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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 16 JANVIER 2004

COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du jeudi 15 janvier 2004


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE Mme HÉLÈNE MIGNON

1.  Développement des territoires ruraux. Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

Mme
Marie-Françoise Pérol-Dumont,
MM.
Jean Lassalle,
André Chassaigne,
Jean-Pierre Decool,
Jean-Claude Perez,
Jean Dionis du Séjour,
Yves Cochet,
Antoine Herth,
Kléber Mesquida,
Yves Censi,
Joël Giraud,
Michel Bouvard,
Yannick Favennec,
Mme
Geneviève Perrin-Gaillard,
MM.
François Vannson,
François Brottes,
Pierre Morel-A-l'Huissier,
Jean-Paul Chanteguet,
Mme
Juliana Rimane.
Renvoi de la suite de la discussion à une prochaine séance.
2.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE Mme HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

    Mme la présidente. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX

Suite de la discussion d'un projet de loi

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux (n°s 1058, 1333).

Discussion générale

    Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Madame la présidente, monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, mes chers collègues, l'annonce d'un projet de loi relatif au développement des territoires ruraux ne pouvait que réjouir celles et ceux qui, conscients des difficultés du monde rural, sont attentifs à son devenir. Ainsi, cette annonce avait-elle suscité de multiples espoirs tant chez les élus de tous bords que chez les différents acteurs de la ruralité. Force est de constater que cet a priori positif a vite cédé le pas à un grand désenchantement. Certes, il est peu fréquent qu'un projet de loi bénéficie d'un assentiment unanime. Pour autant, les réserves exprimées sur le texte qui nous est soumis sont recevables.
    En effet, comment ne pas relever le caractère extrêmement disparate et hétéroclite des mesures proposées et le flou inquiétant quant à leur financement - singulièrement inquiétant pour les finances locales ? Comment ne pas regretter l'absence de stratégie globale en faveur de la ruralité ? Comment ne pas regretter que les propositions les plus intéressantes - et il y en a - soient noyées dans un catalogue de mesures d'intérêt fort inégal, la lisibilité du texte ayant été rendue encore plus difficile par le rajout de diverses dispositions à visée, il faut bien le dire, quelque peu clientéliste ?
    Cela dit, monsieur le ministre, ce texte a le mérite d'exister et notre groupe s'est attaché à chercher à l'amender, plutôt qu'à se limiter à une dénonciation de ses lacunes.
    Pour respecter le temps qui m'est imparti, je n'évoquerai que quelques points, insistant prioritairement sur notre attachement à ce que, pour toutes les propositions de dégrèvement fiscal ou d'exonération visant à la relance de l'activité en zone rurale, l'autonomie financière des collectivités territoriales soit assurée, tant il serait inacceptable que ces mesures, qui auront un coût, contribuent à pénaliser davantage les collectivités les moins favorisées.
    Concernant les zones de revitalisation rurale, si la notion de densité de population est un élément à prendre en compte, le seuil, retenu en commission, de trente et un habitants au kilomètre carré laisserait de côté nombre de cantons pourtant extrêmement fragilisés. Il serait opportun de porter ce seuil aux alentours de quarante habitants, voire de s'en tenir à la notion de déprise démographique sans seuil prédéterminé.
    J'en arrive à mon dernier point : les maisons de services publics.
    A cet égard, je regrette que les préconisations du CIADT de septembre ou du CNADT d'octobre 2003 n'aient pas été intégrées dans le texte. En effet, l'accent avait alors opportunément été mis sur la nécessité de conduire des démarches territorialisées, partenariales, associant dans une dynamique de développement local les chambres consulaires, les services de l'Etat, de la région, du département, démarches devant se traduire par la constitution de plates-formes inter-institutionnelles d'ingénierie, de conseil ou d'appui, notamment dans les domaines de l'économie et de l'emploi, du logement ou des interventions sanitaires et sociales.
    A la différence des maisons de services publics, qui visent simplement à regrouper des services existants, cette démarche transversale présenterait l'intérêt de susciter de nouvelles coopérations. Les initiatives de maisons du département prises par certains conseils généraux corroborent l'intérêt de cette démarche pour le secteur rural. Je peux en attester pour ce qui concerne mon département de Haute-Vienne, où nous avons lancé ce type d'initiative.
    Toutefois, si le maintien d'un maillage de services publics de qualité est un élément déterminant d'une ruralité vivante et gage d'équité territoriale, et si les collectivités territoriales sont prêtes à se mobiliser à la place qui est la leur pour garantir l'offre de services publics, celles-ci ne peuvent ni ne veulent se substituer à l'Etat.
    Comment ne pas avoir le sentiment qu'au moment même où la représentation nationale est appelée à travailler sur un texte en faveur des territoires ruraux, la grande entreprise de mise à mal du service public est engagée, notamment - pas exclusivement - en zone rurale ? Est-il besoin de rappeler les fermetures de sections et de filières dans les établissements scolaires, les restructurations postales ou les regroupements de trésorerie dénoncés à juste titre par mes collègues Henri Nayrou et André Chassaigne ?
    Comment accorder crédit à votre texte, monsieur le ministre, et penser qu'il pourra réellement contribuer à réduire les déséquilibres territoriaux auxquels vous vous êtes référé dans votre propos liminaire quand, concomitamment, les décisions nocives pour la ruralité tombent dru ces derniers mois : réduction drastique du FNDAE, baisse de la participation de l'Etat au budget des PNR, produit de la DGF qui tend à se réduire pour les communautés de communes rurales, remise en cause d'infrastructures ferroviaires et routières, alors que l'on connaît leur importance décisive en termes d'attractivité des territoires ? Que l'on examine les cartes de l'INSEE ou de la DATAR pour se rendre compte qu'à l'évidence les zones rurales les plus frappées par la déprise démographique et économique sont celles qui sont le plus enclavées.
    Dans ces conditions, monsieur le ministre, vous conviendrez qu'il nous a fallu beaucoup de bonne volonté pour nous investir sur votre texte et pour ne pas y voir une loi de circonstance, la manifestation d'un intérêt conjoncturel pour la ruralité à la veille des élections locales à venir.
    En proposant d'ores et déjà, avant même l'adoption du projet de loi, une loi de modernisation agricole pour 2004, le Gouvernement n'a-t-il pas conforté ce sentiment de manque de substance ?
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Assurément !
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Je vous le dis avec regret, monsieur le ministre, notre déception est à la mesure des espoirs que nous avions fondés sur le texte que vous nous présentez. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.
    M. Jean Lassalle. Madame la présidente, mesdames, messieurs, c'est, en ce qui me concerne, empreint d'humilité que j'aborderai la discussion du texte qui nous est soumis. C'est un texte difficile, auquel j'attache personnellement beaucoup d'importance, car il touche à un domaine où, il faut bien le reconnaître, ni les uns ni les autres n'avons particulièrement brillé au cours des quinze ou vingt dernières années.
    Il nous faut donc aborder le problème avec beaucoup de détermination, mais sans échanger d'anathèmes car si le problème était facile, il serait certainement déjà réglé.
    Je ne souscris pas tout à fait au diagnostic optimiste que certains de mes collègues ont émis ici, s'appuyant très largement sur les études déjà menées, notamment par la DATAR.
    Je dois avouer que, lorsque j'entends parler de la « campagne des villes », de la « nouvelle campagne » et, enfin, des « campagnes isolées », je ne suis pas pleinement rassuré.
    Je sais tout le travail que M. le ministre Gaymard a consacré à la préparation de ce texte, avec ses collègues du Gouvernement qui se sont exprimés tout à l'heure à cette tribune. Je tiens à lui dire qu'il a une équipe formidable et des chargés de mission qui se mettent véritablement au service des élus, ce que, personnellement, j'apprécie beaucoup, mais ce qui ne me semble pas être le cas de tous ses collègues.
    Un député du groupe socialiste. Des noms !
    M. Jean Lassalle. Je souhaite donc lui en rendre hommage.
    Nous sommes un vieux pays. La France, troisième pays d'Europe par son territoire, est un vieux pays de traditions. La campagne a joué chez nous, et depuis toujours, un rôle incomparable. Si nous sommes devenus la société de Voltaire, la société des droits de l'homme, c'est parce que notre pays a connu, tout au long de son histoire, ce balancement entre les hommes des villes et ceux des champs, cette compréhension mutuelle et cette intelligence communautaire.
    Aujourd'hui, je me demande si l'on ne cherche pas un peu à se rassurer avec tous les zonages qui nous sont présentés.
    J'ai maintenant la chance de voyager un peu. Or, où que j'aille, je rencontre le même sentiment d'injustice, d'abandon, voire d'impuissance. Dans les campagnes des villes, on me parle de l'affreux problème du foncier, si difficile à maîtriser. Dans les nouvelles campagnes, où s'agglutinent des gens venus d'horizons très divers, on me parle des difficultés auxquelles ceux-ci sont confrontés pour trouver une trajectoire commune. Enfin, dans les campagnes dites isolées, c'est un sentiment de désolation qui prévaut. De ce sentiment de désolation, je dirai un mot dans un instant, mon collègue et ami Jean Dionis du Séjour se réservant de parler des campagnes des villes et des nouvelles campagnes.
    Ce qui manque avant tout - mais pouvait-on l'attendre de ce texte, sachant qu'une loi de programme pour l'agriculture est à venir -, c'est un esprit résolument nouveau, un souffle, une espérance.
    L'espérance ne connaît pas les barrières ni les cloisonnements. Il faut parvenir à assigner à nos campagnes une nouvelle mission historique, comme celle qu'on leur assigna au lendemain de la guerre, lorsque l'on dit à nos pères qu'il leur revenait de nourrir le pays et de préparer l'Europe.
    Il conviendra tout d'abord de se mettre au clair vis-à-vis de l'Europe. Vous qui connaissez si bien la montagne et ses difficultés, monsieur le ministre, vous semblez souvent gêné aux entournures : vous êtes entravé dans votre désir de réformer et d'adapter les textes, car le rôle de l'Europe et le partenariat entre la France et l'Europe n'ont pas été clairement définis.
    La France, disais-je, est le pays d'Europe qui a le plus grand territoire agricole et la plus forte tradition paysanne et rurale. Or je ne suis pas certain que, au cours des quinze ou vingt dernières années, nous ayons réussi à faire partager ce sentiment comme nous l'aurions dû. Et la réforme qui a eu lieu pour préparer le sommet de Cancùn n'est pas de nature à faire naître l'espérance que j'ai appelée de mes voeux.
    De nombreux agriculteurs se posent la question de leur devenir, leur nombre diminuant sans cesse, jour après jour. Vous nous disiez tout à l'heure qu'ils sont 680 000. Mais combien sont-ils à ne vivre que de l'agriculture ? Beaucoup moins. Combien seront-ils dans dix ans ? Moins encore, assurément. Il n'est pas besoin d'une courbe de l'INSEE pour se faire une idée de l'évolution en ce domaine. Il suffit de regarder chacun de nos villages : cette évolution est malheureusement inscrite dans l'état civil.
    Il nous faudra remettre d'aplomb, me semble-t-il, l'Etat dans nos territoires ruraux. Certes, je ne suis pas de ceux qui croient à l'Etat-providence, mais je crois en l'Etat qui a façonné notre pays, notre nation dans laquelle tous nos concitoyens se retrouvent. Et ce grand pays est une source de rayonnement et d'universalité pour le monde entier. Or j'ai l'impression qu'aujourd'hui nous ne sommes pas bien dans nos chaussures.
    Nous devons décréter que l'Etat a un rôle d'équilibre et de partage des chances sur l'ensemble du territoire. Bien sûr, les régions et les départements sont là. Mais alors même que je suis pour la décentralisation, je me méfie parfois des régions et des départements. Les capitales régionales reproduisent si souvent les mauvais schémas et les mauvais clichés que l'on trouve à Paris qu'il me semble qu'une définition claire de l'Europe et de la République française est nécessaire pour savoir quel rôle assigner à nos campagnes. Il s'agit de remettre ces territoires à la mode, de leur assigner une nouvelle perspective historique. Il faut reconstruire la France et convaincre nos jeunes concitoyens, eux qui aiment tellement la nature, qui aiment tellement l'environnement et qui en rêvent, que c'est dans ces pays aujourd'hui quelque peu abandonnés que peuvent se nouer de formidables aventures humaines. C'est possible, mais à condition que l'état d'esprit change et que ces pays redeviennent, comme je viens de le dire, à la mode.
    Tous mes collègues l'ont déjà rappelé avec beaucoup de talent : les campagnes isolées se meurent. Tout ferme, tout s'en va, ça fait vieux, ça sent le deuil ! On me dira que les choses vont aller mieux. Mais je ne crois pas que quelque chose soit jamais redressé dans notre pays un jour sans une volonté très clairement affichée et portée au niveau d'une ambition nationale. Nous avons su décréter de telles ambitions nationales pour un certain nombre de sujets. Eh bien ! Il convient aujourd'hui d'en affirmer une pour le sujet dont nous parlons, qui n'est pas qu'un sujet de société, mais qui touche à notre civilisation même.
    Notre groupe défendra des amendements concernant des mesures fiscales fortes pour les entreprises, mais aussi pour les particuliers, même modestes.
    Nous soutiendrons également des amendements pour une annonce vigoureuse en faveur des services publics, domaine dans lequel, depuis quinze ans, nous n'avons pas été bons. Il ne fallait pas laisser privatiser totalement des services dont on savait qu'on avait impérativement besoin pour que l'équilibre et l'égalité des chances puissent être effectifs sur tout le territoire. Il ne s'agit pas de tout maintenir, mais il importe que tout soit discuté.
    Nous plaiderons également pour une majoration de la dotation des collectivités rurales, de plus en plus en difficulté du fait des charges qui s'accroissent, notamment à cause de la disparition des services publics.
    Le groupe UDF se prononcera sur le projet de loi en fonction de ces objectifs et du sort qui sera réservé à nos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par une citation,...
    M. Jean Lassalle. Ah !
    M. André Chassaigne. ... qui se veut être une transition harmonieuse avec les propos de l'orateur précédent : « Je ne peux plus supporter ce double langage qui explique publiquement sa volonté à vouloir redonner vie à nos campagnes, alors que, dans le même temps, elles sont étouffées en silence dans le démantèlement systématique de ce qui reste de nos services publics, qui furent la clé de voûte de notre cohésion nationale et la garantie de l'égalité des chances pour nos territoires. »
    Ce n'est pas un extrait de la question préalable que j'ai posée tout à l'heure, mais un passage d'un courrier envoyé par Jean Lassalle à M. le garde des sceaux, le 10 septembre 2003. En toute honnêteté, il vient d'ailleurs de conclure son intervention par des propos très proches de la teneur de ce courrier.
    Mme Marylise Lebranchu. Très bien !
    M. Jean Dionis du Séjour. Ce courrier était un acte politique majeur !
    M. André Chassaigne. La pauvreté du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, comme je l'ai souligné dans la question préalable, est, je crois, le résultat d'une approche bien trop réductrice du sujet.
    Globalement, monsieur le ministre, vous vous êtes contenté de modifier des dispositions législatives que vous avez jugées inadaptées et handicapantes pour le monde rural. Vous n'avez pas essayé de concevoir un projet politique abouti. Vous avez juste tenté de corriger, par petites retouches, ce qui n'allait pas dans nos campagnes, mais vous ne vous êtes pas appuyé sur les dynamiques de développement local, dans les domaines économique, social et culturel, portées un peu partout en France par la population rurale, ses associations de terrain, ses élus, les collectivités locales et leurs groupements.
    Une analyse de toutes ces expériences, de leurs logiques internes respectives, donc de leurs convergences pour le développement local, aurait pourtant permis de dégager les contours d'un véritable projet de développement des territoires ruraux et de donner davantage de corps à votre texte. Mais une telle démarche ne pouvait malheureusement que heurter les principes guidant l'action de ce Gouvernement, car elle aurait supposé d'écouter, de consulter, c'est-à-dire de faire participer la société civile à l'élaboration de la loi.
    A mon humble niveau, j'ai essayé de concevoir mes interventions en séance sur ce texte en suivant une telle démarche. J'ai mis en place dans ma circonscription, il y a un an, un conseil chargé d'étudier le problème du développement local. Ce conseil, ouvert à tous, auquel ont participé une centaine de citoyens de sensibilités très diverses, a essayé de réfléchir, au sein d'ateliers thématiques, à un projet politique alternatif pour le monde rural. Je suis fier de porter et de reprendre, à travers une trentaine de mes amendements, les idées issues du travail de mes concitoyens.
    En bons libéraux, vous ne parvenez à concevoir le développement que comme le résultat d'initiatives individuelles et la juxtaposition de revendications corporatistes. En bons libéraux toujours, vous avez l'objectif illusoire et réducteur d'enrichir les hommes et les territoires concernés pas l'accumulation du capital ainsi créé. Les seules voies que vous imaginez consistent donc à encourager, notamment par des dispositions fiscales, le développement de ces initiatives individuelles.
    Seulement, monsieur le ministre, cette logique économique fonctionne encore moins à la campagne qu'en ville, parce que les zones rurales sont dominées et que les richesses créées sont accaparées par les banques et les industries agroalimentaires, empêchant ainsi tout développement local.
    M. Jean Dionis du Séjour. Oh !
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Très bien !
    M. André Chassaigne. Je ne prendrai qu'un exemple pour illustrer mon propos. En Auvergne, il y a trois ans, l'excédent des dépôts bancaires sur les crédits bancaires s'élevait à 8 milliards d'euros. Cela signifie que les apports financiers des Auvergnats intègrent massivement les circuits bancaires, au profit des marchés financiers, et ne sont pas réinvestis pour le développement endogène de la région.
    M. Antoine Herth. C'est une vieille histoire ! Paris a été financé ainsi ! (Sourires.)
    M. Jean Dionis du Séjour. C'est de l'orthodoxie libérale pure et dure, monsieur Chassaigne !
    M. André Chassaigne. Cette fuite de l'épargne ne peut qu'alimenter le sous-développement de nos territoires et les excès spéculatifs des marchés financiers. Imaginons un instant que cet argent soit, à l'inverse, mobilisé pour l'emploi, la formation, les salaires, les collectivités territoriales...
    M. Jean Dionis du Séjour. Il faut bien commencer par le créer !
    M. André Chassaigne. Les industries présentes en zone rurale sont essentiellement des industries de main-d'oeuvre dites « à faible valeur ajoutée », non pas que le travail qui y est réalisé soit peu rentable, mais parce que le produit de ce travail est acheté à faible prix, soit par les maisons mères des entreprises, soit par leurs donneurs d'ordres : la valeur ajoutée ainsi créée est aussitôt accaparée et centralisée dans les grands centres de pouvoir. Aussi, les travailleurs ruraux sont contraints de survivre avec des salaires de misère.
    Ces stratégies industrielles sont bien évidemment à l'origine de l'appauvrissement des territoires ruraux. A force de sous-payer leurs salariés et de ne leur offrir aucune perspective de carrière, du fait de la faiblesse de la formation professionnelle continue sur ces territoires, à force de privilégier l'emploi sous-qualifié, le plus exposé à la concurrence internationale, les campagnes voient se réduire toujours davantage le nombre de leurs actifs qualifiés.
    La problématique est malheureusement la même dans le domaine agricole. Le produit du travail des agriculteurs, en l'absence de prix rémunérateurs, est bien souvent acheté à des prix terriblement bas, soit directement par les centrales d'achat, soit par des coopératives locales, généralement impuissantes devant les prétentions des grands groupes de l'agroalimentaire et de la grande distribution. Là encore, la valeur ajoutée créée à la campagne ne profite qu'à de grands groupes capitalistes et à leurs actionnaires.
    L'exploitation du travail agricole est bien évidemment confortée par les orientations de la politique agricole commune. La PAC a réussi, à force d'encourager la baisse des prix agricoles, à socialiser l'agriculture pour mieux la dominer et l'enferrer dans une logique productiviste qui sert bien davantage les intérêts des grands groupes financiers que ceux des agriculteurs et des territoires sur lesquels ils vivent.
    L'enjeu consiste donc à mettre en place, par la multiplication d'interventions politiques et économiques territorialisées, des structures économiques permettant de maintenir au niveau local la valeur ajoutée créée sur les territoires, et à enclencher ainsi une nouvelle dynamique de développement durable. Aussi, l'Etat et le législateur ont la responsabilité de soutenir, de coordonner et d'encourager ces initiatives territoriales.
    Les collectivités publiques ont, par exemple, une lourde responsabilité en ce domaine. Elles ont, par les pouvoirs dont elles disposent, la possibilité de soutenir une animation économique territoriale dont les retombées peuvent demeurer essentiellement locales. Beaucoup ont essayé de répondre à cet enjeu en recrutant des agents de développement sous contrat précaire. Elles attendent aujourd'hui, alors que la pérennisation de ces emplois pose problème, que l'Etat prenne acte de l'utilité de tels agents publics et reconnaisse statutairement leurs métiers.
    Car l'animation territoriale est un préalable au développement local. Mon expérience quotidienne en zone rurale montre qu'en matière économique, sociale, culturelle ou de gestion de l'espace, rien n'est possible sans animation territoriale conséquente.
    La réalité de nos territoires fait aussi apparaître que le vieillissement des acteurs économiques locaux, qu'ils soient artisans, agriculteurs ou commerçants, est un des principaux, voire le principal problème, auxquels les zones rurales sont confrontées. Cette situation est une conséquence comme une source de la faible attractivité de ces territoires. Dans ces conditions, il est bien évident qu'aucun développement économique réel n'y sera possible si l'on ne parvient pas à renouveler les actifs ruraux qui vont bientôt partir à la retraite. Or votre projet de loi n'aborde pratiquement pas ce problème !
    En ce qui concerne l'agriculture, sans prendre en compte l'ensemble du sujet, maltraité en d'autres lieux, il est possible de soutenir une politique d'installation bien plus ambitieuse que celle en vigueur : est-il normal que près d'un agriculteur sur deux ne reçoive de l'Etat aucune aide financière à l'installation ? Tous ces agriculteurs, dits « hors cadre » ou encore « hors norme », restent trop souvent considérés comme des agriculteurs de seconde zone. C'est anormal et injuste, et il serait temps que la mentalité de l'Etat évolue en ce domaine.
    Le problème de l'artisanat pose, lui, deux types de questions principales, celle de la formation des jeunes artisans et celle du financement de leur installation. Là encore, des démarches individuelles ne suffiront pas. Il est nécessaire d'encourager le développement de structures collectives de soutien financier et technique qui permettent d'accompagner les jeunes dans leurs premières années d'installation. Pour ne citer qu'un exemple, les coopératives d'activité et d'emploi, là où elles ont pu se créer, ont fait leurs preuves en montrant qu'elles étaient particulièrement adaptées aux problématiques du monde rural. L'Etat ne devrait-il pas encourager leur multiplication ?
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Très bien !
    M. André Chassaigne. Ces exemples comme l'analyse de mon expérience en zone rurale m'ont persuadé que toutes les initiatives individuelles menées sur ces territoires et qui ne bénéficieraient pas de forts soutiens publics ou privés sont vouées à l'échec. Le développement ne sera que la résultante de démarches collectives. Toute initiative économique ou culturelle ne réussira qu'à condition d'être portée et soutenue par la collectivité. La construction volontariste de solidarités nouvelles à la campagne constitue, de fait, le principal vecteur par lequel pourront s'initier les dynamiques économiques et sociales qui placeront le monde rural sur les voies du développement durable.
    C'est pourquoi il est vital de chercher à développer la vie démocratique locale. Du débat et de la confrontation d'idées pourront plus facilement émerger les idées nouvelles qui feront l'avenir de nos territoires. Ainsi, il s'agit d'abord de renforcer les lieux de débat existants, en étendant, par exemple, le scrutin proportionnel à l'élection de tous les conseils municipaux, des délégués des chambres d'agriculture ou des administrateurs de la MSA, afin de diversifier la composition de tous ces lieux de pouvoir.
    Nous ne répéterons jamais assez qu'il s'agit aussi de mobiliser les ressources adéquates pour financer le développement économique. Le Crédit agricole, à force de campagnes boursières, a aujourd'hui disparu comme pôle public de financement de l'économie rurale. « Le bon sens près de chez vous » n'est plus qu'un lointain souvenir. Ne serait-il pas souhaitable de revenir sur les évolutions stratégiques récentes de cette banque mutualiste ?
    Il s'agit également de renforcer les modes de gestion collectifs et démocratiques des biens économiques en zone rurale. La constitution de sociétés coopératives devrait ainsi être encouragée. Les coopératives agricoles existantes, quelles que soient leurs dimensions, devraient pouvoir être directement contrôlées, à tous les niveaux, par les associés coopérateurs, afin d'éviter qu'elles finissent par s'apparenter à des sociétés anonymes de droit commun.
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Très bien !
    M. André Chassaigne. Le droit des sections de commune devrait être entièrement revu afin de faciliter la gestion directe de ces biens communs par leurs ayants droits.
    Il s'agit enfin de créer, dans nos communes, de nouveaux espaces de démocratie directe qui puissent aussi s'approprier des questions thématiques comme celle des services de proximité.
    Ce projet pour le monde rural requiert évidemment, pour réussir, un soutien ferme de la part des représentants de la nation : le législateur doit autoriser un certain nombre d'évolutions juridiques permettant de mettre en place ces nouvelles modalités d'animation économique et politique sur les territoires ruraux. Les amendements que j'ai déposés dans cette optique recevront, je l'espère, le soutien de notre assemblée, faute d'avoir eu celui de la commission.
    M. Kléber Mesquida. Le nôtre vous est acquis !
    M. André Chassaigne. Merci, cher camarade !
    L'Etat doit, pour sa part, assumer totalement ses responsabilités à l'égard des territoires ruraux, il doit donner à la France rurale les mêmes chances de développement qu'à la France urbaine. Plus qu'une discrimination positive en faveur de la France rurale, nous revendiquons l'égalité des droits et donc l'égalité de tous les citoyens devant le service public. Tant que l'Etat et ses démembrements laisseront nos territoires se vider de leurs services de proximité, aucun projet de développement du monde rural ne sera viable. Sans école, sans bureau de poste ou cabinet de médecin, sans connexion aux réseaux de communication ou accès à la culture, nos territoires n'ont aucune chance de sortir de la spirale du sous-développement dans laquelle ils sont entraînés.
    C'est pourquoi l'absence, dans ce projet de loi, de dispositions fortes ou d'engagements sur le sujet est extrêmement préoccupante. Notre Constitution ne nous octroie pas - c'est une terrible entrave aux règles démocratiques - le droit de solliciter de l'Etat un quelconque soutien budgétaire pour la France rurale. Plusieurs de mes amendements - je pourrais dire de nos amendements -, concernant notamment l'aide aux artisans et aux commerçants situés en zone rurale ou l'aide au processus d'installation progressive en agriculture, ne pourront même pas être discutés, du fait de l'antidémocratique article 40 !
    Je terminerai donc mon intervention en demandant que le vote du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux puisse aussi marquer la solidarité de la nation à l'égard de ces territoires.
    Et, comme il me reste quelques minutes, madame la présidente, je voulais citer Alexandre Vialatte.
    M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Ah ! Alexandre Vialatte !
    M. André Chassaigne. Peut-être trouverez-vous ce texte en décalage, mais je n'en suis pas si sûr.
    « Le huitième jour, Dieu créa l'Auvergnat. (Sourires.) Avec les restes. En ramassant les miettes. (Rires.) Il lui montra les riches plaines de la terre, la vallée du Mississipi, la plaine Saint-Denis, la molle vallée du Gange.
    « - Seigneur, dit l'Auvergnat guidé par son instinct, si vous le permettez, je prends le Puy-de-Dôme.
    « - Personne n'en veut, dit Jéhovah.
    « - Précisément, dit l'Auvergnat, il ne faut pas le laisser perdre.
    « - Mais les volcans ne sont pas éteints, dit le Seigneur.
    « - J'attendrai donc, dit l'Auvergnat, qu'ils refroidissent. »
    « Et il s'assit dans l'antichambre en comprimant son parapluie contre son coeur. Il sentait bien qu'il n'y avait que lui pour faire manger les volcans à ses chèvres. Il attendait l'eau minérale. Il s'apprêtait à lancer Chaudes-Aigues, et même Deauville. Il se demandait combien consigner le quart de vichy. » (Sourires.)
    M. Jean Dionis du Séjour. Vialatte, c'est mieux que le marxisme !
    M. Jean Launay. Le parapluie de l'histoire doit venir d'Aurillac, monsieur le rapporteur Coussain !
    M. André Chassaigne. Ce que je souhaiterais, monsieur le ministre, c'est que vous ne fassiez pas votre politique des territoires ruraux avec des restes, en ramassant les miettes. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Bravo !
    Mme la présidente. Merci de nous donner les références, afin que nous puissions lire l'oeuvre entière, cher collègue.
    La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
    M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, trop souvent relégué au rang de simple conservatoire du patrimoine naturel et espace de loisir, le monde rural éprouve un sentiment d'abandon. Depuis une vingtaine d'années, les interventions en faveur du monde rural ont été réduites au strict minimum : absence d'initiative pour réduire la fracture numérique, compression des crédits consacrés à l'aménagement du territoire, aucune amélioration des territoires ruraux dans les grands textes législatifs.
    Par ce projet de loi, il s'agit de faire évoluer le monde rural afin de le mettre en phase avec la société française et européenne. C'est pourquoi les mesures projetées s'insèrent dans un dispositif large, comprenant des annonces présentées lors du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire de septembre 2003 et des dispositions incluses dans d'autres textes : lois sur l'initiative économique, la décentralisation, les transports, le logement.
    La diversité de ces mesures est à l'image de la France rurale d'aujourd'hui, qui comprend les zones périurbaines, les campagnes isolées et fragiles, et les nouvelles campagnes. A l'intérieur de ces zones, un dialogue doit s'instaurer entre les différents utilisateurs du territoire, les ruraux, les néo-ruraux et les agriculteurs, afin de concilier les intérêts de chaque catégorie pour une meilleur mise en valeur des territoires ruraux.
    Vivre aujourd'hui dans le monde rural pose de nombreux problèmes : relations avec les administrations, accès au logement, offre de soins, spéculation foncière, handicaps de certains espaces naturels. Ce texte a l'ambition de répondre à des problématiques aussi diverses, et je me réjouis de l'état des lieux effectué et des solutions proposées.
    Il convient d'aborder quatre points : le développement des territoires agricoles, l'attractivité économique des territoires ruraux, l'amélioration des services aux personnes et la protection des espaces naturels.
    En premier lieu, s'agissant du volet agricole, de bonnes mesures ont été prises afin, d'une part, de faciliter la vie des exploitations agricoles par des mesures de simplification et, d'autre part, d'inciter les agriculteurs aux pratiques communes d'exploitation. Les règles juridiques concernant les groupements agricoles d'exploitation en commun sont précisées ; la pratique des assolements en commun est juridiquement organisée.
    En outre, les zones périurbaines font, aujourd'hui, l'objet d'une spéculation foncière excessive. Il faut donc contenir l'étalement urbain afin de maintenir dans ces zones une activité agricole. Pour cela, des outils de maîtrise foncière sont proposés.
    Certes, ces mesures agricoles doivent être complétées et précisées. Vous avez d'ailleurs annoncé, monsieur le ministre, un projet de loi de modernisation agricole, dont l'objectif premier est de tirer les conséquences de la réforme de la politique agricole commune, suite aux accords de Luxembourg de juin 2003. Lors des travaux en commission, de nombreux amendements ont été rejetés ou retirés, au motif que ces dispositions seraient abordées lors de la discussion du projet de loi de modernisation. Monsieur le ministre, quand ce texte sera-t-il discuté ? Un nouveau texte ne va-t-il pas à l'encontre des objectifs de clarté et de lisibilité ?
    Le deuxième volet important, dont les grandes lignes ont été présentées lors du CIADT du 3 septembre 2003, est la promotion des activités économiques des territoires ruraux.
    La relance des zones de revitalisation rurale par une rénovation du dispositif juridique est un point fondamental parmi les dispositions présentées. Dans ce but, le projet de loi prend en compte les données du dernier recensement de 1999. Ce renouveau du zonage rural a fait l'objet de nombreux débats dans les groupes de travail et lors des réunions de la commission puisque, comme l'a noté notre rapporteur, les dispositions fiscales sont absentes de votre projet de loi, comme elles l'étaient de la loi de finances pour 2004 et de la dernière loi de finances rectificative. Je souhaite que les propositions du Gouvernement en ce domaine soient claires, afin d'assurer le développement économique, mais aussi social, des zones rurales les plus défavorisées et désertées.
    Le développement économique des territoires ruraux suppose également de promouvoir des dispositions en faveur de la création et de la reprise d'entreprise par la simplification des démarches. Le rôle des collectivités locales doit être encouragée afin de favoriser une meilleure concertation de proximité.
    De plus, en réponse au développement du tourisme rural et à la multiplication des activités des agriculteurs et de leur conjoint, le projet de loi encourage la pluri-activité en permettant le cumul d'emplois public et privé, en simplifiant les règles de rattachement aux régimes sociaux pour les pluri-actifs non salariés, et en ouvrant le statut de conjoint collaborateur aux conjoints participant aux activités non salariées non agricoles de leurs époux pluri-actifs. La pluriactivité est l'avenir de nos agriculteurs. C'est pourquoi le tourisme vert doit être encouragé, d'autant plus qu'il contribue à valoriser l'image de nos campagnes.
    Favoriser l'emploi dans les territoires ruraux est une priorité afin de restaurer l'image de nos villages. Je tiens, à cet égard, à promouvoir les groupements d'employeurs, qui permettent de concilier les contraintes de la flexibilité et la sécurité de l'emploi.
    L'institution, en 1985, de ces groupements par le législateur constituait en réalité la légalisation de pratiques répandues dans l'agriculture, permettant aux exploitants d'employer ensemble deux ou trois personnes. Aujourd'hui, il existe plus de 3 500 groupements, employant environ 12 000 salariés. Cette formule s'est étendue à d'autres secteurs tels que l'industrie, les services, l'artisanat, les professions libérales et les associations.
    Ainsi, on estime à plus de 400 le nombre de groupements, hors agriculture, soit environ 8 000 salariés. Stabilité des emplois, fidélisation des personnes, diversité des activités, solidarité sont les marques de qualité des groupements d'employeurs. Le projet de loi permet la création de tels groupements pour le remplacement des chefs d'exploitation en cas de maladie ou d'accident.
    J'ai présenté des amendements afin d'améliorer le fonctionnement des groupements d'employeurs, de constituer une réserve fiscalisée pour financer la mise en oeuvre de la responsabilité solidaire des groupements, de faire prendre en charge par l'assurance garantie des salaires les créances salariales d'une entreprise membre d'un groupement soumise à liquidation judiciaire, et de modifier certaines règles concernant la formation professionnelle.
    Troisième point fondamental de l'amélioration de l'attractivité des territoires ruraux, les services aux personnes. Je souhaite tout d'abord accentuer mon propos en direction des commerces de proximité. Les épiceries, boulangeries et buralistes sont autant de points de rencontre, de sociabilité et de solidarité entre les générations. Leur disparition dans les zones rurales entraînerait une désertification de nos campagnes. J'attire également votre attention sur la présence postale qui, outre les missions de distribution du courrier, joue un rôle primordial de lien avec les utilisateurs du territoire. Il est donc vital pour nos villages de maintenir les bureaux de poste.
    Concernant la défense des commerces, je tiens à lancer un débat sur le développement des magasins de type hard discount dans les communes rurales. La loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat a réformé l'urbanisme commercial en soumettant à autorisation préalable d'exploitation commerciale la création de tout magasin d'une surface de vente de plus de 300 mètres carrés. En 1996, les magasins de ce type avaient en effet une surface située en moyenne entre 300 et 600 mètres carrés, et entraient donc dans le cadre de cette législation.
    Cependant, de plus en plus de communes doivent faire face à l'implantation de commerces de ce type, d'une surface de 299 mètres carrés, ce qui leur permet donc d'être exemptés de l'obligation d'autorisation administrative. Ce phénomène tue les petits commerçants, indispensables à l'économie locale. C'est pourquoi je présenterai un amendement destiné à abaisser à 200 mètres carrés le seuil au-delà duquel une autorisation est indispensable. Je souhaite avant tout qu'un débat sur l'urbanisme commercial, dans les zones rurales ou périurbaines soit engagé.
    En matière de service au public, le projet de loi adapte le régime juridique des maisons de service public, créées par la loi du 12 avril 2000, afin de permettre l'accueil des services privés, dans le respect des règles de la concurrence, et d'envisager l'exécution d'un service public par une personne dont l'activité ne relève pas d'une mission de service public. Cette disposition est prise dans le but de faciliter l'accès aux services, mais également de simplifier les démarches des usagers.
    Un point important doit être souligné : l'installation des professionnels de santé dans les territoires ruraux. Ces derniers souffrent d'une carence en matière d'offre de soins. Il faut inciter les professionnels de santé, médecins généralistes et spécialistes, à s'installer et à rester dans nos communes rurales. Pour cela, j'estime nécessaire la régulation du nombre de spécialistes par habitant, afin que les ruraux aient un égal accès aux soins. A cet égard, je me félicite des dispositions prises en direction des jeunes étudiants et futurs médecins.
    Enfin, concernant l'égalité et la qualité des services aux personnes, j'estime que des améliorations doivent être réalisées au sein de l'école. Lors de chaque rentrée scolaire, en effet, les mêmes problèmes se posent : les fermetures de classes, la scolarisation des enfants de deux ans, les carences en matière d'offres de garde. L'école, en milieu rural, ne doit pas être une garderie mais un lieu d'épanouissement intellectuel et de savoir. Je souhaite que des solutions soient trouvées dans ce domaine dès la rentrée 2004.
    Enfin, le dernier volet concerne la protection des espaces naturels spécifiques. Ainsi, le projet de loi met en place des incitations fiscales pour favoriser la restructuration et la gestion durable des forêts privées, engage des dispositions visant à encourager les pratiques pastorales et donne des réponses aux problèmes spécifiques des zones de montagne.
    Je me réjouis également de la meilleure prise en compte des zones humides. Celles-ci représentent en effet plus de 1 700 000 hectares de territoire national et ont une valeur écologique désormais reconnue et un rôle d'infrastructure naturelle indispensable à une bonne gestion de la ressource en eau. Les territoires humides s'inscrivent dans l'espace rural français tant leur intérêt paysager, biologique, social et culturel est important. Outre ces aspects, ces zones favorisent la complémentarité et la solidarité « rural-urbain » grâce à leur multifonctionnalité hydrologique et écologique et leur multiusage. Une intervention législative dans ce domaine est donc très encourageante pour la protection, la restauration et la valorisation de ces zones. J'insiste, monsieur le ministre, sur la nécessité d'une concertation avec l'ensemble des utilisateurs du territoire pour l'identification et la délimitation de ces zones d'intérêt environnemental.
    Mme la présidente. Monsieur Decool, je vais vous demander d'aller vers votre conclusion.
    M. Jean-Pierre Decool. Ce projet de loi contient des dispositions sur la chasse. La chasse est une pratique traditionnelle que j'ai toujours défendue. La prise de conscience de la nécessité de la gestion de l'espace naturel et de la préservation de la faune et de la flore a engendré de nombreuses suspicions à l'égard des chasseurs. Cependant, ces derniers sont des utilisateurs du territoire. Ils participent à la maîtrise de la faune et au maintien des habitats naturels. La pratique cynégétique assure le maintien d'une économie rurale et locale et le développement de métiers et savoir-faire traditionnels. Elle a donc sa place dans la maîtrise écologique, sociale et économique du territoire, répondant ainsi aux objectifs de développement durable. Les dispositions sur la chasse ont donc été justement insérées dans ce texte relatif au développement des territoires ruraux.
    Ce projet de loi, monsieur le ministre, traite des territoires ruraux et, pour cette raison et les différents points que j'ai développés, le groupe UMP soutiendra ces différents dispositifs pragmatiques et innovants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Perez.

    M. Jean-Claude Perez. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, autant le dire : le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux est loin, très loin même, de recueillir l'assentiment général. Il se résume malheureusement à des effets d'annonce et ne prend en compte aucune des véritables difficultés auxquelles sont confrontés aujourd'hui les habitants des secteurs ruraux.
    Ce texte est un texte de circonstance, hétéroclite, composite, sans véritable cohérence et où les aspects sociaux et fiscaux sont complétement absents.
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. C'est vrai !
    M. Jean-Claude Perez. Nous cherchons encore les mesures spécifiques et les moyens budgétaires qui vont être dégagés pour mettre en oeuvre une politique de revitalisation des territoires efficace et digne de ce nom.
    Vous l'avez vous-même déclaré lors de votre audition par la commission des finances : « Ce projet ne coûtera rien à l'Etat. » Mais faut-il vraiment en être fier, monsieur le ministre ? De fait, il n'aura donc, et vous le savez pertinemment, aucune incidence, aucun impact sur le développement économique des territoires ruraux, car il y manque deux choses, les moyens et la volonté.
    Ce projet est donc fade et non avenu et s'il fait l'unanimité, c'est contre lui. D'ailleurs, l'ensemble des acteurs ruraux l'a sévèrement critiqué. Vous avez réussi le tour de force, assez remarquable, je dois le dire, de les réunir dans le mécontentement et la déception : les agriculteurs, les artisans, les médecins, les agents de la fonction publique, les élus - y compris dans votre majorité, d'ailleurs - et enfin les habitants de ces territoires eux-mêmes.
    Vous promettez le grand soir aux agriculteurs avec l'examen de votre future loi d'orientation agricole...
    M. Michel Buillard. N'exagérons rien !
    M. Jean-Claude Perez. ... et le sujet est traité a minima. A propos des agriculteurs, d'ailleurs, il m'étonnerait fort que les viticulteurs audois attendent votre projet de loi pour demander comment vous allez vous opposer au projet de taxe sur les alcools qui va les mettre un peu plus en difficulté.
    M. Kléber Mesquida. C'est vrai !
    M. Jean-Claude Perez. Pour ce qui a trait aux professions de santé et aux problèmes de démographie médicale dans les campagnes, on nous annonce un texte sur le sujet. Pour La Poste, idem. Les véritables enjeux sont donc reportés à demain et, franchement, l'on se demande encore à quoi sert ce texte.
    Je remarque qu'après la loi de décentralisation, ce projet va porter un deuxième coup très rude aux collectivités locales.
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. C'est une véritable catastrophe !
    M. Jean-Claude Perez. Il représente en effet une occasion manquée, une de plus, et la farce - car c'est de cela qu'il s'agit - réside dans le fait que les seuls dispositifs quelque peu attractifs qui y figurent doivent être financés par les collectivités elles-mêmes !
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Eh oui !
    M. Jean-Claude Perez. Pour résumer, vous leur dites : « Vous avez des droits nouveaux, mais il faudra vous les payer. » On pouvait légitimement espérer mieux, vous l'avouerez, en matière de solidarité.
    Ce projet, monsieur le ministre, va amplifier les mesures négatives contenues dans la loi de décentralisation en accentuant encore l'inégalité des territoires et des citoyens. Il va à l'inverse de ce que l'on était en droit d'en attendre.
    Pour vivre et pour entreprendre une politique de développement durable, le monde rural a besoin d'un engagement fort, de solidarité. En nous proposant ce texte bafouant toute notion de solidarité entre les territoires, la majorité reste fidèle à elle-même, elle est finalement là où on l'attendait et dans la droite ligne de l'action qu'elle a engagée depuis juin 2002.
    Nous attendions un chemin, un sillon, une véritable perspective. Il n'y aura rien. Nous attendions de savoir comment préserver les services publics, garants de l'égalité entre les citoyens sur tout le territoire, les bureaux de poste et les écoles, et il n'y aura rien, si ce n'est le néant et l'ouverture au privé des missions dévolues aux services publics.
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Très bien !
    M. Jean-Claude Perez. En provoquant des désillusions, en ne répondant pas aux attentes légitimes des habitants du monde rural, vous laisserez perdurer le malaise qui règne dans nos campagnes. Et nos citoyens, une fois encore, auront l'impression d'être des citoyens de seconde zone. Je le regrette. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.
    M. Jean Dionis du Séjour. « Vous avez quinze jours pour quitter Paris. » Telle est, mes chers collègues, la phrase clé de la campagne de publicité conçue par les Lot-et-Garonnais à destination des Parisiens. C'est dire notre foi dans la qualité de vie chez nous, en Lot-et-Garonne. (Sourires.)
    C'est peu dire que ce texte, censé renforcer notre attractivité, était attendu chez nous, dans cette terre rurale qui fait vivre en moyenne trois fois plus d'actifs agricoles que dans le reste de la France. Il est attendu depuis huit ans.
    En effet, alors que la loi Pasqua instituant les zones de revitalisation rurale avait prévu un texte d'application spécifique consacré aux zones rurales en difficulté, aucune suite législative n'a jamais vu le jour.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Hélas !
    M. Jean Dionis du Séjour. Le présent projet de loi doit donc permettre de redéfinir et relancer la politique de revitalisation rurale restée en déshérence alors que sa soeur jumelle - la politique de redynamisation urbaine - a connu en huit ans un essor remarquable qui a culminé avec la loi Borloo du 1er août 2003.
    C'est pour cette raison qu'avec mes collègues Alain Merly et Michel Diefenbacher, nous avons auditionné la plupart des acteurs locaux de la ruralité lot-et-garonnaise, agriculteurs, médecins et associations.
    Merci donc, monsieur le ministre, d'avoir fait preuve de volonté et de l'énergie nécessaire pour nous permettre de débattre et de construire une nouvelle politique rurale. Compte tenu de l'ampleur du mouvement de réformes en cours, il n'a pas dû être facile de vous imposer.
    Mais l'honnêteté m'oblige à vous rendre compte, à vous qui disposez d'un vrai crédit chez nos paysans, d'un certain scepticisme sur la question de savoir si ce projet de loi est à la hauteur des enjeux et du malaise de la ruralité lot-et-garonnaise.
    Ce malaise est profond, il dure depuis longtemps et nous ne pouvons pas en ignorer les symptômes. Faisons donc un effort de mémoire : en 1992, les départements du Gers et du Lot-et-Garonne connaissent, à l'occasion de l'adoption de la PAC, de vraies jacqueries. Nos agriculteurs, atteints dans leur dignité de producteurs, ont véritablement « craqué ». Il faut se le rappeler lorsqu'on prétend envoyer plus d'argent dans les banlieues, en raison des risques d'explosion, que dans nos campagnes, qui resteraient toujours tranquilles.
    L'année 1992 est également celle où notre département rejette massivement, avec 53 % de « non » contre 47 % de « oui », le traité de Maastricht, ce qui montre clairement - Jean Lassalle en a fait mention - que les populations rurales font de l'Europe actuelle une des responsables de leurs difficultés. Il faudra également se le rappeler au moment de retourner devant le peuple à l'occasion d'échéances européennes majeures.
    Enfin, en 2002, le vote en faveur du Front national approchait 25 % dans la partie rurale de ma circonscription, pourtant de tradition politique modérée et raisonnable, puisque marquée par des personnages radicaux-socialistes tels que le président de la République Fallières. Ce vote est un signal clair de la désespérance d'une ruralité qui souffre.
    Je n'aurai pas terminé mon diagnostic sans souligner que les zones périurbaines - jusqu'à trente kilomètres autour d'Agen - vivent un vrai retournement de tendance historique. Jamais ces communes n'ont eu autant d'enfants dans leurs écoles ni de permis de construire à traiter. Les rurbains sont là, quittant les villes et même la première périphérie pour s'installer dans une vaste zone de « rurbanité ». Je le sais, car je vis dans cette « campagne des villes ».
    Certes, ces installations ne se passent pas forcément toujours bien. Qui n'a pas entendu parler des conflits entre le coq qui chante et le voisin qui dort, entre le paysan qui traite ses champs le dimanche et le citoyen qui jardine ? Il n'empêche ! Cette campagne-là a du vent dans les voiles ! Elle a besoin de s'équiper et de développer des services. L'heure de vérité sera celle du débat sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales et de la mise en place - ou non - d'une vraie péréquation financière entre la France riche et celle qui l'est moins. Mais cette France-là, au moins, a à nouveau le sourire et la foi dans l'avenir.
    M. Léonce Deprez. Très bien !
    M. Jean Dionis du Séjour. Mais il y a une campagne qui souffre. Vous parlez de 800 cantons : moi, j'ai dans le coeur les villages du Sud-Albret et du Mézinais. Cette campagne a le dos au mur. Elle recule sur tous les fronts : moins d'habitants, moins d'emplois, donc moins d'enfants et moins de services publics, des élus qui n'en peuvent plus et ne savent comment sortir du cercle vicieux du déclin, des habitants en colère qui, après la poste et les commerces, voient partir l'école...
    M. Yves Cochet. Eh oui !
    M. Jean Dionis du Séjour. C'est cette France-là qu'il nous faut avoir le courage d'aider.
    Alors, à défaut, monsieur le ministre, de trouver la « mesure philosophale », quelles sont les vraies questions clés du développement rural ? A l'UDF, nous en voyons trois.
    Premièrement, quelle doit être la vocation de nos agriculteurs ? Il n'est pas de ruralité vivante sans paysans - pardon pour la banalité de cette remarque. Mais nos agriculteurs attendent d'abord la traduction nationale de l'accord de Luxembourg pour retrouver une certaine foi dans l'avenir. Dans mon département, où 400 jeunes nouveaux agriculteurs s'installaient chaque année, nous sommes tombés à moins de 70. C'est dire l'ampleur du malaise paysan dans une région réputée pour sa prospérité agricole.
    J'ai bien compris que nous n'en parlerons qu'à la fin de l'année au moment de la loi de programmation rurale. Mais il est vrai qu'à l'UDF nous aurions préféré un texte unique et fondateur.
    Deuxièmement, qui sont aujourd'hui les ruraux qui souffrent ? Je suis de ceux qui pensent - et j'étais en désaccord sur ce point avec ma collègue socialiste - que nous ne devons pas avoir peur d'ouvrir le débat sur la redéfinition des ZRR et des moyens de se mobiliser pour elles.
    Aurons-nous le courage politique de ne plus saupoudrer les aides et de concentrer notre effort financier et fiscal sur les territoires les plus fragiles ? Irons-nous jusqu'à créer des zones franches rurales ? Je sais, monsieur le ministre, que vous n'y êtes pas très favorable, mais le débat mérite d'être posé, et nous sommes nombreux, au sein de la majorité parlementaire - qu'il s'agisse de l'UMP ou de l'UDF - à le réclamer. Voilà qui serait un bel instrument pour garnir votre boîte à outils, monsieur le ministre.
    Certes, nous allons pouvoir ouvrir le débat fiscal ces prochains jours et il faudra bien aborder la question cruciale de la péréquation. Acceptez donc le débat dès maintenant, monsieur le ministre. Nous vous présenterons des propositions concrètes dans ce texte même. Dans le cas contraire, cette discussion serait repoussée pour très longtemps car, si j'ai bien lu, ce sujet n'est pas abordé dans le projet relatif aux responsabilités locales.
    Troisièmement, quels services publics pour cette ruralité qui souffre ?
    A cet égard, le texte apporte certaines réponses intéressantes, pour les médecins notamment. Néanmoins, il conviendrait d'élaborer une politique d'ensemble des services publics et je tiens à apporter ici le témoignage que les ruraux ne sont pas des citoyens un peu dépassés qu'il faudrait accompagner psychologiquement. Non ! Ils sont prêts à entendre des discours de vérité ! Le seul qu'ils ne peuvent accepter est celui de la marche arrière sur tous les dossiers. Ils peuvent admettre une réorganisation de La Poste, si la desserte reste bonne, notamment si la téléphonie mobile et Internet apportent d'autres réponses. Ils peuvent aussi accepter la réorganisation des forces de gendarmerie, si les délais d'intervention ne sont pas allongés et si leur efficacité est accrue. Ils sont favorables au mouvement, à condition qu'il aboutisse à une nouvelle modernité rurale et pas au déclin.
    Nous regrettons qu'il n'ait pas été prévu de traiter de ces questions centrales dès maintenant. Nous utiliserons cependant notre droit d'amendement pour défricher le terrain sur ces sujets dès ce débat. Nous travaillerons aussi avec le Gouvernement sur les textes relatifs aux responsabilités locales et à la programmation agricole quand nous en serons saisis. Toutefois, nos concitoyens ruraux ne comprendraient pas que nous ne commencions pas ce travail dès aujourd'hui.
    Est-ce à dire que ce texte est sans enjeu et inutile ? Pour nous, la réponse est évidemment négative, car il traite de problèmes très réels en apportant des réponses et des mesures certes techniques mais utiles. Je participerai personnellement à ce travail pointilleux en vous proposant une série d'amendements bien ciblés. Merci, monsieur le ministre, de m'encourager dans mes débuts de législateur impressionniste. (Sourires.)
    M. François Brottes. Parfois pointilliste !
    M. André Chassaigne. Mais pas surréaliste !
    M. Jean Dionis du Séjour. En définitive, ce texte sera-t-il un échec ou une réussite ? Le résultat se jouera au Parlement. Si nous avons l'audace et la liberté d'esprit de le bonifier, tous ensemble, il sera utile. Sinon, il sera un échec, perçu dans nos campagnes comme un abandon supplémentaire.
    M. Kléber Mesquida. Alors, il faut nous rejoindre !
    M. Jean Dionis du Séjour. Il appartient donc au Parlement de l'enrichir par voie d'amendements, comme le groupe UDF a commencé à le faire en commission des affaires économiques. A cet égard, je salue une nouvelle fois le climat qui règne dans cette commission.
    Jean Lassalle a souligné, au nom de notre groupe, les sujets qui nous semblent prioritaires pour l'intérêt général des territoires ruraux et qui ont fait l'objet d'amendements de notre part : une vraie relance volontariste des ZRR avec la création de zones franches rurales, un redéploiement moderne des services publics en milieu rural et la poursuite de la démarche de confiance envers les chasseurs. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Yves Cochet. Pas trop !
    M. Jean Dionis du Séjour. A cet égard, les amendements de mes collègues Charles de Courson et Stéphane Demilly permettront d'achever la réforme de l'ONCFS.
    Monsieur le ministre, il faut faire preuve d'audace pour nos campagnes !
    M. Yves Cochet. C'est « dantonesque » !
    M. Jean Dionis du Séjour. Elles sont un atout potentiel énorme pour notre nation. Ce serait tout de même un comble que seuls les touristes anglais et néerlandais le comprennent ! Je ne peux pas imaginer que nous échouions dans une tâche aussi importante. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire).
    Mme la présidente. La parole est à M. Yves Cochet.
    M. Yves Cochet. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, parlons d'abord de la chasse ! En neuf mois seulement, le tableau de chasse du Gouvernement est très lourd (Rires) : arrêtés d'ouverture de la chasse suspendus au mois d'août, arrêtés de fermeture annulés en décembre, signature de deux arrêtés de dérogation en septembre.
    M. Jean Auclair. Très bien !
    M. Yves Cochet. Pas « Très bien ! » puisque le Conseil d'Etat vous désavoue !
    M. Jean Auclair. Bravo le Gouvernement !
    M. Yves Cochet. Il est d'ailleurs désespérant de constater que, lorsqu'on parle de chasse, les principaux sujets abordés sont - vous le savez bien, monsieur Lemoine - les dates, les heures et les modes de chasse. Pourtant, je vous rappelle, mes chers collègues, que si la nature se meurt - comme le montre l'augmentation de l'empreinte écologique française depuis vingt ans -, tous les discours se révéleront inutiles.
    En un mot, monsieur le ministre et chers collègues, il faut cesser d'écouter quelques extrémistes...
    M. Jean Auclair. Les Verts ? (Sourires.)
    M. Yves Cochet. ... qui se fichent, d'ailleurs, de la chasse et de la nature, et qui utilisent la chasse à des fins électorales. Non ! On doit au contraire dépolitiser la chasse, écouter les chasseurs raisonnables, car ils sont nombreux. Je pense en particulier à la plupart des associations nationales de chasse, notamment celles qui sont spécialisées.
    Par ailleurs, vous avez fait le choix de confier aux collectivités territoriales un certain nombre de responsabilités, sans toutefois accompagner ces transferts de compétences des moyens budgétaires adéquats. Il est évident que cela risque de provoquer une augmentation de la fiscalité locale dans les zones concernées. De plus, les mesures prises en faveur de l'amélioration de l'accès aux services publics ne compensent pas leur démantèlement à venir dans les zones rurales. D'ailleurs, mes collègues socialistes et communistes en ont déjà parlé en évoquant les suppressions de bureaux de poste, les fermetures de classes, l'abandon de lignes de chemin de fer, etc.
    Dans ces conditions, comment ne pas se demander si, au travers des modifications du régime juridique des maisons de service public, ne se dessine pas une privatisation sournoise de ces services publics en milieu rural ? Votre texte donne l'impression que ce que le Gouvernement offre d'une main, il le reprend de l'autre. Il excelle aussi dans l'art de la sémantique ambiguë.
    Nous devons agir pour que les milieux naturels soient protégés. Cela relève de votre mission, monsieur le ministre, et de celle de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Je vais en prendre deux exemples.
    Le premier - qui correspond à notre premier devoir - concerne la nécessité de protéger les espaces naturels contre l'essor des sports motorisés. J'ai déposé trois amendements en ce sens, car j'estime qu'il faut modifier la loi du 3 janvier 1991 et interdire la circulation de ces véhicules en dehors des voies normales, ainsi que la publicité honteuse qui les montre dans des espaces protégés. Eduquer à l'environnement, à la nature, au développement durable, c'est aussi changer de mode de communication. Il est scandaleux que des publicités télévisées pour des 4 x 4 soient tournées dans des milieux naturels, et qu'une étape du Paris-Dakar traverse une zone protégée !
    Le deuxième exemple est relatif aux zones humides. A ce propos, je me félicite que la commission ait adopté mon amendement - un sur une trentaine que j'avais déposée, monsieur le président de la commission - prévoyant un programme d'action en zones humides et visant à préserver ces zones. Toutefois, il faut aller plus loin, notamment en élargissant les attributions du conservatoire du littoral et des espaces lacustres aux zones humides des départements littoraux, voire, dans certains cas, aux départements limitrophes. Ce serait une démarche intéressante, mais encore faut-il mettre en oeuvre les moyens financiers nécessaires.
    Malheureusement, comme je l'ai souligné lors du débat budgétaire, les crédits du ministère de l'écologie et du développement durable seront encore en régression en 2004 : 860 millions d'euros dont seulement 93 millions pour les parcs nationaux et régionaux, le réseau Natura 2000 et le conservatoire du littoral ! Comment voulez-vous intervenir efficacement avec si peu d'argent ?.
    Il aurait été opportun de créer un conservatoire national des zones humides qui aurait intégré l'observatoire national des zones humides et qui aurait pu travailler en concertation avec le conservatoire du littoral, compte tenu de l'ampleur du désastre écologique dont témoigne l'accroissement de notre empreinte écologique.
    Le troisième et dernier point de mon intervention portera sur la maîtrise de l'urbanisation dans les espaces périurbains, qui est un problème à la fois national et international. En effet, l'expansion des villes s'est opérée de manière plus ou moins anarchique, évidemment au détriment des espaces agricoles et naturels situés à leurs portes.
    M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les dispositions relatives à la chasse. On commence à s'en occuper !
    M. Yves Cochet. Comment, monsieur Lemoine ?
    Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Cochet, ne vous laissez pas interrompre.
    M. Yves Cochet. En France, ce processus de périurbanisation existe autour de la plupart de nos villes et se traduit par une banalisation des paysages ruraux, par la destruction de ressources naturelles, par la disparition des exploitations agricoles les plus fragiles, notamment dans certaines activités traditionnelles, comme le maraîchage qui alimentait les villes en produits frais, et l'arboriculture fruitière.
    Pour en revenir à la chasse en terminant, je veux évoquer un incident survenu ce matin, en forêt de Saint-Leu, c'est-à-dire à vingt kilomètres d'ici, dans le Val-d'Oise. En effet des chasseurs ont repoussé les armes à la main des jeunes qui, comme le préconise une publicité gouvernementale, tentaient de lutter contre l'obésité en faisant du jogging. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Vous ne serez pas surpris que nous nous opposions à votre projet de loi, qui ignore le développement durable, malgré les cartes de voeux de Mme Tokia Saïfi.
    Mme Marylise Lebranchu. Très bien !
    Mme la présidente. Je pense que les chasseurs de ce matin n'étaient pas de vrais chasseurs. Sinon, ils ne se seraient jamais permis de repousser des jeunes de cette façon. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Yves Cochet. Ils avaient tout de même des armes !
    Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Herth.
    M. Antoine Herth. Monsieur le ministre, vous avez été chargé par le Gouvernement de coordonner les travaux sur ce projet de loi relatif au développement des territoires ruraux et de le défendre. Vous le ferez, je le crois, avec le souci de maintenir la cohérence globale de ce texte, tout en permettant aux parlementaires que nous sommes d'y apporter notre touche, de l'améliorer et de le rapprocher encore davantage des préoccupations du terrain. En tout état de cause, ce projet de loi répond à une véritable attente et je vous en remercie.
    En le proposant à l'examen de l'Assemblée nationale, le Gouvernement a vu juste. En travaillant comme elle l'a fait, c'est-à-dire de façon constructive, la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, menée en connaisseur par son président Patrick Ollier...
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Merci, monsieur Herth !
    M. Antoine Herth... a permis à toutes les sensibilités de s'exprimer.
    M. Jean Dionis du Séjour. Tout à fait !
    M. Antoine Herth. Parler de la ruralité, c'est se pencher sur le puzzle de la diversité française : ce qui est vrai en Alsace ne l'est pas forcément ailleurs, par exemple chez vous, ou en Auvergne ; une mesure qui répond aux besoins de la montagne ne règle pas nécessairement les problèmes de la plaine. Les trois rapporteurs du texte ont accompli un travail considérable d'écoute et de reformulation, et je tiens à les en remercier.
    Monsieur le ministre, j'insiste sur les travaux de la commission, pour souligner le foisonnement d'idées qu'a suscité l'examen du projet de loi. Ces demandes, non satisfaites pour certaines, nourriront bien évidemment nos travaux ultérieurs. Ainsi, le souhait d'une législation adaptée aux particularités de chaque territoire nous renvoie évidemment vers le projet sur les responsabilités locales, dont nous serons saisis prochainement. De même, le futur texte sur l'eau devrait permettre de répondre à celles et à ceux qui souhaitent renforcer les outils publics de préservation des ressources naturelles.
    La place et le rôle de l'activité agricole en milieu rural mérite aussi une réflexion approfondie, qui va au-delà de ce qu'il est possible d'inscrire dans ce texte. Trop de paramètres restent incertains : comment et quand sera appliquée la nouvelle PAC ? Quel sera son impact sur le statut de l'exploitation agricole ? Quelles conséquences faut-il en tirer en matière de politique des structures ? Comment faire évoluer les outils de pilotage des activités agricoles ? Quels seront la place et le rôle des établissements de formation agricole, question que vous avez évoquée, monsieur le ministre ? A quel rythme les pratiques agricoles pourront-elles intégrer les attentes environnementales ? Quel rôle la France veut-elle donner aux industries agro-alimentaires et aux coopératives agricoles ? Quelles conséquences faut-il en tirer en matière de politique d'installation ?
    Voilà quelques-unes des questions auxquelles il nous faudra répondre, avant de bouleverser, si cela était nécessaire, les règles du jeu fixées au début des années soixante.
    Je doix exprimer ma surprise face aux critiques virulents dont les SAFER, les ADASEA - c'est-à-dire les associations départementales pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles - et, dans une moindre mesure, les chambres d'agriculture, ont été les cibles. Leur travail n'est pas parfait, je le sais, mais est-ce la faute aux structures ? Leurs dirigeants ont peut-être quelque responsabilité dans cette imperfection, et je pense que l'attitude du gouvernement précédent, qui a constamment manifesté sa méfiance vis-à-vis des organisations agricoles, n'a pas encouragé celles-ci à prendre leurs responsabilités en toute situation. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bien !
    M. Antoine Herth. Monsieur le ministre, chers collègues, ce texte adresse un double message au monde rural : le premier est que la France n'oublie pas sa ruralité ; le second est que l'Etat veut donner aux acteurs locaux la possiblité de s'inscrire dans une véritable dynamique de développement. C'est pourquoi nombre de nos amendements visent à clarifier, à décomplexifier, à décoincer parfois une loi trop rigide ou marquée par le temps.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Pragmatisme !
    M. Antoine Herth. J'interviendrai personnellement sur plusieurs sujets, notamment sur les SIVU forestiers, afin de faciliter la vie des élus locaux et de ceux qui habitent encore sur ces territoires. Je forme le voeu que le Gouvernement soit sensible à l'état d'esprit de cette démarche et qu'il acceptera, autant que possible, de suivre l'hémicycle.
    M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !
    M. Antoine Herth. Monsieur le ministre, ce texte, à l'image des produits de nos terroirs, poursuit sa lente maturation et s'enrichit au fil de nos travaux. Certains esprits chagrins craignaient l'indigence. Je constate aujourd'hui que nous sommes plutôt face à l'opulence, et je m'en réjouis. C'est cela aussi, la ruralité. Sa diversité n'a d'égale que sa générosité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Kléber Mesquida.
    M. Kléber Mesquida. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons examiner le projet de loi de développement des territoires ruraux, alors que le constat d'une France où s'aggrave la fracture territoriale est de plus en plus vrai.
    Certes, l'attractivité des zones rurales est forte et l'on y constate, au dernier recensement, une progression de 250 000 habitants depuis 1990, alors même que certaines grandes agglomérations et centres urbains perdent de la population. Il faut s'en réjouir pour certains territoires ruraux dans lesquels la jeunesse fait défaut, mais ce regain d'attrait pour le monde rural est très contrasté et créé également de nouvelles attentes, notamment en matière de services. On voit ainsi apparaître des besoins d'équipements identiques à ceux des zones urbaines. Il en résulte, dans de nombreux secteurs désertifiés, des frustrations ou des déceptions.
    Oui, le monde rural s'est profondément modifié et l'organisation territoriale des collectivités a aussi évolué.
    Le précédent gouvernement avait commencé à répondre à ces nouvelles attentes avec des textes forts, comme la loi sur l'orientation agricole et les CTE, ou la loi sur l'intercommunalité, dès 1992. Cependant, ces textes restaient insuffisants et la concrétisation de l'annonce faite par le Gouvernement de présenter un texte sur les territoires ruraux était attendue avec impatience.
    Depuis presque un an, les acteurs du monde rural réfléchissent, se concertent et proposent des solutions pour lutter contre la désertification rurale. Tel est le sens des propositins de loi que nous avons déposées sur le sujet, comme celle sur la politique en faveur de la montagen, celle sur l'égalité des chances et l'harmonisation des dotations à l'intercommunalité rurale ou celle sur l'obligation de service pour la téléphonie mobile et le haut débit.
    Vous-même, monsieur le ministre, en juin 2003, avez annoncé pas moins de onze groupes de travail sur des thématiques larges, comme la pluriactivité, les groupements d'employeurs ou l'agriculture de groupe, ce qui impliquait, pour certains sujets, un travail interministériel. Or que voit-on aujourd'hui ?
    Il y a certes une volonté affichée, dont personne ne peut douter, mais avec quels moyens allez-vous aider ce monde rural en déshérence ? Je regrette en effet qu'aucun moyen supplémentaire conséquent ne lui soit consacré. Vous en avez d'ailleurs fait le constat lors de votre première audition par la commission, en indiquant : « L'efficacité d'une réforme ne se mesure pas à l'ampleur des crédits attribués. » Monsieur le ministre, cela me rappelle l'adage selon lequel l'argent ne fait pas le bonheur. Mais chacun sait qu'il y contribue !
    Au-delà des déclarations d'intention, nous devons donc passer aux actes. C'est d'ailleurs le sens de nombreux amendements que nous avons présentés en commission et que nous défendrons en séance qu'il s'agisse de la pérennité des aides en zones de revitalisation rurale, du développement des moyens d'intervention publics comme le renforcement du rôle des SAFER ou du maintien des services publics et de la garantie de l'accès pour tous aux nouvelles technologies.
    Pour ce qui est des services publics, le Gouvernement pourrait au moins garantir le respect des principes et empêcher l'accentuation de la fracture territoriale, ce qu'il ne fait malheureusement pas.
    Alors que nous avions souhaité un moratoire, monsieur le ministre, votre gouvernement accentue le désengagement de l'Etat dans les services publics, dont la disparition semble programmée. A nos yeux, vouloir réaffirmir leur rôle essentiel en instituant des obligations légales avant les fermetures, préconiser des études d'impact, mais aussi se prémunir contre l'inégalité tarifaire en matière d'accès aux nouvelles technologies constituent, entre autres, des garants contre la dérégulation qui s'organise alors que nous tenons à la continuité du service public.
    Pour cela, il aurait fallu prendre le temps de débattre de la notion de service public et de ses obligations. Il est vrai que la vision libérale, qui est celle du Gouvernement, se décline aussi dans ce texte, où s'applique uniquement le principe de rentabilité. Un élu rural sait, lui, que, dans de nombreux endroits, le rôle du facteur est tout autant un lien social qu'un service au public. Porter atteinte à cette organisation territoriale des services aura un impact social aussi lourd que la dérégulation du droit du travail que nous connaissons par ailleurs.
    Monsieur le ministre, au terme de mon intervention et pour illustrer mes inquiétudes concernant le maintien des services publics, je rappellerai la suppression au 1er janvier 2004 de dix-sept perceptions dans mon département de l'Hérault. Cette décision, il faut le reconnaître, est aussi incompréhensible qu'inacceptable...
    M. Jean-Paul Chanteguet. Et ce n'est pas fini !
    M. Jean-Claude Perez. C'est intolérable !
    M. Kléber Mesquida. ... pour un département qui accueille pas moins de mille nouveaux arrivants par mois depuis dix ans. Quelle logique comptable a pu conduire à une telle prise de décision, qui s'est faite en dehors de toute concertation des élus, de la population et des usagers ? C'est dire le peu de cas qui est fait de l'avis des élus du département par des hauts fonctionnaires de l'Etat, voire le mépris de ceux-ci !
    Alors, oui, pour faire cesser la capacité de ces hauts fonctionnaires à déstabiliser les territoires ruraux en commençant par la démolition des services publics, il faut une loi sans équivoque qui préserve la cohésion des territoires. Le rural est un espace complémentaire du milieu urbain - je dirais même un espace de respiration de celui-ci.
    Monsieur le ministre, la volonté législative est un peu comme l'amour (« Ah ! » et sourires sur de nombreux bancs) : « Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour. » Aussi, si nous aimons les territoires ruraux, il ne faut pas que ce projet de loi soit un rendez-vous manqué. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Yves Censi.
    M. Yves Censi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec ce projet de loi, le monde rural est pour la première fois considéré dans son ensemble et dans sa diversité. Comme s'y était engagé le Président de la République, notamment dans ses discours de Pomacle et d'Ussel, qui ont été rappelés tout à l'heure, la mobilisation en faveur du développement des territoires ruraux est enfin devenue une réalité. Il fallait arrêter de regarder le monde rural par le petit bout de la lorgnette : c'est chose faite, grâce à l'impulsion donnée par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, relayée par l'ensemble des membres du Gouvernement.
    L'élaboration du projet de loi est, en effet, le fruit d'une concertation voulue et mise en oeuvre par le ministre Hervé Gaymard. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, le texte est dense et traite de nombreux sujets. Et vous pouvez, avec raison, vous en féliciter.
    En effet, pour la première fois, grâce à votre implication, monsieur le ministre, le monde rural est considéré à la fois dans son unité et dans sa diversité. Vous avez su refuser le cloisonnement des politiques et avez montré votre détermination à traiter les problématiques communes à tous les acteurs de la ruralité. Vous avez d'autant plus conscience de la nécessité de répondre aux attentes de ceux-ci que vous n'avez eu de cesse de les rencontrer sur le terrain. C'est en étant constamment en contact avec eux, je peux en témoigner, que vous avez su comprendre les aspirations des populations et sortir des a priori qui, depuis des décennies, n'ont fait que freiner le dynamisme - indéniable - des espaces ruraux. Vos services, monsieur le ministre, ont su faire leur cette véritable révolution dans le traitement des problématiques du monde rural. On ne peut que saluer leur travail et leur implication.
    Avec ce projet de loi, les espaces ruraux sont envisagés comme des ressources de dynamisme économique, social et culturel qui ne demandent qu'à être valorisées. On a eu tendance à considérer le rural comme destiné à être une catégorie marginale. Maintenant, cela change ! N'en déplaise aux chantres de l'inexorable déclin du monde rural, nos territoires ont fait la preuve de leur capacité de rebond, et le Gouvernement montre qu'il est résolu à soutenir les initiatives locales et les projets de terrain.
    Je veux rendre hommage dans ce cadre aux déclarations du ministre en charge du développement du territoire, Jean-Paul Delevoye, et de Mme la ministre Roselyne Bachelot...
    Néanmoins, si l'aspect législatif est important, la mobilisation de l'ensemble des acteurs, privés comme publics, dans le cadre d'un vaste projet l'est tout autant. Si on considère que tout sera réglé par la loi, alors ce sera un échec.
    Avec le présent projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, on commence par lever des freins, simplifier, moderniser et enrichir des outils, ce qui est déjà fondamental. Mais on doit considérer ce projet de loi comme un moment d'ouverture, un moment fondateur, et non pas comme un aboutissement. Le véritable défi est de poursuivre l'intégration du monde rural dans le débat national.
    Certes, la loi est ambitieuse, mais la démarche politique doit et devra être poursuivie. La mise en oeuvre de cette ambition se constate déjà aujourd'hui et je sais, monsieur le ministre, combien vous vous êtes personnellement engagé pour que la mobilisation dépasse les frontières de votre ministère et soit proprement gouvernementale, interministérielle. Ce n'est pas chose aisée, si l'on considère qu'une des principales difficultés sur le terrain vient du cloisonnement et de la sectorisation excessive de nos organisations administratives. L'intervention, tout à l'heure, du ministre Jean-Paul Delevoye est propre à me rendre optimiste quant à la mutation d'un Etat « administrateur » en Etat « facilitateur ».
    Vous me permettrez, mes chers collègues, de parler d'expansion rurale plutôt que de développement rural. Je crois, en effet, qu'après avoir constaté et même favorisé un phénomène de concentration et d'expansion urbaine pendant de longues décennies, on peut considérer aujourd'hui que le monde rural porte en lui ses propres capacités de développement endogènes. Je suis convaincu que le soutien et l'épanouissement de ces capacités, qui n'est rien d'autre que la libération des énergies rurales, constitue un véritable projet pour la France entière.
    Enfin, c'est aujourd'hui que se prépare la politique rurale européenne qui sera mise en oeuvre après 2007, dans un contexte totalement nouveau. Si l'on veut que la France puisse affirmer en Europe sa propre conception de ses campagnes, ainsi que les axes de développement qu'elle a choisis, il faut qu'un modèle de politique rurale « à la française » puisse faire rapidement la démonstration de son efficacité.
    Ce n'est qu'à cette condition que la France gardera le leadership parmi les différents courants et doctrines qui forgent les débats au sein de l'Union. Veut-on se donner les moyens d'être la première force de proposition européenne en matière de politique rurale ou doit-on se résoudre à subir les choix politiques de nos partenaires ? Bien évidemment, c'est la première proposition qu'il faut choisir et je me félicite des précisions apportées tout à l'heure par le ministre, comme je me réjouis qu'après cinq ans d'abandon et de déni de nos richesses rurales (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. Jean Launay. Oh ! C'est insupportable !
    M. Yves Censi. ... notre gouvernement, sous l'impulsion permanente de Jean-Pierre Raffarin, ait choisi, non seulement de rattraper ce retard, mais aussi d'ouvrir un chemin ambitieux et conforme aux aspirations des femmes et des hommes qui peuplent le monde rural.
    M. Jean Launay. Tout dans la finesse !
    M. Yves Censi. Surtout, ne prenons pas le risque de nous cantonner à une politique rurale qui, par manque d'énergie, serait contrainte de réduire sa voilure face à des directives européennes.
    M. Jean Launay. On en reparlera !
    M. Yves Censi. Dans le cadre des discussions que nous engageons aujourd'hui, l'enjeu, mes chers collègues, n'est pas celui d'une catégorie à part, n'est pas celui d'une fraction de la population : il s'agit bien de notre identité nationale.
    Dans cette perspective d'avenir, le défi sera de parvenir à garder, au fur et à mesure des projets de loi, une démarche cohérente en faveur du monde rural, et ce quel que soit le sujet. Qu'il s'agisse de logement, de transport, de politique familiale, d'immigration, de services publics ou de politique médicale, sanitaire et sociale, le défi sera de garder le cap : celui de l'expansion rurale.
    C'est pourquoi j'indique au passage que je m'étonne des critiques de mes collègues de l'opposition qui, plutôt que de chercher à ouvrir la ruralité à l'ensemble de notre politique nationale, donnent l'impression de vouloir au contraire l'enfermer dans ce projet de loi et la clore avec celui-ci. Vous critiquez le projet de loi sur le développement des territoires ruraux en prétendant qu'il doit tout résoudre et tout de suite.
    M. Jean Launay. Il n'a rien écouté !
    M. Yves Censi. Vous savez très bien que ce n'est pas l'objet. Son rôle est tel que l'a très bien défini le ministre Hervé Gaymard, en faisant référence à une boîte à outils. Poursuivre une politique d'expansion rurale consistera à penser la ruralité à chaque fois que nous légiférerons. Je vous rappellerai, chers collègues de l'opposition, l'échec cuisant qu'a été le vote de la loi SRU, catastrophique pour l'ensemble des ruraux, et pas seulement pour les maires d'ailleurs... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Launay. Ça suffit, les donneurs de leçon ! C'est insupportable ! Même le rapporteur est plus raisonnable que vous !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. La critique est méritée !
    M. Yves Censi. Les contestations que vous formulez aujourd'hui face aux propositions du Gouvernement ne peuvent pas être crédibles face à ce que vous avez organisé avec la loi SRU.
    Par ailleurs, exiger, et par la loi, tout et tout de suite est dangereux, et j'irai jusqu'à dire criminel. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Brottes. Fait personnel, madame la présidente ! (Sourires.)
    M. Yves Censi. Ce n'est pas rendre service aux territoires ruraux que de faire croire que le développement peut se décider par décret. C'est méconnaître les problématiques qui sont à l'origine de nos déséquilibres territoriaux et sous-estimer l'ambition que nous devons avoir par ailleurs. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Claude Perez. Nous perdons notre temps !
    M. François Brottes. Cette loi ne sert à rien !
    M. Yves Censi. Réjouissez-vous comme nous d'avoir aujourd'hui ce que que vous n'avez jamais obtenu avec Lionel Jospin et participez avec nous, en tant qu'élus ruraux, à la poursuite de la politique rurale telle que nos populations la souhaitent. Avec nous, ça marche. Cela devrait vous engager à croire à ce grand projet pour les années à venir et à y contribuer.
    M. André Chassaigne. C'est surréaliste !
    M. Yves Censi. Ecoutez, je vous propose de prendre un train qui fonctionne !
    Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi est performant, car il s'inscrit totalement dans la grande ambition que je viens d'évoquer. Nous avons assisté, durant les dernières décennies, à des politiques nationales fondées sur la gestion de la concentration urbaine. Aujourd'hui, nous assistons, dans les grandes métropoles, à un phénomène de sururbanisation, qui annule les bénéfices que nous attendions de la concentration en termes d'économies d'échelle, de facilités de déplacement, voire de qualité de vie. Cette surconcentration génère des surcoûts et aussi les problèmes que nous rencontrons dans les territoires ruraux, et qui nécessitent encore des dépenses publiques supplémentaires face à la pénurie démographique.
    Le présent projet de loi est un bon projet, car il va dans le sens de l'amélioration du revenu disponible des acteurs ruraux, d'une meilleure capacité d'organisation, d'une plus grande responsabilisation aussi. Il favorise donc l'attractivité des territoires ruraux.
    Mes chers collègues, je vous engage à poursuivre le chemin que le Gouvernement a ouvert aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean Launay. On a connu un Censi plus modéré !
    M. Yves Censi. Je prends cela pour un compliment !
    Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud.
    M. Joël Giraud. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, développer les territoires ruraux demande que l'on aborde l'ensemble des domaines concourant à ce développement, à savoir l'emploi, le logement, l'urbanisme, la santé, l'éducation, l'environnement, la culture et la formation professionnelle. Développer ces territoires exige aussi que l'on reconnaisse leur spécificité,...
    M. Michel Bouvard. Très bien.
    M. Joël Giraud. ... particulièrement en zone de montagne, ainsi que leur droit à la différence, comme l'exprimait la loi Montagne de 1985. En ce sens et si l'on considère les quatre articles du volet Montagne, il est difficile de croire que le projet de loi que nous examinons ait l'ambition de « toiletter » cette « loi montagne ». Et, au-delà des amendements qui seront déposés pour l'enrichir, nous souhaitons, monsieur le ministre, avoir l'engagement ferme du Gouvernement que sera inscrite à l'ordre du jour du Parlement la proposition de loi de modernisation et de renouvellement de la politique de montagne et de revitalisation rurale déposée dans les mêmes termes au Sénat et à l'Assemblée nationale par les principaux groupes politiques.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Pendant cinq ans, on a attendu que votre groupe le fasse !
    M. Joël Giraud. Je n'y étais pas ; par contre, vous, vous y étiez.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Pas dans votre groupe. (Sourires.)
    M. Joël Giraud. Vous voyez la politique de la montagne du mont Valérien, tandis que je la vois toujours de la barre des Ecrins.
    M. André Chassaigne. Très bien !
    M. Joël Giraud. Cela étant, quels sont aujourd'hui les problèmes rencontrés par les agriculteurs dans les zones rurales et de montagne ? Le prix du foncier agricole flambe. S'y ajoute la difficulté, pour les jeunes agriculteurs, et les moins jeunes, de s'installer en zone rurale et en montagne. De plus, lorsqu'un agriculteur est installé, il est parfois menacé par le phénomène de péri-urbanisation. Or le présent projet de loi n'offre aucun outil satisfaisant pour faciliter l'installation de nouveaux agriculteurs en zone rurale et de montagne et, plus largement, pour lutter contre la désertification rurale. Le texte, qui nous est soumis, sauf à voir nombre d'amendements adoptés, semble en effet répondre plus aux attentes des gros exploitants productivistes des plaines.
    M. André Chassaigne. Tout à fait !
    M. Joël Giraud. Cependant, un des points positifs de votre texte a failli être les mesures sur la pluriactivité saisonnière et les groupements d'employeurs. Ces mesures partent d'un bon sentiment, mais demanderaient à être étendues à toutes les catégories de saisonniers, et pas seulement aux agricoles et, surtout, à être plus qu'une bonne intention. En effet, les activités liées aux saisons et le cumul de plusieurs activités, successives ou simultanées, constituent des atouts pour le développement équitable et durable des territoires ruraux, notamment en zone de montagne.
    Afin d'en faciliter l'exercice, nous demandons que le Gouvernement s'attache, premièrement, à soutenir les initiatives tendant à une meilleure information et à un meilleur accueil des saisonniers et des pluriactifs par la création d'un centre de ressources national chargé, entre autres, d'exprimer les besoins liés à la pluriactivité saisonnière ; deuxièmement, à assurer une meilleure adaptation des offres et des demandes d'emplois, et de logements, en tenant compte des spécificités qui caractérisent l'exercice de la pluriactivité saisonnière ; troisièmement, à mettre en oeuvre, dans le cadre des unités touristiques nouvelles, des programmes de logements sociaux et de réhabilitation immobilière, une démarche spécifique assurant des logements décents aux saisonniers et aux pluriactifs, tout en permettant aux pétitionnaires de s'affranchir de ces dispositions par abondement d'un fonds communal en faveur du logement des saisonniers ; quatrièmement, à faciliter les déplacements des saisonniers et des pluriactifs, la scolarisation de leurs enfants, la protection de leur santé et l'exercice de leur citoyenneté, pour leur assurer l'égalité des droits dans ces domaines ;...
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Très bien !
    M. Joël Giraud. ... cinquièmement, à leur assurer la continuité de la protection sociale, l'égalité devant les cotisations et les prestations et la simplification de leurs démarches par la généralisation des dispositifs de guichet unique et de caisse-pivot ; sixièmement, à adapter les systèmes d'aide aux créateurs et repreneurs d'entreprises saisonniers ou pluriactifs afin qu'ils bénéficient des mêmes chances de réussite ; septièmement, à adapter les systèmes de formation afin qu'ils tiennent compte de la spécificité de l'économie saisonnière dans la détermination de leurs contenus, qu'ils permettent d'acquérir une double qualification et qu'ils adaptent les procédures et les modes de financement aux périodes de disponibilité et aux durées d'emploi des saisonniers et, enfin, à encourager, en levant les contraintes réglementaires et économiques qui s'y opposent, les initiatives tendant à la pérennisation des emplois saisonniers et à la maîtrise des complémentarités saisonnières, à l'initiative soit des employeurs, soit des salariés et des pluriactifs, et notamment les groupements d'employeurs, les coopératives d'emploi et les contrats pluriemployeurs à durée indéterminée.
    Ces dispositions reprennent en fait les conclusions, adoptées à l'unanimité, des travaux effectués lors des deux dernières rencontres nationales des pluriactifs et de leurs partenaires. Elles sont destinées notamment à aider les administrations et tous les acteurs concernés à connaître l'esprit dans lequel les dispositions relatives à la saisonnalité et à la pluriactivité que nous vous proposerons seront, je l'espère, adoptées.
    Dans le département dont je suis l'élu, les Hautes-Alpes, 70 % des emplois souffrent de la précarité, de la saisonnalité et de la pluriactivité. Ces dispositions sont seules à même de faciliter l'exercice difficile de la pluriactivité, garante du développement des territoires ruraux, notamment en montagne.
    Il ne faut pas avoir une vision passéiste des territoires ruraux, monsieur le ministre. Ils peuvent être demain une terre de développement économique. Donnez aux saisonniers et aux pluriactifs les moyens d'être les acteurs de ce développement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard.
    M. Michel Bouvard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux marque une étape importante pour nos territoires de montagne, puisqu'elle est l'occasion, au travers du titre qui leur est consacré, de procéder, près de vingt ans après, à l'actualisation de la « loi montagne » de 1985, dont je tiens à nouveau à saluer les initiateurs. C'est une étape importante, puisqu'en vingt ans le contexte auquel est confrontée la montagne française a évolué, comme l'ont démontré les travaux conduits sucessivement par la mission « montagne » du Sénat - dont mon ami Jean-Paul Amoudry est le rapporteur -, par la mission « montagne » de notre propre assemblée au sein de la commission des affaires économiques, rapportée par François Brottes, et par le Conseil national de la montagne et sa commission permanente que j'ai l'honneur de présider.
    Certes, des dispositions importantes en faveur des territoires ruraux, qui concernaient directement la montagne, avaient été adoptées dans la loi d'aménagement du territoire de 1995, dite « loi Pasqua », auxquelles je m'honore d'avoir contribué aux côtés du rapporteur de l'époque, Patrick Ollier, dont l'intérêt pour nos territoires de montagne ne s'est jamais démenti.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Merci, monsieur Bouvard.
    M. Michel Bouvard. La loi de 1999 aura été, en revanche, relativement pauvre pour la montagne, à l'exception de la création des conventions interrégionales de massifs. Ce qui aura permis des avancées significatives en faveur de la montagne, ce sont surtout des dispositions votées à l'initiative de la commission des finances, toutes sensibilités confondues, au cours de la précédente législature, à partir du socle législatif des ZRR ou de la DSR créée en 1995, ou encore des événements dramatiques, comme la catastrophe du Mont-Blanc, révélateurs terribles de la fragilité des échanges dans le massif alpin. Ce drame s'est produit trois semaines seulement après que Mme Voynet m'a répondu ici même, à l'occasion de la discussion de la loi d'aménagement du territoire de 1999, qu'une autoroute ferroviaire dans les Alpes était trop coûteuse et que le dossier n'était pas au point. Je n'ai jamais oublié cette déclaration et elle figure au Journal officiel.
    Aussi dois-je dire combien nous avons été sensibles à la remise en place rapide du Conseil national de la montagne en présence du Premier ministre, quelques mois seulement après sa prise de fonction. Le CNM a ainsi pu, en en ayant d'ailleurs reçu la mission, participer, en étroite collaboration avec les ministères concernés, à l'élaboration de ce texte, après avoir présenté ses propositions au Premier ministre le 28 août 2003. Il y a eu deux réunions du CNM en moins d'un an. Cela ne s'était jamais vu. Je tiens à exprimer mes remerciements à vos collaborateurs, monsieur le ministre, à ceux des autres ministres, qui n'ont pu rester, et à la DATAR, placée sous la direction de Nicolas Jacquet, pour avoir permis cette concertation.
    Comme vous l'avez rappelé, le projet de loi n'est pas le seul élément de la politique en faveur des territoires de montagne puisque de nombreuses propositions formulées par la commission permanente du CNM ont trouvé place dans des dispositions réglementaires, notamment à l'occasion du CIADT consacré aux territoires ruraux.
    L'importance du texte de loi que nous allons discuter réside notamment dans la rénovation des outils de la politique « montagne ». Cette rénovation des outils se caractérise, entre autres, par la refonte et le renforcement du rôle des comités de massif. Ceux-ci, dorénavant coprésidés par un élu, conformément aux dispositions de la loi « Démocratie de proximité », deviennent la véritable instance de pilotage du massif. Vous me permettrez tout de même de déplorer, monsieur le ministre, qu'il ait fallu deux ans pour publier le décret d'application d'une loi votée par le Parlement de la République. Les comités de massif voient leur rôle renforcé dans l'élaboration des schémas interrégionaux de massif, en recevant les informations sur la politique de protection des espaces naturels notamment.
    Je proposerai des amendements pour étendre cette information à l'élaboration des DOCUP sur la politique des fonds européens, Objectif 2 ou Interreg, et assurer la représentation du comité de massif dans les comités de programmation des crédits européens. Je rappelle que la commission permanente du conseil national qui rassemble à la fois des élus et des représentants socioprofessionnels et associatifs, s'est clairement prononcée, par rapport à la décentralisation, qui aurait pu transférer aux régions la politique de la montagne, pour un partenariat entre Etat et collectivités, régions, mais aussi départements. C'est autour de l'Etat, chef de file, que doit s'organiser le partenariat, car l'Etat est le garant des équilibres face à des conseils régionaux, dont la préoccupation montagnarde n'est pas toujours la priorité, notamment dans les grandes régions, ou dont la vision du rôle de la montagne, sous l'influence d'une représentation élective de plus en plus dominée par la population urbaine, peut être différente, voire opposée, aux aspirations des montagnards eux-mêmes.
    C'est notamment cette raison qui pousse à conforter le rôle des départements au sein de cette coopération, par exemple avec des moyens communs consacrés au renforcement des commissariats de massif.
    M. François Brottes. Très bien !
    M. Michel Bouvard. L'autre volet important des dispositions « montagne » de ce texte, monsieur le ministre, concerne la rénovation de la procédure des UTN - Unités touristiques nouvelles. Il ne s'agit pas de remettre en cause la nécessité d'une concertation et d'un examen approfondi pour lancer d'importantes opérations d'aménagement, tant en matière d'urbanisme que d'équipement des domaines skiables, mais bien de constater que la majorité des dossiers se rapportent aujourd'hui au renouvellement d'équipements existants, pour lesquels la procédure lourde, donc fatalement lente, pénalise la modernisation des domaines skiables de notre pays, confrontés à une concurrence de plus en plus vive, en même temps qu'elle mobilise à grands frais les administrations sur des tâches non essentielles. Nous plaidons pour la simplification administrative en approuvant ces mesures.
    Monsieur le ministre, au-delà des satisfactions éprouvées, je souhaite vous rappeler que cette loi ne sera pleinement efficace que si les moyens sont au rendez-vous. Plusieurs mesures fiscales positives en faveur des ZRR sont proposées dans le texte, mais nous souhaitons qu'elles puissent être étendues, à des secteurs non pris en compte jusqu'à présent.
    M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !
    M. Michel Bouvard. Il faut donner à ce projet un peu de relief sur certains points ! (Sourires.) De la même manière, nous souhaitons que le maintien des services publics puisse être mieux encadré, au-delà des dispositions proposées dans la loi, pour faciliter leur pérennité : maisons de service public, groupements d'employeurs publics-privés. Nous, élus de la montagne, avons proposé des amendements en ce sens.
    A côté du projet de loi, je souhaite, monsieur le ministre, un engagement clair du Gouvernement sur deux sujets essentiels pour le devenir de la montagne française.
    Tout d'abord, au niveau européen, avec le débat sur la future Constitution européenne. La reconnaissance dans le projet de la Convention de la cohésion territoriale constitue une avancée inconstestable, dès lors qu'elle est associée à la notion de handicap naturel, qui doit être prise en compte. La France a soutenu l'initiative de la présidence italienne, après le premier sommet informel des ministres en charge de la montagne, à Taormina, pour une reconnaissance constitutionnelle de celle-ci. Il s'agit d'une nécessité non seulement pour que nos politiques nationales ne puissent pas être remises en cause demain par un niveau supérieur - notamment à propos des aides d'Etat ou des aides à finalité régionale -, mais aussi pour qu'il soit permis aux services publics ou plutôt, selon la terminologie européenne, aux services d'intérêt général à la population, de continuer à exercer leur mission. Les élus de la montagne ont, comme souvent, monsieur le ministre, surmonté les clivages politiques, et même nationaux en l'occurrence, en organisant une réaction commune au livre vert de la Commission sur les services d'intérêt général. Il faudrait veiller à ce que Bruxelles la Direction générale de la concurrence, à Bruxelles, ne crée pas des déserts que la Direction générale de la politique régionale serait ensuite obligée d'arroser...
    M. Jean Dionis du Séjour. Très bien.
    M. Michel Bouvard. ... - pour reprendre l'expression de l'un de mes collègues, député européen et membre du groupe socialiste -, et qu'elle ne remette pas en cause ce que nous allons voter dans les jours qui viennent.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bien !
    M. Michel Bouvard. Ensuite, au niveau national, les futurs textes de décentralisation et de financement des collectivités locales devront prévoir des mesures adaptées aux territoires de montagne. Vous savez comme moi qu'au-delà des dotations aux communes - solidarité rurale ou développement rural - la péréquation et la solidarité jouent d'abord au niveau de départements. Il importe donc que les départements de montagne gardent des ressources suffisantes, tant en fonctionnement qu'en investissement, pour faire face aux surcoûts liés à la géographie.
    Si l'aide en faveur des départements les plus pauvres doit se poursuivre avec la DFM - dotation de fonctionnement minimale -, il convient aussi, pour l'évaluation des richesses, de prendre en compte des indicateurs pertinents. A ce sujet, le potentiel fiscal par habitant ne saurait être le seul critère. Le revenu moyen par habitant est important lui aussi, puisque certains départements de montagne lourdement taxés n'ont d'autre solution que d'accroître la pression fiscale sur des habitants dont les ressources sont inférieures à la moyenne nationale alors que des départements d'Ile-de-France, où les revenus sont jusqu'à une fois et demie supérieurs à ceux des habitants des nôtres, se voient exonérés de toute contribution à la solidarité au motif qu'on y trouve un peu plus de logements sociaux. Il en est ainsi pour la bonne et simple raison que, dans les régions de montagne, l'habitat est d'abord un habitat de propriétaire !
    M. François Brottes. Très bien.
    M. Jean-Claude Perez. Très juste.
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Bon sujet !
    M. Michel Bouvard. Ce débat, qui anticipe sur celui du futur texte de décentralisation, concerne tout autant le développement rural puisque avec l'enjeu des ressources des départements, il s'agit ni plus ni moins que de savoir s'ils auront demain les moyens de l'aménagement rural qui est historiquement l'une de leurs premières missions.
    Autre sujet lié à ce débat, et j'en termine, madame la présidente, celui du devenir des fonds départementaux de taxe professionnelle, qui se pose au moment où l'on annonce un moratoire sur les investissements dans le calcul de la taxe professionnelle. L'expérience de 1986 a montré que ce n'était pas une mauvaise mesure pour la relance de l'activité économique. Mais la suppression de la taxe professionnelle poserait de vrais problèmes qu'il faudrait résoudre, car les fonds départementaux de taxe professionnelle sont des outils de solidarité intradépartementale particulièrement efficaces.
    Mme Marylise Lebranchu. Absolument.
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Très bien.
    M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre, ce texte est donc bien une étape importante dans la rénovation de la politique de la montagne. C'est la raison pour laquelle j'y apporte mon soutien.
    Pour autant, vous l'aurez compris, les élus des massifs attendent encore davantage, en particulier des mesures plus fortes en faveur du développement de ces territoires sensibles et une cohérence globale de l'action de l'Etat vis-à-vis des zones de montagne. Il faut respecter l'esprit et la lettre de la « loi montagne » de 1985, c'est-à-dire adapter notre législation et nos réglementations à la spécificité de ces espaces que les montagnards ont préservés pendant des générations, et valorisés au bénéfice de la nation toute entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Favennec.
    M. Yannick Favennec. Le texte dont nous entamons la discussion aujourd'hui est une véritable chance pour le monde rural, de même que la ruralité en est une pour la France, comme vous l'avez si bien écrit à l'automne dernier, monsieur le ministre.
    Cela faisait, en effet, plus de vingt ans que le monde rural attendait que l'on se préoccupe enfin de ses difficultés et qu'on lui donne les moyens de son existence. Ce texte répond en grande partie à nos attentes, nous qui sommes élus du monde rural, nous que l'on appelle parfois les députés des champs.
    Je voudrais saluer la volonté politique du Président de la République, qui s'était engagé fortement sur ce sujet lors de l'élection présidentielle de 2002, et celle du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui, aujourd'hui, le traduit en actes grâce à votre action, monsieur le ministre.
    Pour sauvegarder la vie en milieu rural, il faut valoriser notre agriculture, maintenir les écoles, garder les services publics de proximité et favoriser l'installation des médecins tout en réduisant la fracture numérique et en dynamisant le tissu économique constitué principalement de petites et moyennes entreprises, d'artisans et de commerçants. C'est pourquoi nous devons conserver les entreprises déjà présentes et surtout en attirer de nouvelles. De la création d'emplois dépend le maintien et l'installation de nouveaux habitants.
    L'Etat a un rôle fondamental à jouer en matière d'aménagement du territoire. Il doit adapter ses outils d'intervention à la situation particulière de chaque territoire et donner des chances supplémentaires aux plus fragilisés parce que souvent oubliés, délaissés et même parfois tenus à l'écart. C'est le sens des dispositions que vous nous proposez pour moderniser le dispositif concernant les zones de revitalisation rurale. Le texte prévoit, par ce biais, de rendre plus attractifs nos territoires ruraux.
    Mais permettez-moi de vous dire, avec un certain nombre de mes collègues élus de ces territoires ruraux, que nous souhaiterions que le texte aille un peu plus loin. Pour cela, nous suggérons une mesure qui pourrait être une mesure phare, une mesure emblématique de votre projet de loi : la création de véritables zones franches rurales, à l'image des zones franches urbaines qui ont été relancées l'an dernier par le Gouvernement avec la création de quarante et une nouvelles zones. Si le dispositif des zones franches urbaines ne peut être repris dans sa globalité, en revanche, il peut être adapté aux zones rurales, notamment par l'exonération de la taxe professionnelle, des taxes foncières, des cotisations sociales patronales et de l'impôt sur les sociétés. Ce dispositif s'appliquerait aux entreprises, aux industries, aux activités libérales, commerciales, artisanales et aux exploitations agricoles de moins de cinquante salariés existantes et à venir. Nous avons déposé des amendements dans ce sens et nous espérons, monsieur le ministre, que vous les accepterez et qu'ils seront ensuite adoptés par notre assemblée.
    Par ailleurs, je me réjouis que votre texte prévoie de développer les maisons de service public pour y associer les services à caractère privé, mais nous souhaiterions, là aussi, que le projet de loi aille plus loin, en créant, dans un même lieu et dans le respect des règles de la concurrence, une véritable maison de services au public.
    Cependant, s'il va de soi que j'approuve votre texte dans son ensemble, il ne m'en semble pas moins qu'il y manque deux maillons forts et indispensables à la vie en milieu rural et à son développement.
    Le premier est l'accueil de la petite enfance. En effet, si l'accueil à l'école des enfants de deux ans devait être remis en question, quelle alternative auraient alors nos communes rurales pour retenir les familles qui ont choisi de vivre à la campagne et en inciter de nouvelles à s'y installer ? Il est donc impératif de prévoir de prendre des mesures pour encourager la création de structures d'accueil par des acteurs privés ou associatifs.
    Le second concerne précisément la vie associative. A ce propos, je voudrais rappeler le rôle essentiel que jouent les associations dans les domaines clés de la vie quotidienne des Français, notamment en milieu rural, et l'action irremplaçable des bénévoles tant dans le domaine de l'action sociale que dans celui de l'animation culturelle et sportive. Ce sujet incontournable de la vie en milieu rural aurait, je crois, mérité que des mesures lui soient consacrées dans ce projet de loi, comme la création d'un statut du bénévole.
    La ruralité est un enjeu fragile. La France est un espace de vie, source d'équilibre social et de création de richesse, mais qui a été trop longtemps négligé. C'est la raison pour laquelle votre texte doit être un temps fort et une chance pour toutes celles et tous ceux qui croient, à juste titre, à l'émergence d'une ruralité active et moderne, respectueuse de nos traditions, de nos valeurs et de nos terroirs.
    Mme la présidente. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, les éminents collègues de l'opposition qui m'ont précédée ont eu l'occasion de dépeindre les manques et les faiblesses qui émaillent l'ensemble du projet que vous nous soumettez aujourd'hui, et dont le dénominateur commun est un criant déficit de moyens sonnants et trébuchants pour mettre en oeuvre les incantations et voeux pieux qu'il catalogue au fil de ses soixante-seize articles.
    Il est, à ce titre, regrettable que la défense de nos territoires ruraux ne vous ait finalement inspiré, monsieur le ministre, qu'un nouvel effet d'annonce dont la tentation opportuniste n'a sûrement rien à voir avec les prochaines échéances électorales. Ces effets d'annonce, bien venus pour certains, concernent en particulier les zones humides, qui seront l'objet de mon intervention de ce soir - laquelle ne préjuge pas de celles que j'aurai l'occasion de faire au cours de l'examen des différents articles, en particulier sur le volet vétérinaire, où quelques manques sont à relever.
    Effets d'annonce, disais-je, car tout le monde sait ici que les régions Poitou-Charentes et Pays de la Loire abritent sur leur territoire la plus grande zone humide de France et d'Europe - le Marais poitevin - et que, parce que nous n'avons pas su, depuis plus de vingt ans, la protéger des assauts de l'agriculture intensive, la France pourrait être bientôt condamnée à une astreinte de 150 000 euros par jour. Il n'y a jamais de hasard en période électorale.
    Native de cette région, élue d'une portion de cette zone remarquable, je fais partie de celles et de ceux qui se mobilisent depuis des années autour de ces territoires si fragiles, mais si riches et si nécessaires au maintien d'un équilibre non seulement entre les hommes et la nature, mais surtout entre les hommes, les espèces animales et végétales et l'eau. Cette eau que depuis des années l'on pensait avoir maîtrisée, mais qui, on le voit de plus en plus souvent, nous plonge dans des abîmes de souffrance et de désespérance lors des inondations ou des épisodes de sécheresse.
    Dans ces territoires, la lutte contre l'eau, parce qu'elle a représenté, pour le monde agricole qui l'a menée, l'équivalent des défrichements destinés à étendre les espaces de culture, nous a conduits à ces situations calamiteuses. Ce combat effréné a fini par réduire considérablement les zones humides, quand il ne les a pas fait tout simplement disparaître, augmentant considérablement les risques, non seulement d'inondation, mais aussi de destruction des richesses humaines et biologiques. La situation est donc devenue grave - Mme la ministre de l'écologie l'a dit - et il est grand temps de prendre des mesures fortes pour reconnaître les zones humides, les sauver, les préserver.
    Je fais partie de celles et de ceux qui réclament depuis longtemps un texte-cadre sur le sujet, et je me réjouissais à l'idée de voir enfin aboutir un combat de longue date. Mais ma satisfaction s'est transformée en déception à la lecture du texte que vous proposez, car il manque d'ambition, souffre d'incohérence et certaines des mesures proposées sont dévoyées.
    D'abord, vous remettez en cause la définition même des zones humides en confiant à un décret en Conseil d'Etat le soin d'en tirer une nouvelle - ce qui revient à nous demander un blanc-seing -, comme s'il n'existait pas déjà de définition reconnue, tant au niveau national qu'international. Je m'étonne donc de votre décision.
    Par ailleurs, vous nous proposez un « surzonage », qui vient s'ajouter aux zonages de source communautaire ou nationale déjà en place. Or, zoner à l'extrême aboutit à un imbroglio des plus illisibles, d'autant que la juxtaposition des zonages peut nuire à l'efficacité des mesures incitatives qui y sont attachées et s'avérer ainsi contre-productive. Dans ce cadre-là, le projet dissocie différents types de zones humides, qui, sous prétexte de répondre au réel besoin de délimitation, portent atteinte ici encore aux éléments de redéfinition et à nos engagements internationaux. Cette distinction confine à l'aberration, puisque l'on consacre des zones « stratégiques pour la gestion de l'eau », ce qui implique qu'il existerait des portions de zone humide qui ne sont pas stratégiques pour la gestion de l'eau !
    M. Jean Launay. Bravo !
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Quel est donc le but poursuivi en mettant en place ces multiples zonages ? Une zone humide répond à des caractéristiques bien précises. L'eau y joue obligatoirement un rôle fondamental et il n'y a pas lieu de saucissonner ainsi ces territoires, sauf pour des problèmes financiers, qui sont, me semble-t-il, la véritable raison de ce surzonage.
    Contradiction et incohérence caractérisent une autre mesure qui, pourtant, est bonne - mais elle aurait pu être encore meilleure - et que je souhaite depuis longtemps : l'exonération du foncier non bâti. Le dispositif que vous nous proposez semble s'accommoder de l'inconcevable, à savoir la coexistence de deux exonérations : celle conçue en vue de favoriser les bonnes pratiques, en allégeant les charges pesant sur les prairies par exemple, et une autre, accordée aux plantations de peupliers en plein, dont on connaît le caractère dommageable pour les zones humides. Qui plus est, cette exonération est valable dix ans, soit deux fois plus longtemps que celle prévue dans votre projet. C'est dommage, monsieur le ministre, et plusieurs amendements, que vous saurez écouter, je l'espère, viendront tenter de corriger cette incohérence.
    Mme la présidente. Je vais vous demander de conclure, madame.
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Autre défaillance du projet, l'absence de mesure agricoles fortes, qui à elles seules auraient presque suffi, et que vous auriez été le seul à mettre en application.
    J'aurais souhaité que l'interdiction de la maïsiculture irriguée dans les zones humides soit envisagée, et qu'elle soit strictement réglementée dans les zones périphériques et/ou les zones limitrophes. On aurait pu imaginer un assolement obligatoire, et/ou une baisse des primes, puisque l'on connaît fort bien les différentes interactions entre les zones humides et leur pourtour. On ne l'a pas fait, et c'est dommage.
    On n'a rien prévu non plus pour les droits à produire en faveur de l'élevage dans les zones humides, mesure simple qui aurait pu apporter beaucoup aux agriculteurs qui veulent y rester et y travailler.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Ça relève de la modernisation agricole !
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Il est dommage qu'aucun gouvernement n'ait eu le courage de s'attaquer à ces problèmes. Certes, cela aurait pu prendre place dans un volet agricole, mais les quelques articles sur les zones humides qui nous sont présentés figurent bel et bien dans le texte que nous examinons. A ce jour, les beaux discours n'ont jamais sauvé les zones humides. Votre texte, je l'espère, sera amendé par notre groupe, de telle façon que ce volet « zones humides » puisse satisfaire chacun de nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. François Vannson.
    M. François Vannson. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi marque une avancée, car il prend en compte les évolutions tendancielles du monde rural. Après l'urbanisation et la perte de vitesse démographique et économique des territoires ruraux au cours des années soixante-dix et quatre-vingts, le monde rural redevient attractif et attire chaque année de nouveaux urbains souhaitant profiter des avantages de la vie à la campagne.
    Cependant, ce regain d'attractivité, dont on ne peut que se réjouir, ne s'opère pas de manière uniforme sur l'ensemble du monde rural. Les zones périurbaines se développent ainsi fortement, alors que, dans le même temps, une part importante du territoire continue de se dépeupler. C'est bien là que doit jouer la solidarité nationale, pour assurer l'égalité des chances entre les territoires.
    En tant qu'élu vosgien, je pense naturellement aux territoires de montagne, dont je rappelle qu'ils représentent près de 30 % de notre territoire, pour 13 % de sa population.
    A eux seuls, ils offrent un excellent exemple de la diversité des situations : montagnes humides, au nord, contre montagnes sèches, au sud, montagnes à mono-activité agricole contre montagnes pôles d'activités touristiques, montagnes qui subissent toujours l'exode contre montagnes à forte attractivité saisonnière. Bref, de la diversité des situations ressort une grande diversité des besoins et des attentes.
    Je ne peux, par conséquent, que vous féliciter, monsieur le ministre, pour la méthode que vous avez adoptée lors de la préparation de ce projet de loi. Vous avez su mener une large concertation préalable avec l'ensemble des personnalités concernées par la problématique de la montagne : élus, associations et organisations professionnelles.
    Je fais, certes, partie de ceux qui auraient préféré une loi et un débat spécifiques sur la montagne, mais je comprends les difficultés de l'agenda gouvernemental. Le montagnard que je suis se réjouit cependant de l'insertion d'un titre entier dédié aux politiques de la montagne.
    Ce projet de loi marque la volonté du Gouvernement de maintenir un véritable équilibre entre l'aménagement de nos massifs et la nécessaire préservation de nos sites. L'ensemble des mesures du texte affirme ainsi la volonté de l'Etat de demeurer un véritable partenaire des collectivités territoriales dans le cadre d'une décentralisation aboutie.
    Ce partenariat est essentiel pour le développement et la protection des montagnes, et je me ferai l'écho de nombre d'élus locaux en affirmant ici que nous souhaitons qu'il continue à se renforcer.
    Je me réjouis aussi des aménagements opérés en direction des conventions interrégionales de massif. Grâce à un dispositif simplifié, nous conforterons leur fonction d'outils de développement. Des expérimentations lancées en 2000, nous passons désormais au stade de la reconnaissance législative. La place importante et croissante qui est accordée au Conseil national de la montagne est une avancée positive, car il faut que les acteurs qui connaissent bien la montagne soient le plus fortement possible associés aux prises de décisions.
    Je suis donc satisfait de ce projet de loi et de la volonté affichée par le Gouvernement de s'investir au profit du développement de nos territoires. Les montagnes doivent devenir des pôles d'excellence, alliant attractivité économique et démographique à la sauvegarde de l'environnement.
    J'aurais cependant souhaité que ce texte aille plus loin en matière économique, pour la pluriactivité, par exemple, ou encore à propos des dotations en faveur des communes de montagne. C'est donc dans cet esprit que, avec mes collègues UMP et UDF du groupe d'étude sur la montagne, que j'ai l'honneur de présider, je défendrai une quarantaine d'amendements visant à compléter ce texte, afin de donner plus d'outils à l'essor des montagnes.
    Tout au long de la préparation de ce texte, vous nous avez montré, monsieur le ministre, votre volonté d'ouverture. J'espère qu'il en sera de même lors de son examen par cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.
    M. François Brottes. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, certains attendaient - et ils seront déçus - un texte refondateur pour les territoires ruraux, aujourd'hui victimes d'un abandon caractérisé pour cause de suppressions de postes de fonctionnaires - au Trésor public, à la DDE, à la DDAF, dans l'éducation (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) -, pour cause de baisse de crédits dédiés au monde rural - suppression du Fonds national pour le développement des adductions d'eau, baisse des crédits du logement au profit de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine - et pour cause, enfin, de dérégulation volontaire et accélérée de tous les services publics : La Poste, télécoms, énergie.
    Dès qu'il est question de dérégulation, monsieur le ministre, vous développez systématiquement le même argument : « C'est pas nous, c'est la faute à Lisbonne. »
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Ce sont les altermondialistes qui disent cela !
    M. François Brottes. Si Lisbonne a, en effet, demandé d'accélérer la concurrence loyale à l'intérieur du marché intérieur dans divers secteurs économiques, à aucun moment il ne prescrit de renoncer à la péréquation tarifaire,...
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Nous non plus !
    M. François Brottes. ... ni même de renoncer aux garanties du service universel pour l'ensemble de nos concitoyens, ni de privatiser des entreprises publiques. Comme vous me l'avez dit un jour dans cet hémicycle, « Tout ce qui est excessif est insignifiant. »
    M. François Vannson. La formule est de Talleyrand !
    M. François Brottes. Ce n'est pas parce que vous répéterez dix fois une caricature que cela vous donnera raison, même si je vois bien l'habileté de la manoeuvre. Mais j'ai trop d'estime pour vous, monsieur le ministre, pour vous laisser cultiver une telle contrevérité.
    Sachez que, à Lisbonne, la France s'était totalement opposée à ce que le marché de l'électricité soit ouvert à la concurrence pour les ménages. C'est votre gouvernement, c'est Mme Fontaine, qui a fait sauter ce verrou : c'est à cause de cela que le service rendu aux territoires ruraux et fragiles va se dégrader.
    Ce n'est non plus la gauche qui a rédigé le dernier contrat de Plan entre l'Etat et La Poste, qui ne comporte aucune garantie sur le maintien du prix unique du timbre. C'est votre gouvernement qui n'a pas dit qu'il ferait tout pour maintenir, comme la directive actuelle le lui permet, une part significative de courrier sous monopole, seul moyen d'assurer la péréquation des tarifs.
    Ce n'est pas Lisbonne qui fait fermer des trésoreries ou des classes en milieu rural - même si ce n'est pas le cas chez M. Mariton : chacun l'a noté tout à l'heure. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Ce n'est pas Lisbonne qui impose la privatisation totale de France Télécom. C'est bien votre gouvernement qui vient de faire voter une loi pour découper en tranches et réduire le périmètre du service universel - autrement dit, les missions de service public en matière de télécommunications.
    Monsieur le ministre, tous ces exemples, qui aggravent mécaniquement la situation des territoires ruraux, ne doivent rien à Lisbonne. Ayez au moins le courage d'assumer les choix de votre majorité. Je tiens le texte à votre disposition.
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Merci !
    M. François Brottes. Ces conséquences désastreuses pour les habitants du milieu rural sont la résultante directe des choix libéraux effectués par la majorité actuelle de notre assemblée. Même si je les condamne avec vigueur, je ne suis pas autorisé - et c'est normal : nous sommes en démocratie - à en contester la légitimité. En revanche, je veux dénoncer le fait que ces choix ne sont pas assumés, puisque la majorité éprouve le besoin d'avancer avec une tenue de camouflage, pour laisser croire aux territoires ruraux que l'on s'occupe d'eux, alors que ce texte vise simplement, dans une duplicité absolue, à limiter les dégâts trop apparents d'une politique libérale qui s'applique sans discernement. Nous engageons un débat où, malheureusement, ce sont les silences qui auront le plus de sens.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Monsieur Brottes, vous êtes caricatural ! Vous nous surprenez !
    M. François Brottes. Il s'agit donc seulement, même si ce texte est très bavard, de diverses dispositions techniques de gestion défensive des territoires ruraux, sans soutien financier ni autre considération de cohésion sociale et de solidarité nationale.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Je vous ai connu moins doctrinaire !
    M. François Brottes. Pour autant, monsieur le président de la commission, monsieur le ministre, je vous donne acte que plusieurs dispositions techniques seront en effet améliorées - et nous y avons pris toute notre part en commission. Je vous donne acte aussi que, dans plusieurs domaines, et en particulier ceux qui concernent les zones de montagne, plusieurs dispositions d'adaptation et de modernisation de la loi fondatrice de 1985 ont rencontré un écho favorable, même si, pour le moment, très peu de mesures proposées par les élus de la montagne ont été retenues.
    Des améliorations sensibles pour la situation des pluriactifs et des travailleurs saisonniers seront à noter, même s'il reste beaucoup à faire pour déprécariser ces emplois indispensables.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Merci de le reconnaître !
    M. François Brottes. Et je suis satisfait de constater que certaines mesures, préconisées par la mission d'information sur la modernisation de la « loi montagne », que j'ai eu l'honneur de présider à la demande du président Ollier, aient pu, notamment sur cet aspect, trouver une concrétisation législative. Je me réjouis aussi d'avoir contribué avec mon groupe, aux côtés de l'ensemble des élus de notre commission, à sauver et à conforter le rôle des SAFER et, de fait, à supprimer les prérogatives exorbitantes proposées à l'échelon régional en matière de gestion du foncier.
    J'essaie d'être objectif dans mon exposé, bien évidemment.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. J'apprécie cette objectivité !
    M. François Brottes. « Favoriser le regain et le retour d'une plus grande confiance dans les territoires ruraux », tel est l'objectif que vous avez assigné à ce texte, monsieur le ministre.
    Ce message, à destination des populations rurales, devrait, monsieur le ministre, s'échouer en poste restante - peut-être même dans un bureau de poste dont on aura programmé la fermeture définitive.
    Je conçois que cette formulation puisse apparaître excessive. Mais, pour démontrer ma bonne foi, je voudrais évoquer six points qui étoffent ce constat d'inconsistance de votre texte.
    Premier point : on nous dit que ce texte n'est pas destiné aux agriculteurs - cela tombe bien, car les professionnels de l'agriculture le trouvaient très vide. Nous avons donc noté que c'est une loi de modernisation agricole qui sera votée, après les élections cantonales et régionales, et qui nous dira comment se déclinera dans notre pays la réforme de la politique agricole commune.
    M. Jean-Paul Chanteguet. Sans aucun moyen !
    M. François Brottes. Pourtant, on ressent dans ce texte un début de menace sur le foncier agricole et sur le maintien de l'efficacité du contrôle des structures qui doit, en principe, favoriser l'installation des jeunes agriculteurs.
    Deuxième point : le président de notre commission nous dit lui-même que ce texte n'a pas vocation à traiter du service public, notamment du service public postal, car un texte sur la poste nous sera prochainement soumis.
    M. Yves Censi. Vous commencez à comprendre, c'est bien !
    M. François Brottes. Troisième point : la même source nous dit que ce texte ne doit pas traiter de la santé, puisque des ordonnances à venir devraient traiter du grand soir de l'assurance maladie.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Merci de développer le calendrier de travail du Gouvernement !
    M. François Brottes. Quatrième point : on nous dit que ce texte ne peut pas traiter des dotations aux collectivités locales. Ce n'est pas le moment, puisque ce sera l'objet d'un autre texte à venir, présenté par M. Devedjian. Sur ce point, je veux rendre hommage à la bonne volonté de notre rapporteur, M. Coussain, qui se bat pour obtenir des arbitrages favorables sur ces questions. Il semblerait qu'il ne soit pas au bout de ses peines.
    Le cinquième point est certainement le plus savoureux : ce texte confirme, comme M. le ministre de l'agriculture me l'avait dit en commission, qu'il ne croyait pas que l'efficacité d'une réforme doive se mesurer à l'ampleur des crédits attribués. De ce point de vue, il n'y a pas de surprise. (« On est gâtés ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Monsieur le ministre nous avait prévenus, ce texte ne s'accompagne d'aucun moyen financier nouveau pour les territoires ruraux.
    Sixième point : le projet de loi introduit des dispositions fiscales et financières que pourront mettre en oeuvre les collectivités locales sans compensation par l'Etat. Il s'agit certainement là d'une première étape de la réforme de la taxe professionnelle, souhaitée par le Président de la République. La formule est simple. Il s'agit d'autoriser les communes à faire aux acteurs économiques des cadeaux fiscaux qui seront de fait compensés par l'augmentation de la taxe d'habitation qui pèse sur les ménages.
    Cette mesure ressemble d'ailleurs étrangement à ce que notre Assemblée a voté, il y a quelques semaines, en accordant aux communes, dont les opérateurs de télécommunication ne veulent pas entendre parler, sous prétexte qu'elles n'offrent pas de rentabilité, le droit de devenir elles-mêmes opérateurs, en faisant supporter la charge de leur réseau à leurs contribuables. Je parle devant l'expert qu'est M. Dionis du Séjour.
    M. Jean Dionis du Séjour. Le PS a voté pour !
    M. François Brottes. En conclusion, ce rendez-vous avec les territoires ruraux va ignorer l'agriculture, qui y demeure poutant une activité économique et environnementale majeure, il va contourner la question des services publics et de santé, alors qu'elle est au coeur de la revitalisation de ces territoires. Non seulement il n'apportera pas de moyens financiers nouveaux, mais, presque par provocation, il accordera, comme le disait avant moi mon collègue Perez, un droit nouveau aux communes rurales, aux communes les plus pauvres, celui de payer par dégrèvement d'impôts locaux non compensés par l'Etat ce que les plus riches peuvent obtenir gratuitement parce que leur densité permet la rentabilité.
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Très bien !
    M. François Brottes. Je regrette que notre commission n'ait pas adopté certains de nos amendements qui reprenaient, dans leur texte d'origine, les propositions du rapporteur de la loi Pasqua - j'ose à peine citer son nom.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Si, faites-le !
    M. François Brottes. C'est bien la preuve que le président de notre commission peut parfois se reprocher à lui-même ce qu'il reproche à d'autres. (Sourires.)
    L'un des orateurs de l'UMP déclarait à la presse que ce texte était clairement destiné à la France d'en bas. Permettez-moi de redouter que, si nos débats ne donnent pas plus de corps à votre loi, elle ne contribue à faire que la France d'en bas descende encore plus bas.
    M. André Chassaigne. Nous avons touché le fond !
    M. François Brottes. Et, puisque chacun y va ce soir de sa tranche de vie ou de son évocation poétique, permettez-moi de terminer sur l'image d'un personnage décrit par le regretté Jean-Pierre Chabrol, qui racontait que, dans ses Cévennes natales, un berger de ses amis - ce n'était pas Jean Lassalle (Sourires) - refusait toujours d'allumer sa pipe avec un briquet à gaz, parce qu'il rejetait ce symbole d'un progrès qui l'angoissait. Je voudrais lui dire ce soir, s'il m'entend, que les territoires ruraux ne sauraient se contenter d'une distribution de briquets à gaz pour leur faire croire qu'ils ont droit au progrès. Les jeunes et toutes les générations de ces territoires ont droit à l'audace, à la dignité d'un destin qu'ils ont envie de prendre en main. Encore faut-il les soutenir sans condescendance, en leur accordant de vrais moyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous voici enfin réunis pour parler d'un thème qui nous est cher et que vous connaissez bien, la ruralité.
    Je vous remercie, monsieur le ministre, de donner à la représentation nationale l'occasion d'aborder un sujet esquivé par toute politique nationale depuis plus de vingt ans, à l'exception de la loi Pasqua de 1995.
    Je mesure votre implication et, surtout, le travail de coordination que vous avez effectué tout au long de ces dix-huit mois, confronté à la fois à la nécessaire « interministérialité » qu'induit un tel concept et à la multiplicité des acteurs, parfois très revendicatifs, de ce monde rural.
    Vous avez lancé un chantier complexe, mais ô combien attachant, pour nous, élus ruraux, et ô combien fondamental pour notre pays qui s'honore aujourd'hui qu'un gouvernement s'occupe enfin de ses territoires. Vous avez lancé ce chantier très rapidement, puisque votre première communication en Conseil des ministres remonte au 22 novembre 2002, soit trois mois après votre installation au ministère de l'agriculture. Depuis, avec conviction, vous avez établi un projet de loi que, avant même de l'avoir étudié, certains, qui n'ont rien fait pour nos campagnes lorsqu'ils étaient au pouvoir, se sont empressés de critiquer. Vous l'avez lancé avec pragmatisme, en vous fondant sur une étude préalable de la DATAR, qui montre l'évolution moderne de nos territoires ruraux dans leur sociologie à la fois humaine et géographique.
    Cette étude et ce projet de loi nous donnent ainsi l'occasion de nous pencher enfin sur notre monde rural, avec la volonté affichée de mettre en exergue toute la diversité, mais aussi toute la fragilité de ces territoires, en connaissant précisément la réalité de notre ruralité à l'aube de 2004.
    A partir de ce constat, vous avez, dans le cadre d'un CIADT, proposé à la fois des mesures réglementaires mises en oeuvre depuis le 3 septembre 2003 et soixante-seize dispositions législatives, diverses, techniques, et à mes yeux fort utiles.
    En lançant ce chantier et, à partir d'aujourd'hui, la discussion parlementaire, vous redonnez incontestablement beaucoup d'espoir au monde rural. Je tenais à vous en remercier très sincèrement.
    Mais permettez-moi également de dire que vous avez su écouter de nombreux parlementaires, notamment ceux d'un petit groupe de députés, tous issus de la ruralité, que je remercie pour leur implication. Je souhaite ici remercier leurs collaborateurs et les vôtres, notamment MM. Perrot, Boudy, Caron et Mistler qui ont écouté, partagé et encouragé nos revendications.
    Conscient de tout cela, c'est avec une certaine satisfaction, mais également une profonde sérénité, que j'aborde la discussion de votre texte. J'ai certes déposé, avec mes collègues, de nombreux amendements. N'y voyez aucune volonté négative, mais simplement la traduction d'une passion, celle d'un jeune député de la ruralité, et de l'émulation que votre texte a suscitée.
    Je voudrais insister aujourd'hui sur trois points qui me tiennent à coeur.
    L'attractivité des zones rurales, tout d'abord, est au coeur même des problématiques liées aux territoires. Si je comprends la nécessité d'actualiser le périmètre des ZRR, afin de prendre en compte les évolutions démographiques des dix dernières années et le développement de l'intercommunalité, qui est une chance pour nos campagnes, je m'interroge sur les avancées que cela peut constituer en termes d'outils de développement. Un rapport d'évaluation de la DATAR et diverses inspections générales évoquent un dispositif déjà ancien, complexe, peu lisible, mal connu et peu évalué. Je ne peux qu'inciter le Gouvernement à aller plus loin dans sa démarche, quel que soit le concept retenu - ZRR, zone franche ou autre : il convient de concentrer nos efforts sur l'émergence d'un dispositif incitatif renforcé.
    Ensuite, il est nécessaire d'assurer - car c'est le rôle de l'Etat - une cohérence entre l'ensemble des outils financiers et fiscaux, qu'ils soient nationaux ou communautaires, à travers un guichet unique et une concentration des crédits sur certaines zones toujours et encore en déprise. Par-dessus tout, monsieur le ministre, je veux éviter les incohérences constatées antérieurement dans les actions publiques territorialisées. Ainsi, en Lozère, on peut être éligible à l'Objectif 2 et se trouver en même temps exclu des zonages PAT. C'est un héritage aberrant et consternant du gouvernement socialite.
    Enfin, il est nécessaire d'instiller un peu de ruralité dans tous les projets à venir afin d'adapter la norme nationale et communautaire à la spécificité de nos zones rurales, au lieu d'adapter la ruralité à la norme. Par essence, en effet, nous sommes souvent hors normes.
    Nous éviterions ainsi bien des situations de blocage dues précisément à notre spécificité. Je pense notamment aux futures lois sur la responsabilité locale, sur l'initiative économique, sur la modernisation agricole, sur le principe de péréquation et sur la réforme de la DGF. Votre réponse à ma question orale du 6 janvier dernier m'apporte certains espoirs à ce sujet. Cela étant, je plaide pour la création d'un observatoire national de la ruralité, ouvert aux forces vives de la ruralité pour assurer à compter de 2004 un suivi des dispositions applicables en la matière.
    Il faut faire sortir la ruralité d'une certaine décrépitude, voire même d'une certaine indifférence et par là de l'oubli : vous serez, monsieur le ministre, celui qui aura lancé ce chantier et, par là, relevé ce défi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.
    M. Jean-Paul Chanteguet. Madame la présidente, monsieur le ministre, reconnaissons que la chasse est un sujet dont l'Assemblée nationale ne peut se passer : après l'examen et le vote de la loi Patriat en juillet 2000, après le débat organisé à la demande du groupe UMP, pendant près de quatre heures, le 11 février 2003, après l'examen et le vote de la loi chasse, présentée par Mme Roselyne Bachelot en mai 2003, nous sommes aujourd'hui conduits à étudier, dans le cadre de la loi portant sur le développement des territoires ruraux, sur les soixante-seize articles que compte ce texte, huit articles relatifs à la chasse.
    Plusieurs articles ont un caractère technique et ne soulèvent aucune objection de notre part, comme les règles de délivrance et de validation du permis de chasser ; l'exercice de la chasse en France par des non-résidents français ou étrangers ; la chasse dans les enclos ; l'indemnisation des dégâts de gibier et son financement ; le renforcement du rôle de la commission nationale d'indemnisation, puisqu'elle sera chargée de fixer des fourchettes pour les barèmes départementaux ; la clarification des incriminations pénales pour les infractions en matière de chasse ; et, enfin, les règles applicables aux gardes particuliers.
    Ensuite, sont proposées des dispositions permettant de préciser le contenu des « orientations régionales de gestion et de conservation de la faune sauvage et de ses habitats », ce qui ne peut leur donner que plus de force et plus de réalité.
    Il est, en outre, utilement indiqué à l'article 58, compte tenu de la rupture de l'équilibre agro-sylvo-cynégétique dans de nombreux territoires, quel est l'objectif poursuivi au travers de celui-ci, et quels sont les moyens qui permettent de l'atteindre, comme la chasse, la régulation, la prévention des dégâts de gibier, la mise en place de dispositifs de dissuasion ou de destruction.
    N'oublions pas les débats que nous avons eus l'année dernière. Je voudrais revenir sur quelques points, en m'appuyant sur les propos de notre rapporteur Jean-Claude Lemoine, qui nous a rappelé que ce chapitre relatif à la chasse s'inscrit dans une logique d'apaisement et de responsabilisation d'acteurs de terrain. Logique à laquelle nous ne pouvons que souscrire, mais qui a un peu de mal à résister à l'examen de certains faits, voire de certaines décisions.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable, ainsi que notre rapporteur, ont tenu à nous dire, lors de l'examen de la dernière loi chasse, en mai 2003, après avoir accepté la suppression du jour de non-chasse, le mercredi, que la conciliation des différents usagers de la nature était, pour eux aussi, une priorité, et que pour ce faire, ils faisaient appel au sens des responsabilités des fédérations départementales des chasseurs pour qu'elles sollicitent des préfets la limitation du nombre de jours de chasse, à des fins de protection et de conservation du gibier, comme le prévoit l'article L. 224-7 du code rural.
    M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur pour les dispositions relatives à la chasse. En effet.
    M. Jean-Paul Chanteguet. A ce jour, Mme la ministre n'a toujours pas répondu à la question écrite que je lui ai posée le 15 septembre 2003, portant sur le nombre de départements n'ayant arrêté, dans la semaine, aucun jour sans chasse.
    M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur pour les dispositions relatives à la chasse. C'est faux !
    M. Jean-Paul Chanteguet. Néanmoins, les quelques informations que j'ai pu glaner ici ou là montrent que, alors qu'avant la loi Patriat, 49 % des départements n'avaient institué aucun jour de non-chasse, ce taux est aujourd'hui bien supérieur, proche des 70 %.
    M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur pour les dispositions relatives à la chasse. C'est faux !
    M. Jean-Paul Chanteguet. Les faits parlent d'eux-mêmes : les autres usagers de la nature ont été ignorés des préfets.
    M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur pour les dispositions relatives à la chasse. Non !
    M. Jean-Paul Chanteguet. Où est le sens des responsabilité des chasseurs, auquel vous faisiez appel l'année dernière ? La multifonctionnalité de l'espace naturel et l'engouement pour les sports et les loisirs de nature, qui résulte d'une demande sociale forte, sont des réalités dont, malheureusement, vous n'avez pas su tenir compte.
    M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur pour les dispositions relatives à la chasse. Je vous répondrai sur ce point.
    M. Jean-Paul Chanteguet. A ce jour, la question du partage des usages de la nature reste entière.
    En ce qui concerne les dates d'ouverture de la chasse au gibier d'eau en 2003, il me semble utile de rappeler que les principales associations de protection de la nature, France Nature Environnement, la LPO et le ROC, tout en constatant que les dates retenues par le ministère de l'écologie et du développement durable n'étaient pas, pour elles, « encore satisfaisantes » pour toutes les espèces, mais constituaient une « avancée notable », ont, dans un souci d'apaisement, accepté le calendrier d'ouverture défini par les deux arrêtés du 21 juillet 2003, et donc n'ont pas déposé de recours auprès du Conseil d'Etat, ce dont on ne peut que se féliciter.
    Revenant au texte qui nous réunit ce soir, je voudrais faire quelques observations allant dans le sens de la responsabilisation des différents acteurs.
    La première se rapporte aux orientations régionales de gestion et de conservation de la faune sauvage et de ses habitats. Ne serait-il pas judicieux et adroit de préciser que dans la liste des organismes qui sont associés à leur élaboration, figurent en plus de la chambre régionale d'agriculture, du centre régional de la propriété forestière et de la fédération régionale des chasseurs, compte tenu de leurs compétences, les associations de protection de la nature et les associations d'autres usagers de la nature ?
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Très bien ! Bravo !
    M. Jean-Paul Chanteguet. Deuxième observation : je ne pense pas que la nouvelle composition du conseil d'administration de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, qui nous a été proposée par notre rapporteur afin que les chasseurs se réapproprient cet établissement public, soit de nature à apaiser le débat actuel concernant cette structure.
    Par ailleurs, le groupe socialiste tient à s'opposer fermement à la disposition définissant, pour le droit de chasser de jour figurant à l'article L. 424-4, le jour comme le temps qui commence une heure avant le lever du soleil au chef-lieu du département et finit une heure après son coucher. L'argument avancé par notre rapporteur soulignant que l'absence d'une telle disposition conduirait à supprimer la chasse à l'approche, le matin ou le soir, notamment dans les départements d'Alsace-Moselle, ne peut nous satisfaire. Il ne saurait être question pour nous d'étendre ce droit qui, en fait, autoriserait la chasse de jour la nuit, ce qui favoriserait le braconnage, accroîtrait les risques de confusion entre les espèces, provoquerait de graves perturbations de la faune sauvage, et engendrerait une augmentation des risques en termes de sécurité publique.
    M. Alain Marty. Pas du tout ! Ça marche très bien en Alsace-Moselle !
    M. Jean-Paul Chanteguet. Enfin, qu'il me soit permis de dénoncer l'égarement dont notre rapporteur a fait preuve en faisant adopter par notre commission un amendement visant à intégrer les frais engagés pour les chasses d'affaires dans les charges déductibles des entreprises, au prétexte que cela stimulerait l'activité cynégétique. Rien ne peut justifier une telle mesure, si ce n'est la volonté de certains de défendre une vision conservatrice de la chasse, portant en elle des attitudes de repli, mais aussi le souci de défendre des intérêts particuliers.
    Pour notre part, nous continuerons à lutter pour une chasse progressiste, prenant en compte les évolutions de notre société et la dimension européenne, et marquée par la volonté de privilégier l'intérêt du plus grand nombre. C'est une chasse apaisée, moderne et respectueuse de notre patrimoine comme de nos valeurs que nous voulons promouvoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à Mme Juliana Rimane.
    Mme Juliana Rimane. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la superficie de la Guyane représente le sixième de celle de la France métropolitaine et trois fois celle de la Belgique. La zone rurale, constituée pour l'essentiel d'un très vaste massif de forêt équatoriale, occupe la quasi-totalité de son territoire. Inutile de préciser que les spécificités sont nombreuses et les problèmes sans commune mesure avec ceux des régions métropolitaines.
    La croissance naturelle de sa population y est plus de dix fois supérieure à celle de la métropole et elle doit faire face, de surcroît, à un courant continu, et très soutenu, d'immigration clandestine. La Guyane connaît par ailleurs de très importantes disparités démographiques, économiques, sociales et administratives, puisque l'ensemble des activités se concentrent sur la bande littorale et, pour l'essentiel, sur l'île de Cayenne. Elle se caractérise aussi par un enclavement des communes de l'intérieur, difficilement accessibles et exclues de ce fait de toute perspective de développement.
    Vous conviendrez donc aisément que le texte présenté aujourd'hui, portant sur le développement des territoires ruraux, est très attendu par mes concitoyens de Guyane. Ce sujet constitue pour eux l'un des principaux défis à relever dans les prochaines années. C'est pourquoi, dans cet esprit, j'aimerais évoquer devant vous trois points : les problèmes fonciers ; la question du désenclavement ; l'insuffisance d'équipements d'infrastructure et de superstructure.
    S'agissant de la question foncière, il faut rappeler que le patrimoine privé de l'Etat représente plus de 90 % du territoire guyanais. Il serait donc particulièrement opportun, au moment où l'Etat se sépare de certaines parties de son patrimoine immobilier et foncier, qu'il puisse s'engager, utilement et avec force, à l'entreprendre sans attendre en Guyane. En effet, dans l'état actuel des choses, cette situation n'est pas sans conséquences pour les collectivités locales dont les situations financières sont particulièrement fragiles, qui se trouvent ainsi privées de ressources fiscales potentielles.
    Les exploitants agricoles, pour ce qui les concerne, ne sont pas tous propriétaires des terres qu'ils mettent en valeur, mais bénéficient simplement d'une concession de l'Etat ou des communes sous la forme d'un bail emphytéotique, que certains veulent d'ailleurs limiter à une durée de trente ans.
    Il faut reconnaître néanmoins que la situation évolue dans le bon sens. Par l'ordonnance du 2 septembre 1998, les pouvoirs publics ont souhaité favoriser l'accession à la propriété foncière des personnes qui occupent, à usage agricole ou d'habitation, des terrains du domaine privé de l'Etat. Malheureusement, la date d'expiration de cette opération de régularisation des occupations foncières est arrivée à échéance le 31 décembre 2003. Or, le processus n'a débuté que très récemment, compte tenu de la complexité de la situation, et il est loin d'être terminé. Je demande donc que le délai permettant de procéder à ces régularisations soit prorogé de trois ans pour expirer le 31 décembre 2006.
    Par ailleurs, les agriculteurs à titre secondaire, assimilés aux pluriactifs, participent à la production agricole, mais ne sont pas, pour autant, concernés par les dispositions de cette ordonnance. Elle dispose, en effet, d'attribuer exclusivement les terres aux agriculteurs exerçant leur profession à titre principal. Eu égard à leur rôle dans la production agricole et du fait qu'ils sont appelés, en cas de rentabilité de leur exploitation agricole, à abandonner leurs activités annexes, ne pourrait-on envisager de leur faire bénéficier des mesures de l'ordonnance de 1998 ?
    Les mesures préconisées pour mettre en place des commissions communales et intercommunales permettant de traiter localement les problèmes fonciers présentent un réel intérêt. En effet, depuis très longtemps, les élus ont demandé avec force non seulement d'être mieux intégrés dans les instances chargées de définir et de mettre en oeuvre la délicate et difficile politique d'aménagement foncier du territoire, mais surtout de pouvoir enfin décider et gérer au plus près des réalités locales. Cependant, il est regrettable que les représentants des agriculteurs, concernés au premier chef par l'aménagement foncier rural, ne soient pas mieux associés aux organismes exerçant dans ce domaine.
    La loi programme a heureusement pris des dispositions pour assurer la continuité territoriale entre les collectivités d'outre-mer et la métropole. Cependant, le désenclavement intérieur de la Guyane reste un vaste chantier. Il nécessite la mise en place ou le renforcement non seulement d'infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires, mais également d'équipements publics de proximité, sans omettre celles des réseaux de télécommunications et des nouvelles technologies de l'information et de la communication, permettant ainsi de réduire la fracture numérique.
    M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !
    Mme Juliana Rimane. Ces carences défavorisent considérablement ces parties du territoire et entravent ainsi gravement leur développement économique tant au plan agricole, forestier que touristique.
    Je me réjouis des dispositions prises en faveur des maisons des services publics. Car la situation actuelle est plus que préoccupante, surtout dans les communes de l'intérieur de la Guyane, toutes confrontées à des difficultés en matière scolaire, sanitaire, sociale et culturelle.
    Je me félicite également des dispositions relatives à l'installation des professionnels de santé et ceux chargés de l'action sanitaire et sociale, mais elles demeurent bien insuffisantes au regard de la situation que connaît la Guyane.
    Mme la présidente. Je vais vous demander de conclure, madame Rimane.
    Mme Juliana Rimane. Cette situation requiert des mesures d'incitation et de soutien beaucoup plus fortes afin d'attirer de nouveaux personnels de santé et de garder ceux qui y exercent déjà.
    En effet, les indicateurs de santé sont révélateurs d'un profond retard. Le taux de mortalité infantile est de 12,5 pour 1000 en Guyane ; il n'est que de 4,6 pour 1000 en métropole. Le nombre de médecins généralistes y est de 41 pour 100 000, alors qu'il est de 70 pour 100 000 dans les autres DOM et de 115 pour 100 000 en métropole.
    La vitalisation des zones rurales, au vu des problèmes fonciers, de l'enclavement des communes et du manque de structures administratives, est particulièrement difficile. Ce projet de loi, pour utile et indispensable qu'il soit, ne répond pas pleinement, me semble-t-il, aux réels besoins de la Guyane, même si des ordonnances sont prévues à cet effet.
    La situation guyanaise est, à ce sujet, aussi spécifique qu'exceptionnelle. Elle exige donc des dispositions parfaitement adaptées. Il paraît aujourd'hui indispensable d'entreprendre une évaluation objective de cette situation, d'en tirer les enseignements qui conviennent et de les traduire utilement dans un ensemble de dispositions législatives permettant enfin à la Guyane de s'engager avec succès dans la voie d'un développement véritablement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)
    Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    Mme la présidente. Mardi 20 janvier 2004, à neuf heures trente, première séance publique :
    Questions orales sans débat ;
    Fixation de l'ordre du jour.
    A quinze heures, deuxième séance publique :
    Questions au Gouvernement ;
    Déclaration du Gouvernement sur l'avenir de l'école et débat sur cette déclaration.
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée, le vendredi 16 janvier 2004, à zéro heure cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT