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Deuxième séance du mardi 27 janvier 2004

138e séance de la session ordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

CÔTE D'IVOIRE

M. le président. La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac. Monsieur le ministre des affaires étrangères, depuis deux mois, la situation en Côte d'Ivoire semble avoir connu des avancées réelles. Les ministres d'opposition ont réintégré le gouvernement, les projets de loi prévus par les accords de Marcoussis ont été adoptés, les points de contrôle entre le nord et le sud ont presque tous été levés, un voyage hautement symbolique du chef de l'Etat est prévu à Bouaké et l'agitation autour du procès du meurtrier de Jean Hélène n'a pas empêché la justice d'œuvrer sereinement.

Restent, et ce n'est pas une mince affaire, l'application intégrale des accords et le retour à la normale, car la réconciliation reste délicate.

Un an après les accords de Marcoussis, pourriez-vous, monsieur le ministre, faire le point sur l'évolution de la situation, sur la contribution de la France au processus de paix et sur le rôle que peut y jouer l'ONU ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Madame la députée, un an après les accords de Marcoussis et la réunion de Kléber, vous l'avez justement dit, des progrès ont été accomplis dans la voie de la réconciliation nationale. Une nouvelle impulsion a été donnée après la rencontre de Libreville sous l'égide du président Bongo, et je tiens à saluer la détermination du président Gbagbo, comme de l'ensemble des responsables politiques ivoiriens, à sortir la Côte-d'Ivoire de la crise.

Aujourd'hui, nous entrons dans une nouvelle phase qui comporte une double dimension : intérieure, d'abord, puisqu'il s'agit de conduire ce pays d'ici à la fin de 2005, à la tenue d'élections libres, transparentes et ouvertes à tous ; internationale, ensuite, car il faut obtenir le retour des bailleurs de fonds et la mise en place d'une opération de maintien de la paix. Cette opération permettra d'appuyer la phase concrète des accords, c'est-à-dire la mise en œuvre du désarmement et de la démobilisation des ex-forces militaires et des milices, l'accompagnement du retour des services publics dans tout le territoire ivoirien et la préparation des futures élections dans ce pays.

Dans ces domaines, nous n'avons cessé de le dire, les Nations unies sont irremplaçables. Il faut donc soutenir l'initiative du secrétaire général, M. Kofi Annan, pour la mise en place, le plus rapidement possible, d'une force de maintien de la paix.

Cette opération contribuera en outre à la stabilisation d'une région déjà très éprouvée et elle établira un dispositif cohérent avec l'ensemble des autres actions en cours, tant au Sierra Leone qu'au Liberia.

C'est dans le cadre de cette concertation collective que je participerai à New York, le 6 février, aux côtés de Colin Powel et de mes homologues de la CEDEAO, à une réunion présidée par M. Kofi Annan, sur la reconstruction au Liberia. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

RECOURS AUX ORDONNANCES

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le Premier ministre, vous-même et le président du groupe UMP avez annoncé ces jours derniers que vous envisagiez de dessaisir le Parlement sur des sujets majeurs pour légiférer par ordonnances. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mes chers collègues, il s'agit du respect du Parlement et cela concerne chacun d'entre nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Dans Le Journal du Dimanche, vous évoquez, monsieur le Premier ministre, la possibilité d'utiliser cette procédure pour réformer l'assurance maladie après les prochaines élections régionales.

M. François Hollande. Eh oui !

M. Bruno Le Roux. Par ailleurs, le rapport Virville, dont chacun voit bien les menaces qu'il fait peser sur les salariés, suggère au Gouvernement de modifier le code du travail par ordonnances.

Mme Martine David. C'est scandaleux !

M. Bruno Le Roux. Depuis deux ans, les Français ont appris à connaître votre méthode, caractérisée par sa brutalité. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Quel mauvais coup préparez-vous, au lendemain des élections, pour avoir peur à ce point du débat parlementaire ?

M. Richard Mallié. La question !

M. Bruno Le Roux. Pourquoi, sur des sujets auxquels nos concitoyens accordent la plus grande importance, redouter un débat public dont l'aboutissement normal serait un débat démocratique au sein de nos deux assemblées ?

Rappelez-vous que les ordonnances de 1967 et de 1995 ont laissé de mauvais souvenirs aux Français et aussi aux gouvernements de l'époque.

Monsieur le Premier ministre, ma question sera brève et claire.

M. Bernard Roman. Il n'écoute pas !

M. Bruno Le Roux. Votre réponse est attendue des Français, qui ne souhaitent pas que vous les dessaisissiez d'un véritable débat. Sur ces sujets importants, comme sur tout autre projet, nous vous demandons solennellement de renoncer à légiférer par ordonnances. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille, et des personnes handicapées. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est lui, les ordonnances !

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le député, permettez-moi de vous dire que votre question est polémique car elle n'a pas lieu d'être posée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Le Gouvernement n'a pas fait son choix entre le recours aux ordonnances et à la loi « classique ». Ne mettez pas la charrue avant les bœufs ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

La deuxième étape de la concertation sur le diagnostic et le dialogue va s'ouvrir et nous prendrons notre décision le moment venu. (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Bernard Roman. Le moment, c'est maintenant !

M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Permettez-moi néanmoins de vous faire part de trois observations.

D'abord, la discussion d'une loi d'habilitation permet toujours au Parlement de s'exprimer. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Hollande. Il a avoué !

M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Ensuite, rarement une décision aura été autant concertée.

M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Enfin, si nous décidons de revenir sur les modalités de la loi de financement de sécurité sociale, nous débattrons successivement d'une loi sur la réforme institutionnelle et fonctionnelle, d'une loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale et, à l'automne prochain, du PLFSS pour 2005. Ainsi, le Parlement aura largement le temps de débattre de cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

PROCÉDURE DE RÉTABLISSEMENT PERSONNEL

M. le président. La parole est à M. Gilles Artigues, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Gilles Artigues. Monsieur le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, le groupe UDF a pris une part active à la discussion de la loi qui porte votre nom et l'a saluée comme une avancée significative dans l'amélioration des conditions de vie de nos quartiers. (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.). Investir dans le béton à travers les démolitions, les restructurations, les réhabilitations, c'est bien, mais il ne faut pas négliger l'humain.

Notre question porte sur la procédure de rétablissement personnel, présentée comme une véritable révolution et qui a d'ailleurs mis en difficulté socialistes et communistes car ils n'avaient pas osé aller aussi loin que vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Claude Lenoir. C'est vrai !

M. Gilles Artigues. Il s'agit en effet de donner une deuxième chance à ceux qui se trouvent endettés du fait d'un accident de la vie : chômage (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.), maladie, veuvage.

Monsieur le ministre, votre loi a été votée en août 2003. Nous attendons les décrets d'application. Nous sommes en effet très sollicités dans nos permanences pour savoir qui portera les dossiers et qui les suivra.

Nous attendons une réponse à la hauteur des espérances que votre loi a fait naître dans nombre de familles de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.

M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur le député, 700 000 familles françaises passent en commission de surendettement et ne disposent que d'un « reste à vivre » de 400 euros par mois, car elles sont prises dans la spirale des expulsions et saisies-arrêts ; leur perspective de s'en sortir est donc quasiment nulle.

La loi à laquelle vous faites référence a été votée par votre assemblée le 23 juillet dernier, adoptée définitivement le 1er août et publiée au Journal officiel le 3 août. Son décret d'application, très attendu - nous recevons des milliers de lettres de familles qui souhaitent savoir quand et comment pouvoir en bénéficier - a été présenté au Conseil d'Etat, qui a émis un avis favorable. Ce texte sera donc publié au Journal officiel en fin de semaine ou au début de la semaine prochaine.

S'agissant du portage des dossiers, un comité de pilotage a été mis en place avec la Banque de France pour que les dossiers soient transmis rapidement et de façon à éviter toute difficulté d'interprétation par les tribunaux.

Monsieur le député, la seule chose qui importe, c'est qu'à partir de la première semaine de février, ces centaines de milliers de familles de bonne foi - les seules visées par la loi - pourront profiter de cette loi de la deuxième chance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

PRÉCARISATION DE L'EMPLOI

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. André Chassaigne. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le Gouvernement a lancé, à grand renfort de communication, une mobilisation en faveur de l'emploi. Mais que cache réellement ce nouvel engouement ?

La base de discussion de ce projet de loi est le rapport sur la réforme du droit du travail commis par M. Virville. Ce « docteur en innovation sociale », directeur des ressources humaines à Renault, a pourtant vu sa gestion récemment condamnée par la justice pour recours abusif à l'emploi précaire et à l'intérim.

Il propose maintenant, sous les applaudissements du MEDEF, (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) de créer des « super-CDD », des emplois jetables pour les cadres, en modifiant les lois de la République.

En transformant cadres et techniciens en intermittents, on cherche évidemment à faire sauter toutes les garanties collectives existantes et à diminuer les salaires.

M. Virville préconise aussi de légaliser les prêts de main d'œuvre entre patrons et de réduire les prérogatives des institutions représentatives des salariés, en particulier des comités d'entreprise. Personne au Gouvernement n'a condamné ce rapport et c'est certainement aussi au nom de la revalorisation de la valeur travail que le Gouvernement a accueilli favorablement l'offre publique d'achat et d'échange lancée par Sanofi-Synthélabo sur Avantis. Pourtant, le chiffre de 12 000 destructions d'emplois est déjà avancé et de nouvelles fermetures de sites seront au menu de ce Monopoly géant orchestré par les marchés financiers.

Ainsi, en quelques jours, entre le rapport Virville et l'annonce de cette OPA - OPE, nous voyons défiler toute l'absurdité du monde capitaliste et de la mondialisation financière. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Lucien Degauchy. Changez de disque !

M. André Chassaigne. Monsieur le Premier ministre, accepterez-vous enfin de remettre en cause cette logique qui anime aujourd'hui votre Gouvernement ? Allez-vous revenir sur votre projet d'ouvrir dans notre pays l'ère de la précarité généralisée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, depuis près de vingt ans, notre pays enregistre de mauvais résultats en matière d'emploi. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Depuis près de vingt ans en effet, quels qu'aient été les taux de croissance, quelles qu'aient été les politiques de l'emploi, quelles qu'aient été les politiques économiques (« Non ! » sur les mêmes bancs) - cela ne sert à rien de le dénier ! - le taux de chômage français est resté supérieur de 1,5 point à la moyenne des pays européens...

M. Bernard Roman. Mensonge !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.... et supérieur de trois à quatre points à celui des meilleurs des Quinze. (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Les causes de cette situation sont assez bien connues. Il y a d'abord les insuffisances de notre système de formation.

M. François Hollande. Non, les vôtres !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous avons commencé à y répondre avec la traduction législative de l'accord interprofessionnel sur la formation tout au long de la vie et nous allons continuer avec la mise en place de la deuxième chance.

Mais il y a aussi la complexité et la rigidité du code du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Il est vrai que pendant les très longues années où la gauche était au pouvoir, elle a largement contribué à le rigidifier et à le complexifier (Mêmes mouvements), augmentant, de ce fait, la précarité et l'insécurité aux marges du code. C'est particulièrement au cours des dernières années, en effet, que le recours à l'intérim et aux CDD a explosé dans notre pays.

Nous avons décidé, pour notre part, de lever ces freins à la création d'emplois. A cette fin, nous avons engagé avec les partenaires sociaux une concertation organisée en trois groupes de travail qui se réuniront en février et en mars, respectivement consacrés à l'emploi des jeunes, à la modernisation du code du travail et à celle du service public de l'emploi.

Dans ce cadre prend place, en effet, le contrat de projet, qui n'a rien à voir avec la description que vous en faites, comme le montre le rapport Virville, que je vous remettrai à l'issue de cette séance pour que vous puissiez le lire. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. François Hollande. Boutiquier !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce contrat concerne des missions d'experts, dévolues à des cadres de très haut niveau. Il est surtout encadré par des accords de branche beaucoup plus démocratiques que par le passé, puisque, grâce à la loi votée par le Parlement, il s'agira désormais d'accords majoritaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Daniel Paul. Non !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce contrat de projet figurait déjà, d'ailleurs, dans un accord conclu par les partenaires sociaux en 2000, qui n'a pas paru beaucoup vous émouvoir beaucoup à l'époque.

Pour le reste, nous allons poursuivre notre effort avec un seul objectif : ...

M. Bernard Roman. Soigner le MEDEF !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... juger chacune des propositions, y compris les vôtres, à l'aune du seul critère de l'efficacité en matière d'emploi. Les Français verront alors l'abîme qui sépare les outrances de la gauche (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) du sens des responsabilités et de l'ouverture d'esprit des partenaires sociaux qui s'engagent dans cette discussion. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Vives protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

POLITIQUE DE SÉCURITÉ DANS LES QUARTIERS DIFFICILES

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Abrioux, pour le groupe UMP.

M. Jean-Claude Abrioux. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Allô, allô !

M. Jean-Claude Abrioux. Monsieur le ministre, vous avez dressé, voilà quelques semaines, le bilan de votre action dans le domaine de la sécurité. N'en déplaise à certains, les résultats sont très encourageants. (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Néri. Pour qui ?

M. Jean-Claude Abrioux. La baisse de la délinquance est là, et il nous faut saluer cette évolution, qui tranche radicalement avec la situation des cinq années précédentes, preuve, s'il en est besoin, qu'en matière d'autorité de l'Etat, le choix de la fermeté et d'un cap clair se révèle positif pour tous nos concitoyens.

Il ne faut pas baisser la garde pour autant, et les efforts doivent être poursuivis. Vous avez donc réuni hier les préfets qui ont la charge des quartiers les plus difficiles, là même où l'insécurité et la délinquance doivent être le plus fermement combattus.

Quels éléments de prévention et de sécurité avez-vous présentés lors de cette réunion ? Quelle est votre méthode pour restaurer le calme dans les quartiers sensibles ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Zorro !

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il n'y a aucune raison pour que certains de nos compatriotes soient obligés de vivre dans des quartiers où l'insécurité est telle que leur existence devient impossible. Nous avons donc sélectionné vingt-trois quartiers, sans tenir compte, bien entendu, de la couleur politique de leurs élus.

M. Bernard Roman. Encore heureux !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ainsi, quatre maires socialistes ont indiqué, dès ce matin, et j'en suis très heureux, qu'ils attendaient cette décision depuis bien longtemps et qu'ils s'y associeraient. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Le 15 février, nous publierons ...

Plusieurs députés du groupe socialiste. Des noms ?...

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... des objectifs chiffrés pour chacun de ces quartiers, et nous nous engagerons à obtenir des résultats avant la fin de l'année. Il y a trop longtemps que des Français sont condamnés à vivre dans des zones de non-droit.

Nous allons augmenter les effectifs de ces zones.

M. Christian Bataille. Où allez-vous les prendre ?

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Nous allons associer tous les élus à notre action et expérimenter de nouvelles méthodes, qui seront généralisées si elles sont efficaces.

Ce que nous voulons, ce n'est pas obtenir des résultats dans dix ans, ...

M. François Hollande. Mais avant 2007 !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... mais montrer, avant la fin de l'année, en publiant des résultats tous les trimestres, qu'aucun centimètre de la République n'est abandonné aux délinquants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE

M. le président. La parole est à M. François Goulard, pour le groupe UMP.

M. François Goulard. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé.

Monsieur le ministre, vous avez reçu, à la fin de la semaine dernière, le rapport du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, qui a été approuvé - le fait est assez exceptionnel pour être souligné - par tous ses membres, c'est-à-dire les partenaires sociaux, tant salariés que patronaux, et les représentants des professions de santé.

La qualité et la pertinence de ce rapport sont partout reconnues, à juste titre. Il fait apparaître les difficultés financières de l'assurance maladie et, surtout, les dysfonctionnements graves de ce régime et de notre système de soins.

Ces dysfonctionnements appellent incontestablement des réformes profondes. Le Gouvernement, nous le savons, y est prêt.

Quelles conclusions tirez-vous du rapport du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, quelle est la méthode du Gouvernement pour élaborer la réforme de l'assurance maladie que vous avez annoncée ...

M. Bernard Roman. Les ordonnances !

M. François Goulard. ... et quelles sont les grandes orientations du Gouvernement sur ce sujet si fondamental pour l'ensemble de nos compatriotes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur Goulard, je salue à mon tour la qualité des travaux qui ont donné le jour au rapport du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Pour la première fois, les partenaires sociaux et tous les acteurs du monde de la santé se sont réunis pour établir ensemble, durant plusieurs semaines, un diagnostic sur notre système de soins et la prise en charge de notre santé.

M. François Hollande. C'est difficile !

M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Le Haut Conseil est parvenu à des conclusions unanimes et consensuelles, et son rapport est juste et équilibré. Il fait apparaître que le problème n'est pas principalement financier, mais avant tout fonctionnel et structurel.

Le diagnostic étant posé, le Gouvernement peut désormais, comme il l'avait annoncé, engager une deuxième étape, qui sera celle du dialogue social et de la concertation. Dès le 9 février, je recevrai avenue de Ségur l'ensemble des partenaires et des acteurs, pour définir avec eux la méthode de travail qui nous permettra d'identifier les solutions possibles.

M. Albert Facon. Les ordonnances ?

M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. J'ose espérer que nous pourrons, là encore, trouver des solutions consensuelles avant que, dans une troisième phase qui interviendra avant l'été, le Gouvernement prenne ses décisions.

Je saisis cette occasion de remercier le président Fragonard et les membres du Haut Conseil, à commencer par les trois représentants de votre assemblée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

LÉGIONELLOSE

M. le président. La parole est à Mme Odette Duriez, pour le groupe socialiste.

Mme Odette Duriez. Monsieur  le Premier ministre, le 9 novembre, le premier cas de légionellose a été déclaré dans le bassin minier du Pas-de-Calais. Quatre-vingt-deux personnes ont été atteintes par la maladie, dont dix sont malheureusement décédées. Malgré la fermeture d'usines et d'entreprises, sources possibles de contamination, l'épidémie se poursuit.

Face à ce fléau, on peut s'étonner de l'absence de réactivité du Gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.- Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) En effet, il a fallu attendre le 31 décembre, soit plus de sept semaines après le début de l'épidémie, pour que le ministre de la santé nomme cinq experts.

Quatre nouveaux cas se sont déclarés en fin de semaine, un autre hier : l'épidémie continue.

La population fait preuve de beaucoup de dignité. Pour autant, son angoisse est grande quant à l'origine et au développement continu de l'épidémie, ainsi qu'à ses conséquences sanitaires, épidémiologiques et économiques.

Ma question est triple.

Sur le plan sanitaire, d'abord, quel est l'état d'avancement des travaux des experts nommés par le ministre de la santé ? Le Gouvernement va-t-il rétablir la dotation supplémentaire de rattrapage instituée par le gouvernement de Lionel Jospin, (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Roman. Eh oui !

Mme Odette Duriez. ... pour corriger les inégalités de fonctionnement des hôpitaux de la région Nord-Pas-de-Calais ?

M. François Hollande. Très bien !

Mme Odette Duriez. Sur le plan épidémiologique, ensuite, alors même que les mesures de prévention préconisées il y a plus de quinze mois par le directeur de l'Institut national de veille sanitaire n'ont pas été prises, quelles sont les données épidémiologiques qui commandent l'application du principe de précaution ?

Enfin, alors que notre territoire est très durement touché par les plans sociaux et les licenciements, ...

M. Lucien Degauchy. Et les trente-cinq heures !

Mme Odette Duriez. ... quand le Gouvernement prendra-t-il les mesures propres à réparer les dégâts économiques et sociaux subis par les usines, mais aussi les petites entreprises, telles les stations de lavage, qui ont dû cesser leur activité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Bernard Roman. Rendez les 30 millions !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Madame la députée, l'épidémie de légionellose qui fait l'objet de votre question est la plus importante qu'ait jamais subie l'Union européenne. Elle s'étend dans un rayon de douze kilomètres, se produit en hiver, alors que de telles épidémies se déclarent habituellement en été, et a frappé un nombre particulièrement élevé de victimes : quatre-vingt-une personnes, dont dix sont décédées. Je tiens à dire la solidarité du Gouvernement avec les familles éprouvées.

Le préfet du Pas-de-Calais a pris appui sur la DDASS, sur la DRIRE, sur des renforts envoyés par le ministère de l'écologie et du développement durable et le ministère de la santé, sur l'Institut de veille sanitaire et sur les experts nationaux qui ont été nommés. Le préfet demeure très vigilant et poursuit les investigations sur les sources possibles de contamination. Même si les derniers cas semblent plus rares, il est trop tôt pour proposer une conclusion définitive aujourd'hui.

Pour la légionellose, dont nous avons rétabli en 1997 la déclaration obligatoire, le nombre de cas identifiés est passé de 100 en 1996 à 1 021 en 2002. Nous devons adapter à ces chiffres notre stratégie sur les plans sanitaire et environnemental. Les épidémies de Montpellier et de Poitiers, cet été, ont conduit les ministères de l'écologie et de la santé à travailler au renforcement des règles de surveillance sanitaire. J'ai ainsi présenté il y a dix jours, au Sénat, un amendement visant à rendre obligatoire un régime concernant les tours aéro-réfrigérantes, qui ne sont pas des établissements classés, et Mme Bachelot va prendre toutes les mesures pour renforcer les modalités de déclaration et améliorer l'entretien de ces tours. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mesdames et messieurs les députés, ce sujet grave ne se prête pas à la polémique. Le Gouvernement et les services de l'Etat ont agi du mieux qu'ils ont pu, et ont reçu l'appui des élus de la région. Lors de toutes nos visites dans le département, Mme Bachelot et moi-même avons pu, en effet, rencontrer des élus responsables, qui nous faisaient part des inquiétudes très légitimes des populations. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

SÉCURITÉ DES VOLS CHARTERS

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Descamps, pour le groupe UMP.

M. Jean-Jacques Descamps. Monsieur le secrétaire d'Etat au tourisme, Arlette Franco et moi-même avons participé, la semaine dernière, avec vous et avec M. Bussereau, au congrès du syndicat national des agents de voyages et tour-opérateurs. Nous avons rencontré une profession très solidaire, mais traumatisée, comme nous tous, par le drame de Charm el-Cheikh. Tous cherchent avec anxiété à en connaître les causes. Tel est donc l'objet de ma première question : pouvez-vous nous dire si les boîtes noires ont livré leur secret ?

Au-delà de ce drame, il importe de prévenir de tels accidents. Nous avons interrogé ces professionnels qui proposent aux consommateurs, avec l'aide des compagnies aériennes, des affréteurs et des hébergeurs, des séjours sur l'ensemble de la planète. Ils sont bien conscients de leur responsabilité globale en matière de sécurité, mais s'inquiètent des conséquences qui en découlent. Car d'autres problèmes s'ajoutent à celui du nécessaire contrôle matériel de la sécurité des moyens de transport : le partage de la responsabilité et des coûts de ces contrôles dans les pays et pour les compagnies à risques, l'information de la clientèle qui a sa propre perception des risques, et la création d'un droit, pour les passagers, de refuser les changements de dernière minute.

Comment le Gouvernement compte-t-il organiser le dialogue avec les professionnels concernés, la communauté internationale et le Parlement, pour résoudre ce qui constitue un véritable problème de société à l'échelle du monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État au tourisme.

M. Léon Bertrand, secrétaire d'État au tourisme. Monsieur le député, un travail délicat et minutieux est en cours sur la catastrophe de Charm-el-Cheikh, sous l'égide de la commission égyptienne, avec la participation des enquêteurs techniques du BEA et du NSTB. Il s'agit d'abord de déchiffrer, d'identifier et de vérifier le minutage exact de l'enchaînement des faits enregistrés. L'interprétation précise de ces éléments se fera dans un second temps, car il est encore trop tôt pour tirer des conclusions précises de la lecture des enregistreurs de voix et de données. Le président égyptien de la commission d'enquête nous fournira toutes les informations aussitôt que possible.

Par ailleurs, M. le ministre des transports et moi-même, en étroite concertation avec les tour-opérateurs, les voyagistes et le syndicat national des agents de voyage, étudions la création d'un label permettant d'identifier les compagnies offrant les meilleures garanties de professionnalisme et de sécurité aux opérateurs et aux clients. Ce label prouvera que ces compagnies auront fait l'objet d'un audit réalisé par des organismes spécialisés indépendants. Bien entendu, elles le financeront elles-mêmes.

S'agissant de l'obligation d'informer le client, je vous précise que celui-ci devra avoir connaissance du nom des compagnies le transportant dès qu'il achètera son voyage. Tout sera mis en œuvre pour qu'il soit informé d'une modification de dernière minute ainsi que du nom de la nouvelle compagnie. Un groupe de travail, constitué de la direction générale de l'aviation civile, de la direction du tourisme et des professionnels, précisera les modalités de ces mesures, afin que chaque voyageur puisse prendre sa décision sur la base d'informations fiables.

Par ailleurs, pour éviter que ces nouveaux dispositifs n'isolent notre pays et ne défavorisent les professionnels français par rapport à la concurrence, et à la suite de l'entretien de M. Gilles de Robien avec la commissaire européenne Loyola de Palacio, la Commission européenne proposera, avant l'été, une mesure législative destinée à améliorer la sécurité des passagers aériens.

M. Gilles de Robien et moi-même restons à la disposition de la mission d'information parlementaire pour répondre à toute autre question sur ce sujet. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

LUTTE CONTRE LE DOPAGE

M. le président. La parole est à M. Bernard Depierre, pour le groupe UMP.

M. Bernard Depierre. Ma question s'adresse à M. le ministre des sports.

La semaine dernière, une nouvelle affaire de dopage a malheureusement éclaboussé le monde du cyclisme. Une fois de plus, un soigneur et des coureurs d'une équipe sont soupçonnés d'usage et de trafic de produits dopants. Même si les pouvoirs publics, les fédérations sportives et les ligues professionnelles ont déjà par le passé tenté d'enrayer ce phénomène, l'actualité nous montre que les actions de prévention ne suffisent pas et que la lutte contre le dopage est un combat de tous les instants. Pour la mener efficacement, il faut non seulement renforcer les contrôles et veiller à la qualification des encadrements médicaux des coureurs ainsi que de tous les sportifs en général, mais aussi accentuer la lutte contre les trafics de produits dopants. Il y va de la préservation de la vie même de ces sportifs.

Monsieur le ministre, vous avez réuni vendredi dernier les principaux dirigeants du cyclisme, pour faire le point sur cette nouvelle affaire et pour leur présenter des mesures visant à renforcer la lutte contre le dopage. Pouvez-vous nous informer du contenu de ces mesures et nous préciser la date et les modalités de leur mise en œuvre ? Il y a va de l'intérêt de tout le sport français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des sports.

M. Jean-François Lamour, ministre des sports. Monsieur le député, il ne s'agit pas, bien évidemment, de commenter une affaire judiciaire en cours, mais d'en tirer, avec les responsables du cyclisme français, les conséquences. C'est une affaire navrante, qui met en cause tant des irresponsables que des criminels : je n'hésite pas à le dire. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les mesures arrêtées s'inscrivent totalement dans la réflexion que j'avais déjà engagée depuis six mois avec l'ensemble des intervenants dans la lutte anti-dopage. Elles ont deux objectifs. Le premier est de renforcer cette lutte au niveau international. Le second consiste à mieux cibler les actions en matière de prévention et de contrôle dans notre pays.

Premièrement, j'ai décidé, avec la Fédération française de cyclisme, de subordonner l'obtention et le maintien de la licence aux résultats d'un suivi longitudinal réalisé toute l'année et non plus à un seul contrôle annuel.

Deuxièmement, le nombre de contrôles anti-dopage atteindra sera porté à 9 000 par an, pour l'ensemble des disciplines sportives. La majorité d'entre eux seront inopinés, effectués sur les lieux d'entraînement et non plus, pour l'essentiel, lors des compétitions.

S'agissant de la lutte contre le trafic de produits dopants, je vous informe que je rencontrerai à Lyon, le 2 février, le secrétaire général d'Interpol pour mettre au point un système d'information. (« Ah ! Encore Sarko ! » sur les bancs du groupe socialiste. - « Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il s'agit de mieux prendre en compte le fait que ces trafics ne connaissent pas de frontières. Le Gouvernement va également mettre en place un groupe technique national d'échange d'informations, qui facilitera la transmission des données entre les commissions régionales déjà existantes.

J'ai entendu dire qu'un assistant technique, masseur et conducteur à ses heures, était capable de s'occuper de l'environnement paramédical des groupements sportifs ! Vous comprenez pourquoi j'ai demandé que soit établi, dans la plus grande transparence, l'organigramme médical et paramédical des groupements sportifs. C'est la moindre des choses que de savoir si un véritable kinésithérapeute-masseur s'occupe des sportifs intégrés dans une équipe cycliste.

Enfin, pour l'exemple, car le sportif se doit d'être exemplaire, j'ai demandé à toutes les fédérations sportives, à titre conservatoire, de ne pas sélectionner pour les Jeux Olympiques les athlètes mis en examen. Car ces athlètes pourraient revenir des Jeux avec une médaille, et s'ils étaient condamnés, je ne pourrais pas la leur retirer. Vous conviendrez que ce serait inacceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

REMBOURSEMENT DES SOINS POST-OPÉRATOIRES

M. le président. La parole est à Mme Martine David, pour le groupe socialiste.

Mme Martine David. Monsieur le Premier ministre, comme de nombreux Français, assurés sociaux, responsables mutualistes ou professionnels de la santé, je suis scandalisée par la décision brutale prise par votre gouvernement de baisser le remboursement des soins postopératoires, et inquiète de ses conséquences. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cette mesure, inopportune et inefficace, a été arrêtée, une fois de plus, en catimini, sans aucune concertation. Cela en dit long sur le mépris dans lequel vous tenez nos concitoyens et les professionnels de la santé !

M. Richard Mallié. Caricature !

Mme Martine David. Après la hausse du forfait hospitalier, après le déremboursement de nombreux médicaments, après la mise en accusation de l'homéopathie, vous pénalisez toujours davantage les Français les plus modestes, notamment ceux qui n'ont pas accès à une couverture complémentaire. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Qui plus est, vous procédez à un nouveau transfert de charges vers les mutuelles, qui dénoncent fermement votre méthode. (« Absolument ! » sur les mêmes bancs.)

Chacun se rend bien compte que ce déremboursement va déboucher sur des complications sanitaires, des guérisons imparfaites ou des séjours plus longs à l'hôpital. Loin de réduire les dépenses, cette mesure ne va donc que les multiplier, accentuant encore le déficit de l'assurance maladie. Mais n'est-ce pas une étape dans votre stratégie inavouée visant à imposer aux Français un démantèlement de la sécurité sociale ? (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le Premier ministre, il est inacceptable de servir uniquement les intérêts de quelques-uns au détriment de la santé du plus grand nombre !

M. Charles Cova. Caricature !

Mme Martine David. Nous vous le demandons solennellement : revenez sur cette décision injuste, dangereuse et cynique ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Madame la députée, la mesure concernant les actes médicaux dont la cotation est supérieure à K 50...

M. François Hollande et M. Bernard Roman. Parlez français !

M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ...vise à clarifier l'exonération de ticket modérateur, fort ancienne et inégalement appliquée - puisque les caisses primaires l'interprétaient de manière différente. Nous l'avons ainsi parfaitement clarifiée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David. Ce n'est pas ma question !

M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. En outre, je souligne que personne ne doit se faire de souci ni s'inquiéter outre mesure. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cette décision n'a aucun effet sur ceux qui disposent d'une couverture complémentaire ou qui relèvent de la couverture maladie universelle, soit 93 % de la population. (« Et les autres ? » sur les bancs du groupe socialiste.) J'ajoute - mais vous devriez le savoir - que l'assurance maladie a décidé elle-même d'une aide à la mutualisation pour les 7 % restants. Comme ce dispositif n'est pas suffisamment sollicité, nous allons encore en remonter le plafond cette année. Il n'est donc pas question que quiconque soit privé des soins dont il a besoin.

M. Bernard Roman. Remboursez !

M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Enfin, comme vous avez posé votre question d'une manière polémique, je me permets de vous rappeler que c'est un sujet dont nous avons longuement débattu lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le Gouvernement a donc agi en toute transparence.

Mme Martine David. Ce n'est pas vrai !

M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Personne ne peut s'inquiéter de la délivrance des soins auxquels il a droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

FORUM SOCIAL DE BOMBAY

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Vernaudon, pour le groupe UMP.

Mme Béatrice Vernaudon. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.

Du 16 au 21 janvier s'est tenu à Bombay, en Inde, le quatrième Forum social mondial, qui s'inscrit dans la dynamique impulsée les trois années précédentes à Porto Alegre, au Brésil. Ce mouvement des altermondialistes est souvent présenté comme une entrave au capitalisme mondial, alors qu'il devrait être perçu en fonction de l'élan qu'il insuffle et de l'énergie qu'il transmet à ses participants, qui viennent y partager leurs aspirations pour une vraie gouvernance mondialiste en matière de pauvreté, de développement, d'écologie et d'égalité.

Madame la ministre, vous avez, avec Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable, représenté le Gouvernement à ce forum. La France a toujours pris des engagements forts dans l'aide au développement des pays du Sud.

M. François Hollande. Mais elle ne les a pas toujours respectés !

Mme Béatrice Vernaudon. Pouvez-vous nous dire ce que vous a apporté la participation à ce forum et nous indiquer les propositions et les avancées stratégiques qui s'en sont dégagées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Vous avez raison, madame la députée, ces forums sont d'abord l'occasion, pour des dizaines de milliers de femmes et d'hommes, d'exprimer leurs inquiétudes et leur souhait d'être mieux entendus. Et il est du devoir des démocraties d'entendre ces messages, afin que ne s'accentue pas la fracture entre sociétés civiles et gouvernements. Les démocraties ont aussi le devoir de concilier le jeu de la concurrence, facteur de progrès économique et de croissance (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.), avec la solidarité que nous devons aux plus faibles. Tel est le message de la France, que j'ai porté avec Tokia Saïfi. Telle est aussi notre vision européenne de la mondialisation.

M. François Hollande. Ça va faire mal !

Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Je sais, madame la députée, que vous êtes également préoccupée des inégalités dont les femmes sont victimes. Les femmes étaient nombreuses au Forum social de Bombay car, en Inde - j'aimerais que mes propos intéressent aussi la gauche de l'hémicycle (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) -, parallèlement aux interdictions légales, elles sont victimes de violences d'une extrême gravité.

M. Jean Glavany. On ne vous a pas attendue pour le savoir !

Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Et le message de la France, c'était aussi de rappeler notre attachement à l'application des acquis de la convention de Pékin.

Par ailleurs, n'oublions pas l'Inde moderne. Lors d'une courte visite à Bangalore, j'ai rencontré des femmes qui réussissent, celles qui travaillent dans le domaine des sciences, des biotechnologies, de la bio-informatique, et qui démontrent que les femmes peuvent être, en Inde comme ailleurs, malgré les souffrances, malgré les violences, des vecteurs indispensables du progrès social, de l'économie nouvelle et du développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

NUISANCES AÉRIENNES

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour le groupe UMP. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, puis sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. Merci, mes chers collègues !

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, et des transports.

Dimanche dernier, des milliers de Parisiens ont manifesté dans la rue contre les nuisances aériennes. Et parmi eux, nombre d'élus locaux et nationaux de la majorité.

Chacun connaît l'importance du transport aérien pour l'économie nationale, tant en termes de développement qu'en termes d'emplois. Mais il faut bien reconnaître que ces dernières années, et notamment pour les populations des territoires survolés, l'environnement s'est dégradé. Vous avez récemment annoncé, monsieur le ministre, des mesures visant à limiter ces nuisances aériennes, notamment la réduction des vols de nuit, l'interdiction de vol d'un certain nombre d'aéronefs bruyants, le développement des aéroports de province. Mais il ne semble pas, je vous le dis très franchement, que ces mesures soient à la hauteur des enjeux réels.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Oh non !

M. Jean-Pierre Blazy. Loin de là !

M. Jacques Myard. J'ajoute même que l'annonce de l'abandon du projet de troisième aéroport a été reçue avec un certain scepticisme par de nombreux élus, qui vous soutiennent par ailleurs.

Ma question est simple : quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour véritablement réduire les nuisances aériennes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État aux transports et à la mer. Monsieur le député, c'est une excellente question. (Rires sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. M. Myard pose toujours d'excellentes questions !

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. C'est une excellente question, d'abord parce que c'est M. Myard qui l'a posée ; ensuite, parce qu'elle correspond en effet à une préoccupation réelle et concrète des Franciliens.

Je voudrais rappeler, monsieur Myard, les principales mesures que Gilles de Robien et moi-même avons prises, à la demande d'un grand nombre de parlementaires.

Premièrement, nous avons décidé, comme vous l'avez rappelé, la diminution du nombre des vols de nuit entre zéro heure et cinq heures, ce qui s'est d'ailleurs traduit, je le dis pour les députés non-parisiens, par une diminution des prestations de La Poste, dont un certain nombre de vols de nuit ont dû être supprimés. Cela a retardé l'heure d'arrivée du courrier dans un grand nombre de départements. La compagnie Air France a également supprimé des vols.

Deuxièmement, nous avons plafonné le nombre de créneaux horaires. Nous avons mis en place un plafonnement de la gêne sonore, avec des indicateurs de bruit. Enfin, nous avons empêché les avions les plus bruyants d'atterrir la nuit.

M. Jean-Pierre Blazy. C'est faux !

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. Troisièmement, Mme Bachelot et moi-même avons instauré une modulation de la taxe sur les nuisances sonores, ce qui constitue une mesure dissuasive contre les avions les plus bruyants.

Mais vous avez raison, monsieur le député : il faut faire encore plus. C'est pourquoi je vous propose trois mesures importantes, sur lesquelles M. Copé s'est prononcé récemment. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.- Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- De nombreux députés du groupe socialiste se lèvent et montrent du doigt M. André Santini.)

M. le président. Chers collègues, je vous en prie : ne faites la promotion de personne !

Poursuivez, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. Premièrement, nous confirmons naturellement qu'il n'y aura pas de cinquième piste à Roissy, conformément à la demande des députés de la majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Deuxièmement, il n'y aura pas de troisième aéroport, c'est acquis, mais il y aura un réseau d'aéroports autour de quelques grands pôles dans les régions - je pense par exemple à Wattries, ou encore à Châteauroux -, ce qui permettra d'absorber le trafic. Celui-ci ne sera plus centralisé à Paris, mais réparti sur l'ensemble des régions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Enfin, l'Assemblée nationale se prononcera en février, après le Sénat, sur un projet de communauté aéroportuaire visant à mieux associer les élus et les populations au développement des aéroports. Car, comme vous l'avez justement rappelé, les aéroports, c'est certes du bruit, c'est certes de la gêne - et nous devons y mettre fin -, mais ce sont aussi des dizaines de milliers d'emplois. Et c'est cet équilibre qu'il nous faut réaliser. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous accueillerons vers seize heures quinze le Président de la République populaire de Chine.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de M. François Baroin.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

2

DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux (n°s 1058, 1333).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Je rappelle que l'article 37 a été réservé et qu'il sera examiné ce soir.

Nous en arrivons donc aux amendements portant article additionnel avant l'article 38.

Avant l'article 38

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1341.

La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.

M. François Brottes. Monsieur le président, monsieur le ministre de la santé, monsieur le ministre de l'agriculture, mes chers collègues, cet amendement est essentiel. Nous avons évoqué à plusieurs reprises, à l'occasion de ces débats, la question de la disparition progressive du personnel soignant dans nos territoires ruraux. D'aucuns prétendent qu'il n'en manque pas que là. Mais nous examinons, aujourd'hui, un texte qui intéresse les territoires ruraux.

La disparition des médecins et des infirmières, véritable problème pour l'ensemble de la population, l'incite à déserter ces territoires et cette situation est extrêmement dommageable car l'égal accès aux soins n'est plus garanti. Tous les gouvernements ont fait des propositions pour inciter ces professionnels à s'installer dans ces zones. Mais aujourd'hui, l'heure est grave et il faut se montrer offensif, voire coercitif. Ainsi, en vue de répartir sur tout le territoire national l'offre de soins en fonction des besoins et de la nécessaire proximité et permanence des soins, nous demandons que l'implantation des professionnels libéraux de santé soit intégrée dans le schéma d'organisation sanitaire.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 1341.

M. Yves Coussain, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. La commission est défavorable à cet amendement qui tend à faire prendre en compte l'implantation des professionnels libéraux de santé par le schéma d'organisation sanitaire. Elle a jugé cette proposition inconciliable avec le caractère libéral de ces professions et avec la liberté d'installation. Il y a eu, à cette occasion, un long débat opposant les tenants d'une médecine administrée à ceux qui, comme notre majorité, souhaitent préserver son caractère libéral. Notre commission a préféré s'en tenir à des dispositifs incitatifs : exonération de taxe professionnelle, indemnités attribuées aux étudiants qui s'engagent à exercer en zone sous-médicalisée...

M. le président. La parole est à le ministre de la santé, de la famille, et des personnes handicapées pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1341.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Le Gouvernement est du même avis que la commission. Il n'appartient pas à l'Etat de déterminer impérativement les lieux d'implantation des professionnels de santé en fonction de l'appréciation des besoins, car il ne pourrait le faire sans porter atteinte au principe de la liberté d'installation. Votre amendement, monsieur le député, ne précise pas quels sont les professionnels concernés par cette régulation des modalités d'installation. Au demeurant, si une régulation administrative s'avérait nécessaire dans l'avenir, une telle réforme ne pourrait être entreprise qu'au terme d'une large concertation, dans le cadre d'une réflexion globale sur l'offre de soins dépassant, à l'évidence, les seuls territoires ruraux. Cette réflexion est d'ailleurs au cœur de la concertation que le Gouvernement engage en vue de la réforme de l'assurance maladie.

Je ne suis donc pas favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Ce n'est pas une surprise, monsieur le ministre. J'ai toutefois noté les mots que vous avez prononcés : vous évoquez une « régulation administrative » quand le rapporteur parle, lui, de « médecine administrée ». Votre réponse semble donc plus positive. Il existe déjà une telle régulation administrative pour les pharmacies. Le numerus clausus en est une autre forme. Enfin, s'agissant de l'assurance maladie, les pouvoirs publics souhaitent fortement la réguler, ce qui n'est pas nouveau.

Notre souci est de garantir l'égal accès aux soins de la population sur tout le territoire et de réguler l'ensemble des dépenses de santé. Notre amendement, d'ailleurs, n'est pas très offensif, puisqu'il fait simplement référence au schéma d'organisation sanitaire, dont l'élaboration fait suite à une concertation.

Vous nous demandez quels sont les professionnels visés par cet amendement. Il s'agit de l'ensemble des professionnels libéraux de santé.

De plus, les personnes âgées dépendantes habitant dans ces territoires ont besoin de la présence d'aides-soignants.

Le sujet, vous l'avez vous-même reconnu, n'est pas clos. Vous nous renvoyez à une concertation plus large, mais le problème reste entier pour les territoires ruraux. Cet appel doit figurer dans ce texte. Je souhaite donc que l'Assemblée adopte notre amendement, le Gouvernement conservant la possibilité de nous proposer, avant le vote définitif du projet, d'autres solutions.

Je note à nouveau, pour conclure, que l'emploi par le ministre des termes « régulation administrative » révèle que sa pensée n'est pas très éloignée de la nôtre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1341.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 741 de M. Gest n'est pas soutenu, non plus que l'amendement n° 1449 de M. Spagnou.

Article 38

M. le président. Sur l'article 38, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.

M. Jean-Claude Lemoine. Cet article prévoit une série de dispositions tendant à maintenir ou à attirer des professionnels de santé dans les zones rurales. Ces dispositifs, déjà mis en place par certaines collectivités, et les autres mesures que vous avez prises, monsieur le ministre, doivent nous permettre, dans un avenir plus ou moins proche, de pallier les difficultés actuelles.

En attendant, les professionnels de santé sont en nombre insuffisant, d'où une surcharge de travail. Ils exercent, en effet, de soixante-dix à quatre-vingts heures par semaine, alors que leurs confrères fonctionnaires ne font que trente-cinq heures (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et leur taux d'imposition est élevé. De ce fait, ils n'assurent plus de permanences de soins. Les habitants doivent, en conséquence, faire appel la nuit et le week-end au centre 15 ou aux différents SMUR.

Qui plus est, les médecins établis en zone rurale ne trouvent plus de remplaçants s'ils sont malades ou s'ils désirent prendre un congé. Vous savez parfaitement que les étudiants en médecine ne disposent, maintenant, que de peu de temps pour cela et préfèrent rester dans les villes universitaires, où le travail est moins pénible et où ils sont proches de leur famille. Il conviendrait donc de prendre un certain nombre de mesures pour attirer les remplaçants dans ces zones défavorisées et pour inciter, au moins pendant un certain temps, ces médecins à assurer une permanence de soins. En zone rurale, le temps de trajet du SAMU peut souvent atteindre trois quarts d'heure, voire une heure, avec les risques d'incidents que cela suppose. Dans mon département, il y a eu plus que des incidents, mais des accidents du fait de la durée du temps de transport.

J'ai proposé un certain nombre d'amendements tendant à inciter les professionnels de santé à « prendre leurs gardes » et à attirer les remplaçants dans ces zones défavorisées. Je préconise, pour cela, des mesures que, je l'espère, vous accepterez. Je vous proposerai, notamment, de supprimer toute imposition des revenus tirés des visites de nuit et du dimanche ou des remplacements dans de telles zones.

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Si MM. les ministres le permettent, je leur lirai une lettre que m'a adressée un médecin de ma circonscription, Jacques Sicard, installé à Saint-Romain-sur-Cher. Je l'avais invité à une concertation sur le projet de loi à laquelle il n'a pu se rendre.

« J'ai parcouru le projet de loi sur le développement des territoires ruraux. Première impression à chaud : on se moque de nous. Deux fois dix lignes pour les problèmes de santé, une douzaine de pages pour la chasse. Sommes-nous revenus aux temps des seigneurs plus préoccupés par leurs loisirs personnels que par la santé de leurs concitoyens ? »

M. François Brottes. Nous n'aurions pas osé le dire !

M. Patrice Martin-Lalande. « Que nous propose-t-on ? Page 8 - première partie - une aide financière à l'installation de cabinets secondaires. Les médecins travaillent déjà environ soixante heures par semaine. Où vont-ils trouver le temps pour ouvrir un cabinet secondaire ?

« Page 11 - deuxième partie - des aides pour un exercice de groupe. Cela ne va pas changer le manque grandissant de professionnels qui, de moins en moins nombreux, vont devoir répondre à une demande de plus en plus forte. Depuis 1973, on ferme régulièrement le robinet du numerus clausus - la responsabilité est donc largement partagée - et ce n'est pas la récente, mais largement insuffisante ouverture qui va régler le problème.

Les médecins sont fatigués par une qualité de vie qui se dégrade jours après jours. Les médecins, dont une grande majorité ont plus de cinquante ans, sont fatigués par des journées interminables, auxquelles s'ajoutent parfois des gardes de nuit ou de week-end. Les médecins sont fatigués d'être sans arrêt montrés du doigt ; ils prescrivent trop d'antidépresseurs - peut-être ferait-on mieux de se demander pourquoi - ; ils sont responsables des morts pendant la canicule de cet été, responsables de la surcharge des hôpitaux pendant le week-end... Mais comme l'a fort justement dit le docteur Hamon, président de la coordination nationale toujours active, pour le naufrage de l'Erika, nous avons des alibis.

« Je regrette de ne pouvoir venir lundi, mais je serai en vacances. Faute de remplaçant, je n'ai pas pu profiter des fêtes de Noël, comme la plupart des Français, pour passer quelques jours avec mes enfants. J'aurais pu tout simplement fermer mon cabinet et laisser les patients se débrouiller, mais il me reste encore quelques scrupules, sûrement plus pour très longtemps. Pour favoriser ce problème de remplacement, la solution a été trouvée : auparavant les étudiants pouvaient remplacer dès la fin de la sixième année, maintenant ils doivent attendre la troisième année d'internat, soit en moyenne vingt-huit ans, âge auquel on aspire à s'installer.

« Quelles solutions pour favoriser l'installation des jeunes confrères en milieu rural ? Sûrement pas une prime à l'installation. Une enquête de La Revue du Praticien avait recensé les motifs qui repoussaient les jeunes : les revenus venaient en dernière position, les motifs principaux de désaffection étaient la surcharge de travail, les gardes, les déplacements - trop de visites - la difficulté d'accession aux différents loisirs, à l'éducation pour les enfants. Évidement, tout n'est pas soluble. Pourtant, des problèmes ont déjà été résolus : la quasi-disparition des visites en touchant le porte-monnaie. II faut solutionner celui des gardes, car avec la diminution des praticiens, leur répétition va devenir insupportable. La majorité des appels de nuit et du dimanche sont injustifiés, les quelques véritables urgences pourraient très bien être gérées à partir du service public.

« Quel avenir pour la médecine en milieu rural ? Malheureusement, nous allons bientôt payer très cher les erreurs passées de la gestion de la démographie médicale. Pour certaines régions, la catastrophe est déjà là, pour le Loir-et-Cher, si l'on regarde l'âge des praticiens, la situation va être rapidement difficile à gérer. Ce n'est en tout cas pas en menaçant de déconvention, de réquisition et autres sanctions que les problèmes vont se régler.

« Vivement que je dévisse ma plaque !

« Meilleurs vœux. »

Voilà ce que m'écrivait le docteur Sicard, il y a quelques jours.

Dans le projet de loi qui nous est proposé, certaines mesures vont dans le bon sens. Je les voterai volontiers. Toutefois, et la lecture de cette lettre en témoigne, le « ras-le-bol » des médecins ruraux est réel. Il est donc nécessaire de résoudre les problèmes soulevés, notamment celui de la démographie médicale.

M. le président. La parole est à M. Marc Bernier.

M. Marc Bernier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'ai souhaité, moi aussi, prendre la parole sur l'article 38, qui autoriserait les collectivités locales à octroyer des aides favorisant l'installation et le maintien des professionnels de santé dans les zones rurales, dont je suis l'un des nombreux élus. En effet, l'accès au service de santé y constitue, à mes yeux, un enjeu fondamental.

Les mesures proposées dans cet article répondent non seulement aux inquiétudes des médecins et de l'ensemble des professionnels de santé - souvent confrontés à des conditions d'exercice difficiles, notamment pour assurer la permanence des soins - mais aussi à celles des habitants des territoires ruraux. Ceux-ci, en effet, craignent la disparition inéluctable des médecins de campagne, qui contribuent tant à leur qualité de vie.

J'estime, pour ma part, que le débat va bien au-delà : il concerne le principe de l'égal accès des citoyens aux prestations sanitaires et l'organisation équitable de l'offre de soins sur l'ensemble du territoire national. Sur ce point comme sur les autres, il ne peut être envisagé que les territoires ruraux soient abandonnés et que se creuse encore plus le fossé qui les sépare des zones urbaines, où l'installation des médecins paraît nettement plus attractive - le rapport allant de un à quatre entre certaines régions de France, voire à l'intérieur de certains départements. L'article 38 répond précisément à l'urgence de prendre des dispositions adéquates pour contrecarrer le phénomène galopant de la désertification sanitaire, qui sera encore amplifiée par le départ en retraite de nombreux praticiens au cours des dix prochaines années.

Toutefois, il me paraît somme toute nettement insuffisant de se limiter à la possibilité offerte aux collectivités et à leurs groupements d'accorder une aide à l'installation et au maintien des professionnels de santé. Une telle incitation, me semble-t-il, pourrait avoir des effets auprès des médecins déjà installés, mais elle interviendrait trop tardivement dans le cursus de formation universitaire pour attirer les jeunes médecins, qui ont souvent de nombreux a priori sur l'exercice de la médecine de campagne.

Aussi ai-je souhaité abonder dans votre sens, monsieur le ministre, en déposant deux amendements dans lesquels je propose la mise en place de dispositions incitatives durant la formation universitaire des futurs médecins.

Mon premier amendement tend à créer, durant l'internat, un stage obligatoire de médecine ambulatoire, d'une durée de six mois, auprès d'un médecin agréé installé dans une zone démographiquement déficitaire, afin de faire découvrir aux étudiants comment on y exerce la médecine.

Mon second amendement tend à créer un fonds de régulation de la démographie médicale, ayant pour objet l'octroi de bourses aux étudiants en médecine, en contrepartie d'un engagement d'activité professionnelle dans les zones où est constaté un déficit en matière d'offre de soins.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Marc Bernier. J'ai pu constater avec joie que le Gouvernement avait repris cette disposition à son compte, en y apportant les modifications qui s'imposaient.

De plus, j'ai eu le loisir de découvrir, au travers des nombreux amendements déposés par mes collègues et par le Gouvernement, que d'autres propositions innovantes ont également été formulées, à l'instar de l'exonération de la taxe professionnelle pour les médecins nouvellement installés, de la création du statut d'assistant ou encore de l'aide aux cabinets secondaires. Les énumérer toutes risquerait de nous entraîner dans un inventaire à la Prévert, à qui je ne souhaite nullement me mesurer.

Je tiens à saluer toutes ces initiatives ; elles vont dans le sens des propositions que j'avais émises dans le rapport relatif à la répartition territoriale des professions de santé et à l'égalité des citoyens devant l'offre médicale, qui m'avait été confié par le groupe d'études sur les professions de santé de l'Assemblée nationale.

L'adoption de ces mesures dans le cadre de la loi spécifique aux territoires ruraux ne doit cependant pas nous faire oublier les difficultés identiques des zones de montagne...

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Marc Bernier. ... ou des zones périurbaines, également victimes d'un déficit - presque pathologique -de l'offre de soins. On parle beaucoup des territoires ruraux, mais n'oublions pas la montagne et les quartiers dits « périphériques », qui rencontrent les mêmes problèmes, pour d'autres causes.

M. Michel Bouvard. C'est encore plus compliqué en montagne ! (Sourires.)

M. Marc Bernier. C'est pourquoi j'ai souhaité déposer une proposition de loi relative au maintien et à l'installation des médecins dans les zones déficitaires en offre de soins, qui reprend un certain nombre de ces suggestions en les appliquant à l'ensemble du territoire national. Cette idée semble motiver les parlementaires puisque le texte était cosigné, aux dernières nouvelles, par plus de 150 députés.

Au vu de l'argumentaire que j'ai tenté de vous exposer et de la concordance de nos idées sur le sujet, soyez convaincu, messieurs les ministres, que je voterai l'article 38 comme l'ensemble de cette loi.

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Monsieur le président, messieurs les ministres, j'ai organisé dernièrement une importante réunion avec l'ensemble des praticiens libéraux du département de la Lozère et je dois dire que la situation, dans ce département, devient alarmante. Sans verser dans le misérabilisme, j'affirme qu'il est urgent, vraiment urgent d'agir. L'article 38, tel que nous le propose le Gouvernement, contient des avancées intéressantes mais, monsieur le ministre de la santé, je vous en conjure, agissons très rapidement pour l'ensemble des praticiens libéraux de nos territoires ruraux, que vous connaissez bien. Je tenais à vous le dire de manière très ferme.

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour assurer un égal accès aux soins médicaux en milieu rural, chacun convient qu'il faut maintenir les professionnels en place et favoriser l'installation de jeunes médecins. C'est l'objectif poursuivi par l'article 38, à travers l'attribution d'aides des collectivités locales ou de leurs groupements, dans le cadre de conventions avec les organismes d'assurance maladie et les professionnels de santé concernés. C'était aussi, monsieur le ministre de la santé, l'objet de notre amendement intégrant l'implantation des professionnels de santé libéraux dans le schéma d'organisation sanitaire.

Toutefois, pour avoir récemment travaillé sur ce sujet avec l'ensemble des élus et des professionnels de santé de la Charente, dans le cadre de l'expérimentation sur les formes nouvelles d'organisation des services publics, pour laquelle notre département a été retenu par le Gouvernement, je suis convaincu que, si nous devions nous limiter à cette action, les professionnels de santé continueraient à déserter les campagnes pour échapper aux contraintes de l'exercice : ils ne veulent tout simplement plus être corvéables à merci !

Il nous appartient donc d'engager une politique de rationalisation et d'optimisation du système de soins, inscrite dans un projet d'aménagement du territoire cohérent, réaliste et appuyé sur les acteurs de proximité. Atteindre à l'optimisation recherchée tout en maîtrisant les coûts financiers nécessite d'identifier les besoins des populations, de se fixer des objectifs sanitaires raisonnables et évaluables, de préciser le rôle de chaque professionnel dans la chaîne de soins, d'informer et de responsabiliser nos concitoyens.

La garantie de modes d'exercice suffisamment attractifs me semble aussi être une condition indispensable pour maintenir les professionnels de santé et assurer leur succession. C'est dans ce sens, par exemple, que nous avons commencé à travailler, en Charente, sur la permanence des soins en dehors des heures d'ouverture des cabinets médicaux. L'expérience en cours dans quatre cantons du département, avec une régulation par le centre 15, une maison médicale dotée d'un médecin de garde et adossée à un hôpital de proximité, et trois médecins d'astreinte, nous paraît une piste intéressante. Cette organisation permet en effet tout à la fois d'améliorer la prise en charge de l'urgence vitale, de limiter les visites à domicile des médecins d'astreinte en favorisant le déplacement des patients vers le médecin de garde, et d'assurer ainsi la permanence des soins tout en réduisant la fréquence des gardes pour les vingt-cinq médecins libéraux des secteurs concernés.

Mais d'autres mesures pourraient être encore prises pour faciliter l'installation de nouveaux professionnels de santé.

Ainsi, la création d'un référent administratif, au coût mutualisé entre les bénéficiaires, donnerait aux professionnels la faculté de se concentrer sur l'activité de soins en déléguant la gestion de tâches non soignantes de plus en plus envahissantes.

De même, les systèmes d'aides pourraient être revus pour aller vers un forfait annuel, révisable mais pérenne, lié à la logistique du cabinet et à sa situation géographique, en échange d'un contrat de bonne pratique et d'un engagement à travailler un certain temps dans un secteur géographique déficitaire.

Pourrait également être envisagée une plus grande implication de l'Etat, des organismes d'assurance maladie et des collectivités, par convention avec les professionnels, pour la mise à disposition de structures immobilières, la facilitation des regroupements professionnels et du travail en réseau, l'organisation du transport au cabinet médical des patients sans moyens de locomotion, l'ouverture de cabinets secondaires.

Quant à la possibilité d'employer des médecins collaborateurs, elle permettrait non seulement aux médecins débordés de souffler, mais aussi à de jeunes praticiens, entrant dans l'exercice libéral, d'envisager plus sereinement une association ou une succession.

Cette démarche, sous réserve d'être étendue à l'ensemble des professions de santé, devrait conduire à la mise en place de réseaux de soins sur chacun de nos territoires de santé, définis à travers une dynamique partenariale associant collectivités locales, organismes d'assurance maladie et professionnels, dans la cohérence du schéma d'organisation sanitaire, comme nous le proposions récemment.

Nous ne pourrons pas attendre 2013, monsieur le ministre, et il ne faut pas exclure, comme vous l'avez évoqué vous-même, le 12 novembre 2003, dans cet hémicycle, des dispositions plus contraignantes, comme le refus de conventionnement en cas d'installation dans des zones reconnues comme fortement excédentaires, sur la base de la carte sanitaire établie pour répondre en tout point du territoire aux besoins d'une couverture médicale satisfaisante. Chacun de nos concitoyens, à travers ses cotisations obligatoires, assure en effet le financement de la politique de solidarité, qui participe de notre socle républicain.

Je voulais apporter ces éléments, monsieur le ministre, car nous ne pouvons accepter que, dans un département comme la Charente, plus de 100 communes sur 404 continuent à se trouver dans une situation critique, voire très critique, du point de vue de l'égalité de l'accès aux soins et plus encore de la permanence des soins.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Très bien !

M. Richard Mallié. Vous auriez pu y penser avant !

M. le président. La parole est à M. Robert Lecou.

M. Robert Lecou. Monsieur le président, monsieur le ministre, exerçant mes responsabilités sur un territoire rural - même si ma circonscription, qui va de Montpellier au Larzac, me permet aussi de voir de quelle manière la faculté s'occupe des centres urbains importants -, comment pourrais-je ne pas intervenir sur l'article 38, relatif à la santé ?

Certes, l'existence de centres hospitaliers d'excellence, pourvus de plateaux techniques et d'équipes de grande qualité, est essentielle, mais le maillage des territoires ruraux en établissements de santé, ne l'oublions pas, l'est tout autant : des services comme les urgences doivent toujours être accessibles au plus près. La proximité des soins est essentielle et c'est un élément dont il faut absolument tenir compte. Entre Millau et Montpellier, par exemple, la ville de Lodève, que j'ai l'honneur d'administrer, a réussi à conserver un établissement - une clinique privée - doté d'un plateau technique.

L'article 38 donne aux collectivités les moyens d'intervenir, et c'est une excellente chose, mais le service public doit être très présent, ne l'oublions pas. Des pistes comme la mise en réseau d'une clinique privée et de l'établissement hospitalier public local peuvent être explorées, pourquoi pas, mais de grâce, pour les urgences, dans ces territoires, nous avons besoin de proximité.

Les grosses interventions doivent être pratiquées dans les grands centres hospitaliers, c'est clair, mais il peut être utile de disposer de lits de suite pour rapprocher au maximum les patients de leur famille et éviter de mobiliser des lits de soins lourds.

Même s'il n'est pas négligeable que les collectivités locales puissent intervenir, la santé, c'est évident, nécessite donc un réseau public. Je vous en conjure, prenez en compte les besoins de proximité pour les urgences et les lits de suite, afin de bien mailler le territoire.

Permettez-moi de sortir du sujet de la santé, car l'objet de l'article 38, comme de l'article 37, est aussi l'aménagement du territoire. A cet égard, l'importance pour la France du service public en général tient au fait qu'il est structurant. Outre la santé, je pense à l'éducation nationale et à tous les autres services publics. Le monde rural se repeuple, et l'on ne parviendra à rééquilibrer le territoire, face à des concentrations inhumaines, qu'en assurant la proximité, la présence du service public. Et celui qui vous parle est un député d'une circonscription très diverse, rurale et urbaine.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Monsieur le président, messieurs les ministres, l'article 38 aborde la démographie médicale, l'un des problèmes majeurs à résoudre, assurément, pour continuer à assurer l'égal accès de tous à des soins de qualité.

Les analyses des orateurs précédents ont bien montré l'importance du problème et les propositions diverses méritent toutes d'être prises en compte. J'ai notamment été sensible au témoignage de ce médecin clamant son angoisse, dont Patrice Martin-Lalande nous a lu la lettre.

Les causes de ce problème sont multiples.

D'abord, les gouvernements précédents n'ont pas anticipé l'évolution de la démographie médicale et ne se sont pas préoccupés de ses conséquences.

M. Georges Ginesta. Exactement !

M. Jean-Luc Préel. On n'a pas non plus suffisamment pris en compte la féminisation qui induit des modes de pratique différents et un changement de mentalité chez les professionnels qui souhaitent, légitimement, pouvoir profiter de la vie de famille et limiter leur temps de travail. Il n'a pas été assez tenu compte non plus de la pénibilité de la responsabilité.

Les conséquences sont diverses. On connaît des problèmes de démographie médicale dans le milieu hospitalier aussi, puisque certaines spécialités stratégiques sont aujourd'hui sinistrées et désertées.

Dans certaines zones rurales, mais aussi certaines zones urbaines difficiles, les médecins qui partent à la retraite ne trouvent pas de remplaçant. Le risque de désertification est réel, ce qui menace l'égal accès aux soins pour la population.

La solution à ce problème n'est pas simple et comme les propositions sont multiples, elle ne peut être que multiforme.

Au nom de l'UDF, j'ai moi-même formulé plusieurs propositions.

La première serait d'instaurer un numerus clausus régional par spécialité. Pourquoi régional ? Parce que l'actuel numerus national a montré qu'il n'était pas adapté et parce que c'est à ce niveau que l'on peut étudier les besoins de la population et donc ajuster la formation des futurs médecins en fonction des besoins ; il faut savoir aussi que 80 à 85 % des praticiens formés dans une région y restent. J'ai donc déposé un amendement en ce sens.

Deuxièmement, il importe de modifier le statut des praticiens pour prendre en compte, notamment dans la rémunération, la responsabilité et la pénibilité.

Troisièmement, il est essentiel de créer des maisons médicales cantonales, à ne pas confondre avec les maisons de garde. Ces dernières ont leur utilité mais celles que je préconise permettraient de regrouper l'ensemble des professions de santé. Et si je pense qu'elles doivent être cantonales, c'est parce que cela correspond à un territoire géographique à dimension humaine, et bien connu tant des professionnels que des malades. Elles permettraient de mettre en commun le secrétariat et les moyens de fonctionnement et surtout d'éviter l'isolement tant redouté par les professionnels. Elles devraient être aidées et financées partiellement par les collectivités.

Quatrièmement, il me paraît essentiel - on en a parlé tout à l'heure - de conforter les hôpitaux locaux, qui ont un rôle majeur à jouer.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Jean-Luc Préel. Enfin, les primes à l'installation ne sont pas sans intérêt mais, pour éviter les effets d'aubaine que nous craignons, il faudrait que les aides soient pérennes, ce qui peut conduire à une évolution des rémunérations, lesquelles pourraient être différentes selon le lieu d'installation.

Ces propositions ne sont certes pas suffisantes mais nous devons nous engager, de manière volontariste, à résoudre ces problèmes de démographie car ils conditionnent le respect d'un principe auquel nous sommes tous très attachés, à savoir l'égal accès de tous à des soins de qualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Messieurs les ministres, on ne peut pas sous-estimer le caractère novateur des dispositions que vous proposez. C'est la première fois, en effet, que l'on essaie d'apporter une réponse au problème du manque de médecins généralistes en milieu rural.

Cependant, je n'ai pas le sentiment, et beaucoup de mes collègues avec moi, que ces mesures, même si elles sont positives, suffiront à enrayer ce phénomène.

Etre médecin en milieu rural, il faut le souligner, c'est une véritable vocation et c'est un mode d'exercice de la profession médicale qui est fondamentalement différent de ce qu'il est en zone urbaine. Et même si l'on trouve encore des médecins qui ont cette vocation - et ce sera toujours un exercice totalement différent de la médecine urbaine - il n'empêche que l'on assiste aujourd'hui à une chute du nombre des médecins en milieu rural, même dans des régions qui sont considérées comme plutôt favorisées, comme la moitié sud de la France. Dans ma circonscription, un canton qui comptait, il y a trois ans, sept médecins généralistes n'en a plus que trois aujourd'hui, et il en est d'autres où ils se comptent à l'unité.

Comme nombre d'entre nous, j'ai cherché à comprendre les raisons de ce phénomène. J'ai le sentiment qu'on n'a pas suffisamment pris en considération le fait que beaucoup de ces médecins s'appuyaient sur l'existence de petits établissements de santé, hôpitaux ruraux, établissements de soins de suite, maisons de retraite médicalisées. La tendance au regroupement de ces établissements est dissuasive pour eux.

M. Jean Lassalle. Absolument !

M. Daniel Garrigue. A cet égard, les agences régionales de l'hospitalisation, qui étaient incontestablement nécessaires pour avoir une approche rationnelle des moyens de la santé publique, sont peut-être allées trop loin, car elles ont perdu de vue l'objectif d'aménagement du territoire et de prise en compte des territoires ruraux.

C'est la raison pour laquelle je vous proposerai tout à l'heure un amendement confiant aux agences régionales de l'hospitalisation, parmi leurs missions, celle de veiller au maintien de la présence médicale en milieu rural, à travers la présence de ces petits établissements. Dans certains cas, il vaut sans doute mieux garder certains petits établissements qui sont les appuis des médecins généralistes, plutôt que de continuer à favoriser systématiquement leur regroupement.

Je pense que les mêmes préoccupations pourraient être introduites dans les schémas régionaux d'organisation sanitaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Il me paraît inacceptable qu'un gouvernement de la République puisse présenter un article comme l'article 38, et nous ne saurions donc l'accepter, au nom de l'égalité qui est un des principes fondamentaux de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

J'entends parler d'égal accès aux soins. Et ce seraient maintenant les collectivités locales qui devraient l'assurer ?

La santé ne serait-elle plus, monsieur Mattei, une compétence nationale ? Il faut nous le dire !

Il est vrai que, dans l'article créant les sociétés d'investissement pour le développement rural, un amendement du Gouvernement autorise désormais les collectivités locales à intervenir en matière de santé et en matière d'éducation.

Quant à l'article 38, l'avez-vous bien lu, mes chers collègues ? « Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent attribuer des aides destinées à favoriser l'installation ou le maintien de professionnels de santé... » ; pire, ce sont elles qui vont pouvoir organiser la santé dans les territoires ruraux. Je lis, en effet, un peu plus loin, que l'attribution de ces aides « peut notamment être subordonnée à des modes d'exercice de groupe ou d'exercice pluriprofessionnel destinés à améliorer la continuité et la qualité des soins ».

Si je comprends bien, les collectivités locales passeront des contrats avec les professionnels de la santé. Par conséquent, ce sont elles qui vont choisir comment devront être effectués les soins et exercée cette compétence !

Voilà qui signe une première inégalité et un premier désengagement de l'Etat sur une compétence qui, jusqu'à présent, était régalienne. Si la santé n'est plus une compétence de l'Etat, qu'on nous le dise !

M. Jean Auclair. Caricature !

M. Richard Mallié. N'importe quoi !

M. Augustin Bonrepaux. Je ne fais que lire le texte et le commenter ! A vous de me démontrer que j'ai tort !

Si les collectivités ont les moyens d'assumer cette compétence, tout ira bien. Mais qu'en sera-t-il des autres ? Dans certains territoires, il n'y aura plus de services de santé.

On nous dit qu'on procédera à une péréquation, que d'ailleurs vous renvoyez aux calendes grecques, alors même qu'un semblant de péréquation a déjà suscité des protestations chez certains de nos collègues de la majorité : pas question de prélever sur une collectivité pour donner à une autre !

Or, mes chers collègues, la péréquation, c'est ça !

Lorsque nous aborderons l'article concernant la péréquation, nous verrons les collectivités les plus riches défendre leurs ressources !

Par conséquent, qu'on ne nous raconte pas que les collectivités auront davantage de moyens !

Cet article, comme l'ensemble du texte, tend à instaurer la loi de la jungle ! Que chacun se débrouille avec ses propres moyens, et les plus pauvres sans moyens ! C'est bien dire que l'Etat se désengage en matière de santé comme d'aménagement du territoire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Richard Mallié. N'importe quoi !

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je pense que nous sommes tous attachés, sur ces bancs, à la sécurité sur l'ensemble du territoire. Et l'on nous parle beaucoup dans cette assemblée de sécurité. Il est vrai que cela préoccupe énormément nos concitoyens. Mais une forme de sécurité semble échapper à votre réflexion, messieurs les ministres, on le voit dans le texte que vous nous proposez, c'est celle de la santé sur l'ensemble du territoire, en particulier dans les territoires ruraux.

Monsieur le ministre, sans doute allez-vous répondre à notre collègue Augustin Bonrepaux que vous considérez toujours la santé comme une compétence régalienne de l'Etat, du moins j'ose l'espérer.

Je n'en suis pas moins inquiet car vous et M. le rapporteur avez repoussé un amendement socialiste présenté par M. Brottes concernant la possibilité d'implanter, d'une façon autonome, des médecins généralistes au plus près du terrain, en particulier dans les zones défavorisées. Je suis d'ailleurs étonné que M. Coussain ait tenu pareil raisonnement, lui qui est originaire d'un département, le Cantal, qui est, dans ce domaine, encore plus défavorisé que le mien, le Puy-de-Dôme, et peut-être l'un des plus défavorisés de la région Auvergne.

Vous nous avez expliqué tous les deux que vous étiez contre toute régulation. Dans ce cas, allez au bout de votre raisonnement ! Il faudra des médecins un peu partout, dites-vous, pour assurer les soins. Certes, mais cela tournerait à la farce si l'on avait des médecins de proximité alors que le malade et sa famille ne pourraient pas se procurer rapidement les médicaments nécessaires pour le traitement qu'il ordonne. Or c'est déjà le cas dans les zones défavorisées de nos départements, même en semaine, et sans parler des dimanches et des jours fériés - heureusement, vous avez supprimé le lundi de Pentecôte !

Contrairement à vous, je ne suis pas particulièrement libéral. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Auclair. Conservateur !

M. Alain Néri. Mais quand je le suis, je ne le suis pas à moitié ! Je pense donc qu'il faut assurer la présence des pharmacies de proximité dans les zones les plus défavorisées et, pour cela, supprimer les quotas sur la création de pharmacies.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais non !

M. Alain Néri. Je sais bien qu'on touche là à des questions d'intérêts ! Certains affirment que chaque fois que l'on crée une pharmacie, on fait baisser le revenu des autres. En même temps, cela fait monter le prix du fonds de commerce ! Mais ce n'est pas ainsi qu'on fait de l'aménagement du territoire !

M. Jean Auclair. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ? Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?

M. Richard Mallié. Rien !

M. Alain Néri. Il serait donc bienvenu qu'en même temps que l'on favorise l'installation des médecins de proximité, on élabore un plan d'installation des pharmacies, de façon que, dans les zones défavorisées de nos départements ruraux, on puisse se procurer les médicaments indispensables.

Il faut permettre aux pharmaciens de s'installer librement, là où ils le veulent. Certains n'ont pas un appât du gain démesuré et se contenteraient de gagner tranquillement leur vie sans réaliser d'importants bénéfices, en assurant la sécurité des soins, participant ainsi à l'aménagement du territoire. Pour ce faire, je vous propose, monsieur le ministre, de lever les quotas d'installation des pharmaciens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Auclair. N'importe quoi ! Et vous n'avez rien fait pendant cinq ans !

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Je voudrais juste répondre à certains de nos collègues qui nous accusent de n'avoir rien fait pendant cinq ans. Je vous l'ai dit l'autre jour en propos liminaire : vous verrez qu'à la fin de votre mandat, vous aurez envie d'être réélus pour achever votre travail.

M. Yves Bur. Bien sûr, nous serons réélus ! Nous aurons fait tellement de choses que vous n'avez pas faites !

Mme Marylise Lebranchu. Et je ne vous reprocherai pas, un an après, de n'avoir rien fait pendant cinq ans.

Augustin Bonrepaux a raison : il est difficile, pour des élus de communes rurales, de communautés d'agglomération, ou des députés de zones rurales, de s'entendre dire qu'il faudra « mettre la main à la poche », s'agissant des impôts locaux, pour assurer les soins aux populations.

Monsieur le ministre de la santé, je l'ai déjà dit, la crise de la canicule n'est pas, selon moi, seulement une crise de caractère sanitaire relevant de votre seule responsabilité, mais aussi une crise sociale bien plus large.

De quoi sommes-nous davantage victimes en milieu rural ? M'efforçant de défendre l'existence d'un service de réanimation dans une petite ville de province, j'observe que l'image de la médecine est devenue celle d'un métier de haute technicité. Les jeunes gens qui ont réussi de difficiles études de médecine ont le sentiment aujourd'hui que, pour être un bon médecin ou plutôt un « grand médecin », il faut exercer dans un grand hôpital, dans un grand service ou dans une grande ville à proximité des grands services. On a vu se construire ainsi une image pyramidale, et se destiner à être généraliste en milieu rural apparaît comme une bizarrerie.

Lorsqu'on exerce une responsabilité dans le domaine de la santé publique, on doit valoriser l'image du médecin généraliste, qu'on l'appelle médecin de campagne ou médecin de quartier. J'admets que, jusqu'à présent, nous n'avons pas fait grand-chose à cet égard. Or nous savons tous qu'une politique d'équilibre de la sécurité sociale passe par une bonne prise en charge des patients par un médecin de famille qui évite le recours, parfois excessif, aux spécialistes et aux urgences hospitalières.

Nous devons tous, monsieur le ministre de la santé, nous attacher à revaloriser cette image, et ce n'est pas seulement affaire de rémunération. Nous le savons : un médecin généraliste qui s'installe aujourd'hui en milieu rural gagne bien sa vie. Malheureusement, ses conditions de travail sont loin d'être idéales. En outre, il n'est pas soutenu par une image sociale valorisante, lui qui prend en charge, certes, des patients, mais contribue aussi - je le répète - à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale dont on parle tant.

Je n'ai pas déposé d'amendement sur ce sujet, mais il importe de travailler à réhabiliter le généraliste, comme d'ailleurs l'instituteur, d'autant qu'il est au moins aussi difficile de réussir les concours de médecine que d'entrer dans les grandes écoles. En tout cas, ne nous arrêtons pas à l'attribution de bourses aux étudiants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean Dionis du Séjour et M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. La démographie des professions de santé est un problème qui se pose avec acuité, à cause des prochains et nombreux départs à la retraite, mais aussi de la féminisation, puisque, c'est un fait, les femmes consacrent moins de temps à leur travail que les hommes.

M. Patrice Martin-Lalande. A cause de leurs autres occupations !

M. Richard Mallié. C'est un simple constat.

Vous avez répondu à cette évolution, monsieur le ministre, en proposant de relever le numerus clausus. J'espère que cette mesure tiendra compte aussi d'une répartition territoriale équilibrée des professions de santé. Peut-être convient-il d'augmenter le nombre d'étudiants dans les universités proches des zones où vont manquer les professionnels. Je vous ai d'ailleurs écrit en ce sens, monsieur le ministre. Un jeune étudiant âgé de dix-neuf ou vingt ans est par nature plus mobile et, s'il « fait son trou » dans une région, il aura tendance à y rester. Vous le savez, c'est un de mes chevaux de bataille. J'espère que vous prendrez les mesures nécessaires.

Hormis les questions relatives à la répartition territoriale et au numerus clausus, il est du devoir de l'Etat et des collectivités locales que nos concitoyens aient accès aux meilleurs soins possibles. Or, dans certains cantons, l'offre de soins est insuffisante. A la différence de la fonction publique et de ses mutations, les professionnels de santé disposent de la liberté d'installation. Nous devons donc les inciter à s'installer dans ces cantons.

C'est pourquoi l'article 38 tend à ce que les collectivités locales puissent agir dans ce sens. J'espère que les amendements qui le complètent seront retenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé.

M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, il n'est pas habituel de monter à la tribune pour répondre aux orateurs inscrits sur un article, avant la discussion des amendements. Mais, compte tenu du nombre d'interventions et de la gravité du sujet, je souhaite vous répondre de la manière la plus objective possible.

Je ne peux m'empêcher de penser ce soir au rapport que m'avaient confié Hervé Gaymard et Jacques Barrot en 1996 sur la réorganisation, la formation, initiale et continue, et la spécialisation des professionnels de santé. Peu à peu, les choses se mettent en place, quoi qu'on en dise.

Il est tout à fait symbolique que cette question soit traitée dans le cadre de l'examen de ce projet de loi sur le développement des territoires ruraux. Car le médecin fait partie intégrante du paysage du terroir et de l'environnement de toute collectivité humaine. Il ne doit pas se trouver trop éloigné de ceux qui ont besoin de lui. La présence, rassurante, du médecin est donc liée à l'aménagement du territoire. Aussi, monsieur Bonrepaux, à côté du respect de l'égalité d'accès aux soins, qui est de la responsabilité de l'Etat, on peut espérer qu'accès aux soins et aménagement du territoire pourront se combiner de façon intelligente, avec l'intervention principale de l'Etat et celle aussi des collectivités locales et des caisses d'assurance maladie. Compenser des handicaps et rétablir des équilibres, tel est notre objectif.

Oui, les professionnels de santé sont gagnés par la lassitude, comme l'a montré la lettre du docteur Sicard, lue par M. Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Brute de décoffrage !

M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Les élus, de leur côté, ont la volonté d'agir. Je salue le rapport de Marc Bernier, dans le cadre du groupe de travail sur la démographie des professionnels de santé, rapport dans lequel nous avons puisé des idées intéressantes. C'est une façon de valoriser le travail parlementaire que de reconnaître la qualité des travaux menés par ces groupes d'étude et de les retenir.

Aujourd'hui, quel est le problème ?

D'une part, il est lié à la pénurie des professionnels de santé ; d'autre part, Mme Lebranchu l'a souligné à juste titre, au manque de considération dont souffre le médecin de campagne, au-delà de la noblesse de sa mission. Nous avons, le 18 janvier, apporté par décret un début de solution répondant à l'attente des uns et des autres, avec la création d'une spécialité de médecine générale. Il n'y aura donc plus deux catégories : d'un côté, les spécialistes qui tiennent le « haut du pavé » et qui effectuent les tâches nobles et les mieux rémunérées ; de l'autre, les soutiers de la médecine qui, courant çà et là, tentent de parer au plus pressé. Nous avons supprimé cette séparation entre généralistes et spécialistes. Il y aura désormais des spécialistes en médecine générale. Ils auront leur vocation et leur mode d'exercice particuliers, mais ils seront considérés au même titre que les autres. Cela va de pair avec l'internat pour tous : il n'y aura plus ceux qui ont réussi l'internat et auront une spécialité et ceux qui, recalés, resteront généralistes par nécessité. C'en est fini de la sélection par l'échec.

Enfin, comme l'a souligné M. Garrigue, ce qui détourne les jeunes médecins de s'installer à la campagne, c'est souvent l'absence d'un contexte suffisamment médicalisé et notamment d'un établissement hospitalier de référence pour le généraliste.

Nous avons tenté de définir pour la première fois une véritable politique de démographie des professions de santé dans notre pays Pendant vingt ans, nous avons appliqué, les uns comme les autres, cette idée absurde qu'on pouvait réduire le nombre de prescriptions en réduisant celui des prescripteurs, en oubliant qu'il y avait, au milieu, les malades ! Or, aujourd'hui, nous devons faire face à une pénurie importante.

Comme l'a rappelé Richard Mallié, nous sommes revenus sur cette politique en relevant les numerus clausus de façon significative. En deux ans, nous sommes passés de 4 007 à 5 006 pour les médecins, soit plus 20 %, ...

M. Jean Auclair. Très bien !

M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ...de 801 à 930 pour les dentistes, soit plus 16 %, de 2 250 à 2 600 pour les pharmaciens, de 26 400 à 30 000 pour les infirmières et de 900 à 975 pour les sages-femmes.

M. Jean Auclair. Qu'a fait la gauche ?

M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Nous avons agi de même pour les autres professions de santé. Les premiers effets de ces mesures se feront sentir dans deux ans et un peu plus tard pour ce qui concerne les médecins.

Mais agir sur la quantité ne suffit pas. Nous devons mener aussi une action qualitative, en commençant par l'incitation, sans oublier la régionalisation et la « filiérisation » des spécialités.

L'incitation peut concerner les modalités de l'exercice professionnel. Il y a là plusieurs leviers sur lesquels il est possible d'agir. On peut, par exemple, faciliter les remplacements - nous l'avons fait - et envisager l'ouverture de cabinets secondaires. Certains d'entre vous ont fait valoir que les médecins étaient déjà trop occupés. Ce n'est pas ce qu'ils m'ont dit, ni ce que pense le Conseil de l'Ordre, puisqu'il a modifié le règlement du code de déontologie en autorisant désormais l'exercice multisites. Si cinq spécialistes ou cinq médecins ouvrent ensemble un cabinet secondaire dans un bourg qui n'avait jusqu'alors pas de médecin et y travaillent chacun un jour par semaine, une présence médicale se trouve assurée là où il en avait pas. C'est donc bien une solution.

Enfin, monsieur Bernier, je suis naturellement d'accord pour reconnaître le statut d'assistant ou de collaborateur de médecin. Je ne suis pas sûr, toutefois, que la concertation ait été suffisante pour nous permettre d'adopter dès maintenant l'amendement déposé à ce sujet. Mais il s'agit d'une bonne idée.

Il est un deuxième levier sur lequel nous pouvons jouer. Nous le testons cette année par une expérimentation menée à l'initiative du doyen Berland : l'extension des champs de compétences dans quatorze domaines. Certaines tâches routinières et répétitives font perdre aux médecins un temps précieux. Pour prendre un exemple parmi bien d'autres, quand on constate qu'il faut parfois, dans certaines villes, trois à six mois pour obtenir un rendez-vous avec un ophtalmologue, et que ce dernier passe en fait la moitié de son temps à prescrire des lunettes, comment ne pas penser qu'un orthoptiste occupant la pièce attenante pourrait, sous la responsabilité et le contrôle du médecin spécialiste, s'acquitter de cette tâche ? C'est en tout cas ce que nous allons expérimenter ; d'autres pays l'ont d'ailleurs fait avant nous.

Nous devons explorer la possibilité de déplacer le champ des compétences. Après tout, certaines infirmières poursuivent parfois leurs études pour se spécialiser. Elles peuvent donc se voir confier de nouvelles tâches : nos amis du Québec l'ont fait.

Il est tout de même étonnant que notre système de santé comprenne des praticiens de niveau « bac plus trois » - infirmiers, kinésithérapeutes - et d'autres de niveau « bac plus dix » - les médecins - sans que rien n'existe entre les deux ! Nous devons permettre aux premiers de se « sur-spécialiser » jusqu'à « bac plus cinq », afin d'aider les médecins grâce à une nouvelle répartition de certaines tâches. Cela revient à créer des professions intermédiaires placées sous la responsabilité des médecins.

Le troisième levier susceptible d'être actionné est l'hôpital local, situé au cœur de nos terroirs. Il convient de dépasser l'opposition parfois artificielle entre proximité et technicité. Celle-ci n'a en effet pas lieu d'être. Bien entendu, il faut rassembler, autour de plateaux techniques, des équipes capables d'assurer vingt-quatre heures sur vingt-quatre un certain nombre de tâches difficiles et nécessitant une technicité particulière. Mais nous avons, sur notre territoire, 350 hôpitaux locaux comprenant des lits d'hospitalisation de médecine polyvalente aiguë, des lits de soins de suite et de réadaptation, des lits de moyen et long séjour. Ils comprennent surtout de véritables centres de cabinets médicaux, souvent situés au rez-de-chaussée, où des généralistes et des spécialistes viennent assurer sous forme de vacations une permanence médicale répondant aux besoins du territoire.

Ces installations doivent être développées. J'ai fait dresser par la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins une double carte : celle des zones sous-médicalisées et celle de l'implantation des hôpitaux locaux. J'en ai conclu qu'il nous fallait construire, à côté des grands hôpitaux, de nouveaux hôpitaux locaux. Leur coût d'investissement est en effet de l'ordre de 5 à 10 millions d'euros, ce qui n'est pas considérable, et nous avons besoin de ces établissements de proximité animés par des médecins libéraux. Vous avez évoqué les urgences : l'hôpital local sera naturellement en mesure de répondre aux urgences de première intention.

J'en viens à la permanence des soins, dont plusieurs d'entre vous ont parlé. Nous sommes en train de la reconstruire. Mon dernier déplacement au Havre comme celui qui j'avais fait à Rennes, la semaine précédente m'en ont convaincu : les médecins sont en train de se réapproprier la permanence des soins, et ce à l'aide de trois outils principaux.

Premièrement, les astreintes. Les médecins ont la volonté de parvenir à une organisation plus solide, grâce à une redéfinition des secteurs, et avec une indemnisation à la clé.

Deuxièmement, la corégulation des centres 15 par les urgentistes et les médecins libéraux permet d'adresser rapidement le médecin d'astreinte à la personne appelante.

Enfin, troisième outil, les maisons médicales de garde. Je ne voudrais pas être trop long, mais sachez que celles-ci, lorsqu'elles sont animées par des praticiens engagés et font l'objet d'un accompagnement par les collectivités locales, constituent un modèle qui fonctionne très bien. Je suis prêt à vous indiquer des adresses ; les médecins de vos circonscriptions désireux d'en créer pourraient y trouver un exemple.

Voilà pour ce qui concerne les incitations portant sur le mode d'exercice. Mais les incitations peuvent également reposer sur des aides, qu'elles proviennent de l'Etat, des collectivités ou, naturellement, des caisses d'assurance maladie. Je tiens à indiquer, en réponse aux remarques sur le prétendu désengagement de l'Etat, que c'est bien ce dernier qui crée une aide à l'investissement de 10 000 euros par an pendant cinq ans, destinée à être distribuée dans des zones sous-médicalisées dont le périmètre est précisément défini par décret.

Sans vouloir le moins du monde les y obliger, il me paraît important que des collectivités - et certaines le font déjà - participent à l'incitation, par exemple par une dispense de taxe professionnelle. De même, que les collectivités territoriales interviennent pour le paiement des locaux ou pour l'intendance d'une maison médicale de garde ou d'un cabinet de groupe ne me paraît pas absurde, dans la mesure où une telle pratique relève de l'aménagement du territoire : la présence du médecin fixe une certaine population et est à la source d'une activité globale. Enfin, les caisses d'assurance maladie doivent naturellement apporter leur contribution, dans la mesure où nous voulons pour le moment nous en tenir à l'incitation.

Certains ont en effet essayé tout à l'heure de me pousser dans mes retranchements à propos de la régulation administrative. Je le répète : je n'ai pas totalement éliminé l'hypothèse d'employer la contrainte en dernier recours. Mais on ne peut pas bouleverser complètement le principe de référence que constitue la liberté d'installation sans une large concertation ni une évaluation des systèmes d'incitation. En tout état de cause, il faut éviter de changer les règles en cours de partie à l'égard de ceux qui se sont engagés dans une carrière médicale avec parfois pour objectif de s'installer à tel ou tel endroit, ou de prendre la succession de telle ou telle personne. Je regretterais de devoir un jour recourir à ce moyen et nous ne pouvons pas le faire dans la précipitation. C'est la raison pour laquelle je suis dans l'immédiat défavorable à la contrainte.

S'agissant des données quantitatives, nous avons mis en place l'Observatoire national de la démographie des professions de santé. Il est au travail, complété par vingt-six comités régionaux qui associent l'ensemble des acteurs : ORS, ARH, URML - c'est-à-dire les praticiens eux-mêmes -, URCAM, DRASS et universités. Ce sont eux qui vont préciser combien il faut de médecins généralistes, de pédiatres, de cardiologues ou d'autres spécialistes pour une population donnée.

Nous sommes donc entrés dans une période de réorganisation, de réappropriation du territoire par le tissu sanitaire.

Mesdames, messieurs les députés, ce que nous faisons aujourd'hui est, je crois, important. N'imaginons pas que nous allons tout régler d'un coup ; nous n'en avons pas le pouvoir. Il faut, rappelons-le, trois ans pour former une infirmière et dix pour former un médecin. Il n'en demeure pas moins qu'avec les mesures qui vous sont proposées, nous préparons le terrain à un rééquilibrage sanitaire de nos territoires, non seulement au profit des territoires ruraux, parfois désertés, mais aussi, ne l'oublions pas, d'un certain nombre de banlieues déshéritées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais réagir...

M. le président. Très rapidement !

M. François Brottes. ...à la potion du bon docteur Mattei. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Auclair. C'est un excellent docteur !

M. François Brottes. Pardonnez-moi de me montrer ainsi irrévérencieux, monsieur le ministre mais, très honnêtement, je ne peux pas vous laisser dire que nous sommes en train de prendre des dispositions destinées à la réappropriation du territoire par le tissu sanitaire.

Mille exemples vont à l'encontre de ce propos, mais je n'en citerai qu'un : trois hôpitaux de ma circonscription vont être délocalisés. Pour l'un d'entre eux, le financement de l'opération sera assuré dans le cadre du plan Hôpital 2007. C'est aussi le seul qui n'est pas situé dans un couloir d'avalanche. Je vous ai demandé voilà bientôt cinq mois la raison de cette décision. Je n'ai toujours pas reçu de réponse.

D'autres exemples relatifs à l'aménagement du territoire ont été susurrés dans mon dos. De grâce, essayons de ne pas raconter dans l'hémicycle autre chose que ce qui se passe sur le terrain !

Deuxième remarque : nous sommes en train d'inventer une nouvelle forme de féodalité. Demain, les maires des communes rurales rendront la justice sous un chêne et lèveront leur propre armée. Ils devront en particulier recruter un adjoint à la santé.

M. Jean Auclair. Quelle caricature ! C'est ridicule !

M. Richard Mallié. N'importe quoi !

M. François Brottes. Ce processus de décentralisation mené à grand pas, qui vise à faire payer aux communes pauvres et reculées tout le prix du désengagement de l'Etat, est inacceptable.

Vous avez tenu, monsieur le ministre, des propos très conciliants, et vous avez apporté un certain nombre d'arguments techniques tout à fait compréhensibles, mais on croit rêver tant ils sont en décalage avec ce qui se passe sur le terrain.

M. le président. Nous en venons aux amendements déposés sur l'article 38.

L'amendement n° 519 n'est pas défendu.

Je suis saisi de deux amendements, n°s 1438 et 1044, pouvant faire l'objet d'une discussion commune.

La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 1438.

M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Il s'agit de permettre aux collectivités locales et à leurs groupements d'attribuer des aides visant à financer des structures participant à la permanence des soins, notamment des maisons médicales. Ce n'est toutefois pas une obligation.

J'ai pu, comme d'autres, observer qu'une telle action constituait un atout non négligeable. Il convient donc de la prévoir dans la loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné en commission, mais à titre personnel, j'y suis tout à fait favorable.

M. le président. Sur l'amendement n° 1438, je suis saisi d'un sous-amendement n° 1492.

La parole est à M. Yves Coussain.

M. Yves Coussain, rapporteur. Plutôt qu'aux collectivités locales, il convient de faire référence aux collectivités territoriales, en conformité avec les termes employés par la Constitution.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour défendre l'amendement n° 1044.

M. Jean-Luc Préel. Dans le même esprit que l'amendement n° 1438, je souhaiterais permettre aux collectivités territoriales et à leurs groupements d'aider à la création de maisons médicales, soit en zone rurale, soit en zone urbaine difficile, car le problème est exactement le même.

Cet amendement a pour objet de lutter contre la désertification, l'isolement ou les problèmes de sécurité auxquels sont confrontés les médecins dans ces zones.

Aujourd'hui, chacun le sait, les médecins ne souhaitent plus travailler de façon isolée mais préfèrent se regrouper. Les maisons médicales permettront de réunir, outre les médecins, des infirmières ou des kinésithérapeutes. Elles auront un secrétariat commun. Elles permettront ainsi de lutter contre l'isolement des professionnels.

Si j'ai fait référence tout à l'heure au canton, c'est parce qu'il me paraît souhaitable que les maisons médicales couvrent un territoire suffisamment restreint pour permettre un accès facile aux personnes malades.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, dont les termes obligeraient les collectivités territoriales et leurs groupements à participer à la création de maisons médicales rurales. En prévoyant non pas une simple faculté, mais une obligation, il se révèle contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Par ailleurs, on peut estimer, monsieur Préel, que l'amendement n° 1438 du Gouvernement répond déjà à votre préoccupation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Même avis.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Comme le disait Augustin Bonrepaux, on donne beaucoup de nouveaux droits aux collectivités locales - elles ont le droit de financer le logement par déductions fiscales, de financer l'accueil d'entreprises, les réseaux de télécommunications, la poste, elles ont maintenant le droit de financer les médecins et leurs équipements - mais sans leur donner de nouveaux moyens. C'est une approche un peu pousse-au-crime. Il n'y a aucune compensation au nom de l'autonomie des collectivités locales. M. Delevoye nous a fait une démonstration magistrale l'autre jour pour nous expliquer que, dès l'instant où des collectivités locales prenaient des initiatives, l'Etat n'avait pas à s'en mêler, autrement dit à compenser. Pour nous, ce n'est pas ainsi que l'aménagement du territoire peut être garant de la cohésion sociale et de la solidarité nationale dans ce pays. C'est pour cela que nous voterons contre ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1492.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1438, modifié par le sous-amendement n° 1492.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 1044 tombe.

Je suis saisi d'un amendement n° 853.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Il s'agit de permettre à de nombreux territoires ruraux qui sont ou qui risquent d'être rapidement déficitaires en matière de démographie médicale ou d'offres de soins de faire connaître leur région à des étudiants en médecine réalisant leur stage de troisième cycle. Si les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent accorder des indemnités de logement et de déplacement à des étudiants de troisième cycle de médecine générale lorsqu'ils effectuent leur stage dans des zones définies comme sous-médicalisées, je suis persuadé que c'est un atout important pour créer des conditions plus favorables à l'installation des futurs docteurs en médecine dans ces zones. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Favorable. Cet amendement permet aux collectivités d'octroyer des indemnités de logement aux étudiants pendant leurs stages. Ces stages sont certainement le meilleur moyen pour convaincre les étudiants futurs médecins qu'on est bien à la campagne.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Il serait tout de même intéressant que le Gouvernement nous précise quelle sa conception de l'aménagement du territoire.

Grâce à ce texte, on autorise les collectivités locales à financer l'installation des entreprises, de la téléphonie mobile, du numérique, à encourager les créations de logements, à installer les professions médicales et, tout à l'heure, les professions vétérinaires. Mais, quand on parle de dotations aux communautés de communes et qu'il y a des propositions venant des bancs de la majorité, que nous avons reprises, on nous répond que ce n'est pas possible.

Il faudrait donc que vous nous expliquiez, monsieur le ministre, comment vous concevez l'égalité républicaine dans ce pays.

Quand on est en ville, tout cela vient tout seul, les installations de médecins se font naturellement,...

M. Jean Auclair. Ce n'est pas vrai !

M. Augustin Bonrepaux. ...mais, en zone rurale, il va falloir que les collectivités paient !

En plus, nous assistons maintenant à une conception encore plus extraordinaire de l'aménagement du territoire : on encourage les agglomérations à se développer, au détriment des zones rurales ! Il faudra bien qu'on en parle dans ce débat ! Regardez ce qui se passe avec les contrats d'agglomération. Je peux vous donner des exemples dans la région Midi-Pyrénées mais je pense que c'est à peu près la même chose dans toutes les régions. Pour le contrat d'agglomération toulousain, on prend sur le FEDER. Pour le contrat d'agglomération d'autres villes, on prend aussi sur le FEDER. Pour la création de routes, on prend toujours sur le FEDER. Et, quand nous nous tournons vers les contrats de pays, qui nous concernent directement, on nous répond qu'il n'y a plus de crédits européens.

Il va donc bien falloir qu'à un moment donné le Gouvernement nous dise quelle est sa conception de l'aménagement du territoire. Aujourd'hui, monsieur le ministre, on encourage les agglomérations au détriment des zones rurales. Aux zones rurales, on explique qu'elles ont le droit d'agir mais on ne dit pas avec quels moyens !

Depuis que nous examinons ce texte, nous demandons quels sont les moyens. Je continue à le demander. Nous ne pouvons bien sûr pas souscrire à votre conception, qui est le déménagement du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. C'est une fois de plus une proposition de bonne conscience mais cela ressemble un peu, monsieur le ministre, à de la médecine administrée, que vous refusiez tout à l'heure.

Bien que vous ne soyez pas responsable des incohérences de ce texte, je veux mettre le doigt sur quelque chose qui m'a beaucoup choqué dans le débat que nous avons eu la semaine dernière. Si le Gouvernement a proposé une mesure recevable qui consiste à aider au financement de logements pour les employés salariés agricoles saisonniers, et nous nous sommes ralliés à cette proposition, il a été refusé qu'on puisse accueillir dans ces logements les apprentis, ces jeunes apprentis qui, souvent, couchent dans leur voiture. Malheureusement, ils ne sont pas apprentis médecins, et ils n'ont pas les mêmes droits...

M. Marc Bernier. Démago !

M. François Brottes. Il y a vraiment deux poids deux mesures. C'est extrêmement choquant. C'est vrai que vous n'étiez pas présent lors du débat précédent mais j'appelle tout de même l'attention sur le fait que ce texte est un ramassis de dispositions très inégalitaires. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Marc Bernier. Ce n'est pas crédible !

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Pour une fois qu'on s'occupe de la ruralité, monsieur Brottes, monsieur Bonrepaux, un peu de pudeur ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous proposez, monsieur le ministre, que les collectivités territoriales et leurs groupements puissent également accorder des indemnités de logement. Une telle formulation n'est-elle pas restrictive pour des petites communes qui ont des logements libres et pourraient les affecter directement ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.

M. Jean-Claude Lemoine. Je vais voter cet amendement, qui sera fort utile pour nos zones rurales.

M. Jean Auclair. Bien sûr !

M. Jean-Claude Lemoine. Lorsque des gouvernements précédents ont mené des politiques de la ville,...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !

M. Jean-Claude Lemoine. ...on les a acceptées, parce qu'il y avait des problèmes urgents à régler. Là, il y a des problèmes particuliers dans les zones rurales. Je suis ravi qu'on les prenne en compte, à ma connaissance pour la première fois. Il faut des mesures particulières parce que les problèmes sont aigus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. Elles ne doivent pas être payées par les ruraux !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Je suis assez surpris par cette discussion...

M. Jean Auclair. Il ne faut pas : c'est leur habitude de dire n'importe quoi !

M. Jean-Pierre Door. ...et je me demande si tout le monde sait ce qu'est un médecin généraliste de campagne.

M. Jean-Claude Lemoine. Ils ne le savent pas !

M. Jean-Pierre Door. S'il y en a moins, c'est parce qu'il n'y a plus personne pour les remplacer lorsqu'ils sont malades ou en vacances.

M. Gérard Dubrac. Exactement !

M. Jean-Pierre Door. Il y a également des communautés de communes qui n'ont plus de médecin.

Qu'est-ce que ça va coûter à une communauté de communes ou à une commune un petit peu plus grande de faire venir un jeune stagiaire en fin d'études en lui donnant une indemnité de logement et en lui payant son déplacement ? Souvenez-vous de ce qu'étaient les études de médecine il y a quelques années ! Lorsqu'on faisait des remplacements, lorsqu'on venait sur le terrain dans un petit village, on s'y habituait, on apprenait ce qu'étaient la médecine de campagne, la relation entre le médecin et les patients, et, souvent, on restait sur place. Maintenant, puisqu'on n'y va plus, il n'y en a plus !

Attirons donc les jeunes d'une façon ou d'une autre. Votre amendement, monsieur le ministre, est excellent, et je pense qu'on pourra ainsi faire revenir des jeunes sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 853.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 852 rectifié.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Il s'agit de permettre aux collectivités territoriales et à leurs groupements d'accorder une indemnité d'étude et de projet professionnel à tout étudiant en médecine, à partir de la première année du troisième cycle, s'il s'engage à exercer comme médecin généraliste au moins cinq années dans une zone déficitaire. Pour bénéficier de cette aide, l'étudiant signe un contrat avec la collectivité qui attribue l'aide. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est l'une des idées qui avait été développée par Marc Bernier dans son rapport. Je crois qu'il avait beaucoup auditionné pour cela. J'ai moi-même engagé de nombreuses concertations. C'est souhaité par l'ensemble des collectivités que j'ai consultées et qui ont des difficultés pour avoir des professionnels de santé. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Favorable. Là encore, de nombreux rapports d'étude avaient suggéré une telle solution et je suis persuadé que M. Brottes ne sera pas contre puisque c'était aussi mentionné dans notre rapport sur la montagne.

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Nous avons déjà la possibilité de donner des bourses d'études, et nous le faisons, parfois en cofinancement avec les conseils généraux, mais je ne vois pas, en droit, comment un tel contrat sera opposable aux jeunes étudiants. Imaginez qu'une jeune étudiante en fin d'études rencontre quelqu'un qui n'habite pas dans la commune ayant versé la bourse. Je ne vois pas du tout comment on va gérer ce type de problème. C'est pourquoi, à la fin des années soixante-dix, on avait autorisé les bourses d'études, sans contrepartie d'installation, pour l'ensemble des étudiants, ce qu'on a appelé alors les prêts d'honneur.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je vous prie d'abord de m'excuser. J'ai parlé de ramassis d'inégalités tout à l'heure ; je retire ce mot, j'aurais dû dire : « chapelet » d'inégalités, mais c'était plus ostensible (Sourires), et peut-être plus ambigu.

C'est vrai, monsieur le rapporteur, que j'ai, avec d'autres, souscrit à l'idée que, pendant la phase d'études, qui coûte effectivement cher, il fallait inciter les étudiants à venir sur le terrain pour améliorer la répartition des soignants sur le territoire mais, en aucun cas, je n'adhère à l'idée que c'est aux seules collectivités locales de financer.

Pourquoi, monsieur le ministre, puisque vous trouvez l'idée bonne, ne serait-ce pas l'Etat qui prendrait ses responsabilités en matière d'aménagement du territoire...

M. Gérard Charasse. Bien sûr !

M. François Brottes. ...pour favoriser ainsi une meilleure répartition des soignants ? Là est la question. Il ne s'agit pas tant de la méthode que des moyens. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Ce débat, qui est fondamental et M. le ministre l'a bien compris, est un peu pollué par un problème qui ne devrait plus se poser.

Il faut reconnaître que le gouvernement précédent n'a pas été bon sur tous ces problèmes ruraux. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je suis un modéré habituellement mais je dirai qu'il n'a pas été bon du tout, et il a été sanctionné très durement. C'était une véritable censure.

Mais ce n'est pas parce qu'ils ont été mauvais qu'il faut continuer à l'être.

J'ai parlé de traitement de cheval. Les zones les plus sensibles dont on parle, cela représente selon la DATAR 30 % du territoire et 4 ou 5 millions d'habitants. Il n'est pas possible que les territoires les plus fragiles, ceux qui ont le moins de revenus et de possibilités, soient ceux à qui l'on demande le plus d'efforts parce qu'ils devront mettre en place les formules pour accueillir les médecins ! L'idée est excellente mais on ne peut pas en laisser toute la charge à des communautés de communes qui ne peuvent même pas vivre, qui n'ont même pas de quoi payer quelqu'un pour assurer leur secrétariat général, quand elles ont la chance de trouver quelqu'un ; et les conseils généraux, qui n'ont souvent pas les moyens, ne pourront pas payer tout ça.

C'est une situation gravissime à laquelle il faut faire face aujourd'hui. Je crois, monsieur le ministre, que vous êtes plein de bonnes intentions, mais les moyens ne suivent pas et nous allons nous faire sanctionner comme l'ont été les socialistes il y a deux ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.

M. Jean-Claude Lemoine. Je voudrais répondre à certaines observations.

Oui, dans de nombreux domaines, l'Etat doit prendre ses responsabilités, l'Etat doit financer. Mais les indemnités d'études, elles, doivent être financées par la collectivité territoriale, car c'est elle qui cherche à attirer sur son territoire des médecins.

M. André Chassaigne. Pourquoi ?

M. Jean-Claude Lemoine. Je le dis avec d'autant plus de conviction que c'est le chemin que nous suivons dans mon département pour un certain nombre d'opérations que nous avons évoquées tout à l'heure, comme les maisons pluridisciplinaires. La collectivité territoriale est à mon avis la mieux placée pour financer les indemnités d'études. Bien sûr, cela ne pourra pas être une commune, ni une communauté de communes. Il faut que ce soit le département, ou à la rigueur la région.

M. André Chassaigne. Pourquoi ?

M. Jean-Claude Lemoine. Si, comme je l'ai entendu tout à l'heure, pour une raison quelconque, comme le mariage, une personne ne peut pas remplir son contrat, que se passera-t-il ? Il existe des exemples dans d'autres domaines, comme les étudiants qui, au sein de l'éducation nationale, se préparent à être enseignants ; dans de nombreuses grandes écoles, les étudiants doivent un certain nombre d'années de travail. Ceux qui ne le font pas remboursent leurs études.

M. Jean Auclair. Très bien !

M. Gérard Charasse. C'est souvent l'Etat qui paie !

M. André Chassaigne. Ce n'est pas un bon exemple, les grandes écoles !

M. Jean-Claude Lemoine. Nous pouvons donc prévoir ici un remboursement des indemnités d'études. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Mes chers collègues, je suis effaré ! Il y a parmi vous, messieurs de la majorité, des élus de circonscriptions rurales. Il y a parmi vous, vraisemblablement, des maires de petites communes rurales, (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) des conseillers généraux d'un canton rural. (« Oui ! » sur les mêmes bancs.) Je suis époustouflé, ce n'est pas de la rigolade, je suis époustouflé de voir que, au nom d'un « remède de cheval », vous ne cherchez qu'à charger le baudet. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Chaque fois qu'une proposition est faite ici, cela a été souligné par Augustin Bonrepaux et François Brottes, elle doit être financée par ceux qui justement ont le plus de difficultés ! Il est incroyable de tromper la population rurale de cette façon !

M. Jean Auclair. Vous avez la mémoire courte ! Rappelez-vous ce que vous avez fait ! Qui a financé l'APA ?

M. André Chassaigne. Je partage les propos tenus par M. Jean Lassalle. Je suis de ceux, aujourd'hui, qui ont mal au cœur d'entendre les propositions et les solutions que vous offrez. C'est impensable !

M. Jean Auclair. Qui a financé les 35 heures ? Vous dites n'importe quoi !

M. André Chassaigne. Faire payer les collectivités territoriales, c'est abandonner toute idée de solidarité nationale. Pourtant, la solidarité nationale, quand vous êtes dans vos territoires, vous en parlez continuellement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Auclair. Qu'avez-vous fait avec l'APA ?

M. André Chassaigne. La solidarité nationale, ce ne sont pas seulement des mots que l'on dit à ses électeurs, dans sa petite commune, dans sa circonscription.

M. Jean Auclair. Quand vous étiez dans la majorité, qu'avez-vous fait de la solidarité ?

M. le président. Monsieur Auclair !

M. André Chassaigne. La solidarité nationale, c'est quelque chose que l'on assume partout, même dans l'hémicycle. On ne peut pas d'un côté dire qu'il faut aider à développer les territoires ruraux et, quand on est à l'Assemblée nationale, prendre des décisions qui font payer les territoires ruraux.

M. Jean Auclair. C'est facile, quand on est dans l'opposition !

M. André Chassaigne. En quelque sorte, puisque nous parlons de médecine, vous faites payer la morphine à des pays qui sont en train de mourir. C'est inacceptable ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Quand on parle de financer les études, souvenons qu'il n'y a pas si longtemps, quand l'école était en mal d'instituteurs, l'Etat a pris en charge certaines études. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Plus récemment, quand un département était déficitaire, l'IUFM prenait en charge la scolarité de certains étudiants, qui s'engageaient pour un certain nombre d'années : dix ans pour l'école normale d'instituteurs et cinq ans, je crois, pour l'IUFM dans tel ou tel département. C'était cela, la solidarité nationale. On ne demandait pas à un département déficitaire de payer les études de l'instituteur dont il avait besoin. Cela me semble tellement évident ! Je suis écœuré par une telle proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Monsieur Chassaigne, l'Etat, toujours l'Etat... C'est une obsession chez vous ! L'Etat peut tout payer ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Augustin Bonrepaux. On peut préférer faire payer les Lozériens !

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Je voudrais, mes chers collègues, vous faire part d'une expérience personnelle. Je suis maire de la commune de Fournels, 420 habitants, dans un canton de 1 400 habitants. J'ai proposé à de nombreux étudiants en médecine de venir passer un week-end à Fournels. Ils sont venus. Tout d'abord, ils ont eu du mal à trouver. Certes, depuis Montpellier, il y a 200 kilomètres : c'est la ruralité profonde. Dès le premier contact, ils m'ont dit : « Il n'y a pas beaucoup de monde ici ! » Certains d'entre eux rencontraient la ruralité pour la première fois.

Monsieur le ministre, dans votre proposition, je vois un accompagnement pour ces jeunes, qui pourrait intervenir très tôt dans leur cursus universitaire.

Voilà ce que ces étudiants m'ont dit : « On va être seul pour travailler, on aura à assurer des urgences et des gardes, on ne sait pas faire ou on a peur de faire ».

Monsieur le ministre, je crois que si les collectivités locales apportent leur contribution et accompagnent ces jeunes qui ne connaissent pas la ruralité et qui en ont peur, nous aurons fait œuvre utile. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Auclair. C'est le maire de Fournels qui parle !

M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez.

Mme Henriette Martinez. Monsieur le ministre, les dispositions que vous nous proposez, qui visent à encourager les médecins à s'installer en milieu rural, présentent un certain intérêt, comme vient de le dire mon collègue, si nous voulons attirer les jeunes vers la ruralité. Et je ne doute pas que certaines communes ou communautés de communes jouent le jeu, puissent le jouer financièrement et aient à cœur de le jouer, parce qu'il y a un réel besoin.

M. Jean Lassalle. Eh oui !

Mme Henriette Martinez. Il y a dans la ruralité des communes, qui ne sont pas forcément pauvres - je pense à certaines stations de sports d'hiver, par exemple - mais qui ont du mal à trouver des médecins, bien que leurs besoins soient très importants. Je pense effectivement que ces propositions sont une réelle incitation pour des communes et pour de jeunes médecins à jouer le jeu de la ruralité.

Néanmoins, monsieur le ministre, en restant très modérée, je ne sous-estime pas les arguments avancés par nos collègues de l'opposition, qui consistent à dire que certaines communes ou communautés de communes ne pourront pas jouer le jeu, faute de moyens.

M. Michel Bouvard. Très bien !

Mme Henriette Martinez. J'en connais certaines qui ne pourront pas. Ma propre communauté de communes, qui vient de s'engager dans un plan de soutien à La Poste - il y a en effet depuis peu dans nos compétences le maintien de la présence postale en milieu rural - va devoir payer pour maintenir la poste dans certaines petites communes. Si demain les mêmes communes nous demandent de payer pour les médecins, que par ailleurs l'inspection d'académie nous demande de payer pour la natation à l'école, et j'en passe, nous allons vraiment avoir des problèmes. Nous payons par ailleurs une indemnité aux parents pour le transport scolaire des élèves internes, etc.

M. Michel Bouvard. Qui est taxée par l'URSSAF ! C'est une véritable honte !

Mme Henriette Martinez. Je crois que le poids des charges qui incombent aux collectivités rurales et aux petites collectivités est de plus en plus lourd. C'est ce qui provoque certainement un sentiment d'irritation, je le dis de façon très modérée car j'apprécie par ailleurs l'effort qui est fait ; je crois qu'on ne s'était pas préoccupé depuis longtemps de la prise en compte des différents aspects de la ruralité et je vous remercie de le faire, monsieur le ministre.

Néanmoins, cette réalité existe aussi, et s'il nous est permis de rêver, imaginons que les efforts demandés aux collectivités pourraient s'accompagner d'une augmentation de leur DGF, par exemple, en proportion des compétences dont elles se dotent et qui ne sont pas précisément les leurs.

M. Henri Nayrou. Cela a déjà été refusé !

Mme Henriette Martinez. Nous ferons d'autres propositions. Quoi qu'il en soit, il y a des besoins à satisfaire. Nous y répondrons en partie, mais nous ne pourrons pas répondre à toutes les préoccupations, notamment financières, des collectivités. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe socialiste, du groupe Union pour la démocratie française et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je voudrais abonder dans le sens de ce que vient de dire Henriette Martinez. Je crois effectivement que de nombreux problèmes que nous rencontrons passent par une implication plus forte des collectivités territoriales, qui sont les acteurs de terrain et de proximité les mieux placés pour proposer les bonnes solutions et pour régler un certain nombre de problèmes que l'Etat ne peut pas régler.

Au-delà de cette réalité, il est vrai que les communes rurales, notamment les communes de montagne, connaissent des différences de revenus significatives. Nous ne devons pas considérer que toutes les communes pourront supporter toutes les opportunités qu'on leur offre pour régler les problèmes auxquels elles sont confrontées.

Nous aurons dans quelques semaines rendez-vous pour discuter de l'évolution de la DGF et de l'évolution de la dotation de solidarité rurale. Nous devrons alors prendre en compte ces problèmes. Nous aurons, monsieur le ministre, besoin de vous. Faute de quoi, nous aurons ouvert une possibilité aux collectivités locales, et les citoyens attendront qu'elle soit mise en œuvre. Mais les collectivités n'en auront pas les moyens, ou alors elles n'auront d'autre moyen que celui de se retourner vers les contribuables. Et ce qui est le plus choquant, c'est que le revenu moyen des habitants des territoires ruraux et des territoires de montagne, en France, est très inférieur à la moyenne nationale !

M. Jean Lassalle. Tout à fait !

M. Michel Bouvard. Dans certains départements de montagne que je connais bien, on appelle des ressources fiscales au nom de la solidarité nationale, mais on compense moins certaines dotations d'Etat, pour des transferts de charges par exemple. C'est ce qui s'est passé sous la majorité précédente pour l'APA.

M. Jean Auclair. Très bien ! Il fallait le dire !

M. Michel Bouvard. Ils n'ont donc d'autre ressource que de se retourner vers le contribuable local, alors que celui-ci gagne moins qu'un certain nombre de nos concitoyens des secteurs urbains, où on ne demande pas de participer à cette même solidarité.

M. Jean Lassalle. Très juste !

M. Michel Bouvard. Les mesures qui nous sont proposées sont intéressantes mais elles ne seront pleinement efficaces, monsieur le ministre, que si nous abordons l'autre volet, celui de la solidarité financière, car j'ai la conviction profonde que la décentralisation est nécessaire, qu'elle est indispensable pour approcher le citoyen et l'administration, mais que cette décentralisation ne doit pas s'accompagner d'un désengagement de l'Etat, qui est le garant des équilibres et des solidarités nationales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe socialiste, du groupe Union pour la démocratie française et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Je crois que tout le monde est d'accord sur le constat. Sur les solutions, dont celle proposée dans cet amendement, nous sommes tous d'accord pour dire que c'est une bonne solution. Se pose la question du financement.

Il est difficile de demander aux collectivités situées dans des territoires assez pauvres fiscalement de financer les conditions du maintien des activités sur ces territoires. On nous dit que cela appartient à l'Etat. Je suis d'accord, mais je voudrais dire aux représentants de l'opposition que si l'Etat, aujourd'hui, ne peut pas assumer tout ce qu'il devrait assumer en matière de solidarité envers les territoires, notamment les territoires ruraux, c'est parce qu'il est dans une situation financière difficile. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. C'est l'héritage socialiste !

M. Philippe Folliot. Et permettez-moi de vous dire, messieurs de l'opposition, que vous avez une certaine responsabilité en la matière ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean Auclair. Ils ne savent pas compter !

M. Philippe Folliot. Je souhaite vous faire part de mon sentiment : nous nous engageons, avec ce texte, sur des mesures uniquement incitatives, dont nous verrons si elles apportent le résultat souhaité.

Je voudrais que nous réfléchissions à la situation d'une profession médicale présente partout en France, dans les territoires urbains et ruraux, et qui ne connaît pas de difficultés, celle des pharmaciens.

M. Michel Bouvard. Sujet intéressant !

M. Philippe Folliot. Ne faudra-t-il pas à terme se poser la question de la transposition aux médecins, pour régler les problèmes de démographie médicale et d'installation, du système en vigueur pour les pharmaciens ? Il existe de fortes inégalités interrégionales autant qu'infrarégionales, entre les grandes agglomérations et les territoires ruraux.

Le plus grand paradoxe de ce système est que certains médecins, en ville, ont du mal à joindre les deux bouts. Trop nombreux, ils sont obligés de multiplier les actes, ce qui coûte cher à la sécurité sociale et à la collectivité. Parallèlement, les médecins installés en milieu rural, si leurs conditions de travail ne sont pas toujours faciles, ont un revenu relativement confortable, mérité au regard du travail qui est le leur.

J'aurai l'occasion de revenir sur ce point à l'occasion de la présentation d'un amendement, mais je crois que nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins. En tout état de cause, sans présence médicale ou paramédicale dans nos territoires ruraux, toute perspective de développement sera totalement annihilée, je crois que nous en sommes tous conscients.

M. le président. Sur l'amendement n° 852 rectifié, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vous indique que je ne donnerai pas à nouveau la parole à ceux qui se sont exprimés pour répondre à la commission et au Gouvernement. Il reste un certain nombre d'intervenants, la commission va répondre et M. le ministre a toujours la liberté de s'exprimer. Or nous devons voter avant vingt heures.

La parole est à M. Marc Bernier.

M. Marc Bernier. Je voudrais revenir sur un constat sur lequel tout le monde est d'accord, mais il faut quand même rappeler les chiffres.

Tout le monde est d'accord en effet pour reconnaître l'inégalité territoriale en matière de démographie médicale. S'il n'y a jamais eu autant de médecins en France, se posera le problème du départ massif des diplômés du fameux baby boom. Je rappelle que le numerus clausus étant passé de 8500 à 3500, ces médecins, qui vont partir en retraite au même moment, ne seront pas tous remplacés. On doit donc s'attendre à un déficit de l'ordre de 50 000 médecins dans les années qui viennent. Il y a donc urgence à prendre des mesures. L'augmentation du numerus clausus était nécessaire, et j'en remercie le ministre. Mais une telle mesure ne portera pas ses fruits avant plusieurs années.

Pour avoir participé à de nombreuses réunions de terrain en milieu rural, je peux vous assurer que les collectivités locales sont prêtes à mettre la main à la poche. Il s'agit non seulement de maintenir la présence de médecins dans ces territoires, mais d'y créer des maisons médicales, qui devront compter, à côté du médecin proprement dit, un kinésithérapeute, une infirmière, voire un pédicure-podologue ou un chirurgien-dentiste présents deux fois par semaine. C'est ce qui permettra aux territoires ruraux de survivre.

Voilà les quelques mots que je voulais opposer aux propos parfaitement déraisonnables que je viens d'entendre, qui me font penser que nous ne devons pas être élus des mêmes territoires ruraux.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Monsieur le président, mes chers collègues, je ne sais pas si nous sommes élus des mêmes territoires ruraux, mais nous n'avons peut-être pas la même vision des choses.

M. Gabriel Biancheri. C'est sûr !

M. Alain Néri. Si j'aime bien qu'on me fasse la leçon, je prends en général la précaution de choisir mes maîtres, particulièrement en matière de décentralisation : je n'aurai pas la cruauté de vous rappeler que vous en étiez les plus fervents opposants dans les années 1981-1982.

M. Michel Bouvard et M. Dominique Dord. Nous n'étions pas là !

M. Jean-Claude Lemoine. Nous n'étions pas nés !

M. Alain Néri. Quelques-uns sur vos bancs se sont tout particulièrement illustrés en faisant durer le débat des nuits entières, à seule fin de contrer les propositions de M. Defferre !

Je veux simplement vous rappeler que tout ce qui est compétence de proximité, tout ce qui nous donnera la capacité de résoudre les problèmes qui se posent dans nos territoires ruraux, nos communes ou nos départements, nous sommes tout à fait prêts à l'assumer. Nous ne refusons pas les compétences : ce que nous refusons, c'est le désengagement de l'Etat, qui aboutira à un transfert de charges insupportable pour les communes et les départements ruraux, voire pour certaines régions. En réalité, il s'agit pour l'Etat, face à des missions qu'il ne peut plus assurer, de nous « repasser le bébé », pardonnez-moi l'expression, sans nous donner les moyens financiers de l'assumer.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. C'est incroyable d'entendre ça !

M. Alain Néri. Une fois de plus, ce sont les territoires les plus défavorisés qui devront faire le plus d'efforts. Cela signifie que vous demandez aux plus pauvres de consentir des efforts qu'ils ne pourront pas financer. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Bur. N'importe quoi !

M. Gabriel Biancheri. Et l'APA ?

M. Alain Néri. Alors, monsieur le ministre, je pose la question : l'aménagement du territoire est-il encore une compétence nationale, oui ou non ?

M. André Chassaigne. Voilà !

M. Alain Néri. La deuxième question que je vous pose est la suivante : envisagez-vous de nous proposer un projet de péréquation entre territoires riches et territoires pauvres ? Une telle péréquation est déjà prévue entre communes riches et communes pauvres. Cette expérience nous prouve que tout le monde est d'accord tant qu'il ne s'agit pas de mettre la main au portefeuille, et finalement ce sont toujours les mêmes qui sont en difficulté.

Nous serons bientôt en mesure de vérifier sur pièces, puisqu'on ne va pas tarder à nous signifier les montants de nos dotations globales de fonctionnement et des dotations de solidarité rurale ; mais j'ai peur que certaines collectivités, en particulier certaines communautés de communes, à qui on a fait croire qu'elles pouvaient assumer un plus grand nombre de responsabilités, ne se retrouvent exsangues. Ce qui est grave, c'est qu'après leur avoir fait miroiter la possibilité d'assumer des compétences sans leur en donner les moyens financiers, vous allez leur faire assumer la responsabilité de l'échec. je plains tout particulièrement ceux qui se sont laissés bercer d'illusions et ont accepté que leur soit transférée une compétence en matière de services postaux. Si c'est vous aujourd'hui qui fermez les bureaux de poste, dans deux ou trois ans ce sont les communautés de communes qui devront assumer cette responsabilité, alors que c'est vous qui aurez assassiné ce service public en ne leur donnant pas les moyens de le financer ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et la loi Voynet ?

M. Jean Auclair. Tout ça ? c'est la loi Voynet ! Vous avez la mémoire courte !

M. le président. Monsieur Auclair !

La parole est à Augustin Bonrepaux, dernier orateur à intervenir en réponse à la commission et au Gouvernement.

M. Augustin Bonrepaux. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole sur une question très importante, mais je vais être relativement bref. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

On nous propose un texte dit de décentralisation, qui transfère des charges sur les collectivités locales. Mais chacun assume des compétences qui lui sont propres, me semble-t-il, et la question que je vous pose est claire, monsieur le ministre : la santé est-elle une compétence de l'Etat ?

M. Jean-Claude Lemoine. Il vous a déjà répondu !

M. Augustin Bonrepaux. Si c'est le cas, selon le principe républicain inscrit dans la Constitution, il doit assurer un égal accès aux soins sur l'ensemble du territoire. L'Etat assume-t-il entièrement cette compétence ?

M. Jean-Claude Lemoine. Oui !

M. Augustin Bonrepaux. À partir du moment où vous en transférez une partie sur les collectivités locales, vous dévoyez le sens de la loi. Vous dites aux collectivités locales que vous leur donnez toujours plus, mais vous ajoutez qu'elles devront prendre en charge les compétences de l'Etat. C'est là dévoyer l'esprit de la décentralisation.

Il ne faut pas croire qu'il va y avoir une grande loi sur la péréquation. Ce n'est même pas la peine de poser la question : certes, on vous répondra que oui, mais en réalité il n'y aura rien de tel. Car la péréquation, c'est ce que nous, nous avions fait ; cela signifie qu'on prend aux collectivités les plus aisées pour donner aux plus défavorisées : par exemple prendre à la Savoie pour donner à la Lozère, ça, c'est de la péréquation.

M. Michel Bouvard. C'est profondément injuste !

M. Augustin Bonrepaux. Je vois le député de la Savoie qui proteste.

M. Michel Bouvard. Oui ! Pourquoi vous n'avez pas pris au Val-de-Marne, dont le revenu est 1,8 fois supérieur à celui de la Savoie ?

M. Augustin Bonrepaux. Prendre aux Hauts-de-Seine pour donner à la Lozère, c'était ça, la péréquation ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard. C'est une péréquation injuste !

M. le président. Ne relancez pas le débat, s'il vous plaît !

M. Michel Bouvard. Vous n'avez pas pris à la Seine-Saint-Denis, dont le revenu est 1,6 fois supérieur à celui de la Savoie !

M. le président. S'il vous plaît, monsieur Bouvard !

M. Augustin Bonrepaux. La péréquation, c'est cela, mes chers collègues, et il ne faut pas se contenter de la demander, il faut la faire ! Et vous voyez que ça ne va être si facile que ça !

M. le président. Monsieur Bonrepaux, il vous faut conclure.

M. Augustin Bonrepaux. Nous, nous avons fait la péréquation pour les départements, pour les régions ; nous avons pris à l'Alsace pour donner, par exemple, au Languedoc-Roussillon, cher au député de la Lozère. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais vous, avec toutes vos protestations, vous ne ferez rien ! Mme Martinez avait raison : il y aura des communes ou des départements qui auront les moyens de cette compétence et d'autres qui ne les auront pas. Ce texte ne permettra donc pas l'égalité de l'accès aux soins,...

M. le président. Voilà.

M. Augustin Bonrepaux. ...c'est pourquoi nous voterons contre.

M. Jean Auclair. Amen !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Ne nous trompons pas de débat, mes chers collègues. Et même si Augustin Bonrepaux essaie, avec sa passion habituelle, de semer la confusion dans l'esprit de l'Assemblée, ne nous laissons pas entraîner dans un faux débat. Je comprends qu'on puisse dans cet hémicycle quérir, à coups d'envolées faciles, les applaudissements ici ou là, mais cela ne fait pas une politique, monsieur Bonrepaux !

M. Michel Bouvard. C'est un provocateur !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Car si pendant cinq ans vous aviez fait votre travail, nous n'aurions pas à prendre aujourd'hui les dispositions que nous sommes en train de faire voter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Néri. C'est vous qui dites ça ! vous qui n'êtes pas capables de faire quoi que ce soit !

M. le président. Monsieur Néri, laissez M. le président de la commission parler.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Monsieur Néri, calmez-vous ! je vais vous répondre. Puisque vous nous dites que vous prenez la précaution de choisir vos maîtres, je vous conseillerais de mieux choisir vos maîtresses d'école !

M. le président. Précision utile.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Car c'est Mme Voynet qui a fait abroger la loi de 1995 sur l'aménagement du territoire. Et qu'avez-vous fait de votre côté de l'hémicycle quand nous nous battions pour maintenir la politique de développement rural ?

M. Jean Auclair. Vous avez accepté le déclin !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Vous avez approuvé son initiative.

Alors, permettez-moi, monsieur le président de répondre à cette provocation inacceptable de la gauche, qui essaie aujourd'hui de faire passer sur le plan de la politique politicienne un débat de fond sur l'aide aux territoires ruraux.

M. Dominique Dord. Bravo !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Merci, monsieur le député.

M. Alain Néri. Mais non ! Nous voulons justement un débat de fond !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Monsieur le ministre, vous avez raison de proposer aujourd'hui, dans le cadre d'un texte dont on a d'entrée parfaitement mesuré l'équilibre, des mesures d'incitation. Car nous débattons d'un texte d'incitation, nous ne débattons pas d'un texte fondateur (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) qui proposerait une politique d'aménagement du territoire ou une stratégie générale.

Mme Marylise Lebranchu. C'est le moins qu'on puisse dire !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Nous débattons d'un texte qui permettra d'inciter, afin, d'abord de préserver l'activité économique, on en a déjà parlé et on en reparlera ce soir ; mais aussi, ce qui nous occupe maintenant, de préserver le maintien de services de santé et de médecins dans les territoires qui en ont besoin.

Monsieur le ministre, votre projet est simple et bienvenu, il n'a pas la prétention de traiter de l'ensemble de la stratégie à mettre en œuvre.

M. Augustin Bonrepaux. Tout cela n'est pas bien brillant !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Monsieur Bonrepaux, nous aborderons ces questions à un autre moment. J'ai confiance en effet en la cohérence de la politique du Gouvernement, qui a ouvert plusieurs chantiers. Celui d'aujourd'hui est limité dans ses ambitions...

M. Alain Néri. Nous ne disons pas autre chose !

M. Patrick Ollier, président de la commission... mais si nous soutenons ces initiatives, mes chers collègues, c'est qu'elles sont cohérentes ; il y a une architecture du texte.

Mme Marylise Lebranchu. Ah bon ?

M. Patrick Ollier, président de la commission. Eh oui ! Et on ne peut pas refuser l'un et accepter l'autre. Souvenez-vous de notre débat de jeudi, madame Lebranchu : nous nous étions engagés à soutenir les améliorations que le Gouvernement apporterait à ce texte.

Je voudrais dire pour terminer que c'est la commission des affaires économiques - certes, M. Bonrepaux n'en fait pas partie, mais M. Brottes, Mme Lebranchu, comme tous les collègues qui en sont membres, savent comment nous avons travaillé - ...

M. Augustin Bonrepaux. Le résultat n'est pas brillant !

M. Patrick Ollier, président de la commission. ...qui a obtenu du Gouvernement qu'il renforce certaines dispositions du texte par le biais d'amendements. Vous avez répondu à notre demande, monsieur le ministre, et aujourd'hui la majorité va vous suivre...

M. Dominique Dord. Bravo !

M. Patrick Ollier, président de la commission. ...parce que nous avons besoin de ces mesures.

Monsieur Bouvard, votre démonstration est juste. Mais le débat que vous demandez sera abordé dans quelques semaines avec M. Devedjian, à l'occasion de l'examen d'un autre texte.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Ne mélangeons pas les genres.

M. Augustin Bonrepaux. C'est fallacieux !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Monsieur Bonrepaux, ne vous fatiguez pas comme ça, nous avons encore trois jours à passer ensemble ici. Gardez donc votre calme.

M. Augustin Bonrepaux. Il n'y a rien dans votre texte sur la péréquation !

M. le président. Le bruit n'ajoute rien à l'affaire, mes chers collègues.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, il dit n'importe quoi !

M. le président. C'est votre avis, mais il y a des règles à respecter dans la discussion.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je termine, monsieur le président, en disant que le Gouvernement nous propose des dispositions qui sont de nature à compenser des handicaps, et cette mesure en fait partie. Elle propose une possibilité, elle ouvre une faculté, que nous sommes libres d'accepter ou pas. Nous, nous l'acceptons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

En second lieu, vous êtes là aussi, monsieur le ministre, pour assurer un équilibre territorial ; et parce que cette faculté permettra de rétablir certains équilibres, elle est bienvenue, et nous la voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marylise Lebranchu. Puis-je répondre d'un mot, monsieur le président ?

M. le président. Vous vous êtes déjà exprimée, madame Lebranchu.

Je voudrais rappeler que j'ai autorisé douze interventions après la présentation de son amendement par le Gouvernement et la réponse de la commission, alors que, selon le règlement, j'aurais pu n'en autoriser que deux. On ne peut pas dire, dans ces conditions, que l'Assemblée n'est pas pleinement informée des positions des uns et des autres.

Par élégance et par courtoisie, madame Lebranchu, je vais néanmoins vous redonner la parole pour trente secondes, temps que je vous demande de ne pas dépasser ; nous pourrons ainsi procéder au scrutin public, puis au vote sur l'article, en respectant l'horaire prévu pour la fin de cette séance.

M. Jean Lassalle. Très bien, monsieur le président !

Mme Marylise Lebranchu. Je veux simplement, monsieur le président, dire très aimablement à M. le président de la commission, que, comme l'ont démontré Mme Martinez et M. Bouvard, cette faculté va pousser les communes à financer cette compétence, même si elles connaissent de graves difficultés ; elles vont donc augmenter les impôts locaux, en particulier la taxe d'habitation, ce qui fera fuir les habitants.

Outre que ce n'est pas de la péréquation, c'est donc une mesure dangereuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je mets aux voix l'amendement n° 852 rectifié.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

...............................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

      Nombre de votants 107

      Nombre de suffrages exprimés 103

      Majorité absolue 52

    Pour l'adoption 78

    Contre 25

L'Assemblée nationale a adopté.

Je mets aux voix l'article 38, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 38, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Nous sommes à l'Assemblée nationale, et il faudrait que le président de la commission n'invoque que des arguments sérieux. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il dit que nous allons débattre de ce problème dans les prochaines semaines : c'est faux ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales, il n'y a ni péréquation ni mesures financières.

M. le président. Merci, monsieur Bonrepaux. Je considère que vous avez terminé votre intervention. Vous aurez toute la nuit pour développer vos arguments, avec le talent que nous vous connaissons. Nos travaux reprendront ce soir avec l'examen des articles 13, 37 et 62 à 65, ainsi que des articles additionnels en relation avec ces articles.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 1058, relatif au développement des territoires ruraux :

MM. Yves Coussain, Francis Saint-Léger et Jean-Claude Lemoine, rapporteurs au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 1333).

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

    Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

    jean pinchot