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Séance du lundi 5 avril 2004

184e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

DÉCÈS D'UN DÉPUTÉ

M. le président. Mes chers collègues, nous avons appris avec tristesse le décès de notre collègue Claude Girard, député du Doubs.

Je prononcerai son éloge funèbre lors d'une prochaine séance.

Claude Girard est remplacé par Mme Françoise Branget.

    2

DÉCLARATION DE POLITIQUE GÉNÉRALE
DU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration de politique générale du Gouvernement, faite en application de l'article 49, alinéa premier, de la Constitution, le débat et le vote sur cette déclaration.

La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, j'ai accepté la proposition du Chef de l'Etat de diriger un nouveau gouvernement. Je l'ai fait conscient des attentes exprimées par les Françaises et les Français, conscient aussi des exigences et des difficultés de l'action - une action, je le sais, qui exige écoute et courage.

Le Président de la République a fixé le cap. Je viens aujourd'hui devant vous, comme le veut la règle démocratique, pour demander un mandat d'action. Un mandat pour la croissance et l'emploi, pour la cohésion sociale, pour la préparation de l'avenir. Un mandat qui engage votre assemblée autant qu'il m'oblige.

Depuis deux ans, la représentation nationale a soutenu avec constance la politique du Gouvernement. Je suis fier de ce que nous avons fait ensemble pour combattre la violence, moderniser la justice, rétablir les moyens de nos armées, défendre les valeurs de la République, au premier rang desquelles la laïcité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je réaffirme notre engagement à poursuivre le rétablissement de l'autorité de l'Etat, notamment face aux insécurités intérieures mais aussi face aux menaces terroristes. Un texte sur la sécurité civile vous sera soumis prochainement, dont vous débattrez dans les prochaines semaines.

Grâce au soutien de la majorité, la sauvegarde et la consolidation de nos systèmes sociaux ont été engagées, les conditions du retour de la croissance ont été créées et le chômage commence à reculer. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Ces adaptations étaient nécessaires. Elles étaient indispensables. Elles seront poursuivies. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Les Français ont dit leur volonté de justice. Ils ont dit leur exigence d'efficacité. Ils ont manifesté - nous les avons entendues - leurs inquiétudes et leurs impatiences. Mais ils n'ont pas choisi le renoncement. Ils n'ont pas choisi le repli. Ils n'ont pas choisi l'inaction. Tous savent en effet que, dans les grands mouvements du monde, l'immobilisme serait l'allié le plus sûr du déclin économique et du recul social.

Ensemble, nous avons fait la réforme des retraites. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Sans elle, l'horizon de beaucoup de nos compatriotes - les plus vulnérables bien sûr ! - serait aujourd'hui celui de la précarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous avons tout mis en œuvre pour renouer avec le dynamisme et la croissance. L'innovation, l'esprit d'entreprise, l'initiative économique ont été encouragés. Les créations d'entreprises battent des records. Les dépenses de l'Etat sont stabilisées, les privatisations poursuivies,...

M. Maxime Gremetz. Ça oui !

M. le Premier ministre. ...les impôts et les charges réduits. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La priorité va au travail. Les trente-cinq heures ont été assouplies. Le SMIC progresse plus vite qu'il n'a jamais progressé depuis vingt ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le revenu minimum d'activité se met en place. 140 000 contrats sans charges ont été conclus pour ouvrir aux jeunes les portes de l'entreprise.

Il y a eu des erreurs, des lenteurs. Elles seront corrigées. Mais je ne laisserai pas caricaturer la politique que nous avons menée ensemble depuis 2002 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. La campagne électorale est terminée !

M. le Premier ministre. Il est vital de poursuivre l'adaptation de la France. C'est ma mission. Je l'assumerai avec détermination, sans autre ambition que de servir les Françaises et les Français, que de servir la France. Je l'assumerai de toute mon énergie, et avec pour objectifs la mobilisation pour la croissance et l'emploi, la consolidation de notre pacte social et le choix de l'avenir.

La France est un grand pays. Elle est en mesure de relever les défis qui lui sont posés. La France est d'autant plus grande quand elle ne doute pas d'elle-même.

Nous avons l'énergie et la volonté. Nous avons les hommes et les idées. Nous avons de multiples forces économiques et sociales, culturelles et associatives. Nous avons aussi un Etat qui est un gage de stabilité pour la nation et des territoires dynamiques dont les compétences seront prochainement renforcées.

La France sait se moderniser. Elle était encore en retard il y a deux ans en matière, par exemple, de nouvelles technologies. Elle est aujourd'hui en tête des pays européens avec vingt millions d'internautes et trois millions d'abonnés au haut débit. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Pour valoriser ses atouts, la France a besoin de vérité, de dialogue et de mouvement. Parce que les Français méritent la vérité, pas la caricature. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Parce que le dialogue, c'est la condition de l'action. Parce que l'immobilisme, c'est l'adversaire, c'est ce qui fait mal à la France.

La vérité, c'est qu'il n'y a pas de trésors cachés dans les comptes des entreprises ou dans les « cagnottes » de la croissance qui permettraient de financer des dépenses excessives.

La vérité, ce sont les déficits et les dettes accumulées depuis vingt ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

La vérité, c'est que des lois dogmatiques et des réglementations tatillonnes et souvent bureaucratiques ont pénalisé l'économie de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - « Arrêtez ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

La vérité, c'est que la France ne peut pas réussir sans travailler davantage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la première préoccupation des Français, c'est l'emploi, et l'emploi est la première préoccupation du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

La rupture de croissance que nous avons connue entre 2000 et 2002 - la croissance était de 4 % en 2000, et tout juste au-dessus de 1 % en 2002 - a aggravé la précarité et fragilisé l'emploi.

Depuis deux ans, nous avons réagi. Notre politique économique a préparé le retour de la croissance (« Caricature ! » sur quelques bancs du groupe socialiste) en conjuguant de manière équilibrée priorité à l'activité, soutien du pouvoir d'achat et mobilisation des finances publiques.

Priorité à l'activité, d'abord, c'est-à-dire à l'investissement et à la production. L'investissement, c'est la clé de l'innovation et de la compétitivité. La production, c'est la force économique d'une nation, c'est l'emploi.

La France - il faut le dire ! - fait confiance à ses entreprises, les encourage, les soutient pour qu'elles investissent et créent encore davantage d'emplois. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

C'est tout le sens de la réforme de la taxe professionnelle. C'est tout le sens de la deuxième loi pour l'initiative économique que nous proposerons prochainement, ainsi que des mesures qui seront adoptées en faveur de l'entreprise personnelle.

C'est le sens des actions engagées pour renforcer l'attractivité de notre territoire. C'est le sens de notre politique de privatisation dans le secteur concurrentiel, que nous allons accélérer. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Et c'est le sens, enfin, du travail de simplification et d'allégement des formalités que nous poursuivrons pour lever un à un les obstacles à l'activité et à l'emploi.

Nous devons aussi conforter notre base industrielle en favorisant les alliances (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe socialiste), notamment là où la France est dynamique, comme dans l'industrie ferroviaire, l'automobile, l'aéronautique, l'industrie pharmaceutique, l'agroalimentaire, les télécommunications ou l'espace.

Nous voulons protéger les centres de décisions, les choix stratégiques et les emplois. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

La France a des décisions à prendre dans le secteur énergétique. Elles ont été préparées par une grande concertation nationale. Le Parlement en sera prochainement saisi. Nous mènerons à bien les évolutions juridiques nécessaires pour nous adapter au nouveau contexte européen, pour assurer l'avenir de ces fleurons de notre secteur public que sont EDF et Gaz de France, ainsi que de leurs 140 000 agents. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les économies d'énergie sont indispensables à une croissance durable. Elles seront encouragées et les énergies renouvelables seront résolument développées.

Mais notre responsabilité est également d'assurer l'avenir de la filière nucléaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Un pays aussi soucieux de l'environnement que la Finlande vient d'opter pour le réacteur à eau pressurisée - l'EPR - mis au point par l'industrie franco-allemande. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La France devra aussi s'engager dans cette voie. Je demanderai au Parlement d'en débattre dans les prochaines semaines.

Soutien au pouvoir d'achat, ensuite. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Le Gouvernement s'est attaché depuis deux ans à préserver et à améliorer le pouvoir d'achat des Françaises et des Français dans une conjoncture économique difficile. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Nous continuerons dans cette voie, notamment avec une nouvelle hausse du pouvoir d'achat du SMIC horaire de 3,7 % au 1er juillet 2004, et à nouveau au 1er juillet 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - « Caricature » sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Le Gouvernement veillera également à ce que la concurrence joue à plein au profit des consommateurs en luttant contre les marges excessives qui pénalisent les producteurs.


Le retour de la croissance sera aussi préparé par la mobilisation des finances publiques.

Celle-ci doit être fondée sur des dépenses publiques maîtrisées grâce à l'évolution de nos pratiques administratives - j'approuve sur ce point les propositions de votre commission des finances. Dans ce but, nous mènerons à bien les réorganisations nécessaires au sein de l'Etat, celles que nous avons engagées comme celles que vous proposerez. Cette mobilisation des finances publiques repose aussi sur la baisse des impôts de l'Etat, puisque le retour de la croissance nous permettra de ramener nos déficits excessifs en deçà de la limite des 3 %. J'ai demandé au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, de recenser en toute transparence toutes les initiatives possibles pour atteindre nos objectifs en matière de finances publiques.

Mesdames et messieurs les députés, tout doit être fait pour la croissance et la compétitivité.

Nous ne progresserons pas en ayant le regard rivé sur nos faiblesses, mais en connaissant nos forces, en libérant nos énergies, en valorisant nos atouts. Face aux risques de délocalisation notamment, ...

M. Maxime Gremetz. Il fallait adopter notre proposition de loi !

M. le Premier ministre. ...le pire serait de nous replier sur nous-mêmes. Notre dynamisme sera notre meilleure protection. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Pour faire reculer durablement le chômage, nous devons créer les conditions de l'accélération de la croissance, mais aussi donner de nouveaux atouts aux salariés et aux entreprises.

C'est l'objet même de la loi de mobilisation pour l'emploi,...

M. Maxime Gremetz. Oh !

M. le Premier ministre. ...qui sera soumise au Parlement dans les prochaines semaines. Il faut d'abord permettre à chacun d'être toujours en situation d'occuper un emploi. L'insertion des jeunes fera l'objet d'un effort prioritaire. A chaque jeune sera garanti un droit effectif à la formation, à l'activité ou à l'emploi.

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes Merlin l'Enchanteur !

M. le Premier ministre. De plus, grâce à la réforme de la formation professionnelle qui sera soumise prochainement au vote définitif du Parlement, nous aurons créé un droit individuel à la formation et franchi ainsi, ensemble, une étape décisive. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Edouard Landrain. Très bien !

M. le Premier ministre. Il faut maintenant prolonger ce progrès social majeur en créant un droit à la deuxième chance en faveur de celles et de ceux qui sont sortis prématurément et sans qualification du système scolaire.

Il nous faut aussi lever les contraintes qui pèsent sur les entreprises et freinent leurs projets d'embauche. Il s'agit d'être pragmatique en refusant tout à la fois la rigidité et la précarité. A cet égard, j'attends beaucoup des négociations engagées entre les partenaires sociaux sur les restructurations. Si un accord est conclu, le Gouvernement le généralisera. A défaut, il prendra ses responsabilités, guidé par deux principes : mieux prévenir les licenciements dès que les difficultés apparaissent, ouvrir aux salariés, notamment à ceux des petites et moyennes entreprises, de véritables droits au reclassement dans le cadre d'une mobilisation de tous les acteurs, en particulier locaux.

M. Jean-Pierre Brard. Reclassez l'ANPE !

M. le Premier ministre. Enfin, le Gouvernement modernisera le service public de l'emploi afin d'accompagner de manière personnalisée les demandeurs d'emploi pour leur permettre de retrouver le plus vite possible un travail, et ainsi mieux aider les chômeurs en fin de droits, notamment en leur donnant accès à des formations qualifiantes. Ce sera mené à bien dans le cadre de l'amélioration du régime de l'allocation spécifique de solidarité. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Blazy. Des améliorations ?

M. Jean-Pierre Brard. Faute avouée...

M. le Premier ministre. Je veux aussi redonner toute sa force à notre pacte social, et d'abord en préservant notre système de protection sociale.

Rompant avec des années d'hésitation et de renoncement, nous avons déjà sauvé notre système de retraite, dans le respect des principes de la retraite par répartition et animés par une volonté de justice sociale. Désormais, ceux qui ont commencé à travailler très jeunes, à quatorze, quinze ou seize ans, vont pouvoir prendre leur retraite avant l'âge de soixante ans. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) 150 000 personnes en bénéficieront dès cette année. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Dans le même esprit de responsabilité, il nous faut garantir l'avenir de l'assurance maladie, gravement menacé par des déficits considérables et par une croissance non maîtrisée des dépenses.

Le Gouvernement agira dans le respect des principes fondateurs de la sécurité sociale. Un diagnostic éclairé et partagé de la situation a d'ores et déjà été dressé. L'ensemble des partenaires ont été entendus. Désormais, il s'agit de prendre les décisions qui s'imposent. Le Gouvernement souhaite le concours de tous, y compris de l'opposition. Car l'enjeu dépasse les clivages politiques ; il en va de la solidarité nationale et de l'avenir de notre pacte social.

Il y a quelques semaines, nous avons su nous rassembler pour réaffirmer le principe de laïcité à l'école. Montrons aux Françaises et aux Français la maturité de notre démocratie en faisant de même pour la santé et la protection sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La réforme de l'assurance maladie devra répondre à quatre objectifs précis : premièrement, améliorer l'organisation de notre système de soins et leur qualité ; deuxièmement, faire évoluer nos comportements pour lutter contre toutes les formes de gaspillage ; troisièmement, clarifier les responsabilités entre l'Etat et les gestionnaires de l'assurance maladie - et je souhaite que, fidèles à notre histoire sociale, les partenaires sociaux jouent un rôle majeur dans cette démarche - ; enfin, prendre les mesures indispensables pour rééquilibrer les comptes, car la santé ne se finance pas à crédit.

Il nous faudra trouver ensemble, dans la transparence, les justes équilibres dans le partage des efforts qui seront nécessaires. Dès cette semaine, le ministre de la santé et de la protection sociale poursuivra les discussions engagées. Le projet de loi de réforme de notre assurance maladie sera débattu au Parlement à l'été, comme prévu.

Mais notre protection sociale ne doit pas seulement être sauvegardée, elle doit aussi progresser pour faire face aux nouveaux besoins, si nombreux.

Avec la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, les personnes âgées dépendantes et les personnes handicapées seront mieux aidées. L'instauration d'une Journée nationale de solidarité permettra de financer cette nouvelle branche de la protection sociale. Nous allons ainsi nous donner les moyens de moderniser les maisons de retraite, de les agrandir et de renforcer leur médicalisation. Nous pourrons aussi augmenter l'offre de services d'aide à domicile que nombre de nos concitoyens attendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) De même, le droit à la compensation du handicap sera garanti. (Mêmes mouvements.) Vous aurez à débattre prochainement du texte s'y rapportant.

Une approche nouvelle sera également mise en œuvre pour renforcer la cohésion sociale.

L'égalité des chances est au cœur des valeurs de la République. Nous devons la faire vivre notamment par une lutte active contre toutes les formes de discrimination et par la poursuite d'une politique d'intégration plus ambitieuse. Dès 2005, une haute autorité contribuera à cette politique.

Mme Martine Billard. Vous l'aviez promise pour 2004 !

M. le Premier ministre. Pour briser les ghettos, pour lutter contre l'exclusion et la pauvreté, pour donner toute sa portée au droit au logement, il faut effacer les frontières entre la politique de l'emploi, les politiques sociales et la politique du logement. Le Gouvernement les a toutes rassemblées pour donner force et cohérence à son action sociale. Une action plus forte et mieux coordonnée sera ainsi engagée en faveur des personnes les plus fragiles. C'est tout le sens de la création d'un ministère en charge de la cohésion sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Par ailleurs, le Gouvernement veillera à préparer la France aux défis de demain en se donnant les moyens de l'avenir.

Préparer l'avenir, c'est investir dans la recherche et dans l'éducation, transmettre à nos enfants un monde qui respecte l'environnement, veiller à ce que la France demeure le grand pays de culture qu'elle a toujours été.

L'avenir de la France, sa puissance économique, son rayonnement intellectuel, exigent une recherche scientifique et technique forte, mieux organisée et mieux valorisée.

Riche d'une tradition d'excellence, de grands organismes de recherche et de pôles universitaires prestigieux, d'une communauté de chercheurs dynamique et respectée, la France dispose d'atouts solides. Je souhaite donc qu'une issue rapide soit trouvée à la question actuelle des emplois scientifiques, mais aussi que s'ouvre le débat sur les métiers de la recherche.

M. Patrick Ollier. Très bien !

M. le Premier ministre. Le temps est venu pour notre pays, qui a probablement trop tardé en ce domaine, d'exprimer une nouvelle ambition pour répondre aux exigences de notre époque, afin de donner la priorité à des projets bien définis, en rénovant et en allégeant tant les procédures que les structures, en décloisonnant davantage, en évaluant mieux, en développant les indispensables interactions entre la recherche publique et la recherche privée,...

M. Jean-Pierre Brard. Et aussi en payant les chercheurs !

M. le Premier ministre. ...en donnant enfin toute sa place au renouveau de la culture scientifique et technique.

Tel sera le sens de la loi d'orientation et de programmation que le Gouvernement a mise en chantier et qui sera soumise au Parlement avant la fin de l'année, comme l'a voulu le Chef de l'Etat. Cette loi fixera le nouveau cadre stratégique et financier de la recherche française pour les années à venir. Elle planifiera l'évolution des moyens. Elle mettra fin aux à-coups incompatibles avec le temps scientifique. La France, conformément à l'objectif fixé par l'Europe au sommet de Lisbonne, consacrera 3 % de son produit intérieur brut à la recherche en 2010. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Je souhaite que ce renouveau de la recherche soit en cohérence avec l'avenir de notre enseignement supérieur que nous devons adapter et armer pour qu'il puisse faire face à une concurrence internationale chaque jour plus vive.

Le Gouvernement tiendra ses engagements pour l'accompagnement social des étudiants. Le ministre de l'éducation mettra en place une procédure pluriannuelle de recrutement des enseignants. L'éducation sera donc l'autre chantier du Gouvernement, pour une meilleure préparation de l'avenir de notre pays. L'école est le patrimoine commun de tous les Français. Sans elle, il n'y a ni valeurs partagées, ni égalité des chances, ni cohésion nationale.

Face aux défis d'un siècle nouveau, bâtissons un nouveau pacte pour notre école. Notre ambition est de venir à bout de l'échec scolaire en donnant à chaque enfant, donc à 100 % d'une classe d'âge, les outils nécessaires pour trouver sa place dans la société. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) C'est ainsi que nous répondrons aux besoins de formation de la France de demain.

Tel est le sens du grand débat sur l'avenir de l'école que nous avons engagé. Sous la conduite de la commission présidée par M. Claude Thélot, il aura permis à plus d'un million de Français de métropole et d'outre-mer d'exprimer leurs attentes et leur vision de l'école. Fort de la synthèse de ce débat et des recommandations de la commission, le Gouvernement présentera un projet de loi d'orientation qui sera largement débattu avec la communauté éducative, avant d'être soumis au Parlement.

Préparer l'avenir, c'est également transmettre à nos enfants un monde respectueux de l'environnement et des exigences du développement durable.

La présentation, devant le Parlement, de la charte de l'environnement constituera une étape historique. Elle placera les principes de la sauvegarde de l'environnement au même rang que les droits de l'homme et du citoyen de 1789 et les droits économiques et sociaux du préambule de la constitution de 1946. La France sera ainsi en avance sur son temps. En effet, protéger l'environnement est l'une des clés du monde qui se dessine sous nos yeux, la condition d'une croissance forte, durable et, pour chacun, une exigence morale.


Notre avenir, c'est aussi notre culture. La richesse culturelle de notre nation reflète nos valeurs de liberté, de respect, de tolérance, de pluralisme. Elle exprime notre regard sur le monde. Elle dit notre confiance dans l'avenir. Elle est la marque inlassable de la singularité du message français.

Le Gouvernement veillera à soutenir les efforts des partenaires sociaux pour résoudre les tensions qui fragilisent nos pratiques culturelles. Ainsi, le ministre de la culture engagera avec les artistes un dialogue nouveau.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés,...

M. François Lamy. Et les régionales ?

M. le Premier ministre. ...depuis deux ans, l'action conduite a permis de sortir de certaines impasses. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La France s'adapte. J'ai confiance en sa capacité d'évolution et de modernisation. Je refuse le pessimisme des mauvais prophètes du déclin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je partage l'enthousiasme de tous ceux qui prennent le parti de l'initiative et de l'action.

Je garde le cap de la réforme, de la réforme juste. Valoriser le travail, récompenser le mérite, ce sont des actes élémentaires de justice. Répartir équitablement les efforts entre les Français lorsqu'ils sont nécessaires, c'est faire œuvre de justice. (Applaudissements sur les mêmes bancs.) Permettre à chacun de trouver sa juste place dans notre société, protéger les générations de demain contre les égoïsmes et les imprévoyances du monde actuel, c'est aussi faire œuvre de justice ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Jacques Desallangre. C'est la foi du charbonnier !

M. le Premier ministre. Le Gouvernement agira. Il le fera pour la France et, par là même, pour l'Europe, notre grand dessein. Au moment de se doter d'une constitution, l'Europe a besoin de « la réussite française » pour atteindre l'ambition affirmée lors du dernier Conseil des vingt-cinq pays de l'Union européenne.

Je vous demande de dire non à la caricature, non à l'immobilisme, non au pessimisme. Et en revanche, je vous demande de dire oui à la vérité, oui au dialogue, oui au mouvement.

Conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article 49 de notre Constitution, j'ai l'honneur d'engager la responsabilité de mon gouvernement sur la présente déclaration de politique générale. (Mmes et MM. les membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire se lèvent et applaudissent longuement. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française.)

M. Jean Glavany. La route est droite mais la pente est descendante !

M. François Lamy. Et les régionales ?

M. le président. La parole est à M. Maurice Leroy, premier orateur inscrit.

M. Maurice Leroy. II y a bientôt deux ans, monsieur le Premier ministre, vous montiez à cette tribune sous les acclamations...

M. Henri Emmanuelli. Déjà !

M. Maurice Leroy. ...d'une majorité pléthorique pour annoncer le temps de l'audace réformatrice.

Deux ans après, comme 1988 suivit 1986, comme 1995 suivit 1993, comme 1997 suivit 1995, les Français ont exprimé leur insatisfaction.

M. Jean-Pierre Brard. C'est Apocalypse now !

M. Maurice Leroy. La confiance, monsieur le Premier ministre, vous en faisiez, lors de votre premier discours de politique générale, la valeur démocratique la plus précieuse. Vous répondant au nom du groupe UDF, François Bayrou vous faisait écho en déclarant que la confiance était la clé de voûte de la démocratie.

C'est bien cette confiance qu'il faut, aujourd'hui plus qu'hier, retrouver. Car aujourd'hui, pourquoi le nier, la confiance, les résultats du 28 mars le traduisent, s'est évanouie. C'est dire l'immensité de la tâche qui attend votre gouvernement. Parce que, j'y reviendrai dans un instant, le pays ne peut se permettre une pause dans sa modernisation, la France ne peut pas, la France ne doit pas s'accommoder de l'immobilisme et du renoncement.

Parce que la tâche est immense, parce que la France ne peut attendre, l'UDF, comme elle l'a fait depuis deux ans, dit la vérité comme elle la ressent. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Le soutien des députés UDF ne vous manquera pas lorsque vous prendrez de bonnes et justes décisions, mais...

M. Jean-Pierre Brard. C'est la corde qui soutient le pendu !

M. Jacques Desallangre. « Gardez-moi de mes amis »... !

M. Maurice Leroy. Attendez, chers collègues de l'opposition, votre tour va venir. Cela dit, je suis heureux de vous réveiller, vous étiez un peu endormis depuis quelque temps. (Sourires.)

Mais, disais-je, notre esprit critique s'exercera aussi quand il le faudra. Nous continuons à penser, monsieur le Premier ministre, qu'il n'est pas de meilleur allié, qu'il n'est pas de meilleur ami, que celui qui dit la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Cette défiance du peuple français est dangereuse. Rien ne serait pire pour notre pays que l'abandon des réformes, la tentation de l'inaction, le saupoudrage et l'attentisme.

Car il faut dire clairement les choses. Depuis quelques semaines, on nous dit que le mot même de réforme est devenu imprononçable. Nous appelons, nous, à rebâtir avec patience une politique qui combine efficacité et justice, dynamisme et solidarité.

Dans cette nouvelle période qui s'ouvre aujourd'hui, les deux pôles de la majorité parlementaire ne seront pas de trop, monsieur le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Brard. Il en faudrait un troisième !

M. Maurice Leroy. La situation dans laquelle se trouve la France inquiète l'UDF. Et c'est d'ailleurs ce qui fait l'une de nos plus grandes différences avec l'opposition. Celle-ci se réjouit du blocage de la France. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) On a bien vu ces jours-ci les plus hauts dirigeants du parti socialiste, dépassés sans doute par une victoire qu'ils considèrent comme une divine surprise, se laisser aller à reprendre leurs vieux slogans.

Malgré le discours obligé sur l'humilité et la modestie, on a entendu, ici ou là, entonner le couplet des projets « anti-sociaux », de la casse du pays. On a entendu parler d'autisme, de surdité, de faute, d'illégitimité, et même de bras d'honneur. Comme si la vigueur des slogans pouvait dispenser d'une réflexion et d'un projet !

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Maurice Leroy. Nous le savons, monsieur le Premier ministre, pour ces élections régionales, ce n'est pas l'opposition qui a gagné, mais c'est bien la majorité qui a perdu. Vous en avez d'ores et déjà analysé les causes,...

M. Alain Néri. Non !

M. Maurice Leroy. ...et c'est tant mieux !

Permettez-moi de vous le dire, monsieur le Premier ministre, beaucoup d'entre nous, beaucoup de nos électeurs et de nos concitoyens, quand ils regardent les deux années qui viennent de s'écouler, ont un sentiment de gâchis.

En 2002, un sursaut républicain a eu lieu : 82 % des Français se sont mis d'accord sur les valeurs communes de la République, valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité.

M. Gérard Bapt. Qu'avez-vous fait ?

M. Maurice Leroy. Dans la foulée du 21 avril, vous aviez recueilli tous les moyens de l'action, et la majorité des relais d'opinion vous étaient acquis.

Vous avez eu l'occasion, monsieur le Premier ministre, d'ouvrir une nouvelle ère de la VRépublique. Et à la fin de votre propos, je vous ai entendu tout à l'heure souligner à quel point il eût été utile, comme cela s'est fait en Allemagne, de savoir transcender les clivages. Je vous le dis en toute sincérité, oui, il fallait le faire, mais il fallait le faire fort de ces 82 %. C'était là le moment de réagir, c'était là le moment de dépasser les clivages (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française), et non pas aujourd'hui, avec le résultat que l'on a malheureusement connu dans le pays.

M. Jean-Pierre Brard. C'est un requiem !

M. Maurice Leroy. Cette nouvelle ère que j'évoquais à l'instant, c'est une ère qu'ont connue de grands pays européens comme l'Allemagne. C`est ce moment où un pays tout entier se réunit, au nom de l'intérêt général, pour partager les efforts nécessaires pour l'avenir, pour la solidarité entre les citoyens, entre les générations. Dans un climat qui n'était pas sans rappeler celui d'octobre 1946 ou de mai 1958, l'occasion était belle de refonder la Ve République autour des valeurs de la République.

Ce ne fut pas la méthode choisie. A la nécessité de rassembler, il fut répondu : « bipartisme » ! A l'exigence de dialogue, il fut opposé : « majorité absolue » ! François Bayrou vous l'avait dit à cette tribune le 3 juillet 2002 : le risque d'un pouvoir absolu, quand il a raison, c'est qu'il oublie de convaincre ; mais le risque pour le pouvoir absolu, quand il se trompe, c'est qu'il se trompe absolument ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Et l'esprit du 21 avril s'envola. Il a été décidé d'éteindre toute voix dans la majorité qui sortait de la ligne officielle, de ne jamais associer qui que ce soit dans la préparation des décisions, de ne travailler qu'avec l'unique parti gouvernemental. Les Français ont rejeté ce monolithisme et ce n'est pas étonnant.

M. Jean-Pierre Brard. Mais c'est Maurice Leroy-Fouquier-Tinville !

M. Maurice Leroy. Mais nous sommes dans la majorité : le Premier ministre est le bienvenu pour s'exprimer quand il le voudra devant le groupe UDF.

M. Jacques Desallangre. Il n'est pas maso !

M. Maurice Leroy. Oui, durant ces deux années, l'UDF a gardé sa liberté de parole et d'action, affirmant sereinement son indépendance. Notre ligne était et demeure simple : s'efforcer de dire la vérité, aux Français et au Gouvernement.

M. Jean-Pierre Brard. Ça, c'est dur !

M. Maurice Leroy. Les élections régionales ont montré que cette ligne de conduite est comprise des Françaises et des Français.

L'UDF a encouragé le Gouvernement quand elle pensait qu'il fallait l'encourager. Nous savions que la tâche du Gouvernement était rude, et nous n'avons pas ménagé notre soutien quand l'intérêt général était en jeu. En particulier, nous avons soutenu la politique de restauration de l'autorité de l'Etat et de sécurité. Et lorsqu'une réforme, même imparfaite, comme celle des retraites, apportait une première réponse à un défi dont l'enjeu est crucial pour notre avenir, nous l'avons votée sans hésiter. C'est une grande différence, chers collègues de l'opposition, avec ce qui s'est passé à gauche sous la législature précédente : vous disiez toujours oui à tout, même lorsque vous critiquiez dans les couloirs !

M. Maxime Gremetz. Monsieur Leroy !

M. Maurice Leroy. Mais, monsieur le Premier ministre, il y eut entre nous des désaccords importants. Sur la méthode de gouvernement - je n'y reviens pas -, mais également sur le fond des mesures prises par votre précédent gouvernement.

Il y eut d'abord la discussion sur l'état de la recherche en France. Depuis des dizaines d'années, et nous en portons tous la responsabilité,...

M. Jean-Pierre Brard. N'exagérez pas !

M. Maurice Leroy. ...notre pays semble avoir abandonné une grande ambition pour la recherche. Dès 2002, nous avertissions le Gouvernement que le budget de la recherche ne pouvait être une variable d'ajustement. Et aujourd'hui, nous voulons que soit confirmé l'objectif de voir le budget de la recherche représenter 3 % du PIB. Vous venez de fixer cet objectif : nous y sommes favorables. Un simple règlement sur le nombre de postes ne réglera pas l'absence d'investissement sur le long terme.

Il y eut la question des intermittents du spectacle. Nous sommes d'accord avec vous et avec la CFDT,...

M. Jean-Pierre Brard. Belle alliance !

M. Maurice Leroy. ...pour dire que le déficit de l'allocation chômage met en grave danger tout le système et qu'il faut le changer. Mais les solutions comptables et générales ont été privilégiées, et toute forme de discussion a été refusée, malgré l'annulation des festivals les uns après les autres.

Finalement, ce sont les plus précaires parmi les intermittents qui ont été touchés, en particulier dans le spectacle vivant et chez les jeunes créateurs. L'origine même du déficit - les abus dans les grosses sociétés - n'a pas été examinée. Hervé Morin, au nom des députés UDF, avait pourtant demandé le premier, dès le mois de juillet, la création d'une mission d'information sur les intermittents pour pouvoir mieux discerner les abus.

Notre avertissement le plus pressant, et le plus entendu des Français, portait sur la loi de finances pour 2004 et, en premier lieu, sur la décision de baisser l'impôt sur le revenu de 3 %. Contrairement à l'opposition, nous ne sommes pas, par principe, opposés à la baisse des impôts. Mais quand le pays est endetté à hauteur de 1 000 milliards d'euros, nous pensons, et nous l'avons dit, qu'il n'était pas opportun d'accroître cette dette et ce déficit en aggravant les pertes de recettes de l'Etat. Au demeurant, cette baisse de l'impôt sur le revenu ne s'est guère fait sentir pour nos concitoyens aux revenus moyens ou modestes, frappés dans le même temps par la hausse de la fiscalité locale et du gazole, ce qui explique au final l'augmentation du taux de prélèvements obligatoires.

M. Jean-Pierre Brard. Chez Mme Bettencourt, non !

M. Maurice Leroy. Il y eut, par ailleurs, dans cette loi de finances la décision symbolique et lourde de conséquences de supprimer l'allocation spécifique de solidarité pour nombre de chômeurs en fin de droits. Nous avons donc pris nos responsabilités en déposant trois amendements pour réduire les baisses d'impôts et supprimer la limitation de l'ASS. Ces trois amendements furent retoqués, parfois même sans aucune explication. Je me souviens même des huées des uns et des autres qui trouvaient que l'UDF dérangeait le grand jeu habituel entre la majorité et l'opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Eh bien, vous devrez vous y habituer, parce que nous avons l'intention de continuer !

Monsieur le Premier ministre, ce sont toutes ces mesures qui ont donné aux Français le sentiment que plus on avançait dans le temps, plus le Gouvernement se coupait d'eux et qu'au bout du compte, c'étaient toujours les mêmes qui trinquaient.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? Le Président de la République s'est exprimé jeudi dernier, justement sur l'ASS, sur les intermittents, sur les chercheurs, sur la politique budgétaire et fiscale, sur la réforme de l'assurance maladie. Sur chacun de ces sujets - j'attire votre attention sur ce point, mes chers collègues - le Président de la République nous a donné raison. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Pierre Brard. C'est une autocritique !

M. Maurice Leroy. Monsieur le Premier ministre permettez-nous d'exprimer deux sentiments : la satisfaction que l'Union pour la démocratie française ait été entendue, mais également une grande perplexité, puisqu'il aura fallu pour cela deux ans d'appels et vingt régions données aux socialistes.

Maintenant, monsieur le Premier ministre, où faut-il aller ?

M. Jean-Pierre Brard. En Alsace !

M. Maurice Leroy. Rien ne serait pire que d'écouter ceux qui réclament l'arrêt des réformes. Nous serions alors responsables de la fin de notre système de santé, du poids de la dette, de la perte d'autorité de l'Etat.

L'UDF pense, au contraire, que la réconciliation avec le peuple passe par le courage, non par le renoncement, par la cohérence et non par le saupoudrage, par le dialogue avec tous et par la justice.

L'immobilisme serait criminel parce que les élections régionales n'ont pas changé les grands défis que nous avons devant nous. Le premier défi, c'est celui de l'emploi. Parce que le chômage touche ou peut toucher tout le monde, quels que soient la spécialité, le niveau d'études ou de revenus, il est redevenu la première angoisse de nos concitoyens. Alors, plus encore que la baisse de l'impôt sur le revenu, c'est vers la baisse des charges qu'il faut aller...

M. Maxime Gremetz. Encore ? Mais vous n'avez rien compris !

M. Maurice Leroy. ...sans demi-mesure, pour décourager l'assistanat et mieux payer ceux qui travaillent. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) La discussion de la loi sur l'emploi nous donnera l'occasion de formuler un certain nombre de propositions concrètes sur ce point.

Le deuxième défi, très lié au premier, concerne le rétablissement de nos finances publiques. C'est une question majeure, car la politique budgétaire conditionnera la crédibilité du Gouvernement. Sur ce point, l'équation formulée par le Président de la République ne sera guère facile à résoudre...

M. Jean-Pierre Brard. Elle est insoluble !

M. Maurice Leroy. ...puisqu'il a maintenu sa volonté de baisser les impôts, mais, a-t-il précisé, dans la mesure de nos moyens. Bon courage à Bercy ! Malheureusement, des moyens, il n'y en a pas, quand la dette atteint les 1000 milliards d'euros, le déficit plus de 4 % du produit intérieur brut, que les seuls intérêts de cette dette plombent lourdement nos marges de manœuvre budgétaire et que nous avons connu, en 2003, la croissance la plus faible depuis dix ans. On voit bien qu'un assouplissement du pacte de stabilité n'est qu'une fausse fenêtre, qui ne règle en rien les handicaps structurels du pays et qui fait peu de cas de la cohérence économique de la construction européenne.

Ce que l'UDF demande, c'est que l'on change la politique fiscale et que l'on réfléchisse à l'infaillibilité du dogme de la baisse d'impôt. La baisse des impôts est évidemment indispensable.

M. Jean-Pierre Brard. Mais non !

M. Maurice Leroy. Nous proposons simplement qu'elle soit différée jusqu'à ce que la croissance nous redonne les marges nécessaires.

M. Jean-Pierre Brard. Maurice Leroy est un nouveau converti !

M. Maurice Leroy. Le troisième défi est celui de notre système de santé. On ne peut pas ne rien faire.

M. Maxime Gremetz. Parlez d'AXA !

M. Maurice Leroy. Nous devons être prêts à écouter toutes les propositions ! Nous attendons les vôtres ! Moins de vociférations, plus de propositions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Les Français ne doivent pas, par exemple, se réveiller un matin et prendre connaissance, chez le pharmacien, de la nouvelle liste de médicaments déremboursés ! Il nous faut un projet global qui responsabilise les patients et les praticiens, qui pérennise notre système de protection sociale, mais qui traite également de la démographie médicale ou de l'hôpital public.

Le succès de ce grand défi exige que l'on renonce aux ordonnances. Nous nous réjouissons que le Président de la République l'ait annoncé. Là encore, c'est affaire de méthode. Et peu importe le temps consacré aux débats parlementaires, ce ne sera pas du temps perdu. Je suis sûr d'être soutenu par le président de l'Assemblée nationale !

M. le président. Poursuivez, mon cher collègue ! (Sourires.)

M. Maurice Leroy. Je vous remercie, monsieur le président !

Les lois qui durent, monsieur le Premier ministre, sont celles que le débat parlementaire aura façonnées, maturées, mûries, tandis que les lois adoptées en catimini, à la va-vite, sont des lois qui passent.

M. Jean-Pierre Brard. Très juste !

M. Maurice Leroy. Le quatrième défi est celui de la recherche et de l'éducation Nous attendons avec impatience des états généraux de la recherche. Il ne s'agira pas de parler seulement de moyens, mais de parler d'objectifs, de relations entre la recherche publique et la recherche privée. Nous porterons également toute notre attention à la place faite à l'éducation nationale dans ce nouveau gouvernement. Comme nous vous l'avons toujours dit, elle doit être une priorité absolue, parce que c'est l'école d'aujourd'hui qui construit les richesses humaines de demain.

Enfin, le cinquième défi concerne la construction européenne.

M. Maxime Gremetz. Ah, c'est important !

M. Maurice Leroy. Dans deux mois, les Français s'exprimeront à nouveau pour élire leurs députés européens. Sur ce sujet, le chemin n'a pas encore été tracé. Les chantiers sont nombreux et lourds, au moment où l'Union s'apprête à accueillir, dans quelques semaines, dix pays en son sein. Quel avenir pour la Constitution européenne, quelle suite à l'élargissement, quelles politiques communes pour demain ? Alors qu'un euroscepticisme a gagné de larges secteurs de l'opinion, un nouvel élan et une nouvelle vision s'imposent. La France doit être à l'avant-garde de cette nouvelle ambition pour l'Europe qui demeure le plus grand projet du siècle qui s'ouvre.

En vérité, monsieur le Premier ministre, je trouve assez juste la formule employée par l'un de vos ministres à propos des élections régionales : « un 21 avril à l'envers ».

M. le président. Je vous demande de bien vouloir conclure, mon cher collègue.

M. Maurice Leroy. J'arrive à ma conclusion, monsieur le président.

Ce que les Français ont sanctionné le 21 mars, comme ils l'avaient fait le 21 avril, c'est un certain aveuglement, la certitude d'avoir raison tout seul, le gouvernement des uns contre les autres et sa traduction dans le domaine des réformes : le sentiment d'injustice. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C'est cela qui compte. Je voudrais vous persuader que la réforme n'est pas l'ennemie de la justice. Elle doit en être tout à la fois le moyen et la fin. La justice, ce n'est pas une valeur de gauche, comme l'ordre serait une valeur de droite. La justice, c'est le cœur de notre pacte social. Faites des réformes justes, elles seront populaires, même si elles sont difficiles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Notre peuple est un grand peuple qui sait faire les efforts et les sacrifices nécessaires, mais à deux conditions : la vérité dans les discours et la justice dans les décisions.

Monsieur le Premier ministre, nous voulons vous croire lorsque vous dites avoir compris le message du 21 mars. N'attendons pas celui du 13 juin ! L'intérêt de la France exige que votre gouvernement réussisse. C'est pourquoi nous avons décidé de voter oui à cet engagement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) de responsabilité pour donner un signe positif et constructif, malgré nos réserves, que vous connaissez. Mais cette confiance doit être partagée. L'écoute est le gage de notre réussite. Les deux années qui viennent de s'écouler l'ont montré comme un contre-exemple. Considérez que notre indépendance et notre liberté d'expression, loin de desservir la majorité, n'ont d'autre finalité que la réussite du Gouvernement et la réussite de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet. Monsieur le Premier ministre jamais, avant le dimanche 28 mars, un Président de la Ve République déterminé, comme l'a déclaré Jacques Chirac, à « garder le cap », n'avait autant réduit la vie politique française, la démocratie citoyenne et les dispositions constitutionnelles au seul fait du prince.

On savait depuis longtemps que le gaullisme avait perdu ses lettres de noblesse. C'est, aujourd'hui, patent. En effet, nous sommes loin du retrait du général de Gaulle suite à l'échec de son référendum de 1969 ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Ils n'ont pas le même courage ! Il devait démissionner !

M. Jean Marsaudon. Et Mitterrand ?

M. Alain Bocquet. Pensons à cette phrase de Georges Pompidou : « Le Gouvernement ne peut dépendre pour sa vie et pour son autorité que du peuple. » (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicain. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Une enquête d'opinion indiquait, la semaine dernière, que 62 % de nos concitoyens contestent votre reconduction à la tête du gouvernement, qui plus est pour y conduire la même politique. Je n'ai d'ailleurs rien entendu d'autre dans votre propos, monsieur le Premier ministre. L'avis critique du mouvement syndical est unanime, car la fin de non-recevoir signifiée aux attentes de nos concitoyens et du monde du travail est scandaleuse et porteuse de tous les dangers pour la démocratie, pour l'essor de la France et de son peuple, s'agissant d'un pouvoir par ailleurs soumis aux quatre volontés du MEDEF. Un pouvoir plein de suffisance et de cynisme, ...

M. Jean-Pierre Brard. Et d'arrogance !

M. Alain Bocquet. ...qui ne répond que par le mépris aux exigences sorties des urnes, exigences de justice sociale et de progrès partagé, d'essor de l'économie, d'élargissement des droits et d'enrichissement de la démocratie. Un pouvoir mobilisé pour remporter cette « guerre aux pauvres » que dénonçaient dès 2002 le tissu associatif et le mouvement social, tandis que les catégories nanties s'enrichissent de baisses d'imposition et d'allégements de l'impôt de solidarité sur la fortune que le Président de la République se garde bien de remettre en cause. Mais toutes les limites sont franchies lorsque vous prétendez balayer d'un revers de main une débâcle électorale et en détourner le sens en y voyant un prétexte à pousser les feux dits de la réforme. Cela fait penser à cette réplique du chef-d'œuvre cinématographique de Visconti Le Guépard : « Comment changer pour que ça reste toujours la même chose ? » (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)


Pour preuve, vous et votre majorité venez de refuser de suspendre le vote sur le texte remettant en cause le code du travail et les négociations au sein de l'entreprise, condamné par l'ensemble des organisations syndicales.

Vous invoquez la France, mais vous n'êtes pas la France de l'avenir, et les Français, dans les urnes, vous ont répondu par avance. Vous êtes la France de la casse des acquis sociaux et démocratiques. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Marsaudon. Non !

Mme Muguette Jacquaint. Si !

M. Alain Bocquet. Vous êtes la France du bradage de nos atouts économiques industriels et de notre potentiel de recherche. Vous êtes la France de la liquidation de l'outil de service public,...

M. André Gerin. C'est vrai !

M. Alain Bocquet. ...la France des privatisations des grandes entreprises nationales (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), la France des dividendes et des profits boursiers (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), la France de la soumission à l'ultralibéralisme et aux dérives sécuritaires de la Commission de Bruxelles et de la Banque centrale européenne ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La satisfaction affichée par le baron Seillière est là pour le confirmer, vous persistez dans cette volonté délibérée de défendre les intérêts égoïstes du MEDEF. Mais au nom de quoi un groupement patronal de 170 000 adhérents devrait-t-il encore longtemps dicter la loi et régler le sort de 60 millions de Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Bernard Accoyer. Quelle caricature !

M. André Gerin. Il a raison !

M. Alain Bocquet. Les Françaises et les Français n'en peuvent plus de cette insuffisance de moyens de vivre qui hypothèque leur avenir, celui de leur famille, de leurs enfants et petits-enfants.

Les citoyens de notre pays, qui dispose d'une des économies les plus riches de la planète et d'un des niveaux de développement les plus élevés, mais où un million d'enfants doivent vivre sous le seuil de pauvreté, se sont saisis des élections pour lancer un appel de détresse, témoigner de leur colère, affirmer leur soif de justice, de respect et de dignité. Ils sont une large majorité à vous avoir sanctionné et à s'être rassemblés pour exiger une réorientation de fond des décisions jusqu'ici mises en œuvre. Au contraire, vous persistez et vous signez. Ils doivent pourtant être entendus ; vous n'avez d'autre choix que de répondre à leurs attentes.

Démantèlement du système solidaire des retraites, remise en cause des trente-cinq heures, de la loi de modernisation sociale et des lois anti-licenciements : l'ensemble de ces décisions doivent à présent être revues d'urgence. Il faut revenir ici même, à l'Assemblée nationale, sur ces textes adoptés, comme un seul homme, par votre majorité UMP, union pour une minorité de privilégiés (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

M. Pierre Lequiller. Privilégié vous-même, monsieur Bocquet !

M. Alain Bocquet. ...et UDF, union de défense de la finance,...

Mme Muguette Jacquaint. Très bien !

M. Alain Bocquet. ...mais rejetés massivement par le mouvement social et, dans les urnes, par les électeurs. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Ce pourrait d'ailleurs être l'occasion de prendre en compte les nombreuses propositions progressistes des députés communistes et républicains.

Il faut annuler vos décisions sans attendre, rétablir la durée d'attribution de l'ASS (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains)...

M. Maxime Gremetz. Très bien !

M. Alain Bocquet. ...et imposer la réouverture de négociations pour un vrai système solidaire d'indemnisation du chômage, allant jusqu'à constituer un outil social au service du retour vers l'emploi.

Il faut revenir sur la suppression des emplois-jeunes, pour ces jeunes que vous renvoyez dans le mur des agences pour l'emploi et que vous entendez soumettre à des contrats de super-précarité sans lendemain.

Revoir les politiques conduites, cela concerne aussi le RMA et le désengagement de l'Etat en matière de RMI et d'allocation personnalisée d'autonomie, due à des centaines de milliers de personnes âgées, dont le travail, au cours des cinquante dernières années, a fait la richesse de la France.

Cela concerne l'ensemble des dispositifs sécuritaires, notamment la loi dite « Perben II », qui réunit contre elle le monde du droit et de la justice, et que le Conseil constitutionnel vient de censurer. Les députés communistes et républicains s'associent à l'appel exigeant un moratoire sur ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. André Chassaigne et M. Maxime Gremetz. Très bien !

M. Alain Bocquet. Cela concerne encore la décentralisation dévoyée que vous entendez faire aboutir. Ce projet de République balkanisée, qui vise à transférer 100 000 fonctionnaires d'Etat aux collectivités territoriales et à déstabiliser les fonctions publiques, ne produira par ailleurs que des inégalités supplémentaires entre les régions. Nous prendrons donc l'initiative pour proposer que les conseils régionaux nouvellement élus et leurs majorités de gauche refusent le transfert des personnels techniciens et ouvriers de service, qui y sont eux-mêmes fermement hostiles.

M. Maxime Gremetz et Mme Janine Jambu. Très bien !

M. Alain Bocquet. Le respect de la démocratie et de la volonté populaire doit vous conduire à retirer le texte de loi tel que l'a conçu votre majorité...

M. André Gerin. Bravo !

M. Alain Bocquet. ...et à remettre en chantier un projet plus conforme aux exigences des électeurs et des régions. La situation de nos concitoyens et les menaces que font courir vos choix de décentralisation ne peuvent que conduire celles-ci à se constituer en pôles de résistance à ces dérives et à ces dangers.

Mme Muguette Jacquaint. Très bien !

M. Alain Bocquet. Répondre aux attentes des Français, cela concerne enfin, pour m'en tenir à l'essentiel, le projet de casse de la sécurité sociale. Elle est l'émanation du Conseil national de la Résistance, dont nous venons de commémorer le soixantième anniversaire.

Le Président de la République vient de concéder un premier recul en renonçant à la procédure des ordonnances, dont nous avions dénoncé l'arbitraire. La sécurité sociale est désormais sous la protection des électeurs des 21 et 28 mars, sous la protection de notre peuple. Nous sommes fermement à leurs côtés pour nous opposer à sa liquidation et constituer, partout dans le pays, des comités d'alerte et d'action « Touche pas à ma sécu ! »

M. Pierre Lequiller. Quelle formule choc !

M. Alain Bocquet. Nous contribuerons à mobiliser les Françaises et les Français pour exiger l'abandon du projet funeste de privatisation de la protection sociale et de casse de l'hôpital public, privé des moyens humains et financiers nécessaires à son développement.

M. Jean-Michel Dubernard. Il se moque du monde !

M. Alain Bocquet. Le déficit affiché a bon dos : « Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage. » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) En 2000 et 2001, les comptes de la sécurité sociale étaient excédentaires. Le déficit, aujourd'hui, représente 0,24 % du budget total de la sécurité sociale, lequel, rappelons-le, équivaut à une fois et demi le budget de l'Etat. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Marsaudon. C'est faux !

M. Jacques Desallangre. C'est vrai !

M. Alain Bocquet. Les grands groupes d'assurances privés, on le sait, convoitent cette manne financière colossale pour faire des profits et aller davantage encore, en France, vers un système de santé à deux vitesses : une pour les riches et une pour les pauvres. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Marc Bernier. N'importe quoi !

M. Alain Bocquet. Déjà, 14 % de la population renonce à se soigner pour des raisons financières, et le taux monte à 30 % pour les chômeurs. Qu'en sera-t-il demain ?

Oui, il faut une réforme de grande ampleur de la sécurité sociale, mais pas celle que vous concoctez en douce avec le MEDEF. (Exclamations sur les sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Robert Lamy. Il est obsédé !

M. Alain Bocquet. Il faut une réforme qui conserve à la sécurité sociale son socle solidaire, qui lui permette de faire face aux besoins en matière de remboursement des soins, d'amélioration de la prévention, de modernisation et de développement de l'hôpital public.

J'en viens au financement de la vraie réforme que nous proposons de mettre en œuvre. Pourquoi les 160 milliards d'euros de profits boursiers échappent-ils à toute cotisation ? Pourquoi restent-ils intouchables ?

M. Jacques Desallangre et M. André Gerin. Bonne question !

M. Alain Bocquet. Ils pourraient renflouer les caisses de l'assurance maladie à hauteur de 20 milliards d'euros ! Le recouvrement de seulement 40 % des dettes sociales patronales produirait 13 milliards d'euros de recettes pour la sécurité sociale.

Enfin, une vraie politique de l'emploi contribuerait au sauvetage de notre système français de solidarité devant la santé : 100 000 chômeurs en moins, c'est un milliard d'euros de cotisations en plus pour la sécurité sociale ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Voilà quelques-unes des réponses qu'il est possible d'apporter à cet enjeu.

L'emploi, précisément, constitue la priorité des priorités pour plus de 70 % de nos concitoyens. C'est dire le bilan de faillite qui est le vôtre en ce domaine. Mais la marche à suivre vous est dictée par le grand patronat et la haute finance, l'actionnariat boursier et les fonds de pensions.

M. Jacques Desallangre. C'est vrai !

M. Alain Bocquet. L'économie française au bord de la récession, la désindustrialisation ravageant nos régions, l'étranglement des PME et PMI, de l'artisanat et des exploitations agricoles, sous la pression des banques, le bradage de nos potentiels de recherche, la fuite en avant dans les privatisations, la mise en pièce du code du travail, la poursuite de la politique d'exonération fiscale patronale - 20 milliards d'euros gaspillés en pure perte -, voilà les principaux aspects de la politique économique que vous vous apprêtez à poursuivre, malgré les hausses du chômage et de la précarité qui en résultent, et également malgré l'appauvrissement général de la société, les conséquences sur la consommation et sur la croissance des pertes de pouvoir d'achat dues à l'absence de revalorisation des salaires et à votre refus d'ouvrir des négociations salariales dans les fonctions publiques.

En vingt ans, les cadeaux fiscaux au patronat ont été multipliés par vingt sans que la situation de l'emploi s'en trouve le moins du monde améliorée. Nous vous demandons, monsieur le Premier ministre, d'en finir avec ces orientations. Nous vous demandons d'exiger la traçabilité des capitaux privés placés et déplacés par les entreprises, et le rétablissement du contrôle de l'utilisation des aides et crédits publics qui leur sont consentis.

M. Maxime Gremetz. Ecoutez, monsieur le premier ministre ! C'est le plus important !

M. Alain Bocquet. Votre politique économique est, en fait, dans le droit fil des récentes quarante-quatre injonctions du MEDEF (Exclamations sur divers bancs),...

M. Bernard Accoyer. C'est une obsession !

M. Alain Bocquet. ...à commencer par celle consistant, je cite, à « mettre le droit du travail en conformité avec le droit boursier » ! Il faut le faire !

M. Gilbert Biessy. Je ne vous le fais pas dire !

M. Henri Emmanuelli. Et maintenant, en plus, le frère de l'autre est à Bercy !

M. Alain Bocquet. Il est temps d'arrêter ce massacre et de construire une société où l'homme sera au centre de tous les choix.

Tout comme il est temps de dire « stop » à vos tentatives d'accélération de la liquidation d'entreprises nationales comme La Poste ou la SNCF. Nous sommes aux côtés de leurs salariés, de leurs cadres et de leurs usagers pour combattre ces décisions. De même, nous sommes solidaires des personnels d'EDF et GDF, dont vous préparez la privatisation pour grossir les portefeuilles de la Bourse, au détriment de l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Nous soutiendrons aussi l'action du monde du travail et la mobilisation du mouvement syndical pour s'opposer à une nouvelle étape de privatisations qui finirait de jeter dans la tourmente des entreprises aussi essentielles au développement de l'économie française que, par exemple, France Télécom ou Air France.

Nous sommes partisans - nous avons fait des propositions réalistes et chiffrées à ce sujet - de la mise en place d'un système sécurité-emploi-formation qui offrirait à chaque salarié de ce pays la garantie d'un statut et d'une rémunération tout au long de sa vie professionnelle, qu'il soit en phase de travail ou de formation et de requalification. C'en serait fini des angoissantes lettres de licenciements !

Nous avons défendu devant cette assemblée, sans que vous-même et votre majorité en ayez seulement autorisé l'examen et la discussion, d'importantes propositions de lois contre les délocalisations d'entreprises et contre la précarité de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous les maintenons et demandons que le Gouvernement s'en saisisse dans l'urgence pour en permettre l'examen sérieux et l'aboutissement. Voilà qui constituerait un signe fort et encourageant envers le monde du travail ! Les députés communistes et républicains sont disponibles pour s'y impliquer.

Les intermittents, rassemblés pour la défense de leur statut et de leurs métiers, les chercheurs, en lutte pour le renouvellement et l'extension des moyens de la recherche, les étudiants des STAPS, mobilisés pour l'annulation de la réduction de 42 % des postes mis au concours, sont là pour témoigner des attaques répétées contre le monde de l'éducation, de la création, de la recherche et de la culture. Le Président de la République a fait, semble-t-il, quelques ouvertures, mais celles-ci restent partielles et très floues. Croyez-moi, les intéressés ne se laisseront pas abuser par de nouvelles promesses, d'autant que votre volonté de maintenir le cap de l'austérité fait peser la menace de nouvelles coupes de crédits pour l'ensemble des budgets sociaux de la nation !

Quant au monde enseignant et aux parents d'élèves, ils redoutent un déficit avoisinant les 10 000 postes pour les deux prochaines rentrées scolaires.


Ce sont des milliers d'heures de cours qui vont disparaître, ainsi que l'enseignement de matières optionnelles ; des dédoublements de classes ne seront pas mis en place et d'autres aides individuelles vont être rayées de la carte scolaire, notamment dans les ZEP où les enseignements obligatoires, tels que celui des mathématiques, devraient eux-mêmes être rognés.

La copie rendue par votre précédent gouvernement est à revoir d'urgence, monsieur le Premier ministre, et la décision d'un vrai collectif budgétaire s'impose pour la réussite scolaire de tous.

Pris dans leur globalité, votre bilan et vos projets de reformatage de la société française sont porteurs de tous les dangers.

Dangers pour l'essor et l'efficacité de l'économie jusqu'à voir demain la France elle-même cotée en bourse. Dangers pour les solidarités sociales et pour l'essentiel des acquis du Front Populaire, de la Libération, de mai 1968 ou de mai 1981. Dangers pour la démocratie et la citoyenneté auxquels votre lecture partisane, autoritaire et cynique des élections des 21 et 28 mars donne un relief supplémentaire.

Nos concitoyens ne vous laisseront pas transformer notre pays en Medefland, quels que soient les liens fraternels attachant Bercy au MEDEF !

Les Français n'attendront pas 2007 pour être entendus. Car les élections ont livré un verdict : celui du divorce consommé entre vos choix ultralibéraux et l'aspiration du peuple de France à vivre autrement, à vivre mieux.

M. Jean Marsaudon. C'est faux !

M. Alain Bocquet. La cohésion sociale est rendue impossible par la politique au service des riches et du capital, que vous représentez. Il ne vous sera par conséquent plus possible d'évacuer du débat national la question d'une transformation de fond de la société française.

Plus que jamais, les députés communistes et républicains s'affirmeront, dans cet hémicycle face à une majorité disposant de tous les pouvoirs d'Etat, et lorsqu'ils participeront aux mobilisations du mouvement social, citoyen et altermondialiste, comme des défenseurs, au service de la justice sociale, du progrès, de la démocratie, de l'amitié entre les peuples et de la paix dont notre pays et le monde éprouvent le plus incontournable et légitime besoin.

Monsieur le Premier ministre, vous l'aurez compris, cela va de soi, nous vous refusons la confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Barrot.

M. Henri Emmanuelli. On nous avait dit qu'il était parti à Bruxelles !

M. Jacques Barrot. Pas encore, monsieur Emmanuelli ! Vous êtes trop démocrate pour ignorer que je ne suis pas nommé aux fonctions pour lesquelles je ne suis encore que proposé !

M. Henri Emmanuelli. C'est donc votre testament que nous allons écouter !

M. Jacques Barrot. Monsieur le président, mes chers collègues, une campagne électorale est toujours un moment fort de la démocratie. Loin de nous l'idée de négliger les messages que les Français nous ont adressés, ...

M. Alain Néri. Ce serait difficile !

M. Jacques Barrot. ...même si certaines formulations excessives traduisent plus d'incompréhension que de condamnation. Mais les campagnes électorales sont aussi des moments d'exaspération et de paroxysme.

Je me garderai, aujourd'hui, parlant au nom du groupe UMP, de polémiquer en évoquant les caricatures et les excès de ceux qui, à défaut de proposer, se sont laissés aller aux facilités de la critique systématique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

En écoutant le président Alain Bocquet, je me demandais si ses propositions seraient un jour reprises par une gauche plurielle, tant sont grandes les divergences d'appréciation.

M. Henri Emmanuelli. Le propos est laborieux !

M. Jacques Barrot. Mais il y a un temps pour tout ! Aujourd'hui, le temps est à l'action.

A vous, monsieur le Premier ministre, de poursuivre une action courageuse, éclairée par l'expérience et la parole des Français, en donnant la priorité au redressement de notre économie et à la bataille pour l'emploi.

A votre majorité de jouer plus activement encore son rôle de trait d'union avec les Français pour les convaincre de s'engager dans l'effort d'adaptation nécessaire.

A l'opposition, elle aussi, qui ne doit pas ignorer que le pays attend autre chose qu'un simple discours de dénonciation démagogique, de se montrer responsable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Oui, les Français expriment l'inquiétude d'une société en quête de son avenir, de sa place dans une compétition internationale et de la sauvegarde de notre modèle social.

Il y a, dans la France d'aujourd'hui, un mélange d'inquiétude et de crispation face à l'avenir, et en même temps, de formidables réserves d'énergie et de création.

A la tentation du doute, nous devons substituer un désir d'avenir. Nous devons sauver ce qui fait l'essence et la force de notre pays, en l'adaptant aux nouveaux enjeux.

Rester immobile, ce serait conduire la France dans l'impasse.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. Jacques Barrot. En revanche, il faut choisir le bon rythme, ménager les transitions pour une société dont certains membres éprouvent la crainte d'être oubliés de notre communauté nationale.

C'est ce message qu'a retenu le Président de la République et c'est le sens des engagements que vous venez de prendre devant nous.

M. Alain Néri. C'est un éloge funèbre !

M. Jacques Barrot. Au nom des députés de notre groupe, je rappellerai d'abord que ce projet, si difficile soit-il, est à notre portée, comme en témoignent les progrès déjà réalisés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais ce projet doit être centré sur l'essentiel : le renouveau économique et social dont nous avons besoin.

Enfin, sa mise en œuvre exige une action quotidienne, conduite dans la vérité et la justice, à laquelle nous entendons participer activement.

M. Henri Emmanuelli. Vous n'avez pas mieux ?

M. Jacques Barrot. Pour donner le courage aux Français de poursuivre les efforts qu'exige l'avenir, il n'est pas inutile de rappeler le chemin parcouru depuis deux ans.

Oui, mes chers collègues, les chantiers de la France ont progressé malgré les difficultés qu'ont créées une croissance mondiale et surtout européenne trop faible. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Ces chantiers, nous éprouvons une fierté légitime de les avoir ouverts, après trop d'immobilisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Il y avait urgence à agir : urgence pour mettre nos retraites par répartition à l'abri de déficits de plus en plus menaçants ; urgence pour sortir des injustices provoquées par la coexistence de plusieurs SMIC ; urgence pour doter nos forces de sécurité de nouveaux moyens d'action juridiques et financiers.

Qui peut le nier ? Certainement pas les salariés qui ont commencé à travailler très jeunes et qui peuvent désormais partir plus tôt à la retraite. Certainement pas les 150 000 jeunes sans formation accueillis en contrats à durée indéterminée grâce au contrat jeune en entreprise. Certainement pas nos compatriotes les plus fragiles qui bénéficient des premiers reculs indiscutables de la violence.

De nouveaux outils ont été forgés pour accompagner nos compatriotes les moins favorisés : droit individuel à la formation pour les salariés les plus modestes, prestation pour le jeune enfant, deuxième chance pour les ménages endettés...

Oui, mes chers collègues, un bilan objectif n'autorise pas ces jugements à l'emporte-pièce, ces caricatures qui ont aggravé l'inquiétude et le pessimisme de nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il est vrai, monsieur le Premier ministre, que vous avez dû agir dans un climat économique morose, dans un contexte financier très difficile. Et en ouvrant des dossiers laissés trop longtemps en jachère (Murmures sur les bancs du groupe socialiste), vous avez dû bousculer des habitudes et provoquer des mécontentements.

Pour autant, fallait-il renoncer à l'action ?

L'organisation de notre effort national pour la recherche est un problème qui ne date pas d'hier : le rapport d'audit sur le CNRS montrait déjà le risque d'une sclérose. La démarche budgétaire, qui a été l'objet des contestations, a eu le mérite de poser le problème dans toutes ses dimensions : l'ouverture d'un certain nombre de postes à de jeunes chercheurs, mais aussi, comme l'ont souligné nos prix Nobel, le décloisonnement des pôles de recherche, l'articulation entre recherche publique et recherche privée et l'organisation de la coopération européenne.

Et il est bon, monsieur le Premier ministre, qu'une prise de conscience nationale se soit opérée...

M. Henri Emmanuelli. C'est comme ça que vous l'appelez ?

M. Jacques Barrot. ...et que vous puissiez, comme vous l'avez indiqué tout à l'heure, conduire un débat approfondi sur les métiers de la recherche.

Oui, vous vous deviez d'agir. Vous deviez, à l'instar de beaucoup de nos amis européens, aider nos compatriotes à préférer les chemins de l'insertion à ceux de l'assistance. Mais de tels changements exigent de savoir ménager les transitions. Cette démarche courageuse mérite d'être poursuivie graduellement, et surtout d'être mieux expliquée pour être partagée par nos concitoyens.

M. Henri Emmanuelli. Cela ne risque pas d'arriver !

M. Jacques Barrot. Cela ne veut pas dire, loin de là, qu'il faille céder au syndrome du « milieu du gué ». Après avoir quitté la rive, les uns s'impatientent de ne pas voir se dessiner d'autres rives ; ils sollicitent une accélération au risque de chavirer, tandis que les autres, inquiets, imaginent une marche arrière.

Non, monsieur le Premier ministre, plus que jamais, l'heure est à l'action mais avec un surcroît de vigilance et de pédagogie ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Henri Emmanuelli. C'est pour cette raison que vous partez ?

M. Jacques Barrot. C'est au nom de l'avenir de la France et de ses jeunes générations que nous voulons avec vous aller plus loin. Face aux réalités du monde d'aujourd'hui, nous devons garder le courage de l'action.

Une réussite économique et sociale durable exige quelques démarches prioritaires qui commandent notre développement et le recul du chômage. Nous devons surmonter ce qui est souvent présenté comme un dilemme : soit plus de rigueur pour réduire nos dettes, soit plus de pouvoir d'achat pour entretenir la consommation. En fait, il s'agit de privilégier tout ce qui contribuera au dynamisme de la nation.

C'est dans ce but qu'il faut remettre de l'ordre dans nos finances publiques pour consacrer plus de ressources à l'investissement et à l'innovation, pour rendre nos universités capables de rivaliser avec les meilleurs centres de formation mondiaux et être les premiers en Europe à accueillir des étudiants étrangers dans tous les domaines, scientifiques, techniques et financiers, où va se jouer la croissance mondiale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les frais de gestion de notre secteur public s'avèrent trop dispendieux pour une efficacité insuffisante. Un travail de mise au clair et d'élagage des dépenses de fonctionnement de l'Etat a été engagé avec le concours actif de notre commission des finances dans le cadre de la LOLF.

M. Henri Emmanuelli. C'est faux !

M. Jacques Barrot. Cet effort est la condition indispensable pour prélever moins sur tout ce qui contribue au développement des activités économiques et pour dégager les moyens nécessaires tant au grand effort national de formation auquel nous sommes confrontés qu'à l'intégration des banlieues.

La bataille de l'emploi ne peut pas se gagner sans une économie dynamique et concurrentielle. Les Français doivent en être convaincus.

Alors, c'est vrai, nos compatriotes ont été troublés par certaines délocalisations qui ont entretenu le doute et la peur dans leur esprit. Il faut expliquer qu'elles ont parfois été déclenchées par le manque de confiance des acteurs économiques et sociaux...

M. Henri Emmanuelli. Ben voyons !

M. Jacques Barrot. ...dans un Etat qui a freiné plus qu'il n'a entraîné.

M. Henri Emmanuelli. C'est ça, bien sûr !


M. Jacques Barrot
. Ceux qui entreprennent ont redouté la poursuite d'une avalanche de règlements, de prélèvements. Les partenaires sociaux ont eu le sentiment de ne pas pouvoir choisir eux-mêmes les règles du jeu appropriées à leur entreprise en matière de temps de travail. Bref, à force d'encadrer à l'excès nos entreprises, ne les a-t-on pas fragilisées, n'a-t-on pas aggravé les problèmes du chômage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La vérité exige aussi de dire que la France, comme tous les pays développés, est plongée dans une mondialisation qui entraîne des changements.

Pour autant, mes chers collègues, l'ouverture internationale peut créer plus d'emplois qu'elle n'en détruit. Le vrai problème est de permettre aux Français de passer d'une activité à une autre, d'occuper des emplois plus qualifiés, des emplois nouveaux rendus nécessaires par les technologies.

C'est pour cela, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, que le problème de l'adaptation de nos formations aux emplois de demain est la première des nécessités à laquelle aussi bien l'Etat que les régions devront concourir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La vie professionnelle, dans le monde où nous sommes, ne peut plus être uniforme et figée. Nous devons accompagner suffisamment les salariés pour que la mobilité, loin d'être vécue comme une angoisse, soit synonyme d'une nouvelle chance. Le droit individuel à la formation, l'accroissement des moyens mis à la disposition des salariés appelés à changer d'activité, une politique très active du logement, des moyens renforcés pour nos missions locales doivent être autant de leviers pour soutenir les Français dans la bataille pour l'emploi.

Mais, mes chers collègues, les Français doivent également répondre à cette aide de la communauté nationale par leur propre engagement. A cet égard, il faut regarder autour de nous. S'agissant de la politique de l'emploi, l'expérience anglaise mérite mieux que certaines caricatures. Le new deal du travail consiste en un donnant-donnant : la société offre formation et emploi, à charge pour la personne accompagnée d'honorer le contrat, sous peine de perdre une partie des revenus de remplacement.

M. Henri Emmanuelli. Ce serait donc la faute des chômeurs !

M. Jacques Barrot. Il ne s'agit pas de reproduire le même dispositif, mais d'y puiser quelques leçons, car les résultats outre-Manche sont là.

Je voudrais, au passage, souligner que nous attendons une coopération européenne plus poussée au sein des pays de la zone euro.

M. Edouard Landrain. Très bien !

M. Jacques Barrot. Au moment où les Européens s'apprêtent à se doter d'institutions politiques plus efficaces et où le sentiment de solidarité se forge dans la lutte contre le terrorisme, il faut impérativement rechercher une cohésion économique et sociale européenne qui accroîtra nos chances dans la compétition mondiale. Le pacte de stabilité et de croissance devra tenir compte, par-delà les indispensables économies, des dépenses nécessaires à l'amélioration de la compétitivité de la recherche et du développement. Mais il faudra, face à la Banque centrale européenne, une vraie coordination des politiques économiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, il est indispensable d'innover, d'investir, de former, pour ouvrir aux Français le chemin des emplois à venir. Ainsi nos compatriotes retrouveront-ils la confiance, et notre pays le cercle vertueux de la croissance.

Mais la confiance repose aussi sur notre sécurité sociale qui a su créer entre nous tous une très forte solidarité.

J'en viens au deuxième chantier majeur, celui de la sauvegarde de notre assurance maladie. Là encore, il n'est pas inutile de regarder ce qui se passe autour de nous. En Allemagne, les forces politiques ont réussi à s'unir pour adapter leurs systèmes sociaux afin de les sauver.

M. Henri Emmanuelli. En Allemagne, on respecte l'opposition. Ce n'est pas le cas ici !

M. Jacques Barrot. Peut-on pratiquer une opposition frontale quand il s'agit de l'essentiel pour l'avenir de nos compatriotes ? Dans certains discours électoraux, il n'a été question que de la mise en cause d'acquis sociaux, au risque d'ancrer les Français dans la peur et dans la revendication du statu quo, fût-il injuste ! Au milieu de ce concert d'accusations, nous n'avons pas entendu de propositions. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. René Couanau. Non, aucune !

M. Jacques Barrot. Le Président de la République vient de lancer un appel au dialogue. Nous devons ensemble avoir le courage de mettre à plat les dévoiements du système et veiller à ce que les Français modestes qui ne bénéficient pas de la CMU, tout en éprouvant des difficultés à souscrire une assurance mutuelle, soient pris en compte.

Oui, réformer, c'est savoir rompre avec de mauvaises habitudes, avec des comportements irresponsables.

M. Henri Emmanuelli. Réformer, ce n'est pas régresser !

M. Jacques Barrot. Réformer, c'est faire acte de courage, c'est agir dans la vérité et la justice.

En sollicitant l'effort des Français, il ne s'agit pas de les désespérer, ...

M. Henri Emmanuelli. C'est déjà fait !

M. Jacques Barrot. ...mais de les entraîner. Pour ce surcroît de performance économique et de justice sociale, il faut d'abord tenir un discours vrai. Les Français qui appartiennent au secteur public, par définition à l'abri, ne peuvent pas oublier la solidarité qu'ils doivent à leurs compatriotes les plus exposés à la concurrence.

Notre peuple a déjà montré dans l'histoire qu'il savait dépasser des clivages trop catégoriels lorsque l'intérêt national était en jeu.

M. Henri Emmanuelli. Pas quand le MEDEF gouverne !

M. Jacques Barrot. Agir dans la vérité, monsieur le Premier ministre, mais aussi agir dans la justice.

Le Gouvernement, qui a en charge un pays en pleine transformation, a un devoir d'accompagnement social. Mais attention : cela ne signifie en rien s'arc-bouter sur des dispositifs d'assistance qui ont montré leurs limites : l'accompagnement social, c'est aussi le mouvement et l'innovation.

M. Henri Emmanuelli. Ils ne vont pas rigoler, à Bruxelles...

M. Jacques Barrot. Déjà, les chantiers lancés pour restructurer les banlieues, les premiers contrats d'intégration ont ouvert des voies nouvelles. Nous serons à vos côtés pour poursuivre ce grand effort d'accompagnement social et d'intégration.

Monsieur le Premier ministre, le Parlement a un rôle majeur à jouer pour réussir avec vous ces adaptations. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Notre société, dans sa complexité, a besoin de traits d'unions, de conciliateurs. Mais attention ! Il ne faut pas confondre la longueur de la loi et la vigueur de l'action. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - « Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Depuis un certain nombre d'années, les gouvernements ont pris l'habitude de multiplier les textes. C'est ainsi que la France croule sous une législation trop complexe pour être efficace. La réhabilitation de la politique passe à coup sûr par une mise en œuvre plus efficace de la loi. Il faut la mobilisation de l'administration et la vigilance des parlementaires pour corriger les dysfonctionnements et réintroduire les souplesses nécessaires. C'est ainsi que nous avons proposé, avec M. Jean-Luc Warsmann, le suivi de l'exécution de la loi par les rapporteurs.

Enfin, je voudrais redire, monsieur le président de l'Assemblée, combien le Parlement sait être un lieu de réflexion et de débat : je pense à la question de la fin de vie, à celle de la tolérance républicaine qui a donné lieu à la loi sur la laïcité.

Oui, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, servez-vous du Parlement !

Monsieur le Premier ministre, les députés de notre groupe entendent prendre toute leur part à une action nécessaire pour faire avancer les chantiers majeurs de la France.

Certes, nous savons, mes chers collègues, ce qu'il peut en coûter d'être les témoins fidèles de la vérité, les acteurs responsables du changement. Mais nous sommes prêts à en assumer les contraintes et à faire passer les intérêts de la France avant toute autre préoccupation. C'est le sens de notre confiance exprimée aujourd'hui : confiance dans la poursuite d'une action courageuse et généreuse, confiance en vous, monsieur le Premier ministre, qui, malgré des attaques parfois très injustes, avez su garder courage et détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous avons confiance dans l'équipe gouvernementale unie autour de vous dans la même volonté d'action. Cette confiance a valeur d'engagement.

M. Henri Emmanuelli. Pourquoi partez-vous, alors ?

M. Jacques Barrot. A ceux qui restent dubitatifs, je rappelle que la cohésion du pack de rugby exige toujours de la part des joueurs de rudes sacrifices. Il se peut même que le courage ne soit pas récompensé, mais parce que le pack est resté solidaire, soudé, volontaire, il réussit à l'emporter lors du match suivant. Les Bleus de France en ont fait la démonstration. A nous aussi, ensemble, mes amis, de faire gagner la France ! Et pour cela, les parlementaires UMP voteront la confiance sans états d'âme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Hollande.

M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, il y a un mois, presque jour pour jour, notre assemblée débattait déjà de l'avenir de votre gouvernement. Nous contestions vos décisions et vos résultats. Vous les défendiez - c'est normal - âprement. Et votre majorité unanime vous suivait à travers le rejet de notre motion de censure.

Mais, le 28 mars, la majorité de nos concitoyens a clairement sanctionné votre politique. Ils l'ont fait massivement, avec une participation électorale particulièrement élevée, et nettement, en choisissant d'accorder à la gauche la responsabilité de la quasi-totalité des régions. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nul ne peut le nier. Ils ont surtout exprimé - et peut-être est-ce là l'essentiel -, au-delà de la politique, au-delà des gagnants et des perdants d'un soir, une inquiétude, une souffrance, parfois même un désarroi et une peur face à l'avenir. C'est ce message-là que vous devez d'abord entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Nul ne peut nier la portée politique d'un tel vote. Le Chef de l'Etat lui-même ne prétend-il pas avoir entendu le message des électeurs ? Pourtant, il vous a reconduit dans vos fonctions, monsieur le Premier ministre, et vous êtes de nouveau devant l'Assemblée nationale pour solliciter sa confiance.

Permettez, au-delà du respect porté à votre fonction et à votre personne, que l'on s'interroge ici sur votre autorité. Le Président de la République l'a lui-même sérieusement entamée en prenant l'exact contre-pied de plusieurs décisions de votre précédent gouvernement : sur la suspension de la réduction de l'allocation spécifique de solidarité, sur le renoncement aux ordonnances pour réformer la sécurité sociale, sur l'ouverture - enfin - du dialogue avec les chercheurs et les intermittents du spectacle, il vous a demandé d'admettre le bien-fondé de ce que l'opposition, et pas seulement l'opposition, vous réclamait depuis de longs mois et que vous refusiez obstinément. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Il est heureux que les Français aient voté comme ils l'ont fait, car il n'est pas sûr que la lucidité ait jailli aussi vite au sommet de l'Etat avec un autre résultat électoral. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous nous parlez aujourd'hui de cohésion sociale, de justice, de dialogue. Mais comment pourriez-vous, monsieur le Premier ministre, mener une politique différente de celle que vous avez conduite depuis deux ans, sauf à vous contredire, à reconstruire ce que vous avez défait, à corriger vos propres erreurs ? Vous avez donc, et c'est le message que j'ai entendu cet après-midi, comme tous mes collègues, décidé de maintenir votre politique comme si de rien n'était.


Mais là encore, vous avez pris un risque, vous comme l'ensemble de votre gouvernement. Plus d'une douzaine de vos ministres viennent d'essuyer les foudres du suffrage universel. La tradition républicaine n'y trouvera guère son compte, et la cohérence politique non plus. Car à quoi bon changer si c'est pour mettre les mêmes ministres dans d'autres ministères ? Soit ils avaient réussi, et il fallait donc les garder, soit ils avaient échoué, mais alors pourquoi sont-ils encore là, et pour combien de temps ?

Quelle est en effet la durée de votre nouvelle mission, monsieur le Premier ministre ? Trois mois ? Trois ans ? Cette incertitude prive votre gouvernement de la force nécessaire pour agir.

Mais ce n'est pas là l'essentiel. L'essentiel, c'est votre politique.

M. Jean-Michel Fourgous. Quelles sont vos propositions ?

M. François Hollande. J'imagine la déception de beaucoup de nos concitoyens, qui espéraient un changement et découvrent, à quelques ajustements près, le même gouvernement, les mêmes équipes et les mêmes choix.

M. Richard Mallié. Vous n'avez vraiment rien à dire !

M. François Hollande. Le chef de l'Etat et vous-même avez pris vos responsabilités. C'est un risque : celui de l'incompréhension, de la défiance, et peut-être même de la colère. Je ne l'appelle pas de mes vœux, car j'en connais les dangers et le coût pour le pays (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), mais je vous demande en revanche d'en prendre la mesure. Il y faudra plus que du dialogue, plus que de l'écoute, mais du compromis, des concessions et sans doute l'abandon de telle ou telle de vos intentions.

Vous dites avoir entendu les Français. Alors écoutez-les jusqu'au bout ! Renoncez, monsieur le Premier ministre, aux habiletés, aux demi-mesures, aux faux-semblants !

M. Jean-Michel Fourgous. Quelles sont vos propositions ?

M. François Hollande. En ce qui concerne l'indemnisation des chômeurs, il ne suffit pas de suspendre la réforme de l'allocation spécifique de solidarité. Il faut surtout régler le sort de ceux que l'on appelle les « recalculés » de l'UNEDIC : ils sont 265 000 depuis le début de l'année, et seront sans doute 600 000 dans les prochains mois, bientôt privés de toute compensation autre que l'assistance ou le revenu minimum d'insertion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) C'est ce qui est attendu de vous.

Sur la recherche, il ne convient pas seulement de rétablir les crédits qui ont été précédemment gelés, ou de modifier la répartition des postes entre statutaires et contractuels, mais de dégager, sur les trois prochaines années, les moyens budgétaires nécessaires pour redresser l'effort de recherche publique. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Sur l'intermittence dans la culture, il ne s'agit pas simplement de maîtriser les conséquences du nouveau régime UNEDIC pour les jeunes artistes,...

M. Gérard Hamel. Vous-mêmes, qu'avez-vous fait ?

M. François Hollande. ...mais de renégocier purement et simplement le régime de l'intermittence du spectacle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - « Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ? » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Sur le service public, il ne vous est pas demandé un report du changement du statut d'EDF-GDF, mais le renoncement à la privatisation de ces entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Emmanuelli. Ecoutez-le ! Nous vous avons écouté jusqu'à présent ! (« Taisez-vous, Emmanuelli ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, vous avancez aujourd'hui des priorités. Nous les entendons. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Démago !

M. Richard Mallié. Populiste !

M. le président. Un peu de calme, je vous prie !

M. François Hollande. Mais vous n'avez ni les moyens suffisants, ni la politique appropriée pour les atteindre.

D'abord, le bilan que vous vous léguez à vous-même...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est le vôtre !

M. François Hollande. ...est pour le moins encombrant, pour ne pas dire paralysant.

M. Jean-Michel Fourgous. C'est la faute aux 35 heures !

M. François Hollande. La croissance était ralentie en 2002 ; elle a stagné en 2003 et, selon les dires de l'INSEE, elle serait sans éclat ni entrain en 2004.

Le chômage continue de se situer à un haut niveau, malgré l'augmentation de près de 30 % du nombre des radiations.

M. Jean-Michel Fourgous. Les 35 heures !

M. François Hollande. Depuis un an et demi, monsieur le Premier ministre, l'économie détruit davantage d'emplois qu'elle n'en crée.

M. Richard Mallié. Depuis trois ans !

M. François Hollande. La précarité se développe à tel point que le nombre des RMIstes a augmenté de plus de 5 % en 2003 (« Quelle honte ! » sur les bancs du groupe socialiste), tandis que celui des personnes en état de surendettement s'élevait de 165 000, au point d'atteindre le chiffre record de 500 000 ménages en surendettement.

Mais le plus grave, peut-être, est à venir, parce que la dette publique atteint aujourd'hui mille milliards d'euros, ...

M. Edouard Landrain. A combien l'aviez-vous laissée ?

M. François Hollande. ...alors que les prélèvements obligatoires ont eux-mêmes augmenté depuis deux ans.

La sécurité sociale, qui était à l'équilibre en 2001, est aujourd'hui en faillite (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), à tel point qu'il faut relever continûment le plafond de découvert autorisé par la Caisse des dépôts ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Démago !

M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, vous n'avez cessé, depuis deux ans, de promettre aux Français comme aux autorités européennes un rétablissement de nos finances publiques. Non seulement celui-ci ne s'est jamais produit, mais nous assistons en plus à un nouveau dérapage, que nul ne peut nier : les déficits dépassent en effet plus de 4 % du PIB. (« Pourquoi ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Votre nouveau ministre des finances vient pourtant de maintenir, contre toute évidence, lors d'une réunion des ministres européens des finances, l'engagement du retour du déficit sous la barre des 3 % dès l'année prochaine. Si cette promesse était tenue, cela briserait la croissance pour les années qui viennent.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Que proposez-vous ?

M. François Hollande. Nos comptes publics sont dans un tel état...

M. Edouard Landrain. La faute à qui ?

M. François Hollande. ...qu'un diagnostic impartial devient indispensable. Je vous demande donc, monsieur le Premier ministre, au moment où vous installez votre nouveau gouvernement, d'engager, dans la transparence et sous le contrôle du Parlement, un audit global de nos finances publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Tout le monde ici, à commencer par vous, monsieur le Premier ministre, a parlé de vérité. Tous les présidents de groupe l'ont souhaitée. Réalisons cet exercice de vérité sur les finances publiques !

M. Jacques Myard. Commencez par vous-même !

M. François Hollande. Ligoté par votre héritage, votre gouvernement est également entravé par vos contradictions.

La première se situe au cœur même de votre politique financière. Vous avez réaffirmé votre volonté de baisser les impôts, et notamment l'impôt sur le revenu - je ne parle pas de la promesse relative à la TVA sur la restauration, dont je ne sais ce qu'elle deviendra. C'est moins la quadrature du cercle que le triangle infernal : vous prétendez à la fois augmenter la dépense sociale, réduire le déficit public et diminuer les prélèvements obligatoires, le tout sans bénéficier d'une croissance significative !

M. Jean Glavany. C'est le miracle chiraquien !

M. François Hollande. Le plus probable, monsieur le Premier ministre, est que vous ne réaliserez aucun de vos objectifs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

La seconde contradiction consiste, sur le sujet majeur de l'assurance maladie, à laisser croire que, face à l'ampleur du déficit, vous éviterez toute hausse de la CSG et de la CRDS, tout en proclamant que vous ne privatiserez pas la sécurité sociale. C'est donc sur les modalités de remboursement que vous entendez agir, ce qui revient à accepter les deux risques que vous prétendez conjurer !

M. Jean-Michel Fourgous. Que proposez-vous, monsieur Hollande ?

M. Michel Bouvard. La critique est aisée !

M. François Hollande. Mais votre contradiction la plus insoluble réside dans l'affirmation d'une orientation plus sociale de votre gouvernement et dans le maintien d'une politique économique libérale. D'un côté, vous voulez rassurer, apaiser, calmer, mais de l'autre, vous flexibilisez, déréglementez, privatisez, ce qui rend votre stratégie illisible.

M. Richard Mallié. Que proposez-vous ?

M. François Hollande. Votre gouvernement, et cela est devenu évident aujourd'hui, paraît sans boussole, sans cap, sans perspective. Vous ne donnez aucun sens à votre action.

M. Bernard Accoyer. Et vous ?

M. François Hollande. Il sera difficile de retrouver la confiance des citoyens et celle des acteurs sociaux et économiques - à l'exception, j'en conviens, de celle du président du MEDEF (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qui vient, du banc de la touche, de manifester sa confiance à l'égard d'un des joueurs de votre équipe, comme s'il était son entraîneur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Michel Fourgous. Quelle démagogie !

M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, vous engagez aujourd'hui la responsabilité de votre gouvernement, mais je ne suis pas sûr que vous soyez encore celui qui conduit et détermine la politique de la nation.

Avec le quinquennat, nos institutions ont sans doute changé. Le Président de la République est désormais le chef de l'exécutif. La fonction de Premier ministre s'en trouve forcément diminuée. Aussi serions-nous, les uns et les autres, en droit d'attendre du chef de l'Etat, en raison même du mandat qui lui a été confié le 5 mai, des orientations claires, un projet global et une implication personnelle pour mettre en œuvre ce projet. En ne donnant pas ces orientations à la nation, il vous laisse, monsieur le Premier ministre, sans repère, au point de vous demander de faire, en quelques mois, une chose et son contraire. C'est le principe d'irresponsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est scandaleux !

M. François Hollande. Dans ce contexte, l'opposition doit prendre, à sa place, ses responsabilités pour répondre à l'attente des Français. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Elle le fera d'abord dans les collectivités locales dont la gauche assure la direction. Nous entendons, monsieur le Premier ministre, travailler dans le cadre des compétences prévues par les lois de décentralisation et dans une relation de franchise avec l'Etat. Encore faut-il que les règles soient claires entre nous.

Vous avez prévu, avec raison, de reporter le vote solennel sur le projet de loi de décentralisation. Un nouveau débat s'impose donc, et je vous dis que nous n'acceptons pas le transfert des charges tel qu'il est prévu dans le projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), notamment s'agissant des personnels techniques, ouvriers et de service de l'éducation nationale, qui doivent rester des fonctionnaires de l'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gérard Hamel. Irresponsable !

M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, je vous demande aussi d'ouvrir en préalable la discussion au sujet du projet de loi organique sur l'autonomie financière des collectivités locales, comme sur les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle.

M. Jean-Pierre Kucheida. Très bien !

M. François Hollande. C'est le sens de la démarche des présidents de région. Je vous remercie d'avoir accepté de les recevoir prochainement, mais ils attendent une réponse rapide à cette question, parce que d'abord doit venir le débat sur les finances, et ensuite le débat sur les compétences. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais au-delà de notre action territoriale, l'opposition doit pleinement jouer son rôle en proposant des solutions alternatives. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Sylvia Bassot. Il serait temps !

M. François Hollande. D'abord, sur l'emploi, là où vous éteignez tous les feux de la croissance. Il faut les rallumer, ce qui suppose un soutien immédiat au pouvoir d'achat des ménages, ...

M. Richard Mallié. On ne vous a pas attendu !

M. François Hollande. ...notamment par une hausse des prestations familiales et une revalorisation immédiate des allocations logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - « Et le SMIC ? » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Chacun, ici, a évoqué l'ampleur prise par les délocalisations. (« Les 35 heures ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce qui est attendu de nous tous, au-delà des mots, c'est une politique industrielle, une politique de localisation d'activités et d'attractivité de notre territoire. Or, face aux délocalisations, vous ne nous avez rien dit ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En ce qui concerne les chômeurs de longue durée, plutôt que de les renvoyer au RMI et au RMA, nous vous proposons, monsieur le Premier ministre, de leur offrir un contrat d'insertion unique d'une durée de trois ans, qui serait lié à l'effort de qualification. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Enfin, puisque l'emploi est la préoccupation de tous les Français, il faut évaluer l'ensemble de nos aides à l'emploi, et notamment faire le bilan des exonérations de cotisations sociales en fonction des créations effectives d'emplois ou de leur maintien. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Richard Mallié. Et demain, on rase gratis !

M. François Hollande. En ce qui concerne l'assurance maladie, vous venez enfin de renoncer à légiférer par ordonnances. Il y aura donc un débat parlementaire, ce qui constitue à nos yeux un progrès, s'agissant d'un des fondements du pacte social. Nous sommes prêts à nous y engager pleinement.

M. Richard Mallié. En déposant combien d'amendements ?

M. François Hollande. Nous l'avons déjà montré, pour l'établissement du diagnostic, dans le cadre du Haut conseil de l'assurance maladie.

Mais la démocratie, c'est la clarté. Le lieu de la décision, c'est le Parlement. C'est là que Gouvernement et opposition prendront leurs responsabilités devant les Français.

L'union nationale, en forme de SOS, ne se décrète pas. Seul compte pour nous l'intérêt général (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), c'est-à-dire la garantie des fondements de la sécurité sociale. (Nouveaux applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

D'ores et déjà, je veux fixer les principes qui, pour nous, sont essentiels...

Le premier, c'est la solidarité, à travers une prise en charge des soins de tous les Français à un niveau élevé ;

Le deuxième, c'est la qualité de notre système de soins, par une amélioration de la formation des personnels et une évaluation de toutes les structures, publiques comme privées ;

Le troisième principe, c'est la responsabilité dans la prescription des soins et dans l'ordonnancement des dépenses ;

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Baratin !

M. François Hollande. Le quatrième principe, c'est l'égalité dans l'accès à la santé, sur le plan territorial comme sur le plan individuel (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) ;

Enfin, le dernier principe, c'est la justice dans le financement : la CSG comme contribution essentielle des ménages, et une cotisation sur l'ensemble de la richesse produite, c'est-à-dire aussi sur le capital, pour les entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous serons également vigilants sur la manière dont vous comblerez le trou financier de 40 milliards d'euros que vous avez laissé se creuser depuis deux ans. Cela ne peut pas se faire par une ponction sur les assurés sociaux, ce qui déprimerait encore davantage la consommation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Vous avez évoqué la cohésion sociale. Nous préférons parler d'égalité républicaine.

D'abord, l'école, au-delà des mots que chacun emploie à cette tribune, doit se voir donner les moyens effectifs de relever le défi que vous lui lancez (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste), le défi de l'égalité, de la réussite, notamment pour accompagner les élèves les plus en difficulté du fait de leurs origines sociales ou géographiques.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Baratin !

M. François Hollande. Ensuite, une priorité doit être accordée au logement : un plan massif de construction et de réhabilitation s'impose. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Vous avez baissé les crédits du logement. Il faut aller vers la reconnaissance d'un droit opposable au logement, qui permettra de régler les situations d'urgence et le problème du logement social mais aussi de résoudre la question du logement des catégories moyennes, qui cherchent vainement dans nos villes à accéder à la propriété.

M. Claude Goasguen. Dites-le au maire de Paris !

M. François Hollande. L'égalité républicaine impose enfin que la lutte contre les discriminations soit accélérée, et qu'une loi complète celle que nous avons votée sur la laïcité à l'école.

J'en termine (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ...

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs, nous avons les uns et les autres à tirer les leçons du vote de nos concitoyens.

La première, c'est qu'il n'y a pas de confiance possible sans projet collectif.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Quel est le vôtre ?

M. François Hollande. Celui que vous proposez avec le Président de la République, c'est l'adaptation à la mondialisation libérale. Mais l'adaptation, ce n'est pas une ambition, c'est une résignation à l'ordre de la mondialisation libérale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Etienne Blanc. Supermenteur !

M. François Hollande. La deuxième leçon, c'est qu'il n'y a pas de réforme possible sans justice sociale. Réformer, ce n'est pas défaire les acquis sociaux, c'est les préserver durablement. C'est la régression qui dévoie la notion même de réforme. C'est pourquoi, nous, les socialistes, nous entendons réhabiliter la réforme. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. On croit rêver !

M. François Hollande. Enfin, il n'y a pas de changement durable sans démocratie participative. Les Français veulent être associés aux décisions qui les concernent, les partenaires sociaux veulent un véritable dialogue, et l'opposition, au Parlement, et c'est bien le moins, demande à être reconnue.

M. Richard Mallié. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?

M. François Hollande. Vous l'avez ignorée depuis deux ans. Convenez que les Français ont eu envers elle plus d'indulgence que vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Alors, à ce moment, notre responsabilité aux uns et aux autres, c'est de donner confiance dans la politique, dans la démocratie et dans l'avenir. Je ne suis pas sûr que cette responsabilité, vous l'ayez prise aujourd'hui, monsieur le Premier ministre.

La confiance qui était pour vous il y a deux ans la « clé de tout » - c'est votre formule -, vous n'avez pas su la faire vivre. Vous l'avez laissée d'abord s'éroder puis maintenant s'écrouler. Vos orientations d'aujourd'hui ne peuvent la rétablir. Alors, certes, vous la trouverez ici auprès de votre majorité, mais elle sera arithmétique. Une chose est déjà sûre, vous n'avez plus celle des Français. Vous n'aurez pas non plus celle des socialistes ! (Les députés du groupe socialiste se lèvent et applaudissent longuement. - Huées sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, dernier orateur inscrit.

M. Noël Mamère. Monsieur le Premier ministre, votre amour-propre dût-il en souffrir, on se demande quel sens politique a l'expression « Premier ministre », tant il est vrai que nous avons le sentiment désagréable d'assister à un jeu de dupes dans cet hémicycle puisque, depuis le 28 mars, la politique se fait non pas à Matignon mais à l'Elysée, et d'être en face d'un Premier ministre virtuel, titulaire d'un contrat de mission provisoire qui durera jusqu'aux élections européennes.

M. Bernard Accoyer. Vous n'en savez rien !

M. Noël Mamère. Vous avez parlé tout à l'heure d'immobilisme. Vous devriez balayer devant la porte de votre gouvernement car, lorsqu'on est désavoué d'une manière aussi massive par le peuple français et que l'on décide de rester au gouvernement, c'est de l'immobilisme, de l'obstination et de la résistance.

M. Jean-Claude Thomas. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?

M. Noël Mamère. Vous êtes en train d'inaugurer une nouvelle forme de cohabitation avec le peuple français. Il ne veut plus de vous ni de votre gouvernement, il ne veut plus de la politique inspirée par le Président de la République. Mais les institutions sont telles que le peuple réel va être obligé de la subir encore pendant quelques mois.

Dans votre déclaration, vous n'avez à aucun moment parlé de précarité, de redistribution, et, pourtant, vous prétendez être maintenant le nouveau chantre de la politique sociale. Vous avez beaucoup parlé de croissance, de richesses, mais la croissance dont vous nous parlez, nous les Verts, nous la gauche, nous n'en voulons pas (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), car elle est fondée sur les inégalités, l'injustice, la brutalité, celle qui s'en prend à toutes les catégories de Français qui n'ont pas la chance d'être de votre côté, du côté du MEDEF (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), qui ne sont pas les Zidane de la France, mais qui paient durement votre politique d'injustice.

Quand le Président de la République nous annonce qu'il va régler le problème de l'allocation spécifique de solidarité, il oublie de préciser qu'il a jeté avec votre gouvernement plus de 250 000 personnes dans l'exclusion en supprimant les indemnités du RMI. Vous avez mis en place le revenu minimum d'activité, qui est un revenu minimum qui permet tout simplement d'avoir des travaux au rabais, des salariés au rabais. Oui, ce sont de nouvelles formes d'esclavage moderne que vous êtes en train de mettre en place (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), parce que votre gouvernement est un gouvernement conservateur, idéologue,...

M. Richard Mallié. C'est l'hôpital qui se moque de la charité ! Quel culot !

M. Noël Mamère. ...qui pratique le déni démocratique.

Vous nous avez annoncé tout à l'heure que vous alliez mettre en place le réacteur à eau pressurisée. Comment pouvez-vous nous faire de telles annonces alors que vous avez organisé à grand tralala un débat sur l'énergie avec feu Mme  Fontaine, qui appartenait à votre gouvernement ? Vous avez fait croire que vous étiez là pour consulter les Français afin de savoir quelle devait être la politique énergétique de notre pays, et vous voulez nous imposer de vivre encore près de trente ans sous l'hégémonie de l'énergie nucléaire. Il s'agit d'un véritable déni démocratique que nous ne pouvons pas accepter ! Le parti socialiste, lui, a évolué sur cette question (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), et la majorité de son bureau national a dit non à la mise en œuvre d'un tel réacteur.

M. Edouard Landrain. Les socialistes n'applaudissent pas !

M. Noël Mamère. Votre gouvernement est un gouvernement de contre-réforme, de casse sociale.

Je voudrais vous donner un autre exemple de votre surdité et du fait que ce n'est pas parce qu'il y a un 28 mars que vous allez changer.

Avec des députés de votre majorité, nous avons mis en place un comité de suivi sur la question des intermittents. Nous avons été reçus par l'ancien ministre de la culture mais, pour l'instant, nous ne voyons rien venir. La seule réponse que nous entendions de la part du Président de la République, c'est qu'il faut régler la question des jeunes artistes. Non, il faut régler la question de l'exception culturelle française...

M. Jean-Claude Thomas. Tout ce que vous n'avez pas réglé !

M. Noël Mamère. ...et se donner les moyens d'une culture qui rayonne à l'extérieur des frontières de la France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Méhaignerie. Démago !

M. Noël Mamère. Nous ne pouvons pas accepter les propositions que vous avez formulées sur un certain nombre de sujets, et je pense en particulier à l'assurance maladie. Mis à part le fait que vous ne recourrez pas aux ordonnances, vous ne nous avez pas dit comment vous alliez vous y prendre, et vous vous gardez bien de le faire. Or les assurances privées vont maintenant intervenir en ce domaine et nous nous acheminons jour après jour vers un projet dangereux qui va instituer une protection sociale à deux vitesses, une médecine à deux vitesses, exactement comme le prévoit votre projet « Hôpital 2007 ».

Dans ces conditions, monsieur le Premier ministre, vous comprenez bien que les Verts ne pourront pas voter la confiance que vous nous demandez...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Surtout pas !

M. Noël Mamère. ...parce que le peuple de France n'a plus confiance en vous. Ce n'est pas simplement le peuple de gauche, c'est l'ensemble des Français qui ne veulent plus de votre politique. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Le débat est clos.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. le Premier ministre. D'abord, monsieur Leroy, je vous remercie de m'avoir invité à venir devant le groupe UDF. Je serai très heureux de pouvoir pratiquer ce dialogue (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste) et nous aurons en effet à parler.

Vous avez eu raison de dire que la justice était le moyen et la fin de la réforme. J'ai moi-même parlé de « réforme juste ». Le levier de la réforme dans notre pays, c'est la justice. C'est la raison pour laquelle il faut garder le cap des réformes, mais des réformes justes. C'est l'engagement que je prends en vous demandant votre confiance.

Monsieur Barrot, je partage votre réflexion sur le développement de l'emploi et sur la nécessaire dynamique de l'innovation. La loi de mobilisation pour l'emploi devra être une loi de solidarité pour les salariés et pour tous ceux qui ont besoin d'une seconde chance, notamment pour tous ceux qui sont exclus du système éducatif sans qualification. Elle devra aussi lutter contre les pesanteurs qui empêchent les entreprises d'embaucher autant qu'elles le voudraient.

Vous avez parlé, monsieur Bocquet, monsieur Mamère, des relations entre Matignon et l'Elysée. Mais la cohabitation, c'est fini. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il est dès lors tout à fait normal qu'un Premier ministre travaille en cohérence et en confiance avec le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est ma fierté, et je crois que c'est là un bon fonctionnement du dispositif institutionnel. Les Français ne doivent pas regretter le temps où, de l'hôtel Matignon, on était mobilisé en attendant de pouvoir envoyer des missiles sur le palais de l'Elysée...

M. Jean Glavany. Et pas dans l'autre sens ?

M. le Premier ministre. ...pour paralyser l'action et faire en sorte que les tensions dans la République freinent le bon fonctionnement de nos institutions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le Président fixe le cap, le Gouvernement doit engager l'action dans la direction qui lui a été fixée. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Je veux dire à M. Hollande que, s'agissant des finances publiques, nous avons exactement respecté, tout au long de l'année 2003, la norme de dépense pour laquelle nous nous étions engagés et que le Parlement avait votée : 273,8 milliards d'euros.

M. Didier Migaud. Ce n'est pas la question !

M. le Premier ministre. Nous avons maîtrisé la dépense.

Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est faux !

M. le Premier ministre. C'est en effet la rupture de la croissance qui nous a empêchés d'obtenir toutes les rentrées fiscales que nous pouvions espérer. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Pourquoi cette rupture ? Parce que la politique qui a été menée pendant cinq a cassé la croissance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean Glavany. Non ! Ce n'est plus la faute à Jospin, c'est la faute à Raffarin !

M. le Premier ministre. Les chiffres sont là : 4 % en 2000, 2 % en 2001, 1 % en 2002 ! Une croissance divisée par quatre en deux ans : voilà le bilan de la politique de finances publiques menée par nos prédécesseurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Hollande dit vouloir réhabiliter la réforme. C'est une bonne nouvelle. Je suis très heureux que le parti socialiste rejoigne le camp des réformateurs !

M. François Hollande. Laissez-nous la place !

M. le Premier ministre. Mais si vous voulez réformer, pourquoi ces cinq années d'immobilisme, d'inaction ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Sur des sujets majeurs, les réformes n'ont pas été engagées par le précédent gouvernement !

M. François Hollande. Gardez-le ! On vous le laisse ! Vous avez trouvé votre chef !

M. le Premier ministre. Je pense notamment aux trois grands défis auxquels est confrontée la société française.

Le défi de la démographie d'abord. Ce n'est pas aujourd'hui qu'on découvre le vieillissement de la population. Qu'avez-vous fait pour les retraites, qu'avez-vous fait face à l'évolution de la démographie ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Aujourd'hui, qu'il s'agisse de la santé, de la dépendance, des retraites, nous devons relever un vrai défi. Nous nous donnerons les moyens de relever le défi démographique, qui touche non seulement la France mais l'Europe dans son ensemble.

Le deuxième défi est celui de la cohésion sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous assistons à la montée des égoïstes, des individualismes, des communautarismes. Il nous faut rassembler la France autour de ses valeurs républicaines.

Ce que nous avons fait en matière de laïcité, nous devons le faire dans ce domaine en menant une politique de cohésion sociale qui rassemble tous les moyens dont les Français les plus fragiles ont besoin.

M. François Loncle. Pitoyable !

M. le Premier ministre. Le droit au logement est le premier des droits. En faisant dépendre le logement du ministère de la cohésion sociale, nous mobilisons l'ensemble des moyens au profit des plus fragiles.

Le troisième défi est celui de la France en Europe. Une nouvelle Europe se construit, une nouvelle géographie se met en place à partir du 1er mai et avec elle de nouvelles institutions.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Sans vous !

M. le Premier ministre. Il nous faut faire en sorte que les idées et les valeurs de la France réussissent en Europe. C'est là notre ambition et elle n'est pas médiocre. La réussite française doit pouvoir inspirer le dessein européen.

Voilà pourquoi nous devons faire des réformes justes pour que la France irrigue de ses valeurs et de ses forces l'Europe qui se dessine en ce début du XXIe siècle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Mes chers collègues, le Premier ministre ayant engagé la responsabilité du Gouvernement en application de l'article 49, alinéa premier, de la Constitution, je vais mettre aux voix l'approbation de sa déclaration de politique générale.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Le vote se déroulera dans les salles voisines de la salle des séances.

Le scrutin va être ouvert pour une heure. Il sera donc clos à dix-huit heures vingt.

Je vais maintenant suspendre la séance. Elle sera reprise, pour la proclamation du résultat, vers dix-huit heures trente.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 557

              Nombre de suffrages exprimés 557

              Majorité absolue des suffrages exprimés....... 279

        Pour l'approbation 379

        Contre 178

L'Assemblée nationale a approuvé la déclaration de politique générale du Gouvernement.

    3

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 8 avril inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu.

    4

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Mardi 6 avril, à neuf heures trente, première séance publique :

Questions orales sans débat.

A quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement.

A vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 1335, portant transposition de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau :

M. André Flajolet, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 1466).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures trente.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot