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Première séance du mercredi 28 janvier 2004

140e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe socialiste.

POLITIQUE DE LA RECHERCHE

M. le président. La parole est à M. Dominique Strauss-Kahn.

M. Dominique Strauss-Kahn. Monsieur le Premier ministre, l'avenir de notre pays et sans doute l'avenir de toute l'Europe reposent sur les secteurs de pointe, producteurs de haute valeur ajoutée. C'est le sens de la politique que tous les gouvernements ont suivie. C'est le sens de la stratégie affichée par votre gouvernement.

Pourtant, les Français se rendent bien compte aujourd'hui de la distance entre les fleurs de rhétorique qui parsèment vos discours sur la recherche ou ceux de vos ministres et la réalité de la politique que vous conduisez.

Des dizaines de milliers de chercheurs ont signé une pétition pour dire qu'ils ne pouvaient pas continuer à travailler comme ils le font. Plus de la moitié des directeurs de recherche de l'INSERM et plus du tiers des directeurs de laboratoire du CNRS menacent de démissionner si leurs conditions de travail ne changent pas.

Alors, ne dites pas, monsieur le Premier ministre : « La recherche publique fait son devoir, le Gouvernement fait ce qu'il peut. ». C'est vrai qu'il y a des domaines comme l'espace ou l'aéronautique où la recherche publique française est puissante, mais, dans bien d'autres, par ailleurs, comme les sciences du vivant, véritables sciences de demain, nous ne sommes pas présents.

Plus encore, l'affichage des crédits est une chose, la réalité des laboratoires en est une autre. Certains crédits de 2002 n'ont pas encore été affectés. Vous entendez bien, chers collègues, « 2002 » pas 2003 !

M. Lucien Degauchy. Qu'avez-vous fait ?

M. Dominique Strauss-Kahn. Ne dites pas : « Le secteur privé ne fait pas assez de recherche. » C'est vrai, mais vous savez bien qu'il n'en fait que si on l'y incite. Aujourd'hui, si Motorola investit 2 milliards de dollars dans les nanotechnologies à Grenoble, c'est que depuis plusieurs années, presque une décennie, les pouvoirs publics y ont créé un pôle spécialisé qui fait figure de modèle en Europe. Il en va de même pour le Génopole d'Evry. Quand ces deux centres ont été soutenus par votre prédécesseur, il menait là une véritable politique de la recherche.

Ne dites pas : « C'est vrai, le gouvernement de Lionel Jospin a beaucoup fait pour la recherche (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) mais il y avait la croissance. » Aujourd'hui, la croissance, mes chers collègues, elle est partout : aux Etats-Unis, en Asie. Les prévisions situent le taux de croissance mondial pour 2004 à 4 %, un niveau jamais atteint depuis des années. L'argument éculé, que vous utilisez depuis deux ans, selon lequel la conjoncture économique vous empêche d'agir ne tient plus !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !

M. Dominique Strauss-Kahn. C'est votre politique, ce sont vos choix qui sont en cause ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. -Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Strauss-Kahn, veuillez poser votre question, s'il vous plaît.

M. Dominique Strauss-Kahn. Je vais le faire, monsieur le président.

Les revendications des chercheurs sont raisonnables : payer ce qui est dû au titre de l'année 2002 et embaucher quelques jeunes chercheurs. Il ne s'agit pas de créer des postes mais simplement de compenser une partie des départs.

M. le président. Monsieur Strauss-Kahn, votre question !

M. Dominique Strauss-Kahn. C'est une simple demande, monsieur le président. Je voudrais que M. le Premier ministre écoute Pierre Mendès France qui disait que la République a besoin de savants. Je voudrais qu'il change de politique et qu'il rende un avenir à la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Monsieur Strauss-Kahn, je suis ravie du regain d'intérêt qu'un économiste comme vous manifeste pour la recherche et tout particulièrement pour la recherche fondamentale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

C'est avec beaucoup d'attention que j'ai lu votre récent article et écouté vos propos. Vous êtes inquiet. Moi aussi, je suis inquiète : je suis autant concernée que chacun des 30 000 chercheurs signataires de la pétition.

Mais comment pouvez-vous imputer l'état actuel de notre système de recherche à notre seule action ?

Les discordances que vous mentionnez entre nos engagements et ce qui se passe dans les laboratoires me préoccupent tout comme vous. Avec M. le Premier ministre et M. Mer, nous avons décidé de mettre en place une mission, en toute transparence, pour examiner les chiffres et agir très rapidement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est un point important que de travailler à la transparence des chiffres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous citez le chiffre de 2,2 % du PIB en guise de bilan de notre gouvernement. Je rappelle que c'est un chiffre de 2002, celui de votre budget ! (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En 1996, les dépenses de recherche représentaient 2,3 % du PIB ; entre 1997 et 2001, elles sont descendues à 2,2 %. La dépense publique n'a donc pas augmenté pendant que vous étiez au gouvernement.

Mme Sylvia Bassot. Alors !

M. Didier Migaud. Et aujourd'hui ?

Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. L'ambition n'était pas particulièrement visible, mais, monsieur Strauss-Kahn, cessons ce débat stérile sur le passé.

Mme Martine David. C'est vous qui l'avez ouvert !

Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. C'est aussi votre passé.

Ce qui compte, c'est l'avenir. Vous le savez mieux que personne, le dynamisme de la recherche, les carrières de nos chercheurs, en particulier les plus jeunes, renvoient à une politique globale, de droite comme de gauche, une politique d'intérêt national qui se doit d'allier excellence de la recherche fondamentale, dynamisme des entreprises et attractivité du territoire.

M. Jean-Claude Lenoir. Exactement !

Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Les atouts de notre système, nous voulons les mettre au service d'une recherche réactive grâce à des projets. Et nous en avons qui sont en route : le plan cancer, Soleil, ITER, pour lequel nous nous battons, et d'autres grands projets technologiques et scientifiques.

Les incitations fiscales pour les entreprises, dont vous parlez, nous, nous les avons mises en œuvre en 2004. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je ne reviens pas au fort investissement en matière de recherche aux Etats-Unis. Pour notre part, nous utilisons pour la première fois les fonds de privatisation pour investir dans la recherche et cet effort sera poursuivi.

Les appels d'offres compliqués, les lourdeurs administratives font partie d'un dispositif que nous avons trouvé à notre arrivée, ce n'est pas nous qui l'avons conçu. Et nous voulons le réformer.

La polémique n'est plus de mise, je crois. Le débat est ouvert, avec tous les chercheurs, avec leurs représentants syndicaux, avec la représentation nationale dans tout son ensemble. Il est essentiel pour préparer la loi d'orientation.

Vous voulez y participer, monsieur Strauss-Kahn : j'attends vos propositions concrètes et je vous demande qu'elles soient ambitieuses ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

DESSERTE AÉRIENNE DES ANTILLES

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Air France et Corsair pratiquent l'entente et l'abus de position dominante pour la desserte des Antilles. Ces deux compagnies alignent leurs prix à toute période de l'année. Et cela pour un motif qui n'est pas économique puisqu'elles n'ont pas le même point mort. Corsair atteint la rentabilité à partir de 300 euros par personne aller-retour contre 450 euros pour Air France.

Or pendant les périodes de congés, les vols en classe économique sont vendus 1 200 à 1 500 euros alors que, pour ces mêmes vols, un billet assorti d'une réservation d'hôtel ne coûte que 500 euros. La compagnie Nouvelles Frontières propose 585 euros pour aller à New York et 1 205 euros aux Antilles alors que les distances sont analogues.

Pourtant, les appareils qu'Air France affrète pour les Antilles sont amortis depuis plus de vingt ans alors que pour les Etats-Unis, ils sont plus récents - quatre à huit ans d'âge -, plus confortables, transportent deux fois moins de passagers et offrent un bien meilleur service à bord.

Le plus choquant, c'est que l'Etat semble couvrir ces excès. Un rapport de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes - DGCCRF - datant de 2002 a mis en lumière, selon les termes de son directeur général, « des comportements tarifaires mis en œuvre par Air France et Air Lib tendant à supprimer la concurrence par les prix sur les marchés de chacune des lignes concernées, notamment en classe économique ». Ce même rapport préconisait de saisir la DGCCRF afin qu'il puisse y avoir une sanction contre ces compagnies.

Vos services ont indiqué au « Collectif des Antillais, Guyanais et Réunionnais » qu'ils allaient saisir le Conseil de la concurrence. Or nous avons appris que celui-ci mettrait un an avant de rendre son rapport.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !

M. Jean-Christophe Lagarde. Avec mon ami André Santini, nous nous investissons depuis plusieurs mois pour que soit enfin reconnu le droit à la continuité territoriale et sur les bancs de cette assemblée, d'autres se battent en ce sens.

Le drame humain que constitue pour les domiens la séparation avec leur région d'origine et leur famille ne semble pas peser face à l'intérêt suprême de la privatisation d'Air France qui doit demeurer rentable pour assurer des rentrées d'argent dans les caisses de l'Etat.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !

M. Jean-Christophe Lagarde. Le résultat de ce laissez-faire est flagrant : le nombre de passagers a diminué de façon significative,...

M. le président. Monsieur Lagarde, veuillez poser votre question !

M. Jean-Christophe Lagarde. ... l'économie touristique est sinistrée, la facture est pour tout le monde très élevée.

Aussi vous demanderai-je, monsieur le ministre, pourquoi ce rapport n'est pas rendu public puisqu'il a été transmis à la direction de la concurrence.

M. le président. Monsieur Lagarde, posez votre question !

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous avez peut-être remarqué, monsieur le président, que c'est ce que je suis en train de faire.

M. le président. Continuez alors !

M. Jean-Christophe Lagarde. Quelles mesures entendez-vous prendre pour obliger ces compagnies à respecter la législation et mettre fin à cet abus de position dominante, rendant ainsi à nos concitoyens qui vivent en outre-mer ou qui en sont originaires le droit à une vie de famille normale ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, permettez-moi d'abord de vous rappeler que le prix de vente d'une prestation ou d'un service n'a pas de rapport avec son coût. Le prix de vente est lié à l'état de l'offre et de la demande sur le marché et le coût doit être en général inférieur.

M. Christian Paul. Ah, voilà Monsieur Economie !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce n'est pas parce que certains avions sont déjà amortis sur certaines lignes et pas sur d'autres que l'on doit en tirer des conséquences sur le prix de vente.

Après cette mise au point économique (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), je ferai quelques remarques concernant le sujet que vous évoquez.

Premièrement, c'est la justice, saisie par des plaignants, qui a demandé à la DGCCRF de faire un rapport. Ce rapport lui a été remis. Il présente donc un caractère confidentiel, vous le savez aussi bien que moi. C'est la raison pour laquelle nous ne l'avons pas rendu public.

Deuxièmement, la justice a classé le dossier. Ce qui ne m'a pas empêché, sur proposition de la DGCCRF, de saisir il y a trois mois le Conseil de la concurrence, autorité totalement indépendante, pour qu'il porte un jugement sur les pratiques - loyales, déloyales, concurrentielles, anticoncurrentielles - des différentes entreprises de transport aérien sur les lignes que vous évoquez.

Cela dit, c'est la démonstration qu'Air France est une entreprise comme une autre.

M. Christian Paul. Ce n'est pas la question !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Elle a droit au respect des procédures lorsqu'elle a à se défendre, en l'occurrence devant le Conseil de la concurrence.

Par ailleurs, l'Etat doit se comporter avec cette entreprise comme avec toutes celles du secteur, abstraction faite de sa qualité d'actionnaire de la compagnie.

Cela nous permettra de donner à tous les consommateurs de France, et pas seulement ceux d'Ile-de-France, la possibilité de bénéficier d'éventuelles conclusions en faveur de la continuité territoriale...

M. Christian Paul. Désastreux !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et du rapprochement monétaire entre les îles et la métropole. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE

M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Janine Jambu. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

Détérioration de l'accueil à l'hôpital, baisse massive des remboursements, fermeture des centres de sécurité sociale de proximité : l'inquiétude des assurés sociaux devant l'évolution des conditions d'accès aux soins est grandissante.

Les orientations du rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, qui viennent d'être rendues publiques, ne sauraient la calmer. En effet, s'il faut mieux organiser le système, cela ne doit en aucun cas conduire à le livrer au secteur privé et aux appétits des grands groupes d'assurance.

Nul ne conteste la nécessité d'un financement nouveau et durable. Mais pourquoi ne pas explorer les pistes d'une réforme de l'assiette des cotisations patronales et de la taxation des revenus financiers ? (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Pour notre part, nous rejetons l'augmentation de la CSG alors que 160 milliards d'euros de profits boursiers échappent à toute contribution,...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !

Mme Janine Jambu. ...alors qu'un point de croissance supplémentaire équivaut à 2,5 milliards d'euros pour la sécurité sociale, alors que 100 000 chômeurs de moins représentent 1,3 milliard d'euros de recettes en plus.


C'est dans le respect des principes de solidarité qui ont présidé à sa création que réussira la réforme de la sécurité sociale et non en rognant - encore une fois - les droits sociaux. Cela demande l'implication des citoyens, des partenaires sociaux, du Parlement, et non l'autoritarisme des ordonnances.

Etes-vous prêt, monsieur le ministre, à vous engager dans cette voie, à sortir de la seule et unique logique de privatisation, d'augmentation de la CSG, qui pénalise les retraites et les chômeurs ? Etes-vous prêt, monsieur le ministre, à étudier et à débattre de propositions alternatives ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Madame la députée, notre système de santé demeure encore aujourd'hui l'un des meilleurs du monde.

Mme Janine Jambu. Encore ?

M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Même s'il connaît des difficultés, ce que personne ne saurait contester, je crois que nous avons mieux à faire que de le critiquer en permanence, peut-être pour déconsidérer ce qui est entrepris, ce qui serait contre-productif. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Bataille. C'est vous qui êtes critiquable !

M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Vous nous demandez, madame, quelles sont les options du Gouvernement. Elles sont parfaitement claires. Le Premier ministre l'a dit, nous ne voulons ni privatisation basée sur un système concurrentiel, ni étatisation. C'est bien pour cela que nous avons engagé une importante réflexion. Après une longue période de travail, en collaboration avec les partenaires sociaux et les acteurs du secteur de la santé afin d'établir un diagnostic, une période de dialogue va s'ouvrir, au terme de laquelle nous ferons des propositions qui, je l'espère, rassembleront la majorité d'entre nous ainsi que la majorité des partenaires sociaux et des acteurs de notre système de santé.

M. Dominique Dord. Bravo !

M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Il n'est pas juste d'aborder la question de la santé dans notre pays par le biais de son financement, car je vous fais remarquer que toutes les réformes précédentes, qui étaient basées exclusivement sur des hausses de cotisations et des baisses de remboursements, ont échoué.

Il nous faut avant tout travailler sur la modernisation, sur l'adaptation de notre système de santé. D'ailleurs, les pistes que vous nous proposez de suivre seront envisagées, en matière de gouvernance, d'offre de soins, de modernisation du fonctionnement des soins entre la ville et l'hôpital : tout cela sera étudié et nous le ferons tous ensemble, parce que la sécurité sociale est notre bien commun. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

CONTRATS DE TRAVAIL

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Francis Delattre. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

Monsieur le ministre, il y a aujourd'hui dans notre pays un consensus pour dire que notre code du travail devrait être modernisé et tous les verrous à l'embauche, donc à l'emploi, progressivement supprimés. (« Ah ? » sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous avez récemment commandé un rapport avant d'engager cette réforme. Mais nous constatons la désinformation importante de nos concitoyens et leur inquiétude, car les Français sont très attachés au contrat à durée indéterminée, qui concerne 90 % des salariés.

Si les dispositions d'ordre juridique qui entourent ce type de contrat offrent une protection relative, le CDI est surtout un vécu. Ce vécu est celui de jeunes qui, pour accéder au marché du travail, suivent des stages, acceptent des contrats à durée déterminée ou d'intérim. Pour ces jeunes, disposer d'un CDI signifie entrer vraiment dans la vie active, car ils peuvent aller voir un banquier et s'installer. C'est ainsi qu'est vécu le CDI dans notre pays.

Je suis un député UMP (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste)  qui assume le modèle social français.

Mme Christine Boutin. Nous aussi !

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Francis Delattre. Le CDI, mes chers collègues, a pour base les grandes lois de mensualisation du gouvernement de Jacques Chaban-Delmas. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est une « vache sacrée » du modèle social. Il faut donc y toucher avec beaucoup de précautions. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et des député-e-s communistes et républicains.)

Nos collègues socialistes, qui ont inventé le pire des CDD qu'était l'emploi-jeune, un CDD de cinq ans, n'ont pas de leçons à nous donner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Glavany. Que proposez-vous à la place ?

M. Francis Delattre. Je pense en particulier à notre excellent M. Fabius, qui, depuis qu'il discourt sans cravate, n'est pas à une démonstration de démagogie près !

M. Christian Bataille. Posez votre question !

M. Francis Delattre. Nous demandons au Gouvernement de nous dire clairement quelles sont ses intentions quant au CDD, au CDI, car, aujourd'hui, les salariés expriment une véritable inquiétude. Nous, à l'UMP, qui avons été élus largement par ceux qui bossent, souhaitons leur donner les réponses qu'ils attendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Bruno Le Roux. N'importe quoi !

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député Delattre, la précarité n'est pas une solution au problème de l'emploi que nous connaissons aujourd'hui.

Mme Hélène Mignon. On ne le dirait pas !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce n'est pas sur la précarité que nous bâtirons le modèle économique et social adapté au monde d'aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est particulièrement attaché au contrat à durée indéterminée, qui est aujourd'hui la règle pour 91 % des salariés, soit un peu plus de 14 millions de Français ; environ 500 000 personnes travaillent dans l'intérim et un peu plus de 800 000 ont un CDD. Je note d'ailleurs que c'est durant les années 1998, 1999 et 2000 que la proportion de salariés travaillant dans l'intérim et relevant de CDD a le plus augmenté ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le Gouvernement est tellement attaché au contrat à durée indéterminée que vous aurez noté, monsieur le député, que la première des actions qu'il a conduites en matière de politique de l'emploi a été la mise en place du contrat jeune en entreprise, qui occupe actuellement un peu plus de 145 000 personnes. Il s'agit justement d'un CDI, contrairement au contrat qui avait été mis en place dans le passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Hélène Mignon. Nous verrons !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le rapport de M. de Virville, qui nous présente un certain nombre de pistes, sur lesquelles nous allons travailler pour moderniser notre code du travail, ne propose en rien d'affaiblir la portée générale du CDI. Il propose même le contraire, puisque plusieurs de ses propositions visent à sécuriser le contrat de travail, notamment en inscrivant dans la loi ce que doit être le contrat de travail à durée indéterminée, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Quant au contrat de projet, l'une des propositions du rapport de M. de Virville,...

M. François Hollande. C'est un CDD !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ...qui ne concernera que quelques milliers de salariés - des experts ou des techniciens de très haut niveau, travaillant par exemple à l'exportation -, il ne constitue en aucun cas une atteinte au principe général du contrat à durée indéterminée.

M. Bruno Le Roux. Ce n'est pas convaincant !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous allons étudier avec les partenaires sociaux les propositions de ce rapport et vérifier qu'elles visent bien à améliorer la situation de l'emploi et à lutter contre la précarité, et c'est à l'aune de ces deux critères, monsieur le député, que nous déciderons des propositions qui seront soumises au Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

SAUVEGARDE DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous, pour le groupe UMP.

M. Jean-Michel Fourgous. Ma question s'adresse à M. le ministre de la justice et concerne la sauvegarde des entreprises en difficulté.

Monsieur le garde des sceaux, dans le monde de l'entreprise, il faut pousser les gens qui montent et, en même temps, il ne faut pas lâcher les gens qui tombent.

Mme Martine David. Il ne tombe pas, lui ?

M. Jean-Michel Fourgous. Avec l'adoption de la loi de M. Dutreil, le Gouvernement a réussi la première phase : pousser les gens qui montent. Ce sont 200 000 entreprises qui ont été créées en 2003. C'est impressionnant, bravo !

M. François Hollande. Combien de chômeurs ?

M. Jean-Michel Fourgous. Les cent députés appartenant au groupe de travail Génération entreprise sont heureux d'avoir participé à la construction de ce texte en proposant des amendements.

Vous vous apprêtez à lancer la deuxième phase - ne pas lâcher les gens qui tombent - avec votre projet de loi sur la sauvegarde des entreprises en difficulté.

M. François Hollande. Préoccupez-vous de M. Raffarin !

M. Jean-Michel Fourgous. Votre initiative est essentielle et nous en avons besoin, en particulier pour nos PME, qui ne bénéficient pas des mêmes facilités que les grandes entreprises pour faire face aux difficultés.

Je vous le rappelle, mes chers collègues, l'entreprise est le premier moteur de la solidarité...

M. François Hollande. Ah bon ?

M. Jean-Michel Fourgous. ...puisqu'elle redistribue plus de 90 % de son chiffre d'affaires en payant ses salariés et en finançant les hôpitaux, les écoles, les crèches, les gymnases. Ne l'oublions pas. Dès lors, chaque entreprise qui meurt, c'est un peu moins de solidarité.

Or notre droit, souvent, n'est culturellement pas adapté à la réalité économique. Pour 90 % des entreprises en difficulté, la procédure aboutira à la liquidation, avec son cortège de drames humains, sociaux et économiques.

Pour élaborer votre projet de loi, monsieur le ministre, vous avez beaucoup consulté, je vous en félicite. Pouvez-vous d'ores et déjà nous indiquer quelles sont les principales mesures qui figureront dans ce texte pour soutenir nos entreprises les plus vulnérables, sauver leurs emplois et assurer à notre pays une croissance durable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- « Allô ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député Fourgous, vous avez raison de rappeler ce chiffre : 90 % des entreprises qui entrent en procédure vont jusqu'à la liquidation. Ce chiffre est inacceptable et il constitue une perte de substance terrible pour notre économie et la perte de leur emploi pour de très nombreux salariés.

C'est la raison pour laquelle j'ai engagé la réforme des lois de 1984 et 1985 pour les adapter à l'économie d'aujourd'hui. Les deux maîtres mots du projet sont : anticiper et simplifier. Pourquoi ? Pour permettre au chef d'entreprise d'anticiper dès qu'il a conscience des difficultés que connaît son entreprise et l'aider à entrer dans une procédure de conciliation et de discussion avec ses créanciers, en lui offrant la sécurité juridique indispensable.

C'est le premier volet de ce texte, dont je vous rappelle que j'en ai diffusé l'avant-projet en octobre dernier et qu'il a fait l'objet d'une très large concertation, qui nous a permis de lui apporter d'énormes améliorations. Il a été transmis au Conseil d'Etat et j'espère pouvoir le présenter au Conseil des ministres au cours du mois prochain. J'insiste sur les mots « anticipation » et « procédure de conciliation ».

La réforme du régime des sanctions constitue un autre volet de ce texte. Nous devons faire en sorte que le chef d'entreprise qui a connu des difficultés sans que l'on puisse lui reprocher quoi que ce soit en termes éthiques puisse rebondir.

Le texte vous proposera également de simplifier le régime des liquidations, en particulier pour les petites et moyennes entreprises, afin de réduire la durée d'une liquidation de quatre ans, comme c'est le cas actuellement, à un an.

Enfin, le texte prévoit l'élargissement des procédures collectives aux entreprises et aux professions libérales.

Voilà quelles seront les grandes lignes de ce texte : anticiper et simplifier, et donc sauver un grand nombre d'emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

ÉTALEMENT DU PAIEMENT DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

M. le président. La parole est à M.Eric Woerth, pour le groupe UMP.

M. Eric Woerth. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le ministre, les Françaises et les Français sont confrontés parfois à des aléas qui viennent perturber gravement le déroulement de leur vie : divorce, chômage, décès d'un conjoint. Ces aléas engendrent non seulement une déstabilisation, souvent très grave, sur le plan psychologique, mais aussi une baisse significative et brutale de leurs revenus.

A cela s'ajoute une difficulté supplémentaire, celle de payer ses impôts avec des revenus beaucoup plus faibles que par le passé.

Dans ces moments douloureux, solliciter un aménagement raisonnable de la part de l'administration fiscale pour payer ses impôts sur le revenu relève souvent, voire toujours, du parcours du combattant.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser les intentions du Gouvernement concernant l'ouverture pour chaque contribuable d'un droit à l'étalement du paiement de ses impôts dans le cas d'une baisse brutale de ses revenus ?

Au-delà du principe, pouvez-vous éclairer nos concitoyens sur les modalités concrètes d'application du dispositif que vous envisagez : qui peut en bénéficier, quelles démarches accomplir, pour quels revenus ? Enfin, quel est le calendrier d'application ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Vidalies. La réponse est dans les journaux !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Woerth, la mesure est opérationnelle depuis la semaine dernière. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Elle s'applique à toutes les personnes pouvant justifier d'une baisse de leurs revenus de 30 %. Ces personnes pourront contacter leur trésorerie.

La pratique qui existait jusqu'à présent n'était pas réglementée. Elle dépendait par conséquent de la libre appréciation d'employés divers et était l'objet de changements dans les délais et les avis.

Désormais, à l'initiative du Premier ministre, cette pratique est réglementée, donc automatique. Elle se traduit par un étalement sur quinze mois du règlement qui est habituellement effectué sur douze, que ce soit par tiers provisionnels ou mensualisation. En cours d'année, le contribuable qui a bénéficié de cet étalement aura un deuxième rendez-vous avec le comptable public afin de vérifier qu'il est toujours « dans les clous ».

Cette possibilité concernera aussi, d'une manière certes moins automatique, mais dans le même esprit, la taxe d'habitation, dont le paiement pourrait faire l'objet d'une démarche similaire.

Il faut savoir, et je me permets de le rappeler à tous, que si nous avons ce problème, c'est parce qu'en France nous ne pratiquons pas la retenue à la source. Et si nous ne retenons pas l'impôt sur le revenu à la source, ce n'est pas faute d'avoir mesuré tout l'intérêt, indéniable, d'un tel système. Mais étant donné le caractère de notre système fiscal, qui assied le prélèvement sur les ressources du foyer, et non le revenu individuel, passer au prélèvement à la source créerait beaucoup plus de problèmes que cela n'en résoudrait.

Nous en avons donc rapidement tiré la conclusion qu'il fallait penser à ceux qui connaissent d'importantes fluctuations de leurs revenus. Mais rassurez-vous, en cas de retour à meilleure fortune dans l'année, l'administration attendra l'année suivante pour rétablir une imposition normale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

NOUVEAU STATUT DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

M. le président. La parole est à M. René Dosière, pour le groupe socialiste.

M. René Dosière. Monsieur le président, cette séance n'a naturellement de sens que si le Gouvernement fait l'effort de répondre aux questions. Or Mme la ministre de la recherche vient surtout de nous payer de belles paroles ; les chercheurs auraient préféré qu'elle annonce une hausse des crédits, comme le souhaite Dominique Strauss-Kahn. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - « Des impôts ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Martine David. Eh oui !

M. Dominique Dord. C'est une hausse des impôts que vous voulez !

M. René Dosière. Monsieur le Premier ministre, vingt-cinq ans après le décès de Jacques Brel, qui repose désormais aux Marquises auprès de Paul Gauguin, votre majorité, avec une grande complaisance, vient d'entériner, dans l'urgence et la discrétion, un nouveau statut pour la Polynésie française. (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

La Polynésie n'est pas seulement un fantasme pour jeunes mariés et touristes aisés (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), c'est aussi une collectivité de la République, peuplée de 245 000 habitants, dont 20 % vivent dans une grande pauvreté.

Or ce nouveau statut comporte des dispositions pour le moins curieuses.

M. Jean Glavany. Choquantes !

M. René Dosière. Désormais, le président de la Polynésie - puisque c'est ainsi que vous dénommez l'exécutif de la collectivité - pourra être choisi hors des rangs de l'assemblée locale. Cette innovation est une première : imaginez que les futurs présidents de région puissent être choisis en dehors du conseil régional !

M. Christian Paul. Scandaleux !

M. René Dosière. Autre particularité : en Polynésie les élus fixent eux-mêmes le montant de leur rémunération. On comprend dans ces conditions qu'un membre de l'assemblée de Polynésie soit mieux payé qu'un député de la République...

M. Eric Raoult. Et alors ?

M. René Dosière. ...et un ministre de Polynésie mieux qu'un ministre de la République française. (« Jaloux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Lucien Degauchy. Allez vous présenter là-bas !

M. le président. Monsieur Degauchy !

M. René Dosière. Désormais - et c'est la troisième innovation - la collectivité pourra participer, sans aucune limitation, au capital d'une société commerciale, ce qui permettra au gouvernement local de contrôler la totalité de l'économie polynésienne. (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe socialiste.) C'est sans doute là ce que vous appelez libéralisme économique.

M. Eric Raoult. La question !

M. René Dosière. Nous avons connu hier le système de la mairie de Paris, ses marchés truqués, ses emplois fictifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et la MNEF ?

M. le président. Monsieur Dosière, vous posez votre question, s'il vous plaît.

M. René Dosière. Aujourd'hui, voici le système de la Polynésie, dont le président (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. Eric Raoult. La question !

M. le président. S'il vous plaît, monsieur Raoult !

M. René Dosière. ...bénéficie des conseils expérimentés de ses amis parisiens. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Cela suffit ! M. Dosière va terminer sa question.

M. René Dosière. Ma question est simple. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. S'il vous plaît, monsieur Degauchy !

M. René Dosière. Etes-vous fier de la manière dont est utilisé 1,2 milliard d'euros, l'argent des contribuables français (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), pour le plus grand profit de quelques responsables politiques et économiques polynésiens ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Ueberschlag. Vous avez oublié Urba !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le député, je ne suis pas sûre que vous soyez, avec vos amis socialistes, les mieux placés pour défendre le respect des valeurs républicaines en Polynésie française. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Dois-je vous rappeler que le gouvernement socialiste, que vous avez soutenu, avait préparé en 1999 une révision constitutionnelle qui faisait de la Polynésie française une sorte d'Etat fédéré, puisqu'elle prévoyait une citoyenneté locale et un véritable pouvoir diplomatique ?

M. Christian Paul. Mais non, ça n'avait rien à voir !

Mme Martine David. Répondez à la question !

Mme la ministre de l'outre-mer. Je vous ai déjà répondu longuement ici, dans cet hémicycle, au cours des débats que nous avons eus sur le statut. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David. Longuement ?

M. René Dosière. Vous avez déclaré l'urgence !

M. Augustin Bonrepaux. Le débat a été mené au pas de course !

M. le président. Taisez-vous, monsieur Bonrepaux !

Mme la ministre de l'outre-mer. Contrairement à vous, nous avons replacé la Polynésie française dans le titre XII de la Constitution, lui donnant ainsi de larges compétences, conformément aux pouvoirs attribués par l'article 74 à toute collectivité autonome.

Ce que vous oubliez de dire, c'est que nous prévoyons dans le cadre de ce statut des mesures qui ne figuraient dans aucun statut précédent (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

Plusieurs députés du groupe socialiste. Et pour cause !

Mme la ministre de l'outre-mer. ...et qui visent à renforcer les principes démocratiques qui s'appliquent dans toutes les collectivités de la République, notamment le renforcement des droits des élus de la minorité.

M. François Hollande. Le principe du président à vie ?

Mme Martine David. Parlez-nous donc de Gaston Flosse !

Mme la ministre de l'outre-mer. Monsieur Dosière, vous avez tenu des propos désobligeants à l'égard du président de la Polynésie française.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Des propos scandaleux !

Mme la ministre de l'outre-mer. Ces propos sont d'autant plus indignes que cet homme, soutenu par l'ensemble des Polynésiens (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste),...

M. François Hollande. Certainement pas par l'ensemble des Polynésiens !

Mme la ministre de l'outre-mer. ...a contribué à la préservation de la souveraineté et de la sécurité de notre pays grâce à son action déterminée en faveur de notre politique de dissuasion nucléaire. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Et je voudrais ajouter que c'est l'honneur du Président de la République et du Premier ministre d'avoir les premiers affirmé que la dette nucléaire ne devait jamais s'éteindre, et d'en avoir tiré toutes les conséquences financières.

Vous feriez mieux, monsieur Dosière, de vous dispenser de formuler des critiques (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) aussi caricaturales que provocatrices. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Huées sur les bancs du groupe socialiste.)

Je voudrais vous rappeler que vous et vos amis socialistes étiez sur le point de brader l'Etat en Polynésie française. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Merci, madame...

Mme la ministre de l'outre-mer. Je voudrais aussi vous rappeler que, sous le gouvernement précédent, le parti socialiste n'a pas hésité à passer des accords avec le leader indépendantiste de Polynésie. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Paul. Fantasmes !

Mme Martine David. Délires !

Mme la ministre de l'outre-mer. Le respect de l'unité de la République et des principes républicains ne vous étouffait pas à cette époque ! (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Très vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire se lèvent et applaudissent.)

PRIX DU LAIT

M. le président. La parole est à M. Claude Gatignol, pour le groupe UMP.

M. Claude Gatignol. Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, ma question portera sur le prix du lait. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Les producteurs de lait sont confrontés à une situation difficile : le prix du lait est en baisse et, vendredi dernier, les membres de l'interprofession laitière ne sont pas parvenus à un accord en la matière. Aussi, l'inquiétude - légitime - est grande dans les territoires laitiers, tel le département de la Manche, qui produit annuellement 1,3 milliard de litres. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

La fixation des prix est, on le sait, une opération complexe, qui doit tenir compte de plusieurs éléments, tels que la saison, bien sûr, la transformation, la consommation. Les centrales d'achat de la grande distribution jouent aussi un rôle déterminant en la matière, comme l'évolution de la politique agricole commune ou l'élargissement de l'Union européenne.

M. François Hollande. Et le Gouvernement, que fait-il ?

Mme Martine David. Rien !

M. Claude Gatignol. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, et vous-même en particulier, monsieur le ministre, avez toujours fait preuve d'une grande attention envers nos agriculteurs (« Faux ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), des agriculteurs soucieux de qualité, mais qui sont soumis aux exigences du marché et aux contraintes environnementales. Et, vous le savez, monsieur le ministre, pour être venu sur le terrain il y a peu, dans le Cotentin, quand la crise frappe une exploitation, ce sont souvent plusieurs familles qui en subissent les effets. Je vous demande donc, monsieur le ministre, quels sont, dans la conjoncture actuelle, les moyens dont vous disposez pour lutter contre une baisse du revenu laitier...

Plusieurs députés du groupe socialiste. Aucun !

M. Claude Gatignol.... et quelles sont à court et moyen termes vos propositions pour revenir à un prix de marché plus respectueux des coûts réels de production, et donc des producteurs.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Vous avez raison, monsieur Gatignol, les producteurs de lait sont inquiets. Or cette production, présente dans tous nos départements, est importante pour notre pays, d'autant que c'est un des secteurs qui comptent le plus grand nombre d'installations de jeunes agriculteurs. C'est dire combien l'avenir de la production laitière est crucial pour celui de l'agriculture française dans son ensemble.

Comme vous l'avez dit, deux éléments entrent en jeu : la politique européenne et l'accord sur les prix.

Au niveau européen, il avait été décidé à Berlin, en 1999, une baisse de 15 % du prix d'intervention sur le lait, compensée budgétairement à 56 % par des aides directes, et, d'autre part, la suppression des quotas laitiers en 2008. A Luxembourg, l'année dernière, nous avons obtenu que les quotas laitiers soient maintenus jusqu'en 2015, conformément au vœu de tous les professionnels.

M. André Chassaigne. Mais à quel prix !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Nous avons également obtenu des garanties quant à la préservation du système de gestion à la française des quotas laitiers. Enfin, la baisse supplémentaire de 10 % du prix d'intervention sur le seul beurre a été, elle, compensée à 82 %. Luxembourg a donc permis une amélioration par rapport à Berlin.

En ce qui concerne l'évolution des prix, l'accord interprofessionnel de 1997 a été dénoncé au 31 décembre 2003, et nous sommes en pleine négociation. Celle-ci a achoppé le 22 janvier dernier, notamment sur la différence entre les prix de vente industriels et les prix des produits de grande consommation. J'ai commandé, à l'automne dernier, un rapport sur l'avenir de la filière laitière, qui doit m'être remis le 6 février prochain. Je réunirai le 10 février prochain une table ronde, qui rassemblera tous les acteurs de la filière laitière. Il y sera question des prix, de la péréquation, de la maîtrise de la production et des allégements des charges pesant sur les exploitations, notamment en matière de mise aux normes.

Nous devons tous travailler ensemble pour parvenir le plus rapidement possible à un accord qui permette une juste rémunération des producteurs laitiers. Sachez que l'Etat est et restera vigilant pour l'avenir de notre filière laitière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

GARANTIE DÉCENNALE DES BÂTIMENTS À LA RÉUNION

M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria, pour le groupe UMP.

M. René-Paul Victoria. Monsieur le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, je souhaite vous interroger sur le coût de la garantie décennale à la Réunion.

Les petites entreprises artisanales du secteur du bâtiment et des travaux publics jouent un rôle important dans le développement économique et social de la Réunion. Aujourd'hui, ces artisans sont soumis à l'obligation de souscrire une assurance décennale. Or, à la Réunion, faute de concurrence réelle, le prix de cette assurance a été multiplié par deux au cours de ces dernières années, atteignant un niveau nettement plus élevé qu'en métropole, alors même que le niveau de sinistralité n'y est pas plus important.

Afin de pouvoir acquitter les primes d'assurance décennale obligatoire, des centaines d'artisans de la Réunion sont contraints actuellement de restreindre leur masse salariale. C'est une décision regrettable, qui non seulement pénalise l'emploi, mais encourage le travail clandestin dans un département qui bat déjà tous les records de France en matière de chômage structurel.

C'est pourquoi je souhaiterais savoir quelles mesures compte prendre le Gouvernement dans le cadre du projet de réforme de la garantie décennale, actuellement en chantier, pour permettre aux artisans d'outre-mer, et en particulier à ceux de la Réunion, d'accéder à un coût de l'assurance décennale comparable à celui en vigueur en métropole.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je veux vous dire d'abord, monsieur Victoria, que la garantie décennale est une bonne assurance, qui protège efficacement les maîtres d'ouvrage comme les particuliers contre les sinistres éventuels, et c'est pourquoi il faut la conserver.

Mais il faut aussi l'optimiser. En cette année 2004, nous travaillons, en concertation avec les professionnels, à mieux délimiter le champ de l'assurance décennale des constructeurs. Mais ce ne doit pas être au détriment de la compétitivité des entreprises, à laquelle nous sommes tout particulièrement attentifs. A tel point que le Gouvernement a décidé de supprimer d'ici la fin de l'année la contribution des entreprises au fonds de compensation assurances construction, ce qui est une bonne nouvelle.


Mais le Gouvernement est également très attentif au rapport entre la sinistralité et le niveau des primes d'assurance. Déjà, Francis Mer et moi-même avons, chacun de notre côté, invité les compagnies d'assurances à tenir compte de la baisse du nombre d'accidents de la route pour le calcul des tarifs de 2004 et des années suivantes.

En ce qui concerne les départements et collectivités d'outre-mer, j'ai constaté à la Réunion, au mois d'avril dernier, que les entreprises du bâtiment, les entreprises artisanales, les petites et les moyennes entreprises étaient fortes et vivantes. Il ne faut pas affaiblir ce dynamisme créateur d'emplois. Sachant que la situation de monopole gonfle les primes et nuit gravement à cette compétitivité, Francis Mer, Brigitte Girardin et moi-même, nous serons extrêmement attentifs (« Hou la la ! » sur les bancs du groupe socialiste) à ce que l'on revienne dans la norme et que le niveau des primes soit comparable, dans les départements et collectivités d'outre-mer, à ce qu'il est en métropole. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

EMPLOI ET POLITIQUE INDUSTRIELLE

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour le groupe socialiste.

M. Christian Paul. Oui, madame Girardin, j'en témoigne devant l'Assemblée nationale, l'affairisme et le clientélisme sont omniprésents en Polynésie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La démocratie y est régulièrement bafouée par le pouvoir local, et le statut que vous avez fait voter ouvre la voie à des dérives scandaleuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ma question s'adresse au Premier ministre. Monsieur le Premier ministre, il règne aujourd'hui dans notre pays une insécurité générale en matière d'emploi. Oui, pour les Français, le chômage est le premier et le principal résultat de votre Gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

A cela, il y a deux raisons. La première est la précarité, due aux transformations que vous faites subir au droit du travail - et, à cet égard, les réponses de M. Fillon ne nous rassurent pas. Votre Gouvernement ne réforme pas le droit du travail : il le déforme, le mutile, le détruit. (Mêmes mouvements.) Et les actes de M. Fillon contredisent les discours qu'il tient devant l'Assemblée nationale.

La deuxième raison, c'est que votre Gouvernement cautionne sans réserve les restructurations industrielles les plus sauvages. L'affaire Sanofi-Aventis le démontre : aujourd'hui, les OPA tiennent lieu de politique industrielle.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. C'est honteux de dire des choses pareilles !

M. Christian Paul. Résultat : 12 000 emplois en danger.

Dans la Nièvre, nous assistons au démantèlement d'un fleuron de la métallurgie, sur le site d'Imphy, que M. Mer connaît bien. Là encore, l'Etat reste totalement sourd et silencieux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Nicolas Forissier. N'importe quoi !

M. Christian Paul. Monsieur le Premier ministre, ma question est très directe. A quelle doctrine aveugle obéissez-vous ? (Mêmes mouvements.) Quelle théorie économique totalement coupée des réalités vous pousse à croire que la précarité du travail, rebaptisée « flexibilité », favoriserait la croissance et la lutte contre le chômage ?

On a vraiment l'impression, mes chers collègues, que le Gouvernement et le MEDEF vivent sur la planète Mars. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Quand allez-vous prendre au sérieux les chocs majeurs qui frappent l'industrie française ?

M. Lucien Degauchy. Et gna gna gna ! (Rires.)

M. le président. Monsieur Paul, veuillez poser votre question !

M. Christian Paul. En matière de sécurité, nous avions déjà l'Etat-spectacle avec M. Sarkozy. Nous avons désormais l'Etat-spectateur avec M. Fillon et Mme Fontaine. (Exclamations prolongées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Paul, posez votre question, s'il vous plaît !

M. Christian Paul. Je m'efforce de le faire, monsieur le président !

L'opposition vous demande d'organiser au Parlement, non pas en juin, non pas pour exaucer un quelconque vœu présidentiel...

M. le président. Monsieur Paul, posez votre question !

M. Christian Paul. ...un vrai débat national sur l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

M. François Hollande. Non ! Raffarin ! Raffarin ! Le Premier ministre pourrait-il s'exprimer ?

Mme Martine David. Qui est Premier ministre ?

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, puisque vous parlez de la précarité, je vous rappelle que, en 1998, le nombre d'intérimaires avait augmenté de 23,3 % (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et le nombre de CDD de 9,4 %, quand les CDI ne progressaient que de 3 %. En 2000, le nombre d'intérimaires augmentait de 25,4 %, les CDD de 6,7 %, quand les CDI n'augmentaient que de 1 %. (« Hou ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En vérité, à l'occasion des élections régionales, vous avez lancé une campagne politique fondée sur un mensonge. Ainsi, j'ai entendu hier le premier secrétaire du parti socialiste déclarer froidement à la télévision que le rapport de M. de Virville prévoyait la fin du contrat à durée indéterminée. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Non seulement c'est indigne d'un grand parti politique, mais c'est avec de telles méthodes que vous jetez les Français dans les bras de l'extrémisme. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

PROJET DE LOI RELATIF AUX DROITS
DES PERSONNES HANDICAPÉES

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy, pour le groupe UMP.

Mme Geneviève Levy. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.

Madame la secrétaire d'Etat, alors que l'insertion des personnes handicapées est l'un des chantiers prioritaires du Président de la République, j'ai pu constater, à l'occasion de la mission qui m'a été confiée sur l'accessibilité des transports aux personnes handicapées, que, quelque trente ans après la loi du 30 juin 1975, la France est toujours en retard sur ce sujet et qu'il nous faut améliorer encore la scolarisation des enfants handicapés, l'accès à l'emploi pour ceux qui souhaitent travailler, l'accessibilité aux lieux et aux transports publics ou la participation à la vie sociale.

Ce matin, vous avez présenté au conseil des ministres le projet de loi pour l'égalité des droits des personnes handicapées, que vous préparez depuis de nombreux mois. Quatre principes ont guidé votre réflexion : libre choix du mode de vie, droit à une compensation personnalisée, participation à la vie sociale et simplification des démarches.

Madame la secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous présenter les grandes lignes de ce texte et nous dire, surtout, en quoi il répond aux espoirs et aux attentes des personnes handicapées et de leurs familles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Madame la députée, si vous le voulez bien, pour une fois, je ne parlerai pas des principes qui sous-tendent cette loi, mais je vous répondrai de manière très concrète, en évoquant les avancées qu'elle comporte et qui, à mes yeux, sont considérables.

Pour la première fois, le handicap psychique est pris en considération, et des réponses concrètes seront apportées aux personnes qui en sont atteintes.

M. François Hollande. Avec quels postes budgétaires ?

Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Pour la première fois, une prestation de compensation est effectivement créée. Elle permettra de financer les aides techniques et humaines dont les personnes handicapées ont besoin.

M. François Hollande. Où sont les moyens ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Pour la première fois, des obligations en matière d'accessibilité du cadre bâti neuf sont étendues à toutes les constructions et les contrôles seront renforcés. En ce qui concerne le cadre bâti existant, des dispositions très précises et, je vous l'assure, très coercitives seront prises dans des décrets d'application.

Pour la première fois, mesdames et messieurs les députés, tout parent d'enfant handicapé pourra inscrire son enfant dans l'école de son quartier...

M. Edouard Landrain. Très bien !

Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. ...avec, au besoin, des dispositions adaptées, et cela sera possible dès la maternelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) L'université aura également l'obligation d'accueillir tous les étudiants handicapés.

M. Lucien Degauchy. C'est pas Ségolène qui aurait fait ça !

Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Pour la première fois, nous proposons une politique globale de l'emploi, et un fonds unique sera créé pour la fonction publique.

Enfin, les personnes handicapées sortiront définitivement du champ de l'aide sociale et se retrouveront dans celui de la protection sociale, comme elles le souhaitent depuis des décennies.

Parallèlement à ce projet de loi, j'ai présenté ce matin au conseil des ministres différents programmes d'action qui vont être mis en application dès maintenant, pour des handicaps très particuliers, comme l'autisme, les traumatisés crâniens ou les polyhandicapés. Ainsi, chaque année, en étroite collaboration avec Mme Haigneré, trente programmes de recherche pour le handicap seront financés et une dizaine de bourses seront offertes à des étudiants s'intéressant au handicap. Dès l'année 2006, la moitié au moins des émissions télévisées seront sous-titrées, à l'intention des personnes malentendantes, et cinquante-neuf lignes de bus de la RATP seront rendues accessibles. En 2007, 1 000 classes d'unités pédagogiques d'intégration seront créées et 50 % des cars de la SNCF seront accessibles.

M. François Goulard. Très bien ! Remarquable !

Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Voilà, madame la députée, des avancées très concrètes. La loi est perfectible et je compte sur tous les parlementaires pour l'enrichir encore lorsqu'elle viendra en discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

LUTTE CONTRE LA LÉGIONELLOSE

M. le président. La parole est à M. Jacques Remiller, pour le groupe UMP.

M. Jacques Remiller. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable, Roselyne Bachelot-Narquin.

Le 17 janvier 2004, un habitant de la huitième circonscription du département de l'Isère est mort de la légionellose au centre hospitalier d'Annonay, en Ardèche. Les services de l'Etat ont aussitôt réagi et l'autorité préfectorale a précisé qu'une enquête avait été réalisée.

A la suite de la récente épidémie de légionellose survenue dans le nord de la France et qui a créé un début de psychose parmi nos concitoyens, il me paraît important que soient apportées des réponses claires aux préoccupations de la population, qui désire connaître les mesures que vous envisagez de prendre, notamment à l'égard des établissements de la plate-forme chimique de la vallée du Rhône, s'il s'avérait que leur activité a un quelconque rapport avec la diffusion de la maladie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député, je comprends l'émotion de la population que vous représentez face au cas de légionellose dont vous avez fait état, au moment où une épidémie très grave, qui a déjà touché plus de quatre-vingts personnes, sévit dans le Pas-de-Calais.

Il faut savoir que, sur 1 020 cas de légionellose déclarés chaque année dans notre pays, 700 sont isolés et 300 relèvent d'une épidémie. Il n'y a pas, pour cette maladie, de contamination interhumaine, et il faut donc retrouver une source environnementale.

En ce qui concerne le cas isolé de légionellose que vous évoquez et qui a malheureusement entraîné le décès d'une personne, on n'a pas, pour l'instant, découvert de contamination environnementale. Néanmoins, j'ai fait procéder au contrôle de toutes les installations de la plate-forme de Roussillon et de toutes celles des communes environnantes. Sur les dix-neuf tours aéroréfrigérantes inspectées, nous n'avons pas retrouvé de taux supérieur à 100 000 unités formant colonie par litre, qui aurait imposé la fermeture des tours. Dans deux cas, nous avons retrouvé des taux supérieurs à 1 000 unités par litre : l'une des tours a été fermée par décision de l'exploitant, et l'autre va l'être également, afin qu'on puisse procéder à un nettoyage mécanique, qui s'ajoutera au choc biocide.

Notre vigilance ne se relâche pas, sous la conduite de M. le préfet, des services du ministère de la santé et de la DRIRE.

La semaine dernière déjà, au Sénat, dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à la politique de santé publique, Jean-François Mattei a présenté des mesures concernant les installations non classées pour l'environnement. Nous avons décidé de rénover en profondeur la législation qui datait de 1999, qu'avaient mise en place nos prédécesseurs et qui se révèle peu adaptée aux nouvelles conditions de l'épidémie.

M. François-Michel Gonnot. Déjà ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Un groupe d'experts a été missionné. Nous leur avons demandé de rendre leurs conclusions au plus vite et je pourrai vous présenter les pistes de la nouvelle réglementation dans quelques jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Jean Le Garrec.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux (n°s 1058, 1333).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée après avoir entendu les orateurs inscrits sur l'article 37.

Article 37 (précédemment réservé)
(suite)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux libertés locales.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, c'est à la demande de mes collègues Hervé Gaymard et Jean-Paul Delevoye que je m'adresse aujourd'hui à vous afin d'apporter, avec grand plaisir, quelques réponses aux interrogations que vous avez exprimées sur l'impact, pour les territoires ruraux, de la réforme des finances locales que le Gouvernement a d'ores et déjà engagée avec la loi de finances pour 2004 et qu'il faudra poursuivre.

Je sais que vous avez déjà eu l'occasion d'aborder ces questions financières dans le cadre de vos débats sur le présent projet de loi. Celui-ci comprend un volet fiscal très significatif qui entend à la fois responsabiliser les collectivités territoriales et leur donner les moyens d'attirer ou de maintenir sur leur territoire les activités économiques nécessaires à leur développement.

Certains parmi vous se sont étonnés que les différentes exonérations fiscales proposées par ce texte, et sur la plupart desquelles vous vous êtes déjà prononcés, ne soient pas compensées par l'Etat mais dépendent d'une délibération des communes. A ce titre, elles restent en effet à leur charge.

Je souligne tout d'abord que ce choix est celui de la responsabilité, celui de la pleine maîtrise de leur fiscalité par les élus locaux.

Mais je sais bien que la plupart des communes concernées par ces mesures sont avant tout des communes rurales, souvent très défavorisées - Hervé Gaymard n'a pas manqué de me le rappeler à plusieurs reprises - et qui ne disposent que de peu de moyens. Qu'est-ce donc que la liberté quand on n'a pas les ressources nécessaires pour l'exercer ?

M. François Brottes. Je ne le vous fais pas dire !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Je n'ignore pas la différence entre libertés réelles et libertés formelles. J'ai lu mon Marx comme tout le monde. (Sourires.)

M. François Brottes. La lucidité vous honore. Mais apportez plutôt des réponses à nos interrogations !

M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité une relance très importante de la péréquation, dont bénéficieront au premier chef les territoires ruraux.

Il s'agit avant tout de rendre aux élus locaux la maîtrise de leur fiscalité.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Très bien !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Fallait-il encore multiplier, à l'occasion du texte que vous examinez, les exonérations obligatoires de taxe professionnelle ou de taxe sur le foncier ? Bien sûr, dans ce cas, comme c'est la loi qui les aurait imposées, l'Etat aurait dû les prendre à sa charge. Et une fois de plus, on aurait remplacé de la fiscalité locale par des dotations et l'Etat aurait décidé à la place des élus locaux ce qu'il faut faire avec la fiscalité locale. Regardons où nous a conduit cette politique.

Sous la précédente législature, plus de 15 milliards d'euros de fiscalité locale ont été supprimés et transformés en dotations : la part salariale de la taxe professionnelle, la vignette automobile, la part régionale de la taxe d'habitation, les droits de mutation à titre onéreux... Je ne dis pas que ces impôts n'étaient pas à moderniser. Mais le seul fait de les supprimer comme impôts locaux pour les remplacer par des dotations revenait à réduire la liberté des collectivités locales.

Et comme, dans le même temps, nous avons eu le problème des 35 heures, des emplois-jeunes ou encore de l'APA, on comprend que les collectivités locales se soient trouvées dans une situation de fiscalité extrêmement difficile qui a pu conduire dans certains cas à une augmentation des impôts locaux. Mais la décentralisation n'y est pour rien, je tiens à le répéter, puisque, à ce jour, aucun centime de charges n'a été transféré.

Aujourd'hui, près de 40 % de la fiscalité locale est pris en charge par l'Etat, à un titre ou à un autre. Fallait-il continuer et prévoir de nouvelles exonérations obligatoires ? Ce n'est pas le choix du Gouvernement.

Conformément à la Constitution, qui garantit dorénavant aux collectivités territoriales le respect de leur autonomie financière, nous avons au contraire décidé de faire confiance aux élus locaux. C'est pourquoi le Premier ministre a engagé la relance de la décentralisation avec le projet de loi relatif aux responsabilités locales que j'aurai l'honneur de vous présenter dans quelques semaines.

Mais comment faire quand on est une petite commune rurale, pauvre et sans ressources, pour mettre en œuvre ces nouvelles exonérations fiscales ? La réponse tient en un mot : péréquation.

Plutôt que décider à la place des élus locaux, le Gouvernement a souhaité leur donner les moyens financiers de se prononcer librement. C'est pourquoi il a accompagné la décentralisation d'une importante réforme de la DGF pour dégager les marges de manœuvre financières nécessaires à une véritable politique de péréquation.

Cette péréquation, qui était jusque-là, sur tous les bancs, un thème de discours, est aujourd'hui inscrite dans la Constitution. C'est une obligation pour l'Etat. Et c'est pourquoi, dès la loi de finances pour 2004, nous avons engagé une profonde réforme de la DGF.

En globalisant au sein de la DGF un ensemble de dotations disparates, nous avons à la fois simplifié les concours financiers de l'Etat, mais aussi, et surtout, dégagé les marges de manœuvre pour financer la péréquation. La DGF est passée de 19 milliards d'euros en 2003 à près de 37 milliards en 2004. Tout le monde peut comprendre qu'en jouant sur des masses aussi importantes, on peut plus aisément redéployer des crédits en faveur des collectivités territoriales les plus défavorisées.

Que n'ai-je pourtant entendu quand je présentais cette réforme : "mesure en trompe-l'œil", "poudre aux yeux", "artifices comptables"... Il est vrai que le rôle de l'opposition - et je l'ai tenu aussi -...

M. François Brottes. Avec talent !

M. le ministre délégué aux libertés locales. ...est d'être incrédule. Celui du Gouvernement est de l'accepter mais de donner des chiffres qui démontrent le bien-fondé de la réforme.

Le Comité des finances locales procédera à la répartition de la DGF mardi prochain, 3 février. Mes services ont envoyé aujourd'hui même à ses membres le dossier de séance. Vous comprendrez que, par convenance, je leur réserve la primeur des informations qu'il contient. Mais je souhaite vous livrer quelques chiffres.

Grâce à la réforme de l'architecture de la DGF que vous avez adoptée dans la loi de finances pour 2004, le Gouvernement proposera au comité des finances locales une hypothèse de répartition de la DGF dans laquelle, en dépit d'un taux de croissance très faible de cette dotation cette année, la DSU - la dotation de solidarité urbaine - et la DSR - la dotation de solidarité rurale - pourront progresser plus vite que l'inflation.

Bien sûr, il appartiendra au CFL de prendre sa décision et de fixer les taux d'évolution des différentes dotations. Mais je tiens à souligner l'importance de ces chiffres.

Alors que nous avons, cette année, une DGF qui progresse très faiblement, d'à peine 2 %, la réforme de la DGF que le Gouvernement a mise en œuvre pourrait permettre à la DSU et à la DSR, si le CFL le décidait, de connaître des taux de progression comparable à ceux de 2002, alors qu'à l'époque, le taux de la DGF était de 4 %, soit le double de celui de cette année. Voilà la réalité des chiffres.


Les départements ruraux éligibles à la DFM ne sont pas oubliés. Ils bénéficieront également d'une forte augmentation de leurs dotations. Selon les hypothèses qui seront présentées au CFL la semaine prochaine, la DFM pourrait ainsi voir son enveloppe augmenter de 10 à 25 %.

Les régions enfin, parents pauvres de la péréquation aujourd'hui, ont besoin d'un effort tout particulier pour rattraper le retard accumulé.

M. Jean Auclair. Très bien !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Là encore, le CFL pourra décider d'augmenter leur dotation de péréquation jusqu'à 40 %.

Le Gouvernement s'est donc donné les moyens d'une vraie politique de péréquation.

La relance de la péréquation sera poursuivie en 2005. La réforme intervenue en loi de finances initiales pour 2004 n'était qu'une première étape. Elle sera poursuivie par une réforme en profondeur de la DGF et surtout des critères de chacune des dotations de péréquation. Cela permettra notamment de mieux prendre en compte les spécificités du monde rural.

Le Comité des finances locales a constitué un groupe de travail qui a déjà tenu de nombreuses réunions depuis l'automne dernier. Je lui ai demandé de me faire des propositions de réforme pour la fin du premier trimestre. Au vu de son analyse, je vous présenterai, dans les mois à venir, un texte réformant et simplifiant en profondeur les dotations de péréquation.

Les problèmes sont aujourd'hui nombreux.

D'abord, les écarts de DGF par habitant entre communes de même taille sont parfois très prononcés.

M. Jean Lassalle. Eh oui !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Il s'agit souvent du fruit de l'histoire, la DGF ayant fossilisé, au fil du temps, des situations aujourd'hui dépassées. Différentes simulations sont étudiées par le CFL afin de réduire, le plus possible, ces écarts de situation entre communes comparables.

Un deuxième axe de la réflexion porte sur les critères des dotations de péréquation à proprement parler. Ces dotations sont aujourd'hui trop éparpillées et pas assez ciblées sur les communes ayant les difficultés les plus grandes. Je ne trouve pas normal, je le dis, que les trois quarts des communes de plus de 10 000 habitants bénéficient de la DSU ou que plus de 32 000 communes touchent la fraction, qualifiée improprement de péréquation, de la DSR. Quand tout le monde est éligible à une dotation, quand celle-ci est à ce point diluée, aspergée en pluie fine sur chacune des communes, c'est peut-être un moyen d'apaiser les antagonismes politiques mais ce n'est plus de la péréquation.

M. Patrick Ollier, président de la commission. C'est vrai.

M. Jean Auclair et M. Jean Lassalle. Très juste !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Un troisième problème concerne les critères de répartition. Le monde rural est confronté au danger de la désertification. Or, si les hommes partent, les charges d'entretien de l'espace et du territoire demeurent. Je pense donc, qu'à côté de critères comme la voirie, il faudra mieux prendre en compte, dans la répartition de certaines dotations, d'autres critères, comme la superficie, car cela répond à une vraie logique dans les territoires ruraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bien !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Voilà, très rapidement brossés, les grands axes du projet que je défendrai bientôt devant vous.

M. Jean Auclair. Voilà un vrai ministre !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Nous aurons l'occasion d'en rediscuter en détail. Ce projet est encore soumis à la concertation, mais il répondra à cet objectif que nous partageons, avec le ministre de l'agriculture, de donner à tous les territoires, et en particulier aux plus fragiles d'entre eux, les moyens de relever les défis de leur avenir, de leur développement et de leur liberté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Jean Auclair. C'est toute la différence entre la gauche et la droite !

M. le président. M. le ministre délégué aux libertés locales vient de donner une information. Je comprends que certains députés veuillent réagir, mais, avant de leur donner la parole, je voudrais rappeler qu'il nous reste 620 amendements à examiner. Considérant que la qualité du débat n'est pas contradictoire avec la maîtrise des temps d'intervention, je souhaite qu'on ne relance pas le débat. Sinon, nous ne parviendrons pas à achever l'examen de ce texte dans les temps.

Vous avez la parole, monsieur Brottes.

M. François Brottes. Merci, monsieur le président. Je vous promets d'être bref.

D'abord, je voudrais remercier le ministre délégué aux collectivités locales d'être venu nous parler de son texte. En effet, bien que ce projet de loi ne soit pas encore déposé, nous savons que certaines des dispositions que nous discutons aujourd'hui le concernent. Il était bon que des précisions nous soient apportées. Elles vont peut-être nous aider dans cet exercice quelque peu acrobatique.

Je voudrais aussi vous féliciter, monsieur le ministre, pour la cohérence de vos propos avec ceux tenus par les différents membres du Gouvernement. En effet, M. Delevoye nous avait dit exactement la même chose, en d'autres termes, il y a quelque temps. Il est rassurant de savoir que vos collègues veillent au grain, lorsque vous n'êtes pas là.

Je ne serai pas long, monsieur le président, mais je voudrais être sûr d'avoir bien compris.

A vous entendre, monsieur le ministre, le gouvernement précédent aurait été un vilain canard parce que s'il compensait bien les taxes qu'il supprimait, il privait en fait les collectivités de liberté. Et vous prétendez faire beaucoup mieux : en ne compensant rien, vous dites laisser la liberté aux collectivités de prendre ou non des initiatives. Ainsi, avez-vous indiqué, une commune pauvre qui n'a pas les moyens de pratiquer des dégrèvements fiscaux autorisés dorénavant par ce texte ne sera pas obligée de les pratiquer. En fait, elle pourra fort bien ne mettre en œuvre aucune des dispositions de ce projet de loi. Je tenais à le souligner parce que je ne suis pas certain que ce soit ce que les élus ont compris.

J'aurai simplement une question à vous poser, monsieur le ministre, en espérant que vous pourrez y répondre.

Vous nous avez annoncé toute une série de dispositions, avec une augmentation plus importante que l'inflation pour certaines, ou très forte pour d'autres, sans nous donner de chiffres précis. Vous préférez les réserver au Comité des finances locales plutôt qu'à la représentation nationale - cela peut se comprendre. Toutefois, M. le ministre de l'aménagement du territoire, M. Delevoye, et M. le ministre de l'agriculture, M. Gaymard, dont je salue la présence au banc du Gouvernement, ont indiqué que ce texte portait en lui-même 18 millions - ou peut-être 18,5 millions d'euros - de dispositions qui figureront dans le budget de l'Etat en faveur des territoires ruraux.

Ma question est la suivante : combien pèsent, en millions d'euros, toutes les mesures que vous destinez aux territoires ruraux ? Se rajoutent-elles aux 18 millions ou sont-elles comprises dans les 18 millions ? Combien représentent-elles en valeur absolue ? Vous pouvez certainement nous donner un chiffre, en plus des pourcentages ou des approximations que vous avez avancés. Il me semble important, pour la bonne tenue de nos débats, que vous nous indiquiez, puisqu'aujourd'hui vous jouez un peu le rôle du père Noël, le volume que représentent les bonnes surprises que vous réservez à ce texte.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux libertés locales.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Monsieur Brottes, il n'est absolument pas question pour moi de mépriser la représentation nationale. Simplement, puisque la loi prévoit que c'est le Comité des finances locales qui assure la répartition de la DGF, je ne peux pas m'exprimer à la place.

Par ailleurs, je précise, pour répondre à votre question, que les mesures dont j'ai parlé s'ajouteront aux 18,5 millions. Leur répartition dépend également du CFL, mais elles représenteront plus de 100 millions d'euros pour les départements et les communes rurales.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Ce débat est extrêmement important. Il aura permis d'apporter des réponses aux nombreuses interrogations provenant de tous les bancs de cette assemblée quant aux mesures que souhaitait prendre le Gouvernement en termes financiers et plus particulièrement pour la péréquation.

Tous, nous avons insisté sur la nécessaire cohérence de la politique du Gouvernement en la matière. Mais, contrairement à ce que j'ai entendu sur certains bancs, cette cohérence ne peut être mise en doute : l'ensemble des textes qui nous sont présentés ou qui le seront prochainement, je pense notamment à celui que M. Devedjian va bientôt défendre devant cette assemblée, visent bien les mêmes objectifs, dans le cadre d'une politique globale.

Je remercie d'ailleurs M. Gaymard et M. Delevoye de vous avoir demandé de venir. Il était en effet important, monsieur le ministre délégué aux libertés locales, que vous veniez apporter ces précisions, même si le débat d'aujourd'hui ne porte pas essentiellement sur ces points.

Maintenant, j'espère que nous ne serons pas dans l'obligation, grâce aux éclaircissements extrêmement importants et positifs que vous venez de donner, de répéter toujours les mêmes réponses aux questions bien souvent identiques qui nous sont posées, et que le débat va pouvoir se poursuivre d'une manière plus sereine pour avancer et soutenir la politique que le Gouvernement met en place notamment pour défendre les territoires ruraux.

M. Yves Coussain, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, et M. Francis Saint-Léger, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les dispositions relatives à la montage. Très bien !

M. le président. Nous en arrivons aux amendements à l'article 37.

Je suis saisi d'un amendement de suppression n° 489.

La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir cet amendement.

M. André Chassaigne. Pourquoi vouloir supprimer l'article 37 ? Serais-je opposé à toute idée de maison des services publics ? Pas du tout. D'ailleurs, dans ma propre commune a été mis en place depuis plusieurs années, de façon très innovante, un point public autour d'un centre de ressource en livres. Mais, précision importante, en aucun cas cette structure n'a accompagné une quelconque suppression de services publics.

Dans de nombreuses communes, des maisons de services publics ont pu s'installer, non pas pour pallier la suppression de services publics mais pour répondre à des besoins non satisfaits, et, d'ailleurs, leur mise en place a souvent fait preuve d'une très grande originalité.

Cette demande de suppression de l'article s'appuie sur deux arguments principaux.

D'abord, cet article élargit considérablement les missions des maisons de services publics en ouvrant la porte au privé.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Cela fait mal !

M. André Chassaigne. Progressivement, les entreprises privées risquent de prendre le dessus sur les services publics.

M. Jean Auclair. Il a compris !

M. André Chassaigne. Je comprends qu'une telle évolution soit du goût de certains esprits particulièrement libéraux. Nous sommes quant à nous attachés aux missions de service public. Nous considérons même que ces missions font partie des valeurs fondamentales de la République.

Ensuite, cet article anticipe la suppression de services publics. On fait aujourd'hui évoluer la loi pour que, demain, toute fermeture de bureaux de poste puisse trouver, en quelque sorte, une solution de remplacement. De manière quasiment médicale, en douceur, on essaie de sauver la situation en faisant assumer par les collectivités territoriales, sans contrepartie financière ou avec des contreparties qui ne sont absolument pas précisées dans le texte de loi, des responsabilités jusqu'alors assumées par d'autres.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 489.

M. Yves Coussain, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. La commission a bien entendu donné un avis défavorable à cet amendement. Nous attendons beaucoup des maisons de services au public où pourront être assurés des services relevant aussi bien de la sphère publique que de la sphère privée, des services de proximité. L'article 37 est un article capital de ce projet de loi. Il faut le maintenir.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, pour donner l'avis du Gouvernement.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je comprends le raisonnement de M. Chassaigne, mais, tout de même, je voudrais lui rappeler qu'il a soutenu un amendement qui autorisait des personnes privées à participer aux transports scolaires. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement de suppression de l'article.

M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. D'abord, j'aimerais revenir sur ce qui s'est passé hier soir. Je crois, mes chers collègues, que vous vous êtes cachés derrière votre petit doigt.

Vous avez cherché votre salut dans les études d'impact, les commissions de ceci, les cohérences de cela, l'intervention du conseil général - il ne manquait que l'évêché. Mais si vous tenez absolument à régler le problème des services publics dans vos circonscriptions, c'est simple, je vous donne trois pistes.

Premièrement, renoncez à vous débarrasser des fonctionnaires.

M. François Brottes. Très bien !

M. Henri Nayrou. Deuxièmement, essayez de convaincre l'Etat de maintenir les bureaux de poste dans les villages grâce au volet territorial des contrats de plan Etat-régions. Vous savez très bien que ce genre d'action doit être étudié à l'échelle d'une politique de développement.

M. Robert Lamy. Que ne l'avez-vous fait ?

M. Henri Nayrou. Troisièmement, votez les crédits suffisants pour remédier à la détresse des zones rurales.

Vous serez alors plus à l'aise dans vos circonscriptions et sans doute moins dans cet hémicycle vis-à-vis du Gouvernement qui cherche à vous imposer sa volonté et surtout de cette frange ultra-libérale dont les délires entraînent nos campagnes et nos montagnes vers la désertification.

J'en viens à l'amendement de M. Chassaigne.

Je n'arrive pas à savoir quelle est votre conception, monsieur le ministre, d'une maison des services publics.

Soit la maison des services publics est dans un lieu public, et je vois mal un commerçant tenir boutique en ces lieux, ou alors il faudra passer par une délégation de services publics ou bien par une location simplifiée comme les buvettes de piscines ou les kiosques de ville.


Monsieur le ministre, si la maison des services publics est dans un lieu privé, je ne comprends pas le sens de l'intitulé « maison des services publics » et je comprends encore moins cet article. Peut-être confondez-vous maison et services. Loin de moi l'idée de remettre en cause un service public qui peut être rendu par un privé, mais chez lui, et encore moins le cumul entre service public et service privé, c'est-à-dire emploi public et emploi privé. Je ne comprends pas le sens que vous donnez à la maison des services publics. C'est la raison pour laquelle nous voterons l'amendement de M. Chassaigne.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. J'ai relevé, dans la réponse du rapporteur, un glissement de vocabulaire. C'est un lapsus révélateur. En effet, M. Coussain a parlé non pas de maisons des services publics, mais de « maisons de services au public ». Ce glissement de services publics vers services « au public » montre bien quel est l'objectif recherché. M. Gaymard parlait d'une « boîte à outils » à propos de la loi. De cette boîte à outils, il a sorti non pas une truelle pour construire quelque chose de nouveau, mais une pioche pour démolir les services publics !

M. Yves Nicolin. Quelle caricature !

M. le président. La parole est à M. Jean Auclair.

M. Jean Auclair. Nous sommes là dans le droit-fil du débat que nous avons eu hier soir. Nos collègues de l'opposition n'ont pas encore compris le souhait de nos populations qui n'en ont rien à faire des services publics.

M. André Chassaigne. Ça alors, c'est le pompon !

M. Jean Auclair. Ce qu'elles veulent, c'est du service au public. Le problème, il est là. Aujourd'hui, grâce à ce texte, nous leur apportons ce service au public.

M. Henri Nayrou. Payé par qui ?

M. Jean Auclair. Hier soir, nous avons eu droit à de grandes déclarations, à des envolées lyriques comico-dramatiques, mais, messieurs de l'opposition, vous avez la mémoire courte ! Je me demande même parfois si vous n'êtes pas frappés de la maladie d'Alzheimer, car en adoptant la loi Voynet vous avez ouvert aux collectivités territoriales la possibilité de maintenir des bureaux de poste en milieu rural, mais sans prévoir pour cela la moindre compensation financière ! Et il en a été exactement de même lorsque vous avez voté l'APA : vous ne l'avez pas financée et c'est nous qui avons été obligés de le faire lorsque nous sommes arrivés au pouvoir. Vous faites en permanence de la politique à crédit.

M. Devedjian vient de faire des annonces. On a l'impression, parce qu'on est à la veille d'une campagne électorale, que ces annonces vous gênent. C'est pourtant la différence entre un gouvernement qui parle beaucoup, qui promet, et un gouvernement qui agit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous, nous sommes fiers d'avoir un gouvernement qui agit, qui apporte l'argent dont les petites communes rurales ont besoin. Avant de critiquer, vous feriez donc mieux de balayer devant votre porte ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Merci, monsieur Auclair, d'avoir éclairé le débat !

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je vais tenter d'apaiser le climat.

Monsieur Chassaigne, monsieur Nayrou, vous avez insisté sur le distinguo entre maisons des services publics et maisons de services au public. La réponse se trouve tout simplement dans le vote auquel vous avez procédé hier soir en adoptant l'amendement n° 238. Vous pouvez vous référer au Journal officiel. Vous étiez présent, monsieur Chassaigne, et je sais à quel point vous êtes attentif aux votes de l'Assemblée.

M. André Chassaigne. Cela n'a rien à voir !

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Ce qui est intéressant avec vous, c'est que vous donnez les réponses avant d'avoir entendu les questions !

L'amendement n° 238 de la commission visait à modifier l'intitulé du chapitre Ier pour qu'il devienne : « Dispositions relatives aux services au public ». Cet amendement a été adopté par l'Assemblée cette nuit.

M. André Chassaigne. Cela ne veut pas dire que tout le monde l'a voté ! C'est incroyable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 489.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 72 rectifié.

La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, pour le soutenir.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. A l'occasion du débat sur les maisons des services publics, je souhaite, à titre liminaire, vous dire que, s'agissant de questions de fond intéressant l'aménagement du territoire, l'aménagement de notre ruralité, nous nous exprimons avec nos tripes. Nous l'avons fait hier soir. Il ne faut y voir, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, dont je salue le travail, messieurs les rapporteurs, aucune malice, aucune volonté malveillante.

Comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de la discussion générale, ce texte a incontestablement créé une émulation. Je souhaite redire notre satisfaction que la ruralité soit prise en compte par ce gouvernement et surtout rappeler que je n'oublie pas l'indifférence dont elle a fait l'objet durant vingt ans de la part des différents gouvernements socialistes et communistes.

Je suis par ailleurs conscient, monsieur Gaymard, monsieur Delevoye, de la complexité de votre tâche sur une problématique aussi vaste. J'ai la parole libre et une certaine conviction dans mes idées. Cela dit, s'agissant des maisons des services publics, qui sont au cœur de notre problématique rurale, je souhaiterais, dans le cadre de cet amendement, une ouverture aux associations d'intérêt local.

J'ai d'ores et déjà mis en place, dans mon canton de Fournels, une maison des services publics grâce à une association qui gère un centre social rural, un office de tourisme, un centre de formation et un centre d'études rurales sur un canton de 1 300 habitants. Je souhaite en faire une maison ouverte à tous les partenaires comme l'ADIL, l'AFPA, l'ANPE, la CAF, le CRPF, les chambres consulaires, l'ONF, la direction du travail. Ainsi ces maisons seraient-elles de véritables relais de services au public. L'intérêt, chez nous, serait que la population n'aurait pas systématiquement à se déplacer jusqu'à Mende pour accomplir certaines formalités administratives ou pour obtenir une information sur un sujet bien précis. C'est d'autant plus intéressant que l'on sait le temps qu'il faut pour se déplacer sur nos routes de campagne. L'intérêt réside aussi dans le fait d'assurer à un canton rural la même égalité en matière d'information et d'accès aux services.

Je vous propose donc d'ouvrir les maisons des services publics aux associations d'intérêt local liées par convention d'objectifs aux collectivités territoriales.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Bien que d'accord sur le principe, la commission a repoussé cet amendement, car elle a estimé qu'il était satisfait par l'amendement n° 238.

En outre, monsieur Morel-A-L'Huissier, l'article 37 permet la participation des personnes privées aux maisons de services au public, ainsi que celle des associations, et il prévoit que des conventions permettront de régler les modalités financières de ces différents partenariats.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur Morel-A-L'Huissier, je sais avec quelle passion, quelle émotion, quelle conviction vous défendez la ruralité. On retrouve d'ailleurs tous ces sentiments dans cet amendement. Cela montre bien l'intérêt que vous portez à la maison de services au public. Avec la précision juridique qui caractérise votre grand professionnalisme, vous proposez une rédaction de l'article 37 qui, sur le fond, ne me gêne pas. Je souhaite néanmoins que vous retiriez cet amendement.

En effet, vous avez en fait posé une question précise : la maison de services au public pourra-t-elle être ouverte aux associations d'intérêt local ? Je vous réponds en creux : rien ne l'interdit et je crains qu'à vouloir être trop précis dans la rédaction, compte tenu des formidables disparités de situations, l'on risque paradoxalement d'occasionner des frustrations.

Ce qui me paraît important, c'est de donner aux élus locaux la possibilité, à partir d'un établissement, d'imaginer, d'innover, d'adapter l'offre de services aux besoins de leur population. Dans le fond, vous souhaitez de la souplesse, de la responsabilisation des acteurs et, surtout, éviter la contrainte a priori juridique qui, d'en haut, déterminerait la situation locale. C'est exactement l'objectif que nous poursuivons aussi. Nous souhaitons faire confiance aux élus locaux, leur permettre d'adapter l'offre de services publics à la réalité locale. C'est la raison pour laquelle je souscris à votre proposition sur le fond. Je réponds directement à la question que vous posez : rien n'interdit la présence des associations d'intérêt local, au contraire. Votre demande est tout à fait pertinente, mais elle est déjà satisfaite par les amendements adoptés et l'article 37.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Il ne faut pas chercher à améliorer un système pour lequel les collectivités locales n'ont pas de moyens. J'en ai entendu certains, tout à l'heure, glorifier la déclaration de M. Devedjian.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Oui !

M. Jean Auclair. Cela vous embête !

M. Augustin Bonrepaux. Ils ne l'ont sans doute pas bien étudiée. En effet, je remarque que M. Devedjian utilise toutes les procédures précédentes. Le transfert des charges de salaires sur la DGF, par exemple, était déjà prévu par le précédent gouvernement. Quant à la DSU et à la DSR, elles ont aussi été créées par de précédents gouvernements de gauche, de même que la DFM. Nous nous réjouissons que cette DFM, cette DSU et cette DSR soient maintenues, mais expliquer que la DGF est passée de 10 milliards d'euros à 37 millliards d'euros quand on ne fait que regrouper des crédits qui ont été institués par les gouvernements précédents, c'est un gros mensonge.

M. Yves Simon. Vous ne l'avez jamais fait !

M. Augustin Bonrepaux. Quant à la péréquation, nous avons constaté combien il était douloureux, pour certains d'entre vous, d'en faire. On nous dit que c'est le CFL qui va décider, mais beaucoup de départements et de communes ont les moyens, et je ne sais pas s'ils se satisferont d'une progression de 0,7 % ou de 0,8 % de la DGF. En effet, la déclaration de M. Devedjian ne faisait pas état d'un seul crédit supplémentaire.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Le débat est passé !

M. Augustin Bonrepaux. La répartition sera différente et il faudra bien que certains paient. Je voudrais donc dire à M. Devedjian - et je regrette qu'il ne soit plus là - que c'est de la poudre aux yeux.

Mais il y a quelque chose de beaucoup plus important qui concerne directement M. le ministre de l'aménagement du territoire. Je voudrais qu'il nous dise par quoi il va remplacer les crédits européens. On nous a confirmé ce matin, en commission des finances - beaucoup de représentants de la majorité le reconnaissent d'ailleurs -, que les crédits européens ont été utilisés à la place des crédits de l'Etat pour financer la politique de l'Etat.

M. Yves Simon. Mais que faisiez-vous à l'époque ?

M. Augustin Bonrepaux. Cela explique que, pour les années prochaines - et là nous sommes au cœur du problème -, il ne restera plus de moyens pour le développement local. Il va falloir sélectionner les projets, parce que l'on ne pourra plus en financer qu'un sur deux. Cela, monsieur le ministre, je ne suis pas le seul à le dire. Il y a quelques députés courageux dans la majorité, en particulier Michel Bouvard qui l'a dit hier soir.

Je me demande si nous pouvons continuer ce débat sans avoir de réponse précise sur les moyens réels qui vont être dévolus à la péréquation et sur ceux dont disposeront les collectivités locales pour assurer le développement local. Je ne cesse de le répéter : ce projet n'est pas un projet de développement ; c'est un projet de dépérissement !

M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez.


Mme Henriette Martinez
. Je voudrais, une fois de plus, défendre les maisons des services publics et rappeler leur utilité en milieu rural. Pour avoir créé, il y a plus de dix ans, ce qui allait devenir une maison des services publics, j'ai acquis une certaine expérience en la matière.

Quand j'ai fondé le premier « point rencontre emploi formation » dans ma commune, qui comptait alors 3 000 habitants, je voulais, pour répondre à un besoin, recentrer les services au public destinés aux demandeurs d'emploi. La loi Giraud de 1995 n'avait pas encore instauré les EREF. J'ai créé cet établissement avec les faibles moyens d'une petite commune, chef-lieu de canton. Puis, le dispositif EREF, en nous apportant des aides de l'Etat, nous a permis de nous conforter. Cet EREF est ensuite devenu intercommunal. Il vient de devenir une maison des services publics.

Sous des appellations successives, ce local a toujours permis de réunir des partenaires institutionnels et associatifs, des consulaires et des socioprofessionnels. J'ai voulu instituer d'entrée cette coordination très large, en partant du constat que, même s'ils ont une vocation sociale, les services pour l'emploi doivent avant tout apporter une aide active et dynamique. Si l'on reçoit des demandeurs d'emploi, il faut pouvoir accueillir aussi ceux qui proposent du travail, c'est-à-dire, en l'occurrence, des chefs d'entreprise et des agriculteurs.

Nous avons ainsi pris l'habitude de les réunir tous en un même lieu et nous sommes parvenus ainsi à instaurer un véritable partenariat, notamment avec les socioprofessionnels et les consulaires.

Cette maison des services publics dispose d'un emploi financé par la communauté de communes. Bien entendu, toutes les permanences tenues par les uns et les autres sont portées au crédit de la maison des services publics et ne coûtent rien à la collectivité. Les différents partenaires apportent donc réel un enrichissement. J'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas seulement d'acteurs de l'Etat. Une telle limitation serait réductrice et ne permettrait pas d'offrir le service que nous apportons.

Dans un chef-lieu qui compte 3 300 habitants, plus de 500 personnes franchissent le seuil de la maison des services publics. A présent, elles viennent aussi nous demander des formations professionnelles, notamment des formations à distance, puisque nous avons été dotés par l'Etat d'un système de visioconférence.

Nous allons encore nous agrandir. Grâce aux subventions que nous avons sollicitées, nous allons pouvoir acquérir un nouveau local. Nous l'aménagerons nous-mêmes, mais nous recevrons également une aide de l'Etat pour réaliser des investissements. Au total, le coût, pour la collectivité, de cette maison des services publics est très modeste, eu égard au bénéfice qu'elle apporte et à la qualité du lien social qu'elle crée autour d'un service dynamique pour l'emploi.

Je le répète : il est extrêmement important de ne pas limiter le service en faveur de l'emploi à l'action des agents de l'Etat. Il faut au contraire le dynamiser en créant des partenariats avec les socioprofessionnels, les consulaires, les associations et tous ceux qui peuvent contribuer à cette dynamique dont bénéficient les demandeurs d'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Simon. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Monsieur le ministre, j'ai pris note de votre réponse très technique et très concrète. Je retrouve le président de l'AMF, qui a tant fait pour la Lozère après la disparition de la PAT. C'est donc avec plaisir que je retire cet amendement.

Je profite de l'occasion pour dire à M. le ministre de l'agriculture, qui n'a pas pu assister à mon intervention, que je suis conscient de la qualité du travail qu'il accomplit en faveur de la ruralité, qui recouvre une réalité si complexe. Monsieur le ministre, je tenais à vous remercier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. L'amendement n° 72 rectifié est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 490.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Cet amendement s'inscrit dans la continuité de l'amendement précédent, qui était un amendement de suppression. Puisque ce dernier n'a pas été adopté, nous proposons un amendement qui propose d'apporter dans le texte davantage de protection et de garde-fous. A cet effet, nous suggérons la rédaction suivante : « Les charges générées par la présence d'opérateurs publics non communaux ou d'opérateurs privés dans les locaux de ces maisons de services publics sont assumées par ces seuls opérateurs. »

Bien entendu, il ne s'agit pas de faire payer tel ou tel chef d'entreprise qui se présenterait, dans le cadre du partenariat organisé pour la recherche d'emploi. Dans le cas où un chef d'entreprise se rendrait dans une mairie, par exemple, pour faire une offre d'emploi, le problème ne se poserait évidemment pas. Sur ce point, le texte actuel n'a pas à être modifié. Il ne faut pas détourner le sens de mon intervention de tout à l'heure.

En revanche, je voudrais citer, parce qu'il est révélateur, un courrier qui a été adressé à notre groupe par la Fédération nationale des syndicats d'agents généraux d'assurance. Chacun sait qu'actuellement, les assurances assument des missions qui excèdent largement celles qui leur sont traditionnellement dévolues au titre du service au public. Elles se tournent ainsi vers le placement financier ou la gestion des fonds de pension, afin de gagner en autonomie.

Or, pour nous témoigner de son intérêt à l'égard de la création de maisons de services au public, la Fédération nationale des syndicats des agents généraux d'assurance nous écrit ceci : « Les maisons de services au public devraient pouvoir réunir dans un même lieu des services publics et privés tels que La Poste, EDF et des professions libérales comme les agents généraux d'assurances. De tels locaux ou bureaux pourraient être mis à la disposition par les communes en partenariat avec les Conseils généraux ou régionaux qui pourraient participer au financement des frais communs de fonctionnement utiles. »

Une entreprise privée ou les représentants d'une profession libérale s'imaginent ainsi qu'ils utiliseront, sans rien débourser, la maison des services publics. Mais bien entendu, on solliciterait encore les collectivités territoriales, qui se verraient contraintes d'assumer la totalité des frais de fonctionnement !

A notre sens, si la loi autorise un partenariat avec des entreprises privées, il faut que chacun participe aux frais.

Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Défavorable. Il est prévu en effet que chacun participe aux frais de fonctionnement de ces maisons.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Même avis.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Si une telle disposition est prévue, pourquoi ne pas l'écrire noir sur blanc dans la loi ? Notre collègue André Chassaigne a souligné la nécessité de clarifier les choses : apparemment, pour un certain nombre d'entre nous, elles ne vont pas de soi.

Le point de vue de M. Chassaigne n'est pas différent de celui que soutenait si brillamment tout à l'heure Mme Martinez. La collectivité qui a lancé l'opération garde l'initiative et assure le pilotage des maisons des services publics. Pour autant, chacun des acteurs se retrouve « en responsabilité » - c'est décidément un terme qui s'impose, cet après-midi - pour assumer les charges qui lui incombent.

Mentionner cette précision dans la loi offrirait plus de garanties aux communes, en les préservant de tout débordement.

Je voudrais par ailleurs faire un commentaire sur les relations entre privé et public dans les maisons des services publics. Nous ne nous opposons pas, surtout quand il s'agit d'économie et d'emploi, à ce que des acteurs privés soient associés à ce projet. Mais si le pilotage doit être assumé par une personne du secteur privé, nous butons sur un problème d'éthique. C'est ce type d'« avancées » que nous contestons dans le texte.

M. le président. M. André Chassaigne demande la parole, mais je pense qu'il s'est déjà exprimé longuement...

M. André Chassaigne. Je viens de relire l'article 37 du projet de loi. Je voudrais juste préciser que le texte prévoit effectivement une convention. Mais qui dit convention ne dit pas nécessairement participation aux charges. Pourquoi ne pas ajouter clairement dans le texte une mention qui permettrait de lever certaines ambiguïtés ?

M. Patrick Ollier, président de la commission. Nous ne sommes pas d'accord !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 490.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. François Brottes. Monsieur le président, je souhaiterais demander au nom de mon groupe une suspension de séance. J'ai noté en effet que M. le ministre n'a toujours pas répondu à l'interrogation de notre collègue Bonrepaux sur le bon usage qui sera fait, à l'avenir, des fonds européens. Nous ignorons toujours quelle part sera réservée aux territoires ruraux.

Certes, nous comprenons que le Gouvernement nous présente ce texte de manière décousue, puisque plusieurs ministres sont concernés. Nous ignorions même que M. le ministre délégué aux libertés locales serait parmi nous cet après-midi et nous nous sommes réjouis de sa visite.

Mais des questions majeures restent en suspens, dont celle que je viens d'indiquer. Pour ne pas avoir à revenir en arrière, nous devons pouvoir examiner, article après article, la position que nous adopterons dans la suite du débat.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. M. Bonrepaux nous ayant interrogé sur les fonds européens, je lui répondrai en rappelant l'état dans lequel nous avons trouvé ceux-ci en 2002, avant d'évoquer la situation actuelle, les perspectives de négociation à l'échelle européenne et l'état de la consommation des crédits communautaires au niveau régional.

Lorsque nous sommes arrivés, en 2002, la règle du dégagement d'office s'appliquait, c'est-à-dire que les subventions destinées à la France dont la non-consommation était constatée remontaient à Bruxelles. Cette situation présentait un danger majeur, celui de voir la France perdre des fonds européens, puisque, au 31 décembre 2002, le taux de programmation s'élevait à 15 % au lieu des 30 % requis. Nous avons estimé que la faiblesse de ce taux était due à la lourdeur des procédures, beaucoup d'élus locaux renonçant pour cette raison à constituer des dossiers européens. Quant au taux de consommation, il était encore plus faible. Or, c'est celui-ci que contrôle la Cour européenne, qui constate, au 31 décembre de chaque année, l'état des factures payées.

Le Premier ministre a bien voulu suivre nos recommandations concernant l'assouplissement des procédures. Ainsi, le 31 juillet 2002, nous avons pris des mesures de déconcentration des crédits européens au niveau des préfets de région, quelques régions, dont l'Alsace, ont été désignées pour mener des expérimentations dans ce domaine et une ingénierie a été mise à la disposition des porteurs de projet. En quelques mois, le taux de programmation est passé de 15 % à 55 % et, pour l'année 2003, malgré quelques inquiétudes, aucune région ne subira de dégagements d'office. Nous nous en réjouissons, même si des efforts demeurent nécessaires en matière de consommation.

M. Bonrepaux déclare que l'Etat s'est servi des fonds européens au détriment des collectivités territoriales. Il faut savoir que c'est le comité de suivi régional qui reçoit les projets, dont beaucoup émanent des collectivités territoriales. J'ajoute que 45 % de la programmation reste disponible, même si 80 % des dossiers ont été déposés et doivent être traités par les services généraux pour les affaires régionales, les SGAR.

Nous avons pu obtenir de Mario Monti et de Michel Barnier la possibilité d'utiliser les fonds européens pour financer le développement des nouvelles technologies. Il s'agit d'une avancée considérable, qui permet de répondre à certaines préoccupations dans les territoires ruraux.

Par ailleurs, avant 1999, il existait deux zonages, correspondant aux objectifs 5 b et 2 et consacrés, pour le premier, à la reconversion industrielle et, pour le second, au développement rural. Dans un souci de simplification, le gouvernement précédent les a fusionnés en une seule enveloppe, permettant aux zones éligibles de déposer leurs dossiers, de recevoir l'avis du comité de suivi et de mobiliser les fonds européens afin de réaliser leurs projets. Ainsi, les possibilités de subvention ont été élargies. J'ajoute, sous le contrôle du ministre de l'agriculture, que la réforme de la politique agricole commune prévoit d'intégrer le développement rural dans le « deuxième pilier ».

Nous souhaitons accompagner, quand ils existent, les projets d'où qu'ils viennent, puisque, dans le cadre de la fusion des deux objectifs, sont éligibles des dossiers à caractère urbain ou rural, à condition, bien évidemment, qu'ils correspondent aux objectifs de reconversion industrielle ou de développement rural. Si un problème se pose, ce ne peut être qu'au niveau régional. Cela dit, je veux bien l'examiner, mais, a priori, les comités de suivi régionaux ne pratiquent aucune discrimination envers tel ou tel type de projet. En outre, certains des dossiers inclus dans la programmation n'aboutiront probablement pas et nous avons conforté les pouvoirs du comité de suivi en instituant une fongibilité qui permet de changer d'axe lorsqu'il y a sous-consommation dans un secteur et surconsommation dans l'autre.

Enfin - et c'est l'élément le plus important -, quel est l'avenir des fonds européens ? Je rappelle que, pour être éligibles aux aides communautaires, les régions doivent avoir un PIB inférieur à 75 % du PIB moyen européen. Or, l'adhésion de dix nouveaux Etats membres ayant pour conséquence de faire baisser le PIB moyen européen, l'ensemble du territoire métropolitain sortira des zonages communautaires.

Michel Barnier se rendra le 19 février prochain à Paris pour présenter ses orientations et, si la présidence irlandaise maintient la date de convocation, c'est le 27 février que nous confirmerons la position française sur l'avenir des fonds européens. Celle-ci a déjà été présentée à deux reprises, sous la présidence italienne et sous la présidence grecque. M. Barnier - qui n'agit pas en faveur de la France, puisqu'il est commissaire européen - déploie des efforts considérables pour que soit poursuivie la politique de cohésion territoriale européenne. A la différence d'un certain nombre de pays contributeurs - dont l'Allemagne, qui estime qu'il est inutile de passer par Bruxelles pour financer les länder de l'est -, d'autres, comme l'Espagne, souhaitent également que cette politique soit poursuivie. Actuellement, les Etats membres doivent se partager à peu près également sur ce sujet.

Depuis que le gouvernement français a pris les mesures nécessaires pour éviter que notre pays ne soit frappé de dégagements d'office, notre position est plus crédible. Je me souviens en effet que lors de la première réunion à laquelle j'ai participé, l'un de mes homologues m'avait interpellé pour me faire remarquer que je défendais la poursuite de la politique de cohésion territoriale alors que la France n'était pas capable de consommer les crédits européens. Grâce aux mesures de simplification et à l'émergence de nombreux projets territoriaux - dans certaines régions, ceux-ci sont d'ailleurs tellement nombreux qu'ils excèdent l'enveloppe allouée, mais cela prouve en tout cas leur dynamisme et l'efficacité des mesures que nous avons prises -, nous pouvons envisager la poursuite de cette politique européenne.

A cet égard, nous soutenons la démarche de Michel Barnier en privilégiant deux objectifs qui peuvent, du reste, intéresser le milieu rural. Il faut, premièrement, imaginer un phasing out de façon à éviter une rupture brutale aux zones éligibles qui se verraient frapper d'inéligibilité en 2007 et, deuxièmement, réfléchir à des politiques de cohésion et de convergence européenne, notamment entre des zones de faible densité démographique présentant une problématique identique, telles que les zones de montagne.

En résumé, nous constatons une consommation normale des fonds européens, grâce à l'émergence de nombreux projets. Ensuite, il revient au comité de suivi d'arbitrer, sans discrimination, mais selon les critères que le gouvernement précédent a fixés en 1999, entre le milieu rural et le milieu urbain. Enfin, nous devons soutenir, comme nous aurons l'occasion de le faire le 27 février prochain, la position du commissaire Barnier en faveur de la poursuite de la politique de cohésion territoriale européenne, qui a montré ses mérites et qui est particulièrement pertinente au moment où l'élargissement de l'Europe doit conforter la solidarité infra européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Il ne s'agit pas, ici, de la renégociation de 2006, mais de l'exécution des contrats en cours. Dans la région que je connais bien, Midi-Pyrénées - mais il me semble que Michel Bouvard a les mêmes inquiétudes pour la sienne -, il reste, pour finir le contrat de Plan, 63 millions sur les 339 millions qui étaient mobilisés. Si l'on nous accorde un reversement pour avoir été de bons élèves comme les autres, cette somme s'élèvera à 83 millions, mais je ne crois pas que cela suffise à financer tous les projets.

Or, ce ne sont pas les projets locaux qui ont consommé ces crédits, mais des projets contractualisés entre l'Etat, la région et le département qui correspondaient à des décisions prises par le Gouvernement. Je pense notamment au financement d'un projet concernant le « Grand Toulouse » ou Montauban.

M. le président. Monsieur Bonrepaux, ne vous répétez pas...

M. Augustin Bonrepaux. Je vous demande donc, monsieur le ministre, si, à compter de 2004, l'Etat rendra l'équivalent des sommes prélevées pour que les contrats puissent être menés à terme.

On nous dit que la DGF a progressé. Mais, monsieur l'ancien président de l'association des maires de France, vous connaissez bien le fonctionnement de la DGF, et vous savez qu'il y a une dotation forfaitaire dans le cadre de la péréquation. Je crois qu'il sera difficile de faire admettre à certains collègues qui, hier, s'insurgeaient déjà contre cela, que leur dotation ne progressera que de 0,8 %. Et je ne suis pas certain que, pour d'autres, avec l'augmentation annoncée par M. Devedjian, la progression totale de la DGF soit supérieure à l'inflation. Dans la mesure où ils perdront la bonification de la compensation de la taxe professionnelle, il faut bien reconnaître que cette réforme n'apporte rien...

M. le président. Monsieur Bonrepaux, vous vous éloignez un peu du sujet !

M. Augustin Bonrepaux. ...puisque l'Etat n'abonde pas la DGF.

Monsieur le président, puisque l'on fait dans cet hémicycle des annonces qui ne sont pas justifiées, il me semble normal d'y répondre.

M. Patrick Ollier, président de la commission. C'est vous qui le dites, qu'elles ne sont pas justifiées !

M. le président. Nous en venons maintenant aux amendements.

L'amendement n° 1294 n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 1267.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le soutenir.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous en revenons au débat sur les maisons de services publics. Il nous semble qu'il conviendrait d'insister sur le respect de la déontologie et de la confidentialité, principe qui doit aussi s'appliquer aux personnes rattachées à ces maisons de service public, sans relever du service public. Nous proposons donc un complément de rédaction insistant sur ce point.

Cette idée nous est venue à partir de l'expérience des points Poste. Les points Poste nous semblent constituer un outil intéressant dans le cadre du redéploiement de la poste moderne, mais il faut faire preuve de prudence dans leur mise en œuvre, et notamment veiller au respect des notions de déontologie et de confidentialité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Dans son souci d'examiner rapidement les amendements, la commission avait repoussé celui-ci. A la réflexion, il me semble que chacun ne peut que souhaiter le respect des règles de déontologie et de confidentialité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Avis favorable, pour la même raison.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Cet amendement apporte une précision utile. Mais doit-on comprendre, monsieur le ministre, que les commerçants chez qui les gens viendront retirer de l'argent sur leur livret de caisse d'épargne devront prêter serment ou être soumis à un agrément ? Même si la confidentialité est respectée, il faut reconnaître qu'aller trouver son boulanger pour retirer de l'argent sur son livret peut s'avérer embarrassant. Par ailleurs, les commerçants concernés auront à faire face à un problème de sécurité.

Qui dit déontologie dit charte, et qui dit charte dit agrément, ce qui signifie un engagement au-delà de l'aspect purement moral. Ou alors, on écrit des mots simplement pour se faire plaisir.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je reconnais bien là la vision des socialistes !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1267.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 70.

La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, pour le soutenir.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Il est retiré, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 70 est retiré.

Je mets aux voix l'article 37, modifié par l'amendement n° 1267.

(L'article 37, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 37

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1228.

La parole est à M. Jean Lassalle, pour le soutenir.

M. Jean Lassalle. Cet amendement, qui touche à la défense du service postal, est vaillamment défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Cet amendement a été repoussé par la commission, qui trouve qu'il y a déjà beaucoup de concertation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1228.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1347.

La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.

M. François Brottes. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1347.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 977.

La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.

M. François Brottes. Il s'agit d'une question très importante. J'entends déjà le rapporteur et le ministre nous répondre que l'on en débattra lorsque le texte sur la transposition de la directive postale nous reviendra du Sénat. Je n'y suis pas opposé et, si l'engagement est pris qu'un fonds de solidarité territoriale soit abondé par l'ensemble des opérateurs du secteur postal pour prendre en charge les coûts induits de la présence postale sur l'ensemble du territoire, je suis prêt à retirer cet amendement. La création d'un tel fonds introduirait une part de péréquation en matière de présence postale territoriale, ce qui est le souhait de chacun.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. L'avis du Gouvernement est également défavorable, mais je vais répondre à la question de M. Brottes en lui rappelant le contrat de performance et de convergence qui vient d'être signé entre la Poste et l'Etat.

Ce contrat a deux objectifs. Premièrement, pendant la durée du contrat, de conforter la contribution des pouvoirs publics aux efforts de La Poste en matière d'aménagement du territoire, ce qui prend actuellement la forme d'un abattement sur l'imposition aux taxes locales dont est redevable La Poste. Deuxièmement, et ceci répond directement à sa question, d'engager une réflexion, en liaison notamment avec la commission supérieure du service public des postes et télécommunications, sur l'évolution du dispositif, qui pourrait prendre la forme d'un fonds postal national de péréquation territoriale, alimenté par les abattements actuels. La réflexion prévue par le contrat sera menée à bien en concertation.

Il ne nous paraît pas opportun d'anticiper sur cette réflexion, ce que vous admettez vous-même, monsieur Brottes, puisque vous seriez disposé à retirer votre amendement, si l'assurance vous était donnée de la mise en place d'un fonds de solidarité.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le ministre, j'ai lu avec attention le contrat auquel vous faites allusion, et dont vous êtes, me semble-t-il, signataire. Alimenter le fonds en question par les abattements actuels revêt un caractère totalement virtuel, pardonnez-moi de vous le dire. Ces abattements sont pratiqués par les collectivités qui, effectivement, ne demandent pas de taxe professionnelle à La Poste. Mais aucune ligne budgétaire ne vient les couvrir.

Il faudra que vous nous expliquiez comment vous allez alimenter un fonds avec des crédits qui n'existent pas. En l'état actuel, dans la mesure où je considère que votre réponse sur ce point n'est pas convaincante, je ne retire pas l'amendement de M. Terrasse.

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Je connais dans mon canton un maire qui distribue le courrier deux fois par semaine, parce qu'il n'y a plus de facteur. J'ai entendu tout ce qui a été dit depuis le début de ce débat, mais je suis vraiment très méfiant vis-à-vis de cette évolution de La Poste, parce que je suis déjà confronté au problème au quotidien, et que je n'arrive pas à expliquer à mes concitoyens comment on va redresser la situation. C'est la raison pour laquelle je vais voter l'amendement que viens de défendre M. Brottes.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 977.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 492.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Cet amendement vise à garantir le caractère public des maisons de services publics. En effet, ces maisons, même en tenant compte de l'évolution de leurs missions, auront besoin d'un animateur. Nous proposons de garantir que celui-ci soit un salarié de collectivité territoriale.

Jusqu'à maintenant, qui animait les maisons de services publics ? Il s'agissait tantôt d'emplois jeunes, qui portaient, me semble-t-il, le nom de médiateurs en milieu rural, tantôt de contractuels. Dans la mesure où la loi va asseoir, sur votre proposition, les maisons de services publics, il faut aussi asseoir les emplois qui seront amenés à assurer cette fonction.

Nous proposons donc, afin de garantir le caractère public des maisons de service public, de créer, dans le cadre d'emploi d'adjoint administratif du statut de la fonction publique territoriale, une spécialité d'animateur de maison de services publics.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, puisque le principe même de ces maisons est d'associer les opérateurs privés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. On comprend bien ce que souhaite notre collègue Chassaigne. Mais faut-il encore ajouter des statuts et des spécialités de statut, mes chers collègues, alors qu'il y en a déjà tant ?

M. Jean Dionis du Séjour. C'est vrai !

M. Michel Bouvard. D'autant que nous avons adopté à l'unanimité une loi organique sur les lois de finances, recommandant de réfléchir plutôt par métier, s'agissant de l'organisation de la fonction publique, plutôt que par statut et sous-statut.

M. Jean Dionis du Séjour. Très juste !

M. Michel Bouvard. Au-delà de la question de savoir si le privé doit intervenir dans les maisons de services publics, je crois qu'il faut éviter d'introduire de nouvelles définitions de statuts. Nous en avons déjà trop, et cela entraîne un cloisonnement dont l'Etat souffre beaucoup.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Lorsque j'ai déposé un amendement concernant les agents de développement, plusieurs de nos collègues se sont exprimés pour dire que c'était un véritable problème.

M. Jean Dionis du Séjour. C'est vrai !

M. André Chassaigne. Dans les communautés de communes, les agents de développement ne peuvent obtenir un statut de la fonction publique territoriale, restent des agents contractuels, et les préfets rejettent les décisions des communautés de communes.

On aura exactement le même problème avec les animateurs des maisons de services publics. Vous allez mettre en place une nouvelle précarité.

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Mais non !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. J'avais apporté mon soutien à notre collègue Chassaigne sur les chefs de projet de développement en milieu local, parce que cette fonction de chef de projet de développement constituait une vraie spécificité, qui manquait dans la fonction territoriale. A l'institut de développement local d'Agen, on touche du doigt ce point-là.

Les maisons de services publics, ce n'est pas le même débat, et je trouve que ce qu'a dit Michel Bouvard est frappé au coin du bon sens. On ne va pas rigidifier la fonction d'animateur dans un statut. Il faut, au contraire, y voir un métier, celui consistant à faire tourner une maison de services publics, à attribuer des locaux, à faire en sorte que cela marche. C'est quelque chose de très pratique, c'est un métier, et pas un statut. On ne va pas recréer et développer à l'infini la fonction publique territoriale en fonction de chaque métier.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 492.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Avant l'article 62

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur pour les dispositions relatives à la montagne, mesdames, messieurs, nous abordons, à présent, les dispositions concernant l'aménagement et le développement de la montagne. Ce sujet, vous le savez, a été au cœur de la loi urbanisme et habitat que Gilles de Robien a défendue, il y a six mois. Je voudrais donc, en son nom et avant que ne s'engage l'examen des articles de ce volet montagne, vous faire part de quelques observations.

La loi urbanisme et habitat a été considérablement enrichie par la représentation nationale grâce notamment au travail de la commission des affaires économiques et singulièrement de son président. Ce texte a confirmé les grands objectifs de la loi montagne : concilier développement et protection tout en apportant des réponses concrètes aux vrais problèmes qui se posent dans nos territoires de montagne.

Il en est ainsi, par exemple, de la question des chalets d'alpage et de leur usage saisonnier. Il en est ainsi également de la question des ruines, qui suscitait des débats infinis. Il en est ainsi surtout de la question de l'urbanisation en continuité de l'existant, sur laquelle je souhaiterais m'attarder quelques instants.

Nous sommes tous, je crois, attachés à éviter un mitage non contrôlé de l'espace montagnard. Mais il est incontestable que cette règle nécessaire a abouti, dans certains cas, à des absurdités. La loi urbanisme et habitat a donc apporté trois possibilités nouvelles.

Premièrement, pour éviter que des règles conçues pour protéger la montagne contre une pression touristique parfois forte ne tournent à l'absurde, les communes de secteurs qui voient leur population diminuer pourront désormais, comme les communes de plaine, autoriser des constructions isolées même en l'absence de document d'urbanisme.

Deuxièmement, la notion de hameau, que les tribunaux avaient interprétée de manière plus restrictive que l'intention du législateur, a été étendue « aux groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations » et, surtout, la responsabilité de leur délimitation repose désormais plus clairement sur les élus.

Troisièmement, la loi a ouvert aux élus une possibilité générale d'organiser un développement de qualité en s'affranchissant de cette règle de continuité avec pour seule contrainte de réaliser au préalable une étude détaillée sur les milieux naturels, les paysages, etc. L'esprit de cette mesure est simple : une démarche de qualité doit donner plus de liberté. Plus de qualité, plus de liberté : voilà une bonne règle de gestion des affaires publiques.

Pour que cette loi ne reste pas lettre morte, mon collègue Gilles de Robien a adressé à tous les maires une brochure qui présente de façon pédagogique ces évolutions dans le cadre de ce qu'il a appelé le « service après-vote » de la loi. Nous devons désormais, et avant tout, mettre en œuvre de façon complète et efficace ce texte.

Le Gouvernement, s'il ne souhaite pas rouvrir un débat général sur l'urbanisme en zone de montagne qui a eu lieu il y a six mois, n'est pas hostile à l'idée que des problèmes qui n'auraient pas trouvé leur solution dans ce texte puissent être aujourd'hui corrigés.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bien !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Je pense en particulier aux unités touristiques nouvelles, qui figurent dans le texte du Gouvernement, à la question des lacs de montagne pour lesquels, je l'admets, la règle mérite d'être adaptée car elle conduit parfois à de situations ubuesques comme celle du lac de Montbel. Je suis également conscient que Patrick Ollier et Henriette Martinez posent une vraie question sur les entrées de ville et l'obligation faite d'effectuer une étude paysagère avant d'autoriser des constructions dans cette zone.

Au cours de cette lecture ou des suivantes, et sans bouleverser à nouveau le droit de l'urbanisme six mois après une évolution législative considérable car nous avons besoin de stabilité en la matière, le Gouvernement souhaite donc répondre avec vous à ces problèmes concrets de façon aussi respectueuse que possible des principes de développement durable qui doivent guider notre action.

Voilà, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, les quelques observations liminaires que je voulais faire avant d'engager la discussion sur le volet montagne du projet de loi.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je veux indiquer à l'Assemblée quelle a été la stratégie des rapporteurs et de l'ensemble de la commission s'agissant de ces dispositions relatives à la montagne.

Dès les premiers contacts avec vos services sur ce texte, monsieur le ministre, la commission a manifesté la volonté d'approcher d'un peu plus près les problèmes de la montagne. Vous avez accepté cette demande, ce dont je vous remercie, et vous avez ainsi créé un volet montagne dans le projet. Dans ce contexte, la commission a mis en place une mission d'information destinée à faire des propositions tendant à compléter la loi montagne de 1985.

C'est ainsi que cette mission d'information, présidée par M. Brottes et dont M. Coussain a été le rapporteur - cela permettait une articulation entre les différents volets du texte -, a présenté un nombre important de dispositions en complément de celles que vous aviez initialement prévues.

Je tenais à apporter ces précisions à l'Assemblée afin que chacun sache que ce volet montagne n'est pas le fruit du hasard. Il est le résultat d'un travail de coopération extrêmement constructif avec vos services. Même si tout ce que nous avons proposé n'a pas pu être pris en compte - et on peut le comprendre -, les mesures que vous venez de présenter, monsieur le ministre, montrent les efforts consentis par le Gouvernement pour répondre favorablement aux problèmes de nos zones de montagne.

J'en suis personnellement heureux car pendant de très nombreuses années - et je continue d'ailleurs - je me suis battu, comme un très grand nombre d'entre vous sur tous ces bancs, pour faire en sorte que ces territoires en situation difficile et souvent en voie de dévitalisation et de désertification soient mieux soutenus au motif que l'égalité des chances passe par l'inégalité des traitements.

Nous pouvons donc rendre hommage au Gouvernement pour les efforts consentis en faveur de ce volet montagne qui va incontestablement constituer une étape très positive dans l'approche de ces problèmes. Je tiens publiquement à vous en remercier, monsieur le ministre car, même si nous ne sommes pas d'accord sur tout - et il y aura débat sur ces points -, l'objectivité et le sens de l'écoute dont vous avez fait preuve sont tout à votre honneur. Votre majorité vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Je tiens tout d'abord à souligner que le fait que M. Gaymard soit un élu de la montagne a sans doute grandement pesé dans la décision de prévoir un volet montagne dans ce projet.

Je veux aussi rendre hommage à Patrick Ollier, que je fréquente depuis très longtemps. Nul ne peut nier ici qu'il a beaucoup fait pour les zones de montagne, avant même 1995. Il a été le pionnier d'une véritable politique en la matière.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Merci.

M. Jean Lassalle. Je tiens également à rendre hommage à ceux qui l'ont accompagné et que je connais : Michel Bouvard, Augustin Bonrepaux, François Brottes, pour ne citer qu'eux. Et je n'oublie pas ceux qui sont en train de « monter ». Ce sont autant d'hommes et de femmes formidables.

Cela étant, quatre articles seulement de ce texte sont consacrés à la montagne. C'est peu au regard des soixante-treize articles de la proposition de loi déposée par les députés et sénateurs dans des termes identiques et dont nous sommes ici tous des signataires.

M. le président. Monsieur Lassalle, cette intervention me semble relever plus de la discussion sur l'article 62. Je vous invite donc à reprendre la parole lorsque nous aborderons son examen.

M. Jean Lassalle. D'accord, monsieur le président.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 337.

La parole et à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, pour les dispositions relatives à la montagne.

M. Francis Saint-Léger, rapporteur de la commission des affaires économiques pour les dispositions relatives à la montagne. Cet amendement est présenté conjointement avec M. Lassalle. Le projet de loi ne comporte que quatre articles sur la montagne. Mais en raison des nombreuses mesures que nous avons adoptées en commission et qui vont maintenant venir en discussion, la commission a jugé opportun d'organiser ces articles additionnels en chapitres bien définis, dont le premier est introduit par cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 337.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité. Cela commence bien ! (Sourires.)

Je suis saisi de deux amendements, n°s 1123 et 1324, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir l'amendement n° 1123.

M. Michel Bouvard. Il s'agit de préciser qu'au-delà d'une simple reconnaissance, la spécificité de la montagne doit être prise en compte dans la mise en œuvre des politiques de développement agricole et forestier, et que, par exemple dans les PDRN, on distingue une politique spécifique à ces territoires.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l'amendement n° 1324.

M. François Brottes. Notre amendement n° 1324 est complémentaire de celui de M. Bouvard. La sylviculture comme l'agriculture doivent être confortées en montagne car la forêt avance : il faut pouvoir l'exploiter. Or ce n'est pas le cas. Cela peut paraître étrange à nos collègues, mais la pente, l'enclavement des parcelles entravent l'exploitation. Le débardage est même parfois impossible. Le dispositif « compétitivité plus » méritait d'être prolongé. J'imagine que M. le ministre va nous répondre sur ce point.

Cet amendement conforte la reconnaissance dans la loi du rôle de l'agriculture de montagne. Certes, ses handicaps naturels sont admis - encore que nous ne trouvions pas très opportun le mot « handicap ». Mais, les saisons étant ce qu'elles sont en montagne, il faut renforcer encore ce rôle gestionnaire. Le découplage des aides aujourd'hui, avec la PAC réformée, invite la puissance publique à marquer plus fortement encore son soutien.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?


M. Francis Saint-Léger
, rapporteur pour les dispositions relatives à la montagne. L'amendement de M. Bouvard précise que la forêt est reconnue en tant qu'activité de base de la vie montagnarde. Sans nier la part prépondérante qu'elle peut y prendre, la diversité des massifs forestiers, en ce qui concerne tant les essences que les caractéristiques d'exploitation, est telle qu'il est difficile d'énoncer une mesure de portée générale. Par ailleurs, la mise en valeur et la protection des forêts sont reconnues d'intérêt général par le code forestier. La commission a donc estimé qu'il n'était pas utile de le répéter dans le code rural.

Quant au but de l'amendement n° 1324, qui vise à rappeler l'importance de l'agriculture de montagne, on ne peut qu'y souscrire, mais la formulation nous a semblé soulever quelques problèmes, en particulier quant à la signification exacte de l'expression « gestionnaire central de l'espace montagnard ».

Telles sont les raisons qui ont conduit la commission à rejeter les deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Les deux amendements participent du même esprit mais diffèrent dans leur conception.

L'amendement n° 1123 de Michel Bouvard prévoit de rajouter la forêt de montagne à la section 1 du chapitre III du code rural consacrée à l'agriculture de montagne. La mise en valeur et la protection des forêts, dont les forêts de montagne, sont reconnues d'intérêt général à l'article L. 1 du code forestier puisqu'il indique que la mise en œuvre de la politique forestière peut être adaptée au niveau régional ou local et qu' « elle tient compte des spécificités et contraintes naturelles d'exploitation des forêts montagnardes, méditerranéennes et tropicales et des forêts soumises à une forte fréquentation du public ».

Il ne paraît donc pas souhaitable de réintroduire la forêt dans l'article L. 113-1 du code rural consacré à l'agriculture de montagne dans la mesure où ces préoccupations, tout à fait légitimes au demeurant, figurent déjà dans le code forestier. Sur le fond, nous sommes d'accord mais, sur la forme, l'amendement créerait une redondance. C'est ce qui explique l'avis défavorable du Gouvernement.

S'agissant de l'amendement n° 1324, je rappelle qu'il existe des contrats d'agriculture durable qui portent sur la contribution de l'activité de l'exploitation à la préservation des ressources naturelles, à l'occupation et à l'aménagement de l'espace rural. Les territoires éligibles sont définis localement en fonction d'enjeux tels que l'entretien des paysages, la prévention des risques naturels, la prise en compte de la biodiversité. Par ailleurs, des financements sont mobilisables pour des investissements qui ne pourraient pas bénéficier d'autres aides dans un cadre national, notamment, en zone de montagne, les aides à la mécanisation ou aux bâtiments d'élevage. Le niveau de soutien des mesures agro-environnementales, qui sont cofinancées par l'Union européenne, dépend des surcoûts et des manques à gagner liés à la mise en place de pratiques permettant de respecter un cahier des charges et il est formalisé dans les synthèses régionales agro-environnementales qui font partie intégrante du PDRN. Lorsque les actions sont conçues spécifiquement pour des zones données, les niveaux de soutien tiennent compte des contraintes particulières, par exemple lorsqu'il s'agit de mesures de maintien des espaces ouverts ou de la gestion de milieux remarquables du point de vue de la biodiversité.

Enfin, d'autres dispositifs existent, je pense notamment aux ICHN - indemnités compensatoires de handicaps naturels - qui permettent de compenser les handicaps liés à l'exploitation des zones défavorisées.

Pour être concret, je citerai trois chiffres à propos des ICHN : les enveloppes en 2002 étaient de 400 millions d'euros ; en 2003, de 440 millions et, en 2004, elles atteindront 470 millions. Une progression aussi forte en deux ans traduit bien la priorité accordée à l'agriculture de montagne dans la politique du Gouvernement. J'ajoute que la prime herbagère agro-environnementale qui est très utilisée en zone de montagne, même si elle ne lui est pas réservée, a augmenté, quant à elle, de 70 % l'année dernière.

Si cet amendement était adopté, les soutiens d'ordre général accordés dans ce cadre risqueraient d'être redondants avec les dispositifs spécifiques existants.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement n'est pas non plus favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. J'ai bien compris que M. le ministre m'invitait à retirer mon amendement dont il considère qu'il serait redondant avec les dispositions du code forestier. Etant partisan de la simplification législative, je serais enclin à lui donner satisfaction, non sans avoir obtenu au préalable quelques garanties.

En effet, depuis la fin du programme « compétitivité plus », qu'a cité François Brottes, il nous a été difficile de mettre en œuvre les nouveaux dispositifs spécifiques d'accompagnement en faveur de l'exploitation en forêt de montagne. C'est ainsi que les DOCUP - documents uniques de programmation - d'objectif 2 n'ont pas permis que soient poursuivies des actions qui avaient été entreprises dans le cadre de l'objectif 5b. Aussi la mise en œuvre du PDRN laisse-t-elle à désirer sur ce point.

Au-delà du CIADT du 3 septembre 2003, il faudrait avoir l'assurance qu'une politique spécifique et adaptée sera décidée en faveur de l'exploitation de la forêt de montagne au moment où elle subit non seulement une baisse des prix, monsieur le ministre, mais aussi la concurrence d'aides consenties à leurs exploitants par certains de nos voisins qui se trouvent en dehors de la Communauté européenne et ne supportent pas les mêmes contraintes, le PDRN notamment - je pense à la Suisse. Plusieurs de vos collaborateurs ici présents savent bien que les ventes de bois dans le département de la Savoie, que vous connaissez mieux que personne, se sont déroulées cette année dans de mauvaises conditions, concernant les coupes des communes, parce que les bois suisses, qui sont aidés, ont bénéficié de tarifs plus attractifs.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Deux remarques.

D'abord à propos de l'amendement n° 1123. Je connais bien l'article L. 1 du code forestier et, s'il fait référence à la montagne, je crois pouvoir en assumer la paternité. Cela étant, cela n'a pas suffi, monsieur le rapporteur, pour que votre prédécesseur, M. Chazal, fasse adopter un amendement exonérant certaines plantations forestières en montagne pour des motifs pourtant tout à fait recevables. Je crois d'ailleurs me souvenir que vous êtes vous-même très attaché aux dispositions particulières en faveur de la forêt de montagne. Tant qu'on ne prévoit pas expressément de pouvoir prendre des mesures exceptionnelles, comme le propose M. Bouvard, il est très difficile ensuite d'intervenir, au plan fiscal surtout. J'appelle votre attention sur ce point.

Quant à l'amendement n° 1324, monsieur le ministre, je prends acte de l'évolution des crédits de l'ICHN, mais le ministre de l'agriculture ne pourrait qu'être satisfait d'avoir la possibilité de s'appuyer sur une disposition législative lorsqu'il négocie avec Bercy. Inscrire clairement dans la loi que le rôle de l'agriculture de montagne est tellement indispensable qu'il faut lui reconnaître une spécificité - c'est d'autant plus nécessaire qu'elle est le fait de petits exploitants qui « rament » plus que d'autres et qu'il faut en outre entretenir l'espace - c'est permettre au ministre de l'agriculture, quel qu'il soit, d'obtenir des arbitrages plus favorables. Voilà pourquoi je maintiens mon amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Deux observations, monsieur le président.

Premièrement, en réponse aux deux interventions, en particulier à celle de M. Brottes qui vient de dire qu'en montagne, il y avait de la pente. Je le lui concède. (Sourires.) On sait bien que l'exploitation des bois de montagne est très compliquée. Les outils économiques doivent servir à reconnaître ce caractère particulier et il faut, si j'ose dire, que « compétitivité plus » fasse des petits et ait une postérité au niveau tant communautaire que national. Nous travaillons sur ces dossiers.

J'aurai l'occasion le 11 février prochain de m'exprimer devant le Conseil supérieur du bois et de l'économie forestière et j'annoncerai les orientations concernant l'ensemble de la politique forestière française, y compris en montagne. C'est un domaine, monsieur Bouvard, dans lequel nous voulons inscrire l'action publique dans la durée.

Je fais le même constat que vous à propos du bois suisse. Mais en Suisse, il n'y a ni Union européenne, ni PDRN. Le contexte législatif et réglementaire est radicalement différent.

M. Michel Bouvard. Que faire alors ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Il faut d'abord obtenir au niveau de l'Union européenne que soient prises des mesures pour favoriser l'exploitation de nos forêts de montagne et, ensuite, sur le plan national, faire le maximum, ce à quoi je m'engage bien volontiers.

Deuxièmement, je remercie François Brottes pour sa sollicitude et son empressement à me venir en aide pour les arbitrages budgétaires. Mon expérience personnelle en la matière me fait dire qu'on en appelle rarement aux intentions affichées dans les dispositions législatives. Tout ministre, et vous le savez bien, doit résoudre la même équation. A l'issue de combats en général douteux et confus, il se voit, au terme de la première phase, affecter un plafond. A lui ensuite, et à lui seul, de décider, en fonction des priorités politiques qui sont les siennes, de mettre l'accent sur tel ou tel aspect.

Depuis deux ans, je me suis efforcé, sans pour autant négliger les autres parties du territoire national car je suis le ministre de toutes les agricultures françaises, d'accorder dans le cadre de mes arbitrages politiques et en-dessous de mon plafond budgétaire, des moyens supplémentaires à la montagne parce qu'elle en a besoin.

On ne suit pas une démarche pointilliste, sujet par sujet. Une fois rendu l'arbitrage global, le ministre prend ses responsabilités. C'est ce que j'ai essayé de faire depuis deux ans en faveur de la montagne, malgré le contexte budgétaire tendu que vous connaissez.

M. le président. Monsieur Bouvard, retirez-vous votre amendement ?

M. Michel Bouvard. Oui, monsieur le président, d'autant que sa rédaction est imparfaite. Je pourrai y retravailler d'ici à la deuxième lecture.

M. le président. L'amendement n° 1123 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 1324.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, n°s 1051, 774, 1143 et 1321, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n°s 774 et 1143 sont identiques.

La parole est à M. Jean Lassalle, pour défendre l'amendement n° 1051.

M. Jean Lassalle. Cet amendement est défendu.

M. le président. L'amendement n° 774 est-il défendu ?

M. Michel Bouvard. Oui, monsieur le président, de même que l'amendement n° 1143.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Bouvard.


M. Michel Bouvard
. Ces amendements visent simplement à clarifier, au bénéfice du consommateur, la lisibilité des appellations d'origine contrôlée, en évitant la superposition de deux mentions sur un même produit, d'autant plus que certaines AOC ne recoupent pas totalement le territoire « montagne ». L'appellation AOC étant une appellation très forte dans l'esprit du consommateur, tout complément, me semble-t-il, est inutile.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l'amendement n° 1321.

M. François Brottes. Bien que sa rédaction soit différente des deux précédents, cet amendement vise le même objectif. Les productions montagnardes ne doivent pas être spoliées : aussi serait-il dommage que l'on affecte le terme « montagne » à des productions qui ne sont pas totalement produites et transformées en montagne. Le même esprit animant mon amendement, je suis éventuellement prêt à me rallier à l'amendement n° 1143.

M. le président. M. Michel Bouvard et vous partagez la même préoccupation.

M. François Brottes. Effectivement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 1321 pourrait être retiré si M. Michel Bouvard acceptait que M. Brottes soit cosignataire de l'amendement n° 1143.

M. Michel Bouvard. Bien volontiers, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Francis Saint-Léger, rapporteur pour les dispositions relatives à la montagne. Défavorable. En effet, si la commission a estimé que la question de la valorisation des produits de montagne était capitale, elle a jugé en revanche que ces amendements relevaient manifestement du domaine réglementaire.

Par ailleurs, ces amendements sont, semble-t-il, satisfaits par une circulaire d'application qui précise que la dénomination « montagne » ne peut s'apposer sur les produits AOC, ce qui est logique, puisque cela créerait pour certains produits une juxtaposition incompatible des territoires AOC et « montagne ».

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Défavorable, monsieur le président. Ces propositions sont motivées par le fait que certaines zones d'appellation d'origine contrôlée recouvrent des territoires situés à l'intérieur et à l'extérieur des zones de montagne. La juxtaposition de l'AOC et de la provenance « montagne » conduirait dans ces cas-là à une segmentation préjudiciable à la cohésion de l'AOC et à sa valorisation.

Toutefois, le libellé de ces amendements reviendrait à interdire la dénomination « montagne » sur toute AOC, même sur celles dont la zone de reconnaissance est située en totalité en zone de montagne, alors que certaines AOC peuvent être intéressées. L'AOC étant une démarche collective, la décision d'une segmentation de marché me paraît devoir relever du syndicat de défense de l'AOC.

Par ailleurs, comme l'a fort justement remarqué votre rapporteur, ces questions relèvent d'une réglementation communautaire. Un nouveau règlement technique a vu récemment le jour. Le ministère de l'agriculture a publié au mois d'octobre 2003 une circulaire qui donne, je pense, satisfaction aux auteurs des amendements. J'ai demandé aux préfets de faire remonter le plus rapidement possible les délimitations AOC-montagne, afin de bien clarifier la question.

Tels sont les éléments que je souhaitais livrer à l'Assemblée.

Le Gouvernement n'est donc pas favorable à ces amendements, non pour une question de fond - il partage les mêmes préoccupations que vous, messieurs les députés - mais parce qu'il lui semble que, sauf erreur, la circulaire du mois d'octobre y répond.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Une circulaire, monsieur le ministre, n'a malheureusement pas force de loi. Chacun, ici, le sait. Nous préférons nous référer à la loi plutôt qu'à des circulaires.

Monsieur le président, j'ai entendu l'argumentation de M. le ministre. J'ai cru comprendre qu'il était plus favorable à la rédaction de l'amendement que j'ai déposé qu'à celle de l'amendement de M. Bouvard. J'avais en effet repéré le risque d'exclure du dispositif des AOC à 100 % montagnardes. Dans ces conditions, je serais favorable à ce que ce soit M. Michel Bouvard, s'il le souhaite, qui cosigne mon amendement, si celui-ci convient mieux au Gouvernement.

M. Michel Bouvard. Soit, et je retire les amendements n°s 774 et 1143.

M. le président. Les amendements identiques n°s 774 et 1143 sont retirés.

Cela change-t-il l'avis de la commission et du Gouvernement ? (M. le ministre et M. le rapporteur font un signe de dénégation).

Je mets aux voix l'amendement n° 1051.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1321.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, n°s 1062, 1105 corrigé et 1130 corrigé, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 1105 corrigé et 1130 corrigé sont identiques.

La parole est à M. Jean Lassalle, pour défendre l'amendement n° 1062.

M. Jean Lassalle. Cet amendement est défendu.

M. le président. L'amendement n° 1105 corrigé est-il également défendu ?

M. Michel Bouvard. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir l'amendement n° 1130 corrigé.

M. Michel Bouvard. Ces amendements visent toujours à préciser les conditions permettant l'obtention de l'appellation « montagne ». Il nous apparaît que les dispositions actuellement en vigueur ne sont pas encore suffisamment précises.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Francis Saint-Léger, rapporteur pour les dispositions relatives à la montagne. Défavorable, monsieur le président.

Non que la commission n'ait pas été sensible à la volonté dont témoignent ces amendements de valoriser l'appellation « montagne », mais cette préoccupation relève du domaine réglementaire. En outre, de telles dispositions seront prises prochainement en faveur du lait, des porcs et des bovins. Restera à régler la question du miel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Défavorable.

Je souhaiterais, monsieur le président, préciser la position du Gouvernement sur des sujets qui recouvrent d'importantes implications juridiques.

Restreindre la dénomination « montagne » aux seuls produits sous signe de qualité ou bénéficiant d'une AOC ou d'une IGP conduirait à amoindrir les effets bénéfiques du dispositif « montagne », lequel permet à des territoires de montagne de valoriser leurs productions, compensant ainsi les handicaps naturels liés au climat et au relief de ces zones. En effet, l'obligation de détention d'un label ou d'une CCP écarterait nombre de productions d'une part et renchérirait leur prix de revient d'autre part en raison des coûts liés à la certification par un organisme tiers.

La démarcation par la qualité des produits de montagne est possible si les opérateurs font le choix de cumuler un signe de qualité et la dénomination « montagne ».

Par ailleurs, la proposition telle qu'elle nous est présentée est incompatible avec le droit communautaire. Il convient de rappeler l'incompatibilité avec le droit communautaire de toute dénomination qui n'entrerait pas soit dans les définitions prévues par le règlement n° 2080/92-AOP-IGP, soit dans la notion d'indication de provenance simple définie dans la jurisprudence de la Court de justice des Communautés européennes. Il importe de souligner que la Cour de justice des Communautés européennes a déjà condamné la France pour son dispositif de dénomination « montagne » initial, ...

M. Michel Bouvard. C'est vrai.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. ...dans l'arrêt prononcé le 7 mai 1997, concernant l'application du dispositif « montagne » régi par les décrets du 26 février 1988, au motif que celui-ci n'était pas conforme au droit communautaire. Il s'agit, pour les spécialistes, des affaires Pistre et alii.

Dans un tel contexte, il est probable que la Commission européenne ne tarderait pas à ouvrir une procédure en manquement à l'encontre de la France si un nouveau label devait être institué.

Je résumerai en rappelant que la jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes sur le sujet est que la dénomination « montagne » n'est pas un signe de qualité mais un signe géographique. Introduire la confusion entre les deux serait assurément incompatible avec le droit communautaire tel qu'il est actuellement.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, la réponse du ministre pose un vrai problème, celui de la jurisprudence établie en la matière par l'Europe.

Plusieurs débats dans cet hémicycle ont été nécessaires pour définir l'appellation « montagne » puisque le premier que nous avions eu avait abouti, dans la législation française, à un dispositif impossible à mettre en œuvre en raison des jugements rendus par la Cour de justice des Communautés européennes.

La réponse du ministre me contraint à retirer les amendements n°s 1105 corrigé et 1130 corrigé afin d'éviter les foudres de Bruxelles. (Sourires.)

Il est néanmoins indispensable, monsieur le ministre, si nous voulons inscrire dans une démarche de développement durable les productions de montagne, de ne pas simplement s'attacher à l'origine géographique mais de faire évoluer la position de l'Union européenne vers une reconnaissance de la qualité. Une valeur ajoutée suffisante permettra seule de fidéliser des clientèles et d'apporter aux producteurs une meilleure rémunération. Se contenter définitivement d'une simple dénomination géographique serait une grave erreur. Chacun sait très bien que, pour un grand nombre de productions, même la démarche IGP est une démarche coûteuse à engager. L'appellation « montagne », dès lors qu'elle intégrerait, outre une reconnaissance géographique, une reconnaissance de qualité, deviendrait un moyen de mieux valoriser les produits.

M. le président. Les amendements nos 1105 corrigé et 1130 corrigé sont retirés.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je tiens à faire part de mon adhésion à la préoccupation de M. Michel Bouvard.

La Savoie, qui est un département que vous connaissez bien, monsieur le ministre, a démontré dans sa production agricole qu'associer origine et qualité permettait à bon nombre de produits d'atteindre les marchés internationaux et d'y donner satisfaction au client tout en obtenant des prix d'achat importants. Cette remarque vaut d'ailleurs pour d'autres départements. Un tel succès fait le bonheur de tous ceux qui, en dépit des difficultés, ont des exploitations en montagne.

Nous devons donner à tous ceux qui produisent en montagne sur les plans agricole et sylvicole un signal fort afin qu'ils ne se résignent pas à une simple appellation d'origine géographique. Aujourd'hui, cette appellation ne suffit plus au consommateur.

De surcroît, nous avons la conviction que le bon air de la montagne, en raison de l'altitude, apporte une contribution qualitative sinon meilleure - je ne cherche pas à opposer les uns aux autres - du moins différente. Je suis à l'origine d'une disposition d'appellation d'origine contrôlée de la forêt de montagne, notamment en chartreuse, où une démarche est engagée. Or, nous avons pu scientifiquement démontrer que les bois qui poussent en montagne, parce qu'ils poussent plus lentement en raison de la rudesse du climat, sont des bois plus solides et qu'ils ont des qualités techniques supérieures à d'autres bois. Lorsque l'on sait valoriser de telles richesses naturelles, on peut trouver les moyens de financer le coût lié aux difficultés de production ou d'exploitation.

J'entends bien, monsieur le ministre, que les obstacles juridiques posés notamment par l'Union européenne représentent de véritables difficultés, mais d'ici à la discussion du projet de loi de modernisation agricole, il convient de faire progresser l'objectif visant à associer qualité et origine. Ce signal fort permettra de redonner moral et espoir aux troupes de montagne qui sont dans l'agriculture ou dans la sylviculture.

M. Henri Nayrou. Elles en ont bien besoin.

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.


M. Jean Lassalle
. Michel Bouvard a évoqué un sujet très important et j'ai pris bonne note de ce qu'a dit M. le ministre.

Nous devons aider notre ministre à convaincre l'Union européenne de la spécificité et de la qualité des produits de la montagne. En effet, malgré les efforts déployés, notamment par Michel Barnier, nous n'y sommes pas encore vraiment parvenus.

Pour ma part, je préférerais que notre Europe s'occupe davantage de ce problème que de la directive « Habitats » (Rires sur plusieurs bancs), dont je viens de lire les derniers méfaits. Je me permettrai de distribuer ce document à mes collègues, car il révèle que tout ce que nous préparons ici ne sert d'ores et déjà plus à rien.

Occupons-nous donc de la qualité en montagne, comme l'ont excellemment soutenu M. Bouvard et M. Brottes, et aidons notre ministre à cheminer dans cette direction.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Je ne voudrais pas allonger la discussion en remerciant chacun pour ses marques de soutien. (Sourires.) Etant né où je suis né, ayant grandi où j'ai grandi, je ne saurais être suspecté de ne pas être un défenseur de la montagne et de ses produits. Ma région natale est, par exemple, le berceau de la race tarine.

Toutefois, je rappellerai que l'indication géographique « montagne » n'est pas actuellement, en tant que telle, un signe de qualité.

M. François Brottes et M. Michel Bouvard. C'est bien le problème !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Aux propos de François Brottes sur la qualité de la forêt de montagne, je pourrais ajouter que la flore donne au lait, et donc aux fromages d'alpage, une qualité intrinsèque. Mais il peut très bien y avoir des productions qui ne sont pas de bonne qualité. Ce n'est pas la montagne en soi qui détermine la qualité.

M. François Brottes. Bien sûr !

M. Michel Bouvard. C'est bien pour cela qu'il faut faire évoluer l'appellation !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Car, dans ce cas, Arlette Franco pourrait soutenir que dans le Languedoc le vin est par définition de bonne qualité, tout simplement parce qu'il s'agit du Languedoc. (Sourires.)

Mme Arlette Franco. C'est d'ailleurs le cas !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Certes, la qualité s'est beaucoup améliorée au cours des dernières décennies...

M. Jacques Remiller. En Savoie aussi ! Parlons un peu des vins de Savoie ! (Sourires.)

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Il faut bien distinguer ce qui relève de la seule dimension géographique de ce qui relève d'une démarche en direction de la qualité. Si nous introduisons une confusion dans l'esprit des consommateurs, cela aurait des conséquences sur leur acte d'achat et nos producteurs pourraient en pâtir.

Il faut bien entendu faire évoluer la réglementation européenne : sur ce point, vous prêchez un converti. Mais faisons attention : ce n'est pas une indication géographique qui pourra constituer en soi un gage de qualité. La preuve en est que les productions de montagne ont fait de singuliers progrès depuis trente ou quarante ans : si la qualité s'est améliorée, c'est bien qu'à l'origine elle ne correspondait pas toujours à la qualité que nous connaissons aujourd'hui. De par mes origines, je suis bien placé pour l'affirmer.

M. Philippe Folliot. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre, nous sommes parfaitement d'accord sur le fond. Aujourd'hui, le consommateur assimile l'appellation « montagne » à une appellation de qualité. Il a, lorsqu'il achète un produit de montagne, une exigence de qualité. C'est pourquoi nous devons faire en sorte que les produits qui ne présenteraient pas un « plus » en matière de qualité ne bénéficient plus de cette appellation.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Tout à fait !

M. Michel Bouvard. Nous ne saurions nous contenter d'une appellation géographique : il faut la faire évoluer en y introduisant des critères qualitatifs.

Si nous ne bousculons pas les choses au niveau européen, nous allons au-devant de déceptions et nous prenons le risque d'affaiblir l'appellation générale alors que beaucoup de producteurs font, eux, de la qualité.

M. Jean Lassalle. Très bien parlé, monsieur Bouvard !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1062.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à deux amendements, n°902 et 901, pouvant faire l'objet d'une présentation commune.

La parole est à M. Joël Giraud, pour les soutenir.

M. Joël Giraud. Ces deux amendements traitent de questions relatives aux lacs de montagne. Ils font écho aux propos que vous avez tenus, monsieur le ministre, sur la nécessité d'adapter le code de l'urbanisme lorsque des problèmes se posent aux territoires ruraux de montagne.

Les auteurs de la loi littoral n'avaient certainement pas prévu que son l'application de ce texte soulèverait d'énormes difficultés pour les plans d'eau intérieurs. Tel est pourtant le cas à l'heure actuelle.

Lorsque l'on veut construire au bord d'un plan d'eau intérieur, en zone de montagne, un certain nombre d'équipements, et en particulier une station d'épuration, on se heurte à la règle de l'inconstructibilité sur la bande des 100 mètres. Il est donc presque impossible de trouver des solutions au bord de plans d'eau tels que le lac de Serre-Ponçon, bien connu de moi-même et de plusieurs de mes collègues de la majorité, élus des Hautes-Alpes et des Alpes de Haute-Provence.

Le lac de Serre-Ponçon est le plus grand plan d'eau intérieur artificiel de France. Or la direction de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction vient de confirmer aux deux préfets des Alpes de Haute-Provence et des Hautes-Alpes que, compte tenu des textes actuellement en vigueur, il est impossible de construire des stations d'épuration au bord de ces lacs : au-delà de la bande des 100 mètres, on trouve soit de la montagne, soit des zones protégées, si bien que la seule solution consiste à récupérer les effluents, à les acheminer à très haute altitude - environ 1 500 mètres -, avant de les traiter et de les redescendre vers le lac par la même voie. Encore faut-il espérer ne pas tomber sur une ZNIEFF ou sur une autre zone protégée du même style, car il faudrait dans ce cas aller encore un peu plus haut !

Cet exemple permet de prendre la mesure des difficultés que soulève l'interprétation de la loi littoral lorsqu'on l'applique aux plans d'eau intérieurs en zone de montagne.

Ce texte pose d'autres problèmes : il est ainsi impossible d'établir un poste de secours au bord d'un plan d'eau intérieur, ce qui suppose que les secouristes et les maîtres nageurs sauveteurs aient soit une très bonne vue, soit de très bonnes jumelles, voire une longue-vue, pour surveiller le littoral ! Il en va de même pour la construction d'une base nautique : la seule solution serait d'aménager un canal pour accéder au lac, puisqu'on ne peut, là encore, utiliser la bande des 100 mètres.

Ces amendements visent non pas à obtenir une dérogation spécifique pour ces zones, mais à étendre la dérogation dont bénéficie actuellement le littoral maritime aux plans d'eau intérieurs situés en zone de montagne, tout en y apportant un certain nombre de garde-fous dans le cadre de la procédure d'enquête publique définie par la loi du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Francis Saint-Léger, rapporteur pour les dispositions relatives à la montagne. M. Giraud soulève un problème sérieux et je partage sa préoccupation.

M. Michel Bouvard. C'est en effet un vrai problème, qui se pose depuis des années !

M. Francis Saint-Léger, rapporteur pour les dispositions relatives à la montagne. Néanmoins, ces amendements, qui sont les premiers d'une série portant sur l'urbanisme en montagne, ont été rejetés par la commission.

Les règles de l'urbanisme en montagne sont issues de la loi montagne, mais aussi de la loi littoral, dont certaines dispositions s'appliquent en montagne. La commission a estimé que leur modification méritait une réflexion plus globale. A cet égard, j'ai cru comprendre, monsieur le ministre, que vous vous engagiez à créer un groupe de travail afin de trouver une solution avant l'examen du projet en deuxième lecture.

Je souligne dès à présent que ces amendements révèlent un vrai problème, celui de l'interprétation jurisprudentielle très stricte de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme. L'alinéa en question dispose que l'interdiction de construire sur la bande de 100 mètres « ne s'applique pas aux constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau ». Il va de soi que les stations d'épuration, sans une jurisprudence aussi restrictive, auraient dû se ranger sous ces catégories.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Joël Giraud a mis en exergue un véritable problème. Certaines dispositions de la loi littoral ou de la loi montagne, en matière d'urbanisme mais aussi de protection de l'environnement, confinent à l'absurde. Votre démonstration a été à cet égard très éclairante, monsieur Giraud.

M. Jean Lassalle. C'est vrai !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Reste que, comme le disait Portalis, « il ne faut toucher aux lois que d'une main tremblante ». Cela est particulièrement vrai s'agissant de la loi littoral, compte tenu des enjeux de développement durable qu'elle comporte. La France s'honore d'avoir été, en 1976, un des premiers pays à mettre en œuvre une législation dans ce domaine. Même si celle-ci peut paraître contraignante sous certains aspects, chacun doit en être fier.

Certains problèmes doivent néanmoins être réglés. A ce stade de l'examen du texte, le Gouvernement n'est pas favorable à ces amendements. Mais un groupe de travail, auquel seront associés les parlementaires qui le souhaitent, va se réunir dans les jours qui viennent, afin qu'avant la deuxième lecture du projet, ou à la faveur de celle-ci, nous trouvions la solution juridique permettant de régler, entre autres, le problème que vous avez posé, monsieur Giraud.

Tels sont les arguments que je voulais soutenir au nom de Gilles de Robien, qui ne peut assister à nos débats aujourd'hui : le Gouvernement n'est pas favorable aux amendements tels qu'ils sont rédigés ; nous avons bien compris le problème ; nous nous engageons à le régler de la manière la plus appropriée possible.

M. le président. La parole est à M. Daniel Spagnou.

M. Daniel Spagnou. Concerné moi aussi par le lac de Serre-Ponçon, j'aurais pu signer votre amendement, monsieur Giraud. Au moins quatre communes, sur les rives situées dans le département des Alpes de Haute-Provence, voient leur développement bloqué depuis plusieurs années parce qu'elles ne peuvent pas construire de station d'épuration. Cela devient très préoccupant.

Je me réjouis, en conséquence, que M. le ministre nous ait annoncé la mise en place d'un groupe de travail. A l'instar, sans doute, de M. Giraud, je souhaiterais en faire partie. Depuis plus d'un an et demi, en effet, j'écris à Mme la ministre de l'écologie pour tenter de la sensibiliser à ce grave problème. Si nous n'agissons pas très vite, c'est le développement économique et touristique d'une partie de mon département qui se trouvera remis en cause.

M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez.

Mme Henriette Martinez. J'ai également été saisie de ce problème. J'ai bien conscience qu'il est difficile d'agir sur un plan législatif, mais peut-être aurions-nous pu trouver des réponses avant ce débat : nous sommes trois à être intervenus sur ce sujet sans obtenir de réponse.

Si nous en sommes là aujourd'hui, c'est parce qu'il y a une véritable urgence. Je me demande, monsieur le ministre, ce que l'on entend par « développement durable ». Est-ce du développement durable que de continuer à rejeter des effluents dans les lacs au motif que l'on ne peut, pour des raisons absurdes, réaliser de station d'épuration ? On ne peut remonter les effluents en haut de la colline pour les épurer et les faire redescendre après !

Il faut à l'évidence tenir compte des configurations géographiques particulières. Si des dérogations de bon sens avaient été accordées, nous ne serions pas obligés aujourd'hui de soutenir ces amendements. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.


M. Jean Lassalle
. Les choses se dessinent favorablement.

J'aurais pu dire, mot pour mot, ce qu'a dit Mme Martinez - que je découvre, mais avec laquelle il semble que j'aie beaucoup de points communs. (Sourires.)

Si nous avions pu trouver des solutions, nous n'en serions pas là. Encore une fois, il nous faut aider notre ministre, M. de Robien et Mme Bachelot.

J'en profite pour dire à M. Giraud que je le soutiens à 100 %. Mais il faut que lui-même se réveille pour Natura 2000. (Sourires.) Car même si les ministres trouvent des solutions et mettent au point des règlements, sur les sites Natura 2000, cela ne servira à rien.

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Je ne reprendrai pas à mon compte ce qui a été dit sur Natura 2000. Cela étant, le ministre a pris un engagement très clair, notamment en termes de calendrier. Je retire donc l'amendement n° 902, et je pense que l'ensemble des parlementaires concernés fera partie du groupe de travail.

M. le président. L'amendement n° 902 est retiré.

Je suppose, monsieur Giraud, qu'il en est de même de l'amendement n° 901 ?

M. Joël Giraud. En effet.

M. le président. L'amendement n° 901 est retiré.

Je suis saisi de l'amendement n° 1184.

La parole est à M. François Brottes, pour soutenir cet amendement.

M. François Brottes. Cet amendement concerne lui aussi une histoire d'eau. Il y a parfois des silences assourdissants : certains opérateurs souhaitent installer des microcentrales - ce qui, soit dit en passant, sollicite l'énergie hydraulique, énergie renouvelable, et ce qui contribue au développement durable à condition de prévoir des passes à poissons. Or, par centaines, les dossiers qu'ils ont déposés sont en souffrance. Impossible de savoir s'ils sont bons ou non, puisqu'il n'y est jamais répondu. Or la loi de 1919 - comme a pu le remarquer M. le ministre, on a alors légiféré d'une main tremblante (Sourires) - ne saurait justifier cette absence de réponse.

L'amendement n° 1184 prévoit qu'en cas de silence de la part du ministre chargé de l'énergie, au bout d'un an, ce qui donne tout de même le temps de se retourner, l'autorisation soit réputée acquise.

Il ne s'agit pas de passer en force, il s'agit d'obtenir des réponses pour des personnes qui déposent des dossiers, qui investissent dans des études assez lourdes et qui, aujourd'hui, sont traitées avec mépris.

Je sais, comme Jean-Louis Bianco me l'a dit aujourd'hui, que les pêcheurs sont assez inquiets : ils craignent que ce soit un amendement passe-droit, qui permette la mise en place de microcentrales sans passes à poissons. Je rassure les pêcheurs : je suis aussi attaché qu'eux à ce que les passes à poissons soient bien en place et je considère que les microcentrales n'ont pas à être installées sur tous nos cours d'eau.

Il en va du respect d'opérateurs qui demandent une autorisation à l'Etat qui, bien que compétent, ne leur répond pas, ni positivement, ni négativement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Francis Saint-Léger, rapporteur pour les dispositions relatives à la montagne. La commission a rejeté cet amendement, estimant que le régime juridique de l'hydroélectricité, et notamment de la petite hydroélectricité, devait être abordé en 2004, dans le cadre des projets de loi d'orientation sur l'énergie d'une part, et du projet de loi sur l'eau d'autre part.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Ma collègue de l'industrie m'a chargé d'exprimer une opinion défavorable, au motif qu'il faut régler les usages de l'eau et que cet amendement ne permettrait pas de garantir une parfaite régularité de ces usages.

Cela étant, monsieur Brottes, j'ai noté votre ire s'agissant du nombre de dossiers qui ne sont pas traités et qui ne font l'objet d'aucune réponse.

M. François Brottes. Cette situation a existé sous tous les gouvernements !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Ce n'est assurément pas convenable. Je ferai passer le message de manière très directe à ma collègue pour qu'on trouve une solution.

Par ailleurs, comme l'a dit votre rapporteur, deux opportunités législatives se présenteront dans le courant de l'année, qui permettront de poser le problème dans toutes ses dimensions.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je ne suis pas sûr que, sur ce type de dossier, l'engagement de Mme Fontaine soit une garantie. Pour avoir été confronté à ce genre de problème, j'ai quelque raison de penser ainsi.

Je suis très heureux de l'amendement de M. Brottes, qui me donne l'occasion d'aborder la question, qui porte à la fois sur l'absence de réponse et sur le renouvellement des concessions. Le corps préfectoral a une attitude protectionniste vis-à-vis d'EDF, qui sous-exploite parfois certaines chutes. Des projets menés par des communes ou des régies locales se trouvent alors bloqués. Or l'évolution de la concurrence et du marché électrique contraignent justement les régies à trouver de nouvelles sources de production.

Dans un département que vous connaissez bien, nous avons un dossier de ce type, qui est aujourd'hui bloqué en raison de problèmes d'interprétation de la part de l'administration préfectorale. Celle-ci considère qu'EDF est en situation acquise, alors qu'elle n'exploite pas les pleines capacités des chutes. L'administration se réfugie derrière des textes confortant un monopole qui n'existe plus.

Il est grand temps de s'attaquer à ce dossier.

Compte tenu de ce que sont advenues dans le passé les lois sur l'eau, il conviendrait que notre assemblée montre sa détermination en commençant à légiférer sur cette question.

Cela pourrait d'ailleurs servir de base pour la suite de la discussion. Après tout, il s'agit de microcentrales, qui ne concernent que la montagne, et cela ne remet pas en cause la politique énergétique du pays telle qu'on aura à la définir. On irait enfin dans le bon sens en confortant la capacité de la France à remplir les objectifs de Kyoto. Nous sommes plusieurs à penser que la petite hydroélectricité est, de ce point de vue, au moins aussi intéressante que l'énergie éolienne.

Mme Henriette Martinez. Tout à fait !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1184.

(L'amendement est adopté.)

Article 62

M. le président. Sur l'article 62, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Martial Saddier...

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, M. Saddier m'a chargé de lire son intervention.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Bouvard.

M. Michel Bouvard. Un drame familial ayant contraint M. Saddier à rejoindre Bonneville, je vais vous donner lecture des propos qu'il comptait tenir :

« Elu de Haute-Savoie, ayant sollicité les élus de ma circonscription sur ce projet de loi, je tenais tout d'abord à vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir inscrit le titre V, consacré à la montagne, dans votre projet qui concerne le développement des territoires ruraux.

« Je remercie également le président de la commission, M.Patrick Ollier, dont la connaissance et l'attachement aux territoires de montagne fait de lui un supporter.

« S'agissant de la politique des massifs, dépendant fortement de leurs relations avec les principales agglomérations voisines, les zones de montagne ne constituent pas des zones isolées, et je partage votre vœu, monsieur le ministre, qu'on ne parle plus d'une politique de montagnes uniforme, mais d'une politique de massifs. Recouvrant piémonts et zones de montagne, les massifs représentent plus du quart du territoire national. Cette réalité géographique ouvre des perspectives quant à l'importance que l'on doit accorder à ces entités.

« Les élus ne peuvent donc que se féliciter, monsieur le ministre, de votre projet, qui contient des mesures visant à améliorer la collaboration des collectivités et la coordination des structures administratives concernées par la gestion d'un même massif montagneux.

« Tenant compte de la décentralisation et de la diversité des territoires de montagne, votre projet de loi tend vers un meilleur équilibre entre leur protection et leur développement, en actualisant la loi montagne de 1985.

« S'agissant du régime des UTN régissant les aménagements touristiques en montagne, les élus de montagne, ayant le souci d'assurer un équilibre entre la préservation de la qualité des sites et le développement touristique, ne peuvent qu'approuver votre proposition, monsieur le ministre, de réformer cette procédure en la simplifiant. Vous envisagez en effet que les élus, à travers les SCOT, examinent les projets UTN et que les UTN d'importance locale, qui sont les plus nombreuses, soient approuvées par le préfet de département après avis de la commission départementale des sites. De plus, les UTN pourront être réalisées dans les communes dotées d'une carte communale.

« Enfin, s'agissant de la préservation des équilibres généraux et du maintien des hommes en montagne ainsi que du développement durable, le fondement de la loi montagne de 1985, la préservation du patrimoine de la montagne, se voit confirmé par l'introduction du principe de développement durable. Combiner de façon équilibrée le développement et la préservation dans un espace aussi complexe et fragile que la montagne est aujourd'hui une priorité pour les responsables publics que nous sommes, s'ils veulent pouvoir honorer ce titre auprès des générations futures. »

M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez.

Mme Henriette Martinez. Monsieur le ministre, je me réjouis que nous soyons ici pour définir une nouvelle politique de la montagne, portée par un nouveau souffle, ainsi que l'avait annoncé le Premier ministre lors de son discours devant l'Association nationale des élus de la montagne, à Gap.

Ces mesures vont dans le bon sens et visent à renforcer l'identité propre de la montagne, à compenser ses handicaps et à valoriser ses atouts.

Néanmoins, je remarque que l'article 62 vise à redéfinir une politique de massifs un peu différente, avec d'autres délimitations et d'autres critères. Cette nouvelle définition de la montagne a appelé l'attention des élus locaux auxquels elle a été soumise. Ils se demandent si les territoires anciennement classés montagne - ce qui est le cas de l'ensemble du département des Hautes-Alpes - vont tous continuer à l'être. Certains territoires ne vont-ils pas être pénalisés ? Je pense notamment aux territoires de plaines, plus ou moins hautes entre les montagnes. Je suis moi-même l'élue d'une de ces plaines. Dans le cadre de cette politique de massifs, relèveront-elles toujours des dispositions montagne ? Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous rassurer à cet égard.

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. J'ai bien entendu, monsieur le ministre, les précisions que vous avez apportées sur l'ensemble du dispositif intéressant la montagne, notamment en matière d'urbanisme. Je ne désire pas bouleverser l'économie générale de votre texte. J'attire néanmoins votre attention sur les problèmes spécifiques de la moyenne montagne, qui ne bénéficient pas toujours d'un traitement adapté.

J'ai bien noté l'effort que consent le Gouvernement pour les ZRR renforcées. L'adaptation des normes à la moyenne montagne doit être un objectif permanent de toute politique publique.

L'article additionnel à l'article 1er de votre projet de loi a été présenté et adopté en ce sens.

Cela dit, s'agissant des dispositifs des articles 62, 63 et 64, je vous demande, monsieur le ministre, d'assurer une meilleure lisibilité de la gestion des crédits transitant sur les politiques de massifs, d'assurer un meilleur accès à ces crédits, qui sont souvent concentrés sur certaines zones au détriment des autres, et de tendre chaque fois que possible au guichet unique, afin de faciliter la programmation des crédits publics.

Enfin, je ne peux que vous conforter dans votre démarche de certification des UTN, qui peuvent incontestablement apporter un plus à nos secteurs de moyenne montagne.

Vous pouvez donc compter sur mon soutien entier et sur ma forte détermination dans la défense des avancées concrètes en faveur de la montagne.

Permettez-moi de saluer mon collègue Francis Saint-Léger, rapporteur de ces articles. Nous sommes deux en Lozère, et nous avons bien besoin d'être soutenus.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. On peut se réjouir que plusieurs articles du projet de loi concernent la montagne. Toutefois, ils sont sans commune mesure avec la loi montagne de 1985 qui, par la mobilisation des crédits du FIDAR, l'instauration du FIAM et de la taxe sur les remontées mécaniques, avait donné une forte impulsion aux moyens de la montagne. Bien sûr, des améliorations y ont été apportées depuis. En 1995, la loi Pasqua a créé les commissions permanentes,...

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Augustin Bonrepaux. ...dont il a été décidé pour la suite, en 2001, d'accorder la coprésidence à des élus départementaux. Une nouveauté importante est encore intervenue en 2000, avec la création des contrats de massif, spécifiquement dédiés aux zones de montagne au sein même des contrats de plan Etat-régions. Nous bénéficions toujours de ces contrats de massif, dont l'élaboration avait, d'ailleurs, été assez difficile, vous vous en souvenez certainement, chers collègues.

Vous avez souligné, monsieur le ministre, que des améliorations ont également été apportées en faveur de l'urbanisme. Il est vrai que certaines restrictions de la loi concernant les lacs de montagne posaient bien des problèmes. Mon collègue Jean Lassalle doit se souvenir des difficultés que nous avons eues pour créer un lotissement à Fabrèges, dans les années quatre-vingt-dix.

M. Jean Lassalle. Une épopée !

M. Augustin Bonrepaux. Les élus de la montagne avaient soulevé les problèmes liés aux limites autour des lacs ou à la reconnaissance de la notion de hameau inscrite dans la loi et qui ne correspondait à rien. Là encore, des progrès ont été accomplis.

Monsieur le ministre, vous avez relevé avec justesse le problème de la construction au bord des lacs, surtout lorsqu'ils ne sont pas situés en montagne ou seulement pour partie. La loi s'était montrée, en la matière, quelque peu excessive. Vous êtes désireux d'améliorer ce dispositif et je vous en remercie.

Votre texte reste tout de même bien timide. Ainsi, l'article 63 prévoit, comme nous le souhaitions, que, dans le cadre de la règle de la majorité qualifiée, l'organisme de coopération puisse lui-même instituer la taxe de séjour, ce que pratiquent déjà de nombreuses collectivités. Dire que la commune est autorisée à reverser la taxe de séjour à l'organisme de coopération est insuffisant. C'est cette instance qui est responsable du développement touristique, en particulier de l'office du tourisme. La taxe de séjour finançant l'animation et l'office du tourisme, l'établissement public de coopération, c'est-à-dire souvent la communauté de communes, devrait avoir tous les moyens de la prélever directement.

Votre projet de loi permettra certaines avancées en faveur de la montagne. Je sais que vous avez beaucoup œuvré pour qu'elle figure dans le texte et je vous en remercie, monsieur le ministre. Cependant, je regrette que les contraintes budgétaires auxquelles vous êtes tenu vous empêchent d'aller plus loin. Comme nous, vous resterez sur votre faim, car il est clair que cette loi n'aidera pas beaucoup le développement que nous souhaitons tous. Nous essayerons d'amender le projet autant que possible. D'avance, je vous remercie pour tous les amendements que vous pourrez accueillir favorablement pour faire progresser la politique de la montagne.

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Monsieur le président, j'ai préparé mon sujet pendant les vacances de Noël. (Sourires.)

L'article 62 est au cœur du projet des élus de la montagne qui, nous le savons, ont l'oreille du Gouvernement et, nous l'espérons, de la société. Grâce à M. Gaymard, nous sommes ici, sur tous les bancs de l'Assemblée, comme des frères et sœurs qui vont exprimer d'une même voix, la voix d'une famille qui s'aime, leurs projets et leurs préoccupations.

Nous allons présenter à cet article des amendements tendant à réécrire les premiers articles de la loi 1985, qui fonde la politique de la nation envers la montagne. Tous ces amendements sont issus de la proposition de loi des parlementaires de montagne, toutes sensibilités confondues, qui a pour objet de conduire un aggiornamento de la loi montagne, et plus précisément, selon l'intitulé même de la proposition de loi, « une modernisation et un renouvellement de la politique de la montagne et de revitalisation rurale ».

Notre démarche est simple : en conservant les acquis de 1985, nous voulons, à la lumière de l'expérience passée et de l'évolution en cours au début du XXIe siècle, redéfinir les fondements du contrat qui lie la montagne et la nation au travers de la loi.

Nous souhaitons, d'abord, redéfinir les objectifs de la politique de la montagne. A l'article 1er de la loi de 1985, qui reconnaît déjà la différence et la spécificité de la montagne, nous introduisons le concept de développement équitable. Depuis Quito, on parle de développement durable, ce qui est bien mais pas suffisant. A quoi sert, en effet, d'être, pendant des siècles, durablement pauvre pendant que d'autres connaissent un développement durablement prospère ? Le développement équitable est un concept introduit par les montagnards de France. Il est désormais repris par les populations des montagnes du monde entier, depuis le grand rassemblement de Chambéry 2000 dont, cher Michel Bouvard, vous avez été à l'origine pendant votre mandat de président de l'association nationale des élus de la montagne, puis celui de Quito où, par défaut, je suis, très modestement, devenu le premier président des populations des montagnes du monde.

M. le président. Cela n'est pas rien !

M. Jean Lassalle. Ensuite, nous souhaitons intégrer une dimension internationale dans la politique de la montagne en modifiant l'article 2 de la loi de 1985, par l'amendement n° 649. Le Gouvernement a non seulement agi au niveau de la Communauté européenne comme le prescrivait la loi de 1985, mais il s'est engagé désormais à avoir la même vigilance et la même présence dans les enceintes internationales. J'ai maintenant la chance de voyager. Je peux vous dire qu'ils sont légion les organismes qui s'occupent de nous sans jamais nous demander quoi que ce soit : l'ONU, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, l'OMC. Jamais on n'a vu la Banque mondiale demander à un montagnard ce qu'il fallait faire pour lui. Heureusement, nous avons pris conscience, notamment à Cancùn où nous étions avec M. Gaymard, que la montagne représente de 30 % à 40 % du territoire de la planète et que nous pouvons peser sur les décisions en étant présents partout où elles se prennent.

Enfin, nous entendons aller au-delà de la simple affirmation de la spécificité de la montagne en en introduisant, à l'article 3 de la loi de 1985, une définition tenant compte des systèmes sociaux et naturels organisés à partir des trois caractéristiques fondamentales de la montagne que sont la pente, l'altitude et le climat. Sans remettre en cause la définition pratique de la montagne à travers la notion de handicap agricole, cette nouvelle définition lui donne une meilleure assise scientifique de valeur plus générale, susceptible de mieux fonder les politiques et mesures spécifiques.

Nos amendements ont également pour but de donner une nouvelle dimension à la politique de massif en mobilisant de nouveaux moyens. Un article 6 bis nouveau de la loi de 1985 invite les régions à se constituer en ententes interrégionales de massif afin de mettre en commun compétences et moyens et d'exercer ensemble les responsabilités que la Constitution leur confie dans le cadre de la décentralisation, tout en associant les départements et le comité de massif par la contractualisation.

Ils élargissent, à l'article 9 de la loi de 1985 le champ des contrats de plan, non seulement des contrats de plan Etat-régions, mais également des contrats entre l'Etat et l'entente interrégionale de massif, et non un syndicat mixte qui n'a rien à faire dans cette affaire.

L'amendement n° 656 rétablit la transparence des crédits spécifiques à la montagne en supprimant purement et simplement l'article 34 de la loi Pasqua - qui lui-même supprimait l'article 80 de la loi de 1985 instituant le FIAM -, faute de pouvoir constituer un fonds de massif qui permettrait d'associer les régions. Mais nous espérons que le Gouvernement entendra le message unanime des montagnards unis et frères.

Deux dispositions importantes sont tombées sous le coup de l'article 40, mais nous les reprendrons au Sénat. Elles concernaient le conseil national de la montagne et la réforme des comités de massif auxquels nous souhaitions assigner deux objectifs principaux : leur faire jouer, en plus du rôle consultatif qu'ils ont déjà, un rôle prospectif pour mieux éclairer l'avenir ; les pousser à rechercher le consensus montagnard, qu'ils réalisent assez bien, mais aussi le consensus national. Mais ces missions réclament des moyens d'étude et de réflexion, ce qui nous a valu le couperet de la commission des finances, et l'ouverture sur la société civile non montagnarde, ce qui nous vaut l'opposition des corporatismes. Comme si l'avenir de la montagne pouvait se traiter uniquement entre montagnards ou dans un dialogue exclusif avec le Gouvernement !

Voilà dans quel sens nous souhaitons faire progresser la politique de la montagne et les politiques territoriales différenciées par lesquelles elle se concrétise au niveau des massifs. L'organisation et la représentation des montagnards, l'insertion de la montagne dans la société, l'affirmation de son identité et de sa spécificité, les moyens spécifiques mis à sa disposition, le rôle de ses collectivités dans un contexte de décentralisation, tout cela est souhaité par les élus qui veulent être en phase avec leur temps pour mieux maîtriser leur avenir. N'oublions pas que les catastrophes qui ravagent aujourd'hui nos plaines et nos villes, les torrents de boue qui, de plus en plus fréquemment, sèment la désolation sur notre territoire, descendent souvent des montagnes où il n'y a plus assez de bras pour entretenir ce qui l'était par nos pères depuis la nuit des temps.

M. Philippe Folliot. Très bien !

M. Jean Lassalle. Pardonnez-moi, monsieur le président, j'ai été un peu long, mais j'avais bien préparé cette intervention pendant les vacances de Noël.

M. le président. Vous m'aviez averti et j'avais bien compris.

Nous en arrivons aux amendements.


Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 339 et 1346 corrigé.

La parole est à M. Jean Lassalle, pour soutenir l'amendement n° 339.

M. Jean Lassalle. Cet amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l'amendement n° 1346 corrigé.

M. François Brottes. L'amendement n° 1346 corrigé, identique à l'amendement n° 339, réécrit l'article 1er, article fondateur, de la loi montagne à laquelle nous sommes tous attachés - ayons une pensée pour Louis Besson qui en a été l'artisan.

Ce qui nous importe dans cette réécriture, c'est la notion de « développement équitable et durable ». Le développement durable, aujourd'hui, chacun sait à peu près ce que cela signifie, encore que cette notion nécessite parfois des explications complémentaires. Mais celle de développement équitable répond à la volonté de faire reconnaître la montagne comme un territoire qui a besoin d'être soutenu un peu différemment qu'il ne l'est aujourd'hui. En liaison avec M. Coussain et à la demande du président Ollier, j'ai commis un rapport intitulé : « Pour une montagne respectée qui prend son destin en main ». Telle est bien en effet la volonté des montagnards. Ils ont conscience que la première qualité de la montagne est sa qualité environnementale. Ils y sont très attachés et, au titre du développement durable, ils souhaitent la protéger.

Pour autant, il ne faut cesser de rappeler qu'il faut être équitable envers la montagne. On entend dire aux actualités que certaines villes sont bloquées par la neige : mais, en montagne, il y a de la neige plus que quelques jours par an, et pourtant, bêtes et hommes continuent à vivre ! En revanche, certaines activités économiques sont obligées de s'arrêter à cause de la dureté du climat. C'est là une spécificité.

Le fait qu'il n'y ait pas ou très peu de terres « mécanisables » pour l'agriculture pose mille et un problèmes, de même qu'une forêt difficile à exploiter, d'autant que, en périodes de canicule, elle brûle plus facilement qu'ailleurs.

Ce sont là quelques exemples simples qui montrent la nécessité d'assurer à la montagne, à laquelle nous sommes attachés, un développement, non seulement durable, mais aussi équitable : tel est le sens de cet article refondateur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?

M. Francis Saint-Léger, rapporteur pour les dispositions relatives à la montagne. La commission a adopté ces deux amendements identiques. Ils récrivent, comme il vient d'être dit, l'article 1er de la loi montagne en soulignant de manière plus forte et plus claire que la République française reconnaît la montagne comme un territoire dont le développement équitable et durable constitue un objectif d'intérêt national. Ils donnent une définition intéressante de la notion de développement durable et précisent les évolutions que l'Etat doit faciliter en zones de montagne : exercice de nouvelles responsabilités par les collectivités, développement de l'économie de montagne, meilleure utilisation de l'espace, pérennisation des services de proximité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Le Gouvernement est favorable à ces amendements sous réserve de l'adoption d'un sous-amendement visant à insérer, entre l'alinéa qui commence par « engager » et celui qui commence par « assurer », l'alinéa suivant : « participer à la protection des espaces naturels et des paysages, et promouvoir le patrimoine culturel ainsi que la réhabilitation du bâti existant ; ».

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Jacques Remiller. Parfait !

M. le président. Ce sous-amendement portera le numéro 1525.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement du Gouvernement ?

M. Francis Saint-Léger, rapporteur pour les dispositions relatives à la montagne. Favorable.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je plaidais à l'instant pour une montagne respectée. Or le sous-amendement du Gouvernement va dans ce sens et l'on ne peut que l'approuver.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1525.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 339 et 1346 corrigé, modifiés par le sous-amendement n° 1525.

(Ces amendements, ainsi modifiés, sont adoptés.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 1052, 1098 et 1126.

La parole est à M. Jean Lassalle, pour soutenir l'amendement n° 1052.

M. Jean Lassalle. L'article 2 de la loi montagne de 1985 faisait obligation au Gouvernement de défendre auprès de la Communauté économique européenne la prise en compte des objectifs de la loi. Il convient non seulement de réitérer cette obligation auprès de l'Union européenne, car les politiques de cohésion économique et sociale, d'organisation des marchés et des échanges, de l'environnement, de la concurrence interfèrent toutes - et de plus en plus - avec la politique de la montagne, mais de la porter également au niveau international vers lequel se déplacent les enjeux : les règles, conventions et accords internationaux définissent en effet les marges de manœuvre politiques et économiques de notre pays et notamment - élément capital - le régime des aides si important pour la montagne, dont j'ai parlé tout à l'heure.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir les amendements nos 1098 et 1126.

M. Michel Bouvard. Ces amendements, monsieur le ministre, ne sont pas de pure forme. Il y a effectivement lieu de préciser les dispositions qui étaient en vigueur jusqu'à présent, c'est-à-dire celles de l'article 2 de la loi montagne.

Comme il vient d'être rappelé, depuis 1985, la construction européenne a progressé, de même que les échanges mondiaux et les accords internationaux. Et beaucoup de ces évolutions ont des répercussions directes sur les territoires de montagne, leurs capacités de développement et la vie de leurs habitants.

Je prendrai, pour illustrer mon propos, deux exemples.

Premier exemple : la France est amenée à se positionner par rapport au livre vert de la Commission européenne sur les services d'intérêt général. En fonction du contenu de celui-ci, le maintien d'un certain nombre de services publics - sujet qui nous a beaucoup préoccupés la nuit dernière - sera possible ou non. On voit donc les conséquences de certaines décisions prises au niveau communautaire.

La ratification de certaines conventions internationales n'est pas non plus sans conséquences. Il en est une qu'une partie de cette assemblée connaît bien : la convention alpine. C'est mon second exemple.

L'association européenne des élus de la montagne a conduit une consultation auprès de l'ensemble des conseillers généraux et régionaux du massif alpin. Un peu plus du tiers des élus ont répondu. Et il est apparu qu'aucun d'entre eux ne connaissait le contenu de la convention et qu'aucun n'avait été informé par les pouvoirs publics de ce que la France avait ratifié. Il ressort également de cette consultation que, dans la délégation française qui participe aux négociations sur les protocoles d'application de la convention alpine, il n'y avait aucun élu - alors qu'il y en a chez tous nos voisins - mais seulement des représentants du Quai d'Orsay, pour qui j'ai la plus grande estime, mais qui ne rendent compte ni aux régions de montagne concernées, ni aux conseils généraux, ni aux comités de massif, ni au Conseil national de la montagne.

Nos amendements ont pour but de faire circuler l'information. Je suis d'ailleurs convaincu - et d'autres amendements ont été déposés afin de répondre à ce besoin - qu'il faudra aller au-delà de ce simple devoir d'information et que les représentants de la population devront être associés à celles de ces discussions qui les concernent directement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements ?

M. Francis Saint-Léger, rapporteur pour les dispositions relatives à la montagne. La commission a repoussé ces trois amendements. Leur objet est intéressant mais ils imposent au Gouvernement des obligations qui me semblent assez vagues. C'est le cas de la première phrase où il est écrit : « Le gouvernement prend les initiatives nécessaires au plan européen et international pour faire reconnaître le développement équitable et durable de la montagne comme un enjeu majeur pour la communauté européenne et internationale. »

La commission s'est également interrogée sur l'opportunité de demander chaque année un rapport au Gouvernement. Elle n'est pas sûre que cette disposition améliore véritablement la politique en faveur des zones de montagne.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. J'ai bien entendu à la fois l'argumentation de Michel Bouvard et les réserves de la commission.

A ce stade du débat, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée. Sur le fond, je partage les objectifs et les objections exprimés par Michel Bouvard. Mais les remarques de la commission sont judicieuses : il faudra procéder à certaines vérifications et la rédaction devra être précisée. La navette devrait permettre de l'affiner.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je remercie M. le ministre de s'en remettre à la sagesse de l'assemblée. Je ne doute pas qu'elle soit grande sur ce texte.

Quand nous souhaitons que le Gouvernement prenne des initiatives au niveau européen, monsieur le rapporteur, cela n'a rien de vague. Il s'agit, par exemple, de faire inscrire la montagne dans la Constitution européenne. D'ailleurs, toutes les délégations que nous avons faites ces derniers mois, ainsi que l'action de la DATAR, qui a fortement relayé certains de nos souhaits, notamment au cours de la rencontre ministérielle informelle organisée à l'initiative de la présidence italienne à Taormina, en Sicile, sur « la spécificité des zones de montagne dans l'Union européenne », vont dans ce sens. Ce n'est pas vague. C'est, au contraire, très concret. Sans doute la rédaction proposée mérite-t-elle d'être peaufinée. La navette pourra y pourvoir, une fois les amendements adoptés.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Tout le monde sait que l'Europe n'est pas un territoire plat et uniforme. La spécificité de la montagne, d'ailleurs, n'est pas un fait propre à notre pays. En période de rediscussion des fonds structurels, la reconnaissance de ces territoires dits « à handicaps » à l'échelle de l'Union européenne est très importante.

Je sais, monsieur le ministre, que l'on peut compter sur certains commissaires pour faire avancer cette thèse, mais on n'est pas encore tout à fait au bout du tunnel, si je puis m'exprimer ainsi - et cela n'a rien à voir avec le tunnel entre la France et l'Italie pour le TGV Lyon-Turin. (Sourires.)

Il est une autre inquiétude sur laquelle je souhaite insister, après Michel Bouvard. Il semble que le Parlement européen ait décidé de ne pas voter une directive-cadre sur les services d'intérêt général. Or, celle-ci devait garantir aux populations rurales les plus éloignées des centres-villes, le bénéfice d'un certain nombre de services. Dans la mesure où ce texte risque de ne pas voir le jour, il y a un intérêt supérieur à ce que les territoires de montagne soient reconnus comme tels.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 1052, 1098 et 1126.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.


Je suis saisi de quatre amendements identiques, n°s 973, 1053, 1099 et 1127.

La parole est à M. François Brottes, pour défendre l'amendement n° 973.

M. François Brottes. L'amendement tend à inscrire dans la loi les éléments qui définissent le plus scientifiquement et le plus objectivement possible les fondements des critères des zones de montagne.

Il est très important, dans la perspective - j'allais dire du combat européen - en tout cas du débat européen actuel, qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur la notion de zone de montagne, afin qu'elle puisse faire jurisprudence, y compris dans d'autres pays.

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle, pour soutenir l'amendement n° 1053.

M. Jean Lassalle. M. Brottes a très bien défendu l'amendement. Pour faire gagner du temps à l'Assemblée, je n'y reviendrai donc pas

En revanche, je veux exprimer mon inquiétude quant au sous-amendement n° 1525 du Gouvernement à l'amendement n° 339. J'ai pourtant grande confiance en lui, mais je reviens sur le sujet car je désire une réponse. Je ne comprends pas cette rédaction : « - participer à la protection des espaces naturels et des paysages ». Ne le faisons-nous pas déjà ? Nous nous protégeons. Les grandes catastrophes écologiques ne se produisent pas chez nous. Nous n'avons pas de sources de pollution. Chez nous, tout est vert ; la montagne est magnifique.

Je crains que toutes ces directives européennes ne nous enferment dans de véritables réserves d'Indiens. Deux cents ans après avoir massacré les Indiens en Amérique, ne nous programme-t-on pas une mort lente, avec le poison dont parle M. Chassaigne ?

La seconde partie de l'alinéa que vise à insérer le sous-amendement n° 1525 me convient : « et promouvoir le patrimoine culturel ainsi que la réhabilitation du bâti existant. »

J'ai été pendant dix ans président d'un parc national. Je suis, depuis bientôt quinze ans, président de l'institution patrimoniale du Haut-Béarn. Ce sous-amendement exprime presque un manque de confiance à l'égard de la communauté montagnarde.

M. le président. M. le ministre vous répondra tout à l'heure. Je vous rappelle que le vote sur le sous-amendement a déjà eu lieu et que l'on ne peut revenir en arrière.

La parole est à M. Daniel Spagnou, pour défendre les amendements n°s 1099 et 1127.

M. Daniel Spagnou. Ces amendements n'ont pas pour objectif de changer la délimitation actuelle de la montagne - la dernière phrase du deuxième alinéa est explicite - ni non plus de supprimer la notion de handicaps qui inspire beaucoup de mesures et peut-être la future politique de développement régional de l'Europe, mais d'inclure ces éléments dans une définition plus scientifique et objective qui fondera, sur des bases renforcées, la spécificité de la montagne et par conséquent donnera de nouvelles justifications à une politique de la montagne, notamment sur le plan européen.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Francis Saint-Léger, rapporteur pour les dispositions relatives à la montagne. La commission a rejeté ces amendements. Elle a estimé qu'ils posaient deux problèmes.

D'une part, ils semblent inutiles. Comme le précise l'exposé des motifs, il ne s'agit pas de changer la délimitation actuelle de la montagne, mais de proposer une définition plus scientifique et objective de la montagne.

La définition actuelle de la montagne ne semble pas poser de problème, ni être contestée, en tout cas par les élus de la montagne.

En outre, et nous l'avions déjà indiqué en commission, ces amendements posent un problème juridique. En effet, ils disposent : « La délimitation intervenue en vertu de l'ancien article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 est réputée prendre en compte ces caractéristiques. » Mais comme ces amendements tendent à proposer une nouvelle rédaction de l'article 3, l'ancien article 3 n'aurait plus d'existence légale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Je voudrais faire un bref retour arrière pour répondre à M. Lassalle.

Je citerai les propos d'un éminent parlementaire juriste : si les lois ne reprenaient que des choses qui méritent d'être dites, elles seraient sans doute beaucoup plus courtes et laconiques. Le fait de rappeler des choses qui existent n'est pas propre au sous-amendement, ni à ce projet de loi. Mais il s'agit d'un autre débat de juriste sur lequel nous ne nous attarderons pas.

Monsieur Lassalle, vous n'avez pas à avoir peur. Dans cet article très général qui a fait l'objet de réécritures, rappeler que l'environnement, la réhabilitation du patrimoine bâti, les espaces naturels sont des préoccupations de la montagne, cela va certes sans dire, mais cela va mieux en le disant.

Rassurez-vous, monsieur Lassalle, il n'y a pas un « sous-marin » derrière ce sous-amendement qui s'appellerait Natura 2000. D'ailleurs Natura 2000 et la directive Habitats n'ont pas eu besoin de ce sous-amendement pour exister et prospérer, et l'on connaît votre jugement sur ces deux dispositifs.

Le Gouvernement n'est pas favorable aux amendements en discussion.

En effet, l'article 3 de la loi montagne met en évidence les caractéristiques du handicap géographique qui limitent les activités agricoles. Cette définition prend, de fait, en considération la diversité des situations en fonction de l'altitude et de la pente. Son impact financier, qui plus est dans le cadre européen, est - vous le savez - très important.

La prise en compte de toutes les activités économiques et sociales existantes en montagne, que les amendements visent à ajouter dans la définition du zonage est réalisée dans le cadre actuel par l'article 5, qui définit le massif, en intégrant le zonage agricole, mais en allant au-delà. Modifier les règles d'un zonage aux conséquences financières importantes n'est donc pas acceptable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 973, 1053, 1099, 1127.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements n°s 965 corrigé, 1055 corrigé, 1100 corrigé et 93, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l'amendement n° 965 corrigé.

M. François Brottes. Il s'agit d'inviter les régions d'un même massif à coopérer en constituant des ententes interrégionales, d'ailleurs prévues par le code général des collectivités territoriales, et à utiliser l'instrument de prospective et de programmation indicative que constitue le schéma interrégional de massif, introduit dans notre droit par la loi Pasqua.

Comme les choses sont bien faites au regard de la continuité de la République, la loi Voynet a pris en compte cette préoccupation en 1999 et codifié, dans la partie réglementaire du code général des collectivités territoriales cette disposition.

Le choix est fait ici de l'entente interrégionale, sans ouvrir l'alternative vers le syndicat mixte, comme le fait le projet de loi.

Cet amendement est présenté par un certain nombre d'entre nous. Pour une fois, je serai presque en accord avec M. Lassalle et presque en contradiction avec ce que je viens d'évoquer. Personnellement, le syndicat mixte ne me paraît pas forcément un inconvénient majeur au développement. Il importe de trouver une solution pour qu'il y ait obligation d'entente interrégionale avec peut-être une implication des départements, car je ne vois pas comment il peut en être autrement au niveau des conseils généraux, de façon que la montagne qui est toujours assise sur plusieurs régions administratives puisse être sûre de bénéficier non seulement d'une attention, de sympathie, mais aussi de financements tels qu'ils ont été décrits dans les dispositions législatives auxquelles je fais référence.

M. le président. Monsieur Brottes, « une montagne assise sur plusieurs régions » me semble être une image hardie. (Sourires.)

M. François Brottes.  La prochaine fois je dirai : « sise sur plusieurs régions. » (Rires .)

M. le président. Les amendements n°s 1055 corrigé et 1100 corrigé sont identiques.

La parole est à M. Jean Lassalle, pour soutenir l'amendement n° 1055 corrigé.

M. Jean Lassalle. L'amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. Daniel Spagnou, pour soutenir l'amendement n° 1100 corrigé.

M. Daniel Spagnou. Le code général des collectivités territoriales offre la possibilité de créer entre les régions des ententes interrégionales. Le présent amendement a pour objet d'inciter les régions d'un même massif à coopérer et à définir des politiques de massif sur les questions d'intérêt interrégional.

M. le président. L'amendement n° 93 n'est pas défendu.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 965 corrigé, 1055 corrigé et 1100 corrigé ?

M. Francis Saint-Léger, rapporteur pour les dispositions relatives la montagne. Ces amendements ont été rejetés par la commission.

L'amendement n° 965 corrigé propose une rédaction légèrement différente de celles des amendements n°s 1055 corrigé et 1100 corrigé.

Tous disposent que les départements et les régions peuvent constituer des ententes interrégionales. Or, les départements ne peuvent adhérer à une entente interrégionale. De ce fait, le projet de loi prévoit, en plus des ententes interrégionales, la formule du syndicat mixte, pour associer les départements aux ententes de massif.

Le projet de loi précise suffisamment les deux formules : entente interrégionale quand il n'y a que les régions ; syndicat mixte quand les départements sont associés aux régions.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Le Gouvernement n'est pas favorable aux amendements.

Sur l'entente de massif, ils vont dans le même sens que la proposition du Gouvernement. Mais un département ne peut adhérer à une entente interrégionale et l'on ne peut limiter l'accès à l'entente de massif aux seules collectivités régionales.

Dans le second cas, il faut rappeler que d'ores et déjà les autres collectivités territoriales sont largement associées à la politique de la montagne. Elles sont représentées et majoritaires dans le comité de massif et elles participent à la convention interrégionale de massif, qui est la traduction financière de cette politique. Ainsi dix régions et quarante-deux départements sont concernés par la politique de la montagne. Il est donc apparu nécessaire de rendre compte dans le projet de loi de cette situation, en ouvrant la possibilité d'élargir cette entente qui regroupe naturellement en priorité les régions concernées.

La notion d'entente interrégionale étant juridiquement limitée aux seules régions, après analyse interministérielle et validation par le Conseil d'Etat, il a été ajouté dans le texte que l'entente de massif pouvait prendre la forme juridique d'un syndicat mixte de même objet, si un ou plusieurs départements devaient y adhérer.

En outre, cette structure de regroupement a vocation à porter la politique de massif, à être motrice dans l'élaboration d'un projet pour le massif, projet de territoire qui doit s'inscrire dans le schéma interrégional de massif prévu à l'article 9 bis.

L'entente de massif a vocation à être un représentant majeur des collectivités au sein du comité de massif, à être l'interlocuteur de l'Etat et à signer, au nom des régions, la convention interrégionale, dans le cas où toutes les régions concernées y adhèrent. C'est donc au sein du comité de massif que l'entente peut impulser un projet pour le massif, lequel a vocation à être traduit dans le schéma interrégional.

C'est dans cet esprit que le Gouvernement, par souci de lisibilité, n'a pas souhaité créer de nouveaux cadres juridiques, tels que la charte interrégionale de massif que vous proposez.

Les schémas interrégionaux d'aménagement et de développement du massif, préexistant dans les textes, ont vocation à constituer le document d'orientation stratégique spécifique du massif.

M. le président. La parole est M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je reprendrai une partie des arguments que j'ai évoqués lors de la discussion générale.

Nous examinons un point important sur lequel, monsieur le ministre, je partage totalement votre analyse.

Nous avons d'abord un problème juridique. Des travaux ont été menés, pendant plusieurs mois, sur les structures d'organisation de la montagne tant au niveau des massifs qu'au niveau territorial. La commission permanente du Conseil national de la montagne, tenant compte à la fois des réalités de terrain et d'un certain nombre d'expériences menées notamment dans le massif vosgien, s'est déterminée à une très large majorité, pour ne pas dire à une quasi-unanimité et a abouti à des orientations que reprend la rédaction du projet de loi du Gouvernement.

Je pense qu'il était utile de rappeler ce point. La commission permanente du Conseil national de la montagne est une instance où sont représentés non seulement les élus, mais aussi les acteurs socioprofessionnels. Si nous souhaitons déterminer demain une politique cohérente et opérationnelle au niveau des massifs, nous avons intérêt à nous situer dans le cadre où se trouvent principalement aussi les élus des secteurs de montagne.

Je ne suis pas hostile à une plus grande implication des régions dans la politique de la montagne. Mais elles doivent agir en accord avec les territoires de montagne.

Dans le dispositif qui nous est proposé, les départements peuvent difficilement entrer dans la structure, alors que ce sont pourtant les collectivités les plus proches de la montagne et que leur mode d'élection garantit une représentation montagnarde. Dans la structure régionale, le mode de scrutin favorise la représentation urbaine. Les élus, quels que soient les groupes politiques auxquels ils appartiennent, n'auront pas forcément la même sensibilité ni la même vision du développement de la montagne que celle qui pourra être exprimée au sein des collectivités départementales et, en tout état de cause, au sein des comités de massif.

Ma conviction, c'est qu'il faut conforter les comités de massif, associer davantage les régions à la politique de la montagne et les mobiliser afin qu'elles participent aux investissements, ce qui est possible depuis la mise en place des conventions interrégionales de massif. Nous n'avons pas intérêt, en matière de définition des politiques de la montagne, à passer le relais aux régions. C'est la raison pour laquelle je suis favorable à la rédaction proposée par le Gouvernement et très réservé, pour ne pas dire hostile aux amendements proposés qui, certes, relèvent d'une bonne intention, mais dont les rédacteurs n'ont pas mesuré tous les risques.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Vous avez pu noter mon manque de conviction dans la défense de notre amendement. Compte tenu de l'explication très précise du ministre et de l'argumentation enthousiaste de Michel Bouvard, qui par ailleurs est président du Conseil national de la montagne, dont certains d'entre nous sont membres, je retire l'amendement n° 965 corrigé.

M. le président. L'amendement n° 965 corrigé est retiré.

Qu'en est-il des amendements nos 1055 corrigé et 1100 corrigé ?

M. Jean Lassalle. Je retire l'amendement n° 1055 corrigé, monsieur le président.

M. Daniel Spagnou. L'amendement n° 1100 corrigé est également retiré.

M. le président. Les amendements nos 1055 corrigé et 1100 corrigé sont retirés.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

DÉCLARATION DE L'URGENCE
D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle (n° 1055).

Acte est donné de cette communication.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 1058, relatif au développement des territoires ruraux :

MM. Yves Coussain, Francis Saint-Léger et Jean-Claude Lemoine, rapporteurs au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (n° 1333).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

    Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

    jean pinchot