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Première séance du mercredi 5 mai 2004

209e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Je vous rappelle que, comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions sont, en principe, réservée à des thèmes européens.

Nous commençons par une question du groupe socialiste.

MODE DE RATIFICATION DE LA CONSTITUTION EUROPÉENNE

M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert. Monsieur le Premier ministre, depuis cinq jours, l'Union européenne compte dix nouveaux membres et soixante-quinze millions d'habitants supplémentaires. Les Français approuvent, dans leur grande majorité, le nouveau visage de notre Europe. Nous accueillons et saluons fraternellement les nouveaux citoyens de l'Union.

Nos compatriotes ont toutefois déploré, lors de la conférence de presse du Président de la République, l'embarras de notre pays sur des sujets vitaux pour l'avenir de l'Europe : embarras et incertitudes sur le contenu de la future constitution et sur les positions défendues par la France pour faire aboutir ce projet essentiel pour les citoyens européens ; embarras et incertitudes quant à l'organisation d'un référendum indispensable pour consulter les Français sur cette future constitution, le Président de la République, si peu sûr de la pertinence d'un futur accord, qu'il redouterait par avance de le soumettre aux Français ; embarras et incertitudes sur l'adhésion de la Turquie que le Président souhaite, lorsque les conditions seront requises, alors que sa majorité parlementaire y est définitivement hostile, tout en étant unie au parti gouvernemental turc au sein du groupe du Parti populaire européen au Conseil de l'Europe. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Qui croire, monsieur le Premier ministre, de votre majorité gouvernementale ou du chef de l'Etat ?

Rappelons aussi que la situation de nos finances publiques, que votre politique sociale et fiscale a fortement contribué à dégrader depuis deux ans (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) fragilise la position de notre pays en Europe. Les mesurettes annoncées hier n'y changeront rien. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Notre pays est affaibli par tant de contradictions, d'embarras et d'incertitudes.

Quand allez-vous dire la vérité aux Français et prendre la décision de les interroger par référendum ? Quand cesserez-vous d'affaiblir par votre politique la position de la France en Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Monsieur Lambert, je vous remercie d'avoir, avec vos mots, rappelé l'importance de ce qui s'est passé samedi et de ce changement historique, positif de la réunification de notre continent avec l'accueil de dix pays qui vont partager le même projet européen.

Je ne suis, en revanche, pas d'accord avec la manière dont vous avez parlé de notre engagement dans ce projet européen. A cet égard je vous répondrai sur un point précis, monsieur Lambert. Vous parlez d'un référendum sur la constitution européenne mais deux conditions doivent être réunies pour qu'il intervienne.

D'abord un tel choix relève des prérogatives du Président de la République : c'est à lui seul qu'il appartiendra de proposer, le moment venu, de faire ratifier le texte de la constitution européenne par le peuple ou par les représentants du peuple que vous êtes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. On sait cela !

M. Christian Bataille. On vous demande votre avis, monsieur le ministre !

M. le ministre des affaires étrangères. La seconde condition est qu'il doit y avoir une constitution.

M. Maxime Gremetz. Voilà le problème ! Vous attendez que les élections européennes soient passées !

M. le président. Monsieur Gremetz, vous n'avez pas la parole !

M. le ministre des affaires étrangères. Or tel n'est pas encore le cas. Il nous reste devant nous quelques semaines difficiles de négociations dont nous profiterons, soyez-en assurés, pour conserver la dynamique du texte élaboré par la Convention et pour l'améliorer, notamment, monsieur Lambert, je le précise à votre intention ainsi qu'à celle de vos amis socialistes, sur la dimension sociale. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Oh là là !

M. Michel Vergnier. Ah, bravo !

M. le ministre des affaires étrangères. J'aimerais beaucoup que vous consacriez de l'énergie à convaincre vos amis de certains gouvernements européens socialistes de nous soutenir dans ces avancées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

POLITIQUE INDUSTRIELLE

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre délégué à l'industrie, la question de la politique industrielle et de la lutte contre les délocalisations et la désindustrialisation a fait irruption dans le débat présidentiel aux Etats-Unis. Nul ne doute qu'il en ira de même lors des élections du mois de juin prochain, car nos concitoyens attendent légitimement beaucoup de l'Union européenne dans ce domaine.

M. Maxime Gremetz. Vous pouvez déjà agir ici !

M. Philippe Folliot. J'ai noté le volontarisme que vous avez affiché sur ce sujet et qui a trouvé sa traduction dans les dossiers Alstom et Aventis.

Au-delà des grands groupes, les PME font face à des difficultés parfois très graves. Tel est le cas de l'entreprise de machines-outils Comau, anciennement Renault Automation, intégrée au groupe Fiat par le gouvernement précédent. Aujourd'hui, globalisation, difficultés et stratégie de ce groupe conduisent l'établissement de Castres, qui dispose pourtant d'un savoir-faire et d'une technologie mondialement reconnus, à préparer un plan social. Cette situation est localement d'autant plus difficilement vécue qu'elle se situe dans un bassin industriel déjà durement touché par les restructurations textiles. Ouvriers, techniciens et cadres de nos industries s'interrogent avec angoisse sur leur avenir.

M. Maxime Gremetz. Ah !

M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre, que compte faire le Gouvernement (« Rien ! Rien ! » sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Maxime Gremetz. Rien du tout !

M. Philippe Folliot. ... pour faire face à la situation très dégradée de l'entreprise Comau et à ses conséquences sociales prévisibles ?

D'une manière plus générale, quelle politique avez-vous l'intention de mener pour lutter contre les délocalisations industrielles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le député, je comprends votre préoccupation s'agissant de la situation très difficile de l'entreprise Comau située dans votre circonscription, le bassin de Castres, et qui intéresse également M. Carayon. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bataille. C'est le cas partout !

M. le ministre délégué à l'industrie. Comau, entreprise de machines-outils, intégrée au groupe Fiat, compte 470 emplois. Or les conditions de sa compétitivité se sont dégradées.

M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas vrai !

M. le ministre délégué à l'industrie. C'est pour gagner de la productivité qu'elle envisage de supprimer 160 emplois, ce qui n'est pas rien. Mon cabinet suit ce dossier avec beaucoup d'attention. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il semble, d'ores et déjà, que trente emplois supplémentaires pourront être sauvegardés. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) De plus, des mesures d'âge seront sans doute possibles.

Enfin, ce qui importe, c'est la revitalisation du bassin industriel. Dans ce domaine, le Gouvernement ne sera pas exigeant, il sera très exigeant ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jacques Desallangre. Comme d'habitude !

M. le ministre délégué à l'industrie. Si nous comprenons, en effet, les mutations économiques industrielles, si nous comprenons la mondialisation, nous nous sentons aussi responsables de la vie quotidienne d'hommes et de femmes qui ont besoin de ce travail. Par conséquent, la politique du Gouvernement, dans ce domaine, sera tout à fait volontariste (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) pour tenter d'implanter dans tous les bassins industriels sinistrés des emplois nouveaux à forte valeur ajoutée et modernisée.

M. Jacques Desallangre. On connaît !

M. Maxime Gremetz. Quel démagogue !

M. le ministre délégué à l'industrie. Nous allons essayer d'y parvenir avec Comau. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

ORGANISATION D'UN RÉFÉRENDUM SUR LA CONSTITUTION EUROPÉENNE

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Michel Vaxès. Monsieur le Premier ministre, jeudi dernier, le Président de la République ne s'est pas engagé à organiser un référendum sur le traité instituant une constitution européenne.

M. Jean-Marc Nudant. C'est trop tôt !

M. Michel Vaxès. Il serait, selon lui, prématuré de trancher entre la voix de la démocratie directe et celle de la procédure parlementaire pour ratifier ce texte au motif que nous n'en connaissons pas encore le contenu définitif. Cette dérobade appelle trois remarques.

Premièrement, le texte de la constitution n'était pas connu quand le candidat à la présidentielle promettait de soumettre sa ratification au verdict du suffrage universel. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.) Les actes du Président ne suivent pas les promesses du candidat. Il y a tromperie.

Deuxièmement, quel que soit le contenu de ce texte, il aura des conséquences majeures sur nos institutions, sur nos politiques nationales et, par conséquent, sur la vie de chacun des peuples des Etats de l'Union. Il faut donc les consulter.

Troisièmement, une Europe qui se construit sans la participation de ses citoyens continuera de se réaliser contre eux. Telles sont nos convictions.

Engageons le débat avec les Françaises et les Français. Donnons-leur la possibilité de choisir leur destin européen. Laissons-leur le soin de choisir entre votre Europe libérale, qui les enferme dans une logique meurtrière d'une concurrence effrénée, hostile aux services publics et une autre Europe, une Europe de partage, solidaire, juste, fraternelle qui répondrait à leurs attentes et à leurs besoins parce qu'elle se réaliserait avec eux.

Faites le choix d'une consultation populaire !

Comme vous y invite l'article 11 de notre Constitution, allez-vous, monsieur le Premier ministre, proposer au Président de la République l'organisation du référendum que nous demandons et que réclament les citoyennes et les citoyens des vingt-cinq Etats de l'Union ? Si vous n'assumez pas cette responsabilité constitutionnelle et politique, nous déposerons une motion proposant à notre assemblée de soumettre à référendum le texte de ce traité. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Michel Vergnier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Monsieur Vaxès, je veux bien répéter ce que j'ai dit tout à l'heure à M. Lambert.

M. Maxime Gremetz. Non !

M. le ministre des affaires étrangères. J'ajouterai tout de même une précision concernant notamment la prérogative qui reste, que cela vous plaise ou non, celle du Président de la République de décider, le moment venu, de faire ratifier ce texte directement par le peuple ou par les représentants du peuple que vous êtes.

M. Maxime Gremetz. On le sait ! Le candidat à la présidentielle l'avait dit !

M. le ministre des affaires étrangères. A cet égard je formulerai deux observations, monsieur Vaxès.

D'abord, j'aimerais que vous souteniez une belle idée : quel que soit le chemin que prendront les pays de l'Union européenne pour ratifier ce texte - le référendum ou la voie parlementaire, comme nos amis et voisins allemands - l'important serait qu'ils le fassent en même temps, la même semaine, voire le même jour et qu'il y ait, pour la première fois en Europe, un débat européen sur un texte européen et non pas vingt-cinq débats juxtaposés ou échelonnés dans chaque pays. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jacques Desallangre. Ce n'est pas le problème !

M. le ministre des affaires étrangères. Qu'il y ait ou non un référendum, que ce soit le peuple ou ses représentants qui se prononcent, rien ne nous interdit de discuter de ce texte dès maintenant, tel que nous l'avons élaboré au sein de la Convention , car il ne correspond pas à la description que vous en faites, monsieur Vaxès.

Ainsi les services publics sont protégés dans ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) La dimension sociale est confirmée et les droits sociaux consolidés. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) J'ai vraiment le sentiment, monsieur Vaxès, que nous ne parlons pas du même texte ! (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Pour prolonger notre dialogue, j'ai envie de vous faire un cadeau et de vous offrir cet ouvrage auquel je tiens beaucoup. Je suis même prêt à vous le dédicacer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

(M. Barnier fait remettre à M. Vaxès un exemplaire du projet de constitution européenne)

M. le président. Pas de cadeau ! Ce n'est pas le genre de la maison ! (Sourires.)

ÉLARGISSEMENT DE L'UNION EUROPÉENNE

M. le président. La parole est à Mme Irène Tharin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Mme Irène Tharin. Madame la ministre déléguée aux affaires européennes, l'Union européenne à vingt-cinq a fêté, samedi dernier à Dublin, son premier jour d'existence. L'entrée de dix nouveaux partenaires : Pologne, Slovénie, Slovaquie, Hongrie, République Tchèque, Estonie, Lituanie, Lettonie, Malte, Chypre au sein de l'Union est une étape historique, essentielle pour l'Europe et une chance pour nous et pour notre avenir.

Cet élargissement marque le renforcement de notre communauté de valeurs et de principes pour une Europe reposant sur la liberté, le droit et la paix.

Il est aussi une chance au niveau économique, la croissance et les investissements créant une nouvelle dynamique au service de l'emploi. L'Europe à vingt-cinq fait en effet aujourd'hui de l'Union une puissance économique de premier rang dans laquelle chacun sera gagnant.

Cet élargissement est porteur d'espoir, parfois d'interrogations et de craintes, mais aussi de responsabilités. Il soulève de nombreux défis qu'il nous faudra relever tous ensemble.

Comment la France contribuera-t-elle à relever ces défis en apportant des réponses pour contribuer au succès de cette grande Europe ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Madame la députée, le 1er mai, dix nouveaux Etats sont effectivement devenus membres à part entière de l'Union européenne, et tout le continent, de la Pologne au Portugal, a célébré dans la joie, l'émotion, et même la fierté, ce moment historique qui voit l'Europe enfin réunifiée, enfin réunie.

Il s'agit de l'aboutissement d'un long processus qui a exigé beaucoup de volonté de la part des nouveaux Etats membres et de leurs peuples. Cela constitue donc un grand succès pour eux, mais aussi une chance pour l'Europe tout entière. Cependant, de nombreuses attentes sont exprimées, et il nous incombe une responsabilité politique, une responsabilité morale. Vous avez très bien mis tout cela en évidence, madame Tharin.

La force et la pertinence du projet européen se trouvent affirmées à nouveau ; nous devons maintenant, tous ensemble, relever des défis. Sachez que, dans cette démarche, la France occupera une place à la hauteur des ambitions communes.

Le premier défi consiste à garantir le bon fonctionnement de l'Union européenne à vingt-cinq. L'engagement a été pris de parvenir, lors du Conseil européen de juin, à un accord sur la Constitution, afin de réformer les institutions, car, pour avancer, il faut être en mesure d'opérer des choix, de décider ensemble.

Le deuxième défi est d'organiser un espace économique qui favorise la croissance et l'emploi tout en respectant des règles communes en matière d'environnement, de protection sociale et de saine concurrence. C'est ainsi que chaque pays sera bénéficiaire.

M. Jean-Marie Le Guen. Bla ! Bla ! Bla !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Le troisième défi consiste à créer un espace de solidarité, de justice et de sécurité, en étant, bien sûr, très exigeants à la fois sur la libre circulation à l'intérieur de l'Union et sur la protection de ses frontières extérieures.

Cet élargissement, nous l'avons voulu ; il nous faut maintenant le faire vivre, au bénéfice de tous, au bénéfice de chaque citoyen européen.

M. Jacques Desallangre. Il y a du boulot !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. La France, qui a accompagné les nouveaux Etats membres dans leur marche vers l'Union, les considère comme des partenaires essentiels pour rendre l'Europe plus forte, plus puissante, plus présente dans le monde, et pour la mettre en mouvement afin de relever les défis auxquels notre société est confrontée. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

MARIAGE HOMOSEXUEL

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène des Esgaulx, pour le groupe UMP.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Monsieur le garde des sceaux, le 31 mars dernier, des élus se sont prononcés publiquement en faveur d'unions homosexuelles et ont déclaré qu'ils entendaient célébrer des mariages entre personnes de même sexe si des demandes en ce sens leur étaient adressées. Un de nos collègues a même annoncé qu'il célébrerait un mariage de ce type, le 5 juin prochain, dans mon département, la Gironde, quand bien même il sait fort bien que cela est totalement illégal. (Murmures.)

D'abord, le code civil indique clairement, à plusieurs reprises, que le mariage ne peut unir qu'un homme et une femme. Ensuite, la Cour européenne des droits de l'homme - qui n'a pas été saisie du problème précis que je soulève - a estimé, par deux fois, dans sa jurisprudence récente, qu'un mariage entre deux personnes de même sexe ne saurait être validé.

M. Jean Glavany. Voilà une affaire d'Etat ! C'est sans doute la principale préoccupation de nos concitoyens !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Monsieur le garde des sceaux, l'annonce de la célébration d'un tel mariage, le 5 juin prochain, par le député-maire de Bègles, pose une vraie question : un officier d'état civil peut-il bafouer impunément les lois de la République et imposer ses convictions, ses opinions personnelles, au mépris de la légalité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Merci, ma chère collègue.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Il s'agit, bien évidemment, d'une provocation juridique, qui, du reste, occulte totalement le problème de fond : voulons-nous, oui ou non, que de telles unions soient célébrées dans notre société ?

M. le président. Merci, madame.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Ma question est donc très simple : allez-vous donner instruction au parquet - comme je le souhaite, vous l'avez compris - de faire opposition à ce mariage et de contraindre l'élu concerné à respecter les lois que cette assemblée a voté depuis deux cents ans ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, mon rôle est d'abord, bien sûr, de rappeler la loi, comme j'ai déjà eu l'occasion de le faire dans d'autres enceintes : elle dispose sans ambiguïté que le mariage unit des personnes de sexes différents. A cet égard le texte de l'article 75 du code civil est parfaitement clair. J'ajoute que la jurisprudence de la Cour de cassation et celle de la Cour de justice des Communautés européennes vont dans le même sens.

Par ailleurs, en sa qualité d'officier d'état civil, le maire est agent de l'Etat et, à ce titre, il se doit évidemment de respecter la loi. La règle me paraît parfaitement claire. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Quelle réaction appelle l'annonce de l'organisation d'un tel mariage ?

Je distinguerai deux hypothèses : soit le parquet s'y oppose préventivement et les intéressés peuvent alors demander l'arbitrage du tribunal ; soit le parquet demande la nullité après coup. J'ai d'ores et déjà donné instruction au parquet général de Bordeaux de s'opposer à ce mariage. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Cela étant, je tiens à ajouter deux informations.

Premièrement, sur la question de l'union entre personnes de même sexe, conformément aux indications du Président de la République et du Premier ministre, j'ai d'ores et déjà engagé des discussions et des concertations pour examiner les moyens d'améliorer les modalités du PACS.

Deuxièmement - cela me paraît essentiel -, j'aurai l'occasion, dans très peu de jours, de proposer un texte aggravant les sanctions contre les violences homophobes.

Cet ensemble me paraît cohérent ; il correspond à une vision équilibrée de l'évolution et de l'état de notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

INTERMITTENTS DU SPECTACLE

M. le président. La parole est à M. Bernard Brochand, pour le groupe UMP.

M. Bernard Brochand. Monsieur le ministre de la culture et de la communication, comme vous aimez à le répéter, votre feuille de route est chargée et, depuis votre nomination au sein du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, vous la suivez tambour battant. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Parmi les nombreux problèmes auxquels vous devez apporter des solutions rapides, équitables et acceptables par tous, y compris par le public, figure la situation des intermittents du spectacle. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Là encore, vous avez pris le problème à bras-le-corps en multipliant les contacts (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste), en vous rendant sur les lieux où se déroulent festivals et débats, en écoutant l'ensemble des personnes concernées pour trouver une voie de médiation tout en plaçant chacun devant ses responsabilités.

Dans cet esprit, vous avez formulé, ce matin, plusieurs propositions pour ouvrir une nouvelle étape de construction, mettant à la fois l'accent sur les principes de responsabilisation, de moralisation et de justice. La création d'un fonds spécifique provisoire, doté de 20 millions d'euros par le Gouvernement et géré par l'UNEDIC, traduit nettement la volonté du Gouvernement de résorber la précarité des artistes et des techniciens les plus vulnérables.

Néanmoins trois questions demeurent, monsieur le ministre.

Pensez-vous que ces mesures soient susceptibles d'apaiser les esprits et de protéger durablement les plus fragiles ? (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Certainement pas !

M. Bernard Brochand. Les nombreux abus constatés génèrent un coût pour les finances publiques. Etes-vous déterminé à lutter contre ces dérives et à réduire le champ du périmètre de l'intermittence ?

Enfin, la cinquante-septième édition du festival international du film de Cannes, ville dont je suis le maire, débute dans quelques jours. Pensez-vous que les mesures annoncées permettront à la plus grande manifestation mondiale du cinéma de se dérouler dans le calme ? (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Je rappelle au passage que le festival de Cannes est la manifestation la plus médiatisée du monde, avec 5 000 journalistes accrédités, et que les plus grands studios et stars des cinq continents y sont présents.

M. le président. Merci, mon cher collègue.

M. Bernard Brochand. Par conséquent, il va de soi que l'image de notre pays est en jeu, au plan culturel, mais aussi économique. Face à ces propositions, chacun acceptera-t-il d'assumer ses responsabilités ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député, comment sortir de la crise ?

M. Jean-Pierre Brard. En s'éclipsant par les coulisses ! (Sourires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le ministre de la culture et de la communication. Comment rétablir la confiance ? Comment régler concrètement le sort des plus précaires, exclus du système d'indemnisation prévu pour les artistes et les techniciens ? Comment favoriser durablement l'emploi culturel ? La solution n'est pas facile. Si tel était le cas, les uns ou les autres l'auraient trouvée depuis longtemps ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

La mission qui m'a été confiée par le Premier ministre est claire : comme chacun de mes collègues, je me dois d'écouter, de diagnostiquer, de dialoguer, puis de répondre en prenant des décisions.

Ce matin, j'ai justement annoncé un certain nombre de mesures urgentes.

La première d'entre elles consiste à créer un fonds provisoire, géré par l'UNEDIC, pour rétablir dans leurs droits les laissés-pour-compte.

M. Michel Françaix. Ah !

M. le ministre de la culture et de la communication. Un expert a été désigné pour ouvrir sans délai la discussion avec les partenaires sociaux ; sa compétence est incontestable puisqu'il s'agit de l'ancien directeur de la sécurité sociale.

Le deuxième point que vous avez évoqué a trait à l'exception culturelle.

En la matière, il est essentiel que nous maintenions la spécificité de notre système de soutien à l'action culturelle et artistique. Cela suppose que soient mises en œuvre des mesures d'urgence concernant les abus et la délimitation du périmètre. J'y travaille quotidiennement avec mon collègue Jean-Louis Borloo. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

La troisième mesure à prendre d'urgence, vous le savez, est relative aux congés maladie et aux congés maternité. Ces questions doivent faire l'objet d'un examen immédiat de la part des partenaires sociaux. Ce n'est pas un problème financier ; c'est un impératif humain.

M. Maxime Gremetz. Alors, votre prédécesseur était inhumain ?

M. le ministre de la culture et de la communication. En outre, un dispositif opérationnel précis doit être mis en place pour soutenir l'action culturelle et artistique. La représentation nationale dans son ensemble sera associée à cette mobilisation puisque le Premier ministre a souhaité que soit organisé à l'automne tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat un débat d'orientation sur la politique culturelle de notre pays.

Monsieur le député, vous avez également posé une question très importante pour les prochains festivals, notamment pour le premier d'entre eux, qui débutera dans les jours prochains et qui constitue une manifestation de la fierté nationale et du rayonnement mondial de la France.

Premièrement, il n'y a pas incompatibilité entre l'activité artistique et le débat, et je suis prêt, à tout moment, en marge des projections et des réunions très importantes de Cannes, à mener ce débat.

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Deuxièmement - je serai très bref, monsieur le président -, ...

M. le président. J'y compte bien.

M. le ministre de la culture et de la communication. ...j'en appelle au respect des artistes, de la création, du public, et également de la fierté et du rayonnement international de notre pays.

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Sachons tous nous donner la main,...

M. Arnaud Montebourg. Démago !

M. le ministre de la culture et de la communication. ...car j'estime que le cri d'Antigone, « Moi, je veux tout, tout de suite - et que ce soit entier - ou alors je refuse ! », n'est pas une méthode d'action concrète. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Rendez-nous Aillagon !

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste.

M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, depuis des mois, le Gouvernement annonce une grande réforme portant à la fois sur la gouvernance et sur l'offre de soins de notre système de santé, ainsi que des mesures pour traiter le déficit de l'assurance maladie, qui se creuse depuis deux ans et que vous avez vous-même qualifié de « sidéral », après que votre prédécesseur, M. Mattei, l'eut jugé « abyssal ».

Alors que votre avant-projet de loi devrait être transmis à la fin du mois au Conseil d'Etat, ni la mission d'information conduite de manière très avisée par notre président (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.), ni les partenaires sociaux, ni les professionnels de santé que nous rencontrons ne disposent d'autre élément de proposition qu'un vague schéma de gouvernance, un schéma qui pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses.

Il est vrai que vous compensez ce vide « sidérant » concernant vos projets par une agitation médiatique, certes remarquable, mais très contestable : remarquable parce que, sur le plan médiatique, vous arrivez à concurrencer votre collègue des finances, M. Sarkozy, (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. Lucien Degauchy. C'est minable !

M. Gérard Bapt. ...mais très contestable quand, comme avant-hier, le message que vous faites passer est centré sur la fraude à la carte Vitale, au risque d'une exploitation populiste ou xénophobe. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Votre message est également contestable quand il s'agit, à propos du plan Canicule, de redécouvrir cette vieille bonne idée de la brumisation. Suffirait-il de donner à toutes les personnes de plus de soixante-cinq ans de notre pays, après la boîte de chocolats de Noël, le brumisateur de Pentecôte ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Nicolin. C'est pitoyable !

M. Gérard Bapt. M. le ministre de l'économie et des finances a déclaré, hier - je cite la dépêche de l'Agence de presse médicale : « Concernant l'assurance maladie, bien sûr que j'ai des réponses, mais je ne suis pas sûr que ce soit le moment de les donner. »

M. le président. Posez votre question, monsieur Bapt !

M. Gérard Bapt. Alors vous, monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, qu'en est-il de vos réponses ? Qu'en est-il de la réforme ? Vous devez transmettre votre avant-projet de loi au Conseil d'Etat le 20 mai. Ma question est simple : à quelle date présenterez-vous votre projet de réforme à la représentation nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur Bapt, le rapport de l'inspection générale des affaires sociales estime qu'il existe dix millions de cartes Vitale en surnombre et cela vous est égal ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Ceux qui nous écoutent apprécieront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean Glavany. Publiez-le !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous affirmez que nous n'avons rien proposé en matière d'assurance maladie. Le président de la Mutualité française appréciera, alors que nous travaillons avec lui depuis trois semaines ! Les syndicats, la CGT, la CFDT, la CGC, la CFTC, l'UNSA, apprécieront eux aussi ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Il est vrai que vous êtes habitués à l'absence de dialogue social et accoutumés à tout traiter, le premier jour, par la loi ! Nous, au contraire, nous intervenons par le contrat et par la discussion ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous ironisez sur les brumisateurs. Or je pense que, après la catastrophe que nous avons connue l'été dernier, il conviendrait de faire preuve de davantage de respect pour les personnes âgées ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

J'ai, en effet, présenté ce matin, sur la demande du Premier ministre, avec M. Falco et Mme Montchamp, un plan Canicule, tirant les leçons de ce qui s'est passé l'année dernière. M. Sanmarco, qui est professeur de médecine à Marseille, nous explique, depuis un an, qu'il faut donner aux personnes âgées des conseils simples. A votre place, je ne m'en moquerai pas, par simple respect ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous souhaitez un calendrier. Sachez que, dès vendredi, tous les syndicats et partenaires sociaux seront reçus au ministère et que nous leur fournirons un calendrier précis de l'ensemble du plan pour l'assurance maladie que, en votre temps, vous n'avez pas su réformer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

RÉNOVATION DE L'INSEP

M. le président. La parole est à M. Patrick Beaudoin, pour le groupe UMP.

M. Patrick Beaudouin. Monsieur le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, vous venez d'annoncer un ambitieux programme de modernisation et de rénovation des locaux de l'Institut national des sports et de l'éducation physique, l'INSEP.

Elu d'une commune et d'une circonscription situées à proximité de cet institut, dans le bois de Vincennes, je me réjouis de cette annonce. Depuis de nombreuses années, en effet, les locaux de l'INSEP ne sont plus du tout à la hauteur de sa mission. Il était vital d'engager, enfin, un véritable programme de rénovation pour les sportifs de haut niveau mais aussi pour les quelque 1 300 personnes qui y travaillent.

Alors que l'INSEP se veut un centre d'entraînement permettant à nos athlètes de se préparer dans les meilleures conditions aux compétitions nationales et internationales, le très mauvais entretien des bâtiments a rendu ce centre indigne de notre pays et de nos athlètes qui voient leur difficile préparation et leurs efforts profondément perturbés.

Vous allez, par votre programme, permettre à nos sportifs de s'entraîner dans des conditions optimales pour les Jeux Olympiques à venir, en particulier ceux de 2012 pour lesquels nous souhaitons tous, ici, que la candidature de Paris soit retenue.

Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous indiquiez à la représentation nationale les principaux éléments de ce plan de rénovation et de modernisation de l'INSEP, mais également que vous rassuriez la population riveraine, tant parisienne que valdemarnaise, quant à l'intégration de ce futur chantier dans ce dernier poumon vert de l'Est parisien qu'est le bois de Vincennes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur Beaudoin, je partage votre sentiment, vous vous en doutez, sur la situation de l'INSEP et je sais que, à plusieurs reprises, vous-même et plusieurs de vos collègues, vous en êtes inquiétés. Certains l'ont même visité et ont pu se rendre compte par eux-mêmes, ainsi d'ailleurs que le Premier ministre, de l'état calamiteux dans lequel se trouve ce bâtiment.

Nous ne pouvons pas laisser des athlètes de haut niveau, membres des équipes de France, s'entraîner quatre à cinq heures par jour, pendant cinq, sept ou dix ans, sans leur offrir les meilleures conditions possibles. Ils représentent notre pays partout, sur tous les continents ; nous nous devons de les aider au mieux, et de le faire à l'INSEP dont les pensionnaires recueillent en général deux tiers des médailles françaises aux Jeux Olympiques.

Deux priorités ont conduit ma réflexion dans le cadre de ce plan de refondation de l'INSEP.

D'abord, et je sais que vous y êtes particulièrement attentif en votre qualité de maire d'une commune riveraine du bois et de l'INSEP, j'ai souhaité une meilleure intégration de l'Institut dans un environnement boisé important, ce poumon vert dont vous parliez. Ainsi la réhabilitation de tous les équipements sera opérée en assurant une grande qualité environnementale. Nous allons ainsi doubler la surface boisée au sein de l'INSEP et empêcher que les voitures ne circulent dans le bois. Bref, je le répète, nous allons faire en sorte de mieux intégrer l'INSEP dans cet environnement magnifique qu'est le bois de Vincennes. Ainsi nous devrions satisfaire les communes riveraines.

La deuxième priorité sera de donner aux athlètes des équipements de grande qualité, en ce qui concerne tant le pôle de vie - hébergement, restauration - que la formation. En effet, il faut que le sportif de haut niveau soit en mesure de mener à bien non seulement son projet sportif, mais aussi son projet de formation.

Enfin, les équipements sportifs seront totalement rénovés, avec des supports techniques qui permettront de préparer, dans les meilleures conditions, les Jeux de 2012.

Les travaux seront achevés au milieu de 2008. Ainsi, j'en suis persuadé, Paris, comme nous le souhaitons tous, pourra accueillir les Jeux de 2012. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

EMPLOI DANS LE SECTEUR DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Hugon, pour le groupe UMP.

M. Jean-Yves Hugon. Monsieur le ministre de l'équipement, les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics jouent un rôle essentiel dans la vie économique et sociale de notre pays.

Ce sont elles qui donnent corps aux projets de l'Etat, des collectivités locales, des entreprises et de tous nos concitoyens, en construisant routes, voies de chemin de fer, bâtiments publics, locaux d'entreprises ou logements. Ce sont elles aussi qui entretiennent et rénovent le patrimoine immobilier de la nation, lui permettant ainsi de conserver sa valeur. Enfin, et c'est l'essentiel, ces milliers d'entreprises, non délocalisables, par définition, représentent près de 1 300 000 emplois directs. Aujourd'hui, cependant, plus de 70 % d'entre elles déclarent éprouver des difficultés de recrutement et ne parviennent pas à satisfaire leurs besoins grandissants de main-d'œuvre qualifiée. Cette situation est paradoxale au regard des chiffres du chômage.

Confrontées au vieillissement de la population des salariés, elles risquent de voir s'aggraver leur situation dans les années à venir si rien ne vient soutenir les efforts entrepris par la profession. A long terme, c'est la capacité même du pays à entretenir son patrimoine qui pourrait être remise en cause.

Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour répondre aux préoccupations légitimes de ces entreprises du secteur de la construction ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur Hugon, souvenez-vous de l'année 2002 et de l'ambiance de morosité qui régnait dans le secteur du bâtiment et des travaux publics ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Cette année-là, en France, nous arrivions péniblement à créer de 2 000 à 4 000 emplois, alors que, à nos portes, en Espagne, par exemple, en étaient créés des dizaines de milliers. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.- Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

C'est pourquoi, sous l'autorité de Jean-Pierre Raffarin, dès 2002, nous avons pris des mesures pour restaurer la confiance...

M. Maxime Gremetz. On l'a vu aux élections !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. ...et pour rendre les investissements dans le bâtiment, notamment dans le secteur du logement, attractifs.

Nous connaissons désormais les résultats de l'année 2003 : 20 000 emplois ont été créés dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, soit quatre fois plus que l'année précédente ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Cela étant, monsieur le député, comme vous, je suis persuadé que ce secteur constitue un gisement fantastique d'emplois. Nous évaluons cette potentialité entre 200 000 et 300 000.

Je réunirai, dès le mois de juin prochain, les professionnels du secteur pour réfléchir à la façon de rendre plus attractifs ces métiers et d'y attirer des jeunes. Avec François Fillon, nous verrons s'il est possible de créer des formations spécifiques. Dès le mois prochain, nous fournirons des réponses.

Grâce aux décisions adoptées par les CIADT qui offrent un énorme potentiel de travaux publics, et aux mesures en faveur du logement que prennent Jean-Louis Borloo et Marc-Philippe Daubresse, les années 2004 et 2005 devraient se révéler « explosives » en matière de création d'emplois et de croissance dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

ASSURANCE CHÔMAGE

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, depuis plusieurs mois, nous alertions le Gouvernement sur les conséquences sociales et humaines désastreuses de la réforme de l'assurance chômage. A cause de votre imprévoyance (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) vous avez, aujourd'hui, à en gérer les conséquences financières, et dans l'urgence.

M. Lucien Degauchy. Il est gonflé !

M. le président. Monsieur Degauchy !

M. Gaëtan Gorce. En prétendant financer la réintégration des chômeurs qui avaient été injustement exclus par le report de la créance de 1,2 milliard d'euros que l'Etat avait sur l'UNEDIC, vous sauvez peut-être les apparences, mais vous ne sauvez pas le régime d'assurance chômage.

En effet, le coût de cette réintégration sur deux années, 2004 et 2005, pour plus de 600 000 chômeurs, représentera plus de 2 milliards d'euros. Il manque donc plus de 800 millions d'euros, si l'on peut croire toutefois à la réalité du 1,2 milliard que vous avez annoncé.

Or ce 1,2 milliard n'est pas assuré à l'UNEDIC puisqu'il ne figure ni en recettes dans la loi de finances de 2004 ni en charges au passif de l'UNEDIC. Supprimer une recette qui n'existe pas pour financer une dépense qui n'est pas prévue constitue un véritable tour de passe-passe. En clair, vous proposez aux partenaires de l'UNEDIC de les payer en monnaie de singe ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Michel Ferrand. Et vous, qu'avez-vous fait ?

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre, il faut que vous nous répondiez clairement.

Ce jonglage auquel vous vous êtes livré, ces derniers temps, vise-t-il seulement à répondre aux exigences du MEDEF (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qui refuse une augmentation des cotisations chômage ?

Je comprends que cela puisse agacer nos collègues de la majorité !

M. le président. Ils sont agacés parce que vous ne posez pas votre question ! Faites-le !

M. Gaëtan Gorce. Si un accord avec les partenaires sociaux n'intervient pas, êtes-vous prêt à prendre, par décret, toutes vos responsabilités ? Ou bien êtes-vous résigné à l'idée injuste d'un emprunt qui reporterait sur les générations futures le financement de ces déficits ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Gorce !

M. Gaëtan Gorce. Je vous demande, monsieur le ministre, de nous répondre en évitant les faux-semblants et de nous dire clairement, précisément et minutieusement comment vous entendez remédier au déficit de plus de 9 milliards d'euros de l'UNEDIC.

M. le président. Mercin monsieur Gorce !

M. Gaëtan Gorce. Ma question est simple. J'espère que j'aurai une réponse précise. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Monsieur Gorce, je vous rappelle que tous les intervenants disposent du même temps de parole.

La parole est à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Monsieur le député, je vais vous répondre très précisément. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

D'abord, je pensais que vous vous réjouiriez de la réintégration dans leurs droits de 600 000 chômeurs, comme s'en sont félicités tous les partenaires sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Ensuite, je pensais que vous nous féliciteriez de la sérénité dans laquelle s'exerce à nouveau le paritarisme dans notre pays. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Enfin, s'agissant du financement, vous serez heureux de constater que le régime de l'UNEDIC sera à nouveau excédentaire en 2006. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Absolument pas !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Quant à la crise, monsieur Gorce, si vous cessiez de hurler, vous entendriez ce que vous ne voulez pas entendre. Permettez-moi de vous rappeler que, en octobre 2000, - je cite - « pour être assurés d'obtenir l'agrément, les signataires », c'est-à-dire les partenaires sociaux, « ont dû accepter de verser à l'Etat...

M. François Hollande. Non, de rembourser !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. ...20 milliards de francs. » C'est l'une des causes de la crise de l'UNEDIC, vous le savez très bien : les 3 milliards de déficit, dont 1 200 millions de créances, viennent de là.

C'est pourquoi, monsieur Gorce, j'estime que vous êtes particulièrement mal placé pour poser une telle question ! (Applaudissements et huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

CONFÉRENCE DE L'OSCE SUR LE RACISME ET L'ANTISÉMITISME

M. le président. La parole est à M. Michel Voisin, pour le groupe UMP.

M. Michel Voisin. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.

Ainsi que le montre malheureusement l'actualité, la lutte contre le racisme et l'antisémitisme ne souffre aucune faiblesse, ni aucun relâchement. M. le Premier ministre a d'ailleurs rappelé hier que la France était profondément blessée par les comportements et les actes antisémites. Je salue donc la détermination du Gouvernement à combattre ces violences inacceptables et intolérables et à faire prévaloir les principes républicains qui fondent notre pacte social.

Comme je l'ai constaté mercredi et jeudi derniers au cours de la conférence sur l'antisémitisme de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, à Berlin, la France n'est pas le seul Etat confronté à la montée de ce phénomène et j'ai pu observer que nos efforts et notre recherche en matière de législation ont été salués par les cinquante-cinq Etats membres de l'OSCE.

Nous y avons abordé de nombreux thèmes essentiels : le renforcement des législations réprimant les crimes et délits racistes ou antisémites, le contenu des programmes scolaires et les mesures pour combattre les propagandes véhiculées par internet.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous qui étiez aussi présent, pourriez-vous nous préciser la position du Gouvernement français sur la volonté de lutter contre le racisme et l'antisémitisme, manifestée dans la déclaration finale ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.

M. Renaud Muselier, secrétaire d'État aux affaires étrangères. Monsieur le député, vous avez fait partie de l'importante délégation française que j'avais l'honneur de diriger à Berlin et je tiens à saluer le travail remarquable que vous avez accompli au cours de cette conférence de l'OSCE. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Outre Mme Weil, M. Cukierman, M. Kahn et Mme Guedj, cette délégation était composée d'un certain nombre d'interlocuteurs qui ont également beaucoup travaillé pendant ces deux jours. Qu'en est-il résulté ?

La déclaration de Berlin vise à renforcer la législation des Etats membres signataires afin de lutter efficacement contre la résurgence de ce mal. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le député, la plupart des intervenants ont souligné l'importance du modèle français et la capacité de la France à lutter par les moyens législatifs, administratifs, judiciaires et éducatifs, contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie.

En outre, nous ne pouvons accepter un système de propagande raciste et antisémite, véhiculé par internet ou par satellite. A cet égard le comité interministériel piloté par le Premier ministre a pris des mesures très claires visant à ce que la vérité, la transparence, l'action et l'efficacité soient le moteur de l'action gouvernementale.

Nous organiserons ainsi à Paris, les 16 et 17 juin prochain, une réunion de l'OSCE pour étudier la rédaction d'une charte éthique, d'un code de bonne conduite, afin que la propagande par voie d'internet ne puisse se faire sur notre territoire.

La France n'est ni raciste, ni antisémite, ni xénophobe, et les propos qui attentent à sa dignité seront combattus sur notre territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

MODERNISATION DE L'ADMINISTRATION

M. le président. La parole est à M. Maurice Giro, pour le groupe UMP.

M. Maurice Giro. Monsieur le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, les Françaises et les Français se plaignent souvent des lenteurs de l'administration dès lors qu'ils doivent, dans leur vie quotidienne, accomplir des démarches administratives.

Les chefs d'entreprise se plaignent aussi, à juste titre, des lenteurs qui caractérisent le processus de prise de décision administrative. Ces lenteurs occasionnent, pour eux, des retards difficilement conciliables avec la vie de leurs entreprises qui ont besoin de réactivité dans les choix qu'ils doivent opérer, surtout lorsque ces décisions sont conditionnées par un avis ou une autorisation administrative.

Enfin, les élus locaux, dont font partie nombre d'entre nous, ont trop souvent le sentiment de perdre leur temps dans des réunions formelles et inutiles qui ne sont pas le cadre d'un vrai débat.

Dans la continuité de l'action menée par le Gouvernement pour moderniser et simplifier le fonctionnement de l'administration, vous avez annoncé la suppression de plusieurs dizaines de commissions administratives centrales ou déconcentrées, tant certaines ne sont plus d'actualité et dont l'objet n'a plus lieu d'être.

Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, préciser le contenu de cette mesure salutaire et les effets bénéfiques que vous en escomptez pour améliorer le fonctionnement de nos administrations ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.

M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le député, vous connaissez la célèbre formule selon laquelle, quand on veut enterrer un problème, on crée une commission. Or le Gouvernement préfère affronter les problèmes. Aussi supprime-t-il un certain nombre de commissions qui, au fil du temps, s'étaient avérées inutiles.

Notre objectif est double : premièrement, nous voulons gagner du temps, dans un monde où il est de plus en plus compté, en réduisant le nombre de commissions inutiles ; deuxièmement, nous souhaitons redonner à la concertation toute sa valeur et au dialogue toute sa profondeur. Ce ne sont donc pas les sujets traités qui sont mis en cause, mais la méthode de travail.

Au niveau central, l'action vise à réduire le nombre de commissions administratives de 645 à 200.

Dans les échelons déconcentrés, notre attention a souvent été appelée sur le nombre excessif de commissions, prenant du temps aux élus et aux associations d'usagers, mais aussi à l'ensemble des fonctionnaires. Ainsi, 130 commissions seront supprimées et je salue au passage la qualité du travail du ministère de l'intérieur sur ce sujet. Des commissions pivots seront créées qui permettront de mieux traiter les problèmes. Un dispositif de suivi sera mis en place, car, la nature ayant horreur du vide, d'autres commissions pourraient être créées.

Enfin, nous développerons de nouveaux modes de gestion de la concertation et du dialogue, plus souples, plus efficaces, plus performants. Renaud Dutreil et moi-même sommes persuadés que le dialogue et la réalité de la concertation entre l'Etat et les Français passent par des modes plus souples d'expression.

L'action nécessite parfois de faire un peu de ménage et c'est ce que nous avons fait. Nous gagnerons quelques dizaines de milliers de jours tant pour les fonctionnaires et pour les usagers que pour les élus. C'est notre façon de montrer que l'Etat peut réagir de façon performante aux problèmes posés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

    2

NOMINATION D'UN VICE-PRÉSIDENT ET D'UN QUESTEUR DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

M. le président. Mes chers collègues, avant de suspendre la séance, je tiens à vous indiquer que sont nommés vice-président de l'Assemblée nationale, Yves Bur, et questeur de l'Assemblée nationale, Guy Drut.

Qu'ils reçoivent nos félicitations les plus sincères ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Rudy Salles.)

PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

    3

SOLIDARITÉ POUR L'AUTONOMIE DES PERSONNES ÂGÉES ET DES PERSONNES HANDICAPÉES

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées (nos 1350, 1540).

Question préalable

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, monsieur le ministre délégué aux personnes âgées, mes chers collègues, j'ai l'honneur de poser, au nom du groupe socialiste, une question préalable sur le texte que nous propose le Gouvernement.

Cette motion de procédure m'apparaît d'autant plus nécessaire qu'il s'agit d'un sujet grave, sur lequel nous ne pouvons nous permettre une approche aussi parcellaire.

Nous vous demandons donc à nouveau, solennellement, le report immédiat de ce texte, non pas par esprit polémique - le sujet mérite mieux que cela -, ni parce que nous pensons qu'il ne faudrait rien faire pour assurer l'autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, bien au contraire. Nous le demandons pour que le Parlement soit à même d'étudier un projet global - et j'insiste sur le mot - en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées.

M. Bernard Perrut. C'est le cas !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Respecter la représentation nationale, ce n'est pas éclater les éléments d'une même politique en de multiples textes. Cela exige que nous soient soumises des mesures cohérentes, s'inscrivant dans le cadre d'un dispositif global.

Or que fait votre gouvernement ?

Nous avons été amenés à voter en première lecture, le 14 avril, un texte sur la décentralisation qui transfère aux départements la responsabilité de la politique en faveur des personnes âgées, mais dont on nous dit que la deuxième lecture pourrait en bouleverser toute l'économie.

Nous examinons cette semaine un projet de loi relatif à l'autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.

Nous attendons, dans le même temps, les conclusions de la mission de préfiguration de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, confiée à M. Raoul Briet et à M. Pierre Jamet, afin de déterminer l'architecture financière exacte du projet qui nous est soumis.

Une autre loi « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » attend d'être inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée, après en avoir été retirée dans la plus grande confusion.

Enfin, une réforme de l'assurance maladie sera certainement proposée dans quelques semaines par votre gouvernement.

Vous l'admettrez, un tel découpage n'augure rien de bon pour la pertinence de l'action mise en place, et laisse un goût prononcé d'improvisation. Il permet simplement de multiplier les effets d'annonce au détriment de la transparence qui devrait prévaloir sur de tels sujets.

Le rapporteur du projet de loi l'a lui-même reconnu en commission. Cela figure page 37 de votre rapport, monsieur Jacquat : « Concernant la chronologie des textes qui seront examinés dans les prochains mois, on peut considérer qu'il aurait été plus judicieux de commencer par celui sur la sécurité sociale afin de clarifier les questions du financement ».

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Vous avez bien lu !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Merci !

Pour justifier l'examen de son texte, votre gouvernement, monsieur le ministre, invoque l'urgence, mais la canicule de l'été dernier, avec les 15 000 décès qu'elle a malheureusement provoqués, essentiellement chez les personnes âgées, a eu lieu il y a maintenant neuf mois. Le plan « vieillissement et solidarités » a été annoncé par M. le Premier ministre et par M. François Fillon en novembre dernier, après un temps de réflexion déjà long. Il aura donc fallu ensuite attendre près de six mois pour que le Parlement soit amené à étudier un texte législatif encore partiel, puisque nous attendons le rapport de la mission Briet-Jamet.

Il y avait en effet urgence à traiter le problème des personnes âgées fragilisées ou en perte d'autonomie, afin d'éviter un renouvellement du drame de la canicule et de prendre davantage en compte le phénomène du vieillissement. Mais l'objet de ce projet de loi n'est pas de financer des mesures pour cet été 2004. Lorsque la loi aura été promulguée, l'été aura en effet déjà commencé. Toute loi nécessite ensuite l'élaboration de textes d'application. Une chose est sûre : aucune mesure nouvelle ne pourra être prise grâce à ce texte avant une éventuelle canicule, que personne ne souhaite.

C'est pourquoi nous aurions pu, comme cela avait été souhaité en commission, attendre désormais quelques semaines supplémentaires pour y voir clair. Chacun, y compris à l'UMP, s'accorde à reconnaître que cela aurait été souhaitable.

Permettez-moi, à ce moment de mon intervention, d'évoquer la question du recensement des personnes fragiles isolées, dont il a beaucoup été question, y compris ce matin lors de l'annonce du plan Canicule. Il s'agit bien d'une action à entreprendre d'urgence avant l'été prochain, et heureusement que de nombreuses collectivités, dont Paris, n'ont pas attendu qu'une loi soit votée pour mettre en place dès à présent de premières mesures dites de prévention et de repérage.

Je ne serai pas aussi sévère que M. Bur, que l'on a beaucoup entendu hier au cours de l'intervention de Mme Guinchard-Kunstler, et qui a jugé, en commission des affaires sociales, que l'obligation de recenser les personnes fragiles était une disposition à la fois inapplicable et scandaleuse. Cette question pose néanmoins des problèmes réels, en termes de faisabilité mais aussi de respect des libertés. Confiée aux maires, l'obligation de recensement aurait mérité de faire l'objet d'une véritable concertation entre l'Etat et les représentants des collectivités locales.

Il est permis de s'interroger aussi sur son efficacité, puisque le Conseil d'Etat a estimé que ne pouvaient être recensées que les personnes qui en font la demande. Qu'en sera-t-il vraiment pour une personne qui vit seule chez elle et qui connaît des troubles mentaux tels qu'un début de maladie d'Alzheimer ?

Les amendements que vous nous avez présentés, monsieur Jacquat, tiennent compte de cette réalité, mais ils n'apportent pas de solution totalement satisfaisante. En effet, la possibilité pour une personne mentalement déficiente de s'opposer explicitement à son recensement me paraît très théorique. Du fait de sa situation, cette personne ne pourra pas plus avoir recours à ce droit d'opposition qu'elle n'aurait demandé à être recensée comme personne fragile et isolée. Il y a là une contradiction.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Ce n'est pas facile !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Il s'agit d'un vrai débat et il faudra aller plus loin. Nous savons tous que les personnes âgées isolées et fragilisées ne le sont pas devenues du jour au lendemain. C'est un processus qui prend du temps ; ces personnes ont auparavant été exclues sociétalement parlant durant des mois. Il faudra sans doute davantage un travail de prévention en amont que de simples mesures de recensement. Je pense vraiment que, comme cela a été souligné en commission, ce dispositif est mal conçu et, de ce fait, difficilement opérant.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Le recensement répond à l'urgence !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Je suis d'accord mais vous avez eu un an. C'est une vraie question qui nous concerne tous et nous avons besoin d'avancer ensemble.

Toutes les études ont montré que l'isolement de nombreuses personnes âgées et handicapées très fragiles était un facteur aggravant de risque en cas de canicule. Cela aurait cependant mérité des mesures moins illusoires que celles qui nous sont présentées ici. Je veux d'ailleurs relayer l'inquiétude des élus locaux qui ne manqueront pas, en cas de nouvelle canicule, d'être tenus pour responsables du fait de l'impréparation du dispositif.

Le Gouvernement souhaite - ou souhaitait tout au moins jusqu'à la semaine dernière - financer l'autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap par la suppression d'un jour férié, et parle d'une journée de solidarité. Il avait initialement décidé que ce jour férié en moins serait de manière générale le lundi de Pentecôte.

Cette suppression a cependant rencontré des résistances importantes dans le pays, dont un grand nombre de mes collègues, y compris de la majorité, se sont fait l'écho, pour des raisons religieuses évidemment, mais aussi pour des raisons économiques, parce que les régions touristiques pourraient en pâtir, alors qu'elles accueillent de nombreux visiteurs lors de ce traditionnel long week-end de mai ou juin, et parce que de nombreux éléments de la vie de ce pays sont calés sur ces trois jours, comme des tournois sportifs et certaines grandes manifestations régionales.

Les partenaires sociaux n'ont pour leur part jamais été associés à cette décision, et ils l'ont dénoncée, car elle constitue un véritable recul social.

Les études économiques elles-mêmes ne s'accordent pas forcément sur les effets de la suppression d'un jour férié. M. Fillon nous avait indiqué en commission le 3 mars que cela créerait de la richesse supplémentaire. Il est loin d'être certain que la richesse supplémentaire qui sera produite soit celle que vous escomptez. En revanche, le risque de détruire des emplois est réel, une étude de l'OFCE d'octobre dernier le démontre clairement.

Un député de la majorité a même estimé en commission qu'il ne fallait pas appliquer cette mesure dans l'éducation nationale, car elle aurait un coût trop élevé. Il serait paradoxal que, au terme des évolutions de ce projet, le lundi de Pentecôte soit peut-être un jour où les enfants travailleront, mais pas les parents, ce qui simplifiera beaucoup de situations !

A l'évidence, le financement proposé pour la prise en charge de la perte d'autonomie est bien aléatoire, mais une chose est certaine : il n'y aura aucune ressource nouvelle pour les personnes âgées avant l'été.

Vous souhaitez que la loi soit applicable à compter du 1er juillet. J'ai été comptable, j'ai établi des déclarations, et je sais bien que les entreprises paient leurs cotisations le 15 du mois. En tenant compte de délais inévitables, les fonds perçus dans le cadre de ce projet ne seront donc dans les caisses de l'URSSAF ou d'autres organismes au mieux qu'à la fin du mois de juillet. Au vu du calendrier prévu pour la fixation du jour travaillé supplémentaire, si les 0,3 % de cotisation sont versés par les entreprises en juillet, ceux-ci ne seront pas le fruit d'une richesse nouvelle puisque celle-ci n'existera pas encore. C'est donc bien la confusion qui domine.

Ce mode de financement aléatoire est également injuste. La solidarité à laquelle sont appelés les Françaises et les Français, et qui s'apparente en fait largement à la notion de charité, est en effet très partielle puisqu'elle pèse pour l'essentiel sur les salariés. Aux termes de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, « toute personne handicapée a droit, quelle que soit la cause de sa déficience, à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale ». Ce n'est pas le cas en l'occurrence.

Lors de son audition en commission le 3 mars dernier, M. Fillon, alors ministre des affaires sociales, a donné les arguments qui ont conduit à exonérer de l'effort à consentir les retraités, les professions libérales et les travailleurs indépendants notamment. De ce fait, seuls, ou presque, les salariés seraient appelés à cotiser davantage sous forme d'un jour de travail supplémentaire non rémunéré. Je répète que cela n'est pas juste.

Nous savons bien que, aujourd'hui, certaines catégories sociales ont des revenus plus élevés que la moyenne des salariés. Cet état de fait n'est pas entré en ligne de compte lors de l'élaboration du projet qui nous est soumis. Comment ne pas rapprocher la ressource annuelle que le Gouvernement envisage de trouver chaque année grâce à ce projet de loi, 1,7 ou 1,9 milliard, de la baisse de 3 % de l'impôt sur le revenu et de la diminution de l'ISF inscrites dans la loi de finances pour 2004, qui représentent 1,8 milliard ? Reconnaissez tout de même que les montants sont à peu près équivalents !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Très bonne comparaison !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Le Gouvernement invoque la fraternité pour justifier l'augmentation du temps de travail. Il aurait pu tout simplement ne pas réduire un prélèvement redistributif dont l'objet est précisément de contribuer à la solidarité nationale.

Vous avez pu constater lors des élections régionales que les Françaises et les Français n'acceptaient pas les réformes injustes. Vous devriez vraiment en tenir compte.

En fait, cette mesure est directement liée à la pression idéologique du MEDEF,...

M. René Couanau. Mais non : il n'y a pas d'idéologie du MEDEF !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. ...pour faire repartir à la hausse la durée du temps de travail. On oublie que le passage à 35 heures a créé des milliers d'emplois et amélioré la qualité de vie de la plupart des salariés qui en bénéficient. Le récent rapport parlementaire sur le sujet en a fait une analyse tellement partiale que le Gouvernement a préféré l'enterrer au plus vite.

En voulant maintenant faire passer la durée annuelle légale du travail de 1 600 à 1 607 heures, son objectif n'est-il pas cependant, quoi que vous en disiez, monsieur Falco, de revenir ainsi sur les 35 heures ? Ce serait la première fois dans ce pays que la durée du travail serait accrue, et cela irait contre un mouvement historique qui a commencé au début du siècle.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Il fallait le dire !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Je ne suis pas sûre, monsieur le ministre, que les Françaises et les Français soient d'accord avec vous à ce sujet.

Avant de constituer un progrès pour les personnes en perte d'autonomie, votre projet de loi aboutira surtout à faire travailler un jour de plus, sans être payés, l'ensemble des salariés de notre pays, car c'est bien cela dont il s'agit. Pour ma part, je considère que l'on ne sert pas la cause des personnes âgées ou handicapées en les rendant responsables de la remise en cause de la réduction du temps de travail. Je rejoins l'argument exposé hier par Mme Paulette Guinchard-Kunstler : ne culpabilisons pas les salariés en leur demandant de travailler gratuitement une journée supplémentaire pour résoudre le problème de l'autonomie des personnes âgées.

En définitive que restera-t-il de cette journée de solidarité ?

Face à la fronde de sa majorité, dont j'ai été témoin en commission, le Gouvernement semble prêt à laisser les partenaires sociaux choisir eux-mêmes, de manière très décentralisée, le jour adéquat.

M. le ministre délégué aux personnes âgées. C'est bien !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Certes !

M. Denis Jacquat, rapporteur. C'est un progrès !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. C'est déjà mieux, mais le lundi de Pentecôte ne deviendrait que l'exception à défaut d'accord, dans le secteur privé comme dans la fonction publique. D'après les dernières informations, cette journée pourrait en effet être divisée en autant d'heures voire de minutes de travail supplémentaire tout au long de l'année.

Si le financement ne repose plus sur une journée de travail supplémentaire de sept heures, mais sur quatorze demi-heures, vingt-huit quarts d'heure ou - pourquoi pas ? -, 140 fois trois minutes, répartis dans l'année, la richesse créée ne sera plus aléatoire ; elle sera assurément nulle. Que restera-t-il alors du projet de loi qui nous est soumis ?

Je suis impatiente de connaître la réaction du MEDEF face à cette trouvaille, lorsqu'il devra calculer, par cette fragmentation, la richesse ainsi produite.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Mme Hoffmann-Rispal, agent du MEDEF ! (Sourires.)

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Votre financement ne sera plus assis sur une création de richesse nouvelle, mais deviendra, n'en déplaise au chef de l'Etat, un nouvel impôt. Ce sera d'ailleurs le cas dès le mois de juillet, puisque les entreprises payeront pour quelque chose qui n'interviendra que l'an prochain. Derrière la journée de solidarité, se profile bel et bien un nouvel impôt de 0,3 %.

Mme Élisabeth Guigou. Eclatante démonstration !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Merci, Madame Guigou.

M. le ministre délégué aux personnes âgées. Parole d'expert !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Laissez Mme Hoffman-Rispal poursuivre !

M. le ministre délégué aux personnes âgées. Arrêtez de nous donner des leçons !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Pourquoi êtes-vous si agressif ?

M. le ministre délégué aux personnes âgées. Si vous ne voulez pas que l'on vous réponde, ne parlez pas !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Monsieur le président, faites en sorte que M. le ministre laisse parler Mme Hoffman-Rispal.

M. le président. Madame Hoffman-Rispal, veuillez poursuivre.

M. le ministre délégué aux personnes âgées. Madame Guinchard-Kunstler, vous n'êtes plus secrétaire d'Etat aux personnes âgées !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. C'est incroyable ! Quel manque de courtoisie !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Monsieur Falco, s'il vous plaît, entre collègues le respect et la dignité sont importants.

Une telle improvisation n'est pas acceptable. Là aussi, une vision globale est nécessaire, afin que les ressources soient en cohérence avec celles qui seront dégagées pour l'assurance maladie.

Cela étant, le plus grand risque de votre projet de loi est le démantèlement de l'assurance maladie. Il ne saurait en effet être question, sous couvert d'une politique d'aide à l'autonomie, de rompre avec le principe d'universalité et de sortir du champ de l'assurance maladie des dépenses de santé qui lui incombent.

Or ce risque existe bel et bien en raison du flou qui entoure la création de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Elle doit regrouper l'actuel fonds de financement de l'APA, le produit des 0,3 % prélevés sur les entreprises et - c'est ce qui nous inquiète- une partie de l'ONDAM médico-social.

Ce dernier point est particulièrement inquiétant. Cela signifie que, demain, un médecin ou une infirmière salariés par une maison de retraite ne seront plus payés par le biais de l'assurance maladie, tandis que leurs collègues libéraux, intervenant dans la même structure, resteront financés par la sécurité sociale. On comprend mal la logique, mais on discerne bien le risque qui consiste à dissocier peu à peu les dépenses de santé des personnes âgées du régime général.

Cela conduira sans doute demain à mettre en avant leur coût, que l'on qualifiera alors d'exorbitant.

Mme Nathalie Gautier. C'est inacceptable !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Il serait dommageable pour notre société de stigmatiser le coût des personnes âgées et des personnes handicapées. Il est grand temps que notre pays sorte enfin de l'esprit du rapport Laroque, qui date de 1962 et qui affirmait que « progressivement et de manière inéluctable, le vieillissement grève les conditions d'existence de la collectivité française ». Il nous faut collectivement combattre ce préjugé ; une politique sociale en faveur des personnes en situation de perte d'autonomie a un coût et il faudra qu'on l'accepte si l'on veut regarder autrement l'allongement de la vie, la situation d'incapacité et de handicap.

Mme Élisabeth Guigou. Très juste !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Que signifie donc la CNSA dans ce contexte ? S'agira-t-il d'un fonds ? Sera-t-elle plutôt, monsieur Jacquat, un conseil national ? En tout cas pas une « caisse » au sens traditionnel de la sécurité sociale, comme l'ont très bien dit les partenaires sociaux.

M. Pascal Terrasse. C'est du Canada dry !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. La loi se contente de transférer vers ce fonds un ensemble de ressources, afin de lui permettre de financer pour l'essentiel une prestation déjà existante, l'allocation personnalisée d'autonomie. A quoi bon alors employer le mot « caisse », ce qui aurait fait plaisir à M. Jacquat,...

M. Denis Jacquat, rapporteur. Vous avez d'excellente lecture !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. ...si ce n'est pour faire croire qu'il pourrait s'agir d'un cinquième risque alors que tel n'est pas le cas ?

Il semble plutôt que nous nous dirigeons sans le dire vers la création d'une nouvelle branche de la sécurité sociale au rabais, ce qui serait évidemment lourd de conséquences pour les personnes en perte d'autonomie.

Mme Élisabeth Guigou. Tout à fait !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Nous ne pouvons pas accepter que ces ambiguïtés ne soient pas levées. Nous sommes en droit d'exiger des clarifications de votre part avant l'examen de ce texte.

L'avant-rapport de M. Briet et M. Jamet ne nous rassure pas, bien au contraire, comme l'a expliqué hier soir Mme Guinchard-Kunstler. Le Gouvernement a renoncé à réformer l'assurance maladie par la procédure des ordonnances, mais vous utiliserez un texte de nature réglementaire pour statuer sur le financement de la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées.

Au lieu de créer cette nouvelle structure, vous auriez pu tout simplement abonder les crédits de l'ONDAM médico-social, inscrits dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mme Élisabeth Guigou. Bien sûr !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Cela aurait été plus efficace que l'usine à gaz que vous nous proposez.

Mme Élisabeth Guigou. C'est cela : une usine à gaz !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Le terme est excessif !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Je ne suis jamais très excessive, monsieur Jacquat !

Les 300 millions d'euros supplémentaires inscrits cette année, et que vous mettez si souvent en avant, seront en effet largement insuffisants. Ils ne serviront pour l'essentiel qu'à absorber l'augmentation des salaires et des prix. Bien peu restera pour recruter des personnels supplémentaires. Et l'on imagine, après la création de cette caisse, qu'il vous sera plus difficile d'obtenir l'année prochaine une hausse des crédits actuellement liés à l'ONDAM médico-social.

Mme Élisabeth Guigou. Eh oui !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Pour faire face cet été à une éventuelle canicule, il faut augmenter ces crédits dès 2004 pour permettre des recrutements d'urgence et créer la « pièce rafraîchie », comme le réclament sans relâche tous les professionnels de la prise en charge des personnes âgées.

Vous avez en effet adressé une circulaire en février pour demander que toutes les maisons de retraite soient climatisées. Outre son caractère tardif, notamment lorsqu'on est soumis, ce qui est le cas des collectivités locales, aux règles des marchés publics, cette louable intention n'était bien sûr assortie d'aucun financement. Après avoir longtemps prétendu que les établissements et les collectivités locales pouvaient en assumer seuls la charge, le ministre de la santé a annoncé ce matin que 20 à 40 millions d'euros pourraient être dégagés, soit, si j'ai bien compris, 15 000 à 20 000 euros par tranche de quatre-vingts places. C'est un premier pas, mais il serait logique que vous acceptiez, comme le réclament la plupart des directeurs d'établissement, de financer entièrement la mise en place des « pièces rafraîchies » sur le forfait soins, car on ne climatise pas pour le confort, mais parce que cet équipement rend un service vital en cas de canicule.

Pour que notre débat soit clair, la vérité des chiffres doit s'imposer. Et lorsqu'on y regarde de plus près, ceux annoncés par votre gouvernement apparaissent d'emblée sans commune mesure avec la réalité : vous prétendez dégager 9 milliards sur cinq ans, mais il ne s'agira en fait que d'environ 1,7 milliard chaque année, soit 850 millions d'euros pour les personnes âgées et 850 millions d'euros pour les personnes handicapées. Nous sommes bien loin des annonces gouvernementales, et même assez nettement en dessous des objectifs que s'était fixés le gouvernement de Lionel Jospin pour la période 2001-2005

Mme Nathalie Gautier. Parfaitement !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Et ne criez pas que ce n'était pas financé !

De ce point de vue, les réactions à vos propositions sont unanimes. Ce projet ne permettra pas de réaliser l'effort quantitatif nécessaire pour créer des places d'accueil en établissement, développer l'aide à domicile, les soins infirmiers à domicile ou l'accueil de jour. Et, lorsque vous envisagez une montée en charge progressive de votre plan, cela signifie en réalité que l'ensemble des crédits annoncés ne seront pas consommés les premières années. En mettant en œuvre des moyens très insuffisants, vous organisez aujourd'hui la pénurie de demain.

La canicule a dévoilé au grand jour une réalité trop longtemps occultée : la prise en charge des personnes âgées dans notre pays est très au-dessous non seulement des besoins et même du minimum acceptable par une société développée. Aujourd'hui, tout le monde l'admet et le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur les conséquences de la canicule va dans ce sens.

S'il n'y a qu'un enjeu, c'est celui-là : nous devons nous donner les moyens de prendre en charge dignement les personnes âgées, à domicile comme en établissement.

Or, bien que vous ayez affirmé à plusieurs reprises devant notre assemblée que 85 % des personnes vivaient à domicile, les aides à domicile ne sont même pas citées dans vos annonces. Rien sur leur nombre, pourtant largement insuffisant, ni sur leur formation ni sur les moyens offerts aux personnes en perte d'autonomie pour bénéficier d'un nombre d'heures correspondant réellement à leurs besoins.

De même, que va devenir le fonds de modernisation de l'aide à domicile, qui accompagnait jusqu'à présent l'APA, faisait partie du fonds d'allocation personnalisée d'autonomie et aidait à la formation et à la professionnalisation ? Je ne le vois nulle part dans le texte.

Mme Élisabeth Guigou. Excellente question !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Je pense, pour avoir signé, pour Paris, avec Mme Guigou et Mme Guinchard-Kunstler, une convention sur trois ans, que ce fonds a une utilité pour assurer une formation et une prise en charge de qualité des personnes âgées.

Concernant les établissements d'accueil, les conventions tripartites permettent de lier une augmentation des moyens à une amélioration de la qualité du service rendu. Issues de la réforme de la tarification, elles doivent maintenant atteindre leur rythme de croisière.

Vous dites souvent, monsieur le ministre - chiffres à l'appui, comme hier soir encore -, que c'est grâce à vous que les conventions tripartites sont progressivement signées. Il serait plus sage de reconnaître que vous recueillez les fruits d'un travail de longue haleine lancé en 2001, qui a nécessité de longues négociations et qui a souvent été ralenti par la faiblesse des moyens dont disposent les DDASS.

Ces conventions tripartites, qui correspondent à des projets dans les établissements, sont un bon système et il est urgent d'accélérer leur signature. Tous ceux qui ont travaillé en ce sens savent que le bénéfice est une question de mois, sinon d'années. Je me réjouis donc que vous en récoltiez les fruits aujourd'hui, mais vous ne pouvez pas remettre en cause le travail réalisé en 2001 sur ces textes.

Ce système ne doit pas tenir lieu de bonne conscience aux pouvoirs publics, qui conditionneraient l'attribution de maigres moyens à la réalisation de normes et de contraintes toujours plus drastiques et parfois irréalistes. De ce point de vue, les financements annoncés ne sont toujours pas disponibles, à cause notamment d'importants gels de crédit sur les budgets 2002 et 2003. Les annonces de gels drastiques dans le budget 2004 n'augurent rien de bon à cet égard.

Vous ne pouvez pas vous décharger de vos responsabilités sur les responsables d'établissements, qui vous demandent d'accroître des moyens dont le drame de l'été dernier a malheureusement montré l'insuffisance.

Votre gouvernement a toujours privilégié une approche strictement financière, au lieu de favoriser le changement de regard indispensable sur ce défi majeur qu'est l'allongement de la vie. Il faut parler de dignité, de chaleur humaine, de relations entre les générations et d'apport des personnes âgées à la société, plutôt que de répéter sans cesse que tout cela coûte cher.

Une politique responsable et répondant au drame de l'an dernier aurait consisté à établir un plan de programmation pluriannuel, pour faire évoluer les normes d'encadrement des personnels vers un ratio plus conforme à ceux de l'Allemagne ou de la Suisse. Le terme de ratio, je le souligne au passage, ne me plaît guère, et nous devrions nous entendre pour trouver une formule plus élégante.

Une telle politique aurait consisté aussi à faire évoluer l'allocation personnalisée d'autonomie en vue d'une meilleure prise en charge des besoins des personnes dépendantes.

Pourtant, votre gouvernement n'a jamais caché son intention de revoir les critères de versement de l'APA au détriment de certains bénéficiaires. Il faudrait, au contraire, aider tout autant les personnes qui commencent à perdre leur autonomie et, comme cela a été évoqué en commission, revoir la grille AGGIR pour en faire un outil d'évaluation commun à toutes les personnes en situation de handicap.

La mesure des incapacités, quelles qu'elles soient, devrait se faire de manière transversale et multidimensionnelle, pour reprendre les termes du rapport adopté par le Conseil économique et social, rapport riche d'enseignements pour nous tous, et dont je tiens à saluer l'auteur, M. Maurice Bonnet. Cette évaluation des besoins devrait prendre en compte l'environnement de la personne dans son ensemble, ce qui n'est malheureusement pas le cas actuellement. Les conclusions du comité scientifique chargé d'évaluer cette grille, remises l'an dernier, allaient elles aussi dans ce sens, mais elles ne correspondaient pas aux conceptions du Gouvernement qui n'en a, jusqu'à présent, tenu aucun compte.

De même, comme l'a encore fait apparaître la mission d'enquête, il n'est toujours rien prévu pour les personnes classées en GIR 5 et 6, certes les moins dépendantes, mais qui sont fréquemment isolées et qui perdent progressivement leur autonomie. Souvent en voie de désinsertion sociale, elles furent dans nos villes les premières victimes de la canicule. Plutôt que de tenter maladroitement de culpabiliser leurs familles, apporter à ces personnes une aide supplémentaire aurait dû être une priorité du plan gouvernemental.

Traiter la perte d'autonomie est certes indispensable, mais une action de prévention, qui permettrait de la retarder dans nos sociétés vieillissantes est tout aussi nécessaire. A l'inverse, l'an dernier, à l'occasion de la révision de l'APA - qui a pour effet de faire aujourd'hui rembourser par la caisse un emprunt qui n'était pas indispensable - ce sont les bénéficiaires d'une aide à domicile qui ont été mis à contribution. Trop souvent, ceux-ci, en particulier les plus modestes, ont tout simplement renoncé à demander à bénéficier de l'APA.

Contrairement à ce que vous avez maintes fois répété, le coût de l'APA n'a pas été sous-évalué lors de sa mise en place, comme l'atteste la comparaison des chiffres prévus en 2001 par le rapporteur de la loi, Pascal Terrasse, avec le bilan établi par le fonds de financement de l'APA en décembre 2003.

Votre gouvernement n'avait, de toute façon, pas attendu la « clause de revoyure » qui prévoyait de faire le point sur l'APA en juin 2003, pour revenir en arrière et diminuer le montant de l'aide perçue par de nombreux bénéficiaires.

Depuis deux ans que je siège dans cette assemblée, j'ai bien compris que la bataille de chiffres n'est pas l'essentiel, puisque les chiffres diffèrent selon les orateurs !

M. Pascal Terrasse. La bataille des chiffres, nous l'avons gagnée ! Les résultats des élections cantonales le prouvent ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué aux personnes âgées. Je vous ai battu à Toulon !

M. Pascal Terrasse. Mais Toulon n'est pas la France ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que la parole est à Mme Hoffman-Rispal.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Il faut maintenant mettre en place une politique véritablement tournée vers l'avenir. L'inéluctable allongement de la durée de la vie est une chance pour chacun ; elle peut devenir aussi une richesse pour la société tout entière.

Le gisement d'emplois que représente l'aide aux personnes est considérable. Ainsi, la première PME du 12e arrondissement de Paris est une association d'aide à domicile. Nous ne devons donc pas envisager l'accroissement du nombre de personnes âgées dépendantes seulement comme un coût. L'adaptation de notre société à cette évolution représente aussi une chance pour les années à venir. Nous devons nous en donner les moyens.

Depuis deux ans, votre gouvernement considère les personnes âgées avant tout comme un coût pour la collectivité, ainsi que le montrent presque toutes vos réponses à nos questions. Le changement de regard et d'approche initié par le gouvernement de Lionel Jospin, sous l'égide de Mme Guinchard-Kunstler et de Mme Guigou, n'est plus à l'ordre du jour.

L'APA est un progrès considérable et désormais unanimement reconnu, y compris par vous-même, monsieur le ministre, si j'ai bien entendu l'introduction que vous avez faite hier soir à l'examen du texte. Ce progrès n'a malheureusement pas eu de suite, malgré le drame de l'été dernier. Les moyens à dégager sont certes importants, mais ils sont indispensables dans une société civilisée.

Les personnes âgées, quelle que soit leur perte d'autonomie, ont droit à une qualité de vie meilleure. Ainsi, les établissements d'accueil ne peuvent plus se contenter d'assurer l'hébergement et les soins, et les activités proposées pour rendre la vie quotidienne plus agréable sont essentielles au maintien d'une vie sociale. De nombreux établissements avaient recruté des animateurs sur des contrats emplois-jeunes, largement financés par l'Etat. Or rien n'est prévu pour les aider à maintenir ces postes maintenant que les emplois-jeunes ont été supprimés. Là encore, le désengagement public est réel sur un sujet plus important qu'il n'y paraît.

Vous avez commandé - et je m'en réjouis - à M. Bernard Hervy un rapport sur l'animation en gérontologie. Ses propositions sont excellentes et j'espère que vous en tiendrez davantage compte que de celles qui figurent dans les autres rapports qui vous sont remis.

Tout à une logique de communication, vous faites vôtre le concept de « droit à compensation », qui sera la grande avancée des années à venir, mais en vous assurant bien qu'il ne sera, pour l'instant, rien de plus qu'un concept. Il est pourtant nécessaire de créer un droit à compensation général. C'est désormais une idée que nous partageons tous. Il nous faut briser la barrière d'âge, qu'elle soit placée à vingt ans ou à soixante, car elle ne permet pas de répondre équitablement aux différentes pertes d'autonomie liées à l'âge, au handicap ou à une maladie chronique invalidante, comme on devrait pouvoir le faire dans le cadre d'un dispositif général.

Ce projet et ceux qui sont censés le suivre dans les prochaines semaines ne répondent à aucune de ces nécessités. Ils maintiennent une « vision catégorielle et partielle des personnes en situation de handicap », selon l'avis même du Conseil économique et social, plutôt que de créer un droit général à compensation. Par ailleurs, la déclinaison de ce droit à compensation est elle-même vide de tout contenu nouveau.

Ne sont, en réalité, prévus par ce texte ni droit nouveau ni prestation complémentaire. Ce tour de passe-passe, s'il ne trompe personne, mérite toutefois d'être dénoncé ici. Additionner l'APA déjà existante et les crédits de l'ONDAM ne revient guère qu'à agréger deux dispositifs existants, sans créer rien de neuf qu'un objet administratif non identifié : la CNSA.

Il est nécessaire de clarifier les enjeux. Le Conseil économique et social a bien montré la nécessité de créer une prestation destinée à compenser les incapacités dans toute leur diversité, quels que soient l'âge et le lieu de vie des personnes, sur la base d'une évaluation permettant de définir leur situation. Cette prestation unique devrait offrir des solutions adaptées en fonction des besoins. On ne peut en effet proposer les mêmes réponses en établissement et à domicile, à un actif souffrant d'une maladie chronique et à une personne âgée.

Il paraît important, dans cette période de grande incertitude sur la protection sociale, de rappeler que cette prestation ne devrait en aucun cas se substituer aux aides dispensées actuellement par les régimes de sécurité sociale et qu'elle devrait assurer une couverture universelle pour répondre aux besoins.

Votre projet est bien loin de cette approche, et se contente de reprendre les mots en les vidant de leur substance. Alors qu'un pays comme la Suède a choisi d'engager un vrai processus d'égalité des chances en faveur des personnes en perte d'autonomie et consacre près de 4 % de son PIB aux différentes mesures de compensation du handicap, le Gouvernement français se contente aujourd'hui de déclarations d'intentions qui ne sont suivies d'aucun progrès réel.

Les associations représentant les personnes handicapées et leurs familles s'expriment fortement sur ce thème, et c'est une bonne chose. On entend moins la voix des personnes âgées, mais la réalité est en très grande partie la même, et la frustration est aussi forte et justifiée. Les carences de leur prise en charge ont été tragiquement révélées l'été dernier. Elles exigent une réponse appropriée de la collectivité nationale.

Ce projet de loi, je le répète, ne porte aucun progrès nouveau. Il se limite à mêler des dispositifs financiers complexes et insuffisants et une déclaration d'intentions vide de tout contenu sur la compensation de la perte d'autonomie. Après les dernières déclarations que le Premier ministre et vous-mêmes avez faites à propos d'un jour férié, il est bien difficile de s'y retrouver ! Au lieu d'avoir du sens, ce projet de loi va dans tous les sens !

Mme Élisabeth Guigou. Très bien !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Monsieur le ministre, cette question préalable se justifie d'autant plus qu'elle correspond à ce que pensent et disent un grand nombre de députés de votre majorité, qui ont qualifié de « mal ficelé » votre texte. Hier encore, dans un couloir du Palais Bourbon, j'entendais un de mes collègues de droite critiquer votre projet, au micro d'une chaîne de télévision, dans des termes à côté desquels les miens sont d'une grande gentillesse. De même, en commission, les députés de votre majorité ne tenaient pas toujours les mêmes propos que dans l'hémicycle. Les problèmes semblent beaucoup plus nombreux que vous ne le dites !

Voilà qui justifie d'autant plus cette question préalable.

La réponse du Premier ministre, lors des questions d'actualité d'hier après-midi, nous montre qu'il s'agit avant tout de voter par principe un texte avant l'été. Cela ne relève pas d'une action politique sérieuse.

Mes chers collègues, devant une question aussi grave, nous ne pouvons pas nous permettre d'adopter un projet de loi bâclé et imprécis à ce point. Contrairement à ce que vous avez déclaré hier, monsieur Falco, ce texte n'est ni généreux, ni innovant, ni courageux.

Avant même son examen dans notre hémicycle, une chose était déjà certaine : l'étude de ce projet de loi ne pouvait être ainsi dissociée des textes qui nous seront bientôt soumis sur le handicap, l'architecture financière de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et la réforme de l'assurance maladie.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Bien sûr !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. C'est pourquoi je vous propose d'adopter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.

Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Madame la députée, vous venez d'exprimer une critique inspirée par une approche tactique et, somme toute, assez figée de la construction législative.

M. Pascal Terrasse. Ce n'est du tout technocratique, madame la secrétaire d'Etat ! Vous ne teniez pas ce langage quand vous étiez députée. C'est sûrement votre cabinet qui a rédigé votre intervention !

M. le président. Je vous rappelle que la parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. La méthode du tout en un, le mythe du texte unique et monolithique qui règlerait d'un coup l'ensemble des questions qui se posent sur un sujet aussi complexe que celui que nous examinons aujourd'hui, me paraît relever d'une ambition irréaliste. Au contraire, il faut que nous prenions dorénavant le temps et l'habitude d'imaginer des constructions législatives souples, progressives, qui permettent d'aborder simultanément des points de vue différents à chacune des étapes, complémentaires, de l'élaboration d'un texte.

En effet, il faut prendre en compte plusieurs aspects dans cette question de la dépendance, qui concerne aussi bien les personnes âgées que les personnes handicapées. Il s'agit de réformer des textes fondateurs et marquants, en particulier les lois de 1975, mais aussi de mettre au point des solutions en s'adressant notamment aux opérateurs de terrain et de proximité, qui attendent de nous des orientations.

Il va falloir également assurer l'effectivité du texte de loi. En effet, si une chose est, madame la députée, d'élaborer un texte et de le faire adopter, une autre est de le rendre applicable pour qu'il produise les effets attendus.

Mme Élisabeth Guigou. A qui le dites-vous ! (Sourires.)

Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Enfin, je rappelle qu'il est tout à fait indispensable de trouver les financements dès la phase législative. L'histoire récente nous a montré qu'il était possible de boucler des opérations législatives en omettant l'aspect décisif de leur financement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Élisabeth Guigou et Mme Paulette Guinchard-Kunstler. C'est faux !

Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Je vous renvoie donc à la nécessité d'une construction législative progressive, qui garantisse à la fois l'équité partout sur notre territoire et des avancées importantes.

A cet égard, vous savez bien que la mise en place du droit à compensation est plus complexe que l'énoncé de son principe. C'est un mécanisme compliqué qu'il faut étudier avec une précision extrême, en même temps que l'élaboration du texte. Sinon, l'effectivité ne sera pas atteinte.

S`agissant du financement, il faut désormais être conscient de la dimension particulière de la protection sociale.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Nous sommes d'accord !

Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Celle-ci est plus que jamais une nécessité dans notre pays tant ces risques que nous évoquons sont importants et doivent être pris en compte. Le risque de la dépendance est tout à fait emblématique de ces questions de société auxquelles nous devons répondre.

C'est pourquoi ni la question préalable ni les termes dans lesquels vous l'avez posée, ne me paraissent justifiés, malgré l'explication longue et fournie que vous nous avez donnée.

En outre, votre intervention comportait plusieurs inexactitudes.

Ainsi, vous faites erreur en prétendant que certaines dépenses de santé ne seront plus couvertes par l'assurance maladie, tels le nursing ou la prise en charge d'aides techniques. A bien y réfléchir, vous conviendrez que ces dépenses ne relèvent pas de l'assurance maladie, mais d'une autre approche : la compensation qui va être mise en œuvre prochainement.

Mesdames, messieurs les députés, je tiens à remettre en perspective tous ces textes successifs.

Le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui fonde le financement d'un dispositif aussi complexe que complet ; demain, grâce à l'éclairage apporté par le rapport de M. Briet et de M. Jamet, nous pourrons préparer des solutions opérationnelles sur le terrain tout en garantissant l'évaluation et le contrôle pour que l'équité soit assurée ; ensuite, sera élaboré un texte réformant les lois de 1975. Toutes ces étapes aboutiront à une construction législative cohérente, progressive, qui laissera le temps au débat, à la concertation et à l'ajustement.

C'est pourquoi je vous invite à repousser cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux personnes âgées.

M. le ministre délégué aux personnes âgées. J'apprécie votre courtoisie, madame Hoffman-Rispal. Votre ton n'était pas du tout polémique. Aussi vais-je prendre soin de répondre point par point aux questions que vous avez soulevées.

Vous avez indiqué que les ressources nouvelles ne seraient pas disponibles avant l'été et arriveraient donc trop tard. Je vous fais remarquer que le Gouvernement a inscrit 470 millions d'euros pour la médicalisation en 2004, ce qui est sans commune mesure avec ce qui avait été consacré précédemment à ce secteur - ou plutôt ne l'avait pas été ! J'ai budgété, dès le 1er janvier 2004, au titre des crédits de l'ONDAM, 300 millions d'euros pour assurer la médicalisation.

M. Pascal Terrasse. Les gels de crédits ne sont pas encore passés par là !

M. le ministre délégué aux personnes âgées. Monsieur Terrasse, je vous en prie !

M. Pascal Terrasse. Nous avons lu la lettre de cadrage : il y aura des gels de crédits !

M. le ministre délégué aux personnes âgées. Vous savez fort bien que les crédits destinés à ce dispositif de solidarité ne viennent pas tous du budget de l'Etat. Vous êtes d'autant mieux placé pour le savoir que vous appartenez à la commission des finances.

Par ailleurs, je précise que nous retirerons 170 millions d'euros après le mois de juillet, grâce aux mesures que nous allons prendre dans les jours à venir.

Vous avez également affirmé, madame Hoffman-Rispal, que les travaux de rafraîchissement des lieux de vie étant soumis aux règles des marchés publics, il serait impossible de les mener à bien dans les temps impartis. En tant qu'élu local, vous connaissez parfaitement les procédures qui régissent nos collectivités et vous savez fort bien que des contrats de 10 000 à 15 000 euros sont inférieurs au seuil d'application des règles des marchés publics.

M. Pierre Hellier. Exactement !

M. le ministre délégué aux personnes âgées. Vous avez également évoqué l'aide à domicile, regrettant que je ne l'aie pas mentionnée dans mon intervention liminaire.

Certes, je peux concevoir que vous n'ayez pas écouté avec une attention constante tout ce que j'ai dit. C'est votre droit. Pourtant, j'ai bien précisé hier soir que, grâce à la nouvelle caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, nous allons pouvoir créer 17 000 places de services de soins infirmiers à domicile, 10 000 postes de soignant à domicile, 4 000 places d'hébergement temporaire et 8 000 places d'accueil de jour dédiées à la prise en charge des personnes atteintes par la maladie d'Alzheimer.

M. Jean-Marc Nudant. Très bien !

M. le ministre délégué aux personnes âgées. De plus, nous avons budgété 70 millions d'euros pour le maintien à domicile en 2004.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. C'est insuffisant.

M. le ministre délégué aux personnes âgées. S'agissant du recensement, le respect des libertés individuelles justifie que les personnes âgées ou handicapées ne soient pas répertoriées systématiquement. Vous l'avez rappelé fort justement, et je vous approuve. Elles doivent en faire la demande. Le Conseil d'Etat a insisté sur ce point. Vous avez évoqué, à juste titre, la responsabilité des maires en la matière. Nous y sommes très sensibles. C'est pourquoi le Gouvernement présentera un amendement visant à supprimer toute ambiguïté en ce domaine et à améliorer la faisabilité de ce dispositif.

Dans votre exposé, que j'ai trouvé intéressant et riche, vous avez aussi abordé l'évolution de la grille AGGIR. Le rapport du professeur Alain Colvez et celui de M. Bonnet, au nom du Conseil économique et social, apportent des éléments d'information sur ce sujet.

Vous avez évoqué la nécessité de prendre en compte l'environnement de la personne, mais je souligne aussi la nécessité de faire évoluer cette grille. Il faut que les besoins des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'affections apparentées soient mieux pris en compte. Les travaux sur ce sujet avaient d'ailleurs débuté bien avant la canicule ; ils seront poursuivis.

Quant aux baisses d'impôts, je vous signale que tout le monde en profite. Les 8,5 millions de salariés les plus modestes bénéficient de la hausse de la prime pour l'emploi, couplée à l'accroissement de leur pouvoir d'achat due à l'augmentation du SMIC ; les 17 millions de foyers fiscaux imposables paieront en 2004 un impôt sur le revenu inférieur de 10 % à celui acquitté en 2002 ; les foyers hébergeant des personnes âgées ou handicapées bénéficieront également de baisses d'impôts grâce aux dispositions fiscales que nous avons prises.

J'en reviens à l'aide à domicile, pour vous préciser un point important : François Fillon, ministre du travail à l'époque, et moi-même, avions dès notre arrivée au Gouvernement permis, en agréant l'accord de branche, la valorisation de 24 % sur trois ans de l'aide à domicile.

M. Pascal Terrasse. Payée par les conseils généraux ! C'est la France d'en bas qui paye !

M. Jean-Marc Nudant. Et l'APA, monsieur Terrasse ?

M. le ministre délégué aux personnes âgées. Nous avons simplement fait ce que vous n'aviez pas fait.

Telles sont, madame la députée, les précisions que je souhaitais vous apporter. Je suis certain que nous aurons encore l'occasion de débattre ensemble, sur un ton aussi courtois, avant le vote de ce projet de loi qui constituera une grande avancée sociale pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Certains m'ont reproché de ne pas m'être exprimé hier après la défense de l'exception d'irrecevabilité par Mme Guinchard-Kunstler. J'avais pourtant été tout aussi attentif qu'aujourd'hui. Mon intervention s'adresse donc autant à Mme Guinchard-Kunstler qu'à Mme Hoffman-Rispal.

D'une part, les moyens supplémentaires demandés vont être rapidement mis en place ; d'autre part, le phénomène de la vignette auto ne se répétera pas. Cette fois-ci, les personnes âgées verront la couleur de l'argent qui leur est destiné. Les crédits seront affectés et le détail de leur utilisation en est déjà connu.

La synthèse gouvernementale, reproduite à la page 72 de mon rapport, est détaillée. Elle indique, sur le plan quantitatif, qu'il y aura plus de personnel, en particulier des aides à domicile auprès des personnes âgées, mais aussi, sur le plan qualitatif, plus de formation initiale, de formation continue, ainsi qu'une valorisation des acquis, mesure que nous défendons depuis de très nombreuses années.

M. René Couanau. Très bien !

M. le président. Nous en venons maintenant aux explications de vote sur la question préalable.

La parole est à M. Maurice Giro, pour le groupe UMP.

M. Maurice Giro. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, chers collègues, le Gouvernement et sa majorité ont souhaité légiférer sur un dispositif de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, à la suite d'un premier constat : notre pays n'a pas encore pris la mesure de son vieillissement démographique.

Le vieillissement de la population française constitue pourtant une tendance structurelle de notre société. Il est bon de rappeler que 12 millions de personnes ont plus de soixante ans, soit 21 % de la population. Elles seront 17 millions en 2020, soit plus de 27 % de la population. Et, dès 2010, les Français de plus de soixante ans seront plus nombreux que ceux de moins de vingt ans. Il est très important de le rappeler. De ce fait, il y aura, au cours des vingt prochaines années, une augmentation de 30 % à 50 % du nombre de personnes âgées dépendantes qui sont déjà aujourd'hui près de 800 000.

Deuxième constat, l'insertion des personnes handicapées a pris beaucoup de retard depuis les lois fondatrices de 1975 et de 1987. On compte 3,5 millions de personnes handicapées et polyhandicapées. L'évolution de la science et des techniques leur a ouvert de nouvelles perspectives de vie, mais la prise en charge reste insuffisante. Le montant des allocations visant à financer les aides humaines reste très en deçà du coût réel des rémunérations des auxiliaires de vie. De même, il n'y a pas à l'heure actuelle de prise en charge légale des aménagements du logement, du cadre de vie pour les personnes handicapées, et les financements relèvent de l'action sociale facultative.

Face à ces constats, il a été décidé de faire appel à la solidarité de tous,...

M. François Brottes. Oh !

M. Maxime Gremetz. Pas tous, non !

M. Maurice Giro. ...pour répondre au grand défi de la perte d'autonomie des personnes âgées et de l'intégration des personnes handicapées. L'institution, monsieur Gremetz, d'une journée de solidarité visant à financer par le travail - et non pas par l'impôt, comme il est dit trop souvent, et comme vous l'avez encore dit tout à l'heure, madame Hoffman-Rispal -...

M. François Brottes. Ce sont toujours les mêmes qui trinquent !

M. Maxime Gremetz. Quel toupet, monsieur Giro !

M. Maurice Giro. ...permettra d'améliorer la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et handicapées. Le choix de cette journée sera déterminé par les partenaires sociaux. Dans le secteur public, il le sera de façon décentralisée. Dans la fonction publique territoriale, il le sera par l'assemblée territoriale compétente. Dans la fonction publique hospitalière, il le sera par les directeurs des établissements de santé. Dans la fonction publique d'Etat, il le sera par le ministre compétent.

C'est mal connaître la générosité des Françaises et des Français que de douter de cette journée de solidarité qui aura, j'en suis persuadé, un grand succès au niveau national.

Ce texte prévoit également la mise en place d'une Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, afin de sécuriser les financements. Afin que cette journée de solidarité corresponde bien à des actions supplémentaires au bénéfice exclusif des personnes dépendantes âgées ou handicapées, le produit de la contribution ne sera pas fondu dans le budget de l'Etat ou les comptes de la sécurité sociale, mais affecté à cette caisse. Il est bon de rappeler qu'ainsi, 2,1 milliards d'euros seront affectés chaque année à cette caisse, ce qui représente 9 milliards d'euros supplémentaires d'ici à 2008.

Il fallait également créer des moyens nouveaux pour engager une politique de la prise en charge de la dépendance qui soit à la fois ambitieuse et humaine. C'est pourquoi il fallait que le financement de l'APA soit assuré, ce que nous avons fait : il faut rappeler que pour faire face à l'imprévoyance du gouvernement de Lionel Jospin, un emprunt de 400 millions d'euros a été souscrit en 2003.

M. Daniel Poulou. Eh oui !

M. Maurice Giro. Des moyens nouveaux permettant d'améliorer l'accompagnement des personnes âgées dépendantes et de respecter leurs choix de vie seront également dégagés. Sans revenir sur les chiffres qu'a rappelés M. le ministre il y a un instant, je voudrais souligner qu'il y aura une accélération de la médicalisation des établissements, ainsi qu'une amélioration de l'encadrement à domicile et en établissement. Des places nouvelles seront créées pour faciliter l'hébergement à domicile des personnes âgées...

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Giro.

M. Maurice Giro. Je conclus, monsieur le président. Il s'agit également de créer une prestation de compensation personnalisée pour les personnes handicapées.

Dans ces conditions, vous comprendrez aisément...

M. le président. Très bien.

M. Maurice Giro. ...que l'UMP ne votera pas cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler, pour le groupe socialiste.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Je tiens d'abord à féliciter Mme Hoffman-Rispal pour la qualité des arguments qu'elle a développés.

M. Jean Le Garrec. On va d'ailleurs l'applaudir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Oui, je crois que vous pouvez.

J'aimerais aussi remercier M. Jacquat, car il y a un certain nombre d'éléments qui nous permettent depuis des années de travailler ensemble dans la courtoisie et en menant une réflexion de fond. La question de la nécessaire construction d'un droit à compensation pour les personnes âgées comme pour les personnes handicapées nous occupe depuis très longtemps.

Mais j'aimerais reprendre certains des arguments de Mme Hoffman-Rispal. J'étais ce matin à la réunion de la mission d'information sur l'assurance maladie présidée par M. Debré. Nous entendions les représentants des mutuelles et M. Seillière. Le thème du financement de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées et des personnes handicapées a été abordé. J'ai souligné hier le désaccord de l'ensemble des partenaires sociaux : cela a été encore confirmé ce matin, puisque le représentant du MEDEF a très clairement dit son opposition au système retenu par le Gouvernement.

M. Jean Le Garrec. C'est bien la première fois que nous nous appuyons sur le MEDEF, notez-le ! (Sourires.)

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Ainsi, aucune structure, aucune institution, aucun représentant extérieur ne soutient votre proposition. Je crois qu'il fallait le rappeler.

M. René Couanau. Le MEDEF est avec vous !

M. Robert Lamy. PS, MEDEF, même combat !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Mme Hoffman-Rispal a développé un autre argument, que vous avez d'ailleurs repris, madame la secrétaire d'Etat. Nous sommes tous ici convaincus qu'il est nécessaire de dégager des financements supplémentaires en direction des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées. La seule différence qui nous sépare porte sur la forme de ces financements. Il faut que nous soyons clairs sur ce point si nous voulons que le débat soit serein et correct, et serve réellement à nous faire tous progresser.

Et ce différend est double. D'abord, nous refusons une solidarité qui s'appuie uniquement sur le monde du travail salarié. Nous avons à réfléchir tous ensemble sur le choix qui a été fait. Pourquoi ne demander une participation qu'au seul monde salarié ? Il est vrai que le financement viendra aussi en partie des revenus du capital, mais les chiffres que Bercy a rendus publics montrent bien que, pour l'essentiel, c'est le monde salarié qui financera le dispositif. Pourquoi les autres formes de revenus créés par la société n'y participeront-ils pas ? Il était possible, me semble-t-il, de retenir d'autres formes de participation à cette nécessaire solidarité.

M. René Couanau. Lesquelles ?

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. On les connaît.

M. Pascal Terrasse. Je vais vous expliquer tout cela, monsieur Couanau !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Je vais laisser M. Terrasse y revenir, mais on sait fort bien qu'en tout cas, les 900 millions d'euros destinés à financer le FAPA, nous les avions réunis non pas en créant un dispositif supplémentaire, mais simplement en transférant 0,1 point de CSG. On voit donc bien qu'il est possible de retenir des dispositifs beaucoup plus justes et beaucoup plus solidaires. Et je vois bien que vous êtes sur ce point, du moins dans le principe, d'accord avec moi.

M. René Couanau. Non ! ce que vous avez fait n'était pas suffisant !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Le deuxième aspect de notre désaccord concerne la création d'une caisse. On le voit bien sur le terrain, il nous faudra absolument réfléchir tous ensemble, dans les années à venir, sur le lien entre le sanitaire et le social. Quand, sur le terrain, un médecin généraliste ou une infirmière libérale prend en charge une personne handicapée ou une personne âgée dépendante, ils ont besoin de travailler dans le cadre du dispositif que nous allons pouvoir mettre en place sur le droit à compensation autour des appuis techniques et humains.

Madame la secrétaire d'Etat, vous avez posé deux questions essentielles pour le présent débat comme pour celui relatif à l'égalité des chances pour les personnes handicapées.

Tout d'abord, c'est bien la question d'un nouveau risque qui est posée, celle d'un droit à compensation du handicap, quel que soit l'âge.

M. Jean-Marc Nudant. C'est une question qui ne vous a pas occupée hier !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Du coup, c'est une question de fond qui est posée par la proposition du rapport de MM. Briet et Jamet de confier une nouvelle compétence aux conseils généraux.

M. le président. Veuillez conclure, madame Guinchard-Kunstler.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Je conclus, monsieur le président.

Ensuite, j'espère que nous aurons l'occasion de revenir tous ensemble sur un autre point très important que vous avez évoqué, madame la secrétaire d'Etat, à savoir ce que vous appelez le nursing : les toilettes des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées. Jusqu'à présent, c'est toujours l'assurance maladie qui les prenait en charge. Vous êtes en train de proposer directement que l'ensemble du travail effectué par les infirmières en établissement ou à domicile quitte le champ de l'assurance maladie et entre dans le cadre du droit à compensation.

M. le président. Madame Guinchard-Kunstler,...

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Je ne suis pas sûre que ce débat ait été clairement posé devant les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Avant de donner la parole à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, je vous informe que, sur la question préalable, je suis saisi par ce même groupe d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. C'est parce qu'il est tout seul que M. Gremetz a demandé un scrutin public ! (Sourires.)

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. J'ai écouté toutes les interventions. On peut être présent dans l'hémicycle et ne pas écouter, et on peut être dans son bureau en écoutant attentivement et en prenant des notes. C'est ce que j'ai choisi de faire aujourd'hui.

D'abord, je rappelle, et peut-être faudrait-il s'en rappeler un peu plus, que nous avons vécu l'été dernier un drame affreux. M. Douste-Blazy s'est permis de renvoyer la responsabilité à d'autres, comme s'il n'était pas au Gouvernement. C'est vrai qu'il n'y était pas, mais si ce n'est pas lui, c'est donc ses frères - ses frères et ses sœurs. Il parlait comme si c'était la gauche qui était au pouvoir au moment de la canicule, où tous les ministres étaient en vacances, et où personne n'a fait remonter l'information ! Je le dis parce que j'ai été choqué par ces propos. La responsabilité du Gouvernement est pleine et entière.

M. Pascal Terrasse. Elle est lourde !

M. Maxime Gremetz. Pleine et entière ! Je ne polémiquerai pas à ce propos. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Qu'est-ce que ce serait si vous polémiquiez !

M. Maxime Gremetz. Non, je ne polémique pas, c'est M. Douste-Blazy qui a polémiqué et je lui réponds.

Une commission d'enquête parlementaire a travaillé sur cette question, n'est-ce pas, monsieur Jacquat ? Nous avons auditionné beaucoup de gens. En entendant affirmer que le projet de loi va apporter un début de solution au problème des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées, ils doivent se dire : « Ca ne sert vraiment à rien qu'on explique les raisons profondes, les causes réelles du drame ». Parce que ce qui est proposé dans ce texte ne correspond absolument pas aux recommandations qui ont été faites, ni aux moyens qu'il est nécessaire de mettre en œuvre.

Je parle de la canicule, mais elle a été un révélateur : elle a révélé le manque de personnels, le manque de places,...

M. Jean-Marc Nudant. Les 35 heures !

M. Maxime Gremetz. Comment ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Non, il n'a rien dit, monsieur Gremetz.

M. le président. Poursuivez, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Il vaudrait mieux qu'il n'ait rien dit, parce que ce n'est pas moi que M. Nudant insulte, c'est tous ces grands responsables de la santé.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Mais il n'a rien dit, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Oui, il vaut mieux qu'il retire ce qu'il a dit, parce que pour moi, c'est rien, mais tous ces gens qui se sont dépensés sans compter, je crois qu'ils ne méritent pas cela.

Le problème, c'est que vous faites semblant d'agir, mais avec l'argent des autres. C'est extraordinaire !

Tout à l'heure, un de nos collègues de l'UMP prétendait que la solidarité nationale serait exercée par tous. Mais ne prenez pas, une nouvelle fois, les gens pour des imbéciles, sinon ils vous infligeront une deuxième claque ! Vous ne l'avez pas encore compris ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, laissez M. Gremetz terminer !

M. Maxime Gremetz. Non contents de mener une politique régressive, d'ailleurs condamnée par les électeurs, vous vous moquez d'eux. Pourquoi un tel mépris ? Parce que vous pensez au fond que vous pouvez leur raconter n'importe quoi et qu'ils le croiront. Mais c'est terminé ! Une telle attitude n'est plus possible !

Aujourd'hui, les électeurs jugent sur les actes. Et qu'est-ce qu'ils observent ? Tout d'abord que tous les citoyens ne sont pas traités de la même façon. N'est-ce pas vrai ?

M. Hervé Morin. C'est peut-être vrai, mais ce n'est pas nouveau !

M. Maxime Gremetz. Si les salariés doivent payer, pourquoi pas les indépendants, ceux qui exercent une profession libérale ou d'autres encore ? L'injustice est flagrante !

Ensuite, vous nous annoncez que le MEDEF va payer. Soit ! Je me suis livré à un petit calcul pour évaluer sa contribution. Vous nous annoncez que, aux termes de votre proposition, 1,3 milliard va être versé.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Ah non, monsieur le président, je viens à peine de commencer ! (Sourires.)

M. le président. Vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Maxime Gremetz. Je pense que votre montre ne marche pas, monsieur le président. (Sourires.) J'avais droit à cinq minutes.

M. le président. Mais vous les avez déjà dépassées ! Veuillez conclure ou je me verrais dans l'obligation de vous interrompre.

M. Maxime Gremetz. Je n'ai pas parlé cinq minutes, monsieur le président.

M. le président. Ce sont les services qui me disent que vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Maxime Gremetz. Je pense qu'ils se sont trompés et qu'ils ont inclus dans leur calcul un temps dont je n'ai pas bénéficié.

Je reviens donc au chiffre de 1,3 milliard, que je vous citais : quand les patrons verseront 300 millions, les salariés, eux, paieront un milliard. C'est formidable, n'est-ce pas ? Et l'on voudrait nous faire croire que ce sont les salariés qui y gagnent le plus ! Comptez, messieurs : la contribution respective des salariés et du patronat sera de deux tiers pour un tiers.

De plus, le Gouvernement ne veut pas d'un cinquième risque et se montre favorable à une caisse indépendante, dont les patrons bénéficieraient plus encore...

M. le président. Merci, monsieur Gremetz.

La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe UDF.

M. Maxime Gremetz. Je demande une suspension de séance.

M. le président. Elle est de droit. Elle aura lieu après l'intervention de M. Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. Je voudrais souligner la qualité des interventions de Mme Hoffman-Rispal, à l'instant, et de Mme Guinchard-Kunstler, hier soir. Toutes deux ont eu le grand mérite de poser le problème comme il devait l'être.

En entendant tout à l'heure le rapporteur, je me rappelais les réserves que m'avaient inspirées, il y a quelques années, la suppression de la vignette automobile. Certes, il est toujours facile de supprimer une contribution. Mais nous nous sommes, à l'époque, privés d'une recette.

M. Hervé Morin. Les effets de manches de M. Fabius !

M. Claude Leteurtre. Voilà un commentaire dont je vous laisse la responsabilité !

Etant alors en charge des affaires sociales dans un département, j'ai pu mesurer à quel point cette suppression était malvenue. Je le rappelle pour mémoire, sachant que nous connaissons aujourd'hui de graves problèmes de financement.

Je reviendrai plus longuement, lors de la discussion générale, sur le positionnement de notre groupe par rapport à ce texte. Pour avoir participé, comme beaucoup d'entre nous, à la mission d'information et à la commission d'enquête sur la canicule, je suis conscient que nous sommes face à un problème extrêmement grave. Mme Guinchard-Kunstler l'a rappelé : notre société n'a pas réussi à donner aux personnes âgées la place qui leur revient.

Pour notre part, nous ne voterons pas la question préalable. En effet, nous avons entendu Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées affirmer fortement le droit à la compensation intégrale du handicap, quels que soient l'âge et la cause de la dépendance. C'est là, à nos yeux, un principe fondamental, de sorte qu'il ne nous paraît pas possible de ne pas ouvrir le débat.

En outre, si réservé que je sois sur le financement par un jour de travail supplémentaire, par exemple le lundi de Pentecôte, je considère que ce projet de loi contient un point capital : le rôle dévolu aux maires et aux préfets. Nous n'avons pas le droit, après la crise que nous avons connue cet été lors de la canicule, de prendre le risque d'un nouveau drame. Il faut donc définir clairement le rôle des maires et du représentant de l'Etat dans le département.

Dans ces conditions, et puisqu'une telle clarification est nécessaire, le groupe UDF ne votera pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pascal Terrasse. Vous avez tort !

M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je mets aux voix la question préalable.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

...............................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 65

              Nombre de suffrages exprimés 65

              Majorité absolue 33

        Pour l'adoption 11

        Contre 54

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. À la demande de M. Gremetz, la séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Claude Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il convient avant tout de rappeler le contexte législatif dans lequel s'inscrit le projet de loi dont nous discutons, ainsi que les événements qui ont présidé à sa conception.

Le projet de loi s'inscrit dans un ensemble législatif composé de quatre éléments essentiels : la réforme de l'assurance maladie, pour laquelle le Gouvernement a annoncé la présentation d'un projet de loi au mois de juin ; la réforme de la loi d'orientation de 1975 sur le handicap, dont nous entamerons la discussion dans une quinzaine de jours ; le rapport confié à MM. Briet et Jamet sur le périmètre d'intervention de la future Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, qui figure dans le texte qui nous est soumis ; enfin, le projet de loi relatif aux responsabilités locales, qui est actuellement examiné en seconde lecture par le Sénat et qui a toute son importance dans notre débat, puisqu'il doit redéfinir les compétences des départements dans le domaine des politiques en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées. Quant aux événements, ce sont ceux que nous avons connus lors de l'épisode de canicule du mois d'août dernier, et nous devons éviter, autant que faire se peut, qu'un tel drame ne se reproduise.

En présentant ce texte, le Gouvernement a cru bon de préciser à plusieurs reprises qu'il s'agissait de créer une nouvelle branche de l'assurance sociale. Bien évidemment, il n'en est rien. On voit mal, en effet, comment on pourrait parler de cinquième branche quand les recettes annuelles sont estimées à 1,8 milliard d'euros, alors que le budget social du seul handicap est évalué à 24 milliards d'euros ! Plutôt que de parler de cinquième branche - ce qui n'a pas grande signification -, il eût été opportun de se poser la question de la création d'un cinquième risque, celui de la dépendance, ou de la perte d'autonomie, quelle qu'en soit l'origine : vieillissement ou handicap. Voilà la véritable question de fond. Or, le projet de loi pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées n'y répond pas. Il permettra, par un artifice financier, de ponctionner 1,8 milliard d'euros par an sans que soient véritablement mises en cohérence les politiques que mène notre pays en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées.

Avant de réformer la loi, il faut se demander pourquoi. Ainsi, on évite des réformes essentiellement comptables qui ne résolvent pas les problèmes de fond, comme nous l'ont montré les plans de sauvetage successifs de l'assurance maladie. Du reste, chacun, ici, est bien conscient que si le texte soumis à notre délibération était voté par notre assemblée, l'une de ses dispositions essentielles - la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, dont l'intitulé n'est pas définitif - serait, d'ici à quelques mois, obsolète.

Pourquoi, dès lors, ne pas avoir pris le temps d'une véritable réflexion sur le financement des politiques menées en faveur des personnes vieillissantes et des personnes en situation de handicap ?

Dans quelques jours, nous examinerons le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, c'est-à-dire la réforme de la loi d'orientation de 1975 sur le handicap. Si, et il faut l'espérer, ce texte marque une véritable avancée dans le domaine de la prise en charge et de la compensation du handicap, il faudra forcément dégager de nouvelles recettes pour financer de nouvelles mesures. Le Gouvernement entend-il limiter d'éventuelles avancées législatives dans le domaine du handicap aux seuls 900 millions d'euros qu'il entend y consacrer sur les 1,8 milliard d'euros que doit rapporter la journée de solidarité ? Si tel est le cas, il s'agira seulement d'une réforme en trompe-l'œil de la politique du handicap. Sinon, ce que nous espérons, la journée de solidarité n'est pas la réponse adaptée au financement d'une politique ambitieuse et digne du xxie siècle en faveur des personnes en situation de handicap. En effet, en France, le budget du handicap est estimé à 40 milliards d'euros. Autant dire que les 900 millions de recettes attendues de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie qui doivent être affectés au handicap ne représenteraient qu'une goutte d'eau : moins de 2,5 % de ce budget. Cela dit, j'ai bien entendu, madame la secrétaire d'Etat, l'engagement que vous avez pris vis-à-vis du monde du handicap de créer un droit à la compensation intégrale de la dépendance, qu'elle ait pour cause le handicap ou l'âge.

La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie n'est pas non plus une bonne réponse au problème du financement des mesures indispensables à l'amélioration de la prise en charge des personnes vieillissantes. À la suite de la canicule de l'été dernier, un long débat a eu lieu sur les mesures qu'il convenait de prendre pour éviter qu'une telle catastrophe ne se reproduise. Votre texte, monsieur le ministre, contient des dispositions qui pourront sans doute permettre de pallier ces situations d'urgence, mais il est muet sur les moyens qu'il convient de mettre en place. J'ai bien compris qu'une partie des recettes du dispositif de solidarité contribuerait à financer de nouvelles actions et à en renforcer d'autres, mais tout cela reste très vague. Je crains tout particulièrement que l'on n'assiste à un glissement du médical vers le médico-social, surtout si les départements se voient attribuer l'intégralité des compétences concernant les personnes âgées et les personnes en situation de handicap. Il est indispensable qu'une discussion s'engage pour clarifier les choses. Les périmètres respectifs du médical, donc de l'assurance maladie, et du social, doivent impérativement être définis.

Nous ne pourrons pas faire l'économie d'un tel débat. C'est d'ailleurs le sens du rapport d'étape qui a été remis ces derniers jours par MM. Briet et Jamet. Tout est à inventer en ce qui concerne la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et, plus généralement, les modes de financement de la prise en charge de la perte d'autonomie, qu'elle soit due au vieillissement ou au handicap.

Nous sommes face à un problème de cohérence des réformes en cours, et je vois mal comment, dans ces conditions, nous pourrions discuter utilement d'une journée de solidarité sans savoir à quoi les ressources qui en seront tirées seront réellement affectées et par qui.

Faut-il choisir d'instaurer une journée de solidarité alors que d'autres moyens sont peut-être possibles ? Ainsi, on ne fera sans doute pas l'économie d'une augmentation de la CSG,...

M. Maxime Gremetz. Et voilà !

M. Claude Leteurtre. ...pour rééquilibrer les comptes de l'assurance maladie. Les recettes supplémentaires nécessaires à la couverture des nouvelles dépenses consacrées à la prise en charge de la perte d'autonomie n'auraient-elles pas pu y être intégrées ?

M. Pascal Terrasse. C'est le bon sens !

M. Claude Leteurtre. En outre, la solidarité que l'on nous propose n'en est pas vraiment une. D'abord, c'est une obligation. Ensuite, elle est sélective, puisque, pratiquement, seuls les salariés seront sollicités.

M. Maxime Gremetz. Très bien !

M. Claude Leteurtre. Or, on voit mal ce qui peut justifier qu'une seule catégorie de citoyens participe à un effort de solidarité qui, à l'évidence, relève de la nation tout entière.

M. Hervé Morin. Très bien !

M. Claude Leteurtre. Il aurait également fallu explorer la voie du volontariat, auquel nos compatriotes, qui sont généreux, consacrent chaque année 5,2 milliards d'euros à travers les associations.

Nous avons bien compris que le projet de loi autorisait le Gouvernement à prélever la cotisation de 0,3 % sur les salaires dès le mois de juillet, alors que le lundi de Pentecôte sera passé. Mais cette mesure était-elle urgente au point de prendre le risque que le calendrier des textes législatifs concernant la dépendance et le handicap paraisse incohérent et que ceux-ci y perdent beaucoup en lisibilité ?

Enfin, à qui fera-t-on croire que ces sommes permettront de faire face, dés l'été prochain, à un nouvel épisode caniculaire ? Permettez-moi de m'interroger. Il fut d'abord décidé que cette journée serait celle du lundi de Pentecôte. Or, qu'en est-il aujourd'hui ? Franchement, cela donne un sentiment de précipitation.

Malgré le talent et la volonté de persuasion de notre rapporteur, que je salue, le groupe UDF reste très dubitatif. Le projet de loi nous semble manquer de cohérence lorsqu'il pose le principe d'une journée de solidarité supportée par les seuls salariés du public et du privé, et totalement déconnecté du calendrier des réformes relatives à la dépendance et au handicap que vous nous proposez par ailleurs avec raison. N'est-on pas, une nouvelle fois, en train de gâcher une bonne idée ? Nous espérons que le débat parlementaire nous rassurera. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour quinze minutes.

M. Maxime Gremetz. À ma montre, il est dix-huit heures dix. Nous sommes d'accord, monsieur le président ?

M. le président. L'horloge de l'Assemblée nationale, qui est la seule valable, indique également dix-huit heures dix, monsieur Gremetz. Ne perdez pas de temps.

Vous avez la parole, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, le projet de loi que nous examinons aurait dû apporter une réponse au drame que nous avons vécu l'été dernier. Au lieu de cela, il marque un nouveau recul social. Que l'on supprime un jour férié, un jour de RTT ou que l'on instaure sept heures de travail supplémentaires, cela revient au même : il s'agit de faire travailler plus, mais gratuitement ! On connaissait la bonification des heures supplémentaires ramenée à 10 %,...

M. Hervé Morin. C'était vous, ça !

M. Maxime Gremetz. Vous l'avez encouragé.

... là, c'est la gratuité totale !

Chacun a été meurtri par la canicule, en raison non seulement du nombre de décès - 15 000 -, mais aussi des conditions dans lesquelles ces derniers ont eu lieu : des professionnels de santé appelant en vain à une prise de conscience de la tragédie qui se déroulait sous leurs yeux, la révélation de l'état de notre système hospitalier, étouffé par des budgets toujours plus étriqués, et, enfin, l'isolement d'une catégorie de notre population.

Nos concitoyens ont été plus choqués encore par l'attitude du Gouvernement, qui a préféré les culpabiliser plutôt que de porter un regard lucide sur ses propres errements - et c'est peu dire - et, surtout, de reconnaître toute sa responsabilité. Le nombre anormalement élevé de morts en quinze jours n'est pas le résultat d'un abandon de nos seniors durant les congés d'été et, je vous le dis sans esprit de polémique, j'ai trouvé indécent cette tentative de culpabilisation. La faute n'est pas à rechercher du côté des professionnels de santé partis en congés ou des familles qui auraient abandonné leurs aînés en période estivale. C'est l'abandon par les pouvoirs publics de pans entiers de notre système sanitaire et social qui est en cause, comme l'ont montré tous les hauts responsables auditionnés par la commission d'enquête parlementaire.

Oui, ce sont bien les choix politiques qui sont en cause ! Relisez les débats parlementaires de ces dernières années, y compris ceux de la législature précédente, et vous constaterez que les députés de notre groupe n'ont cessé de lancer des cris d'alarme sur le manque dramatique de moyens humains et financiers dont souffre notre système de santé. D'ailleurs, le rejet de nos propositions de financement nous a conduits à refuser de voter tous les projets de loi de financement de la sécurité sociale, quels que soient les gouvernements.

La disparition des structures de soins de proximité au nom d'une cartographie sanitaire décidée autoritairement, la fermeture de services en raison d'une activité insuffisante déterminée par des seuils aléatoires, les milliers de postes de médecins ou d'infirmières ni financés, ni pourvus, ni formés, le gel de crédits d'Etat consacrés aux personnes âgées et au secteur médico-social sont autant de décisions, prises au nom d'une « maîtrise comptable » pour certains, « médicalisée » pour d'autres, qui ont conduit à la situation catastrophique de l'été dernier.

Cet été meurtrier a mis en lumière des situations accablantes et a ouvert les yeux sur le vaste chantier à mettre en œuvre pour que nos structures hospitalières, nos services publics d'aide aux personnes âgées, nos dispositifs d'alerte et de veille sanitaire soient plus efficaces mais surtout disposent de moyens suffisants.

Malheureusement, en manque d'inspiration pour rattraper ses erreurs tragiques de l'été dernier, le Gouvernement maintient un projet de loi qui ne répond en rien aux problématiques posées, suscitant de nombreuses critiques et faisant l'unanimité contre lui.

Vous voulez, d'une manière ou d'une autre, supprimer un jour précédemment chômé, donc augmenter la durée du travail, notamment pour financer un plan « dépendance » que tout le monde a reconnu très en deçà des nécessités. Deux petites gouttes d'eau dans la mer !

Vous affirmez que cette journée financera un cinquième risque, mais c'est un mensonge, car il n'est prévu aucun rattachement à notre système de protection sociale. Au vu des premières annonces concernant la réforme de l'assurance maladie et des dispositions que ce texte contient, je dirai même que nous ne sommes pas près de voir la naissance d'un cinquième risque. Ce que vous présentez comme tel ne s'inscrit pas dans le cadre de la sécurité sociale, et n'a pas d'autre effet que de pénaliser les salariés, et eux seuls, au prétexte de financer l'autonomie des personnes âgées. Cette façon de procéder n'est pas nouvelle : la vignette automobile avait, elle aussi, été instituée afin d'améliorer la condition des personnes âgées !

Organisations syndicales, gestionnaires, et mouvement associatif ne s'y sont d'ailleurs pas trompés : « La solidarité détournée », « une journée de travail offerte aux employeurs et non pas aux personnes âgées », « une mauvaise réponse à une vraie question », et caetera, voilà les réactions des partenaires sociaux concernant votre projet de loi. Une fois de plus, vous nous offrez une belle démonstration de dialogue social.

La suppression d'un jour chômé ainsi que la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie rencontrent une hostilité unanime, y compris dans vos rangs, malgré les exhortations « à ne plus parler de jour férié », et à « positiver », en application de la méthode Coué. Vous vous êtes davantage préoccupés de négocier avec votre majorité pour faire taire les divisions que de discuter avec les partenaires sociaux.

La suppression d'un jour férié ou d'une journée chômée, ou l'institution de sept heures travaillées gratuitement, est bel et bien une duperie qui vise à renforcer la solidarité gouvernementale en direction du MEDEF !

Par une conception libérale de la solidarité, le Gouvernement organise une nouvelle injustice sociale. Alors qu'il multiplie les cadeaux fiscaux pour les grandes entreprises, et prône la baisse des impôts pour les plus hauts revenus et les grandes fortunes, il accentue les prélèvements sur les catégories populaires en faisant travailler gratuitement une journée de plus les seuls salariés et fonctionnaires.

C'est historique. Jamais, depuis 1936, un gouvernement n'était intervenu pour augmenter le temps de travail. C'est d'autant plus aberrant qu'il y a trois millions de chômeurs. Vous voulez faire tourner à l'envers la roue de l'histoire, mais vous n'y parviendrez pas.

Cette disposition fait la part belle au patronat, qui sera le principal bénéficiaire des richesses tirées de cette journée de travail supplémentaire. J'ai voulu donner les chiffres tout à l'heure, et si M. le président a essayé de m'en empêcher, c'est sans doute parce qu'ils témoignent d'une injustice criante. C'est pourtant la réalité : seul un tiers du bénéfice de cette journée profitera aux personnes âgées et handicapées, pendant que les deux autres tiers iront au patronat. Un tiers de 1,6 milliard d'euros, faites le compte, vous avouerez que comme solidarité nationale, on fait mieux ! En revanche, un milliard ira au patronat (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je ne sors peut-être pas de l'ENA, mais il me suffit de prendre les chiffres des richesses produites pour démontrer ce que j'avance, et je vous mets au défi de prouver que j'ai tort.

Cela illustre votre conception immorale de la solidarité nationale, qui met toujours les mêmes à contribution, tandis que d'autres sont à l'abri. En langage marxiste, on appellerait cela une solidarité de classe.

Après 20 milliards d'exonération de charges, après la baisse des impôts pour les plus riches et 500 millions sur l'impôt sur les grandes fortunes - dites-moi un peu que ce n'est pas vrai - après l'« assouplissement », entre guillemets, des 35 heures, après la réforme du dialogue social au détriment des partenaires sociaux, et dans l'attente d'une baisse de la taxe professionnelle à hauteur de 2,5 milliards, voilà sept heures de travail gratuites pour le patronat. Or, ce sont les personnes en perte d'autonomie qui ont besoin de solidarité, et pas le MEDEF !

J'ajoute que ce faisant, vous négligez l'inquiétude de certains secteurs d'activité, pour un impact économique très incertain. En effet, des économistes estiment que travailler un jour de plus a pour effet de complexifier l'écoulement de la production, donc de menacer l'efficacité économique du pays, car en produisant davantage avec des effectifs constants les entreprises accroîtront leur productivité, et par ricochet détruiront des emplois.

Comme vous le voyez, les critiques ne manquent pas contre ce projet et ce n'est pas l'amendement du rapporteur, si habile soit-il...

M. Denis Jacquat, rapporteur. Merci !

M. Maxime Gremetz. ...ni les tentatives de communication forcée du Gouvernement visant à ne plus parler de jour férié travaillé, mais de travail supplémentaire, qui changeront quelque chose au projet.

D'autres pistes de financement sont pourtant envisageables, sans devoir procéder à de nouveaux reculs sociaux.

Parmi ces pistes, nous proposons d'instituer la « journée de la solidarité des grand-fortunés ». En quadruplant l'impôt sur les grandes fortunes, récemment diminué, vous obtenez 10 milliards d'euros, soit exactement le coût de votre plan « dépendance ». Celui-ci s'en trouverait ainsi financé en totalité, sans qu'il soit nécessaire d'allonger la durée de travail ! (Sourires sur les bancs de la commission et du Gouvernement.)

M. Maxime Gremetz. Vous pouvez trouver ça drôle, mais c'est pourtant là que réside la modernité, et certainement pas dans ce que vous faites depuis cinquante ans.

Par ailleurs, savez-vous que la suppression de ce jour férié, qui doit rapporter 1,6 milliard d'euros par an, représente l'équivalent de la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu que vous avez consentie aux plus hauts revenus ?

J'observe ensuite que vous voulez prélever 400 millions d'euros sur les trois fonctions publiques, alors que vous avez procédé à une baisse de l'ISF d'un montant de 500 millions.

Vous refusez toujours de taxer les revenus financiers, alors que Sanofi met tranquillement 55 milliards d'euros sur la table pour une OPA financière menaçant l'emploi !

Vous ne pouvez pas trouver 10 milliards d'euros dans le budget pour financer vos mesures, mais vous accordez 21 milliards d'euros d'exonération de cotisations patronales, dont 3 milliards ne sont pas compensés. C'est l'argent des salariés qui constitue le butin de ce hold-up !

Enfin, vous voulez recourir à la suppression d'un jour férié et à l'augmentation de la CSG pour récupérer 2 milliards et demi, soit l'équivalent de la baisse de la taxe professionnelle que vous vous apprêtez à accorder au MEDEF ! Ne lui faites pas ce cadeau, et vous ne serez pas obligés de supprimer un jour férié !

Pourquoi pas ne pas imaginer, plutôt, que les recettes des contraventions provenant des radars automatiques financent la solidarité envers nos aînés ? A quoi ces recettes sont-elles affectées actuellement ?

Enfin, que dire de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, qui met à mal notre pacte républicain et les principes fondamentaux de notre système de protection sociale issu du Conseil national de la Résistance ?

Vous créez une nouvelle caisse, alors que nous ne sommes pas en possession de tous les éléments pour légiférer. En outre, alors que chacun s'accorde à dire qu'il conviendrait de tendre vers une prise en charge de la dépendance par notre système de sécurité sociale, vous n'attendez même pas la réforme prochaine de l'assurance maladie. C'est pourtant ce que commande la raison, comme l'a expliqué Mme Guinchard-Kunstler. Alors que chacun s'accorde à reconnaître que la dépendance devrait constituer un cinquième risque, pris en charge dans le cadre de la sécurité sociale...

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Une bonne idée !

M. Maxime Gremetz. ...vous n'attendez même pas la prochaine réforme de l'assurance maladie.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Il est dix-huit heures vingt-cinq !

M. le président. Il va falloir vous orienter vers votre conclusion, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Il est pourtant évident que ce projet de loi vient trop tôt. En effet, nous allons examiner prochainement le projet de loi sur le handicap. Puis viendront les conclusions de MM. Briet et Jamet, d'ici à trois semaines, qui devraient, nous dit-on, influer sur la réforme de l'assurance maladie. Vous hypothéquez toute possibilité de créer un risque « dépendance » au sein de la sécurité sociale, financé de façon solidaire par les employeurs et les salariés, comme nous le proposons au moyen d'un amendement.

M. le président. Merci de bien vouloir conclure, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Celui-ci propose de créer une véritable prestation handicap-incapacité-dépendance relevant de la sécurité sociale, seule garantie d'un traitement équitable et d'un financement véritablement solidaire et universel.

L'attitude la plus sage serait de retirer ce texte, comme je l'ai demandé au Premier ministre, mais vous vous obstinez à le maintenir envers et contre tout.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Le MEDEF, lui, est satisfait, car vous remettez en cause par une voie détournée la réduction du temps de travail, conformément à ce qu'il souhaitait.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Je termine, monsieur le président.

M. le président. Vous devriez déjà avoir fini, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Vous contraignez, par votre décision, les partenaires sociaux à renégocier toutes les conventions collectives et les accords de branche.

M. le président. Monsieur Gremetz, vous avez épuisé votre temps de parole !

M. Maxime Gremetz. Le patronat tentera par tous les moyens d'imposer des accords dérogatoires en deçà des normes sociales prévues par le code du travail, avec votre nouvelle loi sur le dialogue social.

Mais ne croyez pas que les salariés vont se laisser faire. Dans un contexte où ils vous ont déjà dit clairement ce qu'ils pensaient de votre politique, où les chômeurs vous ont fait céder, où 60 % des Françaises et des Français disent non à ce projet, vous ouvrez là une boite de Pandore dont vous ne mesurez pas le contenu et les conséquences sociales et politiques.

Dès lors, attendez-vous à une bataille acharnée de la part des députés communistes et républicains pour vous faire accepter une autre vision de la solidarité. Les amendements de fond que nous proposons correspondent à ce qu'attendent les Françaises et les Français en faveur de mesures justes et solidaires à l'égard des personnes âgées et handicapées (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Vous voyez que j'ai respecté mon temps de parole, monsieur le président.

M. le président. Vous l'avez largement dépassé, au contraire !

M. Maxime Gremetz. Largement ? Il me semble que vous exagérez, monsieur le président, et si j'en faisais autant, je dirais que la majorité a été très largement battue lors des dernières élections !

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole qui vous est imparti est en principe suffisant pour vous permettre de vous exprimer, et je vous remercie de le respecter.

M. Maxime Gremetz. Puisque vous nous pressez maintenant, attendez-vous à ce que nous prenions tout notre temps ce soir et cette nuit !

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, afin de prendre en compte l'évolution de l'espérance de vie que l'on peut qualifier de révolution de la longévité, le texte que nous abordons aujourd'hui est à la fois déterminant, fondamental et historique.

En effet, il pose les bases institutionnelles d'une prise en charge globale du vieillissement, et apporte ainsi une première réponse à la question du lien social dans notre pays.

Fidèle à la tradition de solidarité qui a d'ailleurs prévalu lors de la création de la sécurité sociale en 1945, le Gouvernement a décidé de mettre en place un plan pragmatique, et que l'on peut qualifier d'ambitieux, visant à la prise en charge des besoins engendrés par la dépendance.

Ce projet de loi vise à améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens, et invite par conséquent chacun d'entre nous à prendre ses responsabilités face à ce constat.

Notre pays compte en effet douze millions de personnes âgées de plus de soixante ans dont quatre millions ont plus de soixante-quinze ans. Les personnes dépendantes, quant à elles, sont environ 800 000 actuellement et ce chiffre va considérablement augmenter d'ici à 2020 car le nombre de personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans va doubler.

Par conséquent, nul ne peut contester ici qu'il y a urgence à agir pour améliorer la prise en charge des personnes dépendantes en France, la perte d'autonomie affectant aussi bien les personnes âgées que les 3,5 millions de personnes handicapées.

Le vieillissement de la population française implique donc de réfléchir à de nouvelles modalités de prise en charge de la dépendance et de prévoir les moyens nécessaires.

De même, le projet de loi très attendu, qui prévoit la compensation personnalisée du handicap avec la création d'une prestation universelle, va nous permettre d'accomplir notre devoir de solidarité envers les personnes handicapées.

C'est dire si l'enjeu est de taille ! Comme l'a dit hier le Premier ministre ici même, notre responsabilité est donc de dire oui aux nouvelles prestations mais aussi oui aux efforts nécessaires.

Ces efforts sont en effet indispensables. Chacun a ici en mémoire le drame de l'été dernier et les souffrances liées à l'isolement. Ce drame humain a mis en lumière les lacunes de notre dispositif de prévention et d'alerte sanitaire et le retard de notre pays en matière de prise en charge de la dépendance. Les personnes les plus fragiles ont été les premières victimes alors que, fort heureusement, les bébés, les enfants et les adultes fragiles ayant fait l'objet d'une attention vigilante ont surmonté cette période.

La mission d'information parlementaire présidée par le rapporteur du présent texte, Denis Jacquat, a effectué un excellent travail d'analyse et ses conclusions figurent d'ailleurs au titre I du projet de loi.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Un excellent travail, en effet !

M. Hervé Morin. Jacquat ministre ! (Sourires.)

M. Bernard Perrut. On peut sans doute déplorer la montée de l'individualisme, l'accentuation de l'éloignement familial et les carences dans les rapports de solidarité que la canicule a mis en évidence. Ne soyons pas cependant trop sévères. Je suis pour ma part convaincu que nos concitoyens sont soucieux d'aider leurs parents, proches, amis ou voisins et que l'intérêt qu'ils ont notamment manifesté en 2003, à l'occasion de l'Année européenne des personnes handicapées, est un véritable engagement. Il faut donc rendre hommage à tous ceux qui sont attentifs et qui agissent dans le domaine de la solidarité. Oui, les Français ont du cœur et la France est fondée sur des valeurs d'humanité et d'entraide !

M. Maxime Gremetz. Il n'en reste pas moins que 80 % des Français sont contre votre projet de loi !

M. Bernard Perrut. Il nous faut soutenir la mise en place d'un lien resserré entre les générations et dépasser le constat dressé par Elie Wiesel, prix Nobel de la paix, qui note dans le Livre blanc de la gériatrie française : « La société moderne ne montre guère aux vieillards un excès de tendresse. La jeunesse seule intéresse. » N'opposons pas les générations, unissons-les !

Notre société se doit de montrer l'exemple en soutenant les solidarités de proximité au-delà du lien familial, dans le cadre associatif, les relations de voisinage ou les quartiers.

La réalité de l'allongement de la durée de vie constitue, incontestablement, un défi auquel nous devons répondre en soutenant une « société de tous les âges » dans laquelle chaque personne âgée serait en mesure de réussir parfaitement son vieillissement.

Ainsi que l'a déclaré récemment notre président, Jean-Louis Debré, « les personnes fragilisées par un handicap attendent aujourd'hui de la représentation nationale qu'elle assure avec solennité et célérité la priorité de protection qui leur est due, l'intégration dans toutes les composantes de la société, dans l'école, dans l'emploi ou dans les établissements adaptés. »

Il est primordial en tout cas que la personne ait la liberté de choisir son mode de vie : rester à son domicile ou entrer en établissement. Le concept de l'autodétermination est devenu incontournable, à mon sens. Un effort tout particulier doit être fait en faveur de la diversification des possibilités offertes : maintien à domicile ou accueil en établissement avec des solutions intermédiaires - accueil de jour, accueil de nuit, accueil temporaire pour aider les familles.

En tout état de cause, le projet de loi entend favoriser le maintien à domicile qui constitue la première des aspirations des personnes âgées de plus de soixante-quinze ans. Or pour atteindre cet objectif, il faut que les services soient suffisamment diversifiés, que des allocations soient versées comme l'aide au retour au domicile après une hospitalisation et que des assouplissements soient mis en œuvre pour l'entourage familial - congé d'accompagne-ment simplifié, par exemple.

Les aides familiaux exercent une mission à bien des égards fondamentale puisqu'ils sont omniprésents auprès des personnes âgées, notamment dans le maintien à domicile. Leurs attentes apparaissent bien légitimes, s'agissant notamment de la professionnalisation de leur statut.

Soulignons-le, 30 000 places supplémentaires seront créées dans les quatre ans qui viennent : 17 000 places en soins infirmiers à domicile et 13 000 places d'hébergement temporaire et d'accueil de jour. Et il n'est pas inutile de rappeler que le Gouvernement a d'ores et déjà multiplié par six le nombre d'auxiliaires de vie pour les personnes handicapées.

Bref, mes chers collègues, nous voulons proposer aux hommes et aux femmes de notre pays de mieux vieillir en conservant leurs habitudes, leur vie sociale. Il ne suffit pas, en effet, d'ajouter des années à la vie : encore faut-il donner de la vie aux années !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Exactement !

M. Bernard Perrut. Face à ce constat, le Gouvernement a engagé un programme d'action globale en plusieurs étapes. Le Premier ministre a ainsi présenté un plan « dépendance » en novembre dernier qui se veut une réponse concrète à la situation inédite que représente cette longévité croissante de la population française. Outre des mesures budgétaires et techniques, il dessine les contours d'un véritable projet de société auquel l'Etat prend toute sa part. Un plan de 9 milliards d'euros d'ici à 2008 a été prévu et viendra compléter les 660 millions d'euros déjà décidés dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.

Le ministre délégué aux personnes âgées a récemment évalué le déficit en lits médicalisés : entre 25 000 et 30 000. Une somme de 470 millions d'euros est affectée à l'accélération de la médicalisation des établissements et 10 000 places nouvelles seront créées d'ici à 2007 et médicalisées en maisons de retraite.

Les maisons de retraite seront aussi aidées pour la mise en place de la climatisation. Vous avez d'ores et déjà annoncé que des crédits étaient prévus, monsieur le ministre.

La mise en œuvre du plan canicule, qui témoigne de l'attention toute particulière du Gouvernement à l'égard de nos aînés, est également au cœur du projet de loi. Des réunions quotidiennes ont lieu, depuis le 28 avril, au ministère afin de le formaliser. Tous les moyens sont mis en œuvre au plus haut sommet de l'Etat pour que ne se reproduise plus la situation que nous avons connue l'été dernier.

La mise en place d'un véritable plan de veille et d'alerte au niveau départemental est une bonne réponse pour se prémunir contre les risques exceptionnels. Une chaîne d'alerte est ainsi prévue : anticipation par Météo France et l'INVS, alerte, déclenchement par le préfet, intervention des services sanitaires et sociaux.

Si le département est l'échelon de référence dans le dispositif, et plus globalement pour les personnes âgées et handicapées, il faut veiller à ce que l'approfondissement des relations départements-communes soit poursuivi car la solidarité est l'affaire des collectivités locales au plus près du terrain. Celles-ci, on le sait, ont toujours joué un rôle important dans la mise en œuvre des politiques à destination des personnes âgées. Leurs engagements doivent se concrétiser dans de véritables chantiers gérontologiques

J'y insiste, les initiatives émanant des associations doivent également être soutenues. Elles constituent en effet les relais incontournables dans le combat contre l'isolement des personnes. Elles agissent aux côtés des élus locaux qui sont les mieux à même de développer le soutien à l'autonomie, à travers leur politique sociale, d'urbanisme, d'habitat, de transport, etc.

L'intégration dans la cité passe aussi par une simplification de l'accès aux droits. A cet égard, madame la secrétaire d'Etat, la création dans chaque département d'une « maison des personnes handicapées » répond pleinement à cette attente et contribuera à mettre fin au parcours du combattant qui est le quotidien de trop de personnes handicapées désemparées.

Face à ces constats, l'objectif du Gouvernement est de faire en sorte que le financement de la mise en place de la prestation de compensation soit assuré pour les personnes handicapées et que l'amélioration de la prise en charge pour les personnes âgées soit effective.

Nous ne souhaitons pas, en effet, reproduire ce qui a été fait par nos collègues socialistes qui avaient mis en place l'APA sans avoir envisagé tous les moyens de son financement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Chacun connaît le résultat : les départements ont dû faire face au surcoût et le Gouvernement a été contraint de prendre des mesures pour sauvegarder l'APA en 2003. Il a fallu ainsi emprunter 400 millions d'euros pour financer le fonds de l'APA.

Le présent texte prévoit un financement pérenne et équilibré du dispositif reposant sur l'ensemble des forces vives de la nation. Le plan global de prise en charge de la dépendance apparaît comme un système juste fondé non pas sur des prélèvements supplémentaires mais sur la générosité du cœur lié à quelques heures de travail. C'est à l'image du temps que nombre de nos concitoyens consacrent à leurs prochains à travers l'insertion des jeunes, à travers le sport, la culture ou l'engagement humanitaire. C'est toujours l'engagement du cœur.

La création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie - CNSA - sécurise le financement du dispositif ainsi clairement identifié. Chers collègues de gauche, elle n'introduit pas une sécurité sociale au rabais. Elle fixe au contraire le principe d'un traitement équitable et harmonisé sur l'ensemble du territoire.

Nous ne pouvons cependant cacher à nos concitoyens que notre système de protection sociale a un coût et que son fonctionnement dans les prochaines années conduira à des efforts supplémentaires.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Vous n'avez pas dit cela en commission !

M. Bernard Perrut. Nous ne pouvons que déplorer la démagogie de certains de nos collègues qui vont jusqu'à faire croire que le projet de loi remet en cause les principes fondateurs de notre pacte social en portant atteinte aux 35 heures. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ce n'est pas l'objet de ce débat.

Il est inexact aussi de prétendre que l'effort sera supporté par les seuls salariés. Ceux-ci ne perdent pas de pouvoir d'achat puisqu'il n'y a ni augmentation de cotisations salariales ni supplément d'impôt. Les salaires ne seront pas diminués, on le sait.

M. Jean Le Garrec. Encore heureux !

M. Bernard Perrut. Ce sont les employeurs qui restitueront à la solidarité nationale cette journée supplémentaire de production en payant une contribution. Les revenus du capital sont également concernés par cette mesure, hormis l'épargne populaire, par exemple le livret A.

Sur certains bancs, l'opposition, parfois systématique, s'est substituée au sens de la responsabilité. Je rappellerai cependant que 100 députés de tous les bancs de notre hémicycle avaient signé, en juin 2003, dans un grand journal, un appel en faveur de la solidarité. L'auraient-ils oublié aujourd'hui, alors qu'ils tiennent des propos bien différents ?

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. On s'est expliqué sur ce point !

M. Bernard Perrut. La souplesse constitue, grâce à vous, monsieur le ministre, le principe directeur de notre texte. Elle en fait sa force.

Les députés ont été écoutés par le Gouvernement et la commission des affaires sociales a amendé le projet de loi en tenant compte des remarques exprimées et des craintes concernant une certaine rigidité du texte. Rien n'est parfait, c'est vrai. Mais le dispositif a le mérite d'exister et peut être encore amélioré.

Le Gouvernement, et nous l'en remercions, a conscience des différences de situations qui existent au sein des secteurs économiques. Et le Premier ministre a indiqué vouloir tenir compte de la diversité de la France, des professions et des régions à travers tout ce qui marque la vie des saisons - le tourisme, les événements culturels, le sport, les fêtes.

C'est pourquoi, faisant appel au libre choix, le « temps de solidarité » privilégiera la négociation et la concertation.

Ainsi, dans le secteur privé, c'est au dialogue social qu'il reviendra de fixer les modalités de cette mesure. Une nouvelle fois, c'est la méthode de démocratie participative, qui nous est chère, qui aura vocation à s'appliquer.

Dans la fonction publique, plusieurs solutions ont été proposées afin qu'une souplesse équivalente soit appliquée et un amendement de M. Jacquat précise ces points.

L'ensemble des dispositions du projet de loi va dans le même sens : faire en sorte que le droit et l'accès des personnes âgées à une véritable qualité de vie soient une priorité absolue à laquelle nous devons répondre.

Au-delà de ces questions, il nous faut aussi répondre à un véritable enjeu de société : rétablir le lien entre les générations. Il nous faut trouver des « symboles puissants de solidarité », comme le déclarait récemment Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires sociales.

Je suis convaincu que nos compatriotes sauront répondre à cet élan de solidarité et que chacun d'entre eux sera prêt à donner de son temps - sept heures de travail supplémentaire - ayant à cœur de contribuer à l'effort collectif qui nous est demandé. Car la valeur travail est partagée par tous les Français.

Les parlementaires du groupe UMP soutiennent votre texte, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, même si certains continuent à exprimer leurs inquiétudes ou leurs interrogations. Mais nous sommes convaincus que là où il y a une volonté, il y a un chemin. Et notre chemin ne peut pas être celui de l'irresponsabilité, de l'errance, du statu quo, qui nous conduirait à ne rien faire.

Que ceux qui refusent de poursuivre ce chemin avec nous se souviennent que la fraternité a été déclarée grande cause nationale de l'année 2004 ; qu'ils se souviennent que la fraternité est une force de notre République, qu'elle se manifeste chaque jour au cœur de la société, au cœur de l'homme. Que la journée de solidarité prenne tout son sens en renforçant cette valeur de notre société qu'est la fraternité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, le sujet que nous abordons ne prête pas à polémique. C'est un sujet grave et difficile. Quand on parle de personnes âgées, c'est-à-dire de notre humaine condition, quand on parle de handicapés, on essaie de maîtriser ses propos. C'est ce que je ferai...

M. Denis Jacquat, rapporteur. Très bien !

M. Jean Le Garrec. ...surtout après les excellentes interventions de Paulette Guinchard-Kunstler, de Danièle Hoffman-Rispal et en attendant celle de Pascal Terrasse qui portera sur le redéploiement de financements.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Les députés de droite feront aussi de bonnes interventions !

M. Jean Le Garrec. Toutefois, car c'est la règle du débat démocratique, je vous expliquerai les raisons de mon désaccord sur le titre II du texte. Je le ferai, je l'espère, avec précision, non dans un esprit de polémique mais pour exprimer des interrogations fortes, qui portent sur cinq points.

Premier point, je considère que cette journée de solidarité - mot que je manie avec prudence tant il est important pour moi...

M. Bernard Perrut. Très bien !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. C'est vrai !

M. Jean Le Garrec. ...est une mauvaise réponse à de véritables questions. D'une manière générale, ce texte a le défaut de manquer de cohérence par rapport à l'ensemble de la politique du Gouvernement et il ne peut être compris par les salariés. De plus, il traduit une utilisation abusive du vocabulaire.

Le Gouvernement manque de cohérence. Par exemple, M. Sarkozy déclare qu'il faut relancer la consommation, surtout la consommation populaire, découvrant enfin ce que nous disons depuis deux ans. Il nous confirme aussi ce que M. le Premier ministre, lui, n'a pas encore perçu, à savoir que la baisse des impôts n'a eu aucun effet sur la croissance.

M. Hervé Morin. Sur la consommation !

M. Jean Le Garrec. Allier relance de la consommation et journée travaillée non payée est une vraie contradiction économique et sociale, et une totale incohérence.

M. Gérard Bapt. Ils proposent n'importe quoi !

M. Jean Le Garrec. Je vous indique que 66 % des salariés ne sont pas d'accord sur cette mesure. Je me suis livré à un sondage : huit salariés sur dix ne savent pas que cette journée de travail supplémentaire ne sera pas payée. Certes, ils s'attendent à une contribution des entreprises, peut-être à une contribution supplémentaire des salariés, mais certainement pas à n'être pas payés.

Le vocabulaire qui est utilisé conforte cette impression, par exemple lorsque M. le Premier ministre nous dit que cela pourra être fait sous la forme d'heures supplémentaires. Mais pour les salariés des entreprises, les heures supplémentaires, ce sont des heures supplémentaires payées.

M. Hervé Morin. Et majorées !

M. Jean Le Garrec. Tout à fait, bénéficiant d'un bonus et parfois d'un repos compensateur ! Le fait que ces heures supplémentaires, selon l'expression du Premier ministre, ne soient pas payées est pour eux incompréhensible. Ce n'est pas une question de solidarité, car ils sont généreux par nature, mais ils n'acceptent pas un certain rapport au travail.

Vous avez déclaré hier, monsieur le ministre, mais votre langue a peut-être fourché : « Bien entendu, la journée de solidarité sera rémunérée ». C'est faux ! Cette déclaration induit en erreur les salariés.

M. Pascal Terrasse. Ou alors, c'est un scoop ! (Sourires.)

M. Jean Le Garrec. D'ailleurs, le texte proposé pour l'article L. 212-16 du code du travail est très clair : « Elle prend la forme d'une journée supplémentaire de travail non rémunéré pour les salariés... »

M. Pascal Terrasse. C'est le texte !

M. Jean Le Garrec. Le texte est clair ! Votre langue a peut-être fourché, monsieur le ministre, ce qui peut arriver à tout le monde...

M. Denis Jacquat, rapporteur. Il s'agit d'heures de travail non rémunérées en tant qu'heures supplémentaires !

M. Jean Le Garrec. C'est évident, mais elles ne seront pas rémunérées du tout ! Soyons clairs !

M. Pascal Terrasse. C'est le retour de la corvée !

M. Jean Le Garrec. La façon dont vous présentez le problème, monsieur le ministre, introduit une ambiguïté. C'est très gênant.

Toujours dans le domaine du vocabulaire utilisé par le Gouvernement, M. Fillon nous disait, à propos du RMA, sous-contrat de travail, que l'assistance avait ses limites. C'est un retour à des conceptions du XIXe siècle ! Mais quand vous voulez convaincre les Français de la nécessité d'une journée de travail non payé, vous découvrez subitement le mot « solidarité » ! Vous jouez avec le vocabulaire et vous l'adaptez à votre vision de la société.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Excellent !

M. Jean Le Garrec. En réalité, vous voulez toujours culpabiliser les Français.

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

M. Jean Le Garrec. Si ! Comme vous avez culpabilisé les familles après la canicule de l'été dernier. Or l'enquête a nié leur culpabilité.

M. Bernard Perrut. C'est une caricature !

M. Jean Le Garrec. Madame la secrétaire d'Etat, vous avez du talent, incontestablement, et je le salue. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais quand vous évoquez ce qui s'est passé en Allemagne, vous oubliez deux différences essentielles : la première est que le système de protection sociale, en Allemagne, est très complexe.

M. Pascal Terrasse. Il est bismarckien !

M. Jean Le Garrec. Il est en effet bismarckien, comme l'a dit Mme la secrétaire d'Etat !

La seconde est que la situation de l'emploi et des rémunérations en France, aujourd'hui, n'est pas comparable à celle qui existait en Allemagne en 1994.

Deuxième point, en inscrivant dans le code du travail les durées de 1 607 heures, au lieu de 1 600, et de deux cent dix-huit jours, au lieu de deux cent dix-sept, vous rompez avec deux principes. Le premier a été affirmé par le président Jacques Chirac : nous ne remettrons pas en cause les 35 heures. C'est pourtant ce que vous commencez à faire. Le deuxième principe, vous l'avez énoncé en différentes occasions : permettons à ceux qui le souhaitent de travailler plus pour gagner plus, ce qui est toujours possible en faisant des heures supplémentaires.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Deman-dons à M. Madelin ce qu'il en pense !

M. Jean Le Garrec. Que va-t-il se passer avec cette journée de travail non rémunéré ? Les salariés vont travailler plus pour gagner moins, car bien entendu les heures effectuées ce jour-là seront soustraites au nombre d'heures supplémentaires, et éventuellement des repos compensateurs.

Comprenez-le bien, permettre à ceux qui le veulent de travailler plus pour gagner plus ou obliger tout le monde à travailler plus pour gagner moins, cela n'a pas la même signification ! C'est pourtant la réalité, et elle est incontournable.

Mme Élisabeth Guigou. C'est exact !

M. Jean Le Garrec. Troisième point, vous mettez en route une machine que vous ne pourrez pas maîtriser. Cette machine, c'est la renégociation des accords : accords de branche, accords d'entreprise.

M. Hervé Morin. Bien sûr !

M. Jean Le Garrec. Or tous les chefs d'entreprise, quelle que soit leur opinion sur les 35 heures, vous en avez été témoins, mes chers collègues, dans le cadre de la mission d'information, nous ont demandé de ne surtout pas toucher à cela. Le président du MEDEF lui-même - c'est la première fois que je le fais pour appuyer ma démonstration ! - a indiqué que revenir sur les 35 heures serait comme une cause de trouble plus grand que l'avantage espéré. Il n'y a rien à ajouter à cette phrase du président du MEDEF, et il n'est pas si fréquent que je sois d'accord avec lui.

Prenons l'exemple d'un accord d'annualisation ayant donné lieu à des négociations très difficiles, dans le but de créer des emplois. Il faudra renégocier cet accord d'annualisation pour honorer cette journée de travail non rémunéré ?

M. Hervé Morin. Bien sûr !

M. Jean Le Garrec. Je souhaite bien du bonheur à ceux qui devront renégocier cet accord. Les entreprises vont rencontrer d'énormes difficultés.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Le MEDEF est en effet très prudent !

M. Jean Le Garrec. Ma quatrième remar-que concerne le prélèvement de 0,3 % sur les entreprises. Pourquoi pas, encore faut-il qu'il y ait un retour en termes de création de richesses. Ce n'est pas évident, c'est même totalement aléatoire ! D'ailleurs, le rapporteur en est bien conscient, comme le prouvent ces quelques lignes très intéressantes du rapport : « Enfin, toutes les entreprises ne bénéficieront pas de la même façon de la mise en oeuvre de la journée de solidarité, seules celles souffrant d'une contrainte d'offre en profiteront pleinement ». Ce n'est pas la situation actuelle, monsieur le rapporteur !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Il y a des hauts et des bas !

M. Jean Le Garrec. Oui, mais aujourd'hui les contraintes d'offre n'existent pas !

Le retour économique sera probablement très difficile, voire dans certains cas impossible.

Je vais vous poser une question, monsieur le ministre : comment une entreprise qui travaille en flux tendu va-t-elle gérer ses stocks, à l'entrée à la sortie ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je suis désolé, ce sont des problèmes techniques. Moi qui viens de l'entreprise, je peux vous dire que tous ces problèmes se poseront, exactement comme je le prévois.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Qui peut répondre à cette question ?

M. Jean Le Garrec. Vous allez buter sur un mur, monsieur le ministre. Cela n'a rien à voir avec votre politique en direction des personnes âgées et des personnes handicapées, cela tient à la manière dont vous en prévoyez le financement.

J'en viens à ma conclusion, monsieur le président.

M. Gérard Bapt. C'est dommage, car c'est très intéressant !

M. Jean Le Garrec. Mais auparavant, je voudrais recommander à mes collègues la lecture de l'étude d'impact réalisée par l'AFCE.

M. Hervé Morin. Qui est très intéressante !

M. Jean Le Garrec. Cette étude fait état de risques très grands pour notre équilibre économique et évoque la possibilité de perdre 30 000 emplois.

M. Hervé Morin. Cela, c'est plus contestable !

M. Jean Le Garrec. Peut-être, mais c'est une étude d'impact intéressante, car elle évalue les difficultés que nous allons rencontrer.

Je vais conclure mon propos, monsieur le président, avec une cinquième et dernière remarque : le financement de cette mesure est socialement injuste et déséquilibré. D'ailleurs, vous qui êtes un honnête homme, monsieur le rapporteur, l'avez noté dans votre rapport.

Mme Hélène Mignon. C'est vrai, M. le rapporteur est un honnête homme.

M. Jean Le Garrec. Ceux qui sont pris pour cible sont toujours les mêmes, et des pans entiers de notre économie vont échapper à ce financement. Nul ne doute de la nécessité de trouver des prélèvements et des financements supplémentaires. D'autres outils existent, Pascal Terrasse les évoquera. Les redéploiements, les cotisations sociales, la CSG auraient pu contribuer à cet effort de solidarité.

Pour répondre à un problème aussi grave, qui touche des personnes fragiles, âgées ou handicapées, et reflète notre humaine condition, votre financement s'appuie sur un seul argument, le retour économique. Or, je viens de le démontrer, et nul ne peut me contredire, ce retour économique est totalement aléatoire.

L'amendement n° 104 du Gouvernement est à ce titre très éclairant, et je vous demande de lire attentivement son exposé sommaire, qui décrit clairement cette injustice sociale.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Tout à fait !

M. Jean Le Garrec. En conclusion, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, je résumerai ainsi votre projet : fondé sur un raisonnement économique aléatoire, établissant une répartition injuste de l'effort demandé en détournant le grand principe de solidarité, mot juste et fort, pour le diriger vers une seule cible, il s'agit d'une monstruosité juridique, puisqu'il vise à introduire dans le code du travail le concept totalement inédit de travail non rémunéré.

Mme Élisabeth Guigou. C'est du jamais vu !

M. Pascal Terrasse. Si, en 1942, avec le STO !

M. Jean Le Garrec. Il risque d'aboutir à la destruction de toute possibilité de développer une politique de solidarité juste, qui est pourtant indispensable. Il contribuera encore, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, à l'actuelle perte de confiance que nous observons tous en ce moment dans notre pays : à force d'être bousculé, ce pays ne sait plus où il en est. Entre le RMA, les « recalculés » - même si vous avez fait marche arrière - et aujourd'hui une « journée de solidarité » où il faut travailler sans être payé, il ne sait plus où vous allez et il perd confiance : c'est le plus grand risque pour les trois ans qui viennent, et c'est votre responsabilité.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Eh oui !

M. Jean Le Garrec. C'est pourquoi, nous tiendrons bon, sans polémique, dans ce débat.

Pour terminer sur une note d'humour grinçant, je citerai deux phrases qui rappelleront des souvenirs à certains. Les extraordinaires Shadoks nous ont appris en effet, par la voix de Claude Pieplu, premièrement que « quand on ne sait pas où on va, il faut y aller, et le plus vite possible » : c'est peut-être ce que vous êtes en train de faire.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Exactement !

M. Jean Le Garrec. Ils disaient aussi que « pour qu'il y ait le moins de mécontents possible, il faut toujours taper sur les mêmes. » J'attire cependant votre attention sur les risques sociaux qui résultent d'une telle politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Élisabeth Guigou. La démonstration est implacable !

M. Pascal Terrasse. Quel talent oratoire !

M. Gaëtan Gorce. Excellent, comme toujours !

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, puisque Claude Leteurtre a évoqué les grandes lignes du projet de loi, je consacrerai mon intervention à un seul sujet : celui de la journée nationale de solidarité. Non que je n'aie pas de doutes quant à l'économie générale du texte, notamment sur la création d'une cinquième branche, car il sera bien difficile de distinguer ce qui relève de la maladie de ce qui relève de la dépendance. Plus généralement, j'ai des doutes à propos de l'idée même qu'on résout les problèmes de solidarité en dépensant toujours plus. Je ne pense pas que l'accroissement continu de la dépense publique soit la seule réponse aux difficultés liées à la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées. D'autres solutions sont possibles.

Je m'arrêterai pourtant sur cette seule journée nationale de solidarité, pour vous dire à quel point vous faites fausse route à mes yeux, et ce pour six raisons. Certaines ont déjà été évoquées par Jean Le Garrec, puisque nous avons, l'un comme l'autre, participé au débat sur les 35 heures, lui les défendant avec autant d'acharnement que je m'y opposais.

M. Jean Le Garrec. Vous avez le droit à l'erreur, monsieur Morin !

M. Hervé Morin. Certes, mon cher collègue, mais en l'occurrence c'est vous qui en avez usé, si l'on en croit les nombreux collègues socialistes qui expliquent votre échec aux élections législatives par, notamment, les 35 heures. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Revenons au sujet !

M. Hervé Novelli. Ça vous gêne ?

M. Hervé Morin. Premièrement, le Gouvernement semble avoir un problème de cohérence. On ne peut pas en effet, après avoir expliqué pendant deux ans qu'il est impossible de revenir sur les 35 heures, et qu'en matière d'assouplissement de ce dispositif, les mesures de la loi Fillon constituent le stade ultime, proposer d'accroître la durée du travail.

Mme Élisabeth Guigou. C'est vrai !

M. Hervé Morin. On le peut d'autant moins que notre collègue Novelli a détaillé dans son rapport sur cette question les difficultés nées de l'application des 35 heures. Or, trois mois après que le Président de la République a expliqué que les 35 heures étaient un acquis social incontournable sur lequel il ne saurait être question de revenir, voilà que le Gouvernement nous propose une « journée de solidarité », c'est-à-dire une journée de travail non payée, ce qui revient à accroître la durée légale du travail : il y a bien là une incohérence majeure. (« Exactement ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Qu'on explique aux Français que pour dégager des crédits en faveur de la solidarité envers les personnes âgées en difficulté il faut travailler, créer de la richesse, de la valeur ; que s'ils travaillent moins que les autres il leur sera plus difficile de dégager les ressources nécessaires pour de nouvelles allocations ou de nouvelles prestations : soit. Mais vous ne pouvez pas le faire après avoir tenu le discours qui est le vôtre depuis deux ans. Dois-je vous rappeler que nous, députés de l'UDF, nous vous avons proposé à de nombreuses reprises des adaptations de la loi sur les 35 heures qui auraient totalement réglé la question, en permettant de dégager la valeur ajoutée nécessaire. Il ne s'agissait pas pour nous d'abroger les 35 heures. Que celles et ceux qui le souhaitent restent à 35 heures. Mais il s'agissait de permettre à celles et ceux qui le veulent de travailler davantage et d'accroître ainsi leur pouvoir d'achat, grâce à un dispositif extrêmement simple, que nous avons défendu maintes fois par voie d'amendements : de la trente-cinquième à la trente-neuvième heure, majoration de 25 % pour les salariés, et en contrepartie réduction à due proportion des cotisations sociales. Un tel système avait l'avantage de récompenser le travail et de permettre à l'économie de produire la richesse dont nous avons besoin pour des politiques comme celle-ci.

Deuxièmement, alors que le Gouvernement ne cesse de répéter qu'il faut réhabiliter le travail, c'est la première fois depuis 1789 qu'on rétablit la corvée en France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Le Garrec. Je n'aurais pas osé le dire !

M. Hervé Morin. C'est quand même extraordinaire ! C'est la première fois qu'on dit à nos compatriotes qu'ils devront faire cadeau d'une journée de travail ! Et pas à 50 %, pas même au niveau du taux marginal de l'impôt sur le revenu : à 100 % !

M. Jean Le Garrec. Mais c'est que vous n'êtes pas mauvais, monsieur Morin !

M. Hervé Morin. Vous allez faire de ce 0,3 % de richesse supplémentaire une nouvelle cotisation assise sur le travail, et uniquement sur le travail.

M. Pascal Terrasse. Et ils prétendent vouloir réhabiliter le travail !

M. Hervé Morin. J'en viens à la troisième raison pour laquelle selon moi vous faites fausse route, sans revenir sur des analyses économiques qui ont déjà été exposées : votre dispositif repose sur un calcul économique dont le résultat me semble aléatoire. Selon le Gouvernement en effet, l'activité augmentera en théorie de 0,45 %, puisqu'il s'agit d'un jour en plus des 220 jours travaillés, pourcentage ramené à 0,3 % à la suite de je ne sais quel « rabiotage ». Mais vous ne dites rien des secteurs économiques qui travaillent déjà les jours fériés : ainsi le lundi de la Pentecôte n'est pas un jour chômé dans le secteur du tourisme. De même dans les hôpitaux, la presse,...

M. Pascal Terrasse. Bientôt les grandes surfaces !

M. Hervé Morin. ...en bref dans tous les secteurs d'activité majeurs où on travaille sept jours sur sept, il n'y aura pas de création de valeur supplémentaire. En clair, affirmer qu'on créera une cotisation de 0,3 % sans opérer un prélèvement supplémentaire sur le travail me semble une erreur.

M. Jean Le Garrec. Mais oui !

M. Hervé Morin. La réalité c'est que vous allez accroître de 0,3 % la charge des prélèvements sociaux pesant sur le travail.

Mme Élisabeth Guigou. Voilà la vérité !

M. Hervé Morin. Il n'existe pas en effet d'entreprise soucieuse de mener une bonne politique salariale qui puisse demander à ses salariés de travailler une journée de plus sans être payés, ou d'accepter que leur salaire soit réduit s'ils ne travaillent pas une journée de plus. Ce qui se passera, c'est que le chef d'entreprise augmentera le salaire de celui qui travaillera un jour de plus. Tout cela reviendra donc bien à créer un prélèvement supplémentaire de 0,3 % sur la masse salariale.

Il est temps d'abandonner l'idée que l'ensemble des systèmes de protection sociale doit être financé par le travail, et seulement par le travail. Il faut, pour l'assurance maladie comme pour la dépendance, inventer de nouveaux systèmes de prélèvements.

M. le président. Monsieur Morin.

M. Hervé Morin. Je pense qu'il est important que nous puissions le dire, monsieur le président.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Il est bon, il faut le laisser continuer !

M. Pierre-Louis Fagniez. Il s'enflamme !

M. Hervé Morin. C'est un sujet trop important pour que je m'enflamme. Le président du MEDEF a reconnu ce matin, comme nous l'auditionnions dans le cadre de la mission parlementaire, qu'il était temps de faire reposer le financement de notre système de protection sociale sur d'autres assiettes que sur le seul travail. Ainsi, vous le savez comme moi, les produits importés devraient payer une partie de notre protection sociale. Or vous faites le chemin exactement inverse, puisque vous faites peser la charge d'un nouveau système de protection sur le seul travail.

Cinquièmement, la mise en œuvre de cette mesure va provoquer des injustices entre les salariés des différentes entreprises. Elle sera supportable pour les salariés des entreprises qui ont annualisé leur temps de travail, et qui bénéficient de dix, quinze, voire vingt jours de RTT supplémentaires. Mais il n'en sera pas de même pour la masse des salariés des petites entreprises qui sont restés aux 35 heures hebdomadaires, soit sept heures par jour.

Mme Nathalie Gautier. Exactement !

M. Hervé Morin. Ces petites entreprises ont parfois maintenu les 39 heures, préférant le système de 10 % de bonification.

La réalité, c'est que le salarié d'un grand groupe, qui bénéficie déjà de tous les avantages sociaux liés à cette appartenance, pourra bon an mal an supporter ce nouveau système. En revanche, le salarié d'une entreprise artisanale, non seulement verra son salaire réduit, faute d'un nombre suffisant d'heures supplémentaires, mais il subira en plus « plein pot » l'incidence d'une journée de travail supplémentaire sur sa vie quotidienne. Cette journée nationale de solidarité s'appliquera donc de manière totalement injuste et inéquitable.

J'en viens enfin à la dernière raison, et je m'adresse particulièrement à vous, monsieur Denis Jacquat. Un de vos amendements vise en effet à remettre les choses dans le bon sens, en commençant par la négociation, pour finir, en cas d'échec de celle-ci, par le choix du lundi de Pentecôte. Eh bien ! je vous fiche mon billet que ce sera le lundi de Pentecôte pour tout le monde, et ce pour deux raisons. La première raison, c'est qu'il n'y aura pas une seule entreprise pour oser remettre sur la table de négociation des accords durement acquis en matière de durée de travail, d'annualisation, ou d'organisation du travail en général.

M. Jean Le Garrec. Aucune !

M. Hervé Morin. La deuxième raison, c'est que, étant donné l'état actuel de la négociation sociale, après l'UNEDIC, après les retraites, il n'y aura pas un seul syndicat pour oser signer un accord prévoyant que les salariés devront travailler une journée supplémentaire sans être payés.

M. Jean Le Garrec. Aucun !

M. Hervé Morin. Et il y a encore une autre raison. Admettons l'hypothèse que la France serait entrée dans une ère nouvelle, où la négociation collective marche formidablement bien, et où toutes les parties acceptent de renégocier pour arriver à un système adapté à chacun. Le lundi de Pentecôte serait quoi qu'il en soit retenu pour la fonction publique. Les fonctionnaires travailleront et les enfants seront scolarisés ce jour-là.

En conclusion vous êtes partis d'une bonne idée, puisqu'il s'agissait d'affirmer la nécessité de créer de la richesse supplémentaire si on voulait mettre en place de nouveaux systèmes de protection, mais vous avez gâché cette idée. Une fois de plus, son application sera vécue par nos compatriotes comme une punition, alors que personne ne conteste qu'il faut aider davantage les personnes âgées et les personnes handicapées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre-Louis Fagniez. Alliance PS-UDF !

Mme Élisabeth Guigou. Ce gouvernement fait n'importe quoi !

M. le ministre délégué aux personnes âgées. Je vous ai connu plus à droite, monsieur Morin !

M. Hervé Morin. Et moi plus adroit, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. Georges Colombier.

M. Georges Colombier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, je me réjouis de participer aujourd'hui, moins d'un an après la canicule de l'été dernier, à la discussion d'un projet qui constitue une étape importante vers une meilleure prise en charge de la perte d'autonomie.

Il y a deux ans, je saluais dans la création de l'allocation personnalisée d'autonomie un geste en faveur de la dignité des personnes âgées. Fin décembre 2003, le nombre des demandes d'APA déposées auprès des conseils généraux était estimé à 1 760 000. Ce succès confirme qu'elle répond à une réelle attente des personnes âgées.

L'allongement de l'espérance de vie entraîne une modification profonde de la structure démographique de notre pays. J'insisterai à cet égard sur la progression notable de la part relative des personnes âgées de plus de 80 ans au sein de la population totale. A mesure que la cime de notre pyramide des âges s'arrondit, le nombre de personnes susceptibles de se retrouver en situation de dépendance augmente sensiblement, posant avec une acuité nouvelle la question de leur prise en charge. Ce phénomène, largement connu de nos sociétés contemporaines, nous oblige tout autant à changer notre regard sur la vieillesse qu'à renouveler nos perspectives d'action pour prévenir cette perte d'autonomie.

Certes, l'attention que nous devons porter à nos aînés relève d'une prise de conscience déjà ancienne. Mais le bilan tragique de la canicule a mis en lumière la nécessité d'une refonte du système.

Au cours de la commission d'enquête sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule, à laquelle j'ai participé, nous avons dessiné les orientations à suivre pour les années à venir afin qu'un tel drame ne se reproduise pas. Il s'agit aujourd'hui d'aller au bout de cette réflexion.

Je serai donc particulièrement vigilant à l'égard des actions concrètes qui seront mises en œuvre pour pallier les carences structurelles et le manque de réactivité des dispositifs d'alerte sanitaire actuellement en place.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Très bien !

M. Georges Colombier. Et sur ce point, j'estime que le Gouvernement a fait le choix de l'efficacité en intégrant dans ce projet de loi l'obligation de prévoir un plan de veille et d'alerte sanitaire au niveau de chaque département.

L'anticipation demeure notre meilleure arme pour faire face à l'urgence. Ainsi, une meilleure prise en charge sanitaire et médico-sociale des personnes en situation de dépendance passe nécessairement par un renforcement de la coordination entre l'Etat, les collectivités territoriales et les acteurs locaux.

Lors de ma participation à la commission d'enquête sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule, j'ai souligné, à plusieurs reprises, la nécessité de responsabiliser les acteurs locaux afin de créer une démarche assumée de solidarité à l'égard des personnes âgées.

A titre personnel, je plaide depuis longtemps pour un développement plus soutenu des centres locaux d'information et de coordination gérontologique, en prenant pour appui le dynamisme des acteurs locaux. A l'échelle de mon canton, le travail partenarial en matière gérontologique est une pratique de longue date, et force est de constater qu'il a fait ses preuves.

Je tiens à ce propos à rappeler que les CLIC constituent un outil pertinent pour diffuser des messages de prévention et, surtout, déclencher l'alerte en cas de crise. J'attire notamment votre attention sur le maillage territorial que peut représenter la présence des CLIC sur l'ensemble du pays. C'est donc au prix d'un réel effort d'implication des acteurs locaux que nous lutterons plus efficacement contre l'isolement social des plus fragiles.

Si tout le monde s'accorde pour aller vers une prise en charge généreuse et efficace de la perte d'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, encore faut-il que notre société s'en donne les moyens.

Pour ce faire et à la lumière de nombreux travaux, le Gouvernement a fait un choix courageux que je souhaite souligner.

Certes, nous aurions pu succomber à la tentation d'augmenter les taxes ou bien les impôts afin de financer cette nouvelle mesure. Nous aurions pu également creuser encore davantage le déficit public.

A l'heure de l'élargissement de l'Union européenne à de nouveaux pays, le Gouvernement a fait un autre choix : un choix d'ouverture et de solidarité intergénérationnelle en s'inspirant d'un modèle original et expérimenté avec succès par l'un de nos partenaires européens : l'Allemagne. Chez nos voisins, la dépendance a été reconnue comme un nouveau « risque social » depuis 1995.

Avec ce texte, le Gouvernement propose aujourd'hui aux Français une démarche volontaire. Je suis particulièrement sensible à cette initiative forte qui consiste à faire reposer le financement de la réforme de la dépendance sur la création de richesses et non sur une démarche passive. Les personnes qui travaillent offriront ainsi une journée de travail ; les entreprises, elles, offriront une journée de profit ; les revenus du capital, eux aussi, seront bien sûr associés à cette action de solidarité.

Il me paraît essentiel d'insister sur deux points importants pour garantir la réussite d'une telle démarche. Tout d'abord, nous ne pouvons faire l'économie d'une campagne d'explication et de sensibilisation autour de ce choix de société et sur la place que l'on souhaite accorder aux personnes âgées et handicapées.

Par ailleurs, cette mesure doit concerner le plus grand nombre afin que l'adhésion à cet élan national de générosité soit largement partagée et non considérée comme une taxe supplémentaire pour les seuls salariés. Garantir une grande souplesse dans le choix du jour de solidarité est de nature à responsabiliser davantage nos concitoyens sur la nécessité d'une telle implication.

Le texte qui nous est proposé permet également une prise en charge globale de la dépendance générée par la vieillesse, mais aussi le handicap et la maladie. Je me réjouis de trouver dans cette proposition de réforme sociale la levée d'une barrière relative au critère d'âge concernant le plan d'alerte et d'urgence départemental. C'est une avancée importante. Toutefois, il me semble nécessaire de poursuivre nos efforts pour supprimer définitivement cette barrière qui fait qu'une personne est considérée comme handicapée avant soixante ans et dépendante au-delà. Est-ce que certaines affections attendent, hélas ! soixante ans pour se déclarer ? On pense tout particulièrement aux maladies d'Alzheimer et de Parkinson.

A ce propos, je souhaite insister sur l'écart important subsistant entre la prestation servie à domicile et l'allocation servie en établissement. Notre société doit trouver le juste équilibre entre le maintien à domicile des personnes âgées et le soutien à l'hébergement en établissements spécialisés.

De plus, en raison de l'insuffisance chronique de lits médicalisés, ou des lits autorisés mais non financés, que je dénonce depuis de nombreuses années, les frais restant à la charge des résidants ou de leurs familles sont beaucoup trop élevés, en dépit de la triple tarification. A ce sujet, je m'interroge sur la légitimité du principe selon lequel le coût des installations et leur amortissement sont imputables aux familles de résidents via le prix de journée. Je fais ici allusion au décret de 1993 confirmé par celui de 1999. Tout doit être fait pour « solvabiliser » davantage la situation des personnes âgées dépendantes résidant en établissement ou dans leur famille.

Depuis de nombreuses années, j'attire l'attention des gouvernements successifs sur la nécessité de la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale, assortie d'une cotisation spécifique de nature à assurer la stabilité de la prise en charge de la perte d'autonomie. Notre excellent rapporteur Denis Jacquat abondait dans ce sens.

Si les créateurs de la sécurité sociale, en 1945, s'étaient bien gardés d'énumérer les risques couverts, c'était pour qu'elle puisse s'adapter à l'évolution des besoins de notre société.

Je me réjouis de ce grand pas effectué aujourd'hui vers cette prise en charge de la dépendance par la création d'une Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Elle permettra de rassembler en un lieu unique des moyens spécifiques à la prise en charge de la dépendance des personnes âgées et handicapées, de veiller à l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire et de fixer les orientations nationales pour la prise en charge de la dépendance. Afin que cette journée de solidarité corresponde bien à des actions supplémentaires au bénéfice des personnes dépendantes âgées ou handicapées, il est primordial de ne pas fondre le produit de cette journée dans le budget de l'Etat. Un effort général est demandé pour la prise en charge de la perte d'autonomie. Il nous incombe de veiller à la transparence et à la lisibilité de ce dispositif afin de ne pas renouveler l'expérience passée de la vignette automobile qui a largement été détournée de sa vocation originelle.

Je relève avec satisfaction que le Gouvernement a eu la volonté de renforcer les fondations de l'APA, fortement fragilisée par son propre succès et l'absence de financement pérenne.

En effet, la création de cette caisse nationale de solidarité pour l'autonomie permettra non seulement de pérenniser le financement de l'APA, mais également d'accélérer la médicalisation des établissements, de créer des places nouvelles en maison de retraite et des places d'hébergement temporaire et d'accueil de jour pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'affections apparentées.

Cet organisme est aussi conçu pour financer la modernisation des services d'aide à domicile et des services de soins infirmiers à domicile. A ce sujet, permettez-moi, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, de profiter de l'occasion qui m'est offerte pour souligner le rôle des associations d'aide à domicile dans la prise en charge de la perte d'autonomie. Malheureusement et depuis trop longtemps, leur personnel ne dispose pas des moyens nécessaires à cette prise en charge décente de la dépendance. Par manque de reconnaissance, les salariés de ces associations souffrent de l'absence de filière de formation, ainsi que de la faiblesse des rémunérations et de la prise en compte des frais de déplacement. Même si les choses évoluent positivement dans ce domaine, nous devons aller plus loin.

Nous cherchons tous, aujourd'hui, à porter un autre regard sur la vieillesse et à accorder plus de dignité aux personnes âgées et handicapées. Ne laissons pas s'échapper l'opportunité que constitue ce texte ! Nous avons un devoir d'agir, et d'agir rapidement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, j'ai personnellement beaucoup du mal à comprendre la logique du Gouvernement. J'ai le sentiment, comme cela a d'ailleurs été souvent rappelé depuis le commencement de ce débat, que vos orientations souffrent d'une grande illisibilité. Je commencerai donc par vous poser une question. Le 6 novembre dernier, le Premier ministre annonçait un plan « vieillissement et solidarité » : à quel moment la représentation nationale sera-t-elle sollicitée pour l'examiner ?

M. le ministre délégué aux personnes âgées. Aujourd'hui !

M. Pascal Terrasse. Aujourd'hui, nous examinons un projet de loi visant à créer une caisse propre aux personnes handicapées et âgées. Et en essayant d'imaginer quelle en sera la construction législative, je pense qu'un autre texte devra décliner la création de cette caisse au travers de la réforme de la loi de 1975. Mme la secrétaire d'Etat nous présentera peut-être dans quelques semaines, ici même, la déclinaison de l'enveloppe financière dégagée pour le secteur du handicap.

Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Pourquoi peut-être ?

M. Pascal Terrasse. S'agissant des personnes âgées, le 6 novembre dernier, le Premier ministre a annoncé une série d'orientations. Or le plan « vieillesse et solidarité » ne semble avoir aucune déclinaison propre. Monsieur le ministre, quand et comment nous la présenterez-vous, comment seront utilisés les fonds et, surtout, sur quelles bases législatives ?

Vous nous parlez de financements pour plusieurs années fixés par la loi de financement de la sécurité sociale, mais je vous rappelle que les lois de finances sont, constitutionnellement, annuelles : aucun crédit n'est sanctuarisé, on peut à tout moment remettre en cause un financement. Il n'existe pas de financements qui aient une garantie de pérennisation.

Par conséquent, s'engager politiquement en promettant 9 milliards d'euros pour telle ou telle opération ne relève, en réalité, que d'un effet d'affichage. C'est un premier élément de confusion.

Deuxième élément de confusion, et qui n'est pas le moindre : dans une lettre adressée au conseiller maître à la Cour des comptes Raoul Briet, le Premier ministre le charge de réfléchir à la définition des orientations nationales, notamment pour ce qui concerne les référentiels d'évaluation des situations de dépendance, de lui dire comment on rassemble en un lieu unique les moyens mobilisables par l'Etat pour prendre en charge la dépendance des personnes handicapées et des personnes âgées, comment ce dispositif s'organisera sur l'ensemble du territoire, mais aussi comment garantir l'utilisation de la caisse au seul profit des personnes âgées. En conclusion, il demande également à M. Briet de s'attacher à envisager des modalités de fonctionnement et de financement de cette caisse, et de lui donner ces informations au mois de juin prochain.

C'est la première fois que la définition d'un texte, qui va être mis aux voix dans quelques heures, manque à ce point de lisibilité ! Le rapport Briet n'est en effet pas connu au moment où nous examinons le projet de loi, et le peu que nous en connaissons est contesté par l'ensemble des organisations professionnelles !

Monsieur le ministre, le dernier compte rendu du CNRPA, qui représente l'ensemble des retraités et des personnes âgées de ce pays, a été très dur à l'égard du système que vous mettez en place et, surtout, du prérapport Briet. Je vous conseille donc de prendre contact dès maintenant avec M. Bernard Cazeau, membre de la commission des affaires sociales du Sénat et de l'Assemblée des départements de France, pour savoir ce qu'il veut et ce que souhaitent aujourd'hui les départements. La grande majorité  des conseils généraux vous disent aujourd'hui : arrêtez tout, stop à la casse !

S'agissant de la journée supplémentaire de travail non rémunérée, l'Observatoire français des conjonctures économiques estime que les sept heures de travail supplémentaires représentent bon an mal an 0,46 % du PIB. De votre côté, vous prévoyez d'en utiliser 0,30 %, soit à peu près 2 milliards d'euros. Mais, monsieur le ministre, où vont passer les 0,16 % restants de PIB, qui représentent environ 1 milliard d'euros ? Je vous le demande ici : où va passer l'argent ? Ne seriez-vous pas en train d'envisager de constituer encore une cagnotte, dont on ignorerait finalement l'origine  ? Voilà la réalité !

Sur le plan économique, j'ai écouté hier avec beaucoup d'attention le ministre de l'économie et des finances nous parler de la situation économique dramatique dans laquelle se trouve la France, du coût excessif du travail, des délocalisations, de la nécessité de mettre en place des mesures d'exonération de cotisations sociales parce qu'elles sont un frein au développement économique. On souscrit ou non à cette doctrine ; c'est en tout cas celle du ministre des finances. Or un nouveau prélèvement de 0,3 % sur les entreprises sera créé au 1er juillet !

Dès qu'une entreprise remplira une fiche de salaire, elle devra payer 0,30 % de cotisation en plus. Selon l'Observatoire français des conjonctures économiques, cette cotisation complémentaire risque de faire disparaître quelque 30 000 emplois. Et d'autres cotisations sont annoncées : qu'on songe aux récentes décisions, notamment celle qui vise à financer la caisse nationale d'assurance vieillesse à travers la réforme des retraites. On le voit, il y a là un risque considérable pour notre économie.

Combien de fois n'a-t-on pas entendu dire, dans cet hémicycle, que les socialistes avaient sous-estimé le nombre de bénéficiaires de l'APA ? Les yeux dans les yeux, monsieur le ministre, je vous rappelle que, page 17 du rapport que j'ai présenté ici, il était dit que, à la fin 2003, les bénéficiaires seraient environ 800 000. Or, à la fin de cette année, vos services indiquaient qu'ils étaient 792 000. Nous n'avons donc nullement sous-estimé leur nombre.

Peut-être, demain, y en aura-t-il davantage. Mais qu'on se reporte aux déclarations que le ministre de l'intérieur de l'époque avait faites devant le congrès de l'Assemblée des départements de France, à Rodez. M. Vaillant savait bien qu'il y aurait des coûts complémentaires. D'ailleurs, la loi en tenait compte, un article que j'avais fait voter prévoyant une « clause de revoyure », et qu'on ajusterait les financements en juin 2003. M. Vaillant ajoutait que, s'il y avait des problèmes de financement, le gouvernement devrait trouver de nouveaux moyens. Vous imaginez bien que, si l'issue des élections présidentielles et législatives avait été différente, nous aurions trouvé ces moyens.

M. le ministre délégué aux personnes âgées. Ça, c'est la meilleure !

M. Pascal Terrasse. Vous ne pensez tout de même pas que, quelques mois après avoir voté ces dispositions, nous aurions remis en cause un des fondements essentiels de la politique gouvernementale en matière de prise en charge des personnes âgées. Soyons réalistes.

M. le ministre délégué aux personnes âgées. Oh oui !

M. Pascal Terrasse. Pour réunir 1,2 milliard d'euros − chiffre incontestable −, vous avez choisi de prendre 400 millions aux personnes âgées dépendantes − et elles vous l'ont bien rendu à l'occasion des dernières élections −...

M. le ministre délégué aux personnes âgées. Elles me l'ont bien rendu ? Elles ne m'en ont pas voulu !

M. Pascal Terrasse. ...autant aux conseils généraux et autant à la Caisse des dépôts et consignations.

Monsieur le ministre, je voudrais encore vous poser une question.

M. le ministre délégué aux personnes âgées. Vous posez beaucoup de questions !

M. Pascal Terrasse. Oui, mais elles sont très claires.

Les députés de la majorité savent-ils que le FFAPA est excédentaire depuis 2002 ?

M. le ministre délégué aux personnes âgées. Les députés de la majorité ne sont pas idiots !

M. Pascal Terrasse. Je ne suis pas sûr qu'ils sachent cela !

M. le ministre délégué aux personnes âgées. Vous n'avez pas le monopole de l'intelligence, monsieur Terrasse ! Ça se saurait !

M. Gaëtan Gorce. Gardez votre sang-froid, monsieur le ministre !

Mme Élisabeth Guigou. Quand vous entendez des vérités, vous vous énervez !

M. le ministre délégué aux personnes âgées. Je ne m'énerve pas ! Vous ne m'avez jamais vu énervé !

M. Pascal Terrasse. En vous entendant, ils ont compris qu'il y avait des déficits. Chers collègues de la majorité, je vous renvoie au rapport du FFAPA, car il y a, d'un côté, les discours politiques, et, de l'autre, la réalité des chiffres. Le FFAPA a eu 59 millions d'euros d'excédents non distribués en 2002 et 12 millions en 2003. Pendant ce temps, le mardi ou le mercredi après-midi, quand les caméras de télévision sont là, le ministre nous dit qu'il y a eu une mauvaise gestion.

Monsieur le ministre, où sont passés ces excédents financiers ?

Mme Élisabeth Guigou. Très bonne question !

M. Pascal Terrasse. Je vais vous poser une autre question très concrète, émanant de la commission des finances. En 2004, l'État va encaisser 1,7 milliard d'euros au titre du 0,1 % de CSG. Le FFAPA va en affecter 1,3 milliard. Où vont passer les 419 millions d'écart ? Cela représente exactement la moitié de ce que vous demandez aux Français en supprimant un jour férié. Voilà donc une niche où trouver des financements.

Monsieur le ministre, ce n'est pas à vous que j'en veux, mais peut-être à vos conseillers financiers, ceux qui sont en rapport avec Bercy, qui, tous les jours, vous répètent qu'il faut se serrer la ceinture. Quand on vous entend, monsieur le ministre, on se dit que vous avez de grandes ambitions, que vous avez envie d'agir. En réalité, vous êtes pressuré par Bercy qui, jour après jour, vous demande de contribuer à l'équilibre financier des comptes de la nation.

Quant au plan d'alerte, c'est encore une mascarade. Admirez le travail des communicants du ministère de la santé : ils nous disent qu'on va consacrer 20 à 40 millions d'euros aux climatiseurs, mais une petite phrase précise ensuite qu'on ne dégagera que 40 % de ce montant.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Et on le prendra où, cet argent ?

M. Pascal Terrasse. On ignore comment sera financé le reste. Le pire, c'est qu'on apprend que ces 40 % seront pris à la CNAV. Je me suis renseigné : ils le seront sur le budget de l'action sociale. Chers collègues, dans quelques jours, on va vous dire que ces crédits, affectés à la CRAM et servant à financer les aides ménagères, il n'y en a plus. Les associations viendront vous voir dans vos permanences parce qu'il leur manquera des heures d'aide ménagère.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Je m'adresse à M. Jacquat, président du conseil de surveillance de la CNAV, dont je suis membre : n'aurait-il pas été bon que l'on nous consulte à propos de ces 30 millions d'euros qui vont être prélevés sur le budget de l'action sociale ?

J'aurais souhaité qu'on évoque aujourd'hui de vrais sujets : je pense à l'humanisation des établissements. Le 24 avril dernier, M. Larcher − qui est maintenant ministre − vous demandait par écrit de dégager des crédits pour l'immobilier des établissements. Il n'y a rien, par un sou pour l'humanisation des hôpitaux et des maisons de retraite. Bien pis, les crédits d'investissement du chapitre 66 ont été gelés l'an dernier. Je crains qu'ils ne le soient encore cette année au titre des contrats de plan.

Je pense à d'autres sujets : la valorisation des acquis professionnels pour les personnels ou la pharmacie à usage interne.

M. le président. Monsieur Terrasse, concluez, s'il vous plaît.

M. Denis Jacquat, rapporteur. C'est le Gremetz des socialistes !

M. Pascal Terrasse. Aujourd'hui, 15 % des maisons de retraite ne sont pas aux normes. C'est vous-même qui le dites. Monsieur le ministre, sur ce point, j'attends des réponses très concrètes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il est heureusement révolu, le temps où la femme de trente ans semblait, aux contemporains de Balzac, déjà fort âgée. En revanche, l'allongement considérable de l'espérance de vie accroît chaque année la part relative des personnes âgées en France − et c'est un redoutable enjeu : 12 millions de personnes ont plus de soixante ans, 4 millions ont plus de soixante-quinze ans, 800 000 personnes ont perdu leur autonomie.

Mais il est aussi une autre forme de dépendance, celle qui touche les personnes handicapées et polyhandicapées. En dépit des avancées des lois de 1975 et de 1987, leur prise en charge repose très largement sur la générosité et le dévouement sans limites des associations. Aux faiblesses de l'hébergement en établissement, aux difficultés du maintien à domicile, aux insuffisances des effectifs, malgré le nombre croissant des conventions tripartites signées, se sont ajoutées les lacunes de notre dispositif d'alerte sanitaire mises en lumière l'été dernier.

Dès l'automne, François Fillon nous avait présenté un double programme d'action. Pour les handicapés, il comportait − pour la première fois − la création d'un vrai droit à compensation des surcoûts du handicap, la simplification de l'accès aux droits, et le renforcement de l'intégration dans la cité. Pour les personnes âgées, au-delà de l'APA qu'il faut pérenniser, il prévoyait la médicalisation des maisons de retraite tout en privilégiant le maintien à domicile, et le développement des services gériatriques. Concrètement, vous l'avez dit, monsieur le ministre, cela doit se traduire par plusieurs milliers de places nouvelles.

Mais vous avez tenu, monsieur le ministre, à financer vos promesses sans prélèvements supplémentaires, en créant, pour la première fois, un dispositif pérenne, fondé sur la solidarité, à l'instar du système allemand. Cette journée de solidarité, qui a fait couler beaucoup d'encre, est parfaitement acceptable pour les Français, pour peu que son traitement soit équitable et harmonisé sur l'ensemble du territoire. Vous avez d'ailleurs entendu notre message, et c'est l'objet de certains amendements présentés à juste titre par le rapporteur : incontestablement, la voie de la liberté est la meilleure, tant pour le secteur privé que pour le secteur public, afin de trouver les modalités les plus attractives et les moins pénalisantes, notamment dans le domaine de l'éducation nationale. Les entreprises unipersonnelles et les retraités sont exemptés. Ainsi, par ce geste de fraternité, à raison de sept heures de travail par an, nous pourrons, grâce à ce qui est une contribution − et non pas une « corvée », comme l'a dit M. Morin − de 0,3 % à la charge des employeurs − qu'il faudra aménager − et sur les revenus du capital et des placements, apporter 2 milliards au fonds de solidarité qui, au-delà de la gestion, doit aussi participer à l'action.

Enfin, nous souscrivons bien sûr à l'amélioration du dispositif de prévention et d'alerte sanitaire à laquelle vous vous étiez engagé. Piloté par le préfet, il prévoit que le signalement peut-être effectué par les intéressés ou leurs tuteurs. Mais il doit aussi pouvoir l'être par un tiers, et s'appliquer plus largement, ainsi que l'a prévu notre commission, aux personnes isolées et vulnérables, grâce à un solide mécanisme d'anticipation.

Mes chers collègues, nous le savons, ce projet n'est qu'un élément d'une réforme globale et ambitieuse, puisqu'il prévoit le financement des mesures figurant dans le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, dont nous aurons à connaître en juin. Il ne règle certes pas tout, mais constitue une avancée dans un domaine trop longtemps considéré comme secondaire.

D'ores et déjà, on peut rendre hommage au Gouvernement qui a pris ses responsabilités face au nouveau et très lourd défi que représente la dépendance. Dans le contexte budgétaire actuel, il fallait un certain courage pour le faire. Vous l'avez eu, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, et c'est pourquoi nous faisons confiance à votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1350, relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées :

M. Denis Jacquat, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 1540).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot