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Séance du lundi 17 mai 2004

220e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix-sept heures.)

    1

CESSATION DE MANDAT
ET REMPLACEMENT D'UN DÉPUTÉ
NOMMÉ MEMBRE DU GOUVERNEMENT

M. le président. J'informe l'Assemblée que j'ai pris acte, au Journal officiel du 16 mai 2004, de la cessation, le 14 mai 2004, à minuit, du mandat de député de M. Frédéric de Saint-Sernin, nommé membre du Gouvernement par décret du 14 avril 2004.

Par une communication de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, faite en application des articles L.O. 176-1 et L.O. 179 du code électoral, j'ai été informé du remplacement de M. Frédéric de Saint-Sernin par M. Bernard Mazouaud, élu en même temps que lui à cet effet.

    2

FIN DE LA MISSION D'UN DÉPUTÉ

M. le président. Par lettre du 11 mai 2004, M. le Premier ministre m'a informé que la mission temporaire précédemment confiée à M. Eric Raoult, député de Seine-Saint-Denis, avait pris fin le 15 mai 2004.

    3

AUTONOMIE FINANCIÈRE
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Discussion d'un projet de loi organique

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales (nos 1155, 1541).

Jeudi soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant aux amendements portant article additionnel après l'article 3.

Après l'article 3

M. le président. Nous commençons par l'amendement n° 4.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le défendre.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à l'intérieur, mes chers collègues, cet amendement porte sur la compensation des transferts.

A la lecture du rapport pour avis de la commission des finances sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales, on comprend pourquoi la fiscalité locale connaît une hausse constante depuis vingt ans. A bien des égards, ce rapport a valeur de mise en garde contre les garanties d'autonomie prétendument apportées par le présent projet de loi organique. On lit ainsi, page 11 : « En pratique, entre 1987 et 1996, la part des dépenses liées à l'exercice des compétences transférées dans les dépenses totales des collectivités locales s'est accrue, passant de 13,5 % à 17,8 %. Dans le même temps, la part des ressources transférées dans les ressources totales des collectivités se réduisait, passant de 9,5 % à 8,3 %. »

Ces statistiques illustrent de manière très convaincante le fait que les compensations financières pour transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales n'évoluent pas au même rythme que les dépenses. Les causes de ce phénomène sont multiples et, au regard des compétences que vous transférez, il ira croissant.

De nouvelles réglementations induisent des coûts de mise aux normes donc, pour les collectivités territoriales, des charges qui étaient prévues au moment du transfert de compétence ; on l'a vu avec les collèges et lycées.

Il faudra évidemment créer des postes pour faire face aux besoins insuffisamment couverts en agents techniciens, ouvriers et de service des collèges et lycées, notamment pour compenser les fins de contrats des CES et des CEC, ce qui entraînera des dépenses bien supérieures à celles constatées au jour de la décentralisation.

On pourrait aussi prendre l'exemple des agents de l'équipement, en particulier dans les secteurs de montagne, où le déneigement est très mal assuré, à cause de l'insuffisance de moyens.

C'est pourquoi nous proposons d'ajouter l'article suivant :

« Au sens de l'article 72-2 de la Constitution, la compensation de transferts ou d'extensions de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales tient compte de l'évolution spontanée, dans la durée, des dépenses afférentes à ce transfert. »

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. La question soulevée par M. Chassaigne n'est pas négligeable, loin s'en faut. D'ailleurs, dans ses très nombreuses interventions, la semaine dernière, M. le ministre délégué à l'intérieur n'a pas manqué de rappeler qu'elle était au cœur du dispositif du projet de loi organique.

M. Jacques Brunhes. Ne parlez pas pour le ministre !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. La commission l'a trouvée tout à fait pertinente mais hors sujet, le texte en discussion étant relatif à l'autonomie financière et non pas à la compensation. C'est pourquoi elle a proposé le rejet de l'amendement n° 4.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'intérieur, pour donner l'avis du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Le Gouvernement est plutôt défavorable à l'amendement n° 4, quoique celui-ci soit très intéressant, dans la mesure où il dénote une observation très attentive des finances locales.

Simplement, outre l'argument que vient de développer M. Geoffroy - ce texte n'est guère approprié pour traiter la question -, la formule « évolution spontanée » pose une difficulté sur le plan juridique, car elle constitue une notion inconnue. Si l'on y regarde de près, il existe deux manières de faire évoluer les dépenses, soit par une décision gouvernementale - quel que soit le Gouvernement -, soit par une décision de la collectivité locale elle-même, et il est assez difficile de dissocier les deux. Pour être très honnête, j'incline donc à penser qu'il vaudrait mieux repousser cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 5.

M. André Chassaigne. Je le retire.

M. le président. L'amendement n° 5 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement, n° 6 et de seize amendements identiques, nos 25 à 39, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 6.

M. André Chassaigne. Cet amendement, relatif à l'égalité des chances, vise à intégrer dans la loi organique des dispositions portant sur la péréquation.

La faiblesse des dotations d'Etat en la matière est connue. Doit-on rappeler que la partie forfaitaire de la DGF représente plus de 86 % de son montant total et que, parmi les 14 %, restants, une bonne part constitue la dotation forfaitaire des groupements de commune à fiscalité propre ? Il ne reste donc que des miettes pour la dotation de solidarité rurale ou la dotation de solidarité urbaine.

Ainsi, au regard de l'importance des inégalités de ressources entre collectivités et de la forte concentration des bases des quatre vieilles, l'effort de la nation en direction des collectivités territoriales les plus pauvres est ridiculement faible et doit être amélioré.

Nous demandons, par notre amendement, que les dépenses de péréquation soient suffisamment importantes pour compenser les inégalités de bases entre communes donc pour donner à toutes les collectivités territoriales des moyens identiques afin de remplir leur mission. Il s'agit simplement d'instaurer l'égalité des chances entre les collectivités territoriales et de concrétiser la promesse, inscrite dans la Constitution, en vertu de laquelle : « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales. »

Je ne vois donc aucune raison de ne pas l'adopter. Néanmoins le rapporteur et le ministre émettront sans doute un avis défavorable. L'alinéa de la Constitution que j'ai cité ne renvoie certes pas à une loi organique, mais cela ne constitue en aucun cas une raison valable pour le repousser.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 6 ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. La commission a, bien sûr, examiné cet amendement en détail et, bien qu'elle ait estimé que, comme l'amendement n° 4, son objet était très intéressant, elle ne l'a pas retenu, pour deux raisons.

La première ne surprendra d'ailleurs pas M. Chassaigne : la loi organique est commandée par le troisième alinéa de l'article 72-2 et non par son cinquième alinéa, et elle ne saurait sortir du cadre qui lui a été fixé par la Constitution.

La deuxième raison avancée par la commission des lois est juridique : contrairement à ce que vient de dire M. Chassaigne, le cinquième alinéa de l'article 72-2 indique bien que le dispositif de péréquation est défini par la loi ordinaire et non par la loi organique.

J'ajoute - mais Gilles Carrez le dirait et le dira probablement avec beaucoup plus de précision que moi - que le PLF 2004 comporte déjà des dispositions fort importantes qui marquent une première étape de cette nouvelle péréquation, et que le PLF 2005 continuera très certainement.

La commission a donc rejeté l'amendement n° 6.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Même avis.

M. le président. Avant d'aborder la discussion des amendements identiques nos 25 à 39, je vous indique que, sur ces derniers, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Trois membres du groupe socialiste sont présents pour les défendre.

La parole est à Mme Ségolène Royal.

Mme Ségolène Royal. L'amendement n° 25 insiste sur la nécessité de voir réellement inscrite la péréquation dans ce texte, préoccupation exprimée de nombreuses fois par le groupe socialiste.

Le Gouvernement s'est enorgueilli, à plusieurs reprises, d'avoir constitutionnalisé la péréquation, mais, au fur et à mesure de l'avancement des débats, on se rend compte qu'il limite cette ambition à l'inscription d'un mot dans la Constitution. Bien que la décentralisation soit étroitement liée au bon fonctionnement de la péréquation, aucun dispositif de péréquation n'a été prévu lors du transfert du RMI-RMA. Rien non plus ne figure dans le projet sur les responsabilités locales et, aujourd'hui, la loi organique ignore complètement la question.

J'ai bien entendu la réponse de M. le rapporteur mais je crois, au contraire, que cette lacune est d'autant plus problématique que le Conseil constitutionnel sera appelé à concilier deux principes de valeur équivalente - l'autonomie financière et la péréquation - puisque l'article 72-2 les invoque tous deux. Le débat que nous avons eu pendant deux jours a montré le flou de la notion d'autonomie financière telle que vous l'entendez ; il ne faudrait pas que ce flou gagne la péréquation.

C'est pourquoi nos amendements tendent à donner valeur organique à la notion de péréquation, avec une définition en deux temps. Il s'agit d'abord d'affirmer que la péréquation a pour objectif de donner aux différentes collectivités une capacité égale à assurer un service public, en dépit des différences importantes de ressources et de charges constatées initialement. Ensuite, la définition porte sur les moyens de la péréquation : elle peut être horizontale, lorsqu'elle intervient entre collectivités d'une même catégorie, ou verticale quand elle est assumée directement par une action volontariste de l'Etat, accordant une dotation aux collectivités les plus modestes.

Donner une valeur organique à la notion de péréquation permettrait d'ailleurs d'éviter la dérive dénoncée par mes collègues durant ce débat. Votre définition du taux d'autonomie financière, qui ne retire pas du calcul les dotations verticales, pourrait empêcher une réelle péréquation. Du reste, lorsque l'on constate que l'Etat se désengage des dotations globales d'équipement versées à l'ensemble des communes rurales, on se rend compte à quel point il est plus qu'urgent d'inscrire le principe de péréquation dans la loi organique.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, je défendrai plutôt l'amendement n° 27 que l'amendement n° 26, puisque l'auteur de ce dernier est M. Bonrepaux, qui s'exprimera après moi.

M. le président. Peu importe, ils sont tous identiques !

M. Bruno Le Roux. Certes, mais l'amendement n° 26 est de M. Bonrepaux.

A la suite de l'intervention de Mme Royal, je dirai simplement que la notion de péréquation est centrale et qu'un débat tranquille sur la décentralisation l'aurait mise au cœur de la réflexion.

Au lieu de programmer un désengagement de l'Etat envers les collectivités locales, destiné à leur faire porter des charges qu'il ne veut ou ne peut plus assumer - comme nous l'avons souligné dans toutes nos interventions -, un véritable débat aurait posé la question de l'égalité devant le service public local. Il aurait alors été nécessaire, plutôt que d'engager l'examen de votre texte dans la précipitation, d'effectuer un état des lieux des différences concernant les services publics locaux transférés par les premières lois de décentralisation. Alors que la notion de péréquation devrait être poussée bien plus loin, votre texte, en son état actuel, fait l'impasse sur la question.

Ainsi, aucun dispositif de péréquation n'a été prévu lors du transfert du RMI-RMA ; rien n'est prévu dans le projet de loi sur les responsabilités locales et, aujourd'hui, cette question n'est pas davantage abordée dans la loi organique.

Après l'intervention de Mme Royal, je veux, pour ma part, lier la notion de péréquation à la question du taux d'autonomie financière des collectivités locales.

Monsieur le ministre, les dotations de péréquation verticales, attribuées sur le budget de l'Etat et non au terme d'une redistribution des ressources entre collectivités, ne doivent pas être intégrées dans le calcul du taux d'autonomie financière. Nous aurons encore l'occasion d'en débattre dans le courant de l'après-midi quand nous discuterons de la définition des ressources des collectivités locales, mais je veux en parler dès maintenant parce que la question de la péréquation verticale est centrale. En effet, si tel était le cas, on risquerait de voir toute dotation de ce type rendue impossible car elle conduirait à dégrader le taux d'autonomie financière.

Alors que la loi constitutionnelle avait introduit une référence, certes succincte, à la notion de péréquation, aucune disposition du projet de loi organique n'y est consacrée. Pire, la combinaison des définitions des ressources propres - les dotations de péréquation issues de l'Etat n'en feraient pas partie - et du taux d'autonomie financière - rapport des ressources propres sur l'ensemble des ressources, dotations de péréquation cette fois incluses - pourrait se révéler un frein puissant à la mise en œuvre d'une politique de solidarité territoriale ou d'aménagement du territoire ambitieuse.

Toute nouvelle dotation de péréquation d'un montant important viendrait, en effet, dégrader le taux d'autonomie financière et pourrait rendre impossible, à l'heure actuelle, le respect de la condition fixée à l'article 3.

Pour nous, il est vital, au contraire, face à l'abandon de ces objectifs par le Gouvernement et par la majorité, d'assurer la possibilité des mécanismes de péréquation par une redistribution des ressources entre les collectivités ainsi que par l'attribution de ressources en provenance de l'Etat.

Si je sors un peu du sujet de la seule péréquation, c'est pour vous montrer que, dans ce débat, que vous espérez le plus court possible, tout est lié.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Mon collègue vient de démontrer toute l'hypocrisie de la manipulation que je dénonce moi aussi : si, d'un côté, la Constitution garantit, paraît-il, la péréquation, de l'autre, la loi organique refuse d'exclure les dotations du calcul du taux d'autonomie financière, si bien que, comme M. Le Roux l'a expliqué, on ne pourra plus réaliser de péréquation verticale parce qu'elle sera contraire à la Constitution. On marche sur la tête !

La loi de finances, nous répondrez-vous, a déjà prévu des dispositifs de variation pour les communes, les départements et les régions. Mais vous savez bien que les écarts sont trop importants pour que ces dispositifs soient efficaces. De plus cela ne témoigne pas d'une volonté politique de procéder à une péréquation puisque vous vous en remettez aux décisions du comité des finances locales, sachant qu'il n'y aura jamais de fortes péréquations parce que les décisions seront prises, comme c'est le cas actuellement, pour toujours garantir les ressources.

S'il y avait une forte péréquation, le fait que les dotations, par exemple des départements ou des régions les plus pauvres, augmentent serait considéré comme contraire à la Constitution. Cela montre qu'il est faux d'affirmer que cette dernière garantit la péréquation.

En revanche, les disparités entre les départements et entre les régions existent bel et bien et elles sont considérables : un rapport récent du Sénat montre que les écarts vont de un à quarante. Avec le dispositif que vous proposez, il faudrait vingt-quatre ans pour les réduire et pour trouver les 250 millions d'euros qui manquent, chaque année, pour remettre à flots les régions les plus en retard.

Votre réforme constitutionnelle, est une annonce de plus : on va faire la péréquation ! Ce n'est pas certain mais on le promet. Voilà qui nous rappelle la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire de M. Pasqua, en vertu de laquelle le Gouvernement devait déposer, avant le 2 avril 1996, un rapport comportant un calcul des ressources des collectivités locales et de leurs groupements, des propositions relatives à la détermination d'un indice synthétique permettant de mesurer les ressources et les charges des collectivités territoriales et de leurs groupements, des propositions tendant à renforcer la contribution des concours, dotations et ressources. Mais, en 1996, nous n'avons rien vu venir !

La même loi disposait également : « Les résultats de la révision générale des évaluations cadastrales seront incorporés dans les rôles d'imposition au plus tard le 1er janvier 1997. »

Malheureusement, il ne s'agissait que d'annonces, tout comme n'est qu'une annonce l'insertion de la péréquation dans la Constitution. Le Gouvernement ne se rend pas compte que le dispositif qu'il met en place empêchera toute péréquation au lieu de la favoriser.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. L'avis de la commission, cela ne surprendra pas les auteurs de tous ces amendements, est identique, c'est-à-dire défavorable, à celui qui a été formulé sur l'amendement de M. Chassaigne, pour les raisons que j'ai évoquées et sur lesquelles je ne reviens pas.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, saisie pour avis.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, saisie pour avis. Je voudrais rassurer nos collègues sur la question de la péréquation.

Le terme de péréquation est désormais inscrit dans la Constitution, ce qui constitue une grande novation et, comme l'indique la réforme de l'année dernière, la mise en place de cette péréquation se fera dans le cadre de la loi simple. Nous avons d'ailleurs commencé de le faire à l'occasion de la loi de finances pour 2004. En effet, et même si cela est passé un peu inaperçu, est organisée, pour la première fois, à partir des concours de l'Etat, une véritable péréquation à la fois au niveau régional, ce qui n'existait pas jusqu'à présent, au niveau départemental et au niveau communal, en distinguant dans les concours de l'Etat, qui sont regroupés, d'une part, un socle de garanties et, d'autre part, une part de péréquation.

Nous allons poursuivre ce travail. Augustin Bonrepaux le sait bien puisqu'il fait partie du petit groupe de travail, constitué depuis quelques mois au sein du comité des finances locales, lequel a rendu ses propositions, le mois dernier, en présence du ministre. La mise en place d'un ensemble de critères, qui ont fait l'objet d'un consensus au sein du groupe de travail, permettra, dès 2005, d'accentuer la péréquation.

On peut donc affirmer que les différentes propositions du Gouvernement vont vraiment dans le sens d'une amélioration de la péréquation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Dans la suite des propos de M. Carrez, je prétends qu'on ne peut pas balayer d'un revers de main tout ce qui a été fait en matière de péréquation, d'autant que, sur ce sujet, nous ne partons pas d'une page blanche, c'est le moins que l'on puisse dire. Tout le monde y a apporté sa contribution, gouvernement après gouvernement, quelle que soit sa sensibilité politique ; cette construction s'est édifiée année après année.

De ce point de vue, le Gouvernement n'est pas en reste : en 2004, les péréquations communales auront progressé de 3,27 %, les péréquations départementales de 8 %, et la nouvelle dotation de péréquation régionale de 24 %. Ces taux sont tout à fait significatifs.

Surtout, et c'est sur cela que je veux insister, le point marquant a été d'inscrire dans la Constitution le mot péréquation. Or, pour reprendre la formule de Mme Royal, on ne peut pas prétendre que c'est un « mot en l'air » : il est désormais inscrit dans la norme la plus élevée de notre hiérarchie juridique. En conséquence, nous avons l'obligation constitutionnelle de créer un système qui soit cohérent avec cette obligation. Sur ce point, personne ne peut prendre le Gouvernement en défaut quant au travail qu'il a commencé d'accomplir en la matière.

Cela étant, il faut faire les choses dans le bon ordre, une étape après l'autre. C'est la raison pour laquelle, je l'ai répété à plusieurs reprises jeudi après-midi, notamment à M. Bonrepaux, nous travaillons, dans le cadre de cette loi organique précisément, sur un certain nombre de concepts.

Tel est le cas du taux d'autonomie financière. On peut en discuter - cela a été fait longuement avant l'adoption de l'article 3 -, le contester ou trouver qu'il souffre de faiblesses, car rien n'est parfait dans cette affaire complexe des finances publiques locales. Néanmoins, le projet présente l'intérêt de fixer des normes et des lignes claires.

Reste à achever la première lecture de ce texte ; c'est ce que nous faisons. Puis il ira au Sénat, avant de revenir ici en deuxième lecture, ce qui nous donnera l'occasion, si vous le souhaitez, de reparler de ce taux d'autonomie financière.

Sur le sujet précis de la péréquation, vous nous retrouverez au rendez-vous, car nous avons, je le répète, une obligation constitutionnelle à assumer. C'est notre devoir.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. J'entends bien votre argumentation, monsieur le ministre, mais j'ai le sentiment qu'elle ne s'appuie que sur un acte de foi. En définitive, avec ce texte - je reprends l'expression auvergnate que j'ai déjà employée -, vous nous faites acheter un âne dans un sac. Nous ne disposons d'aucune précision sur la péréquation.

Certes, et mes collègues socialistes l'ont bien expliqué, la péréquation apparaît indirectement dans le rapport entre les ressources propres et les ressources totales : dans la mesure où l'on maintient dans les ressources totales les dotations de péréquation, cela jouera automatiquement sur leur éventuelle augmentation. En effet, l'accroissement de ces dotations de péréquation, telles que la dotation de solidarité rurale, ferait baisser les ressources propres.

Donc vous intégrez bien indirectement la péréquation dans la loi, mais vous ne fournissez pas les garanties qui seraient nécessaires.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Ni M. le ministre ni les rapporteurs, et c'est grave, n'ont répondu à l'objection fondamentale formulée par Bruno Le Roux, objection que j'avais moi-même présentée lors du débat sur l'évaluation des ressources : nous affirmons que si l'on ne prévoit pas la péréquation dans le texte, la Constitution l'interdira, puisque vous n'avez pas voulu sortir des ressources les dotations de l'Etat et puisque les communes ou les départements qui bénéficieront de ressources provenant de l'Etat verront automatiquement leur autonomie diminuer.

Pourquoi ne pas accepter cet amendement puisque la loi organique est faite pour préciser la Constitution ?

Par ailleurs, selon vous, monsieur le ministre, les dotations des communes auraient augmenté. C'est oublier un artifice, qui est peut-être une erreur, mais par lequel ont été répartis plus de 20 millions d'euros qui n'existent pas ! Certes, cela augmente le pourcentage, mais les crédits, je le répète, n'existent pas. C'est la première fois que je vois cela depuis que je siège au comité des finances locales.

Enfin, monsieur le rapporteur général, les propositions du CFL sont calquées sur la loi de finances et vous savez très bien que ce n'est pas ce comité qui pourra réaliser la péréquation. Sinon cela signifierait que le Gouvernement aurait démissionné de sa responsabilité politique pour s'en remettre au bon vouloir dudit CFL, responsabilité qui lui commande de réduire les écarts entre les régions. Or, selon le rapport du Sénat, il faudrait vingt-quatre ans pour cela !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je mets aux voix les amendements nos 25 à 39.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 25

              Nombre de suffrages exprimés 25

              Majorité absolue 13

        Pour l'adoption 9

        Contre 16

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

J'en viens à l'amendement n° 7.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le défendre.

M. André Chassaigne. Cet amendement est important, car il traite d'un problème de fond : celui des critères de la péréquation.

Alors que le principe de péréquation a été intégré dans la Constitution, je regrette que la loi organique ne s'intéresse pas de façon plus précise à ces critères. Nous considérons en effet la péréquation financière comme absolument fondamentale. Elle seule peut compenser, sur tout le territoire, les conséquences des fortes concentrations de bases d'impôts locaux sur une très faible partie du territoire national. Rappelons que 90 % des bases de taxe professionnelle sont concentrées dans à peine 10 % des communes.

L'amendement n° 7 vise donc à fixer des critères qui doivent tenir compte, non seulement du potentiel fiscal des communes, mais aussi de leurs handicaps sociaux. La proportion de logements sociaux et le nombre de personnes en difficulté, par exemple, doivent être pris en considération.

M. Bruno Le Roux. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement, lequel a encore moins de rapport avec la loi organique que les amendements précédents. A titre personnel, fidèle à l'esprit de la commission, j'émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 8.

M. André Chassaigne. Cet amendement vise à inscrire dans la loi organique le principe en vertu duquel l'évaluation des valeurs locatives, constitutives des bases imposables des impôts locaux, doit être révisée tous les dix ans.

Certes, ce problème est ancien, mais je rappelle que les bases de la taxe foncière sur les propriétés non bâties n'ont pas été révisées depuis 1961, celles des taxes foncières et de la taxe d'habitation ne l'ayant pas été depuis 1970.

M. le président. Vous souhaitez donc qu'elles soient révisées tous les dix ans.

M. André Chassaigne. Oui, et c'est important, car, en définitive, ce sont les impôts locaux qui paieront les transferts de compétences.

M. le président. La commission et le Gouvernement ont un avis défavorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour défendre l'amendement n° 166.

M. Augustin Bonrepaux. M. Dosière, qui a activement participé au débat dans cet hémicycle la semaine dernière, n'a pu être présent aujourd'hui. Il m'a donc chargé de défendre ses amendements.

La loi organique doit garantir aux collectivités locales la possibilité de recourir librement à l'emprunt, car ce dernier constitue un élément important de l'autonomie financière. En effet l'autonomie dépend aussi du pouvoir de décision. René Dosière l'a d'ailleurs démontré à plusieurs reprises lors de ses interventions.

En outre, toute réduction ou limitation de cette possibilité constituerait une remise en cause de l'autonomie financière qui induit la liberté en matière de fiscalité et de gestion. Si la Constitution garantit réellement l'autonomie financière des collectivités locales, vous ne pouvez qu'accepter cet amendement.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à cet amendement.

Je mets aux voix l'amendement n° 166.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 4

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 4.

La parole est à Mme Ségolène Royal.

Mme Ségolène Royal. Cet article met en place le dispositif de correction d'une éventuelle remise en cause du taux plancher d'autonomie financière. La principale critique qui doit y être apportée est que les mécanismes de rééquilibrage du degré d'autonomie financière pourront s'appliquer avec un décalage de cinq ans.

L'article 4 prévoit en effet que, pour chaque année, le Gouvernement remettra, au plus tard le 1er septembre de l'année n + 2, un rapport faisant apparaître ce taux d'autonomie. Dans le cas où ce dernier s'avèrerait inférieur au montant atteint en 2003, des mesures correctrices devront être adoptées au plus tard dans le cadre de la loi de finances de la troisième année « suivant celle où ce constat a été fait », soit un décalage de cinq années. Ce n'est pas sérieux !

Un tel dispositif est largement insatisfaisant et, notamment, aucune obligation a priori n'est prévue.

Si le déséquilibre n'était pas prévisible, le temps de réponse est très long puisque l'obligation de mesures correctrices - dont rien n'indique qu'elles seraient suffisantes pour assurer le respect du seuil fixé à l'article 3 - ne serait effective qu'au bout de cinq ans.

S'il était prévisible, on peut néanmoins s'interroger sur la conformité de cet article 4 - de niveau organique - avec le principe constitutionnel fixé par l'article 72-2 tel que précisé par l'article 3 du projet de loi.

Le Gouvernement pourrait-il sciemment, sans encourir la censure du Conseil constitutionnel, dégrader le taux d'autonomie financière dans le cadre, par exemple, d'une loi de finances, en arguant du fait que la seule obligation constitutionnelle s'imposant à lui est de proposer des mesures correctrices dans un délai de cinq ans ?

En définitive, il apparaît nécessaire de définir des mécanismes de respect a priori du seuil fixé à l'article 3 en obligeant, par exemple, à la compensation de tout transfert ou création de compétence par l'attribution d'impositions dont les collectivités votent le taux ou déterminent le tarif. Tel est précisément l'objet de nos amendements nos 55 et suivants, car les collectivités territoriales ne veulent pas vivre à crédit.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Mme Royal vient de démontrer que le dispositif prévu par cet article entraînerait des délais trop longs. Je prends un seul exemple : s'agissant du transfert du RMI aux départements, la loi prévoit une évaluation, sur la base des comptes administratifs, de l'augmentation de la charge pour 2004. Selon le ministre, que j'ai interrogé sur ce point, cette augmentation serait corrigée au plus tôt en 2006. Or le RMI a déjà augmenté de 10 % en trois mois. Qu'en sera-t-il à la fin de l'année ?

Les départements sont donc contraints de payer ces augmentations, sans bien savoir d'ailleurs comment l'ajustement sera calculé et en ignorant si le retard sera pris en charge. Il conviendrait de procéder à une première actualisation vers la fin de l'année, car deux ans constituent un délai déjà bien long. Or, monsieur le ministre, vous nous proposez une actualisation dans cinq ans. Ce n'est pas sérieux ! En acceptant nos amendements, nous aurions un délai de trois ans qui serait beaucoup plus raisonnable.

M. le président. Nous en venons aux amendements.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour défendre l'amendement n° 168.

M. Augustin Bonrepaux. Cet amendement de M. Dosière me donne l'occasion de rappeler à M. le président de la commission des finances - M. le rapporteur général voudra bien lui transmettre mes propos -, qui voulait instaurer un observatoire pour surveiller les collectivités locales - lesquelles sont, bien entendu, responsables des augmentations de dépenses, qui ne doivent rien à l'insuffisance des transferts de ressources ! - qu'il existe un observatoire des finances locales, particulièrement qualifié pour élaborer le rapport prévu à l'article 4.

M. le président. Monsieur Bonrepaux, je ne suis pas certain qu'une telle disposition devrait figurer dans une loi organique. Elle semble même relever du domaine réglementaire. Or, comme vous le savez, je suis très attaché à la séparation qu'opèrent à cet égard les articles 34 et 37 de la Constitution.

C'est à titre amical que je vous adresse cette remarque, car je sais avec quelle méticulosité vous veillez au respect des institutions de la VRépublique. (Sourires.)

Quoi qu'il en soit, la commission et le Gouvernement ont un avis défavorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 168.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 9.

M. André Chassaigne. L'amendement propose que le rapport prévu à l'article 4 soit suivi d'un débat dans chaque assemblée.

M. le président. Avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 167 rectifié et 169, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour soutenir l'amendement n° 167 rectifié.

M. Augustin Bonrepaux. Ainsi que je l'ai souligné lors de mon intervention sur l'article 4, on ne peut pas accepter que la correction de la dégradation de l'autonomie financière prenne cinq ans.

L'amendement de M. Dosière propose que les mesures correctrices interviennent le plus rapidement possible après le constat du non-respect du ratio des ressources propres.

M. le président. Les avis de la commission et du Gouvernement sont défavorables.

Je mets aux voix l'amendement n° 167 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Augustin Bonrepaux. Je vous prie de m'excuser, monsieur le président, mais, jusqu'à présent, la commission a toujours eu la possibilité d'émettre un avis surtout sur un amendement aussi important.

M. le président. La commission, monsieur Bonrepaux, m'a fait savoir qu'elle était défavorable à cet amendement.

M. Augustin Bonrepaux. J'aurais souhaité entendre son argumentation, afin de comprendre sa position.

M. le président. Nous pourrions voir cela tout à l'heure, monsieur Bonrepaux ?

La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l'amendement n° 169.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Votre interprétation de mon avis sur le précédent amendement est tout à fait justifiée, monsieur le président.

Cela étant, dans son esprit, l'amendement n° 169 rejoint la volonté exprimée par nos collègues socialistes.

Dans le cadre du dialogue constant que nous avons avec le Gouvernement, nous avons montré que le délai était trop long entre la date de publication du rapport et la date de rectification consécutive à ce rapport. Voilà pourquoi notre amendement propose de réduire ce délai de trois à deux ans. En revanche, un délai d'une seule année ne serait pas réaliste.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Monsieur le président, si j'ai gardé le silence au sujet de l'amendement précédent, c'est non seulement parce que j'y suis défavorable, mais aussi parce qu'il me paraissait bon de le lier avec celui-ci dans une même réponse.

Voilà une nouvelle illustration du fait que personne, dans ce débat sur la décentralisation, ne détient la vérité révélée. S'il est des sujets sur lesquels je peux tout à fait comprendre que les positions soient très tranchées entre la majorité et l'opposition, nous devons, dans ce domaine, trouver le progrès en marchant. Ce sera également le cas lors de la deuxième lecture du projet de loi sur les responsabilités locales.

En ce qui concerne le délai de présentation du rapport, il convenait de trouver une voie moyenne. Après y avoir réfléchi, et à la lecture de l'amendement présenté par M. Geoffroy, le Gouvernement se range à son avis. Je crois en effet que l'on doit pouvoir réduire le délai à deux ans. Un an serait un délai trop court. Cela obligera sans doute notre administration à travailler avec la célérité qui s'impose, mais cela lui permettra aussi de manifester la précision et la compétence qu'on lui connaît.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 169.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Monsieur Bonrepaux, je vous redonne la parole pour défendre l'amendement n° 157.

M. Augustin Bonrepaux. Puisque rapport il y aura, autant que l'essentiel y soit précisé, à savoir l'existence d'une volonté réelle de réaliser la péréquation. C'est pourquoi, avec mes collègues de la commission des finances, en particulier M. Balligand, ainsi que avec M. Dosière qui appartient à la commission des lois, nous avons jugé indispensable que ce rapport fasse apparaître, pour chaque catégorie de collectivités, le taux médian de ressources propres constaté par rapport à l'ensemble des ressources, son évolution dans le temps, ainsi que les mesures prises pour assurer son relèvement. Un rapport dispensant une information objective sur l'état des finances des collectivités territoriales devrait en effet comporter ces indications.

Une telle mesure serait conforme à l'esprit de la loi du 4 février 1995 de M. Pasqua que j'ai déjà évoquée. Celle-ci disposait en effet que le Gouvernement déposerait un rapport comportant un calcul des ressources des collectivités territoriales et de leurs groupements - c'est bien ce que nous demandons - et des propositions relatives à la détermination d'un indice synthétique permettant de mesurer les ressources et les charges des collectivités territoriales et de leurs groupements, mais précisant aussi les moyens de réduire les écarts constatés en matière de ressources ou de charges.

Par cet amendement, nous ne faisons donc que transcrire dans ce projet de loi des propositions déjà adoptées par cette majorité. Serait-ce contraire au principe d'une loi organique, monsieur le président ?

Je ne comprends donc pas pourquoi un tel dispositif, qui rassurerait les élus quant à la volonté d'établir une péréquation, ne pourrait pas être adopté.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Défavorable.

Toute la valeur de ce rapport réside dans le constat qu'il dresse de l'évolution du niveau d'autonomie des collectivités. Il ne vise pas à préciser les mesures qui doivent être prises. Celles-ci sont en effet de la responsabilité du Gouvernement.

M. le président. Le Gouvernement est du même avis.

Je mets aux voix l'amendement n° 157.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 10 à 24.

La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Nous souhaitons, là encore, faire en sorte que le rapport soit le plus utile possible et qu'il permette au Gouvernement de prendre les décisions qui s'imposent.

Comme nous l'avons fait remarquer précédemment, la référence à des catégories de collectivités territoriales repose sur une moyenne et conduit à négliger l'extrême diversité des situations réelles en la matière au sein d'une même catégorie. Ainsi, le taux d'autonomie financière peut varier de près de 5 % à 95 % pour des collectivités appartenant à une même catégorie. Tel est particulièrement le cas en ce qui concerne les communes, qui sont dans des situations très diverses selon leur taille, ou des collectivités d'outre-mer.

C'est pourquoi, à défaut d'avoir adopté nos amendements visant à tenir compte des différences dans ces deux cas, il conviendrait, de l'avis de tous les rédacteurs de ces amendements, de compléter la référence à la moyenne par la prise en compte de cette forte dispersion interne.

M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal.

Mme Ségolène Royal. Ce n'est pas vous, monsieur le président, qui, à plusieurs reprises et à juste titre, avez émis des craintes sur l'avènement d'une république à plusieurs vitesses, qui pourrez nous reprocher de défendre des amendements dont l'objectif est justement de l'éviter.

M. le président. Je ne vous reproche rien, madame !

Mme Ségolène Royal. C'est parfait !

M. le président. Merci !

Mme Ségolène Royal. La référence à des catégories de collectivités locales repose sur une moyenne, ce qui conduit à négliger l'extrême diversité des situations réelles en la matière au sein d'une même catégorie. Ainsi, le taux d'autonomie financière peut varier de près de 5 % à 95 % pour des collectivités appartenant à une même catégorie. Tel est particulièrement le cas en ce qui concerne les communes, qui sont dans des situations très diverses selon leur taille, ou des collectivités d'outre-mer.

À défaut d'avoir adopté nos amendements visant à tenir compte, dans ces deux cas, des différences, il conviendrait à tout le moins de compléter la référence à la moyenne par la prise en compte de cette forte dispersion interne, ce que proposent les amendements nos 10 à 24.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. L'essentiel a été dit, mais je tiens à souligner, une fois de plus, les contradictions entre ce projet de loi organique et la Constitution.

Celle-ci prévoit en effet la péréquation, de même qu'elle garantit, paraît-il, l'autonomie financière des collectivités territoriales. Or nous avons déjà démontré que l'autonomie ne faisait l'objet d'aucune garantie. On nous dit maintenant qu'il ne faut pas parler de la péréquation dans ce texte. A quoi servira donc cette loi organique ?

Ces amendements ne font que rappeler un principe que vous aviez inscrit dans la loi de 1995, mais qui n'a jamais été concrétisé.

Le ministre affirme que, la péréquation étant inscrite dans la Constitution, sa mise en œuvre constitue maintenant une obligation. Encore faut-il l'appliquer ! Pour cela, nous n'avons d'ailleurs pas eu besoin de la Constitution. J'ai eu l'occasion de citer tous les systèmes déjà mis en place dans ce domaine, et qui ont conduit à améliorer les moyens des collectivités locales : la DSU, la DSR, la DFM, le fonds de correction des déséquilibres régionaux...

Aujourd'hui, alors que la péréquation figure dans la Constitution, on nous dit qu'il ne faut pas en parler dans la loi organique !

Ces contradictions ne font que souligner ce que je n'ai cessé de dénoncer, c'est-à-dire l'hypocrisie qui caractérise l'ensemble du dispositif : d'un côté, la Constitution est supposée offrir des garanties ; de l'autre, la loi organique ne garantit rien.

M. le président. L'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 10 à 24.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié par l'amendement n° 169.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 4

M. le président. Avant d'en venir aux amendements portant article additionnel après l'article 4, je vous informe que, sur les amendements nos 40 à 54, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Je suis également saisi, par le même groupe, d'une demande de scrutin public sur les amendements nos 55 à 69.

Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

J'en viens donc aux quinze amendements identiques, nos 40 à 54.

La parole est à Mme Ségolène Royal.

Mme Ségolène Royal. Ces amendements sont une nouvelle occasion de pointer l'absence totale de prise en compte, dans ce texte, de la question de la péréquation. Je trouve d'ailleurs assez curieux l'argument du ministre délégué selon lequel, dans la mesure où la péréquation est mentionnée dans la Constitution, il n'y aurait pas besoin de l'inscrire dans la loi organique. On pourrait très bien le retourner et demander pourquoi vous avez peur de procéder à cette inscription. Il est vrai que cela vous obligerait à donner à la péréquation une valeur opérationnelle.

Nous voulons que ce principe soit très clairement rappelé dans la loi organique, parce que nous tenons à l'asseoir sur une base juridique forte.

Par ces amendements, nous proposons donc de prévoir systématiquement un dispositif de péréquation destiné à permettre aux collectivités territoriales d'exercer leurs compétences dans des conditions égales sur l'ensemble du territoire. Cela aurait dû déjà être le cas au moment du vote de la loi sur le RMI-RMA, tant il est évident que tous les départements ne sont pas concernés de la même façon par l'exclusion sociale et ne disposent pas des mêmes moyens pour y répondre. Une nouvelle fois, c'est le principe de l'égalité d'accès au service public que nous voulons voir clairement inscrit dans cette loi organique.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Ces amendements sont destinés à éviter la grande braderie des services publics. Une décentralisation responsable suppose que chaque nouveau transfert de compétences soit accompagné non seulement des moyens susceptibles d'en garantir la réalité, c'est-à-dire une dotation de l'Etat, sans quoi il ne s'agirait que d'un désengagement de la part de ce dernier, mais aussi d'un mécanisme de péréquation, qui prémunira nos concitoyens contre un service public local à plusieurs vitesses.

Si nous voulons rassurer les Français - ce qui ne semble pas être votre objectif depuis plusieurs mois que nous examinons des textes sur la décentralisation -, et pour éviter la grande braderie des services publics, il faut donc prévoir, pour chaque transfert de compétences, à la fois un mécanisme de compensation réévalué selon nos vœux et un mécanisme de péréquation.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Je souhaite éclairer ces amendements à l'aide de deux exemples.

Le premier est donné par le transfert du revenu minimum d'insertion.

Lorsque nous en avons débattu, on nous a dit qu'il était impossible de pratiquer la péréquation dans ce domaine. Pourtant, les charges transférées sont bien différentes d'un département à l'autre. En effet, si le taux moyen de Rmistes par département se situe autour de 3 %, certains départements atteignent des taux de 5 %, voire 7 %. Ils doivent donc assumer des charges beaucoup plus importantes. De surcroît, il s'agit souvent de départements disposant de faibles ressources - l'Aude, l'Ariège, l'Hérault, le Gard, où le taux est de 7 % -, de même que les départements du Nord-Pas-de-Calais qui, en raison de la désindustrialisation et de la montée du chômage, se situent également au-dessus de 5 %.

On nous a affirmé qu'un système de péréquation ne pouvait pas être mis en place, alors que c'était justement à cette occasion qu'il fallait le faire. On avait alors renvoyé la question à la loi évoquée par M. Carrez. Or, et ce dernier peut en témoigner, le rapport évalué par le comité des finances locales ne prend pas en considération cette disparité due au RMI.

Mon second exemple est celui des SDIS, les services départementaux d'incendie et de secours.

Le ministre de l'intérieur précédent nous avait expliqué qu'il allait nous attribuer 1,3 milliard en provenance de la taxe sur les conventions d'assurance. Aujourd'hui, le ministre délégué nous indique que ce produit servira à compenser les transferts. Comment seront donc finalement compensées les augmentations de charges liées aux SDIS ? La question se pose et de tels amendements sont donc tout à fait justifiés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Ce texte vise à assurer l'autonomie financière des collectivités locales, en application du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution. Nous avons déjà eu une discussion fort intéressante la semaine dernière sur la péréquation. Je crois donc qu'il serait très ennuyeux d'aller trop loin dans ce texte sur cette question. L'inscription d'une notion dans la Constitution n'est pas neutre. Quand on ne rend pas un rapport, cela n'a aucune conséquence juridique, encore moins politique. Par contre, si des mesures de péréquation n'étaient pas prises, notamment en loi de finances, alors que la Constitution l'exige, le Conseil constitutionnel saurait rappeler le législateur et le Gouvernement à leurs obligations. Vos inquiétudes ne sont donc pas fondées.

La Constitution n'est pas un simple morceau de papier : elle est la loi fondamentale. Aller au-delà en inscrivant une précision supplémentaire dans une loi organique dont ce n'est pas l'objet ne serait pas de mise.

La commission a émis un avis défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je suis en total désaccord avec cette série d'amendements. On confond deux notions.

Nous sommes tous attachés au principe de la péréquation, M. Geoffroy l'a rappelé, et nous sommes d'accord pour qu'elle soit mise en œuvre à l'occasion d'une compensation de charges résultant d'une création ou d'une extension de compétences, mais pas en cas de transfert de compétences.

Quand l'Etat s'engage à transférer à l'euro près ce qu'il dépensait, comment voulez-vous qu'on y ajoute une péréquation ? Cela est techniquement impossible !

Il faut s'en tenir à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui, saisi à propos du RMI, a rappelé qu'il n'était pas obligatoire que chaque transfert ou création de compétence donne lieu à péréquation.

M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je mets aux voix les amendements nos 40 à 54.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 26

              Nombre de suffrages exprimés 26

              Majorité absolue 14

        Pour l'adoption 9

        Contre 17

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Nous en venons à quinze amendements identiques, nos 55 à 69 sur lesquels, je le rappelle, j'ai été saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Il s'agit d'une question d'actualité puisque le Président de la République a annoncé la suppression, à terme, de la taxe professionnelle, de façon précipitée, quelques jours seulement après le vote de la loi de finances et le refus par le Gouvernement et par la commission des finances d'un amendement du groupe socialiste qui proposait de réformer cette taxe afin de la faire reposer davantage sur la valeur ajoutée. Depuis, on a appris que la prise en compte des investissements serait gelée, avec une compensation par un dégrèvement. Je crois, monsieur le rapporteur général, que cela va tout de même coûter autour de 3 milliards d'euros.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Oui !

M. Augustin Bonrepaux. On aurait pu en faire l'économie, tout simplement en acceptant l'amendement que nous avions déposé à la loi de finances. Nous proposions en effet de revenir à l'écrêtement par rapport à la valeur ajoutée qui avait été mis en place par le gouvernement précédent et que M. Juppé avait précédemment modifié en 1995. Les entreprises de main-d'œuvre auraient été avantagées et le financement aurait mis à contribution les entreprises à forte valeur ajoutée et à faible utilisation de main-d'œuvre. J'avais pourtant cru comprendre que tel était l'objectif de la réforme. Cela correspondait d'ailleurs à ce que vous proposiez dans un article publié jeudi dernier dans un quotidien économique.

Cette manière d'agir correspond-elle à une bonne gestion des finances de l'Etat ?

Par ailleurs, les élus sont aujourd'hui dans une totale incertitude et ils sont inquiets. Ceux de l'Isère, par exemple, remettent en cause les soutiens qu'ils apportaient aux entreprises parce qu'ils ne savent plus s'ils vont bénéficier de la taxe professionnelle dans les mêmes conditions. J'ajoute que toute réforme qui délocaliserait les bases sur lesquelles est assise cette taxe se traduirait par des transferts d'une collectivité à l'autre, souvent au détriment des collectivités les plus en difficulté. Dans les bassins industriels, par exemple, les plus fortes bases seraient alors dans les zones d'activité à forte valeur ajoutée alors que les communes qui bénéficiaient jusqu'à présent de l'essentiel du produit de la taxe professionnelle seraient en difficulté.

La méthode raisonnable, vous vous y êtes d'ailleurs rallié, monsieur le rapporteur général, serait de tenir compte de la valeur ajoutée comme nous le proposions.

Ces amendements apportent une garantie en prévoyant que, pour toute modification de la structure des recettes, il faut consulter au moins les associations d'élus représentatives. Aujourd'hui, elles sont toutes inquiètes et ne voient pas comment on pourrait à la fois maintenir les bases actuelles et réaliser une réforme, si ce n'est par le dispositif que vous proposez.

Reconnaissez que nous avions déposé un amendement apportant une solution allant en ce sens et que vous vous y étiez opposé à l'époque.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Dans son exposé fort long mais fort intéressant pour défendre la motion de renvoi en commission, notre collègue René Dosière, la semaine dernière, nous a expliqué, sans trop nous convaincre, que notre projet de loi allait empêcher toute réforme de la fiscalité locale, alors qu'elle est pourtant souhaitée sur l'ensemble de ces bancs.

Ces amendements vont encore plus loin dans le mauvais sens puisqu'ils créent une véritable rigidité. Il s'agit non plus d'opérer le rétablissement en temps réel ou au bout d'un an ou deux, mais tout simplement de faire en sorte qu'il n'y ait jamais lieu d'opérer un quelconque rétablissement.

Une telle rigidité est absolument contraire à l'esprit du texte en discussion et de la réforme constitutionnelle. C'est l'une des raisons qui ont conduit la commission à repousser l'ensemble de ces amendements.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La nécessité de cette loi organique est avant tout apparue à la suite du constat que, au cours des dernières années, des impôts locaux avaient été remplacés par des dotations.

Sur le fond, ces décisions étaient justifiées. En effet la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle a été une bonne mesure pour les entreprises. Il en a été de même de la quasi-suppression des droits de mutation qui freinaient la mobilité professionnelle. La suppression de la part régionale de la taxe d'habitation est tout aussi compréhensible. En fait nous n'avons contesté que les modalités de réalisation, c'est-à-dire le fait que des impôts soient remplacés par des dotations.

Nous avons eu ce débat au sein de la commission Mauroy. Jean-Paul Huchon, président du conseil régional, a expliqué que la région Île-de-France était ainsi en train de perdre toute autonomie financière. Il suffit, pour s'en convaincre, d'examiner les chiffres. Je vais prendre deux exemples.

En Ile-de-France, le taux d'autonomie financière de la région, qui était de 60 % en 1997, est tombé à 30 % en 2003, dans le budget primitif, puisque c'est la dernière donnée dont nous disposons. En Poitou-Charentes, c'est un peu moins grave mais il est passé de 56 % à un peu plus de 30 %. Cela pose problème !

La loi organique vise avant tout à établir le principe selon lequel, quand on supprimera des impôts pour telle ou telle raison, on essaiera de les remplacer par de nouveaux impôts pour lesquels les collectivités auront la maîtrise du taux et de l'assiette.

M. Augustin Bonrepaux. Ah !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le Président de la République vient de prendre une décision qui est tout à fait dans cette ligne. En proposant qu'on supprime la taxe professionnelle sur les nouveaux investissements de 2004 et de 2005, il n'a pas demandé qu'on la remplace, comme on l'a fait pour la part salaires, par une dotation. C'est la technique du dégrèvement qui sera retenue, celle-là même que j'avais proposée, vous vous en souvenez, monsieur Bonrepaux, lors du débat sur la suppression de la part salaires.

Dans le cadre d'un dégrèvement, en effet, la collectivité locale garde totalement la maîtrise de l'assiette et du taux. Ainsi, les nouveaux investissements des entreprises resteront dans les bases de taxe professionnelle. Les collectivités locales pourront, le cas échéant, augmenter leurs taux, et elles ne perdront pas un euro.

Voilà pourquoi la commission des finances a donné un avis défavorable à ces amendements.

M. le président. Monsieur le ministre, voulez-vous ajouter un mot ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Non ! Même avis que les commissions.

M. le président. Vous avez été éclairé par les lumineuses explications de M. Geoffroy et de M. Carrez. Pas vous, monsieur Bonrepaux ?

M. Augustin Bonrepaux. Je dirais même que les propos du rapporteur général ne font que m'inquiéter un peu plus !

Vous expliquez, monsieur le rapporteur général, qu'on pourra supprimer des impôts et les remplacer par d'autres dont les collectivités pourront faire varier l'assiette et le taux. Or, pour la TIPP, ce ne sera pas le cas.

M. le ministre délégué à l'intérieur. J'ai déjà répondu sur ce point !

M. Augustin Bonrepaux. L'idée que nous défendons est très répandue, et même le rapporteur général la partage. Personne ne peut comprendre que l'on parle d'autonomie quand on remplace la taxe professionnelle par la TIPP alors que les collectivités locales ne pourront en faire varier ni l'assiette ni le taux, ou quand on allège la taxe professionnelle par des dégrèvements alors que vous les avez tellement combattus.

En effet, le plafonnement par rapport à la valeur ajoutée était un dégrèvement, compensé chaque année. Or qui a pris comme référence l'année 1995 ? M. Juppé ! A l'époque vous n'étiez pas vraiment favorables aux dégrèvements. Qui nous dit ce qu'il en sera à l'avenir ?

Quant à la compensation que nous avons retenue pour la part salaires de la taxe professionnelle, vous oubliez un élément essentiel : cela permet aux communes qui voient disparaître des entreprises de la percevoir alors que ce ne serait pas le cas avec un dégrèvement. Cette façon de procéder correspondait à un souci de péréquation qui vous a échappé, ce qui montre bien que la péréquation n'est tout de même pas votre principale préoccupation. Ce que vous vouliez, c'était garantir des moyens à ceux qui en avaient déjà.

M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je mets aux voix les amendements nos 55 à 69.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 24

              Nombre de suffrages exprimés 24

              Majorité absolue 13

        Pour l'adoption 9

        Contre 15

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

J'en viens aux amendements identiques nos 70 à 84.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Ces amendements ont pour objet de poursuivre l'action engagée par M. Alain Lambert qui, lorsqu'il était ministre du budget, avait voulu faire varier librement les taux de taxe professionnelle. Cela se passait avant le vote de la loi constitutionnelle. Depuis, les collectivités locales ont besoin davantage encore de cette liberté. En effet, elles vont devoir supporter les transferts de charges résultant de la décentralisation, sur lesquels elles n'ont aucun pouvoir et qui, faute d'avoir été évalués correctement, ne seront pas suffisamment compensés par l'Etat.

Adopter ces amendements serait un moyen de témoigner que nous faisons confiance au sens des responsabilités des collectivités locales.

Depuis le vote de la loi de finances pour 2003, qui a permis d'aller jusqu'à 1,5 %, les collectivités se sont montrées responsables. Les élus, quels qu'ils soient, ont des réticences à augmenter les impôts. Leur laisser cette facilité serait aussi faire preuve de confiance à leur égard.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Ce Gouvernement, qui s'était présenté comme le chantre de l'autonomie fiscale et financière, ne va pas jusqu'au bout de ses intentions, notamment en matière de déliaison des taux sur les impositions locales.

Après un premier pas timide, dans le projet de loi de finances pour 2003, il a refusé d'aller plus loin.

Ces amendements proposent de mettre fin à ce que l'actuelle majorité a toujours présenté comme une atteinte à l'autonomie fiscale des collectivités, en supprimant tout lien entre les taux des différentes impositions, mettant ainsi les collectivités en situation de responsabilité face aux contribuables.

J'y vois un avantage supplémentaire : les collectivités qui ont de fortes bases de taxes professionnelles hésitent aujourd'hui à les augmenter parce qu'il n'y a pas de déliaison et que cela les contraindrait à augmenter les taux des autres taxes acquittées par leurs citoyens contributeurs.

Elles ne peuvent pas s'orienter dans cette voie qui semblait normale et qui permettrait peut-être de dégager une partie des contributions de l'Etat, au profit de la péréquation.

Je vois un gros avantage à ce que nous puissions enfin voter cette déliaison.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Cette série d'amendements présente une caractéristique, celle de réussir à rendre hommage à la fois au vice et à la vertu : au vice puisque, pendant cinq ans, de 1997 à 2002, comme l'ont rappelé ceux de mes collègues qui siégeaient à cette époque dans l'opposition, toutes nos demandes récurrentes de déliaison des taux se sont heurtées à une intransigeance et à un refus obstiné de la majorité de l'époque ; et à la vertu puisque, pour aller dans ce sens, la loi de 2003 a montré la voie.

M. Bruno Le Roux. Timidement !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Si l'on ajoute à ces considérations incontestables que ces amendements ne relèvent pas de la loi organique, mais de la loi de finances, on comprend que la commission des lois ait émis un avis défavorable.

M. Bruno Le Roux. Non, on ne le comprend pas !

M. le président. Le Gouvernement est défavorable.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Permettez-moi, monsieur le rapporteur, de vous faire remarquer que nous n'avons pas érigé l'autonomie financière en institution et que les dispositions de la loi constitutionnelle, adoptée au Sénat en 2000 pour garantir l'autonomie financière des collectivités locales, ne se retrouvent ni dans la Constitution ni dans ce projet de loi organique.

Puisque vous voulez garantir l'autonomie, pourquoi ne donnez-vous pas aux collectivités locales la liberté d'augmenter librement les taux ? Où est l'autonomie ? Où est la liberté ?

Nous avons ainsi, d'un côté, un discours, de l'autre, une réalité beaucoup plus triste et nous verrons bientôt les conséquences désastreuses de ces textes.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 70 à 84.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l'examen des articles.

Avec un peu de bonne volonté, nous aurions sans doute pu éviter de siéger cet après-midi.

Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi auraient lieu demain, mardi 18 mai, après les questions au Gouvernement.

    4

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Mardi 18 mai 2004, à neuf heures trente, première séance publique :

Questions orales sans débat ;

Fixation de l'ordre du jour.

A quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi organique, n° 1155, pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales ;

Discussion du projet de loi, n° 1586, d'orientation sur l'énergie :

Rapport, n° 1597, de M. Serge Poignant, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

A vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures vingt.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot