les chasseurs, qui, rappelons-le, financent les indemnisations ou les protections.
    M. Patrice Martin-Lalande. C'est important ! Il y a des morts chaque année !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Je veux dès maintenant lever tout malentendu : il n'est pas question pour le Gouvernement d'instaurer une indemnisation systématique des dégâts de grand gibier aux peuplements forestiers, comme c'est le cas pour les cultures agricoles. En revanche, le texte propose un ensemble cohérent et mesuré de solutions permettant de répondre au problème préoccupant des très nombreux propriétaires forestiers dont la surface boisée, trop petite, ne leur permet pas d'intervenir dans la gestion des populations de grands animaux.
    Enfin, les articles 60 et 61 clarifient les incriminations pénales pour les infractions de chasse et les règles applicables aux gardes particuliers, avec les représentants desquels nous travaillons depuis plusieurs mois.
    Mesdames, messieurs les députés, pour conclure mon intervention et sans la prolonger, je souhaite d'ores et déjà remercier tous les rapporteurs, et en particulier Yves Coussain, qui a travaillé sur la question des zones humides, et Jean-Claude Lemoine, rapporteur pour les dispositions relatives à la chasse. Nous avons mené ensemble, ces derniers mois, un travail de concertation très approfondi et particulièrement fructueux. Mais je voudrais également remercier tous les parlementaires, et notamment ceux d'entre vous qui se sont mobilisés en contribuant très en amont à la rédaction du projet du Gouvernement, témoignant ainsi des espoirs qu'il suscite et traduisant une forte attente des citoyens, des élus et de tous les acteurs des espaces naturels et ruraux. Trouvez ici le témoignage de ma profonde reconnaissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
    M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi, en guise d'introduction, de saluer le travail effectué par mon collègue Hervé Gaymard dans la préparation du texte qui vous est aujourd'hui présenté, et qui s'inscrit dans les démarches initiées par le Président de la République et par le Premier ministre. Je voudrais aussi saluer le travail des rapporteurs Yves Coussain, Francis Saint-Léger, Jean-Claude Lemoine, celui du président Ollier et du président Emile Blessig, ainsi que le travail mené sur la ruralité par Yves Censi.
    Notre texte a pour objectif le développement des territoires ruraux. Nous sommes en effet convaincus qu'il convient aujourd'hui de valoriser les nombreux atouts de nos territoires. Pour nous, il n'y a pas de fatalité qui rendrait inévitable le déclin de certains territoires ruraux ainsi que la disparition annoncée du caractère rural de certains territoires périurbains, et qui imposerait une vision systématiquement passéiste du milieu rural.
    Comme l'indiquait aussi le rapport de la DATAR, il n'y pas non plus une France rurale, mais plusieurs caractéristiques de la ruralité. C'est cette diversité, cette richesse que nous souhaitons valoriser, conforter, accompagner dans son développement. C'est là toute l'ambition du Gouvernement, et ce projet de loi y participe, conduit par Hervé Gaymard, en liaison avec les services de Roselyne Bachelot, Gilles de Robien, Jean-François Mattei et ceux de la DATAR. Il n'est pas, cependant, la seule réponse que nous entendons donner aux problématiques du monde rural ou des mondes ruraux d'aujourd'hui. De nombreuses décisions ont déjà été prises, et un comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire a été consacré en septembre à cette question. Des perspectives d'avenir sont brossées, le travail est engagé, il se poursuivra.
    Nous refusons d'enfermer la ruralité française dans une série de décisions immuables qui finiraient par l'asphyxier. Il convient au contraire de libérer les énergies, de donner du souffle, d'ouvrir nos espaces ruraux sur l'Europe, de favoriser leur complémentarité avec la ville, et de tourner enfin le dos à cette querelle stérile qui voudrait opposer en permanence l'urbain et le rural.
    Comme le disait le Président de la République, « la France rurale est un creuset où peuvent se renouveler les liens sociaux et se développer de nouvelles dynamiques ».
    Il nous faut, en effet, développer de nouvelles dynamiques. Pour être compétitifs, nous devons aller chercher partout où il est possible de les trouver les points de croissance. Sous l'impulsion volontariste et décentralisatrice du Premier ministre, il nous convient d'inventer de nouvelles relations entre l'Etat et nos partenaires ruraux. Dans le cadre de ce principe de complémentarité, il appartient à l'Etat de fixer le cap, d'accompagner les projets, de respecter les attentes du terrain. Il appartient aux acteurs locaux d'être inventifs, dynamiques, ambitieux.
    Associons nos volontés, nos ambitions, et à l'Etat et à l'Europe d'assurer l'égalité des chances des territoires.
    En matière d'emploi, plusieurs mesures ont précédé l'examen de ce texte.
    Sur la pluriactivité de l'emploi, nécessaire au milieu rural, le décret du 6 janvier 2003 a déjà apporté des réponses. Il permet ainsi de cumuler une activité publique avec un emploi privé. Et vous serez amenés à voter, dans les prochains jours, le complément de ce dispositif.
    C'est dans le même esprit que je défends à Bruxelles l'idée qu'il nous faut plus de souplesse pour le développement local. La règle de minimis permet aujourd'hui de donner jusqu'à 100 000 euros d'aides publiques sur trois ans. Je souhaite que nous puissions au moins doubler ce plafond pour libérer les énergies créatrices de richesse dans les territoires ruraux.
    Enfin, nous reviendrons, au cours de ce débat, sur les zones de revitalisation rurale. Ceux qui me connaissent savent que je suis prudent face au principe de zonage. Il a à mes yeux le double inconvénient de créer des frustations dues aux effets de frontière et, par leur fixité, d'ignorer les évolutions qui peuvent transformer une zone handicapée en zone développée, et vice versa. Cependant, nous avons choisi de renforcer les dispositifs fiscaux applicables dans ces ZRR, notamment en portant à quatre ans au lieu de deux la durée des exonérations d'impôts sur les sociétés, renforçant ainsi l'attractivité des investissements sur ces territoires. D'autres mesures vous seront présentées au cours de la discussion.
    Après le développement des dynamiques, notre deuxième grand objectif est de renouer les liens sociaux. Cela nécessite de réduire les fractures territoriales en favorisant la vie économique et sociale dans tous les territoires : par l'accès pour tous à l'habitat, par l'accès pour tous aux infrastructures, par l'accès pour tous à la téléphonie mobile et aux nouvelles technologies de communication,...
    M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... enfin, par l'accès pour tous aux services publics et à la santé.
    Premièrement, il n'y a pas de ruralité sans ruraux. Notre objectif est de gommer les disparités territoriales en agissant sur l'habitat. Nous avons ainsi fait le choix de porter de 6 % à 40 % l'abattement fiscal qui s'applique aux revenus relatifs aux loyers des logements en ZRR.
    Il conviendra à l'avenir de s'interroger sur la capacité de nous doter d'outils afin de préserver la richesse culturelle et patrimoniale de nos territoires. Pour beaucoup d'urbains, le rural est un espoir, celui de goûter à une meilleure qualité de vie. Pour de nombreux ruraux, leur territoire peut être synonyme d'un désespoir économique. Mais aujourd'hui, les investissements étrangers sont en train de changer la nature du patrimoine, d'élever les prix, de sorte que les élus de ces territoires semblent privés de la capacité à maîtriser leur avenir.
    Deuxièmement, le CIADT du 18 décembre dernier a posé les fondements d'une politique ambitieuse des infrastructures de transport. Sous l'impulsion directe du Premier ministre, avec le concours de Gilles de Robien, nous allons dégager 7,5 milliards d'euros pour plus de 20 milliards de travaux qui permettront ainsi de faciliter l'accès à l'ensemble des territoires, à l'Europe et à l'espace mondial.
    Nous sommes également persuadés que la bataille de la compétitivité, dans une économie de services et de l'intelligence, implique que nous offrions à nos concitoyens l'accès aux nouvelles technologies. Ainsi, pour la téléphonie mobile, 44 millions d'euros ont été affectés aux régions afin de leur permettre d'éliminer toutes les zones blanches de notre territoire. Dans chaque région, les préfets ont été chargés de consulter les élus afin de définir avec eux les priorités.
    Pour accompagner ce dispositif et accélérer sa mise en oeuvre, le CIADT du 3 septembre 2003 permet aux collectivités locales de bénéficier, sur la période 2003-2005 - en application d'une décision directe du Premier ministre - du fonds de compensation de la TVA. Le Gouvernement se fixe pour objectif, à échéance de l'année 2006, de garantir, en partenariat avec les collectivités territoriales et les opérateurs, un accès aux services de téléphonie mobile dans l'ensemble des 3 000 bourgs-centres aujourd'hui non couverts...
    M. Léonce Deprez. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... et sur les axes de transport prioritaires. Ainsi, à cette date, le taux de couverture de la population française par les réseaux de téléphonie mobile sera proche de 100 %.
    M. Yves Censi. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Le Gouvernement s'est fixé un autre cap : celui de doter le territoire français de l'Internet à haut débit d'ici à 2007 et de résorber ainsi la fracture numérique. Chacun le sait : l'absence de haut débit est vécue comme un véritable handicap, un frein au développement de nos territoires ruraux.
    M. Léonce Deprez. C'est vrai !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Le Gouvernement travaille à combler le retard qui a été pris dans ce domaine.
    Pour venir en aide aux territoires les plus enclavés, le Gouvernement a décidé plusieurs mesures afin de promouvoir l'utilisation de technologies alternatives : baisse des redevances dues au titre de l'utilisation des paraboles satellitaires, dispositions fiscales pour l'acquisition d'un terminal satellite haut débit pour les entreprises, libéralisation du Wi-Fi et expérimentation des courants porteurs en ligne.
    L'aménagement numérique du territoire passe par le renforcement et la clarification du cadre d'intervention des collectivités territoriales.
    M. Patrice Martin-Lalande. C'est en bonne voie !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Le CIADT du 13 décembre 2002 a permis d'élargir le champ des compétences confiées aux collectivités territoriales. Et votre assemblée - je remercie d'ailleurs une nouvelle fois Patrick Ollier pour son implication - vient d'adopter en deuxième lecture le projet de loi sur l'économie numérique.
    M. Patrice Martin-Lalande. Ça n'a pas été simple.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Ce texte va permettre aux collectivités locales d'être opérateurs d'opérateurs.
    En complément de ce dispositif, nous avons décidé d'orienter vers le haut débit une partie de la réserve de performance des fonds européens. A l'occasion de la révision des DOCUP, les documents uniques de programmation, les collectivités locales pourront ainsi bénéficier de 100 millions d'euros pour financer leurs projets.
    Troisième priorité, il faut faciliter l'accès à tous par l'amélioration de l'offre de services au public.
    L'accord national pour la conduite d'expériences pilotes sur les nouvelles formes d'accès aux services publics dans les territoires du 21 juillet 2003 officialise notre volonté de ne plus réserver le débat sur l'égalité territoriale pour l'accès aux services publics aux seules stratégies nationales, trop souvent ignorantes des réalités locales. Lorsque j'étais président de l'association des maires de France, j'ai pu constater que peu de schémas départementaux d'organisation et de modernisation des services publics, pourtant prévus par la loi, avaient été élaborés. En outre, les élus locaux se plaignent légitimement du manque d'information qu'ils obtiennent sur telle ou telle réorganisation. Face à ce double constat d'échec, j'ai demandé à quatre départements de mener une large concertation et d'engager une expérimentation.
    L'accord du 21 juillet est unique en son genre. Pour la première fois, près de vingt organismes de service public - La Poste, l'ANPE, EDF... - se sont mobilisés autour de cette démarche. Sous l'égide du préfet, les principaux organismes publics et les élus sont appelés à réfléchir ensemble et à organiser de concert une coopération territoriale.
    Cette territorialisation concertée a pour objectifs, non seulement d'identifier les dispositions législatives, réglementaires et financières nécessaires à l'adaptation des services publics, condition de leur sauvegarde, mais surtout de définir une méthode de construction de l'offre de services publics susceptible d'être étendue à d'autres territoires et ainsi généralisée.
    J'ai ainsi constaté dans le département de la Charente, où je me suis rendu récemment, qu'il était possible, après une analyse rigoureuse des attentes du terrain, de mettre sur pied localement une offre de services publics et de tester de façon pragmatique et concrète de nouvelles formes d'organisation. En faisant confiance au terrain, nous pouvons élaborer une offre de services publics simple, adaptée aux besoins des usagers, et apporter une réponse appropriée aux besoins particuliers de certains territoires.
    Je vous préviens néanmoins, il n'y aura pas de « grand soir » de la réforme des services publics, ni même d'inflation législative. Nous allons adopter une démarche pragmatique, territoire par territoire, en y associant la totalité des acteurs. Cessons de croire que la vie de nos territoires se guide d'en haut !
    Il en va de même en matière de politique de santé. Pour illustrer mon propos, je prendrai l'exemple de l'expérience menée dans le département de la Manche que l'un de vos rapporteurs, également médecin, Jean-Claude Lemoine, connaît bien puisqu'il en est un des investigateurs. Le département de la Manche, dans lequel je me suis rendu le 19 décembre dernier, a initié une politique volontariste en termes d'offre médicale. Grâce à l'implication de tous, la démographie médicale de la Manche présente aujourd'hui un solde positif.
    Là aussi, l'Etat doit jouer un rôle de facilitateur, en permettant à celles et ceux qui ont la charge de veiller sur la santé de nos concitoyens de s'installer sur des territoires où la démographie médicale est en recul. La décision du CIADT du 3 septembre dernier, qui consiste à octroyer aux médecins une aide de 10 000 euros par an pendant cinq ans, est de nature à répondre à cet objectif. Il faut favoriser l'installation de nos étudiants en zone rurale.
    Je le disais, la vie de nos territoires ne se guide pas d'en haut, mais découle directement des projets de territoire. Il faut remettre en avant l'idée de projet, comme nous l'avons fait en simplifiant la procédure des pays.
    M. Léonce Deprez. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. La croissance passe par le projet. Le développement est d'abord et avant tout une affaire de volonté politique.
    M. Léonce Deprez. Très juste !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Il convient de le rappeler chaque jour, et non pas laisser croire que les discours nationaux sur le traitement des handicaps remplaceront l'absence de volonté locale.
    M. François Brottes. Ça peut aider tout de même !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Certes, il est plus difficile d'élaborer un projet de développement sur un territoire en difficulté que sur un territoire déjà en développement. Mais les décisions du CIADT en faveur de l'ingénierie mise au service des territoires ruraux sont là pour apporter de l'aide.
    Dans le même esprit, je me réjouis que l'on ait pu insérer dans ce projet de loi un titre sur la montagne. Son élaboration, conçue en étroite relation avec les élus de la montagne, montre qu'au-delà des clivages politiques, au-delà de la diversité des massifs, en travaillant en concertation, on peut avancer sur des solutions acceptables par tous. La montagne est riche d'atouts rares, qu'elle a su préserver dans un juste équilibre entre développement et préservation de ses espaces. Nous pouvons nous féliciter de la vision politique qui a été celle de la loi « Montagne » de 1985.
    Mesdames et messieurs les parlementaires, il y a beaucoup à dire sur la ruralité. Mais si je me suis inspiré, dans mon propos, d'exemples tirés de déplacements, c'est que je suis convaincu que des réponses existent, et qu'il faut savoir se servir des réflexions locales pour imaginer des solutions d'avenir.
    La ruralité est toujours un sujet abordé avec passion, avec coeur. Chacun de nous est fier d'appartenir à une région, à un département, à une commune, fier de ses origines, de sa diversité culturelle et de son identité. L'espace est une particularité française en Europe. La ruralité en est une de ses principales caractéristiques. Le combat pour la ruralité est un combat d'avenir, car la ruralité est une richesse économique, patrimoniale, culturelle, environnementale, plus nécessaire que jamais dans ce xxie siècle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
    M. Yves Coussain, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, chers collègues, ceci a été dit et répété, la France rurale n'est pas une. Ses succès et les problèmes qu'elle rencontre sont divers. Le projet de loi qui nous est présenté est à l'image de cette diversité.
    Les territoires ruraux connaissent aujourd'hui une situation contrastée : alors que certaines zones connaissent une démographie à nouveau favorable, d'autres zones n'ont pas encore réussi à renouer avec le dynamisme économique et social et s'appauvrissent. Et la population qui vit dans ces espaces, souvent enclavés, mal desservis par les services publics, se sent abandonnée par le reste de la collectivité nationale.
    Chers collègues, nous qui sommes attachés à l'unité du peuple que nous représentons, nous ne pouvons rester insensibles à la détresse exprimée par les habitants de ces nombreuses zones rurales fragiles, surtout lorsque, comme moi, nous y habitons. Il est de notre responsabilité de prendre en compte leur appel en faveur d'un soutien économique accru, d'une présence publique renforcée et de procédures administratives simplifiées.
    Le projet de loi qui nous est soumis est très attendu par l'ensemble des élus et des professionnels. Chacun y a placé de grands espoirs. Ceux-ci ne doivent pas être déçus.
    A la lumière des nombreuses auditions que nous avons effectuées avec mes collègues rapporteurs et qui s'ajoutent à celles réalisées par la commission des affaires économiques, j'ai le sentiment que le pari que vous vous êtes lancé, monsieur Gaymard, est globalement tenu même si, parfois, l'ambition politique est encore mal appréciée.
    M. François Brottes. Ah !
    M. Yves Coussain, rapporteur. Ce projet de loi propose en effet une série de mesures, en matière fiscale, agricole, foncière mais aussi d'environnement et de service public, qui améliorent bel et bien la vie quotidienne dans nos territoires ruraux. Nos différents interlocuteurs l'ont reconnu.
    M. François Brottes. On sent un manque de conviction ici !
    M. Yves Coussain, rapporteur. Forts de ces divers échanges, Francis Saint-Léger pour la montagne, Jean-Claude Lemoine pour la chasse et moi-même nous sommes efforcés d'enrichir ce texte et de le rendre plus lisible.
    Nous avons tenté de donner l'élan qui, ajouté au souffle qu'apportera, j'en suis sûr, le débat dans cet hémicycle, convaincra nos compatriotes que non seulement le rural a de l'avenir mais plus, que l'avenir est dans le rural.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Très bien !
    M. Yves Coussain, rapporteur. Le dispositif des zones de revitalisation rurale est apparu comme le meilleur moyen de soutenir les zones les plus fragiles et je me félicite donc qu'il fasse l'objet du premier des articles du projet.
    Mes collègues et moi-même avons cependant tous été étonnés, madame, messieurs les minisres, que les engagements pris lors du CIADT du 3 septembre 2003 concernant le renforcement du volet fiscal des ZRR ne figurent pas dans le texte.
    M. François Brottes. C'est, en effet, une absence regrettable.
    M. Yves Coussain, rapporteur. Les rapporteurs ont interrogé les services du ministère, et ceci dès le début du mois de décembre. Les demandes se sont ensuite faites beaucoup plus pressantes et fin décembre, notre président, appuyé par l'ensemble des membres de la commission, opposition et majorité confondues, a décidé de repousser l'examen de l'article 1er après les vacances de Noël. Finalement, les amendements très attendus ont été déposés à la commission à la toute dernière minute, le 6 janvier.
    J'évoque cette chronologie, madame, messieurs les ministres, pour vous dire, très sincèrement, combien la désinvolture à l'égard de la représentation nationale dont ont fait preuve les administrations chargées de rédiger ces amendements fiscaux nous choque. Elle est révoltante.
    M. François Brottes. Très juste !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. C'est vrai !
    M. Yves Coussain, rapporteur. Toutefois, grâce à la ténacité de notre président, ces amendements ont pu être examinés.
    Ces nouvelles dispositions vont permettre de soutenir l'activité économique en ZRR, notamment par la prolongation et l'extension de l'amortissement dont bénéficient les immeubles implantés en ZRR, par la possibilité de créer une exonération de taxe foncière, de taxe professionnelle et de taxe consulaire pour les entreprises nouvellement implantées dans ces zones, par une exonération de taxe foncière pour les logements acquis et rénovés avec l'intervention de l'ANAH et par l'exonération d'impôt sur les sociétés pendant cinq ans pour les entreprises s'y installant.
    Je souhaite, monsieur le ministre, que les professions libérales soient intégrées, au cours du débat, parmi les bénéficiaires de ces exonérations. Ces professions sont, en effet, une cible privilégiée d'accueil de la population active pour nos territoires en déclin démographique. D'autant que les incitations à l'achat et à la rénovation du patrimoine bâti me semblent particulièrement attractives.
    Je me réjouis par ailleurs de la confirmation à l'instant de l'engagement d'un rééquilibrage des dotations en faveur des collectivités rurales. Ce réajustement est indispensable pour permettre à ces collectivités rurales de s'acquitter des obligations qui leur sont faites avec ce nouveau texte. A ce propos, je voudrais évoquer la possibilité qui est ouverte à ces collectivités d'accorder des avantages fiscaux aux populations actives dont je viens de parler. Compte tenu de la faiblesse de leurs moyens, nombre de collectivités n'auront pas la capacité d'accorder ces exonérations. C'est pourquoi je proposerai au cours de la discussion que ces exonérations soient compensées par l'Etat.
    M. François Brottes. Très bien !
    M. Yves Coussain, rapporteur. Cette compensation a été accordée aux collectivités urbaines des ZFU. Pourquoi ne le serait-elle pas aux ZRR ? Donnons les mêmes chances au monde rural fragile qu'au monde urbain difficile.
    De même, vous l'avez souligné, monsieur le ministre de l'aménagement du territoire, il n'y a pas de développement sans ouverture de nos territoires. Le désenclavement est un préalable indispensable à tout développement. Or, ainsi que le soulignait le rapport de la DATAR du printemps dernier, une dizaine de bassins de vie sont encore mal desservis. Un effort doit être fait rapidement dans ce domaine.
    L'activité agricole joue toujours, dans les espaces ruraux dépeuplés, un rôle essentiel en matière d'emploi et d'occupation du territoire. Le projet de loi propose donc un soutien public renforcé et un cadre rénové pour les relations entre les exploitants et les pouvoirs publics. De nombreuses mesures sont proposées, en particulier pour clarifier les groupements agricoles d'exploitation en commun et favoriser les assolements en commun. L'obligation de recourir à un architecte sera aussi assouplie pour les petites constructions. Les transmissions d'entreprises agricoles seront facilitées. Je voudrais par ailleurs souligner l'intérêt majeur que représente l'exclusion de la dotation aux jeunes agriculteurs du calcul des cotisations sociales.
    Si l'agriculture constitue une source d'emploi importante en milieu rural, elle n'est pas la seule, comme l'a montré un récent rapport de la DATAR. Le projet de loi prévoit donc un ensemble de mesures intéressantes destinées à favoriser de nouvelles formes d'emploi adaptées aux besoins des zones rurales. En particulier, ce texte se propose de favoriser les groupements d'employeurs. La commission a, d'ailleurs, considérablement enrichi le projet de loi en apportant des aménagements dont nous reparlerons pendant la discussion. A cet égard, je voudrais le souligner, le Gouvernement a fait preuve d'une remarquable qualité d'écoute envers les propositions des parlementaires. Il a notamment permis que le texte soit sensiblement amélioré en ce qui concerne la pluriactivité et les groupements d'employeurs.
    A l'inverse des territoires ruraux défavorisés dont je viens de parler, certains espaces périurbains connaissent, depuis plusieurs années, un développement très rapide, qui conduit parfois à une urbanisation anarchique. Pour éviter que cette croissance ne s'effectue aux dépens des espaces agricoles et naturels, le projet de loi prévoit la mise en place d'une politique spécifique sous la houlette de la région.
    Si l'ambition du projet de loi sur cette question est louable, le dispositif proposé n'a pas convaincu la commission, qui l'a trouvé trop compliqué. Elle l'a donc considérablement remanié. Le Gouvernement a, quant à lui, présenté un amendement de nature à nous satisfaire. D'une manière générale, la démarche constante de la commission a visé à simplifier le texte. Cette même démarche d'unification et de simplification nous a conduits à retenir toutes les mesures sur l'aménagement foncier rural et à confier au département une compétence globale pour diriger, en milieu rural, les opérations d'aménagement foncier, alors que cette responsabilité incombait jusqu'à présent au préfet.
    Ce texte contient de nombreuses mesures en faveur de l'aménagement foncier agricole et forestier. D'autres mesures sont annoncées. En tout état de cause, nous souhaitons, monsieur le ministre de l'agriculture, que le futur projet de modernisation agricole, qui sera présenté à la suite du présent projet, permette de mener cette vaste réforme des organismes de gestion foncière.
    Certaines mesures du projet de loi concernent plus particulièrement la rénovation du patrimoine rural bâti : vous l'avez dit, monsieur le ministre, nous avons vu trop de magnifiques corps de bâtiments tomber en ruine à cause de dispositions législatives contraignantes. Le projet de loi propose des solutions à ce problème. Nous nous en réjouissons.
    Par ailleurs, dépassant les controverses idéologiques, ce projet de loi se saisit de la question des services au public et des maisons de services publics. Ces maisons, qui existent depuis la loi du 12 avril 2000, ont connu un démarrage assez lent. Le présent projet de loi propose de relancer, en autorisant des personnes privées, la constitution de ces maisons de services publics, qui deviendront des maisons de service au public. Il sera possible désormais à une personne publique de déléguer l'exécution d'une mission de service public à une personne privée. Cela nous satisfait.
    M. André Chassaigne. Ah bon ?
    M. Yves Coussain, rapporteur. Cette mesure permettra aux bureaux de tabac de nos petites communes reculées de réceptionner et de distribuer le courrier, ce qui nous semble préférable aux bureaux de poste qui ne sont ouverts que quelques heures par semaine.
    M. Jean Launay. La Poste a déjà décidé toute seule !
    M. Yves Coussain, rapporteur. C'est par ce genre de mesures, concrètes, réalistes et proches des préoccupations de nos compatriotes que nous pourrons réduire le sentiment d'abandon que ressentent parfois nos concitoyens ruraux.
    Par ailleurs, les attentes de la commission concernant l'installation de professionnels de santé étaient pressantes. Les mesures déjà proposées et l'annonce d'autres mesures ont de quoi nous satisfaire. Je salue ainsi le dépôt d'un amendement gouvernemental qui permettra aux collectivités locales d'octroyer des bourses aux étudiants de médecine générale s'engageant à exercer cinq ans en zone sous-médicalisée, ainsi que l'annonce de l'allongement de deux à cinq ans de l'exonération de taxe professionnelle pour les médecins s'installant dans des communes de moins de 2 000 habitants.
    Concernant les espaces naturels, je me réjouis de la volonté du Gouvernement d'améliorer la restructuration et la gestion des forêts privées. Un effort particulier a été consenti dans les zones de montagne pour tenir compte du morcellement des propriétés, ce à quoi notre commission a été évidemment sensible.
    L'assouplissement du DEFI-Forêt prévue par le projet de loi constitue à nos yeux une réelle avancée.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. C'est vrai !
    M. Yves Coussain, rapporteur. Quant aux zones humides, le projet de loi permet de reconnaître leurs spécificités, comme l'a souligné Mme la ministre il y a quelques instants, ainsi que leurs handicaps, qui sont réels. Je me réjouis que le Gouvernement ait déposé, comme il s'y était engagé, un amendement permettant aux exploitants de bénéficier d'aides lorsqu'ils mettent en oeuvre des pratiques permettant de restaurer et de mettre en valeur ces zones humides.
    Je signale que notre commission a également souhaité élargir le champ de l'exonération de taxe sur le foncier non bâti profitant à certaines zones humides, jugeant que la rédaction proposée par le projet de loi était trop restrictive.
    Je n'évoquerai pas le volet relatif à la chasse, laissant ce soin à Jean-Claude Lemoine, ni le chapitre montagne, dont Francis Saint-Léger vous parlera.
    J'en arrive aux dispositions visant à adapter le statut et le fonctionnement de nombreux établissements publics intervenant en zone rurale. Il s'agit de moderniser et de simplifier les modalités d'intervention de ces partenaires de l'Etat dans ces territoires.
    Les articles relatifs aux chambres d'agriculture, rédigés en concertation étroite avec des dernières, donnent une existence législative à leur contribution au développement local. De même, l'existence de chambres régionales d'agriculture est désormais reconnue.
    Ces apports législatifs doivent être l'occasion de rappeler, ainsi que l'ont souhaité plusieurs organismes consulaires dont nous avons rencontrés les représentants, le grand intérêt des actions interconsulaires en matière de revitalisation des territoire ruraux. L'intention du législateur doit évidemment être d'assurer dans ces territoires non pas une prééminence des chambres d'agriculture, mais bien une coopération forte entre les établissements consulaires.
    La commission a aussi adopté plusieurs amendements précisant les conditions dans lesquelles le CNASEA pourra mener des actions d'accompagnement pour le compte de personne publiques en milieu rural. Il nous faut en effet éviter un élargissement excessif et monopolistique des compétences de cet établissement public sur des questions n'entrant pas dans ses missions originelles.
    Enfin, dans un souci de simplification et d'efficacité, l'Institut pour le développement forestier est regroupé avec le centre national professionnel de la propriété forestière, tandis qu'un établissement public est créé pour gérer le domaine national de Chambord, qui relève actuellement de six ministères et de trois établissements publics.
    Pour conclure, je vous dirai, monsieur le ministre, que votre texte est riche de promesses. Les attentes du monde rural sont fortes et beaucoup de réponses figurent dans le projet de loi.
    La commission, qui s'est réunie pendant près de vingt heures, a réalisé un gros travail. Je souhaite remercier l'ensemble de mes collègues, qui ont dû courir un véritable marathon.
    M. André Chassaigne. Et avec quel succès ! (Sourires.)
    M. Yves Coussain, rapporteur. N'est-ce pas ?
    C'est pourquoi je suis persuadé, monsieur le ministre, que la représentation nationale sera à vos côtés...
    M. Jean Launay. Probablement pas toute ! (Sourires)
    M. Yves Coussain, rapporteur. ... pour faire de ce texte le point de départ du renouveau des territoires ruraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les dispositions relatives à la chasse.
    M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les dispositions relatives à la chasse. Madame la ministre, que des dispositions relatives à la chasse soient incluses dans une loi « relative au développement des territoires ruraux » me paraît hautement significatif.
    Avant de m'exprimer sur les différentes dispositions que vous nous proposez et que vous nous aviez annoncées en juillet dernier, je rappelerai que la chasse, considérée à juste titre comme un sport, comme une distraction a, ne l'oublions pas, une place prépondérante dans l'économie rurale...
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Tout à fait !
    M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur pour les dispositions relatives à la chasse. ... et qu'elle peut et doit, si elle se porte bien, ce que nous souhaitons, participer au développement de nos campagnes, ce qui est le but de ce texte.
    Pour s'en convaincre, il suffit de rappeler quelques chiffres.
    En France, la chasse, c'est 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an, c'est-à-dire près de 20 milliards de francs. Chaque chasseur dépense en moyenne 1 500 euros par an, soit 10 000 francs, dans les zones rurales. Elle représente 23 000 emplois directs, tous en zone rurale, sans compter les gardes privés, 10 000, les personnels de l'ONC, 700, les personnels des fédérations, 1 400, et les 6 000 emplois dans l'armurerie, qui ne travaille maintenant plus que pour les chasseurs.
    A cela, il faut ajouter les flux financiers engendrés par les chasses commerciales, les chasses professionnelles, les chasses d'affaires - de 15 millions à 20 millions d'euros par an -, qui permettent d'entretenir de nombreux territoires et qui emploient 150 000 personnes.
    N'oublions pas le chiffre d'affaires des 5 000 élevages de gibier - 16 000 euros, soit 1 million de francs -, les 10 000 personnes qui y travaillent et dont 90 % sont des pluriactifs, ce qui signifie que cette diversification agricole participe au maintien d'un certain nombre d'exploitations. C'est là un point qui doit, j'en suis sûr, sensibiliser M. le ministre de l'agriculture.
    Mais il y a des choses qu'on ne peut comptabiliser, telles que les emplois de la restauration et de l'hôtellerie, directement dépendants des activités cynégétiques. Dans une région comme la Sologne, par exemple, on trouve dans chaque village des hôtels et des restaurants qui ne vivent que de la chasse.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Très juste !
    M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur pour les dispositions relatives à la chasse. Et un week-end de chasse en Sologne, c'est 50 millions de francs de chiffre d'affaires !
    Ces éléments méritent à coup sur d'être pris en compte et prouvent le poids économique important de la chasse, poids équivalant à celui de la branche « exploitation forestière - scierie ». On a donc absolument besoin de la chasse pour faire vivre nos campagnes.
    En dehors de cet aspect primordial, le texte que vous nous proposez aujourd'hui complète heureusement la loi de juillet 2003, qui a, entre autres, rétabli la confiance et responsabilisé le monde de la chasse. Il s'agissait alors d'une première étape indispensable à la reconstruction de la chasse française.
    Aujourd'hui, nous abordons la deuxième étape avec des réformes courageuses...
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Exactement !
    M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur pour les dispositions relatives à la chasse. ... et des décisions significatives destinées d'abord à apaiser les tensions qui persistent ou qui peuvent apparaître entre les différents utilisateurs de la nature grâce aux plans de chasse et de gestion, aux schémas départementaux, aux indemnisations des dégâts de gibier avec la mise en cause de responsables éventuels pour aboutir à une excellente cohabitation de tous et pour éviter tous les contentieux. Ces dispositions sont également destinées à faire accepter par tous la chasse en tant qu'activité responsable de la gestion de la faune et des milieux naturels.
    Pour ce faire, et vous l'avez dit tout à l'heure, madame la ministre, en plus des orientations régionales de gestion et de conservation de la faune sauvage et de ses habitats indispensables à la restauration des populations et des habitats du petit gibier et de toutes les espèces chassables et non chassables, mais aussi nécessaires à une meilleure intégration dans la planification territoriale, vous proposez le maintien d'un effectif raisonnable de grands animaux - cervidés et sangliers - et la sauvegarde des intérêts agricoles et sylvicoles au travers d'un équilibre agro-sylvo-cynégétique à la définition précise et doté d'instruments efficaces.
    Car les temps ont changé : hier, l'objectif était de favoriser le développement des populations de grands animaux, mais nous sommes aujourd'hui dans l'obligation de maîtriser leur nombre, ce qui prouve à l'évidence que les chasseurs sont de vrais gestionnaires, des protecteurs de la nature et non des destructeurs, comme certains le soutiennent. C'est la première fois qu'un tel équilibre est recherché, et c'est heureux car il conditionne la parfaite entente que vous souhaitez, madame la ministre, entre tous et dans le respect des intérêts de chacun.
    Enfin, conformément à vos engagements de juillet dernier, vous traitez les problèmes de l'Office national de la chasse, de la garderie et des indemnisations des dégâts de gibier.
    En commission, sur tous ces sujets, comme sur la totalité de votre loi, les députés n'ont en rien modifié ni l'esprit ni les grandes lignes de vos propositions. Nous avons seulement apporté certaines précisions qui nous ont paru nécessaires.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. La plupart sont très justifiées !
    M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur pour les dispositions relatives à la chasse. Nous voulons par exemple affirmer, tout comme vous, que l'Office est un organisme au service de la chasse et des chasseurs et une référence incontestable en matière de faune et d'environnement. Pour nous, cet établissement doit assurer toutes ses missions scientifiques, techniques, de promotion de la chasse, ainsi qu'une mission régalienne : la police de la chasse. Celle-ci doit être assurée par une garderie formée et gérée par l'Office et qui, dans chaque département, opérera sous la responsabilité du préfet, représentant de l'Etat, lequel chaque année, en présence du président de la fédération, définira les priorités d'intervention. Cette mission sera, puisqu'elle est régalienne, financée sur le budget de l'Etat - à service public, financement public. L'Etat l'a, d'ailleurs, bien compris en accordant dès cette année une somme importante à l'Office, que vous avez chiffrée tout à l'heure et qui n'est pas une subvention, surtout pas une subvention d'équilibre,...
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Tout à fait !
    M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur pour les dispositions relatives à la chasse. ... mais qui représente une petite partie de la rétribution normale des actions menées par les fonctionnaires de l'Office pour l'Etat.
    Madame la ministre, après votre loi votée en juillet dernier, avec ce nouveau texte que je souhaite voir adopté, modifié par les amendements de la commission, que j'aimerais vous voir accepter, vous allez construire une chasse durable dans un cadre juridique stable et dans un climat apaisé, au-delà des clivages passionnels. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Monsieur Lemoine, je vous remercie pour la rigueur et la maîtrise de votre intervention.
    La parole et à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les dispositions relatives à la montagne.
    M. Francis Saint-Léger, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les dispositions relatives à la montagne. Monsieur le président, mesdames, messieurs, à titre préliminaire, je souhaiterais d'abord remercier le président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, pour son initiative vivant à désigner un rapporteur spécifique pour les dispositions du projet de loi qui concernent la montagne, ainsi que mon collègue Yves Coussain, qui a encouragé cette volonté.
    M. François Brottes. Très bien !
    M. Francis Saint-Léger, rapporteur pour les dispositions relatives à la montagne. En effet, cette initiative a permis de me consacrer pleinement à l'analyse du titre qui est consacré à la montagne, mais aussi de me mettre à l'écoute des attentes formulées à la fois par nos différents collègues élus de la montagne et par les forces vives de ces territoires qui sont fondamentaux - faut-il le rappeler ? - pour le développement équilibré de notre pays.
    J'aimerais également remercier Yves Coussain et François Brottes pour leur récent rapport d'information sur les adaptations envisageables du droit applicable dans les zones de montagne. Ce document a constitué une base de travail appréciable, de même que le rapport des sénateurs Jacques Blanc et Jean-Paul Amoudry, ainsi que la proposition de loi relative à la politique de la montagne déposée en octobre 2003.
    Les mesures concernant la montagne prévues dans le projet de loi visent trois objectifs fondamentaux, auxquels nous ne pouvons que souscrire : adapter les institutions de la montagne afin d'impulser une dynamique de développement à l'échelle de chaque massif, assouplir certains carcans législatifs et réglementaires, qui pèsent encore trop souvent sur ce développement, favoriser le maintien et l'implantation de nouvelles activités économiques en montagne tout en s'assurant que les retombées de ces activités bénéficieront à l'ensemble des populations.
    En ce qui concerne l'adaptation des institutions de la montagne, le Gouvernement a fait preuve d'une bonne qualité d'écoute à l'égard des propositions contenues dans les rapports rédigés par les parlementaires des deux assemblées. Il est en effet devenu indispensable de clarifier les compétences de chaque institution et d'organiser au mieux le dialogue avec l'Etat et ses représentants. A cet effet, le projet de loi prévoit la création d'une entente de massif, soit sous la forme d'une entente interrégionale, soit sous la forme d'un syndicat mixte lorsque les départements y sont associés.
    Contrairement à ce qui a été proposé dans certains amendements déposés en commission, il a paru nécessaire d'écarter la présence de l'Etat au sein de cette nouvelle institution afin qu'elle puisse être une instance de dialogue représentant les intérêts du massif face aux pouvoirs publics. Certaines voix ont fait valoir qu'il fallait écarter les départements de cette entente. Or il semble fondamental d'y associer, toujours dans le but de créer une institution crédible au sein du massif, toutes les collectivités désireuses de s'investir dans son développement.
    Le projet de loi prévoit en outre un renforcement des compétences du comité de massif, qui devient véritablement l'organe exécutif à l'échelle du massif. Il lui reviendra notamment d'élaborer le schéma interrégional d'aménagement et de développement prévu par la loi « montagne », lequel constitue le document stratégique au niveau du massif.
    Enfin, il est prévu que les conventions interrégionales de massif traduiront les priorités de l'action de l'Etat. Ces conventions, qui constitueront donc le principal outil financier, devront tenir compte des orientations fixées dans le schéma interrégional d'aménagement et de développement de massif.
    Certains amendements visant à réaffirmer les objectifs de la politique de la montagne ont été adoptés. Ils réactualisent ainsi la rédaction des premiers articles de la loi « montagne ». Ces articles, rédigés en 1985, méritent en effet d'être adaptés pour rappeler que la République française reconnaît la montagne comme un territoire dont le développement équitable et durable constitue un objectif d'intérêt national.
    Il est en outre apparu comme souhaitable d'affirmer le caractère d'intérêt général du maintien des services de proximité en zones de montagne.
    S'agissant de l'assouplissement de certains carcans législatifs qui entravent encore trop souvent le développement de la montagne, le projet de loi prévoit une mesure de simplification de la procédure des unités touristiques nouvelles, à laquelle la commission a été très favorable. Cette procédure, pour utile qu'elle soit en matière de contrôle du développement des infrastructures de tourisme en montagne, représente actuellement une contrainte certaine pour les communes désireuses de favoriser leur propre développement économique par le biais du tourisme. Elle prévoit, dans tous les cas, une autorisation du préfet coordonnateur de massif, après avis du comité de massif.
    Désormais, des unités touristiques nouvelles présentant un intérêt local pourront être autorisées par le préfet de département après avis de la commission des sites. Les autorisations pourront dorénavant être délivrées dans les communes dotées d'une carte communale alors que, jusqu'à présent, celles-ci devaient être pourvues d'un plan local d'urbanisme. Il s'agit d'une mesure forte, attendue par nos petites communes rurales, qui n'adhèrent pas à un schéma de cohérence territoriale et qui n'ont ni le besoin ni les moyens de se doter d'un plan local d'urbanisme.
    Le projet de loi dispose que les communes de montagne pourront reverser leur taxe de séjour aux établissements publics de coopération intercommunale dont elles sont membres. Cette disposition est logique : elle permet de répartir plus équitablement les retombées du tourisme entre les différentes communes.
    Dans le même esprit, un amendement, visant à restaurer le principe de la taxe sur les entreprises spécialement intéressées à la prospérité de la station, dont le principe, supprimé par l'article 107 de la loi de finances pour 2002, mérite d'être remis à l'ordre du jour.
    Néanmoins, il est nécessaire d'aller plus loin que le projet de loi initial dans le sens d'un desserrement des contraintes qui pèsent sur le développement des communes de montagne.
    Ainsi, il convient en particulier d'adopter certaines solutions de bon sens s'agissant des contraintes pesant sur la montagne, notamment en matière d'urbanisme.
    Je rappelle qu'une première avancée, dont nous avons été à l'origine, avec Jean Proriol, alors rapporteur, Jean-Marie Binetruy et moi-même, a été autorisée par une disposition de la récente loi urbanisme et habitat de juillet 2003. En précisant la notion de hameau, cette nouvelle disposition a logiquement assoupli les règles de constructibilité imposées par la loi « montagne » de 1985. Six mois après son entrée en vigueur, j'ai pu juger que, dans mon département, la Lozère, cette mesure avait un impact extrêmement favorable pour les communes rurales qui connaissent un déclin démographique et qui, paradoxalement, étaient contraintes jusqu'alors de refuser toute nouvelle construction.
    Dans la même logique, le principe de l'inconstructibilité de 100 et 75 mètres autour des autoroutes et des routes à grande circulation doit être, comme le propose Patrick Ollier dans un amendement, adapté en zone de montagne, tout en veillant scrupuleusement à la préservation de notre environnement.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Très juste !
    M. Francis Saint-Léger, rapporteur pour les dispositions relatives à la montagne. Dans la mesure où les vallées sont souvent très étroites, la règle actuelle contribue à bloquer toute urbanisation, et donc tout le développement économique de ces vallées.
    Dans le même esprit, il est nécessaire d'étudier l'assouplissement du principe d'inconstructibilité, sur une bande de 300 mètres, des parties naturelles des rives des plans d'eau, en tirant notamment les conséquences de la loi urbanisme et habitat.
    Enfin, et toujours dans l'objectif de desserrer certaines contraintes législatives, une solution est proposée. Elle est pour l'instant limitée au problème des biens des sections de communes. Cette mesure, qui clarifie l'ordre prioritaire d'attribution des biens sectionnaux, méritera d'être approfondie dans le cadre du futur projet de loi de modernisation agricole.
    M. Yves Censi. Absolument !
    M. Francis Saint-Léger, rapporteur pour les dispositions relatives à la montagne. Le troisième objectif du projet de loi est de favoriser l'implantation et le maintien des activités économiques en zone rurale. Les mesures incitatives s'adressant aux zones de revitalisation rurale prévues par le Gouvernement bénéficieront largement à la demande des rapporteurs et conformément aux engagements pris lors du CIADT du 3 septembre 2003, aux zones de montagne.
    Comme notre collègue Yves Coussain a eu l'occasion de le préciser, ces mesures concernent notamment la prolongation et l'extension de l'amortissement dont bénéficient les immeubles implantés en zone de revitalisation rurale, la possibilité de créer une exonération de taxe foncière, de taxe professionnelle et de taxes consulaires pour les entreprises nouvellement installées, une exonération de taxe professionnelle pour les médecins et les vétérinaires, ainsi qu'une exonération de taxe foncière pour les logements acquis par le biais d'une aide de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.
    Ainsi que l'a dit notre collègue, il faut que ces exonérations ne soient pas à la charge des collectivités, mais compensées par l'Etat car les collectivités concernées n'ont pas la capacité de les supporter.
    D'autres mesures encourageant l'installation de certaines professions vont, elles aussi, dans le bon sens. Je vous ai écouté avec intérêt, monsieur le ministre de l'agriculture, lorsque vous avez donné l'exemple du jeune étudiant en médecine de Lozère dont l'installation dans nos zones rurales sera dorénavant favorisée par l'octroi d'aides.
    Enfin, dans ce domaine économique, j'ai noté avec satisfaction la volonté que vous avez exprimée en commission de conserver en zone de revitalisation rurale l'ensemble des communes qui y sont actuellement classées. Néanmoins, il apparaît aujourd'hui nécessaire de faire un geste supplémentaire en direction des zones rurales de montagne, qui sont aux zones rurales ce que les zones urbaines sensibles sont aux zones urbaines : le déclin démographique y est plus prononcé, la déprise économique plus forte, et les enjeux liés à l'aménagement du territoire y sont donc plus importants.
    L'Etat se doit d'intervenir de manière plus marquée dans ces zones, car elles constituent un vivier pour le territoire national. A cet effet, certaines dispositions ont été adoptées pour favoriser le maintien des activités essentielles à l'équilibre économique de la moyenne montagne telles que l'agriculture, le pastoralisme, le petit commerce et l'artisanat. L'une d'entre elles prévoit que l'Agence de l'eau devra établir, dans les zones de montagne, un programme pluriannuel d'incitation financière à la réalisation de travaux d'aménagement des exploitations agricoles. Il est en effet évident que la montagne constitue une réserve naturelle en eau très importante, dont bénéficient d'ailleurs de nombreuses communes en aval, laquelle doit absolument être préservée.
    Dans le domaine de l'agriculture de montagne, quelques mesures d'assouplissement en faveur des GAEC sont également attendues pour favoriser l'installation et diminuer notamment la pression foncière. Comme vous pouvez le constater, cette partie du projet de loi consacrée à la montagne a été sensiblement enrichie. A cet effet, la commission a également adopté des amendements permettant de réorganiser le titre du projet de loi consacré à la montagne afin qu'il soit plus facilement compréhensible. Les mesures relatives aux institutions, à l'urbanisme et au développement économique figureront dans des chapitres différents. Je ne peux que me réjouir de constater que, globalement, les mesures en faveur de la montagne ont été favorablement accueillies par la commission des affaires économiques, tout en espérant que la discussion du projet de loi qui va s'ouvrir maintenant permettra au Gouvernement de faire un geste en faveur de ces territoires aux problématiques si particulières. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette intervention est presque un anniversaire. En effet, il y a dix ans à quelques jours près, j'étais à cette tribune, pour évoquer le même sujet dans le cadre de l'examen de la loi d'orientation pour l'aménagement du territoire qui était alors débattue et dont j'étais le rapporteur. Dix ans plus tard, nous en sommes toujours au même stade, et ce pour une bonne raison : les inconséquences de la politique de M. Jospin et de Mme Voynet (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) qui ont ignoré les nécessités de l'aménagement du territoire.
    M. Jean-Claude Perez. Quel sectarisme ! C'est effrayant !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. La loi du 4 février 1995 avait, en effet, défini une politique d'aménagement du territoire qui organisait le travail pour vingt ans. En créant, entre autres instruments, le schéma national d'aménagement et de développement du territoire, elle permettait de garantir la cohérence de la politique d'aménagement du territoire. Elle prévoyait les autres lois qui devaient la compléter. Nous les attendons toujours !
    Mme Marylise Lebranchu. Nous aussi !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Cette loi n'a pas été appliquée parce que Mme Voynet a préféré le dogmatisme au pragmatisme. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - « C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cela n'a eu d'autre effet que de déstructurer notre territoire et de sanctuariser le monde rural comme le musée vivant d'une agriculture aussi idyllique et traditionnelle que dépassée. Cependant, chers collègues, durant ce temps les problèmes continuèrent à poindre avec d'autant plus d'acuité qu'ils ne trouvaient pas de réponse. L'aménagement du territoire ne s'improvise pas. Il doit répondre à certains grands principes que je me permettrai d'évoquer une fois encore aujourd'hui.
    La notion d'aménagement du territoire est maintenant ancienne. Elle est liée aux familles politiques de notre majorité d'aujourd'hui, qui l'ont développée après l'avoir créée. En 1945, le général de Gaulle confie à Jean Monnet la lourde tâche de procéder à la constitution du Commissariat général au Plan. Quinze ans plus tard, en 1960, Michel Debré créait les premiers CIAT et trois ans après la DATAR voyait le jour - nous venons de fêter ses quarante ans. C'était le temps de ce que l'on appelait, avec Olivier Guichard et Jérôme Monod, « l'aménagement du territoire conquérant ».
    Les trente premières années de mise en oeuvre de cette politique volontariste ont permis la création de 500 000 emplois en favorisant la réalisation de 3 500 opérations de décentralisation. C'est dire son efficacité ! Hélas ! À partir de 1981, le dogmatisme (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) l'emporta sur le pragmatisme et l'angélisme sur l'efficacité. C'est à un véritable coup d'arrêt de la politique qui avait porté ses fruits que l'on assista alors. En la matière, la loi de 1982 sur la décentralisation...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Vous ne l'avez pas votée !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. ... du fait de son caractère incomplet et inachevé, a involontairement contribué à l'instauration de cet immobilisme.
    La décentralisation, il ne faut ni la craindre ni vouloir la brider de manière autoritaire. Il faut, au contraire, l'encourager et aider à sa mise en oeuvre harmonieuse. Nous allons y veiller lorsque nous examinerons les textes que le Gouvernement prépare pour les semaines qui viennent. L'aménagement du territoire passe par une inflexion des tendances qui conduisent à une concentration des hommes et des activités. La politique de développement que nous mettons en oeuvre avec le Gouvernement devra avoir impérativement, pour réussir, un caractère qui a été absent des précédentes réformes : elle devra être pérenne. C'est dans la durée, en effet, que doivent s'inscrire les trois caractères fondamentaux de cette politique : la cohérence, la solidarité et la nécessaire programmation.
    En supprimant le schéma national d'aménagement et de développement du territoire, le précédent gouvernement a du même coup privé la France d'une référence qui était un gage de cohérence et qui constituait le seul et véritable outil de prévision, de construction et de programmation.
    M. François Brottes. Réinstaurez-le !

    M. Patrick Ollier, président de la commission. Vous avez mis en place des voies parallèles. Il manquait un aiguillage, qu'il convient de rétablir. C'est ce que le Gouvernement est en train de faire avec les textes qu'il propose à notre assemblée, plus particulièrement avec celui-ci.
    M. Jean-Claude Perez. Vous êtes le seul à le croire !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Le territoire, en effet, ne doit pas être considéré comme la juxtaposition de collectivités et de communautés isolées les unes des autres. Il doit être regardé comme un tout où le rôle de l'Etat, en tant que garant de l'égalité des chances, doit être affirmé afin que la cohésion et l'unité nationale puissent être garanties. Mais l'initiative doit venir du terrain, vous l'avez dit, monsieur le ministre Delevoye, et non trouver son origine dans les bureaux parisiens. Il faut la favoriser dans le cadre des projets de développement, vous avez raison, monsieur le ministre.
    L'aménagement du territoire, c'est aussi faire en sorte que se déploie une véritable solidarité entre les territoires, la ville et le monde rural. Solidarité, complémentarité, il est temps de mettre un terme à cette opposition que nous avons trop longtemps vécue ces dernières années. La solidarité dans un élan fraternel entre toutes les catégories de la population doit permettre de rétablir les équilibres et de compenser les handicaps.
    L'aménagement du territoire doit être programmé de manière structurée et tenir ses engagements. De nombreux défis nous obligent à être non seulement vigilants, mais également prévoyants : l'évolution européenne, la mondialisation, le respect du développement durable. En tenant compte de toutes ces contraintes, nous devons faire en sorte que la loi issue de nos travaux soit conforme aux ambitions affichées à Ussel, en 2002, par le Président de la République. Je suis heureux de constater que ce texte répond parfaitement à ces ambitions.
    Mme Marylise Lebranchu. Vous n'avez pas toujours dit ça !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Je parle du texte issu des travaux de notre commission, qui l'a considérablement amélioré grâce aux efforts du Gouvernement, j'y arrive !
    Ce projet de loi, monsieur le ministre de l'agriculture, répond à toutes ces attentes, car il vise à instaurer de manière efficace et durable les premiers éléments d'une véritable politique de développement des territoires ruraux. La commission, unanime, a souhaité le renforcer. Nous avons eu des débats constructifs. Vous avez répondu positivement à notre commission, madame, messieurs les ministres, et je vous en remercie. Je sais que cela n'a pas été facile. Notre commission a été effectivement pressante et je suis heureux, monsieur Gaymard, que nos actions conjuguées aient pu nous aider à faire évoluer le texte et vous permettre de débloquer des situations difficiles, notamment au niveau du ministère des finances. Nous comprenons les priorités des uns et des autres. L'essentiel, c'est que vous ayez l'autorité suffisante pour que nous puissions aborder l'examen d'un texte qui a été amélioré de façon importante, comme nous l'avons souhaité.
    Ce projet de loi a le grand mérite d'être un texte interministériel qui tente d'apporter une réponse globale aux diverses facettes du développement rural et je salue les ministres présents aujourd'hui auprès de vous, monsieur Gaymard : Mme Bachelot et M. Delevoye. Je sais que d'autres viendront pour démontrer que ce texte transcende le seul cadre du ministère de l'agriculture. Le précédent gouvernement avait laissé le territoire se déstructurer. Il nous appartient désormais de mettre en place les instruments qui permettront d'assurer la revitalisation de ce monde rural qui en a tant besoin, en lui donnant les moyens de son ambition.
    Ce projet de loi contient de nombreuses mesures pragmatiques dont l'efficacité doit permettre d'obtenir des résultats concrets. Vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, la commission a examiné près de 1 000 amendements et a débattu pendant plus de vingt heures. Nous n'avons pas toujours été d'accord sur tout, c'est vrai, mais nous avons le droit d'être différents et je tiens à remercier les élus de l'opposition, comme ceux de la majorité, qui ont permis à nos travaux de se dérouler dans des conditions satisfaisantes. Nous pourrons exprimer nos diversités dans cet hémicycle. Je salue le travail du rapporteur, M. Coussain, qui a fait preuve de beaucoup de courage. Je dois dire que ce travail n'était pas facile. Je remercie également M. Lemoine, rapporteur de la partie chasse, et M. Saint-Léger qui s'occupe plus spécialement de la montagne.
    Les mesures que les uns et les autres ont proposées visent à conforter le développement économique des zones les plus fragiles et à améliorer l'attractivité de nos territoires ruraux.
    L'aménagement du territoire doit avant tout permettre de favoriser les projets et le développement. Les instruments et les moyens destinés à celui-ci doivent donc être consacrés prioritairement aux parties du territoire qui en ont le plus besoin. L'objectif est d'encourager la création d'activité là où elle est la plus nécessaire. Le dispositif des zones de revitalisation rurale, qui concernent aujourd'hui près de 5 millions d'habitants, répond à cette nécessité. Ce dispositif est issu de la loi de 1995 dont j'étais le rapporteur, et je sais qu'il faut aujourd'hui le revoir, le renforcer, l'améliorer. Nous y sommes prêts et le Gouvernement a répondu présent. Je tiens à le signaler.
    Je comprends parfaitement que certains puissent estimer regrettable de privilégier ainsi, par rapport aux autres zones rurales, les ZRR qui ne couvrent que 25 % du territoire. A cet argument, je serais toutefois tenté de n'opposer qu'un principe : l'égalité des chances passe par l'inégalité des traitements. C'est un principe qui nous est cher. Souvenez-vous de nos débats de 1995 ! Le développement harmonieux du territoire nécessite que soient mis en oeuvre des moyens spécifiques, des moyens cumulés, au bénéfice des territoires les plus fragiles qui en ont prioritairement besoin.
    Pour ces territoires en marginalisation, comme le sont certains individus sur le plan social, le soutien le plus fort possible est gage de survie. Je me félicite d'ailleurs des mesures introduites à l'occasion de l'examen du texte en commission et qui visent à renforcer la fiscalité dérogatoire applicable aux ZRR. M. Coussain les a détaillées. Je n'y reviendrai pas.
    Le renforcement des ZRR touche à toutes les activités, y compris celles qui concernent la santé. Je sais que le ministre de la santé viendra dans l'hémicycle. Par avance, je l'en remercie. Notre commission a été ambitieuse et je m'en félicite. Tout comme je me félicite de la création des sociétés d'investissement pour le développement rural - les SIDER -, qui seront un élément important de ce développement.
    Le présent projet de loi vise également à garantir une meilleure offre de service aux populations. Monsieur le ministre de l'aménagement du territoire, votre pugnacité nous a permis d'obtenir de belles avancées. Soyez-en remercié.
    Le développement du territoire passe nécessairement par l'amélioration de l'égalité d'accès aux services et de l'offre en milieu rural. Le texte prévoit ainsi une adaptation du régime juridique des maisons des services publics afin de permettre l'accueil de services privés. C'est une avancée extrêmement importante. Il prévoit aussi des mesures destinées à encourager notamment l'installation des professionnels de santé en ZZR. Nous en reparlerons également.
    Dans le même esprit, une coordination de l'action sanitaire et sociale entre les caisses de sécurité sociale dans les zones rurales sera mise en place. Je sais queM. Gaymard avait déjà abordé ce problème de coordination dans un rapport ancien.
    Ce projet de loi vise, par ailleurs, à protéger les espaces spécifiques ou sensibles. A ce titre, je souhaiterais évoquer plus particulièrement le problème des zones de montagne, sur lesquelles nous sommes plusieurs à travailler depuis longtemps, pour ma part depuis quinze ans. A ce propos, je tiens à dire que nous avons choisi, en commission des affaires économiques, une procédure particulière pour aborder ce problème. En effet, j'ai souhaité créer un groupe d'études spécial, présidé par M. Brottes, ici présent, secrétaire général de l'Association nationale des élus de montagne - ANEM - et dont le rapporteur, M. Coussain, est aussi rapporteur du texte, afin d'assurer une meilleure coordination.
    Les propositions issues de ce groupe de travail pourront être reprises par notre commission et le rapporteur qui a été désigné à cet effet, M. Saint-Léger, afin de permettre la modification de la loi montagne dans un sens positif et dans le cadre d'une discussion constructive avec le Gouvernement. Je n'entrerai pas dans le détail et ne prendrai qu'un seul exemple ; celui de la législation qui impose l'inconstructibilité le long des routes à grande circulation à raison d'une bande de soixante-quinze mètres de part et d'autre, élargie à cent mètres pour les autoroutes. La force aveugle de la loi doit ici laisser place à des possibilités de dérogations. En effet, certaines vallées de montagne sont tellement étroites, coincées par des plans de prévention des avalanches, des torrents, avec une route qui passe au milieu qu'il faudrait autoriser des dérogations pour préserver l'activité humaine, permettre la construction d'ateliers, voire de maisons d'habitation ! Il faut que le Gouvernement nous soutienne pour que nous obtenions ces dérogations. Ce sera l'objet de plusieurs amendements de la commission.
    L'étalement urbain dans les zones péri-urbaines est un réel problème et nous proposerons, là aussi, des amendements de nature à le résoudre.
    Par ailleurs, des incitations fiscales sont prévues pour favoriser la restructuration et la gestion durable des forêts privées ou permettre une meilleure prise en compte des zones humides. Madame la ministre de l'écologie, nous sommes allés aussi loin que possible dans le sens que vous souhaitez.
    Ce projet comporte, enfin, des dispositions relatives à la chasse. Celle-ci fait partie de notre culture et de nos traditions rurales. Je me réjouis de la pugnacité du rapporteur, Jean-Claude Lemoine, qui demande le simple respect des engagements pris dans cet hémicycle. Notre commission lui apportera un soutien actif sur les amendements que nous avons adoptés et nous aurons un débat que je souhaite le plus constructif possible, afin de concilier les demandes de la commission et les exigences du Gouvernement.
    Ce texte est ambitieux en ce qu'il apporte des réponses à la diversité des problèmes et attentes du monde rural. Je remercie M. le ministre de l'agriculture pour son écoute et pour l'esprit d'ouverture dont il a fait preuve, car, s'il n'y avait pas eu ce débat entre nous, nous n'en serions certainement pas là. Je lui sais gré du travail de préparation qui a été réalisé avec ses équipes. Je tiens également à remercier M. Delevoye et Mme Bachelot et tout particulièrement M. le Premier ministre qui, dans les débats préparatoires au texte, est intervenu personnellement pour que les points de vue des ministres ici présents prévalent sur d'autres, dans le cadre des arbitrages qui sont naturels dans un gouvernement. C'est dire que ce projet de loi a retenu l'attention des plus hautes autorités de l'Etat, qui ont souhaité un texte ambitieux, qui redéfinisse les bases d'une réelle politique d'aménagement et de développement du territoire.
    « Là où il y a une volonté, il y a un chemin », a écrit Jacques Chirac. Madame, messieurs les ministres, nous soutenons votre volonté de faire évoluer concrètement nos territoires ruraux. Nous allons débattre avec vous pour renforcer encore les dispositions positives que vous proposez. Vous pouvez compter sur le soutien de notre commission pour conduire à son terme ce débat que vous ouvrez aujourd'hui, car nous sommes convaincus que l'avenir de la France passe par une politique ambitieuse et énergique en faveur de la France rurale. Ce texte en sera un élément essentiel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la délégation de l'Assemblée nationale à l'aménagement et au développement durable du territoire.
    M. Emile Blessig, président de la délégation de l'Assemblée nationale à l'aménagement et au développement durable du territoire. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, contrairement au président de la commission, je dois ma présence à la tribune à une création de la loi Voynet : celle de la délégation de l'Assemblée nationale à l'aménagement et au développement durable du territoire.
    M. François Brottes. Bel hommage !
    M. Emile Blessig, président de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire. Cela illustre la permanence de la loi, quels que soient les changements de majorité et je considère que, pour cette délégation, c'est un honneur de pouvoir intervenir aujourd'hui à ce stade de la discussion.
    M. François Brottes. Très bien !
    M. Emile Blessig, président de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire. Comme son nom l'indique, cette délégation s'intéresse à l'aménagement du territoire et au développement durable et je me félicite que ce texte intervienne précisément dans ces deux domaines.
    Vous aviez eu, monsieur le ministre de l'agriculture - et la démarche était originale - l'idée de saisir notre délégation sur la base d'une note d'orientation très en amont du texte. Tous les parlementaires qui composent cette délégation se sont réunis, et ont eu un échange extrêmement constructif et intéressant, qui nous a démontré que votre exercice allait être extrêmement difficile.
    Aujourd'hui, avec l'ensemble des membres de la délégation, nous nous félicitons de deux choses. D'abord, de votre approche horizontale et interministérielle, de la ruralité - condition indispensable d'un minimum d'efficacité législative. Ensuite, nous nous félicitons que votre texte prenne à bras-le-corps les évolutions de la conception de notre ruralité. Il détermine très précisément des fonctions et des espaces différents.
    Parmi les fonctions, il y a bien sûr la fonction économique agricole classique de la ruralité, mais aussi le secteur tertiaire, ou les secteurs de la très petite entreprise ; il y a la fonction résidentielle, qui est également abordée dans le texte, ainsi que l'usage touristique et de loisir. Ce sont les trois vecteurs de l'avenir de la ruralité. Et le tout sous une double contrainte : celle de la préservation des ressources dans une logique de développement durable.
    La conception même et la manière d'élaborer le texte est tout à fait nouvelle et intéressante. On a fini de considérer la ruralité dans son rapport ville-campagne, et on est loin de l'accompagnement pur et simple de la politique sectorielle de l'agriculture.
    De ce point de vue, ce texte illustre les travaux de réflexion menés par la DATAR, notamment dans son étude intitulée Quelle France rurale pour 2020 ? où sont distinguées trois types de campagnes : les campagnes périurbaines, où les conflits d'usage sont très fréquents ; les campagnes les plus fragiles, qui requièrent un effort de solidarité particulier enfin, un espace peut-être plus difficile à définir, où les réponses aux problèmes sont elles aussi plus difficiles à apporter : les nouvelles campagnes, dont les dynamiques émergentes doivent être encouragées.
    Votre texte, monsieur le ministre, répond aux préoccupations et aux besoins différenciés de ces trois espaces.
    Pour les campagnes périurbaines, l'enjeu principal est celui de l'aménagement foncier et de la maîtrise foncière. Vous apportez à cet égard des solutions extrêmement importantes, car si nous ne répondons pas à ces problèmes d'aménagement foncier, nous risquons de voir des conflits d'usage dégénérer rapidement et de manière gravissime.
    Pour les campagnes les plus fragiles, les mesures envisagées pour les zones de revitalisation rurale illustrent une solidarité en adéquation avec les besoins spécifiques de ces territoires. Bien sûr, le zonage n'est pas un outil satisfaisant, mais il a tout de même le grand avantage d'éviter le saupoudrage et de reconnaître des priorités à ceux qui souffrent le plus.
    Enfin, pour les nouvelles campagnes, votre texte tourne autour de trois axes.
    Le premier, c'est la diversification du développement économique de ces espaces, avec notamment une égalité de traitement des différentes activités qui s'y déploient.
    Le deuxième, c'est la prise en compte de la fonction résidentielle car le monde rural ne se résume pas à l'activité économique. Nous nous félicitons que cette politique de l'habitat trouve sa place dans votre texte. Mais qui dit résidence dit aussi services. Là encore, il y a des avancées tout à fait remarquables qui permettent d'avoir une vision cohérente et constructive de la ruralité.
    Parrallèlement, en intégrant celui-ci dans un texte sur la ruralité nous le sortons celui-ci d'un certain isolement. Nous démontrons que cette priorité horizontale concerne des domaines extrêmement précis et que, plus on légifère de manière complémentaire, collective, plus on est efficace. Les observations qui ont été faites par les rapporteurs me paraissent de ce point de vue tout à fait intéressantes et illustratives de cette nouvelle démarche.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Très juste !
    M. Emile Blessig, président de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire. Pour conclure, il importe, une fois pour toutes, de considérer que l'aménagement du territoire, en tant que compétence exclusive de l'Etat appartient définitivement au passé.
    Monsieur le ministre, vous avez utilisé l'image de la boîte à outils. En effet, des outils sont mis par l'Etat à la disposition des acteurs de l'aménagement du territoire. Avec la décentralisation, les communes, les intercommunalités, les départements et les régions sont les partenaires et les acteurs de l'aménagement du territoire. Il leur appartient d'utiliser ces outils dans le cadre de la construction du projet de territoire dont a parléM. Delevoye.
    Avec ce texte, le Gouvernement et la majorité démontrent qu'ils ont une conception de l'aménagement du territoire cohérente qui aboutira, de CIADT en textes, que ce soit sur les équipements, comme l'équipement numérique, ou sur les services, à proposer les orientations qu'il appartiendra, demain, aux acteurs de l'aménagement du territoire de faire vivre, dans le cadre de leurs projets respectifs, madame, messieurs les ministres, ce texte marquera une avancée importante, non seulement sur le fond, mais plus encore dans la méthode et sur la forme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.

Exception d'irrecevabilité

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Henri Nayrou.
    M. Henri Nayrou. Monsieur le ministre de l'agriculture, j'ai l'honneur de présenter, au nom du groupe socialiste, la première motion de procédure opposée à votre projet de loi de développement des territoires ruraux.
    Au départ, ce texte a inspiré intérêt et espérance, deux sentiments qui sont allés en s'étiolant au fur et à mesure que sa parution prenait du retard, mais que ses grandes lignes se dégageaient, avec ses mesures consensuelles, ses imperfections et surtout ses carences financières. Aujourd'hui, il est évident que votre projet de loi est jugé irrecevable par tous ceux qui se font une certaine idée de la ruralité du troisième millénaire. Irrecevable par tous ceux qui espéraient un grand texte fondateur à l'aune des promesses accumulées. Irrecevable par les élus ruraux, qui comptaient bien disposer de moyens adaptés à la situation de leurs collectivités, étranglées financièrement, et qui se retrouvent gros Jean comme devant. Irrecevable, enfin, par la partie du monde rural qui se retrouve à l'abandon et qui sait bien qu'elle va y rester, tant vos propositions manquent de souffle et, pour tout dire, d'ambition.
    Cela étant, monsieur le ministre, nous partageons le diagnostic qui ressort de votre état des lieux. Peut-on se satisfaire de la situation de nos campagnes et de nos montagnes, confrontées à la déprise et à la déprime, quand on nourrit pour elles l'espérance d'un avenir radieux ?
    Diagnostic partagé, mais coquille vide !
    Votre texte s'attache bien à résoudre quelques problèmes sectoriels, mais vous ne ferez croire à personne, dans cet hémicycle, que ce sont des petits freins, aussi nombreux soient-ils, qui empêchent le monde rural de se revitaliser. Les aménagements proposés ne sont dénués ni de bon sens ni d'intérêt pratique, mais ils sont notoirement insuffisants.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. C'est quand même mieux qu'avant !
    M. Henri Nayrou. Le mal est si profond et si complexe qu'on ne le vaincra ni avec des pistolets de paille ni avec des sabres de bois, et qu'il faudra, après un examen clinique sans concession, une thérapie de choc englobant fiscalité, solidarité, péréquation et ressources nouvelles ou, à tout le moins, mieux redistribuées.
    Or que proposez-vous ? Des médecines douces, gentilles, inoffensives ou presque. On voit là le décalage cruel entre le discours ou les postures d'hier et des propositions qui suscitent presque partout dans le monde rural un fort sentiment de frustration, d'irritation et, au bout du compte, de déception, que nous n'avons pas perçu dans les propos des rapporteurs.
    M. Jean-Claude Perez. Eh non !
    M. Henri Nayrou. Je brosserai à grands traits les raisons de cette déception, avant d'y revenir en dégradé... c'est le cas de le dire.
    D'abord, c'est un texte fourre-tout, qui comporte de nombreuses mesures, dont certaines ne sont pas inintéressantes, mais qui ne contient, hélas, aucune mesure phare.
    Déception aussi, car le volet agricole y est très présent, alors que vous annoncez pour la fin de l'année une loi de modernisation agricole et que, manifestement, la ruralité des temps modernes va bien au-delà de l'agriculture.
    Vous décevez encore en réduisant les services publics au service minimum, en écartant de nombreux amendements, y compris parmi ceux de l'ANEM, alors que vous en aviez appelé à l'initiative parlementaire pour fortifier vos propositions initiales, en refusant notamment des moyens financiers qui auraient donné un sens concret à votre loi sans que les collectivités locales en fassent les frais.
    Ce texte déçoit enfin par son absence d'ambition, de lisibilité et de transversalité sur les grands enjeux de la ruralité, alors que ces notions sont au contraire bien présentes et clairement formulées dans la proposition de loi de l'Association nationale des élus de la montagne, association trans-courants et qui entend prendre de la hauteur. (Sourires.)
    Pourquoi tant de déceptions ? Vous avez très tôt parlé d'une boîte à outils. Ce texte serait plutôt un étal de bricolage. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.) Même les esprits éclairés de votre majorité le disent sans se cacher.
    Le raccourci le plus saisissant, on le doit à François Sauvadet, du groupe UDF, que l'on ne saurait accuser de collusion avec l'opposition, tellement ses critiques furent dures envers la majorité d'hier. Il déclarait le 10 décembre en commission : « Votre projet de loi peut s'apparenter à un texte portant diverses dispositions concernant l'aménagement des territoires ruraux. »
    M. Yves Coussain, rapporteur. On ne l'a pas beaucoup vu en commission, M. Sauvadet !
    M. Henri Nayrou. Voilà pour les grands traits, passons au dégradé.
    Texte fourre-tout, d'abord. Qu'on en juge : soixante-seize articles mais aucune mesure phare. Des propositions portant sur les sujets les plus divers : les zones de revitalisation rurale, chères au président Ollier qui a bien raison de rappeler qu'il en fut l'instigateur dans la loi de 1995 ; la création d'un nouvel outil de développement, le SIDER ; le temps de travail dans l'agro-tourisme ; une rubrique bien fournie en matière agricole ; des ajustements dans les domaines de l'emploi, de l'aménagement foncier, du bâti rural, des espaces naturels qu'ils soient sylvicoles, pastoraux, humides ou territoires de chasse ;...
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Ce n'est pas mal, tout ça !
    M. Hervé Mariton. Qu'est-ce que vous critiquez ?
    M. Henri Nayrou. ... des dispositions timorées sur des services publics aux abonnés absents ; quatre articles sur la montagne qui semblent d'emblée appeler au secours des renforts de l'ANEM - voilà pour les critiques - ; enfin des précisions sur les établissements publics.
    Evidemment, compte tenu des besoins réels et clairement identifiés des dix millions de personnes qui vivent à la campagne, ce projet du Gouvernement est apparu très en deçà des attentes de nombreux élus et responsables d'organisations agricoles, rurales, artisanales ou familiales.
    L'ampleur des déceptions est à l'exacte mesure des attentes qu'avait pu susciter, monsieur le ministre, l'annonce de votre loi.
    Au sujet du volet agricole, en second lieu, je comprends bien qu'un ministre en poste rue de Varenne ne pouvait se permettre d'aborder le champ législatif de la ruralité sans semer quelques graines pour l'agriculture. Mais si la déception pointe dans de nombreux commentaires, c'est, premièrement, en termes de cohérence parce que vous avez vous-même présenté la feuille de route agricole avec une loi d'orientation pour la fin de l'année et qu'il eût été plus efficace de tout regrouper ; deuxièmement, en termes d'affichage, dans la mesure où l'activité agricole ne représente en emplois et en population que 17 % environ des forces vives dans les territoires ruraux et où l'agriculture continue de s'identifier au rural alors que l'inverse n'est plus forcément vrai. En clair, les ruraux qui ne sont pas agriculteurs espéraient une loi qui résoudrait leurs problèmes d'emploi, de services publics, de logement et de communication, et les agriculteurs attendaient un grand texte proposant de grandes solutions pour leur profession. Vous avez voulu contenter tout le monde et personne n'est satisfait.
    Il est symptomatique d'ailleurs que, lors de son audition en commission, le président de la FNSEA ait parlé d'agriculture, bien entendu, mais aussi de culture. Nous ne saurions nous plaindre de la vision nouvelle de ce syndicat engagé dans d'autres combats, même si c'était assez étonnant.
    Le troisième sujet de discorde entre nous concerne le problème crucial des services publics. Vous savez bien, monsieur le ministre, qu'il ne peut y avoir ni maintien de la vie, ni maintien des activités en milieu rural sans la présence des services publics. Vous nous permettrez donc de trouver surprenant - et c'est un euphémisme - que les deux mesures de votre loi dans ce domaine pourtant très sensible se résument, au titre III intitulé « Dispositions relatives à l'accès aux services », d'une part, à l'ouverture au privé des maisons de service public, ce qui se faisait déjà peu ou prou ; d'autre part à l'appui des collectivités locales à des maisons de soins.
    Sur ce dernier point, et sous forme de parenthèses vite refermées, je vous précise que la communauté de communes du Séronais, dans l'Ariège, vient de réaliser un centre médical d'un coût de 320 000 euros grâce à une subvention de 26 % de la dotation de développement rural, et sans avoir besoin de l'article 38 de votre projet de loi. C'est dire le fossé qui existe entre la loi et les moyens. Autrement dit et pour parler clair : donnez-nous de l'argent et vous n'aurez pas à légiférer !
    MM. Jean-Paul Chanteguet et Jean-Claude Perez. Bravo !
    M. Henri Nayrou. Je vous prends à témoin, mes chers collègues : pensez-vous qu'un grand texte sur la ruralité...
    M. Patrick Ollier, président de la commission. En quoi est-il irrecevable ?
    M. Henri Nayrou. ... pouvait faire l'impasse sur les services publics et le service universel, dont a d'ailleurs débattu hier le Parlement européen, et pas dans le bon sens ? L'Etat doit assurer ses missions régaliennes, remplir ses obligations de solidarité territoriale et garantir un service universel sur tous les points du territoire, pour tous les citoyens, quel que soit leur lieu de résidence.
    Ce n'est pas précisément le domaine où votre gouvernement est le plus à l'aise. Car les applications sur le terrain de votre pensée libérale font qu'une multitude de services publics s'apprêtent à déserter campagne et montagne sans faire de bruit, vouant à l'échec toute tentative de revitalisation.
    M. Jean Auclair. La pensée libérale vaut bien la pensée socialiste !
    M. Henri Nayrou. Nous verrons !
    M. Jean-Claude Perez. Tous les services publics s'en vont ! La liste est longue !
    M. Jean-Paul Chanteguet. A commencer par les perceptions !
    M. Jean Auclair. Qui va encore dans les perceptions ? Il faudrait mettre des compteurs !
    M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !
    Veuillez poursuivre, monsieur Nayrou.
    M. Henri Nayrou. Imaginez un scénario où l'Etat affirmerait par la loi sa volonté de développer des territoires en déprise et donnerait lui-même, dans le même temps, le signal du déménagement des mêmes territoires en supprimant, directement ou non, des pans entiers de missions d'intérêt public et des paquets d'emplois par la même occasion ! Le fossé se creuse entre vos dogmes et le terrain, entre vos affichages et la réalité. Vos intentions sans suite ne sauraient faire de vous les champions du rural !
    Quatrième chapitre de cet exposé des déceptions : votre extrême frilosité et celle de votre majorité quand il s'agit d'accepter des amendements, notamment ceux relatifs aux multiples exonérations fiscales, ce qui est dû à tout sauf au hasard. D'une part, je salue la lucidité dont vous avez fait preuve, monsieur le ministre, lorsque, au cours de votre audition par la commission des affaires économiques, en décembre dernier, vous avez clairement exprimé le souhait que votre texte soit enrichi par des initiatives parlementaires.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. C'est ce que nous avons fait !
    M. Henri Nayrou. D'autre part, les députés ici présents, et même ceux qui ne sont pas là et qui sillonnent vraisemblablement leur circonscription, ont enregistré les craintes des élus ruraux face aux nombreuses exonérations qui leur sont imposées par votre texte sans aucun transfert de charges clairement identifié.
    M. Jean-Claude Perez. Eh oui !
    M. Henri Nayrou. Ils ont également pris note des remarques négatives formulées par les élus de terrain, qui dénoncent les menaces que fait peser la décentralisation en cours sur leurs collectivités et qui savent que le pire reste à venir, avec les désengagements publics orchestrés par votre gouvernement libéral.
    Alertés par ces remontées du terrain, les parlementaires de l'Association nationale des élus de la montagne, mais aussi d'autres mouvements, lucides et réalistes, ont tenté d'introduire par voie d'amendements équilibre et sagesse dans les articles prévoyant des exonérations sans contrepartie de l'Etat. Mais le président de la commission, M. Ollier - pourtant fin connaisseur de la montagne et de la campagne - et la majorité ont écarté toutes les mesures, émanant notamment de l'ANEM, destinées à enrichir - c'est le mot juste - le projet de loi en assurant le financement des exonérations proposées. Ainsi, l'examen de certains amendements a été reporté pour qu'ils fassent l'objet d'une présentation nouvelle, et nous verrons, après la réunion de la commission au titre de l'article 88, le sort qui leur sera réservé dans la discussion des articles.
    Je me plais à souligner la franchise de l'un des rapporteurs, M. Yves Coussain, qui déclarait : « Je regrette que, dans le cadre de la politique de décentralisation menée actuellement par le Gouvernement, les exonérations fiscales proposées soient laissées à la charge des collectivités territoriales les moins riches, sans qu'aucun rééquilibrage des dotations au profit des collectivités rurales soit engagé, toute initiative parlementaire dans ce domaine se heurtant aux règles de recevabilité imposées par l'article 40 de notre Constitution. »
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Il est vrai que vos carences politiques sont difficiles à combler !
    M. Henri Nayrou. Nous vous reprochons, monsieur le ministre, non seulement de refuser ce partage des responsabilités financières, mais de ne pas l'avoir inscrit dans votre texte initial.
    Mais nous avons compris dès le départ qu'il s'agissait pour vous d'envoyer, juste avant les consultations électorales, quelques signes ostentatoires ou ostensibles, à votre choix (Sourires), ...
    M. Jean Auclair. C'est un bon texte, alors !
    M. Henri Nayrou. ... au monde rural, avec un texte de loi qui ne coûte pas un sou au Gouvernement. En effet, il n'y a plus d'argent, les caisses sont vides ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean Auclair. La faute à qui ? Merci les socialistes ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Vous êtes là depuis deux ans !
    M. le président. Un peu de calme, je vous prie ! Les rapporteurs ont été écoutés dans un grand silence. Faites de même pour M. Nayrou !
    M. Henri Nayrou. L'affichage semble tenir lieu de politique au Gouvernement dans un contexte où l'Europe menace et où le Président de la République a décidé, contre vents et marées, de continuer à baisser l'impôt au profit des plus aisés et au détriment des plus pauvres, monsieur Coussain - je veux parler des citoyens, mais aussi des territoires.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Et l'augmentation du SMIC, parlez-en !
    M. Henri Nayrou. Les élus ruraux de la majorité remercient le gouvernement Raffarin de sa prodigalité en leur faveur ! Mais l'initiative de ce texte, lancée fort opportunément, pensait-on, à quelques semaines des élections qui auront lieu en mars prochain, pourrait finalement se retourner contre vous, à la manière d'un boomerang. Nous nous chargerons d'en faire la publicité.
    Enfin, la dernière de nos déceptions réside dans la singulière absence d'ambition de votre démarche, contrairement à ce qu'a affirmé M. Ollier, que j'ai connu plus perspicace quand il était dans l'opposition.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Il est vrai que j'ai essayé, en vain, de vous convaincre ! (Sourires.)
    M. Henri Nayrou. Peine perdue, monsieur Ollier !
    A vrai dire, nous nous attendions à un grand texte d'orientation qui, par sa globalité et surtout sa transversalité, aurait donné un autre élan à votre politique.
    M. Hervé Mariton. Il vaut mieux du concret que du transversal !
    M. Henri Nayrou. Mais, hélas ! le ton était donné dès la composition du gouvernement Raffarin. Pourtant, vos critiques à l'égard de vos prédécesseurs, le discours d'Ussel du candidat Chirac, alors que les bouleversements sociologiques qui, par leur importance, ont changé la donne entre ville et campagne, imposent désormais aux responsables de réfléchir, d'anticiper, et surtout de mettre en musique, nous avaient laissés dans l'expectative. Nous pouvions donc croire, monsieur le ministre, que la nouvelle équipe gouvernementale compterait un secrétaire d'Etat à la ruralité indépendant de la tutelle de l'agriculture comme de l'aménagement du territoire ou de l'écologie et du développement durable...
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Il y a un très bon ministre pour ça !
    M. le président. Allons !
    M. Hervé Mariton. Soyons sérieux ! S'il suffisait d'un secrétaire d'Etat, ça se saurait !
    M. Henri Nayrou. Il est vrai, monsieur le député, que vous n'auriez certainement pas été nommé à ce poste !
    M. le président. Monsieur Nayrou, continuez.
    M. Henri Nayrou. Bref, un responsable doté de pouvoirs et de moyens à la hauteur des enjeux, à la tête d'un département ministériel agissant en transversal !
    M. Hervé Mariton. N'importe quoi !
    M. Henri Nayrou. Puisque l'heure semble être à la transparence dans le débat politique, je veux exprimer publiquement un regret. J'ai en effet déjà proposé une initiative de ce genre en 2000 et, si j'ai peut-être été entendu, je n'ai pas été compris. En tout cas, elle n'a pas été suivie d'effets.
    J'ouvre une petite parenthèse à ce propos. En juin 2000, j'avais organisé salle Colbert un colloque sur les services publics en milieu rural et, pour que cette réunion traite de l'ensemble de la question, j'avais dû contacter douze ministères. A mes yeux, en termes d'efficacité, douze égale zéro, ou quasiment !
    Loin de moi l'idée de mettre en doute vos capacités à maîtriser les problèmes du monde rural, monsieur le ministre, d'autant que votre expérience d'élu de la Savoie témoigne de votre parfaite connaissance du sujet. Néanmoins, au vu des missions qui vous étaient confiées, j'ai vu se creuser d'emblée le fossé regrettable qui sépare les promesses et la réalité, la gestion des équilibres politiques et la prise à bras-le-corps des dossiers.
    En ce domaine, la prévision ne se fait pas en lisant dans le marc de café, il suffit de se reporter à ce qui a été décidé pour la ville. Il y a plus de dix ans, grâce à une forte volonté politique, la ville et les banlieues ont pu sortir du cercle infernal dans lequel les avait entraînées une succession de navettes interministérielles. De même, pour « sauver le soldat rural », il faut un ministre clairement identifié, référencé et mandaté, comme l'est aujourd'hui M. Borloo pour la ville. Cet exemple, qui a permis d'aboutir à un consensus ébauché ici même pour répondre aux énormes défis sur les ruines et chantiers des villes et banlieues, est à méditer.
    M. Hervé Mariton. Au moins, vous approuvez la politique de la ville ! Je m'en réjouis.
    M. Henri Nayrou. J'en viens, monsieur le ministre, à notre vision de la ruralité.
    Le développement des territoires ruraux, comme celui des zones urbaines, n'est pas un enjeu politique, mais un enjeu de société : il s'agit de savoir si on veut une société « hyperurbaine » comme c'est déjà le cas, « hyper-rurale » comme au temps jadis, ou une société équilibrée, autrement dit sociologiquement mieux dosée. Pour moi, il est clair que ni une concentration urbaine démesurée parce qu'incontrôlée, ni son pendant, la désertification rurale, ne sauraient être une fatalité. Mais les incantations ne suffisent pas ; il faut une véritable vision de l'avenir, non pour s'en bercer mais pour la traduire en actes forts.
    A ce sujet, j'exposerai quelques constatations et commentaires, qui seront, pour une fois, largement partagés sur les bancs de cet hémicycle.
    Ce n'est pas parce que, dans les campagnes et dans les montagnes, la vie sociale est d'une grande complexité en raison de multiples handicaps - distance, temps de voyage, densité humaine et autres seuils critiques -, que le monde rural devrait se résoudre à rester ou à devenir un désert.
    La ruralité, comme l'ont souligné plusieurs rapporteurs, n'est plus uniforme. Il en existe aujourd'hui au moins trois types, voire davantage. D'abord, le « rurbain », dont l'aménagement doit faire l'objet d'une vraie réflexion, afin de ne pas renouveler les monstrueuses erreurs commises dans les banlieues pendant les années cinquante. Il en est d'ailleurs question dans les premiers articles du texte, par le biais de la protection foncière, alors que les enjeux essentiels sont manifestement en amont. Ensuite, le rural accessible, promis au meilleur avenir, à condition de savoir quels leviers choisiront les pouvoirs publics pour y assurer un développement maîtrisé, c'est-à-dire pour éviter le désordre actuel. Enfin, le rural profond, en montagne comme en plaine, qui doit être aujourd'hui l'objet de toutes les attentions et de toutes les solidarités dont un Etat digne de ce nom est le dépositaire.
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Très bien !
    M. Henri Nayrou. Il faut également distinguer les regards divergents que l'on porte sur le futur des territoires. Les uns considèrent les espaces ruraux comme des territoires récréatifs, autrement dit, des sanctuaires où il faudrait de se garder de toucher au moindre brin de paille en attendant le week-end et les vacances. D'autres, au contraire, considèrent les zones rurales comme des territoires de vie, donc de développement, et attendent désespérément les moyens de donner corps à leurs aspirations, à leurs projets et, pourquoi pas ? à leurs rêves. Parmi eux, se trouvent ceux qui, pour redonner vie aux territoires qui meurent, suggèrent un vrai partenariat villes-campagnes, faisant litière de l'opposition rural-urbain qui pollue les esprits et encombre les débats politiques, et qui permettrait à chacun d'apporter à l'autre ce qu'il a de meilleur. Le cloisonnement n'a plus de sens, le « tout chez moi, rien chez les autres » ne doit plus avoir cours.
    Les tendances actuelles confirment mes propos. Nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à être tentés par une existence à la campagne. Pour diverses raisons : qualité de vie, recherche d'identité, amélioration des diverses formes de communication, aménagement du temps de travail et aussi en réaction aux excès de la ville, pour dire clairement les choses. Les résultats du dernier recensement en témoignent. Sur les 12 500 communes rurales dont la population a augmenté de 1990 à 1999, 5 400 l'avaient vu chuter au précédent recensement. Comme leur population est vieillissante et le solde naturel négatif, il faut en conclure qu'elles bénéficient d'un solde migratoire très favorable.
    On aurait pu, dès lors, penser que la tâche des grands ordonnateurs de l'aménagement du territoire était simple : inutile d'impulser un mouvement de retour vers les zones rurales puisqu'il existe déjà. Il suffirait donc de l'accompagner.
    Mais force est de reconnaître que dans notre société moderne il est souvent compliqué de faire simple. Ne parlons pas de grandes ambitions, puisqu'elles ne sont pas de mise dans votre projet de loi, et concentrons-nous sur les quatre piliers de ce fameux développement rural, même si vous vous êtes contenté d'en poser les premières pierres, monsieur le ministre : emploi, services, logement et communications.
    En ce qui concerne le premier, l'emploi, vous savez comme moi, qu'il n'est plus d'industriels pour venir s'installer au fond des vallées reculées comme au début du xxe siècle. Vous connaissez Pechiney, nous aussi. En Ariège, cette entreprise est en train de nous abandonner à notre sort, et ceux qui vivent en pleine montagne paient le prix de ce lâchage. Laisser la création des emplois ruraux au marché ? Il n'y a guère que les réformateurs de l'UMP pour y croire. Mais seront-ils assez braves...
    M. Jean Auclair. Mais oui !
    M. Hervé Mariton. Nous sommes là !
    M. Henri Nayrou. ... pour aller dire dans leurs circonscriptions ce qu'ils expriment ici, n'est-ce pas, monsieur Auclair ?
    Mme Marie-François Pérol-Dumont. Il ne le fera pas ! Il est trop avisé...
    M. Jean Auclair. Nous faisons bouger les choses, nous ! Nous ne sommes pas des conservateurs, comme vous !
    M. le président. Continuez, monsieur Nayrou !
    M. Henri Nayrou. Je préfère, et de loin, l'aveu du président UMP du conseil général de Saône-et-Loire, qui déclarait dans Le Monde d'hier ne voir d'autre solution que d'« introduire de l'argent public dans le privé ». Ce sont peut-être des mots grossiers pour certains tenants du libéralisme de la majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Monsieur Nayrou, pas de provocation !
    M. Jean Auclair. Merci !
    M. Henri Nayrou. Eh oui ! Seule une intervention massive des pouvoirs publics là où les marchés et les marchands ne vont jamais parce qu'il n'y a pas suffisamment de profit à faire est de nature à rendre quelque espoir de survie à ceux qui ont choisi d'y vivre.
    La seule issue pour relancer une activité, même modeste, ce sont les emplois aidés tant dans les services publics, avec, entre autres, les emplois-jeunes, que dans les entreprises privées, avec des cadeaux fiscaux à la clef, parce qu'on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre.
    Je vous reproche, monsieur le ministre, de ne pas avoir accepté la main qu'Augustin Bonrepaux vous avait tendue le 15 mai dernier avec sa proposition de loi sur les zones franches rurales.
    M. Yves Coussain, rapporteur. Démago !
    M. Henri Nayrou. Non ! Tout, pourtant, vous poussait - écoutez bien, monsieur Coussain - à pactiser pour une fois avec l'opposition : premièrement, la réussite des zones franches urbaines, puisque votre gouvernement vient d'en lancer quarante-quatre autres début 2004 après le succès de la première vague, qui en comptait quarante et une ; deuxièmement, le principe même de la discrimination positive en matière d'incitation fiscale, qui n'est pas incompatible, bien au contraire, avec votre pensée libérale ; troisièmement, l'existence, nullement remise en cause dans votre projet - et tant mieux -, des zones de revitalisation rurale,...
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Forcément, c'est nous qui les avons créées !
    M. Henri Nayrou. ... dont le dispositif, monsieur Ollier, est comparable à celui des zones franches, qu'il s'agisse du principe des incitations fiscales ou de celui des critères de territorialité.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Merci de reconnaître leur efficacité !
    M. Henri Nayrou. Zones franches rurales, zones de revitalisation rurale, monsieur Ollier, même combat : celui que nous menons tous pour la revitalisation des espaces ruraux ! Les objectifs sont les mêmes bien que les cibles soient différentes.
    Pour créer de l'emploi dans le rural profond, par exemple dans la vallée ariégeoise de Vicdessos-Auzat, qui vient d'être désertée par les grands managers de Pechiney, quel serait l'outil le plus efficace ?
    La question vous dérange ?
    M. Jean Auclair. C'est à cause des 35 heures qu'ils sont partis !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Les grands managers de Pechiney viennent des cabinets des ministres socialistes !
    M. Henri Nayrou. Monsieur le président, pourriez-vous demander à M. Ollier de parler un peu moins fort ?
    M. le président. Monsieur Ollier, vous ne donnez pas le bon exemple !
    M. Francis Saint-Léger, rapporteur pour les dispositions relatives à la montagne. Il nous provoque !
    M. Henri Nayrou. Vaut-il mieux donner l'autorisation du cumul d'une activité privée et d'un emploi dans la fonction publique territoriale qui figure à l'article 13 de votre texte...
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Nous contribuons à la vérité.
    M. le président. Je vous prie, mes chers collègues !
    M. Henri Nayrou. ... instaurer une discrimination positive en faveur des zones franches pour inciter les entrepreneurs à choisir de s'y implanter et qui est absente de votre projet ?
    Le deuxième pilier, ce sont les services publics, qui sont victimes d'un cercle vicieux. En effet, il ne saurait y avoir de services sans public et il serait choquant qu'il n'y ait pas de services quand il y a un public. Qui doit contribuer le premier à rompre ce cercle vicieux ? Pour nous, cela ne peut être que l'Etat, qui doit intervenir en tant que garant de la cohésion nationale, de la solidarité territoriale et du lien social. Mais son action a un coût que vous ne pouvez pas assumer pour le moment en raison des diffucultés financières dans lesquelles vous vous êtes vous-même empêtrés.
    Prenons l'exemple de La Poste, service public à Bourg-Saint-Maurice et entreprise à Bruxelles. Il est évident que les missions que l'Etat exige d'elle dans le monde rural ne doivent pas mettre en péril son existence, mais à l'inverse, il est tout aussi évident que l'Etat doit assumer ses responsabilités envers les collectivités territoriales en veillant à ce que La Poste tienne ses engagements vis-à-vis d'elles. Voilà un domaine que vous auriez dû aborder dans votre texte au moment où se met en place le contrat de plan Etat-La Poste, qui va provoquer dans les zones rurales des dégâts considérables dont on ne mesure pas encore toutes les conséquences. Je vous donne rendez-vous pour très bientôt.
    Je reviendrai plus loin sur le problème des services publics, qui empoisonne non seulement la vie rurale mais aussi les rapports de votre majorité gouvernementale avec la plupart de nos concitoyens.
    Troisième pilier, le logement, dont vous avez parlé, monsieur le ministre, et qui constitue un vrai enjeu pour le maintien et l'accueil des populations en milieu rural. Pour être bref, je vous suggère de mettre en parallèle le parc immobilier vétuste et inoccupé du monde rural et les candidats à l'habitat dans les campagnes. Vous conviendrez avec moi d'un énorme gâchis ! Seul un plan d'envergure mis en oeuvre par une politique volontariste peut régler efficacement le problème de l'adaptation de l'offre à la demande. Monsieur le ministre, nous jugerons de la pertinence des articles 34, 35 et 36 de votre projet de loi à l'aune des résultats obtenus !
    Quant aux communications qui représentent le quatrième pilier, je passerai vite, faute de temps. En tout état de cause, votre bilan n'apporte pas la preuve de votre efficacité, comme en témoignent les vives controverses qui éclatent après la loi sur l'économie numérique. Celle-ci en effet cantonne les collectivités locales dans les rôles favoris que l'UMP leur attribue : ceux de « dindon de la farce » ou de « cochon de payant », pour rester dans le vocabulaire rural. (Sourires.)
    « Et vous, qu'avez-vous fait ? » demanderez-vous.
    M. Yves Coussain, rapporteur. Rien.
    M. Henri Nayrou. La majorité d'hier, mes chers collègues, n'a pas à rougir de son action en faveur des territoires ruraux, et je le déclare, quitte à faire sursauter sur son siège M. Ollier. Encore faudrait-il qu'il m'écoute.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Mais je vous écoute attentivement, monsieur Nayrou.
    M. Henri Nayrou. Vous aurez beau protester, les citoyens pourront toujours comparer lorsqu'ils auront payé l'addition et qu'ils seront privés de services publics à cause de ce que vous leur préparez.
    M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur pour les dispositions relatives à la chasse. Pas du tout.
    M. Henri Nayrou. Certes, nous n'avons pas fait voter de loi spécifique, et, aujourd'hui dans l'opposition nous ne saurions nous en plaindre à voir les rapporteurs monter au front pour défendre un texte aussi squelettique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Caricature !
    M. Henri Nayrou. Mais à quoi bon une loi sur la ruralité sans crédits pour l'appliquer ?
    M. Hervé Mariton. Mais avec quel argent ?
    M. Henri Nayrou. Chacun s'accordera à penser avec moi qu'il vaut mieux des moyens sans loi qu'une loi sans moyens. Je pense notamment aux emplois-jeunes, qui ont encore leur utilité dans nos campagnes, quoi que vous puissiez en dire, mes chers collègues. Vous avez été bien contents de les recruter dans vos collectivités ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je pense également à la loi d'orientation agricole...
    M. Jean Auclair. Mieux vaut ne pas en parler.
    M. Henri Nayrou. ... et à la création des contrats territoriaux d'exploitation,...
    M. Gabriel Biancheri. C'est un échec.
    M. Henri Nayrou. ... à propos desquels vos dénégations ne feront pas oublier une évidence d'ores et déjà reconnue dans la nouvelle PAC. Ils reviendront, peut-être sous une autre forme, car ils sont la meilleure réponse au défi énorme de la mondialisation et aux enjeux agricoles de demain.
    M. Jean Auclair. Descendez donc dans les campagnes !
    M. Henri Nayrou. Et puis, j'évoquais tout à l'heure les tendances au retour de la population vers l'habitat rural, ce qui a été rendu possible parce que les communes rurales ont su s'équiper afin de proposer aux candidats à l'habitat dans leur village les mêmes services qu'à la ville. Cela grâce à qui et grâce à quoi ? Grâce à l'intercommunalité...
    M. Jean Auclair. Mais non !
    M. Henri Nayrou. ... qui est bien le meilleur levier de développement, dans l'absolu, et grâce à des dotations...
    M. Jean Auclair. Lesquelles ?
    M. Henri Nayrou. ... qui ont été mises en place par la gauche au pouvoir, il y a plus de dix ans.
    Vous avez du mal à vous souvenir, chers collègues de la majorité, de la mise en place des dotations de solidarité rurale, des dotations de développement rural, et plus de mal encore à vous rappeler les incitations à la coopération intercommunale.
    M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur pour les dispositions relatives à la chasse. Et le fonds de gestion, qui l'a supprimé ?
    M. Henri Nayrou. Je vais m'efforcer de vous rafraîchir la mémoire avec l'aide de mon collègue ariégeois, Augustin Bonrepaux, qui fut de toutes ces batailles, comme Patrick Ollier d'ailleurs.
    M. Hervé Mariton. On demande grâce !
    M. Henri Nayrou. Faisons fonctionner la machine à remonter le temps.
    En 1991, la loi sur le développement urbain créait la dotation de solidarité urbaine. Regroupés, les députés ruraux ont protesté comme un seul homme et ont obtenu du Gouvernement la mise en place d'une dotation de fonctionnement minimale - DFM -, attribuée à vingt-quatre départements, de droite comme de gauche. De l'argent pour le monde rural dans une loi pour la ville ! Quelle dérision, mes chers collègues, mais quelles perspectives politiques ! Je vous le suggère pour les débats à venir.
    En 1992, était votée la loi sur l'intercommunalité, un texte essentiel pour le monde rural et la montagne. Mais j'arrête là les violons ! C'est dans ce cadre que naissent la DSR - dotation de solidarité rurale - et la DDR - dotation de développement rural - ainsi que la loi corrective des déséquilibres régionaux, trois mesures symboliques non seulement en matière de solidarité territoriale mais également et surtout de péréquation financière, trois mesures sans lesquelles les territoires ruraux ne seraient pas ce qu'ils sont aujourd'hui. La loi est adoptée, à quelques voix près, l'opposition de l'époque ayant voté contre.
    M. Jean-Claude Perez. Eh oui !
    M. Henri Nayrou. Vous n'avez donc pas de leçons à nous donner en ce domaine. (« Absolument ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Et d'autant moins que non seulement vous nous présentez une loi sans moyens, mais que vous vous apprêtez à en supprimer d'autres « à la cloche de bois ». Décentralisation, purge des fonctionnaires, gel des crédits, budgets en chute libre, dérégulation, déréglementation : voilà assurément de bonnes nouvelles que vous n'allez pas annoncer au bon peuple aujourd'hui !
    M. Hervé Mariton C'est l'apocalypse !
    M. Henri Nayrou. Je vais le faire à votre place, en prenant quelques exemples. La décentralisation à la mode Raffarin, c'est « une opération de délestage », selon les propres termes du président du Sénat, M. Christian Poncelet, que je félicite, comme M. Yves Coussain, pour sa franchise. En clair, l'Etat veut repasser le mistigri aux collectivités locales, avec un effet négatif immédiat sur leur capacité d'investissement et de fonctionnement, ce qui ne fera qu'altérer leurs chances de financer leur propre développement. Vous parlez d'une chance pour les ruraux !
    M. Léonce Deprez. On a réformé la Constitution pour ça !
    M. Hervé Mariton. L'hôpital se moque de la charité !
    M. Henri Nayrou. La taxe professionnelle, - « une erreur de jeunesse du président de la République », selon Augustin Bonrepaux - serait supprimée sans que les maires, présidents de communautés de communes, de départements et de régions, sachent aujourd'hui comment et à quel niveau l'Etat leur compenserait la suppression de cette contribution, assez injuste, il faut bien l'avouer.
    Et il y a pire. Derrière ce texte d'affichage, vous dégradez la situation de manière inexorable en appliquant votre très cher libéralisme : dérégulation des services - La Poste, France Télécom, EDF, trésorerie, Banque de France -, baisse du nombre de fonctionnaires, à l'heure où les territoires ruraux manquent cruellement d'appuis techniques pour contruire leurs projets. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mes chers collègues de l'UMP, vous irez expliquer à vos électeurs ruraux que vous voulez leur bonheur, et que ce bonheur passera par la suppression de nombreux fonctionnaires,...
    M. Gabriel Biancheri. Il y en a trop !
    M. Henri Nayrou. ... de postiers, d'agents d'EDF, de percepteurs, d'employés de la Banque de France, d'agents de l'équipement pour déneiger, de fonctionnaires de la DDA pour étudier les plans d'aménagement foncier et pour être réactif face aux crises agricoles, quand il pleut trop ou quand il ne pleut pas assez.
    M. Hervé Mariton. En tout cas, leur bonheur ne passera pas par vous !
    M. Henri Nayrou. Et bientôt, vous allez réorganiser les services de la jeunesse et des sports, en supprimant l'échelon départemental au profit du régional. Voilà de la bonne décentralisation ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Hervé Mariton. Et cela menace le rural ?
    M. Henri Nayrou. Sans parler des baisses de crédits considérables, notamment dans les secteurs du logement, du transport, de l'aménagement du territoire et de l'agriculture.
    Vous prenez les crédits sur le fonds de renouvellement urbain, pour les verser au budget de l'Etat, puis vous ponctionnez les offices HLM au bénéfice du fonds de renouvellement urbain ! Comment les offices HLM peuvent-ils développer le logement social dans les zones rurales si vous affectez les crédits PALULOS aux zones urbaines ?
    M. Jean Auclair. Mais c'est le contraire !
    M. Henri Nayrou. Est-ce cela la solidarité nationale ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Lorsque les collectivités locales présentent des projets de développement, des projets de contrats de pays ou de pôles, le représentant de l'Etat retourne ses poches : il n'y a plus rien !
    Où conduisez-vous le pays ? Où conduisez-vous les zones rurales ?
    Vous ne pourrez pas non plus repousser indéfiniment notre demande de faire la clarté - et cela vous concerne moins, monsieur le ministre de l'agriculture et des affaires rurales - sur l'avenir des contrats de plan. Combien de temps faudra-t-il pour désenclaver les zones rurales et y amener les nouvelles technologies ?
    M. Hervé Mariton. Il faudrait d'abord désenclaver votre esprit !
    M. Henri Nayrou. La solidarité nationale a disparu. Pouvez-vous contester que le fonds national pour l'eau et l'assainissement baissera l'an prochain de 40 %, après avoir baissé de 74 % en 2002, et que le fonds social du logement diminue lui aussi ?
    Dans le cadre de la crise qui secoue le monde des chercheurs, Claude Allègre a déclaré à l'adresse du Gouvernement : « Ce n'est pas d'une loi que les chercheurs ont besoin, mais de sous. » Pour les zones rurales, c'est la même chose.
    Face à ce tableau d'apocalypse, la vérité, monsieur le ministre, c'est que rural ne peut pas rimer avec libéral. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean Auclair. Comment ça ? C'est nouveau !
    M. Léonce Deprez. Le propos n'est pas d'un très haut niveau !
    M. Henri Nayrou. Rural, disais-je, ne rime pas avec libéral.
    Au mieux, c'est antinomique, car vous savez comme moi que seul un Etat interventionniste pourra contribuer à la revitalisation des territoires ruraux.
    Au pire, ce serait une supercherie dont vous devrez rendre compte un jour, car on ne peut pas être libéral à Paris et rural dans la Maurienne.
    M. Léonce Deprez. On peut être social-libéral !
    M. Henri Nayrou. Le mal dont souffrait la ruralité était la dispersion des outils, quand il y en avait. Vous arrivez, et au lieu d'y remédier, vous aggravez la situation avec ce texte sans ambition et sans outils, mais pas sans arrière-pensées. Pour couronner le tout, vous supprimez, par goût et par nécessité, toutes sortes de leviers, de telle sorte que vous ne serez plus les champions du rural, mais ses fossoyeurs.
    Monsieur le ministre, vous avez déjà compris que votre texte de loi n'est soutenu que du bout des lèvres par votre propre majorité, et qu'il est combattu par l'opposition mais aussi par la plupart des acteurs de terrain. Mais votre responsabilité, monsieur le ministre, n'est pas engagée, parce que la volonté politique est à l'Elysée...
    M. Jean Auclair. Mais pourquoi avez-vous voté Chirac ?
    M. Henri Nayrou. ... et les moyens à dégager sont à l'Elysée ! Comme ni l'une ni les autres ne sont à ce rendez-vous législatif, il vous appartiendra, monsieur le ministre, de prendre toutes les précautions sémantiques d'usage, et je sais que vous êtes un expert en la matière, pour sortir de ce mauvais pas à quelques semaines des élections cantonales et régionales.
    Mais, au fond, là n'est pas l'essentiel pour nous. Je pense en ce moment aux montagnes et aux campagnes qui souffrent, et c'est en pensant à elles que j'ai bien peur que le « bouquet rural » dont vous parliez ne se transforme en fleurs du mal. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Yves Censi, pour le groupe UMP.
    M. Yves Censi. Je dois d'abord reconnaître que je partage avec M. Nayrou non seulement le même amour pour les territoires ruraux mais également un très haut niveau d'exigence pour leur développement. Cependant, autant j'apprécie la voix de l'Ariège, autant je suis surpris et ne comprends pas celle du parti socialiste, qu'il représente.
    M. Gabriel Biancheri. Pas très bien, d'ailleurs !
    M. Yves Censi. En premier lieu, je suis impressionné par votre capacité, monsieur Nayrou, à surmonter vos contradictions, ce qui doit représenter une vraie souffrance pour vous, qui avez dépensé tant d'énergie sous la précédente législature pour obtenir au moins une action en faveur des territoires ruraux, que vous n'avez d'ailleurs jamais obtenue.
    Aujourd'hui, vous dépensez la même énergie pour contester l'action du Gouvernement, qui est ambitieuse et qui rencontre l'assentiment de l'ensemble des élus ruraux. Je ne comprends donc pas que vous fassiez cette critique dans le cadre d'une exception d'irrecevabilité, dont l'adoption reviendrait à refuser tout débat et toute action législative. Sachez pourtant que j'ai de la compassion pour vous qui devez vivre bien mal cette contradiction.
    La dernière loi ambitieuse dans ce domaine avait été votée en 1995. Aujourd'hui, ce projet de loi marque une étape très importante dans le processus du développement des territoires ruraux. Entre les deux, il ne s'est rien passé : c'était sous le gouvernement de Lionel Jospin. Je comprends dans ces conditions que vous en ayez un peu assez de voir passer les trains...
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Ne parlez pas de trains en ce moment ! Je pense au Paris-Orléans-Limoges-Toulouse !
    M. Jean Auclair. Le Téoz, ça, c'est un train !
    M. Yves Censi. ... mais, s'il vous plaît, n'essayez pas d'arrêter ceux qui avancent et arrivent à l'heure.
    Je m'arrêterai sur quelques-unes de vos remarques, mon cher collègue.
    D'abord, vous avez fait référence aux managers de Pechiney. Mais ces managers, que vous fustigez, viennent du cabinet du Premier ministre socialiste et vous devez bien avoir quelques contacts qui vous permettent de leur adresser les remarques que vous venez de faire.
    « Vous avez voulu contenter tout le monde et vous n'avez satisfait personne », avez-vous dit. Mais vous savez très bien que, sous la précédente législature, le Gouvernement n'a même pas essayé de contenter qui que ce soit. Le parti socialiste et le Gouvernement ont affiché un mépris pur et simple pour l'ensemble des territoires ruraux comme si la France rurale, qui couvre 80 % de notre territoire, n'existait pas à leurs yeux.
    Vous avez dit : « Donnez-nous de l'argent et vous n'aurez pas à légiférer. » Mais quels moyens financiers ont été mobilisés sous la précédente législature ? Aucun, absolument aucun ! Il n'y a eu aucune mobilisation.
    Vous avez fustigé le caractère libéral de nos politiques. Et c'est là que se situe une différence fondamentale entre nous : vous confondez le libéralisme et la confiance en l'esprit de responsabilité des acteurs de terrain. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Auclair. Très juste !
    Mme Marylise Lebranchu. Quand même pas !
    M. Yves Censi. Tout à l'heure, évoquant les transferts de compétences et les transferts de gestion dans le cadre des lois de décentralisation, vous avez parlé de « passer le mistigri ». Mais la responsabilité n'est pas un mistigri. On en revient à la principale différence entre vous et nous, c'est que nous, nous faisons confiance aux hommes. Et ce projet de loi, qui est un projet de loi ambitieux - autant que la loi peut être ambitieuse, parce que c'est de la mobilisation du Gouvernement et de la nation que viendra la transformation des territoires ruraux - montre que la responsabilité et la confiance envers les acteurs, mon cher collègue, ne sont pas un mistigri. Ils constituent même, selon nous, la clé du développement des territoires ruraux.
    Vous avez fini par un constat. Vous savez que le développement des territoires ruraux s'inscrit toujours dans la durée. Et ce que nous constatons aujourd'hui, c'est que les espoirs, mais aussi les difficultés, puisque vous avez surtout insisté sur ce point, sont souvent le fruit des politiques antérieures, celles de la décennie qui a précédé. Vous qui parlez de responsabilité, peut-être pourriez-vous prendre celle-ci à votre charge.
    Pour finir, puisqu'il s'agissait en principe d'une exception d'irrecevabilité, je n'ai pas noté dans votre discours la moindre allusion au caractère irrecevable de ce projet de loi. C'est pourquoi j'appelle mes collègues à voter contre, ce que fera le groupe UMP évidemment.
    Laissant de côté les critiques que vous avez formulées, nous nous appuierons néanmoins sur une certaine vision que vous partagez avec nous, ce qui me fait penser que vous approuverez sûrement une bonne partie des décisions que nous prendrons. Il est vrai que nous sommes ici, presque tous issus des territoires ruraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratiefrançaise.)
    M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe socialiste.
    M. Joël Giraud. Le groupe socialiste et apparentés partage l'analyse de notre collègue Henri Nayrou sur le manque de cohérence, d'ambition et de vision à long terme de ce texte, qui, de surcroît, a occulté, malgré les engagements pris, des pans entiers de la politique de développement des territoires ruraux de montagne, pourtant soutenue de manière très oecuménique par l'Association nationale des élus de la montagne.
    Au-delà, ce texte arrive au moment où postes, écoles, services publics sont victimes de votre politique, ce qui rend assez indécent de parler aujourd'hui de développement des territoires ruraux !
    Certes, il s'agit moins de démontrer l'irrecevabilité du texte stricto sensu que d'exprimer une déception face à une loi fourre-tout, dépourvue de moyens et, à ce titre, non recevable par les territoires ruraux qu'elle est censée concerner. C'est pourquoi le groupe socialiste et apparentés votera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle, pour le groupe UDF. (« Une chanson ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Non, pas en chanson, monsieur Lassalle ! (Sourires.)
    M. Jean Lassalle. Rassurez-vous, monsieur le président, je fais relâche aujourd'hui !
    La loi qui nous occupe aujourd'hui traite d'un problème très délicat, sur lequel je m'exprimerai tout à l'heure, de même que Jean Dionis du Séjour. Nous n'avons rien relevé d'irrecevable au regard de la Constitution dans ce texte. Nous pensons qu'il y a urgence à en discuter, et nous espérons que les travaux que nous engageons aujourd'hui et qui dureront quinze jours vont permettre de le bonifier. Nous voterons donc contre l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. André Chassaigne. Le groupe des député-e-s communistes et républicains, bien entendu, votera l'exception d'irrecevabilité. La démonstration a été, il faut le dire, foudroyante. (Rires.) La meilleure preuve en a été les réactions sur les bancs de la majorité. Quand on a des réactions, c'est que, comme on dit à la campagne, cela démange quelque part ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Merci, monsieur Nayrou, d'avoir évoqué la vallée de la Maurienne, que représente, entre autres, Michel Bouvard, et ma commune natale de Bourg-Saint-Maurice.
    J'ai pu constater que nous partagions le même attachement pour nos territoires ruraux et de montagne, et un certain nombre de préoccupations. A la vérité, je suis d'accord avec une grande partie de votre propos. Néanmoins, comme les deux orateurs des groupes UDF et UMP, je ne vois pas en quoi ce texte est irrecevable.
    Loin de moi l'envie de polémiquer sur des sujets qui doivent réunir l'ensemble des élus sur les bancs de cet hémicycle, mais je voudrais rappeler que, sous la législature précédente, le monde rural a subi au moins trois coups durs. Je veux parler de la suppression du fonds de gestion de l'espace rural, de l'annulation des dispositions qui avaient été prises dans la loi de janvier 1995 en faveur de la pluriactivité et, enfin, de la diminution drastique des crédits pour le logement en milieu rural, notamment pour les opération, programmées d'amélioration de l'habitat.
    M. Michel Bouvard. Et la suppression des aides rurales !
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Je ne souhaite pas polémiquer plus avant, mais les zones de revitalisation rurale n'ont pas davantage été activées et je pense en toute objectivité que, pour le monde rural et la montagne, le bilan de la législature précédente a été assez accablant.
    Je voudrais cependant faire deux ou trois remarques brèves sur des sujets dont nous aurons sans doute l'occasion de débattre dans les semaines qui viennent.
    Il s'agit d'un projet de loi interministériel : un texte réellement interministériel a plus de sens que telle ou telle recomposition gouvernementale. Si, pour régler les problèmes de la ruralité, il suffisait de créer un secrétariat d'Etat au développement rural, cela se saurait. Serait-il plus utile de couper en deux la direction de la construction au ministère de l'urbanisme et du logement, celle de l'organisation des soins au ministère de la santé, celle du tourisme au ministère du tourisme ? Bien évidemment, non.
    Le Gouvernement a préféré que le ministère de l'agriculture soit également chargé des affaires rurales et travaille en étroite cohérence avec le ministre chargé de l'aménagement du territoire, Jean-Paul Delevoye, avec la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, avec tous les ministres et administrations concernés. Je crois que notre présence commune en témoigne aujourd'hui.
    Ma deuxième observation concerne l'agriculture. Il est vrai que, de ce point de vue, nous avons plusieurs rendez-vous importants, en matière de politique foncière, de politique des structures, de politique d'installation ou de politique économique à propos de la notion d'entreprise agricole. Ces sujets-là doivent être étudiés dans une perspective à moyen terme, après la mise en oeuvre des nouvelles dispositions de la politique agricole commune. Nous avons d'ailleurs souhaité, en parfait accord avec les organisations professionnelles et syndicales, séparer le texte rural du texte de modernisation agricole.
    Il se trouve que ce projet de loi comporte néanmoins des dispositions agricoles, puisque certaines modifications, qui ont fait l'objet d'une concertation, peuvent être décidées immédiatement. Celles-ci serviront utilement l'agriculture française.
    En ce qui concerne la question des services publics, dont traite Jean-Paul Delevoye et dont nous aurons l'occasion de reparler, je crois qu'il faut que vous gériez vos contradictions. On ne peut pas avoir soutenu le gouvernement qui a approuvé à Lisbonne, il y a quelques années, des décisions relatives à la dimension européenne des services publics - ce que vous reprochent d'ailleurs beaucoup vos amis altermondialistes -, et, dans le même temps, tenir le discours caricatural qui est le vôtre.
    Chacun sait bien que la question du service public en milieu rural est extrêmement importante. Il faut partir des besoins de la population, travailler dans la transversalité et apporter les meilleures réponses.
    Votre intervention, très argumentée, abordait de nombreux points, que je ne reprendrai pas tous. Il en est un, cependant, sur lequel je voudrais revenir pour terminer. La décentralisation Mauroy a été une bonne chose - je le reconnais d'autant plus volontiers que la formation politique à laquelle j'appartiens n'a pas voté ce texte et que je considère que nous aurions dû le faire -, mais les compensations de charges accordées par les gouvernements de gauche n'ont pas été à la hauteur.
    Je ne prendrai qu'un exemple. C'est ici l'ancien président de conseil général qui parle. Quand on considère les dépenses de transport scolaire qu'assument les départements et la compensation qui leur est allouée au titre des transferts de compétences décidés au milieu des années quatre-vingt, on constate qu'il y a loin de la coupe aux lèvres.
    M. Michel Bouvard. C'est peu dire !
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. De même, en ce qui concerne l'allocation personnalisée d'autonomie, votée sous la législature précédente, il y a loin entre les intentions affichées et la réalité des sommes qui ont été versées aux conseils généraux.
    Mais, désormais, nous sommes dans un nouveau cadre juridique. A l'initiative du président Poncelet, la Constitution a été modifiée pour garantir la sincérité de la dimension financière et budgétaire de la décentralisation. C'est dans ce nouveau cadre que nous travaillons pour le plus grand profit des territoires ruraux.
    Pour toutes ces raisons, le Gouvernement pense que ce texte n'est pas irrecevable et qu'il y a lieu au contraire d'en débattre pour dynamiser nos territoires ruraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
    (L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

    M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient donc la tâche facile de vous convaincre de voter cette question préalable, et je ne doute pas que vous le ferez. (Rires.)
    Le projet de loi que nous devons discuter aujourd'hui est le fruit d'un diagnostic partagé par tous les députés. Un malaise profond traverse aujourd'hui la France rurale. Il est de notre responsabilité de représentants de la nation d'affronter ce problème et de rechercher les moyens de le résorber.
    Les manifestations de ce malaise sont nombreuses. Les crises sanitaires que l'agriculture, notamment l'élevage, a dû affronter ces dernières années ont mis à jour et accentué le désespoir de nombreux agriculteurs. L'industrie en zone rurale est frappée, à l'image de ce qui se passe en ville, par les restructurations, les fermetures de sites, mais aussi par la faiblesse des formations et, surtout, des salaires.
    Aussi, il n'est pas étonnant de constater que ce sont les habitants des régions les plus rurales, comme l'Auvergne et le Limousin, qui ont le revenu médian par unité de consommation le plus faible. Au sein de ces régions, ce sont évidemment les départements les plus ruraux dont les habitants ont les revenus les plus bas. Je ne prendrai qu'un exemple : dans le Cantal, la moitié des habitants a déclaré moins de 11 400 euros de revenu en 2000. Dans des zones montagneuses comme le Livradois et les Combrailles, dans le Puy-de-Dôme, la moitié de la population a déclaré moins de 10 500 euros en 2000, soit un revenu inférieur de 50 % à celui des habitants de la périphérie urbaine de Clermont-Ferrand, dans le même département.
    En ce qui concerne les services publics, la lutte remarquable menée, à l'automne dernier, par les élus et citoyens de Saint-Affrique dans l'Aveyron, pour obtenir le maintien d'un hôpital de proximité, a montré l'attachement de nos concitoyens à ces services de proximité et aux valeurs du service public.
    Cette lutte, avec d'autres, a montré que ce qui relie aujourd'hui encore les citoyens à l'Etat, à la République, ce sont les services publics. C'est dans le service public que les valeurs d'égalité, de solidarité, prennent encore sens. C'est dans le service public que l'idée selon laquelle les questions d'intérêt général doivent faire l'objet de politiques publiques prend toute sa dimension. Et toute la politique du Gouvernement vise aujourd'hui à les détruire, à remettre en cause leurs statuts pour mieux contester les valeurs qu'ils portent. Toute sa politique essaie de couper les dernières attaches de nos concitoyens ruraux à la République et, de fait, à réduire l'attractivité des territoires ruraux.
    Les conflits récurrents opposant écologistes et chasseurs à propos de la chasse ont révélé la profondeur du fossé culturel séparant aujourd'hui ruraux et citadins. Ce qui apparaît comme l'hégémonie culturelle des citadins est d'autant plus mal accepté qu'elle contribue à transformer les modes de vie et les valeurs attachés à la ruralité. Cette conflictualité latente est d'autant plus problématique que les néoruraux, de plus en plus nombreux du fait du mouvement de rurbanisation, sont une chance réelle de développement pour le monde rural, par les dynamiques qu'ils enclenchent et leurs exigences élevées en termes de qualité de vie.
    Cette crise d'identité est apparue au grand jour en trouvant, aux dernières élections, un débouché politique. Les scores réalisés par les candidats de CPNT en zone rurale, voire ceux du Front national, ont été très significatifs de la profondeur du sentiment d'abandon ressenti par nos compatriotes vivant dans les territoires ruraux.
    Mme Marylise Lebranchu. C'est vrai !
    M. André Chassaigne. En s'engageant à faire voter par le Parlement une grande loi pour le développement des territoires ruraux, le Gouvernement avait créé l'espoir que la voix de la France rurale serait enfin entendue, que le souffle d'une volonté politique nouvelle parviendrait à réveiller et à redynamiser nos campagnes. Vous aviez en main, monsieur le ministre, des cartes prometteuses. Le récent et remarquable rapport de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, Quelle France rurale pour 2020 ?, dressait notamment un bon état des lieux de la situation dans le monde rural, des dynamiques en cours dans ces territoires. Il présentait aussi avec pertinence les perspectives de développement existantes, décrivant les différents scénarios d'évolution du monde rural.
    Un scénario au fil de l'eau trace les contours de l'inacceptable. Sans expression du moindre volontarisme politique, notre France rurale serait alors condamnée à servir d'annexe urbaine, de cour de récréation, voire de lieu de stockage des déchets urbains.
    Un autre scénario énumère les éléments de définition d'une stratégie de développement rural durable. Lors du CIADT de septembre dernier, le Gouvernement a prétendu qu'il reprenait les conclusions de ce rapport. Dans les faits, au vu des projets présentés, on ne distingue aucune concrétisation effective. Nos campagnes ont pourtant besoin d'une politique volontariste qui ne s'arrête pas à quelques propos incantatoires. Si l'on en juge par le projet qui nous est présenté, vous n'avez pas cru bon, monsieur le ministre, de vous appuyer sur cette étude, contrairement à ce que vous venez d'affirmer. Et, pour ce qui est du souffle, nous n'avons que celui d'un asthmatique. (Sourires.)
    Pourtant, la ruralité occupe toujours une place privilégiée dans l'imaginaire collectif français, notamment parce que la force politique et idéologique dominante de la IIIe République, le radicalisme, a vu en la paysannerie non seulement une assise sociale et politique solide, mais la concrétisation de son idéal politique : une République de petits propriétaires libres et indépendants. Il faut aussi considérer que la France s'est urbanisée bien plus tard que ses principaux partenaires européens - M. le ministre l'a souligné tout à l'heure - et a conservé bien plus longtemps des campagnes vivantes. L'exode rural n'a véritablement débuté qu'au lendemain de la grande boucherie de 1914-1918, la population urbaine n'est devenue majoritaire en France qu'en 1931, et ce n'est qu'après-guerre que l'exode rural et la modernisation de l'agriculture française se sont véritablement accélérés, accomplissant ce que certains ont appelé une « révolution silencieuse ». Cela explique que les Français soient nombreux à avoir gardé de réelles attaches avec le monde rural.
    La crise que celui-ci affronte aujourd'hui est une conséquence directe de ces évolutions économiques et sociales. Les mutations de l'agriculture ont également fait évoluer l'identité nationale et républicaine, et le sentiment d'abandon ressenti par beaucoup de nos concitoyens ruraux est lié au fait que la ruralité n'est plus constitutive de l'identité républicaine. Qui, aujourd'hui, penserait à représenter la République en semeuse ? Et si, pour reprendre une image à laquelle vous avez fait allusion tout à l'heure, monsieur le ministre, les paysans n'ont pas déchaussé les sabots de la République, force est de constater que leurs enfants ont, pour aller voir ailleurs, enfilé les bottes de sept lieues.
    On entend pourtant de plus en plus souvent dire que la spirale du déclin démographique serait enrayée dans le monde rural. Ainsi, le dernier recensement a confirmé qu'un nombre croissant de citadins recommençaient à investir les territoires ruraux. Mais cette évolution ne doit pas masquer les fractures nouvelles qui apparaissent. Au sein même des espaces ruraux, les communes situées à proximité des villes ne sont pas confrontées aux mêmes problématiques que les zones rurales isolées, souvent situées en zone de montagne...
    M. Jean Dionis du Séjour. Pas seulement !
    M. André Chassaigne. ... et de moyenne montagne.
    M. Jean Dionis du Séjour. Et les plaines ?
    M. André Chassaigne. Dans les espaces périurbains, ces mutations démographiques favorables ne doivent pas nous donner l'illusion que la question de la revitalisation rurale serait sur le point d'être résolue. En fait, ces espaces ne sont que l'extension des agglomérations. Ils ne sont que le résultat des mutations urbaines. Les mouvements pendulaires entre ces lieux de vie et les lieux de travail situés en centre-ville sont la preuve que les espaces périurbains restent confrontés, comme les espaces ruraux isolés, à la question de leur développement et de la redynamisation de la vie économique et sociale. Ils ne parviennent pas à concevoir un développement qui soit autonome.
    En dépit de tous les beaux discours sur l'aménagement du territoire, le monde rural isolé reste confronté à la démission des pouvoirs publics, lesquels ne font que décliner une tentation diffuse qui consiste, pour reprendre le sinistre aveu du géographe Jacques Lévy, à « oser le désert ». A force d'être amputés de toutes leurs forces vives, ces territoires sont de plus en plus souvent conduits au déclin et contraints, bien souvent sur leurs propres deniers, d'en assurer les conséquences. Ils financent en quelque sorte la morphine destinée à accompagner leur mort lente.
    Or, force est de constater que le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui ne suscite aucun espoir en un retour de la solidarité nationale. Le manque d'ambition de l'Etat en matière d'aménagement du territoire devient véritablement criant. Beaucoup d'air a ainsi été brassé lors du CIADT du 3 septembre 2003, pourtant consacré à la ruralité. M. Delevoye ne disait-il pas tout à l'heure que les perspectives d'avenir avaient été « brossées » devant le CIADT ? Au final, au-delà du « brossage », aucune mesure concrète n'a été prise pour stopper la casse de nos services publics. Et, pour réduire la fracture numérique, on n'a pas trouvé mieux que de faire payer les collectivités territoriales : ce sera aux territoires ruraux, en plein déclin économique, de payer une bonne part d'un équipement financé dans les villes par les opérateurs privés. Il est inacceptable de faire supporter aux secteurs les plus fragiles de la société le coût d'équipements que d'autres ont obtenus gratuitement. La responsabilité d' « éradiquer toutes les zones blanches », pour reprendre les propos du ministre Delevoye, devrait incomber au contraire aux seuls opérateurs de télécommunications.
    Le double langage tenu sur ce sujet par la majorité des représentants politiques du pays est évidemment la conséquence directe de l'acceptation de la politique européenne de libéralisation, qui prône une ouverture des marchés qui ne peut que conduire au démantèlement de nos services publics. Comment parler de développement des territoires ruraux, quand on laisse dévoyer l'idéal européen de coopération pacifique entre les peuples, et quand on fait de cette Europe le cheval de Troie du libéralisme sauvage, du développement de la misère et des inégalités territoriales ?
    Plus qu'une discrimination positive, les territoires ruraux demandent d'abord une égalité de traitement et un respect du principe d'égal accès au service public. Or, loin de là, la France rurale est tellement délaissée que ses problèmes sont isolés de ceux du reste du territoire national. Alors qu'il est urgent de dépasser les oppositions entre villes et campagnes, comme l'a souligné notre collègue Nayrou, vous ne recherchez plus de réponses globales à l'aménagement du territoire : après un CIADT spécifiquement consacré à la ruralité, en septembre, le suivant a complètement occulté cette question. La solidarité nationale promise en septembre est ainsi enterrée trois mois après. Le Gouvernement a certes réaffirmé son soutien de principe à quelques projets structurants, mais il a surtout confirmé sa volonté de ne pas financer ses projets et de déléguer aux collectivités territoriales les charges afférentes à ces missions d'aménagement du territoire. L'indifférence manifestée par le Gouvernement face aux revendications d'égalité, qui montent de la France rurale, n'aurait-elle d'égales que son irresponsabilité et son inconséquence en matière de solidarité nationale ? Tous ces territoires restent pourtant confrontés à la question de leur développement économique. Leurs habitants aspirent à ce que leurs régions restent des territoires vivant d'activités vouées à la production. Ce devrait être notre objectif.
    Mais force est de constater qu'en cédant en juin dernier, à Luxembourg, monsieur le ministre, aux chants des sirènes libérales habillées d'environnementalisme, le gouvernement français s'est résigné à transformer le monde rural en un espace naturel aseptisé, organisé pour des touristes « annuellement bucoliques », pour reprendre l'expression de Jean-Pierre Chabrol, attirés par la vision réductrice d'une nature sauvegardée.
    Certes l'agriculture n'est plus l'activité principale dans les territoires ruraux. Mais parce qu'elle y reste structurante, parce qu'elle en est justement le coeur battant, vous n'aviez pas le droit, monsieur le ministre, d'engager le pays dans un programme de destruction pure et simple des dernières structures économiques agricoles qui restent familiales, six mois à peine avant de débattre d'une loi censée favoriser le développement du monde rural.
    La démission de Luxembourg, qui se traduira bientôt par le découplage des aides à l'agriculture, est une porte ouverte à la spéculation foncière et à la concentration capitaliste des terres. Des grands mots, direz-vous ? Pas du tout.
    L'introduction de ce « paiement unique par exploitation », qui ne date pas de 1992, permettra aux propriétaires fonciers de toucher des aides sans lien avec une quelconque production agricole. En prenant en compte la baisse des prix agricoles, qui est l'objectif principal de Bruxelles dans cette réforme, il s'agit ni plus ni moins d'un encouragement, pis, d'un véritable soutien public à l'abandon des terres et à l'extinction progressive de l'activité agricole en France.
    En considérant que ces aides découplées seront calculées sur un montant de référence correspondant aux aides reçues à la période 2000-2002, on voit qu'il ne reste plus grand-chose des atours environnementalistes de la réforme de la PAC. Car, évidemment, les exploitations intensives qui touchent beaucoup d'aides aujourd'hui continueront à en toucher autant, les exploitations extensives de montagne et des marges du Massif central conservant les miettes et le privilège de mettre la clé sous la porte.
    Les conséquences de cette réforme sur le marché foncier seront incalculables. La valeur marchande des terres sera aussi fonction, désormais, du montant des aides qui leur seront attachées. C'est un boulevard pour la spéculation foncière et la hausse du prix des terres, notamment, mais pas seulement, dans les régions où l'agriculture est aujourd'hui la plus forte.
    L'installation de jeunes agriculteurs en sera évidemment entravée. Seuls les agriculteurs déjà richement dotés et bien installés pourront acquérir ces terres, s'agrandir encore, embaucher des ouvriers agricoles, car il faudra bien travailler la terre et, par nécessité économique, prendre un statut de société. Nous nous orientons bel et bien vers un système agricole capitaliste, emboîtant le pas aux pays du groupe de Cairns favorables à une libéralisation à outrance.
    Les militants politiques et syndicaux du monde rural revendiquaient, à une époque pas si lointaine, « la terre à ceux qui la travaillent ». Ce modèle d'une agriculture familiale, que d'autres appellent aujourd'hui, par un édifiant pléonasme « agriculture paysanne », est encore le nôtre, parce qu'il est le moins inégalitaire, mais aussi et surtout parce que, contrairement aux idées reçues, il est le plus porteur de développement économique durable. Le fait de privilégier de petites et moyennes exploitations est moins destructeur d'emplois, dans des campagnes victimes de la dépopulation. Il est aussi plus respectueux de l'environnement en reposant davantage sur le travail que sur la consommation abusive d'engrais chimiques dont on apprécie aujourd'hui la nocivité.
    Avez-vous choisi, monsieur le ministre, de tourner définitivement le dos à ce modèle agricole ? Plus largement, êtes-vous vraiment porteur d'une ambition pour un réel développement des territoires ruraux ?
    Certes, l'agriculture n'est assurément pas la seule activité en zone rurale. Le développement des territoires ruraux doit aussi passer par le développement de l'industrie ou des services.
    L'industrie ? Le secteur agroalimentaire fera évidemment les frais des évolutions du marché agricole. La réforme de la PAC aura aussi des conséquences sur toute la filière agroalimentaire. Le secteur coopératif en sera encore davantage fragilisé, ou évoluera de telle façon que, finalement, il n'aura plus de coopératif que le nom. Le reste du secteur privilégiera avant tout sa profitabilité et, comme vient de le faire la société Doux en Bretagne, n'hésitera plus à déserter la France pour les grandes propriétés des pays du groupe de Cairns ou d'Europe centrale, abandonnant ainsi ses salariés, comme les agriculteurs de la filière avicole.
    Les autres secteurs industriels présents en zone rurale continueront de faire les frais du repli de l'Etat et de l'absence de politique industrielle en France : tant que rien ne sera fait pour faciliter le crédit aux entreprises ou pour assainir les rapports entre les sous-traitants, très présents en zone rurale, et leurs donneurs d'ordres, qui sont souvent des multinationales plus enclines à privilégier leurs résultats financiers que leur stratégie industrielle, je crains que nous ne puissions espérer aucun développement industriel en France, a fortiori en zone rurale.
    Reste le mirage des industries de nouvelle technologie. Si je parle de mirage, c'est qu'à force de laisser nos industries de télécommunications courir les marchés et abandonner leurs missions de service public, nous ne sommes pas près de bénéficier en zone rurale des services de téléphonie mobile et d'Internet à haut débit, sans lesquels aucune nouvelle industrie ne pourra jamais s'implanter.
    M. Jean Dionis du Séjour. La démonstration est douteuse !
    M. André Chassaigne. Les promesses remontent à dix-huit mois : cela commence à faire long !
    Sans vivier industriel ou agricole, c'est une évidence, les activités de services ne pourront pas durablement se développer, à moins que l'on ne fasse de nos territoires ruraux de simples parcs d'attraction pour citadins - ce que, vous le savez tous, personne ne veut dans nos campagnes.
    Ainsi, le contexte dans lequel nous discutons de ce projet de loi de développement des territoires ruraux est très difficile, tant du fait des évolutions sociales que des décisions relevant de la responsabilité du Gouvernement. La discussion de ce texte aurait dû apporter la preuve qu'il ne s'agit pas, pour autant, de céder au fatalisme, que les difficultés que nous devons affronter ne sont pas insurmontables et que nous pouvons légitimement nourrir un espoir pour nos campagnes. Au lieu de cela, nous n'avons à discuter que d'un simple inventaire de mesurettes et de dispositions techniques sans cohérence les unes avec les autres. Avec un véhicule aussi bringuebalant et poussif, la France rurale ne pourra pas avancer bien loin !
    Nous ne voulons pas imaginer que l'indigence de ce projet soit le résultat d'une décision politique clairement réfléchie. Et pourtant ! Il y a suffisamment de fonctionnaires capables d'inventivité au ministère de l'agriculture : comment expliquer alors, à moins d'avouer que leur créativité a été bridée, la piètre qualité du projet qui nous est soumis ? Les représentants de la ruralité, syndicats et organisations agricoles, associations d'élus ruraux, associations intéressées par le développement rural, et j'en passe, auraient pu enrichir, par leurs idées, le pâle projet que vous avez concocté. Ils n'ont, semble-t-il, pas été entendus, à supposer même qu'ils aient été consultés, comme vous le prétendez... Monsieur le ministre, le déficit démocratique se paie !
    En outre, le volet agricole de ce texte a été pour l'essentiel remis à une hypothétique nouvelle loi d'orientation agricole, qu'on nous annonce pour la fin 2004 ou pour 2005. Il est donc isolé de la problématique globale du développement local que ce projet de loi était censé développer. Comment peut-on ne pas parler d'agriculture, ou à peine, lorsque l'on débat du développement rural ? Le développement durable des territoires ruraux est une exigence politique, qui réclame une réponse globale des pouvoirs publics. Le saucissonnage de ce débat n'est pas seulement une aberration : c'est surtout un témoignage de la vacuité de votre projet politique pour le monde rural.
    La pauvreté de ce texte se mesure aussi à la faiblesse de la contribution budgétaire attachée au projet en débat aujourd'hui.
    Si l'on excepte quelques exonérations fiscales supplémentaires, et sans compensation pour les collectivités locales, il n'est pas prévu de lâcher un euro pour des territoires pourtant en grande difficulté. Leur développement exigerait au contraire que l'on en appelle à la solidarité nationale. Cette carence supplémentaire est assez significative de l'écart entre les beaux discours et la réalité... A moins que vous aussi, monsieur le ministre, vous n'osiez le désert !
    Tout semble en effet indiquer que ce projet de loi ne vise qu'à accompagner les mutations socio-économiques actuelles et en aucun cas à favoriser un développement durable des territoires ruraux. Ce texte est « petit bras ». Il respire la résignation.
    M. Hervé Mariton. Et vous le désespoir !
    M. André Chassaigne. Je suis content d'entendre une réaction, parce que je pensais que je manquais un peu de dynamisme. Je sentais comme un endormissement chez mes collègues.
    M. le président. Ne les réveillez pas, monsieur Chassaigne ! (Sourires.)
    M. Jean Auclair. Il veut qu'on l'interrompe pour être mis en valeur !
    M. André Chassaigne. Je disais donc, chers collègues, que ce texte est « petit bras ». Il respire la résignation. D'autant plus que les multiples décisions gouvernementales de fermeture de services publics sont l'illustration du renoncement des autorités publiques sur les questions relatives à l'aménagement du territoire. Chacun le sait, tout pas supplémentaire vers des privatisations ou des ouvertures de marché accentue la concurrence, réduit et cloisonne les interventions publiques dans les territoires, engendrant un déclin des manifestations de solidarité sociale et territoriale en France.
    Toute fermeture nouvelle de services hospitaliers...
    M. Jean Auclair. Merci les trente-cinq heures !
    M. le président. Ça y est, vous avez réveillé M. Auclair ! (Sourires.)
    M. Jean Auclair. J'essaie de le mettre en valeur !
    M. André Chassaigne. C'est curieux, M. Auclair, comme d'autres d'ailleurs, a l'air d'être obsédé par les trente-cinq heures.
    M. le président. Monsieur Chassaigne, vous avez obtenu ce que vous souhaitiez. Maintenant, poursuivez.
    M. André Chassaigne. Toute fermeture nouvelle de services hospitaliers - je fais allusion au Limousin, comme au reste de la France, monsieur Auclair -, d'écoles, de bureaux de poste, de succursales de la Banque de France, de perceptions de recettes des finances, et j'en passe,...
    M. Jean Auclair. Et les églises ?
    M. André Chassaigne. ... ne fait que compliquer davantage la problématique du développement rural et condamner toute évolution favorable future.
    Dans l'attente des résultats de ce débat, que vous qualifiez d'historique, monsieur le ministre, il eût été judicieux d'acter un moratoire sur la fermeture de ces services publics. Or, depuis deux ans, on assiste plutôt à une accélération du déménagement de tous ces services publics de nos territoires. Là, je pourrais dire que vous faites « gros bras ».
    M. Jean Auclair. Pas autant que Jospin !
    M. André Chassaigne. La Poste, dans son dernier contrat de plan, et donc en accord avec le Gouvernement, est ainsi fermement décidée à fermer des milliers de bureaux de poste en France. C'est quand même un bien mauvais préalable à un débat sur le développement local !
    Comment pouvez-vous légitimement espérer renforcer l'attractivité des territoires ruraux non seulement sans essayer d'améliorer la couverture en services publics de proximité, mais en plus en laissant ces services publics disparaître les uns après les autres ? Aucune famille, aussi désireuse soit-elle de vivre à la campagne, ne s'installera en zone rurale sans école de proximité pour les enfants, sans médecins ou hôpitaux, sans services de télécommunications.
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Très bien !
    M. André Chassaigne. L'attractivité du monde rural et le maintien d'une population jeune exigent aussi une politique d'accompagnement de tous les éléments qui font la qualité de la vie.
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Absolument !
    M. André Chassaigne. Je pense en particulier à l'offre culturelle, que les services de l'Etat délaissent désormais en milieu rural au profit des manifestations d'envergure. Les actions culturelles qui se développaient depuis une vingtaine d'années, au quotidien ou sous forme de festivals d'été, disparaissent les unes après les autres. Les réseaux de diffusion, que ce soit le cinéma ou les spectacles vivants, ont toujours plus de difficultés à survivre. Et votre texte occulte complètement cette question - comme bien d'autres d'ailleurs -, pourtant déterminante pour le devenir du monde rural.
    Il existe pourtant une demande forte pour venir habiter à la campagne. Mais la faiblesse de l'offre locative et de l'offre immobilière ne permet pas de répondre à cette demande, et le danger est grand de ne favoriser que les couches moyennes et supérieures, par ailleurs plus mobiles pour accéder à des services éloignés, et de rejeter nos concitoyens aux revenus modestes ou en grande difficulté sociale dans les ghettos des villes. Cela ne pourra qu'accentuer la fracture sociale et territoriale.
    Le retour des retraités dans les campagnes dont ils sont originaires et l'arrivée dans ces mêmes campagnes de populations venues de France et d'ailleurs, notamment d'Europe du Nord, en quête d'une meilleure qualité de vie aiguisent encore davantage le problème du manque de logements en zone rurale. Ce problème appelle une réponse des pouvoirs publics qui permette à chacun de vivre dans des logements de qualité. Ainsi, des mesures doivent être prises pour permettre aux collectivités locales et aux offices publics d'HLM de développer une offre de logements sociaux en nombre suffisant. Cela suppose de relancer les aides à la pierre et de financer des aides nouvelles. Or les moyens manquent pour rénover le bâti existant dans les bourgs ruraux et les hameaux, et pour limiter le mitage de l'espace communal et la diversification du bâti par des constructions nouvelles. Dans ce domaine du logement comme dans bien d'autres, les décisions du Gouvernement, en particulier dans le PLF 2004, vont lourdement peser sur le devenir des territoires ruraux.
    Aussi, loin de chercher à ralentir les évolutions économiques et sociales à l'oeuvre dans nos campagnes, ce projet de loi, par certaines de ses dispositions, cherche même à les accélérer. Le meilleur exemple en est certains articles concernant l'agriculture, qui ne cherchent qu'à faire sauter certains verrous législatifs à l'agrandissement des exploitations et donc à précipiter l'accumulation capitaliste et foncière dans nos campagnes. C'est évidemment inacceptable.
    Ce projet de loi ne répond donc ni aux promesses du Gouvernement ni aux attentes de nos concitoyens. En aucun cas il ne constitue une chance pour le monde rural. C'est dans cette perspective que je demande à l'Assemblée de voter la question préalable que je viens de défendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. Hervé Mariton. M. Chassaigne vient de nous démontrer qu'il y avait matière à débattre.
    Vous avez fait, cher collègue, une description intéressante. Vous avez exprimé beaucoup de conviction, mais quel désespoir ! Vous et vos amis socialistes,...
    M. Jean Dionis du Séjour. Amis ? Ça dépend !
    M. Hervé Mariton. ... lorsque vous aviez ensemble la majorité, que proposiez-vous ? Et aujourd'hui, que proposez-vous ? Des structures, toujours plus,...
    Mme Marylise Lebranchu. Non ! Il en existe déjà beaucoup !
    M. Hervé Mariton. ... quand nous voulons encourager les initiatives ; des méthodes fumeuses, quand nous préférons faire simple : des contraintes, quand nous préférons les solutions ; le désespoir et le mépris, quand nous préférons la confiance ; l'incantation, enfin, quand nous préférons le résultat.
    Vous avez évoqué l'école. Je vous invite à un voyage agréable, dans ma circonscription - 241 communes, dont la plus petite à un habitant.
    M. Henri Nayrou. Vote-t-il pour vous ? (Sourires.)
    M. Hervé Mariton. C'est donc une circonscription rurale s'il en est. Une petite commune, Bellegarde-en-Diois : à l'initiative d'un gouvernement socialiste il y a quelques années, l'école à classe unique avait été fermée.
    Mme Marylise Lebranchu. Mais pourquoi avait-elle été fermée ? C'est ça la question !
    M. Hervé Mariton. A la dernière rentrée, qui de l'avis général, dans le monde rural, a été la meilleure depuis fort longtemps, cette école à classe unique a rouvert. Alors, quelles que soient leurs convictions partisanes initiales, monsieur Nayrou, les habitants ont constaté le résultat.
    On peut aussi parler d'incantation quand on compare votre discours à notre volonté - et à nos résultats - de modernisation du service au citoyen. Je pense par exemple à la résorption des zones blanches en téléphonie mobile, ou au développement de l'ADSL.
    Pour autant, je vous l'accorde, vous n'êtes pas toujours de mauvaise volonté. Vous comme nous, à dire vrai, dans le monde d'aujourd'hui, nous ne sommes pas numériquement majoritaires dans nos camps politiques respectifs. Mais la différence, c'est que nous, nous arrivons à nous faire entendre. Pour vous, à gauche, communistes comme socialistes, et quelles que soient les bonnes volontés que vous affichez ici ce soir, on a vraiment le sentiment, et on a même eu pendant plusieurs années la démonstration, que le monde rural, la majorité d'entre vous n'y croient pas. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est pour vous une sorte de mal nécessaire, auquel il faut survivre le temps d'une majorité.
    M. Henri Nayrou. Pardon ?
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. C'est faux !
    M. Hervé Mariton. Quelques-uns, parmi vous, y croient. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Mais ils ne sont pas entendus. (« Oh ! » sur les mêmes bancs.) De ce fait, ils ne sont pas efficaces, et n'obtiennent pas de résultats.
    Nous, nous prenons l'initiative. Certes, le projet de loi que nous présente le Gouvernement ne prétend pas le contraire, il n'y a pas de méthode miracle, mais nous proposons des solutions,...
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Et pas de moyens !
    M. Hervé Mariton. ... des outils.
    M. Henri Nayrou. Lesquels ?
    M. Hervé Mariton. Nous proposons, sur ces enjeux, du travail, des efforts, et nous nous engageons à obtenir des résultats. Pour cela, chers collègues, il faut débattre. C'est pourquoi le groupe UMP votera contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Perez, pour le groupe socialiste.
    M. Jean-Claude Perez. M. Hervé Mariton a dû se laisser distraire lors de l'intervention de notre collègue André Chassaigne.
    M. Hervé Mariton. Pas du tout ! M. Chassaigne était même content que je lui réponde.
    M. Jean-Claude Perez. S'il avait été attentif, il n'aurait pas sorti autant de contrevérités ni tenu des propos que les élus locaux que nous sommes considérons comme infamants.
    Notre collègue Chassaigne a fort bien décrit les difficultés grandissantes du monde rural, il a parfaitement montré comment ce texte, qui avait suscité de l'espoir, aujourd'hui déçoit. Eloigné des conclusions du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, ce texte ne contient que des propos incantatoires, ne promet aucune solidarité nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il se contente de brasser de l'air. Dépourvu de moyens financiers, il ne porte aucune ambition pour un aménagement global du territoire et le développement rural.
    Composé de mesurettes incohérentes, pâles et sans saveur, ce projet respire la résignation.
    Parce que nous partageons tous ces arguments, le groupe socialiste votera la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. André Chassaigne. Très bien !
    M. le président. La parole est à  M. Jean Lassalle, pour le groupe UDF.
    M. Jean Lassalle. Pour les raisons déjà évoquées lors de la première motion, le groupe UDF votera contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Monsieur Chassaigne, je suppose que vous n'allez pas justifier votre vote sur cette motion ?
    M. François Brottes. Il peut le faire !
    M. le président. Oui, il en a le droit.
    M. Yves Censi. Il ne saurait pas !
    M. André Chassaigne. J'y renonce, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Cher André Chassaigne, je voudrais tout d'abord vous remercier à la fois pour votre évocation du Livradois, cher à Alexandre Vialatte et évoqué dans son Auvergne absolue, pour la conviction et la passion que vous manifestez à l'égard du monde rural.
    M. Léonce Deprez. Très bien !
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Je voudrais ensuite formuler quelques remarques.
    Tout d'abord, je ne partage pas du tout la vision que vous avez de la politique agricole européenne. Vous la décrivez comme ultralibérale. D'ailleurs, M. Lula da Silva, le président du Brésil, et d'autres représentants d'autres pays ont précisément dit le contraire à Cancùn, où nous nous sommes rendus à plusieurs, notamment des parlementaires présents ce soir dans l'hémicycle. Nous devons justement nous attacher à défendre un modèle agricole européen fondé sur des exploitations familiales, sur des productions de qualité qui reconnaissent à la fois les signes de qualité et d'indication géographique de provenance, et qui accordent une part très importante au développement rural. Une conférence s'est tenue à Salzbourg sur ce sujet, il y a quelques semaines. L'un des effets de la réforme de la politique agricole commune aboutira à renforcer le deuxième pilier de la politique agricole commune, qui traite précisément du développement rural.
    Par ailleurs, je crois pouvoir dire que depuis dix-huit mois, nous avons singulièrement majoré les moyens consacrés à la politique agricole dans les zones les moins favorisées, grâce à l'augmentation des indemnités compensatoires du handicap naturel et de l'augmentation de 70 % de la prime herbagère agro-environnementale. S'agissant de la politique en faveur de l'élevage, je rappelle que nous avons obtenu à Luxembourg, au terme d'une négociation difficile, la possibilité de maintenir un couplage à 100 % de la PMTVA - la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes -, qui était demandé par l'ensemble des organisations d'éleveurs, notamment dans le Massif central.
    Je ne partage donc pas du tout votre lecture quelque peu caricaturale des évolutions récentes de la politique agricole, qu'elle soit européenne ou nationale.
    Deuxième observation, vous avez dit qu'entre le CIADT de septembre et le CIADT de décembre, il y avait eu un déménagement du territoire et que les annonces faites n'avaient été suivies d'aucun effet. Je vous rappelle que, depuis le CIADT du 3 septembre, plusieurs mesures sont entrées en application.
    Ainsi, le projet de loi de finances pour 2004 a retenu l'exonération de l'impôt sur les sociétés dans les zones de revitalisation rurale, l'amortissement accéléré sur les investissements immobiliers, l'amortissement accéléré pour la mise en oeuvre de paraboles satellitaires, le bénéfice du FCTVA pour la téléphonie mobile.
    Par ailleurs, un décret du 28 novembre 2003 a défini les critères des zones médicalisées et la modalité de la prime d'installation des médecins en milieu rural, qui s'élève à 10 000 euros.
    Les expérimentations dans les départements ont, quant à elles, commencé pour les schémas de services publics et les mesures en faveur des technologies de l'information ont été engagées : 44 millions d'euros pour la téléphonie mobile et 100 millions d'euros pour le haut débit, financés par des fonds européens.
    Enfin, s'agissant des infrastructures, le CIADT de la fin du mois de décembre a décidé un certain nombre d'infrastructures ferroviaires et routières attendues de longue date - elles ont d'ailleurs fait l'objet de commentaires favorables de la part des élus appartenant à toutes les formations politiques.
    Pour toutes ces raisons, et parce qu'il faut débattre, bien évidemment, de ces questions, le Gouvernement n'est pas favorable à cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Je mets aux voix la question préalable.
    (La question préalable n'est pas adoptée.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

HOMMAGE AUX VICTIMES
DU NAUFRAGE D'UN CHALUTIER

    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
    M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le président, je propose à l'Assemblée d'observer une minute de silence pour rendre hommage aux victimes de la catastrophe qui s'est produite aujourd'hui. Un chalutier du quartier maritime de Guilvinec a en effet été perdu en mer. Les recherches se poursuivent mais nous déplorons déjà deux victimes. Je veux exprimer notre solidarité pour les familles durement éprouvées par cet accident, qui montre bien que, dans ce métier extrêmement difficile et exigeant, il ne faut jamais baisser la garde en termes de sécurité.
    M. le président. Monsieur le ministre, le Parlement ne peut que s'associer à cette demande de minute de silence et à vos propos, auxquels beaucoup d'entre nous, en particulier Mme Lebranchu et moi-même, sommes extrêmement sensibles. (Mmes et MM. les députés et M. le ministre se lèvent et observent une minute de silence.)

4

loi organique sur le statut
d'autonomie de la polynésie française

Communication relative à la désignation
d'une commission mixte paritaire

    M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

                    « Paris, le 15 janvier 2004.        

            « Monsieur le président,
    « Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française.
    « Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.
    « J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux même fins.
    « Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »
    Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

5

loi complétant le statut d'autonomie de la polynésie française

Communication relative à la désignation
d'une commission mixte paritaire

    M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

    « Paris, le 15 janvier 2004.        

            « Monsieur le président,
    « Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française.
    « Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.
    « J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux même fins.
    « Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »
    Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

6

Ordre du jour
de la prochaine séance

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, n° 1058, relatif au développement des territoires ruraux :
    MM. Yves Coussain, Francis Saint-Léger et Jean-Claude Lemoine, rapporteurs au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 1333).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT