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Troisième séance du mardi 20 janvier 2004

128e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE
M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE
,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

DEBAT SUR L'AVENIR DE L'ECOLE (suite)

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite du débat sur l'avenir de l'école.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le président, la réalité de cet hémicycle, à cette heure, démontre qu'un tel débat a un intérêt très limité, en raison de son manque d'enjeux.

M. Éric Raoult. Parlez pour vous !

Mme Martine Billard. Non, je parle pour les quatre parlementaires actuellement en séance : c'est absolument fantastique !

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la recherche, dans votre présentation, vous avez ciblé les quatre questions qui se posaient, selon vous, à l'école : motiver les élèves, lutter contre la violence, lutter contre l'échec scolaire, diversifier les parcours. Mais est-il possible de régler les difficultés rencontrées actuellement, indépendamment de ce qui se passe dans la société ?

Croyez-vous vraiment à la sanctuarisation de l'école ?

L'aggravation des inégalités sociales et de la ségrégation spatiale, ces dernières années, ont souvent alimenté à tort le procès de l'école, rendue responsable de maux qui ont leur racine dans une société qui n'a d'autre ambition que la course au profit.

Malgré cette situation dégradée, l'école a su faire face à l'obligation d'accueillir tous les jeunes jusqu'à seize ans et même bien au-delà. Il faut se garder de tout discours catastrophiste sur la baisse du niveau des élèves dans l'école publique. S'il est vrai, selon le Conseil national d'évaluation, que la maîtrise de la grammaire et de l'orthographe reste stable, les rédactions sont mieux construites et argumentées et la maîtrise des langues vivantes a progressé, même s'il reste beaucoup à faire.

Mais le principe de l'égalité républicaine devant l'école, qui reste la pierre angulaire du système, est mise à mal. La publication dans la presse du palmarès des établissements publics, notamment des lycées, rappelle à quel point les parents ont intégré les inégalités du système éducatif et s'organisent pour que dès la maternelle, les chances en termes d'intégration scolaire soient mises du côté de leurs enfants. Mais tous n'ont évidemment pas ces possibilités. Combien de jeunes ont l'impression que leur origine sociale ou les quartiers dont ils sont originaires les stigmatisent au point de figer très tôt leur future place dans la société ? En conséquence, ils sont totalement démotivés dans leur apprentissage scolaire.

Devant l'explosion du nombre de diplômés et dans un contexte de raréfaction de l'emploi, le patronat pèse sur les programmes scolaires, tentant de faire valoir la nécessité d'une « employabilité » immédiate des jeunes, mélangeant formation professionnelle qualifiante et simple adaptation aux postes de travail, poussant parfois certains jeunes à abandonner leurs études avant le passage de leur CAP ou de leur BEP.

Du lycée à l'université, la valorisation du diplôme passe de plus en plus par différents stages obtenus grâce aux relations personnelles, qui reproduisent immanquablement les inégalités sociales et confrontent très tôt certains jeunes à la discrimination raciale au moment où ils tentent d'y accéder.

Les efforts doivent être poursuivis et renforcés dans les zones d'éducation prioritaire, où se concentrent les difficultés sociales. Il est indispensable en effet d'adapter les parcours scolaires, surtout dans les quartiers défavorisés, en donnant de la souplesse dans les filières éducatives pour compenser l'inégalité des chances.

Plutôt d'envisager la discrimination positive uniquement sur des critères ethniques, voire religieux lors de l'accès à l'emploi, il faut lutter contrer contre les discriminations persistantes, négatives celles-ci, à la formation et à l'embauche, que ces discriminations soient sociales, racistes, misogynes ou homophobes. Il faut encourager toutes les initiatives pédagogiques qui visent à développer les valeurs d'égalité. Il faut revisiter les programmes scolaires, qui véhiculent trop souvent encore des images stéréotypées et sexistes. Il faut arrêter de privilégier la surcharge de ces programmes et renforcer les apprentissages collectifs, les échanges interdisciplinaires et l'éducation civique. Il faut aménager des cycles scolaires plus diversifiés, car tous les enfants ne progressent pas au même rythme, et introduire une plus grande souplesse dans les cursus. Pour cela, le temps de travail des élèves doit être revu, afin que chacun puisse bénéficier de temps collectifs en petits groupes et de temps individuels avec un tuteur. Les rythmes scolaires doivent être moins dépendants de la vie professionnelle des adultes et des contraintes marchandes du secteur du tourisme.

Il y a donc fort à faire pour l'école. Je ne pourrai pas développer davantage en cinq minutes. Mais Les Verts ne se font guère d'illusions sur la volonté du Gouvernement de mettre en œuvre une politique éducative ambitieuse.

La politique de baisse des impôts se traduit par des coupes budgétaires, le non-remplacement du personnel enseignant de la génération du baby-boom à son départ en retraite, le non-remplacement des instituteurs absents comme en ce moment à Paris, une gestion purement arithmétique du rapport entre le nombre d'élèves et le nombre d'enseignants et la décharge de l'Etat sur les collectivités territoriales s'agissant des personnels non enseignants.

Il y a tout lieu de craindre que, malgré certains effets d'annonce, l'éducation nationale ne sorte en lambeaux de cette législature, ainsi que l'ensemble des services publics. Pourtant, la grandeur et le dynamisme d'un pays se reconnaissent à l'investissement que celui-ci consacre à l'éducation de ses enfants.

M. le président. La parole est à M. Éric Raoult.

M. Éric Raoult. Ce grand débat aura donc eu lieu sous les préaux et dans cet hémicycle. Monsieur le ministre, vous aurez préféré le dialogue au monologue. A ceux qui préféraient hier les banderoles et la rue, vous avez apporté les arguments et l'écoute.

Ce grand débat, qu'aucun de vos prédécesseurs n'avait lancé, aura permis d'échanger, d'éclairer, d'expliquer. Dans cette communauté éducative, souvent rétive à un dialogue serein, vous avez rétabli un contact direct avec les enseignants, qui ont retrouvé la considération oubliée d'une condition difficile, surtout quand ils travaillent dans des quartiers sensibles.

L'apaisement a remplacé l'embrasement. Conscients d'être allés loin, très loin, trop loin, en dénaturant parfois les réalités ou en brûlant des livres, les enseignants sont redevenus des hommes et des femmes de réflexion et de suggestion.

L'initiative de ce grand débat, comme nombre de mes collègues l'ont souligné, valait mieux que tous les combats pour faire avancer l'école et, surtout, pour la faire réussir.

Depuis dix-huit mois, là où la facilité est inaction et où bouger semble provocation, vous avez proposé d'agir, monsieur le ministre. Certains vous ont enfermé dans une caricature, vous vous en êtes dégagé.

Dans mon département, en tête de tous les retards et de tous les rattrapages, caricatures et contre vérités, nous avons vu et vécu le déferlement. Monsieur le ministre, parce qu'il fallait répondre, nous avons été, avec plusieurs collègues dans cet hémicycle, de ceux qui ont fait le choix de vous soutenir pour rétablir la vérité.

Vous proposiez d'agir. La facilité de l'immobilisme que connaît l'éducation depuis vingt à trente ans, était à nouveau plus forte. La tentation de l'immobilisme, qui règne un peu sur ces bancs, ...

M. Jean-Paul Bacquet. Surtout ce soir !

M. Éric Raoult. ... et de la non-réforme sur le dossier scolaire, est une vieille réalité dans notre pays, qui s'explique peut-être par la relative faiblesse du dialogue et de l' écoute entre les principaux acteurs concernés par l'école : les familles, les enseignants et les élèves.

Cette réalité s'accompagne d'une fatalité de la non-décision. Est-ce pour hier et pour demain la réalité de l'éducation nationale ? Pour ma part, je ne le crois pas.

Vous avez mis en œuvre une nouvelle méthode, monsieur le ministre, et c'est un succès. Le grand débat sur l'école, que vous avez lancé sous l'autorité de Claude Thélot, symbolise ce nécessaire débat qui a eu lieu sans exclusive et surtout sans barrières ni tabous.

Sans exclusive, d'abord. Car débattre ou agir pour l'école dans notre pays n'est le monopole de personne : pas plus des syndicats, des politiques ou encore des familles.

Sans barrières ni tabous, ensuite. Car chaque participant a pu avancer son point de vue, agiter des idées, proposer et apporter sa pierre à l'édifice.

Un tel débat a eu trois mérites : établir un constat partagé en écoutant, permettre à la nation de se réapproprier l'école en dialoguant, ouvrir une nouvelle étape : après le débat, agir en proposant. Ecoute, dialogue, action : trois idées qui ont permis de développer rapidement un débat qui a intéressé l'ensemble des parlementaires.

Je souhaite développer rapidement devant vous un aspect particulier de ce débat : les zones dites sensibles, en apportant le témoignage d'un élu de banlieue qui a dans sa circonscription des communes difficiles de Seine-saint-Denis comme Montfermeil ou Clichy-sous-Bois.

Les nombreux débats qui ont eu lieu permettent aujourd'hui de dresser un constat partagé, qui ne peut que nous pousser à agir.

En banlieue et plus spécifiquement dans un département comme celui de la Seine-saint-Denis, on remarque quatre tendances globales.

Première tendance : l'absentéisme scolaire. Elle est devenue si forte que les enseignants n'ont plus autorité ni sur l'élève et ni souvent sur sa famille pour faire respecter cette obligation de présence. Et plus qu'ailleurs, les enseignants des quartiers, dont c'est généralement le premier poste à la sortie de l'IUFM, sont très exposés, voire livrés à eux-mêmes.

Deuxième tendance, dont j'ai même entendu parler lors des réunions de ce grand débat dans ma circonscription : celui de l'illettrisme grandissant. Dans les cités, un jeune de moins de vingt ans ne maîtrise pas plus de 200 mots à l'oral !

Troisième tendance : le fait qu'à la sortie de la chaîne du système éducatif, il y a de moins en moins de diplômés au niveau d'une classe d'âge. Certes, il ne s'agit pas de se fixer des objectifs quantitatifs. Reste qu'un constat s'impose : le nombre de diplômés, la qualité et la maîtrise des savoirs fondamentaux chez les élèves chutent.

Quatrième et dernière tendance que j'ai pu constater et qui me semble plus prégnante en banlieue qu'ailleurs : la récurrence de la violence scolaire - comme en témoignent les derniers évènements du Havre. Vous avez d'ailleurs, monsieur le ministre, très judicieusement et très justement nommé auprès de vous un parlementaire en mission, mon ami et collègue Christian Demuynck, sénateur de Seine-saint-Denis. C'est dire que nous vivons, dans l'Est de Paris, ce problème au quotidien.

Cette violence a plusieurs visages : il y a d'abord celle s'apparentant à de la délinquance ordinaire, avec les vols, les rackets. A ce sujet, l'argent facile et l'attrait des marques en banlieue sont si forts qu'ils génèrent une multiplication des vols de la part de jeunes enfants qui ont souvent moins de dix ans. Mais il y a aussi la violence subie par les jeunes filles. Est-il besoin de rappeler les effets physiques et psychologiques d'un viol répété sur une fille de seize ans ? Il y a enfin la violence due au racisme et à l'antisémitisme. Maire d'une commune qui accueille des jeunes d'origines religieuse et étrangère bien différentes, je suis aujourd'hui contraint de mettre en place des mesures draconiennes de sécurisation aux abords des écoles pour cause d'affrontements inter religieux. Les insultes de « rebeus » et de « feujs », par exemple, sont devenues monnaie courante. On commence par une injure antisémite et on finit par une école brûlée, comme à Merkaz Hatorah à Gagny, en Seine-saint-Denis.

Ces quatre tendances globales, qui ont été rapportées dans nombre de circonscriptions et que j'ai moi-même pu constater, ont des effets dramatiques.

Premièrement, les inégalités et les disparités se creusent. Après les cités de banlieue, devenues de véritables cités ghettos, de nombreux établissements scolaires deviennent des écoles ghettos. Quand un parent veut changer de logement, c'est souvent qu'il veut que ses enfants changent d'école.

Deuxièmement, l'école ne joue plus son triple rôle dans la République : un cadre de l'égalité des chances, un lieu d'apprentissage de la vie en société, et surtout un ascenseur social. Le nouveau défi de l'école est celui de la République. Comme l'a rappelé le Président de la République dans son beau discours sur la laïcité, l'école est l'instrument par excellence de l'enracinement de l'idée républicaine.

Monsieur le ministre, vous avez été un pacificateur d'intelligence en proposant à la nation de se réapproprier ce débat sur l'école. Le dossier était devenu à la fois d'une telle complexité et d'une telle importance qu'il fallait le prendre à bras-le-corps. Pour ce faire, vous avez cherché à dépasser les limites d'une certaine cogestion syndicale en ouvrant le débat aux parents d'élèves, aux familles, aux enseignants, syndiqués ou non, et aux élèves. Cet exercice de méthode a permis sans conteste de délier les langues et de redonner la parole.

Redonner la parole à ceux qui sont directement concernés par le dossier scolaire : voilà bien le point de méthode sur lequel vos prédécesseurs avaient échoué !


Monsieur le ministre, il y a quelques mois, vous êtes venu dans ma ville du Raincy pour assister au grand débat organisé au lycée René-Cassin. Avec sa proviseure, Mme Nicole Pernet, vous avez écouté les familles et les enseignants présents. Je vous avais alors indiqué que, dans la salle, les plus sages et les plus raisonnables s'étaient montrés, hier, les plus revendicatifs, parfois les plus vindicatifs. Vous les avez écoutés près de trois heures durant. Je ne sais pas si beaucoup de vos prédécesseurs l'avaient fait ! Vous avez pu constater que la Seine-Saint-Denis n'est pas si turbulente ni si violente que cela. Votre venue, la communauté éducative de ce lycée d'enseignement professionnel en parle encore : les professeurs ont découvert un des leurs. Votre expérience de Mantes-la-Jolie n'était ni si lointaine ni si éloignée de la leur au Raincy ou à Clichy.

L'éducation est, il est vrai, prioritaire partout. Mais elle appelle parfois une attention particulière dans certaines zones plus que dans d'autres. Après le temps du débat, voici venu celui de l'action, à propos de laquelle j'aimerais vous dire quelques mots pour terminer.

D'abord, cette action doit passer par la réaffirmation de certaines priorités : assurer l'égal accès de tous au savoir, pour relever le défi républicain permanent que nous nous sommes fixés ; impulser une vraie politique de lutte contre la violence ; assurer la maîtrise des savoirs fondamentaux en rappelant la nécessité pour tout élève de savoir d'abord lire et écrire ; redonner confiance aux enseignants, à la fois dans leur métier et dans les buts de leur mission.

Un enseignant sur cinq exerce son métier dans le secteur dit de l'éducation prioritaire. Ces enseignants sont, en général, les plus jeunes, tout juste sortis de l'IUFM. Au contact de la réalité de certains établissements difficiles, beaucoup m'ont confié avoir rapidement déchanté, perdu leurs idéaux, ce qu'ils pensaient être leur vocation.

Monsieur le ministre, vous le savez plus que tout autre : c'est une chose d'être élève au lycée Camille-Guérin de Niort, c'en est une autre au collège Louise-Michel de Clichy-sous-Bois. Pour les enseignants, la situation est la même. Nous devons prendre en compte cette considération.

Il importe également, comme vous l'avez rappelé récemment, de faire un vrai bilan du dispositif des contrats de réussite. L'adéquation entre éducation et politique de la ville doit gagner en efficacité, comme vous vous y employez depuis deux ans. Cela passe par une plus parfaite intégration des projets de zone dans la politique de la ville, une meilleure liaison entre contrats de ville et contrats éducatifs locaux.

Comme vous avez commencé à le faire avec le ministre de la ville, notre ami Jean-Louis Borloo, une articulation plus étroite avec la politique de la ville s'avère aujourd'hui essentielle pour remplir trois objectifs fondamentaux : redonner un sens à la belle expression d'« école de la République » ; renouer un lien de confiance constructif et positif avec tous les acteurs de la grande communauté éducative ; répondre avec efficacité aux inégalités et disparités de situations.

La ville dans l'école est un problème. L'école des villes pourrait devenir un projet. C'est le choix de nos cités. Grâce à ce grand débat, grâce à vous, nous y réinstallerons ensemble la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Beauchaud.

M. Jean-Claude Beauchaud. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, enseignant durant toute ma carrière professionnelle - sans avoir brûlé de livres -, élu depuis quelques années, j'ai eu le privilège d'appréhender la problématique de l'école sous différentes facettes. Il m'a donc paru intéressant de participer au débat sur notre école républicaine. Son utilité était évidente. Encore fallait-il qu'il se déroule dans des conditions permettant un vrai dialogue et des échanges réels.

Monsieur le ministre, vous vous êtes félicité de la tenue et du contenu de ce débat. Pour ma part, j'ai pu constater une participation très inégale selon les lieux, et, malheureusement, toujours faible. Par exemple, puisqu'il en était question précédemment, dans un lycée professionnel de ma circonscription, sur 700 invitations lancées par le chef d'établissement, seuls vingt professeurs et deux parents étaient présents.

M. Alain Néri. Ceux-là avaient tout compris !

M. Jean-Claude Beauchaud. Est-ce la complexité de certains textes, fort bien préparés au demeurant, qui ne permettait pas l'appropriation de ce débat par l'ensemble de nos concitoyens ou tout simplement un manque de confiance ? Il est vrai aussi que le choix de quatre thèmes sur vingt-deux n'a donné lieu qu'à une discussion parcellaire ne permettant pas d'appréhender l'ensemble des enjeux liés à l'école, d'où, souvent, un sentiment mitigé pour les participants, un goût d'inachevé.

A l'issue de cette démarche, qui se voulait collective, il me paraît indispensable que nous puissions clarifier les missions de l'école. On lui attribue, en général, trois missions essentielles : l'instruction, la transmission des savoirs, la formation à l'esprit civique ; l'éducation, la transmission d'un « savoir-être » en vue d'une insertion sociale ; la formation en vue d'une insertion professionnelle. Or, aujourd'hui, ces missions sont empilées, mais, j'insiste sur ce point, non hiérarchisées.

Chacun de ses acteurs - élèves, parents, personnels, élus et représentants de votre administration centrale - fixe à l'école, et c'est bien normal, une priorité différente. Il est donc du devoir de l'État, de notre devoir, de déterminer la hiérarchie voulue par la nation, par l'ensemble de nos concitoyens - c'est, me semble-t-il, l'un des enjeux essentiels du débat sur l'école -, puis d'y affecter les moyens nécessaires. J'y reviendrai ultérieurement.

Dans le cadre de la décentralisation, les établissements devraient jouir d'une autonomie plus importante. Encore faudrait-il que ces établissements puissent prendre des initiatives, bâtir des projets et se fixer des objectifs. Une telle démarche serait de nature à responsabiliser plus encore l'ensemble des acteurs de l'école. Le ministère de l'éducation nationale et son administration effectueraient un contrôle a posteriori sur la réalisation des objectifs fixés et sur la bonne utilisation des moyens mis à disposition. En revanche, si dans la pratique, les présidents des collectivités territoriales devaient exercer un pouvoir direct sur les chefs d'établissements, il s'ensuivrait une superposition de deux tutelles qui serait préjudiciable à la prise d'initiative et opacifierait les financements.

Je reviens sur les moyens, évoqués précédemment. Aujourd'hui, pour justifier une baisse des crédits, il est de bon ton de dire que des moyens supplémentaires ne servent à rien. C'est un discours caricatural qui a atteint ses limites. Dans mon département de Charente, par exemple, les effectifs sont en baisse et, en toute logique, me direz-vous, les crédits alloués aussi. Cependant, une étude de la répartition des moyens fait apparaître un phénomène inquiétant : l'incompressibilité des moyens accordés aux établissements ruraux et aux ZEP, qu'il n'est d'ailleurs pas question de remettre en cause, entraîne une baisse encore plus sensible des crédits pour les autres établissements du département. Par conséquent, on accroît les difficultés, quand on n'en crée pas, parfois, de nouvelles. Il faut mettre un terme à ce processus intolérable.

S'agissant des maîtres, si la formation dispensée par les IUFM mérite sûrement une évaluation et d'éventuelles adaptations, il est inconcevable que certains personnels enseignants, vacataires ou contractuels, puissent encore être jetés dans l'arène sans formation préalable. Comment s'étonner, ensuite, des échecs et du manque de candidats, notamment dans les matières scientifiques ?

Enfin, en tant qu'élu local, je voudrais m'attarder sur la charge croissante que représente l'école pour l'ensemble de nos collectivités.

Mme Claude Greff. Il fallait y penser plus tôt !

M. Jean-Claude Beauchaud. Depuis une vingtaine d'années, on assiste à une véritable explosion des participations des collectivités. Nous avons dû adapter les locaux vers toujours plus de polyvalence et répondre à des normes sanitaires et de sécurité toujours plus exigeantes et contraignantes. Parallèlement, les moyens matériels mis à disposition, notamment dans le domaine informatique, pèsent de plus en plus lourd sur le budget des communes. Dans ce domaine, depuis le plan « Jospin » de dotation informatique, l'Etat n'a pas abondé les financements des collectivités. L'arrivée d'emplois-jeunes dans l'éducation nationale, en l'occurrence les aides-éducateurs, avait apporté une véritable bouffée d'oxygène au fonctionnement de nos écoles et de nos collèges.

Mme Claude Greff. Pas pour les finances !

M. Jean-Claude Beauchaud. Vous avez programmé leur disparition et, déjà, leur absence se fait sentir dans l'animation scolaire et périscolaire. N'en doutez pas : l'ensemble de la communauté scolaire demande que l'on pallie ces carences.

M. le président. Monsieur Beauchaud, il faut conclure.

M. Jean-Claude Beauchaud. Ces aides-éducateurs intervenaient dans le cadre d'une pédagogie s'appuyant davantage sur les technologies modernes et répondaient aux besoins individualisés. Si les collectivités devaient se substituer à l'Etat pour les remplacer, les conséquences en matière d'imposition locale seraient, sans conteste, très douloureuses pour les contribuables locaux et les inégalités s'accroîtraient entre les collectivités les plus riches et les moins riches. Il est de la responsabilité de l'Etat d'assurer l'égalité.

Faire une grande loi sur l'école, ce n'est pas diviser encore, mais affirmer, dans le texte et sur le terrain, un grand principe : celui de l'égalité des chances. Cela veut dire une seule école pour tous, celle de la République, dont le fonctionnement est garanti sur tout le territoire par l'Etat.

Mme Claude Greff. Nous sommes d'accord !

M. Jean-Claude Beauchaud. Ce n'est pourtant pas toujours le cas.

Les baisses massives des effectifs d'enseignants que subit notre système éducatif depuis votre arrivée au pouvoir sont un mauvais coup porté à l'école.

M. le président. Veuillez vraiment conclure, monsieur Beauchaud !

M. Jean-Claude Beauchaud. Compte tenu de telles dispositions, ne soyez pas surpris de l'inquiétude des parents et des enseignants quant au contenu de la prochaine loi sur l'école. Elle mobilisera, messieurs les ministres, toute notre vigilance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand.

M. Xavier Bertrand. Monsieur le président, messieurs les ministres, il y a quelques mois encore, organiser le grand débat sur l'école relevait à proprement parler du défi : il s'agissait tout simplement de donner la parole aux Français sur une question essentielle. Aujourd'hui, nous pouvons dire avec Claude Thélot, le président de la commission du grand débat, que l'école est l'affaire de la nation et pas seulement l'affaire des spécialistes. En effet, nous avons le sentiment que les Français se sont appropriés le débat.

Mme Claude Greff et M. Éric Raoult. Tout à fait !

M. Xavier Bertrand. Vous l'avez dit à différentes reprises : près d'un million de Français y ont participé. Incontestablement, c'est une réussite que nous devons à votre volonté politique.

M. Bernard Accoyer. C'est vrai !

M. Xavier Bertrand. Nous la devons aussi à Claude Thélot et à sa commission, qui ont su organiser avec méthode, discernement et ambition les travaux, en ouvrant plus de 15 000 forums très divers sur tout le territoire et en ayant recours à une nouvelle forme de démocratie participative par le biais de l'internet, qui a permis de recueillir un grand nombre de contributions.

Ce débat fut, pour moi, comme pour un grand nombre de mes collègues qui y ont participé - décidément, les absents ont toujours tort ! -, passionnant et enrichissant. Les personnes présentes ont pu constater qu'il n'y avait pas de préjugés, pas d'idées reçues sur l'éducation.

Mme Claude Greff. Tout à fait !

M. Xavier Bertrand. L'UMP, pour sa part, a souhaité, conformément à la volonté d'Alain Juppé et de Philippe Douste-Blazy, organiser également sa contribution au débat. L'ensemble des parlementaires de tous les départements ont interrogé les Français, pas seulement les militants ou les sympathisants. Là encore, nous avons pu tirer certains enseignements et constater combien était fort le désir d'appréhender l'école et le débat de façon positive.

A la lumière des forums, des dizaines de milliers de questionnaires qui nous sont revenus et d'un peu plus de 250 000 contacts sur le site internet de l'UMP, nous avons pu dégager quelques pistes. Je voudrais, d'abord, vous rendre compte de la tonalité du débat.

En aucun cas, ce ne fut un débat nostalgique, tourné vers le passé, bien au contraire. En rien, il n'a été focalisé sur une seule logique de moyens, comme certains l'auraient voulu. Dans l'esprit des Français, l'éducation n'est pas une question de moyens, mais d'ambitions et, peut-être plus encore, de priorités. Les interrogations n'ont pas consisté en une litanie de « Pourquoi tant de problèmes ? », mais plutôt à chercher « Comment résoudre ces problèmes ? », de manière positive.

Nous avons constaté que les défis d'hier n'avaient rien de commun avec ceux d'aujourd'hui et de demain. Les défis d'hier ont été relevés : en deux générations, le nombre de bacheliers a été multiplié par dix, les effectifs ont progressé de 40 %, la formation, le niveau de qualification des professeurs a connu un bond spectaculaire. Aujourd'hui, nous devons apporter une réponse aux 158 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans qualification, aux 15 % de jeunes victimes de l'illettrisme et de toutes ses conséquences.

Mme Claude Greff. C'est dramatique !

M. Xavier Bertrand. Nous devons aussi trouver une solution à la violence qui gangrène certains établissements et soulager le malaise enseignant qui s'est installé durablement.


Nous avons reçu un certain nombre de messages proposant des pistes particulièrement précises.

La première de ces pistes concerne l'apprentissage des savoirs fondamentaux à l'école primaire. Les Français nous demandent de tout mettre en œuvre afin de pouvoir assurer que, avant l'entrée au collège, tous les jeunes sachent lire, écrire et compter. Afin d'éviter qu'il y ait, comme aujourd'hui, 15 % de jeunes illettrés à la fin du cycle élémentaire, ils veulent que l'on puisse détecter très tôt, c'est-à-dire dès le cours préparatoire, les jeunes qui connaissent des difficultés afin de leur offrir une égalité des chances. Nous verrons comment nous pourrons réguler cela dans un texte législatif mais nous avons bien compris que, pour les Français, la lutte contre l'illettrisme et l'apprentissage des savoirs fondamentaux étaient la priorité des priorités.

Il ne s'agit pas d'enfermer l'école primaire dans ce rôle ; il s'agit d'assurer le respect et la promotion de ces savoirs et d'en faire une priorité.

La deuxième thématique qui est ressortie de la consultation est la nécessité d'ouvrir l'école.

Il s'agit d'abord de l'ouvrir aux parents. Cela suppose de créer des engagements réciproques entre eux et l'école après avoir bien défini leur place car les parents n'ont pas vocation à être au cœur du système éducatif mais ils n'ont pas non plus vocation à en être exclus. Les choses peuvent et doivent être finalisées.

L'école doit ensuite s'ouvrir sur l'Europe. L'apprentissage des langues doit être organisé de manière différente afin de conduire à la maîtrise de plusieurs langues étrangères pour que nos jeunes soient armés face à la concurrence européenne.

L'école doit enfin s'ouvrir sur l'entreprise. L'une et l'autre n'ont rien à gagner à travailler séparément. Il faut, bien évidemment, respecter la spécificité du système éducatif et sa vocation mais il faut, par une nouvelle forme d'orientation, permettre de découvrir plus tôt la voie des métiers, la voie de la professionnalisation et, sans aucun tabou, développer l'alternance.

Le troisième thème mis en avant est l'importance de savoir vivre ensemble à l'école, c'est-à-dire le respect de l'autre.

La question de la laïcité sera débattue dans cet hémicycle dans quelques semaines. Je ne m'y attarderai donc pas. J'attire simplement l'attention sur le fait que, s'il est un lieu où la laïcité doit être défendue, c'est bien l'école.

L'enseignement du fait religieux sera également un point important à inscrire dans la loi car c'est de l'ignorance et de la méconnaissance que naît la montée des communautarismes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Bravo !

M. Xavier Bertrand. Ils sont intolérables partout mais plus encore à l'école.

En matière de sécurité, préoccupation première à la fois des enseignants, des parents et des enfants, un certain nombre d'aménagements sont à prévoir - je pense, notamment, au renforcement de l'autorité des chefs d'établissement ainsi que de celle des enseignants - et des initiatives doivent être mises en place. Le ministre de l'intérieur a évoqué, la semaine dernière, la possibilité d'avoir un policier référent qui puisse, si les chefs d'établissements le souhaitent, sécuriser les abords des établissements.

Enfin, les valeurs républicaines contribuent au respect mutuel. La devise républicaine qui est gravée sur le fronton de nos écoles doit imprégner le cœur et l'esprit de nos jeunes.

Beaucoup d'entre vous ont souhaité la remise au goût du jour de l'éducation civique. Elle est toujours enseignée. Si les Français ne le savent pas, c'est peut-être parce qu'elle n'est pas enseignée sur tout le territoire avec la même force et le même nombre d'heures. Il importe aussi qu'elle soit portée haut et fort par les uns et les autres.

Mme Claude Greff. Enfin !

M. Xavier Bertrand. Dans une question que j'ai posée il y a quelque temps à M. Darcos, je mettais en avant l'expérience mise en place par la ville de Saint-Quentin dont je suis l'élu, où, sur chacune des écoles, a été apposé un drapeau tricolore. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Très bien !

M. Xavier Bertrand. Le drapeau bleu, blanc, rouge est un symbole et les symboles ont aussi leur importance à l'école.

M. Éric Raoult. Absolument !

M. Xavier Bertrand. Si les drapeaux français et européens pouvaient orner le fronton de toutes les écoles de notre pays, cela montrerait qu'elles sont aussi le lieu où se forge l'esprit républicain.

M. Éric Raoult. Eh oui !

M. Xavier Bertrand. Une dernière thématique, très développée, a été l'importance de dialoguer avec ceux qui travaillent pour l'école. Cette appellation regroupe un très grand nombre de personnes mais ce sont aux enseignants que nous pensons en priorité. Ceux-ci ont envie de dialoguer, de retrouver toute leur place dans la société. Ils sont venus nous voir avec des propositions et un très grand esprit d'ouverture.

Parler des enseignants revient à parler de l'entrée dans la carrière et, par conséquent, de l'évolution nécessaire des IUFM. Cela revient également à parler du déroulement de la carrière et, en corollaire, des affectations et des évaluations ainsi que de la nécessaire formation tout au long de la carrière.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Xavier Bertrand. Cela revient, enfin, à parler de la fin de la carrière. Il paraît tout à fait légitime qu'à partir d'un certain âge, un professeur n'ait plus la même aptitude à enseigner à des enfants. Il faut alors lui permettre de rester dans l'éducation nationale mais avec d'autres missions pour qu'il puisse se consacrer avec une énergie nouvelle et, surtout, une motivation intacte à ce beau métier qu'est celui de l'éducation.

Ce débat valait la peine d'être lancé et il était utile d'y participer.

Une étape vient de s'achever. Il nous revient maintenant de démontrer qu'il aura été un débat pour agir.

Messieurs les ministres, les parlementaires de l'UMP ont été au rendez-vous de ce débat ; ils seront également au rendez-vous de la loi !

J'ai entendu beaucoup de slogans dans la bouche de certains orateurs. Or ce ne sont pas de slogans mais de propositions concrètes et de bon sens que doit se nourrir notre débat sur l'éducation, car c'est une école du bon sens que veulent les Français.

Si, sur un sujet comme celui-ci, nous parvenions à dépasser les clivages d'un autre temps, nous ouvririons le débat à toute la nation. C'est d'une véritable question de confiance entre l'école et la nation qu'il s'agit. Cette confiance, nous la sentons. Cette confiance, messieurs les ministres, vous l'avez de la part du groupe UMP ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Excellent !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Gautier.

Mme Nathalie Gautier. Monsieur le ministre, votre politique en matière d'éducation nationale est l'exemple même du renoncement et de l'absence d'ambition. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Claude Greff. Ca commence bien !

M. Patrick Roy. Ca commence en effet très bien !

Mme Nathalie Gautier. Il n'est que de rappeler la suppression de 9 000 postes de maîtres d'internat et de surveillants d'externat (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), la non-reconduction de 20 000 postes d'aides éducateurs, la suppression de 2 500 postes de stagiaires administratifs et de 1 500 emplois de personnels administratifs, le refus de créer des postes de médecins scolaires, d'assistantes sociales et d'infirmières scolaires, l'absence de budget pour l'embauche de vacataires et la suppression des aides en faveur de projets d'actions culturelles.

Mme Claude Greff. Il n'y a plus personne en dehors des enfants, en fait !

Mme Nathalie Gautier. Je pourrais malheureusement continuer la liste.

Les communes sont aujourd'hui priées de suppléer aux baisses des crédits et aux désengagements de l'Etat pour aider les écoles dans les quartiers qui en ont le plus besoin. Par exemple, sous couvert de dédoublement des CP, vous avez supprimé les postes REP qui étaient chargés jusqu'à ce jour de mener les projets d'éducation prioritaire choisis par les équipes enseignantes et il a fallu toute la vigilance des enseignants et des directeurs d'établissement pour faire obstacle à ce tour de passe-passe.

Vous nous promettez des assistants d'éducation. Soyons sérieux ! Dans le département du Rhône, vous prévoyez, à ce qui nous a été indiqué, d'ouvrir dix postes pour l'ensemble des écoles maternelles et primaires alors que, dans ma seule circonscription, Villeurbanne, une bonne trentaine d'emplois jeunes apportaient un soutien clé aux écoles.

Si je peux me permettre de faire une suggestion, monsieur le ministre, favorisez au moins ceux qui ont le plus besoin de vos moyens. Je sais de quoi je parle puisque, dans ma circonscription, quatre collèges sont situés dans des quartiers qui bénéficient de la politique de la ville, dont un collège classé en ZEP. Et ce dernier compte un nombre de boursiers parmi les plus importants du département du Rhône.

Les équipes éducatives de ces collèges sont inquiètes. Je les ai rencontrées. Qu'adviendra-t-il à la rentrée ? Les enfants de demain auront-ils les mêmes chances que ceux d'aujourd'hui ? Je crains fort que non au regard de votre politique de renoncement.

Les établissements ne connaissent pas encore tous les moyens qui leur seront affectés pour la rentrée mais les évolutions qui s'annoncent ne sont pas rassurantes. Il n'y a qu'à voir le sort que vous réservez aux classes qui permettaient un travail individualisé avec les élèves, c'est-à-dire les classes divisions. Les quatrièmes de soutien ont été supprimées et l'avenir des troisièmes d'insertion est compromis. Quel sort réservez-vous aux classes de troisième ? Alors que la rentrée de septembre se prépare déjà dans les établissements, aucune orientation n'est encore précisée.

Votre politique est également un dénigrement des innovations des professeurs qui œuvrent depuis longtemps dans les quartiers au profit de la réussite des enfants issus des milieux populaires et défavorisés. Alain Savary avait fait le choix, en 1981, de donner plus à ceux qui ont moins. Les ZEP ont été un exemple national et peu contesté en matière de méthode pédagogique innovante et d'organisation. Cela est dû pour une grande part, je tiens à le souligner, à l'engagement militant de leurs enseignants.

Dans ces établissements, il est clair que certains élèves vivent des difficultés à répétition qui les engagent sur la voie de l'échec ou du rejet scolaire. Par contre, d'autres obtiennent des résultats remarquables. Cette grande hétérogénéité justifierait de stabiliser les équipes pédagogiques, de restaurer l'image de ces établissements plutôt que de les dénigrer tel que je l'ai entendu ce soir et de pousser cette jeune élite scolaire des milieux populaires à aller le plus loin possible.

Monsieur le ministre, il faut donner mieux à ceux qui ont moins. Qu'il s'agisse du choix des sections, du niveau de l'équipement scolaire, de la richesse des projets culturels, il est essentiel de poursuivre et d'optimiser des dispositifs tels que les contrats de réussite, les pôles d'excellence dans les ZEP au bénéfice de l'éducation prioritaire. Cela passe par la création de sections sportives, de classes musicales à horaires aménagés, de sections européennes bilingues ou internationales, voire - pourquoi pas ? - de classes préparatoires implantées au cœur même des quartiers défavorisés.

Dans ma circonscription, j'ai la chance d'avoir un collège en ZEP qui bénéficie d'une classe européenne et c'est une réussite.

Vous remettez en cause le collège unique. Vous préférez à une école de toutes les chances une école de la compétition, de la sélection...

M. Éric Raoult. Caricature !

Mme Nathalie Gautier. ...et de la relégation pour ceux qui n'ont pas l'environnement social, familial et culturel nécessaire pour réussir. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Même Mme Billard n'a pas dit ça. Elle est plus modérée que vous !

M. Patrick Roy. La vérité fait mal !

M. Michel Vergnier. Pourtant, ça fait rire le ministre !

M. Jean-Claude Beauchaud. M. le ministre rit de tout et de rien !

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Je ris tout simplement parce que c'est risible !

M. Jean-Claude Beauchaud. Vous ne supporteriez pas cela d'un élève de cinquième, monsieur le ministre !

Mme Nathalie Gautier. Ce n'est pas notre choix politique. L'école de la République doit poursuivre deux objectifs inséparables et apparemment contradictoires : un objectif politique qui vise à réunir l'ensemble des élèves d'une même classe, quelle que soit leur origine, dans ce qui constitue un creuset républicain ; et un objectif social, au sens noble du terme, qui consiste à ce que tous accèdent au niveau requis à la fin de la scolarité obligatoire.

Mme Claude Greff. On ne peut pas : il n'y a plus de professeurs !

Mme Nathalie Gautier. Le diagnostic sur la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui fait consensus.

M. Michel Bouvard. C'est vous qui avez créé cette situation !

Mme Claude Greff. Vous n'êtes même plus crédibles !

M. le président. Madame Gautier, il vous faut conclure.

Mme Nathalie Gautier. Je termine, monsieur le président.

Notre société a démocratisé l'accès à l'école mais pas la réussite à l'école.

M. Michel Bouvard. C'est votre faute !

Mme Nathalie Gautier. Il est clair que la résorption de cette fracture sociale nécessitera un engament financier extrêmement conséquent.

M. Michel Bouvard. Pas du tout. Lisez les rapports de la Cour des comptes d'avril 2001 et d'avril 2003. La Cour ne dit pas qu'il faut des moyens supplémentaires mais qu'il faut mieux gérer, ce que vous n'avez pas su faire !

Mme Nathalie Gautier. C'est pourquoi, à l'opposé de vos propositions, la réalisation d'un collège unique est toujours d'actualité.

A la fin de la scolarité obligatoire, qui correspond à la fin des années de collège, on ne peut accepter de sélection à moins de se résigner à avoir des citoyens d'en bas et des citoyens d'en haut, et de considérer que la reproduction des inégalités est une fatalité. C'est pourquoi les objectifs que nous assignons à la scolarité obligatoire devraient être identifiés et validés par la représentation nationale eu égard à son rôle essentiel de creuset républicain.

La loi d'orientation de 1989, qui place l'élève au cœur du système, est la traduction politique du choix d'éduquer. C'est l'ambition que nous portons et que nous continuerons à défendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le grand débat national sur l'avenir de l'école fait étape à l'Assemblée nationale et je m'en réjouis.

Partout en France, depuis novembre dernier, des enseignants, des parents d'élèves, des élèves - peut-être trop peu - des éducateurs et autres chefs d'entreprise ont contribué à ce grand brassage d'idées qui dégagera les lignes directrices d'une nouvelle loi d'orientation pour l'école du XXIe siècle

Le constat est sévère et chacun s'accorde à dire que l'école, qui forme les citoyens responsables de demain, remplit mal son rôle de vecteur social. Or, qu'on le veuille ou non, l'école est, et reste, le moyen le plus sûr pour trouver sa place dans la société à l'heure où il faut accepter l'idée de devoir changer plusieurs fois de cap, dans un parcours professionnel.

« La jeunesse suit une scolarité difficile, un enseignement déculturé, une sélection impitoyable pour obtenir des diplômes dévalués » peut-on lire sous la plume de François de Closets dans Le bonheur d'apprendre et comment on l'assassine. Ce livre n'est pas récent, le malaise de l'école ne l'est pas non plus.

On a encore constaté qu'en France ce n'est pas rien de parler de l'école, car cela éveille des passions parfois violentes.

Pendant trop longtemps notre école, chargée de tant d'espoirs, s'est vu confier trop de missions, parfois contradictoires d'ailleurs. On a empilé les matières, les options dès le plus jeune âge et à force de vouloir en faire davantage, à force de zapper, on a fini par devenir superficiel et par enlever toute substance à l'acte d'enseigner.

M. Édouard Jacque. C'est vrai !

M. Frédéric Reiss. A l'école comme ailleurs, et je cite Saint Vincent de Paul : « La perfection ne consiste pas en la multitude des choses qu'on fait, mais à les bien faire ». (« Très bien ! » sur plusieurs sur bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. En toute laïcité !

M. Frédéric Reiss. Depuis trop longtemps, les apprentissages fondamentaux - lire, écrire, compter - ont été négligés.

Pourquoi alors s'étonner qu'un jeune se sente exclu quand, entrant en sixième, il ne comprend quasiment rien de ce qui se dit dans une langue qu'il ne maîtrise pas !

C'est pourquoi les efforts actuels devront être intensifiés, pour vaincre le fléau de l'illettrisme. Les syndicats d'enseignants et la gauche - on l'a encore entendu tout à l'heure - continuent à réclamer de plus en plus de moyens. (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

De décennie en décennie, les dépenses de l'éducation nationale n'ont cessé d'augmenter et parallèlement - j'allais dire paradoxalement - l'échec et la violence scolaire ont aussi suivi une courbe ascendante. (« Absolument ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Durand. Ce n'est pas vrai !

M. Frédéric Reiss. Aujourd'hui un enseignant passe plus de temps à « faire le gendarme » et à créer des conditions d'écoute satisfaisantes qu'à dispenser un savoir ou un savoir-faire à ses élèves. (M. Michel Bouvard brandit le rapport de la Cour des comptes.)

Avant de développer quelques réflexions de fond, je ferai quelques commentaires sur la forme du débat, qui a tranché avec les modes de concertation habituels, à l'annonce d'une nouvelle réforme.

S'il est vrai que certains parents d'élèves, ou certains non spécialistes de l'éducation nationale, se sont un peu perdus dans les 22 questions proposées, elles ont eu le mérite de poser clairement les problèmes. Le débat était riche. Riche du produit des rencontres organisées, tous azimuts, par les chefs d'établissements, les inspecteurs, les sous-préfets ou des rencontres organisées dans un cadre plus politique ou plus associatif.

Tous ceux qui ont voulu prendre la parole l'ont eue. Le travail de synthèse qui échoit à la commission Thélot sera probablement difficile, mais la convergence de certaines réflexions permettra, je n'en doute pas, de faire émerger des pistes pour l'avenir de notre école.

Pour ne pas me perdre dans la forêt des différents thèmes abordés, je me bornerai à en développer trois : la place des parents à l'école, la nécessaire mutation du collège unique et les problèmes d'autorité.

Aucune censure n'a été exercée lors de ces débats ; un élu local a affirmé devant une soixantaine de personnes interloquées : « La violence est entrée à l'école avec les parents. » Une réflexion excessive, certes, mais qui a permis de discuter utilement du rôle et de la place des parents à l'école.

Comment ne pas comprendre cette mère, dont la bonne volonté et l'enthousiasme faisaient plaisir à voir, qui ne savait quelle attitude adopter pour accompagner la scolarité de ses enfants ?

Mme Claude Greff. Eh oui !

M. Frédéric Reiss. Si elle s'y intéresse de trop près, les enseignants la considèrent comme une « enquiquineuse » ; si elle laisse faire, elle est considérée comme une « démissionnaire ». Comment trouver la vraie place des parents dans les conseils de classe, dans les conseils de discipline, dans les conseils d'administration, voire dans les projets d'établissement ? Des relations de confiance entre parents et enseignants ou entre parents et administration sont salutaires, notamment lorsqu'un enfant doit surmonter des difficultés. Des conflits sont toujours préjudiciables à sa scolarité. Aussi faut-il que tous les acteurs de l'équipe éducative, parents en tête, recherchent en synergie, et dans la confiance mutuelle, des solutions aux problèmes posés, qu'ils soient d'origine relationnelle, scolaire ou familiale.

D'aucuns prônent le retour des devoirs à la maison, un moyen de communiquer positivement sur le travail fait avec les enseignants. Pourquoi ne pas promouvoir avec père ou mère, un quart d'heure quotidien d'attention non partagée pour chaque enfant ? Cela n'a l'air de rien, mais c'est sans doute très important.

Pour un enfant, la perception que ses parents auront de l'école est déterminante dans sa réussite scolaire.

Pour conclure ce premier point, je ne voudrais pas passer sous silence des cours de civisme, ouverts aux parents, suggérés par un certain nombre d'entre eux, lors du débat.

J'en arrive au collège unique, qui a été la réponse à la démocratisation de l'enseignement pour tous et qui, aujourd'hui, a montré ses limites. Quelles solutions rationnelles peut-on proposer à des professeurs confrontés à la difficile équation posée par des élèves de quatrième et troisième totalement à la dérive ? Certains d'entre eux savent à peine lire et écrire, accumulent les lacunes dans l'ensemble des matières et malgré, parfois, de la bonne volonté régressent au fur et à mesure que l'année scolaire avance. J'utiliserai à dessein un mot que j'ai déjà entendu à cette tribune - je sais qu'il ne plaît pas à tout le monde - à savoir que notre système scolaire fabrique des chômeurs en puissance. (« Tout à fait ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) II faut que cesse l'orientation par l'échec ! (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe pour un mouvement populaire.)

On ne peut se résigner et accepter l'échec scolaire et se donner bonne conscience en disant que de toute façon, pour une minorité, cet échec est inéluctable.

Nous sommes aujourd'hui à un tournant important et ce n'est pas avec des replâtrages ou la généralisation d'itinéraires de découverte que le problème sera résolu. Un grand nombre de nos concitoyens - et je partage leur avis - pensent que lorsqu'on a tout essayé pour mettre à niveau les élèves, en fin de cinquième, il est temps de leur proposer autre chose.

Dans une société où nous manquons cruellement d'artisans, l'intelligence de la main pourrait permettre aux élèves en difficulté une valorisation différente qui leur ouvrirait la voie de la réussite.

M. Yves Durand. Ce n'est pas cela, la voie professionnelle !

M. Frédéric Reiss. Je sais que nos ministres feront tout pour valoriser la voie professionnelle, pour former aux métiers et pour diversifier les parcours. Tous les talents, manuels, artistiques, techniques ou sportifs doivent être traités avec une égale dignité, à côté d'une culture plus académique qui privilégie la théorie et l'abstrait.

Personnellement, il me semble que l'alternance telle qu'elle est expérimentée actuellement, ne va pas assez loin. En effet, ces élèves, même avec une découverte positive et plus précoce de l'enseignement professionnel, pendant un certain nombre d'heures, rejoignent leur classe d'origine qui, entre-temps, a progressé, si bien que les lacunes s'accumulent dans les matières traditionnelles. Ne peut-on imaginer la réorganisation du collège avec la création de classes spécifiques dans lesquelles ces élèves auront leurs repères, progresseront à leur rythme avec une attention particulière portée à l'enseignement professionnel et technologique ? La pédagogie différenciée, pratiquée par de nombreux enseignants, montre ses limites et creuse, surtout lorsqu'elle est mise à mal par des problèmes de discipline, le fossé entre les élèves qui progressent normalement et ceux qui peinent. Réformer en profondeur le collège unique est, à mes yeux, indispensable. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

L'autorité à l'école est un sujet incontournable à tous les niveaux. Rétablir l'autorité naturelle de l'enseignant devant sa classe passe par une confiance accrue à son égard.

« Quelqu'un qui respecte les mômes, n'a pas besoin d'imposer » a dit Gabriel Cohn Bendit dans une interview récente. Encore faut-il que les élèves respectent aussi les professeurs ! Mais cela ne se décrète pas. Il est évident que les facultés de contact avec les jeunes sont primordiales. Un enseignant, pour être respecté, doit être respectable. Il est bien connu que les jeunes ont plus besoin de modèles que de critiques.

Restaurer l'autorité passe également par une redéfinition du rôle et du statut des chefs d'établissement. Ces derniers doivent être de véritables catalyseurs de l'acte d'enseigner et d'éduquer, en concertation avec les enseignants et les parents. Le pouvoir des conseils de classe, des conseils de discipline, doit être affirmé et les décisions respectées avec des procédures clairement établies.

Des enseignants motivés, pédagogues dans l'âme, qui savent donner le goût de l'effort, ne demandent qu'à s'impliquer pleinement dans la nécessaire rénovation de l'école.

M. Yves Durand. Avec les arrêts de rigueur ! (Sourires)

M. Frédéric Reiss. Il faut leur rendre hommage et par là même motiver des jeunes, pour prendre le relais dans la perspective des nombreux départs à la retraite annoncés.

Cela m'amène à dire un mot des fins de carrière qu'il serait bon de repenser. Enseigner est harassant, fatigant, usant, Aussi, les dernières années avant la retraite devraient-elles permettre à ceux qui le souhaitent et qui ont beaucoup donné de leur personne, de s'occuper par exemple du soutien dans des petits groupes, d'assister leurs collègues dans les projets pédagogiques ou de contribuer à des activités périscolaires.

En ce troisième millénaire, avec l'entrée en trombe de la cyberculture, avec l'invasion de la télévision, avec les technologies galopantes mais aussi avec la chute de l'autorité parentale et avec le spectre du chômage, le rôle de l'école est fondamental. Chaque enfant doit pouvoir bénéficier de conditions de travail et d'accueil optimales qui lui permettent de développer toutes ses potentialités.

En un siècle, la société s'est profondément transformée et même si des valeurs comme la générosité, le respect, la tolérance, l'honnêteté, l'obéissance aux parents et aux enseignants et le respect qui leur est dû ont perdu de leur acuité, elles méritent d'être réactivées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Andrieux -Bacquet.

Mme Sylvie Andrieux -Bacquet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la représentation nationale est invitée, depuis cet après-midi, à débattre de ce que vous avez appelé l'avenir de l'école. A l'instar de mes collègues, je pense que parler de l'avenir de l'école est une chose importante, mais il ne faudrait pas que ce débat vienne - comme le disait si brillamment mon collègue Yves Durand cet après-midi - ...

M. Yves Durand. Merci !

Mme Sylvie Andrieux -Bacquet. ...occulter la situation telle qu'elle est après deux ans de votre gestion désastreuse de l'éducation nationale.

Permettez-moi, dès lors, de ne pas évoquer tout de suite l'avenir, mais bien le présent. Les sujets sur lesquels nous pourrions nous arrêter ne manquent pas, mais il est un point sur lequel nous ne pouvons que déplorer avec insistance votre absence et celle du Gouvernement, parce qu'il touche à ce que vivent des milliers de familles dans notre pays, celui de la maternelle.

Chacun s'accorde à dire que l'entrée à l'école maternelle est une étape primordiale dans le parcours d'un enfant, non seulement parce qu'elle constitue souvent pour beaucoup les premières expériences de la « vie en société », mais aussi parce qu'elle conditionne sa réussite future, en établissant les premières bases du savoir.

Notre législation n'oblige aucun parent - c'est vrai - à scolariser son enfant dès deux ou trois ans, mais nous savons bien que notre société a évolué, que ses pratiques ont changé. L'activité professionnelle des deux parents, des horaires de travail décalés etc. tous ces changements ont conduit à ce qu'aujourd'hui près de 100 % des enfants de trois ans et un tiers des moins de trois ans soient scolarisés.

A cette évolution sociale, nous devons ajouter une augmentation des naissances qui a transformé l'entrée à l'école maternelle en véritable enjeu démographique, face auquel nos concitoyens sont en droit d'attendre des mesures concrètes, rapides et efficaces.

Cet enjeu. le gouvernement de Lionel Jospin l'avait pris en compte, en engageant des moyens financiers supplémentaires pour faire face à l'augmentation des naissances en 2000 et 2001 et améliorer l'accueil des plus petits à l'école.

M. Jean-Marc Roubaud. Il a été battu !

Mme Sylvie Andrieux -Bacquet. A l'inverse, la politique menée par votre gouvernement est bien loin de ce que les Françaises et les Français espèrent.

Vous avez fait le choix délibéré de favoriser la garde individuelle de l'enfant, alors que chacun sait que de telles mesures ne profitent qu'aux ménages les plus aisés.

Mme Claude Greff. Vous ne les connaissez pas !

Mme Sylvie Andrieux -Bacquet. Vous avez diminué le budget de l'éducation nationale en 2003, vous avez feint de l'augmenter en 2004.

M. Éric Raoult. C'est faux !

Mme Sylvie Andrieux -Bacquet. Ces choix désastreux ne permettront certainement pas d'accueillir les enfants de deux ou trois ans dans nos écoles dans des conditions convenables.


Aux sacrifices budgétaires, vous ajoutez un désintérêt flagrant envers l'école maternelle (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) puisque même vous, monsieur Darcos, vous vous demandiez en mars dernier, s'il ne fallait pas ralentir la scolarisation des enfants de deux ans.

Monsieur le ministre, il y a ce à quoi vous réfléchissez, il y a aussi la réalité quotidienne des Français. Remettre en cause la scolarisation des enfants suppose auparavant que vous augmentiez les capacités d'accueil des plus petits, notamment en crèche.

Mme Claude Greff. Pourquoi pas dès six mois ?

Mme Sylvie Andrieux -Bacquet. Dans les zones défavorisées ou tout simplement dans les familles aux revenus modestes, l'école maternelle, mes chers collègues, n'est pas une option, c'est une nécessité.

Lorsqu'un maire refuse de créer des crèches supplémentaires, comme c'est le cas à Marseille. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

Mme Marie-Jo Zimmermann. Ce n'est pas le sujet !

M. Bernard Accoyer. Heureusement que Gaudin est là !

Mme Sylvie Andrieux -Bacquet. Vous êtes donc tous Marseillais ? J'en suis ravie, je l'ignorais.

... et que vos moyens ne vous permettent pas d'accéder à la garde individuelle de votre enfant, il ne vous reste plus qu'une solution : l'école maternelle.

M. Alain Néri. Eh oui !

Mme Sylvie Andrieux -Bacquet. Ajoutez une démographie en croissance et vous obtenez une situation bloquée, voire dramatique pour les parents comme pour les enseignants.

Ce sont des frères et des sœurs que l'on sépare faute de pouvoir les inscrire dans la même école. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard. Quelle caricature !

Mme Sylvie Andrieux -Bacquet. Ce sont des espaces destinés à la sieste des tout-petits. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

On voit que vous connaissez le sujet, mes chers collègues !

Ce sont des bibliothèques que l'on transforme en salles de classe, faute de mieux. Ce sont des bâtiments préfabriqués que l'on installe dans les cours de récréation au détriment des espaces de jeux.

Dans ma circonscription, je suis sollicitée en permanence par des parents désemparés qui voient arriver la rentrée scolaire avec angoisse, car aucune école maternelle publique ne peut accueillir leur enfant.

M. Éric Raoult. Que fait la région ? Que fait le conseil général ?

Mme Sylvie Andrieux -Bacquet. Je ne savais pas que les écoles dépendaient de la région. Vous me l'apprenez !

Solution ultime, l'école privée atteint elle aussi ses limites. Je ne pense pas me tromper en disant que nous avons tous quelqu'un dans notre entourage réduit à devoir rédiger une véritable lettre de motivation pour obtenir une place. Alors, nous pouvons parler de l'avenir de l'école autant que nous le souhaitons, mais cela n'a de sens que si nous le préparons dès présent.

M. Jean-Marc Roubaud. Qu'est-ce que vous avez fait ?

Mme Sylvie Andrieux -Bacquet. Préparer la réussite future de nos enfants, c'est d'abord s'occuper d'eux dès leur plus jeune âge. Cela suppose plus de moyens financiers,...

M. Michel Bouvard. Nous y voilà !

Mme Sylvie Andrieux -Bacquet.... notamment dans les zones d'éducation prioritaire, pour augmenter les capacités d'accueil afin de prévenir les difficultés et de réduire les inégalités.

M. Jean-Claude Beauchaud. Très bien !

Mme Sylvie Andrieux -Bacquet. Cela suppose que les besoins soient clairement recensés au niveau des écoles afin que les communes puissent réagir rapidement. Cela suppose bien sûr plus de recrutements pour assurer un encadrement des enfants suffisant. Cela suppose avant tout du courage et de la volonté de la part de l'Etat.

L'école de la République commence dès la maternelle : refuser son accès à des enfants, même en bas âge, c'est bafouer délibérément ses principes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Le débat national sur l'avenir de l'école, voulu par le Président de la République et le Premier ministre, lancé par vous, messieurs les ministres, le 17 novembre 2003, s'est achevé vendredi dernier. Pour citer Le Figaro de ce matin, le débat fait étape aujourd'hui à l'Assemblée. A la différence de certains de mes collègues qui jugent cette étape inutile, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir souhaité cet échange.

Avant de nous prononcer à l'automne prochain sur une loi d'orientation pour l'école de demain, il fallait que la représentation nationale s'exprime non seulement dans les réunions publiques, comme nous l'avons fait, mais aussi dans l'hémicycle où nous voterons la loi.

Cette concertation et surtout ce dialogue ouvert à tous, certes aux praticiens de l'école, mais à toutes les familles, à toutes les professions et à tous les Français étaient nécessaires.

Mme Claude Greff. Tout à fait !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Depuis de nombreuses années, ce débat était promis. Vous avez eu le courage et la volonté de l'engager, et de l'organiser, ce n'était pas tâche facile. Messieurs les ministres, vous avez compris que l'école doit demeurer une priorité. En outre, elle représente le premier budget de l'Etat, il me paraît donc important que nous nous penchions sur ses difficultés.

Trois thèmes ont été retenus par la commission nationale du débat : « comment modifier et faire travailler efficacement les élèves » est celui qui est le plus souvent revenu dans les réunions publiques, ainsi que deux autres thèmes importants, « l'adaptation de l'école à la diversité des élèves » et « la prise en charge des élèves en grande difficulté ». Ces thèmes relèvent tous d'une même problématique : l'accueil d'un public scolaire, perçu la plupart du temps comme difficile, mais surtout hétérogène.

Mais, devant tous les élèves, qui est au centre du système éducatif ? Qui est le moteur de ce système ? C'est l'enseignant.

Mme Claude Greff. Oui !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Or les deux thèmes concernant la redéfinition des métiers de l'école, mais également la formation, le recrutement, l'évaluation et l'organisation de la carrière de l'enseignant ont été fort peu discutés.

Mme Claude Greff. En effet.

M. Éric Raoult. C'est vrai.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Il faut mettre l'enseignant en avant et quand nous examinerons loi d'orientation, il nous faudra revenir sur ces questions.

M. Éric Raoult. Très bien.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Seulement 45 %, vous l'avez dit, monsieur le ministre, du corps enseignant aurait participé à ce débat. Permettez-moi aujourd'hui de me préoccuper exclusivement des acteurs qui sont à mon sens les principaux éléments du système éducatif, à savoir les enseignants.

Mme Claude Greff. Tout à fait !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Le métier d'enseignant traverse une crise de confiance. Nous avons l'obligation de réagir très rapidement face à cette situation. L'Etat doit se montrer exemplaire à l'égard de toutes celles et de tous ceux qui ont choisi de se consacrer à l'éducation.

Mme Claude Greff. Ils ont été oubliés depuis trop longtemps !

Mme Marie-Jo Zimmermann. L'école vit par les femmes et les hommes qui lui donnent corps.

M. Éric Raoult. Très bien !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Ils transmettent le savoir à nos enfants. Nous leur devons une considération particulière. Sachons qu'il est vital pour l'avenir de notre pays que tous les talents qui choisissent l'école, la choisissent par vocation et non par défaut.

M. Jean-Claude Beauchaud et M. Yves Durand. Très bien !

M. Éric Raoult. Oui.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Lorsque nous savons que, dans les dix ans à venir, près de 50 % des forces vives de l'éducation nationale partiront à la retraite, il faut réellement se préoccuper du métier d'enseignant et lui redonner, avec des instruments peut-être différents, une réalité nouvelle. L'école doit se mettre au service des progrès de l'élève. Mais n'oublions pas que l'élève a changé. Il a la facilité de remplacer l'enseignement qui lui est délivré par la télévision et l'Internet. Sa capacité d'attention s'est modifiée. Il zappe en cours aussi fréquemment que sur le petit écran. L'enseignant doit en permanence s'adapter non seulement à l'élève, mais à la classe entière.

Mme Claude Greff. Tout à fait, et ce n'est pas simple !

Mme Marie-Jo Zimmermann. N'oublions pas non plus que les parents, autres acteurs du système, ont changé. Les uns, forts de leur niveau universitaire, voudraient dire à l'enseignant comment il doit exercer son métier. D'autres, au contraire, démissionnent et se démettent de leurs responsabilités les plus élémentaires. Face à une telle mutation, le monde enseignant est dans l'obligation de s'adapter.

Aujourd'hui, messieurs les ministres, il est primordial de s'occuper plus activement du métier de l'enseignant. Il faut d'abord apporter un soutien matériel aux jeunes professeurs lors de la prise de leur premier poste. Il faut réformer les IUFM afin d'améliorer la formation initiale en donnant toute leur place à la pratique et à l'expérience sur le terrain.

Une réflexion doit être ouverte sur les obligations des services pour favoriser la réussite des élèves en tenant compte à la fois des besoins des établissements, mais aussi et surtout de la situation du personnel.

Il faut prévoir aide et soutien au cours de la carrière à partir d'évaluations transparentes mettant en avant aussi bien les difficultés rencontrées que les succès obtenus.

Enfin, les enseignants doivent pouvoir approfondir leurs connaissances à différentes étapes de leur carrière, par le biais d'un droit individuel à la formation, comparable à celui qui vient d'être adopté au Parlement pour d'autres professions.

Mme Claude Greff. Bien sûr !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Il faut, en réalité, permettre à l'enseignant d'exercer son métier avec d'autres moyens. Leur malaise est réel. Nous ne pouvons nier un moindre respect de la fonction enseignante, une dégradation de la relation directe entre maître et élève comme des rapports entre enseignants et parents.

Je crois que l'on a trop demandé à l'école et trop attendu des enseignants : qu'en plus de leur fonction première, ils assument celle d'éducateur spécialisé, d'assistante sociale et d'agent de sécurité...

Aujourd'hui, il faut recentrer leur rôle. Il faut leur donner la garantie d'exercer leur métier en toute sérénité avec plus de considération pour leur fonction, si essentielle pour la société.

Il faut renouer avec beaucoup de persévérance le dialogue avec ceux qui forment les citoyens de demain.

M. Jean-Marc Roubaud et M. Michel Bouvard. Très bien !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Sans eux, l'école ne pourrait exister.

Mme Claude Greff. Tout à fait !

Mme Marie-Jo Zimmermann. La nation doit donner les moyens matériels et moraux d'assurer une mission de plus en plus difficile. Ils doivent pouvoir compter sur l'Etat dans tous les domaines pour assurer l'exercice de leur fonction.

Mme Claude Greff. Si seulement, cela avait été fait avant ! On voit le résultat maintenant !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Depuis plus d'un siècle, l'école est la fierté de la République et l'œuvre de millions d'hommes et de femmes qui ont choisi de lui consacrer leur existence. Grâce à eux, notre école n'a cessé de se transformer pour s'adapter aux évolutions de la société. Elle a accueilli des générations toujours plus nombreuses. Elle les a accompagnées vers des niveaux de formation toujours plus élevés. Grâce au dévouement et aux compétences des enseignants, notre pays a décuplé en cinquante ans la proportion de jeunes titulaires du baccalauréat.

M. Yves Durand. Mais c'est extraordinaire, alors ?

Mme Marie-Jo Zimmermann. Tous ensemble, nous devons explorer toutes les pistes pour redonner aux enseignants le plaisir et la fierté d'enseigner et surtout leur manifester la reconnaissance de la nation.

Mme Claude Greff. Tout à fait !

M. Éric Raoult. Très bien !

Mme Marie-Jo Zimmermann. C'est le message que je souhaitais faire passer, monsieur le ministre, en tant que parlementaire, mais surtout en tant qu'ancienne enseignante ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Durand. Vous avez dit le contraire du ministre, mais c'est très bien.

Mme Claude Greff. Il n'a rien compris !

M. Éric Raoult. Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre !

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, vous voyez à cette tribune un homme en colère ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En colère parce qu'il y a mystification, amputation de l'avenir de la France, ...

M. Ghislain Bray. C'est « Vidéogag » !

M. Patrick Roy. ... en colère parce que ce ministère qui devrait être au service de tous génère de l'injustice. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ces ricanements ne vous font pas honneur ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Patrick Roy. Je suis un homme en colère parce que derrière les mots, derrière le « vocabulaire ministériel », je ne vois que de la supercherie ; grand débat en façade, coups bas contre l'école lorsque les masques tombent !

M. Jacques Myard. C'est un expert qui parle !

M. Michel Bouvard. Quelle caricature ! Est-ce que vous avez redéployé des postes d'Henri IV ou de Louis-Le-Grand ?

M. Patrick Roy. Chez moi, dans le Nord, dans le Valenciennois, dans le Denaisis, dans l'Ostrevant, là où le chômage de masse a fait des ravages, et pas seulement sur le niveau des ressources financières des familles, là où l'école est souvent dans les quartiers la dernière résistance collective, nous avions réussi à atteindre une scolarisation des enfants de deux ans au taux moyen de 65 % .

Mme Claude Greff. Et c'est reparti !

M. Patrick Roy. Et c'est reparti, comme je viens de l'entendre !

Dans ce territoire meurtri par le chômage, cette performance n'est pas un luxe ni un gadget. Elle répond simplement à l'enjeu ! Mais, pour des logiques politiciennes,...

M. Jacques Myard. Ce n'est pas votre cas !

M. Patrick Roy.... pour des logiques de profit budgétaire (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), vous avez décidé de remettre en cause la scolarisation des enfants de deux ans.

M. Franck Gilard. Les pédiatres sont contre !

M. Patrick Roy. Vous appliquez en fait une politique de droite là où il faut une grande politique nationale.

Mme Claude Greff. De gauche ?

M. Bernard Accoyer. Quel sectarisme !

M. Patrick Roy. Alors que chez nous, dans le Nord, on annonce une augmentation de près de 2 400 élèves dans les écoles, vous supprimez 49 postes !

M. Alain Néri. Eh oui !

M. Patrick Roy. Telle est votre logique : plus d'élèves, moins de postes. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Jo Zimmermann. Mais non !


M. Patrick Roy
. Deux mille quatre cents élèves en plus, quarante-neuf postes en moins. Ce sont les chiffres. Je crains aujourd'hui que cette logique ne vous entraîne à faire le choix de la remise en cause de l'accueil dès deux ans.

Le recteur du Nord, votre recteur, a commencé par déclarer - première attaque -, lors d'une réunion grand-messe, qu'il ne voulait pas de « bac plus cinq » pour surveiller des enfants en train de dormir. C'est extraordinaire !

M. Jacques Myard. Il a raison !

M. Patrick Roy. Puis, deuxième attaque, il rappelle que le ministère n'est pas obligé d'accueillir les enfants de deux ans.

M. Jacques Myard. Il ne faut pas confondre l'école et la crèche !

M. Patrick Roy. Enfin, troisième attaque, la vôtre, directement, suppression de postes là où monte le nombre des élèves.

M. Jacques Myard. Pitoyable !

M. Patrick Roy. Messieurs les ministres, vous êtes le parti du renoncement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Un renoncement historique face au besoin d'ambition porté par les enseignants et les familles.

Ce renoncement n'est pas le seul. Alors que l'insécurité est le fonds de commerce de votre gouvernement, vous avez décidé dans les écoles, les collèges, les lycées, là où tout se joue dans l'éducation citoyenne,...

M. Michel Bouvard. C'est vous qui avez rempli les étagères !

M. Patrick Roy. ...d'être le premier licencieur de France. Votre conception de l'école de la citoyenneté, votre conception de la lutte contre les violences scolaires, c'est d'abord la suppression d'encadrements adultes auprès de nos élèves. Nous l'avions dénoncé l'an dernier, Yves Durand avait été brillant sur ce sujet, mais vous l'avez fait !

La disparition des aides éducateurs, dont vous êtes seul responsable car rien ne vous interdisait de poursuivre cette belle politique, est très mal vécue par les établissements qui en supportent les conséquences.

M. Bernard Accoyer. Provocateur !

M. Patrick Roy. Je suis aussi conseiller général. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) J'assiste donc aux conseils d'administration des collèges de mon canton. Je suis interpellé par les équipes éducatives. Eh bien, le constat est le même partout : aujourd'hui la baisse du nombre de ce personnel adulte atteint souvent plus de 50 %. Un grand nombre de départs d'aides éducateurs, quelques arrivées d'assistants d'éducation : partout, c'est le même constat d'échec et d'amertume.

En clair, là où nous avions mis dans un collège dix adultes, vous en supprimez au minimum cinq. Avec mes amis socialistes, je crois à la présence d'adultes auprès de notre jeunesse. Avec les enseignants, je crois à l'efficacité de cette présence adulte dans l'enjeu de l'éducation citoyenne. Avec les familles, je crois à l'urgence de faire baisser la violence dans nos écoles.

Mme Sylvie Andrieux -Bacquet. Ah !

M. Patrick Roy. Chez moi, votre recteur est encore plus inquiétant avec l'annonce pour la rentrée prochaine de trois départs pour une arrivée. Les chiffres sont ceux-là : 366 créations pour 1 000 suppressions. Votre logique, c'est plus de violence, moins d'éducation.

Alors, messieurs les ministres, allez vous enfin admettre le fiasco de cette politique, allez-vous enfin rendre l'accompagnement adulte que vous avez supprimé. Allez-vous enfin prendre la pleine mesure de l'enjeu éducatif et citoyen ?

Messieurs les ministres, l'école est le ciment qui unit chaque Français. Ne lui envoyez pas une entreprise de démolition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'école de la République est à la fois le symbole et le creuset de la connaissance et de l'égalité des chances.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Bernard Perrut. Elle est au cœur de notre vie quotidienne. Tous les enfants doivent accéder sans discrimination aux mêmes valeurs et à la même culture.

L'école transmet le savoir. C'est là la plus noble de ses missions, et les enseignants méritent toute notre attention. Nous sommes sensibles à la qualité de leur travail, parfois difficile, à leurs préoccupations, persuadés qu'il faut recentrer et renforcer leur rôle et revaloriser leur fonction.

L'école est le reflet de notre société et souffre des mêmes maux. Elle n'est plus le sanctuaire qu'elle était et est confrontée au doute, aux difficultés, à la violence.

C'est pourquoi, messieurs les ministres, vous avez compris les grands défis auxquels est confrontée l'école du XXIe siècle et engagé un grand débat sur ce sujet. C'est une chance pour la France. C'est sur le terrain, loin des cercles des seuls spécialistes, que le débat contribue, aujourd'hui comme hier, à la construction de l'école de demain.

Nous avons ainsi pu, dans chacune de nos circonscriptions, échanger nos idées sur les missions et le fonctionnement de l'école, et partager ce souci commun : comment motiver et faire travailler efficacement les élèves, comment recentrer l'école sur ses vraies missions, comment permettre à nos jeunes de réussir leur vie ? Car c'est bien là l'enjeu.

Je considère, pour ma part, que favoriser l'égalité des chances doit constituer la priorité de notre système scolaire. Nous prenons part aujourd'hui, autour de cette idée, au débat. Je souhaite que nous puissions, tous ensemble, contribuer à ce diagnostic partagé, avant de voter, à la fin de l'année, ce projet de loi.

Comme l'écrivait Georges Bernanos : « On ne subit pas l'avenir, on le fait ». Oui, l'école est l'affaire de tous. Il nous faut la préparer aux grands défis de demain, car le monde évolue vite.

Nous ne voulons pas, mes chers collègues, d'une école à deux vitesses. Cela implique que l'école soit adaptée à l'enfant et détecte les jeunes qui ont le plus de difficultés. Mais comment rendre effective cette volonté, comment apporter plus à ceux que la vie a défavorisés ?

Vous avez placé, messieurs les ministres, la prévention et la lutte contre l'illettrisme comme priorités de votre action. Il est, en effet, inacceptable que près de 15 % des élèves entrant en classe de sixième ne sachent pas lire et écrire correctement. Notre pays compte malheureusement aujourd'hui près de deux millions d'adultes éprouvant des difficultés dans ce domaine. La lutte contre l'illettrisme passe par la prévention à l'école, tout au long de la scolarité. Mais rappelons le rôle important des parents dans ce goût de la lecture, dans cette formation des jeunes.

Alors, peut-on imaginer, mes chers collègues, un environnement idéal, pour limiter le risque d'échec ? Des programmes scolaires motivants, des ateliers d'écriture ou d'expression, la généralisation de l'outil informatique comme vecteur ludique d'apprentissage de la lecture : voilà autant de pistes à envisager. Vous privilégiez déjà l'apprentissage de la lecture auprès des jeunes des cours préparatoires, mais il faut encore aller plus loin.

Lors des réunions dans ma circonscription, j'ai pu aussi remarquer combien les parents étaient inquiets face au diagnostic sur le collège et sur le lycée. Inquiétude quand l'accès au baccalauréat ne progresse plus ou régresse. Plus grave encore, la persistance d'un nombre incompressible de jeunes sortant du système scolaire sans aucun diplôme et sans qualification. Ceci n'est pas acceptable.

Ainsi serait-il souhaitable, messieurs les ministres, d'introduire une culture professionnelle, une sensibilisation au monde de l'entreprise le plus tôt possible. Ne faudrait-il pas proposer une meilleure orientation, plus ouverte, dès la classe de cinquième pour les élèves qui souhaitent suivre une formation professionnelle ? Nous pourrions peut-être méditer ensemble cette phrase de Paul Valéry : « Tu ne m'apprends rien si tu ne m'apprends pas à faire quelque chose ». ela résume tout le débat sur l'enseignement professionnel qui, pendant trop longtemps, a été dévalorisé. C'est le contraire qui doit être fait. Il faut une véritable égalité d'accès au savoir, sans discrimination entre la voie générale et la voie professionnelle. Il faut, bien entendu, que chacun puisse s'épanouir.

Mme Sylvie Andrieux -Bacquet. Très bien !

M. Bernard Perrut. L'absentéisme a été aussi une des questions évoquées lors de ces réunions. Quelle place, précisément, voulons-nous donner aux parents, qui sont parfois des consommateurs indifférents ou bien exigeants, mais peu impliqués dans la vie de l'école ? Ne pourrait-on pas établir un partenariat renforcé entre les enseignants et les parents, voire la mise en place de contacts individualisés, passant par le retrait, chaque trimestre, du bulletin de notes à l'école, par les parents, auprès d'un professeur mandaté et qui pourrait parler de l'élève ?

L'acquisition des savoirs à l'école demande la mise en place de pratiques pédagogiques performantes et adaptées. L'école doit permettre aux jeunes de devenir des acteurs motivés.

On pourrait évoquer aussi, si le temps me le permettait, tous les problèmes liés à la violence, qui ne doit plus avoir sa place dans l'école. Il est urgent de restaurer l'autorité et d'assurer la paix dans nos écoles, en fondant ce souci sur la tolérance, les valeurs républicaines et le respect de la laïcité.

En conclusion, mes chers collègues, à l'heure où l'on parle beaucoup de décentralisation et de liberté, sachons encourager toutes les initiatives. Si l'éducation est nationale, l'ensemble des acteurs sur le terrain se mobilisent. Nous devons prendre en compte toutes ces initiatives, celles des élus, des enseignants, des parents, qui savent, quand il le faut, se regrouper, s'organiser et innover. Pouvons-nous envisager plus de souplesse, plus d'autonomie pour nos établissements et des contrats d'objectif qui pourraient être passés entre chacune des écoles et l'éducation nationale ?

Mme Sylvie Andrieux -Bacquet. C'est un programme ambitieux !

M. Bernard Perrut. Mes chers collègues, nous avons évoqué de nombreux points, ce soir. D'autres mériteraient de l'être. Je pense notamment aux enfants handicapés, à l'intégration et à la place que nous devons donner aux enfants qui sont autistes ou atteints de troubles autistiques parce que, précisément, ils sont, aujourd'hui encore, les oubliés de nos programmes de l'éducation nationale.

Les grands principes, les plus belles idées que nous évoquons ensemble ne révéleront leur valeur que lorsqu'elles trouveront leur application, lorsqu'elles trouveront leur efficacité. Si nous sommes, ce soir, des élèves bien studieux, les bons résultats sont encore à attendre. Alors, travaillons tous ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Guibal.

M. Jean-Claude Guibal. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en cinq minutes, j'ai choisi d'être impressionniste, au risque d'être excessif et, sûrement, injuste.

Excessif et injuste, par exemple, en affirmant que, telle qu'elle est devenue, l'école n'est plus l'école. A trop vouloir s'ouvrir sur la société, elle s'est fondue en elle...

M. Jacques Myard. Il a raison !

M. Jean-Claude Guibal....renonçant à sa mission première, qui est de former des hommes libres en leur transmettant des savoirs. De ce fait, il arrive à l'école ce qui arrive à la société elle-même, emportée et déstructurée sous l'effet conjoint du rousseauisme et de l'économisme.

Apprendre à apprendre par la maîtrise préalable des langages et des méthodes, telle est la fonction irremplaçable de l'école. Elle implique respect du travail et de l'effort. Or, tout se passe comme si l'école y avait renoncé tant elle privilégie plus volontiers le bien-être de l'enfant que son épanouissement intellectuel.

Conçue à l'image de la société d'aujourd'hui, elle s'est mise à son service plus qu'à celui de l'élève. L'école n'est plus ce lieu sacré voué au perfectionnement de l'homme. Factotum de la société, il lui est demandé de produire des agents économiques immergés dans une culture de masse convenue plutôt que de bâtir « des pierres vives » aptes à la réflexion, à l'esprit critique et au vivre ensemble.

Plutôt que de démocratiser la connaissance et la culture, en s'attachant à assurer la possibilité pour chacun de valoriser au mieux ses potentialités, on a introduit la démocratie dans le fonctionnement de l'école. Il en est résulté que les élèves assimilent désormais la démocratie à l'expression de leurs convictions personnelles plus qu'à la recherche de valeurs communes. Il en sont arrivés à contester les savoirs au nom d'une improbable démocratie d'opinion.

Il faut se rendre à cette évidence : l'école d'aujourd'hui préfère pratiquer la démocratie que de former des citoyens.

En instaurant avec l'enfant des relations d'égalité, l'école a remis en question la supériorité de l'éducateur, par ailleurs déjà rétrogradé dans la hiérarchie des prestiges sociaux.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Jean-Claude Guibal. Les formes anciennes de l'autorité y sont devenues impraticables. Or l'autorité est au cœur de l'éducation.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Jean-Claude Guibal. Celle, par exemple, fondée sur l'inégalité des savoirs entre le maître et l'élève est indissociable de la transmission des connaissances.

Dans la salle de classe, le couple vérité-autorité qui entourait la leçon a lentement glissé vers celui de la conviction-discussion La principale difficulté, pour le professeur, réside désormais dans sa capacité à inciter l'élève à s'élever au même niveau que lui, pour ensuite, si possible, le dépasser.

Les résultats sont là, éloquents. Ils peuvent se résumer dans la situation d'illettrisme dont sont victimes 45 000 adolescents.

Un échec aussi patent justifie à lui seul que l'on s'interroge et que soit engagé un débat sur l'avenir de l'école.

Mme Sylvie Andrieux -Bacquet. C'est important !

M. Jean-Claude Guibal. Il est urgent de réaffirmer le rôle de l'école et de repenser son fonctionnement.

Sans entrer dans le détail - c'est en cela, entre autres, que je suis impressionniste -, il est nécessaire de requalifier les missions dévolues à chaque niveau d'établissement, en insistant sur l'apprentissage des données essentielles, en cessant d'alourdir les programmes et en renonçant à « massifier » les élèves pour atteindre l'objectif factice d'un taux de réussite au baccalauréat de 80 %.


La finalité première de l'école n'est pas de divertir l'élève mais de le préparer à entrer dans le monde adulte. Bien sûr, elle doit préparer à l'exercice d'un métier. Dans certains cas d'ailleurs, elle y parviendrait mieux en n'étant pas obligatoire, sauf en alternance, après l'âge de quatorze ans. Mais elle peut d'autant moins se réduire à cette approche utilitariste qu'elle n'est plus qu'un lieu parmi d'autres où l'élève reçoit de l'information, et que l'apprentissage des techniques se fait désormais tout au long de la vie. Le temps de la scolarité est ce temps privilégié où l'on peut, mieux qu'à tout autre, apprendre à apprendre, apprendre à penser, apprendre à être un citoyen, bref apprendre à devenir soi-même.

M. Jean Launay. Dommage que vous ne puissiez pas réagir, monsieur le ministre !

M. Jean-Claude Guibal. Ce serait une faute que de le gâcher.

L'école doit aider l'élève à devenir un homme libre capable de raisonner, de juger et de décider par lui-même. A ce titre, la culture et le savoir, l'héritage et la critique, qui passent par la maîtrise des fondamentaux, sont indispensables.

L'école doit respecter la liberté de l'enfant, mais par le travail. En travaillant, l'élève exerce sa liberté, se heurte à des obstacles réels et objectifs qui, s'ils sont bien choisis, sont surmontés et formateurs.

L'école ne doit pas être un simple lieu de vie mais un lieu de travail où l'élève doit apprendre à devenir un homme et un citoyen. « L'apprendre » doit remplacer « le faire ». Les valeurs intellectuelles, éthiques, esthétiques, bref les valeurs de civilisation, celles qui constituaient les humanités, doivent prévaloir sur les valeurs marchandes. L'école doit redevenir un sanctuaire, non pas isolé de la société, mais à l'abri de ses pulsions et de ses modes. Elle doit retrouver sa mission d'instruction et d'éducation. Elle doit aussi retrouver son autorité.

Kant résumait ainsi le but ultime de la relation de maître à élève : « Prouver à l'élève qu'on exerce sur lui une contrainte qui le conduit à l'usage de sa propre liberté, qu'on le cultive afin, qu'un jour, il puisse être libre ».

C'est sur ce chemin que notre école redeviendra pleinement l'école de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le tableau que je vais brosser maintenant sera, à coup sûr, plus réaliste que le précédent !

M. Patrick Roy. Ce n'est pas difficile !

M. Henri Nayrou. En effet, je n'ai pas beaucoup de mérite !

La France est malade de son système éducatif où tout le monde doute :...

M. Jacques Myard. Merci, monsieur Lang !

M. Henri Nayrou. ...les élèves, qui doutent de la capacité du système à les préparer à un avenir prometteur ; les parents d'élèves, qui doutent encore plus fort que leurs enfants ; les enseignants qui doutent de la volonté de ce gouvernement de réformer le contenu avant l'enveloppe la bien nommée ;...

M. Jacques Myard. Merci, monsieur Lang !

M. Henri Nayrou. ...enfin le Gouvernement qui doute de lui-même, comme en témoigne sa marche à tâtons qui nous conduit au débat de ce soir, c'est-à-dire au mieux dans le vide, au pire dans le mur.

Mme Claude Greff. Que faites-vous là, alors ?

M. Henri Nayrou. Ce débat en trompe l'œil, nous ne l'avons pas cautionné dans nos circonscriptions, et nous ne le cautionnerons pas ici, mais nous allons l'utiliser pour vous dire vos quatre vérités.

J'aborderai surtout, messieurs les ministres, le problème de l'éducation dans le monde rural où l'on ne se berce pas de mots savants et encore moins d'illusions à propos du sort que votre gestion, plus comptable qu'éducative, va leur réserver.

L'enjeu est de taille puisqu'il s'agit d'élaborer, d'ici à la fin de l'année, une nouvelle loi d'orientation. Mais comment peut-on imaginer une nouvelle loi alors qu'aucun bilan n'a été dressé de la précédente...

Mme Claude Greff. Il n'y avait rien eu. Par conséquent, on ne pouvait pas dresser de bilan !

M. Henri Nayrou. ...que les mesures budgétaires font peser un avenir incertain sur l'évolution de l'école et que 4 000 postes d'enseignants seront supprimés à la rentrée 2004 ?

M. Jacques Myard. Au boulot !

M. Henri Nayrou. Inquiets des orientations que le Gouvernement réserve à l'éducation qui semble mettre au dernier plan l'éducation de nos enfants après les contraintes budgétaires, de nombreux élus, associations et parents d'élèves se mobilisent, notamment en milieu rural.

Depuis quelques années, les problèmes de l'école rurale ont été placés au cœur de débats difficiles, concernant la nature de la mission du service public d'éducation, la qualité de l'offre scolaire et l'égalité des chances scolaires sur l'ensemble du territoire.

L'éducation nationale se doit de mobiliser et d'encourager les partenariats avec tous les acteurs du milieu rural, enseignants, parents d'élèves, élus, associations, dans le double objectif d'assurer un service public d'éducation de qualité qui offrirait une égalité de chances aux élèves des petites communes rurales et de consolider les structures scolaires durables qui jouent un rôle dans l'aménagement du territoire grâce notamment à la mise en réseaux des établissements scolaires.

Cependant, partout la qualité de l'enseignement, la diversité de l'offre de formation et son égalité d'accès sont compromises. Dans ces conditions, il n'y a plus de possibilité de progresser dans l'accès de tous aux savoirs et aux diplômes, ni de dispositifs possibles pour lutter contre l'échec scolaire.

Je refuse de cautionner un tel débat. On veut nous faire croire que l'on va discuter de l'avenir alors que, dans le même temps, le présent du service public de l'éducation est gravement compromis.

M. Jacques Myard. N'importe quoi !

M. Henri Nayrou. Les projets de fermeture de collèges ruraux ont suscité de vives et légitimes réactions. Mais ils ne sont que la partie émergée de l'iceberg. Au nom d'une logique comptable à courte vue, c'est tout un arsenal de mesures actuellement en préparation qui va restreindre l'offre de formation dans le service public.

Vous voulez un débat sur l'école, en voilà un. Les enfants ont besoin d'être bien dans leur vie, équilibrés et heureux pour réussir. A cet égard, l'école rurale est toujours citée en exemple sur le plan pédagogique.

En fermant les collèges ruraux, en baissant les crédits alloués aux associations de jeunesse et d'éducation populaire dont la pérennité n'est pas assurée ...

M. Alain Néri. Très bien !

M. Henri Nayrou. ...vous les défavoriserez et contribuerez à vider nos communes rurales.

Pendant vingt-cinq ou trente ans, les regroupements pédagogiques intercommunaux ont bien correspondu aux nécessités du monde rural. Aujourd'hui, ces structures sont devenues fragiles. Les regroupements effectués ressemblent de plus en plus à des regroupements « économiques » plutôt que « pédagogiques », sans compensation de charges pour les collectivités territoriales qui voient leur implication financière progresser sans qu'elles puissent pour autant peser sur les choix effectués.

Il paraît urgent de donner davantage de moyens financiers à l'école et d'éviter ainsi la disparité des moyens due aux transferts de responsabilités aux collectivités territoriales. Messieurs les ministres, financièrement et culturellement, vous n'en prenez pas le chemin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Merci, monsieur Nayrou, d'avoir respecté votre temps de parole.

M. Patrick Roy. Et d'avoir si bien parlé !

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Messieurs les ministres, votre tâche est exaltante...

M. Yves Durand. Ca se voit !

M. Jacques Myard. ... car l'école porte le berceau de la République, le futur de la nation.

Chaque être est enfanté par deux personnes : sa mère naturelle, mais aussi ce maître ou cette maîtresse qui l'a éveillé à la connaissance. Permettez-moi à ce titre de rappeler celle qui m'a appris peu de chose mais l'essentiel : servir.

L'école et la République vont de pair, comme le diplomate et le soldat selon Vigny, l'un n'étant rien sans l'autre. L'école demeure le socle de la nation, le creuset vivant du pacte républicain qui forme les générations montantes. Par ces mots, on est au cœur de la problématique et des enjeux actuels de la société, car en définitive l'école est le fidèle reflet de notre image collective. Dans ses atouts comme dans ses faiblesses, elle traduit notre identité. Mais cette identité, messieurs les ministres, elle la projette dans l'avenir.

M. Yves Durand. Jusque-là, pas de problème !

M. Jacques Myard. Keynes avait coutume de dire « Les profs pensent qu'ils n'ont pas d'influence. Ils se trompent ; ils ont une influence à trente ans ».

Et cela est d'autant plus vrai que ce que nous vivons aujourd'hui dans nombre des aspects de l'école et de ses faiblesses - pas tous, il est vrai - n'est rien d'autre que les utopies des soixante-huitards attardés en manque de réformes permanentes.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Jacques Myard. Que les choses soient claires : la question de l'école aujourd'hui n'est pas, n'est plus une question de moyens.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Jacques Myard. Elle les a et même très largement avec près de 71 milliards d'euros, premier budget de la nation, loin devant la défense qui représente 41 milliards.

M. Yves Durand. Heureusement !

M. Jacques Myard. Bien sûr, il y a toujours quelques professionnels pour faire de la surenchère, et on en entend encore ce soir. Mais laissons de côté ces braillards qui encombrent le débat des cris d'orfraie de leur incompétence avérée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous vous êtes reconnus, messieurs de l'opposition ! Je m'en félicite.

M. Jean-Claude Beauchaud. Vous êtes bien le seul !

M. Gaëtan Gorce. Ne montez pas sur vos grands chevaux, monsieur Myard !

M. Jacques Myard. La question de l'école est compliquée, comme celle de la réforme de la société. Alors, de vous à moi, tenons-nous en à l'essentiel et à quelques idées forces et simples.

Avant de les exposer, qu'il me soit permis de saluer le formidable potentiel des membres de l'instruction publique de la France, dont le dévouement au service public est quotidien.

M. Yves Durand. On parle maintenant de l'éducation nationale !

M. Jacques Myard. Et pourtant, il y a bien une crise qui, nous le savons, n'est pas quantitative mais bien qualitative, c'est-à-dire politique. Je pense, je le répète, qu'on peut y remédier avec quelques idées forces.

Première idée force : restaurer l'autorité dans l'école en restaurant l'autorité des maîtres. Restaurer l'autorité des maîtres, c'est d'abord considérer l'enfant pour ce qu'il est, un infans disaient les Romains, c'est-à-dire un être doué de raison, avec des droits peut-être, mais surtout avec des devoirs et d'abord celui d'apprendre, ...

Mme Claude Greff. Tout à fait !

M. Jacques Myard. ... apprendre du professeur et non l'inverse. Cela paraît primaire. Pourtant, c'est bien une réalité à rétablir chez les parents eux-mêmes.

Restaurer l'autorité des maîtres, c'est aussi rétablir l'autorité de leurs décisions, et notamment celles des conseils de discipline (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) qui depuis peu -c'est une décision de votre prédécesseur, monsieur le ministre- peuvent être contestées devant les tribunaux. La judiciarisation des décisions des conseils de discipline est une faute sans appel et une aubaine, il est vrai, pour des avocats en mal d'affaires, toujours prêts à faire feu de tout bois.

Il faut rétablir sans tarder, et là comme ailleurs, monsieur le ministre, la souveraineté des conseils de discipline ...

M. Alain Néri. Le souverainiste Myard !

M. Jacques Myard. ... et cesser de faire entrer dans les établissements scolaires des querelles judiciaires.

Rétablir l'autorité des maîtres, c'est aussi établir l'autorité des chefs d'établissement, afin de leur donner une véritable fonction de direction sur les maîtres ou professeurs des écoles, de collèges ou de lycées. Il faut une direction reconnue dans les écoles qui ait un pouvoir de discipline afin de conduire chaque établissement.

M. Yves Durand. Les arrêts de rigueur !

M. Alain Néri. Chef ! Chef ! Chef !

M. Jacques Myard. Deuxième idée force : l'école est d'abord un lieu de transmission des savoirs. Je crois que certains de nos collègues de l'opposition devraient y retourner pour apprendre le b.a.-ba de ce que doit être une école. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. Un peu de modestie, monsieur Myard !

M. Jacques Myard. L'école est un lieu où l'on apprend, où l'on ne se gausse pas des innovations permanentes. A l'école primaire, on apprend à lire, à écrire, à compter en français. C'est fondamental. Et qu'on cesse de jouer avec toutes les idées à la mode comme celle relative à l'apprentissage des langues étrangères sans effort (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), sous prétexte que l'oreille est plus apte à cinq ou six ans.

L'école primaire, c'est le domaine par excellence du savoir fondamental et il est indamissible que près d'un quart des élèves qui entrent en sixième ne maîtrisent pas la langue française. C'est pourquoi apprendre de surcroît une langue étrangère paraît surréaliste. Ils auront tout le loisir de l'apprendre avec un dictionnaire vivant à l'adolescence.

M. Alain Néri. Lui, au moins, il dit ce qu'il pense !

M. Jacques Myard. Au collège et au lycée de transmettre les savoirs fondamentaux que tout homme moderne doit connaître. Mais, là encore, nous devons nous en tenir à l'essentiel : transmettre enfin les valeurs du pacte républicain. La République n'est pas une auberge espagnole, elle est fondée sur des valeurs simples : la discipline de soi, le respect de l'autre, l'amour de la patrie et le mérite.

M. Alain Néri. Roulements de tambour !

M. Jacques Myard. Cela s'apprend dès la maternelle.

Troisième et dernière idée force : s'adapter. Cela a été dit avec solennité, l'égalité ce n'est pas l'uniformité. l'école identique pour tous est un leurre et produit l'inégalité. En revanche, l'école doit s'adapter en permanence en fonction des élèves, sachant qu'elle n'est que le premier pas de l'apprentissage permanent qui est désormais la règle et que la vie moderne impose.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, le navire que vous pilotez porte nos espérances, il a surtout besoin d'un gouvernail solide et d'un homme ferme à la barre pour surmonter les obstacles.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Jacques Myard. « Il n'est pas de bon vent à qui ne sait où est le port », déclarait Sénèque.

M. Alain Néri. Il n'est pas de sauveur suprême !

M. Jacques Myard. Je vous le répète, pas besoin de révolution, quelques idées forces suffiront, et qu'on les applique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Durand. Vous en avez d'autres comme lui, mesdames, messieurs de l'UMP ?

M. le président. La parole est à M. Daniel Prévost.


M. Daniel Prévost
. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le débat public, véritable exercice de démocratie directe, jette les bases d'une nouvelle loi d'orientation sur l'éducation. Il a mobilisé plus d'un million de personnes :...

M. Yves Durand. C'est à vérifier !

M. Daniel Prévost. ...des enseignants, des élèves, des parents d'élèves, des associations. Des tables rondes, des forums thématiques via Internet, des auditions publiques ont permis d'ouvrir le débat à l'opinion publique et celle-ci s'est largement exprimée.

Des thèmes majeurs sont ressortis - la motivation et l'efficacité du travail de l'élève ; le suivi de la lutte contre la violence et les incivilités ; les valeurs de l'école, la laïcité ; la formation, le recrutement et l'évaluation des enseignants - afin de tracer un nouveau chemin pour l'école, afin de la rendre plus sûre de ses valeurs, plus efficace, plus juste.

Pour reprendre les mots du chef de l'Etat, « de grands objectifs ont été retenus » : premièrement, la garantie dès le plus jeune âge de la maîtrise des savoirs fondamentaux ; deuxièmement, la restauration de l'image et de l'autorité des enseignants et des chefs d'établissement ; troisièmement, l'ouverture de l'école aux handicapés, aux exclus, aux familles, aux entreprises ; quatrièmement, la transmission des valeurs républicaines ; cinquièmement, l'optimisation des ressources et des compétences exceptionnelles que l'Etat consacre à l'éducation.

Plongée dans l'incertitude par dix ans de léthargie du ministère de l'éducation, par plus de vingt ans de compilation de réformes le plus souvent inabouties, l'école en France est victime aujourd'hui, il ne faut pas se voiler la face,...

M. Alain Néri. Là, on est d'accord !

M. Daniel Prévost. ... d'une crise de confiance qui paralyse l'ensemble de ses acteurs. Notre système éducatif, qui a marqué le pas, a besoin d'un nouveau souffle. Le débat sur l'école ne doit pas être le domaine réservé d'une partie ou d'un camp ; la concertation avec nos concitoyens est nécessaire pour s'unir sur l'essentiel, ce que nos collègues socialistes n'ont a priori pas compris avec leur contre-débat qui a fait « flop » !

M. Michel Vergnier. Heureusement que vous êtes là, vous qui êtes plus intelligents !

M. Daniel Prévost. Il ne faut être ni sourd, ni aveugle, ni autiste !

M. Alain Néri. Vous parlez du Gouvernement ?...

M. Daniel Prévost. Tout d'abord, pour que chaque élève sache lire, écrire, compter à son entrée au collège, il convient de faire de la maîtrise des savoirs fondamentaux la priorité numéro un du système scolaire. La maîtrise de la langue est le préalable à toute réussite scolaire. La préparation de l'apprentissage des langages commence à l'école maternelle, elle se poursuit à l'école élémentaire, au sein de laquelle une véritable politique des cycles doit assurer la continuité. Or un nombre trop important d'élèves entre au collège avec un niveau insuffisant en ce domaine, le taux de réussite aux évaluations de sixième étant de 65 % au niveau national.

Une plus grande mobilisation des acteurs doit être favorisée par une intégration de toute action relative à l'illettrisme dans les projets d'école et d'établissement, et par une meilleure sensibilisation des enseignants à l'aide du plan académique de formation.

De la même manière, les taux de réussite aux tests de mathématiques à l'entrée en sixième, 65 % au niveau national, montrent que la maîtrise du calcul et des outils de logique, et plus généralement l'ensemble des objectifs inhérents à la démarche scientifique, doivent constituer un axe privilégié des politiques des écoles et des établissements du second degré.

Il semble pertinent de mettre en place une double évaluation dès le primaire et un suivi des élèves en difficulté. Ainsi, le président Chirac a invité les écoles à « s'engager dans une culture d'objectif avec une obligation de résultat et une évaluation digne de ce nom ».

M. Yves Durand. Cela ne veut rien dire !

M. Daniel Prévost. Chaque enfant, y compris les enfants handicapés trop longtemps exclus, doit bénéficier d'une scolarité qui lui offre les clefs d'un accomplissement personnel qui rime avec réussite.

Par ailleurs, dans le cadre d'une Europe forte de son plurilinguisme, de ses cultures nationales et régionales, la maîtrise des langues est une priorité.

M. Alain Néri. Vous entendez, monsieur Myard ?...

M. Jacques Myard. Au collège et au lycée !

M. Daniel Prévost. Dès l'école élémentaire, les enfants doivent être sensibilisés aux langues car développer cet enseignement est pour les élèves le gage d'une ouverture sur le monde et un facteur décisif d'insertion professionnelle. Ainsi, nous devons gagner l'opinion publique à la pratique des langues régionales et nationales dans le respect de la diversité culturelle. Un véritable plan pour l'enseignement des langues régionales doit être lancé. En tant que député d'une circonscription de Bretagne, je souhaite la mise en œuvre de moyens pour la promotion de la langue bretonne dans les différentes filières scolaires. Il faut diffuser l'information et les moyens auprès des élèves, de leurs parents et des responsables d'éducation afin de les sensibiliser aux enjeux de l'apprentissage de plusieurs langues.

Autre thème fondamental le plus souvent négligé : l'évaluation de l'orientation à la fin du collège et au lycée. Paradoxalement, l'orientation est à la fois insuffisamment connue et décisive. Il s'agit, dans une première étape, de faire l'état des lieux et d'évaluer les procédures en vigueur ainsi que les résultats obtenus : élaboration de projets d'élève, aide à celui-ci, rôle des différentes parties prenantes - famille, système éducatif -, propositions des conseils de classe, procédures de décision et d'appel des personnels, notamment les professeurs et conseillers d'orientation psychologues. Ensuite seront proposées les conditions d'amélioration de ces procédures.

Depuis plusieurs années, notre système scolaire s'est largement démocratisé. Il a réussi le pari d'amener des générations d'élèves toujours plus nombreuses à un niveau de connaissances plus élevé. Aujourd'hui, dix fois plus d'élèves arrivent au baccalauréat qu'il y a cinquante ans !

M. Michel Vergnier. Tant mieux !

M. Daniel Prévost. Nous devons rendre hommage à celles et ceux - instituteurs, professeurs, personnels d'encadrement, personnels administratifs et techniques - qui, forts de leur savoir-faire, mais plus encore de leur engagement et de leur disponibilité, ont su accueillir et former des générations plus nombreuses.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Prévost.

M. Daniel Prévost. Cependant, aujourd'hui, la profession d'enseignant perd de son attrait. Le personnel enseignant se sent en danger dans certains établissements, il ne se fait plus respecter et, malheureusement, abdique face à des comportements inadmissibles. Revaloriser la profession, c'est restaurer l'autorité des chefs d'établissement et des professeurs, c'est leur redonner confiance. Les élèves doivent apprendre à respecter les enseignants et l'autorité.

M. Michel Vergnier. Il faut leur envoyer Sarkozy !

M. Jacques Myard. Ce sera toujours mieux que Lang !

M. Daniel Prévost. Ce doit être une priorité de la loi d'orientation.

À l'apprentissage des règles de l'école s'ajoute la transmission des valeurs par les relations entre parents et enseignants. L'éducation civique commence à la maison mais certains parents, en difficulté devant leurs enfants, s'en remettent à l'école, lui faisant parfois une confiance aveugle. De son côté, l'école considère que sa vocation n'est pas de se substituer à la famille.

M. le président. Il faut vraiment conclure, monsieur le député. L'esprit de synthèse, ça s'apprend aussi à l'école !

M. Daniel Prévost. Il s'agit dès lors de dépasser les poncifs tels que « les parents sont démissionnaires », « les valeurs familiales n'existent plus », « l'éducation est maintenant dévolue à l'école » et, enfin, « l'école n'est pas assez exigeante envers ses élèves ».

Pour conclure, sans doute faut-il, messieurs les ministres, profiter de ce grand débat pour que l'éducation nationale discute avec ses partenaires en vue d'améliorer les coopérations et de trouver de nouveaux équilibres, dans le souci de la réussite des élèves et le respect de la mission de chacun. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en vingt ans à peine, l'école a connu une profonde mutation à la Réunion. En témoignent les taux de scolarisation, le nombre d'établissements scolaires construits ou encore les pourcentages de réussite aux examens, chiffres qui ne cessent d'augmenter année après année.

Cette évolution rapide, qui a suscité une grande attente des familles à l'égard de l'institution scolaire, demande toutefois à être consolidée, d'une part pour enrayer durablement les échecs encore trop nombreux, d'autre part pour faire face aux nouveaux problèmes qui se posent à l'école.

Les mérites du processus engagé depuis deux décennies ne peuvent faire oublier les réalités de cette académie. Elle se caractérise toujours par une augmentation de la démographie scolaire, particulièrement dans le second degré. Les collectivités locales doivent consentir de gros efforts non seulement pour combler les retards, mais aussi pour accueillir dans de bonnes conditions des milliers de jeunes d'âge scolaire. À titre d'exemple, vingt-cinq lycées ont été construits depuis 1984. Le rythme actuel de construction, de l'ordre d'un lycée et de deux collèges par an, devra être tenu pendant plusieurs années encore.

Les effectifs actuels et les augmentations prévisibles, déjà chiffrées, ont évidemment une incidence sur les besoins en personnel. Le plan de rattrapage de 1998 a permis de combler les retards accumulés, mais non de faire face à la croissance des effectifs. Aussi les taux d'encadrement demeurent-ils plus faibles que la moyenne nationale.

Si les chiffres de la répartition des emplois pour 2004 devaient se confirmer, ils ne laisseraient pas présager une amélioration pour la prochaine rentrée scolaire. Ils ne semblent pas intégrer l'indicateur social, pourtant proposé par le ministère pour « favoriser les élèves issus des catégories sociales les plus défavorisées ». La seule référence au nombre d'élèves boursiers permet de constater que les enfants défavorisés sont très nombreux à la Réunion : 65 % des collégiens perçoivent une bourse, contre moins de 25 % au niveau national.

Permettez-moi par ailleurs d'insister une fois de plus auprès de vous, messieurs les ministres, sur la situation dans le préscolaire. Oui, il y a eu une légère, très légère amélioration, mais elle ne peut faire oublier que le taux des enfants scolarisés n'a pas dépassé 15 %. Partout, une telle situation serait problématique mais elle devient dramatique dans une société où l'illettrisme des adultes est élevé.

En ce qui concerne les personnels non enseignants, le bilan est encore plus préoccupant. Avec un déficit de plusieurs centaines de postes, qu'on tente de combler par un recours massif aux emplois précaires, et de plus en plus difficilement depuis la disparition des emplois-jeunes, l'académie de la Réunion fait figure de parent pauvre. Dans ce contexte, la suppression programmée d'une vingtaine de postes d'agent administratif est tout simplement incompréhensible. Et ce n'est pas une décentralisation imposée contre l'avis des personnels concernés et de la collectivité régionale qui risque de détendre la situation.

Si la réflexion sur l'école ne peut ignorer la question des moyens, elle ne saurait s'y limiter. Le contenu des programmes, le « ce-qu'il-faut-enseigner » mérite tout autant notre attention.

Au cours de ces dernières années, on a décelé des avancées à la Réunion. La culture enseignée n'est plus hermétique à la culture vécue. La question de la langue est au cœur de cette problématique. Le créole, parlé par presque toute la population, n'est plus banni de l'école mais une pédagogie adaptée conduirait à l'échec si elle devait se transformer en une pédagogie du particularisme et de l'enfermement. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Une politique éducative ne peut se satisfaire ni du repli ni de l'uniformisation ; elle a besoin d'un aller et retour entre le proche et le lointain. Elle doit avoir le souci constant de l'équilibre entre le particulier et l'universel. Il reste que les débats toujours passionnés et les réticences des familles elles-mêmes font que la coexistence de deux langues à la Réunion est vécue plutôt comme un handicap, alors que, selon les linguistes, elle devrait au contraire favoriser l'apprentissage des langues.

Un des moyens d'apaiser cette cohabitation serait sans doute d'exploiter ce bilinguisme en généralisant l'étude des langues étrangères : l'anglais, bien sûr, d'autant que l'océan Indien est surtout anglophone, mais aussi toutes les langues parlées dans les pays qui ont contribué au peuplement de la Réunion : l'hindi, le mandarin, le swahili, l'arabe... Le succès remporté par les initiatives, le plus souvent privées, pour favoriser l'enseignement d'autres langues montre la nécessité de renforcer, en la diversifiant, l'offre de langues étrangères.

Ces spécificités, repérables dans l'environnement scolaire, valent également à la Réunion pour l'approche de la laïcité, que nous aurons l'occasion d'aborder dans un prochain débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Pavy.


Mme Béatrice Pavy
.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le débat sur l'école a déjà fait couler beaucoup d'encre et de salive. Dans leurs propos, nos collègues socialistes font peu de place aux enfants, alors qu'ils sont les premiers concernés et qu'il s'agit de leur intérêt primordial. Microcosme, société en miniature, l'école est le témoin et le reflet de toutes les tensions qui traversent notre monde d'adultes. Elle a été également le terrain privilégié de mise en œuvre des idéologies et des élucubrations d'adultes qui se souciaient moins d'épanouir les enfants que de démontrer leurs postulats ou de tenter des expériences nouvelles. Cette époque, grâce à vous, monsieur le ministre, semble enfin sur le point d'être révolue. La faillite partout dénoncée et la crise établie de l'école exigent un retour au pragmatisme ; notre jeunesse a besoin que nous lui donnions les armes nécessaires pour affronter, et surtout comprendre, le monde dans lequel elle vit, et l'école a là un rôle majeur à jouer.

Qu'on ne se méprenne donc pas sur le sens de mes propos : rechercher l'intérêt de l'enfant, c'est, me semble-t-il, rechercher son bien, son plus grand bien, au-delà de ses blocages, de ses difficultés et de ses agressivités, quelquefois aussi de ses paresses ! La liberté ne consiste pas à laisser faire n'importe quoi !

Mme Claude Greff , M. Michel Bouvard et M. Jacques Myard. Très bien !

Mme Béatrice Pavy. Tout au contraire, équipes pédagogiques et parents sont là pour conduire les enfants au meilleur d'eux-mêmes et pour déceler les trésors qui sommeillent en chacun d'eux et n'attendent que d'être réveillés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. C'est ce qu'on appelle la maïeutique.

Mme Béatrice Pavy. On ne peut pas laisser l'élève découvrir seul le chemin et la méthode, qu'il a fallu des siècles pour élaborer. Priver les enfants de cette expérience acquise et transmise revient à les condamner à l'incompréhension et donc, à plus ou moins long terme, à l'enfermement, à l'échec, enfin à la marginalisation.

Mme Claude Greff. Tout à fait !

Mme Béatrice Pavy. Pour laisser aux enseignants et aux éducateurs la possibilité de mener à bien leurs missions, le sens et le goût de l'effort doivent être réintroduits dans les classes, puis récompensés à leur juste valeur. L'école de la vie est aussi une école de l'exigence et de l'autorité, elle n'est pas celle du laisser-aller.

M. Michel Bouvard. Très bien !

Mme Béatrice Pavy. Certains acquis sont déterminants et engagent tout l'avenir des élèves. Il ne s'agit pas là que de réussite sociale ou professionnelle.

Mme Claude Greff. Ce n'est donc pas qu'une question de moyens !

Mme Béatrice Pavy. La lecture et l'écriture engagent toute la personne et conditionnent l'accès à un monde de culture, de débat citoyen et de construction personnelle qui fait la dignité de la personne humaine. Il convient donc de s'assurer de la parfaite maîtrise de l'écrit à la sortie des classes de l'école primaire : c'est là un pré-requis indispensable. Dès lors que les enseignants se porteront garants de l'acquisition des connaissances élémentaires que sont la lecture ou le calcul, ils pourront éveiller chez leurs élèves la conscience que leur propre réussite, tout comme la réussite collective, sont entre leurs mains et qu'il leur appartient d'en être les acteurs dans un esprit de saine émulation.

Si ces défis nouveaux lancés à l'école sont généraux et donnent un cadre rénové aux missions sur lesquelles doivent se recentrer les enseignants, j'ai pu constater, pour en être issue, que le monde rural connaît lui aussi des difficultés particulières qu'il convient de mentionner.

M. Michel Bouvard. C'est vrai.

Mme Béatrice Pavy. Les problèmes majeurs que connaissent les enseignants et l'école en milieu rural sont liés à l'isolement. Seuls dans leur commune avec une classe à un ou plusieurs niveaux, les enseignants sont isolés et démunis. Il leur est impossible de construire un parcours pédagogique viable et intéressant, car ils n'ont aucune perspective à moyen ou long terme. Une structure d'école est nécessaire pour que le suivi des projets soit assuré d'année en année au fur et à mesure de la progression, en âge et en niveau, des élèves. A cela s'ajoute le manque de motivation des enseignants pour ce genre de postes. Souvent nommés là très jeunes, ils y restent un an avant d'être mutés. Une durée aussi courte ne leur laisse pas le temps de s'investir dans ce type de classes et ne favorise ni la confiance des parents, ni celle des enfants. Le maintien des classes en zone rurale répond naturellement à des exigences d'organisation du territoire et constitue un atout pour la vie des communes. Des solutions doivent néanmoins être trouvées et promues, comme celle des réseaux d'écoles, pour permettre aux élèves d'accomplir des parcours scolaires de qualité et aux enseignants d'exercer leur métier dans des conditions intéressantes.

Ces exigences s'imposent d'autant plus à nous que l'école est, pour ces enfants, le lieu privilégié de leur ouverture d'esprit. Dans ces conditions, je me réjouis de m'être vu confier la mission parlementaire sur les classes de découverte.

Mme Claude Greff. Excellent choix !

Mme Béatrice Pavy. Ecoles de la vie hors des murs de l'école, les classes de découverte sont une occasion privilégiée pour l'enseignant d'établir des contacts nouveaux avec ses élèves et d'élargir son rôle auprès d'eux quelques jours durant. Une telle expérience peut s'avérer très bénéfique, notamment pour l'apprentissage des règles de la vie en communauté.

Mme Claude Greff. Tout à fait !

Mme Béatrice Pavy. La séparation avec le milieu familial aide aussi à accomplir des bonds en avant dans l'autonomie des élèves, plus largement conduits à se prendre en charge par eux-mêmes.

Mme Claude Greff. C'est ça, la vie !

Mme Béatrice Pavy. Structurées par un projet et un contenu pédagogiques forts, les classes de découverte ne sont pas un temps de vacances, mais au contraire un moment d'enrichissement intense, grâce notamment à la transformation qui peut s'opérer dans le rapport au savoir. Un environnement nouveau, un contact direct avec l'objet de l'étude, la découverte de matières ou d'activités nouvelles rendent possible un changement dans le regard que l'enfant ou le jeune porte sur la connaissance en général, et sur celle qui lui est transmise à l'école en particulier. La sortie du cadre quotidien de vie et de travail s'avère propice à une saine curiosité, moteur premier du développement de l'intelligence et des facultés.

Si nous nous félicitons qu'un débat sur l'école ait lieu dans notre hémicycle comme dans tout le pays, nous attendons maintenant une remise sur pied efficace de notre système éducatif et scolaire, qui conditionne toute la suite des études des enfants. C'est en pensant à eux et à ce que nous voulons pour eux, que nous déterminerons les missions essentielles de l'école, ainsi que les mesures qui s'imposent afin de lui permettre de les accomplir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au moment où il s'agit de préparer la prochaine loi d'orientation sur l'école, il n'est pas inutile de faire référence au texte actuellement en vigueur, comme l'ont d'ailleurs fait certains de nos collègues de l'opposition.

« La loi d'orientation de 1989, qui fait de l'éducation la première des priorités nationales, s'inscrit dans cette logique institutionnelle, mais en plaçant l'élève au centre du système éducatif, elle conduit cependant à une révision en profondeur de l'organisation de l'école et de ses modes d'intervention. A la traditionnelle obligation de scolarisation vient en effet s'ajouter une obligation de résultat puisqu'il s'agit de donner à chaque élève une formation appropriée en lui offrant un parcours scolaire conforme à la fois à ses goûts et à ses aptitudes. L'école (...) doit donc désormais s'adapter à la diversité des élèves et des étudiants, des milieux sociaux dont ils sont issus et des territoires où ils vivent. Cette adaptation, qui requiert une diversification du service rendu en vue d'une réelle égalité des chances, entraîne un investissement financier croissant de la nation en matière éducative. »

M. Alain Néri. Avec quels moyens le pourrait-elle ?

M. Michel Bouvard. Au moment où nous discutons de l'avenir de l'école, messieurs les ministres, il me semblait utile de rappeler ce préambule du rapport de la Cour des comptes de 2003 sur la gestion du système éducatif. Ce sont, en effet, 98 milliards d'euros qui ont été consacrés en 2000 - dernière année globalisée - par la collectivité nationale à la dépense intérieure d'éducation, dont 84 milliards de financement public : 63 milliards en provenance du budget de l'Etat et 21 milliards en provenance du budget des collectivités locales.

M. Jacques Myard. Il ne faut pas l'oublier !

M. Michel Bouvard. Si la dépense budgétaire de l'Etat est importante et s'est accrue régulièrement - 42 milliards en 1990 et 71 milliards d'euros en 2004 - elle n'est pas exclusive. Au regard de ces moyens qui correspondent à un effort justifié de la collectivité, puisque l'éducation et la formation conditionnent l'avenir du pays, dont la première et principale richesse réside bien dans les femmes et dans les hommes, il importe que ces crédits soient utilisés avec la plus grande efficacité possible.

Or la Cour des comptes souligne, dans son rapport, la nécessité pour votre ministère d'évolutions qui n'ont malheureusement pas pu être conduites sous la précédente législature, malgré des observations, en certains cas répétées. Les rapports de 2001 sur la fonction publique d'Etat et le rapport public particulier sur la gestion du système éducatif de 2003 en font foi. Si l'objectif d'accueil quantitatif des élèves est globalement atteint, il aboutit cependant à une gestion de masse. De cette observation, vous avez, messieurs les ministres, tiré des enseignements, notamment en engageant, dans le cadre de la décentralisation, le transfert aux régions et aux départements des personnels ATOS.

M. Yves Durand. Mais bien sûr !

M. Alain Néri. Pour maintenir la qualité de l'éducation !

M. Michel Bouvard. Le deuxième objectif de la loi de 1989 est d'offrir à chaque élève un parcours de formation qui réponde à ses aspirations et à ses aptitudes. Il s'agit là d'un exercice dont la mise en œuvre reste délicate. Pour l'atteindre, il convient en effet de conjuguer des préoccupations d'autant moins aisées à concilier qu'elles ne sont pas hiérarchisées et nécessitent une souplesse de gestion et une polyvalence des enseignants qui ne correspondent guère à la rigidité de la gestion de ces personnels et à une certaine monovalence qui s'est développée au fil des années. Si l'on veut atteindre effectivement cet objectif, il est souhaitable, par delà la décentralisation des personnels administratifs, non seulement d'introduire une gestion des effectifs par métiers - ainsi que le préconise la loi organique relative aux lois de finances -, mais également de donner plus de souplesse au chef d'établissement dans la gestion des enseignants en fonction des besoins.

M. Yves Durand. Cela a au moins le mérite d'être clair !

M. Michel Bouvard. Le troisième objectif est d'aider à construire un projet d'orientation scolaire et professionnelle. Je souhaiterais m'attarder un peu sur ce point puisque, comme l'écrit la Cour des comptes : « Nous constatons trop souvent l'absence de priorités affichées. Les décisions d'affectation apparaissent parfois moins liées aux intérêts des élèves que conditionnées par les formations disponibles dans l'académie. » Cette critique sévère correspond malheureusement bel et bien, pour les élus que nous sommes, à une réalité. Ainsi des élèves continuent de s'inscrire dans des filières dont chacun sait pertinemment qu'elles ne débouchent sur aucune embauche, en raison de leur inadaptation, voire, dans certains cas, de la disparition des métiers pour lesquelles elles avaient été créées.

Dans le même temps, messieurs les ministres, les élus constatent des difficultés et surtout des lenteurs dans la création de nouvelles formations. Il est indispensable, par exemple, d'assouplir les conditions de mise en place des BTS afin de mieux répondre aux évolutions économiques, aux mutations des métiers ou à l'émergence de nouveaux emplois. J'ai pu, dans ma propre circonscription, vérifier combien il était difficile de mettre en place ces nouvelles formations. Si les FCIL - formations complémentaires d'initiative locale - n'avaient pas existé, je ne sais pas comment nous aurions pu faire émerger de nouvelles formations dans des lycées professionnels, alors même que les entreprises les demandaient.

Si, à l'évidence, les aspects financiers ne peuvent déterminer à eux seuls une politique de l'éducation - nous ne sommes plus désormais dans une logique de moyens, mais de résultats (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) - vous permettrez, monsieur le ministre, au vice-président de la commission des finances en charge de la mise en œuvre de la LOLF de dire son attachement à ce que les observations et recommandations de la Cour des comptes, trop souvent restées lettre morte dans le passé...

M. Alain Néri. Puisqu'il ne faut plus de moyens ...

M. Yves Durand. Il n'y a plus besoin non plus de ministre de l'éducation nationale : la Cour des comptes suffit !

M. Michel Bouvard. ...lorsqu'elle était présidée par Pierre Joxe, je le précise,...

M. Alain Néri. Et alors ?

M. Michel Bouvard. ...trouvent leurs suites dans la gestion du ministère.

Au moment où la culture de contrôle de l'efficacité de la dépense publique doit devenir une priorité de notre assemblée, il importe que la gestion du ministère de l'éducation nationale devienne plus transparente. Cela passe non seulement par une capacité d'évaluation et de contrôle des effectifs administratifs, mais également par une association de la représentation nationale à la mise en œuvre des indicateurs de performance qui doivent permettre de mesurer l'efficacité de la dépense, celle-ci ne pouvant se calculer seulement en volume d'activités mais devant intégrer les résultats en termes d'objectifs.

C'est ainsi que la capacité d'un établissement de porter à la moyenne nationale les résultats au brevet des collèges ou au baccalauréat dans une ZEP ou dans un quartier défavorisé, a pour nous une valeur plus importante que certaines statistiques publiées par la grande presse affichant des taux avoisinant les 100% de réussite au baccalauréat pour des établissements prestigieux situés notamment dans certains quartiers de Paris. L'environnement sociologique est également un facteur de réussite, pourquoi le nier ? Mais en face, il nous faut bien constater que ce ne sont pas nécessairement ces établissements qui disposent des moyens les plus limités en matière d'encadrement. Il en va de même des universités. Là également, il importe que les pratiques évoluent.

Vous me permettrez enfin, messieurs les ministres, au-delà de cette analyse sur les moyens, d'appeler votre attention sur un problème spécifique que rencontrent de nombreuses régions de notre territoire, et singulièrement les régions rurales et de montagne : il concerne l'évolution et l'encadrement des internats. Je suis l'élu du département qui détient le plus fort taux d'internes de tout le territoire national, l'académie de Grenoble étant d'ailleurs celle qui scolarise le plus grand nombre d'élèves dans des internats. Or, depuis de nombreuses années, en dépit des discours, l'encadrement des internats s'est affaibli et les moyens mis à leur disposition ont diminué...

M. Yves Durand. Vous avez dit à l'instant que ce n'était plus une question de moyens !

M. Michel Bouvard. ...aussi bien en ce qui concerne les infirmières que les personnels de surveillance, alors même que les internats sont indispensables dans toute une partie du territoire, pour accueillir non seulement des élèves en difficulté, mais également des élèves qui ne peuvent pas faire tous les jours entre une heure et trois heures de route, sur des parcours comprenant des dénivelés importants, ou des élèves dont les parents ont des activités saisonnières qui les mobilisent beaucoup. Il est donc nécessaire que nous nous engagions dans la voie d'une réhabilitation des internats. Les régions et les départements ont fait de gros efforts sur les bâtiments : il importe que l'Etat accomplisse également des efforts pour permettre à ces structures, éminemment utiles dans certaines parties du territoire, de remplir toutes leurs fonctions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche et M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.


M. Alain Néri
. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la déclaration du Gouvernement sur l'école, sans cesse promise par le gouvernement Raffarin et sans cesse reportée, arrive enfin aujourd'hui devant la représentation nationale. Elle est censée clore une série de réunions tenues sur l'ensemble du territoire - avec une participation qui s'est avérée bien faible et bien éloignée des chiffres officiels annoncés -, pompeusement baptisée « grand débat sur l'avenir de l'école ».

Notre débat est en fait un débat tronqué et un débat truqué : il se tient avant même que les propositions qui étaient supposées remonter de ces réunions soient analysées et que soient connues les conclusions de la commission Thélot, prétendument chargée d'animer le débat au plan national et local, d'établir un diagnostic et d'élaborer une loi d'orientation révisant celle de 1989 et fixant les objectifs de l'école pour les prochaines générations.

Vous ne me contredirez pas, monsieur le ministre, puisque vous avez affirmé ici même, le 7 janvier 2004, lors des questions au Gouvernement, que « la future loi d'orientation devra opérer un recentrage sur les fondamentaux et revoir l'approche de la scolarité obligatoire et du collège unique ». Vous avez ainsi avoué ce que tout le monde avait compris, à savoir que tout était bouclé d'avance. D'où, naturellement, le scepticisme et le désintérêt des acteurs concernés.

Ne vous étonnez donc pas de la faible participation, confinant parfois à la confidentialité, aux réunions locales. Je puis en témoigner puisque j'ai accepté avec plaisir, à la demande de l'inspecteur d'académie et des inspecteurs départementaux de l'éducation nationale, d'animer certaines de ces réunions. (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. C'est très bien ! Je vous en félicite !

M. Yves Durand. Là, au moins, il devait y avoir du monde !

M. Alain Néri. Le débat d'aujourd'hui se réduit donc à une simple déclaration, sans vote de la représentation nationale. Or celle-ci ne saurait se contenter, monsieur le ministre, d'une simple consultation : je vous rappelle qu'elle est là, avant tout, pour décider.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Vous n'avez rien compris !

M. Alain Néri. Cette déclaration du Gouvernement est un leurre. Elle fait partie de votre stratégie de mystification de l'opinion.

En effet, avant de s'interroger sur l'avenir de l'école, force est de constater qu'il y a un grand écart entre vos paroles et vos actes. Par exemple, votre budget pour 2004 se traduit par la disparition, dans la carte scolaire de mon académie, celle de Clermont-Ferrand,...

Mme Claude Greff. Et voilà, c'est reparti !

M. Alain Néri. ...de 24 postes dans le premier degré, de 111 dans le second degré, de 37 postes de personnels administratifs et de 23 postes de personnels TOSS, sans qu'il soit tenu aucun compte de l'augmentation du nombre des élèves et des particularités géographiques et démographiques de l'académie.

Mme Claude Greff. Il n'y a que dans votre département que cela diminue !

M. Alain Néri. Ces chiffres figurent dans une circulaire du recteur de l'académie de Clermont-Ferrand, que je tiens à votre disposition au cas où vous les contesteriez.

Qui plus est, vous ne créez aucun poste de médecin scolaire, d'infirmière ou d'assistante sociale, alors que ces personnels sont indispensables aux équipes éducatives pour les actions de prévention et de suivi. C'est d'autant plus grave que l'on sait que tout se décide dès la petite enfance. Or vous sacrifiez la scolarisation en maternelle à deux ans ! C'est bien mal préparer l'égalité en matière de droit à l'éducation pour tous les enfants. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. Allez donc les langer, les enfants de deux ans !

M. Alain Néri. L'école de la République est celle de la Nation. C'est une compétence régalienne de l'Etat, qui doit assurer sur l'ensemble du territoire à tous les petits Français le même droit à l'épanouissement personnel, le même droit d'accès au savoir, à l'éducation et à la culture, tout en leur donnant la capacité de les intégrer et de les enrichir. Ainsi seulement leur sera-t-il permis de tenir toute leur place dans la société.

L'éducation nationale ne peut donc être que... nationale. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Si cela vous fait rire, moi, cela ne m'amuse pas !

Mme Claude Greff. Reconnaissez tout de même que c'est drôle !

M. Alain Néri. L'éducation nationale a la mission de former les citoyens de demain. Si la Déclaration des droits de l'homme affirme que les hommes naissent libres et égaux en droits, chacun sait que l'influence du milieu socio-économico-culturel est déterminante dans l'éducation et la réussite scolaire des enfants.

Dans les années soixante, Bourdieu et Passeron affirmaient d'une façon polémique mais juste, dans leur ouvrage Les Héritiers : « Vous pouvez faire ce que vous voulez, vous n'empêcherez pas que les enfants de M. Brejnev aient plus de chances de réussite que les enfants du batelier de la Volga. » (Sourires.)

M. Xavier Bertrand. Ce n'est pas sympa pour les communistes, mais c'est exact !

M. Alain Néri. Rassurez-vous : je peux actualiser mon propos en disant qu'il en est de même aujourd'hui pour les enfants du baron Seillière et pour ceux de l'ouvrier smicard de nos entreprises et de nos usines.

M. Jacques Myard. Je suis fils d'ouvrier, monsieur !

M. Alain Néri. Il faut avoir le courage de le reconnaître et de le dire, car les mots ont un sens : l'égalité des chances n'existe pas.

C'est pourquoi l'école de la République doit être celle de l'égalisation des chances. C'est au service public de l'éducation nationale de donner à ceux qui ne disposent pas chez eux de certains moyens d'éducation et de culture la possibilité de les trouver et d'en bénéficier à l'école. Cela ne peut se faire, monsieur le ministre, en supprimant des moyens, notamment en personnel.

Rappelez-vous, à ce propos, le débat que nous avons eu lorsque vous êtes venu défendre ici la suppression des emplois-jeunes dans nos écoles. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Xavier Bertrand. Il n'y a jamais eu de suppression ! C'est vous qui n'aviez rien prévu pour les remplacer !

M. Alain Néri. Aujourd'hui, un certain nombre d'ateliers informatiques, financés par les collectivités locales, ne peuvent plus fonctionner parce que vous avez fait disparaître les emplois-jeunes de nos écoles. (Même mouvement.) Or vous savez bien que celui qui ne maîtrise pas l'informatique aujourd'hui sera l'illettré de demain.

Revient-il à l'école de fabriquer les illettrés du xxie siècle ?

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Néri.

M. Jacques Myard. C'est cela, débranchez-le !

M. Alain Néri. Je conclus, monsieur le président.

Platon affirmait déjà dans La République que l'égalité est juste entre égaux et l'inégalité juste entre inégaux, ce qui signifie qu'il faut donner plus à ceux qui ont moins. Aussi l'éducation ne peut-elle être que nationale.

Mme Claude Greff. Ça, c'est une surprise !

M. Alain Néri. C'est pourquoi nous rejetons votre projet de pseudo-décentralisation qui, n'étant qu'un transfert de charges, est source d'inégalité. Seule une éducation vraiment nationale peut éviter les distorsions de traitement entre les enfants selon la richesse de leur famille ou du territoire où ils résident.

M. Xavier Bertrand. L'inégalité n'est pas là : elle est dans l'orientation !

M. Alain Néri. C'est par la solidarité nationale, la fraternité et l'égalité que l'on assurera demain la solidarité des hommes et des territoires pour aller vers l'égalisation des chances et l'égalité des droits pour tous les enfants de France.

M. Jean-Marc Roubaud. L'égalisation, c'est le nivellement par le bas, en somme !

M. Alain Néri. Face à votre politique fataliste et de renoncement, nous avons la volonté et l'ambition de redonner aux maîtres de l'école de la République espoir et confiance en leur mission, et par là même de redonner espoir et confiance dans l'avenir à la jeunesse et aux familles de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Giran.

M. Jean-Pierre Giran. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le débat sur l'école a été un succès incontestable. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Au demeurant, ceux qui le contestent, comme M. Néri, devraient plaider coupable, soit pour ne pas y avoir participé,...

M. Alain Néri. Je viens de dire que j'avais même animé certaines réunions !

M. Jean-Pierre Giran. ...soit pour ne pas avoir su mobiliser, soit pour ne pas avoir su émettre des idées constructives pour l'avenir.

A l'évidence, nous pouvons invoquer trois motifs de satisfaction.

Le premier motif est l'existence même du débat : pour la première fois, dans toute la France, parents d'élèves, enseignants, élus, membres de la société civile ont été conviés à échanger des idées sur un sujet qui relève du long terme, des principes et de la philosophie républicaine. Vous avez eu le mérite, messieurs les ministres, de l'organiser : soyez-en remerciés.

Le deuxième motif de satisfaction est l'affluence. Il est de bon ton d'affirmer que les Français ne seraient intéressés que par l'immédiat, la proximité, la défense de leurs intérêts personnels et de leurs privilèges. Les voir ainsi mobilisés pour réfléchir sur l'avenir ne peut que nous réconforter sur l'idée qu'ils se font de la démocratie et de l'école. S'il est un résultat important, c'est bien ce message qu'ils nous ont transmis : l'éducation est la priorité de la nation. Elle doit également être, selon moi, celle du Gouvernement.

Le troisième motif de satisfaction est lié au nombre et à la diversité des propositions émises. La cohérence n'est certes pas toujours au rendez-vous, mais cela ne saurait nous surprendre ou nous décevoir : l'école, c'est la vie, et la vie n'est pas l'uniformité.

Dans mon département comme partout en France, des tendances lourdes se sont dégagées. Elles ont déjà été évoquées, aussi n'y insisterai-je pas : priorité des fondamentaux dans l'éducation, lutte contre l'illettrisme et la violence - ce thème a même été plébiscité -, nécessité d'une école ouverte sur la vie et sur l'entreprise.

Je souhaite donc vous présenter quelques réflexions sur deux sujets différents de ceux-ci. L'un a trait aux valeurs de la République, valeurs que les participants au débat, souvent de gauche, n'ont cessé de solliciter. L'autre concerne le recrutement des enseignants.

La République est fière, à juste titre, de s'affirmer autour de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. Mais citer ces valeurs ne signifie rien si l'on ne prend pas conscience que leur contenu, dans un monde qui change très vite, doit être revisité.

La liberté est inhérente à la connaissance et à la culture. Mais comment peut-elle conserver un sens si, entre maître et élèves ou pour les élèves entre eux, elle ne s'appuie pas sur une sécurité suffisante qui garantisse de la pratiquer sans danger, « en toute liberté », pour ainsi dire ? Hier, l'autodiscipline, l'autorité, ou encore le respect, servaient de garde-fous. Aujourd'hui, il revient sans doute à l'Etat de donner à chacun, à l'intérieur de l'école, la garantie que la violence ne polluera pas le débat.

L'égalité, quant à elle, est nécessaire à l'existence même d'une communauté, qu'elle soit scolaire ou nationale. Mais, dans une France où les communautés s'affirment et où les risques de formation de ghettos se multiplient, elle constitue moins un principe qu'un objectif. On peut bien viser l'égalité des chances : encore faut-il reconnaître l'inégalité des situations. Un enseignement unique pour des populations différentes n'a pas grand sens. Pour employer un terme à la mode, une discrimination positive paraît donc s'imposer, en fonction du territoire où se trouve l'établissement ou de la provenance des élèves.

La solidarité, enfin, a elle aussi changé de nature. Hier, elle s'exprimait dans les cadres traditionnels de la famille, du hameau, de l'église. Aujourd'hui, la famille s'est dispersée, l'habitat s'est isolé, les classes sociales se sont estompées. L'école se voit donc assigner avec encore plus de force une mission d'intégration au service de la nation. A titre d'exemple, si l'école réussit demain à mieux convaincre chacun des bienfaits et des mérites de la laïcité, la loi sur les signes religieux n'aura plus, à terme, de raison d'être.

Le deuxième sujet que je voulais aborder ne l'a pas été, ou trop peu, dans le débat national.

Sans doute pour éviter de se remettre en cause, lorsqu'il s'agissait d'enseignants, peut-être pour ne pas choquer ces derniers, lorsqu'il s'agissait de parents, les participants au débat ont largement passé sous silence la question du recrutement des enseignants. Or, messieurs les ministres, cela me paraît être le problème majeur.

Si l'école et la formation en général sont vraiment la priorité nationale, elles doivent attirer les meilleurs d'entre nous. Il revient en effet au meilleur capital humain de la nation de former la plus importante de nos matières premières : la matière grise.

Or il me semble qu'aujourd'hui l'enseignement ne draine plus les meilleurs de nos étudiants. Est-ce un problème de rémunération, de statut social, de sécurité ? Tout cela à la fois, sans doute...

Dans les concours du secondaire comme dans ceux du supérieur, on ne doit pas se résigner à ce que seuls se présentent demain ceux qui n'auraient pas réussi leur entrée dans le secteur privé.

Il est un autre problème que vous connaissez bien, messieurs les ministres : au-delà de l'aspect qualitatif, nous devons prendre en considération un aspect quantitatif. Qui, en effet, remplacera les enseignants issus du baby-boom et partant à la retraite si la fonction enseignante ne retrouve pas son attractivité ?

Trop souvent, lorsqu'on parle de moyens à l'école ou à l'université, on ne pense qu'aux moyens matériels. Or, à budget constant, il faudra demain substituer des dotations en capital humain à celles attribuées en capital matériel : à mes yeux, la qualité de nos maîtres comptera toujours plus que le nombre de mètres carrés !

J'aimerais, messieurs les ministres, que cette orientation indispensable puisse prévaloir dans la future loi sur l'éducation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Roubaud.

M. Jean-Marc Roubaud. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis de trop nombreuses années, un malaise règne à propos de notre système éducatif.

Plus qu'à une réflexion d'ensemble, on a assisté, d'année en année, à l'addition de revendications catégorielles, à une demande incessante d'augmentation des moyens et, de la part des parents, à des demandes de services de plus en plus importants. Il s'en est suivi, comme corollaire, une diminution du nombre d'élèves et une augmentation de l'illettrisme.

Le grand débat que vous avez lancé, messieurs les ministres, a le mérite de susciter une réflexion de fond et de faire prendre conscience à tous, adultes et élèves, professeurs et parents, qu'il est indispensable de repenser l'école. C'est la première fois qu'un débat réunit un million de nos concitoyens.

M. Jean Launay. Combien selon la police ? (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Roubaud. On a pu constater, au fil des ans, une dérive. A trop vouloir placer l'enfant au centre du dispositif scolaire, on en est arrivé à oublier la fonction première de l'école, qui doit rester le lieu où se transmet la connaissance.

M. Yves Durand. Et si l'on supprimait les élèves ?

M. Jean-Marc Roubaud. Aujourd'hui, l'accessoire prime sur l'essentiel. On demande aux enseignants de gérer les problèmes de société alors que l'école a pour mission de distribuer le savoir et de fabriquer des citoyens, à l'exclusion de toute autre chose - mais convenez que c'est déjà beaucoup !

Faire abstraction de cela revient à faire entrer dans l'enceinte scolaire des problèmes qui ne sont pas du ressort de l'enseignement : remédier à la démission de certains parents et demander à l'école de se substituer aux carences familiales, prendre en charge la violence de la société, gérer l'angoisse familiale liée au chômage, prendre à son compte l'absence de perspectives d'avenir pour certains élèves...


Plus que la place de l'enfant à l'école, c'est le contenu pédagogique, témoin de l'évolution de la société, qui doit garantir la bonne adéquation entre l'élève et l'école. La mise en échec de nombreux élèves, par delà les contingences socioculturelles qui ont toujours existé, doit nous sensibiliser à la manière d'aborder la période scolaire. C'est ainsi qu'un élève qui subit un échec scolaire total en ayant épuisé toutes les possibilités éducatives offertes par l'éducation nationale ne doit pas être maintenu artificiellement à l'école jusqu'à seize ans.

M. Yvan Lachaud. Très bien !

M. Yves Durand. Ben voyons !

M. Jean-Marc Roubaud. Car cette obligation contient en germe des troubles, des perturbations et parfois même des violences.

M. Yves Durand. A l'usine à dix ans !

M. Jean-Marc Roubaud. La date de ses seize ans fixée par la loi comme date butoir pour sortir de l'enseignement est bien trop tardive pour un élève qui va d'échec en échec en passant de l'enseignement général aux CAP, BEP et autres voies de professionnalisation existantes.

M. Ghislain Bray. Très juste !

M. Jean-Marc Roubaud. Par contre, seize ans, c'est trop tôt pour faire face aux défis qu'imposent la société et le monde du travail. Pour ces élèves-là, il serait peut-être temps d'adopter une nouvelle approche de la transmission du savoir et d'envisager d'autres modes de formation, qui leur permettraient plus tard de réintégrer le système scolaire par le biais des contrats de professionnalisation, des contrats de qualification qu'il faut maintenir et peut-être même incorporer dans le giron de l'éducation nationale. Surtout, il importe de développer l'école de la deuxième chance, que le Gouvernement s'est engagé à mettre en place.

Il faut, messieurs les ministres, que l'acquisition du savoir soit replacée au centre du dispositif scolaire. La mission essentielle de l'enseignant doit redevenir la transmission des connaissances. Elle ne peut plus être celle d'un animateur ou d'un assistant social.

Il faut revoir la limite d'âge de scolarisation obligatoire et la ramener à quatorze ans, en permettant en revanche à tous ceux qui en éprouvent le besoin au cours de leur vie de revenir dans les circuits éducatifs et professionnels, sur la base du volontariat.

M. Yvan Lachaud. Très bien !

M. Jean-Marc Roubaud. Pour avoir, comme beaucoup d'entre vous, participé personnellement au débat national sur l'école, je peux témoigner que les conclusions ont été souvent identiques. Il faudra donc, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans la prochaine loi d'orientation, prévoir de réformer les programmes scolaires pour remotiver les élèves. Ces programmes doivent être en adéquation avec notre époque. Il faudra traiter le problème de la violence scolaire et de la drogue. Il faudra lutter contre l'échec scolaire en revenant aux fondamentaux : l'écriture, la lecture et le calcul, bien sûr, mais aussi l'informatique et les langues, l'image et le sport. Il faudra diversifier les parcours pour qu'ils puissent correspondre aux attentes du monde du travail. Il faudra aussi que cette loi s'attache à la revalorisation du rôle des enseignants, en leur redonnant le goût des responsabilités et la reconnaissance à laquelle ils ont droit.

Ce n'est qu'à cette condition, messieurs les ministres, mes chers collègues, que l'école de la République redeviendra le creuset d'intégration et de citoyenneté qu'elle a été et qui a fait ses preuves. On le voit, tout ne se résume pas à une question de postes et de crédits, comme ont tenté de le faire croire nos opposants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Messieurs les ministres, à l'heure qu'il est, et si vous m'y autorisez, je vais vous raconter une petite histoire (« Ah ! » sur divers bancs.) Je pense que le moment est bien choisi.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Il était une fois...

M. Michel Vergnier. Il était une fois (Sourires) un petit garçon qui s'appelait Romain ; c'est un joli nom pour un petit garçon. Romain habitait un beau département situé au centre de la France.

Mme Claude Greff. Et voilà qu'il n'y avait plus d'école...

M. Michel Vergnier. Autrefois, son arrière-arrière-arrière-grand-père, qui était maçon, était allé à Paris à pied pour y construire la grande ville. Il avait participé à la construction du Panthéon, du Louvre, des Tuileries. C'était un limousinant. Son histoire, il l'avait racontée des dizaines et des dizaines de fois. Peut-être s'était-elle embellie en se transmettant de génération en génération. Mais Romain savait combien son aïeul avait été solidaire. Martin Nadaud, qui deviendra plus tard député, lui avait appris à lire et à se défendre.

Un des arrière-grands-pères de Romain avait fait la guerre. La Grande Guerre, celle de 14-18. Comme il était paysan et costaud, on l'avait envoyé en première ligne, où un obus l'avait fauché dans sa prime jeunesse. Il était mort pour défendre la France. Solidaire, lui aussi.

Le grand-père de Romain était artisan. Il faisait vivre de ses mains les matières brutes qu'il travaillait. C'était un peu un magicien. Il aurait voulu être instituteur, mais à quatorze ans, il lui avait fallu gagner sa vie. Car les temps étaient rudes, et le pot-au-feu du dimanche était la seule entorse que l'on se permettait de faire à une discipline stricte : il ne fallait pas rendre les fins de mois trop difficiles.

Romain était un petit garçon espiègle, vif, intelligent. Il parlait aux oiseaux, au soleil, aux forêts. Il allait à l'école du village, où son maître éveillait sa curiosité. Celui-ci lui disait toujours qu'il ne suffisait pas d'apprendre, mais qu'il fallait comprendre.

Romain grandissait. Il devenait toujours plus curieux, son envie d'apprendre faisait plaisir à voir. Et puis, un jour de juin, le maître lui a dit que l'école allait fermer, qu'ils ne se retrouveraient plus l'année prochaine : les élèves n'étaient pas assez nombreux.

L'année suivante, Romain changea d'école. Il devait se lever plus tôt, trop tôt. Les yeux gonflés par le sommeil, il allait attendre le car. L'hiver, le froid glacial lui brûlait le visage. Les yeux dans le vague, Romain regardait défiler le paysage. Il n'avait plus la même envie d'apprendre, mais il se consolait en pensant que bientôt il serait au collège.

Ce qui fascinait le plus Romain, c'est qu'il allait apprendre une langue étrangère. Il avait choisi l'allemand, car il se souvenait encore des histoires transmises par ses grands-parents, qui les tenaient des leurs. Et si son grand-père avait su l'allemand, peut-être...Mais trêve de rêveries.

Seulement voilà, le père de Romain décida que son fils apprendrait l'anglais, car on venait de supprimer l'allemand en seconde. Romain ne comprenait pas, mais il avait confiance en son papa. Il comprenait d'autant moins que, pendant les vacances, il avait rencontré un petit Parisien, qui, lui, ne parlait pas aux oiseaux, ni au soleil, ni aux forêts, mais qui avait pu apprendre l'allemand et qui pourrait continuer à l'apprendre car cette langue était enseignée en seconde dans le lycée où il irait plus tard.

Alors, n'y tenant plus, Romain interrogea son père : « Dis, papa, pourquoi n'avons-nous pas tous les mêmes droits ? On me dit que si je veux apprendre le grec ou le latin, ce ne sera pas non plus possible. Est-ce que je devrai pour cela partir à Paris, comme mon arrière-arrière-arrière-grand-père ? Pourquoi n'y a-t-il pas d'égalité entre tous les territoires ? On me dit qu'il y a un monsieur qui décide, un ministre. Un ministre, papa, c'est quelqu'un d'intelligent ! Et puis, ce ministre, il a aussi des enfants, et il ne voudrait sans doute pas que ses enfants à lui ne puissent pas apprendre le grec, ni le latin, ni l'allemand. »

Alors, le papa de Romain m'appela et me dit : « Puisque tu as le pouvoir de parler au ministre, dis-lui que notre département a le droit de vivre, dis-lui que je ne veux pas être obligé de mettre Romain en pension pour qu'il puisse apprendre le grec. Dis-lui tout ce que nous avons fait au fil des années. Dis-lui que nous aimons notre département, que nous aimons nos villages. Dis-lui que nous voulons y travailler et y vivre. Dis-lui que Romain a le droit d'y grandir. Dis-lui que nous ne pourrons pas développer le département si tous les services publics s'en vont. Dis-lui, dis-lui... Mais à quoi bon ? Nous ne sommes plus assez nombreux et notre vote ne compte pas. »

Mme Claude Greff. Ça, c'est vrai !

M. Michel Vergnier. « Donc, forcément, on ne nous écoute plus. »

Monsieur le ministre, écoutez les petites filles et les petits garçons de Creuse. Ils sont très souvent beaucoup moins ennuyeux que les adultes. Ils veulent avoir les mêmes chances que les autres. Ne les condamnez pas d'avance. Ne raisonnez pas trop en comptable. Pensez à ceux qui pourraient vous dire un jour : « J'aurais tant aimé pouvoir apprendre l'allemand, le grec et le latin. J'aurais tant aimé être un petit garçon comme les autres. »

Regardez les enfants bien dans les yeux, écoutez leurs rires, écoutez leurs espoirs, écoutez leurs maîtres d'école, les maîtres de l'école de la République, écoutez les élus, écoutez les professeurs, écoutez les parents. Supprimez la carte scolaire annuelle. Contractualisez durablement avec ceux qui connaissent le territoire et qui veulent le faire vivre.

M. Jean Launay. Très bien !

M. Michel Vergnier. Ne les obligez pas à dépenser plus d'énergie à se défendre qu'à construire.

Monsieur le ministre, répondez à Romain ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Christian Philip.

Mme Claude Greff. Racontez-nous la suite de l'histoire, monsieur Philip !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Oui : « Romain à Paris » ! (Sourires.)

M. Christian Philip. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, certains ont dit que le débat national sur l'école avait mobilisé peu de monde. Permettez-moi d'apporter un témoignage qui va dans le sens contraire.

M. Yves Durand. Chic ! Une autre histoire !

M. Christian Philip. Comme d'autres, j'ai participé à plusieurs rencontres, j'ai organisé à ma permanence parlementaire diverses réunions. J'ai été frappé - et ce n'est sans doute pas une particularité lyonnaise - par le nombre des personnes présentes, par l'intérêt qu'elles ont manifesté lors d'échanges qui ont chaque fois duré plus de deux heures.

Première observation : malgré ce qu'ont tenté de faire accroire certains de mes collègues, le débat a heureusement su dépasser la question des moyens. On commence à comprendre que si l'école a bien sûr besoin, pour réussir, d'un minimum de moyens, son efficacité n'est pas proportionnelle à son budget. En vingt-cinq ans, au fil des gouvernements qui se sont succédé, et qui ont été soutenus par des majorités différentes, nous avons doublé, en euros constants, les sommes que nous consacrons à l'éducation. Or qui pourrait dire que l'école est aujourd'hui deux fois plus efficace ?

Dans nos écoles maternelles et primaires, il faut quand même le rappeler, la dépense unitaire par élève a pratiquement doublé entre 1975 et 2002.

M. Lionnel Luca. Eh oui !

M. Christian Philip. Pour le second degré, toujours en euros constants, l'augmentation a été de l'ordre de 75 %. Les résultats obtenus n'ont pas été en rapport avec l'effort consenti par la nation.

M. Lionnel Luca. Absolument !

M. Christian Philip. Aujourd'hui, les effectifs globaux décroissent du fait de notre démographie et les moyens de l'école continuent à s'améliorer, même sans créations de postes. Alors, bien sûr, la situation peut être différente ici où là, mais le débat sur l'école ne peut plus se limiter à la question des moyens.

Le seul secteur de notre système éducatif où les moyens, et il faut que nous en prenions conscience, restent insuffisants au regard des comparaisons internationales, c'est l'enseignement supérieur. Là, il faudra nous mobiliser. Car il n'est pas normal de consacrer à un étudiant de premier cycle universitaire la moitié de ce que coûte un collégien, le tiers de ce que coûte un élève de CP. Il faut avoir le courage de dire que nous devrons, au fil des évolutions démographiques, transférer des moyens vers les universités.

Deuxième observation : il faut donner à l'école des objectifs précis. Ce qui relève de l'autorité de l'Etat, c'est de déterminer l'organisation générale des apprentissages, les programmes, le niveau que l'on attend des élèves à la fin de chaque cycle. Mais j'espère que la prochaine loi d'orientation saura engager une autre évolution. Pour se donner les instruments d'une école plus efficiente, il faudra jouer le jeu de la responsabilité et de l'évaluation.

La responsabilité suppose que l'on accorde une plus grande autonomie aux établissements en les autorisant, une fois le projet d'établissement validé par les autorités académiques, à intervenir, par exemple, dans la procédure de nomination du chef d'établissement...

M. Yves Durand. Ben voyons !

M. Christian Philip. ...et des personnels enseignants, ainsi qu'à conduire des expérimentations.

M. Yves Durand. Autrement dit, il ne faut plus d'éducation nationale !

M. Christian Philip. Je n'ai pas dit cela ! La responsabilité des établissements implique qu'on leur fasse confiance. Le rôle de l'Etat, en l'occurrence de l'éducation nationale, monsieur Durand, c'est de déterminer les orientations et les objectifs, puis de faire confiance aux établissements pour assurer leur mise en œuvre.

La responsabilité s'accompagne de l'évaluation, celle des établissements comme celle des élèves. Cette évaluation, qui doit être conduite de manière transparente par l'Etat - et donc par l'éducation nationale, monsieur Durand -, doit pouvoir déboucher sur des décisions, par exemple l'évolution du projet, voire le changement du chef d'établissement.


Troisième observation : à l'heure de l'Union européenne et d'un monde toujours plus ouvert, l'apprentissage des langues étrangères doit être une priorité. Reconnaissons-le : notre pays est en retard. Cette situation doit changer au plus vite. La loi d'orientation devrait décréter une mobilisation autour d'un tel objectif. Le véritable apprentissage d'une première langue, et non une simple initiation, doit être une priorité dès l'école primaire. Lorsqu'il se présentera au baccalauréat, chaque jeune Français devra maîtriser deux langues et être en mesure de tenir une conversation courante.

M. Daniel Prévost et M. Lionnel Luca. Très bien !

M. Christian Philip. Que l'on ne dise pas que ce serait contraire à la défense du français ! C'est justement grâce au multilinguisme que nous pourrons empêcher l'omniprésence de l'anglais !

M. Lionnel Luca. Absolument !

M. Christian Philip. Si la France fait preuve de cette volonté d'ouverture, nous pourrons convaincre nos principaux partenaires de développer l'acquisition du français en seconde langue.

En conclusion, messieurs les ministres, je souhaite que la prochaine loi d'orientation définisse pour notre école des objectifs clairement affichés. Nous ne devons pas nous contenter d'une loi générale, d'un faux consensus. Cette loi doit être le fondement des changements que nous attendons pour l'école. La volonté réformatrice du Gouvernement doit s'exercer. Comment pourrait-il en être autrement quand l'école est le socle des valeurs de notre République ? Comment adapter notre pays aux enjeux du XXIe siècle sans former les jeunes Français, de qui dépendront les succès de demain, aux exigences du monde contemporain ? La réforme de l'Etat ne réussira pas sans celle, préalable, de l'école. Affirmer cela n'est nier ni les efforts consentis depuis des années, ni la compétence, ni le dévouement des enseignants. Mais une institution qui n'évolue pas se condamne. Tel est le mérite du débat que nous avons ouvert. Sans doute ne dessinons-nous pas de la même manière - et c'est normal - la réforme de l'école, mais il ressort du débat conduit depuis plusieurs semaines qu'une très grande majorité d'enseignants et de parents l'attendent. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca. Monsieur le président, messieurs les ministres, après le grand débat public qui a mobilisé avec succès un million de Français, il nous appartient aujourd'hui d'en débattre à notre tour avant d'examiner le texte que vous nous proposerez d'ici à la fin de l'année. Il faut vous féliciter de cette initiative, de cette culture du débat, fondement de la démocratie, là où vos prédécesseurs ont fait preuve de frilosité

Mme Marie-Jo Zimmermann. Absolument !

M. Lionnel Luca. Notre système éducatif souffre d'insuffisances. Malgré des moyens financiers considérables, parmi les plus élevés du monde, et malgré les nombreuses réformes qui se sont succédé depuis trente-cinq ans, force est de constater que l'objectif proclamé de réduction des inégalités n'a pas été atteint. C'est ce que confirment plusieurs rapports, tels que le rapport PISA élaboré par l'OCDE et l'UNESCO sur l'évolution internationale comparée des élèves de quinze ans et celui du CERC sur la redistribution sociale de l'éducation en France.

Je ferai quatre constats rapides.

Premier constat : la France se situe, en matière d'enseignement, dans une position très moyenne, autour de la dixième place, derrière le Royaume-Uni et au niveau des Etats-Unis, alors que les meilleurs sont la Finlande, la Corée du Sud, Hongkong et le Canada, en lecture ; Hongkong, le Japon et la Corée du Sud en mathématiques. Ces pays présentent les écarts les plus faibles entre bons et moins bons élèves.

Deuxième constat : l'enseignement français est socialement l'un des plus injustes. Il ne favorise guère l'accès aux grandes écoles des élèves issus des classes modestes. Il demeure donc un enseignement pour privilégiés. La proportion des élèves d'origine modeste admis dans les grandes écoles est passée, en cinquante ans, de 23 à 9 % alors que le nombre d'élèves admis à l'université était multiplié par quinze.

M. Daniel Prévost. Eh oui !

M. Lionnel Luca. Troisième constat : la transition entre éducation et vie active est une des plus brutales, des plus difficiles et des moins intégrées ; l'alternance et la collaboration entre les écoles et les entreprises sont peu développées. L'inadéquation entre l'offre d'éducation et la demande du marché du travail s'avère préoccupante et implique une adaptation qualitative.

Quatrième constat, enfin : au-dessus d'un certain seuil, les performances d'un système éducatif ne dépendent pas de son financement.

M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. C'est exact !

M. Lionnel Luca. Ainsi, la Corée du Sud, qui obtient d'excellentes performances, dépense par enfant deux fois moins que l'Italie et trois fois moins que l'Autriche, dont les performances sont médiocres. A dépense équivalente, le Japon et l'Australie offrent de meilleurs enseignements que la France.

Au-delà de ces constats, trois axes de réforme paraissent déterminants.

Premier axe : apprendre à l'école.

M. Jacques Myard. Eh oui !

M. Lionnel Luca. Chacun peut constater les insuffisances notoires de l'enseignement, en particulier à l'école primaire, l'illettrisme n'étant que la partie visible de l'iceberg. La véritable égalité des chances consiste à dispenser un savoir, non un savoir-faire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Les consignes pédagogiques données depuis trente ans transforment les enseignants en animateurs de centres aérés (Protestations sur les mêmes bancs)...

Mme Huguette Bello. N'importe quoi !

M. Lionnel Luca. ...et n'en font certainement pas des transmetteurs de la connaissance, celle qu'ils délivrent étant beaucoup trop parcellaire, inégale et incomplète. Est-il vraiment utile de perdre trois heures à regarder couler une rivière sous prétexte de découverte, quand une heure aurait largement suffi, en classe, à apprendre les données de base sur ce qu'est un bassin hydro-géographique ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Continuera-t-on longtemps à conserver un mode d'apprentissage de la lecture et de l'écriture qui a largement fait les preuves de son échec et qui n'a procuré du travail qu'aux orthophonistes ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) En clair, redonnera-t-on le goût de la lecture avec l'apprentissage de l'abécédaire (« Oh là là ! » sur les mêmes bancs), certes considéré comme réactionnaire par les ayatollahs de la pédagogie moderne (Protestations) mais qui a fait ses preuves ? En effet, l'utilisation de la méthode semi-globale,...

M. Yves Durand. Cela fait vingt ans qu'elle n'existe plus !

M. Lionnel Luca.... quand elle ne rend pas impossible le déchiffrage, ne favorise pas la compréhension et ne permet pas d'apprécier la saveur des mots d'une langue les plus riches du monde !

Quant au redoublement, il doit être décidé par les enseignants et non par les familles, celles-ci pouvant naturellement faire appel de leurs décisions, même si ce sont eux qui connaissent le mieux le niveau d'instruction des élèves.

M. Yves Durand. En Finlande, on ne fait redoubler personne, et à l'arrivée, vous l'avez, dit, ce sont les meilleurs !

M. Lionnel Luca. Il faut également développer le soutien scolaire, notamment pour les enfants issus de l'immigration, afin qu'ils puissent maîtriser la langue française, et ne pas se reposer uniquement sur les initiatives, certes méritoires, mais souvent empiriques des associations et des communes. Apprendre à l'école c'est, enfin, retrouver l'utilisation de la mémoire, support indispensable à la réflexion.

Deuxième axe : ouvrir l'école au monde et particulièrement à l'entreprise. Cela vaut pour les élèves comme pour les enseignants, notamment ceux d'économie, d'histoire et de géographie. Est-il normal qu'en 2004, la revue économique Challenges consacre trois pages à un professeur d'économie qui découvre l'entreprise lors d'un stage spécifique ne figurant pas aujourd'hui dans le programme de formation des enseignants ?

De même, nous sommes toujours trop en retard dans l'apprentissage des techniques nouvelles : je pense en particulier à Internet. J'ajouterai l'insuffisance des matériels et, plus grave encore, le manque de formation des enseignants qui devraient bénéficier d'un vaste et grand programme de rattrapage.

M. Michel Vergnier. Il faut des sous !

M. Lionnel Luca. Troisième axe : vivre ensemble. Vivre ensemble, c'est retrouver une éducation qui s'acquiert dans le respect et la tolérance, élèves et enseignants doivent se respecter mutuellement. C'est également redonner à la sanction sa valeur pédagogique. C'est enfin réaffirmer le principe de laïcité, celui de l'égalité républicaine sans distinction de vêtements ou d'insignes, quels qu'ils soient.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Lionnel Luca. Pour réussir cette réforme essentielle, il importe d'y associer l'ensemble du monde éducatif, à savoir tous les enseignants, tous les personnels administratifs et techniques, et pas seulement des syndicats corporatistes qui freinent toute évolution. Nous devons revenir à ce que disait Condorcet et empêcher que « l'instruction, qui est instituée pour les élèves, ne soit réglée d'après ce qui convient à l'intérêt des maîtres ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Le débat est clos.

La parole est à le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Mesdames, messieurs les députés, en mon nom et en celui de Xavier Darcos, je vous remercie chaleureusement pour la qualité de ce débat. Nous avons écouté et entendu avec la plus grande attention vos critiques, vos suggestions, vos conseils constructifs, parfois même vos encouragements. Nous nous soucierons d'en dégager les éléments essentiels.

Je n'aurai pas la prétention - cela me serait d'ailleurs impossible - de faire, ce soir, en quelques minutes, la synthèse de ce débat très riche. Je note toutefois avec satisfaction que personne n'a contesté la qualité des documents qui ont servi de base à l'organisation de ce débat, qu'il s'agisse du diagnostic préparatoire présenté par le Haut Conseil de l'évaluation ou des fiches préparées par la Commission nationale. Personne non plus n'a contesté le pluralisme et l'indépendance de la Commission nationale, la qualité des travaux accomplis par ses membres, en particulier par son président, Claude Thélot. Je suis également heureux que, malgré, quelques remarques ici ou là, personne n'ait cherché sérieusement à contester l'ampleur de la participation à ce grand débat. Je me devais de le souligner.

Nombre d'entre vous ont insisté - c'est un point essentiel - sur la nécessité, dans la loi d'orientation, de recentrer l'école sur ses missions fondamentales. A ce propos, je salue le remarquable travail accompli par les parlementaires de la majorité, dont je les remercie très sincèrement, dans l'organisation de nombreux débats. Ils ont su, ce soir, en peu de temps, retransmettre avec talent et efficacité l'essentiel de ce qu'ils ont retenu des réunions sur le terrain. L'expérience qu'ils nous ont transmise s'est avérée pour nous essentielle.

En conclusion, Xavier Darcos et moi-même sommes heureux de voir que la représentation nationale s'est saisie à son tour de ce grand débat sur les missions et l'avenir de l'école. C'est à elle qu'il reviendra dans peu de temps de discuter des orientations de la loi et de décider, au final, de son contenu, permettant ainsi de tracer le programme de notre éducation nationale pour les dix ou quinze ans à venir. Je vous remercie infiniment de votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SEANCES

M. le président. Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion du projet de loi, n° 1058, relatif au développement des territoires ruraux :

MM. Yves Coussain, Francis Saint-Léger et Jean-Claude Lemoine, rapporteurs au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 1333).

A vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 21 janvier 2004, à zéro heure trente.)

      Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

      jean pinchot