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Deuxième séance du mardi 15 juin 2004

256e séance de la session ordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

PROJET DE CONSTITUTION EUROPÉENNE

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller. Monsieur le Premier ministre, dans toute l'Europe ont eu lieu les élections au Parlement européen et dans quelques jours se tiendra le Conseil européen, où doit être discutée et - nous l'espérons pour notre part ardemment - adoptée la Constitution européenne.

Pour avoir participé pendant plus d'un an à la Convention, j'ai mesuré le travail remarquable qui y a été effectué sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing et sous l'impulsion du couple franco-allemand, en accord avec la très grande majorité des délégations des autres pays membres.

La très forte abstention aux dernières élections exige un sursaut, et par suite un engagement fort des dirigeants européens pour aboutir à une Constitution qui permette, après la réalisation de l'union économique puis monétaire, celle de l'union politique. La position courageuse sur l'Irak du Président de la République et de votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, a provoqué une prise de conscience des citoyens européens sur la nécessité que l'Europe parle d'une voix dans le monde. C'est pourquoi je vous demande quelles seront les conséquences des résultats du 13 juin sur la réunion capitale du Conseil européen les 17 et 18 juin prochains. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - « Zéro ! Zéro ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, il est clair que, dans les vingt-cinq pays de l'Union, la participation aux élections au Parlement européen est une grande déception. Tout le monde y a sa part de responsabilité et j'assume la mienne, car nous avons tous un devoir de mobilisation pour la cause européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Michel Lefait. Vous n'avez rien fait !

M. le Premier ministre. Les enjeux européens ne sont pas suffisamment lisibles dans l'ensemble des pays de l'Union. C'est pour cette raison que s'impose encore davantage aujourd'hui le projet de réforme institutionnelle, qui clarifiera les responsabilités et les pouvoirs, et notamment identifiera clairement le rôle du Parlement européen dans l'architecture institutionnelle communautaire. Je compte donc vraiment, les 17 et 18 juin, sur le sursaut que vous évoquez, monsieur le député, afin que nous aboutissions à un accord sur le traité constitutionnel.

Pour ce qui concerne le gouvernement de la France, nous écoutons les électeurs (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), nous félicitons les élus, tout en disant clairement que l'action du Gouvernement se fonde, d'une part, sur la confiance du Président de la République et, d'autre part, sur la confiance de la majorité. C'est ainsi que nous poursuivrons l'action de réforme au service de la France et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

CONSÉQUENCES POLITIQUES
DES ÉLECTIONS RÉGIONALES ET EUROPÉENNES

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, après les élections régionales, votre gouvernement a été une deuxième fois désavoué aux élections européennes par le peuple français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Jacques Descamps. C'est faux !

M. Jean-Marc Ayrault. Celui-ci vous a tout simplement censuré de la plus éclatante des manières.

M. Richard Cazenave. Et vos amis Schröder et Blair ?

M. Jean-Marc Ayrault. Légalement, j'en conviens, la responsabilité de votre gouvernement n'est pas engagée dans ces scrutins intermédiaires. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais sa légitimité est enfuie. (« Non ! » sur les mêmes bancs.) Vous ne disposez plus de la confiance et de l'assise nécessaires pour mener l'action de redressement dont la France a besoin.

M. André Gerin. C'est vrai !

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, votre abnégation n'est pas en cause. Vous avez cru agir pour le bien du pays. Mais vous et votre gouvernement incarnez aujourd'hui l'échec d'une politique. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous avez démontré votre impuissance à stimuler la reprise, vous avez méconnu le drame du chômage, vous avez creusé les inégalités. (« Non ! » sur les mêmes bancs.) Mais votre plus grave manquement est d'avoir amplifié la crise civique du 21 avril, dont votre gouvernement est issu.

Vous accrocher à ce qui n'est plus que l'apparence du pouvoir, comme vous le faites depuis les élections régionales, ne peut que précipiter le pays dans une impasse. S'il y a de la noblesse à braver l'impopularité pour accomplir ce à quoi l'on croit, c'est une grande faiblesse de gouverner un peuple contre lui-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le Premier ministre, ma question est donc terriblement simple : allez-vous remettre la démission de votre gouvernement au Président de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Ayrault...

Plusieurs députés du groupe socialiste. Monsieur le président Ayrault !

M. le Premier ministre. Monsieur le président du groupe socialiste, député-maire de Nantes, en bon républicain, je respecte les institutions de la ve République. (« Alors, démissionnez ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Je vous invite à faire de même. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je constate qu'à défaut d'idées, à défaut de projet, à défaut de programme, vous avez choisi une stratégie : la chasse à l'homme ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements et huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Glavany. N'importe quoi !

M. le Premier ministre. Ce n'est pas ma conception de la démocratie. Ce n'est pas ma conception de la République.

Je sais qu'il y a dans vos rangs de très nombreux présidentiables, mais aucun d'entre eux, que je sache, n'a le pouvoir de nommer le Président de la République... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)  Alors, que chacun reste dans son rôle : à vous le vacarme des mots, à nous le courage de l'action ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - « Au Sénat ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

RÉNOVATION URBAINE

M. le président. La parole est à M. Gilles Artigues pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Gilles Artigues. Ma question, à laquelle s'associe mon collègue Francis Vercamer, s'adresse à Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances.

Madame la secrétaire d'État, le 1er août dernier a été promulguée une loi dont l'ambition affichée était de transformer durablement les quartiers les plus en difficulté de nos villes. Nous avons voté la création d'une Agence nationale de rénovation urbaine dotée de moyens financiers sans précédent, pouvant être mobilisés rapidement et à l'abri de tout gel ou annulation de crédits.

Un an après, bien que nous soyons conscients des difficultés et des contraintes d'un tel dispositif, nous ne pouvons que relayer la déception, ou en tout cas l'impatience des habitants de nos quartiers, qui ont travaillé dans la concertation à l'élaboration de nos dossiers. J'en suis le témoin au quotidien dans la ville de Saint-Étienne, dont je suis un des élus.

J'aimerais donc savoir, madame la secrétaire d'État, quel est votre calendrier. Quand verrons-nous fleurir dans nos quartiers, comme l'a annoncé Jean-Louis Borloo, toutes ces grues tant attendues ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances.

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Comme vous le soulignez à juste titre, monsieur le député, nous avons pu constater l'impatience et l'attente qui se manifestaient parmi nos concitoyens. Je les ai mesurées moi-même sur le terrain, à Reims, où je me suis rendue il y a quelques jours avec l'équipe de l'Agence nationale de rénovation urbaine. Au demeurant, c'est pour répondre à cette attente que Jean-Louis Borloo et le Premier ministre ont mis en place cette agence, qui est un outil doté de moyens à la fois techniques et financiers extrêmement puissants.

La loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine a été promulguée, vous l'avez rappelé, au mois d'août. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Nous avons provoqué une vraie rupture méthodologique en obtenant un remarquable effet de levier, et ce avec une grande rapidité : après moins de dix mois, l'ANRU est en ordre de marche. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Rochebloine. Ce que nous voulons, ce sont des actes !

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Pour témoigner de l'importance que nous accordons à cette agence, 465 millions lui ont été attribués par l'État.

Quel est le calendrier ? Le décret d'application portant création de l'ANRU a été pris en février dernier, six mois après la promulgation de la loi. Les délégués territoriaux ont été nommés par les préfets aux mois d'avril et de mai. M. Jean-Paul Alduy vient d'être nommé président. Le premier conseil d'administration s'est tenu le 7 juin. Mon collègue Marc-Philippe Daubresse et moi-même avons demandé au directeur général de notifier 307 millions d'euros de capacité d'engagement de subventions aux délégués territoriaux. Plus de 30 dossiers de rénovation urbaine seront approuvés avant l'été, après l'examen en comité d'engagement. Le rythme sera, en règle générale, de 150 dossiers par an.

Permettez-moi d'en citer quelques-uns à titre d'exemple : les Merisiers à Trappes, les Épinettes à Maubeuge, le quartier de la Transition à Boulogne-sur-Mer. Quant au dossier de Saint-Étienne, monsieur le député, c'est le 5 juillet prochain qu'il sera examiné. Comme vous le voyez, au ministère de l'emploi et de la cohésion sociale, avec Jean-Louis Borloo, non seulement nous voulons voir fleurir les grues, mais surtout nous agissons ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

VOTE SANCTION ET RÉFORME D'EDF

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Aux élections de dimanche dernier, une écrasante majorité de citoyens européens s'est abstenue, par défiance vis-à-vis d'une Europe qui ne répond pas à leur attente, une Europe écrasée par la marchandisation et la privatisation de tout, au détriment de l'emploi et des protections sociales. Celles et ceux qui ont voté ont partout, ou presque, émis un vote sanction à l'égard de leurs gouvernements respectifs,...

M. Yves Fromion. Et à l'égard des communistes !

M. Jean-Claude Sandrier. ...qui inscrivent leur politique dans le cadre de cette Europe ultralibérale.

Or que font les responsables européens et français ? Ils vont discuter dans trois jours de la Constitution européenne, prendre des décisions avec les mêmes orientations politiques et économiques, comme si rien ne s'était passé dimanche ! Une telle attitude n'est ni juste, ni saine pour la démocratie.

Ajoutons à cela, monsieur le Premier ministre, que pour la deuxième fois en trois mois les Français émettent un vote sanction très clair à l'égard de votre gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et, par deux fois, vous répondez : « Nous continuons ! », comme si rien ne s'était passé et comme si le message des Français n'avait pas un sens !

À la crise sociale profonde, vous êtes en train d'ajouter, en ignorant par deux fois le verdict des urnes, une crise politique et civique que vous allez malheureusement aggraver en maintenant votre projet de loi sur EDF-GDF, lequel est présenté au nom de décisions européennes dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles ont été ébranlées dimanche. Vous allez également l'aggraver en présentant un projet de loi sur la sécurité sociale en pleine période de congés pour nos compatriotes.

Êtes-vous prêt, monsieur le Premier ministre, à tenir compte du verdict des urnes en retirant l'examen de ces deux projets de loi de l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, et, ce faisant, à modifier des méthodes de gouvernement qui trahissent un certain mépris pour nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, votre question était très vaste. Permettez-moi de m'en tenir à un des sujets que vous avez évoqué et qui mérite d'être pris en compte avec beaucoup d'attention et de sérieux : la situation de cette grande entreprise qu'est EDF.

Solennellement, le Gouvernement veut dire à la représentation nationale que le statut des agents ne sera pas modifié, ni de près, ni de loin.

M. André Gerin. Faux !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pas une décision ne modifiera ce statut.

M. André Gerin. Faux !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ensuite, EDF ne sera pas privatisée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Le Gouvernement ne le souhaite pas. L'Europe ne nous le demande pas. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Enfin, l'augmentation du capital de l'entreprise ne sera décidée qu'après qu'une commission comprenant parlementaires et partenaires sociaux aura fait le point sur ses besoins de financement.

M. François Hollande. Alors, pourquoi changer de statut ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Deux cas pourront se présenter. Soit l'entreprise n'a pas besoin de financement, et il n'y aura pas d'ouverture du capital.

M. Julien Dray et M. François Hollande. Alors, pourquoi une loi ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Soit l'entreprise a besoin de financement, et le Gouvernement lui donnera les moyens de se développer.

Telle est la politique du Gouvernement.

Reste que les syndicats ont fait preuve, à deux exceptions près (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicain), d'une grande responsabilité, car ils savent bien qu'il y a un consensus national autour de cette entreprise.

M. Christian Bataille. Alors, à quoi servons-nous ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Un mot sur les deux exceptions. D'abord, le Gouvernement n'accepte pas qu'on cible des élus du peuple, qui doivent pouvoir voter librement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Que deviendrait notre République si, quand on n'est pas content de la décision d'un juge, on coupe le courant chez lui ? Si, quand on n'est pas satisfait du traitement d'un médecin, on coupe le courant à l'hôpital ? (Exclamations sur les bancs du groupe des députés-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Les parlementaires doivent être respectés !

Il est tout aussi inacceptable d'avoir pris en otages les usagers du service public de la SNCF.

M. Maxime Gremetz. Démago !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cela mis à part, chacun s'est montré responsable, et j'invite tous les parlementaires à faire preuve de la même responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

AIDE À LA CESSION DES FONDS DE COMMERCE

À DES COMMERÇANTS

M. le président. La parole est à M. Alfred Trassy-Paillogues, pour le groupe UMP.

M. Alfred Trassy-Paillogues. Monsieur le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le 4 mai dernier, lors de votre conférence de presse, vous vous êtes prononcé sur les grandes orientations de la politique économique que vous entendez mettre en œuvre, et vous avez annoncé un certain nombre de mesures visant au redressement des finances publiques, au soutien de l'activité et à l'engagement d'une politique industrielle volontariste. Vous avez notamment exprimé votre intention d'exonérer totalement de l'impôt sur les plus-values les commerçants qui cèderont leur fonds de commerce à un commerçant du même secteur d'activité. L'attractivité évidente de cette mesure a eu malheureusement pour effet immédiat de stopper net les cessions de fonds de commerce en cours et de ralentir ainsi l'élan de redynamisation du commerce en centre-ville, qui en a pourtant bien besoin.

Monsieur le ministre d'État, pouvez-vous nous indiquer à quelle échéance vous entendez concrétiser cette annonce,  et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, l'avenir du petit commerce de nos villes préoccupe tous les parlementaires. Depuis quelques années, nous constatons en effet que tous les petits commerçants disparaissent, soit parce qu'ils vendent leur fonds de commerce, quand ils le peuvent, à des banques ou à des compagnies d'assurance, soit parce qu'ils ne trouvent pas de successeur.

Sa vie durant, le petit commerçant travaille dur pour créer son fonds de commerce. Et lui, qui n'est pas en secteur protégé (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés-e-s communistes et républicains - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

Mme Odile Saugues. Populiste ! Démago !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...joue sa retraite sur la valeur de ce fonds de commerce. Cela signifie que selon la vente qu'il aura réalisée, sa retraite sera un peu meilleure ou un peu moins bonne. On ne peut pas lui faire le reproche de vendre au plus offrant.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement propose qu'un commerçant qui vendrait à un autre petit commerçant soit totalement exonéré de droits de mutation ou d'impôt sur les plus-values, de façon à rééquilibrer l'offre entre les grandes banques ou les compagnies d'assurance et les commerçants du même secteur.

M. Yves Fromion. Très bien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous voulons ainsi qu'un petit commerçant puisse vendre son fonds à un autre petit commerçant.

M. François Hollande. C'est comme à l'UMP, c'est le petit commerce...

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La mesure sera effective dès la fin du mois de juin de cette année. A la différence de certains de nos prédécesseurs, en effet, notre propos n'est pas de créer des groupes de travail ou des groupes de réflexion. Il est de décider, parce que le temps joue contre nous. Il faut agir dès maintenant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

PUBLICATION DU GUIDE RÉPUBLICAIN

M. le président. La parole est à M. Michel Diefenbacher, pour le groupe UMP.

M. Michel Diefenbacher. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, pendant les années noires de l'Occupation, dans le camp d'internement de Rivesaltes, un petit groupe d'enfants juifs, guidé par une infirmière suisse, avait fait un dessin sur les murs d'un baraquement. Ce dessin, qui représentait un paysage de campagne, était surtout une merveilleuse fresque dédiée à la liberté, à la fraternité et à la vie. Après un long oubli, cette fresque devait être restaurée ; elle a été odieusement dégradée.

Les actes de vandalisme sur les monuments religieux ou les tombes se sont multipliés. Hier encore, soixante tombes du carré musulman ont été profanées au cimetière de la Meinau à Strasbourg.

De tels actes ne peuvent que susciter l'indignation et la réprobation. C'est dans ce contexte que vous venez, monsieur le ministre, de présenter le Guide républicain, réalisé à l'initiative de votre prédécesseur Luc Ferry.

Il est vital, pour l'avenir de la démocratie et la dignité de la France, que l'État affirme devant notre jeunesse nos valeurs, nos principes, nos idéaux.

Il est primordial qu'il le fasse avec fermeté et sans concessions, face à tous les comportements de haine, d'exclusion et d'intolérance.

Il est primordial aussi que lorsque des comportements de cette nature se produisent dans des établissements scolaires, ils soient fermement sanctionnés.

Le Guide républicain sera assurément un ouvrage de référence. Mais il faut surtout qu'il soit un instrument d'action pour tous les partenaires des communautés éducatives, au service d'une France plus juste et d'une société plus fraternelle. Monsieur le ministre, j'aimerais savoir ce qui sera fait concrètement en ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, la force de notre nation ne se mesure pas seulement à l'aune de son PIB. Elle se juge à la force des liens et des principes qui la rassemblent.

Notre devise républicaine, c'est la liberté, l'égalité et la fraternité. Ce n'est pas l'individualisme, le communautarisme et l'égoïsme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

La République reste un combat des valeurs. Quand des cimetières, qu'ils soient juifs, musulmans ou chrétiens, sont outragés, quand des actes d'antisémitisme ou de racisme sont perpétrés, blessant nos principes les plus fondamentaux, quand les droits de la femme sont ignorés par certains, quand la violence du plus fort s'impose au plus faible, quand l'incivisme prend le pas sur les devoirs du citoyen, il est temps de réaffirmer l'alliance de la République et de l'école.

C'est en effet à l'école que, dès le plus jeune âge, les valeurs de notre nation doivent être enseignées et partagées. Tel est l'objectif du Guide républicain. Cet outil de travail destiné aux enseignants propose des références politiques, philosophiques, culturelles pour informer et guider les adolescents sur le chemin de la citoyenneté. Il sera tiré à 250 000 exemplaires et largement diffusé dans tous les établissements scolaires.

La République, la citoyenneté, l'amour de la liberté et de la patrie : ces principes ne sont pas démodés. Plus que jamais, ce qui doit nous rassembler doit s'imposer sur ce qui peut nous diviser. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

RETRAITES DES FONCTIONNAIRES

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour le groupe socialiste.

M. Pascal Terrasse. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Comme ce fut le cas l'année dernière, au moment où je vous parle, les agents d'EDF sont dans la rue et l'ensemble des organisations syndicales dénoncent unanimement la privatisation de l'assurance maladie. (« Hou ! Hou ! Changez de disque ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Hier comme aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, vous n'écoutez pas les Français. On pourrait résumer votre action par : « J'y suis, j'y reste ! »

C'est un bien triste anniversaire que nous fêtons aujourd'hui. Il y a près d'un an, vous avez fait voter une réforme des retraites qui restera dans les annales, réforme frappée du sceau de l'inégalité et du déni de solidarité. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Aujourd'hui, nos concitoyens ne s'y trompent guère. Votre réforme apparaît de plus en plus comme une supercherie. Votre discours sur l'équité entre les salariés du public et ceux du privé n'a servi, en réalité, qu'à remettre en cause le droit de tous. Votre équation est d'ailleurs simple : « Cotiser plus pour, en définitive, toucher beaucoup moins. »

Monsieur le Premier ministre, vous étiez resté sourd à nos appels concernant les femmes fonctionnaires, qui ne bénéficieront pas de bonifications pour enfants. Cruellement, le Conseil d'orientation des retraites vient de vous rappeler cette grave erreur.

Vous prétendez avoir offert un droit de départ à la retraite à tous ceux de nos concitoyens qui ont commencé à travailler tôt. Un tel discours n'est pas sincère : les conditions de ce départ sont très restrictives dans le secteur privé et impossibles à remplir dans le secteur public.

Il est intolérable, enfin, que vous n'accordiez pas à nos concitoyens un droit légitime à une information claire et précise sur leurs retraites !

M. Roland Chassain. La question !

M. Pascal Terrasse. Ma question (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) est donc simple : allez-vous enfin accorder aux fonctionnaires ayant commencé à travailler très tôt un droit au départ anticipé dans des conditions égales à celles des autres salariés ? Allez-vous rétablir le droit à bonification pour toutes les mères fonctionnaires ? Allez-vous assurer la mise en œuvre rapide d'un droit individuel à l'information permanente à tous les Français pour qu'ils puissent juger immédiatement des effets néfastes de votre réforme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État.

M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. Monsieur le député, vous m'avez posé trois questions en une. Je m'en réjouis, car il fut un temps où le parti socialiste était silencieux sur la retraite des fonctionnaires et où le gouvernement qu'il soutenait était tout aussi silencieux et inactif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jérôme Lambert et M. Jean-Marie Le Guen. Ça commence mal !

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. Ce n'est pas le cas du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, qui s'est attelé à cette réforme et a garanti la pérennité du régime de retraite des fonctionnaires. Cinq millions de fonctionnaires, grâce à la loi du 21 août 2003, ont aujourd'hui devant eux un avenir garanti et lisible. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

En ce qui concerne les carrières longues, le Premier ministre a indiqué qu'un régime similaire à celui qui a été mis en œuvre pour le régime privé serait mis en place. Dès vendredi prochain, je rencontrerai à ce sujet les partenaires sociaux ; j'ai bon espoir d'aboutir à un accord avant l'été.

En ce qui concerne le droit à l'information, nous allons mettre en place une réforme importante pour que les fonctionnaires connaissent exactement leurs droits à retraite. Ce n'était pas le cas auparavant. Ce sera fait.

En ce qui concerne les bonifications pour enfant, nous travaillons avec le Conseil d'orientation des retraites - où siègent les partenaires sociaux - afin d'examiner les mesures qui restent à prendre.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. C'est long !

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. Enfin, des décrets sont imminents, en particulier le décret sur le régime additionnel assis sur les primes. J'irai, dans quelques jours, à Bordeaux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), où sera installé ce régime qui apportera des droits nouveaux aux fonctionnaires. Car la réforme des retraites, c'est aussi des droits nouveaux pour les fonctionnaires. Et ils le savent ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)


FILIÈRE LAITIÈRE

M. le président. La parole est à M. Marcel Bonnot, pour le groupe UMP.

M. Marcel Bonnot. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

Il est superfétatoire de rappeler que, dans un légendaire moment d'irresponsabilité, votre prédécesseur, monsieur le ministre, a conduit l'agriculture française aux pires vicissitudes en signant les accords de Berlin de 1999.

M. Jean Glavany. Qui dirigeait la délégation à Berlin ?

M. Jérôme Lambert. Chirac !

M. Marcel Bonnot. Fort heureusement, la maîtrise dont vous avez fait preuve, avec le chef de l'État, lors des accords de Luxembourg en 2003, a garanti à la France la structure financière de la PAC jusqu'en 2013, soit 10 milliards d'euros annuels.

Ce matin, vous avez participé, dans notre assemblée, à un débat qui a permis à la représentation nationale d'appréhender les orientations qu'il est souhaitable de privilégier dans la mise en œuvre de la réforme de la politique agricole commune. J'ai cru comprendre que ce débat en ouvrait un autre, plus large, que vous souhaitez conduire dans toute la France, avec les organisations professionnelles et les agriculteurs, pour expliquer les modalités d'application et les effets de la réforme de la PAC dans notre pays.

M. Henri Emmanuelli. C'est inexplicable !

M. Marcel Bonnot. Cette démarche m'apparaît d'autant plus nécessaire que, dans mon département du Doubs, la production laitière suscite interrogations et inquiétudes.

M. Henri Emmanuelli. Vous allez souffrir !

M. Marcel Bonnot. D'aucuns souhaitent que, face à la baisse des prix du lait constatée depuis quelques mois, une véritable maîtrise de la production puisse s'instaurer en fonction de l'évolution de la demande.

Monsieur le ministre, à la suite des contacts nombreux et nourris que vous avez eus avec vos collègues européens, pouvez-vous nous dire quelles mesures vous comptez mettre en œuvre pour assurer une meilleure gestion de l'offre au niveau communautaire et garantir ainsi l'avenir de la filière lait, qui concerne un grand nombre d'exploitants et attire une majorité de jeunes agriculteurs ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, vous l'avez dit, depuis trois ans, la filière laitière connaît certaines difficultés, liées notamment à la baisse du prix.

Comme vous le savez, le prix du lait n'est fixé ni par Bruxelles ni par le Gouvernement ; il résulte du marché, dans le cadre d'un accord national interprofessionnel. Cet accord ayant été dénoncé en décembre de l'année dernière, nous sommes dans une période transitoire jusqu'au deuxième semestre. Nous souhaitons que le plus large accord puisse intervenir pour établir un partage équilibré entre la production et la transformation et faire en sorte que les prix ne soient pas calés sur ceux des produits industriels.

En second lieu, le Premier ministre a voulu un plan d'aide et de soutien à la filière laitière. J'ai eu l'occasion de dire, il y a deux mois, que nous répondions présents pour aider les éleveurs à mettre aux normes leurs exploitations, ce qui implique pour eux de lourds investissements.

Enfin, comme vous le dites, monsieur le député, il faut maîtriser l'offre au niveau européen puisque nous avons des excédents. Je vous rappelle qu'à notre arrivée au Gouvernement, la disparition des quotas était prévue pour 2008, ce qui, avec l'élargissement européen, aurait été une catastrophe pour notre filière laitière. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jérôme Lambert. C'est Chirac qui avait signé !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Nous avons obtenu leur prolongation jusqu'en 2015. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais il faut aller au-delà, en utilisant les quotas comme mode de gestion du marché au niveau communautaire. Je l'ai dit le 21 février dernier à Bruxelles. La majorité des États a suivi la proposition de la France. La balle est maintenant dans le camp de la Commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

EMPLOI DANS LE BTP

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe UMP.

Mme Pascale Gruny. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

Le bâtiment et les travaux publics sont l'un des secteurs de l'économie dont l'activité est très fortement corrélée à la croissance : on n'achète pas un logement lorsqu'on craint pour son emploi ; un chef d'entreprise ne construit pas de nouvelle usine ni ne loue de nouvelles surfaces de bureau si ses carnets de commande ne sont pas pleins ou s'il ne prévoit pas d'embaucher de nouveaux collaborateurs.

M. Maxime Gremetz. Il en faut des conditions !

Mme Pascale Gruny. Or, monsieur le ministre, le bâtiment a connu une fin d'année 2003 exceptionnelle et les prévisions pour 2004, que vous avez publiées récemment, annoncent pour ce secteur une croissance de plus de 2 %, et surtout la création de plus de 20 000 emplois nouveaux, après 18 000 créations nettes en 2003.

M. Maxime Gremetz. Allo !

Mme Pascale Gruny. Aujourd'hui, près de 100 000 emplois dans le BTP sont durablement non pourvus. Tout gouvernement a le devoir d'exploiter un tel réservoir d'emplois et d'assurer la pérennité de ce gisement de croissance.

Vous nous aviez annoncé, il y a quelques semaines, votre intention de réunir l'ensemble des professionnels et des administrations concernées par ce secteur.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Cela ne coûte pas cher !

Mme Pascale Gruny. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, si cette table ronde a eu lieu et quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour conforter l'activité et l'emploi dans le bâtiment ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Madame la députée, la situation est paradoxale : en 2003, le bâtiment et les travaux publics ont créé 18 000 emplois supplémentaires et vont probablement en créer à nouveau 15 000 à 20 000 en 2004. Compte tenu de la pyramide des âges, les besoins annuels de recrutement du secteur représenteront 100 000 personnes ; or il ressort d'une enquête auprès des entreprises que les trois quarts d'entre elles ont des difficultés réelles pour recruter.

M. André Chassaigne. Il faudrait payer les salariés !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. C'est inacceptable dans un pays qui compte plus de deux millions de chômeurs.

C'est pourquoi, ce matin, avec Marc-Philippe Daubresse et Laurent Hénart, nous avons lancé un vrai plan de mobilisation pour l'emploi dans le bâtiment et les travaux publics.

M. Maxime Gremetz. Ça alors !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Ce plan repose sur quatre points essentiels.

D'abord, il faut valoriser ces métiers auprès des jeunes. Avec François Fillon, nous avons décidé de travailler en concertation avec les directeurs de l'équipement, les recteurs et les conseillers d'orientation pour inciter les jeunes à épouser ces carrières.

Ensuite, le secteur du bâtiment et des travaux publics évoluant très vite, il est nécessaire d'adapter la formation aux métiers d'aujourd'hui et de demain. Sur ce point, nous sommes en phase avec François Fillon.

Nous avons encore décidé, avec Laurent Hénart, d'accélérer le processus d'apprentissage dans les métiers du bâtiment pour orienter le plus possible de jeunes vers ces beaux métiers.

Enfin, il y a là un gisement d'emplois extraordinaire, encore inexploité, pour les femmes. Ceux qui pensent que ce ne sont pas des métiers féminins se trompent. De plus en plus de femmes épousent une carrière dans le bâtiment et les travaux publics, il faut le dire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Des expériences pilotes ont été menées avec réussite. Nous allons les multiplier et les étendre, car beaucoup de femmes peuvent trouver un débouché dans ces métiers.

Ce grand plan de mobilisation pour l'emploi dans le bâtiment sera coordonné par M. Garcia, ingénieur général au ministère de l'équipement. Nous nous retrouverons avec lui tous les six mois, pour évaluer les mesures prises, les valider et en prendre d'autres en faveur de ce secteur moteur de croissance et générateur d'emplois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys, pour le groupe socialiste.

M. Alain Claeys. Monsieur le président, avant de poser ma question à M. le ministre de la santé, je voudrais dire à M. Gaymard que son prédécesseur, Jean Glavany, n'était pas à Berlin en 1999. (« Où était-il ? Où ? Où ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le président de la délégation s'appelait Jacques Chirac, Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Cela suffit ! Laissez M. Claeys s'exprimer !

M. Alain Claeys. Monsieur le ministre de la santé, il y a une semaine, ici même, en faisant dire aux partenaires sociaux ce qu'ils n'avaient pas dit, vous avez menti. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie n'a pas approuvé votre projet de loi. Il a, au contraire, adopté un avis très critique sur vos propositions. Il a indiqué explicitement qu'elles ne répondent pas au double enjeu d'organisation du système et de retour à l'équilibre.

De fait, monsieur le ministre, votre projet ne fait que sanctionner les assurés sociaux. (Protestations sur les mêmes bancs.) La franchise d'un euro sur la consultation répond à une logique de déremboursement. Plus les Français seront malades, plus ils paieront ! (Mêmes mouvements.) Votre projet est inquiétant car il remet en cause notre système solidaire d'assurance maladie.

Fin 2006, la sécurité sociale aura accumulé une dette de plus de 50 milliards d'euros, que vous reportez purement et simplement sur les générations futures. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Alors que votre projet ne contient aucune mesure efficace pour réorganiser notre système de soins, vous voulez faire adopter, à la va-vite et pendant les vacances d'été, des mesures déséquilibrées, injustes et inquiétantes.

Monsieur le ministre, allez-vous enfin reconnaître que votre projet est une formidable machine à faire payer par les seuls assurés sociaux la politique de fuite en avant menée depuis deux ans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur le député, je suis à votre disposition pour relire avec vous l'avis que le président de la CNAM a fait adopter. Seule la CGT a voté contre. Je vous le redirai la semaine prochaine si vous me reposez la question parce que c'est la vérité.

M. Jean Glavany. Votre nez s'allonge !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je vous communiquerai également l'avis de l'ACOSS, la banque de la sécurité sociale, sur le texte du Gouvernement. Quand on parle d'un sujet, il faut le connaître ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous nous reprochez de faire supporter la dette par nos enfants et petits-enfants. Qu'a fait M. Jospin - que vous connaissez, je crois -, sinon la reporter de 2008 à 2014 ?

Après une phase d'écoute, de diagnostic et de dialogue, nous allons passer à la phase parlementaire.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ce sera plus dur !

M. Maxime Gremetz. Ce sera long !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est une phase décisive. Nous ferons preuve avec les parlementaires de la même ouverture qu'avec les partenaires sociaux pour améliorer le texte.

Demain, la commission des comptes de la sécurité sociale annoncera le déficit (« Le vôtre ! » sur les bancs du groupe socialiste) : 14 milliards d'euros pour la sécurité sociale et 13 milliards pour l'assurance maladie.

M. Maxime Gremetz. Et pour les exonérations patronales : 20 milliards !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. De 2000 à 2002, années où vous étiez au pouvoir, les dépenses d'assurance maladie ont augmenté entre 6 % et 6,5 %. Nous aurions aimé que vous ayez le courage de faire ces réformes avant nous.

M. Jérôme Lambert. Nous n'aurions certainement pas fait les mêmes !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Lorsque la réforme sera adoptée, la majorité aura sauvé les deux piliers de l'héritage social républicain que sont la retraite par répartition et l'assurance maladie. Ainsi, derrière le Premier ministre, elle aura mis la France sur le chemin de la croissance, de la confiance et de la modernisation. Rien ne nous détournera de ce pacte social. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

VIOLENCE SCOLAIRE

M. le président. La parole est à M. Lionnel Luca, pour le groupe UMP.

M. Lionnel Luca. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, depuis la rentrée scolaire, 71 116 incidents ont été signalés, contre 65 034 durant toute l'année scolaire 2002-2003. Parmi ces incidents de toutes sortes, ce sont les violences physiques sans arme qui priment, avec plus de 4 070 actes, soit 25,06 % du total, puis viennent les vols, pour quelque 10 %. Dans le cas des violences physiques, celles à caractère sexuel ont connu une augmentation inquiétante, de plus de 20 %, soit quelque 320 cas supplémentaires.

M. Albert Facon. Et les emplois-jeunes ?

M. Lionnel Luca. Nous sommes certes loin des chiffres calamiteux de la gauche (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) puisque, l'an dernier, un recul considérable avait été constaté. Mais cette recrudescence est alarmante. Aussi aimerais-je, monsieur le ministre, avoir votre sentiment sur ces mauvais chiffres et savoir quels moyens vous comptez mettre en œuvre pour que la jeunesse de France, qui nous préoccupe tous, soit véritablement en sécurité dans nos établissements scolaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, l'école est victime de vingt-cinq années d'irrésolution de notre société vis-à-vis des repères éthiques et des repères républicains.

Quand la question de l'insécurité a été si longtemps éludée, quand le dealer gagne plus que le travailleur, quand certains parents démissionnent,...

M. Henri Emmanuelli. C'est la faute de la gauche !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...quand certains programmes de télévision font l'apologie des faux héros et des fausses valeurs, quand l'enfant est considéré comme l'égal de l'adulte, il n'est pas étonnant de voir certains adolescents décider de faire leur loi.

Face à la violence scolaire, il faut d'abord et avant tout rétablir certaines valeurs.

M. René André. Tout à fait !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. La valeur de l'autorité doit être au cœur du projet éducatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il faut ensuite rappeler la valeur du respect : un enseignant n'est pas un animateur ; c'est un professeur. (Applaudissements sur les mêmes bancs.) Si j'ai ouvert le débat sur les conseils de classe et sur la responsabilité des enseignants au sein de ces derniers, c'est parce que je veux qu'ils soient respectés et, pour qu'ils le soient, il faut qu'ils aient l'autorité nécessaire.

Troisième valeur à rétablir : celle du civisme. La circulaire sur la laïcité est le symbole d'une éducation citoyenne qui ne peut pas être à la carte.

Mon action sera fondée à la fois sur la transparence et sur la synergie.

M. Alain Néri. C'est vous qui êtes transparent !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Elle sera fondée sur la transparence parce qu'on ne peut pas résoudre le problème de l'insécurité en cachant les chiffres. C'est la raison pour laquelle j'ai voulu que le ministère publie tous les deux mois les chiffres relatifs à l'insécurité. Il est vrai que, depuis plusieurs années, ils sont en augmentation. Et ils ont encore crû de plus de 5 % depuis le début de l'année.

M. Yves Durand. Vous avez supprimé les surveillants et les emplois-jeunes !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mon action sera ensuite fondée sur la synergie. Nous travaillerons conjointement avec le ministère de la justice. Dominique Perben et moi-même venons de signer une convention qui permettra au Parquet de Paris et à l'Académie de Paris de traiter les infractions en temps réel. Je veux que cette expérience soit progressivement généralisée à l'ensemble des académies.

M. Yves Durand. Cela n'a aucun sens !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous travaillerons en synergie également avec le ministère de l'intérieur. Dominique de Villepin et moi-même sommes en train de préparer une convention sur la violence à l'école, afin de lutter en particulier contre le racket et contre la toxicomanie. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. Il fallait maintenir les emplois-jeunes !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Face à la violence scolaire, ce ne sont pas les hurlements de la gauche qui arrangeront quoi que ce soit, mais la mobilisation de tous, la défense des valeurs, la force du discours. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

LOGEMENT SOCIAL

M. le président. La parole est à M. Céleste Lett, pour le groupe UMP.

M. Céleste Lett. Monsieur le secrétaire d'État au logement, l'accès au logement est au cœur des préoccupations de nos concitoyens. Or le marché du logement est aujourd'hui si tendu que, bien souvent, les plus démunis ne peuvent pas se loger dans des conditions correspondant à leurs besoins et à leurs capacités financières. Face à ce problème majeur pour notre société, les gouvernements socialistes successifs n'ont pas été capables de provoquer la prise de conscience nécessaire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Serge Janquin. Changez de disque !

M. Céleste Lett. Ils n'ont pas su mobiliser les acteurs du secteur pour produire les logements nécessaires. Je ne citerai qu'un exemple : alors qu'on construisait entre 60 000 et 90 000 logements sociaux par an au milieu des années 1990, ce chiffre a chuté à 42 000 à peine en 2000 ! Le retard accumulé est considérable. La gauche n'est pas parvenue à porter la production à plus de 56 000 logements en 2001 et 2002.

Le Gouvernement vient d'annoncer deux mesures de nature à renforcer la cohésion sociale en faveur de la production et de la réhabilitation de logements sociaux. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous en préciser la teneur ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État au logement.

M. Marc-Philippe Daubresse, secrétaire d'État au logement. Le logement connaît une crise paradoxale puisque jamais, depuis vingt ans, on n'a construit autant de logements neufs - 327 000 sur les douze derniers mois - mais jamais non plus il n'a été aussi difficile pour les personnes les plus modestes et les plus démunies, et même pour les classes moyennes, de trouver un logement adapté à leurs ressources.

La violence, l'échec scolaire et la perte de l'identité parentale sont autant de conséquences du mal-logement. Il est donc nécessaire d'agir vite et fort pour réduire cette fracture sociale. C'est tout l'enjeu du plan de cohésion sociale que présentera prochainement Jean-Louis Borloo.

Comme vous le savez, il faudrait construire 600 000 logements locatifs conventionnés supplémentaires pour faire face à cette crise. Pour ne pas attendre, nous avons, en étroite concertation avec le ministre de l'économie et des finances, avec Jean-Louis Borloo et avec la Caisse des dépôts et consignations, pris deux mesures urgentes et importantes qui s'appliqueront dès le 1er juillet.

Premièrement, nous allons financer 10 000 logements de plus qu'il n'était prévu dans les objectifs pourtant déjà très volontaristes fixés par Gilles de Robien l'année dernière. Pour cela, nous allons mettre en place des prêts locatifs sociaux. Ce produit souple et rapide est souhaité par tous les maires et tous les bailleurs sociaux. Il présente de plus l'avantage de s'appliquer à deux catégories qui attendent avec angoisse des logements en résidence ou en foyer : les étudiants, que l'on a trop souvent délaissés ces dernières années, et les personnes âgées.

M. Arnaud Lepercq. Très bien !

M. le secrétaire d'État au logement. Ce prêt locatif social va nous permettre de régler bien des problèmes d'ici à la fin de l'année.

Deuxièmement, face à la dégradation du parc existant, nous avons décidé avec la Caisse des dépôts de mettre sur le marché pour 2 milliards d'euros de prêts à taux très bonifié - moins de 3 % - de façon à pouvoir réhabiliter non plus, comme c'était le cas jusqu'à présent, 80 000 logements sociaux par an, mais 100 000.

Certains, pendant des années, n'ont fait que des discours. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) Nous, comme l'a dit M. le Premier ministre, nous passons aux actes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

    2

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour un rappel au règlement.

M. Alain Bocquet. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 2, du règlement.

Tout à l'heure, mon collègue Jean-Claude Sandrier a posé une question, au nom du groupe communiste, à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce dernier n'a répondu que partiellement et partialement à l'ensemble de la question. Celle-ci concernait les textes multiples et variés qui nous envahissent, à l'Assemblée nationale, au moment où des scrutins majeurs comme ceux des régionales, des cantonales et, dimanche dernier, des européennes ont contesté, fondamentalement, les choix politiques de la majorité et du Gouvernement.

Cela pose un vrai problème, d'une part, pour le fonctionnement de notre assemblée et, d'autre part, parce que l'on méprise le suffrage universel. Il y a une sorte de déni de démocratie, qui n'est pas acceptable.

Vendredi prochain, les gouvernements européens se réuniront pour mettre en place une Constitution. Alors que, majoritairement, l'Europe, par l'abstention ou par le rejet, a sanctionné les gouvernements libéraux en place, ce choix ne sera pas pris en compte. Où est le droit citoyen ? Où est la démocratie ?

Nous proposons que les textes que l'on veut nous imposer, comme EDF- GDF ou demain la sécurité sociale, soient retirés de l'ordre du jour. Cela me paraît relever du bon sens. Il faut prendre le temps d'examiner ces grands sujets de société avec la sérénité démocratique qui convient.

M. le président. Je prends acte, monsieur Bocquet, de votre rappel au règlement.

    3

DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES

Explications de vote et vote sur l'ensemble

d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi, adopté par le Sénat, pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (nos 1465, 1599).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Yvan Lachaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État aux personnes handicapées, mes chers collègues, face à ce projet de loi, nous devions nous poser deux questions : est-il à la hauteur de ses ambitions ? répond-il aux aspirations des personnes handicapées et de leurs familles ?

M. Jean-Pierre Dupont. Oui !

M. Yvan Lachaud. C'est à partir de ces questions que le groupe UDF a déterminé son vote, considérant qu'il était de son devoir et de sa responsabilité de ne pas voter une demi-loi, mais une loi refondatrice.

Les travaux de nos collègues sénateurs avaient déjà été constructifs. Les nôtres l'ont été également, en dépit de conditions de débat difficiles au début de la discussion générale, et surtout peu respectueuses des droits du Parlement, notamment du droit de discussion et d'amendement.

Sur des sujets importants, ce projet de loi apporte au final des avancées considérables : la scolarisation des enfants handicapés, puisque la scolarisation en milieu ordinaire devient désormais la règle générale. Dans les cas d'orientation vers un établissement spécialisé, la formation devra relever de l'éducation nationale.

Plusieurs dispositions importantes ont été adoptées, parfois sur la base de nos amendements. Je pense en particulier à la mise en place d'un enseignant réfèrent, pour assurer le suivi des élèves handicapés tout au long de leur scolarité.

Nous nous félicitons surtout que le Gouvernement ait entendu nos demandes et ait décidé de supprimer les conditions d'âge et de ressources pour l'attribution de la prestation de compensation. Sans cela, comment aurait-on pu parler d'un droit universel à compensation ? C'est également la reconnaissance que les prestations versées aux personnes handicapées ne relèvent pas de l'aide sociale.

II subsiste toutefois des sujets sur lesquels nous restons insatisfaits, notamment celui des ressources. Les associations demandent instamment que, tous revenus cumulés, l'ensemble des ressources des personnes handicapées atteigne le niveau du SMIC ; l'AAH en est encore loin.

Nous attendons également que l'État, puisqu'il a attribué des charges nouvelles aux collectivités, prévoie leur financement.

D'autre part, nous avons voté des dispositions ambitieuses en matière de scolarisation des enfants handicapés, de prévention, d'insertion professionnelle, d'accessibilité, d'accompagnement et de soutien des personnes handicapées.

Le plus dur reste devant nous : faire passer les principes et les droits dans la vie quotidienne. C'est notamment sur la mise en œuvre des décrets d'application que nous pourrons juger de la réelle volonté du Gouvernement de concrétiser ses engagements.

Nous vous adressons nos félicitations, madame la secrétaire d'État, pour votre détermination tout au long du débat. Nous y associons d'ailleurs notre excellent rapporteur, M. Chossy.

Nous vous encourageons à faire en sorte que les délais de mise en application soient aussi courts que possible, afin de rassurer celles et ceux qui pourraient encore douter de votre motivation sur ce dossier.

Je pense aujourd'hui aux personnes handicapées qui ont suivi nos débats avec espoir, ici dans la salle Lamartine, ou, plus loin, à toutes celles et tous ceux pour qui la vie est une lutte au quotidien, aux parents qui se battent chaque jour pour que leur enfant ou leur conjoint soit intégré et trouve une place dans la société.

Soyons conscients, mes chers collègues, que c'est en permettant notamment la cohabitation entre enfants handicapés et enfants ordinaires - ce qu'un grand nombre d'entre nous n'avons pas eu la chance de vivre - que ces enfants formeront demain une génération d'adultes ayant une autre vision du handicap. Notre société doit pouvoir puiser son changement à cette source, dans le respect de la différence.

Parce que le groupe UDF veut encourager le Gouvernement quand il élabore de bons textes, parce que ce projet de loi comporte des avancées à la fois importantes et incontestables, c'est sans ambiguïté que nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes sur le point de voter une loi attendue depuis plusieurs décennies. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

De nombreuses personnes concernées ont assisté à ces débats. Un nombre impressionnant d'associations se sont mobilisées jusqu'au bout de la discussion, afin de faire infléchir les réticences politiques contenues dans un texte que tout le monde s'accorde à reconnaître peu ambitieux et largement en retrait par rapport aux besoins exprimés. (Protestations sur les mêmes bancs.)

Devant cette patience et cette détermination, la réponse du Gouvernement a fortement déçu.

M. Yves Fromion. Qu'avez-vous fait ?

Mme Muguette Jacquaint. Vous n'avez pas été à la hauteur de cette exceptionnelle leçon de démocratie et d'implication citoyenne. Dès les premiers jours de discussion, vous avez infligé à la représentation nationale une méthode de travail parlementaire que nous jugeons inacceptable. En déposant de nombreux amendements fondamentaux au dernier moment, après un passage en commission bâclé et sans avis du CNCPH, vous avez prouvé une fois de plus dans quelle improvisation ce texte a été élaboré et vous avez, au cours de la discussion, montré quelle vision inopérante vous aviez du handicap.

Pourtant - et c'est un point de vue quasi unanime - une définition prenant en compte la situation de handicap était un préalable essentiel, avant même que ne soit élaborée une politique visant à assurer l'égalité des chances et la citoyenneté de ces personnes.

Vous êtes restés sourds, même aux demandes qui émanaient de votre majorité.

Certes, par la suite, dans un climat plus apaisé et plus respectueux de la représentation nationale, une avancée a été obtenue avec les modifications apportées à la prestation de compensation. Dans un délai de cinq ans, les critères d'âge devraient être supprimés.

De même, le taux de prise en charge de cette prestation ne devrait s'appuyer ni sur les revenus professionnels ou les rentes viagères de l'intéressé, ni sur les ressources du conjoint. Mais nous ne sommes toujours pas dans l'universalité, puisque les frais restant à la charge du bénéficiaire ne pourront excéder 10 % de ses ressources nettes d'impôt.

La création de la prestation de compensation vous a servi de prétexte pour ne pas revaloriser l'AAH. Que deviendront les personnes dans l'incapacité totale de travailler ou tout simplement de trouver un emploi ? Ce raisonnement fallacieux a servi d'argument pour refuser la création d'un revenu d'existence au moins égal au SMIC. Et pourtant, nous ne le répéterons jamais assez, il est impossible d'accéder à une entière citoyenneté en restant relégué dans la subsistance.

Autre point fondamental : en faisant adopter la double inscription scolaire des handicapés à la fois dans l'école de leur quartier et dans un établissement spécialisé, vous avez dévoyé, madame la secrétaire d'État, le droit à la scolarisation pour tous en milieu ordinaire, ambition égalitaire unanimement partagée. Mais peut-être est-ce là une pirouette pour anticiper la rigueur budgétaire dont va continuer de souffrir l'éducation nationale. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

L'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap aurait mérité un signe fort, un élan nouveau, concrétisé par des mesures plus contraignantes pour les employeurs. Là encore, la déception a été grande. Alors que la commission avait relayé un amendement de l'opposition qui portait à 1500 fois le SMIC horaire la contribution obligatoire des entreprises privées n'employant aucune personne en situation de handicap, vous n'avez permis qu'une mince avancée en relevant ce montant à 800 fois le SMIC horaire, mais seulement pour les indélicats n'ayant employé aucune personne handicapée depuis quatre ans.

Enfin, le principe de l'accessibilité généralisée restera entaché de multiples dérogations, sans parler de l'augmentation des délais de mise en application, notamment pour les transports collectifs.

Nous avons, grâce à nos diverses interventions et à celles de collègues siégeant sur tous les bancs de cette assemblée, permis d'améliorer ce texte. Nous sommes satisfaits de l'adoption d'un nombre élevé d'amendements. Sans doute cela ne correspond-il pas à ce qu'attendaient les associations, mais il s'agit tout de même d'une juste reconnaissance de l'exceptionnel travail qu'elles ont fourni.

Malheureusement, ce projet de loi ne permettra aux personnes en situation de handicap ni d'exercer leurs droits, ni d'assurer leur autonomie. Il ne leur permettra pas non plus de réaliser leur intégration professionnelle et leur participation à la vie sociale, culturelle et économique, voire politique.

Au nom de ces valeurs fondamentales dont nous nous ferons tous l'écho, et convaincus que ces débats n'ont pas été à la hauteur des besoins exprimés, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. Avant de donner la parole aux orateurs suivants, je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin, de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Geneviève Levy.

Mme Geneviève Levy. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, rendre la société française plus humaine, telle est l'ambition de ce projet de loi. Telle est la raison pour laquelle il demeurera l'un des textes les plus emblématiques de cette législature.

M. Jean-Michel Dubernard. Très bien !

Mme Geneviève Levy. Dans un discours prononcé le 3 décembre 2002 à l'occasion de l'installation du Conseil national consultatif des personnes handicapées, le chef de l'État a parfaitement exprimé la philosophie de ce texte fondateur :

« En aidant les personnes handicapées, en leur donnant les mêmes chances de réussite et d'accomplissement individuel, en veillant à ce qu'elles aient leur place, toute leur place dans notre vie sociale, en veillant à ce que le monde du travail leur soit ouvert, c'est notre société tout entière que nous aidons à respirer, à mieux vivre, à être plus humaine tout simplement. »

Les personnes handicapées et leurs proches ont pourtant dû attendre près de trente ans après le vote de la loi du 30 juin 1975, initiée par Jacques Chirac, alors Premier ministre, pour qu'un gouvernement ait à nouveau la volonté de faire progresser la France sur la voie de l'intégration de tous ses membres.

Conscient de la portée de ce texte et des nombreuses attentes qu'il soulève, le Gouvernement s'est montré tout au long de nos débats extrêmement soucieux d'améliorer son projet initial et, par le fait, très ouvert aux initiatives parlementaires.

Tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, tant en commission qu'en séance publique, de nombreuses modifications, parfois fort significatives, notamment sur le plan financier, ont été introduites, de sorte que le texte sur lequel il nous est demandé aujourd'hui de nous prononcer apparaît substantiellement différent du projet présenté en conseil des ministres le 28 janvier dernier.

Je voudrais vous rappeler quelques-unes des mesures qui permettront aux personnes handicapées de trouver, sur le plan social comme sur le plan financier, leur juste place dans notre société.

Avec la prestation de compensation, il s'agit de passer d'un système uniforme d'aides à un système personnalisé prenant en compte l'ensemble des besoins de chaque personne handicapée. L'avantage de cette prestation pour les intéressés est double : elle a vocation à compenser intégralement toutes les formes de handicap et elle a un caractère universel. C'est précisément ce double avantage que les députés du groupe UMP ont contribué à renforcer et à garantir.

Grâce au travail de concertation mené auprès des associations, en particulier par le rapporteur de la commission des affaires sociales, Jean-François Chossy, et grâce au dialogue constructif établi entre la majorité parlementaire et le Gouvernement, cette prestation couvrira l'ensemble des besoins.

De surcroît, son attribution ne sera pas fonction des ressources de son bénéficiaire : là encore, répondant à la volonté exprimée par les députés du groupe UMP, le Gouvernement a présenté un amendement définissant précisément les ressources retenues pour déterminer le taux de prise en charge de la personne handicapée. Seules seront retenues les ressources financières ou liées au patrimoine.

Cette disposition constitue un progrès majeur en permettant de lever intégralement ou presque les conditions de ressources pour l'attribution de la prestation de compensation.

La création des maisons départementales des personnes handicapées est également une grande avancée. Lieu privilégié d'écoute et d'accompagnement, elles mettront à disposition de l'intéressé ou de sa famille l'interlocuteur unique qui prendra en charge les démarches complexes qui leur sont aujourd'hui imposées.

Ainsi, toute personne handicapée aura droit à une compensation des conséquences de son handicap, quels que soient non seulement la nature de sa déficience, mais également son âge.

Pour ce qui touche à l'éducation, chaque enfant doit pouvoir suivre un parcours scolaire ininterrompu jusqu'à l'enseignement supérieur. C'est la raison pour laquelle l'éducation nationale aura dorénavant une obligation d'accueil de tous les enfants handicapés.

S'agissant de l'emploi, la priorité est donnée, dans toute la mesure du possible, au travail en milieu ordinaire. Pour sa part, le Gouvernement est décidé à accroître le recrutement des personnes handicapées dans la fonction publique.

Enfin, une série de dispositions permettra de garantir la continuité de la chaîne de l'accessibilité, qu'il s'agisse du cadre bâti ou des transports collectifs.

Face à des avancées aussi nombreuses et significatives, je dois avouer ma perplexité en entendant les critiques de certains parlementaires qui, pourtant, avaient soutenu des gouvernements à l'évidence peu brillants dans leur politique en faveur des personnes handicapées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Albert Facon. Démagogie !

Mme Geneviève Levy. Pour sa part, le groupe UMP est fier de soutenir un gouvernement...

M. Albert Facon. Bon courage !

Mme Geneviève Levy. ...qui comptera, parmi ses actions majeures, le vote puis la mise en œuvre d'une grande loi en faveur des plus fragiles de nos concitoyens. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Renée Oget.

Mme Marie-Renée Oget. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ainsi que l'ont montré les débats, le texte auquel nous aboutissons aujourd'hui ne peut satisfaire les députés socialistes (Approbations sur les bancs du groupe socialiste), qu'il s'agisse du fond, qui laisse apparaître des points de désaccord importants sur notre conception du rôle de la société face au handicap, qu'il s'agisse de vos engagements, qui restent flous dans les orientations, particulièrement sur le plan financier, qu'il s'agisse enfin des conditions du débat qui n'ont fait qu'ajouter à la confusion du texte issu de la première lecture au Sénat.

Les reports successifs dont ce texte a fait l'objet depuis un an auraient laissé espérer qu'il fût mieux préparé par le gouvernement. Force est de constater qu'il n'en est rien. Fort logiquement, les associations, unanimes au départ à demander une amélioration, sont aujourd'hui tout aussi unanimes à exprimer leur déception de n'avoir pas été entendues. Elles déplorent à juste titre un texte à courte vue, loin de la réforme en profondeur tant attendue de la loi d'orientation de 1975, alors que le Gouvernement, emboîtant le pas au Président de la République, annonçait un texte fondateur et porteur d'une vision à long terme.

Nous avons également souligné notre désaccord sur la méthode, affirmant notre préférence de voir l'examen de ce texte précédé par le débat relatif à l'assurance maladie, tout en désapprouvant votre choix, dans un précédent texte sur la CNSA, de supprimer un jour férié au détriment des salariés appelés à supporter seuls l'effort de solidarité.

Mme Martine David. Très bien !

Mme Marie-Renée Oget. Pour ce qui est des conditions du débat, le moins que l'on puisse dire est qu'elles n'ont pas favorisé une discussion sereine et constructive, dans la mesure où le Gouvernement a choisi de réécrire ce texte à coup de dizaines d'amendements, déposés au dernier moment, mettant ainsi notre assemblée et la commission des affaires sociales devant le fait accompli. Ce passage en force a également eu pour effet de faire tomber bon nombre des amendements adoptés en commission, parfois avec le soutien de l'opposition, et de retirer du même coup toute sa dimension au travail parlementaire.

Pourtant, les députés de l'opposition ont tenu à apporter leur contribution, en dépit des désaccords de fond qui ont fait ressortir les réelles différences d'approche entre la gauche et la droite sur le rôle de la société dans le traitement des situations de handicap.

À ce propos, le terme même de « situations de handicap » a suscité plus qu'un clivage, et bien au-delà de la seule terminologie. En refusant de reconnaître que le handicap est toujours « de situation », le Gouvernement comme sa majorité sont dans l'incapacité de formuler des propositions visant non seulement à compenser intégralement les situations de handicap, mais également à supprimer ou réduire l'ensemble des obstacles environnementaux et sociétaux qui en sont l'origine.

S'agissant du droit à compensation, nous avions affirmé dès le départ notre adhésion à la définition de ce droit telle qu'elle avait été précisée dans la loi de modernisation sociale adoptée sous la précédente législature, en posant le droit à compensation comme un droit universel et reconnu sans distinction relative à l'âge, à l'origine ou à la nature du handicap. Cette définition, le projet de loi initial avait semblé l'ignorer. Nous constatons que, depuis lors, le texte a évolué dans un sens favorable, mais bon nombre de dispositions prêtent encore à s'interroger sur la réalité de ce droit, en particulier sur les modalités de son financement dans la mesure où le dispositif fondé sur la suppression d'un jour férié ne nous semble ni opportun, ni adapté, ni suffisant.

M. le président. Pardonnez-moi de vous interrompre, madame Oget.

Mes chers collègues, pourriez-vous au moins écouter l'oratrice ? Je vous en remercie.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Elle a dépassé son temps de parole !

M. le président. Non, Mme Oget n'a pas épuisé son temps de parole ! Et elle aura le même temps de parole que tout le monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Marie-Renée Oget. Mais plusieurs autres points nous conduisent à exprimer notre plus profonde déception.

Ainsi en est-il des trop nombreuses dérogations accordées aux constructeurs par rapport à leurs obligations en matière d'accessibilité des bâtiments, et de l'insuffisance des contraintes censées garantir l'accessibilité à tous des logements au même titre que des lieux recevant du public. La portée du droit à l'accessibilité aux bâtiments et aux logements risque d'en être considérablement réduite.

De même, la modification du mode de comptabilisation des travailleurs handicapés dans les entreprises risque fort d'aggraver les difficultés d'accès à l'emploi pour les personnes les plus lourdement handicapées et, par le fait, de constituer un recul par rapport à la situation actuelle.

Que dire également de la modestie des engagements concernant les obligations faites aux chaînes de télévision en matière de sous-titrage, des coupes régulières dans le budget de l'éducation nationale, qui risquent de ne pas favoriser un droit effectif à la scolarisation, de l'absence de réelle prise en compte de la problématique du polyhandicap, si ce n'est qu'au cours des débats, le Gouvernement a finalement pris conscience qu'il avait totalement fait l'impasse sur cet aspect ?

Que penser enfin de l'absence de mesures concrètes visant à favoriser l'implication citoyenne des personnes handicapées ?

De manière générale, nous constatons, au terme de cette première lecture, la persistance d'un manque total de garanties pour la mise en œuvre des principes proclamés dans ce texte, en raison, d'une part, de trop nombreux renvois à des décrets d'application et, d'autre part, des incertitudes qui demeurent en matière de financement, sachant que, jusqu'à présent, vos choix budgétaires n'incitent guère à l'optimisme.

Dans ces conditions, les députés socialistes ne peuvent soutenir l'adoption d'un texte à courte vue. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Merci, madame !

Mme Marie-Renée Oget. Permettez-moi de terminer, monsieur le président. J'ai été interrompue. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Un texte tellement flou dans ses orientations que le doute en vient à s'installer dans les rangs mêmes de votre majorité, comme l'ont bien montré les débats. Un texte aussi dépourvu de réponses aux problématiques que doivent affronter au quotidien les personnes en situation de handicap. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Arrêtez ! Cela ne sert à rien !

Mme Marie-Renée Oget. Un texte aussi dépourvu de garanties budgétaires quant à sa mise en œuvre, et sans aucune évaluation préalable. (Bruit.)

M. le président. Madame Oget,...

Mme Marie-Renée Oget. Enfin, nous ne pouvons voter un texte élaboré de surcroît en faisant quasiment l'impasse sur la concertation nécessaire avec le monde associatif. (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. ...concluez maintenant !

Mme Marie-Renée Oget. Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe socialiste votera évidemment contre le texte proposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vous en prie !

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Nous allons maintenant procéder au scrutin, précédemment annoncé, sur l'ensemble du projet de loi.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 526

              Nombre de suffrages exprimés 524

              Majorité absolue 263

        Pour l'adoption 365

        Contre 159

L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

    3

SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ

Discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières (nos 1613, 1659).

La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, en 1950, à la Bourse du travail de Paris, s'exprimant devant une assemblée de militants de la toute nouvelle entreprise EDF, Marcel Paul prononçait cette phrase : « Je vous demande à vous, collègues et camarades, de ne jamais oublier qu'avec EDF, vous avez en charge un instrument fondamental de la vie du pays. »

Mme Marie-George Buffet. C'est bien pourquoi il faut le sauvegarder !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous sommes aujourd'hui en 2004, et je vous demande, avec la même conviction, de ne jamais oublier, lors de ce débat, que nous avons en charge, avec EDF, un instrument fondamental de la vie de notre pays. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il y va de notre responsabilité devant l'histoire, car il y aura désormais, dans l'histoire de l'énergie française, trois dates fondamentales : 1946, 1973 et 2004.

1946 : c'est le formidable défi de la reconstruction, c'est le choix visionnaire d'un champion national.


À l'époque, le secteur électrique était exsangue, épuisé par six années de guerre, qui succédaient à cinquante années de concurrence et de développement hétéroclite de toutes petites entreprises. Rendons hommage au général de Gaulle, d'abord, mais aussi au parti communiste, d'avoir, ensemble, compris la nécessité de nationaliser ce secteur pour permettre d'unifier toutes les forces et d'apporter les financements nécessaires à l'électrification d'un pays épuisé par des années de guerre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. André Gerin. Et aujourd'hui, vous allez tout bazarder !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette histoire est la nôtre. Notre force, c'est de la regarder telle qu'elle est et de rendre hommage à ceux qui ont pris les bonnes décisions.

M. André Gerin. Ils vont se retourner dans leur tombe ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Rassurez-vous, je ne citerai pas souvent des élus communistes. Mais ne découragez pas les bonnes volontés !

Deuxième date fondamentale : 1973, et la crise pétrolière avec sa répercussion sur le coût de notre production électrique. C'est à cette époque que fut fait un autre choix visionnaire assumé par la plupart des formations politiques, celui de construire cinquante-huit centrales nucléaires afin de répondre à nos besoins et de ne plus dépendre des importations d'énergie.

Nous voici, en 2004, héritiers de ces choix et confrontés à un double défi.

Le premier est celui de l'effet de serre et de la préparation du renouvellement de notre filière nucléaire. Nous l'avons relevé puisque Patrick Devedjian a proposé à l'Assemblée nationale et au Sénat d'adopter la loi d'orientation sur l'énergie, laquelle valide le lancement du réacteur à eau pressurisée, l'EPR.

M. Yves Cochet. Très mauvais choix !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le second défi est celui de la constitution d'un marché unique européen de l'énergie ouvert à la concurrence. Mesdames et messieurs les députés, dans quinze jours, à compter du 1er juillet 2004, le marché sera ouvert à 70 %. C'est un fait, et cet acte fondamental ne relève pas d'une décision du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin mais de la décision prise au sommet européen de Barcelone, en mars 2002.

M. Lionnel Luca. Les faits sont têtus !

M. André Gerin. Une décision commune de MM. Chirac et Jospin, que nous contestons !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pourquoi polémiquer sur une décision de cette importance dont l'évidence s'impose à tous ?

M. André Gerin. Parce qu'on peut la remettre en question !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La décision a été prise à Barcelone et elle s'applique dans quinze jours. Voilà ce que les Français attendent de nous. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Il n'y a pas matière à polémiquer. Il n'y a pas à se demander si c'était bien ou pas. Le devoir d'un Gouvernement, c'est de prendre en compte le monde tel qu'il est et d'être à la hauteur des visionnaires qui nous ont précédés. Sommes-nous capables d'assumer nos responsabilités...

M. Richard Mallié. Nous, oui !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie....en appliquant ensemble une décision ? Pour le reste, l'histoire jugera.

Au demeurant, la décision de Barcelone, je ne la récuse pas.

M. Daniel Paul. Vous la revendiquez !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Notre majorité a contribué à ce mouvement en 1996, avec la première directive sur l'électricité, et en 2003 avec la loi sur le gaz. Je suis profondément convaincu, et je dois à l'honnêteté de le dire, que la concurrence est une bonne chose car elle oblige à innover et à se dépasser.

M. Hervé Novelli. Très bien !

M. Jacques Desallangre. Oh la la !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. D'ailleurs, sans concurrence, on aurait continué à masquer les problèmes de l'entreprise EDF. J'y reviendrai.

Mais je suis tout aussi convaincu que la concurrence n'est pas une fin en soi, car l'énergie n'est pas un bien comme les autres.

M. Jacques Myard. Très bien !

Plusieurs députés socialistes. Enfin, un peu de lucidité !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Une régulation forte est nécessaire pour concilier la concurrence et le service public auquel nous sommes tous attachés.

M. André Gerin. Faux !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je récuse, en revanche, l'hypocrisie. On ne peut à la fois dire oui à l'Europe,...

M. André Gerin. Quelle Europe ?

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...oui à Barcelone, et refuser d'en tirer les conséquences sur l'évolution de nos entreprises ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) L'immobilisme est coupable pour EDF et Gaz de France, comme il l'était pour les retraites, comme il le serait pour l'assurance maladie. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

L'immobilisme condamnerait nos entreprises à perdre des clients sur leur marché domestique sans pouvoir en gagner d'autres en Europe.

M. Jacques Desallangre. Il n'y a pas le feu !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'immobilisme laisserait nos entreprises soumises au principe de spécialité qui les empêche de vendre respectivement du gaz et de l'électricité, alors que leurs concurrents pourront le faire.

M. André Gerin. C'est faux !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'immobilisme condamnerait EDF et Gaz de France à subir les mises en cause de la Commission européenne, qui dénonce l'avantage concurrentiel que leur conférerait leur statut d'EPIC, et à être entravées dans leur développement, pour les mêmes raisons, dans la majorité des pays européens, notamment en Italie et en Espagne, où nous avons acheté, cher, des parts que le statut d'EPIC nous empêche de faire fructifier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Telles seraient les conséquences de l'immobilisme, une erreur qui condamnerait EDF et Gaz de France. En d'autres temps, M. Jospin et M. Strauss-Kahn l'avaient dit avec force. Ils ont le droit d'avoir changé d'avis.

L'immobilisme condamnerait EDF à continuer de financer son développement exclusivement par l'endettement, comme elle l'a fait sous la précédente majorité. EDF s'est endettée de 15 milliards d'euros en trois ans. Comment s'étonner aujourd'hui que son endettement atteigne 24 milliards d'euros, auxquels il convient d'ajouter les engagements de retraite et les provisions nucléaires, pour 19 milliards d'euros de fonds propres ? N'est-ce pas condamner l'entreprise ? On ne peut à la fois accepter le principe de la concurrence à Barcelone et en refuser les règles de retour à Paris. Telle est l'incohérence que j'essaie de dénoncer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

C'est encore l'immobilisme qui condamnerait le régime actuel de retraite des industries électrique et gazière à la faillite. Comment imaginer qu'elles pourraient verser leurs pensions à des retraités toujours plus nombreux tout en perdant des parts de marché ? Quelle majorité a pu à la fois accepter d'appliquer les normes IAS aux sociétés en 2005 et aux EPIC en 2007 sans rien faire pour les retraites, sachant qu'EDF et Gaz de France auraient à provisionner 60 milliards d'euros alors qu'elles ne disposent que de 30 milliards d'euros de fonds propres ? C'était irresponsable. Nous ne pouvons pas laisser EDF et Gaz de France dans cette situation.

C'est toujours l'immobilisme qui condamnerait, pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, EDF et Gaz de France à réduire leurs ambitions et leurs activités, et finalement l'emploi.

En charge de ce dossier avec Patrick Devedjian, nous ne nous rendrons pas coupables de cet immobilisme. Nous ne serons pas les fossoyeurs d'EDF, de Gaz de France et, par là même, du nucléaire et du service public. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Mensonges !

M. André Gerin. Vous le serez !

M. François Brottes. L'histoire jugera !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Notre projet est un projet pour la France, pour les entreprises et pour leurs agents, et non contre eux. (Exclamations sur les bancs des député-e-s communistes et républicains .)

Messieurs, c'est un sujet sérieux qui mérite d'être traité sérieusement. Je ne prétends pas détenir la vérité, mais il vaut mieux que des imprécations...

M. Jacques Desallangre. Non, de la passion ! Pardonnez-nous d'être passionnés.

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie....qui n'ont jamais résolu les problèmes d'EDF ou de Gaz de France.

Le projet que je vous présente au nom du Gouvernement change l'accessoire, c'est-à-dire la forme juridique d'EDF et de Gaz de France, pour préserver l'essentiel, c'est-à-dire la bonne santé de nos entreprises, leur caractère intégré, les valeurs du service public, le régime spécial de retraites, le statut des agents.

EDF et Gaz de France doivent désormais pouvoir lutter à armes égales avec leurs concurrents. Ce sont deux champions nationaux ; ils doivent avoir les moyens juridiques et financiers de devenir deux champions européens, de se développer à l'extérieur de nos frontières et, en France même, de faire face avec efficacité à la concurrence.

Pour cela, il est indispensable de transformer ces établissements publics en sociétés anonymes, afin qu'ils ne soient plus handicapés par le principe de spécialité ou entravés en Europe. (Protestations sur les bancs des député-e-s communistes et républicains.)

Cette transformation est la seule chose prévue par cette loi.

M. Jacques Desallangre. On ne parlera plus de Gaz de France !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Elle signifie concrètement, et je pèse mes mots, qu'au lendemain de l'adoption du statut que je vous propose, EDF et Gaz de France seront des sociétés, mais des sociétés détenues à 100 % par l'État.

M. Jacques Desallangre. Pour combien de temps ?

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il est vrai qu'à la suite de cette transformation, le Gouvernement aura la capacité de vendre des actions d'EDF.

Plusieurs députés socialistes. N'importe quoi !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je ne veux pas être cruel, mais en voyant dans quel état vous nous avez laissé les entreprises, je pourrais vous retourner l'expression. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Le sort de 140 000 salariés et de ce qui fut la vie professionnelle de 300 000 retraités méritent mieux que des formules à l'emporte-pièce. Votre bilan, permettez-moi de vous le dire respectueusement mais fermement, devrait vous inciter à plus de modestie. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. André Gerin. Acceptez le point de vue de l'opposition !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette transformation étant intervenue, le Gouvernement aura la capacité de vendre des actions EDF. Des inquiétudes ont été exprimées à ce sujet. Il faut y répondre, et je l'affirme parce que c'est un engagement du Gouvernement : EDF et Gaz de France ne seront pas privatisées.

M. André Gerin. Faux !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le Président de la République l'a rappelé solennellement lors du conseil des ministres au cours duquel fut adopté le projet. Mieux, le Gouvernement acceptera l'amendement du rapporteur prévoyant de porter de 50 % à 70 % le taux minimum de détention du capital d'EDF et de Gaz de France.

Alors, vous me direz : « Qu'est-ce qui nous garantit que la loi ne permettra pas de privatiser plus tard ? La réponse est simple. Il n'y aura pas de privatisation parce qu'EDF, c'est le nucléaire, et qu'une centrale nucléaire, ce n'est pas un central téléphonique. Une telle différence de nature justifie une différence de politique. Jamais un gouvernement ne prendra le risque de privatiser l'opérateur des centrales nucléaires.

En revanche, la question que nous devons nous poser, c'est celle de la meilleure manière de financer les projets de développement d'EDF. L'appel à d'autres fonds pour accompagner l'actionnariat de l'État n'est pas pour nous une question idéologique. Il n'y aura pas d'augmentation du capital par idéologie. La seule question qui vaille est la suivante : « EDF a-t-elle besoin de moyens pour financer son développement, et si oui, comment les dégager ? ».

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Chacun sait que la nouvelle société anonyme, propriété de l'État à 100 %, qui, je l'espère naîtra de vos décisions, aura, selon toute vraisemblance, besoin de moyens. J'en veux pour preuve l'appel du syndicat CGT au Président de la République demandant qu'il soit procédé à un audit sur les finances de l'entreprise.

Il faut dire qu'EDF n'a pas été recapitalisée depuis vingt-deux ans. À tous ceux qui font des grandes déclarations d'attachement à EDF, je poserai une question. Puisque vous aimez tellement cette entreprise, puisque vous êtes tellement convaincus qu'elle a besoin de financements et puisque vous ne voulez pas qu'elle aille les chercher dans le secteur privé, pourquoi, pendant les cinq années où vous étiez au gouvernement, ne lui avez-vous pas donné un centime d'euro ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française - Protestions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Cette question, vous devez y répondre devant les gaziers et les électriciens ! Vous devez vous en expliquer devant les Français. Vous avez signé à Barcelone, vous aimez cette entreprise, mais vous ne lui avez pas donné un centime,...

M. Pierre Ducout. Vous non plus !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...tout en prélevant sur ses résultats année après année. Et vous nous dites aujourd'hui : « Faites ce que nous n'avons pas fait lorsque nous étions aux responsabilités ! » Cela n'abusera personne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Alors, oui, il faudra des moyens supplémentaires pour financer le développement de cette entreprise, et parmi ces moyens un renforcement de son capital. Je dis bien : renforcement. L'objectif du Gouvernement avec cette réforme n'est pas de réaliser un gain budgétaire, mais de donner les moyens financiers à EDF de mettre en œuvre son projet énergétique pour la France. Au cas où EDF aurait besoin d'argent, il y aura donc non pas une vente d'actions EDF, mais une possibilité de créer des actions nouvelles pour permettre à l'entreprise de disposer des fonds nécessaires au financement de ses projets, au premier rang desquels l'EPR.

Qui pourraient être ces investisseurs ? Le Gouvernement a, à cet égard, une vision claire des choses.

Ceux qui souscriront à l'augmentation de capital pourraient être, d'abord, les agents. Il y a en effet, aujourd'hui, une contradiction à ne pas permettre aux agents qui ont fait l'entreprise et y sont très attachés de participer à son capital et de bénéficier ainsi du fruit de leur dévouement et de la réussite exemplaire d'EDF et de Gaz de France. Le projet du Gouvernement prévoyait à cet égard de réserver 10 % de toute éventuelle augmentation de capital aux agents. Votre rapporteur a déposé un amendement portant ce taux à 15 %, ce qui permettrait aux agents actionnaires d'être représentés au conseil d'administration. Cela s'appelle l'actionnariat populaire et cela fait partie de la politique de notre gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Dire que ce sont les agents qui ont fait l'entreprise, qu'ils l'aiment, et en tirer la conclusion qu'il faut les empêcher d'en être propriétaires, c'est une nouvelle incohérence. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. André Gerin. Quelle démagogie !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Remarquez, partis comme vous l'êtes, vous n'en êtes pas à une incohérence près !

Pourraient, ensuite, souscrire à cette augmentation de capital les Français, qui sont aussi les clients d'EDF et de Gaz de France et qui pourraient ainsi marquer leur attachement à ces entreprises. N'est-il pas contradictoire de dire que GDF et EDF , c'est la nation, et d'en conclure qu'il faut interdire aux Français, usagers, citoyens, de devenir propriétaires de leurs entreprises préférées ? Cela aussi, c'est de l'actionnariat populaire, et c'est la politique que nous vous proposons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Enfin, les collectivités locales seraient intéressées, en tant que concédantes du service public, à la réussite d'EDF et de Gaz de France et pourraient donc souhaiter participer à leur développement.

Comment se préparera cette éventuelle augmentation de capital ? Quand le changement de statut sera intervenu, l'entreprise sera à 100 % publique et le restera tant que nous n'aurons pas les résultats du travail d'une commission. L'entreprise réalisera, en s'appuyant sur ses conseils, les travaux nécessaires pour connaître ses besoins financiers. Par souci de transparence, et avant de prendre sa décision, le Gouvernement saisira pour avis une commission consultative composée de parlementaires, de personnalités qualifiées, et aussi de représentants du personnel, parce que cela fait trop d'années qu'on leur cache la vérité.

M. Pierre Cohen. Alors, il faut reporter la loi !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Dans cette recapitalisation, je l'ai déjà dit, l'Etat prendra sa part en apportant 500 millions d'euros.

Quand cette augmentation de capital pourrait-elle intervenir ? Sans doute pas avant le milieu de l'année 2005 compte tenu de l'importance des travaux à conduire d'ici là. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Brottes. Il faut reporter la loi !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'entends dire qu'il faudrait reporter la loi. Pour une fois, je rends hommage à votre cohérence. Devant chaque difficulté, vous dites qu'on a le temps, qu'il faut attendre et se croiser les bras, sans doute jusqu'à ce que le ciel nous tombe sur la tête ! Ce n'est pas la politique du Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Vous nous l'avez dit pour les retraites, pour l'assurance maladie, et vous nous le dites maintenant pour EDF. Rien de nouveau sous le soleil ! Le projet du parti socialiste, c'est attendre et voir venir. Le problème c'est que, pendant ce temps-là, le monde travaille et ne nous attend pas ! Et si c'est aussi difficile, c'est parce que vous n'avez fait qu'attendre lorsque vous étiez au gouvernement de la France ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Pour conclure sur le développement des entreprises, une autre question souvent posée est celle de l'opportunité d'une fusion entre EDF et GDF. Ce n'est pas un sujet tabou.

M. Pierre Cohen. On verra !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais devant une question de cette importance et d'une telle complexité, il faut réfléchir et proposer. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jacques Desallangre. Là, on a le temps !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Si c'est si facile, pourquoi ne l'avez-vous pas fait ? Quelle est cette hypocrisie ? Il faudrait que nous fassions la fusion en six mois, alors que vous ne l'avez même pas étudiée en cinq ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Pourquoi devrions-nous nous exposer aux erreurs que vous avez vous-mêmes éludées ? Je sais bien que les conseilleurs ne sont pas les payeurs, mais il faut faire preuve d'un minimum de dignité sur une question de cette nature !

Là encore, le Gouvernement entend prendre ses responsabilités. La question, à vrai dire, est d'abord juridique. Est-ce envisageable au regard du droit européen et de la jurisprudence des institutions européennes ? Une fusion n'entraînerait-elle pas des contreparties telles, c'est-à-dire des cessions d'actifs, qu'elles iraient à l'encontre des buts poursuivis ? Les expertises seront approfondies et, au mois de septembre, l'ensemble des acteurs concernés par ce dossier, au premier rang desquels, bien sûr, la représentation nationale, auront tous les éléments de cette étude.

M. Jacques Desallangre. Il sera trop tard !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'ajoute qu'une autre question se posera. Tient-on mieux un marché national avec deux entreprises, EDF et GDF, qui se connaissent,...

M. Jacques Desallangre. Et qui vont se concurrencer ! C'est intelligent !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...ou avec une seule ? Je ne peux pas aller trop loin dans le raisonnement, parce que nous sommes entendus au-delà de nos frontières, mais on peut se poser la question , et peut-être même y répondre.

Voilà pour ce qui va changer - la forme juridique. J'en viens à ce que ce projet de loi préserve ou conforte.

EDF et Gaz de France, ce n'est pas une page blanche. Il y a une histoire sociale, faite de luttes sociales qui ont conduit à des acquis sociaux : il nous faut les prendre en compte et les respecter. Il y a des valeurs auxquelles nous sommes tous attachés et qu'il nous faut défendre.

D'abord, le service public. Les missions de service public qui incombaient à EDF et Gaz de France en tant qu'établissements publics continueront à leur incomber en tant que sociétés publiques. Ces missions sont désormais précisées dans le cadre d'un contrat signé entre l'Etat et les entreprises, qui portera notamment sur la qualité du service rendu aux consommateurs, la présence territoriale, la qualité du courant fourni, les délais d'intervention.

Quant à la péréquation tarifaire en matière d'électricité, elle sera évidemment maintenue pour les clients non éligibles et pour les tarifs d'acheminement.

M. Daniel Paul. Et pour les services ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mieux, le projet de loi prévoit également d'obliger chaque fournisseur à publier, pour les plus petits clients éligibles, des barèmes de prix accessibles à tous et identiques sur tout le territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est ce que l'on appelle la péréquation tarifaire pour être sûr que le prix de l'électricité sera le même que l'on soit à 400 kilomètres d'une centrale ou à 40 mètres.

M. Pierre Ducout. Ce n'est pas ça, la péréquation !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Enfin, EDF et Gaz de France constitueront, sur le modèle de l'actuelle DEGS, un opérateur commun, EDF Gaz de France Distribution, afin de préserver les synergies existantes entre les deux entreprises et pour garantir la qualité du service public de proximité. Ce service comptera 60 000 personnes et continuera de s'appuyer sur une centaine de centres de distribution - très exactement 102.

Deuxième garantie, le projet de loi maintient le caractère intégré d'EDF et de Gaz de France tout en veillant à garantir les conditions d'une concurrence équitable, et donc un accès des tiers aux réseaux transparent et non discriminatoire.

M. Pierre Ducout. C'est déjà le cas !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je ne vois pas, en effet, au nom de quoi nous devrions renoncer à un système intégré qui a fait ses preuves...

M. Jacques Myard. Excellent !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...tant il est clair que le maintien d'une proximité stratégique entre la gestion du réseau et l'exploitation du parc de production est un élément essentiel de notre sécurité d'approvisionnement. Les « black- out » italien et américain de l'été dernier ont bien montré le caractère indispensable d'une entreprise intégrée.

Le projet de loi prévoit donc, d'une part, pour garantir la concurrence, de maintenir les dispositions des lois de 2000 et de 2003 relatives à l'accès des tiers aux réseaux, aux pouvoirs de la CRE et à la fixation des tarifs ; d'imposer la création de filiales pour les activités de transport, EDF Transport et Gaz de France Transport, et la création de services indépendants, sur le plan de la gestion, pour celles de distribution.

Le projet de loi prévoit, d'autre part, pour préserver le caractère intégré des entreprises, qu'EDF et GDF puissent faire valoir leurs droits légitimes d'actionnaires au sein des conseils d'administration de leurs filiales ; qu'EDF Transport et Gaz de France Transport soient intégralement détenus respectivement par EDF et Gaz de France, et donc demeurent à 100 % publics. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Cochet. Non ! Privés !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Troisième garantie prévue par la loi : la pérennisation du système de financement du régime de retraites des industries électrique et gazière. Trois principes guident cette réforme.

Le régime spécial par répartition des IEG est maintenu pour tous les agents : les retraités, les présents dans l'entreprise, les futurs embauchés.

Les prestations ne sont pas concernées par cette réforme qui vise exclusivement à modifier le système de financement du régime et non les droits. Cela veut dire que la durée de cotisation reste la même.

M. André Gerin. C'est faux !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette réforme est neutre économiquement pour le consommateur, le contribuable, les salariés du privé et le personnel des IEG.

Cette réforme s'appuie sur trois points :

L'adossement du régime des IEG aux régimes de droit commun - la CNAV, l'AGIRC et l'ARRCO - ce qui permet de réduire les risques pesant sur le régime des IEG ;

L'identification au sein du tarif d'acheminement d'une contribution tarifaire ;

L'octroi de la garantie de l'Etat à la caisse des IEG pour les engagements de retraite antérieurs à 2004.

Mais ce n'est pas tout, car ces gens avaient cotisé, ils s'étaient engagés. Ceux qui ont signé à Barcelone n'avaient pas prévu de réformer le régime de retraite.

M. Pierre Ducout. C'est faux !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il fallait pourtant bien le faire. Et de ce point de vue, nous n'avons pas le choix. Nous ne pouvons pas créer une commission pour réfléchir, parce que ces gens ont travaillé toute leur vie et on doit leur garantir que leur retraite sera payée.

Enfin, dernière garantie apportée par le projet, le statut des agents définis en 1946 est maintenu, s'agissant d'abord de son champ d'application - production, transport, distribution, commercialisation -, ensuite de son contenu. Je l'ai déjà dit, il y a une histoire sociale et nous, la majorité, la prenons telle qu'elle est.

Je finirai pour conclure, si vous me le permettez, sur une note plus personnelle. Je n'aurai pas la prétention de dire qu'en devenant ministre des finances il y a deux mois et demi, je connaissais bien la réalité des entreprises EDF et Gaz de France. Surtout - je dois le confesser -, j'ignorais l'ampleur des défis auxquels elles avaient à faire face. Je savais, en revanche, que l'aventure serait risquée puisque tout le monde considérait la réforme comme impossible.

J'ai beaucoup appris pendant ces deux mois et demi, et j'ai beaucoup compris auprès des agents que j'ai rencontrés à Chinon, à Cergy, à la Défense et à Saint-Denis, dans toutes les branches de l'entreprise. J' y ai vu, et cela nous concerne tous, le fossé extrêmement préoccupant qui sépare le monde des salariés et celui des dirigeants, ainsi que le besoin de dialogue, de compréhension et de respect.

L'inquiétude ne doit pas faire oublier la détermination. Le général de Gaulle avait l'habitude de dire à propos des réformes difficiles : « C'était impossible, c'était nécessaire, c'est fait ! ». On m'a dit que c'était une réforme impossible, je pense que c'est une réforme nécessaire, je souhaite que votre assemblée nous permette de la faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Charles de Courson. Très bien !

M. Alain Gest. Formidable !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Je serai très bref, monsieur le président, mais je m'interroge sur l'organisation de nos travaux et sur le rôle du Parlement.

Il y a quelques jours, M. le ministre est venu présenter son texte en commission des affaires économiques. Or, aujourd'hui, le projet a sensiblement évolué, si bien qu'on a le sentiment qu'on va débattre d'un projet qui n'est pas celui sur lequel on débattait hier, ce que je déplore.

Quant au rôle du Parlement, je trouve indigne de renvoyer à une commission des décisions qui relèvent de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Pierre Cohen. Rapporteur de quelle loi ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, « EDF va à la concurrence », tel est le titre de la tribune libre publiée aujourd'hui dans un quotidien du soir sous la plume de Marcel Boiteux, qui fut un grand président de cette entreprise publique.

M. Jacques Desallangre. Un grand serviteur de l'État !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Cette phrase éclaire singulièrement le texte que nous allons discuter. Le projet de loi qui nous est proposé n'est pas une loi de rupture, c'est une loi d'adaptation.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économique, de l'environnement et du territoire. Très bien !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Pourquoi cette réforme ? À Barcelone, les 15 et 16 mars 2002, la France a donné son accord à une ouverture supplémentaire et large du marché de l'électricité et du gaz dans un délai rapproché. Une directive en ce sens a été votée par le Parlement européen en juin 2003 ; d'où le projet qui nous est soumis.

Bruxelles demande d'abord de transposer la directive, ensuite de retirer la garantie illimitée de l'État grâce à laquelle les entreprises EDF et GDF bénéficient d'un avantage important par rapport à leurs concurrents : des taux plus avantageux quand elles empruntent.

La garantie illimitée de l'État apportée au système des retraites représente l'un des plus gros problèmes auxquels nous sommes aujourd'hui confrontés. Les normes comptables européennes, en particulier la norme IAS 19, nous obligent soit à sortir le régime des comptes des entreprises, soit à le conserver en leur sein à condition de constituer des provisions. Mais les sommes en cause sont considérables : plus de 60 milliards d'euros. En outre, dans ce dernier cas, les deux entreprises seraient obligées de verser des retraites à des salariés de groupes concurrents, quand ils bénéficient du statut des IEG.

M. Bernard Carayon, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Très juste !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Le texte qui vous est soumis vise à tirer toutes les conséquences de l'ouverture au plan européen des marchés de l'électricité et du gaz.

Qu'est-ce qui va changer avec ce projet de loi ?

Premier point, et c'est là l'essentiel, la transformation de la forme juridique des deux entreprises. Actuellement établissements publics à caractère industriel et commercial, elles vont devenir des sociétés anonymes. S'il fallait, sur la trentaine d'articles que le projet comporte, n'en garder qu'un, ce serait l'article 22, qui est fondamental et justifie à lui seul le dépôt du présent projet de loi. Les autres questions, notamment le financement des retraites, auraient pu être réglées à d'autres occasions.

Ce changement a des conséquences dans deux domaines : d'une part, le principe de spécialité peut être aboli ; d'autre part, la possibilité pour les salariés de devenir actionnaires de leur entreprise. La commission propose, M. le ministre d'État l'a rappelé, que la part des actions mises sur le marché qui leur sera réservée soit portée de 10 %, c'est ce que prévoit la loi de 1986, à 15 %.

M. François Brottes. Quel progrès !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Deuxième point, l'organisation du transport et de la distribution. Le gestionnaire du réseau de transport était un service d'EDF qui bénéficiait à la fois d'une séparation comptable et d'une indépendance managériale. Du fait de la transposition, le GRT deviendra une filiale de l'entreprise, séparée juridiquement. Le gestionnaire du réseau de distribution, GRD, bénéficiera, lui, du statut dont disposait le GRT.

En ce qui concerne le système des retraites, je rappelle que ce qui est proposé est la simple transposition de l'accord de branche signé entre la profession et les organisations syndicales en janvier 2003.

M. Yves Cochet et Mme Nathalie Gautier. Et refusé par les salariés !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il prévoit la création d'une caisse spécifique, la Caisse nationale des personnels des industries électriques et gazières, qui sera adossée au régime général - la Caisse nationale d'assurance vieillesse - avec, pour les retraites complémentaires, l'AGIRC et l'ARRCO. Cette caisse recevra à la fois les cotisations libératoires des entreprises, les provisions constituées pour les droits passés, mais aussi, pour les personnels ayant travaillé dans les activités régulées, la contribution tarifaire qui sera appliquée sur les tarifs de transport et de distribution, sans pour autant pénaliser le consommateur. En effet, le dispositif retenu est entièrement neutre : la diminution du prix du courant transporté sera compensée par le montant de la contribution tarifaire, et le prix sera aligné sur celui qui était jusqu'alors pratiqué.

M. François Brottes. C'est un engagement ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. À cela s'ajoute la garantie de l'État pour les droits spécifiques passés, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 2004.

Mme Nathalie Gautier. Et après ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Le système est certes assez complexe mais nous aurons l'occasion de le détailler. Il comporte deux caractéristiques : il est neutre tant pour le consommateur que pour le contribuable,...

M. François Brottes. Ce n'est pas inscrit dans la loi !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur.... et il respecte le principe de l'égalité entre les salariés des différentes entreprises, qu'elles soient publiques ou privées.

Mais on ne touche pas à l'essentiel. Au cours des semaines qui se sont écoulées, on a entendu des inquiétudes émanant du personnel, préoccupé du sort qui serait réservé à son entreprise et à son statut. Des critiques ont été exprimées, certains agitant l'épouvantail que représentaient les accidents qui se sont produits à travers le monde - la crise en Californie, les blackouts aux États-Unis l'an dernier, en Grande-Bretagne, en Scandinavie, en Italie - et laissant entendre que les modifications apportées par le projet de loi entraîneraient demain un certain nombre de catastrophes.

M. François Brottes. Conséquences du libéralisme !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J'aurai l'occasion de vous expliquer en quoi le dispositif retenu par le Gouvernement met à l'abri ces entreprises, les consommateurs, et l'ensemble des industries françaises contre de tels risques.

Non seulement on ne touche pas à l'essentiel, mais on souligne les garanties qui sont apportées à une valeur fondamentalement ancrée dans notre culture : le service public. Il n'est pas mis en cause par le projet de loi, au contraire, il est conforté. Vous n'aurez pas manqué de remarquer que les deux premiers articles lui sont consacrés. Le projet de loi réaffirme le contenu des deux lois du 10 février 2000 et du 3 janvier 2003 relatives à l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz et à la place du service public.

Ainsi, la loi décrit un dispositif nouveau contraignant et exigeant pour les entreprises, le contrat de service public pluriannuel, dans lequel apparaîtront nos exigences : la sécurité, la garantie d'approvisionnement, la qualité de l'électricité et du gaz fournis à l'intérieur de l'Hexagone, la qualité de l'air, la protection de l'environnement, plus un certain nombre de valeurs auxquelles nous sommes très attachés, à savoir les impératifs de cohésion sociale et de cohésion territoriale.

Nous allons, monsieur le ministre d'État, renforcer le dispositif du tarif social et réaffirmer la validité du dispositif de péréquation des tarifs qui permet de bénéficier d'un tarif unique sur l'ensemble du territoire pour la part liée au transport et à la distribution.

Autre point qui ne change pas : les entreprises restent publiques. Le choix de transformer les établissements publics en sociétés anonymes ne modifie en rien le fait que l'État occupe une place importante. (« Alors, pourquoi changer ? » sur les bancs du groupe socialiste.) Nous aurons un débat à ce sujet, monsieur le ministre d'État. Vous avez proposé de la maintenir à plus de 50 %. Comme vous le savez, la commission, à l'initiative de son président et de votre rapporteur, suggère de porter ce seuil à 70 %. Une société anonyme détenue à 70 % par l'État est une entreprise publique !

En ce qui concerne les filiales, leur capital appartiendra à des personnes publiques : l'État au premier chef, EDF, ainsi que des entreprises publiques et des organismes publics. Il sera donc public à 100 %.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. On ne casse pas un système qui marche. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Odile Saugues. Vous venez de mettre le doigt là où il ne fallait pas !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. En conservant ce que la loi de 1946 a fait, c'est-à-dire des entreprises intégrées de la production à la fourniture, on préserve l'efficacité du système énergétique. Là où des défaillances ont été constatées, les systèmes n'étaient pas intégrés.

M. Patrice Martin-Lalande. Absolument !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Certaines sociétés se contentaient de produire de l'électricité, d'autres de la transporter, d'autres enfin de la fournir. C'est là que des comportements malsains ont été observés : les producteurs étaient conduits à ne pas produire au moment où il aurait fallu, les fournisseurs à ne pas se procurer l'énergie qu'ils étaient censés fournir à leurs clients, et, entre les deux, les systèmes de transport n'étaient sans doute plus adaptés aux besoins technologiques de notre époque, faute d'investissements suffisants.

M. François Brottes. C'est exactement ce que vous préparez !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Troisièmement, on maintient l'opérateur commun. Il est intéressant de noter que la loi de 1946 offrait cette possibilité, sans en faire une obligation. La loi qui est proposée aujourd'hui impose un opérateur commun, c'est-à-dire une bonne partie des troupes d'EDF-GDF. Ce sont les électriciens et les gaziers que l'on voit sur le terrain, c'est le service de proximité.

Puis-je ajouter une observation ? La présence d'un opérateur commun est une réponse à ceux qui s'interrogent sur une éventuelle fusion des deux entreprises. Les deux entreprises, qui sont pourtant séparées depuis 1946, disposent de fait d'un opérateur commun. Faut-il aller plus loin ? La question a été posée par le ministre d'État mais, d'ores et déjà, la réponse s'appuie sur l'expérience d'une cinquantaine d'années.

En tout état de cause, le projet de loi reste fidèle aux valeurs du service public...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est vrai !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. ...puisque le statut des personnels des industries électriques et gazières est maintenu.

Mme Odile Saugues. Pour combien de temps ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je le rappelle, leur statut n'est pas un statut EDF ou Gaz de France, c'est un statut de branche qui s'applique à l'ensemble des personnels qui travaillent dans des sociétés publiques ou privées qui produisent, transportent, distribuent, fournissent et commercialisent l'électricité et le gaz.

Pour sa plus grande part, le dispositif prévu par le projet de loi consiste dans la transposition d'une directive européenne, d'une part, et dans celle d'un accord sur les retraites, intervenu en janvier 2003, d'autre part. Le cœur du dispositif, quant à lui, consiste dans la transformation de la forme juridique des deux entreprises, qui passent du statut d'entreprise publique à caractère industriel et commercial à celui de société anonyme.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Oui.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Le texte est-il pour autant moins novateur que certains ne l'ont imaginé ou laissé croire ? S'agirait-il d'un simple texte technique, qui se contenterait de tenir compte de l'évolution du marché, de l'époque à laquelle nous vivons et du milieu européen dans lequel nous nous trouvons ?

Ce n'est pas tout à fait exact. Votre rapporteur estime que ces transformations dessinent un véritable enjeu. Le texte ne remet pas en cause le socle des valeurs sur lesquelles les entreprises dont il s'agit ont fondé leur réussite. Il tient compte du nouveau contexte offert par le marché européen. L'Europe ne doit pas être considérée comme une contrainte,...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Oui.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. ...mais comme une opportunité, celle qu'offre un nouveau marché beaucoup plus grand, fort de 450 millions d'habitants. Or le marché unique européen est le fondement et l'objectif essentiel de la construction européenne. Aujourd'hui, EDF et Gaz de France doivent tirer pleinement parti des possibilités que leur offre une telle évolution.

Ces deux entreprises pourront diversifier leurs activités, ce que leur statut actuel leur interdit de faire. Elles pourront également participer à une augmentation de capital qui leur fournira les moyens nécessaires ; le projet de loi, tel qu'il a été élaboré par la commission, le prévoit. Puis-je ajouter qu'il s'agit là, à mon sens, du point essentiel du texte qui nous est proposé ? Désormais, elles pourront faire appel au marché financier pour financer les investissements considérables qui les attendent, qu'il s'agisse de la production - je pense notamment au renouvellement du parc électronucléaire - ou du renforcement des réseaux de transport et des interconnexions qui sont nécessaires au développement d'un marché aussi fluide que possible.

M. François Brottes. Un marché 100 % public, bien sûr !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Dans quelques semaines, voire dans quelques jours, EDF définira sa politique relative à l'EPR. Il est nécessaire que l'entreprise dispose des moyens permettant à cette technologie de s'implanter en France.

M. Claude Gatignol. Absolument !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Tirer parti de cette occasion, c'est également lever les suspicions qui pèsent encore sur cette entreprise, l'épisode italien est là pour nous le rappeler.

Enfin, grâce à la réforme de l'organisation du système des retraites, des capacités financières se libèrent qui permettront à ces entreprises de faire face à leurs engagements.

Aujourd'hui - tel est le véritable enjeu -, nous nous orientons vers un nouveau modèle électrique et gazier. La loi de 1946 a créé pour les besoins du XXe siècle un modèle dont la réussite a permis à la France de disposer de l'électricité dont elle avait besoin et d'être dotée des moyens de production nécessaires à son développement, vaste enjeu politique et social qui a mobilisé des générations entières non seulement d'hommes politiques mais également d'acteurs au service des grands opérateurs que sont ces entreprises. Nous devons tenir compte, à l'aube du XXIe siècle, des changements qui sont intervenus.

L'enjeu est double.

Il est, en premier lieu, de politique industrielle : EDF et Gaz de France doivent devenir des champions européens. Mais ce n'est pas verser dans le lyrisme que de reconnaître que le second enjeu est un enjeu de société. Longtemps, dans nos pays développés, le débat a opposé les tenants d'un système planifié à ceux d'un système dérégulé. Longtemps, les pays industrialisés, que ce soient la France, l'Italie ou la Grande-Bretagne, se sont dotés d'entreprises complètement intégrées à la puissance publique, les monopoles. Les années 80 ont vu les débuts de la dérégulation, à l'occasion des expériences de Mme Tchatcher en Grande-Bretagne et de M. Reagan en Californie : chacun a alors pris conscience qu'un nouveau modèle était nécessaire, situé à mi-chemin entre les deux précédents et qui s'appelle la troisième voie.

Cette troisième voie permet à un autre type de gouvernance générale d'émerger, visant à satisfaire aussi bien les besoins des citoyens, des consommateurs et des salariés des entreprises que ceux des actionnaires.

J'étais il y a peu au Palais de Tokyo, où se trouve la belle fresque réalisée par Dufy en 1937. Elle dépeint la période où l'électricité faisait peur - c'était la foudre. Or, si la fée électricité pouvait nous raconter l'histoire qu'elle a vécue, elle nous dirait qu'elle a été peu à peu maîtrisée et domestiquée. Elle s'est même invitée au siècle des Lumières dans les salons littéraires et philosophiques, où elle était un sujet d'émerveillement pour celles et ceux qui voyaient les étincelles sortir de machines fabuleuses.

M. François Brottes. Vous allez faire le noir sur toute cette histoire !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Au XIXe siècle, la fée électricité a souvent accompagné, voire précédé, la révolution industrielle et l'évolution technologique, assurant leur réussite en France et dans les pays européens.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Quel poète !

M. François Brottes. Ce n'est pas un rapport, c'est un conte de fées !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Le XXe siècle - la fée électricité pourrait le raconter - a vu la puissance publique maîtriser, par l'intermédiaire des collectivités locales à partir de 1906, et des gouvernements qui se sont succédé après la Première guerre mondiale, à la grande satisfaction des consommateurs, l'organisation du système, les réseaux, les investissements et la construction des barrages avant que ne soit votée, au lendemain de la dernière guerre, la loi de 1946 qui régit encore l'organisation actuelle.

Demain, elle pourra raconter qu'en 2004 le Parlement français s'est vu proposer un système qui n'était pas en rupture avec l'organisation précédente, mais qui tenait compte des évolutions nécessaires.

M. François Brottes. Elle le racontera avec une bougie !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je souhaiterais conclure en citant l'excellent article que Marcel Boiteux a publié aujourd'hui dans Le Monde. « À tort ou à raison, le monde de l'électricité a changé. Il s'agit maintenant pour Électricité de France de mobiliser ce qu'il y a de pérenne dans ses valeurs et ses atouts pour réussir en France et porter au-delà des frontières un modèle ajusté au monde nouveau. » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrice Martin-Lalande. Quel talent !

(M. Jean Le Garrec remplace M. Jean-Louis Debré au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,

vice-président

M. le président. La parole est à M.le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

M. Bernard Carayon, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un monde où la compétition est la seule règle qui ne puisse surprendre personne, chacun doit assumer ses responsabilités, qu'elles soient juridiques, économiques, politiques ou budgétaires. C'est ce que vous faites aujourd'hui, monsieur le ministre d'État, en nous présentant un projet de loi qui constitue un tournant stratégique pour l'avenir de nos deux champions nationaux, dont les atouts et les talents ont suscité l'envie et justifient notre estime. Votre projet de loi doit ainsi permettre à EDF et à Gaz de France de faire face aux défis de la construction d'un marché européen intégré de l'énergie - ou, plutôt, en voie d'intégration, tant qu'il n'existera pas de commission européenne de régulation de l'énergie -, tout en assurant le respect des valeurs du service public.

La commission des finances a souhaité se saisir pour avis de deux articles essentiels : l'article 22 relatif au changement de statut des deux entreprises...

M. François Brottes. Combien va-t-il coûter ?

M. Bernard Carayon, rapporteur pour avis. ...et l'article 16 qui, en instaurant une contribution tarifaire, participe à la modernisation du mode de financement des retraites du secteur de l'énergie.

S'agissant tout d'abord du changement de statut d'EDF et de Gaz de France, nous ne pouvons nous permettre le luxe de nous enliser dans un débat idéologique interminable et stérile à propos du rôle du Gouvernement vis-à-vis du secteur privé.

M. François Brottes. Passons tous de suite au vote, alors !

M. Bernard Carayon, rapporteur pour avis. Le débat dans l'hémicycle ne saurait être différent de celui que nous avons parfois entre nous, mon cher collègue.

Les enjeux économiques sont tels qu'il est au contraire nécessaire de dépasser les clivages partisans traditionnels pour créer, selon l'expression de l'ancien secrétaire au commerce de Bill Clinton, Ron Brown, « un véritable partenariat gouvernement-affaires afin de faire face aux opportunités commerciales internationales ».

L'article 22 du présent projet de loi s'inscrit dans une telle perspective. Il prévoit en effet qu'EDF et GDF, qui sont actuellement des EPIC, deviennent des SA, dont le capital sera majoritairement détenu par l'État. Où serait l'idéologie dans un texte inspiré par une directive européenne et transposé en droit interne sous la majorité parlementaire précédente et à l'occasion de l'exercice de ses responsabilités par M. Jospin, dont l'entourage avait engagé une réflexion sur l'ouverture du capital avec de grands groupes industriels énergétiques privés ?

M. François Brottes. Nous, nous réfléchissons avant d'agir !

M. Alain Gest. C'est pénible !

M. Bernard Carayon, rapporteur pour avis. Un tel changement de statut est vital pour ces entreprises, pour trois raisons.

La première est d'ordre économique et stratégique. En effet, l'abandon du statut d'EPIC permet de supprimer le principe de spécialité qui y est attaché. Actuellement, ce principe limite le champ d'intervention d'EDF et de GDF aux seules activités de production, de transport, de distribution, d'importation et d'exportation d'électricité et de gaz. Or force est de constater qu'il existe sur les marchés énergétiques une demande croissante d'offre intégrée. Le développement de ces entreprises face à leurs concurrents européens se trouve ainsi entravé par le principe de spécialité. Il convient donc de libérer nos champions nationaux d'un tel carcan, afin de leur permettre d'affronter à armes égales leurs concurrents.

La deuxième raison est d'ordre financier. Il convient en effet de créer des conditions d'accès aux marchés financiers qui soient favorables afin de permettre à ces entreprises engagées dans un mouvement de concentration au niveau européen de disposer des moyens financiers nécessaires à leur développement.

M. François Brottes. Le ministre a reconnu que ce n'était pas sûr !

M. Alain Gest. Faites-le taire !

M. Bernard Carayon, rapporteur pour avis. La troisième raison est d'ordre juridique. La transformation en société anonyme répond à une obligation communautaire. La Commission européenne, dans sa décision rendue le 16 décembre 2003, a en effet jugé contraire au principe de libre concurrence la garantie implicite de l'État liée au statut d'EPIC. Chacun le sait, il ne s'agit pas d'une privatisation puisque EDF et GDF demeureront soumises aux dispositions relatives aux entreprises publiques, notamment à la loi de 1983 relative à la démocratisation du service public.

En outre, la participation de l'État restera majoritaire. Elle est fixée à plus de 50 %. La commission des finances a proposé, en accord avec la commission des affaires économiques, de la faire passer à 70 %, afin d'empêcher tout actionnaire privé de disposer d'une minorité de blocage.

M. François Brottes. Vous n'en êtes donc pas certains !

M. Bernard Carayon, rapporteur pour avis. Compte tenu de leur importance pour la mise en œuvre de la politique énergétique de la France, notamment de la composante nucléaire d'EDF, ces deux entreprises doivent rester majoritairement détenues par l'État, qui doit inspirer, en liaison avec elles, leurs orientations stratégiques. Il est temps en effet d'organiser de nouveaux rapports entre le public et le privé, fondés sur un véritable partenariat et nourris par une stratégie commune, autour d'objectifs commerciaux ciblés. Il convient en somme de tirer les conséquences d'une économie à tous égards métissée.

Le secteur de l'énergie n'est pas un secteur économique comme les autres. C'est un marché stratégique, où les critères de choix qui prévalent ne sont pas exclusivement ceux de l'économie libérale, les critères de prix et de qualité des produits et de service. Ils sont également liés à la puissance et à l'influence. La définition d'une stratégie industrielle doit rester du ressort de l'État, messieurs les ministres, parce que l'État est le seul capable de faire la synthèse entre les différentes exigences, même si cette stratégie doit naturellement s'adosser aux expertises des entreprises concernées.

M. François Brottes. Vous faites des progrès !

M. Bernard Carayon, rapporteur pour avis. Merci, mon cher collègue.

Par ailleurs, afin d'assurer la pérennité du régime spécial de retraite des personnels des industries électriques et gazières, vous proposez, monsieur le ministre d'État, une réforme d'ensemble du mode de financement du régime.

L'objectif est de limiter les conséquences négatives pour EDF et GDF de l'entrée en vigueur, à compter du 1er janvier 2005, d'une nouvelle norme comptable internationale, la norme IAS 19, qui impose - chacun le sait - la comptabilisation des avantages de personnel, y compris les retraites.

Or le provisionnement comptable des engagements de retraite d'EDF et de GDF aurait des conséquences considérables sur la vie de ces entreprises, comme d'ailleurs sur les distributeurs non nationalisés. En effet, les engagements de retraite de GDF sont estimés à 12,5 milliards d'euros et ceux d'EDF à environ 60 milliards, soit plus du triple de ses fonds propres actuels ! Si l'entreprise les provisionnait, ses fonds propres deviendraient très négatifs, ce qui l'empêcherait d'accéder au marché financier dans des conditions normales. Ce serait en outre, in fine, incompatible avec l'exercice de son activité dans un environnement concurrentiel.

Aussi, ce texte propose la mise en place d'un dispositif, validé par la Commission européenne, qui devrait permettre de réduire les obligations de provisionnement de près des trois quarts. Pour les droits de base - 40 milliards d'euros -, il sera procédé à un adossement aux régimes de droit commun de la CNAV et de l'AGIRC-ARRCO. Quant aux droits spécifiques, ceux acquis après le 31 décembre 2004 et ceux acquis avant cette date mais attachés à des salariés exerçant dans les activités concurrentielles, ils seront à la charge des entreprises, qui devront les provisionner, tandis que ceux acquis avant le 31 décembre 2004 et relevant du secteur non concurrentiel seront financés par la contribution créée à l'article 16 du présent projet de loi.

La contribution tarifaire représente un enjeu financier non négligeable, son rendement annuel avoisinant les 450 millions d'euros. Elle limitera les effets négatifs de l'entrée en vigueur des nouvelles normes comptables. La création de cette taxe ne devrait toutefois entraîner aucun avantage pour le compte de résultat.

La réforme proposée présente l'avantage d'être également neutre pour le consommateur,...

M. François Brottes. Pour les professionnels !

M. Bernard Carayon, rapporteur pour avis. ...qui est le contributeur final. Il faut en effet rappeler que les tarifs d'électricité et de gaz facturés aux consommateurs comportent aujourd'hui une part destinée au financement des retraites des salariés des industries électriques et gazières. S'il est prévu que la contribution tarifaire s'ajoute aux tarifs, ceux-ci, par contre, ne devraient plus inclure la part précédemment destinée au financement des retraites.

Enfin, la création de la contribution tarifaire ne devrait pas avoir d'incidence sur l'équilibre des finances publiques, puisqu'il est prévu d'affecter le produit de l'imposition à la Caisse nationale des industries électriques et gazières, créée par le présent projet.

En dernier lieu, j'insisterai, mes chers collègues, sur la nécessité d'assurer une véritable indépendance au gestionnaire du réseau national de transport d'électricité, RTE. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Gatignol. C'est indispensable !

M. Bernard Carayon, rapporteur pour avis. Il ressort d'une rapide comparaison que les gestionnaires de transport européens sont en majorité des sociétés totalement indépendantes des producteurs commercialisateurs ; c'est notamment le cas au Royaume-Uni, en Scandinavie, en Espagne, au Portugal, en Italie et en Hollande. Or, dans le dispositif proposé, EDF, lors de l'approbation des budgets d'exploitation et d'investissement de sa filiale, pourra exercer une influence déterminante sur les décisions d'exploitation, d'entretien et de développement du réseau, en principe du moins.

M. François Brottes. Il y a un désaccord au sein de la majorité !

M. Bernard Carayon, rapporteur pour avis. Afin de garantir l'autonomie et la neutralité de l'accès des tiers au réseau, il m'apparaît indispensable, monsieur le ministre, mes chers collègues, que l'indépendance du gestionnaire soit affirmée avec plus de force.

M. François Brottes. Ce n'est pas ce qu'a dit M. Lenoir !

M. Bernard Carayon, rapporteur pour avis. Dans le cas contraire, nous nous exposerions non seulement à la suspicion mais aussi à d'inévitables contentieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, beaucoup d'idées fausses sont entretenues sur le projet de loi dont nous entamons aujourd'hui l'examen, et elles alimentent l'inquiétude des personnels.

Cette inquiétude, je la comprends. Comment les agents d'EDF et de GDF, à qui l'on parle de privatisation, à qui l'on dit que leur statut va être remis en cause, à qui l'on explique que leurs retraites sont menacées, ne seraient-ils pas inquiets ?

Mais il se trouve que ces inquiétudes sont tout à fait infondées car ce projet de loi ne privatise pas EDF et GDF, il ne modifie en rien le statut des personnels, il conforte le régime spécial de retraites en réformant son financement, il préserve, enfin, les missions de service public et la péréquation tarifaire. Ce projet de loi, c'est cela et rien d'autre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Que les personnels n'en soient pas tout à fait informés, je le comprends ; tous, en effet, n'ont pas lu le texte. En revanche, ici, que nos collègues de l'opposition et, ailleurs, que des responsables syndicaux feignent de l'ignorer pour jouer sur les peurs des agents, je ne puis l'accepter ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Gest. C'est effectivement scandaleux !

Mme Nathalie Gautier. Caricature !

Mme Odile Saugues. Vous êtes excessif, monsieur Ollier, comme d'habitude !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nul ne peut dire ou laisser entendre que le projet de loi porte atteinte au statut des personnels. Pas une ligne, pas un mot du texte ne va dans ce sens,...

M. François Brottes. Pas encore !

Mme Odile Saugues. Cela viendra !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ...et je mets quiconque au défi, monsieur Brottes, de démontrer le contraire.

M. François Brottes. Rendez-vous dans deux ans !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. De même, rien, pas une ligne, pas un mot du texte ne remet en cause le régime de retraite spécial des agents d'EDF et de GDF.

Mme Odile Saugues. Mais ça va venir !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le texte se borne à créer une caisse spéciale, adossée au régime général, qui garantira la pérennité du financement des retraites,...

M. François Brottes. Un nouvel impôt !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ...contrairement au système actuel, et vous le savez.

Enfin, s'agissant du changement de la forme juridique des entreprises, il faut également cesser la désinformation. Le projet de loi ne propose pas de privatiser EDF et GDF,...

M. François Brottes. Oh !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ...et dire le contraire est profondément malhonnête. Il tend à faire d'EDF et de GDF des sociétés détenues à plus de 50 % par l'État, c'est-à-dire à maintenir leur caractère d'entreprises publiques.

Jean-Claude Lenoir l'a rappelé, nous avons déposé, en accord avec Nicolas Sarkozy, un amendement adopté par la commission des affaires économiques portant le seuil du capital détenu par l'État à 70 %.

M. François Brottes. Nous voulons 100 % !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La loi, mesdames, messieurs de l'opposition, disposera donc que l'État détiendra 70 % du capital d'EDF et de GDF, rien de plus, rien de moins.

Mme Odile Saugues. Vous vous répétez pour essayer de vous convaincre vous-même !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Par conséquent, si, demain ou après-demain, une majorité voulait privatiser EDF ou GDF - ce qui n'est pas le cas de notre majorité, mais chacun sait que le gouvernement de M. Jospin a établi des records en matière de privatisations...

M. Alain Gest. Absolument !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ...et je ne peux donc me prononcer sur les intentions de l'actuelle opposition si elle devait revenir aux affaires -, il lui faudrait adopter une nouvelle loi.

M. François Brottes. Comme vous l'avez fait pour France Télécom !

M. le président. Monsieur Brottes !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Oui, monsieur Brottes, merci de le reconnaître : il a fallu voter une nouvelle loi pour privatiser France Télécom,...

M. François Brottes. Vous en êtes donc capables !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ...et le texte que nous examinons aujourd'hui n'est pas un texte de privatisation.

Monsieur le président, je suis constamment agressé par l'opposition !

M. le président. Je l'ai bien remarqué !

M. François Brottes. Seulement interpellé, monsieur le président !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je suis tout seul à la tribune et ils se liguent tous pour m'agresser !

En fait, c'est M. Jospin, en mars 2002, à Barcelone, qui a accepté l'ouverture des deux tiers du marché au 1er juillet 2004.

M. François Brottes. Chirac n'y était pas ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. MM. Raffarin, Sarkozy et Devedjian ne font que respecter la parole de la France, donnée par M. Jospin, qui impose la transformation juridique d'EDF et de GDF !

M. François Brottes. Pas du tout !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Puisqu'il faut supprimer la garantie illimitée de l'État dont bénéficie l'établissement public industriel et commercial, nous devons changer le statut de l'entreprise, et vous le savez. Un ÉPIC sans garantie de l'État n'étant plus un ÉPIC, il faut trouver une nouvelle structure juridique. Le Gouvernement propose logiquement le passage en société anonyme, ce qui ne changera en rien les objectifs publics des entreprises : le capital restera public et les missions de service public seront préservées.

La confrontation est saine, chers collègues de l'opposition ; elle fait partie du jeu démocratique.

M. François Brottes. Ah ! Tout de même !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Oui, mais le débat n'est possible que si l'on respecte la position de l'autre, si on ne la dénature pas ! Que l'on critique, que l'on combatte, oui ! Que l'on dénature par le mensonge, non !

M. Richard Cazenave. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Or c'est ce que vous ne cessez de faire depuis que nous avons engagé cette discussion.

M. Pierre Ducout. C'est vous qui dénaturez la vérité !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. On nous reproche d'avoir fait un choix politique que ne nous impose pas le droit européen : celui de modifier la forme juridique des entreprises. C'est vrai !

M. François Brottes. Vous le reconnaissez donc !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. L'opposition nous invite à l'immobilisme qu'elle a tant pratiqué au pouvoir ; elle est experte, en effet. Mais nous, nous ne fuyons pas les difficultés en pratiquant la politique de l'autruche !

Quelles seraient, en effet, les conséquences de cet immobilisme ? Parlons-en : ce serait tout simplement l'assurance du déclin des entreprises publiques EDF et GDF.

Déclin, tout d'abord, du fait du maintien des entraves à leur développement mises en place par des gouvernements étrangers en raison de leur statut, en Italie, par exemple ; M. le ministre l'a expliqué. Qui souhaite ici que le développement en Europe de nos entreprises publiques soit freiné de la sorte, alors qu'il est vital pour EDF et GDF de conquérir des parts de marché à l'étranger ?

Déclin, ensuite, du fait des sanctions que prendrait inéluctablement la Commission européenne, en particulier contre la garantie de l'État, qui apporte à EDF un coût de financement préférentiel en raison même de son statut d'établissement public.

M. François Brottes. Faux !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mais si, vous le savez.

Qui souhaite ici que les ressources de nos entreprises publiques soient consacrées au paiement d'amendes à la Commission et à la gestion de contentieux interminables ? Songez qu'EDF, récemment, a encore été obligée de payer 12 millions d'euros !

Déclin, encore, à cause du principe de spécialité, lié au statut d'établissement public, qui empêche EDF et GDF de proposer à leurs clients les mêmes offres que leurs concurrents. Qui souhaite ici entraver les pieds de nos entreprises publiques avec un tel boulet dans la compétition nouvelle qui les attend ?

Déclin, enfin et surtout, parce que, sans changement de forme juridique, la principale ressource de nos entreprises publiques resterait l'endettement. Bien sûr, l'État peut apporter des fonds propres aux entreprises, et, Nicolas Sarkozy l'a indiqué, il va le faire,...

M. Richard Cazenave. Contrairement à ce qui a été fait précédemment !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ...pour la première fois depuis vingt-deux ans, en dotant EDF de 500 millions d'euros de fonds propres supplémentaires.

M. François Brottes. C'est contradictoire !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mais, pour être en mesure de poursuivre leur développement en Europe, nos deux entreprises publiques ont des besoins en capitaux considérables.

M. Daniel Paul. Pour quoi faire ? Pour quel développement ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. J'y arrive, monsieur Paul.

EDF et GDF ont, en outre, l'une comme l'autre, des besoins d'investissement propres : GDF doit accéder davantage à la ressource gazière ; EDF, quant à elle, doit commencer à engager le renouvellement de son parc nucléaire, ce qui nécessite la construction très rapide d'un premier réacteur EPR, comme nous venons enfin de le décider dans le cadre de la loi d'orientation sur l'énergie, rompant, là encore, avec l'immobilisme de la majorité précédente, qui a tergiversé pendant cinq ans malgré les multiples avertissements de M. Bataille ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Richard Cazenave. Absolument !

M. Robert Lamy. Très bien !

M. François Brottes. Et la loi de 2000 ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce renouvellement de notre parc nucléaire sera phénoménal : cinquante-huit réacteurs de 3 milliards d'euros chacun. Essentiel pour préserver l'extraordinaire avantage que constitue, pour notre pays, le choix du nucléaire, ce projet stratégique pour toute notre économie nécessitera des investissements considérables. Dès que le besoin s'en fera sentir, monsieur Paul, il sera servi par l'augmentation du capital d'EDF, rendue possible grâce à ce projet de loi. Nous souscrivons à la stratégie que vous avez décrite tout à l'heure, monsieur le ministre d'État, et nous la soutenons.

M. François Brottes. C'est la méthode Coué !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Sinon, de quelles ressources, le moment venu, disposera l'entreprise pour financer ses investissements stratégiques ? Veut-on la laisser recourir davantage encore à l'endettement, quand on sait où cela conduit nos entreprises publiques ?

Il faudra donc bien, le moment venu, donner aux entreprises les moyens de se développer en leur permettant de nouer des partenariats industriels par échanges de titres, par exemple, et en leur donnant accès à de nouvelles ressources grâce à l'augmentation de leur capital.

Mes chers collègues, ce projet va évoluer au fil de nos travaux. La commission des affaires économiques et la commission des finances, saisie pour avis, l'ont amendé et, en séance, nous adopterons, je l'espère, de nombreux amendements. Je tiens à remercier le Gouvernement, monsieur le ministre d'État, de la grande facilité avec laquelle il a accepté des amendements - M. le rapporteur peut en témoigner -, y compris de nombreux amendements de l'opposition.

M. François Brottes. Cela ne vous dérange pas ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Au contraire, ils améliorent le texte et nous nous en réjouissons, monsieur Brottes.

Ces amendements remettront-ils en cause les garanties données au personnel ? Absolument pas.

Le principal amendement que nous allons examiner, je l'ai déjà évoqué, portera à 70 % la part de l'État dans le capital,...

M. François Brottes. Nous voulons 100 % !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ...ce qui rendra impossible la détention par des actionnaires privés d'une minorité de blocage dans ces entreprises et garantira donc le maintien d'une maîtrise pleine et entière de l'État.

Je rappelle que M. Lenoir et moi-même avons également déposé, en accord avec M. le ministre, un amendement, adopté lui aussi par la commission, tendant à porter à 15 % le pourcentage des titres d'EDF et de GDF réservés aux salariés en cas de cession par l'État. Ainsi, les agents et retraités des entreprises pourront détenir jusqu'à 4,5 % du capital de leurs entreprises.

Au-delà de son intérêt en termes de stabilité du capital, cette mesure renforcera davantage encore le lien entre les agents et leurs entreprises. Le gaulliste que je suis...

M. François Brottes. Il y en a encore ?

M. François Dosé. Il n'en reste qu'un !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ...ne peut qu'applaudir à cette avancée en matière de participation des salariés au capital de l'entreprise, cette belle idée du général de Gaulle. Peu d'entreprises peuvent en effet se prévaloir d'un tel degré de participation.

Des entreprises demeurant publiques et pleinement maîtrisées par l'État, dotées des moyens de poursuivre leur développement, et dans la gestion desquelles les personnels seront davantage impliqués, voilà ce que la majorité veut faire d'EDF et de GDF. C'est bel et bien un choix politique, celui du pragmatisme, et c'est un choix que nous assumons pleinement.

Je regrette donc vivement l'attitude politicienne de l'opposition, qui caricature cette réforme et la dénonce, au mépris de tout sens des responsabilités, alors même, chacun le sait, qu'elle est indispensable.

M. François Brottes. Provocation !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est pourquoi, je voudrais, pour conclure, poser une question à nos collègues socialistes : puisque vous affirmez que notre réforme est mauvaise, mes chers collègues, puisque vous la condamnez, vous engagez-vous, si vous revenez au pouvoir,...

M. François Brottes. On vous sent impatient !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ... à retransformer EDF et GDF en établissements publics ? J'attends de vous que vous nous apportiez la réponse à cette question, tout au long du débat.

Monsieur le ministre d'État, je tiens enfin à vous remercier pour le courage et le pragmatisme dont vous avez fait preuve pour préparer ce débat. J'ai pu en juger en vous accompagnant à Chinon, où j'ai beaucoup apprécié ce moment intense de dialogue avec les salariés d'EDF.

Merci aussi de nous avoir associés à tous les niveaux de cette préparation et d'avoir travaillé avec le rapporteur, Jean-Claude Lenoir, et la commission pour faire évoluer ce texte, dans un partenariat que je qualifierai d'exemplaire entre l'Assemblée et le Gouvernement.

Ce texte est une étape essentielle pour l'ouverture de notre pays au marché européen. Ce projet est le garant de la conception que nous avons en commun du rôle historique d'EDF, de la mission qui est la sienne et de la garantie des droits des salariés. Il représente donc le progrès face au conservatisme de l'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...

M. François Brottes. Quel sens de la nuance !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ...montrant aux Français que nous sommes capables de prendre la bonne décision, au moment historique où EDF a besoin de cette modernisation pour assurer son succès européen dans l'intérêt de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Christian Bataille, pour une durée qui ne saurait excéder une heure trente.

M. François Brottes. Enfin, le moment de vérité !

M. le président. Monsieur Brottes, laissez M. Bataille en faire la démonstration !

M. Christian Bataille. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, lors de l'examen du projet de loi d'orientation sur l'énergie, il y a quelques semaines, le Gouvernement a pris une décision responsable et lucide, en autorisant la construction prochaine du réacteur EPR. Il fallait le souligner pour commencer. Je n'en serai que plus sévère vis-à-vis du projet de loi qui nous est aujourd'hui proposé.

Monsieur le ministre, votre projet de loi prend des risques considérables. Pourquoi bouleverser un système électrique et gazier par un projet de loi qui met sens dessus dessous une organisation qui a fait ses preuves ? Pourquoi défaire une organisation qui a montré toute son efficacité ? Pourquoi remettre en cause des entreprises publiques qui marchent ?

M. Francis Delattre. Demandez au gazier Jospin !

M. Christian Bataille. Pourquoi faire prendre à la collectivité nationale des risques considérables, en ces temps de fragilisation extrême de la production pétrolière et de montée rapide - et sans précédent - de la demande d'hydrocarbures de pays émergents, comme la Chine et l'Inde, qui créent les conditions d'un alourdissement de notre facture énergétique.

Les dispositions juridiques proposées par ce texte modifient totalement la stratégie énergétique de la France, mise en place en 1946 par le gouvernement issu de la Résistance qui rassemblait, sous l'autorité du général de Gaulle, la gauche et les gaullistes. Il s'agit bien de la remise en cause d'un service public, décidé et construit depuis 1946, avec le soutien de tous les gouvernements successifs, ceux de la IVè comme de la Vè République.

Les intentions cachées de votre projet de loi, qui apparaissent déjà à la lecture approfondie de ses dispositions, sautent aux yeux si l'on se projette dans les années à venir. À l'horizon de quelques années, il est évident que des changements fondamentaux seront apportés par votre texte à la stratégie énergétique de la France.

Il est clair que, au-delà de vos atermoiements quant à la composition du capital et de la future « EDF-SA », vous avez fermement maintenu le cap de l'abandon du statut d'établissement public pour adopter celui de société anonyme, qui ouvre la voie à la privatisation d'EDF et de GDF dans les années futures.

En effet, ce n'est pas le niveau de participation de l'État qui importe, c'est le passage au statut de SA !

La France a, malgré les aléas des temps, maintenu une politique d'intérêt national. Paradoxalement, nous connaissons aujourd'hui une forme de rechute tardive de reaganisme et de thatcherisme dans ce pays, avec vingt ans de décalage !

En réalité, nous devrions débattre, ici, à l'Assemblée nationale, du rôle de l'État dans la production, le transport et la distribution d'électricité et de gaz. L'approvisionnement en électricité et en gaz est-il encore un impératif dont l'État doit avoir la responsabilité pleine et entière ? Est-il une tâche régalienne ou non ?

Voulons-nous, en tant que représentants de la nation, voir la puissance publique assumer ses responsabilités dans un domaine aussi sensible ou allons-nous abandonner cette responsabilité aux forces du marché ?

Je vous démontrerai que ce texte est irrecevable parce qu'il est contraire à plusieurs dispositions constitutionnelles. Je montrerai non seulement que ce projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières comporte des dispositions qui vont au-delà des exigences européennes concernant le marché intérieur de l'électricité et du gaz, mais qu'il ne doit pas être examiné par notre assemblée, parce qu'il est contraire à plusieurs dispositions constitutionnelles. Il contient en effet des mesures qui sont contraires à plusieurs alinéas du préambule de la Constitution de 1946, annexé à la Constitution de 1958.

M. François Brottes. Tout à fait !

M. Christian Bataille. Plusieurs dispositions contreviennent aussi à l'article 2 et à l'article 34 de cette dernière.

En conséquence, ce projet ne doit pas être examiné par notre assemblée. Je ferai cette démonstration en trois points :

En premier lieu, la loi du 10 février 2000 a permis une adaptation équilibrée aux nouvelles exigences européennes, tout en introduisant des progrès essentiels que le présent projet de loi remet en cause. Ayant été rapporteur de cette loi, je crois pouvoir donner un avis autorisé pour mettre en évidence ces acquis.

En deuxième lieu, dans un contexte géopolitique et économique dangereux, la transformation des secteurs électrique et gazier devrait être d'autant plus prudente que les bases de la politique européenne sont fragiles et contestables.

En troisième lieu, plusieurs dispositions du projet de loi sont contraires à la Constitution, dans l'immédiat et dans la durée.

Premier grand point de mon propos : la loi du 10 février 2000 a permis une adaptation équilibrée aux nouvelles exigences européennes tout en introduisant des progrès essentiels.

D'abord, l'ouverture du marché de l'électricité est une politique voulue par la droite. La première directive sur le marché intérieur de l'électricité a été voulue et actée par elle.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Et votée par la gauche !

M. Christian Bataille. Voici quelques rappels de calendrier.

Après une longue marche d'approche de la Commission européenne, c'est finalement en juin 1996 que, par un accord au sommet, M. Chirac et M. Kohl s'entendent sur le principe d'ouverture. Dans la dernière phase de la négociation, l'Allemagne demande l'éligibilité des distributeurs ; la France n'obtient en compensation que le droit, pour les États, de conférer des missions d'intérêt économique général aux entreprises du secteur de l'électricité.

Le Conseil européen des ministres de l'énergie, où siégeait M. Borotra pour le gouvernement Juppé, avait adopté le projet de directive que l'Assemblée examinera et approuvera ensuite en séance publique. L'opposition n'était pas très nombreuse à ce moment-là, mais j'en étais et je m'en souviens. L'adoption de la directive du 19 décembre 1996 a conduit à la libéralisation du marché intérieur de l'énergie, avec un abaissement progressif des seuils d'éligibilité qui maintient à l'écart les consommateurs résidentiels. L'éligibilité est passée à 40 gigawatts heure à partir de 1997 ; le seuil est abaissé à 20 gigawatts heure à partir de 2000, puis à 9 gigawatts heure à partir de 2003.

La deuxième directive, qui date de 2003, a également été voulue et actée par la droite. Au Conseil européen des ministres de l'énergie du 3 février 2003, c'est Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie qui représente la France, au nom du gouvernement de M. Raffarin cette fois, et qui accepte l'ouverture à 100 % du marché de l'électricité.

La directive du 26 juin 2003, concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive de 1996, commande une ouverture du marché de l'électricité à tous les clients non résidentiels au 1er juillet 2004 et, à partir du 1er juillet 2007, à tous les clients sans exception.

Examinons ensuite l'action - tant commentée ! - du gouvernement de Lionel Jospin qui a assumé les engagements de la France, tout en ayant une approche équilibrée. La loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public transpose la directive de 1996. Mais ce n'est pas parce que le gouvernement de Lionel Jospin a honoré la signature internationale de la France que nous approuvons la politique libérale !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Et Barcelone ?

M. Christian Bataille. J'y viens, monsieur le rapporteur.

La loi de 2000 a d'abord défini avec précision le contenu du service public de l'électricité, ses missions, ses modalités de financement et les opérateurs qui en ont la charge.

Le service public de l'électricité est essentiel car c'est la pierre angulaire de notre marché de l'électricité. Qu'est-ce donc que le service public de l'électricité ?

C'est d'abord une garantie d'approvisionnement pour tous et partout, mais c'est aussi un élément important de diverses politiques publiques : politique de l'énergie, d'abord, mais également politiques sociale, environnementale et d'aménagement du territoire.

Les missions du service public ont été précisées par la loi de février 2000 : développement équilibré des capacités de production, développement et exploitation des réseaux publics de transport, de distribution et de fourniture d'électricité. S'agissant de cette dernière, le principe de la péréquation géographique des tarifs a été maintenu.

La production d'électricité a été assurée par l'introduction d'une programmation pluriannuelle des investissements garantissant aux pouvoirs publics une réelle maîtrise sur notre politique de l'énergie. Dans ce cadre, les opérateurs souhaitant produire de l'électricité doivent obtenir une autorisation délivrée par le ministre chargé de l'énergie.

Toutefois, lorsqu'une divergence est constatée entre les objectifs définis par la programmation pluriannuelle et les intentions des investisseurs, une procédure d'appel d'offres peut être lancée. Afin de favoriser le développement de certaines techniques de production d'électricité, EDF demeure soumise, sous certaines conditions, à une obligation d'achat.

S'agissant du transport, la loi désigne EDF comme le gestionnaire unique du réseau public de transport d'électricité - GRT - et impose à l'établissement public diverses obligations garantissant un accès et une utilisation du réseau transparents et non discriminatoires.

Le projet de loi ne remet pas en cause l'organisation de la distribution d'électricité, qui demeure de la compétence des collectivités territoriales et de leurs groupements, EDF et les distributeurs non nationalisés restant gestionnaires des réseaux de distribution. Il adapte simplement les règles existantes pour permettre aux collectivités concédantes de prendre en compte les exigences liées à l'application des principes d'universalité et d'égalité et les impératifs de protection de l'environnement et de maîtrise de la demande d'énergie.

La loi a aussi défini la notion de clients éligibles.

De plus, dans le but de mettre en place des règles de concurrence loyale, la loi impose aux entreprises d'électricité verticalement intégrées de dissocier dans leur comptabilité les activités de production, de transport et de distribution. Cette mesure vise en particulier à empêcher les subventions croisées. Elle s'accompagne de dispositions visant la transparence des comptes.

Par ailleurs, a été créée une commission de régulation de l'électricité compétente pour traiter de l'ensemble des questions liées à l'accès aux réseaux de transport et de distribution et à leur utilisation.

Afin de ne pas pénaliser l'opérateur historique dans un marché ouvert à la concurrence, le principe de spécialité d'EDF a été aménagé dès la loi de 2000, et j'y reviendrai. Une distinction est faite entre les offres qu'EDF peut présenter aux clients éligibles et celles destinées aux consommateurs non éligibles.

Cette transposition a donc permis à la France d'être inattaquable.

Le gouvernement de Lionel Jospin n'a pas été immobile et nous avons réalisé une transposition que j'avais appelée une transposition a minima, mais qui correspondait aux intérêts de la France.

Le Gouvernement a fait en outre ce qu'il fallait faire pour atteindre les objectifs de développement des énergies renouvelables en introduisant des tarifs de rachat de l'électricité produite à partir de sources d'énergies renouvelables, pour se conformer à la future directive relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources renouvelables sur le marché intérieur.

Par ailleurs, la loi du 10 février 2000 a apporté des acquis essentiels dans le domaine du service public et de la solidarité nationale.

Cette loi a défini dans le détail l'objet et la mission du service public de l'électricité afin d'affirmer son importance et pour le renforcer. Ainsi que l'indique l'article 1er de la loi, « le service public de l'électricité a pour objet de garantir l'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du territoire, dans le respect de l'intérêt général ».

« Dans le cadre de la politique énergétique, il contribue à l'indépendance et à la sécurité d'approvisionnement, à la qualité de l'air et à la lutte contre l'effet de serre, à la gestion optimale et au développement des ressources nationales, à la maîtrise de la demande d'énergie, à la compétitivité de l'activité économique, à la maîtrise des choix technologiques d'avenir, comme à l'utilisation rationnelle de l'énergie ».

La loi de 2000 a en outre introduit un nouveau droit fondamental, le droit à l'électricité pour tous. En effet, l'article 1er précise que « Le service public de l'électricité concourt à la cohésion sociale, en assurant le droit à l'électricité pour tous, à la lutte contre les exclusions, au développement équilibré du territoire dans le respect de l'environnement, à la recherche et au progrès technologique, ainsi qu'à la défense et à la sécurité publique ».

Je continue de citer l'article 1er : « Matérialisant le droit de tous à l'électricité, produit de première nécessité, le service public est géré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coût, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique. »

Enfin, monsieur le rapporteur, le Conseil de Barcelone, en mars 2002,...

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Ah !

M. Christian Bataille. ...a fait accepter les acquis de la loi du 10 février 2000. L'impact de l'audiovisuel a imposé l'image d'une délégation française, en mars 2002, à Barcelone, composée du Président de la République, M. Jacques Chirac, et du Premier ministre, M. Lionel Jospin, côte à côte, acquiesçant à une remise en cause de la notion de service public à la française. Et c'est ce que vous continuez d'affirmer. Or la réalité est tout autre.

M. François-Michel Gonnot. Vraiment ?

M. Christian Bataille. Le Conseil européen des 15 et 16 mars 2002 engage le Conseil et le Parlement à adopter des décisions concernant, je le rappelle, la définition des obligations de service public, la sécurité d'approvisionnement, la protection des régions reculées, la protection des groupes les plus vulnérables de la population.

Je rappellerai également que Lionel Jospin s'est opposé avec succès, lors du Conseil de Barcelone, à l'éligibilité des particuliers.

Mme Nathalie Gautier. Tout à fait !

M. Christian Bataille. Certains voudraient-ils que nous nous excusions pour ce Conseil européen de Barcelone ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous ne vous reprochons rien ! Faites donc de même !

M. Christian Bataille. Les acquis de la loi de 2000 ont ainsi été défendus jusqu'à la fin de la précédente législature par la majorité de gauche.

Ce ne sera plus le cas dès l'entrée en fonction du gouvernement Raffarin, avec une politique qui aboutira, comme on l'a vu, à l'adoption d'une directive qui ouvre les vannes à une éligibilité de tous les clients à partir du 1er juillet 2007.

La loi de 2000 a réalisé une transposition équilibrée de nos obligations européennes, conforme aux intérêts de la France et dans la continuité de sa stratégie datant de plusieurs décennies de maîtrise du système électrique.

Est-ce bien le moment, monsieur le ministre, de rompre cet équilibre, alors que les bases et les modalités de la politique de libéralisation des marchés du gaz et de l'électricité sont, sinon remises en cause, du moins réexaminées dans de nombreux pays, et que le contexte énergétique mondial est de plus en plus chaotique ?

Deuxième axe de mon propos : dans un contexte géopolitique et économique dangereux, la transformation des secteurs électrique et gazier devrait être d'autant plus prudente que les bases techniques des exigences européennes sont fragiles. Le risque majeur d'une pénurie organisée continue de menacer notre approvisionnement en hydrocarbures.

M. Daniel Paul. C'est vrai !

M. Christian Bataille. La facture énergétique de la France a augmenté en 2003 en raison de l'augmentation du prix du pétrole. Cette hausse va se répéter en 2004. Notre facture énergétique a augmenté de près de 5 % en 2003 par rapport à 2002, alors qu'elle avait diminué en 2002 et en 2001. Le prélèvement sur la richesse nationale est de 1,40 % du produit intérieur brut.

Le rythme des découvertes nouvelles se ralentit, ce qui entraîne un simple remplacement des quantités consommées par des réserves nouvelles, sans augmentation du nombre d'années de consommation. La consommation pétrolière de la Chine représente un facteur de déséquilibre structurel qui va s'amplifier avec le développement de l'Inde.

Le coût réel du pétrole n'est pas égal à celui du marché, parce que les coûts externes de sa production, notamment les coûts sociaux et politiques - et, en premier lieu, ceux de la guerre, qui ne sont jamais pris en compte - ainsi que ceux de son acheminement, ne sont pas intégrés au prix acquitté par les consommateurs.

Quant à nos approvisionnements en gaz, ils ne sont ni totalement sûrs, ni totalement garantis contre la hausse des prix. Le gaz est une ressource mieux répartie géographiquement que le pétrole, mais nos approvisionnements proviennent de pays politiquement fragiles. L'augmentation de la production de gaz naturel n'est pas aussi aisée qu'on pouvait le penser. L'augmentation des rendements d'extraction est difficile, comme le montre l'exemple des Etats-Unis, qui ne parviennent pas à accroître significativement leur production.

Pour augmenter la production sur le marché mondial, il faudra réaliser des investissements colossaux en infrastructures - réseaux de gazoducs, terminaux gaziers et flottes de méthaniers.

Les prix du gaz continuent d'être indexés sur ceux du pétrole. Le danger immédiat est, là aussi, celui de la pénurie organisée afin de faire monter les prix, avant que ne se profile celui de la pénurie physique due à l'épuisement des gisements et des réserves.

Par ailleurs, le contexte climatique est plus qu'inquiétant. A quand la prochaine canicule ? Les cinquante dernières années sont celles de tous les records de température à la surface du globe.

En dépit de leur sophistication croissante, les modèles climatiques ne peuvent guère indiquer si une nouvelle canicule se produira au cours de l'été 2004. Certains modèles avaient certes laissé entrevoir la canicule de 2003 trois mois auparavant. Mais le phénomène avait disparu des prévisions quelques semaines plus tard. La France a connu des été très chauds en 1945, 1947, 1949, 1950 et 1952. Les prévisionnistes estiment qu'il est peu probable qu'une nouvelle canicule survienne au cours de l'été 2004. Dans le cas contraire, l'ampleur du réchauffement global serait sans doute revue à la hausse.

En tout état de cause, les quelque 3 000 scientifiques du GIEC - groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat - estiment que « la majeure partie du réchauffement observée au cours des cinquante dernières années est due aux activités humaines. »

Le réchauffement observé au xxe siècle va continuer, s'accompagnant de phénomènes climatiques extrêmes de plus en plus fréquents : vagues de chaleur, précipitations intenses, cyclones, sécheresse estivale.

Le changement climatique aura deux conséquences : nos consommations d'énergie vont naturellement augmenter avec la généralisation de la climatisation, avec un recours accru à l'irrigation, avec des consommations résidentielles d'eau en forte croissance, d'où des dépenses énergétiques nouvelles ; simultanément, nous devrons diminuer nos émissions de gaz à effet de serre, qui sont une cause directe du réchauffement global. Nos consommations d'hydrocarbures devront baisser drastiquement.

Dans ces conditions, l'électricité est plus que jamais un bien de première nécessité et une énergie de première importance.

Comme l'écrivait récemment M. Lovelock, écologiste anglais d'une grande autorité, il faut de toute urgence privilégier les productions électriques sans effet de serre, à savoir les énergies renouvelables et l'énergie nucléaire.

En outre, l'électricité est le seul atout énergétique de la France, mais c'est un atout majeur qu'il est vital de pérenniser. L'électricité constitue depuis vingt ans un avantage compétitif majeur de notre pays. C'est l'électricité nucléaire qui a permis à la France de diminuer le poids de sa facture énergétique et de réduire d'un facteur trois son pourcentage par rapport au produit intérieur brut.

Grâce à sa production nucléaire, la France est l'un des meilleurs élèves du monde pour la limitation des rejets de gaz carbonique. A niveau de vie comparable, dans l'OCDE, seules font mieux la Suisse et la Suède. Les grands concurrents de la France pour l'électricité sont beaucoup moins performants, en particulier l'Allemagne et le Royaume-Uni, en raison de leur utilisation de combustibles fossiles pour la production d'électricité.

Les prix d'EDF ont été inférieurs à ceux du marché européen et stables sur la longue période. Il s'agit d'un avantage majeur, à la base de la compétitivité de l'économie française.

Les hausses de prix de l'électricité d'ores et déjà observées sont partout le fruit amer de la libéralisation. Selon les services de la Commission européenne, la hausse des prix de l'électricité pour les grands industriels de l'Union européenne a été de 20 à 30 % en 2003 par rapport à 2002. Les prix de l'électricité augmentent d'un euro par mois pour un mégawatt-heure sur le marché spot européen. Ce phénomène ne fait que commencer : rien ne sera plus facile pour les grands producteurs européens d'électricité que d'organiser une pénurie limitée de la production d'électricité. Il suffira de déclasser quelques unités de production pour faire monter les prix. Par exemple, il suffira de déclasser quelques tranches de charbon.

Pour prendre un autre exemple, dans la circonscription dont je suis l'élu, la centrale thermique de Pont-sur-Sambre, qui avait été récemment modernisée, a été déclassée. Elle aurait pourtant pu être utile lors de la canicule de 2003.

M. David Habib. C'est vrai !

M. Christian Bataille. Il a été jugé préférable d'acheter de l'électricité sur le marché européen à des prix astronomiques.

Sans même se concerter, les producteurs, dans un marché libéralisé, organiseront une pénurie relative destinée à faire monter les prix.

En France, les hausses constatées du prix de l'électricité ne sont pas dues aux coûts de l'aval du cycle du combustible nucléaire, qui sont d'ores et déjà intégrés au prix de l'électricité. Elles sont dues, en partie seulement, aux charges de service public qui proviennent des tarifs de rachat de l'électricité produite par cogénération ou encore du développement des énergies renouvelables.

Dans l'intérêt des entreprises comme dans celui des particuliers, le Gouvernement ne doit pas permettre que l'on joue avec les prix de l'électricité. Alors qu'il devient déjà impossible, pour des industries grandes consommatrices, de garantir à long terme leur approvisionnement en électricité à prix stables, une hausse des prix entraînerait rapidement des délocalisations. Le PDG de Saint-Gobain, M. Beffa, a ainsi récemment indiqué qu'il pourrait délocaliser une partie de ses activités si la hausse des prix de l'électricité devait continuer.

Pour les particuliers, la fin d'une électricité peu coûteuse pourrait entraîner des conséquences sociales explosives.

Il sera nécessaire de procéder à des investissements massifs dans les deux prochaines décennies. Contrairement à une idée reçue, en effet, les capacités françaises de production d'électricité ne sont pas largement excédentaires. Au contraire, des tensions vont apparaître rapidement, non seulement pour la production en pointe et semi-base, mais également en base.

Dans ces conditions, la tentation serait grande de faire financer les investissements futurs par une hausse des prix de l'électricité. Mais en réalité, c'est par des gains de productivité à tous les niveaux qu'EDF doit améliorer ses marges. Cela suppose une hausse du taux de disponibilité des centrales nucléaires, ce qui passe par une réduction des délais d'arrêt pour le rechargement du combustible, la maintenance et les grands carénages, grâce à une politique d'internalisation des tâches correspondantes, c'est-à-dire la diminution du recours à la sous-traitance.

Cela suppose également qu'il soit mis fin aux investissements liés au développement international, qui s'avèrent aussi lourds qu'inutiles.

Le réseau de transport d'électricité nécessite aussi une maintenance et un renouvellement constants pour rester au niveau élevé de performances et de sûreté auquel il se trouve ; toute privatisation, même partielle, de ce réseau conduirait à son étiolement progressif et, finalement, à sa dégradation rapide.

Troisième aspect : la libéralisation de l'électricité par l'Union européenne est une politique sans fondement technique ni économique.

L'électricité est non stockable : elle nécessite donc un ajustement instantané de l'offre et de la demande. À cet égard, il s'agit d'un bien particulier, différent des marchandises habituelles. Le concept de libre circulation de l'électron n'a pas de sens, car la production électrique voyage mal. Au-delà de 200 à 300 kilomètres, en effet, il faut produire sur place.

Lors d'un pic de demande, tout producteur est en situation de monopole et peut faire monter les prix en diminuant sa production parce que l'électricité est un bien de première nécessité, difficilement substituable.

Le nombre de producteurs et d'opérateurs de réseaux est infiniment plus faible de ce côté de l'Atlantique : plusieurs centaines de producteurs d'électricité opèrent dans l'Est des États-Unis. Dans l'Union européenne, au contraire, le secteur a tendance à se reconcentrer, comme le montrent l'exemple de la fusion d'Eon et de Ruhrgas et l'importance d'opérateurs comme Vattenfall en Europe du Nord. Aujourd'hui, en Allemagne, le marché de l'électricité est dominé à 70 % par deux opérateurs : RWE et Eon ; dans ce pays où, depuis 1998, les consommateurs éligibles sont censés pouvoir choisir leur fournisseur, les prix sont aussi élevés qu'avant. À la différence des États-unis, et contrairement à d'autres biens soumis à une concurrence réelle, les règles de la concurrence ne peuvent donc pas s'appliquer sur le marché européen de l'électricité.

Allons-nous nous offrir le risque de grandes pannes comme aux États-Unis ? Là-bas, rappelons-le, la libéralisation a connu bien des errements.

La crise de l'électricité survenue en Californie à l'été 2000 résulte de plusieurs dysfonctionnements aujourd'hui bien identifiés. C'est le système libéral, focalisé par nature sur le court terme, qui a entraîné l'effondrement du réseau ; en effet, les investissements de production ont été largement insuffisants dans cet État, mettant en danger l'équilibre de l'offre et de la demande et entraînant une dépendance vis-à-vis de ses voisins. En outre, le réseau de transport reliant le Nord et le Sud de la Californie était et demeure, faute d'investissements suffisants, largement sous-dimensionné. La spéculation et les manipulations de cours, notamment par la tristement célèbre firme Enron, ont fini de mettre le système électrique californien à genoux.

Trois ans plus tard, les mêmes causes - à savoir l'incapacité d'un système dérégulé d'anticiper les besoins du futur - produisent les mêmes effets : l'effondrement du réseau survenu le 14 août 2003 dans huit États du Nord-Est des États-Unis et dans l'État canadien de l'Ontario résulte, lui aussi, de causes liées à la libéralisation. Malgré l'existence de marchés dits organisés, 50 millions de personnes ont été privées d'électricité pendant plusieurs jours, jusqu'à une semaine !

Ainsi que l'indique l'autorité fédérale de régulation de l'énergie américaine, les investissements dans les réseaux de transport et de distribution ont été insuffisants, en particulier de la part du principal opérateur, la First Energy. À la demande des actionnaires, les opérateurs investissent au minimum pour maximiser leur profit. La planification à long terme du développement du réseau a aussi été insuffisante. Des événements comme la multiplication d'incidents sur le réseau ou des conditions climatiques extrêmes n'ont pas été anticipés. Le coût de cet effondrement du réseau a été évalué à 7 milliards de dollars pour les seuls États-Unis. En comparaison avec ces crises américaines, dans lesquelles les conditions climatiques n'ont pas joué de rôle significatif, la grande tempête de la fin 1999 a, en France, été surmontée avec infiniment plus de compétence et de rapidité par l'opérateur public EDF, qui n'était pas sous la pression d'actionnaires privés. Voulons-nous nous passer de cet atout ?

Quatrième aspect : la politique européenne de libéralisation de l'électricité est maximaliste et incohérente. Menée au rouleau compresseur, elle contraste avec la diversité des situations qui règne aux États-Unis. Certains États américains ont choisi la libéralisation, d'autres non. Certains se sont regroupés pour constituer un marché commun de l'énergie, d'autres non. En 2003, les principes de marché de l'électricité ne concernaient que 40 % de la population américaine. Des régions entières des États-Unis ne les ont toujours pas mis en application : le Sud-Est, la Floride, le MidWest, le Centre-Sud, le Sud-Ouest et le Nord-Ouest. L'Union européenne aurait dû rendre facultative la libéralisation et permettre à ses membres d'opter ou non pour cette solution.

(M. Jean-Louis Debré remplace M. Jean Le Garrec au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. Christian Bataille. Cette politique changera peut-être après les élections du 13 juin, qui ont modifié la composition du Parlement européen. Quoi qu'il en soit, les socialistes se battront au niveau communautaire pour mieux préserver le service public.

L'incohérence de la politique libérale est manifeste si l'on constate la carence du développement des réseaux transfrontaliers au sein de l'Union. Le Conseil européen de Barcelone des 15 et 16 mars 2002, en particulier, demandait qu'un accord soit adopté sur un système de fixation des tarifs pour les transactions internationales concernant l'électricité. Rien n'a été fait. Les grands projets d'infrastructures sont encore dans les limbes et les échanges transfrontaliers entre pays membres représentent moins de 10 % de la consommation européenne totale.

Pour accompagner la marche vers la libéralisation des marchés, il manque un régulateur européen comparable à la commission de régulation de l'énergie américaine. Le Gouvernement l'a bien compris en demandant la création d'une Europe de l'énergie.

La libéralisation est d'ailleurs conduite sans qu'une évaluation indépendante soit menée au niveau européen. Une évaluation était pourtant prévue par la directive entre l'ouverture aux professionnels et l'ouverture généralisée, mais elle ne sera, de toute façon, pas indépendante, la Commission étant juge et partie.

On peut faire des constats surprenants : la libéralisation en Espagne est un échec pour les consommateurs finaux, qui ne sont que 0,3 % à avoir choisi le marché libéralisé. Aux États-Unis, certains États sont revenus en arrière : alors qu'en Californie les contrats publics à long terme se généralisent, d'autres États ont même abandonné la libéralisation.

La tendance récente est à une volatilité fortement accrue des prix de l'électricité et à l'augmentation des prix moyens. Cette politique est contraire aux intérêts de la France.

La nationalisation de 1946 résultait du mauvais fonctionnement de l'appareil électrique français de l'entre-deux-guerres et de son incapacité à enclencher un développement rapide après la guerre.

La vision de Marcel Paul est toujours d'actualité.

M. Daniel Paul. Très juste !

M. Christian Bataille. Il faut saluer l'œuvre de ce grand ministre en ajoutant qu'elle était l'expression du gouvernement de la Libération conduit par le général de Gaulle et rassemblant les socialistes, les communistes, le MRP et les gaullistes. Ils ont eu, ensemble, une vision de politique industrielle et d'intérêt national.

Le projet de loi qui nous est soumis n'est, pour sa part, inspiré par aucune vision industrielle, alors qu'il est nécessaire de mettre EDF en condition de procéder au renouvellement du parc électronucléaire français à partir de 2020.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Qu'est-ce que tout cela a à voir avec la Constitution ?

M. Christian Bataille. Il faudra une structure financière forte pour assurer la pérennité de la production électrique française. À cet égard, le présent texte est contradictoire avec le projet de loi d'orientation sur l'énergie. De la même façon, la maintenance et le développement des réseaux exigeront des investissements très importants, et difficiles à conduire, compte tenu des contraintes légales de toute sorte, notamment environnementales.

Par nature, les sociétés anonymes ne peuvent prendre en charge les investissements de très long terme comme le réseau de transport et les centrales nucléaires, qui répondent à d'autres critères que ceux de l'investissement privé traditionnel.

En conclusion de cette deuxième partie, on observe que le projet de loi rompt au pire moment avec une stratégie énergétique qui a fait ses preuves depuis 1946. Alors que la compétitivité de notre industrie s'est appuyée sur un coût de l'électricité peu élevé, vous voulez mettre en place un système libéral de concurrence dont l'effet est de faire monter les prix. Alors que l'électricité est un bien de première nécessité dont la consommation augmente et va continuer d'augmenter pendant de longues années, vous voulez mettre en place un système qui alourdira la part que le budget des ménages lui consacre, touchant au premier chef les citoyens les plus fragiles. Alors que l'électricité est produite en France sans générer de gaz à effet de serre, par des centrales nucléaires couplées à un réseau dense et de hautes performances, vous privilégiez la rentabilité à court terme, ce qui rendra plus difficiles les investissements lourds susceptibles, à long terme, de générer des économies et de permettre une réduction des émissions de gaz carbonique.

Entraîné dans une politique libérale maximaliste et incohérente, le gouvernement français aurait dû s'en tenir à l'organisation définie par la loi du 10 février 2000.

Au lieu d'adopter cette politique prudente d'adaptation a minima, vous choisissez au contraire d'aller encore plus loin que ne le veulent les chantres du libéralisme. Il s'agit là d'une erreur de perspective, d'autant plus magistrale que - nous y venons - votre projet de loi est contraire à la Constitution.

M. Jean Dionis du Séjour. Cela promet d'être intéressant !

M. Christian Bataille. Il y est contraire dans l'immédiat et dans la durée.

Par le changement de statut d'EDF et de GDF, la nation est dépouillée et les agents d'EDF sont trompés.

Votre projet, monsieur Sarkozy, procède bel et bien à la privatisation d'EDF. D'ailleurs, lors du sixième forum thématique du RPR, organisé en juin 2001 par M. François Baroin, vous avez déclaré : « la privatisation d'EDF est inscrite dans les faits. Je propose que tout ou partie des recettes considérables qui sont à attendre de cette privatisation soit affecté au financement de la modernisation de l'État ». Ces propos sont rapportés dans La Tribune du mercredi 6 juin 2001.

Ainsi qu'en témoigne le quotidien Les Échos du mardi 26 juin 2001, ...

M. François-Michel Gonnot. Nous aussi, nous pouvons produire des déclarations : nous avons plein d'exemples !

M. Christian Bataille. ...la présidente du RPR, Mme Alliot-Marie, déclarait au même moment dans une conférence de presse : « Privatiser EDF est une des voies possibles pour financer la réforme de l'État ».

M. François Brottes. C'est dur, la vérité !

M. Christian Bataille. Lors du conseil national du RPR, vous plaidez, monsieur Sarkozy, pour que la privatisation d'EDF soit engagée sans tarder et non pas simplement l'ouverture du capital,...

M. François Brottes. Quelle horreur !

M. Christian Bataille. ...et vous proposez qu'une partie des fonds dégagés soient consacrés à la modernisation de l'État : La Tribune, jeudi 26 juillet 2001.

Le personnel d'EDF et GDF ne méritait pas cela.

EDF et GDF sont parmi les services publics les plus respectés par nos concitoyens pour leur efficacité et leur valeur. Leur personnel a été consulté sur les retraites, avec le résultat que l'on sait : 59 % des actifs ont rejeté la modification du système des retraites, dont on retrouve les dispositions dans le projet de loi que vous nous présentez. Sur le changement de statut lui-même, le personnel n'est pas consulté, mais une négociation semble conduite dans la coulisse. Il faut constater, de plus, une stratégie très médiatique mais bien peu démocratique.

La transformation d'EDF et GDF en sociétés anonymes n'est pas imposée par l'Union européenne.

La directive indique dans son chapitre relatif aux règles générales d'organisation du secteur que les États membres, sur la base de leur organisation institutionnelle et dans le respect du principe de subsidiarité, veillent à ce que les entreprises d'électricité, sans préjudice du paragraphe 2, soient exploitées conformément aux principes de la présente directive, en vue de réaliser un marché de l'électricité concurrentiel, sûr et durable sur le plan environnemental.

Je vais à nouveau citer la lettre de M. Mario Monti à M. Frédéric Imbrecht, secrétaire général de la FNECGT. Il n'est pas très sympathique avec vous, votre copain libéral, monsieur le ministre ! Voici quelques bons passages de cette lettre : «Le fait que la France ait décidé de changer le statut d'EDF n'est pas du ressort de la Commission, qui, en vertu du traité, n'a pas compétence pour mettre en cause ni le régime public ou privé des entreprises ni le statut choisi par les États membres pour leurs entreprises publiques. Celles-ci peuvent donc être des établissements publics ou des sociétés anonymes, à condition qu'elles ne bénéficient pas d'aides d'État incompatibles avec le traité. »

M. Jean Dionis du Séjour. Ah !

M. Jérôme Lambert. C'est très bien dit !

M. Christian Bataille. Pour justifier le changement de statut d'EDF, il est erroné de dire, comme vous l'avez fait, monsieur Devedjian, qu'il n'existe aucun moyen de retirer la garantie de l'État à un établissement public. En réalité, il est démontré qu'un arrêté ministériel, voire une circulaire, permet de la limiter.

Par ailleurs, le changement de statut dépouille la nation d'une partie fondamentale de son patrimoine.

En premier lieu, la rente nucléaire, la marge sur le courant produit par un réacteur nucléaire amorti, est de plus de 50 %.

Dans le rapport sur les coûts de production de l'électricité que j'ai cosigné avec quelqu'un que vous connaissez bien, messieurs les ministres, notre ancien collègue Robert Galley, j'avais chiffré dès 1999 le montant de cette rente : la durée d'amortissement fiscal des réacteurs d'EDF est de trente ans, le cash-flow cumulé généré par le parc électronucléaire sur les dix années suivant l'amortissement est de 15 à 23 milliards d'euros. En prenant comme hypothèse, vraisemblable au regard des expériences étrangères, que la durée de vie moyenne des réacteurs peut être de cinquante ans, 1e cash-flow cumulé pourrait atteindre 30 à 46 milliards.

Quel puissant intérêt pour un investisseur privé d'entrer dans le capital d'EDF !

Tout d'abord, le cash-flow généré par EDF va augmenter dans les années à venir du fait de l'amortissement complet des réacteurs et de l'augmentation des prix orchestrée par les tenants de la libéralisation. La nation aura payé l'effort d'équipement de la France en centrales. Les actionnaires toucheront les dividendes quand celles-ci rapporteront le plus. La rentabilité des moyens de production amortis sera donc énorme, comme le montre l'exemple des centrales nucléaires américaines les plus anciennes, qui sont devenues des « cash cows », ou vaches à lait, recherchées par les investisseurs privés

Ceux-ci auront ensuite intérêt à augmenter leur participation dans les autres activités plus rentables d'EDF, qui seront inévitablement filialisées, ne serait-ce que pour faire échapper leur personnel au statut actuel.

Pour le réseau de transport amorti, le même phénomène est avéré : des revenus réguliers générés par des flux d'électricité depuis les lieux de production vers les lieux de consommation. Cependant, il faudra savoir réinvestir les profits pour entretenir et moderniser le réseau. On peut en douter !

Pour ces raisons, le changement de statut d'EDF et de GDF porte atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, et est contraire aux principes généraux de la Constitution.

Par ailleurs, ce projet de loi en trompe-l'œil n'assure pas la pérennité du contrôle public et de l'emploi. En fixant un niveau d'au moins 50 %, il semble garantir le contrôle public d'EDF, mais ce n'est qu'un effet d'affichage valable dans l'immédiat court terme. Ce qui est essentiel, ce n'est pas que le niveau soit à 50, 51, 70, ni même à 100 %, c'est l'adoption du statut de société anonyme.

Monsieur Sarkozy, vous êtes passé, au gré de vos humeurs ou de vos intentions tactiques, d'une privatisation à 100 % en juillet 2001, alors que vous étiez dans l'opposition pure et dure, à une privatisation à 50 % dans le texte qui nous est soumis, rédigé à l'issue de régionales et cantonales très difficiles pour la majorité, puis à une ouverture du capital à 30 %, par un amendement de l'UMP motivé sans doute par la mobilisation sociale, pour finir, si l'on en croit la presse du soir de samedi dernier, à 0 % de participation privée devant le risque de désordres sérieux. Et j'entends le rapporteur revenir à 30 %. Alors, 100, 50,70, 30, 0 %, nous n'y comprenons plus rien ! Si les parlementaires sont perdus,...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais non !

M. Christian Bataille. ...eux qui ont tout de même l'habitude de l'exégèse des textes, qu'en est-il de l'opinion, mais le but n'est-il pas justement d'égarer l'opinion ?

M. Jean-Louis Dumont. C'est le flou artistique !

M. Christian Bataille. On ne saurait faire mieux comme évolution ! On pourrait se féliciter, monsieur le ministre, de vous voir faire amende honorable et abandonner la perspective d'une privatisation d'EDF et de GDF, mais ce serait céder aux apparences ; car votre objectif n'est plus de privatiser brutalement et dans un climat de conflit social, votre parti pris d'aujourd'hui est plus tactique. L'important n'est pas que la participation privée soit fixée à 0, 30, 50 ou 100 %, l'important, c'est le déverrouillage du système d'entreprise publique pour pouvoir, à l'avenir, privatiser par paliers dans une relative discrétion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Rien n'interdit à une société anonyme de filialiser ses activités. À court terme, le projet ouvre la voie à une filialisation et à une privatisation des activités les plus rentables, en particulier le réseau de transport de l'électricité et la production nucléaire. Un amendement dans une loi de finances ou dans un texte financier permettra de modifier le niveau de la participation de l'État dans EDF.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Bien sûr !

M. Christian Bataille. En réalité, le statut de société anonyme et l'ouverture du capital préparent la vente par appartements d'EDF.

M. Alain Vidalies. Voilà !

Mme Nathalie Gautier. Le scénario est écrit !

M. Christian Bataille. Le schéma classique s'appliquera : EDF deviendra une coquille vide, dont le seul rôle sera de porter les dettes et les engagements hors bilan ; les activités rentables seront filialisées et ouvertes de plus en plus largement au secteur privé.

Veut-on que les centrales nucléaires françaises, qui fournissent 80 % de la consommation d'électricité nationale, puissent un jour être filialisées et passer sous le contrôle de fonds de pension dépendant de décisions prises aux États-Unis, par exemple par les veuves de l'Iowa ?

M. François Brottes. C'est très grave !

M. Christian Bataille. Ce projet est également en trompe-l'œil pour ce qui concerne l'emploi des personnels d'EDF et de GDF.

S'il y a eu garantie de l'emploi jusqu'à ce jour, cela tient au statut d'EPIC d'EDF et de GDF, car la garantie de l'emploi n'est inscrite nulle part dans le statut du personnel. Une fois qu'elles seront transformées en sociétés anonymes, aucune disposition du projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, n'interdira à EDF SA et à GDF SA de procéder à des licenciements économiques !

Ce projet est encore en trompe-l'œil s'agissant du rôle futur des salariés d'EDF et de GDF.

Une véritable respiration du secteur public n'est pas prévue. Au contraire, votre projet exclut de décisions capitales les représentants des salariés, en donnant un droit de blocage aux représentants des actionnaires.

EDF, contrairement à ce qui a été dit, n'a besoin de ce projet ni pour financer son développement ni pour élargir ses activités. L'entreprise a une capacité d'autofinancement hors normes : elle a financé son parc électronucléaire par ses propres moyens, et la quasi-totalité de ses investissements récents ont été financés à hauteur de près de 15 milliards d'euros par sa propre capacité d'autofinancement. L'entreprise peut financer ses futurs investissements auprès du système bancaire car sa signature, même sans garantie de l'État, est l'une des meilleures du monde, compte tenu de l'importance exceptionnelle de son cash-flow.

L'élargissement des activités d'EDF et de GDF ne nécessite pas de changement de statut.

L'article 44 de la loi du 10 février 2000 offre aux deux entreprises des possibilités d'élargir leurs domaines d'activité. Selon cet article, en effet, « Électricité de France peut, par des filiales ou des sociétés, groupements ou organismes dans lesquels lui-même ou ses filiales détiennent des participations, proposer aux clients éligibles présents sur le territoire national une offre globale de prestations techniques ou commerciales accompagnant la fourniture d'électricité ». EDF a pu ainsi élargir ses fournitures et ses services, ainsi que le prouve par exemple le succès de Dalkia. Le Conseil d'État a entériné cet assouplissement du principe de spécialité. De plus, il est possible d'élargir le périmètre d'activités d'un EPIC, comme l'ont montré dans le passé les cas de la Poste et de la SNCF.

L'expansion internationale d'EDF s'est faite dans le cadre de son statut d'EPIC. Rien n'a empêché EDF de mettre en œuvre une politique d'expansion internationale, avec ses moyens financiers propres.

M. Alain Vidalies. Absolument !

M. Christian Bataille. Il serait paradoxal de justifier le passage en société anonyme par la nécessité de prendre des participations croisées, alors qu'EDF assure que son expansion internationale est achevée.

Ce projet de loi ne traite pas des enjeux financiers à long terme de la production nucléaire

Les comptes d'EDF comprennent deux types de provisions : les provisions pour le renouvellement des concessions du réseau de distribution ainsi que les provisions pour démantèlement et pour la gestion des déchets radioactifs, la question étant de savoir si les provisions restent ou non dans le périmètre du bilan.

La question des provisions pour démantèlement n'est ni traitée ni résolue. Les coûts du démantèlement et de l'aval du cycle nucléaire ont été intégrés dès le départ au prix du kwh acquitté par les consommateurs. Rien ne saurait justifier une augmentation des tarifs pour cette raison : on ne peut faire payer une seconde fois ce qui a déjà été acquitté.

EDF souhaite que les provisions pour démantèlement restent dans le bilan. Il aurait fallu discuter avec l'entreprise du volume de ces provisions, de la rapidité de leur constitution et de leur liquidité le moment venu.

S'il n'est pas possible, financièrement parlant, de sortir ces fonds du bilan sans le désintégrer, il faut en tout état de cause en imposer une gestion prudentielle. Ils ne seront pas exigibles avant l'arrêt du premier réacteur nucléaire, qui n'est pas prévu avant 2020. Il serait aberrant d'exiger une constitution trop anticipée du montant total des provisions, et il serait tout aussi aberrant de stériliser ces fonds. En revanche la nation doit en exiger une utilisation prudente, au profit de l'industrie nationale tout entière.

La question des provisions pour l'aval du cycle du combustible, fondamentale pour la nation et pour EDF, n'est ni traitée ni résolue.

Pourtant, nous assistons, dans tous les pays nucléaires, à un transfert de propriété des déchets radioactifs dans une structure publique qui offre la pérennité maximale, comparée à toutes les autres. Le silence sur ce sujet est paradoxal dans un texte relatif aux entreprises gazières et électriques.

Par ailleurs, le service public et le droit d'accès à l'électricité sont menacés dans leur existence. Le service public est menacé par la nouvelle logique introduite par le changement de statut. Il a différents objectifs dont la réalisation peut s'avérer très coûteuse pour l'entreprise. L'exigence de qualité du courant électrique peut entraîner des surcoûts. La péréquation, fondement de la notion de solidarité contenue dans le service public, sera menacée par la multiplication des intervenants. Une société anonyme n'aura aucune raison de prendre en compte les impératifs d'ordre politique d'aménagement du territoire.

La continuité du service public peut être coûteuse. Ainsi, la remise en service du réseau après la tempête de 1999 a entraîné une mobilisation du personnel dont le coût, dans un cadre privé, aurait été jugé trop lourd pour ne pas être étalé dans le temps. Lors de la canicule, EDF a dû acheter du courant électrique sur le marché spot ; or sur le marché spot de Paris, le prix de la fourniture de courant acheté la veille pour le lendemain a atteint 1 000 euros par mégawattheure, sur deux jours ; sur le marché spot d'Amsterdam, le prix de la même fourniture a atteint 2 000 euros par mégawattheure, sur une journée. Le coût de la canicule pour EDF a atteint 300 millions d'euros.

Quel actionnaire privé, même minoritaire, laisserait faire cela au nom de l'intérêt général ? Aucun !

EDF, en tant qu'établissement public, n'a pas hésité à procéder à des achats, en dépit de leur coût, considérant que la continuité de la fourniture est un élément essentiel du service public. Dans le cas d'EDF SA, avec 30 % de son capital détenu par le privé, on aurait assisté au refus des actionnaires privés d'entamer la marge bénéficiaire de l'entreprise.

L'expérience européenne et américaine montre que le délestage, c'est-à-dire l'interruption de la fourniture d'électricité pour certains quartiers ou certaines communes pour une durée plus ou moins longue, est un mode de régulation classique pour des opérateurs privés. Cette technique, inconnue dans notre pays, est courante dans les systèmes libéralisés. Nous allons apprendre à la connaître !

La France a mis en place un système public dont l'objectif prioritaire est d'atteindre ses objectifs de service public. Le projet de loi met en place un système totalement opposé dans son principe : le service public ne serait plus une impérieuse obligation, mais deviendrait un service minimum imposé par la loi. Le passage au statut de société anonyme, contrairement à ce que vous proposez, modifiera en profondeur les valeurs et le fonctionnement d'EDF.

Le service public est directement menacé par les dispositions du projet de loi. Selon la directive, l'objectif est seulement « un marché de l'électricité concurrentiel, sûr et durable sur le plan environnemental », ce qui est très limitatif.

Par ailleurs, l'article 1er du projet de loi introduit une triple définition des objectifs et des modalités du service public, d'une part en citant les lois qui définissent les obligations assignées à EDF, GDF et leurs filiales, d'autre part en faisant référence exclusivement aux contrats conclus entre l'État et ces entreprises, et enfin en définissant d'une manière restrictive le contenu du service public.

La péréquation est elle-même menacée. Même s'il est prévu que le fournisseur assure la mise en œuvre de la péréquation, comment être sûr qu'un système aussi complexe puisse correctement fonctionner ?

La commission de régulation de l'électricité s'alarme de la difficulté qu'il y aura à la mettre en place, au 1er juillet 2004, pour les consommateurs professionnels. Comment pourra-t-on l'assurer techniquement pour l'ensemble des clients à l'horizon de 2007 ?

Le droit d'accès à l'électricité, n'étant pas réaffirmé, risque de disparaître. La directive de 2003 n'assigne pas comme objectif au marché de l'électricité la mise en place d'un droit à l'électricité, elle prévoit d'autres objectifs un peu vagues comme « la réalisation d'un marché concurrentiel, sûr et durable sur le plan environnemental ». La directive n'appelle les États qu'à garantir « une protection adéquate aux consommateurs vulnérables, y compris des mesures destinées à les aider à éviter une interruption de la fourniture d'énergie ».

M. Jean Dionis du Séjour. Elle en appelle au service universel.

M. Christian Bataille. Nous sommes loin de l'aide au droit d'accès et de la philosophie solidaire.

Le statut du personnel lui non plus n'est pas garanti par la loi. L'exposé des motifs de votre projet de loi évoque la garantie du statut : « Ces réformes n'auront par ailleurs aucune incidence ni sur le périmètre du statut des personnels des industries électriques et gazières, qui restera bien celui de 1946, c'est-à-dire portant sur les activités de production, de transport, de distribution et de fourniture aux clients finals, ni sur les garanties et le contenu du statut. »

Aucun article de la loi n'énonce de garantie concernant le statut du personnel des filiales, qui devrait être celui des industries électriques et gazières. Ce ne sont que des promesses.

Le réseau de transport de l'électricité n'est pas sanctuarisé comme il doit l'être et comme il l'est actuellement.

À travers EDF et GDF, la nation a la propriété des réseaux de transport : le transfert de propriété du réseau de transport de l'électricité s'est effectué dans des conditions connues de tous. Le haut de bilan peut être amélioré de bien des façons. Je tiens à dire mon étonnement d'avoir entendu M. Sarkozy faire grand cas des 500 millions apportés en dotation à EDF,...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. A juste titre !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Vous ne l'avez pas fait !

M. Christian Bataille. ...dont il faut d'ailleurs déduire les dividendes - 300 à 400 millions - qui sont reversés. Le Gouvernement précédent, lui, a su améliorer d'une autre façon le haut de bilan d'EDF.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. C'est la méthode Coué !

M. Christian Bataille. Il ne faudrait pas l'oublier, car la situation d'EDF s'en est trouvée singulièrement améliorée.

En tout état de cause, la recapitalisation prévue par le Gouvernement ne devrait pas être mise en avant, ne serait-ce que par référence à la rémunération de l'actionnaire pour 2003. Sur ce sujet d'intérêt général pour la France, il n'y a pas de place, dans l'intérêt de tous, pour une polémique. Mais c'est vous qui l'avez engagée tout à l'heure et il y a des mises au point qui ne sont pas utiles pour l'intérêt national et qu'il vaut mieux taire.

Selon l'article 5 de votre projet de loi, le GRT est une société dont le capital est détenu en totalité par EDF, l'État ou d'autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public. Mais, dans la mesure où l'article 22 dispose qu'EDF est transformée en société dont l'État détient une part que l'on ne peut plus chiffrer - 50 %, 70 %, 100 % du capital -, la protection introduite par l'article 5 est de pure forme. Il ne fait pas de doute en effet que le transport de l'électricité - réseau à haute et très haute tension - est une activité régulée, qui constitue un service public national et un monopole de fait.

Le projet de loi prévoit la transformation de l'entité RTE - réseau de transport d'électricité - actuellement en charge de ce réseau, en société anonyme EDF Transport, dont le capital serait détenu en totalité par EDF SA.

Par le jeu du statut de société anonyme, il serait tout à fait possible, dans l'avenir, que des actionnaires privés possèdent la minorité de blocage au sein d'EDF Transport.

M. Jean-Louis Dumont. Il a raison !

M. Christian Bataille. Dès lors, les investissements d'EDF Transport pourraient être empêchés par les actionnaires minoritaires, plus soucieux de la rentabilité à court terme que de l'avenir du réseau de transport, comme nous l'avons constaté aux États-Unis. Le réseau de transport de l'électricité doit rester un patrimoine fondamental appartenant à la nation.

M. Jean-Louis Dumont. Très bien !

M. Christian Bataille. Cette infrastructure représente un investissement colossal de la collectivité, qui doit en garder la pleine et entière propriété.

En outre, le réseau de transport intéresse au plus haut point la défense nationale.

Générant des revenus réguliers et une rentabilité de 6 %, le réseau de transport représente une proie de choix pour les entreprises privées. Les revenus de cette infrastructure doivent être entièrement consacrés à sa maintenance et à son développement, et ne doivent en aucun cas être distribués en dividendes.

En tout état de cause, il faut un établissement public fort pour assurer la maintenance et le développement du réseau de transport.

D'ores et déjà, en Europe, on remarque que les investissements de réseau sont insuffisants, et cette tendance est confirmée aux États-Unis : l'activité de gestionnaire du réseau de transport est capitalistique et soumise à des aléas réglementaires nombreux, d'où un désintérêt structurel des investisseurs privés.

Le réseau de transport est un service public national. Selon le préambule de la Constitution de 1946 « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. »

Or l'État n'aura plus la maîtrise de la décision au sein d'EDF Transport, notamment pour les augmentations de capital. Donc l'article 5 est contraire au préambule de la Constitution.

En outre, l'article 34 de la Constitution dispose : « La loi fixe également les règles concernant [...] les nationalisations d'entreprises et les transferts de propriété d'entreprises du secteur public au secteur privé. »

Par le simple jeu, d'une part, des modifications du capital d'EDF, et, d'autre part, des modifications de l'actionnariat public d'EDF Transport, et en privilégiant des entreprises publiques ouvertes à près de 50 %, il serait possible qu'EDF Transport passe sous contrôle privé. L'article 5 du projet de loi est donc également contraire à l'article 34 de la Constitution de 1958.

En conséquence, au cas où le Gouvernement s'apprêterait à transformer EDF en société anonyme, la seule solution possible pour préserver 1e caractère public de RTE serait de le transformer en EPIC.

En 2000, lors de la discussion du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, je m'étais opposé à la création d'un réseau de transport sous la forme d'un établissement public car il était hors de question de changer le statut public d'EDF et de GDF ; je considérais que le réseau de transport pouvait rester dans l'orbite d'EDF. La suite nous a donné entièrement raison.

Dans la situation actuelle, et si le Gouvernement persévérait dans son erreur sur le changement de statut d'EDF et de GDF, il serait indispensable de sanctuariser le transport d'électricité sous forme d'EPIC. Dès lors qu'EDF devient une société anonyme, le transport d'électricité doit devenir un établissement public.

Cela permettrait, en même temps, de respecter la directive qui spécifie que « le gestionnaire du réseau de transport dispose de pouvoirs de décision effectifs, indépendamment de l'entreprise d'électricité intégrée, en ce qui concerne les éléments d'actifs nécessaires pour assurer l'exploitation, l'entretien et le développement du réseau. »

En conclusion, après avoir affirmé en 2001, quand vous étiez dans l'opposition, d'une façon carrée et franche, votre objectif de privatiser EDF et GDF, nous avons aujourd'hui l'impression que vous voulez ouvrir la voie à la privatisation d'une manière subreptice. Vous avez d'abord fixé comme objectif la fin du statut d'établissement public d'EDF et de GDF ; ensuite, au gré du moment et de l'air du temps, vous avez développé des arguments parfois contradictoires.

Vous avez rapidement abandonné le refrain « c'est la faute à l'Europe », tant il est éclatant que ce projet est la volonté politique de votre gouvernement et de lui seul.

M. Sarkozy a mené, depuis quelques jours, une campagne de communication de dernière minute dont on doit saluer l'habileté. Je veux croire que les informations publiées samedi après-midi résultent d'une fuite ou d'une initiative malencontreuse de l'entourage ou des interlocuteurs habituels de M. Sarkozy, qui est un orfèvre en communication politique...

M. Richard Cazenave. C'est un amateur, à côté de vous !

M. Christian Bataille. ...et n'a pas pu, bien entendu, faire part personnellement de cette intention à la presse à quelques heures des élections européennes.

Je le répète : vous donnez l'apparence de lâcher prise et d'abandonner l'ouverture du capital d'EDF et GDF, mais, en en réalité, vous ne cédez rien. Le faux-semblant règne et, si on vous suit, le statut de société anonyme sera voté et la privatisation suivra.

Vous voulez abandonner le statut d'EPIC au motif que vous ne pourriez plus accorder de garantie illimitée de l'État. Or il est possible de limiter la garantie de l'État pour placer les conditions d'emprunt au niveau de celles des entreprises privées, et de négocier avec la Commission des compensations adéquates.

Autre argument encore : La transformation d'EDF et de GDF en société anonyme serait indispensable pour leur permettre de lever des capitaux sur les marchés financiers. Or le cash-flow d'EDF et de GDF les place parmi les meilleures signatures pour les banques et les établissements financiers, et EDF a financé par ses propres moyens la construction du parc électronucléaire et son développement international.

Encore un de vos arguments - utilisé aussi par la direction d'EDF - : un statut de SA permettrait de nouer des alliances. Le développement international - jamais discuté, d'ailleurs, avec l'État actionnaire -, n'est quand même pas la priorité de l'entreprise, qui a encore pour vocation, que je sache, la fourniture de courant électrique sur tout notre territoire. Pour ce développement, vous disposez aujourd'hui d'un outil créé à cet effet : EDF International SA.

Enfin, dernier en date de vos arguments : il faudrait transformer EDF en société anonyme pour lever le principe de spécialité et en faire un énergéticien généraliste. Mais la loi du 10 février 2000 a élargi le domaine des compétences d'EDF et le Conseil d'État a accepté une interprétation souple du principe de spécialité. Il serait possible d'élargir encore la mission de l'établissement public, comme on l'a fait pour la SNCF.

Vos arguments flottants et variables ne nous permettent pas de vous croire. Malgré des garanties données à court terme, le projet de loi met en place les conditions d'une évolution future vers la concrétisation du fantasme absolu de la droite dans ce pays : la privatisation d'EDF et de GDF. Il s'agit là d'un projet aux motivations purement idéologiques et contraire à l'intérêt général.

M. François Brottes. Dogmatisme !

M. Christian Bataille. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous ai démontré (« Rien du tout ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) que les motifs d'inconstitutionnalité sont nombreux. (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En maintenant ce projet, vous courez des risques certains. Je veux une dernière fois essayer de vous convaincre de retirer ce funeste projet, (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) présenté, de surcroît, dans des conditions de fragilisation extrême de votre majorité que vient de confirmer le scrutin de dimanche dernier. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Pour sa part, le groupe socialiste se battra par tous les moyens parlementaires pour vous dissuader de faire aboutir ce projet.

Mes chers collègues, j'espère avoir emporté votre conviction pour voter l'irrecevabilité de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur Bataille, avant de vous répondre sur quelques points de votre intervention, je veux d'abord me souvenir que vous avez soutenu et soutenez constamment le Gouvernement sur le dossier de l'EPR.

M. Jean Dionis du Séjour. Ne le dites pas trop !

M. Richard Cazenave. Il est tout seul !

M. le ministre délégué à l'industrie. C'est la vérité. Ce que M. Bataille a dit tout à l'heure ne nous convient pas, mais il a tenu par ailleurs des propos courageux.

Je tiens à vous dire, monsieur Bataille, que je vous considère comme un homme de conviction et de courage, et que je prends au sérieux l'intervention que vous venez de prononcer, parce que vous avez fait la preuve de votre indépendance d'esprit en soutenant le Gouvernement contre vos propres amis. Je crois donc devoir répondre à vos arguments, même si vous avez fait un usage quelque peu extensif de l'exception d'irrecevabilité prévue par le quatrième alinéa de l'article 91 de la Constitution.

M. Alain Bocquet. C'est passé dans les mœurs !

M. le ministre délégué à l'industrie. Vous n'êtes certainement pas le premier à le faire, car c'est devenu une pratique habituelle, que je ne conteste pas.

Vous ne croyez guère à l'irrecevabilité, et ce n'est pas là le fond de votre argumentation, malgré la prudence que vous avez manifestée en invoquant les principes généraux de la Constitution comme la référence au monopole de fait qui figure dans le préambule de la Constitution de 1946.

Je vous répondrai sur deux points : l'ouverture à la concurrence et l'incompatibilité du statut, en me fondant notamment sur les déclarations de M. Mario Monti, membre de la Commission européenne.

Pour ce qui est de l'ouverture à la concurrence, qui rend inévitable le changement de statut, je rappelle que la responsabilité est partagée de part et d'autre de cet hémicycle. En 1996, la majorité de droite a accepté la directive européenne relative à la concurrence, que votre majorité a acceptée à son tour. En effet, le 16 février 1999, M. Christian Pierret, mon prédécesseur au ministère de l'industrie dans le gouvernement de M. Jospin, que vous souteniez à l'époque, a fait cette déclaration d'une grande probité intellectuelle : « d'autres avant moi ont engagé ces difficiles négociations, avec l'idée de garantir les intérêts français du mieux qu'ils pouvaient le faire à l'époque. »

M. Christian Bataille. Il ne s'agissait pas de privatiser EDF !

M. le ministre délégué à l'industrie. Pour l'ouverture à la concurrence, c'est vous qui avez fait le premier pas, avec la loi du 10 février 2000.

M. Christian Bataille. Il s'agissait de transposer la directive européenne.

M. le ministre délégué à l'industrie. Il s'agissait en effet de la transposition de la directive. La responsabilité est donc partagée. Comme l'atteste le compte rendu des débats, M. Pierret a déclaré le 16 février 1999 : « Le projet de loi que j'ai l'honneur de vous soumettre contribue à rendre le système électrique plus compétitif par l'introduction maîtrisée de certains éléments concurrentiels. »

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il était question d'une introduction maîtrisée !

M. le ministre délégué à l'industrie. Le point 37 des conclusions du sommet européen de Barcelone, que vous avez évoqué, précise que, dans le domaine de l'énergie, le Conseil européen engage le Conseil et le Parlement européens à adopter dès que possible en 2002 les propositions en instance concernant la phase finale de l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz. Cela comporte notamment le libre choix du fournisseur pour tous les consommateurs européens autres que les ménages à partir de 2004 pour l'électricité et pour le gaz...

Plusieurs députés du groupe socialiste. Autres que les ménages !

M. le ministre délégué à l'industrie. J'en conviens, mais il est précisé que cela représentera au moins 60 % du marché.

Les responsabilités sont donc partagées. Vous êtes à l'initiative de la directive que nous transposons. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Ayrault. Qui était Président de la République ?

M. Richard Cazenave. Qui gouvernait ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Le Président de la République et le Premier ministre étaient d'accord. Nous prenons nos responsabilités : nous avons accepté l'ouverture à la concurrence. Nous le disons, nous le proclamons, nous l'assumons. Vous avez fait la même chose, mais vous en avez honte ! Voilà la différence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Richard Cazenave. Cessez d'être hypocrites !

M. le ministre délégué à l'industrie. Le Président de la République et le Premier ministre ont tous deux été d'accord à Barcelone.

M. François Brottes. Nous ne disons pas le contraire.

M. le ministre délégué à l'industrie. Pour le gaz, en revanche, c'est vous qui acceptez la directive, et nous qui la transposons. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nos responsabilités sont donc étroitement mêlées dans cette ouverture à la concurrence.

Le changement de statut est une conséquence de cette ouverture. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) J'ai écouté M. Bataille avec beaucoup d'attention : laissez-moi une chance de lui répondre !

M. Bataille a cité une déclaration de M. Monti. A la page 17 d'une lettre de vingt pages datée du 16 octobre 2002, le même M. Monti traite très précisément de la question évoquée par M. Bataille : « En ce qui concerne la garantie illimitée dont jouit EDF de par son statut d'EPIC, il est important de souligner que, dans sa proposition de mesures utiles, la Commission ne remet en aucune façon en cause le statut public du capital d'EDF, ni ne conteste le statut d'EPIC en tant que tel. » - cela vous donne raison. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Monti poursuit : « La Commission s'interroge simplement sur l'effet lié à la mise en œuvre d'une des particularités du statut d'EPIC, à savoir la dérogation prévue aux procédures de redressement et de liquidation judiciaires et le rôle de l'État en qualité de garant en dernier ressort des dettes de la société, qui est applicable à une entreprise particulière telle qu'EDF, qui exploite des activités économiques sur les marchés concurrentiels. »

Et plus loin : « Dans le cas présent, la garantie ne résulte pas de la propriété, mais du statut juridique de l'entreprise. Les États membres sont libres de choisir la forme juridique de leurs entreprises, mais doivent, dans leurs choix, respecter les règles de concurrence du traité. »

Il ressort clairement de cette lettre de vingt pages de M. Monti que le statut d'EPIC offre des garanties discriminantes par rapport à la concurrence, et qu'il convient d'y mettre un terme. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Peut-on le faire en conservant le statut d'EPIC ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Alors, ce n'est plus un EPIC ! Il est de l'essence de l'EPIC d'être adossé à l'État.

On ne peut donc pas retirer les qualités substantielles de l'EPIC sans changer sa nature. C'est aussi simple que cela ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Bonne démonstration !

M. le ministre délégué à l'industrie. Monsieur Bataille, je voulais vous répondre sérieusement sur ces points.

M. Jean-Marc Ayrault. Vous progressez !

M. le ministre délégué à l'industrie. À votre contact, monsieur Ayrault ! Je reçois chaque jour tellement de leçons de votre part,...

M. François Brottes. Vous recevez surtout des leçons des électeurs !

M. le ministre délégué à l'industrie. ...avec tellement d'assurance, que ça finit par m'influencer même à mon insu.

Il faut respecter les électeurs. (« Dites-le au Premier ministre ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Quand ils vous donnent un mandat pour cinq ans, il est valide pour cinq ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Et quand les électeurs votent pour élire les députés au Parlement européen, ils ne votent pas sur la politique gouvernementale, même si, lors des campagnes électorales, tous les moyens sont bons. Car l'esprit des institutions, c'est que chaque mandat a sa valeur, et détourner la signification d'un mandat revient à détourner les institutions. Monsieur Ayrault, permettez-moi à mon tour de vous donner cette modeste leçon. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Puisque nous en sommes aux leçons, je tiens tout de même à souligner que le parti socialiste n'est pas le mieux placé pour soutenir les thèses qu'il défend aujourd'hui. Par exemple, qui a dit que « la part résiduelle de l'État dans EDF devra être suffisante pour assurer un ancrage incontestable sans pour autant graver dans le marbre le seuil des 50 % » ?

M. Jean Dionis du Séjour. Strauss-Kahn !

M. le ministre délégué à l'industrie. Est-ce M. Raffarin ?

M. Michel Bouvard. Non !

M. le ministre délégué à l'industrie. Est-ce M. Sarkozy ?

M. Michel Bouvard. Non !

M. le ministre délégué à l'industrie. Est-ce Devedjian ? (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est Dominique Strauss-Kahn. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous pourrez vous y reporter facilement, ce n'est pas vieux, il l'a écrit en 2002 dans son livre La Flamme et la Cendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Qui a dit qu' « une entreprise comme Gaz de France doit voir sa structure ouverte et que c'est également le cas, même si l'État doit rester majoritaire, pour EDF » ? M. Ollier peut-être ? (Sourires.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Certainement pas !

M. le ministre délégué à l'industrie. C'est Laurent Fabius, en janvier 2003. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements ironiques sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Daniel Paul. Les députés communistes et républicains n'ont pas un amour immodéré pour ce qui s'est passé à Barcelone il y a un peu plus de deux ans.

M. Michel Bouvard. Vous êtes cohérents !

M. Richard Cazenave. Ce n'est pas comme Jospin !

M. Daniel Paul. Autrement dit, s'il est clair que l'accord de Barcelone entraîne un certain nombre de conséquences, n'oubliez pas, monsieur le ministre, et vous aussi mes chers collègues de droite, qu'il n'a pas porté chance à ceux qui l'ont promu. La même mésaventure vous arrivera probablement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Votre objectif, monsieur le ministre, est toujours de transformer à tout prix l'EPIC EDF en société anonyme. Je dis bien : à tout prix. Et vous êtes prêt, pour réussir ce mauvais coup, à accepter par ailleurs beaucoup de choses, surtout ce que vous pourrez ultérieurement remettre en cause le plus rapidement possible.

Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi prévoit que l'ouverture du capital d'EDF s'effectuera à hauteur de 50 %. Un amendement de notre rapporteur propose que l'ouverture ne dépasse pas 30 %.

M. Michel Bouvard. Il a été adopté à l'unanimité.

M. Daniel Paul. L'État conserverait en ce cas 70 % du capital.

Cet après-midi et ce soir encore, le Gouvernement nous annonce que l'État garderait pendant quelque temps, peut-être plus d'un an, 100 % du capital. Diable ! Et vous pensez sans doute qu'avec un tel argument vous allez emporter l'adhésion des Français... Comptez sur nous, monsieur le ministre, pour leur expliquer que ce qui compte, c'est la transformation de l'EPIC en société anonyme.

M. Alain Bocquet. Eh oui !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Exactement !

M. Daniel Paul. Nous leur démontrerons que le jour où vous y serez parvenu, plus rien ne s'opposera à l'augmentation de capital par l'ouverture au privé. Vous n'aurez même plus besoin de venir ici pour en expliquer les raisons. La loi de finances pourra très bien le décider par le biais d'un cavalier, d'un article ou d'une ligne budgétaire.

Mais M. Bataille a eu raison de rappeler que la loi de nationalisation d'EDF et de GDF du 8 avril 1946 dispose que « le solde des biens, droits et obligations transférés aux établissements publics prévus par la présente loi constitue le capital de l'établissement. Ce capital appartient à la nation. Il est inaliénable et, en cas de perte d'exploitation, il doit être reconstitué sur les résultats des exercices antérieurs. »

Monsieur le ministre, ce sont les usagers qui ont financé par le paiement des tarifs, et non pas l'État (« Les contribuables ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Chers collègues, j'ai bien dit : les usagers ! Ils ont ainsi financé l'indemnisation des anciens actionnaires, suite à la nationalisation de 1946, sous forme d'obligations indemnitaires d'une durée de cinquante ans. Ce sont aussi les usagers qui ont financé (« La CGT ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) les investissements nécessaires pour remplir les missions de service public : réseaux, stockages, terminaux méthaniers, programme nucléaire, grands barrages hydrauliques, recherche, etc.

M. Jean-Paul Garraud. Les contribuables financent la CGT, oui !

M. Daniel Paul. À EDF, l'apport de l'État, depuis 1946, s'est élevé en prêts rémunérés transformés en dotations en capital à 7,7 milliards d'euros et, au titre de la contrepartie obtenue en 1997 pour compenser la perte de son droit de concession du réseau de transport d'électricité, à 8 milliards d'euros. C'est tout depuis 1946 !

Pour GDF, l'apport de l'État, depuis 1946, n'a été qu'une dotation en capital de l'ordre de 900 millions d'euros.

Si, par comparaison, vous calculez tout ce que les gouvernements successifs ont ponctionné sur EDF et GDF depuis leur création, le résultat est largement plus élevé.

M. Jean-Marc Lefranc. Vous en savez quelque chose !

M. Daniel Paul. En fait, l'État a joué un rôle de prédateur et jamais son rôle d'actionnaire. Si ces entreprises publiques sont aujourd'hui ce qu'elles sont, c'est grâce au produit de ce qu'ont payé les usagers.

Transformer ce statut, c'est tout simplement spolier le peuple français. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Voilà qui justifie non seulement de ne pas le changer, mais aussi de passer par la consultation du peuple, donc par le référendum.

M. Alain Bocquet. Tout à fait !

M. Daniel Paul. Nous voterons l'exception d'irrecevabilité de nos collègues socialistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. Je vous informe que, sur l'exception d'irrecevabilité, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. François-Michel Gonnot, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. François-Michel Gonnot. Mes collègues de l'UMP ont écouté, comme toujours, M. Bataille avec beaucoup d'attention. Il a laissé dans cet hémicycle le souvenir de grands discours, souvent écoutés, très en marge de la position de ses amis politiques, mais toujours reconnus et revêtus d'une certaine autorité.

M. Bataille a essayé, pendant une heure et demie, de nous expliquer que ce projet de loi était irrecevable. Mais ses arguments nous ont semblé, à maints égards, bien insuffisants.

Tout d'abord, il a fait preuve - mais cela n'est pas surprenant - d'un autisme aggravé devant les promesses maintes fois répétées par le ministre d'État tout à l'heure et par le ministre de l'industrie à l'instant. Précédemment, le Président de la république et le Gouvernement avaient rappelé à de multiples reprises les engagements pris dans ce texte. C'est pourquoi, quand nous avons entendu M. Bataille dire qu'il s'agissait de mettre sens dessus dessous ces entreprises, de les désorganiser, nous avons eu l'impression qu'il s'était trompé de combat.

Il y a aussi une question que vient de rappeler M. Paul : l'éternel procès fait à notre majorité, accusée de vouloir, un jour ou l'autre, aller jusqu'à la privatisation.

M. François Brottes. Comme pour France Télécom !

M. François-Michel Gonnot. Monsieur Bataille, je vous ai écouté avec beaucoup de respect et d'attention, mais j'ai fini par me demander si vous n'étiez pas en train d'exprimer un certain doute vis-à-vis de vos propres amis politiques. Vous savez que le Président de la république a dit clairement qu'il était hors de question de privatiser EDF et GDF. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Si on l'écoute !

M. François-Michel Gonnot. Le Gouvernement s'est engagé solennellement sur ce point et il nous propose un texte qui ne privatise nullement ces deux entreprises publiques. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) La majorité de cette assemblée vous le redira et inscrira dans la loi que la privatisation d'EDF et de GDF n'est pas légalement possible.

Certes, il y aura d'autres majorités. Pour votre part, vous en rêvez sans doute. Mais M. Devedjian a eu raison de rappeler certains propos, tels ceux de M. Fabius, qui se prête un destin national et qui fut Premier ministre, et ceux de M. Strauss-Kahn, qui se prête lui aussi un destin national.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Ça fait beaucoup !

M. Jean-Marc Ayrault. De votre côté, vous pourriez citer Sarkozy !

M. François-Michel Gonnot. M. Strauss-Kahn fut aussi l'un de vos amis et l'un des ministres socialistes de l'économie et des finances. Je pourrais également citer les déclarations faites il y a cinq semaines par un autre Premier ministre socialiste, M. Michel Rocard. Il a dit, comme vos autres amis, qu'il n'était pas anormal de changer le statut, ce que nous n'avons jamais fait depuis deux ans. Les uns et les autres ont souvent caressé le rêve de privatiser.

Monsieur Bataille, vous avez cherché, dans une sorte de querelle de paternité, qui était responsable de l'ouverture des marchés. Je ne vais pas revenir longuement sur ce point puisque le ministre vous a parfaitement répondu. Mais il faut vous souvenir que si la majorité socialiste d'alors n'a pas eu le courage de transposer la directive « gaz », c'est par un amendement présenté lors d'une loi de finances, conformément à la méthode qu'évoquait M. Daniel Paul, qu'elle a en douce autorisé GDF à violer la loi de 1946. Souvenez-vous de votre collègue Nicole Bricq qui, dans ses rapports, plaçait en première priorité parmi les privatisations celle qu'elle jugeait nécessaire et urgente : GDF. Souvenez-vous aussi des tractations que vous, les socialistes, avez ouvertes avec le groupe Total, le groupe Electrabel et d'autres groupes étrangers pour qu'ils prennent possession de GDF ! Dans le même temps, vous refusiez dans cet hémicycle et au sein du gouvernement de prendre vos responsabilités ! Alors, que croire de tous vos propos après avoir entendu M. Paul et vous-même dire que nous étions en train de dépouiller la nation d'une partie de son patrimoine ?

M. André Gerin. Absolument ! C'est vrai !

M. François-Michel Gonnot. Monsieur Bataille et vous, monsieur Paul, qui avez solidairement voté tout ce que la majorité socialiste proposait, faut-il vous rappeler ici qui sont les recordmen des privatisations et des ventes d'actifs ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Sous quel gouvernement a-t-on largement vendu les actifs publics pour distribuer aux uns, donner aux autres et payer les 35 heures ? (Exclamations sur les mêmes bancs.) Ne venez pas nous donner des leçons alors que, vous le savez bien, le Président de la république s'y est engagé, le Gouvernement l'a dit, et c'est dans le projet de loi que nous présente aujourd'hui le Gouvernement : il est hors de question de vendre des actifs d'EDF et de GDF mais, à l'inverse, il s'agit d'augmenter leur richesse et leur actif par un élargissement de leur capital.

Franchement, nous vous avons écouté dans un grand silence, avec beaucoup de patience et de respect, mais permettez-moi de le dire, avec un grand sourire aussi, voire beaucoup de tristesse pour certains. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous ne pourrons en aucun cas vous suivre et refuser d'aborder enfin un débat que vous avez voulu mais que vous n'avez jamais eu le courage d'engager et de mener. Pourtant, il s'agit d'un combat, d'une transformation, d'un changement de statut indispensable pour ceux que vous prétendez défendre autant que nous : EDF, GDF et leur avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert, pour le groupe socialiste.

M. Jean Gaubert. Je veux d'abord féliciter Christian Bataille pour la qualité de son intervention. Elle a d'ailleurs été écoutée dans un silence que j'oserai qualifier de religieux (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), même si je ne suis pas sûr que cet adjectif lui convienne parfaitement. (Sourires.)

Il a d'abord resitué les responsabilités des uns et des autres. Et il n'était pas inutile, en effet, de rappeler la genèse de la loi de février 2002. Certains voudraient oublier qu'elle n'était que la transposition a minima de la directive européenne de 1996. Et j'insiste sur ce a minima, parce que nous en sommes fiers.

Christian Bataille a aussi rappelé les différents Conseils ou sommets européens, dont les résultats sont souvent travestis, même si, de plus en plus, on sent, chers collègues de la majorité, que vous admettez les responsabilités que les uns et les autres y ont prises. On finit par se rappeler que le Président de la République en était un des acteurs.

M. Richard Cazenave. Qui gouvernait ?

M. Jean Gaubert. Et puis, il fallait aussi rappeler, et Christian Bataille l'a fait, que vous faites une confusion sans doute volontaire entre l'ouverture du marché et la privatisation des entreprises EDF et GDF.

M. François Brottes. Eh oui !

M. Jean Gaubert. Ce sont deux dossiers différents ! L'ouverture du marché, nous en avions traité il y a quelques semaines dans cet hémicycle. Cette fois-ci, nous traitons de la privatisation des entreprises phares de production et de distribution d'énergie dans notre pays.

Il fallait aussi rappeler - même si vous nous en avez donné acte, monsieur le ministre - que jamais le gouvernement précédent n'avait prévu l'ouverture du marché des particuliers. C'est Mme Fontaine qui s'est fait le chantre de cette idée en novembre 2003, à tel point qu'elle considère que c'est l'un des éléments favorables du bilan de son action à la tête du ministère de l'industrie.

Plus important encore, cette ouverture du capital, aujourd'hui ou demain, conduira l'entreprise à un fonctionnement complètement différent, quel que soit le niveau du capital privé. Car on sait bien que, quand la Bourse entre dans une entreprise, elle en change la perspective, elle en change le management.

M. Alain Bocquet. Bien sûr !

M. Jean Gaubert. Elle change la ligne d'horizon. Alors que celle-ci, dans nos entreprises énergétiques, doit être très loin de nous, le cours de la Bourse deviendra le vrai directeur de l'entreprise. Que deviendront alors les investissements d'avenir dont nous aurons besoin, et qui font que ces entreprises publiques sont enviées dans l'ensemble de ce que l'on appelle, à EDF, la plaque européenne ?

Mais surtout, ce qui est frappant dans ce débat, ce sont les contradictions des ministres, ou leurs évolutions diraient certains. On a d'abord parlé de « privatisation ». Et puis, on s'est rendu compte tout à coup que ce mot faisait un peu peur. On l'a alors retiré, en prétendant même ne jamais l'avoir prononcé. On a évoqué des « évolutions » nécessaires, voire des « révolutions », dans le statut du personnel. Ensuite, on a parlé d'une « ouverture du capital » - à hauteur de 50 %, puis de 70 % -, après quoi elle devait être reportée. Aujourd'hui, on en vient à dire qu'elle n'aura peut-être pas lieu. On a aussi changé le nom des filiales d'EDF et de GDF, qui devraient redevenir EDF Transport et GDF Transport. Mais on nous a dit en commission que, tout compte fait, on n'en était pas complètement sûr, parce que c'était M. Sarkozy qui, dans un couloir, avait lancé cette idée devant trente agents d'EDF. Bref, on nage dans l'irrationnel.

Nous vivons au rythme d'amendements médiatiques, proposés par le ministre avant d'être repris par la presse, et cela se fait y compris le week-end, ce qui prouve sans doute que ce ministre travaille beaucoup.

Monsieur le ministre, êtes-vous sûr de ne pas avoir à changer de pied une fois de plus dans les jours qui viennent ?

M. Maxime Gremetz. Mais oui ! Il va retirer ce projet, c'est sûr !

M. Jean Gaubert. La réponse que vous nous avez donnée tout à l'heure sur l'EPIC montre bien que vous n'êtes pas du tout sûr de vos arguments ni du bien-fondé du projet que vous défendez.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Au vote !

M. Pierre Micaux. Abrégez, monsieur Gaubert !

M. Jean Gaubert. Christian Bataille a largement démontré l'inconstitutionnalité de ce texte, mais vous-même, par vos tergiversations sur l'EPIC, avez montré, s'il en était encore besoin, qu'il y avait de quoi s'interroger sur ce sujet.

N'oublions pas non plus que, comme l'a dit à l'instant notre collègue Daniel Paul, la spoliation du bien des Français (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) mérite un autre débat, et un autre lieu de débat que celui qui a lieu à l'occasion d'une simple loi.

M. Michel Bouvard. Quand vous avez vendu la CNR, vous n'avez pas spolié les Français ?

M. Jean Gaubert. Je voudrais donc encourager mes collègues de la majorité, d'abord à continuer de m'écouter, mais surtout à se remémorer les propos de Christian Bataille. Même s'il n'avait pas forcément très envie de vous rendre service, méditer ses propos pourrait vous rendre service. Il avait envie de vous éviter de faire une erreur stratégique qui a pour effet d'attenter aux intérêts des Français.

Nous voterons bien sûr cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean Dionis du Séjour. Tout d'abord, après avoir écouté M. Bataille, je dirai que l'on peut continuer à jouer au « qui a dit ? ». Par exemple, qui a dit ceci : « D'accord pour une certaine ouverture du capital et des participations ou des achats à l'étranger par le biais des filiales d'EDF, à condition que celle-ci soit maîtrisée » ? Est-ce Jean-Pierre Raffarin ? Non. Nicolas Sarkozy ? Non plus. C'est Lionel Jospin, dans son programme pour l'élection présidentielle de 2002. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Cohen. On aimerait savoir quelles sont vos sources !

M. Jean Dionis du Séjour. Alors, je vous en prie, chers collègues socialistes, ne nous refaites pas le coup des retraites. Tout à l'heure, pendant la discussion générale, nous allons vous faire honte ! Car des citations comme celles-ci, on en a à la pelle.

M. Pierre Cohen. Quelles sont vos sources ?

M. Jean Dionis du Séjour. Qu'on la partage ou pas, on doit reconnaître que la position des communistes est cohérente, mais vous, chers collègues socialistes, vous atteignez des sommets dans l'art du double langage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Notre collègue Bataille nous dit que ce texte porte atteinte aux intérêts vitaux de la nation.

M. André Gerin. C'est vrai !

M. Jean Dionis du Séjour. On pourrait en discuter. La situation d'EDF en matière financière n'est pas florissante. En 2000, sa dette était de 17,6 milliards d'euros.

M. Pierre Ducout. Nous sommes en 2004 !

M. Jean Dionis du Séjour. Dette 2002 : 25,8 milliards d'euros ! Le statut actuel n'est donc en rien une garantie de bonne gestion. Les fonds propres atteignent aujourd'hui 18 milliards d'euros. La soulte que va devoir faire EDF en matière libératoire pour les régimes spéciaux, c'est 9 milliards d'euros. La provision pour retraite, c'est 60 milliards d'euros.

Vous nous refaites le coup du scénario de France Télécom lors de l'acquisition d'Orange. Vous voulez qu'EDF soit contrainte d'emprunter et vous voulez bloquer les échanges par acquisition d'actions. Une telle stratégie est catastrophique. Elle a mis France Télécom en danger de mort. Nous ne vous suivrons pas sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La vérité, c'est que l'intérêt patrimonial de l'État actionnaire passe par une vision d'avenir sur ses participations, par une gouvernance moderne, et non par la ligne Maginot d'une participation à 100 %.

Deuxièmement, notre ami Bataille nous a parlé de la continuité du service public. Et c'est vrai que c'est là un point fort d'EDF.

M. Pierre Cohen. Et alors ? Quelle conclusion en tirez-vous ?

M. Jean Dionis du Séjour. Cela dit, il ne faut pas non plus trop en rajouter. Rappelons-nous la panne de 1979. Quelle que soit la qualité d'EDF, la France était dans le noir. Ayons de la mémoire ! On peut aussi se rappeler l'été 2003, où nous ne sommes pas passés très loin du KO énergétique. En fait, vous faites un amalgame entre service public et possession à 100 % du capital. Cet amalgame, nous le contestons.

On a également évoqué, et je m'arrêterai là, le caractère stratégique du réseau de transport. Alors là, mes amis, relisez l'article 5 ! Il prévoit que le gestionnaire du réseau de transport sera une société « dont le capital est détenu en totalité par Électricité de France, l'État ou d'autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public ». Il faut être sacrément angoissé pour voir là un danger ! Mais s'agit-il d'angoisses existentielles ou de faux procès ? Quoi qu'il en soit, nous, à l'UDF, nous ne mangeons pas de ce pain-là. Nous ne voterons pas cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je vais mettre aux voix l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

...............................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 199

              Nombre de suffrages exprimés 199

              Majorité absolue 100

        Pour l'adoption 60

        Contre 139

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1613, relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières :

Rapport, n° 1659, de M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire ;

Avis, n° 1668, de M. Bernard Carayon, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot