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Première séance du mardi 2 mars 2004

174e séance de la session ordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

LUTTE CONTRE LES DÉLOCALISATIONS

Discussion d'une proposition de loi

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Maxime Gremetz et plusieurs de ses collègues, tendant à instaurer des mesures d'urgence pour lutter contre les délocalisations (n°s 1390, 1453).

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Maxime Gremetz, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Je ne peux pas commencer, madame la présidente, le président de la commission n'est pas là.

Mme la présidente. Rien ne l'y oblige, monsieur Gremetz. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz, rapporteur. La commission n'est pas représentée.

M. Alain Bocquet. Ce n'est pas normal !

Mme la présidente. Peut-être, mais il n'y a aucune obligation.

Je vais néanmoins suspendre la séance quelques instants.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue, est reprise à neuf heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Madame la présidente, madame la ministre déléguée à l'industrie, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le Président de la République a appelé le Gouvernement à faire de l'année 2004 celle de la lutte pour l'emploi. Cette annonce est généreuse, mais l'attitude du Gouvernement laisse perplexe.

Alors que chaque exigence du MEDEF est satisfaite, aucune action n'est décidée face aux délocalisations. Les déclarations confuses et les explications alambiquées du Gouvernement n'excuseront jamais, aux yeux des travailleurs, sa stupéfiante passivité.

Ce qu'attendent les salariés menacés dans leur emploi, ce n'est pas de la compassion, ce sont des mesures courageuses.

Dans la tourmente des plans de licenciements qui ont particulièrement frappé, depuis une dizaine d'années, les grandes régions industrielles françaises, un processus a pris une importance croissante. Je fais bien sûr référence aux délocalisations, c'est-à-dire à l'attitude de ces grands groupes qui ferment leurs usines françaises pour les implanter à l'étranger, de préférence dans des pays à bas salaires, et qui réimportent le plus souvent leur production sur le marché français, provoquant aussi de nouvelles fermetures d'entreprises.

Cette violence faite aux salariés et aux territoires a conduit certains observateurs à parler de « patrons voyous ». Le Président de la République lui-même s'en est ému, mais rien n'a été fait ! Il est trop facile de démissionner face à une supposée fatalité économique, alors qu'il est urgent d'agir.

C'est le sens de la proposition de loi déposée par les député-e-s communistes et républicains s'agissant des délocalisations. Cette initiative sera prochainement complétée par l'examen, le 4 mars, d'une autre proposition de notre groupe destinée à combattre l'emploi précaire, qui se généralise.

Un premier constat, d'abord : la dérégulation planétaire des économies a amplifié le processus des délocalisations. L'étude des grandes variables que sont la production, les licenciements, les importations et les investissements directs à l'étranger montre que les délocalisations en direction des pays en développement se multiplient.

Cela se traduit par des licenciements économiques massifs - près de 1 500 plans dits sociaux en 2003, contre 1 086 en 2002 - mais aussi par une dégradation de la balance commerciale des industries où les grands groupes peuvent produire bien moins cher dans les pays à bas salaires.

Ne nous y trompons pas, si ces sociétés préfèrent implanter leurs usines à l'étranger, ce n'est pas parce qu'elles peinent à vendre et sont en crise, mais parce qu'elles sont engagées dans une course à la rentabilité à l'échelle mondiale.

Par ailleurs, la libéralisation sauvage des échanges internationaux permet à ces groupes d'investir à l'étranger sans aucun contrôle. Les flux d'investissements sortant de France représentent désormais 10 % du produit intérieur brut français, niveau particulièrement élevé au sein des pays développés. Ils continuent à augmenter et ont été, au cours de la période 1996-2000, plus de deux fois plus importants que les flux d'investissements directs reçus par la France. Or une étude publiée par l'INSEE en novembre 2003 souligne que « les entreprises constamment internationalisées entre 1986 et 1992 perdent plus d'emplois, ou en créent moins, que celles qui ne le sont pas ».

Deuxième constat : les délocalisations sont aussi une menace pour le potentiel productif de la France.

Les groupes qui délocalisent invoquent le « différentiel social » existant entre la France et d'autres pays : produire français reviendrait trop cher, par comparaison avec les économies envisageables en employant une main-d'œuvre bon marché dans des pays en développement. Mais cette situation résulte de conditions de travail souvent indignes dans les pays en développement : il faut donc améliorer la protection des travailleurs du tiers-monde et non affaiblir celle des travailleurs français. De plus, le coût horaire de la main-d'œuvre en France, d'ailleurs nettement moins élevé qu'au Japon ou en Allemagne, ne pourrait de toute façon jamais rivaliser avec celui d'un pays en développement tant l'écart est élevé : il va le plus souvent de un à dix et quelquefois de un à soixante.

Les délocalisations contribuent à faire progressivement disparaître les grandes industries nécessaires au développement économique de notre pays.

Ainsi, la production manufacturière a reculé chaque trimestre sans exception, depuis deux ans et demi, dans le secteur de l'habillement, du cuir et des chaussures ; dans ce secteur, la chute de la production s'élève à près de 20 % en un an. Entre l'automne 2002 et l'automne 2003, la baisse atteint 9,8 % pour les produits textiles, 6,1 % pour la sidérurgie et la métallurgie, 21,3 % pour le matériel ferroviaire.

Ce processus s'est accéléré depuis deux ans. Mais il est plus ancien : les gouvernements successifs n'ont pas su le maîtriser. Le secteur de l'habillement et des fourrures a perdu près de 40 % de ses entreprises et le tiers de ses effectifs depuis 1995. La situation n'est guère meilleure dans l'industrie textile proprement dite, puisque les effectifs salariés y ont chuté de plus de 10 % depuis 1995. Enfin, la sidérurgie et la transformation première de l'acier ont perdu près de 15 % de leurs emplois depuis 1995.

Il ne faut pas ignorer non plus que, contrairement à une idée reçue, des industries de pointe, faisant appel à des compétences de haut niveau et ayant recours aux emplois les plus qualifiés, sont affectées par les mouvements de délocalisation en France, comme l'attestent les nombreux exemples de plans de licenciements dans l'aérospatiale, l'informatique ou les télécommunications, et même plus récemment - vous avez sans doute lu le récent rapport à ce sujet, madame la ministre - les centres d'appels qu'on nous présentait pourtant comme l'avenir de la France.

Troisième constat : les délocalisations favorisent le chômage de masse en France et l'exploitation des travailleurs dans les pays en développement. Pour la première fois depuis dix ans, les effectifs employés dans l'industrie française dans son ensemble ont diminué en 2003 d'environ 30 000 emplois. Cette dégradation récente de la situation globale va de pair avec des crises sectorielles plus anciennes, comme dans les secteurs de l'habillement et de la chaussure, qui ont perdu plus de la moitié de leurs effectifs en quinze ans.

Or la réinsertion professionnelle des salariés licenciés est particulièrement dure, en raison de l'âge souvent assez avancé des ouvriers et parce que les plans sociaux se concentrent sur les mêmes bassins d'emploi. A ces difficultés déjà presque insolubles s'ajoute, depuis deux ans, la réduction des droits sociaux des travailleurs concernés.

Les délocalisations portent aussi atteinte à la politique visant à aménager de façon équilibrée le territoire national. Je rappellerai seulement que les régions Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Ile-de-France, Rhône-Alpes, Centre et Pays de la Loire concentrent à elles seules plus de la moitié des trois millions de salariés employés par des établissements industriels d'au moins vingt salariés. Dans les zones où l'industrie emploie traditionnellement une part importante de la population, une vague de délocalisations conduisant à des licenciements économiques en grand nombre - que l'on pourrait souvent qualifier de « boursiers » - peut déstabiliser durablement l'économie régionale, ce qui aggrave la « fracture territoriale » en France.

Dans la région Picardie, que je connais bien, plus de 1 100 emplois ont été perdus ces dernières années du fait de la délocalisation de Honeywell aux Etats-Unis, de Whirlpool en Slovaquie, ou encore, dans des conditions scandaleuses, de Magnetti Marelli et Flodor en Italie.

Par ailleurs, les études montrent que les pays industrialisés importent de plus en plus massivement des pays à faible coût de main-d'œuvre. Dans les secteurs du textile et de l'habillement, la part des importations provenant des pays à bas salaires est passée, de 1985 à 1996, de 41 % à plus de 65 %.

Une approche arithmétique conduit naturellement les groupes, dont les actionnaires réclament toujours plus de bénéfices à l'échelle mondiale, à transférer leurs usines dans des pays émergents presque dépourvus de protection sociale, tels que le Bangladesh, le Sri Lanka, le Cambodge ou l'Indonésie.

Pour écouler leur production à des prix défiant toute concurrence, ces groupes n'hésitent pas à faire travailler, dans des conditions inhumaines, de jeunes enfants, dont les besoins sanitaires et éducatifs sont entièrement négligés, mais aussi des femmes, comme le révèle le récent rapport d'une ONG consacré aux conditions de travail sur les chaînes d'approvisionnement au Honduras, par exemple, rapport dont je vous recommande la lecture dans un quotidien de ce week-end. Ces femmes n'ont pas de contrat de travail, pas de couverture sociale, elles sont mal payées, voire pas du tout pour les heures supplémentaires.

Les conséquences économiques et sociales dramatiques des délocalisations ont conduit à une prise de conscience au sein des organisations professionnelles. La proposition de loi qui nous est soumise, fruit d'une longue concertation, vise à répondre à ce phénomène économique nouveau.

Elle propose d'abord de rappeler avec fermeté les entreprises à leurs responsabilités sociales. Pour ce faire, elle prévoit un moratoire sur les délocalisations et la suspension des licenciements économiques liés à des investissements à l'étranger. Ce moratoire donnera le temps de mettre au point des solutions pour poursuivre l'activité et préserver l'emploi, au sein de commissions locales spécifiques associant les élus locaux, les partenaires sociaux et les acteurs économiques sous l'autorité des pouvoirs publics.

Il faut aussi en finir avec le versement d'aides publiques à des entreprises dont aucun effort n'est exigé en retour : cela n'a jamais permis de soutenir l'emploi mais seulement d'accroître les bénéfices distribués par les grands groupes à leurs actionnaires, et ce quel que soit le Gouvernement. Dans cet esprit, il est proposé de n'accorder ces aides qu'aux groupes qui n'auront pas délocalisé l'une de leur filiale implantée en France au cours de l'année qui précède l'obtention de l'aide. C'est le moins que l'on puisse faire pour limiter les comportements les plus choquants. Il est en effet illusoire d'espérer une implantation stable et durable d'un groupe qui a déjà montré dans un proche passé son peu d'attachement à l'emploi en France.

La proposition de loi prévoit ensuite, pour limiter le « dumping social » des pays en développement, de taxer les échanges liés aux délocalisations. L'objectif est d'abord de rendre moins rentables les investissements directs à l'étranger qui correspondent à des délocalisations. Il me semble possible, grâce à la vigilance des organisations syndicales, d'obliger les grands groupes à informer l'administration de tout projet d'investissement à l'étranger s'accompagnant d'un affaiblissement de l'activité du groupe en France : effectifs, production, valeur ajoutée. Ces investissements, effectués dans un objectif de pure rentabilité financière, feraient l'objet d'une taxe spécifique, ce qui permettrait à la fois de sensibiliser financièrement les entreprises et de compenser le coût des délocalisations pour les finances publiques.

Pour agir sur l'autre versant des délocalisations, les flux entrants de marchandises, la proposition de loi suggère de créer une taxe ciblée sur les importations de biens produits dans des conditions socialement inacceptables. Les implantations à l'étranger étant souvent guidées par le faible coût de la main d'œuvre locale, le renchérissement du coût du produit en France au moyen d'une taxe permettra de compenser ce « différentiel social » en rapprochant les coûts des différents produits. Grâce à cette mesure, les débouchés commerciaux offerts à ces produits d'importation pourraient être réduits, de même que l'intérêt des délocalisations. Il s'agit de dissuader.

Il m'a été opposé en commission que ces taxes pourraient nuire au développement des pays d'origine : étrange conception du développement que celle qui s'accommode de salaires de misère, du travail des enfants, ou encore de travailleurs sans contrat ! Est-ce aider ces peuples que d'accepter que les salaires soient divisés par trois, que les horaires soient flexibles, que le travail la nuit et le dimanche soit la règle, qu'il n'y ait pas de protection des travailleurs ?

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, vous savez ce que j'ai à vous dire...

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Ne me bousculez pas, madame la présidente, j'en arrive à ma conclusion.

Mme la présidente. Je ne vous bouscule pas, je vous invite simplement à conclure.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Ce n'est pas de ma faute si le président de la commission n'était pas là à l'heure.

Mme la présidente. Mais cela n'a pas d'influence sur la durée de votre intervention.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Votre temps de parole n'est pas lié à ma présence dans l'hémicycle, monsieur Gremetz. Et évitez de m'interpeller, s'il vous plaît !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Au contraire, l'affectation du produit de la taxe à un fonds de développement au profit des pays concernés favoriserait un compromis commercial et un progrès perceptible dans ces pays.

La proposition de loi vise enfin à mettre la politique d'aménagement du territoire au service de la relance de l'industrie dans les régions sinistrées. Cela suppose de mobiliser les moyens financiers de l'Union européenne et de l'Etat pour favoriser une réimplantation durable, dans les zones défavorisées, des industries les plus touchées par les délocalisations, au premier rang desquelles l'industrie textile et celle de l'habillement.

Telles sont les principales dispositions de cette proposition de loi qui fait écho à l'appel de ces salariés et de leurs familles victimes chaque jour des délocalisations. De ce point de vue, l'actualité de la semaine dernière n'a pas été avare d'annonces de fermetures d'entreprises.

Certains collègues, en commission, ont tenté de relativiser le constat inquiétant que j'ai dressé des délocalisations, mais tous les rapports montrent l'ampleur du phénomène et les chiffres sont incontestables. Je les invite donc à parcourir les régions sinistrées. D'autres ont jugé irréalistes les mesures contenues dans la proposition de loi, après les avoir caricaturées. A ce jour, ils n'ont pourtant proposé aucune solution nouvelle, si ce n'est de réduire toujours un peu plus la responsabilité sociale des entreprises !

Je regrette personnellement que la commission ait « courageusement » préféré ne pas procéder à l'examen des articles et, en conséquence, ne pas formuler de conclusions. Cependant, mes chers collègues, l'assemblée est souveraine et peut décider d'examiner cette proposition de loi qui nous semble tout à fait utile. Elle dégage en effet plusieurs pistes audacieuses pour contrer la logique dévastatrice des délocalisations. Elle peut être amendée et constitue avant tout un appel à l'action. Conscient de la gravité des menaces que les délocalisations font peser sur l'industrie française et ses millions de salariés, je ne peux que vous inviter à adopter ce texte qui n'est pas démagogique, comme l'ont dit certains, mais tout à fait réaliste.

Cette proposition de loi retire toute sa valeur du fait qu'elle a été élaborée en concertation avec les organisations syndicales concernées. Nous l'avons présentée dans le Nord, en Picardie et dans d'autres régions et, à l'issue de la discussion parlementaire, nous ne manquerons pas de rendre compte...

M. André Gerin. Démocratiquement !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. ...démocratiquement, en effet, des positions des uns et des autres. Il y va de l'emploi et de l'avenir industriel et technologique de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur Gremetz, je regrette la manière dont vous m'avez mis en cause, je tiens à vous le dire très directement. Si j'ai eu dix minutes de retard, c'est que j'étais en train de chercher un intérêt à votre proposition de loi. J'ai essayé de trouver une bonne raison d'approuver votre texte, mais il m'aurait fallu beaucoup plus de temps pour y parvenir !

M. Maxime Gremetz. Vous aviez tout loisir de le faire avant !

M. André Gerin. C'est un argument irrecevable et irrespectueux pour la représentation nationale !

Mme Muguette Jacquaint. Ça ne vole vraiment pas haut !

Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur Ollier.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je regrette également que vous n'ayez pas fait part de manière objective des discussions qui se sont tenues au sein de notre commission : je pense notamment au débat fort intéressant que nous avons eu pendant plus d'une heure sur ce sujet.

Incontestablement, il y a un problème.

Mme Muguette Jacquaint. S'il n'y en avait qu'un !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Incontestablement, vous êtes animé par de bonnes intentions. Qui ici pourrait être favorable aux délocalisations ? Certainement pas la majorité ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Muguette Jacquaint. Alors prouvez-le !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Pour autant, de bonnes intentions, si louables soient-elles, et un morceau de bravoure parlementaire, fût-il soutenu par la force de M. Gremetz, ne suffisent pas à définir un projet politique.

A ce titre, je ferai trois observations.

La première porte sur le fond de votre proposition de loi. S'il suffisait de décréter que les délocalisations sont interdites pour régler ce problème, nous le saurions !

M. François-Michel Gonnot. Jospin l'aurait réglé !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Et vous aussi, monsieur Gremetz, vous le sauriez, tout comme les membres de votre groupe.

Mme Muguette Jacquaint. Oui, mais de là à les favoriser !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Vous avez été extrêmement actifs lors des débats sur le projet de loi de modernisation sociale et vous avez obtenu des avancées dont on peut vous complimenter. Je m'en souviens fort bien car j'ai présidé plusieurs de ces séances. Mais pourquoi, alors même que vous étiez dans la majorité, n'avez-vous pas présenté la proposition dont nous débattons aujourd'hui ?

M. Alain Bocquet. Nous l'avons fait !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Monsieur Bocquet, voulez-vous dire que le groupe communiste n'avait pas assez d'influence pour être entendu de la majorité à laquelle il participait ?

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Tout à fait !

M. Jean-Claude Lenoir. Quel aveu !

M. François-Michel Gonnot. Quel terrible aveu !

M. Patrick Ollier, président de la commission. C'est un aveu, monsieur le président Bocquet, et je regrette que vous ayez souffert pendant cinq ans sous cette majorité dont vous ne partagiez pas les objectifs...

M. Maxime Gremetz. Les objectifs, si, mais pas les moyens !

M. Patrick Ollier, président de la commission. ...et que vous avez pourtant soutenue.

Alors, monsieur Gremetz, pourquoi n'avoir pas présenté cette proposition ? (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Je vous rappelle que lors de l'examen du projet de loi de modernisation sociale, dans le volet emploi concernant les délocalisations, vous aviez simplement prévu une meilleure information des syndicats sur les plans sociaux et la mise en place, sous l'égide du préfet, de réunions locales pour faire des propositions.

M. François-Michel Gonnot. Dérisoire !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Voilà, chers collègues, quel était le projet du gouvernement auquel le groupe communiste participait, pour lutter, il y a encore deux ans, contre les délocalisations ! (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Et aujourd'hui, vous voudriez nous démontrer que c'est notre majorité, au pouvoir depuis deux ans, qui n'a pas fait son travail ?... (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Muguette Jacquaint. Vous devez vraiment avoir peu de chose à dire pour employer des arguments pareils !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Deuxième observation, monsieur Gremetz : nous ne sommes pas seuls au monde !

M. Maxime Gremetz. Je l'ai dit !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Il y a deux directions intéressantes dans lesquelles nous souhaitons que notre majorité s'investisse.

Il s'agit d'abord de l'aide au développement. Ce n'est pas en décrétant l'indécrétable que l'on résoudra les problèmes sociaux et économiques des pays qui aujourd'hui sont de dangereux rivaux pour certaines de nos entreprises puisqu'ils absorbent le potentiel de création d'emplois du fait des salaires de misère qu'ils servent à leurs employés. Cette situation est scandaleuse et nous nous y opposons. Mais, nous, nous n'avons pas diminué de moitié l'aide au développement comme l'a fait le gouvernement de M. Jospin !

M. Jean-Claude Lenoir. Scandaleux !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Comment voulez-vous, dans ces conditions, que les pays en développement puissent relever les minima sociaux... 

Mme Muguette Jacquaint. Comme le RMA en France ?...

M. Patrick Ollier, président de la commission. ...afin de servir des salaires décents, ce qui donnerait quelques chances de rééquilibrer les choses dans la compétition économique ?

Il s'agit ensuite de l'Organisation mondiale du commerce. S'il est un plaidoyer en faveur de l'OMC, c'est bien votre discours, monsieur Gremetz. Tous les faits que vous avez soulignés sont autant d'éléments qui permettront à cette organisation de résoudre, en partie et en partie seulement, ces problèmes-là.

Il me semble important de le dire car l'Europe vient de prendre une décision qui va dans le sens d'un rééquilibrage des relations économiques et d'une réparation des injustices. Et je remercie Mme la ministre d'avoir contribué à la mise en place de surtaxes pour faire pièce aux initiatives inacceptables des Etats-Unis en matière d'exportations et d'importations. Voilà une solution qui peut être également envisagée dans le cadre de l'OMC.

Pour finir, j'en viens à ma troisième observation. Je me suis dit que cette proposition de loi était peut-être bien rédigée et qu'il nous fallait soutenir l'implacable dispositif juridique qui la sous-tend parce qu'il est habile, astucieux et bien construit.

M. Serge Poignant. Mais non !

M. Alain Bocquet. Vous pouvez toujours l'amender !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Monsieur Bocquet, mieux vaut bien préparer un texte que d'avoir à le faire amender en séance.

M. Maxime Gremetz. Et le travail parlementaire alors : il faut bien que vous apportiez votre pierre !

M. Patrick Ollier, président de la commission. En l'occurrence, ce ne serait pas une simple pierre mais un mur entier qui s'imposerait pour faire obstacle à ces élans qui sont surtout démagogiques. Je ne vois pas comment je pourrais les qualifier autrement.

Aux termes de l'article 1er, « sont suspendues les opérations de délocalisation » : monsieur Gremetz, voulez-vous me dire sur quel texte juridique repose la définition des délocalisations ?

M. Maxime Gremetz. Lisez l'ensemble de la proposition au lieu d'extraire des phrases de leur contexte !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Qu'est-ce qu'une délocalisation ? Moi, je ne le sais pas !

« Toute décision de suppression d'emploi liée à une opération de délocalisation est annulée », lisons-nous à l'article 2. Mais qu'est-ce qu'une « suppression d'emploi » ? Juridiquement, je l'ignore et nous sommes ici pour faire la loi.

M. Alain Bocquet. Justement !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Nous ne sommes pas ici pour nous livrer à de grandes envolées, plus démagogiques que constructives.

Quelle loi définit les suppressions d'emplois ? Dans quel contexte : pour raisons économiques, pour...

Mme Muguette Jacquaint. Et les créations d'emplois selon M. Raffarin, qu'est-ce que c'est ?

M. Patrick Ollier, président de la commission. Madame Jacquaint, je parle de la proposition de loi que vous nous demandez d'adopter. Je vous dis simplement que vous auriez dû travailler plus pour la rédiger mieux. Voilà tout !

M. Maxime Gremetz. Nous sommes des salariés, pas des technocrates !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Peut-être l'aurions-nous acceptée si elle avait été mieux rédigée.

M. Maxime Gremetz. Laissez-moi rire !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Les articles 3 et 4 sont du même acabit et, à l'article 5, vous proposez une procédure qui n'existe pas en droit français.

Monsieur Gremetz, la commission, intéressée par le principe même que vous avez évoqué, n'a cependant pas pu vous suivre. Je vous suggère donc de reprendre la rédaction de votre proposition pour l'affiner et la rendre plus pertinente. Nous pourrions alors envisager de l'adopter. Car nous ne sommes pas du tout sectaires, ...

M. François-Michel Gonnot. Pas du tout !

M. Maxime Gremetz. En tout cas pas avec le MEDEF !

Mme la présidente. ...nous sommes très objectifs. Et si vous nous présentiez une proposition de loi, à la fois motivée par de bonnes intentions et étayée juridiquement, qui, ici, pourrait s'y opposer ?

M. François-Michel Gonnot. Personne !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Merci pour cette déclaration d'intention, monsieur Gonnot !

Au titre de l'article 94-1 du règlement, la commission n'ayant pas présenté de conclusions, j'appellerai l'Assemblée à voter contre le passage à la discussion des articles de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. André Gerin. Quelle dérobade !

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, « je suis fier d'être un patron qui délocalise » affirmait il n'y a pas si longtemps Guillaume Sarkozy, vice-président du MEDEF. De tels propos sont bien évidemment à l'opposé des exigences économiques et sociales actuelles, et surtout des attentes des salariés. Ils sont à l'opposé de la proposition de loi relative aux délocalisations d'entreprises, que j'ai l'honneur de défendre au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains. Proposition de loi, je tiens à le préciser, monsieur le président de la commission, que nous avions déjà déposée sous la précédente législature.

M. Jean-Claude Lenoir. Tiens donc !

M. François-Michel Gonnot. Elle n'a pas abouti !

M. Alain Bocquet. Visiblement, en refusant le passage à la discussion des articles, vous refusez le débat. Et pour cause.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Nous ne pouvons pas faire mieux que M. Jospin !

M. Alain Bocquet. Le gouvernement de M. Raffarin dépose en urgence un texte relatif aux délocalisations que nous examinerons puisqu'il veut, selon ses dires, répondre à ces problèmes.

JVC, Continental, Alcatel, ST Microelectronics, Alstom, Arcelor, Schneider, STM Micro, OCT, SBR-SKF, TI-Groupe, le Textile, Comilog, Mainetti, Ontex, Jackstadt, Lever, Altadis : autant de groupes dont le point commun est de fermer des sites implantés en France, même lorsqu'ils sont rentables, tout en délocalisant leurs productions vers l'étranger.

Mme Muguette Jacquaint. Sans oublier Aventis !

M. Alain Bocquet. L'Asie et l'ensemble du tiers-monde, où, comme l'a rappelé le sommet social de Bombay, l'exploitation de l'enfance salariée fait l'opulence des groupes mondialisés, sont les tout premiers concernés. Mais ce ne sont pas les seuls puisque l'Europe de l'Est, voire nos propres voisins, en tirent également profit.

Ce n'est pas un phénomène nouveau, car il dure depuis une vingtaine d'années. Mais force est de constater qu'il s'accélère, plongeant salariés et familles de notre pays dans la pauvreté et la détresse, détruisant l'équilibre de territoires au mépris le plus total de l'intérêt collectif. Dans le même temps, les fonds de pensions se conduisent dans nos territoires comme en pays conquis, avant de repartir ailleurs, fortune faite, bénéficier d'aides publiques et de cadeaux fiscaux.

Ces comportements sont guidés par la recherche de profits financiers maximaux et l'exigence jamais assouvie de baisse du coût du travail. Accroître la rentabilité, non pour répondre aux besoins de développement de l'entreprise mais pour satisfaire les exigences de l'actionnariat et alimenter les placements boursiers, devient le leitmotiv de ces groupes. Et tout cela se fait au détriment du développement économique de notre pays ; au détriment d'une législation sociale que vos remises en cause du code du travail ébranlent toujours davantage ; au détriment enfin d'une vraie politique de l'emploi qui, à l'inverse de celle que vous conduisez, favoriserait les salaires, la formation, la recherche, la coopération entre les entreprises.

Face aux situations violentes, inacceptables tant sur le plan humain ou économique qu'environnemental qu'entraînent les délocalisations, l'Assemblée nationale se doit d'examiner des mesures d'urgence. Car les délocalisations participent d'une politique industrielle d'abandon. Elles portent atteinte au potentiel de nos industries et vont jusqu'à se traduire par la destruction de filières complètes comme la chaussure ou le textile.

Je ne reviens pas sur les constats dressés par Maxime Gremetz. Mais je tiens à dénoncer très vigoureusement le désastre économique et le drame humain que vit entre autres la population de Roubaix-Tourcoing. En son temps capitale mondiale du textile, cette agglomération est devenue, au seul nom du profit, un désert industriel avec la disparition de 2 500 emplois en un an : l'équivalent de trois Metaleurop !

Autre exemple : l'automobile, secteur dans lequel le nombre total de salariés en France a reculé, passant de 310 000 en 1992 à 270 000 en 2002.

L'argument d'une saturation des marchés n'est qu'un prétexte qui n'explique rien. Il est, en effet, largement invalidé par la progression des marchés sur dix ans, qui est de 5 points en France, de 9 points en Europe et atteint 61 points en Angleterre. Mais les prétendues surcapacités ont permis au patronat d'externaliser nombre de fonctions ou de métiers de l'entreprise et de déstructurer l'emploi.

A présent, le prétexte du coût du travail conduit les constructeurs français à préciser leurs objectifs de délocalisation et à accroître leurs capacités de production à l'étranger. Un journal économique titrait récemment, à propos des patrons de l'automobile : « La ruée vers l'Est ». En effet, en Europe de l'Est, le nombre de véhicules produit par les constructeurs français, de l'ordre de 150 000, pourrait être multiplié par plus de cinq dès 2006, avec le risque, en France, de voir progresser rapidement réimportations de véhicules et problèmes d'emplois.

On pourrait multiplier les exemples. Tous montrent que désindustrialisation et délocalisations frappent d'un même coup, et d'une façon d'autant plus impitoyable dans un contexte global de récession de l'économie. Certains membres de votre gouvernement ont cru pouvoir se prévaloir du fait que la France est la cinquième puissance industrielle du monde. Mais, en vingt ans, sa part dans la richesse intérieure produite a reculé d'un tiers et elle a perdu un million et demi d'emplois. En une seule année, l'emploi industriel a reculé de 2,4 % et perdu encore 100 000 salariés.

Laisser se poursuivre les délocalisations, c'est donc prendre la responsabilité de réduire toujours plus la part des emplois industriels dans la population active, déjà tombée de 24 % à 15 %, ou de laisser croître le risque nouveau que représente pour la France la coexistence d'une industrie faible et de services forts.

On sait que l'emploi de création ou d'encadrement quitte progressivement le territoire national. Si rien n'est fait, la fuite généralisée des cerveaux et des compétences accompagnera tôt ou tard la délocalisation du tissu industriel. Et les services suivront.

Déjà, certains groupes transfèrent en Inde ou au Népal des opérations administratives, comme les facturations et diverses autres taches de gestion. On assiste également au développement exponentiel de centres d'appel intervenant sur le marché français depuis l'étranger - par exemple depuis la Tunisie ou le Maroc, où la législation et le coût du travail sont adaptés aux exigences du patronat, et où l'on peut recourir à des jeunes qualifiés, de niveau bac plus trois ou bac plus quatre, pour 380 euros par mois, primes comprises ! Cela se passe de commentaire.

Cette situation interroge directement votre politique de l'emploi : qu'attendez-vous pour prendre des dispositions préservant nos atouts économiques, nos industries et nos services ?

Qu'attendent la France et votre gouvernement pour prendre des initiatives fortes exigeant un aménagement des législations mondiales et européennes, d'autant plus indispensable à l'heure de l'élargissement de l'Union européenne et de la mondialisation ? Les députés communistes européens ont proposé, à cet égard, que les localisations des industries et des services en Europe soient maîtrisées par les représentants des salariés, les comités de groupe et les élus nationaux et régionaux, voire européens. Qu'attendez-vous pour peser sur les décisions et les orientations de l'OMC ? Qu'attendez-vous pour engager l'autorité et le poids de la France dans des initiatives contribuant à harmoniser par le haut les réglementations du travail ?

Le capitalisme mondialisé achète ou détruit, vend, rétrocède ou développe les activités et les productions industrielles, les productions agricoles et agro-alimentaires ou les productions de services uniquement en fonction de ses opportunités ou de ses choix. C'est cela qu'il convient de stopper. L'homme n'est entre ses mains qu'un moyen supplémentaire de parvenir à ses fins de rentabilité, comme le prouvent les exemples que j'ai donnés.

Les délocalisations que l'inertie complice de votre gouvernement laisse se développer nourrissent cette mise en concurrence des peuples et des territoires, l'exploitation du monde du travail et les gâchis économiques et sociaux qui, comme je l'ai rappelé, frappent la France et ses régions.

Promettre des mesures de revitalisation des bassins d'emploi, poser des emplâtres sociaux sur le cancer du chômage n'a aucun sens, quand on laisse, comme vous le faites, atomiser des entreprises modernes dotées de personnels jeunes et qualifiés. Il faut mettre la barre beaucoup plus haut, et prendre à bras-le-corps le problème des délocalisations et de l'emploi en imposant d'autres choix.

C'est d'autant plus urgent que les régions frappées sont souvent celles qui subissaient déjà les difficultés économiques et sociales les plus graves. Ainsi, l'écart se creuse un peu plus encore pour les populations de ces zones en déclin. La décentralisation, telle que vous projetez de la mettre en œuvre, ne fera que renforcer l'inégalité entre les régions et entre les droits de leurs habitants.

Mme la présidente. Monsieur Bocquet, veuillez conclure, je vous prie.

M. Alain Bocquet. Je conclus, madame la présidente. Il s'agit toutefois d'un problème important, et nous ne disposons que trop rarement de « niches » nous permettant de formuler des propositions sur les vrais sujets.

M. Daniel Paul. Hélas !

Mme Muguette Jacquaint. Ce serait particulièrement utile dans la période actuelle !

M. Alain Bocquet. Devant l'ampleur du phénomène, nous proposons d'abord un moratoire immédiat sur les délocalisations, afin de suspendre tout licenciement et toute fermeture décidés sans concertation avec les salariés ou leurs représentants.

Cette suspension des délocalisations devrait permettre, dans un deuxième temps, de réunir des comités d'urgence, en vue de dégager des solutions propres à maintenir l'emploi sur le territoire et à favoriser la poursuite de l'activité.

Enfin, nous proposons que les entreprises qui procèdent à ces délocalisations à des fins de profit maximum soient tenues non seulement de s'acquitter de leurs obligations légales, mais aussi de rembourser toutes les aides publiques perçues au titre de l'aide à l'activité et à l'emploi. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mes chers collègues, cette proposition de loi entend répondre à une situation d'urgence. Le monde du travail attend des pouvoirs publics qu'ils réagissent face aux agissements du patronat et aux drames que vivent les salariés. Ces derniers exigent du Gouvernement des actes concrets. Ne pas agir, ce serait cultiver le renoncement et encourager la poursuite de choix économiques décidés dans le secret des conseils d'administration, auxquels il faudrait se résigner, tantôt au nom de la mondialisation, tantôt au nom de la compétitivité des entreprises. C'est un discours d'un autre âge, uniquement soucieux de faire avaler au monde du travail la pilule du profit boursier, et qui ne produit que davantage de chômage et de précarité.

La vraie modernité, c'est d'investir pour produire et créer en France. C'est aussi de mobiliser les ressources politiques, législatives et budgétaires de l'Etat pour renverser la vapeur et donner le signal d'un redéploiement de l'investissement économique et industriel, créateur d'activités et de services, d'emplois pour la jeunesse, les chômeurs et les salariés de ce pays. Ce devrait être le rôle assumé par l'Etat et votre gouvernement.

Tel est aujourd'hui le sens de cette proposition de loi et, plus que jamais, de notre combat pour l'économie et pour l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Son talent va réchauffer l'atmosphère.

M. Jean-Claude Lenoir. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la radio nous le disait ce matin : ce mardi est consacré par l'opposition à la contestation : avant la motion de censure cet après-midi, nous avons, en guise de hors-d'œuvre, la proposition de loi présentée par M. Gremetz.

M. Alain Bocquet. Merci pour les chômeurs !

M. Daniel Paul. Ça commence mal !

Mme Muguette Jacquaint. Et ce n'est qu'un hors-d'œuvre !

M. Jean-Claude Lenoir. Les délocalisations sont, aujourd'hui comme depuis trente ans, un sujet d'actualité. Derrière ce sujet, il y a des licenciements, avec les drames humains qu'ils représentent toujours. Mon département a été, comme toute la région de Basse-Normandie, durement touché par la disparition de Moulinex, mais je n'ai pas le souvenir que les décisions funestes prises il y a deux ans aient beaucoup ému le gouvernement de M. Jospin.

M. Patrick Ollier, président de la commission, M. Rodolphe Thomas. C'est vrai !

M. Jean-Claude Lenoir. Sur ce sujet, le discours un peu distancié des économistes est difficilement audible par les personnes concernées, souvent persuadées, au-delà des réalités, que leur licenciement est dû à un phénomène que je vais analyser dans le détail : combien de fois avons-nous entendu, dans nos circonscriptions, des salariés nous dire que leur emploi, ou celui d'un membre de leur famille, était perdu parce que l'entreprise avait délocalisé !

Il ne faut pas céder à la démagogie. Lorsqu'on réclame des « mesures courageuses », il faudrait avoir soi-même le courage de dire la vérité.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Vous me traitez de menteur ?

M. Jean-Claude Lenoir. Le rapporteur reconnaissait lui-même en commission que nous parlons d'un phénomène qui n'est pas vraiment quantifié.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Comment ?

M. Jean-Claude Lenoir. Peut-être pourrions-nous au moins nous mettre d'accord sur une définition économiquement correcte.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Politiquement correcte ?

M. Jean-Claude Lenoir. Une délocalisation est le transfert de tout ou partie de l'appareil productif afin de réimporter sur le territoire national des biens produits à moindre coût. On pourrait ajouter qu'il s'agit aussi de se rapprocher du marché international.

Certes, nous manquons d'éléments précis, mais les éléments dont nous disposons conduisent plutôt à nuancer l'importance des délocalisations. Ainsi, les études produites par nos missions économiques à l'étranger en 1999-2000 montrent que 5 % de nos investissements directs à l'étranger se sont faits sur des marchés proches, essentiellement dans la zone euro-méditerranéenne, 1 % sur les marchés lointains, et que 10 % - soit 4 % du total des investissements français - se sont faits dans les pays en voie de développement.

L'impact des délocalisations doit également être nuancé. Ces investissements relèvent souvent, en effet, de secteurs dynamiques et créateurs d'emplois. Ainsi, de 1997 à 2001, période durant laquelle MM. Gremetz et Bocquet...

M. Patrick Ollier, président de la commission. ...étaient aux affaires !

M. Jean-Claude Lenoir. ...ont soutenu avec un zèle marqué le gouvernement Jospin,...

M. Patrick Ollier, président de la commission. Un zèle sans faille !

M. Jean-Claude Lenoir. ...les dix secteurs principaux de l'industrie manufacturière, représentant, selon les chiffres officiels, 60 % des flux cumulés et 75 % des emplois, ont investi, en montant cumulé, 37 milliards d'euros à l'étranger et créé 100 000 emplois en France.

Avant d'entrer dans l'hémicycle, le rapporteur m'a mis en garde contre l'utilisation des documents produits par le ministère des finances et de l'industrie. Ce sont pourtant des documents officiels, qui font foi et auxquels M. Gremetz se réfère lui-même dans son rapport !

Ce phénomène atteint l'ensemble des pays industrialisés.

Nous observons même une évolution intéressante : les pays qui ont été les premiers à bénéficier de la délocalisation - en Europe, je pense à l'Irlande, et en Asie, à la Corée du Sud et à Taiwan - sont actuellement touchés à leur tour par un phénomène de transfert vers les pays à bas salaires. Ainsi, les centres de services, qui se sont largement implantés en Irlande, commencent à quitter cette île pour aller dans des pays situés en Europe de l'Est, voire en Asie, pendant que Taiwan, premier producteur mondial de micro-ordinateurs et de mobiles, est en train de transférer ses centres de fabrication en Chine communiste.

Autre observation : la compétitivité externe s'avère loin d'être le seul déterminant des politiques économiques. En effet, le coût de la main-d'œuvre n'est pas le seul facteur décisif pour assurer la compétitivité à l'exportation. Les entreprises, les économistes et les salariés eux-mêmes savent que d'autres critères entrent en ligne de compte : la productivité, le coût des biens intermédiaires, les loyers, le coût des emprunts, les taux de change, l'environnement physique - je pense notamment aux infrastructures de transport -, l'environnement réglementaire, les réseaux de distribution, les conditions d'accès au marché du pays, la qualité de la main-d'œuvre, la fiscalité, la sécurité des approvisionnements, l'accès à la technologie. Autant de critères qui, aujourd'hui, commencent à apparaître comme plus déterminants encore que le coût des salaires.

Nous constatons ainsi, même si c'est à la marge, un phénomène nouveau : des délocalisations opérées dans des pays à bas salaires sont, dans certains cas, remises en question, parce que la faible productivité, la piètre qualité de la main-d'œuvre et l'instabilité politique menacent la production des entreprises qui s'y installent. Bref, nous assistons aujourd'hui à une évolution que je qualifierai - bien qu'elle soit encore très marginale - de retour d'investissements.

Un autre constat devrait rendre plus modeste le rapporteur de la commission, par ailleurs auteur de la proposition de loi.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Ce sera difficile ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir. S'il est vrai que la France a malheureusement perdu des positions, l'essentiel de ces reculs a eu lieu pendant cette période à laquelle je me référais tout à l'heure (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...

M. David Habib. C'est faux !

M. Jean-Claude Lenoir. ...alors que le groupe communiste non seulement participait au gouvernement, mais le soutenait sans faille et sans relâche - nos collègues socialistes s'en souviennent.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Nous aussi !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Vous voulez que nous disions la vérité ?... Alors, le qualificatif « sans faille » est une contrevérité !

M. Jean-Claude Lenoir. Je vais citer quelques chiffres. En 1995, la France se situait, en termes de flux d'investissements directs à l'étranger, au troisième rang mondial, derrière les Etats-Unis et la Chine ; en 2000, elle était passée au huitième rang. Un autre ratio, fourni par la CNUCED - j'espère que M. Gremetz ne va pas contester cette source officielle -, porte sur les investissements internationaux : entre 1988 et 1990, la France occupait le vingt-deuxième rang ; entre 1998 et 2000, elle a reculé à la vingt-neuvième place.

En fin de compte, le rapporteur ne dit pas le contraire. J'ai même été surpris, en lisant son rapport dès potron-minet, du décalage entre la première partie, explicative et qui fournit des données objectives à partir desquelles beaucoup de vérités sont avancées, et la seconde partie, constituée de commentaires et de propositions qui versent dans une démagogie d'un autre siècle.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Menteur, démagogue, et quoi encore ?... Le rapporteur mérite un minimum de respect !

M. Jean-Claude Lenoir. Le rapporteur, citant l'INSEE, note une accélération de l'internationalisation des grands groupes industriels français entre 1997 et 2002. Même s'il considère que ce phénomène s'est poursuivi depuis, il reconnaît que cela « relève toutefois d'un processus économique plus ancien, que les gouvernements successifs n'ont pas su maîtriser. »

M. Maxime Gremetz, rapporteur. C'est la vérité !

M. Jean-Claude Lenoir. Un exemple particulièrement cruel parce qu'il a touché beaucoup de personnes et de circonscriptions - nombre d'entre nous pourraient en témoigner - est celui du secteur de la chaussure. Les importations entre 1995 et 2002 - une période qui ne doit pas vous laisser indifférent, monsieur Gremetz, puisque vous étiez au pouvoir - ont augmenté de 76 %,...

M. Rodolphe Thomas. C'est vrai !

M. Jean-Claude Lenoir. ...tandis que, durant la période 1990-2002, essentiellement dominée par les gouvernements de la gauche - éphémères mais qui ont longtemps occupé le terrain -, les effectifs de ce secteur ont diminué de presque 53 %. Une telle situation n'avait pas, autant que je m'en souvienne, donné lieu aux discours que nous avons entendus ce matin.

Il est intéressant, mes chers collègues, de s'interroger sur les causes de la délocalisation - même si j'ai dit qu'il fallait en nuancer l'importance - et sur les freins à l'attractivité de notre pays.

Le premier frein - qui, malheureusement, constitue aussi un accélérateur en l'occurrence -, ce sont les 35 heures. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. David Habib. Il y avait longtemps !

M. Jean-Claude Lenoir. En renchérissant le coût du travail,...

M. Patrick Ollier, président de la commission. Plus 11 % !

M. Jean-Claude Lenoir. ...entre 11 % et 15 %, les 35 heures ont eu un effet dévastateur. (Protestations sur les mêmes bancs.) Une mission d'information conduite par le président Ollier met en avant tous les effets déstructurants, ravageurs et dévastateurs de leur mise en place !

Mme la présidente. Les travaux de cette mission d'information ne sont pas à l'ordre du jour, monsieur Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. D'autres freins existent, en périphérie de cette réduction du temps de travail : une réglementation alourdie et tatillonne, outre les incertitudes liées à plusieurs propositions démagogiques qui fleurissent encore, hélas, au Parlement.

Le niveau des prélèvements obligatoires constitue aussi une entrave à l'attractivité. La France est le pays où ils sont les plus lourds. Les derniers chiffres permettant de vraies comparaisons remontent à 1999. Le taux des prélèvements obligatoires s'élevait, dans notre pays, à 46 % du PIB, alors qu'il n'atteignait que 43 % en Italie, 37 % en Allemagne, 35 % en Espagne, 29 % aux Etats-Unis, 27 % au Japon, 41 % en moyenne dans l'Union européenne et 37 % dans l'OCDE. Je ne parlerai pas, bien entendu, des pays en développement.

Quelles sont les solutions proposées ? Comme on dit à l'état-major des armées, il y a les bonnes solutions : celles de l'état-major, et les autres : en l'occurrence, celles de M. Gremetz.

J'aurai tout de même la courtoisie, monsieur Gremetz, de commenter les mesures que vous préconisez et qui constituent votre proposition de loi. J'ai d'ailleurs eu à l'instant la confirmation, par M. Bocquet, que celle-ci avait déjà été déposée lors de la précédente législature. Elle n'avait pas eu l'heur d'intéresser le gouvernement de M. Jospin puisqu'elle n'a jamais été débattue. Mais je ne veux pas accroître les problèmes auxquels mes collègues socialistes et communistes sont confrontés dans le cadre de la préparation des élections. Entre collègues, ça ne se fait pas !

Dans votre proposition, vous avez laissé aller votre imagination jusqu'au mur de l'imaginaire.

M. Christian Paul. C'est du Lenoir dans le texte ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir. Vous êtes parti d'une logique économique complètement étrangère au monde dans lequel nous vivons aujourd'hui. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Vous avez d'ailleurs l'audace de parler de mesures d'urgence... Que ne les avez-vous mises en œuvre quand vous étiez au pouvoir ! Mon ami Patrick Ollier a excellemment rappelé que la loi de modernisation sociale vous donnait l'occasion inespérée de chercher à appliquer ces solutions miracle que vous nous présentez maintenant.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Je n'ai pas parlé de miracle : ça n'existe pas !

M. Jean-Claude Lenoir. Parmi vos propositions, quelques-unes méritent d'être signalées.

Tout d'abord, vous voulez suspendre les délocalisations dès le vote de votre proposition de loi.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Je pense aux patrons voyous, celui de Flodor par exemple !

M. Jean-Claude Lenoir. Vous demandez tout simplement aux pouvoirs publics d'intervenir autoritairement et de se substituer au libre choix des entrepreneurs. (« Ah ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Chacun mesure la portée de cette proposition et assume ses responsabilités.

Vous suggérez ensuite de taxer les « investissements profitables » : ce sont vos propres mots.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Croyez bien que je prendrai le temps de vous répondre !

M. Jean-Claude Lenoir. J'aimerais donc savoir, monsieur Gremetz, comment vous pouvez les définir et les distinguer de ceux qui ne le sont pas ? Voudriez-vous dire qu'un investisseur devrait s'engager à ne pas faire de profit pour être autorisé par les pouvoirs publics à investir à l'étranger ? (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz, rapporteur. C'est extraordinaire ! Les profits, c'est pour quoi faire ? Pour investir ou pour spéculer ?

M. Jean-Claude Lenoir. Une autre de vos propositions relève vraiment d'un autre âge. Je rappelle, pour ceux qui n'auraient pas encore lu ce texte, que M. Gremetz préconise d'établir des contingentements, des sortes de quotas, pour les importations provenant de certains pays.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Ce n'est pas dans la proposition de loi ! Vous ne savez pas lire !

M. Christian Paul. C'est un phantasme, monsieur Lenoir !

M. Jean-Claude Lenoir. Vous avez une particularité : celle d'avoir déjà oublié le texte de votre proposition ! (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Comme ses collègues d'ailleurs, qui donnent de la voix.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Il n'est pas question de quotas !

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, vous pourrez répondre tout à l'heure.

M. Jean-Claude Lenoir. Vous voyez, madame la présidente, que M. Gremetz a un discours rentré !

Je ne veux pas être cruel au point de lui rappeler ce qu'il a lui-même proposé, je ne ferai donc que me référer à son texte, lequel propose notamment de taxer les importations en provenance des pays pauvres. Ces pays seraient en droit de s'interroger sur le sens de cette proposition et sur l'intérêt que porte le groupe communiste aux pays en développement.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Bien sûr !

M. Maxime Gremetz. Vous faites semblant de ne pas comprendre !

M. Jean-Claude Lenoir. Vous voulez en effet substituer la logique de l'assistance à celle du développement.

Enfin, vous demandez le rapatriement, dans les cinq ans, du cinquième des travaux qui ont été effectués à l'étranger. Nous sommes en plein dans ce rêve nostalgique, encore entretenu dans certains pays - et même en France, principalement par le groupe communiste -, de la planification à la soviétique, du retour au bon vieux temps où les décisions étaient prises brutalement, autoritairement, et où d'ailleurs les faits ne suivaient pas puisqu'il était impossible de maîtriser la situation.

Mme Muguette Jacquaint. Et personne ne décide autoritairement aujourd'hui ?

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur Gremetz, avez-vous vérifié ce matin d'où viennent la cravate, la chemise, la veste, le pantalon que vous portez ?

M. Maxime Gremetz, rapporteur. J'ai vérifié : made in France !

M. Jean-Claude Lenoir. Moi aussi, c'est made in France ! (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mais pouvez-vous être sûr que ce sera le cas tous les matins ? Allez-vous toujours acheter français ? Et même avez-vous toujours acheté français ?

M. Patrick Ollier, président de la commission. Non, les chaussures de M. Gremetz sont made in Italy, j'ai vérifié ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir. A ma grande surprise ainsi qu'à celle des membres de la majorité appartenant à la commission des affaires économiques, des représentants éminents du groupe socialiste ont trouvé beaucoup de vertus à cette proposition de loi et indiqué que, sous réserve de quelques petites modifications de ponctuation, leur groupe allait la voter. Je vois que la démagogie est contagieuse, surtout en cette période électorale. Cette complaisance, rare à un tel degré, des socialistes à l'égard du texte de M. Gremetz, illustre le suivisme observable dans les rangs de la gauche, quand elle est dans l'opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Aujourd'hui, nous sommes face à une logique protectionniste, de repli sur soi. C'est un discours d'un autre âge - pour reprendre l'expression de M. Bocquet et la lui retourner.

J'ajoute, et cela me préoccupe, que, malheureusement, le terrain de la démagogie est celui où se retrouvent généralement les extrêmes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Que voulez-vous dire ?

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur Gremetz, vous avez cité des sources administratives que j'ai moi aussi consultées. Le SESSI, le service des études et des statistiques industrielles du ministère de l'industrie, décrit ainsi la situation en Picardie : « Le développement international des entreprises picardes n'est pas suffisant. L'accueil d'investissements étrangers à la région est un des axes majeurs du développement industriel de la Picardie. De nombreux groupes sont déjà présents. Ils sont les nouveaux moteurs du développement exogène picard. »

M. Maxime Gremetz, rapporteur. C'est sans doute pourquoi ils délocalisent !

M. Jean-Claude Lenoir. Je vais d'ailleurs vous citer quelques chiffres. En Picardie, les groupes français comptent 581 établissements, les groupes étrangers 307. Pour ce qui est des effectifs, les groupes français emploient 49 512 personnes, les groupes étrangers 45 534. Où est la cohérence, quand vous dénoncez les investissements français à l'étranger alors que l'économie de votre région bénéficie d'investissements étrangers qui créent beaucoup d'emplois ?

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Je vais vous l'expliquer !

M. Jean-Claude Lenoir. Quelles sont les bonnes solutions ? Mme la ministre est certes beaucoup plus autorisée que moi à en parler. Je vais néanmoins esquisser quelques pistes principales.

D'abord, il nous faut concentrer nos efforts sur les instances multilatérales, qui doivent condamner les comportements les plus contestables. Il faut veiller au respect de la réciprocité. Il faut veiller à ce que le commerce soit équitable, et notamment à ce qu'il respecte les normes sociales fondamentales.

On observe aujourd'hui un rapprochement entre l'OMC et l'Organisation internationale du travail. C'est ainsi qu'en 1998, un accord a été conclu, qui garantit les droits fondamentaux des travailleurs. En 2000, une convention a été signée, qui interdit le travail des enfants. En 2001, l'Union européenne a décidé d'accorder des préférences généralisées aux pays en développement qui respectent les droits fondamentaux. L'OMC n'est pas en reste. J'ai participé, avec un certain nombre de mes collègues, à la conférence de Doha où l'un des sujets majeurs était le développement social. Notre intérêt, c'est que les pays en développement voient leur niveau de vie augmenter, que les droits des travailleurs y soient garantis, de façon que le coût du travail y soit revu à la hausse et que les distorsions que l'on condamne ici puissent progressivement disparaître.

Le deuxième axe est bien sûr l'amélioration de la compétitivité des entreprises situées sur notre territoire. Il nous faut fournir un effort dans les domaines de la formation et de l'innovation. Il nous faut également diminuer les charges, et notamment la taxe professionnelle - Mme la ministre pourra nous en dire un mot dans un instant -, car cela fait partie des freins qui empêchent des investissements supplémentaires.

M. Pierre Goldberg. Ben voyons ! Et les hauts salaires, il ne faut pas s'en occuper ?

M. Jean-Claude Lenoir. Il nous faut aussi contenir les dépenses publiques. A cet égard, nous savons, madame la ministre, même si d'autres chiffres sont plus préoccupants, que pour la première fois depuis plus de vingt ans, elles n'ont pas excédé, en 2003, les dépenses votées par le Parlement.

Il faut, d'autre part, accompagner les entreprises à l'internationalisation, en leur apportant des garanties tant dans la phase de prospection que dans la phase de réalisation, avec la COFACE et SOFARIS. Je précise que ces aides ne sont accordées qu'après évaluation et après avoir vérifié que les entreprises veilleront à ce que notre économie bénéficie d'un retour sur investissement.

Un autre axe majeur, madame la ministre, est la lutte contre la contrefaçon.

De même, la promotion d'une vraie politique industrielle européenne est nécessaire. L'action qui doit être menée par nos gouvernements, qui sont tous préoccupés par le phénomène des délocalisations - même si la France est le pays développé qui, en pourcentage, a perdu le moins d'emplois industriels -, doit être hardie et courageuse et doit tourner le dos à la démagogie.

Mais nous avons bien compris, monsieur le rapporteur, que c'est la période dans laquelle nous sommes qui appelle la démagogie.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Oh !

M. Jean-Claude Lenoir. Quant à nous, nous savons prendre nos responsabilités, nous préférons engager une action à long terme, et surtout, nous savons dire la vérité aux électeurs. C'est sur cela que la classe politique sera jugée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a de cela quelques semaines, je participais à un débat avec le président UDF du conseil général des Pyrénées-Atlantiques. Alors que Sony venait de fermer une unité industrielle à Bayonne, et que nous sommes confrontés, dans le Béarn, au désengagement du groupe Total, il m'indiquait qu'à un emploi industriel supprimé était presque immédiatement substitué un emploi dans le tertiaire. Comme si l'un valait l'autre, et comme si l'on ne pouvait avoir des emplois de services qu'en supprimant des emplois liés à la production industrielle !

Au fond, le président de mon conseil général avouait, avec une certaine naïveté, le rêve secret d'une partie de la droite française : un pays sans usines, un pays sans ouvriers. Je dis « une partie de la droite française », car je n'oublie pas qu'il y a aussi sur l'autre rive des responsables, et je pense que vous en êtes, madame la ministre, qui considèrent qu'un pays comme la France ne peut renoncer à sa politique et à son ambition industrielles.

Cette proposition de loi de Maxime Gremetz est la bienvenue. Elle fait suite à de nombreux rapports qui tendent à nous expliquer qu'il n'y a pas de désindustrialisation mais une mutation de notre appareil productif et, plus globalement, de notre économie. Elle fait suite à l'initiative du Président de la République qui, grisé par la perspective de passer des fêtes de fin d'année en métropole, nous annonçait que l'année 2004 serait l'année de l'emploi. Elle fait suite, surtout, à la dégradation de la situation de l'emploi dans notre pays depuis deux ans.

Selon l'INSEE, « entre 1990 et 2000, l'industrie française a retrouvé une dynamique et renforcé sa position stratégique en Europe et dans le monde. Ses exportations ont presque doublé et sa production a augmenté de 20 %. Ses investissements ont permis d'importants gains de productivité tout en assurant une reprise de l'emploi industriel. » Il n'en reste pas moins que notre industrie a connu depuis 2002 un déclin perceptible par tous.

Pour situer les enjeux, rappelons qu'en 2003 notre industrie a dégagé un excédent de 4 milliards d'euros, alors que l'industrie allemande générait un solde positif de 130 milliards d'euros. De même, nous le savons, la position de la France s'est dégradée en matière de recherche. Je pourrais également citer la part de l'emploi industriel passée sous contrôle étranger, plus importante en France que partout ailleurs, à l'exception de l'Irlande.

Ce constat, qui pourrait malheureusement se renforcer par l'énumération des grands groupes qui ont fermé des unités - GIAT, Alstom, Pechiney, STM électronique à Rennes, Colgate dans l'Oise - ou qui s'apprêtent à le faire, comme Total, est douloureusement vécu dans nos régions par ceux qui font l'expérience du chômage et sont frappés par le double phénomène de désindustrialisation et de délocalisation.

Maxime Gremetz a donc raison de nous proposer de débattre de cette proposition de loi. Il a raison d'évoquer l'urgence de la situation et la nécessité de replacer l'industrie au rang des premières priorités de ce pays. Il a raison de nous mettre, les uns et les autres, face à nos responsabilités. Il nous invite à envoyer un signe fort à ceux qui recherchent une insertion professionnelle, mais aussi à ceux qui investissent, qui créent de la richesse et des emplois, et qui désespèrent de voir leur pays sombrer dans une tertiarisation dont nous savons tous les limites et l'extrême fragilité.

Le groupe socialiste souhaite donc que ce débat ait lieu. Mes collègues Claude Darciaux, Martine Carrillon-Couvreur, Pierre Ducout, Christian Bataille plaideront dans ce sens.

Nous défendrons sept amendements. Le premier a l'ambition de définir le concept de délocalisation. M. le président Ollier trouvera ainsi réponse à ses questions. Cinq amendements reviennent sur des dispositions autrefois contenues dans la loi de modernisation sociale, comme le contrôle des aides publiques, l'information des salariés, la réalisation d'une étude d'impact sociale et territoriale et l'obligation de réindustrialisation. Le dernier amendement, madame la ministre, revient sur un cadeau fiscal aberrant que votre majorité a accordé, dans le cadre de la loi Dutreil, aux industriels qui délocalisent.

Nous sommes donc prêts à engager ce débat. Nous savons bien sûr que la réindustrialisation, l'attractivité de notre territoire, la compétitivité de notre pays nécessitent d'autres dispositifs que ceux proposés par ce texte et par nos sept amendements. Raison de plus pour que nous vous demandions instamment, et de façon urgente, d'ouvrir cet échange.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Pourquoi M. Jospin ne l'a-t-il pas fait ?

M. David Habib. Nous voulons aussi parler des contraintes monétaires que subit notre appareil productif. La droite, en panne d'imagination - M. Lenoir vient d'en faire l'illustration -, va sûrement nous parler des 35 heures. Mais nous savons que l'appréciation de l'euro est un handicap autrement plus sérieux et plus durable pour notre tissu industriel.

M. Rodolphe Thomas. Ça n'a rien à voir !

M. David Habib. Nous voulons parler de la politique industrielle européenne, car aujourd'hui le champ de la stratégie de reconquête ne peut être que l'Europe. Nous voulons parler d'innovation, de recherche. Nous voulons parler de la politique industrielle sectorielle, qui a été abandonnée par l'Etat mais dont les industriels eux-mêmes soulignent l'intérêt. Nous voulons parler des aides à l'emploi, qui constituent un frein à une plus grande qualification des salariés du secteur secondaire. Nous voulons évoquer notre système bancaire, son obsolescence, son incapacité à accompagner les évolutions et les besoins de notre industrie. Nous voulons parler de ces 30 à 40 milliards d'euros qui quittent chaque année la France pour être placés aux Etats-Unis.

Au-delà, nous souhaitons engager une réflexion sur une meilleure utilisation de l'épargne. Enfin, nous considérons comme nécessaire d'aborder l'absence de politique d'aménagement du territoire depuis deux ans.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Mme Voynet a cassé l'aménagement du territoire !

M. David Habib. Ce qui est en train de se passer dans la chimie est une honte nationale, madame la ministre. D'ici à trois ans, la France aura perdu son opérateur dans ce secteur. Ses unités auront vu leur nombre divisé par deux ou par trois, et cela non pas parce qu'elles ne seraient plus rentables, mais parce que nos analystes financiers ont considéré qu'à moins de 15 % il convient de se défaire de la chimie et ainsi de sacrifier des milliers de salariés et des dizaines de bassins d'emploi.

Cela ne vaut-il pas que le Parlement s'y arrête, madame la ministre ?

Puisque mon intervention ne doit pas dépasser cinq minutes, il m'est difficile d'en dire plus. Mes collègues socialistes pourront développer ces problématiques. J'ai souhaité surtout insister sur la dimension économique du signal lancé par Maxime Gremetz.

En conclusion, j'évoquerai la dimension morale et politique de ce débat.

Morale, d'une part, parce que l'on parle du travail, de la ressource de femmes et d'hommes, souvent aux revenus modestes, qui non seulement perdent leur emploi mais vivent les délocalisations comme une perte de confiance dans un Etat qui les fuit.

Politique, d'autre part, parce que face à ceux qui contestent le progrès économique et technologique, et qui adhèrent à l'illusion du « small is beautifull », il est temps d'envoyer un message et de rappeler que notre pays ne s'en sortira qu'en faisant le pari de la croissance, du progrès social mieux réparti et de l'emploi retrouvé.

C'est l'enjeu de ce débat. C'est pourquoi le groupe socialiste s'associe au vœu du rapporteur de voir sa proposition de loi discutée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Rodolphe Thomas.

M. Rodolphe Thomas. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tous les élus en conviennent, qu'ils soient députés, maires, conseillers généraux ou conseillers régionaux : la production industrielle doit être au cœur de nos préoccupations. Actuellement, notre industrie ne traverse pas une période faste. Les chiffres le montrent et ce que nous voyons et entendons tous les jours dans nos circonscriptions nous le confirme.

Je ne citerai qu'un seul chiffre, qui démontre l'ampleur de ce désastre : au dernier trimestre de 2003, il y a eu près de 33 000 pertes d'emplois salariés dans l'industrie. Et le ralentissement conjoncturel de l'année 2003 nous a frappés d'autant plus durement que les réformes qui s'imposaient n'ont pas été conduites pendant la période de forte croissance dont la France a profité il y a quelques années.

En France, les petites entreprises sont bien trop souvent avalées par les grosses structures. A l'heure où la compétitivité se fait de plus en plus rude, une PME a de moins en moins de chances de survie. Rares sont celles qui se créent et passent le cap des trois années.

Face aux gros groupes, les sous-traitants sont pressurés, fragilisés, sans que l'on puisse les soutenir et les protéger par une réglementation adéquate.

Les délocalisations, phénomène corollaire et générateur de la mondialisation de l'économie, se trouvent au cœur des problématiques de l'emploi. Régulièrement, nous assistons, impuissants, à des fermetures et des délocalisations d'entreprises, de Renault-Vilvorde à Michelin ou Uniroyal, en passant par Moulinex. Nombreux sont les chefs d'entreprise qui prennent la décision de délocaliser leur production, pour des raisons qui se cumulent. Il y a le coût du travail et la qualification accrue dans les pays en voie de développement. Il y a la diminution des coûts de transport et de communication. II y a aussi la flexibilité du travail. La loi sur les 35 heures, comme l'a rappelé Jean-Claude Lenoir, n'a pas amélioré la situation de notre pays à cet égard, loin de là !

M. Jean-Claude Lenoir. Hélas !

M. Rodolphe Thomas. Voilà une lourde chape de plomb qui pèse sur toutes nos entreprises nationales ! Nous savons tous, par exemple, qu'une législation sociale quasi inexistante en Thaïlande permet aux entreprises de disposer d'une main-d'œuvre beaucoup plus disponible et malléable. Des mesures étatiques incitent également les entreprises à délocaliser ; c'est l'exemple des tarifications douanières privilégiées en Thaïlande, des dispositions juridiques facilitant les transferts financiers au Maroc ou encore des fiscalités attractives à Taiwan.

Mais c'est surtout la nécessité de diminuer les prix de vente - nous avons oublié de le signaler - qui explique les délocalisations. Si le nombre de délocalisations s'est fortement accru depuis le milieu des années 80-90, c'est surtout parce que la récession économique a ravivé la concurrence sur le prix des produits. En période de crise, le prix devient le facteur déterminant de la décision d'achat et les gains de productivité obtenus par la délocalisation répondent aux nouvelles exigences des consommateurs.

Le phénomène des délocalisations se double d'une externalisation des services à l'industrie, le but étant toujours le même : diminuer les charges et les contraintes salariales.

Au niveau local, les chiffres de la DATAR concluent à une activité économique industrielle satisfaisante. Or il semblerait que ces chiffres comptabilisent aussi bien les emplois liés à l'industrie pure que les emplois du secteur tertiaire qui concernent des services rendus à l'industrie, tels que le gardiennage ou l'entretien, activités externalisées. Cela masque une industrie en déclin, car il est certain que les emplois créés dans le secteur tertiaire ne correspondent pas aux nombreux postes supprimés dans l'industrie.

Plusieurs chiffres nous montrent l'ampleur du phénomène des délocalisations : les deux tiers des chaussures vendues en France sont importées et la plupart des téléviseurs, magnétoscopes, radios, réveils, micro-ordinateurs sont fabriqués ou assemblés dans des pays d'Asie.

Puisque les principaux avantages d'une délocalisation portent sur des économies du coût du facteur travail, tous les secteurs ne sont pas touchés de la même manière.

En mai dernier, madame la ministre, je vous ai alertée sur les pressions que subissent de nombreuses entreprises sous-traitantes des grands équipementiers automobiles. Ces derniers n'hésitent pas à leur demander d'aller s'implanter dans les pays de l'Europe de l'Est, lesquels ne sont pas aujourd'hui en mesure de fournir une production de haut niveau.

De très nombreuses petites entreprises, souvent familiales, s'interrogent quant à leur avenir : doivent-elles aussi s'implanter dans les pays d'Europe de l'Est, là où les coûts de fabrication sont moindres ?

Comment faire, en France, pour conserver une activité de production et préserver durablement les emplois ? Les député-e-s communistes et républicains ont répondu à cette question par un durcissement des contraintes et un alourdissement des taxations qui pèsent sur les entreprises. L'UDF considère que cette rigidité accrue, cette pression alourdie sur les entreprises, n'est pas la bonne solution. Il nous paraît en effet inutile, voire contre-productif, d'augmenter les prélèvements et les contraintes administratives...

M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bien !

M. Rodolphe Thomas. ...alors même qu'ils régressent en Europe et dans le monde.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Eh oui !

M. Rodolphe Thomas. Par ailleurs, la politique de la gauche plurielle, qui visait à renchérir le coût des plans sociaux, n'a pas eu les résultats escomptés.

Nous proposons donc de réduire les contraintes administratives inutiles qui pèsent sur les entreprises ; de soutenir l'emploi, notamment dans l'industrie, en réduisant les réglementations ; de dynamiser la création d'emplois en entreprise ; de soutenir les efforts des entreprises en matière d'innovation.

Nous répondons à la délocalisation en diminuant le coût du travail par la baisse des charges, sur les bas salaires en particulier. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Muguette Jacquaint. Ce n'est pas nouveau !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Vous êtes un jeune homme avec de vieilles recettes ! Il ne suffit pas d'être jeune pour être moderne !

M. Rodolphe Thomas. Parce que nous savons que les coûts salariaux sont trop importants, nous proposons de créer des « emplois francs ». Il s'agit, pour un ou deux emplois, de réduire les charges sociales à 10 % du salaire brut pendant cinq ans ! (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Pour diminuer le handicap de concurrence vis-à-vis des pays à bas salaires, nous devons baisser les charges qui pèsent sur la production en France !

Mme Muguette Jacquaint. Et baisser les salaires !...

M. Rodolphe Thomas. Les pouvoirs publics disposent de plusieurs leviers pour attirer les investissements étrangers, car la décision d'implantation d'une entreprise ne dépend pas uniquement du coût de la main-d'œuvre. Le potentiel marchand d'un territoire tient à ses infrastructures, notamment de transport, et plus encore à la qualification de la main-d'œuvre. C'est pourquoi l'UDF veut renforcer l'attractivité de la France en mettant l'accent sur la formation professionnelle, l'innovation et la recherche-développement.

M. Patrick Ollier, président de la commission, et M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Pour un UDF, vous êtes très UMP !

M. Rodolphe Thomas. Je vous laisse apprécier !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. De toute façon, il n'y a pas grande différence !

M. Rodolphe Thomas. La formation est le gage d'une main-d'œuvre qualifiée. C'est un attrait pour une entreprise, mais aussi une assurance d'emploi pour les jeunes - en direction desquels nous devons conduire une politique volontariste - et, dans le cadre de la formation continue, pour les salariés. Les personnels en charge de la production dans notre pays doivent apporter une valeur ajoutée, ce que ne sont pas encore en mesure de faire les travailleurs des pays à bas salaire. L'innovation et la recherche, quand il s'agit d'une nouvelle technique, d'un nouveau matériau, d'un nouveau débouché, sont créatrices d'activité, donc d'emplois.

Nous en sommes convaincus à l'UDF : le mouvement de délocalisation n'est pas inexorable.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bien !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Encore un compliment de l'UMP !

M. Rodolphe Thomas. Tout dépend de notre potentiel inventif et de l'environnement que nous pouvons offrir aux entreprises. L'évolution même de l'économie explique ce cycle de création-destruction : les métiers industriels de base, comme le textile ou la sidérurgie, ont malheureusement peu à peu quitté la France pour des pays où les coûts de production sont moindres. C'est pourquoi nous devons nous concentrer sur des secteurs où nous pouvons être compétitifs.

Nous devons également venir en aide aux secteurs et aux régions touchés par les délocalisations et les plans sociaux. Les plus grandes difficultés, auxquelles nous devons aujourd'hui faire face, concernent les personnes peu qualifiées et les régions désertées par l'industrie. La reconversion de ces territoires dépend avant tout de la mise en place de véritables stratégies innovantes prenant en compte à la fois la dimension territoriale, économique et sociale de la région.

C'est ainsi que, dans ma circonscription, il m'a paru essentiel de soutenir des idées innovantes qui me conduisent aujourd'hui, avec un groupe de travail, à étudier un projet de recyclage électroménager. En effet, depuis la dramatique fermeture de Moulinex en 2001, nombre d'ex-salariés n'ont toujours pas retrouvé d'emploi. La région dispose donc d'une manne de personnels disponibles et compétents pour cette nouvelle activité.

Néanmoins, pour le reclassement des salariés, nous le savons tous, la qualité des cellules de reclassement ne suffit pas. Seule une meilleure formation continue tout au long de la vie peut permettre à ces toutes ces personnes, précipitées du jour au lendemain dans une précarité inacceptable, de retrouver un emploi durable.

Renforcer l'attractivité de la France, diminuer le coût du travail en abaissant encore les charges, libérer les énergies des entrepreneurs, redonner du dynamisme à l'activité économique, mener une véritable politique de développement économique européenne, mais aussi permettre une meilleure harmonisation fiscale et sociale entre les pays européens, telles sont les mesures que nous proposons pour lutter contre les délocalisations.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF ne votera pas la proposition de loi du groupe des député-e-s communistes et républicains. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bien ! M. Thomas est réaliste !

Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Darciaux.

Mme Claude Darciaux. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, plus une semaine ne s'écoule sans qu'une entreprise ne vienne rappeler que les délocalisations des services ou d'usines vers des pays émergents sont plus que jamais une réalité. Des milliers d'emplois sont menacés au profit de la Chine pour les activités industrielles et de l'Inde pour les services.

La demande adressée par le Président de la République au Gouvernement de faire de la lutte contre la désindustrialisation de la France une de ses priorités ne serait-elle qu'un vœu pieux ?

Nous disons « chiche ! », madame la ministre, mais les statistiques de l'année 2003 sont mauvaises : elle a été marquée par une augmentation du nombre de plans sociaux de 26 % par rapport à 2002. Les défaillances d'entreprises ont augmenté de 11,7 %, soit la plus forte hausse depuis 1992. Sans compter, pour 2004, les prévisions en matière de plans sociaux accompagnés de délocalisations qui contredisent cette affirmation !

Votre logique est redoutable. Après avoir cassé tous les outils de la politique active de l'emploi mis en place par le gouvernement de Lionel Jospin, vous vous engagez sur la pente de l'instabilité et de la précarité avec la multiplication des plans sociaux, des restructurations, des fermetures de sites, des externalisations et des délocalisations. Les fermetures d'usines se multiplient, accentuant la fracture sociale et territoriale avec la détresse qui en découle pour les salariés et leurs familles. Les industries à fort besoin de main-d'œuvre ferment ou se délocalisent.

La France a-t-elle encore un avenir industriel ? Aujourd'hui, tel est le débat et c'est en ces termes que la question doit être posée.

Elue bourguignonne, je puis témoigner des lourdes menaces qui pèsent sur la région. En Saône-et-Loire, chez Kodak, où il est prévu de supprimer 15 000 emplois dans le monde d'ici à 2007 et d'externaliser les services informatique et comptable, entre autres. En Côte- d'Or, chez Thomson et Schneider Electrique, où 130 emplois sont menacés. Ou encore dans la Nièvre, à Imphy. Dans ma circonscription, nous avons déjà connu, il y a dix ans, la délocalisation de Hoover en Ecosse, puis de Philips, ce qui laisse encore des traces parmi la population. Si les intentions de Thomson, vont jusqu'à leur terme, près de 400 salariés seront licenciés. L'Etat français s'est désengagé de 18,5 % du capital de Thomson, ce qui l'empêche de peser sur la stratégie du groupe ; il a été remplacé par des actionnaires nettement plus exigeants. Alain Juppé, en 1996, avait même envisagé de vendre Thomson au coréen Daewoo pour le franc symbolique !

M. David Habib. Ils ont oublié !

Mme Claude Darciaux. Six ans plus tard, le placement se révélera une bonne affaire, avec une plus-value de 2 milliards !

Après la fermeture de sites de production à Tonnerre dans l'Yonne et à Gray avec, respectivement, 280 et 50 emplois supprimés, Thomson Genlis prévoit aujourd'hui la cession de la fabrication des produits grand public à un partenaire chinois et recentre une partie de son activité au Pays de Galles.

Schneider vient de réaliser la vente de toute l'informatique du groupe à un prestataire de services et s'apprête à supprimer 450 postes.

Je me souviens d'une époque où le patronat contestait vigoureusement les politiques consistant à verser des subventions en contrepartie d'embauches. Cependant, dans l'agglomération dijonnaise, des contrats sont passés avec de grands groupes industriels, le japonais Koyo Seiko et le français Urgo, pour que la participation financière de la communauté d'agglomération se fasse en contrepartie d'un maintien de l'effectif salarié et des investissements réalisés par le groupe dans l'agglomération.

Il est indispensable aujourd'hui de veiller à la cohérence entre les aides publiques et les contributions financières. N'attendons pas que la solution aux délocalisations vienne du marché ou de la baisse des cotisations sociales. Elle n'émanera que d'une politique volontariste en matière d'emploi. Cette politique de soutien aux entreprises passe par le développement des infrastructures de communication telles que les autoroutes et les réseaux ferroviaires. Elle doit être l'occasion de resserrer les liens entre l'industrie et la recherche et entre l'industrie et l'enseignement, afin de développer l'innovation technologique qui assurera la pérennité des entreprises. Outre la formation, l'innovation, la création, n'oublions pas la nécessité d'actions en faveur du développement durable.

Les règles économiques qui régissent l'espace européen doivent être communes ; aussi convient-il de relancer l'harmonisation sociale et fiscale, et de créer un impôt européen sur les entreprises. Le Gouvernement doit veiller à ce que soit assurée une plus grande cohérence des politiques économiques et sociales au niveau européen et international. Il doit aussi développer une réelle politique industrielle et scientifique en renforçant la transparence du système financier international.

Il existe une autre piste. En France, parce que les cotisations chômage payées par les entreprises le sont par le biais d'impôts assis sur la masse salariale, les entreprises qui licencient beaucoup ne versent pas plus que les autres, alors qu'elles devraient payer davantage.

Mme la présidente. Je vous demande de bien vouloir conclure, madame Darciaux.

Mme Claude Darciaux. Nous devons exiger que le respect du droit du travail fasse partie intégrante de la stratégie commerciale et refuser une plus grande flexibilité du travail.

Faisons prévaloir l'intérêt des salariés - et d'abord la préservation de l'emploi - contre les logiques comptables et financières ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Madame la présidente, madame la ministre, les interventions des députés de la majorité que nous venons d'entendre ont été, sous certains aspects, caricaturales. Ainsi, d'après notre collègue Jean-Claude Lenoir, nous aurions hérité d'un gouvernement de gauche qui a abaissé la France et nous vivrions aujourd'hui dans un éden de l'économie et de l'emploi.

M. Jean-Claude Lenoir. C'est la vérité ! Les chiffres sont là !

M. Christian Bataille. La réalité est tout autre, mon cher collègue ! Alors que le gouvernement Jospin avait fait baisser le chômage et créé des emplois, vous ne parvenez plus à contenir l'accroissement fort du chômage et, pour masquer la réalité, vous en êtes réduits à manipuler les statistiques de l'emploi.

M. Jean-Claude Lenoir. Oh !

M. Christian Bataille. Venons-en au sujet qui nous occupe aujourd'hui. Les délocalisations - pour parler plus généralement, les déménagements d'entreprises - posent un problème que l'on ne peut évacuer par des boutades. Je veux souligner, à cet égard, que le rapport de qualité rendu par notre collègue Maxime Gremetz constitue une bonne base de réflexion.

M. Alain Bocquet. Absolument ! C'est un document de référence !

M. Jean-Claude Lenoir. Cela prête à sourire !

M. Christian Bataille. De quoi s'agit-il ? Le terme « délocalisation », c'est vrai, doit être défini. Il ne saurait évidemment désigner - en tout cas, le groupe socialiste ne le comprend pas comme cela - le déplacement d'une usine ou d'une entreprise à l'intérieur d'une région ou même de la France. Ce qui est en cause, c'est le transfert d'activités vers des pays à plus faibles coûts salariaux et à moindre protection environnementale, y compris vers les pays de l'est et du sud de l'Union européenne. Les conquêtes sociales, les contraintes environnementales, tout ce qui peut renchérir le coût d'un produit se trouve ainsi pris en otage par les entreprises qui délocalisent. Et ce risque, hélas ! est accentué - les Européens que nous sommes le regrettent - par la conception libérale de l'Europe et la juxtaposition, à l'intérieur de l'Union européenne, de pays aux niveaux de développement très différents.

Au-delà des délocalisations, ce texte soulève aussi les questions du retour à une conception volontariste de l'économie,...

M. Jean-Claude Lenoir. Du retour à l'étatisme !

M. Christian Bataille. ...du rôle de la puissance publique, de l'utilité d'une politique industrielle.

M. Daniel Paul. Absolument !

M. Christian Bataille. Nous n'en avons pas le temps ce matin, mais nous ferons un jour le bilan dépassionné des nationalisations de 1981.

M. Jean-Claude Lenoir. Le bilan est désastreux !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Oh !

M. Christian Bataille. Le train de nationalisations de 1981 a sauvé du naufrage de grandes entreprises industrielles, c'est indiscutable.

M. André Flajolet. Ah bon ?

M. Christian Bataille. Si nous avons la possibilité, tout à l'heure, de discuter plus avant du texte, notre groupe ne manquera pas, comme l'a dit David Habib, de déposer des amendements pour l'améliorer et l'adapter à la réalité économique présente.

Indiscutablement, ce débat est utile, car il permet de s'interroger sur les risques liés à une perte de substance industrielle. Elu du Nord-Pas-de-Calais, je sais de quoi il retourne,...

M. Alain Bocquet. Moi aussi !

M. Christian Bataille. ...car c'est la région de Metaleurop, entreprise connue dans tout le pays, mais c'est également une région de textile, activité qui n'en finit pas de mourir et de perdre ses emplois, précisément délocalisés un peu partout.

M. Jean-Claude Lenoir. Et Vilvoorde, vous vous en souvenez ?

M. Christian Bataille. Des théoriciens ultralibéraux, partisans d'une sorte de partage mondial du travail, considèrent que les industries de main-d'œuvre, les industries lourdes, sont désormais dévolues aux pays moins développés, et qu'il nous reste à faire prospérer, sur notre territoire, le tertiaire ou des activités sophistiquées, fondées sur la recherche - laquelle, par ailleurs, est mise à mal. Pour notre pays, cette conception est une folie ! Cela favoriserait le cancer du chômage et laisserait sans emploi les millions de personnes qui, hélas ! n'ont pas suivi de formation poussée !

Ce qui est aujourd'hui nécessaire, c'est la prévision, le Plan - « l'ardente obligation du Plan », disait-on parmi les devanciers de l'UMP -,...

M. Jean-Claude Lenoir. Le Plan ? La gauche l'a abandonné, et heureusement !

M. Christian Bataille. ...la réaffirmation du rôle directeur, du rôle de prévision de la puissance publique, la réaffirmation du rôle de notre assemblée. Il importe donc que cette discussion se poursuive ; l'on saura ainsi comment chacun se situe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les fermetures de sites et les plans sociaux, d'une brutalité parfois inacceptable, qui se sont multipliés, particulièrement pendant l'année 2003, mais encore en ce début d'année, provoquent des traumatismes dans les bassins d'emplois et mettent à la rue des salariés souvent sans la moindre possibilité de reclassement.

Ces plans sociaux peuvent résulter d'une baisse d'activité ou de l'obsolescence des produits, mais également, souvent, d'une délocalisation vers un pays à bas salaires, réalisée par une multinationale ne recherchant qu'une plus forte rentabilité immédiate de ses capitaux.

De telles méthodes sont inadmissibles, tant du point de vue des salariés concernés que pour leur impact négatif sur l'économie et la croissance de notre pays. Les incertitudes sur l'avenir freinent en effet la confiance et la consommation, premier moteur de la croissance.

L'idéologie ultralibérale du laisser-faire, mise en pratique actuellement, à la remorque du MEDEF, est socialement inacceptable et contreproductive.

Le gouvernement précédent, gouvernement de gauche, avait fait voter une loi de modernisation sociale. Sans forcément aller assez loin, celle-ci représentait un progrès important car elle donnait une défense et une garantie supplémentaires aux salariés confrontés aux plans sociaux.

Le gouvernement actuel, sous la pression du MEDEF, a remis en cause beaucoup d'avancées de cette loi. Il faut aujourd'hui les rétablir. Du reste, un certain nombre d'entreprises, confrontées à une concurrence internationale ou même européenne sévère, se sont engagées, dans leur plan de restructuration, au-delà des garanties contenues dans la loi de modernisation sociale, sans pour autant compromettre leur viabilité.

Il faut s'entendre sur la définition des délocalisations et ne pas donner une image manichéenne des propositions de la gauche - n'est-ce pas, monsieur Lenoir ? Déménager de nuit des machines pour fabriquer dans un pays à bas salaires avant de rapatrier la production, ce n'est pas changer d'implantation pour répondre aux besoins d'un marché extérieur en développement.

Comme le souhaite l'OIT dans son dernier rapport, il faut aller vers une mondialisation plus juste, profitant à tous, avec une forte dimension sociale, pilotée démocratiquement, offrant des avantages à tous les pays et à tous leurs habitants. Cette gouvernance mondiale, contrôlant une économie de marché mondiale qui, par ailleurs, peut avoir une certaine capacité productive, doit créer des emplois de meilleure qualité pour tous et réduire la pauvreté dans le monde.

Mais le rapport de l'OIT souligne à juste titre que, même dans les pays où l'économie est florissante, certains travailleurs et certaines collectivités souffrent de la mondialisation. On ne peut l'accepter sans réagir. Cela appelle, au niveau européen, une politique économique et sociale, dont la France doit être le moteur, mais aussi, au niveau national, une politique sociale forte, s'appuyant sur les capacités de veille, de concertation et d'action impulsées par les régions.

A cet égard, la proposition de constitution de « cellules de crise », à l'article 2 de la proposition de loi, rejoint ce que font, dans la pratique, les exécutifs des régions gouvernées par la gauche pour éviter les délocalisations et aider les entreprises à s'adapter à la mondialisation : il faut précéder les risques de délocalisation le plus en amont possible et proposer à chaque entreprise, dans chaque branche d'activité, des solutions, des aides, des interventions économiques, une formation des travailleurs.

Dans ma région, l'Aquitaine, l'action menée en ce sens par la majorité de gauche, autour du président Rousset, est exemplaire,...

M. Jean-Claude Lenoir. Un petit coup de pub ?

M. Pierre Ducout. ...avec une agence de développement industriel, le développement des liens entre universités, recherche et entreprises, l'ouverture de nouveaux centres de recherche, un budget recherche de 10 %, la création d'une cellule spécialisée en appui aux entreprises en difficulté.

M. Jean-Marc Nudant. Et des impôts en hausse !

M. Pierre Ducout. La désindustrialisation n'est pas une fatalité non plus. L'Europe doit développer une politique industrielle et de recherche volontariste.

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. Pierre Ducout. Avec la politique française actuelle d'abandon de la recherche et ultralibérale, nous sommes mal placés, hélas ! pour intervenir en ce sens auprès de nos partenaires européens.

L'article 4 de la proposition de loi concerne la mise en œuvre de règles multilatérales pour le commerce, avec la taxation de certaines formes de dumping social. La régulation du commerce international échoit aux instances internationales, mais elle doit aussi procéder de règles multilatérales et de pratiques bilatérales entre Etats, équilibrées et équitables. Une taxation doit donc tenir compte de l'équilibre - ou du déséquilibre - des échanges réciproques.

Les craintes face à l'ouverture de l'Union européenne à des pays où le coût de la main-d'œuvre est bas ont justifié la mise en place de phases transitoires longues et de mesures intermédiaires, avec des aides en faveur des régions frontalières, afin d'adapter les structures et les productions. Ce fut le cas avec l'Espagne et le Portugal, en particulier pour les productions agricoles et agroalimentaires ; c'est aujourd'hui le cas avec les pays de l'Est.

Ces phases transitoires pourront éviter, par exemple, la délocalisation d'entreprises du secteur agroalimentaire. Je suis de près l'évolution de la production de biscuits. En effet, dans ma circonscription, un établissement important de LU doit se préparer à la concurrence future d'un pays comme la Pologne, avec des aides, tant pour la formation du personnel que pour les procédés de fabrication, afin d'échapper, à moyen terme, à la fermeture.

Par contre, dans un secteur comme l'électronique, les autorités nationales n'ont pas mené de politique volontariste et les actions des collectivités territoriales ne peuvent à elles seules empêcher des délocalisations vers les pays d'Europe de l'Est : ainsi, en un peu plus d'un an, dans le secteur de la sous-traitance électronique, 4 000 emplois se sont déplacés de ma circonscription vers Timisoara, en Roumanie, avec les problèmes sociaux très lourds que cela représente.

Le rapport de l'OIT indique que « l'accès accru au marché pour les exportations des pays en développement aura un coût social élevé pour certains travailleurs des pays industrialisés ».

Mme la présidente. Je vous demande de bien vouloir conclure, mon cher collègue.

M. Pierre Ducout. Je termine, madame la présidente.

Pour y remédier, il faudra adopter des mesures nationales énergiques, visant à faciliter l'adaptation des travailleurs touchés, afin que l'avantage des pays en développement ne soit pas obtenu au détriment des travailleurs vulnérables des pays riches. Aujourd'hui, beaucoup de secteurs sont en danger, y compris les services à valeur ajoutée.

Face au laisser-faire généralisé, politique du gouvernement actuel, le groupe des députés communistes et républicains a raison de réclamer des mesures d'urgence pour lutter contre les délocalisations.

La première décision à prendre serait certainement de rétablir dans son intégralité la loi de modernisation sociale et de protection des travailleurs, que la gauche avait mise en application.

En commission des affaires économiques, j'ai présenté, avec certains collègues du groupe socialiste, des amendements tendant à prendre en compte le commerce équitable et durable, et à organiser au niveau régional, en amont, préalablement à tout plan social, l'adaptation de nos entreprises, grâce à des « cellules de crise ». Dans la mesure où le rapporteur, Maxime Gremetz, a approuvé ces amendements, le groupe socialiste votera pour que nous délibérions sur sa proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Lenoir. La démagogie n'a plus de limites ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Nous ne vivons pas sur la même planète, monsieur Lenoir ! Vous êtes en haut et nous en bas !

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Madame la présidente, madame la ministre, depuis près de vingt mois, la France subit de nombreuses délocalisations, qui provoquent des vagues de licenciements massifs.

M. Jean-Claude Lenoir. Et avant ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Depuis vingt mois, nous pouvons constater une augmentation du chômage,...

M. Jean-Claude Lenoir. Et avant ?

M. Pierre Ducout. Avant, il y avait une politique de l'emploi !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. ...avec 196 000 chômeurs supplémentaires en 2003, un passage du nombre de bénéficiaires du RMI au-delà du cap du million, une explosion de la fréquentation des associations caritatives, alors que vous réduisez leur budget ; et, malheureuse conséquence, de plus en plus d'enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Malgré l'addition, au quotidien, des annonces de nouveaux plans sociaux, votre gouvernement ne répond rien. Pire, il ne répond plus. Il laisse faire, voire favorise ce mouvement, en facilitant les licenciements, en se retirant progressivement de toute politique d'aménagement du territoire, en refusant de mener une action volontariste en matière industrielle, en abandonnant tous les mécanismes de solidarité.

Avec votre silence assourdissant, vous laissez planer au-dessus de la tête des salariés l'épée de Damoclès du MEDEF, ce qui est synonyme de précarité.

Je prendrai comme exemple la situation dramatique de la Nièvre, département où je suis élue. Un pôle sidérurgique est en train d'y être démantelé, les anciennes usines d'Imphy SA, pour ne pas les nommer. Avec mes collègues parlementaires nivernais, nous avons demandé à maintes reprises audience auprès du Gouvernement pour tenter de mettre en œuvre un plan emploi sur lequel nous avons travaillé et qui ne peut se réaliser qu'avec le soutien effectif de l'Etat. Nous n'avons obtenu à ce jour aucun rendez-vous.

Comment expliquer ce refus alors qu'un nouveau plan social va être annoncé dans les jours qui viennent ? A moins que ce ne soit précisément ce nouveau plan social qui soit la réponse ! Devons-nous dire à nos concitoyens que l'Etat n'a plus pour mission de les protéger, de leur dessiner les perspectives d'un avenir meilleur ? Je crains que nos concitoyens n'aient déjà compris que c'était bien le cas.

En effet, vous avez annoncé publiquement que vous alliez laisser faire les délocalisations, donc les encourager, comme dans le cas d'Eramet, dont l'Etat est pourtant actionnaire, vous avez pris toutes les mesures permettant ces délocalisations en supprimant la loi de modernisation sociale et vous avez abandonné toute volonté politique en matière de recherche.

Vous avez agi de la sorte pour libérer les énergies capitalistes et maximiser les profits à court terme. C'est une politique à courte vue car chaque salarié qui vit désormais sous la menace du chômage se replie sur soi et privilégie l'épargne au détriment de la consommation. Si bien que le taux d'épargne, qui n'a jamais été aussi élevé, ne permet pas à notre pays d'avoir une reprise économique interne. La France ne représentant plus un marché prometteur, les délocalisations s'accélèrent.

Cette spirale ne vous touche pas car elle a pour effet immédiat de multiplier les profits financiers. Pire, elle vous rend sourds et aveugles à ce que ressent et vit la France d'en bas, celle que vous ne croisez pas dans les cabinets ministériels ni dans les couloirs de la Bourse.

Comme mes collègues parlementaires, je reçois régulièrement des personnes qui vivent sous la menace d'un licenciement, qui sont privées d'emploi ou en fin de droits. Elles me font part des grandes difficultés qu'elles éprouvent et des efforts qu'elles déploient pour reprendre pied ou simplement pour ne pas perdre pied.

Vous devriez comprendre qu'il y a nécessité à agir dans le domaine de l'emploi avant qu'il ne soit trop tard. Face à la multiplication des messages de détresse, avant-coureurs d'une explosion sociale, faut-il opposer à tous ces gens, comme vous nous y incitez, une fin de non-recevoir ?

Je ne peux m'y résoudre, car je crois profondément que la puissance publique a un rôle à jouer dans l'équilibre de notre pays.

Elle pourrait agir selon trois axes :

En premier lieu, à l'instar de la plupart des pays développés, nous devrions faire face aux délocalisations en développant de puissantes politiques technologiques et industrielles, en soutenant la recherche, en travaillant à la coopération des secteurs public et privé et en mettant en place des outils de veille et d'anticipation afin de préparer la société de demain et non pas seulement s'adapter ou subir ;

En second lieu, nous devons faire entendre notre voix pour que la politique industrielle soit au cœur d'une nouvelle étape de la construction européenne ;

Enfin, nous devrions relancer nos mécanismes de solidarité et lutter contre la précarité du travail, car nous savons bien qu'un salarié rassuré sur son avenir par la pérennité de son emploi sera plus productif qu'une personne en situation instable, mal rémunérée, et inquiète pour le lendemain. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

La productivité est un élément important pour limiter les délocalisations.

Bien d'autres mesures sont possibles, ces trois axes ne forment qu'un appel à l'action. Et celle-ci apparaît urgente face à tous les drames humains que connaît aujourd'hui notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Je ne peux pas laisser dire certaines choses ni laisser passer ce que je considère comme des propos caricaturaux.

Prenons les orateurs dans l'ordre : M. Ollier et M. Lenoir ont demandé pourquoi nous n'avions pas présenté une telle proposition de loi avant et pourquoi elle apparaissait ainsi subitement. J'ai en main la proposition n° 540 déposée sous la précédente législature !

M. Jean-Claude Lenoir. Qu'est-elle devenue ?

Mme Muguette Jacquaint. Il ne tient qu'à vous qu'elle devienne une loi !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Elle est à votre disposition. Vous voyez que c'était déjà notre souci à l'époque. Vous pouvez, en effet, dire que le gouvernement précédent ne l'avait pas mise à l'ordre du jour, c'est une évidence, et c'est pourquoi nous y revenons aujourd'hui !

M. Jean-Claude Lenoir. Le soutien des socialistes est bien tardif !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Comme quoi, monsieur Lenoir, on peut débattre mais il faut se respecter, ne pas caricaturer les propos et ne pas traiter les gens de menteurs - d'ailleurs, je pourrais vous retourner le compliment - ni de démagogues ! La démagogie, c'est au Gouvernement qu'elle coule à flots, notamment lorsqu'il parle des perspectives de croissance ! Non, ce n'est pas ainsi qu'on a un débat digne sur le sort de centaines de milliers de salariés,...

M. Alain Bocquet. Tout à fait !

M. Maxime Gremetz, rapporteur....sur le potentiel économique, industriel et technologique de notre pays, ainsi que sur l'avenir de régions entières.

Je ne reprendrai que deux affirmations, qui sont fausses.

D'abord, vous vous interrogiez sur la définition des délocalisations. Si vous aviez lu mon rapport, vous la connaîtriez. Ce n'est pas moi qui l'ai inventée. Elle a été précisée le 14 janvier 2004 au Sénat durant le colloque organisé en coopération avec le centre d'études prospectives et d'informations internationales - le CEPII - qui a retenu comme définition première de la délocalisation - ce n'est pas moi, pauvre ouvrier, qui pouvais trouver ça, seuls des spécialistes pouvaient le faire ! - « le transfert du lieu d'implantation d'une activité de production vers l'étranger, pour réimporter » ensuite les produits correspondants ! Vous ne l'aviez pas lue, c'est bien dommage : il faut s'informer quand on veut parler d'un sujet qu'on ne connaît pas bien !

M. Jean-Claude Lenoir. Mais c'est ce que j'ai dit moi-même !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Vous parlez de « quotas ». Mais le terme n'est pas utilisé en l'occurrence !

M. Jean-Claude Lenoir. J'ai parlé de « contingents » !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. C'est de « quotas laitiers » que l'on parle ! Et ces mots sont devenus très populaires depuis qu'il a fallu expliquer à une ministre, lors d'un débat télévisé, ce que c'était parce qu'elle ne le savait pas !

M. Jean-Claude Lenoir. Edith Cresson ?

M. Maxime Gremetz, rapporteur. C'était, je crois, lors de la campagne pour les élections européennes. Depuis, tout le monde sait ce que sont les quotas laitiers.

En réalité, vous avez de l'économie une vision ringarde.

M. Alain Bocquet. Absolument !

Mme Muguette Jacquaint. Une vision archaïque !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. L'évêque d'Amiens vient de lancer un cri d'alarme.

M. Jean-Claude Lenoir. Ça ne me rassure pas !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Il rappelle qu'il ne faudrait surtout pas que l'économie prenne le pas sur l'humain et sur le social, parce que les trois sont intimement liés. Je suis entièrement d'accord avec cette opinion.

Mais votre conception de l'économie, à vous, est caricaturale : vous, la droite, vous êtes pour le profit et la spéculation financière !

M. Jean-Claude Lenoir. Jamais les profits n'ont été plus élevés et la Bourse ne s'est mieux portée que lorsque la gauche était au pouvoir !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Monsieur Thomas, vous êtes un jeune, brillant et élégant représentant de la majorité, et vous avez protesté dimanche, mais, aujourd'hui, vous nous montrez que la jeunesse n'est pas forcément synonyme de modernité ! Vous reprenez comme solutions les vieilles lunes du capitalisme...

M. Pierre Ducout. Absolument !

M. Maxime Gremetz, rapporteur....ultra-libéral, en disant : il ne faut pas lutter contre les délocalisations ; au contraire, il faut alléger encore les charges des entreprises et réduire le coût du travail.

M. Jean-Claude Lenoir. Oui ! Bravo !

M. Alain Bocquet et Mme Muguette Jacquaint. Mais ça ne marche pas !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. C'est un vieux refrain mais tous les spécialistes le disent : cela n'a jamais créé un emploi !

A propos de la Picardie, manifestement, vous faites semblant de ne rien comprendre. Si je suis le premier signataire de cette proposition de loi, c'est bien à cause de la situation de l'économie dans cette région, où nous avons un tiers de capitaux étrangers, et des multinationales. Car quand on parle de délocalisations, elles ne sont pas le fait de petites et moyennes entreprises ! Si on lutte autant dans le Nord-Pas-de-Calais, la Picardie et d'autres secteurs contre les délocalisations, c'est parce que des multinationales sont venues s'y implanter...

M. Jean-Claude Lenoir. Vous voulez les chasser !

M. Maxime Gremetz, rapporteur....et c'est très bien ! Et nous nous battons pour qu'elles ne s'en aillent pas !

Whirlpool, ce n'est pas une petite entreprise ! Honeywell est un grand groupe américain qui est installé depuis qu'elle existe dans la zone industrielle d'Amiens, dès 1956 ! Or il décide brutalement de rapatrier ses activités aux Etats-Unis, en se moquant des salariés et de la région !

M. Alain Bocquet. Que fait l'Etat ?

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Les délocalisations touchent tout particulièrement ces multinationales qui ont reçu quantité de fonds publics de l'Etat, de la région, des départements, des communes et communautés de communes...

M. Alain Bocquet. Il a raison !

M. Maxime Gremetz, rapporteur....et que cela n'empêche pas de s'en aller ! Et où vont-elles s'installer ?

Whirlpool, qui n'est pas un petit groupe non plus, envoie une chaîne à Poprad, en Slovaquie, parce que, ainsi, il offre 16 % de rentabilité financière à ses actionnaires au lieu de 7 %. Or c'est ce qu'ils veulent ! Et c'est l'unique raison de cette délocalisation !

Peut-on tolérer cela ? Vous qui êtes des partisans du capitalisme effréné et des conservateurs, peut-être, mais pas nous.

Ce sont 1 100 emplois qui sont supprimés, chez Whirlpool, Honeywell, Magneti-Marelli, Flodor, dont le patron est qualifié de voyou. Je viendrai ici, à l'Assemblée nationale, avec les matraques qui devaient lui servir à casser la figure des salariés, pour vous les montrer, car cela mérite d'être vu.

C'est bien de cela qu'il s'agit : sacrifier des emplois industriels pour obtenir la meilleure rentabilité possible en exploitant certaines populations, et réimporter en outre des produits qui viennent faire une concurrence déloyale à des entreprises françaises, lesquelles tomberont à leur tour, ce qui entraînera encore des suppressions d'emplois.

C'est ainsi que va le marché. Mais nous ne pouvons accepter cela car nous, nous mettons l'homme et le développement économique et social du pays au cœur de nos préoccupations.

Je sais que certains disent qu'on ne peut rien faire. Mais le premier qui l'a dit en a subi les conséquences immédiatement.

M. Jean-Claude Lenoir. Condamnation terrible de Jospin !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Lui aussi s'est retrouvé au chômage !

M. Jean-Claude Lenoir. Il faudrait bien que les socialistes réagissent, tout de même !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Vous êtes, mes chers collègues de la majorité, dans la même situation.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Il critique les socialistes, là !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Je tire les enseignements du passé !

M. Pierre Ducout. C'est au niveau européen qu'il faut agir !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Il faut dire la vérité : quand on affirme, devant les licenciements chez Michelin, que l'on n'y peut rien, il ne faut s'étonner de rien !

M. Patrick Ollier, président de la commission. M. Gremetz a raison ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Oui, monsieur Ollier, et il vous donne tort !

M. Jean-Claude Lenoir. La gauche explose à nouveau !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Car vous admettez que notre intention est bonne, mais vous ne voulez rien faire !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Jospin n'a rien fait : vous avez raison, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Et vous ne voulez rien faire parce que c'est pour vos amis du MEDEF que vous menez cette politique-là ! Voilà la vérité !

Madame la présidente, pouvez-vous demander au président de la commission d'avoir la gentillesse de laisser parler le rapporteur ?

Mme la présidente. Vous ne vous en privez pas, monsieur Gremetz. Mais je vous le confirme : vous seul avez la parole.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je me contentais d'observer que M. Gremetz avait raison : M. Jospin n'a rien fait !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Voyez, il ne cesse de m'interrompre !

Monsieur le président de la commission, messieurs de la majorité, vous admettez que la proposition part d'une bonne intention, qu'elle concerne un problème réel, mais pour aboutir à quelle conclusion ? « On ne peut rien faire. » Or si la politique ne peut rien faire contre cela,...

M. Jean-Claude Lenoir. Vous n'avez pas écouté !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Au contraire, j'ai très bien écouté.

Il est vrai qu'en réalité vous avez fait quelque chose. Nous avions obtenu, dans le cadre de la loi de modernisation sociale, un certain nombre de décisions propres à limiter, sans le régler - mais ce n'était pas l'objet du texte - le problème des délocalisations.

M. Pierre Ducout. Une grande avancée sociale !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Il a fallu se battre pour les obtenir.

M. Pierre Ducout. Mais elles ont été adoptées.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Et qu'avez-vous fait ? Vous les avez supprimées dès votre arrivée.

M. André Gerin. Exactement !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Alors, il est vrai que vous avez fait quelque chose : vous êtes revenus en arrière.

Cette proposition n'est pas à prendre ou à laisser. Tout le monde constate qu'elle aborde une véritable question et qu'il est nécessaire d'y réfléchir et d'avancer des propositions.

« Si elle était mieux rédigée... », dites-vous. Mais vous, qui êtes super intelligents, pourquoi ne l'améliorez-vous pas ? En réalité, ce ne sont que des arguments fallacieux : vous ne voulez surtout pas l'améliorer. La mondialisation capitaliste vous convient, en dépit de ses conséquences désastreuses pour les peuples.

Et je ne peux vous laisser affirmer que les délocalisations sont une aide pour les pays en développement. Une multinationale qui s'y implante ne fait que surexploiter la main-d'œuvre. En définitive, en détruisant leurs atouts au lieu de les valoriser, elles empêchent le développement durable de ces pays dont nous sommes totalement solidaires.

Soyons de bonne foi et assumons nos choix. Vous n'êtes pas d'accord avec cette proposition, tout le monde l'a compris. Mais ne cherchez pas d'argument fallacieux pour vous justifier. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le rapporteur, je vous ai lu et je viens de vous écouter avec beaucoup d'attention, ainsi que tous les intervenants. Je voudrais m'en excuser auprès de vous : mon intervention sera exceptionnellement longue, parce qu'elle se veut à la mesure du problème dont nous débattons et de sa gravité pour la France et les Français.

Face aux déstabilisations économiques, et d'abord aux drames humains que provoquent les délocalisations d'entreprises, les approches partisanes doivent céder le pas à une étude objective des faits.

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Sur un sujet aussi grave, opposition et majorité peuvent, j'en suis convaincue, s'accorder sur un certain nombre de constats et d'analyses,

M. Pierre Ducout. Discutons de la loi, alors !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. ...et même sur la recherche des mesures d'efficacité.

Mais avant d'en venir au fond, il est cependant une chose qui me choque et que je ne peux pas laisser passer sans réagir : c'est l'affirmation, que certains intervenants tentent d'accréditer dans l'opinion publique, selon laquelle seule l'opposition aurait, pour reprendre une formule devenue célèbre, le « monopole du cœur » dans la lutte contre les délocalisations déstructurantes, tandis que la majorité, et donc le Gouvernement, seraient indifférents, inactifs, voire aux ordres de ce que votre ancien secrétaire général, monsieur Gremetz, appelait avec emphase « le grand capital ». (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Pierre Ducout. Ce n'est pas faux !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Vous m'obligez, et je le regrette, à vous rappeler quelques vérités cruelles qui contredisent cette vision du problème des délocalisations industrielles.

Car ce problème ne date pas d'aujourd'hui.

M. André Gerin. C'est vrai !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Je l'ai rappelé, d'ailleurs.

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Vous invoquez vous-même à maintes reprises, dans votre rapport, l'étude réalisée par le CNRS en 1998, ainsi que celles, antérieures, de Jean-Louis Mucchielli en 1993 et de Daniel Delalande en 1995. Mais c'est contre vous et vos alliés de l'opposition que ces études se retournent ! Le gouvernement de M. Jospin, qui a géré la France pendant cinq ans avec le parti communiste, était donc bien averti.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Bien sûr !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Il a disposé de plus de quatre années pleines après cette étude du CNRS pour en tirer les conséquences.

M. Jean-Claude Lenoir. Voilà !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Il a eu à la fois la durée et les moyens pour agir.

M. Pierre Ducout et M. David Habib. Il a agi ! Et la loi de modernisation sociale ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Il était porté par la vague de la croissance mondiale, il bénéficiait des réformes ingrates d'assainissement que son prédécesseur avait courageusement engagées entre 1995 et 1997. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Les privatisations et la vente des licences UMTS lui apportaient des ressources complémentaires, au point que l'on discutait du montant des milliards de la « cagnotte » ainsi constituée.

Mais qu'avez-vous fait, concrètement, vous et vos alliés, face à ce problème précis des délocalisations dont le mouvement était connu pour s'amplifier dangereusement ?

Un exemple tout simple : dès mon arrivée au ministère, j'ai été alertée sur la situation catastrophique du textile dans les Vosges. Je me suis rendue sur place. J'ai alors découvert que plus de 20 millions d'euros de soutien à la revitalisation de ce secteur dormaient, faute de projets ou pour des raisons bureaucratiques.

M. Pierre Ducout. M. Borotra a fait des bêtises en ce domaine !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Avant moi, on ne s'était pas préoccupé de les réveiller.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Eh oui !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Notre gouvernement n'a pas une vision manichéenne de l'action de ses prédécesseurs. Nous appartenons tous à la France et, dans l'opposition comme dans la majorité, le dévouement à la cause publique et l'intelligence des réalités sont partagés.

Mais face à l'évolution de l'état de santé de l'activité économique, et notamment industrielle, ceux qui exercent ou ont exercé des responsabilités gouvernementales, savent que depuis longtemps, ce n'est pas l'Etat qui est l'acteur déterminant.

Le dynamisme industriel repose essentiellement sur la force vitale qui est au cœur de chaque entreprise, sur l'action offensive de ses dirigeants, sur la cohésion active de l'ensemble des salariés, solidaires de projets mobilisateurs. Le rôle essentiel de l'Etat est d'accompagner socialement les difficultés transitoires...

M. Pierre Ducout. Sur le plan économique aussi !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. ...et d'anticiper l'avenir par des mesures d'incitation appropriées.

M. Christian Bataille. Bref, vous ne pouvez rien faire !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Le bilan global de l'industrie française au cours des vingt dernières années - dont je montrerai tout à l'heure qu'il est plutôt positif - n'échappe pas à cette règle. Ce n'est pas d'abord à l'Etat et à ses gouvernements successifs qu'en reviennent les mérites.

Il a été porté avant tout par l'extraordinaire aventure européenne que des visionnaires ont engagée à Rome, en 1957, et sans laquelle tous les efforts gouvernementaux pour éviter le démembrement des secteurs industriels traditionnels, auraient été vains.

Voyez-vous, ce que nous reprochons au gouvernement qui nous a précédés, même si des mesures positives ont été prises ici ou là, c'est pour l'essentiel de ne pas avoir réagi assez vite et de manière appropriée au nouveau défi qui se mettait en place, celui de la mondialisation des échanges. Sous la pression même des consommateurs que nous sommes tous, il allait bouleverser la donne de la concurrence, dans un sens certes favorable au plus grand nombre, mais en laissant de nombreuses victimes de sa brutalité.

Et les lois que l'opposition d'aujourd'hui a mises en place, de 1997 à 2002, sont allées pour l'essentiel à contresens des vraies mesures que cette nouvelle donne à l'échelle mondiale appelait.

M. Jean-Claude Lenoir. Hélas !

M. Pierre Ducout. C'est faux !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Ce fut le cas de la loi indûment intitulée de « modernisation sociale ». Elle imposait un corset supplémentaire aux entreprises,...

M. Jean-Claude Lenoir. Nous en payons aujourd'hui le prix !

M. Pierre Ducout. Cette loi ne gêne en rien les entreprises performantes !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. ...alors que la stratégie nécessaire était celle de la libération de leurs énergies conquérantes pour relever les nouveaux défis mondiaux.

En obligeant, par dogmatisme idéologique, les grandes entreprises publiques telles que France Télécom à ne pas ouvrir leur capital au-delà du seuil majoritaire,...

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Il est ouvert maintenant, et on voit ce qui se passe !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. ...la majorité d'hier les condamnait à financer leur développement par l'endettement, plutôt que par la cession d'actions. Cette stratégie excessivement rigide a conduit ces entreprises au bord du gouffre.

M. Pierre Ducout. Cela n'a rien à voir !

    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Oh, je sais bien que vous n'aimez pas que l'on vous rappelle ces souvenirs, et je vais vous fâcher en évoquant la loi dite des 35 heures.

    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est une très bonne loi !

    Mme la ministre déléguée à l'industrie. A qui fera-t-on croire que les 15 milliards d'euros annuels qui ont été dérivés pour la financer n'auraient pas pu être mieux utilisés (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) pour lutter contre ces délocalisations et revivifier les sites menacés par la désindustrialisation ?

    M. Jean-Claude Lenoir. Quelle erreur, cette loi !

M. Christian Bataille. Dans ce cas, ayez le courage de l'abroger !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Les 35 heures ont peut-être amélioré le confort de vie des salariés qui avaient déjà un emploi, essentiellement dans les grandes entreprises ou le secteur public. Mais à quel prix ?

M. Pierre Ducout. La réduction du temps de travail existait déjà dans les grandes entreprises !

    M. Jean-Claude Lenoir. Pourquoi avoir voté, cette loi, alors ?

    M. Pierre Ducout. Nous avons complété le dispositif dans le bon sens !

    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Je pourrais rappeler la déstabilisation de l'hôpital public, qui n'a pas été étrangère aux événements dramatiques de l'été dernier. Je pourrais rappeler la pression accrue qui s'exerce sur les salariés des très petites entreprises, auxquels on demande les mêmes résultats en moins de temps de travail, faute de pouvoir créer un nouvel emploi plein.

Je ne retiendrai ici que la conséquence directement liée à notre débat sur les délocalisations. Cette loi a très imprudemment placé la France à contre-courant de nos voisins européens et de nos concurrents mondiaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Nous ne sommes pas obligés de les imiter s'ils font moins bien. Que dirait de Gaulle en vous écoutant ? Lui, au moins, savait dire non !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Vouloir gagner plus en travaillant moins est une naïveté dont l'évidence n'échappe à personne.

M. Pierre Ducout. Caricature !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Cette loi, par son caractère autoritaire et général, ne pouvait mécaniquement qu'alourdir les coûts de production. Et plus on pèse sur les coûts de production, plus la nécessité ou la tentation de délocaliser la production s'imposent. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. André Gerin. C'est le même discours qui était opposé aux 40 heures en 1936 !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Oh, je sais que j'appuie là où ça fait mal ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cette loi, dont on ne cessera de dénoncer les effets pervers, n'a produit que des effets en trompe-l'œil. Elle n'a pas dissuadé les délocalisations, elle en a répandu la semence.

M. Pierre Ducout. Cela n'a rien à voir !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Non seulement elle n'a rien apporté, sinon très marginalement, à ceux qui n'avaient pas d'emploi ou qui étaient menacés de le perdre, mais elle les a encore plus fragilisés.

M. David Habib. C'est faux !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. C'est une critique sévère de M. de Robien : je crois qu'il voulait descendre jusqu'à 30 heures !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. La sanction de cette stratégie erronée ne s'est pas fait attendre longtemps. C'est elle, en large part, qui a plombé les années 2001 à 2003 (« Ce n'est pas vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste), en matière de destruction aggravée des emplois industriels.

M. Jean-Claude Lenoir. Absolument !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Le fait que la majorité d'hier soit devenue l'opposition d'aujourd'hui ne l'exonère pas de sa responsabilité à l'égard de ces effets différés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Ducout. C'est vous qui êtes irresponsable !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Non, monsieur Gremetz, vous ne pouvez pas vous approprier la défense des salariés menacés par des délocalisations et vilipender la prétendue indifférence qu'aurait le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin à leur égard.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Plus que d'indifférence, il s'agit d'une démission !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Notre gouvernement ne fait pas dans l'autosatisfaction face aux drames humains de ces délocalisations, mais il rejette un procès de laisser-faire qui devrait d'abord être intenté à d'autres, qui se trouvaient dans une conjoncture économique autrement plus favorable.

M. François-Michel Gonnot. Bravo !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Même si nous sommes en désaccord démocratique sur les solutions, nous débattons ensemble, dans l'intérêt du pays, d'un problème qui préoccupe autant le Gouvernement que l'opposition,...

M. Pierre Ducout. Examinons donc la proposition de loi !

M. Jean-Claude Lenoir. Vous seriez les premiers gênés !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. ...et dont le Président de la République vient lui-même de dire toute l'attention qu'il lui portait.

Quant à la ministre aujourd'hui responsable de l'industrie, permettez-lui, si vous doutiez de sa propre détermination, d'évoquer un fait significatif. Il y a quatre ans, presque jour pour jour, le 13 mars 2000, à Lisbonne le Conseil européen ne bruissait que de l'euphorie boursière et des nouvelles technologies de l'information qui devaient doper l'économie européenne et ses emplois. Non sans jeter quelque froid dans un tel contexte, quelqu'un osa s'exprimer ainsi devant les quinze chefs d'Etats et de gouvernement :

« Les fusions sauvages, opérées du seul fait d'un pouvoir capitaliste dominant, ont un effet dévastateur sur la cohésion sociale de l'Union. Les femmes et les hommes qui découvrent un beau matin que le propriétaire de leur entreprise a changé et qu'ils sont à la merci de ses choix économiques stratégiques, avec tout ce que cela représente pour eux de dramatique, et pour tout dire d'inhumain, pour leurs familles et pour leur région, ne peuvent pas comprendre que l'Union européenne, ce soit cela ».

Ce quelqu'un présidait alors le Parlement européen, et c'est aujourd'hui la ministre déléguée à l'industrie qui s'exprime devant vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je n'ai pas changé d'état d'esprit,...

M. Pierre Ducout. Alors, examinons la proposition de loi !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. ...et je n'ai jamais oublié la dimension sociale de ce ministère - sa finalité sociale, devrais-je dire - depuis qu'on me l'a confié.

Si d'aventure les responsables de la société britannique OCT dont j'ai, la semaine dernière, dénoncé avec force le comportement de voyou qu'ils ont eu à Dourdan - et le mot est faible,...

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Je peux vous en proposer un autre !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. ...mettaient demain à exécution le projet que leur prête un journal londonien de me poursuivre en diffamation - bien que je m'en sois tenue à la définition du dictionnaire et qu'eux-mêmes semblent bien mal connaître le français, à en juger par les lettres de licenciement qu'ils ont envoyées aux salariés -, je veux espérer, monsieur Gremetz, que vous vous porteriez volontaire pour être mon témoin à décharge, au nom même de ce que vous défendez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Bien sûr !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Après cette mise au point, j'en viens au fond du débat. Encore faut-il le circonscrire sans amalgame. À cet égard, je voudrais rappeler quelques données objectives et quelques constats qui ont été développés dans le récent rapport de la DATAR.

Aujourd'hui, la France reste encore un grand pays industriel. Elle se situe au cinquième rang mondial des pays les plus industrialisés.

M. Alain Bocquet. Mais nous baissons !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. En volume, la production industrielle française est en croissance continue depuis plus de vingt ans.

M. Christian Bataille. Grâce à Jospin ! Nous vous avons laissé une situation saine ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilbert Meyer. Soyez raisonnable !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Et cette croissance a été aussi rapide que celle des services, soit 2,5 % par an depuis 1980. Toutefois, il est également vrai que au cours des dix dernières années, les effectifs industriels ont diminué. La France a ainsi perdu 600 000 emplois manufacturiers entre 1990 et 2002.

M. Jean-Claude Lenoir. Voilà !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Cette diminution a touché principalement les secteurs traditionnels des biens d'équipement de la personne et, dans une moindre mesure, la chimie.

Tous les grands pays industriels ont connu un recul important de leurs emplois manufacturiers au cours de la dernière décennie, mais c'est la France qui s'en sort le mieux : en huit ans, le Royaume-Uni a perdu 14 % de ses emplois industriels directs, l'Allemagne 9,7 %, les États-Unis 10,5 %, le Japon 15,6 %, et la France seulement 2,3 %. La part directe de l'industrie dans l'économie française se maintient au même niveau qu'il y a vingt ans, c'est-à-dire autour de 18 %.

L'évolution de notre tissu industriel tient principalement à la mondialisation des échanges, qui a atteint de plein fouet des industries comme celles de la chaussure ou du textile, où nos coûts de production n'étaient pas compétitifs, mais aussi aux efforts de productivité considérables qui ont été déployés pour que les coûts de production permettent de résister dans tous les secteurs soumis à une forte concurrence mondiale, de même qu'à l'évolution de la structure même de l'industrie. Ainsi, en dix ans, la baisse de l'emploi industriel productif a été relativement compensée par la création d'emplois dans les services aux entreprises - plus de 1 200 000 postes depuis 1990 - qui sont de plus en plus externalisés par celles-ci. La distinction traditionnelle entre services et industrie devient largement obsolète et fausse le regard sur la réalité globale de l'industrie.

Ce qui est nouveau et inquiétant, c'est que la crise affecte des secteurs relativement épargnés jusqu'à présent, comme l'électronique et les télécommunications, et même la pharmacie, où nous avons pourtant fortement investi en recherche et développement.

Par ailleurs, la nouvelle donne doit maintenant intégrer deux facteurs.

Premièrement, l'élargissement tout proche de l'Europe, qui constitue bien évidemment une chance pour nos entreprises en leur facilitant l'accès à un marché de 100 millions de consommateurs dont les besoins sont considérables, mais qui est aussi un nouveau défi pour notre industrie, car les dix nouveaux pays entrants bénéficient d'avantages comparatifs, en particulier en matière de coût de la main-d'œuvre.

Le second facteur est évidemment la croissance exceptionnelle des pays d'Asie. L'Inde et la Chine nous posent aujourd'hui une question de même nature que le Japon et la Corée il y a vingt-cinq ans, mais avec une acuité plus grande encore.

Dans ce nouveau contexte, nos secteurs industriels traditionnels sont-ils appelés à disparaître progressivement au profit du développement des services et des seules activités productives à forte valeur ajoutée et à haute technicité ? Autrement dit - et là est la vraie question -, la France peut-elle demeurer une grande puissance de production industrielle, plutôt que de se contenter d'être seulement une grande puissance qui ne ferait que commercialiser les produits fabriqués dans les nouveaux ateliers du monde ? Le Gouvernement le veut autant que vous, monsieur Gremetz.

M. Pierre Ducout. Alors, examinons la proposition de loi !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Mais c'est précisément parce qu'il est déterminé à ce qu'il en soit ainsi et qu'il a confiance dans les capacités d'adaptation de la France qu'il est en désaccord total avec vos propositions, qui ne feraient que conduire à l'impasse (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) et à l'échec : la fermeture des frontières (« Oui ! » sur les mêmes bancs), l'administration dirigiste de l'économie,...

M. Jean-Claude Lenoir. Comme au temps des Soviétiques !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Vous tombez dans la caricature !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. ...le rapatriement des capitaux et la sanctuarisation des industries non concurrentielles. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Alain Bocquet. Nous le dirons aux salariés !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Même la Russie, dont le régime soviétique a si longtemps été votre référence, a renoncé aux recettes illusoires que vous proposez aujourd'hui pour affronter le nouveau géant économique qu'est la Chine. Ces recettes n'ont conduit, et vous l'avez sans doute vous-même constaté de visu, qu'à l'obsolescence des outils de production, à la perte de compétitivité, à l'arriération des modes de production et de gestion industrielles, à la destruction de l'environnement et, in fine, à l'appauvrissement général de la population et à la ruine de l'économie.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Oh la la !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. En amalgamant sous le terme de délocalisations toutes les créations de sites industriels de production hors de France, y compris dans les pays de l'Union européenne, et en voulant les interdire ou les annuler sans prendre en compte les situations particulières, vous mettez d'abord la France en infraction directe avec les traités européens qu'elle a signés.

M. Alain Bocquet. Ne nous couchons pas devant l'Union européenne, subvertissons-la !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Vous méconnaissez qu'à côté des délocalisations abusives, contre lesquelles il faut agir et sévir, il est des cas où la préservation même de l'équilibre, et donc des emplois en France, impose à des entreprises de s'implanter aussi ailleurs.

M. Pierre Ducout. C'est pourquoi il faut amender le texte !

M. Alain Bocquet. Parlez-nous d'Arcelor !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Si le Parlement votait votre proposition de loi, quel investisseur étranger, de l'Union ou d'ailleurs, choisirait la France pour y implanter de nouvelles usines ? Personne n'accepterait de devenir le prisonnier d'une telle rigidité. Vous tueriez l'attractivité du pays sans laquelle notre industrie ne saurait progresser.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Vous estimez donc qu'il n'y a rien à faire !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Quant à l'interdiction des licenciements dus aux délocalisations, elle aurait le même effet. Maintenir en survie artificielle des entreprises irrémédiablement non compétitives,...

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Quel aveu !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. ...c'est, de toute façon, et vous le savez, monsieur Gremetz, les condamner à la faillite et retarder inutilement le moment de vérité. La loi actuelle définit les responsabilités des entreprises qui ferment des sites de production. Elles ont l'obligation de tout mettre en œuvre pour créer de nouveaux emplois à la même hauteur, et je puis vous assurer que nous veillons fermement à son respect, chaque fois que des entreprises se trouvent dans cette situation.

Mme Muguette Jacquaint. Mais les salariés sont toujours au chômage !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. C'est la démarche que nous avons engagée à Romorantin, par exemple.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Les Whirlpool sont toujours au chômage partiel !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. En 2002, le gouvernement de la gauche plurielle a laissé au bord de la ruine de grandes entreprises, publiques ou privées, avec des centaines de milliers d'emplois compromis. France Telecom, la Poste, Alstom, ce n'est pas la gauche, mais notre gouvernement qui les a sauvés et qui a évité leur démembrement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Pierre Ducout. Et Thomson Multimédia ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. En 1984, ce fleuron industriel qu'était Creusot-Loire déposait son bilan. L'opposition d'aujourd'hui était alors au pouvoir. Que fit-elle pour le sauver ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) A-t-elle agi avec la même détermination et, surtout, avec le même succès ? Rendez-nous justice, monsieur Gremetz !

M. Pierre Ducout. Parlez-nous de Thomson !

M. Rodolphe Thomas. Et Moulinex ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Vous proposez également d'interdire les mouvements de capitaux. Or c'est à l'évidence aller, là encore, contre les traités européens et les fondements du marché intérieur. Tous les pays qui s'y sont essayés se sont fermé toutes les portes du développement économique. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Empêcher le jeu naturel de la concurrence,...

M. Alain Bocquet. Naturel !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. ...qui a ses lois protectrices de régulation, entraînerait la France dans une politique de l'autruche ! Une industrie qui s'isole ne gagne pas en robustesse, elle jouit simplement, et pour très peu de temps, d'une illusoire assurance.

Bref, en proposant magiquement d'interdire les délocalisations,...

M. Pierre Ducout. Non, de les réguler !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Ce n'est pas ce que nous proposons !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. ...vous voulez supprimer les effets, sans vous intéresser aux causes. Ce sont les difficultés de l'industrie française qu'il faut traiter, et non pas interdire le mauvais temps.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Qui parle d'interdire ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. La méthode qui a fonctionné, monsieur Gremetz, celle qui réussit dans tous les pays du monde, la méthode rationnelle, c'est l'innovation, le dynamisme (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), le développement de nos avantages comparatifs sur le marché mondial, la création de nouvelles activités et le renouvellement de l'offre industrielle !

M. Pierre Ducout. Mais vous abandonnez la recherche !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. C'est cela le grand mouvement naturel de l'économie mondiale. C'est grâce à cette dynamique que d'immenses pays autrefois claquemurés dans l'immobilisme sortent aujourd'hui peu à peu de la misère. Aucun misérabilisme électoral ne peut aller contre les faits.

Non seulement la politique que vous proposez serait illusoire, mais elle serait antiéconomique et injuste.

Antiéconomique, elle le serait parce qu'elle méconnaîtrait radicalement les conditions contemporaines des échanges à l'échelle du monde. La Chine ou l'Inde ouvrent à notre industrie d'immenses marchés d'avenir. Mais croyez-vous un instant que l'on pourrait y vendre des vêtements ou des appareils ménagers qui seraient construits en France, comme aux temps des colonies, alors qu'on peut les produire sur place, à des coûts qui sont sans comparaison et adaptés au pouvoir d'achat de leur population ?

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Vous savez que ce n'est pas vrai !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Le monde a changé, monsieur Gremetz !

Votre loi serait également injuste et terriblement égoïste. Tous les pays du monde ont droit à sortir du sous-développement qui les maintient dans la servitude de la misère et à bénéficier, eux aussi, de la mondialisation pour s'en sortir enfin. Si nous y contribuons en y implantant des activités productives, nous faisons aussi œuvre de solidarité à l'échelle mondiale (« Arrêtez ! » sur les bancs du groupe socialiste),...

M. Jean-Claude Lenoir. Cela n'intéresse pas la gauche !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. ...et, tôt ou tard, nous en aurons le retour positif. L'aide moderne au développement des pays les plus pauvres, ce n'est pas seulement l'assistance, c'est surtout le partenariat.

M. Pierre Ducout. Hors sujet !

M. André Gerin. Quelle démagogie !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Je n'ose penser, monsieur Gremetz, que cela aussi vous aurait échappé. En interdisant de façon aussi absolue des délocalisations maîtrisées qui s'inscriraient dans ce contexte, vous risqueriez, sur vos extrêmes, de perdre encore certains de vos militants !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Amendez notre proposition de loi !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Face au problème réel des délocalisations, il n'y a que deux voies possibles : se réfugier dans l'enfermement illusoire ou relever le défi de l'affrontement de la concurrence.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Votre argumentation est très faible !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Choisir l'enfermement, ce serait bercer les Français d'illusions et préparer de terribles lendemains pour leurs industries et leurs emplois.

Quant à l'ampleur des délocalisations, et même si des exemples inqualifiables nous ont été donnés récemment, il faut tout de même regarder les choses en face et conserver le sens de la mesure. Elles représentent, ainsi que le rappelaient tout à l'heure Patrick Ollier et Jean-Claude Lenoir, moins de 5 % de nos investissements directs à l'étranger dans les pays proches, comme ceux du Maghreb et d'Europe de l'Est, et moins de 1 % dans les pays lointains, comme ceux d'Extrême-Orient !

Il importe également de ne pas amalgamer les délocalisations véritables,...

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Que j'ai définies !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. ...très peu nombreuses, qui entraînent fermetures en France et production à l'étranger de biens revenant en France pour y être consommés, et, d'autre part, l'ouverture de filiales à l'étranger pour répondre à la demande de marchés locaux et suivre au plus près leur développement.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Ce n'est pas la même chose : nous sommes d'accord !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Tous secteurs confondus, les importations issues des unités de production délocalisées représentent 3 % des achats et 2 % de la production des entreprises industrielles françaises.

Par ailleurs, selon les chiffres de la DREE, les secteurs de l'industrie manufacturière qui investissent le plus à l'étranger sont aussi ceux qui créent le plus d'emplois en France. Il faut que cela soit dit. Non pour balayer du revers de la main les difficultés, mais pour écarter les projets suicidaires d'interdiction des mouvements de capitaux ! Une entreprise qui ne reçoit plus de commandes, qui n'est plus compétitive, bref une entreprise dont les difficultés sont structurelles, ne peut être tenue à bout de bras par l'Etat.

« Je ne crois pas que l'on puisse administrer l'économie ; il ne faut pas attendre tout de l'Etat ». Ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est, comme l'a fort opportunément rappelé M. Gremetz, M. Lionel Jospin, quand il était le chef du gouvernement.

Pour sa part, notre gouvernement récuse autant la démagogie que l'abandon au fatalisme.

M. Pierre Ducout. Vous cédez aux deux !

M. Christian Bataille. Que faites-vous de « l'ardente obligation du Plan » ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Tout au long de ces deux dernières années, face aux risques ou aux réalités des délocalisations, nous avons choisi une voie radicalement différente de celle que vous préconisez dans votre proposition de loi, monsieur Gremetz : celle du dynamisme.

M. André Gerin. C'est l'intégrisme économique !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Elle tient en deux lignes de force : prévenir et réagir.

Prévenir, car le seul moyen d'éviter que des entreprises ne soient tentées de délocaliser à l'étranger leurs sites de production ou y soient contraintes par le manque de compétitivité de leurs produits, ce n'est pas de les emprisonner dans l'immobilisme par des lois excessivement contraignantes, c'est de réduire cette nécessité ou de dissuader la tentation par l'allégement des coûts de production, le soutien de l'innovation et le redressement de l'attractivité internationale du site France. Et c'est ce que nous avons fait, obstinément, en dépit d'une conjoncture particulièrement défavorable.

Nous avons abaissé les charges des entreprises.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Ah ça oui !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. À défaut de l'abroger totalement, nous avons expurgé la loi sur les 35 heures de ses dispositions les plus contreperformantes.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Ce n'est pas encore assez !

M. Alain Bocquet. Vive le MEDEF ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Le baron Seillière est content !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Nous avons stimulé la création de nouvelles entreprises en simplifiant les procédures et atteint notre objectif de 200 000 créations en 2003. Nous avons enfin introduit pour chaque salarié un véritable droit à la formation continue tout au long de la vie.

Nous avons relancé la recherche industrielle en amplifiant l'accès au crédit impôt-recherche. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Alain Bocquet. Parlons-en, de la recherche !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Nous allons stimuler les investissements productifs en les exonérant transitoirement de la taxe professionnelle, dans l'attente d'une réforme fondamentale de cet impôt dissuasif. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous avons cherché à fixer sur le sol français les investissements extérieurs, en améliorant le statut fiscal des impatriés.

Dans les secteurs les plus fragiles, nous avons constitué en 2003 des groupes de réflexion stratégique réunissant industriels et partenaires sociaux...

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Ah !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. ...dont les résultats sont attendus en avril prochain pour les industries de la santé, pour le textile-habillement, pour la chimie, pour la filière automobile (« Ah ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

En faisant baisser les prix de l'ADSL, nous avons fait exploser en un an l'accès à internet à haut débit, passé en dix-huit mois de un à 3,6 millions d'abonnés. C'est le plus fort taux d'accroissement en Europe, et nous savons que ces technologies sont fortement créatrices d'emplois.

Mme Muguette Jacquaint. Et le mois prochain, qu'est-ce qui va se passer ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Nous avons entrepris de durcir sensiblement la guerre contre la contrefaçon, qui détruit plus de 30 000 emplois industriels chaque année en France.

Nous avons mobilisé nos partenaires de l'ensemble de l'Union européenne, ainsi que la Commission, pour que s'élabore une authentique politique industrielle européenne. L'idée fait aujourd'hui son chemin d'une politique industrielle qui fasse de la concurrence de l'Europe solidaire et offensive une priorité d'action face au reste du monde ; une politique industrielle qui ne soit plus obnubilée par la concurrence intra-européenne, qui n'entrave pas la constitution de champions européens ; une politique européenne qui évalue toutes nos réglementations communes à l'aune de la compétitivité, qui ne soit pas douce avec nos concurrents extérieurs et dure avec nos entreprises intérieures ; bref, une politique industrielle digne de ce nom, faite de précision sectorielle et de vigilance réglementaire.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Tout un programme !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Ce ne sont que des exemples. Mais je suis convaincue que les résultats que nous attendons de ces actions multiples, convergentes et cohérentes seront plus efficaces que les mesures malthusiennes que préconise la proposition de loi aujourd'hui soumise à la représentation nationale.

Et qu'on arrête de dire, même si nous sommes en période électorale, que le Gouvernement aurait choisi les entreprises contre les salariés.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Vous avez choisi le MEDEF !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Il a choisi de libérer l'énergie et la confiance des acteurs économiques, qui sont les seuls à créer des emplois productifs et solides dans la durée.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Il est content, le MEDEF !

M. André Gerin. Vous menez une politique à la Thatcher !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Voyez-vous, monsieur Gremetz, notre politique n'est pas seulement économique et sociale.

Mme Muguette Jacquaint. Non, elle n'est pas du tout sociale !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Elle est sociale parce qu'elle est économique : voilà la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Les actions que je viens d'illustrer par quelques exemples ne peuvent avoir, pour la plupart, que des effets qui incluent le facteur temps. Et tout au long de ces vingt derniers mois, tant les déstructurations industrielles que les délocalisations se sont poursuivies, et même, sous l'effet de l'atonie de la croissance, se sont amplifiées.

Tous les services industriels de mon ministère, qu'ils soient à Paris, ou décentralisés dans les DRIRE, sont mobilisés pour anticiper les crises, et je puis vous assurer que nous suivons les dossiers, secteur par secteur, région par région, et même entreprise par entreprise de plus de 100 salariés.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Mais non !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Et ce suivi s'accompagne d'actions de mobilisation préventive partout où le danger menace.

Quel dommage, madame Carrillon-Couvreur, que vous n'ayez pas demandé à rencontrer la ministre de l'industrie !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je l'ai fait, madame !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Vos collègues pourront vous dire que vous auriez été reçue efficacement.

M. Pierre Ducout. Je l'ai demandé en vain pour Selectron !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Je puis vous confirmer que tous ceux qui ont demandé à me rencontrer ont été reçus longuement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...

Mme Muguette Jacquaint. J'attends toujours que vous me receviez !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. ...et que mes collaborateurs sont venus sur le terrain pour constater les situations et apporter leur concours à l'action des acteurs locaux.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. C'est faux !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Cependant, l'inéluctable peut survenir, et, face à ces situations d'urgence, même si tout ne peut pas être réparé dans l'instant, je crois pouvoir dire que les services de l'Etat ont agi chaque fois avec beaucoup de réactivité, au plan social comme à celui de la revitalisation des bassins d'emplois.

M. Philippe Tourtelier. Six mois pour avoir la réponse concernant ST Microelectronics !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. En 2003, tous les moyens du ministère de l'industrie pour les reconversions, qui étaient de 35 millions d'euros - ce sont des crédits modestes - ont été affectés avec efficacité et rapidité en faveur de la reconversion de sites particulièrement sensibles, tels que Metaleurop ou Matra Automobile à Romorantin, tout en les accompagnant de l'intervention des entreprises concernées et de la signature de contrats de sites avec les collectivités territoriales, en étroite concertation avec les partenaires sociaux.

Mme Muguette Jacquaint. Pour un petit texte qui n'en valait pas la peine, quel discours !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. A titre d'exemple, dès la mi-janvier 2004, à Romans, dans la Drôme, nous venons de lancer un plan qualité pour la chaussure, accompagné de mesures de revitalisation, pour y créer 350 emplois sur 3 ans.

Mme Muguette Jacquaint. Vous voyez que cela méritait discussion !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Toutes les DRIRE sont invitées à passer d'une culture du contrôle à celle du partenariat, et à une culture de résultats.

A cet effet, je les réunirai toutes à Paris le 25 mars prochain, pour qu'elles continuent à s'engager résolument dans la voie de la lutte contre la désindustrialisation.

Dans le même esprit, nous avons stimulé les missions de réindustrialisation confiées à des cabinets spécialisés dans la recherche d'investisseurs.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Allons, arrêtez !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Depuis 1996, ce sont 8 000 emplois par an qui sont créés, dans des bassins en grande difficulté. Ces emplois sont ainsi répartis : 30% sur des créations d'entreprises nouvelles, 60% sur le développement de nouvelles activités par des entreprises existantes, 10% pour des implantations ou des reprises.

Mme Muguette Jacquaint. C'est le discours de clôture avant le remaniement ministériel !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Sur la base de cette culture de résultat que je viens d'évoquer, j'ai décidé de rendre systématique l'évaluation annuelle des conventions qui définissent le cahier des charges de ces cabinets de réindustrialisation des bassins en crise.

Dans beaucoup de cas, l'âge des salariés privés d'emploi, leur niveau de savoir-faire, leur absence de formation continue en cours de carrière et l'excentration géographique réduisent l'attractivité des sites pour de nouveaux investisseurs. Il ne faut pas attendre ceux-ci, il faut aller les chercher et les convaincre de s'installer. Nous faisons encore trop peu, mais nous agissons avec détermination.

Concernant les délocalisations brutales, de caractère scandaleux, mais qui restent heureusement exceptionnelles, comme celle qui vient d'être effectuée à Dourdan, nous ne lâcherons pas les responsables de tels agissements, a fortiori quand le déménagement nocturne est aggravé par le sabotage de l'usine. Mais l'arsenal de glaciation que vous préconisez, monsieur Gremetz, n'est pas la bonne réponse.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Eh non !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Il suffit, dans la prochaine loi en faveur de l'emploi, que le Gouvernement soumettra bientôt au Parlement, d'inclure l'obligation, pour toute entreprise qui voudrait déménager son activité, d'en informer préalablement le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, dans un délai à déterminer, afin que, sur saisine de ceux-ci, l'autorité publique ait la possibilité d'intervenir.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. C'est un long plaidoyer !

Mme Muguette Jacquaint. Surtout pour un texte qui ne valait pas la peine d'être discuté !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Les dirigeants qui n'ont rien à se reprocher ne seront aucunement pénalisées dans leur stratégie de décision, et ceux qui agissent avec cynisme sauront que toute infraction sera suffisamment dissuadée par les sanctions qu'elle entraînera.

M. Pierre Ducout. Il faut examiner la proposition de loi !

Mme la présidente. Monsieur Ducout !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Mais l'essentiel, encore une fois, est dans l'encouragement au dynamisme : nous attendons beaucoup du plan Innovation I, qui est opérationnel depuis le 1er janvier.

Son objectif est clair : relancer l'investissement et le capital-risque dans le secteur privé, dont l'insuffisance explique en grande partie notre retard en recherche et développement par rapport à tous les grands pays industriels.

M. Pierre Ducout. Avec quels moyens ?

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Nous préparons en 2004 un plan Innovation II, qui aura deux axes : la mise en place d'un droit de préférence en faveur des PME innovantes pour les contrats publics de recherche et développement, et l'adaptation du cadre juridique communautaire des aides d'Etat en faveur de l'innovation industrielle.

Deux secteurs sont hautement porteurs de développement et donc d'emplois futurs : les technologies de l'information et de la communication, en matière de composants électroniques, de nanotechnologies, de logiciels, de télécommunications, de société de l'information et de multimédia, ainsi que les technologies favorisant la qualité de la vie, la gestion du vivant, l'environnement, c'est-à-dire globalement, les biotechnologies.

En appui des réformes, notamment fiscales, que nous avons déjà mises en œuvre, il faut que la France redevienne une terre accueillante aux investisseurs, qu'ils soient français ou étrangers.

Pour cela, nous avons déjà entrepris de développer des pôles d'excellence à visibilité mondiale : il importe en effet de mettre un terme au saupoudrage des crédits, et de se concentrer sur des centres peut-être moins nombreux, mais capables d'atteindre la masse critique pour être reconnus dans le peloton de tête mondial.

D'ici à 2007, 3,5 milliards d'euros d'investissements seront consacrés au site grenoblois de Crolles, et plus de 900 millions d'euros seront affectés au site de Rousset, près d'Aix-en-Provence, spécialisé dans les puces pour objets communicants sécurisés.

D'ici à 2008, ATMEL prévoit un milliard d'euros d'investissements pour les sites de Rousset et de Nantes, pour la mise au point de mémoires flash.

Et je n'oublie pas l'investissement d'ALTIS à Corbeil-Essonnes, sur la nouvelle génération de mémoires magnétiques.

Tous ces investissements sont éminemment créateurs d'emplois. Mais cette politique déterminée de relance des moteurs productifs ne saurait se poursuivre dans un superbe isolement hexagonal. Les défis de l'industrie, donc de l'emploi, ont une dimension continentale ; ils doivent donc être relevés à l'échelle européenne.

Nous avons réussi en deux ans à ce que cette idée fasse son chemin dans les institutions européennes et auprès de nos partenaires. Et sous l'impulsion de la France, le conseil des ministres de la compétitivité a obtenu de la Commission qu'elle présente pour le textile-habillement un plan d'action global avant le 31 juillet prochain.

Je me rendrai moi-même vendredi prochain à Bruxelles, afin de participer à l'installation du groupe textile-habillement...

M. Alain Bocquet. Arrêtez-vous donc à Roubaix en passant !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. ...réunissant les ministres de l'industrie français, italien, allemand et portugais, avec les commissaires Busquin, Liikanen et Lamy, ainsi que des industriels de ce groupe, qui élaborera les principales propositions.

Avec mes homologues britanniques et allemands, nous nous battons pour une révision du projet de réglementation de l'industrie chimique, pour que les exigences environnementales soient rendues compatibles avec la compétitivité de cette industrie.

Il est essentiel de défendre le territoire européen et de veiller, avec nos partenaires communautaires et la Commission, à ce que les instruments de défense commerciale soient utilisés sans complexe quand nos industriels doivent affronter une concurrence déloyale des importations de pays tiers, basée notamment sur le dumping.

M. Pierre Ducout. C'est l'objet de notre proposition de loi !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Absolument, nous sommes d'accord sur l'analyse, mais il faut agir.

M. Pierre Ducout. En ce cas, passons à l'examen de la proposition de loi !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Car si nos marchés sont largement ouverts, il faut que cela soit dans un contexte loyal de concurrence.

Nous avons fait déposer plainte par l'Union européenne auprès de l'OMC contre le dumping de la Corée en matière de construction navale.

De plus, à l'instigation de la France, la Commission est en train de mettre en place des droits compensateurs d'environ 14% sur certaines importations textiles de l'Inde.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Vous voyez ! Ce sont les quotas !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Elle devrait prochainement pouvoir procéder de façon identique pour l'instauration de droits antidumping de 13% sur celles originaires du Pakistan.

M. Pierre Ducout. C'est ce que nous proposons !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Ces mesures, qui s'appuient sur le principe d'équité et de symétrie, sont loin de celles que vous nous avez proposées, monsieur Gremetz.

M. Pierre Ducout. Mais pas du tout !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Je dois d'ailleurs vous remercier de nous avoir rafraîchi la mémoire : vos propositions sont un rappel saisissant de ce que fut le dirigisme communiste dans les années 1970 (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)...

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Elle est formidable !

M. André Gerin. Vive le grand capital !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. ...à savoir interdire les mouvements de capitaux, dresser des barrières protectionnistes, laisser tranquillement vieillir et se dégrader notre industrie, tenter de l'isoler de la concurrence et engloutir des milliards pour sauver à court terme quelques centaines d'emplois, et en détruire ainsi dix fois plus à moyen et à long terme.

M. André Gerin. Ça partait bien, mais la chute est décevante !

M. Pierre Ducout. N'en jetez plus !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Cette méthode a un nom : le dirigisme désuet. Elle a une réalité : c'est le naufrage qui fut imposé aux pays de l'Est de l'Europe, lesquels rejoignent aujourd'hui avec espoir le monde de la liberté politique et économique. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Notre politique, au contraire, vise à permettre le renouvellement de notre industrie, parce que c'est le seul moyen d'améliorer l'accès à l'emploi des Français.

Cela ne se fera pas en arrêtant les pendules de la mondialisation, en calfeutrant la France à l'abri de la concurrence, mais en jetant toutes nos forces dans la modernisation de notre offre industrielle.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Ce sont les pendules de la révolution conservatrice qu'il faut arrêter !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Les réalités sont là. Le Gouvernement les affronte, et les Français le savent.

Mme Muguette Jacquaint. Mais c'est Jeanne d'Arc !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. C'est en prolongeant cet effort que nous redonnerons à la France, qui n'en a jamais perdu l'ambition, les moyens de renouer avec son destin industriel, et d'inventer l'avenir.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne pourra que s'opposer à votre proposition de loi.

Je veux bien la considérer, monsieur Gremetz, comme vous l'avez d'ailleurs suggéré dans votre intervention préalable, comme un appel à poursuivre notre action.

Peut-être demain, sur les estrades de la campagne électorale, serez-vous tenté de dire que le Gouvernement est indifférent face aux délocalisations sauvages, ravageuses d'emplois et source de désespérance.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. La preuve !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. Mais vous saurez bien, au fond de vous-même, que telle n'est pas la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Merci, madame la ministre, d'avoir fait un si long plaidoyer. Cela montre que cette proposition de loi est d'actualité...

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. ...et que vous avez beaucoup de mal à justifier pourquoi elle ne peut être retenue.

M. Alain Marty. Pas du tout ! C'était très lumineux !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Le fait que vous ayez dû « ramer » autant prouve que l'exercice n'était pas aisé.

M. André Gerin. C'était pour le moins laborieux !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Eh oui, expliquer aux salariés que vous voulez vous en tenir à l'action que vous menez, et qui est déjà tellement condamnée dans le pays, n'est pas facile !

Madame la ministre, j'aime bien la rigueur et la vérité dans les affirmations. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Or vous avez tenu un propos qui est totalement infirmé par une étude de l'INSEE. Je vous renvoie à la page 10 de mon rapport : « Une étude de MM. Pierre Biscourp et Francis Kramarz sur l'internationalisation des entreprises et la demande de travail, publiée par l'INSEE en novembre 2003, souligne ainsi que les entreprises constamment internationalisées entre ces deux dates - 1986 et 1992 - perdent plus d'emplois, ou en créent moins que celles qui ne le sont pas. » Voilà ce que disent les spécialistes !

M. François-Michel Gonnot. Vous ramez, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Non, je ne rame pas : je donne des faits. Et je ne cherche à donner de leçons à personne !

Par ailleurs, on entend toujours dire que les délocalisations ne toucheraient que des emplois peu qualifiés. Or je vous renvoie là encore à la page 10 de mon rapport : « Ainsi, douze grandes entreprises françaises, parmi lesquelles la SNECMA ou Alcatel, ont créé 4 000 emplois de consultants et d'ingénieurs en Inde au cours de l'année 2003, ce qui limite la portée de l'affirmation selon laquelle les délocalisations ne concerneraient que des emplois peu qualifiés et favoriseraient indirectement les activités à haute valeur ajoutée. » Comme quoi il faut se méfier des idées toutes faites !

De la même façon, il ne faut pas caricaturer notre position. Non, nous ne voulons pas empêcher les échanges internationaux ! Nous souhaitons au contraire les développer dans l'intérêt mutuel de tous les peuples.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Pas avec ce texte !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Nous voulons aussi favoriser le développement des pays de délocalisation en empêchant les multinationales de fermer des usines en France pour aller ensuite mieux exploiter leur population, sans aucune contrepartie sociale ni économique. En fait, il faut le dire clairement, en acceptant les délocalisations, vous acceptez l'exploitation de ces peuples et donc des femmes et des enfants. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Claude Lenoir. C'est scandaleux de dire cela !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. C'est la vérité !

M. Jean-Paul Charié. Caricature !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Pour ma part, je refuse de l'accepter.

M. Jean-Claude Lenoir. Démagogie !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Mais chacun doit assumer ses choix. Il est vrai que ce n'est pas facile en période électorale... En tout cas, je vous ai prévenus.

Je vous ai indiqué que cette proposition de loi a été élaborée avec l'ensemble des salariés concernés à travers la France. Mais tout ce que vous avez trouvé à dire, c'est qu'elle est mal rédigée. Eh oui, ces représentants syndicaux ne sont pas forcément des juristes ! Vous aviez cependant tout loisir d'en améliorer la rédaction. En tout état de cause, tous - et contrairement à vous, ils ont eu le mérite de réfléchir et de proposer quelque chose - vont bientôt connaître les positions des uns et des autres car nous allons diffuser ce débat dans toutes les entreprises de France. Chacun pourra juger. Après, vous devrez « ramer » pour vous expliquer. Tous les députés, qu'ils soient de droite ou de gauche, sont toujours d'accord en effet, lorsqu'ils sont confrontés à une délocalisation dans leur circonscription, pour réclamer avec le délégué syndical une loi visant à empêcher de telles pratiques. Mais dès que vous vous retrouvez dans cet hémicycle, mesdames, messieurs, vous retrouvez votre esprit partisan : UMP-UDF, même combat au service du MEDEF ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Claude Lenoir. Qu'avez-vous fait en cinq ans lorsque vos amis étaient aux affaires ?

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Et vous refusez une proposition sérieuse qui s'attaque aux causes du problème. Voilà la réalité ! (Protestations sur les mêmes bancs.) Je constate que vous protestez : c'est donc que j'ai atteint mon objectif.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. D'abord, monsieur Gremetz, nous ne pouvons pas accepter ce que vous venez de dire sur le travail des enfants.

M. Jean-Claude Lenoir. C'est scandaleux !

M. Patrick Ollier, président de la commission. En effet, c'est le gouvernement de M. Jospin, que vous souteniez, qui a diminué de 50 % l'aide au développement en cinq ans. Dans ces conditions, comment pouvez-vous prétendre nous donner des leçons aujourd'hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Sur le fond, je ne reviendrai pas sur ce que j'ai déjà dit, d'autant que M. Lenoir et M. Thomas ont fort bien développé cette argumentation et que Mme la ministre vient de brillamment démontrer qu'il fallait dénoncer l'initiative prise aujourd'hui.

Je tiens cependant, au nom de la majorité, à vous remercier, monsieur Gremetz, pour cette proposition de loi. Certes, celle-ci n'est pas juridiquement parfaite et mérite d'être encore travaillée - c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons souhaité son renvoi en commission. Mais elle vous a donné l'occasion de nous rappeler brutalement les cinq années de gouvernement socialiste et communiste.

M. François-Michel Gonnot. Eh oui !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Vous avez mis en évidence sa carence totale en matière de politique de délocalisations. Vous-même, du reste, et je rends hommage à votre courage et à votre honnêteté, avez montré du doigt les responsables du gouvernement socialiste.

M. Pierre Ducout. Ce n'est pas vrai !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Vous avez dénoncé leur inefficacité. Et de cela, on peut vous remercier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur Ducout, vous ne pouvez pas, après avoir passé soixante mois au pouvoir, reprocher au présent gouvernement, qui n'est aux affaires que depuis vingt mois, de ne pas avoir fait ce que vous n'avez jamais été capables de faire.

M. David Habib. Gouvernement qui, en vingt mois, a déjà fait la preuve de son inefficacité !

M. Patrick Ollier, président de la commission. C'est le pyromane qui chercher à se parer du casque du pompier !

M. Pierre Ducout. A l'époque où Jacques Chaban-Delmas travaillait avec Jacques Delors, il y avait une politique industrielle en France !

M. Christian Bataille. Aujourd'hui, c'est le libéralisme pur et dur !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Monsieur Gremetz, votre initiative partait d'une bonne intention. Mais, malheureusement, cette proposition de loi n'est pas établie, Mme la ministre vient de le démontrer. Je vous demande donc, mes chers collègues, en vertu de l'article 94, alinéa 1er, de notre règlement, de voter contre le passage à la discussion des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Vote sur le passage à la discussion des articles

Mme la présidente. La commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire n'ayant pas présenté de conclusions, l'Assemblée, conformément à l'article 94, alinéa 3, du règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi.

Conformément aux dispositions du même article du règlement, si l'Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

Nous en arrivons aux explications de vote.

La parole est à M. Rodolphe Thomas, pour le groupe UDF.

M. Rodolphe Thomas. En tant que député UDF, je souscris pleinement à la politique menée par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) Elle témoigne en effet d'une volonté politique clairvoyante de s'adapter à un environnement économique européen à l'échelle de la mondialisation.

M. Pierre Goldberg. Bayrou a dit le contraire dimanche !

M. Rodolphe Thomas. Vous n'avez pas bien entendu !

A l'inverse, la politique conservatrice menée précédemment a conduit malheureusement les entreprises à se délocaliser parce qu'elles n'avaient pas d'autre choix. L'actuel gouvernement met tout en œuvre pour favoriser le développement d'entreprises citoyennes.

Monsieur Gremetz, vous avez évoqué les entreprises anglaises et américaines. Mais qu'avons-nous fait pour les entreprises françaises ? On s'aperçoit qu'elles ont souvent été absorbées ou rachetées par de grands groupes industriels étrangers parce que nous n'avions pas su mettre en place une véritable politique pour l'entreprise France.

La gauche parle beaucoup de délocalisations. Mais, il n'est pas nécessaire de délocaliser pour supprimer des milliers d'emplois. Ainsi, en 2001, dans ma circonscription, 3 000 emplois de salariés Moulinex ont malheureusement été balayés en l'espace de douze mois. Vos amis étaient pourtant au gouvernement, monsieur Gremetz. Alors, au lieu de nous donner des leçons, faites donc preuve d'un peu d'humilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Habib, pour le groupe socialiste.

M. David Habib. Certes, les enjeux évoqués dans ce type de débat exigent de nous tous de l'humilité. Nous devons cependant, une fois de plus, regretter une occasion manquée. Nous avions en effet la possibilité, ce matin, à la faveur de ce projet de loi qui peut vous paraître insuffisant, flou et incertain sur le plan juridique, d'engager une vraie discussion, une vraie confrontation sur notre politique industrielle. Nous avions la possibilité d'aborder la question des aides à l'emploi, du contrôle par la souveraineté nationale des aides publiques, de la recherche et du développement. Or vous avez refusé d'ouvrir le débat et donc de faire à nouveau de l'industrie une priorité nationale.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Il y a eu débat !

M. David Habib. Pourtant, tous les orateurs ont évoqué les difficultés sociales qu'ils rencontraient dans leurs circonscriptions. Ils ont cité à l'envi un grand nombre d'entreprises qui marquent le déclin considérable de notre industrie et les insuffisances de la politique que vous menez depuis deux ans.

En fait, vous n'avez pas de politique de l'emploi. Et vous n'avez pas non plus de politique industrielle. Ce gouvernement a fait le choix du laisser-faire, de l'acceptation des mots d'ordre et des consignes du MEDEF. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Toutes les études convergent et dénoncent l'absence de perspectives sociales dans vos choix économiques. Toutes les études convergent et montrent l'ampleur des déficits budgétaires et votre inefficacité en matière d'emploi.

En renonçant à discuter les articles de cette proposition de loi, nous lançons un formidable et gravissime signal au MEDEF, en lui disant : « Continuez à délocaliser, continuez à désindustrialiser ! » Nous nous y refusons et nous nous associons au groupe communiste pour demander que soit poursuivi l'examen de ce texte.

M. Jean-Pierre Grand. C'est extraordinaire !

M. David Habib. Madame la ministre, si à titre personnel j'ai pu vérifier votre volonté d'étudier les dossiers de toutes les industries en difficulté dans nos régions, je vous rappelle que mes collègues Tourtelier et Carrillon-Couvreur vous ont déjà sollicitée pour que la société ST Microelectronics fasse l'objet d'un examen attentif, ainsi que l'entreprise Imphy, située dans la Nièvre.

Madame la ministre, permettez-moi de dire qu'il ne suffit pas d'avoir un col Mao pour parler des travailleurs et des délocalisations. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le débat que nous voulions engager ce matin répondait à notre volonté d'écouter tous les orateurs qui le souhaitaient. Ceux-ci vous demandent instamment de proposer ici même une discussion relative à l'emploi et à la politique industrielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gilbert Meyer. Arrêtez votre démagogie !

M. Patrick Ollier, président de la commission. C'est inacceptable !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour le groupe UMP.

M. Jean-Claude Lenoir. Madame la présidente, à l'issue de ce débat, les rôles sont inversés. M. Gremetz, qui a pris une initiative parfaitement démagogique, à caractère électoraliste, doit regretter de l'avoir prise. Mais nous, nous ne le regrettons pas, car le débat a été ouvert.

M. Christian Bataille. Alors, vous souhaitez qu'il se poursuive !

M. Jean-Claude Lenoir. Ce débat nous a permis d'entendre Mme la ministre nous parler de la politique du Gouvernement en faveur de l'industrialisation de notre pays et des mesures qui doivent être prises pour relever les défis de l'internationalisation. Son propos, ambitieux, volontariste et éclairé, se situant dans une perspective européenne, nous a montré une chose : l'avenir est mieux assuré aujourd'hui qu'il ne l'était il y a deux ans.

Quant à l'initiative de M. Gremetz, je gage qu'il regrette de l'avoir prise.

Mme Muguette Jacquaint. Ne parlez pas à sa place !

M. Jean-Claude Lenoir. Nous avons observé, avec un amusement contenu, que les rangs de l'opposition étaient très divisés. A entendre certaines interpellations, les uns reprochent aux autres de n'avoir rien fait, les autres reprochent aux premiers de ne pas leur avoir permis de donner toute la mesure de leur talent, de ne pas les avoir suivis dans leurs propositions.

M. Christian Bataille. Vous avez beaucoup d'imagination !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Cela sent le règlement de comptes !

M. Jean-Claude Lenoir. Bref, la division a régné pendant tout le débat sur les bancs de l'opposition. A juste titre puisque, pendant cinq ans de gouvernement socialiste, les communistes ont soutenu les socialistes. Et nous apprenons aujourd'hui que M. Gremetz n'a même pas pu faire discuter par M. Jospin, ou par qui que ce soit du gouvernement socialiste, une proposition de loi qui attendait au réfrigérateur que le Gouvernement acceptât de l'inscrire à l'ordre du jour.

M. Christian Bataille. C'est grotesque !

M. Patrick Ollier, président de la commission. C'est dommage pour le groupe communiste !

M. Jean-Claude Lenoir. Nous avons pu également observer l'absence totale de discernement de nos collègues socialistes, qui ont réclamé durant tout le débat le passage à la discussion des articles de la proposition de loi. Mes chers collègues, je le dis publiquement, nous avons, à titre personnel, de la sympathie pour vous. Nous ne pousserons donc pas la cruauté jusqu'à vous obliger de voter les dispositions du texte de M. Gremetz !

M. Pierre Ducout. Nous avons fait un travail très positif en commission !

M. Jean-Claude Lenoir. Entre l'idée que nous nous faisons du sérieux avec lequel nous devons gérer les affaires et les propositions de M. Gremetz, il y a une marge que vous avez enjambée. Pourquoi ? Parce que nous sommes en période électorale !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Vous me traitez de menteur, de démagogue, et de quoi encore ?... Madame la présidente, faites-moi respecter !

M. Jean-Claude Lenoir. Vous voulez reconstituer ici, d'une façon artificielle, un front uni pour que les électeurs vous fassent confiance.

Quant à nos collègues du groupe communiste, ils ne nous ont pas surpris, ils sont égaux à eux-mêmes : toujours aussi ringards, toujours aussi passéistes, se référant aux vieux démons ! Ils nous renvoient à des dizaines d'années-lumière en arrière, lorsque le Gosplan régentait tout, que les contingents de production étaient décidés par la capitale de l'Union soviétique, ce vieux pays de rêve dans lequel vous alliez passer vos vacances, mes chers collègues ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Il n'existe plus ! Vous êtes les derniers témoins de cette période. Il y a encore sur cette planète des personnes qui clament haut et fort les vertus du communisme léniniste : ils sont parmi nous, en France ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz, rapporteur. Il divague !

M. Pierre Ducout et M. Pierre Goldberg. Et où sont les gaullistes ?

Mme la présidente. Je vous demanderai de bien vouloir conclure, monsieur Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Il a été question tout à l'heure d'un certain naufrage. Oui, nous assistons aujourd'hui, avec un peu de compassion pour certains de ceux qui sont concernés, au naufrage du communisme. Ce naufrage nous rappelle celui d'un grand paquebot qui n'a jamais atteint les côtes de l'Atlantique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Muguette Jacquaint. Qu'est-ce que ça vient faire là ?

Mme la présidente. Monsieur Lenoir, vous croyez que c'est là une explication de vote ?

M. Jean-Claude Lenoir. Il y a un point commun entre le naufrage du communisme et le naufrage du Titanic, c'est que, dans les deux cas, l'orchestre a joué jusqu'au bout ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Ducout. Il peut faire mieux !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Alain Bocquet. Madame la ministre, pour un groupe qui dépose une proposition de loi, quel qu'il soit et quelle que soit la majorité, il est inacceptable de ne pouvoir aborder la discussion des articles. La discussion d'un texte est un principe démocratique. D'ailleurs, la durée de votre discours a témoigné de l'intérêt que vous portiez à ce sujet. Vos propos ressemblaient à un argumentaire électoral à destination des candidats de l' « Union pour une minorité de privilégiés ». Ils avaient aussi un petit côté testamentaire, à la veille d'un remaniement ministériel. (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cela dit, je vous remercie d'avoir bien voulu intervenir aussi longuement sur cette proposition de loi du groupe communiste.

J'aimerais par ailleurs livrer à votre réflexion un bon sujet d'école : le groupe ARCELOR, dans lequel a sévi le ministre de l'économie et des finances, M. Francis Mer, décide de fermer ses usines de l'Ardoise dans le Gard et d'Isbergues dans le Pas-de-Calais, qui sont les deux dernières usines à fabriquer de l'inox français. Et ce n'est pas pour les installer à l'Est ou en Chine, mais en Wallonie, en Belgique, avec l'aide de fonds structurels européens, donc avec l'argent des contribuables français.

Mme Muguette Jacquaint. C'est moderne !

M. Alain Bocquet. La sidérurgie obtient depuis très longtemps des fonds publics. Que fait l'Etat devant un tel scandale ? Vous voulez des dossiers concrets ? Je vais vous en présenter un : vous avez évoqué les patrons dits voyous. Pour moi, il n'y a pas de patrons voyous, il n'y a que le capitalisme. Mais si nous parlons des patrons voyous, j'ai une question à poser à M. Ollier, président de la commission : pourquoi a-t-on enterré, à la demande du Gouvernement, la commission d'enquête sur Metaleurop dont j'avais moi-même souhaité la création ?

Mme Muguette Jacquaint. Oui, pourquoi ?

M. Alain Bocquet. Pourquoi ne publie-t-on pas les commissions d'enquête sur Comilog, sur Lever, Bilore et Coventry, trois groupes au sein desquels la « voyoucratie » financière a particulièrement excellé ? Voilà des questions concrètes, qui ne relèvent pas du passé.

Je rappelle, pour que les choses soient claires, que lorsqu'on est minoritaire, même dans une majorité, on est minoritaire. Nous, nous avons gardé notre indépendance et la liberté de nos propos. Vous savez comme moi, comme le savent nos amis de l'UDF, que c'est l'UMP qui dirige, même quand il s'agit de débattre d'une proposition de loi de nos collègues de la majorité.

Enfin, puisque vous avez fait référence au passé, je citerai Paul Eluard, qui en parle si bien : « Le passé est un œuf cassé, l'avenir est un œuf qui couve ».

M. Jean-Claude Lenoir. Il faut éviter de casser des œufs !

M. Alain Bocquet. A propos d'avenir, je vous conseille de bien écouter ce que je vais lire, parce que ce ne sont pas les propos d'un idéologue soviétique - fût-ce de la tendance Groucho - mais ceux d'un prix Nobel d'économie, qui fut le conseiller économique de M. Clinton.

M. Jean-Claude Lenoir. Quelle référence !

M. Alain Bocquet. Voilà ce qu'écrivait M. Stiglitz, vice-président de la Banque mondiale, et à ce titre il ne peut être soupçonné d'être marxiste :

« Fin 1997, tout indiquait que l'Asie du Sud-Est allait s'enfoncer dans la récession et qu'il fallait essayer de s'y opposer en lançant des politiques fiscales expansionnistes - entendez qui favorisent la croissance. Mais ils n'ont rien voulu entendre. Pour eux, seules des mesures d'austérité drastiques pouvaient sauver la situation et surtout assurer le remboursement des dettes extérieures.

« Entre nous - poursuit-il - je me suis vite rendu compte que c'est la principale obsession des hommes du Fonds monétaire international, car ils défendent avant tout les intérêts des grandes banques privées internationales.

« En décembre de la même année, à Kuala Lumpur, au cours d'une réunion des ministres des finances du G7 et des principaux pays d'Asie, j'ai dit à Michel Camdessus, à l'époque patron français du FMI, tout le mal que je pensais de ces recommandations. Il m'a répondu que pour qu'un peuple se redresse économiquement, il fallait qu'il souffre.

M. Pierre Goldberg. Voilà !

M. Alain Bocquet. « Je lui ai demandé : mais pourquoi imposer cette souffrance si elle n'est pas nécessaire et surtout si c'est contreproductif ? Car, ai-je ajouté, vos mesures conduiront inévitablement à des émeutes, et les émeutes sont toujours contreproductives. Il a rétorqué : si nous découvrons que nous avons eu tort, nous reviendrons en arrière. Mais quand, lui ai-je demandé, au bout de combien d'années ? Ce sera de toute façon trop tard, il y a des souffrances irréversibles. Quand un enfant est mal nourri ou quitte l'école, le mal est fait ».

M. Pierre Goldberg. Vous vous taisez, n'est-ce pas ?

M. Alain Bocquet. « Quand une entreprise fait faillite, on ne la remet pas sur ses pieds du jour au lendemain. J'ai été terriblement choqué par cette froideur, cette incapacité à prendre en compte la dimension sociale, humaine des problèmes économiques ».

M. Pierre Goldberg. C'est vous, cela !

Mme Muguette Jacquaint. C'est le capitalisme !

Mme la présidente. Madame Jacquaint !

M. Gilbert Meyer. C'est une caricature ! Arrêtez !

M. Alain Bocquet. « D'ailleurs, avez-vous remarqué que parmi les indicateurs de cette instance internationale, il y a les réserves de change, il y a le taux d'inflation, mais il n'y a jamais le nombre de pauvres ». Et M. Stiglitz ajoute : « J'ai perdu cette bataille, et l'Asie du Sud-Est a connu la situation dramatique que l'on sait, notamment en Indonésie, mais les grandes banques occidentales, elles, ont été remboursées.

« Quant à moi, j'ai décidé de démissionner de la Banque mondiale, afin de pouvoir m'exprimer publiquement et dénoncer les errements des institutions internationales ».

Ecoutez encore un extrait des conclusions de l'un de ses derniers livres. (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Goldberg. Vous ne voulez pas entendre, parce que vous êtes mal !

M. Maxime Gremetz, rapporteur. On choisit les auteurs que l'on veut. D'ailleurs, c'est l'un des vôtres !

Mme la présidente. S'il vous plaît ! Seul M. Bocquet a la parole !

M. Alain Bocquet. Voici ce que dit M. Stiglitz de l'avenir : « Il faut des politiques de croissance durables, équitables, démocratiques. Tel est la raison d'être du développement. Développer, ce n'est pas aider une poignée d'individus à s'enrichir, ni une poignée d'industries absurdement protégées qui ne profitent qu'aux élites.

M. Gilbert Meyer. Madame la présidente, c'est un nouveau débat !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Ce n'est pas une explication de vote !

M. Alain Bocquet. « Développer, c'est transformer la société, améliorer la vie des pauvres, donner à chacun une chance de réussir, lui permettre l'accès aux services de santé et d'éducation ». Ces propos sont signés par le vice-président de la Banque mondiale. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Goldberg. C'était ringard ?

Mme la présidente. Je mets aux voix le passage à la discussion des articles de la proposition de loi.

(L'Assemblée décide de ne pas passer à la discussion des articles.)

Mme la présidente. L'Assemblée ayant décidé de ne pas passer à la discussion des articles, la proposition de loi n'est pas adoptée.

2

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

Mme la présidente. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 5 mars, puis du mardi 6 avril au vendredi 16 avril inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents.

Le Gouvernement a en outre communiqué, en application de l'article 48, alinéa 5, du règlement, le programme de travail prévisionnel jusqu'à la fin de la session ordinaire.

Ces documents seront annexés au compte rendu.

Par ailleurs, la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur :

- d'une part, l'ensemble du projet relatif aux responsabilités locales,

- et d'autre part, le texte de la commission mixte paritaire sur le projet relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social,

auraient lieu le mercredi 7 avril, après les questions au Gouvernement.

Enfin, la procédure d'examen simplifiée a été engagée pour douze projets de ratification de conventions internationales, inscrits à l'ordre du jour du jeudi 8 avril.

3

FIN DE MISSIONS TEMPORAIRES DE DEUX DÉPUTÉS

Mme la présidente. Par lettres du 12 février et du 13 février 2004, M. le Premier ministre m'a informé que les missions temporaires précédemment confiées à M. Pierre Lang, député de la Moselle, et à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, député de Lozère, avaient pris fin le 1er mars 2004.

4

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Discussion et vote1 sur la motion de censure, déposée en application de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution par :

MM. Jean-Marc Ayrault, François Hollande, Mme Patricia Adam, M. Damien Alary, Mme Sylvie Andrieux-Bacquet, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Alain Claeys, Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Bernard Derosier, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génissson, MM. Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit, MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Bernard Madrelle, Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Christian Paul, Germinal Peiro, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Mmes Ségolène Royal, Odile Saugues, MM. Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque, Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Joël Giraud, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Christiane Taubira et M. Emile Zucarelli.

A vingt et une heures, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 1218, relatif aux responsabilités locales :

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 1435) ;

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis n° 1434) ;

M. Serge Poignant, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (avis n° 1423) ;

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 1432).

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

      Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

      jean pinchot

1 Ce vote se déroulera dans les salles voisines de l'hémicycle.