Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2003-2004)

 

Deuxième séance du jeudi 8 avril 2004

191e séance de la session ordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE

Suite de la discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la politique de santé publique (nos 1364, 1473).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l'Assemblée a commencé l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 72 portant article additionnel après l'article 5.

Après l'article 5

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l'amendement n° 72.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, mes chers collègues, cet amendement vise à définir les missions de la politique de prévention car, au cours de nos débats, nous nous gargarisons souvent de mots, voire de concepts, sans toujours savoir de quoi il retourne. Il s'agit de préciser ce qu'il faut entendre par le terme de « prévention ».

Il y a eu une évolution à cet égard. Nous ne parlons plus aujourd'hui de la prévention comme s'il s'agissait d'un seul bloc : elle se répartit désormais entre la prévention primaire, dont relèvent les politiques de dépistage qui influent sur les comportements, la prévention secondaire, qui consiste à favoriser les attitudes préventives dans le cadre des soins, et la prévention tertiaire, qui vise à réadapter l'individu victime d'une pathologie ou d'un handicap. Cet article additionnel a donc pour objet de préciser tous ces éléments constitutifs d'une politique de prévention.

Dire cela, ce n'est pas faire de l'académisme, mais tenir compte de la continuité de plus en plus grande entre, d'une part, les politiques de santé publique et, d'autre part, les politiques de santé, autrement dit entre ce qui relève classiquement de l'action de l'Etat par le biais de la création d'un environnement favorable à la santé - l'éducation pour la santé, la promotion sanitaire, les règles visant à ordonner l'environnement - et ce qui relève de la pratique des professionnels de santé quand la prévention est intégrée dans les modes de soins.

Les pathologies évoluant de plus en plus vers la chronicité, la politique de prévention va évidemment s'interpénétrer de plus en plus avec la pratique des soins. L'idée de faire de l'Etat le seul acteur légitime en matière préventive nous renvoie donc à une conception dépassée de la politique de prévention.

M. le président. La parole est à M. le président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales rapporteur. Cet amendement a été repoussé par la commission. J'ai déjà eu l'occasion de dire que ce type de disposition relevait davantage de l'exposé des motifs que du texte de loi lui-même.

Par ailleurs, je rappelle une fois encore que l'article 1er du projet de loi mentionne la politique de prévention parmi les éléments constitutifs de la politique de santé publique.

Cet avis défavorable me paraît d'une logique imparable.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 6 A

M. le président. Le Sénat a supprimé l'article 6 A.

Je suis saisi de trois amendements, nos 180, 73 corrigé et 301, qui tendent à le rétablir et peuvent être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 180.

Mme Jacqueline Fraysse. Mme Jacquaint, M. Gremetz et moi-même présentons cet amendement auquel nous tenons tout particulièrement, car je rappelle qu'à l'initiative des députés communistes, l'obligation d'une visite médicale annuelle, dans le cadre scolaire, avait été approuvée par le rapporteur et votée par l'Assemblée nationale en première lecture, après un avis favorable du Gouvernement.

Puis, pour des raisons que j'ignore, ce même ministre a changé d'avis au Sénat - M. Mattei n'est malheureusement plus ici pour nous éclairer à ce sujet. Sur proposition du Gouvernement, le Sénat a donc supprimé cette disposition, qui est pourtant élémentaire en matière de prévention puisqu'elle concerne la jeunesse et que la stratégie préventive repose avant tout sur un diagnostic précoce.

La seule explication de ce revirement, aussi imprécise soit-elle, a été exposée dans les motifs de l'amendement de suppression présenté par le Gouvernement : le coût financier serait trop élevé et les médecins scolaires trop peu nombreux pour satisfaire les besoins sanitaires de douze millions d'élèves. Un tel argument confirme les observations que j'ai faites lors de mon intervention générale d'hier, puisqu'il démontre la contradiction entre les déclarations gouvernementales, qui sont favorables au développement de la santé publique, et l'absence de moyens. Si le Gouvernement veut être concret et conséquent, il doit résoudre le problème de l'insuffisance des moyens consacrés à la prévention. Ce n'est évidemment pas en supprimant les tranches supérieures de l'impôt pour satisfaire les contribuables les plus aisés de notre pays qu'il sera possible de trouver les moyens nécessaires pour dépister les affections touchant les enfants, particulièrement ceux issus des familles les plus modestes.

De plus, l'argument du Gouvernement soulève la question de la formation des médecins. Certes, le numerus clausus a été relevé, mais dans des proportions tout à fait insuffisantes et sans prise en compte du trou démographique à combler. Je rappelle qu'il y a 2 170 médecins scolaires pour douze millions d'élèves ! Une telle disproportion devrait tout de même inciter à la réflexion et pousser à y remédier.

Je demande à tous les députés d'adopter cet amendement afin que soit rétablie la visite médicale annuelle pour les enfants et les adolescents. Chacun sait que les dépistages sont insuffisants en maternelle comme dans le primaire et que, dans les collèges et les lycées, sans même parler des universités, c'est carrément le désert ! Notre amendement devrait donc susciter un consensus dans cet hémicycle. Tout élu conscient de ses responsabilités, sérieux, raisonnable, et évidemment soucieux que soient prises les dispositions nécessaires pour rattraper le retard de notre pays et atteindre cet objectif de santé publique, ne pourra qu'approuver notre proposition. Comme en première lecture, un tel vote constituerait le début de l'amélioration concrète d'une situation inacceptable.

M. Patrick Braouezec. Et ce serait juste ! Il devrait y avoir au moins un petit consensus à ce sujet !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l'amendement n° 73 corrigé.

M. Jean-Marie Le Guen. Mme Fraysse a parfaitement exposé les arguments qui justifient aussi mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 301 n'est pas défendu.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 180 et 73 corrigé ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Il y a une différence entre les deux. Mme Fraysse propose une visite annuelle, tandis que M. Le Guen préconise une visite régulière.

M. Jean-Marie Le Guen. Je serais plutôt d'accord avec moi-même ! (Sourires.)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Premièrement, Mme Fraysse, en comparant le nombre de médecins scolaires et le nombre d'élèves, a elle-même montré que sa mesure serait inapplicable.

M. Patrick Braouezec. Il faut créer davantage de postes de médecins scolaires !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Deuxièmement, je suis quelque peu surpris que la commission des finances n'ait pas déclaré un tel amendement irrecevable au titre de l'article 40. C'est donc uniquement en raison de son inapplicabilité que la commission des affaires sociales l'a rejeté.

Par contre, je suis favorable à titre personnel à l'amendement de M. Le Guen qui prévoit simplement un contrôle médical de prévention et de dépistage effectué de façon régulière au cours de la scolarité.

M. Patrick Braouezec. Tous les quinze ans ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Notre souci commun, monsieur le rapporteur, est d'essayer de nous rapprocher des réalités. Dans l'absolu, Mme Fraysse a raison : il y a trop d'enfants qui ne voient jamais de médecins. La disparition du service militaire a d'ailleurs des incidences néfastes sur le traitement de certaines pathologies.

M. Patrick Braouezec. Tout à fait !

M. Jean-Marie Le Guen. Il faudrait en tirer les conséquences.

Certes, le contrôle sanitaire systématique à l'école pose des problèmes budgétaires. Mais il soulève aussi des difficultés de mobilisation des ressources disponibles, pas seulement d'ordre financier, mais humain.

Mme Jacqueline Fraysse. Bien sûr.

M. Jean-Marie Le Guen. Au regard de la démographie médicale, l'avenir s'avère problématique. Monsieur le ministre, j'ai proposé le contrôle médical régulier, même si le contrôle annuel serait meilleur.

Mme Jacqueline Fraysse. Il faut bien déterminer un seuil !

M. Jean-Marie Le Guen. J'ai voulu ainsi vous inviter à vous engager à revenir ultérieurement devant les députés, muni d'un plan sur ce sujet. De nombreux éléments propres à un diagnostic ou à un examen, dans le cadre du dépistage, pourraient être délégués à des professionnels de santé ayant reçu une formation ad hoc. Dès lors, ceux-ci pourraient faire un premier constat pour de nombreuses pathologies, entre autres les varicocèles.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. En effet.

M. Jean-Marie Le Guen. On pourrait très bien concevoir que l'Etat, soucieux de favoriser la prévention en milieu scolaire, imagine des procédures innovantes en faisant appel à des professionnels de santé. Car nous n'aurons pas le nombre de médecins suffisant, non seulement pour des raisons financières, mais aussi pour des raisons matérielles, tenant aux exigences de formation et à la situation démographique. Dans ces conditions, il serait bon d'imaginer de telles procédures qui nous permettraient, avec les moyens réellement disponibles, de mettre en place un véritable filet de sécurité en faveur de l'enfance et de l'adolescence.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements en discussion?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Comme M. Dubernard, je suis défavorable à l'amendement n° 180 et favorable à l'amendement n° 73 corrigé. Parler d'un contrôle médical de prévention et de dépistage effectué « de façon régulière » me paraît plus en phase avec le réel.

Surtout, je veux dire à M. Le Guen que je trouve très intéressante la piste qu'il nous propose d'explorer. Pourquoi ne pas faire intervenir aussi des réseaux de médecins libéraux dans le domaine de la médecine scolaire ? C'est vraiment une très bonne idée, sur laquelle il faudra travailler ensemble.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. M. le ministre vient d'ouvrir une piste. Certes, il faut former davantage de médecins scolaires, c'est une évidence. Il faut également revoir leur statut et leurs salaires - même si ce n'est pas le débat d'aujourd'hui. Mais pourquoi, en effet, ne pas travailler avec les réseaux de médecins de ville ? Ceux-ci pourraient tout à fait, au moins dans l'attente d'autres solutions, participer au dépistage chez les enfants, dans un cadre qui reste à définir. J'adhère donc à cette proposition.

Je suis d'accord, le cas échéant, pour soutenir l'amendement de M. Le Guen : qui peut le plus peut le moins. Mais je souligne, monsieur Le Guen, qu'en parlant d'un contrôle effectué « de façon régulière », vous n'imposez rien. Cela peut vouloir dire un contrôle tous les dix ans, tous les quinze ans, tous les vingt ans...

M. Patrick Braouezec. C'est très aléatoire !

Mme Jacqueline Fraysse. Cette formule introduit tout de même l'idée qu'il faudrait s'occuper de prévention et de dépistage. Très bien ! Il est dommage que cette idée n'ait pas figuré dans le texte. Mais je pense qu'il faudrait définir la régularité des contrôles et s'engager à mobiliser, aujourd'hui et demain, des moyens qui permettent de l'assurer. Parce que, pour le moment, le texte prend simplement acte de l'insuffisance des moyens. Et du coup, on ne fait rien. Cela ne nous va pas !

M. le président. Madame Fraysse, retirez-vous votre amendement ?

Mme Jacqueline Fraysse. Non, je le maintiens. Simplement, je voterai l'amendement de M. Le Guen si le mien n'est pas adopté.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 180.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 73 corrigé.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

En conséquence de l'adoption de cet amendement, l'article 6 A se trouve ainsi rétabli.

Avant l'article 6

M. le président. L'amendement n° 208 de M. Pinte, portant article additionnel avant l'article 6, n'est pas défendu.

Après l'article 6

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 136 portant article additionnel après l'article 6.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le soutenir.

M. Jean-Luc Préel. Si les personnes âgées sont bien vaccinées contre la grippe, il n'en est pas de même pour le pneumocoque 23, qui est pourtant très dangereux et pourrait provoquer de nombreux décès en hiver chez les personnes âgées fragiles. Sur 30 000 décès dus à des infections, 10 000 lui seraient directement imputables.

Il conviendrait donc d'informer les personnes âgées de ces menaces et de mener une campagne de vaccination chez les plus de 65 ans au rythme d'un vaccin tous les cinq ans. L'Académie de médecine l'a demandé à plusieurs reprises.

M. le ministre et M. le directeur de la santé ont sûrement reçu les vœux de l'Académie de médecine. Je pense donc qu'ils ne peuvent être que favorables à une telle demande.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. La commission avait déjà rejeté cet amendement en première lecture, estimant que la vaccination contre le pneumocoque 23 - lequel pose un véritable problème, M. Préel a raison de le souligner - relève plus du règlement que de la loi.

Ce que je vous propose, monsieur Préel, c'est de retirer votre amendement si le ministre s'engage à promouvoir cette vaccination. Cela me paraît un moyen terme satisfaisant, comme je l'ai déjà dit au ministre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je m'engage évidemment à développer et améliorer la vaccination contre ce pneumocoque.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Dans ces conditions, je suis bien sûr prêt à retirer cet amendement, mais en rappelant que l'Académie de médecine a insisté à plusieurs reprises sur ce problème et qu'elle n'a pas été entendue à ce jour.

Je suis content, monsieur le ministre, que dès votre arrivée vous soyez décidé à renforcer la lutte contre le pneumocoque 23. Merci beaucoup. Je retire donc bien volontiers cet amendement. Et je peux dès maintenant vous annoncer, monsieur le président, que je retire l'amendement n° 162, qui traite lui aussi du pneumocoque 23.

M. le président. L'amendement n° 136 est retiré et nous passons à votre amendement n° 137, monsieur Préel.

M. Jean-Luc Préel. La prématurité est, chacun le sait, favorisée par les grossesses gémellaires, notamment dans le cas de procréation médicalement assistée. Les prématurés présentent souvent des troubles importants, notamment neuropsychiques. Il conviendrait donc de mener une politique de santé publique tendant à diminuer la prématurité et ses conséquences.

Attention, il ne s'agit pas de jeter un quelconque discrédit sur les prématurés ! D'ailleurs, monsieur le rapporteur, vous qui avez souri lorsque nous avons abordé ce sujet en première lecture, sachez que l'un de mes grands-pères était un grand prématuré, ce qui ne l'a pas empêché, à son époque, de se développer normalement. (Sourires.)

Il n'en demeure pas moins que les pédiatres connaissent les problèmes liés à la grande prématurité. Il est donc souhaitable de s'attaquer à ce problème.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. M. Préel avait retiré cet amendement lors de la première lecture. Je ne ferai pas de commentaire sur sa lignée génétique. (Sourires.) Je rappellerai simplement que ce qui nous avait fait sourire à l'époque, c'est qu'une certaine confusion pouvait conduire à considérer la grossesse gémellaire comme une pathologie.

Quoi qu'il en soit, la commission a rejeté l'amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Après l'article 7

M. le président. L'amendement n° 162 portant article additionnel après l'article 7 a été retiré par M. Préel.

Article 7 bis

M. le président. Nous en venons à l'examen de l'article 7 bis.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, inscrit sur l'article.

M. Jean-Marie Le Guen. Je ne voudrais pas que l'on puisse dire que le Sénat a été plus sage que l'Assemblée nationale. Mais il reste que, dans sa grande sagesse, il a commencé, ce que nous n'avions pu faire en première lecture, à avancer sur la question du soutènement juridique de la politique de réduction des risques. L'amendement n° 234 propose de modifier le texte rédigé par les sénateurs. Il s'agit de préciser que dans la politique de réduction des risques, on ne doit pas seulement prendre en compte les dommages sociaux, mais aussi les dommages psychologiques, notamment ceux liés à la consommation de stupéfiants, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 234 et 368, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 234 vient d'être défendu par M. le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Et j'ai défendu par la même occasion l'amendement n° 235, monsieur le président.

M. le président. Très bien !

La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 368.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il convient d'ajouter les dommages psychologiques dans la définition de la politique de réduction des risques, tout en centrant cette définition sur l'usage même des stupéfiants.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. La commission a accepté l'amendement n° 234 de M. Le Guen.

Elle n'a pas examiné l'amendement n° 368 du Gouvernement. A titre personnel, j'y suis favorable.

M. Jean-Marie Le Guen. Mais il est moins bon que l'amendement n° 234 !

M. le président. Monsieur le rapporteur, vous êtes, du coup, défavorable à l'amendement n° 234 ?

M. Jean-Marie Le Guen. Ah non ! Le rapporteur n'a pas le droit de revenir sur le vote de la commission !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Je me suis exprimé à titre personnel, monsieur Le Guen. J'ai bien rappelé que la commission, n'ayant pas examiné l'amendement n° 368, avait donné un avis favorable à votre amendement n° 234.

M. Jean-Marie Le Guen. Je voudrais que M. le ministre nous explique pourquoi il s'est senti obligé, en dehors de la procédure parlementaire, de présenter un amendement alors qu'un autre amendement avait déjà été adopté à l'unanimité par notre commission. Comment se fait-il que l'amendement du Gouvernement dise la même chose d'une façon moins précise ? J'attends des explications du Gouvernement.

M. le président. Pourquoi avez-vous ainsi resserré la pensée de M. Le Guen, monsieur le ministre ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Oh, c'est très simple. L'amendement de M. Le Guen faisait référence à l'ensemble des addictions. Il nous a paru préférable de parler de « dommages psychologiques ». Voilà la réponse très précise que je peux faire à M. Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. M. le ministre n'a manifestement pas lu l'amendement n° 234 !

M. le président. Monsieur Le Guen, vous ne pouvez pas faire les questions et les réponses en intervenant au nom du rapporteur et au nom du ministre !

Je mets aux voix l'amendement n° 234.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 368.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 235 et 370, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 235 a été défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Même chose que pour les deux amendements précédents. La commission a adopté l'amendement n° 235. Le Gouvernement a déposé ensuite un amendement n° 370, que la commission n'a pas examiné mais auquel je suis favorable à titre personnel.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement du Gouvernement n'a pas non plus été examiné par la commission qui avait accepté à l'unanimité ceux de l'opposition. Cette fois-ci, la concision, argument justifiant le dépôt de l'amendement précédent du Gouvernement, est de mon côté. Le Gouvernement devrait donc retirer son amendement...

Mme Jacqueline Fraysse. Au profit du vôtre !

M. Jean-Marie Le Guen. ...au profit du mien, qui est plus précis.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je suis du même avis que le président de la commission.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Qui pense juste et qui est favorable à l'amendement du Gouvernement.

M. Claude Evin. Pour quelle raison ?

M. le président. Ne compliquons pas ce qui me paraît très simple : l'amendement n° 235 a reçu un avis défavorable du rapporteur et du Gouvernement.

M. Jean-Marie Le Guen. Le rapporteur ne peut pas être contre puisque la commission est pour !

M. le président. Il a précisé qu'il s'exprimait à titre personnel.

Je mets aux voix l'amendement n° 235.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 370 du Gouvernement, auquel le président de la commission est personnellement favorable.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous sommes sur la mauvaise pente et nous risquons de ne pas terminer ce débat rapidement ! Alors qu'on nous explique que nous devons travailler dans le rassemblement, dans l'union nationale, dans le consensus, le Gouvernement en est à faire battre, en ignorant la procédure parlementaire, des amendements de l'opposition adoptés par la commission pour faire passer les siens qui disent exactement la même chose et qui ont été déposés après ! Ne nous parlez plus d'unité nationale, monsieur le ministre !

M. le président. Monsieur Le Guen, j'ai essayé à deux ou trois reprises de guider le débat pour le simplifier. Je n'y suis pas parvenu, je le regrette.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. M. Le Guen n'a pas tout compris. Qu'il ne croie pas que c'est une mauvaise manière juridique. Je pense qu'il voulait parler de l'ensemble des addictions. Il y a donc une logique dans tout ce qui vient de se passer depuis cinq minutes.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 366 de M. Dubernard.

Vous avez la parole, monsieur le président de la commission.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 366.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l'amendement n° 236.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement tend à préciser que la stratégie de réduction des risques ne doit pas être laissée à l'initiative de tel ou tel, mais doit être coordonnée sous la responsabilité de l'administration du ministère de la santé. La Commission nationale de réduction des risques doit, à cet effet, être consultée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Cette commission nationale de réduction des risques, monsieur Le Guen, n'existe apparemment pas. Peut-être serait-il logique de retirer l'amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Avis conforme à celui de la commission.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Le Guen ?

M. Jean-Marie Le Guen.Je le maintiens. Nous ne sommes pas obligés d'aller au consensus.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 236.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7 bis, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 7 bis, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 7 bis

M. le président. Je suis saisi de l'amendement n° 233, portant article additionnel après l'article 7 bis.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le soutenir.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement vise à renforcer la situation juridique des personnes qui interviennent dans la politique de réduction des risques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. L'amendement a été accepté par la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 233.

(L'amendement est adopté.)

Article 10 A

M. le président. Je suis saisi de l'amendement n° 182.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. Le présent article définit les missions et les responsabilités de l'Institut national de veille sanitaire créé en 1998.

A l'occasion de l'examen de ce texte en première lecture par l'Assemblée nationale, un amendement a ajouté aux missions de l'INVS la centralisation de toutes les données concernant les accidents du travail, les maladies professionnelles, reconnues ou non, et les risques sanitaires en milieu de travail. Cette mesure constitue une avancée positive. En effet, nous manquons de données exhaustives, centralisées et consolidées sur les questions de santé au travail. Cette absence prête trop souvent le flanc, vous le savez, à un refus des pouvoirs publics de remplacer des produits toxiques par d'autres ou d'en interdire certains particulièrement dangereux. Par conséquent, il nous semble essentiel d'améliorer largement le système de collecte, de traitement, de prise en compte et d'analyse des accidents du travail et des maladies professionnelles.

La mission confiée à l'Institut national de veille sanitaire de centraliser toutes les données relatives aux accidents du travail, aux maladies professionnelles et aux maladies non reconnues, ainsi qu'aux risques professionnels, peut aboutir à la création par l'institut d'un nouvel indicateur national sur la santé au travail à une condition qui nous semble utile : l'augmentation des moyens financiers et humains du département santé-travail de cet organisme. Il nous semble aussi essentiel que les salariés soient informés de leur environnement professionnel. Cela suppose qu'en cas d'étude de l'INVS observant des phénomènes importants, des rapports soient adressés aux représentants des salariés élus au CHSCT.

L'objectif de cet amendement est donc de veiller à la transparence et à la bonne information des élus des personnels par les études de l'INVS.

Le coût de cet amendement est minime. Il ne doit donc pas tomber sous le couperet de l'article 40.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Monsieur Braouezec, rien n'empêche l'INVS de contacter les CHSCT.

M. Patrick Braouezec. Mais rien ne l'y oblige !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Au demeurant, je vous rappelle que les CHSCT s'occupent des conditions de travail et que l'INVS est avant tout chargé de la surveillance épidémiologique. Donc, l'amendement risquerait d'introduire une certaine confusion.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 182.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10 A.

(L'article 10 A est adopté.)

Articles 10 B et 10 C

M. le président. Les articles 10 B et 10 C ne font l'objet d'aucun amendement.

Je mets aux voix l'article 10 B.

(L'article 10 B est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10 C.

(L'article 10 C est adopté.)

Article 10

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 74.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement a été défendu en première lecture.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 336 du Gouvernement.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il est souhaitable de maintenir l'article L. 1311-4 du code de la santé publique que le II de l'article 10 prévoyait d'abroger, mais qui est utilisé fréquemment par les services santé-environnement des DDASS en étroite relation avec les maires, souvent à l'origine de la constatation de situations sanitaires d'urgence, pour résoudre ces problèmes très locaux.

C'est la raison pour laquelle l'article L. 1311-4 serait ainsi rédigé : « En cas d'urgence, notamment de danger ponctuel imminent pour la santé publique, le représentant de l'Etat dans le département peut ordonner l'exécution immédiate, tous droits réservés, des mesures prescrites par les règles d'hygiène prévues au présent chapitre. »

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. La commission a accepté l'amendement du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 336.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié par l'amendement n° 336.

(L'article 10, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 10 ter et 11

M. le président. Les articles 10 ter et 11 ne font l'objet d'aucun amendement.

Je mets aux voix l'article 10 ter.

(L'article 10 ter est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 11.

(L'article 11 est adopté.)

Article 12 bis

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 266.

La parole est à M. Yves Bur, pour le soutenir.

M. Yves Bur. Il concerne l'Agence française des sécurité sanitaire des produits de santé. Les aménagements apportés par cet amendement visent à bien cibler les deux cas où une information de l'AFSSAPS par les entreprises exploitant des médicaments est nécessaire en termes de santé publique : ceux qui sont liés à un problème inhérent au producteur qui ne doivent être signalés à l'agence que lorsqu'il s'agit de médicaments sans alternative thérapeutique - c'est une question de sécurité sanitaire - et ceux qui résultent d'un accroissement brutal de la demande, notamment en cas d'épidémie, qui doivent être signalés même s'il existe des produits équivalents puisque ces derniers seront confrontés au même risque de rupture.

Ces aménagements apportent une précision et correspondent à une simplification de la procédure de déclaration.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Convaincue par la brillante argumentation de M. Bur, la commission a accepté l'amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 266.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 12 bis est ainsi rédigé.

Article 13

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 319 du Gouvernement.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Cet amendement tend à supprimer le I de l'article 13, qui fait double emploi avec l'ordonnance du 25 mars 2004 relative aux simplifications en matière d'enquêtes statistiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Favorable.

M. le président. Souhaitez-vous intervenir, monsieur Le Guen ?

M. Jean-Marie Le Guen. Je défendrai dans un instant mon amendement n° 75.

M. le président. Mais je vous signale que l'adoption de l'amendement du Gouvernement, qui me paraît probable, ferait tomber le vôtre.

M. Jean-Marie Le Guen. Merci de cette précision, monsieur le président. Je n'ai pas étudié de près l'amendement du Gouvernement et j'ignore s'il répond aux préoccupations exprimées par mon amendement n° 75, mais j'imagine que M. le ministre pourra me le préciser.

Dans la rédaction initiale du texte, il était question des services statistiques de l'Etat au sens large, et non pas des services statistiques ressortissant à la problématique de santé publique. Sans prôner une confidentialité qui n'est pas forcément de mise, il convient, en tout état de cause, que le ministère de la santé garde un œil sur ce qui constitue, en quelque sorte, son patrimoine statistique, et qu'il ne le laisse pas se diluer dans n'importe quelle administration. L'idée était donc de focaliser ces systèmes d'information sur le ministère de la santé.

Je ne sais si mon amendement tombe parce que celui du Gouvernement correspond à cette préoccupation ou pour un motif, dirai-je, d'« accroche stylistique », auquel cas, monsieur le ministre, je vous demanderai de bien vouloir réintroduire la précision que je propose. Celle-ci ne va pas du tout à l'encontre de ce que vous souhaitez mais renforcera, je crois, l'autonomie et la responsabilité de votre ministère, tout en protégeant davantage les assurés.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. J'ignorais que vous n'aviez pas lu l'exposé des motifs de l'amendement n° 319, qui va exactement dans votre sens. Jugez-en : « Toutes les mesures particulières visant à encadrer l'usage et à renforcer la confidentialité des données personnelles de santé, introduites dans le texte de loi à la demande de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, du Conseil national de l'ordre des médecins et des associations de patients ont été reprises dans le texte de cette ordonnance. »

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 319.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements n°s 138 de M. Préel et 75 de M. Jean-Marie Le Guen tombent.

Je mets aux voix l'article 13, modifié par l'amendement n° 319.

(L'article 13, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 13

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 139 de M. Préel.

M. Jean-Luc Préel. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 139.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 140.

M. Jean-Luc Préel. Défendu !

M. le président. Avis également défavorable de la commission et du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 140.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 13 ter

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, inscrite sur l'article.

Mme Jacqueline Fraysse. Au chapitre IV du titre II bis, qui vise à définir les modalités d'investissement et d'intervention, les articles 13 ter et 13 quater A autorisent la création de sociétés d'économie mixte locales dédiées à l'investissement sanitaire ainsi que la participation des établissements de santé publics et privés à leur capital, et fixent les conditions précises de représentation des établissements dans les organes dirigeants de ces SEML.

Ces dispositions font suite à une première tentative effectuée au Sénat, à l'occasion de l'examen du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit. Il s'agissait alors, plus abruptement, d'autoriser les établissements de santé à prendre des participations dans des sociétés d'économie mixte. Le Sénat l'avait refusé, en arguant des risques inconsidérés que cela aurait fait courir aux établissements publics de santé, dont l'objet social n'est évidemment pas de financer des infrastructures locales.

Pourquoi alors insister et proposer à nouveau la participation des établissements de santé au capital des sociétés d'économie mixte dédiées au sanitaire ? S'agit-il, très concrètement, de favoriser le dialogue entre public et privé, et d'engager la coopération entre ces deux secteurs de l'offre de soins ? Peut-on réellement affirmer, avec notre rapporteur, que l'intention est de décloisonner ces deux secteurs de l'hospitalisation, nourris à la même source de financement, l'assurance maladie ?

Cette vision simpliste et idéalisée de la recherche de cohésion entre les secteurs privé et public de l'hospitalisation me semble faire abstraction d'un certain nombre d'éléments qui limitent la portée idyllique de l'intention. N'oublions pas que cette marche vers la participation financière des établissements de santé au capital des SEML s'inscrit dans le cadre du plan Hôpital 2007, de l'ordonnance n° 2003-850 du 4 septembre 2003 portant simplification de l'organisation et du fonctionnement du système de santé, et du projet de loi relatif à la décentralisation et aux responsabilités locales. Or ces mesures et projets, dont j'ai par ailleurs dénoncé l'esprit et les dangereuses implications, incitent tous trois à la généralisation, dans notre système hospitalier public, du recours au marché et aux règles du marché.

L'un des axes du projet Hôpital 2007 est ainsi de créer une ligne d'investissement pour l'hôpital sans peser sur les finances publiques. Les mots ont un sens : il s'agit de financer des projets au moyen d'emprunts bancaires classiques en ouvrant la durée de remboursement au très long terme. Cette procédure d'endettement des établissements publics va généraliser la pénétration et l'implantation des organismes bancaires privés dans un secteur en plein développement, mais où leur présence ne se justifie pas puisqu'il est supposé être non marchand.

Quant à la mise en œuvre de l'ordonnance de simplification du système de santé, elle vise à installer la concurrence dans les procédures d'investissement immobilier des établissements publics de santé. Ces derniers, ainsi que les structures de coopération sanitaire publiques, pourront dorénavant, au même titre que les établissements privés, confier à des acteurs privés leurs missions d'investissement immobilier.

M. Yves Bur. On fait de même dans toutes les communes, y compris la vôtre !

Mme Jacqueline Fraysse. Il est dangereux pour la qualité du système de santé d'entrer dans une logique d'appel d'offres au moins-disant. Et souvenez-vous, mes chers collègues, des surcoûts de la construction de l'Opéra Bastille ou de la Grande Bibliothèque de France. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Bur. Il faut vous en prendre à vous-mêmes !

M. François Vannson. Ce sont les œuvres de la gauche !

Mme Jacqueline Fraysse. En outre, cette nouvelle procédure contribue encore à installer pour longtemps le secteur privé dans le fonctionnement des établissements publics de santé.

M. Yves Bur. A Nanterre, ne faites-vous pas appel au secteur bancaire pour financer vos investissements ?

Mme Jacqueline Fraysse. Enfin, le projet de loi relatif à la décentralisation et aux responsabilités locales nous a clairement renseignés sur l'objectif du Gouvernement : si engagement public il doit y avoir, celui-ci relèvera des collectivités territoriales, et notamment des communes, qui devront alors recourir à l'investissement privé, sous quelque forme que ce soit, y compris au travers des SEML. Ces dernières, spécialisées dans le secteur sanitaire, constitueront effectivement, pour les investisseurs privés, un nouveau canal d'entrée dans la politique immobilière des hôpitaux publics.

La boucle sera alors bouclée et l'implantation d'investisseurs privés dans l'offre publique de soins confirmée. Il s'agit là d'une vision bien singulière du système de santé, qui dépasse de loin le cadre « gentillet » mis en avant - une combinaison harmonieuse entre public et privé - et signe en réalité l'arrêt de mort de la structure publique d'offre de soins.

Voilà encore un choix d'orientation dont le Gouvernement n'aura pas débattu avec franchise. Il souhaitait, dans le cadre de son plan de réforme du système hospitalier, introduire une logique de fonctionnement marchande et privée ; c'est tout l'esprit du plan Hôpital 2007. Cette logique est-elle la plus efficace pour répondre aux besoins de santé de la population ? Le système de santé privé marchand est-il plus performant ? A la lumière des comparaisons internationales, il apparaît que non. Voilà pourquoi je m'interroge sur la pertinence des propositions contenues dans le texte qui nous est soumis.

M. Yves Bur. Quelle confusion d'esprit !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement de suppression, n° 183, que Mme Fraysse vient de défendre.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. J'ai déjà eu l'occasion, Mme Fraysse l'a rappelé, de préconiser le décloisonnement entre secteur public et secteur privé, ainsi que l'encouragement des coopérations. La commission a rejeté l'amendement n° 183.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 183.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 13 ter.

(L'article 13 ter est adopté.)

Article 13 quater A

M. le président. Je suis saisi d'un amendement de suppression de l'article, n° 184.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le soutenir.

Mme Jacqueline Fraysse. Alors qu'un système de prêts à taux zéro pourrait largement subvenir aux besoins en investissements immobiliers des établissements de santé, le Gouvernement et la majorité parlementaire lui préfèrent le recours au marché, sous contrôle partiel de l'autorité publique, faisant de cette activité une opportunité de gains pour de nombreux acteurs privés. Il s'agit d'une sorte de prime à la restructuration de l'offre hospitalière. Ce choix, pour le moins idéologique, qui confère aux établissements de santé le rôle d'entrepreneurs de travaux publics et du bâtiment, ne sera pas sans conséquences sur les efforts de maîtrise des dépenses de santé entrepris dans le secteur public.

Face aux perspectives de rentabilité de ces nouveaux investissements immobiliers, le risque est grand, sur l'ensemble du territoire, de voir se recomposer l'offre hospitalière, dans le sens d'une réduction globale. On observe d'ailleurs déjà plusieurs expériences de projets immobiliers privés, généralement coordonnés par des multinationales de la santé, comme la Générale de santé, qui conduisent à des regroupements entre cliniques privées - dans la région Centre, par exemple -, ou entre hôpitaux publics et cliniques privées, et, en fin de compte, dans des zones géographiques pourtant déjà insuffisamment dotées, à une baisse du nombre d'établissements de santé.

Cette baisse du nombre d'intervenants ne s'accompagne pas pour autant d'une réduction des coûts de l'hôpital public. Pour ne reprendre que l'exemple du regroupement public-privé de Saint-Tropez, force est de constater que le partage des activités entre la clinique et l'hôpital laisse dans l'escarcelle publique l'ensemble des soins les plus coûteux : sur un total de 163 lits, dont 97 dépendent de l'hôpital et 66 de la clinique, l'hôpital aura la charge du SMUR, du service d'urgence et de porte, d'une unité de soins de longue durée de 40 lits, de la maternité avec un bloc obstétrical, de la médecine générale et de l'hôpital de jour, tandis que la clinique récupérera la chirurgie et une grande partie des consultations spécialisées. Voilà la réalité vers laquelle nous nous dirigeons !

En choisissant de faire intervenir les établissements de santé et les collectivités territoriales dans la sphère privée et marchande, l'article 13 quater A introduit une confusion des genres largement contre-productive. En effet, rien n'empêchera les établissements de santé de considérer l'investissement sanitaire comme une source de revenus supplémentaires ni les collectivités territoriales d'y voir une source d'emplois pour les entreprises de leur territoire. Nous proposons donc la suppression de l'article.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Je me suis déjà exprimé sur la question. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 184.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 360 de M. Dubernard.

C'est un amendement de conséquence auquel le Gouvernement est favorable.

La parole est à M. Claude Evin.

M. Claude Evin. Cet amendement fait référence à l'article L. 6133-5. Que M. le rapporteur me pardonne, mais je n'en trouve pas trace dans le code de la santé publique. Sans doute a-t-il été introduit au cours de nos débats.

M. le président. Remarque pertinente ! Monsieur le rapporteur, avez-vous retrouvé la trace de cet article ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Nous le recherchons, monsieur le président. Je vous rappelle cependant que cet amendement n'a pas été examiné par la commission et qu'il est purement technique.

M. le président. M. Evin vous a posé une colle. A vous de trouver la réponse. Mais adoptons déjà l'amendement, puis nous verrons s'il faut le rectifier.

Je mets aux voix l'amendement n° 360.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 362 rectifié de M. Dubernard est rédactionnel et le Gouvernement y est favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 13 quater A, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 13 quater A, ainsi modifié, est adopté.)

Article 14 A

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, inscrite sur l'article.

Mme Martine Billard. Nous sommes là à un moment de vérité. Cet article a été introduit en première lecture au Sénat et pose la question de la lutte contre l'obésité.

Il y a de plus en plus de cris d'alarme sur cette question. En France, 14,5 millions de personnes ont un excès de poids et 5,3 millions sont obèses, dont un enfant sur dix dès l'âge de dix ans. Nous serons bientôt confrontés à une véritable catastrophe sanitaire.

Ce n'est pas un problème typiquement français. Il est inhérent à nos sociétés de consommation. Certes, aux États-Unis, la situation est encore plus désastreuse. Au regard d'une telle évolution dans de nombreux pays développés, mieux vaut prendre les devants afin d'éviter une aggravation.

L'obésité a de graves conséquences sur la santé, en termes de maladies cardio-vasculaires, de diabète et peut-être pour certains cancers. Elle retentit également sur la vie des personnes concernées, notamment des enfants. Les enfants obèses sont en général assez perturbés, ont du mal à s'assumer et sont souvent soumis aux moqueries de leurs petits camarades. Et il ne suffit pas de les inciter à bouger et à faire de l'exercice physique pour régler leurs problèmes liés à l'obésité.

On ne peut que mettre en oeuvre une politique décisive pour la prévention de l'obésité, tout particulièrement en direction des enfants et des jeunes puisqu'on sait que l'obésité une fois installée, il est beaucoup plus difficile pour eux de retrouver un équilibre entraînant une diminution des conséquences néfastes à leur santé. En outre, alors qu'il est déjà difficile de faire face aux problèmes liés à l'adolescence, il est évident qu'un adolescent obèse risque d'être encore plus mal dans sa peau.

Nous devons avoir la même politique volontariste et responsable que pour la lutte antitabac. Compte tenu du nombre de personnes aujourd'hui concernées par l'obésité, notamment du nombre de jeunes et d'enfants, les campagnes d'information ne suffisent pas. Il est temps de passer à la vitesse supérieure. L'information sur l'aspect nutritionnel et sur le sport comme outil de lutte contre l'obésité relève du passé. Aujourd'hui, nous devons être plus volontaristes et intervenir contre la publicité sur tout ce qui favorise le grignotage. Il faut réduire cette publicité, voire l'interdire dans les programmes pour enfants, afin de diminuer la tentation de consommer des friandises et des sodas, car ces deux types de produits favorisent particulièrement le développement de l'obésité chez les jeunes.

Nous devons prendre nos responsabilités et confirmer ce que le Sénat a adopté. Mais nous devons aller plus loin. Plusieurs députés ont déposé des amendements sur l'interdiction des distributeurs de sodas et de friandises dans les établissements scolaires. Il est de notre devoir de voter ces amendements. Nous aiderons ainsi les familles d'enfants obèses ou en surpoids dans leurs efforts d'éducation alimentaire, inutiles si l'enfant peut « se rattraper » au collège ou au lycée en consommant soda sur soda ou friandise sur friandise.

Le présent projet de loi nous offre l'occasion de participer à la lutte contre l'obésité, notamment chez les enfants et les adolescents. Saisissons-la !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Comme l'a dit Mme Billard, nous sommes, monsieur le ministre, à un moment de vérité : voici une occasion de vérifier votre volonté de mettre en œuvre une vraie politique de santé publique. Tout n'est pas possible dans le domaine de la santé. Certes, nous souhaiterions tous faire avancer les choses. Mais nous ne disposons pas de moyens financiers ou humains suffisants, parfois même de concepts qui nous permettraient de progresser. Mais ici, nous pouvons, si la volonté politique existe, relever un défi majeur.

L'obésité, on l'a dit, fait peser un grand risque sanitaire sur la population française, en particulier sur les jeunes, pour les dix ou quinze années à venir. Si nous ne donnons pas un coup d'arrêt à l'évolution en cours, la situation deviendra irrattrapable. Il sera bien temps alors de déplorer l'état de santé de la population française, de tenir réunion sur réunion pour chercher comment résorber les déficits de l'assurance maladie ou assurer un accès convenable aux soins à des gens qui en auront de plus en plus besoin. Voilà ce qui nous attend !

Allons-nous, comme la tendance générale nous y pousse, baisser les bras devant ce qui ferait figure de fatalité et nous retrouver dans dix ans avec un quart de la population française installée pour la vie dans les maladies chroniques induites par l'obésité, telles que le diabète, lourd de conséquences en termes de traitement ?

Ou bien allons-nous combattre cette fatalité, en profitant de ce que la France est « en retard » sur d'autres pays ? Allons-nous prendre conscience, comme le font la Grande-Bretagne ou les États-Unis, pourtant très favorables à l'économie de marché, que lutter contre l'obésité requiert d'intervenir dans tous les secteurs, que la seule éducation sanitaire et la seule responsabilité individuelle sont impuissantes à tout régler, qu'il faut agir sur l'environnement qui pèse sur les individus ?

Nous sommes saisis de propositions reprenant les préconisations de l'Organisation mondiale de la santé qui nous appellent à diminuer, par exemple, la pression publicitaire ou commerciale sur les jeunes en faveur de produits dangereux.

La France, qui a l'avantage d'être encore assez peu touchée et qui entretient un rapport plutôt sain à la nutrition, ce dont nous sommes fiers, sera-t-elle capable de défendre un modèle qui ne soit pas celui d'une économie industrialisée et commercialisée où seule compte la rentabilité immédiate d'un certain nombre de firmes ? Allons-nous proposer la défense d'un modèle de nutrition équilibrée ou bien céder par manque de courage puisque les données du problème sont bien connues désormais de tous les responsables politiques ?

Nous examinons un texte relatif à la santé publique. Allons-nous agir, oui ou non ?

Nous avons fait des propositions en première lecture. Le Sénat, qui n'est pas l'assemblée la plus mobilisée par un sujet de ce genre, a, lui aussi, compris l'importance de l'enjeu. Les médias se sont saisis de ces questions et nous verrons, dans les semaines et les mois à venir, qui proposera une véritable politique de santé et qui baissera les bras.

Monsieur le ministre, vous êtes face à un choix. L'amendement du Gouvernement que nous allons examiner procède d'un arbitrage rendu contre le ministre de la santé par d'autres ministères couvrant d'autres intérêts. Cet entrechoquement se produit dans tous les gouvernements.

Allons-nous mettre en œuvre des mesures qui ne coûtent rien au contribuable et qui ne brisent en rien l'activité économique de tel ou tel secteur, mais qui témoignent que nous n'acceptons pas la domination de l'économie de marché là où elle n'a pas à s'exercer et où elle empiète sur la santé des Français ?

Le vote que nous allons émettre sera significatif de la valeur des engagements politiques du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Dominique Richard.

M. Dominique Richard. Comment ne pas partager les intentions de M. le Guen et de Mme Billard telles que les traduit la disposition introduite par le Sénat ? Ces intentions sont louables. Mais je crains qu'elles ne soient pas à la hauteur des enjeux. J'estime que cette disposition est inefficace, sans doute par méconnaissance de la consommation télévisuelle des jeunes. Médiamétrie nous informe que la tranche des quatre à quatorze ans, cible privilégiée de la disposition, qui regarde la télévision en moyenne deux heures seize par jour, ne regarde qu'à 18,9 % les programmes destinés à la jeunesse contre 81 % pour les programmes généralistes. Aucun des vingt programmes les plus regardés en 2003 n'était destiné à la jeunesse.

Circonscrire l'obligation d'avertissement aux programmes pour la jeunesse sera inefficient. En outre, cela supprimera des ressources publicitaires allant à la production audiovisuelle française, notamment à notre cinéma d'animation qui est de grande qualité, car les annonceurs choisiront d'autres écrans que les programmes pour la jeunesse afin de ne pas être soumis à cette obligation. Cette bonne intention se retournera donc contre ceux qui auront voulu protéger les enfants.

Le ministère de la santé a créé un groupe de travail sur les questions qui nous occupent, notamment l'obésité, et sur les devoirs des annonceurs publicitaires. Attendons ses conclusions pour prendre une vision globale du problème et mieux répondre aux intérêts des enfants, plutôt que de nous donner bonne conscience en adoptant une disposition qui ne serait qu'un emplâtre sur une jambe de bois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. L'obésité est bien un problème majeur de santé publique reconnu par tous et pour lequel il y a désormais urgence. La procédure du groupe de travail ministériel me paraît dépassée.

Un plan national nutrition-santé existe depuis plusieurs années, avec une montée en charge sans doute trop lente, puisque la prévalence de l'obésité augmente de façon exponentielle chez les jeunes.

Vous jugez le dispositif trop limité, monsieur Richard, parce qu'il ne s'applique qu'aux programmes destinés à la jeunesse. Faisons donc en sorte qu'il concerne toutes les émissions de télévision ! Je serais prêt à vous suivre dans cette voie, si vous ne préfériez renvoyer la question à des groupes de travail.

Le problème est que nous préparons des millions d'enfants à devenir diabétiques, hypertendus et victimes d'accidents vasculaires cérébraux. Il est donc urgent d'agir.

On a beaucoup parlé des inégalités devant la santé. De fait, la prévalence de l'obésité dépend du niveau socioculturel. Elle est plus importante chez les enfants scolarisés en ZEP, et d'une manière générale chez ceux issus des milieux les moins favorisés.

J'entendais récemment le PDG d'une grande firme pharmaceutique se réjouir de ses bonnes perspectives de profit, dans la mesure où son entreprise commercialise plusieurs produits liés au diabète et où l'on prévoit que le nombre de diabétiques astreints à un traitement d'équivalent insuline, qui s'élève aujourd'hui à 140 millions, sera doublé dans dix ans.

J'ai entre les mains un hebdomadaire daté du 8 avril qui consacre un dossier à la « malbouffe ». Il y est expliqué comment des agences spécialisées, au service de firmes agroalimentaires, font tout pour introduire, par exemple, la notion de collation de dix heures dans les écoles. Elles ont d'ailleurs fini par réussir, et le ministère de l'éducation nationale semble hésiter à ce sujet. De même, elles font tout pour augmenter la consommation de sucre. Et tout cela se passe au moment même où vous affirmez que des engagements vont être pris.

À cet égard, l'amendement de M. Le Fur, qui tend à supprimer l'article additionnel introduit par le Sénat, est tout simplement scandaleux. C'est peut-être le résultat d'un efficace travail de lobbying effectué par telle ou telle agence. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Quoi qu'il en soit, il est honteux de voir un parlementaire se permettre de défendre une telle proposition.

Il est urgent d'agir. Les collectivités locales commencent d'ailleurs à se mobiliser autour de ce thème. Je suis moi-même maire d'une des dix communes engagées dans le programme EPOD qui, sur une durée de quatre ans, vise à éviter l'augmentation de l'obésité chez les enfants scolarisés, de la dernière classe de la maternelle à la dernière du primaire. Au moment où tous les acteurs locaux vont se mobiliser sur ce thème de santé publique, il convient de ne pas se montrer réfractaire à l'instauration de mesures volontaristes destinées à mettre fin à ce scandale, mais au contraire d'empêcher certaines firmes de favoriser, par la publicité et par d'importants investissements réalisés d'année en année au travers de certaines agences, la prévalence de l'obésité.

M. le président. Je suis justement saisi de l'amendement n° 250 de M. Marc Le Fur.

M. Dominique Richard. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Contre l'amendement, monsieur le président.

Bien que je comprenne sa réaction, je ne partage pas complètement l'avis de Gérard Bapt.

M. Pierre-Louis Fagniez. C'était un peu exagéré !

M. Jean-Marie Le Guen. Non, il n'exagère pas du tout. Simplement, il faut attribuer à M. Le Fur le mérite de rendre compte, tout haut, du travail effectué tout bas, d'une façon permanente, dans l'ensemble des rouages de l'Etat et peut-être même au sein de cette assemblée.

M. Yves Bur. Que voulez-vous dire ?

M. Jean-Marie Le Guen. Je comprends toutefois que l'on soit choqué. Qu'un parlementaire défende un point de vue différent du mien, je trouve cela parfaitement légitime. De même, lorsqu'il arrive que l'on défende autre chose que le strict intérêt général au nom des intérêts de sa circonscription, je peux, sinon l'approuver, du moins le comprendre.

Mme Jacqueline Fraysse. Non !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais que M. Le Fur ose affirmer dans l'exposé sommaire de son amendement, que « la question de l'augmentation de l'obésité est un sujet de préoccupation que partagent les entreprises du secteur alimentaire », voilà vraiment un témoignage touchant des soucis qui l'animent. Il ne fait pourtant que souligner un fait : nous sommes abreuvés d'argumentaires et soumis à des pressions diverses destinées à nous dissuader d'agir.

Prenons, par exemple, l'argumentation de notre collègue Richard sur la télévision. Il évoque les taux d'écoute chez les enfants de quatre à quatorze ans, et il a raison, parce qu'entre deux et quatre ans, ils ne sont pas comptés. Ils commencent pourtant à regarder la télévision dès cet âge, notamment ces fameux programmes. Et à partir de quatorze ans, les enfants ne regardent plus les programmes d'animation.

Sachez, mes chers collègues, que 70 % de la publicité télévisée dans les programmes pour enfants est diffusée à l'initiative des firmes agroalimentaires. Or, vous l'imaginez bien, si elles investissent dans ces écrans publicitaires, ce n'est pas par pure philanthropie et pour le seul intérêt de l'industrie française du dessin animé ! (Sourires.) Cela se saurait !

Pourtant, nous avons entendu ces arguments, et pas seulement sur la question de l'obésité : ils étaient déjà employés à propos du tabac. Bien évidemment, la publicité n'avait pas vocation à faire vendre : elle ne visait qu'à présenter des produits, répartir la consommation entre les marques, accompagner la liberté de l'information... D'ailleurs, que deviendrait notre presse sans l'argent de la publicité pour le tabac ? Nous avons entendu tout cela.

De même, nous connaissons l'antienne de l'autorégulation par les industriels. Mais nous savons aussi que les firmes investissent massivement, à tel point que le système scolaire américain - vous avez vu les reportages à ce sujet - est en grande partie financé par elles. Et certains nous disent : si l'on peut financer l'école grâce à l'argent de telle ou telle entreprise, c'est une bonne chose. Ce que nous accepterions aujourd'hui au nom de la défense de l'industrie du cinéma - bien que l'argument soit complètement faux, je le dis au passage -, l'accepterons-nous demain pour l'éducation nationale ?

M. le président. Monsieur Le Guen, il est temps de conclure.

M. Jean-Marie Le Guen. Dans la situation politique particulière que nous vivons, il convient de montrer du doigt cette tentation : la majorité va-t-elle céder à la pression des lobbies ? Pour le reste, s'agissant de l'obésité, il est absolument évident - l'OMS le confirme et tout le monde le sait - qu'il faut agir.

M. le président. Je rappelle qu'il est possible d'exprimer rapidement des positions fortes. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous avons encore beaucoup à faire, et la soirée risque d'être longue.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement de suppression ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. La commission l'a repoussé. La majorité des commissaires a jugé que l'initiative du Sénat méritait d'être poursuivie, et en particulier d'être formalisée, c'est-à-dire intégrée au code de la santé publique, monsieur Le Guen.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Dominique Richard.

M. Dominique Richard. Je suis désolé de me trouver en désaccord avec le Gouvernement et la commission.

Tout d'abord, je dirai à M. Le Guen que je trouve tout à fait désagréable de mettre en cause un collègue absent, M. Le Fur (« Il n'avait qu'à être là ! » sur divers bancs), en supposant qu'il serait sous l'influence de quelque lobby. De tels propos sont hors de mise, surtout en son absence.

M. Pierre-Louis Fagniez. Tout à fait !

M. Jean-Marie Le Guen. Le problème de son absence ne regarde que lui !

M. Dominique Richard. Ensuite, je n'accepte pas que l'on puisse caricaturer à ce point une position, en prétendant que refuser de répondre par une mesurette - car ce n'est rien d'autre - à ce qui constitue un vrai problème de société, qui nous engage pour les décennies à venir, reviendrait à se mettre sous la coupe d'une industrie agroalimentaire que, pour ma part, je n'ai jamais fréquentée.

Je crois vraiment que la question mérite mieux qu'une simple mesurette, et je fais confiance au travail effectué au sein du ministère de la santé pour aboutir à une démarche globale.

M. Edouard Landrain et M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je crois justement qu'il ne s'agit pas d'une mesurette. M. Le Fur est d'ailleurs très clair dans l'exposé sommaire de son amendement. Il nous explique que l'Association nationale des industries alimentaires prend des décisions fortes : neuf engagements qui vont tout régler. Les industriels annonceurs sont en effet « convaincus que les actions privilégiant l'éducation alimentaire et la promotion de bons comportements sont les plus efficaces sur le long terme ».

Bref, que nous dit M. Le Fur ? Qu'il faut faire confiance aux industries alimentaires pour mener la bataille contre l'obésité. Cela revient à faire confiance aux producteurs de tabac pour lutter contre le tabagisme ! L'expérience a démontré qu'une telle démarche fonctionnait assez peu.

M. Le Fur a fait le choix de défendre un lobby, mais ici, nous défendons l'intérêt général. Or, dans la situation actuelle, celui-ci commande de faire un certain nombre de propositions pour éviter cette incitation à grignoter et à consommer des aliments sucrés qui est adressée aux enfants.

Il est vrai que l'amendement du Sénat n'est pas totalement satisfaisant. Mais parmi toutes les propositions, c'est la moins pire, « si j'ose dire ». Ainsi, le Gouvernement nous propose-t-il d'obliger l'annonceur d'une publicité susceptible de nuire à la santé des enfants à en financer une autre destinée à la contrecarrer. Cela revient à présenter un argument contre un autre, au risque de considérer que les deux se valent, et en estimant que le public saura s'y retrouver. Ce n'est pas très sérieux.

Je propose donc d'en rester à l'article adopté par le Sénat, quitte à ce qu'il l'affine en deuxième lecture, si un vrai problème se révèle ou s'il apparaît que l'on doit restreindre plus fortement la publicité télévisuelle - car c'est sans doute la question qu'il faut se poser - plutôt que de supprimer cette proposition ou de la réduire à une formulation manquant de sérieux.

M. le président. Je rappelle que de nombreux autres amendements sont consacrés à ce sujet.

Je mets aux voix l'amendement n° 250.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 320 du Gouvernement.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Avec M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie, que je salue, nous défendons un amendement qui devrait permettre d'aboutir à un accord.

Nous sommes effectivement à un instant de vérité en matière de santé publique, car la prévalence de l'obésité chez les enfants âgés de six à douze ans augmente régulièrement depuis 1980.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. C'est la génération Mitterrand ! (Sourires.)

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est important, car nous connaissons bien les quatre ou cinq facteurs de risque majeur en matière de maladies cardiovasculaires. Si on laisse à part la génétique, le récepteur LDL et l'apoB, il reste essentiellement l'hypertension, l'obésité et la sédentarité.

L'obésité étant un de ces facteurs, la question se pose de sa prévention. À cet égard, vous avez raison, il faut tout faire pour réduire la consommation de sucres rapides. On tombe alors dans le fameux débat, faussement idéologique, entre, d'un côté, ceux qui seraient dans les mains des industriels et de l'autre les cœurs purs. Non, c'est beaucoup plus compliqué que cela.

Ce que nous pouvons dire, et tel est l'objet de notre amendement, c'est qu'il peut y avoir, à la télévision, des publicités pour des produits qui ne seraient pas bons pour la santé des enfants.

M. Yves Bur. Il faut les interdire, alors !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. A partir de là, on demande à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments de dire s'il existe des produits potentiellement dangereux. Si elle considère qu'il y a un danger, on lui fait confiance. Ou alors, on remet en cause l'AFSSA et ses scientifiques, ce qui serait inadmissible.

M. Gérard Bapt. C'est la consommation excessive qui est dangereuse, pas le produit.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Un décret en Conseil d'Etat déterminerait, après avis de l'AFSSA et de l'INPES, les profils nutritionnels et les catégories d'aliments concernés, les modalités de détermination de la durée et de la fréquence des messages d'information nutritionnelle, ainsi que leur procédure de validation.

Cela dit, j'aimerais qu'on aille un peu plus loin en deuxième lecture au Sénat sur les horaires des publicités dans les émissions pour enfants. Tout le monde sait en effet qu'une publicité sur le sucre une ou deux heures avant le repas de midi ou du soir incite à une consommation qui joue sur l'hypoglycémie préprandiale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. A titre personnel cependant, je le trouve équilibré...

M. Gérard Bapt. Pas possible !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. ... et de nature à combattre la montée de l'obésité, à condition que les industriels et les annonceurs effectuent un effort d'autocontrôle suffisant. J'y suis donc favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Quand cet amendement a été examiné en commission, tous mes collègues, quel que soit leur point de vue sur le sujet, se sont demandé ce que pouvait bien être un produit d'une « composition nutritionnelle susceptible de nuire à la santé des enfants ». Ils ont raison ! Et cela montre bien que cet amendement n'a pas été écrit par des personnes appartenant au ministère de la santé.

On voit que vous ne connaissez pas les principes du programme nutrition-santé et de la lutte contre l'obésité... Un des apports de l'école française de nutrition, c'est de reconnaître qu'il n'existe pas de mauvais produits mais uniquement des mauvais comportements. Vous ne ferez jamais dire à un nutritionniste de l'école française, et j'adhère à cette théorie, qu'un pot de crème fraîche est mauvais en soi...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Moi, je le dis !

M. Jean-Marie Le Guen. C'est votre droit mais ce n'est pas la réalité scientifique. C'est ce que croit M. Tout-le-Monde. Vous êtes médecin, vous êtes professeur de santé publique, vous ne devriez pas dire à peu près n'importe quoi. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Le Guen...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il ne sait pas de quoi il parle, monsieur le président.

M. Jean-Marie Le Guen. Aujourd'hui, ce n'est pas à cause des aliments, c'est à cause de certains comportements que l'obésité progresse. C'est la déstructuration des repas, l'abus d'un certain nombre de produits, la substitution d'une alimentation déséquilibrée à une alimentation équilibrée qui créent les phénomènes d'obésité, ce n'est pas parce que l'on mange à tel ou tel moment une sucrerie ou un produit trop gras. Qui d'entre nous a l'intention d'interdire tel ou tel produit, à partir du moment, évidemment, où il respecte les règles d'hygiène minimales ? La question n'est pas là. La question, c'est la manière dont sont impulsés les comportements.

Cet amendement, je le dis clairement, n'a jamais été écrit par quelqu'un du ministère de la santé, il a été écrit par des gens qui ont une vision fausse de l'approche des problèmes d'obésité, et c'est ça que vous voulez nous faire voter !

Je le dis avec beaucoup de solennité, monsieur le ministre, parce que nous serons amenés à nous revoir. Vous avez appelé à l'unité nationale et au consensus. Si cette question est posée dans ces termes, ça ne se passera pas comme ça, sachez-le. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

C'est une mesure qui ne demande aucun effort. Vous cédez purement et simplement. Une majorité à la dérive qui subit la pression des lobbies, voilà ce qui se passe ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Accoyer. Il n'a plus tous ses esprits !

M. Jean-Michel Bertrand. Il manque de sucre !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Il y a d'abord une chose qui me gêne, monsieur le ministre, c'est que vous n'avez lu que la seconde partie de votre amendement. S'il n'y avait qu'elle, je pourrais le voter, mais il y a la première et c'est elle qui pose problème.

« Tout annonceur d'une publicité télévisuelle pour des aliments, dont la composition nutritionnelle est susceptible de nuire à la santé des enfants ou des adolescents en cas de consommation excessive, doit financer la réalisation et la diffusion d'un message d'information nutritionnelle. » Faut-il écrire sur certains produits : « A consommer avec modération » ?

Mais le plus grave, c'est qu'un industriel pourra faire de la publicité pour un produit dont on sait que la consommation excessive est très mauvaise pour la santé à la seule condition qu'ensuite, en se regroupant même, éventuellement, avec d'autres annonceurs, il diffuse un message d'information nutritionnelle générale. C'est une très mauvaise pédagogie si l'on veut lutter contre l'obésité.

Mieux vaut donc en rester au texte adopté au Sénat, quitte à ce qu'il y soit amélioré en deuxième lecture, que de voter un tel amendement.

Je terminerai par une boutade. On pourrait aussi laisser l'industrie du tabac faire de la publicité du moment qu'elle diffuse un contre-message. De même pour le cannabis et toutes les drogues. Ce n'est pas sérieux !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. D'abord, je préfère tout de même votre ton, madame Billard, à celui de M. Le Guen...

M. Jean-Marie Le Guen. Vous m'impressionnez beaucoup !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...et je vous remercie de parler du fond.

Si, chaque fois que nous ne serons pas d'accord dans cet hémicycle, monsieur Le Guen, vous brandissez l'argument que j'ai demandé un peu de consensus sur un sujet d'une importance fondamentale pour l'avenir de notre pays...

M. Jean-Marie Le Guen. Et ça, ce n'est pas fondamental ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous plaisantez !

M. Jean-Marie Le Guen. Votre politique, c'est de l'hypocrisie !

M. le président. Monsieur Le Guen, M. le ministre vous a écouté, faites de même !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je comprends, monsieur Le Guen, que vous soyez un peu déstabilisé mais je voudrais vous dire les choses en face.

Vous prétendez que la composition alimentaire d'un pot de crème fraîche ne pose absolument aucun problème. Or, depuis quinze ou vingt ans, de nombreuses publications ont mis en évidence le rôle de ce produit dans la survenance des problèmes cardio-vasculaires. Il ne faut pas dire n'importe quoi !

M. Jean-Marie Le Guen. C'est vous qui dites n'importe quoi !

M. le président. Monsieur Le Guen !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Mme Billard a bien posé la question. Si une firme fait de la publicité pour un produit que l'on suppose néfaste pour la santé des enfants, le message d'éducation pour la santé doit-il avoir la même durée ? Personnellement, cela me paraît une bonne chose.

M. Gérard Bapt. C'est ridicule !

Mme Martine Billard. Ce n'est pas sérieux !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Par ailleurs, je ne compare pas le tabac avec une barre chocolatée. Pour moi, ce sont deux choses totalement différentes.

Peut-être faut-il, madame Billard, améliorer le texte que j'ai proposé. Pour l'instant en tout cas, je pense qu'il faut adopter cet amendement.

M. Gérard Bapt. C'est un contresens de santé publique !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 320.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 14 A est ainsi rédigé.

M. Gérard Bapt. Le compte rendu de cette discussion sera envoyé aux nutritionnistes français et européens !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. J'espère !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Monsieur le président, nous venons de voter un amendement important qui concerne la santé publique. Il s'agit d'un problème majeur, l'amendement présenté par le Gouvernement permet d'améliorer les choses, mais M. le ministre a expliqué qu'il espérait l'améliorer en deuxième lecture au Sénat.

Par ailleurs, j'ai entendu quelques propos que j'estime déplacés. Je pense qu'il serait souhaitable que chacun se repose quelques instants avant que la séance ne reprenne dans le calme. Je vous demande donc une brève suspension de séance, dont je profiterai pour réunir mon groupe.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Après l'article 14 A

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 300 et 267, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 300.

Mme Martine Billard. Cet amendement prévoit deux mesures visant à lutter efficacement contre tout ce qui favorise l'obésité dans les établissements scolaires.

La première tend à supprimer les collations matinales systématiques, dont des études récentes ont montré qu'elles sont tout à fait superflues et favorisent le grignotage. A l'heure du déjeuner les enfants ont moins faim ; leur alimentation est déséquilibrée.

Cependant, en cas de nécessité, notamment dans des secteurs où la population est défavorisée, ces collations pourraient être maintenues à condition qu'elles soient bien conçues du point de vue nutritionnel.

Nous proposons, d'autre part, d'interdire les distributeurs automatiques de confiseries et de sodas dans les établissements. Ce type d'équipement, notamment dans les collèges et les lycées, favorise la consommation, tout au long de la journée, de produits à haute teneur en sucre et est cause du développement d'une obésité chez des jeunes qui ont une tendance au surpoids.

M. le président. L'amendement n° 267 de M. Bur est-il défendu ?

M. Bertho Audifax. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Ils ont été repoussés par la commission.

Le I de l'amendement n° 300 relève clairement du pouvoir réglementaire. J'ajoute que pour certains enfants, la collation matinale peut être utile.

S'agissant du II, j'aimerais savoir ce qu'est un « produit déséquilibré », M. Le Guen lui-même nous ayant expliqué qu'il n'y en a pas.

M. Jean-Marie Le Guen. Mais M. le ministre dit le contraire !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Il est vrai, de plus, que les distributeurs de coca ne sont pas à mettre sur le même plan que les distributeurs de cigarettes ou d'alcool.

Privilégier l'éducation à la santé et la distribution systématique de fruits dans les écoles serait aussi une hypothèse. Si j'osais, je dirais « Mangez des pommes » ! (Sourires.)

Mme Martine Billard et M. Jean-Marie Le Guen. Osez ! Osez !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'assurance maladie pour donner l'avis du Gouvernement.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie. L'avis du Gouvernement est défavorable. Ces dispositions ne relèvent pas du domaine législatif. De plus, une charte de bon usage des distributeurs de boissons et d'aliments en milieu scolaire est en cours d'élaboration par les services du ministère de l'éducation nationale, en liaison avec ceux du ministère de la santé.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Après la publicité à la télévision, l'installation de distributeurs automatiques dans les collèges et dans les lycées, sans parler des écoles primaires, est la seconde porte d'entrée vers l'obésité.

Ceux qui, parmi vous, s'intéressent aux problèmes de santé publique - et le fait que M. Bur présente cet amendement d'interdiction en témoigne - ont vu les documentaires récemment diffusés sur la situation que connaissent les Etats-Unis. Est-ce à cela que nous voulons arriver dans les établissements scolaires français ?

Si nous ne parvenons pas à faire prendre conscience aux enseignants, aux responsables et parfois aux parents d'élèves, qu'au-delà même de leur caractère mercantile, ces distributeurs jouent un rôle désastreux en matière de santé publique, c'est parce que l'argent qu'ils procurent irrigue la vie scolaire ; il en est parfois la soupape de sécurité.

Vous savez aussi, sinon je vous renvoie à la presse hebdomadaire de cette semaine, le travail permanent qu'effectuent les industries agroalimentaires pour infiltrer l'école en diffusant par exemple des panneaux sur le rôle du sucre, tout cela sans aucune considération pour la santé publique. Ces amendements ne viennent pas de nulle part, ils sont le reflet d'une réalité vécue !

Monsieur Bur, je suis heureux de votre retour ! Je regrettais votre absence et j'étais en train de défendre votre amendement.

Tout à l'heure, sous la pression du Gouvernement, peut-être avons-nous failli. Cette pression est maintenant moins forte puisque M. Douste-Blazy nous a momentanément quittés. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur lL Guen, je vous en prie !

M. Jean-Marie Le Guen. Profitons de cet instant pour essayer de progresser !

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Je me réjouis que Mme Billard ait présenté un amendement qui traite du problème de la collation matinale et M. Bur un amendement relatif aux distributeurs automatiques. Quoi qu'en dise M. le secrétaire d'Etat, l'interdiction des distributeurs dans les établissements scolaires peut relever de la voie législative, et non pas seulement de dispositions réglementaires de l'éducation sanitaire.

J'ai été profondément choqué d'entendre tout à l'heure le ministre confondre le produit et le comportement. Je citerai à nouveau, à cet égard, l'hebdomadaire Le Point - en signalant au passage à tous les chauds partisans de M. Sarkozy, qui sont nombreux parmi vous, que sa photo figure à la une de ce magazine, accompagnée de la question suivante : « Qu'est-ce qu'il mijote ? ». (Sourires.)

M. Yves Bur. Je comprends que ça vous inquiète !

M. Pierre-Louis Fagniez. Vous le trouvez obèse ?

M. Gérard Bapt. Ce titre ne se réfère pas à la malbouffe, mais dans le contexte de notre débat, et face à ceux qui nous gavent de sucre, je le trouve savoureux !

Toujours est-il que ce qui importe, ce n'est pas la composition du produit consommé, mais l'équivalent en nombre de sucres. Et il s'agit avant tout d'un problème de comportement et non de produit. On ose espérer que, dans les produits distribués, ...

M. Yves Bur. C'est vrai que Nicolas Sarkozy est plein d'énergie !

M. Pierre-Louis Fagniez. Mais il ne s'appelle pas Saccharozy ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gérard Bapt. Si c'était nous qui l'avions dit, vous vous seriez indignés.

M. Yves Bur. Ça oui !

M. Gérard Bapt. Qui aime bien châtie bien ?...

M. Yves Bur. Exactement !

M. le président. Mes chers collègues, il y a dans les tribunes de jeunes enfants qui nous regardent ! (Sourires.)

M. Gérard Bapt. Aujourd'hui, de très nombreux acteurs sociaux, à commencer par certaines collectivités locales, se mobilisent pour modifier les comportements, en s'efforçant d'associer à leur action les équipes éducatives, les milieux familiaux, médicaux et paramédicaux, et même les restaurateurs des communes concernées, à l'occasion des semaines du goût, autour de produits du terroir. Il s'agit donc d'une éducation à la consommation et à une nutrition équilibrée.

M. le ministre a commis un grave contresens de santé publique. Nous ne pouvons demander ici l'avis du professeur Basdevant, l'actuel directeur général de la santé, qui doit être silencieux à son banc, mais je souhaite que, d'ici à la prochaine lecture de ce texte, nous puissions demander ce qu'il pense de notre débat à ce professeur de santé publique, qui préside l'une des commissions du Plan national nutrition santé et qui n'est pas suspect de n'avoir pas étudié la question ou de ne s'être pas mobilisé depuis des années. Il est, en effet, inquiétant de voir sur quelles bases nous nous préparons à aborder un plan nutrition santé.

M. le président. La parole est à M. Édouard Landrain.

M. Édouard Landrain. Tout le monde est d'accord pour lutter contre l'obésité et limiter la consommation de sucre.

M. Jean-Marie Le Guen. Ah oui ?

M. Édouard Landrain. Mais cela ne justifie pas d'intervenir dans le fonctionnement des lycées et collèges. Les chefs d'établissement, les parents d'élèves, les enseignants et les conseils d'administration sont habilités à décider des modalités propres à assurer la santé des élèves. De grâce, laissons donc aux enseignants et aux parents d'élèves le droit d'interdire les distributeurs, s'ils le désirent, et que notre assemblée ne se mêle pas de ce qui ne doit pas relever d'elle tant qu'il n'est pas question de l'intérêt général.

Oui à la lutte contre l'obésité et la consommation excessive de sucre. Oui à la limitation des publicités à la télévision. Pour le reste, laissons faire les acteurs de proximité. Vos propres amis, mes chers collègues, seraient heureux d'entendre ce langage.

Mme Martine Billard. Laissons faire - c'est le cas de le dire !

M. le président. Les deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune,...

M. Jean-Marie Le Guen. Ce qui n'a d'ailleurs pas de raison d'être !

M. le président. ...je vais donner la parole à M. Bur, qui n'a pas encore pu soutenir son amendement n° 267.

M. Yves Bur. Il est très important que nous évoquions dans cette enceinte l'obésité, la malbouffe et cet aspect de la santé publique. Cela ne justifie pas pour autant d'introduire des contraintes excessives.

M. Pierre-Louis Fagniez. Laissez-les vivre !

M. Yves Bur. Mieux vaut s'inscrire dans une démarche d'éducation et de sensibilisation. Chaque chose en son temps. Les Français découvrent aujourd'hui cette problématique - et peut-être est-ce parce que nous l'avons d'abord évoquée ici. Cette prise de conscience doit se développer.

L'amendement que je présente se distingue de celui de mes collègues socialistes ...

Mme Martine Billard. C'est un amendement des Verts !

M. Yves Bur. ... en ce que, selon moi, la collation matinale relève du choix des familles et de l'éducation nationale.

En revanche, pour ce qui est des distributeurs automatiques, il n'y a aucune fatalité à ce que de tels équipements soient installés dans les établissements. Ils y font circuler de l'argent, mais créent d'autres problèmes. Les marques de sodas et de produits chocolatés n'ont pas leur place dans une cour d'école. Je souhaite que ces distributeurs soient interdits. L'école vivra sans eux, et les jeunes n'en seront pas pour autant défavorisés sur le plan scolaire !

M. Jean-Marie Le Guen et Mme Martine Billard. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. J'apporterai une simple précision en réponse à l'intervention très judicieuse de M. Landrain. En l'état actuel du droit, l'établissement peut refuser l'installation de distributeurs mais n'en a pas l'obligation.

Par ailleurs, le programme national nutrition santé devrait permettre de combattre vigoureusement l'obésité infantile. Une circulaire du ministère de l'enseignement scolaire a recommandé de limiter la présence des distributeurs de boissons dans les écoles. Le cadre me semble donc fixé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 300.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 267.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 299.

Mme Martine Billard. Il s'agissait d'un amendement de repli, monsieur le président. Il est donc satisfait par l'adoption du précédent.

M. le président. L'amendement n° 299 est satisfait.

Article 14 B

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, inscrite sur l'article.

Mme Martine Billard. L'article 14 B est relatif à l'étiquetage des produits alimentaires d'origine industrielle. Selon certains, il faudrait attendre que la réglementation européenne soit achevée. Selon d'autres, l'espace disponible est insuffisant pour imposer l'affichage prévu par l'article introduit par le Sénat.

On sait que de nombreux produits de petite taille portent déjà des inscriptions. L'argument de l'espace n'est donc pas recevable.

L'étiquetage est très important. Des consommateurs de plus en plus nombreux regardent la composition des produits pour se décider au moment de l'achat. L'étiquetage doit progresser pour que les campagnes contre l'obésité puissent être complètes. Les consommateurs ne doivent pas avoir besoin de se référer à un dictionnaire des aliments pour connaître la valeur calorique ou la teneur en graisses et en sel de ce qu'ils mangent.

On peut regretter que les modes de consommation aient changé et que l'on n'ait plus le temps, dans notre société, de préparer tous les repas à la maison, ce qui permettait une alimentation bien plus équilibrée. Mais nous savons qu'on ne reviendra pas en arrière et que la consommation de plats préparés a pris une grande importance. Ces plats d'origine industrielle doivent donc posséder des qualités nutritionnelles et ne pas provoquer de déséquilibres alimentaires. La mesure proposée par le Sénat est bonne et notre assemblée s'honorerait de la reprendre.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 251 de M. Le Fur.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Cet amendement de suppression a été repoussé par la commission. L'article 14 B s'inscrit dans un mouvement de fond qui se manifeste à l'échelle européenne en faveur d'un étiquetage plus précis. L'éducation à la santé est un préalable nécessaire à l'effectivité de cette mesure.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 251.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 321 et 268, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le ministre pour soutenir l'amendement n° 321.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le texte actuel du projet de loi, modifié au Sénat, vise à ce que soient strictement mentionnés sur l'emballage « le nombre de calories, le contenu en graisses saturées et non saturées ainsi que la teneur en sodium de chaque ration alimentaire ». Il est vrai que l'étiquetage nutritionnel est une priorité à laquelle j'attache beaucoup d'importance, mais une telle rédaction ne me paraît pas satisfaisante, car elle omet certains éléments, comme les teneurs en sucres rapides, qui jouent un rôle très important dans l'obésité. Par ailleurs, le droit communautaire pose encore d'autres problèmes.

Il conviendrait donc de préparer, pour la deuxième lecture du Sénat, une rédaction plus complète, qui ne se limiterait pas à prescrire l'affichage des teneurs en graisses saturées et insaturées et de la valeur calorique. En attendant, l'amendement du Gouvernement se réfère simplement à la composition nutritionnelle.

M. le président. La parole est à M. Yves Bur, pour soutenir l'amendement n° 268.

M. Yves Bur. Compte tenu de ce que vient d'indiquer M. le ministre, et dans la perspective d'une nouvelle rédaction qui puisse recueillir l'assentiment de tous nos collègues, je retire l'amendement n° 268.

M. le président. L'amendement n° 268 est retiré.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Il a été accepté par la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je m'apprêtais à défendre l'amendement de M. Bur, qui est d'autant plus intéressant, que l'Assemblée nationale n'aura plus son mot à dire par la suite.

Trois dispositifs majeurs de lutte contre l'obésité ont été proposés. Le premier, qui porte sur la publicité télévisée, a été voté par le Sénat contre l'avis du Gouvernement, et supprimé par cette assemblée. Le second, qui vise les distributeurs, a été voté ici contre l'avis du Gouvernement. Le régime de l'étiquetage est le troisième dispositif. Je me demande donc si, en tant que membre de cette assemblée, je peux m'en remettre à un gouvernement qui, par deux fois, a appelé le Parlement à refuser des mesures de santé publique de lutte contre l'obésité.

Certes, nous pourrons revenir sur les dispositions concernant l'étiquetage dans le cadre de la commission mixte paritaire. Dans ces conditions, je ne reprends pas à mon compte l'amendement de M. Bur, mais je veux cependant mettre en garde les parlementaires ici présents : c'est contre la volonté du Parlement que nous avons adopté aujourd'hui des mesures de lutte contre l'obésité. Cela montre où nous en sommes en matière de santé publique aujourd'hui dans ce pays. Comme on peut s'attendre à des commentaires négatifs venant des lobbies, je veux féliciter les parlementaires qui, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, sont intervenus pour défendre des impératifs de santé publique quand le Gouvernement ne le jugeait pas nécessaire. Nos assemblées ont eu une attitude respectable en faisant ainsi prévaloir des intérêts de santé publique contre l'avis du Gouvernement.

M. Yves Bur. Nous avons la bénédiction de monseigneur Le Guen !

M. le président. La parole est à M. Édouard Landrain.

M. Édouard Landrain. M. le ministre a parlé de l'Europe. J'aimerais à mon tour rappeler que tout ce qui a trait à l'hygiène, à la santé et à la sécurité fait l'objet de directives communautaires opposables, qui peuvent s'imposer aux réglementations nationales. Or on sait qu'un renforcement du droit européen en la matière est en cours d'élaboration et que la directive qui remplacera la directive 90/496/CEE prévaudra sur les mesures que nous sommes en train de décider aujourd'hui. Sachant donc que tout ce que nous aurons pu décider pourra être battu en brèche demain, je ne suis pas sûr que légiférer dès à présent soit la meilleure façon de travailler durant cette période intermédiaire.

M. Jean-Marie Le Guen. Que le ministre réponde !

M. le président. Monsieur Le Guen, la question est posée et je pense que le Gouvernement l'a entendue.

M. Jean-Marie Le Guen. Il est quand même important que le Gouvernement réponde à un argument qui nous est souvent opposé !

M. le président. Il répond s'il le souhaite.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est bien pourquoi j'insiste, monsieur le président !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Comme vous le savez, monsieur Le Guen, il n'y a pas une semaine que j'ai pris mes fonctions.

M. Claude Evin. Ne nous dites pas que vous ne connaissez pas le sujet !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il est vrai que j'ai accepté de présenter ce texte, mais la deuxième lecture au Sénat me donnera l'occasion de proposer certaines modifications.

M. Jean-Marie Le Guen. De bonnes modifications, j'espère !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je ferai tout pour qu'elles le soient.

Ce que je crois, c'est qu'on ne peut pas négliger la lutte contre l'obésité et que les arguments qui ont été avancés sont de bons arguments. Il faut absolument éviter, en particulier, la diffusion de messages publicitaires deux heures avant le déjeuner ou le dîner, car ils visent à tirer profit de l'hypoglycémie des enfants à ce moment de la journée.

M. Jean-Marie Le Guen. Ils ne dînent plus, ils grignotent !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Exactement ! Il est évident que des enfants qui ont grignoté des barres chocolatées sucrées devant la télévision n'ont plus envie ensuite de consommer des plats qui leur apporteraient des protéines. Je lutterai donc contre ces comportements et la deuxième lecture au Sénat me donnera l'occasion de le faire de manière très précise, avec des textes que j'aurai préparés. Je tenais à le dire ici au directeur général de la santé.

Je veux revenir à ce qu'a indiqué M. Landrain à propos des normes européennes régissant l'étiquetage nutritionnel. Il est fondamental que le droit communautaire impose que soit précisé sur les étiquettes le pourcentage de graisses saturées, de graisses insaturées et de sucres rapides : il s'agit là d'un vrai combat de santé publique, entamé il y a quinze ans, au prix des pires difficultés. Je pense notamment aux margarines : il a été très difficile d'obtenir que l'étiquetage des margarines précise le pourcentage de graisses saturées et insaturées. C'est aujourd'hui un acquis de santé publique, et la France doit se battre pour que les directives européennes ne le remettent pas en cause. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 321.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 14 B est ainsi rédigé.

Après l'article 14 B

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 76 portant article additionnel après l'article 14 B.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-Marie Le Guen. Il tombe, monsieur le président, puisque je dois reconnaître que d'un certain point de vue - voyez comme les choses évoluent - il était plus modéré que l'amendement de M. Bur visant à l'interdiction des distributeurs.

Puisque vous m'avez gentiment donné la parole pour quelques instants, je voudrais en profiter pour me féliciter de la déclaration de M. le ministre. Même si nous avons été amenés auparavant à hausser quelque peu le ton, je constate que la suspension de séance a permis à chacun de bien comprendre les enjeux. Comme nous l'avons dit, nous sommes à un moment de vérité en la matière. Même si je suis personnellement prêt à me battre pour ce à quoi je crois avec beaucoup de conviction - voire de mauvaise humeur - je suis toujours ravi quand on peut faire un pas en avant.

Si je vous ai bien compris, monsieur le ministre, vous avez été interpellé par l'amendement de M. Bur, et plus largement par la problématique de l'étiquetage ; en outre vous avez mis à profit la suspension de séance pour réfléchir au contexte dans lequel intervenait la publicité dans les programmes pour enfants. Pour ma part je ramasse le tout, pour m'en féliciter ; je prends acte que vous vous êtes engagé à intervenir en la matière, sous le contrôle de nos deux assemblées, y compris dans le cadre de la commission mixte paritaire. Votre engagement - et j'imagine qu'il vaut pour l'ensemble de la majorité - garantit que nous reviendrons sur la question de la publicité, que nous confirmerons le dispositif qui concerne les distributeurs et que nous avancerons sur la question de l'étiquetage. Si nous étions capables, d'ici à quelques semaines, d'élaborer sur ces questions un dispositif fort et crédible, en avance, s'il le faut, sur les autres pays européens, cette avancée justifierait nos débats. Nous prouverions en effet qu'en dépit des pressions diverses qui peuvent s'exercer sur leurs membres, les assemblées parlementaires sont en mesure de mobiliser des majorités à même de se battre sur ces points essentiels.

Voilà ce dont je me félicite, et tant mieux si ce constat permet au Gouvernement lui-même d'avancer.

M. le président. L'amendement n° 76 n'a plus d'objet.

Je suis saisi d'un amendement n° 141.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Je veux aborder un sujet totalement différent, que connaît bien notre collègue Fagniez, pour s'être longtemps intéressé à la nutrition entérale et parentérale au niveau digestif, et j'espère pouvoir compter sur son soutien. Cet amendement précise qu'« afin de lutter contre la dénutrition et favoriser le maintien à domicile de patients atteints de maladies chroniques, du type Alzheimer ou maladie de Crohn, il est nécessaire de développer la nutrition orale et entérale ».

La dénutrition est un des problèmes majeurs qui se posent aux personnes âgées, notamment celles frappées par la maladie d'Alzheimer. De nombreuses maladies digestives, telles la maladie de Crohn ou les fistules digestives, peuvent être atténuées par la nutrition orale et entérale, à un moindre coût et en évitant les complications de la dénutrition et de la nutrition parentérale. Les possibilités de la nutrition entérale sont aujourd'hui sous-estimées. La développer permettrait d'améliorer l'état sanitaire à un moindre coût.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. L'amendement a été rejeté par la commission, qui a considéré qu'il relevait du domaine réglementaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je veux simplement dire qu'il ne faudrait pas passer systématiquement à la nutrition parentérale pour lutter contre l'obésité !

M. Jean-Luc Préel. Vous n'avez rien compris, je parle de la nutrition entérale !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 141.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous passons à l'amendement n° 77 de M. Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement renvoie au débat précédent, sur lequel je ne veux pas revenir. A en croire les engagements du ministre, on peut compter sur des avancées substantielles concernant la question générale de la publicité à la télévision. Il ne semble donc pas utile de soutenir cet amendement, qui n'a trait qu'à un élément du dispositif. Je le retire.

M. le président. L'amendement n° 77 est retiré et nous en venons à votre amendement n° 78.

M. Jean-Marie Le Guen. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Il a été repoussé par la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 81 et 227, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

La parole est à M.  Jean-Marie Le Guen, pour soutenir ces amendements.

M. Jean-Marie Le Guen. Il s'agit d'un sujet qui, malgré son caractère dramatique, me semble insuffisamment considéré : à l'heure où on parle couramment d'autres accidents de santé publique, on ne parle pas suffisamment des drames humains du Distilbène, dont la gravité mériterait pourtant d'être prise en considération dans le cadre des objectifs de santé publique. Il conviendrait de mettre en place des dépistages « rétrospectifs », si j'ose dire.

M. le président. Peut-on considérer que l'amendement n° 227 est de repli ?

M. Jean-Marie Le Guen. Absolument.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Il s'agit effectivement d'un véritable drame de santé publique, dont la cause est derrière nous, mais dont les conséquences pèsent aujourd'hui sur un certain nombre de femmes ou d'enfants de femmes traitées par le Distilbène. Mais nous avons considéré que l'amendement n° 81 n'ajoutait pas grand-chose aux importants efforts d'information qui ont déjà été faits dans ce domaine.

Quant à l'amendement n° 227, il ne demande qu'un rapport de plus, et c'est la raison qui a incité la commission à le repousser.

M. le président. Même avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 81.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 227.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons, monsieur Le Guen, à vos deux amendements n°s 79 et 226, qui peuvent également faire l'objet d'une présentation commune.

M. Jean-Marie Le Guen. Ces amendements ont trait à la prévention du suicide, sujet très important auquel a été consacrée une journée nationale. Il m'est apparu d'ailleurs, pour avoir participé avec Mme Boutin à une réunion consacrée à cette question, que cette journée nationale avait eu un impact incontestable. Je partage avec Mme Boutin la conviction que la prévention du suicide est un problème de santé publique insuffisamment pris en compte par notre société, faute d'abord de disposer de tous les moyens de prendre une connaissance exacte de ce phénomène, condition sine qua non de la mise en œuvre d'une politique efficace.

Certes on pourra toujours opposer à notre amendement l'article 40 ; c'est d'ailleurs presque un miracle qu'il ait échappé jusqu'ici à ce couperet. Mais très honnêtement, monsieur le ministre, nous serions déjà très heureux de vous entendre nous dire que vous allez mettre en place les structures nécessaires, fût-ce les plus légères. Cela prouverait qu'il existe une volonté politique de traiter une question qui nous interpelle. Même si, comme vous le savez, le plan anti-suicide nous a permis de progresser sur la question du suicide des jeunes, celui-ci reste une des causes de mortalité les plus importantes chez les jeunes adultes ; en outre le taux de suicide ne cesse d'augmenter chez les personnes de plus de cinquante ans. Ce phénomène nouveau traduit la crise que connaît notre société, sous tous ses aspects. Nous devons nous donner les moyens, en particulier épidémiologiques, de mieux connaître ce phénomène, et les ressources humaines à mettre en œuvre.

Voilà pourquoi nous proposons par l'amendement n° 79 la création d'un centre national de ressources pour la prévention du suicide. L'amendement n° 226 est un amendement de repli.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. La commission a repoussé l'amendement n° 79. Nous convenons qu'il s'agit d'un grave problème de santé publique, mais la commission n'est pas certaine que la solution institutionnelle soit la plus opportune. Et quand bien même elle le serait, il ne semble pas indispensable qu'une loi prévoie la création d'un tel centre de ressources. Cette réponse vaut aussi pour l'amendement n° 226.

Je vous rappelle, monsieur Le Guen, que la prévention du suicide est déjà prévue dans le cadre des plans stratégiques de santé publique pour les années 2004-2008.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le problème posé par M. Le Guen est extrêmement important : notre pays n'est pas bien placé en termes de suicides.

Je ne pense pas que la réponse institutionnelle soit la meilleure. Ce qui me paraît important, ce sont les comparaisons européennes pour voir si la proposition formulée dans cet amendement a été adoptée dans d'autres pays.

En second lieu, je n'avais pas connaissance d'un pic de suicide à cinquante ans. Par contre, ce que je sais - je ne parle pas des adolescentes qui sont suivies par ailleurs pour les problèmes de contraception -, c'est qu'il existe aujourd'hui un taux de suicide des adolescents et des adultes jeunes plus élevé en France que dans les autres pays européens. Pour cela, j'aurai probablement des propositions à faire. Il s'agit d'un sujet majeur, même si, pour l'instant, il n'est pas mature.

M. le président. Monsieur Le Guen, maintenez-vous vos amendements ?

M. Jean-Marie Le Guen. Oui, parce que je pense qu'on ne pourra pas faire l'économie d'un centre de ressources.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 226.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 80.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Dans la suite de mes remarques sur la question du suicide - d'ailleurs, les suicides chez les personnes très âgées sont également très importants et en croissance -, je crois que nous ne mesurons pas encore à tous les niveaux de notre société l'impact du basculement démographique.

Par exemple, lorsqu'on parle de notre système de santé et d'assurance maladie, on se demande le plus souvent si cela va nous coûter cher. C'est un débat intéressant, certes, mais qui est loin de clore l'ensemble des problèmes posés par le vieillissement dans notre société sur le plan médical et sur celui de l'assurance maladie.

Je pense qu'il existe un déficit de réflexion sur l'ensemble des questions dans le domaine sanitaire et social. Je ne parle pas évidemment des autres domaines, encore que, parfois, ils soient mieux traités parce que l'économie marchande est souvent plus en avance que ne l'est la prise en compte des problématiques sociales.

Ce que propose Paulette Guichard-Kunstler, c'est de créer un lieu, qui peut être immatériel, un pole, un centre de ressources et de coordination des études sur les problématiques du vieillissement.

S'agissant de ces questions, nous aurons à mettre en œuvre, dans les mois ou les années qui viennent, des plans d'action en matière de santé. Car, à part des expertises très pointues, notamment de gériatres, l'approche de ces questions au plan sanitaire et social est totalement insuffisante.

C'est le sens de la proposition de ma collègue, et je la soutiens.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. L'amendement a été rejeté par la commission. Encore un rapport, encore un institut... Cet institut ferait double emploi avec d'autres structures au sein de l'INSERM, de l'INED, au sein ce qui sera coordonné par la nouvelle Ecole des hautes études en santé publique.

Au total, la commission n'y a vu aucun intérêt.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. J'ai le même avis que le rapporteur. J'ajoute à l'intention de M. Le Guen que M. Emile-Etienne Baulieu a déjà créé un institut de la longévité avec un partenariat public-privé.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Tout à fait !

M. Jean-Marie Le Guen. Lui, il a eu la réponse !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 80.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 14 et rapport annexé

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, inscrite sur l'article.

Mme Jacqueline Fraysse. L'article 14 est un des articles centraux du projet de loi puisqu'il structure la politique de santé publique pour les quatre années à venir et définit la centaine d'objectifs qu'il faudra sinon atteindre, du moins approcher.

Je tiens à redire qu'au regard de leur mode d'élaboration et des moyens financiers dégagés pour y parvenir, ces objectifs perdent, à nos yeux, beaucoup de leur crédibilité.

La méthode d'élaboration d'abord : le rapport d'objectifs de santé publique pour les années 2004 à 2008 annexé au présent projet de loi a été réalisé dans des délais records puisque, commencé en novembre 2002, il a dû être achevé avant mai 2003, date du dépôt du texte sur le bureau de l'Assemblée nationale.

Ensuite, pour être crédible, il doit associer ses objectifs à des moyens dont je n'ai malheureusement trouvé la trace ni dans le projet de loi, ni dans l'annexe, qu'ils soient financiers, matériels, humains, législatifs ou réglementaires.

On peut en outre s'interroger sur l'articulation de ce dispositif avec les plans multiples et variés qui sont annoncés en cascade - plan vieillissement et solidarité, plan urgence hivernale, plan hôpital 2007, pour ne citer que les principaux et les plus récents -, comme avec la loi de financement de la sécurité sociale et son rapport annexé. Il est vrai qu'ils présentent quelques ressemblances puisqu'ils procèdent d'une même technique de législation, floue et incertaine, mélangeant des dispositions de nature très diverse sans portée normative réelle.

C'est pourquoi sans prendre le risque, hélas ! de me tromper, je peux dire que les objectifs quinquennaux de santé de ce projet de loi connaîtront sans doute le même taux de réalisation que les objectifs annuels de l'ONDAM, à cette différence près cependant que les premiers ont peu de chances d'être atteints, alors que les seconds ont toujours été dépassés.

A cela s'ajoute l'absence de hiérarchisation d'objectifs à l'évidence trop nombreux. Ces objectifs ont été établis sans prendre en considération les populations à risque ou en état de précarité, ce qui les rend encore moins crédibles.

Bref, nous avons le sentiment regrettable de feuilleter un inventaire de bonnes intentions.

Le sentiment qui domine est celui d'une absence de débat public et de concertation préalable large avec tous les acteurs concernés, y compris les associations de malades.

De plus, la rédaction de ce texte a été confiée à soixante-dix experts qui, pour la grande majorité d'entre eux, ignoraient vos orientations stratégiques et n'ont eu que quelques heures pour se prononcer.

Sur le fond, je considère que l'on doit s'interroger sur les critères de choix et de hiérarchisation de ces cent objectifs, tout comme sur le fait de limiter ces objectifs à une centaine. Puisqu'il n'y a pas de critères, pourquoi pas cent cinquante, ou pourquoi pas moins de cent ? Et que dire du financement de ces multiples objectifs ? Il n'y a rien, dans ce texte, ni dans d'autres, pour les financer.

Souvenez-vous qu'en première lecture nous doutions de la démocratie qui a présidé à son élaboration, mais aussi des moyens consacrés à la réalisation de ces objectifs.

Aujourd'hui, force est de constater qu'aucune réponse satisfaisante n'a été donnée à ces interrogations qui, finalement, étaient fondées et se voient confirmées.

Je crains que ce projet de loi ne se révèle en définitive beaucoup moins important que son promoteur ne l'avait imaginé et annoncé et qu'il relève davantage de l'effet d'annonce que d'une réelle volonté d'avancer concrètement dans un domaine où, pourtant, tout le monde sait que notre pays est en retard, celui de la santé publique et de la prévention.

Je pense donc que cette annexe est finalement une liste d'annonces dont nous ne savons pas quels points entreront dans la réalité concrète.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Comme ma collègue Mme Fraysse, je me demande pourquoi 100 objectifs. Monsieur le ministre, vous avez d'ailleurs vous-même posé la question hier : pourquoi 100, pourquoi pas moins, pourquoi pas plus ? Ce chiffre est peut-être devenu magique, je ne sais pas. Peut-être est-ce une agence de « com » qui a eu cette idée, et du coup on ne peut plus y toucher. Par exemple, on ne pouvait pas ajouter l'objectif de lutte contre la surconsommation de sel, sinon on aurait dépassé le chiffre 100. On en est donc réduit à trouver des solutions pour rester à ce fameux chiffre. Rien que cela prouve qu'on est finalement dans la « com », dans une somme de vœux pieux dont on peut craindre qu'il en ressorte assez peu de résultats, d'autant que s'agissant des moyens, on les cherche vainement.

Je vais prendre comme exemple trois grands thèmes du rapport d'objectifs pour démontrer que, finalement, ils ne résolvent rien.

Premier thème : « précarité et inégalité ». Il comporte seulement deux objectifs, 33 et 34. En les lisant, on a l'impression qu'il est plutôt contradictoire aujourd'hui de nous proposer dans un plan de « réduire les obstacles financiers à l'accès aux soins » alors que les décisions du gouvernement précédent - et, que je sache, dans sa déclaration d'intention faite lundi après-midi devant cette assemblée et devant le Sénat, le Premier ministre ne nous a pas indiqué qu'il allait revenir sur les décisions prises -, réduisent pratiquement à néant l'AME, mais aussi la CMU, puisque dorénavant toute personne ayant besoin de la CMU doit attendre un mois avant d'y avoir accès. Donc quand, d'un côté, on a en tête ces mesures de restriction à l'égard des plus démunis et que, de l'autre, on trouve dans les 100 objectifs celui de « réduire les obstacles financiers à l'accès aux soins pour les personnes dont le revenu est un peu supérieur au seuil ouvrant droit à la CMU », on comprend que les autres, on les a déjà oubliés.

De plus, quand on sait que, dans le cadre de la réforme de la sécurité sociale, il y a eu des réflexions - on ne sait pas ce qui en résultera - sur l'introduction d'un forfait par ordonnance ou par boîte de médicaments, on se dit que la lutte pour l'accès de tous aux soins est plutôt mal partie.

Deuxième exemple : « santé et travail ». On y reviendra car tous les amendements que j'avais déposés sur cette question en première lecture ont été rejetés sous prétexte qu'il est impossible de toucher au code du travail, ce qui est plutôt bizarre parce que, si on discute de santé publique et qu'on ne peut pas toucher au code du travail, alors même que la santé dans les entreprises est codifiée dans le code du travail, on ne peut évidemment pas faire grand-chose. Là aussi, les objectifs proposés constituent beaucoup de vœux pieux puisque, par exemple, pour « réduire les effets sur la santé des travailleurs des expositions aux agents cancérogènes », on propose uniquement « la diminution des niveaux d'exposition », mais à aucun moment on ne se pose la question de l'interdiction d'un certain nombre de produits dangereux qu'il serait pourtant plus que temps d'interdire. Aujourd'hui, on sait même que s'agissant de l'indemnisation des victimes de l'amiante, on essaie de réduire au minimum l'indemnisation de ceux qui n'ont plus beaucoup d'années à vivre ou des familles de ceux qui sont déjà décédés.

Troisième thème : « santé et environnement ». Une majorité des cancers aujourd'hui ont des causes environnementales, et l'on connaît ce grave problème. L'objectif 22, « qualité de l'eau », propose de « diminuer par deux d'ici à 2008 le pourcentage de la population alimentée par une eau de distribution publique dont les limites de qualité ne sont pas respectées en permanence pour les paramètres microbiologiques et les pesticides ». Mais, les amendements de première lecture visant à interdire les pesticides dangereux pour la santé ont été rejetés. Dans tout ce plan de santé publique, donc, il n'y a rien pour lutter contre le développement de l'utilisation totalement abusive des pesticides, qui met en danger la santé publique.

Quand on voit la diversité de ces objectifs, on se dit que, s'ils sont tous atteints, on dépensera sans doute beaucoup d'argent pour soigner les gens, mais qu'à aucun moment on ne cherchera à éviter les causes de certaines maladies, qui ont pourtant des conséquences directes sur les comptes de la sécurité sociale. La meilleure façon de limiter les dépenses, ce n'est pas de réduire les remboursements, mais de supprimer les causes des maladies. Malheureusement, il n'y a, dans ces objectifs, je le répète encore, que des vœux pieux.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Personne ici ne semble satisfait de cette énumération, dont toute la logique repose sur le caractère esthétique de la centaine. On aurait du mal à trouver des raisons justifiant la présence ou l'absence de telle ou telle mesure. Toutes sont intéressantes, mais leur accumulation ne ressortit pas à une politique rationnelle. Elle est au contraire confuse, imprécise.

Il était une autre façon de présenter les objectifs de santé publique. On aurait aimé qu'une méthodologie préside au choix des priorités, des critères déterminant la présence ou l'absence de telle ou telle politique parmi la centaine de mesures qui nous sont proposées, qu'on ne se contente pas de ramasser tout ce qui traînait dans les tiroirs de l'administration. Tel n'a pas été le cas, ce qui montre les limites de notre pensée en matière de santé publique.

D'autre part, on confond en permanence les politiques de santé publique et les politiques publiques de santé. Les politiques de santé publique mettent en œuvre des moyens qui agissent sur l'environnement, au sens large du terme : l'environnement physique, industriel, social, l'alimentation, tout ce qui fait la vie de l'homme en société. Ces politiques interviennent par le biais de la réglementation, par exemple pour limiter l'usage d'un produit, l'interdire, encadrer sa commercialisation, ou de l'éducation du comportement vis-à-vis de la santé : songeons au problème de l'obésité.

Les politiques publiques de santé, elles, rassemblent, autour de la puissance publique, tous les acteurs de la santé, pour coordonner la prévention, le soin et la réinsertion, réduire la prévalence ou l'incidence des différentes affections. La confusion permanente entre politiques de santé publique et politiques publiques de santé explique que le rôle que joue l'État dans ce dispositif ne soit pas vraiment maîtrisé. Or on retrouve cette même confusion dans ces cent objectifs.

Enfin, il est clair que ces objectifs sont construits sur le même modèle : quel que soit le problème en question, on a décidé de réduire son incidence de 20 %. Pourquoi 20 % ? Ce chiffre a-t-il la moindre justification scientifique ? Y a-t-il un rapport quelconque entre les moyens mis en œuvre et les objectifs que l'on se fixe ? Tout ce que l'on sait, c'est qu'on a la volonté politique de tout réduire de 20 %. L'article 14, c'est « l'article moins 20 % », 20 % sur cent objectifs. Et voilà comment on fait une belle politique de santé publique, bien construite, bien structurée. La société n'a plus qu'à dire à l'État : bravo, monsieur l'État, vous avez bien travaillé ! Nous allons donc travailler sur cet article 14.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. La troisième critique majeure que ce texte inspire à l'UDF porte sur l'article 14 et ses cent objectifs, qui semblent très artificiels et constituent un catalogue incomplet. On peut se demander, en effet, pourquoi certains objectifs ont été retenus plutôt que d'autres. Certes, on a consulté des travaux d'experts, mais pas tous, car il manque des pans entiers.

Nombre de ces objectifs sont quantifiés. M. Le Guen disait qu'ils sont tous à moins 20 %, mais certains sont à moins 30 ou à moins 35 %. Je trouve la limite de cinq ans dangereuse, car il est évident que nous n'aurons pas atteint tous ces objectifs d'ici là. Et lorsque nos successeurs arriveront,...

M. Jean-Marie Le Guen. Avant cinq ans !

M. Jean-Luc Préel. ...ils nous reprocheront d'avoir failli. Certes, il est important de se fixer des objectifs, pour tendre vers la réduction. Mais c'est aussi prêter le flanc à des critiques faciles.

Ces objectifs témoignent de la volonté de résoudre les problèmes de santé. Mais le chiffre 100 a un côté artificiel, d'autant que l'orientation générale est très épidémiologique, comme on l'a déjà dit, et que le versant populationnel, pourtant important, semble avoir été quelque peu négligé, ce qui est dommage.

Certains problèmes de santé sont marginalisés, voire oubliés. Ainsi, l'alcoolisme, les troubles de l'audition ou les maladies mentales ne sont pas suffisamment pris en compte à mon sens.

Le Sénat a amélioré le texte en ajoutant plusieurs objectifs. Notre président rapporteur nous dira tout à l'heure qu'il souhaite revenir au texte initial et aux cent objectifs. Mais supprimer la mention des troubles de l'audition, pris en compte par le Sénat, serait une grave erreur, mal perçue, car ils affectent aujourd'hui quelque 6 millions de nos concitoyens.

Je n'ai pas, pour ma part, le fétichisme du chiffre 100, et ne vois aucun inconvénient à ce que l'on aboutisse à 103, 104 ou 105 mesures. Il convient en particulier de maintenir l'objectif qui touche à l'antibiorésistance, problème majeur de santé publique, la consommation excessive d'antibiotiques entraînant une résistance à certains germes, tels les staphylocoques, et provoquant de véritables drames.

Les problèmes de la prématurité ont également été évoqués. J'ai fait allusion aux pathologies auditives : je regrette qu'on les supprime de la liste et j'aurai l'occasion d'en reparler tout à l'heure. Le Sénat avait reconnu l'importance de ces questions.

Nous aurions préféré qu'on choisisse quatre ou cinq priorités bien définies, en se fondant sur les chiffres de la mortalité prématurée évitable ; tout le monde connaît aujourd'hui cette notion, qui représente l'un des problèmes de notre société. Au premier rang de ces priorités, on aurait inscrit le cancer du sein, le cancer du colon et du rectum, les maladies cardiovasculaires. On aurait pu mobiliser les moyens dont on dispose, et qui sont forcément limités, en mettant le paquet sur ces priorités : on aurait sans doute été plus crédible.

Enfin, on sait le sort qui est réservé d'habitude aux rapports annexés. Chaque année, on discute, dans le cadre du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, du rapport annexé et des priorités du Gouvernement. Une fois que cela a été voté, plus personne ne s'en soucie. Je crains que cette annexe, qui n'a pas de valeur législative normative, n'ait pas l'efficacité qu'on est en droit d'en attendre.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. On a parlé du fétichisme des chiffres dont ferait preuve le président de la commission. Il est vrai que 100, c'est un chiffre rond. Mais il en est d'autres qui sont tout aussi beaux. Par exemple, 107 évoque les sept merveilles ou les sept collines. Et, s'il ne fallait en garder qu'un, 101, ce sont les « 101 dalmatiens ». (Rires.) C'est un chiffre qui sonne bien. Walt Disney étant désormais dans le domaine public, je ne fais pas de publicité, clandestine ou manifeste, en disant cela.

M. Jean-Luc Préel. Et 110, ça vous rappelle quelque chose ? (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Il y a aussi les 100 familles ! Et les sans-culottes !

M. Gérard Bapt. M. Préel a parlé de l'antibiorésistance, et je voudrais insister à mon tour sur ce sujet. Le bon usage des antibiotiques est devenu un enjeu majeur. La question a d'ailleurs été soulevée par votre prédécesseur, monsieur le ministre. Les experts français estiment en effet que 50 % des traitements antibiotiques seraient inappropriés, n'apportant aucun bénéfice dans le cas des infections virales. L'abus de ces traitements risque de favoriser le développement de bactéries résistantes aux antibiotiques. Ainsi, entre 1984 et 2001, la résistance du pneumocoque à la pénicilline est passée de 0,5 % à 45 % chez l'adulte et à 60 % chez l'enfant.

Il faut donc agir pour éviter les situations d'impasse thérapeutique dans des infections courantes. Cela fait d'ailleurs l'objet d'une mobilisation internationale, puisque l'OMS a appelé à plusieurs reprises l'attention de la communauté internationale sur la menace que représente le développement des bactéries résistantes. Pour la France, c'est un objectif pragmatique à poursuivre.

Si le président de la commission restait inflexible sur le chiffre de 100, au moins faudrait-il évoquer quelque part, en une ligne, cette grave question de l'antibiorésistance.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Je souhaite, à mon tour, apporter quelques précisions, pour dissiper certains malentendus, voire certains quiproquos.

Monsieur Préel, vous avez raison de dire que le rapport annexé n'a pas de valeur juridique normative. Peut-être auriez-vous souhaité qu'il trouve place dans l'exposé des motifs ?

M. Jean-Luc Préel. Raison de plus pour y ajouter deux ou trois objectifs !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Il me semble que nous avons mieux à faire que de consacrer des heures de discussion à tous les éléments du rapport annexé. Le texte comporte des articles qui ont réellement force de loi et qui sont d'une importance capitale. Je le répète, en matière de santé publique ou d'hygiène, il n'y avait pas eu de loi d'ensemble et de fond depuis 1902 − cela fait donc 102 ans, monsieur Préel !

Je voudrais vous rappeler aussi qu'il y a cinq priorités.

M. Jean-Marie Le Guen. Où ça ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Dans le texte de loi.

M. Jean-Marie Le Guen. Dans quel article ? Pouvez-vous nous les rappeler sans les lire ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Ces priorités sont les suivantes : lutter contre le cancer ; limiter l'impact des facteurs environnementaux sur la santé ; lutter contre les conséquences de la violence sur la santé ; mieux prendre en charge la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques − vous voyez que je ne lis pas −...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Bravo !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. ...et s'intéresser aux 200 ou 300 maladies rares répertoriées, qui, en France, concernent 2 000 à 25 000 personnes et sont négligées pour des raisons que nous connaissons tous.

Le projet initial comptait cent objectifs, assortis, madame Fraysse, d'indicateurs précis. Si, comme Mme Billard, je crois que certains de ces indicateurs peuvent être discutés, il n'en reste pas moins que ce sont des experts qui les ont définis.

Mme Martine Billard. Ils ont aussi accepté l'amiante, les experts !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Ces derniers ont tout de même des connaissances que nous n'avons pas forcément tous pour les cent objectifs définis par ce texte.

En première lecture, le ministre de la santé d'alors nous a rappelé que ces objectifs avaient été déterminés, si mes souvenirs sont exacts, par un groupe de travail composé de soixante-dix experts dont les compétences couvraient tous les champs de la santé. Le travail de concertation qu'il a mené a eu lieu aussi bien par l'intermédiaire d'écrits que lors de réunions, et notamment de deux réunions d'une journée pleine avec des associations et le collectif interassociatif sur la santé,...

M. Jean-Marie Le Guen. Le CISS.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. ...que nous connaissons bien.

Ce groupe d'experts a donc pu fournir des éléments parmi lesquels le ministre a fait des choix.

Mme Fraysse a regretté qu'un trop grand nombre d'objectifs ait été retenu.

Mme Jacqueline Fraysse. Tout à fait !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Le ministre aurait pu en choisir quinze ou vingt comme il aurait pu, monsieur Préel, en retenir cent cinquante ou deux cents.

M. Jean-Marie Le Guen. Eh bien, non ! Il a décidé d'en prendre cent. Quel courage !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. S'il en a choisi cent, c'est peut-être que la perspective d'un chiffre rond plaidait en faveur de ce choix.

Pour ma part, je ne suis pas accroché à ce chiffre rond, mais il faut bien faire un choix. Et vous savez tous, mes chers collègues, combien, pendant la période où nous auditionnions, les associations, les sociétés de scientifiques ont fait pression pour que de nouveaux objectifs soient ajoutés.

Pour ma part, vous connaissez ma double spécialité professionnelle : la transplantation et l'urologie. Or pour l'une des maladies chroniques retenues, l'insuffisance rénale chronique, la transplantation n'a pas été prise en compte.

M. Jean-Luc Préel. Rajoutez-la !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Ce n'est pas faute pourtant d'interventions auprès de moi tant de la société française de transplantation que de certains de mes amis !

De même, monsieur Préel, quel est le cancer le plus fréquent chez l'homme ? C'est celui de la prostate, sachant que le cancer de la vessie est également très fréquent. Eh bien, il ne figure pas davantage parmi les objectifs.

Les experts ont dû faire des choix et je ne pense pas avoir compétence pour remettre en cause des choix faits par des personnes qui ont réfléchi sur ces problèmes mieux que nous n'avons pu le faire nous-mêmes.

J'ai, pour ma part, essayé de limiter le nombre d'objectifs pour accorder plus de crédibilité au texte car augmenter exagérément ce nombre en aurait réduit la faisabilité. Cela dit, je suis personnellement favorable à ce que d'autres objectifs, considérés comme très importants, puissent être réintroduits. Je remercie à cet égard Mme Billard d'avoir trouvé une astuce pour réintroduire, en commission, la lutte contre la consommation excessive de sel en visant une réduction moyenne de 4 % par an.

M. Pierre-Louis Fagniez. Ce que nous avons approuvé des deux mains !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Le problème de la résistance aux antibiotiques est également une question extrêmement sérieuse et je ne vois aucun inconvénient à ce que l'objectif correspondant soit rajouté.

Vous avez parlé, monsieur Préel, de la prévention de la surdité. C'est un objectif qui devrait, si l'on décidait de le rajouter, être modifié afin qu'il porte surtout sur la surdité de l'enfant, qui mérite, plus que toute autre, d'être dépistée.

M. Jean-Luc Préel. C'est dans le texte actuel !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Pour autant, il ne faut pas, mes chers collègues, rouvrir le débat mais se limiter à l'essentiel.

M. le président. Un long débat vient d'avoir lieu. Souhaitez-vous ajouter quelque chose, monsieur le ministre ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je suis d'accord avec les propos que M. le rapporteur vient de tenir.

M. le président. Nous en venons à un amendement à l'article. Il conviendrait peut-être, mes chers collègues, devant tout le travail qui reste à faire, d'aller un peu plus vite.

Je suis saisi d'un amendement n° 82.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement est le seul que je défendrai vraiment, monsieur le président. Ce sera ma contribution à votre demande de rapidité dans l'examen de cet article dont le président de la commission nous a fait remarquer, à juste titre, qu'il n'avait finalement pas une grande importance. Il faut bien reconnaître qu'en dépit des espoirs placés par nombre de nos concitoyens dans cet article 14, le fait qu'un objectif y soit ou n'y soit pas inscrit n'a malheureusement pas une importance déterminante. Il n'y a pas de moyens financiers ni matériels affectés à ces objectifs. C'est dire si ces derniers sont pour l'essentiel des vœux pieux, énumérés sans véritable construction scientifique ni logistique.

Mon amendement avait pour objet de combler cette lacune. Je suppose - mais peut-être fais-je preuve de pessimisme ? - que le Gouvernement, pas plus que la majorité, n'a l'intention de s'y rallier.

M. le président. Nous allons le vérifier tout de suite, monsieur Le Guen.

Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Il a été repoussé par la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. La vérification de votre pronostic est faite, monsieur Le Guen !

Je mets aux voix l'amendement n° 82.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Rapport annexé

M. le président. Nous en arrivons aux amendements portant sur le rapport annexé.

Je suis saisi d'un amendement n° 83.

Est-il défendu, monsieur Le Guen ?

M. Jean-Marie Le Guen. Oui, monsieur le président.

Qu'il me soit simplement permis de préciser que la commission de réduction des risques à laquelle j'ai tout à l'heure fait référence, a pour appellation officielle « commission consultative des traitements de substitution de la toxicomanie », sachant qu'un arrêté du 13 avril 2001 a modifié celui du 7 mars 1994 - date qui devrait évoquer quelque chose pour vous, monsieur le ministre - relatif à sa création et à sa composition.

M. le président. La commission et le Gouvernement émettent un avis défavorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 83.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 84.

Cet amendement a été défendu.

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 85.

Cet amendement a été défendu.

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à l'amendement n° 297.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Il s'agit, par cet amendement, de regrouper en un seul objectif ceux relatifs à la déficience en iode qui apparaissaient sous les numéros 6 et 11 dans les tableaux du rapport annexé. L'ensemble serait ainsi regroupé sous le numéro 6.

Une faute de frappe s'étant glissée dans l'amendement, il convient de le rectifier. Dans la colonne « objectif préalable », il ne s'agit pas en effet de « qualification en cours » mais de « quantification en cours ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement ainsi rectifié ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Cet amendement a été adopté par la commission.

Je faisais allusion il y a quelques minutes à la qualité du travail de Mme Billard : tous ses collègues au sein de la commission des affaires sociales ont également salué son très bon travail.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 297 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 298.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Cet amendement est en quelque sorte désespéré puisque l'objectif qu'il vise fait partie des cent objectifs retenus. C'est donc presque un amendement de repli.

Lorsque l'AFSSA a mis en place le groupe de travail sur l'apport alimentaire en sel, elle souhaitait des mesures beaucoup plus directives sur cette question. Malheureusement, les industriels de l'agroalimentaire n'ont accepté de signer le rapport du groupe de travail qu'à condition qu'il n'y ait aucune mesure réglementaire sur l'affichage de la teneur en sel des plats préparés. La conséquence a été que, depuis la publication de ce rapport, aucune avancée n'a été enregistrée dans ce domaine.

Je ne suis pas convaincue que l'objectif 11 permettrait d'avancer plus. Mais maintenant qu'il est affirmé publiquement, j'espère que le ministère aura à cœur de faire en sorte que cet objectif soit atteint et que le Gouvernement saura faire pression sur les industriels de l'agroalimentaire pour obtenir enfin une réduction des teneurs en sel des plats préparés, de la charcuterie et des fromages.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Cet amendement a été accepté par la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. J'avais déposé un amendement identique. Je soutiens donc tout à fait la démarche de ma collègue Mme Billard.

En matière de teneur en sel rien, là encore, ne s'oppose à ce que nous mettions en œuvre des mesures.

Monsieur le ministre, vous connaissez, pour être cardiologue, les conséquences de la surconsommation de sel. Or, nous le savons, le sel est un élément de compétition entre les différents industriels parce que le consommateur, malheureusement, a tendance à choisir le plat le plus salé. Et plus il s'habitue à un certain niveau de sel, plus la course vers le plus salé se poursuit.

Il faut agir profession par profession, comme cela a été fait auprès des boulangeries, qui ont diminué la teneur en sel du pain. Si on fait de même dans les autres professions, comme celles des plats préparés ou de la charcuterie, on arrivera à diminuer la consommation de sel des Français sans que cela coûte rien à personne et sans que le goût soit en aucune façon altéré.

Voilà une action que peut mener le ministère de la santé publique en intervenant un tant soit peu auprès des industriels. Mais il est vrai que, dans notre pays, il n'a pas pour habitude de faire peur aux industriels ! Il doit donc devenir un interlocuteur crédible de l'industrie agroalimentaire, puisque cette industrie continuera d'exister.

Celle-ci a un petit peu trop tendance à vivre en concubinage avec le ministère de l'agriculture, considérant que celui-ci est son seul interlocuteur, voire son seul défenseur. Eh bien, non ! L'industrie agroalimentaire doit comprendre qu'aujourd'hui, son interlocuteur incontournable, ce n'est plus le ministère de l'agriculture, chargé de la défendre, mais le ministère de la santé, chargé de défendre le consommateur !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le sujet est majeur et c'est pourquoi nous acceptons ces amendements.

Tous les médecins savent qu'entre le Nord et le Sud de l'Europe, il existe des différences dues aux graisses saturées et insaturées, et qu'au Japon, par exemple, où l'on mange beaucoup de poisson, la population connaît très peu d'infarctus du myocarde. Tous constatent une aggravation des accidents vasculaires cérébraux du fait d'une hypertension artérielle due à une alimentation plus salée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 298.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 3.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de cohérence.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 4 et 149.

Monsieur Préel, je vous propose de soutenir les deux amendements puisque vous êtes signataire des deux.

M. Jean-Luc Préel. L'amendement n° 4, qui a été repris par la commission, a pour objet non pas d'ajouter un objectif supplémentaire mais de donner une dimension qualitative à l'objectif de réduction des accidents routiers liés au travail dans un cadre de concertation avec les partenaires sociaux. L'indicateur retenant les mesures de prévention préconisées par les partenaires sociaux apparaît également pertinent étant donné l'état d'avancement des travaux déjà réalisés dans ce domaine avec les partenaires. C'est pourquoi la commission l'a accepté.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Favorable, la commission a même cosigné l'amendement de M. Préel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 4 et 149.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 164 de M. Dell'Agnola tombe.

Je suis saisi d'un amendement n° 5.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de cohérence.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 6.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Cet amendement propose de supprimer la rubrique concernant la résistance aux antibiotiques. Je viens d'expliquer les raisons qui ont poussé la commission à limiter l'inflation d'objectifs supplémentaires. Mais je me laisserais très facilement convaincre de renoncer à cet amendement si le ministre voulait que cet objectif ajouté par le Sénat soit retenu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Eh bien, je vous le demande, en effet.

M. le président. Si je comprends bien, non seulement le Gouvernement soutient la rédaction du Sénat mais il vous demande de l'adopter.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. En fait, je suis défavorable, à titre personnel, à l'amendement n° 6.

M. le président. Vous pourriez le retirer, ce serait plus simple.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. En effet.

M. le président. L'amendement n° 6 est donc retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 86.

Il est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Cet amendement propose de supprimer l'objectif 43 bis.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. L'objectif qu'il est proposé de supprimer a été ajouté par le Sénat dans sa grande sagesse. Après avoir réfléchi, il me paraît souhaitable de le maintenir, d'autant que, si j'ai bien compris ce qui a été fait tout à l'heure avec le sel, deux objectifs ont été fusionnés, ce qui a libéré un objectif. En acceptant celui-là, nous en resterions toujours au chiffre de 100.

M. le président. C'est en effet un argument majeur. (Sourires.)

Qu'en pensez-vous, monsieur le rapporteur ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. J'en reste à la position de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Nous proposons, là aussi, de supprimer un objectif, l'objectif 66 bis.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. On a parlé tout à l'heure des problèmes auditifs et il est vrai que le sujet est important. Le Sénat a introduit à juste titre cet objectif supplémentaire, après avoir pris en compte trois rapports officiels présentés par les services du ministère. Aujourd'hui, 9 à 10 % de la population, soit 6 millions de nos concitoyens, souffrent de troubles de l'audition. C'est un vrai problème de santé publique. L'exclusion qui en résulte frappe à tout âge, les jeunes comme les personnes âgées. Se fixer comme objectif la diminution des problèmes liés à la perte de l'audition me paraît justifié.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Si nous décidions d'aller dans cette voie, je pense qu'il conviendrait de sous-amender le texte pour viser spécifiquement le dépistage des déficiences auditives de l'enfant dès la naissance. Mais je pense que le Sénat pourra revenir sur ce point.

M. Jean-Luc Préel. Ce serait en effet une possibilité.

M. le président. Monsieur le rapporteur, sous-amender un amendement qui supprime un objectif me semble bien compliqué. Il faudrait trouver une autre solution.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. C'est la raison pour laquelle je pense que nous pouvons en rester là pour aujourd'hui et adopter l'amendement n° 8. J'imagine que le Sénat pourra faire évoluer les choses.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Voilà !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 207, 87 et 209.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l'amendement n° 207.

M. Jean-Luc Préel. Cet amendement se proposait de revenir sur les pathologies auditives en complétant l'objectif 66 bis, mais dans la mesure où nous venons de supprimer cet objectif, je pense que mon amendement n'a plus d'objet.

M. le président. Vous avez tout à fait raison.

Les trois amendements identiques, nos 207, 87 et 209, tombent du fait de l'adoption de l'amendement n8.

Je suis saisi d'un amendement n° 271.

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur. Il s'agit simplement de compléter l'objectif 69 de réduction de la mortalité liée aux maladies cardio-vasculaires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Cet amendement a été accepté par la commission. Il n'ajoute pas un objectif mais propose simplement une nouvelle rédaction de l'objectif 69.

Je signale que le nombre d'objectifs dépassant maintenant le chiffre 100, il convient d'effectuer la rectification dans le rapport annexé, en remplaçant à chaque fois le chiffre 100 par le chiffre 101, si nous en restons là, notamment à la page 117 de la version du projet de loi éditée par l'Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je suis d'accord.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 271.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 14 et le rapport annexé, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 14 et le rapport annexé, ainsi modifié, sont adoptés.)

Article 15

M. le président. Les amendements nos 88, 165 et 89 ne sont pas défendus.

Je suis saisi d'un amendement n° 323.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Cet amendement a pour objet d'apporter une simple correction technique à la rédaction de l'article 15. En effet, le mode de nomination des principaux dirigeants de l'institut doit être précisé dans la loi parce que ces nominations ne peuvent juridiquement relever du décret d'application de l'article 15.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 323.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 90 n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 322.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il s'agit, là aussi, d'une précision.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Cet amendement a été accepté par la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 322.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 15, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 15

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 9, 92 et 296 corrigé.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir les amendements n°s  9 et 92 puisqu'il est signataire des deux.

M. Jean-Marie Le Guen. On a parlé dans l'article 15 de l'Institut national du cancer, et j'aurai l'occasion d'exprimer les doutes que cette future structure nous inspire. Avec cet article additionnel, nous abordons plus précisément les politiques de dépistage.

En matière de dépistage, notamment du cancer du sein, il ne s'agit pas de se contenter de faire du chiffre ou de mettre en place des procédures. Ce qui est fondamental, ce sont les gens qui ont vocation à passer à travers les mailles du filet, c'est-à-dire souvent les personnes les plus défavorisées, encore que d'autres personnes soient tellement sûres d'elles-mêmes ou aient un rapport si compliqué avec les problèmes de santé qu'elles se soustraient volontairement au dépistage. Les personnes qui ont un rapport faussé à la démarche de prévention, parce que justement elles n'ont pas une compréhension complète de ce qui leur est proposé, passent à travers ce dépistage. Il ne s'agit pas simplement de mettre en œuvre des procédures médicalisées, il faut porter une attention toute particulière, adopter une démarche très active vis-à-vis de certaines populations.

Je me félicite que cet amendement soit appuyé par le président de la commission.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 296 corrigé.

Mme Martine Billard. Plus le dépistage est précoce, plus les malades ont de chances d'être soignés et de continuer à vivre dans de meilleures conditions. Cet objectif est fondamental. Le texte contient très peu de mesures en direction des populations les plus démunies et nous jugeons utile d'insister sur celle-là.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Favorable, je suis même signataire de l'amendement n° 9.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 9, 92 et 296 corrigé.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Je suis saisi d'un amendement n° 93.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. De la même façon qu'un processus de démocratie sanitaire se met en place à l'échelon de circonscriptions régionales, je crois, s'agissant d'une politique aussi articulée, du moins dans ses principes, que le plan cancer tel qu'il a été mis en œuvre, et dont je me félicite, qu'il faut en permanence autoriser un travail d'appropriation par la population. Dans cette optique, je propose la création, autour des instances de pilotage du plan cancer, d'un comité national consultatif du cancer qui associe les associations, les représentants des droits des malades, etc. Cette dimension me semble naturelle dans la nouvelle façon de prendre en charge les luttes contre les pathologies.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Monsieur Le Guen, puis-je vous rappeler que le Comité national consultatif du cancer existe déjà, il est même présidé par le professeur Thierry Philip, nouveau vice-président de la région Rhône-Alpes. Vous qui avez une telle souplesse dans le raisonnement, je n'arrive pas à comprendre pourquoi vous proposez souvent de rigidifier les textes ou les systèmes. Je le regrette et la commission également, qui a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je dois une explication. Ce projet de loi a été construit sans faire la moindre place aux associations de malades ou d'usagers. Ce n'est que tardivement que des propositions ont été faites en ce sens. Je suis donc obligé de tenter de colmater. A chaque fois, j'en remets une petite louche pour que vous n'oubliiez pas.

M. le président. Monsieur Le Guen, vous maintenez quand même l'amendement ?

M. Jean-Marie Le Guen. Absolument.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 15 bis A

M. le président. Sur cet article, je ne suis saisi d'aucun amendement.

Je mets aux voix l'article 15 bis A.

(L'article 15 bis A est adopté.)

Article 15 bis

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 342.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. C'est un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 342.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'article 15 bis est ainsi rédigé.

Après l'article 15 quater

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 94.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. L'amendement est satisfait !

M. Jean-Marie Le Guen. Bien sûr qu'il serait satisfait, si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles,...

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Vous refusez le consensus, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. ...et si, comme le disait hier M. le ministre, les préfets représentaient vraiment le Gouvernement dans son ensemble, le ministre de la santé compris. La réalité est qu'il ne suffit pas que le ministre de la santé décide une politique pour que les préfets ou les recteurs la mettent en œuvre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ah bon !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais oui !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Pas avec moi !

M. Jean-Marie Le Guen. Je vais vous donner un exemple. Cela fait dix ans que nous avons voté la loi Evin, qui prévoit notamment que l'on ne doit pas fumer dans les lieux publics, en particulier dans les écoles, mais les recteurs ne la font pas tous appliquer, car ils n'en ont trop souvent rien à faire. De même, pendant longtemps les procureurs n'ont pas trouvé utile de poursuivre les infractions à cette loi. Certes, cet amendement est redondant, mais il est absolument nécessaire. En effet, quel que soit le gouvernement, les critères du ministère de la santé ne sont malheureusement pas toujours pris en compte par l'ensemble des représentants de l'Etat, et c'est un problème.

M. le président. Merci, monsieur Le Guen, d'avoir défendu avec autant de talent l'amendement de M. Evin !

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Il serait logique de retirer cet amendement, car il est satisfait par l'article 15 bis.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

M. le président. Si cet amendement est satisfait, monsieur Le Guen,...

M. Jean-Marie Le Guen. C'est moi qui ne le suis pas, monsieur le président !

M. le président. C'est bien ce que je pensais !

Je mets donc aux voix l'amendement n° 94.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 16 bis A

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 175.

La parole est à M. Edouard Landrain.

M. Édouard Landrain. L'amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 175.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 324.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Cet amendement vise à mettre en conformité le droit français avec les dispositions de la directive européenne du 26 mai 2003 relative à la publicité et au parrainage en faveur des produits du tabac.

La directive européenne fait référence à la notion de pays tiers. Or, au sens de cette directive, cette notion de « pays tiers » recouvre non seulement les Etats n'appartenant pas à l'Union européenne, mais aussi ceux n'appartenant pas à l'espace économique européen.

M. le président. Et l'amendement n° 325 relève de la même idée.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. En effet, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Favorable à ces deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 324.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 325.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16 bis A, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 16 bis A, ainsi modifié, est adopté.)

Article 16 bis B

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 176.

La parole est à M. Edouard Landrain.

M. Édouard Landrain. L'article 16 bis B résulte d'un amendement introduit par le Sénat, à l'initiative du sénateur Adrien Gouteyron, qui avait pour objet « d'insérer dans une loi un outil interprétatif afin de rendre le texte plus lisible ». Cependant, comme l'a reconnu lui-même M. Gouteyron, il s'agit d'un amendement d'appel dont il a souligné le caractère perfectible de la rédaction. C'est pourquoi il est proposé de rédiger le texte de l'article 16 bis B en définissant mieux les types d'interdictions et en retirant un certain nombre de termes ou parties de phrases qui risquaient, par leur imprécision, d'engendrer une insécurité juridique et de conférer à certaines dispositions un caractère inconstitutionnel ou contraire à la convention européenne pour la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. le président. Vous êtes donc venu au secours du Sénat en précisant ce qu'il a fait.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Cet amendement a été accepté par la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 176.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L 'article 16 bis B est donc ainsi rédigé.

Article 16 bis C

M. le président. Sur cet article, je ne suis saisi d'aucun amendement.

Je mets aux voix l'article 16 bis C.

(L'article 16 bis C est adopté.)

Après l'article 16 bis C

M. le président. L'amendement n° 166 n'est pas défendu.

Article 16 bis

M. le président. Sur cet article, je ne suis saisi d'aucun amendement.

Je mets aux voix l'article 16 bis.

(L'article 16 bis est adopté.)

Après l'article 16 bis

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 97.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Les amendements que nous allons maintenant examiner visent, de façon insuffisante et très modeste, je le reconnais, à dessiner les contours d'une politique de lutte contre l'alcoolisme, dimension qui manque hélas fortement à ce projet de loi. Et pourtant, s'il est un domaine où la santé publique a des progrès à faire, c'est bien celui-là tant notre pays détient de tristes records en la matière ! C'est une raison supplémentaire pour nous interroger, nous Français, qui aimons bien donner des leçons aux autres, sur les raisons pour lesquelles l'alcoolisme a chez nous un impact qu'il n'a nulle part ailleurs en matière de santé publique.

L'amendement n° 97 tend modestement à interdire les opérations de parrainage et d'animation auxquelles procèdent quotidiennement les entreprises de boissons alcoolisées en direction des jeunes. Sans doute va-t-on me répondre que des dispositions en ce sens ont déjà été adoptées soit dans le cadre de la loi sur les distributions de boissons, soit dans le cadre de la loi Evin, mais celle-ci n'est pas suffisamment appliquée. Peut-être n'est-elle pas assez précise ou « interpellante ». Toujours est-il qu'il n'est pas un bar, une discothèque, une soirée d'étudiants dans nos départements qui ne soient sponsorisés, financés, animés par des distributeurs de boissons dont nous reparlerons lorsqu'il sera question de fiscalité. C'est une réalité qu'il faut combattre. Tel est le but de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement pour une raison très claire : cette disposition figure déjà à la page 227 du code de la santé publique. En effet, l'article L. 3323-2 précise : « Toute opération de parrainage est interdite lorsqu'elle a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques. » Cela étant, il est vrai que la loi Evin n'est pas suffisamment appliquée, nous le reconnaissons tous.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Claude Evin.

M. Claude Evin. Il est intéressant d'entendre M. le président de la commission reconnaître dans cet hémicycle que certaines dispositions de la loi ne sont pas appliquées. Dans ces conditions, ne serait-il pas opportun, monsieur le ministre, de saisir M. le garde des sceaux et de lui demander de donner des instructions aux procureurs pour qu'elles le soient mieux ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est un sujet de fond très important. Autant je suis d'accord avec M. le rapporteur pour dire qu'une telle disposition figure déjà dans le code, autant il me paraît nécessaire de faire le point sur l'application de la loi qui porte votre nom.

M. Claude Evin. C'est une loi de santé publique, tout simplement !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Mais c'est une loi importante. Comme je le disais hier, les préfets représentent aussi bien le ministre de la santé et de la protection sociale que le ministre de l'intérieur et ils doivent donc aussi veiller à l'application des lois de santé publique. Je suis tout à fait prêt à écrire au ministre de l'intérieur en ce sens ou, comme vous le souhaitez, au garde des sceaux.

M. Yves Bur. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 95 de M. Le Guen, que nous examinerons ultérieurement, répondra en partie à cette question.

Je mets aux voix l'amendement n° 97.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 210.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Même argumentation que précédemment.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Même avis que précédemment.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis aussi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. J'aimerais que l'on mesure bien la distance considérable qui existe entre la loi et la réalité. Il arrive fréquemment qu'une loi ne soit pas exactement appliquée de la même manière en tous points du territoire, mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Pour être clair, il ne se passe pas une fête d'école ou d'université sans que la loi soit détournée ! Il ne se passe pas une soirée en discothèque, notamment l'été, sans que l'on voie une marque de boissons alcoolisées faire plus ou moins directement sa publicité.

Je n'exclus pas qu'il y ait eu contournement de la loi par des jugements dont je n'ai pas complètement connaissance. C'est d'ailleurs le problème auquel nous sommes assez régulièrement confrontés et c'est pourquoi nous légiférons. La disposition citée par M. le président de la commission se situe au 8° de l'article L.3323-2 du code de la santé publique, qui évoque les « objets » distribués. C'est un point qui n'est peut-être pas assez clair. Cela dit, soyons raisonnables, il ne s'agit pas d'interdire systématiquement toute dégustation de produits locaux !

Le problème est que, lorsque nous nous exprimons par la loi, nous sommes souvent tentés d'interdire toutes les manifestations, aussi bien celles qui s'inscrivent assez naturellement dans nos traditions et notre culture - qui, certes, méritent parfois d'être remises en cause, mais qui ne sauraient être condamnées en elles-mêmes - que celles qui ressortissent essentiellement au marketing.

C'est pourquoi je propose que soit effectuée une expertise de la réalité et des dispositions juridiques actuelles. Sans préjuger que les amendements que j'ai déposés résolvent systématiquement ces questions, je suis en effet persuadé que, ni dans la pratique ni dans la loi, on ne trouve des instruments permettant d'interdire les attitudes qui nous posent problème. Voilà pourquoi, pour notre part, nous avons essayé d'intervenir dans la loi.

Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous vous engagiez à ce que, avant la seconde lecture qui interviendra au Sénat, une véritable expertise soit effectuée, afin d'évaluer l'opportunité pratique du volet alcool de la loi Evin. De cette manière, nous pourrions envisager, en commission mixte paritaire, des dispositions, qui, sans transposer complètement le domaine d'intervention de la loi, la confirmeraient et en préciseraient certains points.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 210.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 95.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement est dans la ligne des précédents.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je voudrais rester pragmatique et me garder de tout dogmatisme. Je ne prétends pas que nos amendements soient incontournables. Mais, puisqu'il existe une faille entre ce que la loi Evin recherchait en théorie et ce qui en résulte dans la pratique, le Gouvernement peut-il s'engager à ce que, avant la discussion en seconde lecture au Sénat, un rapport soit rédigé, le cas échéant par un parlementaire, sur l'application du volet alcool de la loi Evin, et qu'il débouche éventuellement sur des propositions concrètes ?

Je ne ferai pas de procès d'intention au Gouvernement. Je ne suppose pas que la volonté de mettre en œuvre une politique rigoureuse, adaptée et mesurée, de lutte contre l'alcoolisme puisse lui faire défaut. Mais de toute évidence, il y a là, pour le pouvoir exécutif, matière à action. C'est pourquoi j'insiste, monsieur le ministre, pour obtenir une réponse.

M. le président. La parole est à M. Édouard Landrain.

M. Édouard Landrain. Monsieur Le Guen, rappelez-vous les outrances de la loi Evin et les récriminations auxquelles elle a donné lieu. Rappelez-vous le mécontentement qui montait dans le pays, les juges et les gendarmes, obligés d'intervenir sans cesse (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) pour constater que des ventes d'alcool illicites avaient lieu dans des enceintes sportives. Rappelez-vous aussi que nous sommes revenus sur ces dispositions, afin d'autoriser, dans certaines conditions, l'ouverture des buvettes.

C'est certain : nous sommes tous d'accord pour lutter contre l'alcoolisme et notamment pour protéger les jeunes de ce fléau. Mais il faut beaucoup de modération et de pondération. Souvenez-vous que nous avions mis au pilori les boissons régionales traditionnelles, notamment les vins. Ne rallumons pas ce brûlot. Car vous, parlementaires socialistes, serez montrés du doigt si vous allez trop loin.

M. Jean-Marie Le Guen. Merci de votre sollicitude ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Édouard Landrain. Je préfère vous mettre en garde maintenant : on saura rappeler que c'est vous qui avez mis l'alcool en accusation, alors que la loi Evin, qui a été améliorée au fil du temps, mériterait d'être laissée en l'état et non pas exacerbée, comme vous semblez le souhaiter.

M. Bertho Audifax et M. Pierre-Louis Fagniez. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Claude Evin.

M. Claude Evin. Je ne voudrais pas que M. Landrain tombe dans l'excès ! De quoi s'agit-il dans cet amendement ? De résoudre un problème dont M. le ministre ne pourra pas nier la réalité, puisque le Sénat a déjà mis en place un dispositif visant à le régler. Il n'est nullement question du problème de l'alcool dans les buvettes. Je ne reviens pas sur ce point, puisque le Parlement a tranché - même si, à mon sens, la question du financement des clubs sportifs méritait d'être posée, car il est tout de même légèrement incohérent que l'on vende de l'alcool à de jeunes sportifs. Mais laissons cela. Pour l'instant, il ne s'agit que de l'article 3323-2 du code de la santé publique, visant à encadrer la publicité directe et indirecte.

Tous s'accordent à reconnaître que les dispositions de cet article ne sont pas convenablement respectées. C'est que, à l'intérieur de la loi, nous avons omis de préciser, comme dans le cas du tabac, qui a été évoqué tout à l'heure, quelles administrations seraient habilitées à contrôler l'application de cet article. C'est ce dont il s'agit ici. Au reste, je l'ai dit : le Sénat a introduit, en la matière, un dispositif répondant aux préoccupations qui avaient été exprimées.

J'ai bien entendu vos propos, monsieur Landrain. De fait, en ce qui concerne l'alcool, la loi actuelle ne correspond plus à celle qui avait été publiée le 10 janvier 1991, puisque l'autorisation de la publicité par affichage y a été réintroduite, ainsi que l'autorisation de vendre de l'alcool dans les enceintes sportives. On ne peut donc pas dire que ce soit la loi Evin qui s'applique aujourd'hui en matière de lutte contre l'alcoolisme.

Cela étant, je vous approuve, monsieur Landrain, quand vous déclarez qu'il ne faut pas rallumer ce brûlot. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Et, au regard de certains débats qui ont eu lieu, il y a quelques semaines, dans notre pays, tendant à demander que l'on rouvre ce dossier, j'espère que les propos fort sages que vous venez de tenir - et qui prennent une valeur encore plus forte quand on songe aux positions que vous aviez défendues en 1994 et en 1997 dans cet hémicycle - seront suivis par de nombreux députés qui, notamment dans votre groupe, souhaitaient remettre en cause les dispositions relatives à la publicité en faveur des alcools.

Merci, monsieur Landrain, d'avoir déclaré ici qu'il serait absurde de rouvrir ce débat.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Oserai-je prendre la parole après ce festival breton ?

M. Claude Evin. Je suis un élu de Loire-Atlantique.

M. Édouard Landrain. La Loire-Atlantique est en Bretagne !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. N'entrons pas dans un débat aussi grave !

Monsieur Evin, il me semble que l'article 16 bis vous donne raison, puisqu'il prévoit que les agents de la DGCCRF recherchent et constatent les infractions aux règles relatives à la publicité pour les boissons alcoolisées. Nous sommes donc au cœur du sujet.

Mais, sur un plan plus général, il me semblerait souhaitable que, sans vouloir rouvrir de vieux débats, le ministre de la santé et de la protection sociale demande au garde des sceaux de faire le point. Pourquoi la MILDT, la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, ne rédigerait-elle pas un rapport nous permettant de savoir ce qu'il en est de la mise en œuvre de la loi ?

M. le président. Monsieur Le Guen, maintenez-vous votre amendement, malgré la suggestion du ministre ?

M. Jean-Marie Le Guen. Oui, parce que je considère que c'est un bon amendement.

M. le président. Je mets donc aux voix l'amendement n° 95.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 219 rectifié.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Par l'amendement n° 219 rectifié, je fais au Gouvernement une proposition forte et ouverte, orientée vers la tenue d'états généraux de la lutte contre l'alcoolisme.

Il faut en convenir : en la matière, nous sommes un peu bloqués. Car de quels dispositifs bénéficions-nous aujourd'hui ? De la loi Evin, dont l'application est incertaine, ainsi que d'une réglementation sur la distribution et d'une fiscalité insuffisantes - nous y reviendrons en examinant les amendements que M. Bur et moi-même avons déposés. Quant à notre politique de santé publique en matière d'alcoolisme, elle est ce qu'elle est. Tout le monde se plaint, sans doute à juste titre, que, depuis des années, elle n'ait pas disposé de suffisamment de moyens. Et la faute n'en revient pas seulement au gouvernement actuel.

A l'évidence, nous manquons d'un élan politique et d'une réflexion nouvelle. Chaque fois que des débats sont organisés sur ce sujet, les Français et les Françaises veulent s'exprimer. C'est que l'alcool, du fait des désordres sanitaires et sociaux qu'il entraîne, est un non-dit dans notre société. Mais quand, à l'occasion d'un autre débat, nous évoquerons les violences conjugales, le désespoir des parents ou les accidents de la route, nous retrouverons la terrible réalité humaine qui se cache derrière ce sujet.

Cette énergie qui nous fait défaut aujourd'hui, nous devons donc aller la rechercher, afin de trouver les voies et moyens d'agir, qui ne relèvent pas de l'interdiction ou de la répression, mais d'une prise de conscience, et qui permettront à la France de remporter le combat contre l'alcoolisme.

D'où ma proposition - que l'on pourrait bien évidemment rédiger de manière différente - afin que nous nous mobilisions et que notre pays réfléchisse à ce grave problème de santé publique, profondément ancré dans la réalité de beaucoup de nos territoires. Donnons-nous les moyens de réfléchir et de rassembler les énergies autour de ce projet. Peut-être ces états généraux déboucheront-ils sur des propositions qui nous seront fort utiles, si du moins nous voulons éviter que ne s'affrontent la France de la production et celle de la santé publique, ce qui serait malsain pour notre pays.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. L'amendement a été repoussé par la commission. Mais l'argumentation de M. Le Guen est si convaincante qu'à titre personnel je suis favorable à l'amendement, même si l'on peut s'interroger sur l'opportunité de faire rédiger un rapport de plus.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce rapport ne serait que le moyen de susciter une réflexion plus large.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président. Je souligne que l'amendement propose le dépôt d'un rapport avant la fin juin 2004.

M. Claude Evin. A cette date, la loi ne sera peut-être pas encore définitivement adoptée.

M. Jean-Marie Le Guen. Il s'agit d'une erreur. Je propose donc une deuxième correction, aux termes de laquelle le dépôt du rapport interviendrait avant le 30 juin 2005.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 219, deuxième correction.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Édouard Landrain.

M. Édouard Landrain. Certes, il faut lutter contre l'alcoolisme et j'approuve la mesure qui vient d'être proposée, mais n'oublions pas que tous les autres Etats membres de l'Union européenne ont adopté des règles différentes. Ainsi, lors des retransmissions de compétitions automobiles ou de matches de football, nous pouvons voir des publicités pour des marques de spiritueux ou de bière. A vouloir trop bien faire, nous risquons, si nous continuons à ignorer ce qui se passe dans les autres pays européens, d'y perdre par bien des côtés.

M. le président. L'amendement n° 219 rectifié a été adopté et M. Landrain a apporté sa contribution au rapport que le Gouvernement présentera avant le 30 juin 2005.

Article 17

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 98.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 98.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 100.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Il s'agit d'un amendement minimaliste. En effet, il vise à interdire la vente de boissons alcoolisées sur les autoroutes hors des zones de production. Par conséquent, seules les autoroutes bretonnes sont concernées. Or il n'y a presque pas d'autoroutes en Bretagne... Cette mesure n'est donc pas révolutionnaire mais elle permettrait d'adresser un signal.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 100.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 17.

(L'article 17 est adopté.)

Après l'article 17

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 272 et 269 rectifié, pouvant faire l'objet d'une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l'amendement n° 272.

M. Jean-Marie Le Guen. Parmi les dispositifs permettant de lutter contre l'alcoolisme, nous avons cité la fiscalité. L'amendement n° 272 vise donc à taxer les produits alcooliques industriels qui sont fabriqués de manière à bénéficier d'une niche fiscale favorable.

La proposition de M. Bur n'est pas exactement identique à la mienne, car elle ne concerne pas tout à fait les mêmes produits, mais elle participe de la même philosophie, puisqu'elle vise également à repousser les coucous qui viennent se loger dans les nids aménagés pour les produits traditionnels. Dès lors, je ne doute pas que nos collègues approuveront cette mesure, qui non seulement lutte contre l'alcoolisme, mais vise également à préserver les produits traditionnels, à la défense desquels ils sont sensibles.

M. le président. La parole est à M. Yves Bur, pour soutenir l'amendement n° 269 rectifié.

M. Yves Bur. En 1996, nous avons institué une taxation spécifique, destinée à contrer le développement de nouvelles mixtures appelées prémix. Nous pensions tous que la question était ainsi définitivement réglée. Or que constatons-nous aujourd'hui ? Des prémix nouvelle formule sont apparues qui sont très prisés du jeune public. Ces boissons alcoolisées sucrées, à base de vodka ou de rhum, ont d'abord été vendues dans les bars, où elles ont rencontré un grand succès, avant d'envahir les têtes de gondole de tous les supermarchés. La consommation de ces boissons a ainsi connu une croissance exponentielle de 300 à 400 % et, actuellement, il s'en vend plus de 100 millions de bouteilles par an dans notre pays. C'est un phénomène international.

Ces boissons tendance ont pour perversité de cacher leur taux d'alcool - 5 à 7 degrés - derrière une forte quantité de sucre. En outre, les producteurs de ces boissons sont parvenus à contourner la législation sur les prémix en utilisant une technique de fermentation proche de celle de la bière et, même s'ils s'en défendent, ils visent un public jeune, âgé de quatorze à dix-huit ans, en particulier féminin. Jusqu'à présent, la France a été épargnée, mais de nombreux pays ont pris conscience des ravages causés par ces boissons. Ainsi, en Allemagne, où elles ont remplacé la bière, le nombre de jeunes âgés de douze à seize ans qui sont hospitalisés pour ébriété a quadruplé. L'Allemagne a donc pris, il y a un mois, une première mesure contre ces boissons, tout comme la Suisse. Il y va de la santé publique. Avec ces boissons marketing, on essaie d'accoutumer nos jeunes à la consommation d'alcools forts, et je tenais à dénoncer ce processus.

Mon amendement revisite le dispositif législatif applicable aux prémix, qui a été contourné, en retenant comme critère la dose de sucre que contiennent ces boissons. Par ailleurs, afin d'éviter que certains apéritifs et vins puissent être concernés, j'ai abaissé la teneur en alcool à 12 degrés. Il s'agit de « tuer » à nouveau ces produits.

Ce combat nécessaire prolonge celui que nous avions été un certain nombre à mener en 1996. Il n'est pas acceptable que des industriels adoptent une telle attitude : le profit ne justifie pas toutes les opérations de marketing. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 272 et favorable à l'amendement n° 269 rectifié. Cependant, je m'interroge, monsieur Bur. Vous qui êtes un redoutable spécialiste de la loi de financement de la sécurité sociale, ne pensez-vous pas que ces amendements trouveraient mieux leur place dans le PLFSS ?

M. Jean-Marie Le Guen. Rien n'interdit qu'un projet de loi procure des recettes supplémentaires !

M. le président. La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur. Nous aurions pu attendre l'examen du PLFSS, mais il y a urgence. A peine la commission avait-elle adopté cet amendement, hier, que déjà le lobbying s'était mis en branle, et nous aurons beaucoup de difficultés au Sénat.

M. le président. Une telle mesure peut très bien être votée dans le cadre de ce texte, monsieur le rapporteur.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre, j'aimerais connaître les raisons pour lesquelles l'amendement que je propose n'est pas accepté, alors qu'il participe de la même philosophie et concerne des produits légèrement différents. Cette discrimination est-elle fondée sur le degré d'alcool ou sur l'origine politique du signataire de l'amendement ?

M. le président. C'est de la provocation, monsieur le Guen ! (Sourires.)

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il m'a semblé que la rédaction proposée par M. Bur était meilleure.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce ne sont pas les mêmes produits !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Nous pourrions réunir les deux amendements en un seul, afin de regrouper les produits visés par M. Bur et ceux visés par M. le Guen. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. Dans ce cas, mieux vaut adopter les deux amendements pour les fusionner dans le cadre de la commission mixte paritaire.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je propose donc que les deux amendements soient adoptés.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Quel esprit d'union !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais l'union est un combat ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 272.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Je mets aux voix l'amendement n° 269 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est également acquis à l'unanimité.

Article 17 bis

M. le président. Je mets aux voix l'article 17 bis.

(L'article 17 bis est adopté.)

Article 17 ter

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, inscrite sur l'article.

Mme Jacqueline Fraysse. Je suis chargée de mission, monsieur le président. En effet, mon collègue André Chassaigne m'a demandé d'intervenir sur l'article 17 ter, qui traite d'un problème peu familier à la députée de la circonscription des Hauts-de-Seine que je suis, mais auquel André Chassaigne, élu rural du Puy-de-Dôme, est très sensible. Je vais donc vous faire part de son opinion.

Le privilège des bouilleurs de cru est un droit ancien qui constitue un élément non négligeable de la culture rurale en France,...

M. Jean-Marie Le Guen. Ah ! Ah !

Mme Jacqueline Fraysse. ...une culture à laquelle la population rurale et ses élus sont très attachés. Aussi les habitants de nos campagnes ne comprennent-ils pas pourquoi certains veulent absolument la remettre en cause.

M. François Vannson. Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse. L'article 17 ter, qui tend à supprimer les privilèges des bouilleurs de cru, a été adopté au Sénat au nom de la lutte contre l'alcoolisme. C'est pour le moins excessif. N'est-il pas curieux, en effet, de s'acharner contre les bouilleurs de cru, dont la production représente 0,14 % de la consommation d'alcool en France et n'a aucune motivation mercantile, alors qu'on laisse les grands groupes de distillation vendre librement leurs productions ?

M. François Vannson. Excellent !

Mme Jacqueline Fraysse. Pour ces raisons, les motivations de cet article sont, au mieux, contestables dans le cadre d'une loi de santé publique, au pire, douteuses. D'autant que les détenteurs de ces privilèges sont aujourd'hui peu nombreux et qu'ils sont seulement 15 % à peine à utiliser leur droit. Dans le département du Puy-de-Dôme - celui de mon collègue Chassaigne -, seuls 1646 bouilleurs de cru ont usé de leur droit durant la campagne 2001-2002 et, en Auvergne, on ne compte plus que 36 distillateurs, dont l'activité de bouilleur ambulant constitue un complément d'activité souvent utile, compte tenu des difficultés actuelles des agriculteurs.

Pour ces raisons, M. Chassaigne, avec son groupe (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), vous propose de ne pas adopter l'article 17 ter et soutient l'amendement de suppression déposé par M. Vannson. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. On pourra dire à M. Chassaigne que vous avez bien défendu son texte, madame Fraysse ! (Sourires.)

Mme Jacqueline Fraysse. N'est-ce pas, monsieur le président ?

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 1, 2 et 263.

La parole est à M. François Vannson, pour soutenir l'amendement n° 1.

M. François Vannson. Je me félicite de la solidarité qui règne au sein du groupe « montagne » de l'Assemblée nationale, que j'ai le plaisir de présider. Vous voudrez bien, madame Fraysse, transmettre mes remerciements à M. Chassaigne.

Lors de son examen au Sénat, nos collègues sénateurs ont abrogé le dispositif relatif aux bouilleurs de cru, voté à l'automne 2002 à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2003. Ce dispositif, déjà en application, était jugé comme un excellent compromis, permettant à la fois la sauvegarde de nos traditions régionales et la simplification du droit, avec la mise en place d'un régime unique.

Monsieur le ministre, au cours de la discussion générale du texte, vous avez déclaré qu'il ne fallait pas diaboliser les bouilleurs de cru. Je souscris totalement à ce point de vue. En effet, il n'est pas convenable d'utiliser l'argument de la lutte contre l'alcoolisme pour supprimer le dispositif relatif aux bouilleurs de cru. Comme vous l'avez dit, la consommation des alcools familiaux qu'ils produisent représente à peine 0,14 % de la consommation d'alcool en France. Pour lutter efficacement contre l'alcoolisme, il me paraît plus judicieux et plus efficace de nous mobiliser tous ensemble contre les 99,86 % de consommation restante.

M. Jean-Marie Le Guen. Combien y a-t-il de morts par an, à cause du méthanol ?

M. François Vannson. Par ailleurs, il n'est pas sérieux, et il est en tout cas préjudiciable à la stabilité juridique, qu'à chaque loi de finances, et à chaque fois qu'un texte lui en donne l'occasion, cette assemblée remette en cause les dispositions que nous avons votées quelque temps auparavant. C'est la raison pour laquelle je demande la suppression de cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Les amendements nos 2 de M. Gatignol et 263 de M. Sauvadet sont identiques. On peut considérer qu'ils sont défendus. La parole est à M. Yves Bur, suppléant M. Jean-Michel Dubernard, pour donner l'avis de la commission.

M. Yves Bur, rapporteur suppléant. La commission a donné un avis favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je suis heureux pour M. Chassaigne de la notoriété qu'il vient d'acquérir (Sourires.)

Il faut bien reconnaître que si la production des bouilleurs de cru n'est à l'origine que de 0,14 % de la consommation d'alcool, ce qui est tout de même peu de chose.

Par ailleurs, ayant été ministre de la culture, je me souviens que cela fait partie des traditions et de la culture, ce qui m'empêche d'être favorable à l'article 17 ter. Ne pouvant dire ni oui ni non, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Monsieur le président, monsieur le ministre, je voudrais apporter mon éclairage sur cet article, et dire que pour le monde rural, il est primordial de supprimer cet article 17 ter, pour rétablir le dispositif en faveur des bouilleurs de cru adopté par notre assemblée lors du projet de loi de finances pour 2003.

Lorsqu'on se promène dans nos campagnes, on peut constater leur délabrement, avec des vergers en friche, des arbres fruitiers vieillissants, non entretenus, et des fruits pourrissant à terre. De nombreuses associations d'arboriculteurs s'impliquent à longueur d'année pour réhabiliter les vergers. Dans ma circonscription, le parc naturel régional des Vosges du Nord organise pour la deuxième année un festival des vergers, pour inciter à la replantation d'arbres fruitiers à haute tige. Il y va de la sauvegarde des paysages.

Par ailleurs, la possibilité offerte aux propriétaires d'arbres fruitiers de bénéficier d'un abattement fiscal de 50 % sur les dix premiers litres d'alcool est un privilège minime. Et j'insiste, il ne s'agit pas d'instaurer la gratuité.

La tradition ancestrale, dont le ministre vient de parler, de planter, entretenir, tailler, récolter et distiller représente des efforts suivis tout au long de l'année. Pour les alcooliques, il est beaucoup plus simple et moins éreintant d'acheter des bouteilles d'alcool dans les supermarchés.

M. François Vannson. Exact !

M. Frédéric Reiss. La production des bouilleurs de cru est tout à fait marginale. Certes, il faut lutter contre l'alcoolisme, mais ne nous trompons pas de combat. C'est aussi l'avenir des vergers des ceintures vertes autour de nos villes et de nos villages qui est en jeu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. J'ai l'impression d'entendre à nouveau le discours sur les vergers que nous avons déjà entendu en première lecture. Or je n'ai toujours pas compris pourquoi les vergers de France devaient automatiquement se transformer en alcool.

M. Yves Bur, rapporteur suppléant. C'est pour la pâtisserie, madame !

Mme Martine Billard. On nous a expliqué que cet alcool était souvent offert aux élus, ce qui ne me semble pas constituer la solution idéale pour lutter contre l'alcoolisme des élus.

Plus sérieusement, je suis tout à fait favorable au développement des vergers. Ceux-ci sont très beaux au printemps et leurs fruits sont très bons pour la santé.

A condition, toutefois, de les consommer crus ou sous forme de jus de fruits, en tartes ou en confitures...

M. François Vannson. Ou en frictions !

Mme Martine Billard. ...plutôt que transformés en alcool.

Deuxièmement, je me souviens d'avoir entendu de grandes déclarations sur la nécessité de supprimer toutes les niches relatives à divers privilèges financiers.

Je me demande quelle position le groupe UMP va prendre quand le Gouvernement qu'il soutient proposera la suppression d'un certain nombre de niches financières, au moment de la réforme fiscale. Il sera difficile de défendre la suppression de certaines niches fiscales après avoir souhaité maintenir celle des bouilleurs de cru.

M. Yves Bur, rapporteur suppléant. Mais ce n'est pas une niche !

Mme Martine Billard. Troisièmement, quant au complément de revenu que procure l'activité de bouilleur de cru, je veux bien admettre que les viticulteurs ou les agriculteurs exploitant des vergers rencontrent des difficultés en ce qui concerne l'écoulement de leurs produits. Mais d'autres solutions peuvent sans doute être envisagées. Nombre d'agriculteurs ou d'éleveurs confrontés à des difficultés financières trouvent, par exemple, un revenu d'appoint dans la tenue de gîtes ruraux, ce qui présente l'avantage de favoriser la connaissance de nos territoires par l'ensemble de la population de notre pays, et n'encourage pas pour autant la consommation d'alcool.

Pour ma part, je voudrais appeler à maintenir l'amendement adopté par le Sénat, même si je crains d'être largement minoritaire au sein de notre assemblée. Le Sénat a eu beaucoup de courage, car il devient visiblement très difficile de tenir ces positions. On l'a vu hier, quand on nous a expliqué qu'il y avait des différences fondamentales entre le vin et l'alcool. Pourtant, les messages publicitaires qui vantent la consommation d'alcool ou de vin offrent invariablement une représentation valorisante de cette consommation. Il ne faut pas attendre des publicitaires qu'ils avouent nous inciter à acheter des produits mauvais pour notre santé.

Il faut dans ce domaine avant tout faire preuve de responsabilité. En conclusion, je citerai le sénateur Chérioux, et il m'en saura gré, car il est assez rare que l'on se cite mutuellement...

M. François Vannson. Encore un Parisien !

M. Yves Bur. Vous ne savez pas ce qu'est un verger, à Paris !

Mme Martine Billard. M. Chérioux doit pourtant le savoir, car il dit être lui-même bouilleur de cru. A ce sujet, il précise : « Je n'utilise pas toujours ce droit. L'expérience que j'en ai retirée est que l'alcool à bon marché ainsi fabriqué est un danger public. Etendre ce privilège est une très mauvaise chose ». Il a donc voté l'amendement présenté au Sénat.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Tout d'abord, je voudrais m'excuser auprès de nos collègues, obligés, en raison du retard que nous avons pris dans la discussion, de rester à Paris, alors qu'ils n'avaient pas forcément prévu de le faire (Sourires.) L'importance du débat sur les bouilleurs de cru justifiait pleinement leur présence, que ce projet de loi sur la santé publique n'aurait peut-être pas suffi, à défaut, à assurer.

Aussi loin que remontent mes souvenirs de l'Assemblée nationale, j'ai toujours entendu parler des bouilleurs de cru. La majorité précédente n'a, bien évidemment, pas été la première à s'intéresser à eux. Cela a toujours été un problème, envisagé sous deux angles différents.

C'est d'abord la question du privilège fiscal. Honnêtement, il faut reconnaître que celui-ci n'est pas considérable...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Voilà une réflexion de bon sens !

M. Jean-Marie Le Guen. ...et, de ce point de vue, je dois reconnaître que, par rapport aux privilèges que vous distribuez habituellement en matière fiscale, celui-ci est vraiment infime (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Bur. Beaucoup de salariés en profitent, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. On ne le comptera pas dans les 30 milliards que M. Chirac veut donner en termes de baisses d'impôts.

L'autre aspect à considérer, plus sérieux, est celui de la santé publique. Certes, en toute logique, vous pourrez toujours prétendre que les bouilleurs de cru ne boiront pas plus d'alcool sous prétexte qu'ils l'ont fabriqué eux-mêmes plutôt qu'acheté dans un supermarché.

A ce sujet, je voudrais évoquer l'absinthe, qui fut également une tradition bien ancrée dans nos terroirs, et tout à fait représentative de notre culture.

M. Yves Bur. Pas dans les vergers !

M. Jean-Marie Le Guen. Aujourd'hui, dans les lycées, quand l'étude de tel ou tel poète du xixe siècle, Verlaine en particulier, amène à l'évocation de l'absinthe, les jeunes n'ont aucun moyen de savoir de quoi il s'agit. N'est-ce pas dramatique, de ne pouvoir les éclairer sur cette donnée essentielle de l'environnement culturel du xixe siècle ? (Rires.) Mais, à votre avis, pourquoi l'absinthe a-t-elle été interdite ? Et pourquoi, aujourd'hui, émet-on de semblables réserves à l'égard des bouilleurs de cru ? Tout simplement parce qu'il arrive que les processus mis en œuvre aboutissent à la production d'un mauvais alcool, le méthanol notamment... (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Bur. Elle n'est pas bonne, la goutte ? (Rires et exclamations sur divers bancs.)

M. Jean-Marie Le Guen. Je ne parle pas de son goût, mais des dangers que les neurotoxiques qu'elle contient représentent pour la santé publique. Ainsi, chaque année, et je prends à témoin la direction générale de la santé, et s'il le faut, l'institut de veille sanitaire, un certain nombre de paysans sont fortement intoxiqués par ces alcools dits frelatés. Si vous ne le savez pas, ou si vous en doutez, je vous invite à le vérifier. Je vous renvoie notamment au témoignage de M. Chérioux. Le risque n'est pas spécialement celui d'une consommation excessive, mais celui des dégâts que peut provoquer un alcool de mauvaise qualité.

M. François Vannson. Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Marie Le Guen. Peut-être considérez-vous que nos amis agriculteurs utilisent des alambics parfaits et possèdent un savoir-faire absolu. Si tel est le cas, vous vous trompez, et semblez ignorer que la démagogie peut, elle aussi, être dangereuse pour la santé publique. Vous avez tort de vous acharner à défendre ce privilège. Aujourd'hui, la production de ce type d'alcool devrait se faire exclusivement dans de petites coopératives contrôlées sur le plan sanitaire, par des artisans capables d'élaborer des produits du terroir de qualité.

M. le président. La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson. J'aimerais vous inviter un jour, monsieur Le Guen, dans la France profonde.

M. Jean-Marie Le Guen. Il veut ma mort ! (Rires.)

M. François Vannson. A vous entendre, je me dis que vous ne connaissez rien à la distillation. Celle-ci est extrêmement réglementée, et contrôlée par l'administration. Le dispositif proposé doit justement avoir pour résultat la production d'alcools de meilleure qualité, dans le respect de la légalité.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tout à fait !

M. François Vannson. En conséquence, ce sont des alcools de meilleure qualité qui seront consommés.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Pourrai-je venir, moi aussi ? (Rires.)

M. François Vannson. Je vous invite avec plaisir, monsieur le ministre.

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Cela fera deux morts !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1, 2 et 263.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 17 ter est supprimé.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 1364, relatif à la politique de santé publique :

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 1473).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot