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Deuxième séance du mercredi 2 juin 2004

239e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures cinquante.)

      1

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. Daniel Paul. Je demande la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour un rappel au règlement.

M. Daniel Paul. Monsieur le président, cet après-midi, Mme Muguette Jacquaint a défendu une motion de renvoi en commission. La majorité l'a rejetée. Ce soir, entre vingt et une heures et vingt et une heures quarante, la commission a eu quatre-vingt-deux amendements à examiner. Et ce n'étaient pas des amendements de coordination. Il ne s'agissait pas de remplacer une virgule par le mot « et », ou l'inverse.

M. Pascal Terrasse. Comme c'est de coutume !

M. Daniel Paul. Il s'agissait, par exemple, de définir les modalités de la compensation, du moins si j'ai bien compris, parce qu'il faut dire que ces amendements nous ont été présentés au moment où nous sommes arrivés à la réunion de la commission. Quarante minutes pour quatre-vingt-deux amendements, faites le calcul : cela fait à peu près trente secondes par amendement, certains amendements faisant...

Mme Muguette Jacquaint. Deux pages et demie !

M. Daniel Paul. ...deux pages, trois pages, avec un exposé sommaire de plusieurs pages. C'est dire la complexité des problèmes posés.

Pour que cette loi puisse être présentée au Parlement vingt-neuf ans après la loi de 1975, deux ans de travail ont été nécessaires à Mme Boisseau, auxquels il faut ajouter encore deux mois après le changement de Gouvernement, le tout pour arriver à un résultat comme celui-ci. C'est du travail bâclé. Bâclé et méprisant à l'égard de l'Assemblée comme à l'égard des associations. Parce que j'aimerais bien savoir de quelle manière le travail de concertation a été fait avec les associations représentatives si c'est pour aboutir à des amendements présentés à l'Assemblée nationale dans ces conditions.

Madame la secrétaire d'État aux personnes handicapées, vous prétendez faire adopter à la hussarde une loi qui touche six millions de personnes,...

Mme Muguette Jacquaint. Là, il y a de l'abus !

M. Daniel Paul. ...et ce non seulement sans aucune concertation, comme je viens de le dire, mais aussi en revenant sur un certain nombre de dispositions qui avaient été précédemment adoptées par la commission, en reprenant certains de ses termes et en les modifiant, sans que l'on puisse en discuter en commission. Ce n'est tout simplement pas sérieux.

Notre règlement prévoit quand même, monsieur le président, qu'avant d'être discutés en séance publique, les textes de loi, qui ont fait l'objet d'un premier travail entre les diverses instances et les diverses associations, soient ensuite examinés en commission, afin que chacun puisse se faire une opinion. Or ce n'est pas le cas. Je suis incapable de dire, et je mets au défi quiconque ici, qu'il appartienne à la majorité ou à l'opposition, de dire quel est le contenu de ces amendements. Et ceux-ci ne touchent pourtant pas des sujets mineurs : ils définissent les barrières d'âge dont nous parlions cet après-midi, madame la secrétaire d'État, ils définissent les modalités selon lesquelles la compensation sera effective ou pas. Autrement dit, ils définissent, du moins s'ils sont adoptés, les réponses aux demandes des associations de personnes en situation de handicap.

M. le président. Monsieur Paul,...

M. Daniel Paul. Ce n'est pas sérieux, madame la secrétaire d'État ! C'est du mépris à l'égard de la représentation nationale, et je voulais le dénoncer ici au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. le président. L'Assemblée est informée de votre position, monsieur Paul.

La parole est à Mme Hélène Mignon, pour un rappel au règlement.

Mme Hélène Mignon. Je serai très brève, monsieur le président. Le groupe socialiste s'associe tout à fait aux propos qui viennent d'être tenus. Il est inacceptable que nous ayons eu aujourd'hui trois réunions de la commission tout à fait inattendues,...

M. Pascal Terrasse. C'est la première fois !

Mme Muguette Jacquaint. Oui. Moi, je n'ai jamais vu ça !

Mme Hélène Mignon. ...pour examiner des amendements qui nous sont présentés à une vitesse telle que nous n'avons même pas le temps de les lire. C'est mépriser le Parlement, mais c'est aussi mépriser toutes les associations concernées et toutes les personnes qui souffrent de handicap dans ce pays.

Ce qui m'étonne davantage encore, c'est que la plupart de ces amendements viennent du Gouvernement,...

Mme Muguette Jacquaint. Oui, il y en a soixante-quinze !

Mme Hélène Mignon. ...et qu'il semble qu'il n'y ait aucune coordination entre la réflexion du Gouvernement et le travail accompli par la commission, puisque certains amendements gouvernementaux reprennent des amendements déjà adoptés par la commission et n'ont donc pas lieu d'être.

Mme Martine David. Et après ça, c'est nous qui sommes accusés d'être de mauvaise foi !

Mme Hélène Mignon. Ce n'est vraiment pas une façon de travailler, monsieur le président. C'est pourquoi je demande une suspension de séance de cinq minutes.

M. le président. La suspension est de droit. Nous reprendrons nos travaux à vingt-deux heures.

Mme Muguette Jacquaint. Une demi-heure aurait été nécessaire. Ca nous aurait donné le temps d'examiner au moins certains amendements.

M. le président. Il fallait le demander avant, madame Jacquaint.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt et une heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

    2

DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES

Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (nos 1465, 1599).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l'Assemblée a commencé l'examen des articles et s'est arrêtée à l'amendement n° 841 à l'article 1er.

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour présenter l'amendement n° 841.

M. Jean-François Chossy, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Cet amendement est de coordination rédactionnelle.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Cet amendement est satisfait par la création d'un titre Ier, assorti d'un titre additionnel avant le titre II. Je vous invite donc à le retirer.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Dans ces conditions, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 841 est retiré.

Je suis saisi de huit amendements, nos 799, 717, 674, 627, 96, 874, 356 et 340, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour soutenir l'amendement n° 799.

Mme Christine Boutin. J'ai eu l'occasion, à la tribune, de défendre l'esprit de cet amendement et d'expliquer pourquoi il faut une véritable définition du handicap : « Constitue un handicap la confrontation entre une personne ayant des limitations fonctionnelles et la réalité d'un environnement physique, social et culturel » .

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 717.

Mme Martine Billard. Cet amendement substitue la notion de « situation de handicap « à celle de « personne handicapée

Je souhaite connaître l'avis du Gouvernement car, sur tous les bancs, des parlementaires ont défendu cette proposition.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon, pour soutenir l'amendement n° 674.

Mme Hélène Mignon. Nous sommes nombreux sur ces bancs à défendre cette notion de « situation de handicap ». Ce faisant, nous nous référons à la formulation de l'OMS, d'ailleurs reconnue par la France en 2000.

M. le président. L'amendement n° 627 de M. Vannson est défendu.

La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l'amendement n° 96.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Cet amendement place au centre de la définition la personne handicapée. Le véritable handicap ne peut être assimilé à une situation, sinon, soixante millions de Français pourraient, à un moment ou à un autre, se trouver en situation de handicap.

Mme Martine David et Mme Muguette Jacquaint. Mais non !

M. Jean-François Chossy, rapporteur. On imagine quelles seraient les répercussions sur la prestation de compensation !

Mais la commission a bien reconnu tous les types de handicaps, y compris le polyhandicap...

M. Bernard Perrut. Très bien ! Belle évolution !

M. Jean-François Chossy, rapporteur...qui jusqu'à présent n'était pas pris en compte. Nous y avons ajouté le handicap causé par une altération cognitive, ce qui englobe l'autisme.

Cet amendement a été adopté par la commission. Je pense qu'il sera complété par celui du Gouvernement qui va venir maintenant en discussion.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat, pour soutenir l'amendement n° 874.

Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Nous avons longuement débattu de la notion de situation de handicap. Je tiens à préciser que l'amendement du Gouvernement prend en compte l'environnement de la personne handicapée. Nous souhaitons répondre à l'attente des associations, qui demandent que toutes les formes de handicap, y compris le polyhandicap, soient prises en compte dans la définition du handicap.

C'est la raison pour laquelle nous vous proposons d'intégrer la dimension de l'environnement, mais nous n'approuvons pas la notion de « situation de handicap ».

Mme Martine David. C'est regrettable !

Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. L'OMS ne préconise d'ailleurs pas de retenir précisément cette notion. Quant à la législation des autres pays européens, qui pour certains sont très en avance sur nous dans ce domaine, elle ne la mentionne pas.

La formulation « situation de handicap » ne nous paraît pas répondre à l'attente des associations. Nous lui préférons la mention de l'environnement et l'énumération des différentes formes de handicap.

Mme Martine David. Vous faites fi des associations !

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Ces propos relèvent de la confusion la plus totale, voire de la mystification, et même de la régression.

On affirme que le handicap est consubstantiel à la personne, alors que les travaux scientifiques internationalement reconnus attestent qu'il s'agit d'une déficience à prendre en compte dans un environnement. Je rappelle à cet égard que la France doit se mettre en conformité avec la définition retenue au niveau européen et introduire cet élément en droit français.

Une personne handicapée est quelqu'un qui est en situation de handicap devant un obstacle, quelle que soit sa nature, architectural, culturel, social, législatif, réglementaire.

Il est important de l'affirmer clairement dans l'article premier. Si vous ne le faites pas, ce texte ne sera qu'un rafistolage de la loi de 1975.

M. Jean-Marie Geveaux. Vous y allez un peu fort !

M. Pascal Terrasse. C'est s'interdire aussi toute avancée majeure, alors que les associations le demandent.

Il faut donc impérativement que la notion de « situation de handicap » figure dans le texte, sinon nous sommes dans la confusion et la mystification. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Perrut. Pas du tout !

M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon. L'amendement du Gouvernement fait mention de « vie en société subie dans son environnement par une personne ». C'est une mention trop restrictive de l'environnement de chaque individu. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit, mais de son environnement global.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Je ne comprends pas très bien, surtout après avoir entendu l'excellente intervention de notre collègue Mme Marland-Militello, qui, tous s'accordent à le dire, nous a fait réfléchir sur la définition du handicap.

Lors de la conférence d'Ottawa en 1986, l'OMS a défini la santé comme la capacité pour tout être humain d'identifier et de réaliser ses ambitions, de satisfaire ses besoins et de pouvoir s'adapter à son environnement, ce qui englobe un logement décent et un accès normal à l'éducation notamment.


La recommandation 1185 de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, adoptée en 1992, définit le handicap comme « une limitation née d'une confrontation à des obstacles physiques, psychiques, sensoriels, sociaux, culturels, juridiques ou autres, qui empêchent la personne handicapée de s'intégrer dans la vie familiale, la société, et d'y participer au même titre que tout un chacun ».

Une représentation trop médicale induit des définitions de la déficience et de l'incapacité trop centrées sur l'individu, alors qu'elles peuvent aussi avoir des origines sociétales.

Cet amendement a donc un double objet. D'une part, reprenant la terminologie de l'OMS relative aux personnes en situation de handicap, qui retient une conception dynamique et interactive du handicap, il oblige le législateur à agir sur l'environnement. D'autre part, il consacre une définition large qui n'est pas limitée en fonction de l'âge, de l'origine ou de la nature du handicap. Le principe de compensation qui en découle doit donc s'appliquer quels que soient l'âge et le degré d'altération des fonctions d'une personne reconnue comme étant en situation de handicap.

Par conséquent, je le répète, nous ne comprenons pas très bien, ou nous comprenons trop bien que, tel un cheval face à l'obstacle, vous vous cabrez...

Mme Muguette Jacquaint. Eh oui !

M. Daniel Paul. ...et refusez de le franchir, parce que votre conception même des rapports entre handicap et société vous en empêche.

Je réaffirme mon complet accord total avec les propos de Mme Marland-Militello, avant le dîner. Je regrette qu'on revienne sur une telle disposition.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 356.

M. Jean-Pierre Decool. Il s'agit de mentionner explicitement la situation des enfants et adultes polyhandicapés. Une définition du polyhandicap a déjà fait l'objet d'une réglementation par décret du 27 octobre 1989. Il s'agit de la consacrer dans la loi.

M. le président. La parole est à M. Yvan Lachaud, pour soutenir l'amendement n° 340

M. Yvan Lachaud. Cet amendement a le même objet. Il s'agit de reconnaître, par un ajout à la fin de l'article, les personnes polyhandicapées, qui cumulent différentes altérations des fonctions physiques, sensorielles, mentales ou psychiques ou en raison de troubles invalidants de la santé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. La commission a accepté l'amendement n° 874 du Gouvernement. Il donne une définition précise du handicap qui en couvre toutes les formes, faisant état de l'altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap - la notion de la reconnaissance du polyhandicap est donc introduite dans le texte - ou d'un trouble de santé invalidant.

Cet amendement satisfait la commission, en particulier votre rapporteur, qui a toujours eu le souci de voir pris en compte le polyhandicap. Je rappelle que celui-ci n'est pas un multihandicap, c'est-à-dire l'addition de handicaps cumulés, mais la situation d'une personne incapable de se gérer, qui a besoin d'aide à tout instant. C'est une contrainte pour la personne et pour sa famille tout entière. C'est un handicap très lourd. Jusqu'à ce jour, il n'y avait pas eu de reconnaissance législative à tel point que les associations recherchaient celle-ci à travers un statut du polyhandicap. Il convient de se féliciter que ce texte en trouve une.

De même, je me réjouis que la rédaction proposée permette, en mentionnant l'altération cognitive, d'intégrer les personnes atteintes d'autisme.

Dans ces conditions, la commission a repoussé l'amendement n° 356. L'amendement n° 340 n'a pas été examiné par la commission mais, à titre personnel, j'y suis défavorable parce qu'il est satisfait par l'amendement du Gouvernement.

M. le président. Monsieur le rapporteur, maintenez-vous l'amendement n° 96 ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur Je le retire, au profit de l'amendement n° 874 du Gouvernement.

M. le président. L'amendement n° 96 est retiré.

Quel est l'avis de la commission sur les autres amendements ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Pour les raisons que je viens d'évoquer, la commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Le Gouvernement partage l'avis de la commission, mais je préciserai de nouveau notre position sur la définition du handicap.

Monsieur Daniel Paul, vous avez tort de vous situer dans une perspective trop médicale, personnaliste et réductrice.

M. Daniel Paul. C'est tout le contraire !

Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. C'est ce que vous reprochez à la définition du Gouvernement.

Notre texte répond au souhait des associations de voir prise en considération la spécificité de ceux dont elles se font les porte-parole. Il prend en compte le poids de l'environnement sur la situation des personnes handicapées en mentionnant explicitement la limitation d'activité ou la restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne.

Du reste, en relisant les textes que vous avez cités, monsieur Paul, qu'il s'agisse des textes de l'OMS, de la résolution de 1993 des Nations unies ou de la déclaration de Madrid de 2003, on constate que ces documents n'imposent aucune contrainte d'appellation et laissent toute liberté en la matière.

Mme Martine David. Ce n'est pas pour cela que vous avez raison !

Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Nous devons affronter collectivement la réalité du handicap dans notre pays, ce qui passe par la reconnaissance de la diversité de ses formes. C'est pourquoi, en accord avec la commission, nous vous proposons cette formulation.

Mme Martine David. Elle est mauvaise !

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Cette réponse ne me satisfait pas. Soit nous ne rencontrons pas les mêmes associations, soit, comme l'ont dit Daniel Paul et Hélène Mignon, ce texte n'a pas été discuté avec elles. En tout cas, le travail parlementaire n'est pas abouti.

Il existe une confusion. Mme la secrétaire d'État propose une définition étriquée du handicap, qui se cantonne à une approche sanitaire et médicale. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous considérons, au contraire, qu'il convient d'intégrer dans la définition du handicap tous les éléments relatifs à l'environnement de la personne, comme on l'a fait pour la dépendance des personnes âgées. Nous avions alors mis en évidence la partie dite sanitaire et la partie dite dépendance, dont la définition reste d'ailleurs à approfondir. La définition proposée par le Gouvernement est en réalité une régression par rapport à ce qui existe. (Nouvelles protestations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Par ailleurs, contrairement à la proposition faite par un de nos collègues, les personnes polyhandicapées sont englobées dans la définition générale du Gouvernement, alors que les associations souhaitent voir reconnue la spécificité du polyhandicap.

Bien entendu, le groupe socialiste est hostile aux définitions du handicap et du polyhandicap proposées par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. Je suis très ennuyée. Je vais retirer mon amendement, je le dis clairement, par solidarité avec le Gouvernement...

M. Pascal Terrasse. Vous avalez une couleuvre !

Mme Christine Boutin. ...même si on me sait peu coutumière de ce genre de souplesse. Je considère en effet qu'il y a entre mon amendement et celui du gouvernement une véritable différence d'approche culturelle.

M. Daniel Paul. C'est évident !

Mme Christine Boutin. Je soutiens le Gouvernement sans état d'âme, mais je constate que, en ce qui concerne l'approche du handicap, nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde. Je le regrette et je suis convaincue que, bien avant trente ans, nous aurons une autre vision et une autre loi sur le handicap, et que nous ne percevrons plus la personne handicapée comme stigmatisée par rapport à l'ensemble de la population...

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

Mme Christine Boutin. ...mais au contraire comme en faisant partie intégrante. Car ne sommes-nous pas tous - je souhaite que nous en prenions conscience - des handicapés les uns pour les autres ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Daniel Paul. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Madame Boutin, je regrette que vous retiriez votre amendement, et je le reprends. Je ne comprends pas l'obstination de Mme la secrétaire d'État à maintenir une définition du handicap peu différente de celle des années 1975. Nous avons pourtant eu dans cet hémicycle un débat très riche en vue de parvenir à une définition moderne et progressiste du handicap. Or les amendements du gouvernement et de la commission ne répondent aux aspirations des associations, ou alors, nous n'avons pas reçu les mêmes. Comme le rappelait M. Daniel Paul, elles attendaient beaucoup d'une définition moderne et progressiste du handicap. Il conviendrait en outre voir de plus près ce qu'impliquent exactement les textes de l'OMS, mais pour cela, il faudrait que nous cessions de travailler dans la précipitation, comme tout à l'heure en commission.

M. Pascal Terrasse. Très bien !

Mme Muguette Jacquaint. Notre amendement n° 375 consacre une définition large du handicap, qui n'est pas limitée en fonction de l'âge, de l'origine ou de la nature de ce handicap. Le principe de compensation doit s'appliquer à tout âge et à tout degré d'altération des fonctions de la personne. Et la définition du handicap retenue n'est pas sans conséquences sur l'application du principe de compensation. Nous avons donc maintenant deux amendements, le n° 375 et le n° 799 de Mme Boutin, que je reprends.

M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Ce que dit Mme Jacquaint est important. L'histoire de la construction des politiques du handicap montre que c'est précisément faute d'avoir défini cette notion, et notamment d'avoir précisé que la situation de handicap échappait à tout critère d'âge, qu'ont été menées des politiques inadéquates. Madame la secrétaire d'État, en refusant de lever cette ambiguïté, vous entretenez cette confusion et méconnaissez la demande des associations.

Il y a un critère d'âge que je connais bien, c'est celui des soixante ans. Si la loi n'avait pas exclu clairement le critère d'âge, le Sénat n'aurait pu mettre en place, en 1977, la prestation spécifique dépendance. En refusant de lever cette ambiguïté, vous contribuez à maintenir des séparations dans les différentes formes de handicap.


Faute de préciser « sans critère d'âge », vous maintenez l'ambiguïté et empêchez tout progrès dans le sens de ce que demande l'ensemble des associations de handicapés. J'insiste là-dessus. Jamais il n'y aurait eu la prestation spécifique dépendance s'il y avait eu dans la loi une définition du handicap explicitant qu'elle s'appliquait sans critère d'âge.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 799 présenté par Mme Boutin et repris par Mme Jacquaint.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je rappelle que l'amendement n° 96 a été retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 717.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 674.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 627.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je rappelle que l'amendement n° 96 a été retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 874.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements n°s 356 de M. Decool, 340 de M. Morel-A-L'Huissier, 375 de M. D. Paul, 640 et 641 de M. Myard, et 376 de M. D. Paul tombent.

Je suis saisi d'un amendement, n° 718.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Cet amendement tend à préciser et à compléter les droits élémentaires de la personne en situation de handicap.

Il convient d'abord, conformément aux recommandations du Conseil national consultatif des personnes handicapées, de mettre en exergue l'obligation de prévention et de dépistage du handicap, qui constitue un préalable indispensable à l'existence de ces droits.

La rédaction proposée évite toute interprétation discriminante dans la mesure où il est rappelé que toute personne a accès à l'ensemble des droits définis par la Constitution et qu'il ne peut y avoir de discrimination vis-à-vis des personnes en situation de handicap, qu'elles vivent en institution, chez des parents ou aient leur propre domicile. En particulier, l'article L. 141-2 du code du travail, qui dispose que « le salaire minimum de croissance SMIC assure aux salariés dont les rémunérations sont les plus faibles la garantie de leur pouvoir d'achat et une participation au développement économique de la nation », doit s'appliquer aussi aux personnes en situation de handicap.

Le but de cet amendement est de réaffirmer qu'il s'agit bien d'une non-discrimination et d'un accès aux droits égal pour tous, et non d'une aide ou de faveurs. C'est tout le débat sur la façon de considérer le handicap : faut-il garantir les mêmes droits à tous les citoyens ou aider les personnes en difficulté par des dispositifs spécifiques ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Avis défavorable, car l'amendement n° 97 de la commission est plus précis.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Même avis, le Gouvernement préfère l'amendement n° 97 de la commission.

Mme Martine David et Mme Hélène Mignon. Ce n'est pas du tout la même chose !

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Comment peut-on laisser croire que l'amendement n° 97 du rapporteur suffirait pour faire valoir la notion de non-discrimination ? L'amendement n° 718 prend la peine de préciser à l'alinéa 3 que l'État garantit « l'égalité de traitement des personnes en situation de handicap sur l'ensemble du territoire ». Or, les élus et associations connaissent bien les inégalités territoriales qui existent en matière d'accès, notamment aux institutions. Un grand nombre de territoires sont aujourd'hui dépourvus de structures et de services au profit des handicapés.

L'amendement de notre collègue a le mérite d'affirmer un droit universel sur l'ensemble du territoire dont l'État est le garant. Or l'amendement n° 97 est très en retrait.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Contrairement à ce qu'ont laissé entendre M. le rapporteur et Mme la secrétaire d'État, il y a une différence de fond entre mon amendement et l'amendement n° 97 qui dispose que « toute personne handicapée a droit à la solidarité ». Celui-ci place d'emblée les personnes handicapées en dehors de la collectivité nationale (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) en leur consentant un droit à la solidarité, alors que mon amendement, lui, stipule que les droits sociaux sont reconnus à tous les citoyens. La démarche n'est pas du tout la même ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 718.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement, n° 97, faisant l'objet de deux sous-amendements, n°s 918 et 876.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 97.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Cet amendement revient sur la rédaction du a) du 2° du I de l'article Ier adoptée par le Sénat : « Toute personne handicapée a le droit à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l'accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens, notamment à la prévention, au dépistage, aux soins,... ». Suit une longue liste que j'ai déjà lue lors de la discussion générale ; je vous l'épargnerai donc. Une telle rédaction pourrait laisser supposer que les droits mentionnés sont accessibles à la personne handicapée, mais que ceux qui ne sont pas cités ne le sont pas. Après discussion au sein de la commission et en concertation avec le Gouvernement, votre rapporteur vous propose : « Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l'accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté. Cela a le mérite de faire de la personne handicapée un citoyen de plein droit.

Pour balayer les appréhensions que pourraient ressentir les personnes handicapées elles-mêmes, il a été ajouté : « L'État est garant de l'égalité de traitement des personnes handicapées sur l'ensemble du territoire - c'est la notion évoquée par Mme Billard - et met en œuvre des programmes d'actions prioritaires pluriannuels. » Sans doute peut-on corriger la formule finale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Le Gouvernement est favorable à l'amendement de la commission sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 876 qui tend à substituer à la dernière partie de la dernière phrase «...et définit des objectifs pluriannuels d'actions. » Les programmes ne relèvent pas directement de ce texte dans la mesure où ils correspondent à la mise en œuvre d'objectifs. Cette dernière notion est plus large et permet mieux d'appréhender l'action de l'État dans le domaine du handicap.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre le sous-amendement n° 918.

Mme Martine Billard. Faute d'avoir pu faire adopter mon amendement, je me rabats sur ce sous-amendement qui précise que « le plein exercice de sa citoyenneté » s'exerce « notamment lors des opérations électorales ». Les personnes handicapées sont en effet trop souvent dans l'incapacité de participer de manière autonome aux opérations électorales. Dans bon nombre de communes, elles sont dans l'obligation de se faire aider et il faut se donner les moyens de leur permettre d'accéder à l'autonomie. On peut sans doute m'opposer qu'on sort du domaine législatif, mais il faut aussi savoir faire des gestes. Et il est de notre responsabilité de nous engager pour assurer l'égalité des citoyens devant la loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 918 ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Le sous-amendement n° 918 n'a pas sa place à l'article premier. Un article de la loi prévoit des dispositions particulières pour l'accès aux bureaux de vote et aux opérations électorales. Si Mme Billard le veut bien, nous en rediscuterons au moment opportun. Pour cette raison, avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Même avis que le rapporteur. Le sous-amendement a plutôt sa place au titre VI.

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Mme Billard a eu raison de souligner dans son amendement précédent que l'État est le garant de l'égalité des droits sur l'ensemble du territoire.

La commission elle-même a voté un amendement selon lequel l'État « met en œuvre des programmes ». L'État s'oblige donc à agir. Mais Mme la secrétaire d'État vient de présenter un sous-amendement dans lequel l'État « définit des objectifs », ce qui n'apporte rien : on en reste aux grands principes.

J'ai apporté un tableau fort intéressant qui présente les notifications de crédits. Après le vote par l'Assemblée nationale, il y a la notification, puis le financement, enfin les réalisations. La différence est grande entre ce qui est décidé et ce qui se passe sur le terrain. Nous sommes nombreux, en tant qu'élus locaux, à le savoir. Il ne se passe rien parce que les commissions administratives régionales débloquent au profit des départements des sommes très inférieures à celles qui ont été votées.

Voilà pourquoi il serait dangereux de se satisfaire de définir des objectifs, ce serait une source d'inégalités entre les territoires. En tout cas, le sous-amendement du Gouvernement n'est pas de nature à les réduire.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 918.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 876.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97, modifié par le sous-amendement n° 876.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements n°s 578 de M. Vannson, 676 de Mme Mignon, 54 de M. Audifax, 16 de M. Laffineur, 56 de M. Nicolas, 675 de Mme Mignon, 719 de Mme Billard, 8 de M. Laffineur, 357 de M. Decool, 678 de Mme Mignon, 20 de M. Lasbordes, 52 de M. Audifax, 673 de Mme Mignon, 813 de Mme Boutin, 53 de M. Audifax, 18 de M. Laffineur, 480 de Mme Ramonet, 720 de Mme Billard, 494 de Mme Martinez, 579 de M. Vannson, 533 de M. Marty, 672 de Mme Mignon, tombent.


Nous en arrivons à l'amendement n° 869.

La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour le soutenir.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Il s'agit d'un amendement de conséquence, qui tient compte de l'insertion de la définition du droit à compensation au titre II, chapitre Ier, dans un article additionnel avant l'article 2.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 869.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 721 de Mme Billard, 98 de la commission, 12 de M. Laffineur, 377 de M. Daniel Paul, 79 de Mme Grosskost, 580 de M. Vannson, 814 de Mme Boutin, 57 de M. Nicolas, 661 de M. Ferry, 679 et 684 de Mme Mignon, 722 et 723 de Mme Billard, 581 de M. Vannson, 2 de M. Tharin, 680 de Mme Mignon, 634 de Mme Martinez, 777 de M. Le Déaut, 479 de Mme Martinez et 683 de Mme Mignon tombent.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 341 et 642.

La parole est à M. Yvan Lachaud, pour défendre l'amendement n° 341.

M. Yvan Lachaud. L'amendement n° 341 concerne les personnes polyhandicapées présentant des atteintes chroniques et définitives, qui ont besoin d'un accompagnement global tout au long de leur vie.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. La commission est défavorable. Ces amendements sont déjà satisfaits.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 341 et 642.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 378.

La parole est à Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Le principe de non-discrimination nécessite de garantir aux personnes en situation de handicap la pleine et entière ouverture des institutions et leur maintien dans un cadre ordinaire de travail, de scolarité et de vie, qui doit faire l'objet des adaptations nécessaires. Il s'agit de réaffirmer à la fois notre définition du handicap et d'insister sur la nécessaire accessibilité de tous les environnements pour les personnes handicapées.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. La commission est défavorable. Le fait d'avoir reconnu la pleine citoyenneté à la personne handicapée rend cet amendement inutile.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 378.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 342.

La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le soutenir.

M. Yvan Lachaud. Cet amendement tend à prévenir la constitution de deux catégories distinctes de personnes handicapées et à reconnaître la vocation de compensation du handicap des établissements sociaux et médico-sociaux. Il vise à imposer la définition par voie réglementaire de conditions techniques de fonctionnement, tout spécialement des maisons d'accueil spécialisées, les MAS, et des foyers d'accueil médicalisés, les FAM. Ces conditions techniques permettront à ces établissements de remplir leur mission avec l'ambition éthique et les moyens techniques que ces personnes et leurs familles attendent et méritent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. La commission a été défavorable.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Pourtant, c'est un très bon amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Défavorable également, monsieur le président, car ce type de dispositions relèvent des décrets d'application de la loi rénovant l'action sociale.

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Mme la secrétaire d'État me donne l'occasion d'évoquer cette fameuse loi du 2 janvier 2002 dont j'ai été, avec un certain nombre de mes collègues, l'un des artisans.

Sur les cinquante-quatre décrets prévus dans cette loi, un grand nombre sont encore en attente de publication, notamment ceux concernant le financement et la répartition des FAM et des MAS.

Mme Martine David. Que fait le Gouvernement ?

M. Pascal Terrasse. L'amendement n° 342, qui renvoie non pas à un décret mais à un acte réglementaire ou à une circulaire, pose un vrai problème.

Il serait bon que Mme la secrétaire d'État puisse nous préciser, au cours du débat, ce qu'elle entend réellement décentraliser. Nous ne connaissons pas, bien évidemment, les conclusions des travaux menés par M. Briet et M. Jamet. Mais nous serons attentifs aux informations que le Gouvernement pourra nous donner sur les modalités de financement, notamment des MAS et des FAM.
Y aura-t-il, comme c'était le cas jusqu'à présent, des financements conjoints de l'assurance maladie et des départements ou bien la totalité de ces financements seront-ils à la charge des collectivités territoriales ? La question se pose.

S'agissant de cet amendement, je rejoins la position de Mme la secrétaire d'État, en sachant qu'il faudra bien que les décrets prévus dans la loi du 20 janvier 2002 sortent. Et ils sont nombreux. Il n'y a pas que celui dont on vient de parler. Sur le Conseil national de l'évaluation, le décret est paru mais le Conseil n'a pas encore été créé. Sur les lieux de vie, nous n'avons rien de précis. S'agissant de l'accueil temporaire, si les décrets sont enfin parus, après les travaux menés par notre collègue Chossy, il faut maintenant qu'ils se déclinent sur le plan territorial. Il faut trouver des solutions rapidement car les deux lois, tout le monde l'a bien compris, doivent fonctionner ensemble.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 342.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 875.

La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour le soutenir.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Cet amendement vise à supprimer le 4° du I de l'article premier, pour tirer la conséquence de la création d'un titre nouveau sur la recherche, la prévention et l'accès aux soins qui comporte quatre articles.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. La commission est favorable. Elle ne peut que se réjouir de la création d'un nouveau titre sur la recherche, création dont chacun, ici, mesure l'importance.

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Il est surprenant que le Gouvernement propose, en plein débat, de créer un titre spécifique pour traiter des modalités relevant de la recherche médicale et du dépistage précoce. Certes, cela manquait dans le projet initial, le CNCPH lui-même l'avait souligné dans ses attendus, mais la consultation, la négociation, le travail en partenariat avec les associations n'ont pas été menés jusqu'à leur terme et je regrette que ce nouveau titre soit débattu en séance sans que ni les parlementaires, ni la commission, ni l'ensemble du secteur médico-social n'aient été vraiment consultés. Cela dit, je ne peux que me réjouir de cette avancée, en attendant d'examiner dans le détail le contenu de ce titre.

M. Ghislain Bray. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 875.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements n°s 99 de la commission, 379 de M. Daniel Paul, 815 de Mme Boutin, 380 de M. Daniel Paul, 481 et 482 de Mme Ramonet, 804 de Mme Boutin, 381 de M. Daniel Paul, 805 de Mme Boutin, 100 de la commission, 681 et 682 de Mme Mignon, 101 de la commission et 21 de M. Lasbordes tombent.

M. Pascal Terrasse. Quelle confusion !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous voyez, le renvoi en commission était justifié !

Mme Christine Boutin. Oui, ce n'est pas possible !

M. le président. Sans me prononcer sur la position des uns et des autres sur le fond, je serais tenté de dire que je comprends vos réactions. Mais il est certain que l'adoption de l'amendement du Gouvernement fait tomber toute une série d'amendements d'un coup.

Nous en venons donc à l'amendement n° 842. (Exclamations sur divers bancs.)

Mme Christine Boutin. Monsieur le président...

M. le président. Je vous en prie, madame Boutin.

Mme Christine Boutin. Monsieur le président, je ne mets nullement en cause votre présidence car vous présidez de façon excellente. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pascal Terrasse. Absolument !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Là-dessus, nous sommes d'accord.

Mme Christine Boutin. Mais j'avoue qu'il est très difficile de suivre le rythme. Les nouveaux amendements du Gouvernement que nous soutenons, naturellement, nous sont présentés très rapidement et font tomber les nôtres. Or il nous semble qu'il serait intéressant que nous puissions exposer certaines idées dans cet hémicycle, même si elles ne peuvent pas être retenues.

M. le président. Je vous remercie de vos propos très aimables, madame Boutin.

La présidence de séance n'est pas contestable, c'est une tradition dans cette maison. Elle l'est encore moins dans le cas présent. (Sourires.)

La parole est à M. Yvan Lachaud.

M. Yvan Lachaud. Je voudrais m'associer aux propos de Mme Boutin. C'est le deuxième étayage que nous subissons, après celui de la commission. En effet, la commission a repris des amendements qui faisaient tomber les nôtres. Là, on utilise une méthode du même acabit. L'expression de la représentation nationale s'en trouve tronquée, ce qui me paraît dommageable à la qualité du débat.

M. le président. La parole est à Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Monsieur le président, comme Mme Boutin et M. Lachaud, je m'étonne de la tournure de ce débat.

La commission n'a disposé que de quarante minutes pour examiner, au cours d'une séance tenue en vertu de l'article 88 de notre règlement, un certain nombre d'amendements. Or, que l'on soit pour ou contre, il faut reconnaître qu'il s'agit d'amendements lourds, qui viennent perturber nos propres propositions d'amendements, quelquefois dans le bon sens, quelquefois dans le mauvais, sans que nous ayons eu le temps d'examiner leurs conséquences.

Par respect pour ce lieu, pour tous mes collègues et pour les personnes que nous représentons ici, je demande, monsieur le président, une suspension de séance pour tenter d'améliorer la qualité de notre travail. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je vais suspendre la séance pendant quelques instants.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures, est reprise à vingt-trois heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappels au règlement

M. Pascal Terrasse. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour un rappel au règlement.

M. Pascal Terrasse. La façon dont nous examinons ce projet de loi n'est pas digne de notre assemblée. Des articles sont complètement réécrits, des amendements tombent, d'autres sont repris. C'est la confusion la plus totale. On nous présente ce texte comme prioritaire. En réalité, il est complètement bâclé.

Depuis la première lecture au Sénat, il y a déjà eu un changement de ministre. Et voilà que maintenant des députés de la majorité font fronde ! D'après une dépêche de l'AFP, ils sont nombreux à ne pas être satisfaits de ce texte. Donc, pour que nos travaux se déroulent correctement, monsieur le président, nous devrions interrompre notre débat. Il faut que le Gouvernement se reprenne, qu'il donne du sens à ce texte auquel nous n'en voyons plus, qu'il nous explique ce qu'il veut.

De nombreux amendements, de la majorité comme de l'opposition, sont tombés sans même qu'il y ait eu débat. Nous sommes dans la confusion la plus totale et je vous demande, monsieur le président, de lever la séance pour que nous puissions reprendre sereinement nos travaux demain. La nuit porte conseil et elle ne sera pas de trop pour que la majorité se mette d'accord.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole en application de l'article 58, alinéa 1, de notre règlement, qui accorde la priorité aux rappels au règlement touchant au déroulement de la séance.

Ce qui s'est passé mérite une explication. Je vous connais bien, madame la secrétaire d'Etat, parce que nous coopérons dans d'autres lieux. Je sais donc que vous ne pouvez pas être à l'origine de ce qui se passe. Vous avez été une jeune députée et vous êtes maintenant une jeune secrétaire d'Etat, certainement encore un peu ingénue. On vous a sûrement poussée à accomplir des actes dont vous n'avez pas mesuré la portée.

En effet, d'habitude l'article 88 du règlement c'est plutôt la voiture-balai qui permet d'ajouter, de corriger, de compléter, mais il ne doit pas servir à remettre en cause le texte comme vous le faites là. Je suis persuadé que l'on a profité de votre inexpérience et qu'il y a derrière cela les turpitudes de Matignon. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En effet, le texte est amputé, dénaturé. Mme Boutin elle-même s'oppose à vous.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. D'ailleurs, elle est partie !

M. Jean-Pierre Brard. Je l'ai entendue vous dire tout à l'heure qu'elle n'avait jamais vu cela depuis dix-huit ans qu'elle siège dans cette assemblée. Dieu sait si nous ne sommes pas souvent d'accord, mais personne ne peut remettre en cause le fait qu'elle soit une parlementaire chevronnée ! Or, même elle, vous la mettez dans une situation telle qu'elle ne peut plus participer au débat. La preuve : elle n'est pas là, parce que vous l'avez irritée !

Depuis le gouvernement de Lionel Jospin, il vous est difficile de recourir à l'article 49-3 de la Constitution et pourtant, madame la secrétaire d'Etat, c'est le désordre dans votre majorité. Si j'en crois Le Monde de cet après-midi, vous êtes à la manœuvre, vous essayez de rassurer ceux qui s'émeuvent de voir que l'on refuse leurs amendements visant à étendre le champ d'application du droit à compensation, au motif qu'ils tomberaient sous le coup de l'article 40 de la Constitution.

M. Couanau, autre parlementaire très expérimenté, déclare : « Je n'admets plus que l'on fasse des effets d'annonce et que la réalité ne corresponde pas aux annonces que l'on a faites. C'est inacceptable ! » Mais ce que dénonce M. Couanau n'est que la méthode habituelle de ce gouvernement. Le rapporteur lui-même reconnaît que certains amendements de la commission n'ont « pas résisté au tir de barrage de la technostructure qui agite le carton rouge de l'article 40. »


Le Gouvernement est en difficulté, et les airs bonasses du Premier ministre n'y changeront rien. On a entendu dire aujourd'hui qu'il voulait nous faire travailler jusqu'au 8 août pour faire voter durant l'été, à l'esbroufe, non seulement le projet de loi sur l'assurance maladie, mais bien d'autres textes, dont celui sur la décentralisation, qui se heurte à quelques obstacles au Sénat.

Ce n'est plus la pilule qu'il veut nous faire avaler, mais la boîte tout entière ! (Sourires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Geveaux. Au moins, nous serons en bonne santé ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Le Gouvernement voudrait en effet que, lorsque les Français reviendront de vacances, ils soient mis devant le fait accompli.

Il pense pouvoir faire passer, grâce des astuces de procédures, la diarrhée de textes qu'il nous propose. C'est ainsi, madame la secrétaire d'État, que par le vote d'un amendement, vous en faites tomber toute une série, afin d'empêcher la discussion.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. C'est en effet ce qui se passe depuis une heure.

M. Jean-Pierre Brard. Par ce procédé, vous appliquez la loi du bâillon.

Depuis le gouvernement de Lionel Jospin, il n'est plus aussi facile de recourir à l'article 49-3. Vous en êtes donc réduits aux artifices et aux dissimulations pour interrompre la discussion et empêcher les parlementaires que nous sommes, mandatés par leurs électeurs pour défendre l'intérêt national, de présenter leurs arguments et d'user de leur droit d'amendement.

Cette interdiction frappe même nos collègues de la majorité, qui sont pourtant bien timides ! Il a fallu que mes collègues du groupe des député-e-s communistes et républicains reprennent l'amendement de Mme Boutin visant à permettre l'accès des personnes handicapées aux lieux de culte ! (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) Il est vrai que, défendu par celle-ci, l'amendement a un sens particulier, alors que, lorsque nous le reprenons, on comprend mieux de quoi il est question. Il s'agit de permettre à toutes les personnes pratiquantes d'exercer une liberté.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Et un droit lié à la citoyenneté !

M. Jean-Pierre Brard. Bien entendu ! En vertu de la loi de 1905, la République reconnaît la liberté de culte.

Madame la secrétaire d'État, vous vous grandiriez si vous refusiez que Matignon vous fasse jouer un rôle que, en votre âme et conscience, vous ne pouvez pas accepter. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Je voudrais expliquer à M. Terrasse et à M. Brard ce que ni l'un ni l'autre n'ont encore compris.

M. Jean-Pierre Brard. À en croire Le Monde, c'est vous qui n'avez rien compris !

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Si j'ai évoqué l'article 40, c'est pour me réjouir de voir le Gouvernement jouer son rôle en reprenant à son compte les amendements du rapporteur et de la commission, notamment ceux qui concernent les barrières d'âge et les conditions de ressources.

Ce sont là des avancées importantes qu'il faut souligner et dont il faut même s'honorer. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Geveaux. Très bien !

M. Jean-François Chossy, rapporteur. On doit d'ailleurs les annoncer publiquement aux associations, sans se laisser intoxiquer par un langage qui vise à falsifier la réalité.

M. Daniel Paul. Mais enfin, vous ne pouvez pas dire cela. Ce n'est pas possible !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Parler d'intoxication est réellement scandaleux ! L'intoxication, c'est contre nous qu'elle est dirigée !

M. Jean-François Chossy, rapporteur. À l'initiative de Mme la secrétaire d'État, nous avons fait avancer considérablement le texte par la discussion et la négociation. Certes, celles-ci ont été parfois musclées. Mais c'est la règle du débat démocratique...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les conditions dans lesquelles nous travaillons excluent toute discussion. Le texte n'aurait jamais dû venir devant l'Assemblée !

M. Jean-François Chossy, rapporteur. ...et celui-ci honore tous ceux qui sont présents.

M. Daniel Paul. Comment peut-on tenir de tels propos ? C'est incroyable !

M. le Président. Calmez-vous, mes chers collègues.

Poursuivez, monsieur le rapporteur.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Un titre fort, attendu par l'ensemble des personnes concernées, ainsi que par les associations et les députés du groupe UMP, va maintenant venir en discussion. Il porte sur la recherche.

Mme la secrétaire d'État va le présenter. Il regroupe la plupart des amendements qui sont tombés.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Ce n'est pas vrai !

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Chacun y retrouvera son compte, parce que nous avons tous travaillé pour que ce texte soit clair,...

Mme Martine David. Il n'est pas clair !

M. Jean-François Chossy, rapporteur. ...et pour qu'il aide réellement les personnes handicapées.

Ainsi, le texte sera voté...

Mme Martine David. Ce n'est pas la bonne méthode !

M. Jean-François Chossy, rapporteur. ...au cours d'une discussion qui reste ouverte.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Ce n'est pas vrai ! Vous n'avez pas le droit de dire cela.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Certes, nous devons encore réfléchir pour faire avancer les choses. Nous allons d'ailleurs nous y employer, notamment en abordant maintenant la partie du projet de loi qui porte sur la recherche et qui, à ce titre, répond vraiment à une nécessité.

Par ailleurs, je rappelle que c'est la première fois qu'on parle de prestation de compensation et de maisons départementales du handicap.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Ce n'est pas vrai !

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Et ce sont, là encore, des avancées considérables. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il est honteux de parler d'intoxication, quand on tient de tels propos !

M. le président. Je rappelle à nos collègues du groupe socialiste que, lorsqu'il a souhaité faire un rappel au règlement, M. Terrasse a pu parler dans un silence attentif. Il serait bon que le rapporteur puisse s'exprimer dans les mêmes conditions. Le sujet le mérite et, même s'il peut y avoir des contestations sur la forme, la sérénité indispensable à nos débats est à ce prix.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Un tel projet mériterait davantage de considération de la part du Gouvernement.

J'ai eu l'occasion de vous le dire, madame la secrétaire d'État : vis-à-vis de votre projet de loi, nous étions, avant que la discussion ne commence, en position de refus.

Mais, à ce moment du débat, nous ne savons plus très bien ce qu'est est votre texte, puisque, en quarante minutes, vous venez de déposer soixante-quinze amendements, et non des moindres, qui viennent s'intercaler entre les nôtres. Votre projet de loi est donc devenu méconnaissable. C'est comme si, entre le début de nos discussions - il y a quelques semaines - et aujourd'hui, vous aviez entrepris de le réécrire.

Mme Martine David. Si telle était votre intention, il fallait l'annoncer !

M. Daniel Paul. Certes, vous avez le droit de le faire, puisqu'il s'agit d'un projet gouvernemental. Mais la moindre des choses serait que les associations et les députés puissent être consultés sur les modifications que vous apportez. Souffrez que les députés de base que nous sommes puissent, avec leurs faibles moyens, regarder de manière plus précise les conséquences de vos propositions ; or ils ne peuvent pas le faire.

Je veux bien croire M. le rapporteur quand il prétend que le nouveau dispositif répond aux aspirations des associations, mais comment le savoir ?

La loi de 1975, à laquelle je suis resté attaché bien qu'elle ne corresponde plus aux réalités de 2004, avait été votée à l'unanimité, sous un gouvernement de droite. C'est que, à l'époque, Mme Veil avait su convaincre. Ce n'est pas votre cas. Vous n'êtes même pas en situation de présenter un texte susceptible d'être discuté, puisque l'on ne sait plus quelles sont les positions de la commission ou du Gouvernement, ni quels amendements seront repris !

M. Terrasse a demandé que nous puissions reprendre ce débat dans le calme, sans doute demain. Je regrette beaucoup que la proposition de renvoi en commission, présentée par Mme Jacquaint, n'ait pas été adoptée. Elle aurait en effet résolu toutes les difficultés que nous connaissons actuellement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En effet !

M. Daniel Paul. Demain, toutes les associations et tous ceux qui s'intéressent au problème du handicap sauront de quelle façon vous avez conduit ce débat. C'est regrettable.

Je précise que ce ne sont évidemment ni la présidence ni la majorité que je mets en cause, mais bien le Gouvernement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En effet, la majorité n'y est pour rien.

M. Daniel Paul. Arrêtons là et prenons du champ. Je crois qu'il faut que nous nous laissions le temps de faire le point en commission.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bonne idée !

Mme Nadine Morano. Ah ! Non ! Vous ne pouvez pas vous en tirer comme ça !

M. Daniel Paul. Sur un sujet qui ne revient devant nous que tous les trente ans, nous pouvons peut-être nous accorder quelques jours de réflexion supplémentaires.

M. Jean-Pierre Brard. Il le mérite !

M. Daniel Paul. Le problème des handicapés a trait à l'humain et aux relations entre les citoyens.

M. Patrice Martin-Lalande. Nous sommes bien d'accord.

M. Daniel Paul. Nous ne voulons pas le traiter à la hussarde.

Je souhaite donc, monsieur le président, que vous leviez la séance, afin que la discussion de ce texte puisse se poursuivre ultérieurement dans la dignité.

Mme Hélène Mignon. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Le sujet qui nous réunit est effectivement important. L'heure n'est pas aux divisions politiques, tant l'enjeu est crucial. Les personnes handicapées, jeunes ou adultes, qui suivent nos débats, doivent être bien tristes de notre comportement.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. C'est vrai !

M. Bernard Perrut. Pour que nos échanges puissent se poursuivre demain sur des situations qui nous posent problème à tous, il nous faut retrouver la sérénité.

Je voudrais saluer, de manière très simple et très humble, le travail mené par les deux secrétaires d'État...

Mme Catherine Génisson. Il est bouleversé, leur travail !

M. Bernard Perrut. ...et par le rapporteur, M. Jean-François Chossy, qui, au cours de quelque cent cinquante auditions, a reçu toutes les associations, les a écoutées et a essayé de traduire leurs aspirations (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. C'est vrai.

M. Bernard Perrut. Le texte ne mérite pas d'être repoussé. C'est un texte fondamental, puisqu'il reconnaît notamment le droit à compensation. Or le droit est bien ce qui nous unit, nous autres parlementaires.

L'article 2 que nous allons aborder est également fondamental,...

Mme Martine David. Le problème, c'est que vous allez l'aborder tout seul !

M. Bernard Perrut. ...puisqu'il permet de préciser, à travers les principes du droit à compensation, ce que représentera réellement la prestation annoncée.

Bien sûr, certains, sur ces bancs ou à l'extérieur de cet hémicycle, auraient souhaité que l'on accorde des droits sans limites ni conditions. Mais il faut tenir compte des réalités, notamment de la situation financière de la France.

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez vidé les caisses !

Mme Nadine Morano. Oh !

M. Bernard Perrut. Il faut comparer ce que le texte sera demain, lorsqu'il sera appliqué, et ce qu'il est aujourd'hui. Nul ne peut le contester : la création de la prestation de compensation est une avancée majeure.

Mme Martine David. Ce n'est pas le problème !

M. Bernard Perrut. Elle va permettre la prise en compte du handicap en dehors de critères trop stricts. Par le biais de moyens humains et matériels, le projet de loi répond donc aux attentes de toutes les personnes handicapées.

Mme Martine David. Ce n'est pas vrai !

M. Bernard Perrut. Je ne prétends pas convaincre ceux qui sont encore sceptiques. Mais je les appelle à la sérénité. Retrouvons-la pour faire avancer, ce soir et demain, ce texte fondamental. Nous le devons à toutes les personnes handicapées qui suivent nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.


M. Jean-Yves Le Bouillonnec
. Nous ne mettons pas en cause la majorité, qui est tout autant concernée que l'opposition, puisqu'elle a également présenté des amendements qui ont été examinés en commission. Pour l'instant, nous sommes, les uns et les autres, privés de débat. Nous ne contestons pas le fait que le texte qui sera finalement adopté sera celui que le Gouvernement et sa majorité auront voulu, mais nous souhaitons en débattre, ne serait-ce que par respect pour ceux qui ont participé à ces travaux et pour les personnes handicapées, les familles concernées et leurs associations.

Certes, personne n'imaginait que notre débat se conclurait de la même manière qu'en 1975,...

M. Patrice Martin-Lalande. Quel aveu !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ...mais chacun pensait qu'il serait constructif. Ce que nous ne voulons pas, mes chers collègues, c'est qu'il se poursuive dans les conditions que le Gouvernement nous impose, vous impose, en revenant sur ce qu'a fait la commission. Je suis un nouveau député, et j'apprends tous les jours, mais j'ignorais que la procédure de l'article 88 pouvait servir à piéger le débat législatif.

Aussi, nous vous demandons très solennellement, monsieur le président, de lever la séance, afin de permettre à la commission de réexaminer, demain, les amendements, avant de reprendre le débat en séance publique. C'est la seule façon honorable de traiter handicapés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Vannson. C'est excessif !

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. Je suis, moi aussi, un nouveau député, mais je possède une expérience professionnelle dans le domaine du handicap et je dois confesser ma perplexité. Comme M. Perrut l'a dit avec beaucoup de talent, il nous faut aborder ce débat avec humilité. J'ai été très frappé par l'intervention de Mme Marland-Militello, qui a dit avec dignité ce qu'il fallait dire.

Mme Martine David. Ça s'est arrêté là !

M. Claude Leteurtre. Cela dit, il y a un malentendu, mais peut-être n'est-il dû qu'à une question de forme. Aussi, je vous demande, madame la secrétaire d'État, de nous dire clairement si, oui ou non, nous parlerons de « la situation du handicap »,...

Mme Martine David. Elle a dit non !

M. Claude Leteurtre. Je sais. (Sourires.) Oui ou non, pouvons-nous espérer un travail de recherche sur le handicap ? Oui ou non, les barrières d'âge disparaîtront-elles ? Oui ou non, y aura-t-il un droit universel à prestation ?

Si vous pouvez nous rassurer, il ne subsistera qu'un problème de forme. Si tel n'est pas le cas, au moins dites-le clairement !

Mme Martine David. Très bien !

M. le président. Avant de vous donner la parole, madame la secrétaire d'État, je veux rappeler que c'est l'honneur de notre assemblée que d'avoir permis aux uns et aux autres de dire ce qu'ils avaient sur le cœur sur un sujet qui nous rassemble tous, sans s'en tenir strictement au règlement. (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Je le dis pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïtés vis-à-vis du public et de ceux qui suivent nos travaux. Chacun défend ses positions en commission et la séance publique permet d'exprimer ses interrogations.

Vous avez la parole, madame la secrétaire d'État.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Mesdames et messieurs les députés, j'ai écouté avec la plus extrême attention les propos qui viennent d'être tenus et je veux vous expliquer quel est le contexte de nos débats, dont je mesure bien la complexité et l'enjeu.

Hier encore, je me suis rendue devant la commission permanente du CNCPH pour présenter l'esprit du projet de loi et ses dispositions. Il s'agit notamment de revoir la définition du handicap. Je sais que, sur certains points, nous ne partageons pas la même approche, mais l'Assemblée s'est exprimée et je considère que ces divergences relèvent naturellement du débat. J'ai entendu les considérations sur l'impact de l'environnement, sur la nécessité de faire évoluer la définition du handicap et j'ai suivi les travaux de votre commission qui ont été marqués par la volonté de se situer au plus près des attentes des associations. Sans doute sommes-nous encore au milieu du gué, comme le disait Christine Boutin tout à l'heure, mais nous pourrons, dans quelques années, franchir un pas supplémentaire. Aujourd'hui, il nous faut rattraper certains retards, réaliser des avancées. À cet égard, les associations nous demandent que toutes les formes du handicap soient prises en considération de manière précise et diversifiée.

Sur un plan plus général, la nouvelle architecture du texte crée sans doute le trouble...

M. Pascal Terrasse. La confusion !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. ...et complique nos débats. De quoi s'agit-il ? Le projet du Gouvernement sur lequel vous avez travaillé comportait un certain nombre d'avancées dans les domaines de la recherche, de l'accès aux soins et de la prévention, mais ces dispositions étaient éparses. Or, toutes les associations nous ont dit de la manière la plus claire qu'elles ne voulaient plus que le handicap cache la personne. Comme je vous l'ai dit dans mon propos liminaire, trop de personnes handicapées meurent prématurément faute de dépistage, trop de personnes atteintes de handicaps mentaux souffrent faute d'être prises en charge dans des systèmes de soins ordinaires. Il m'a donc semblé que consacrer un titre I à la recherche, à l'accès aux soins et à la prévention permettait non seulement de mieux respecter la personne handicapée, mais aussi de rendre notre loi plus lisible et plus offensive.

Pour ce faire, il a fallu réorganiser le texte, bouleverser l'ordonnancement des articles, mais vous avez été les témoins de notre volonté de poursuivre les échanges jusqu'à la dernière minute. Il est vrai que cette démarche ne correspond pas forcément aux formes habituelles du débat parlementaire, mais il s'agit de prendre en compte de la manière la plus précise possible, dans un esprit de vérité et dans le respect des enjeux, les questions que les associations nous posent sans cesse et dont la presse se fait l'écho.

Par ailleurs, vous avez tous évoqué d'autres questions centrales, au premier rang desquelles figure celle, fondamentale, des barrières d'âge. Il est vrai que, dans notre pays, les personnes handicapées bénéficient, avant vingt ans, d'un dispositif, entre vingt et soixante ans d'un autre, et que, après soixante ans, elles sont considérées comme des personnes âgées. Pour autant, la loi ne peut pas bouleverser l'équilibre des prestations familiales. Pour cela, une réforme est nécessaire, mais je n'ai pas de baguette magique et ce n'est pas l'objet du projet de loi. Toutefois, celui-ci comporte des avancées substantielles dans ce domaine et la nécessité de cette réforme est inscrite dans une disposition transitoire. Cette mesure sans précédent nous était réclamée à corps et à cris par les associations.

Quant au droit de compensation, c'est une avancée majeure...

M. Bernard Perrut. C'est vrai !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. ...qui permettra à des milliers de personnes handicapées de « décoller » de l'AAH, de voir leur projet de vie enfin pris en compte et de participer à la société, grâce à la détermination d'un plan de compensation.

Mme Martine David. Avec quel argent ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Avec 850 millions d'euros, madame. Ainsi que je l'ai indiqué récemment à propos du texte relatif à la CNSA, nous savons très précisément les avancées que permettront ces crédits.

Mme Martine David. Ce n'est pas vrai !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Certes, j'aimerais pouvoir dire que nous disposons du double, mais ce n'est pas le cas. Quoi qu'il en soit, ces 850 millions nous permettront de financer le droit à compensation.

Mme Martine David. Et l'autonomie des personnes âgées ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Mieux vaut, madame, que nous n'abordions pas ce sujet ce soir.

Mme Nadine Morano. Oui, un peu de dignité !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Je ne veux pas polémiquer. J'essaie seulement de répondre avec conviction.

Dans l'esprit de ce texte, j'insiste aussi sur le droit à l'éducation pour les enfants handicapés, auxquels la loi permettra d'être inscrits de droit dans l'école de leur quartier.

M. Pascal Terrasse. C'est déjà le cas, madame la secrétaire d'État, et vous le savez très bien !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Certes, mais qu'en est-il dans les faits ?

M. Pascal Terrasse. Le droit n'est pas respecté !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. L'obligation ne figure pas dans la loi.

Je suis prête à aborder tous ces sujets avec vous au cours du débat, mais je ne veux pas prolonger davantage mon intervention. Je tenais simplement à vous dire quels sont notre état d'esprit et la manière dont nous avons travaillé. Nous sommes à l'écoute, jusqu'à cette heure tardive, des préoccupations des uns et des autres. La prise en compte des demandes des personnes handicapées et de leurs associations est à ce prix. J'ai bien conscience des difficultés que cela pose par rapport à l'organisation de nos travaux. Mon souhait est que le débat se poursuive et que nous ayons, au bout du compte, le sentiment de nous être tout dit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)


M. le président.
Je pense que cette demi-heure d'explication des positions de chacun était nécessaire.

Cela étant, une séance aura lieu demain matin à neuf heures et demie, et comme vous le savez, il est d'usage dans ces conditions de ne pas prolonger la séance trop au-delà de minuit. Puisqu'il est minuit pile, je vous propose que nous levions la séance et que nous reprenions nos travaux demain matin.

M. Pascal Terrasse. Merci ! Vous nous donnez raison !

    3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Demain, à neuf heures trente, première séance publique :

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle :

Rapport, n° 1630, de M. Alfred Trassy-Paillogues ;

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 1465, pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées :

Rapport, n° 1599, de M. Jean-François Chossy, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à minuit.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot