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Première séance du mercredi 23 juin 2004

268e séance de la session ordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

ACCUEIL D'UN NOUVEAU DÉPUTÉ

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à M. William Dumas, élu dimanche dernier député de la cinquième circonscription du Gard. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent.)

    2

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

M. le président. Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à une délégation de la Chambre des représentants de la République de Malte conduite par M. Jason Azzopardi, président de la commission des affaires étrangères et européennes. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent.) Bienvenue à l'Assemblée nationale !

    3

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe des député-e-s communistes et républicains.

CONSTITUTION EUROPÉENNE

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur Gremetz, pour une fois, vous prenez la parole quand je vous la donne ! (Rires.)

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, il est dommage que cela se produise si rarement ! (Rires.)

M. le président. Ne perdez pas de temps ; vous avez la parole.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le Premier ministre, les élections européennes ont permis à l'Europe des peuples d'infliger un carton rouge à l'Europe libérale.

M. Charles Cova. Oh là là !

M. Maxime Gremetz. Malgré ce message populaire et démocratique, le dernier sommet des chefs d'État et de gouvernement vient d'adopter une Constitution européenne marquée au sceau de l'ultralibéralisme économique et de la régression sociale.

M. Yves Nicolin. Où est le parti communiste ?

M. Maxime Gremetz. Au-delà des questions institutionnelles, dont on parle beaucoup, je vous invite à vous plonger dans la troisième partie de ce texte qui concerne tous les aspects de la vie quotidienne de nos concitoyens, des services publics à la santé en passant par l'emploi et l'environnement. Toutes ces questions y sont traitées à travers le prisme des marchés financiers et de la Banque centrale européenne, ce qui va aggraver le chômage et tirer vers le bas les politiques sociales. C'est une Constitution faite sur mesure pour les multinationales et contre l'intérêt et le bien-être des peuples.

Il n'est pas acceptable, pour un pays véritablement démocratique, qu'un choix qui engage à ce point l'avenir de son peuple ne lui soit pas soumis. Les Françaises et les Français doivent être consultés par voie de référendum, conformément à l'engagement pris par le Président de la République et comme le souhaitent la grande majorité des partis politiques, des associations et des syndicats.

M. Charles Cova. La question !

M. Maxime Gremetz. Parce que nous voulons une Europe sociale, démocratique, indépendante et pacifique, nous demandons l'organisation de débats pluralistes et publics sur le contenu et les enjeux sociaux et politiques de la Constitution européenne, pour permettre à tous ceux qui refusent ce carcan et travaillent à une Europe des peuples, une Europe de progrès et de liberté, de dire non à cette Constitution faite pour les puissants.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous me confirmer ce que j'ai lu dans la presse, à savoir que vous êtes favorable, comme plusieurs de vos ministres, à une consultation de notre peuple par voie de référendum ? Par ailleurs, qu'allez-vous faire pour convaincre le Président de la République de tenir sa promesse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Francis Delattre et M. Charles Cova. N'oubliez pas qu'il vous a amnistié.

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, depuis samedi l'Union européenne dispose en effet d'un traité constitutionnel, qui doit être lu attentivement. Ce traité, dont j'ai été l'un des ouvriers, permettra à l'Europe de fonctionner plus démocratiquement et avec plus d'efficacité, sur le plan politique mais aussi sur le plan social, dont vous n'êtes pas le seul, monsieur Gremetz, à vous préoccuper.

Que va-t-il se passer avant la ratification de ce traité ? Après quelques mois de travail juridique, ce texte sera à l'automne signé officiellement par les vingt-cinq gouvernements. Ensuite, nous procéderons à une vérification constitutionnelle, et peut-être devrons-nous adapter notre loi fondamentale. La ratification de ce texte, qui est l'objet de votre question, n'interviendra donc qu'au début de l'année prochaine.

Toutefois, je peux d'ores et déjà vous éclairer sur deux ou trois points.

Oui, je pense que nous devrons organiser des débats nombreux et pluralistes sur le contenu de ce texte, comme vous le souhaitez. Pour ma part, je pense que de tels débats devraient être quotidiens.

Oui, je pense que tous les pays européens auront intérêt à organiser un débat commun avant de ratifier la Constitution.

Oui, en tant que citoyen, je pense que le référendum a une vertu pédagogique et démocratique. Le moment venu - mais il n'est pas encore venu - ce texte constitutionnel sera-t-il ratifié par le peuple, comme vous le souhaitez, ou par les représentants du peuple que vous êtes ? Ce choix, monsieur Gremetz, permettez-moi de vous demander de le comprendre, appartient au Président de la République. Il le fera le moment venu. En ce qui me concerne, je respecte cette prérogative présidentielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

REPRISE ÉCONOMIQUE

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Serge Poignant. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire.

La croissance, monsieur le secrétaire d'État, représente non seulement des emplois pour nos concitoyens et une reprise de la consommation, mais aussi le retour du dynamisme et de nouvelles perspectives pour nos entreprises, grandes et petites.

Hier, une dépêche d'agence de presse a fait état des premières estimations de l'INSEE : la croissance française de 2004 pourrait atteindre, voire dépasser les 2 %, allant au-delà des prévisions de Bercy, qui en septembre dernier, pour établir le budget, s'appuyaient sur une prévision de 1,7 %.

Par ailleurs, selon plusieurs responsables de l'INSEE, les premiers résultats connus du deuxième trimestre sont d'ores et déjà en phase avec les prévisions de mars, qui tablaient sur une hausse de 0,6 % pour les mois d'avril, mai et juin.

Demain, nous débattrons ici même des orientations budgétaires du Gouvernement, avec M. le ministre de l'économie et des finances et vous-même, monsieur le secrétaire d'État. Pouvez-vous dès maintenant nous faire part de votre sentiment sur cette annonce ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le député, vous avez raison de parler de la croissance, car elle est d'actualité. Nous avons en effet obtenu, dès le premier trimestre de cette année, un excellent résultat avec une croissance de 0,8 %. Ce chiffre repose sur deux éléments : la consommation des ménages et l'investissement des entreprises.

M. Pierre Lellouche. C'est que nous avons un excellent ministre du budget !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Comme vous l'avez indiqué, l'INSEE va publier demain sa fameuse note de conjoncture trimestrielle, qui contient ses prévisions jusqu'à la fin de l'année. Nous pouvons d'ores et déjà le dire, ces tendances positives seront confirmées.

Le Gouvernement, dans le projet de loi de finances et sous l'autorité du Premier ministre, a estimé raisonnablement la croissance à 1,7 %. Nous souhaitons naturellement qu'elle soit encore meilleure et dépasse les 2 %, pour atteindre peut-être les 2,3 % évoqués dans la presse.

Si nous atteignons de tels chiffres, c'est grâce à une bonne croissance mondiale, à une solide consommation des ménages et à des entreprises qui, pour la première fois depuis trois ans, croient en l'avenir et accroissent leurs investissements. C'est une chance que nous devons saisir. La reprise de la croissance, mesdames, messieurs les députés, aura l'énorme avantage de faire baisser le chômage.

Mais nous ne devons pas pour autant rester passifs. En mai, par exemple, les chiffres de la consommation ont été légèrement moins bons que ce que nous attendions. Cela justifie une action volontariste de la part du Gouvernement. Ainsi, Nicolas Sarkozy présentera demain un projet de loi pour soutenir la consommation et l'investissement ; quant à l'accord qui vient d'être conclu avec la grande distribution, il vise à rendre aux Français une année d'inflation.

Monsieur Poignant, cette hausse de la croissance que nous attendons, le Gouvernement est décidé à la consolider et surtout à la faire partager par tous les Français...

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire.... ce que n'avait pas fait le gouvernement précédent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Lellouche. Bravo, monsieur le secrétaire d'État !

PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ

M. le président. La parole est à M. Daniel Boisserie, pour le groupe socialiste.

M. Daniel Boisserie. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, vous êtes à l'origine d'une forme nouvelle de marchés publics, le partenariat public-privé, inventé pour faire face à la crise financière sans précédent que connaît l'État.

Ce « PPP » consiste à faire financer par le privé l'investissement public, permettant ainsi de camoufler la dette réelle, héritage bien négatif pour les générations futures.

De nombreux députés du groupe socialiste. Eh oui ! (« Á qui la faute ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Lellouche. Merci la gauche !

M. Daniel Boisserie. A-t-on le droit d'engager l'avenir de nos enfants et de nos petits-enfants dans l'unique intérêt de notre petit confort fiscal du moment ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Lucien Degauchy. C'est vous qui dites cela !

M. Daniel Boisserie. Ce projet soulève l'indignation de tous ceux qui participent à l'acte de bâtir : les architectes, les ingénieurs, les artisans, les PME, et par conséquent tous les salariés du bâtiment et des travaux publics.

M. Yves Nicolin. C'est faux !

M. Daniel Boisserie. Vous voulez, dans le cadre d'un marché unique, pouvoir confier à de très grosses entreprises à la fois la conception, le financement, la construction et même l'exploitation des investissements publics. Au-delà de la qualité architecturale, sacrifiée sur l'autel du profit, c'est la sécurité des personnes qui est gravement mise en cause. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Nicolin. Caricature !

M. Daniel Boisserie. Le drame de Roissy est là pour nous le rappeler. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. Yves Fromion. N'importe quoi !

M. Yves Nicolin. C'est honteux de dire cela !

M. Daniel Boisserie. ...au moment où l'on examine le rapport de la Cour des comptes, qui en 2003 s'inquiétait du fait que le groupe Aéroports de Paris était à la fois propriétaire, concepteur et bâtisseur des aérogares.

En outre, monsieur le ministre, et je comprends que cela vous ennuie, ce projet fait resurgir le spectre des marchés truqués et de la corruption qui a longtemps gangrené la vie politique française. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le ministre, au nom du groupe socialiste, je vous demande de retirer ce dangereux projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le député, il est absolument indigne d'utiliser le drame de Roissy pour de vaines polémiques politiciennes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Les causes de ce drame n'étant pas encore connues, je vous conseille d'être prudent. Mais s'il y a une chose que l'on sait, c'est que l'aéroport de Roissy a été construit sous le règne de la loi relative à la maîtrise d'ouvrage public, dont vous vantez les qualités, et non sous celui du contrat de partenariat que vous critiquez. Votre allusion est donc absurde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Par ailleurs, si vous voulez parler des marchés truqués, je vous écoute bien volontiers, parce qu'au parti socialiste, vous êtes orfèvres en la matière, la justice peut en témoigner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Huées et protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Albert Facon. Bravo !

M. le président. Monsieur Facon !

M. le ministre délégué à l'industrie. Je ne dis pas que la droite a des leçons à vous donner dans ce domaine...

M. Arnaud Montebourg. Il ne manquerait plus que cela !

M. le ministre délégué à l'industrie.... mais elle ne veut pas en recevoir de vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Arnaud Montebourg. Chirac ! Chirac !

M. Thierry Mariani. Taisez-vous !

M. le président. Monsieur Mariani !

M. le ministre délégué à l'industrie. J'en reviens au contrat de partenariat, qui n'est qu'une technique moderne d'administration de nos collectivités prenant en considération la spécialisation et la professionnalisation.

M. François Hollande. Et Pasqua ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Au XIXe siècle, vous auriez été contre la concession, l'affermage et la délégation de service public !

En critiquant ce qui n'est qu'un nouvel outil juridique de modernisation et de gestion, vous ne faites preuve, en dépit de votre esprit polémique, que de conservatisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

HOOLIGANISME

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, et je pense qu'elle va particulièrement vous intéresser, puisqu'elle manifeste le suivi de nos travaux parlementaires, auquel vous êtes si attaché.

À l'heure où le football a pris ses quartiers dans la péninsule ibérique, la police portugaise a arrêté, condamné et expulsé de nombreux hooligans britanniques. Ces actions, qui ont été saluées par l'ensemble des polices européennes, ne doivent pas nous faire oublier que le hooliganisme sévit dans tous les stades d'Europe, y compris en France.

Le contrat local de sécurité du Parc des Princes est sur le point d'être signé dans les jours qui viennent entre la préfecture de police, le conseil général des Hauts-de-Seine, les villes de Paris et Boulogne et le club du Paris Saint Germain. Or depuis le vote, le 18 mars 2003, de la loi sur la sécurité intérieure, présentée par Nicolas Sarkozy, aucun des décrets d'application des mesures destinées à lutter contre le hooliganisme, pourtant votées à l'unanimité, n'a encore été publié. La ligue de football s'impatiente à juste titre ; comme elle, je m'interroge sur la cause de ce retard, qui nous empêche d'agir efficacement. Il est essentiel en effet que ce dispositif soit mis en place avant la reprise, dès le mois d'août, du championnat de France de football, pour rendre enfin à cette compétition son caractère de fête sportive et familiale.

Ma question est simple, monsieur le ministre : quand pourrons-nous compter sur la parution de ces décrets ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le député, les actes de hooliganisme ont décru en 2003 de près de 10 %, passant de 330 à 300. Je condamne avec vous ces actes de violence totalement irresponsables, qui mettent en péril l'organisation même d'événements sportifs dans notre pays.

Comme vous l'avez souligné, la ligue de football et les clubs, tel le PSG, se sont résolument engagés dans la lutte contre le hooliganisme. Avec Nicolas Sarkozy hier, aujourd'hui avec Dominique de Villepin, nous avons travaillé à établir le premier contrat local de sécurité intéressant un équipement sportif - il s'agit du Parc des Princes -, que nous signerons le 30 juin prochain. Comme vous l'avez dit, il lie les différentes collectivités territoriales et les services de l'État concernés par le Parc des Princes. Nous passerons également avec la ligue professionnelle une convention plus large, qui aura pour objectif, entre autres, d'établir en matière de police une stratégie adaptée aux spécificités des clubs et des équipements sportifs intéressés par le hooliganisme.

Enfin, la ligue professionnelle consent d'importants efforts financiers en matière de formation des stadiers ou de vidéosurveillance, notamment : tous ces efforts, de même que ceux qui concernent l'agrément des clubs de supporteurs, méritent d'être soutenus.

Le décret que vous évoquez est en cours de finalisation, après plusieurs réunions interministérielles. Nous avons beaucoup insisté pour que le procureur de la République près la juridiction qui interdit à des hooligans l'accès aux stades puisse transmettre au préfet du département une liste des noms des interdits, à charge pour le préfet de la communiquer aux clubs professionnels et aux fédérations concernés. Il serait d'ailleurs opportun de l'accompagner d'une interdiction d'accéder à l'environnement proche des clubs et de l'obligation faite aux éléments les plus violents de pointer au commissariat pendant la durée de la compétition.

Je peux vous assurer, monsieur le député, que nous travaillons à éradiquer ce phénomène du hooliganisme, d'autant qu'il ne frappe pas que le sport professionnel, mais aussi le sport pour tous. Ainsi, je serai lundi prochain à Strasbourg avec M. Simonnet, président de la fédération française de football, pour faire des propositions tendant à éradiquer totalement les manifestations de racisme et de xénophobie en milieu sportif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

INFORMATIQUE À L'UNIVERSITÉ

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Le Ridant.

M. Jean-Pierre Le Ridant. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche,...

M. Patrick Lemasle. C'est qui ?

M. Augustin Bonrepaux. C'est Ferry. 

M. Jean-Pierre Le Ridant. ...dans le souci de répondre aux diverses difficultés que connaît notre système éducatif, le Gouvernement a pris depuis 2002 toute une série de mesures concrètes.

M. François Hollande. Ah bon ! Lesquelles ?

M. Jean-Pierre Le Ridant. Pour satisfaire aux impératifs et aux exigences de l'école de demain, le Gouvernement avait suscité un grand débat national...

M. Augustin Bonrepaux. Tu parles !

M. Jean-Pierre Le Ridant. ...dont les résultats serviront à préparer votre projet de loi d'orientation.

M. Patrick Lemasle. Vous n'avez fait que ça !

M. Jean-Pierre Le Ridant. Pour adapter l'enseignement supérieur français à l'Europe et au monde, le Gouvernement a d'ores et déjà engagé la réforme progressive des diplômes dans le cadre du système LMD - licence, mastère, doctorat - et a mis en place des groupes de travail, auxquels participent notamment les organisations syndicales étudiantes, afin d'étudier les moyens d'améliorer l'accompagnement des étudiants.

C'est dans ce contexte que vous avez annoncé, à la fin de la semaine dernière, que les étudiants français pourront, dès septembre prochain, acquérir à crédit un ordinateur portable, pour un euro par jour.

Un député du groupe des député-e-s communistes et républicains. Gadget !

M. Jean-Pierre Le Ridant. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous en dire plus sur cette initiative, dont nous espérons tous qu'elle sera couronnée de succès, tant elle est susceptible d'améliorer les conditions de travail des étudiants, et parce qu'elle constitue une véritable réponse à la « fracture numérique » à laquelle nombre d'entre eux sont confrontés du fait de leurs faibles ressources ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ferry !

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Notre pays a longtemps hésité à accepter la révolution des nouvelles technologies de l'information.

M. Augustin Bonrepaux. Il ne vous a pas attendu !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je me souviens qu'il y a dix ans le président d'une grande société de télécommunications m'avait conseillé de ne pas perdre mon temps avec l'Internet, phénomène de mode dont la vogue, à l'en croire, n'excéderait pas six mois !

Aujourd'hui, non contents d'avoir rattrapé notre retard, nous sommes même, depuis quinze mois, le pays d'Europe qui connaît la progression la plus forte, tant en ce qui concerne l'équipement des ménages qu'en matière de couverture haut débit. C'est le résultat de la concurrence d'abord - je tiens à le dire à ceux qui aujourd'hui s'inquiètent de voir la concurrence gagner d'autres champs du service public. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. André Chassaigne. Allez dire ça aux territoires ruraux !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mais c'est aussi le résultat du plan lancé par le Premier ministre, qui se traduit notamment par la possibilité, ouverte à partir de la rentrée à tout étudiant, de bénéficier d'un ordinateur, d'un large éventail de logiciels et d'un accès gratuit à l'Internet depuis son université, pour un euro par jour, soit le prix d'un café ou de sept cigarettes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Augustin Bonrepaux. Vous ne connaissez pas le prix d'un paquet de cigarettes !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cette offre sera progressivement étendue à toutes les universités, qui bénéficieront à partir de la rentrée 2005 d'un site d'accès à l'internet ou au wifi sur tout le territoire national.

Au-delà de cet effort, nous préparons la mise en place de dix grandes universités numériques thématiques, qui nous permettront d'être présents sur un nouveau marché, celui du savoir, que les grandes universités anglo-saxonnes ont déjà depuis plusieurs mois commencé à occuper.

S'il reste, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, beaucoup de domaines dans lesquels la France hésite à entrer dans le xxie siècle, nous n'avons pas manqué en revanche le tournant des nouvelles technologies. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

SOLIDARITÉ INTERGÉNÉRATIONNELLE

M. le président. La parole est à M. Alain Suguenot.

M. Alain Suguenot. Monsieur le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, cette année, une fois encore, un certain nombre de nos jeunes ne partiront pas en vacances d'été. Au-delà de l'injustice sociale qu'elle constitue, cette situation est souvent à l'origine de troubles et d'incidents dans nos banlieues, et même dans nos villes moyennes. Or, comme vous le savez, les personnes âgées sont souvent confrontées l'été à l'isolement, comme nous l'ont rappelé la canicule de l'été dernier et ses conséquences dramatiques.

Vous avez lancé récemment l'idée que les jeunes devraient pouvoir s'occuper des personnes âgées, et il est vrai qu'ils apprendraient beaucoup auprès d'elles. Pouvez-vous nous indiquer quelles mesures concrètes pourraient être prises dès cet été pour conforter le lien social et intergénérationnel, afin que les plus jeunes aussi bien que nos aînés puissent, pendant cette période de vacances, bénéficier d'expérimentations nouvelles ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Lamour, toujours Lamour !

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Vous avez raison, monsieur le député, d'insister sur le rôle que peut jouer notre jeunesse en matière de solidarité et d'engagement. Le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative, dont j'ai la charge, permet précisément de telles synergies. Dès mon arrivée à la tête du ministère, j'ai mis ce dynamisme au service d'un dispositif de solidarité. Au moment où, comme vous l'avez rappelé, près d'un tiers de nos jeunes ne peut pas partir en vacances, ce projet prévoit que les établissements du ministère, notamment les CREPS, les écoles et les deux instituts, l'INJEP et l'INSEP, accueilleront près de 6 000 jeunes, âgés de onze à dix-sept ans, qui y bénéficieront, pendant deux à cinq jours, d'animations culturelles, scientifiques et sportives. Ils y trouveront un hébergement et des loisirs de qualité, qui leur font souvent défaut pendant cette période estivale.

Nous voulons d'autre part - c'est le deuxième volet de ce dispositif de solidarité - reconnaître l'engagement des jeunes : je pense par exemple à ceux qui font en sorte d'assurer le transport des personnes âgées durant l'été, ou ceux qui, en Corse, organisent des concerts pour des enfants hospitalisés, ou à ceux encore qui, en Mayenne, ont créé un jardin intergénérationnel. Nous allons valoriser cet engagement au travers d'une promotion locale, ou en leur permettant de venir présenter leurs initiatives dans les CREPS et les établissements relevant du ministère. Il faut en effet reconnaître les efforts des jeunes qui s'engagent, qui prennent des initiatives, afin qu'ils servent d'exemple aux autres jeunes.

Ce projet bénéficie de tout le soutien de M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme, puisqu'il sera en partie financé par l'agence nationale pour les chèques vacances. Je peux vous assurer que nous ferons en sorte, non seulement d'assurer la pérennité de ce dispositif, que nous lançons cette année, mais de le renforcer d'année en année. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

DÉFICITS PUBLICS

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. On va enfin entendre des vérités, ici !

M. le président. Monsieur Le Guen !

M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, vous vous êtes engagé, au nom du Gouvernement, à ramener les comptes publics sous la barre des 3 % de déficit en 2005. le rapport d'orientation budgétaire montre que vos prévisions supposent notamment le retour à l'équilibre des comptes de l'assurance maladie. Il est vrai que le projet relatif à l'assurance maladie comporte un volet financier, qui vise au retour à l'équilibre en 2007 en partant d'un déficit de quatorze milliards d'euros cette année.

Mais ce volet est constitué pour les deux tiers d'économies totalement aléatoires : je pense en particulier à celles qui découleraient de la mise en place d'un dossier médical partagé, qui coûtera dans un premier temps plusieurs centaines de millions d'euros. De plus, tous les spécialistes s'accordent à dire qu'il ne saurait être généralisé dès 2007.

M. Jean-Marie Le Guen. Bien sûr !

M. Gérard Bapt. Comment pouvez-vous dans de telles conditions assumer, en tant que ministre de l'économie et des finances, les engagements européens du gouvernement auquel vous appartenez ?

Vous avez également déclaré que vous vouliez gérer les finances « en bon père de famille ». À l'occasion du futur débat d'orientation budgétaire, vous rappelez en effet la nécessité d'une meilleure maîtrise de la dette. Comment donc, monsieur le ministre de l'économie et des finances, pouvez-vous accepter, « en bon père de famille », de voir reporter, au travers du mécanisme de la CADES, sur nos enfants et nos petits-enfants le poids de la dette actuelle de l'assurance maladie, encore aggravée de celle à venir, pour un montant d'au moins cinquante milliards d'euros. ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. Sacré père de famille !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et vous, qu'avez-vous fait ?

M. Gérard Bapt. Mes interrogations sont précises, monsieur le ministre. Alors, je vous en prie, ne nous faites pas pour la énième fois le coup de l'héritage ! (« Si ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La dette qui doit être reportée sur nos enfants représente en effet cinq fois le coût, selon vous, de la mise en place des 35 heures - sauf que vous oubliez les effets bénéfiques de cette réforme. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Lesquels ?

M. Pierre Lellouche. Il n'y en a pas !

M. Gérard Bapt. En clair, monsieur le ministre, je vous demande de me répondre sérieusement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. On se calme, monsieur Fromion !

La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, je ne sais pas si ma réponse vous conviendra, mais je vous garantis qu'elle va être sérieuse.

M. François Hollande. Si vous êtes capable de vous contenir !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Parlons de l'objectif de 3 % de déficit.

M. François Hollande. Vous ne l'atteindrez pas !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce n'est pas l'Europe qui nous l'impose, c'est le bon sens : la France ne peut pas continuer à dépenser plus qu'elle ne gagne !

M. François Hollande. C'est pourtant ce qu'elle fait !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Deuxièmement, monsieur Bapt, il y a deux bonnes nouvelles, qui sont liées : comme vient de l'indiquer Dominique Bussereau, la croissance est meilleure, et, comme chacun sait, quand la croissance s'améliore, les rentrées fiscales s'améliorent aussi. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. Et le déficit aussi, apparemment !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est un élément qui ne me paraît pas prêter à polémique, et vous devriez même vous en réjouir. Puisque vous stigmatisez le Gouvernement quand les rentrées fiscales ne sont pas bonnes, je suis sûr que, aujourd'hui qu'elles sont bonnes, vous saurez l'en féliciter, avec toute l'honnêteté intellectuelle que l'on vous connaît.

Il y a un troisième élément à prendre en compte, et je m'étonne que vous n'en ayez pas parlé. La réforme des retraites, que François Fillon et Jean-Pierre Raffarin ont eu le courage d'engager,...

M. Augustin Bonrepaux. Financée comment ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...pèse sur le déficit pour moins de 0,5 point de PIB.

M. Julien Dray. Normal ! Ce sont les salariés qui paient !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je n'aurai pas, monsieur Dray, la cruauté de vous faire remarquer que cette réforme qu'a su mener à bien Jean-Pierre Raffarin, vous, vous l'avez rêvée, nous, nous l'avons faite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Louis Bianco. Tartarinade !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Quatrième remarque : j'avoue avoir du mal à vous suivre. Il y a quelques semaines, nous avons, avec Dominique Bussereau, présenté des régulations budgétaires : vous n'avez eu de cesse, mardi après mardi, mercredi après mercredi, de dénoncer cette politique de rigueur. Alors, mettez-vous d'accord avec vos contradictions.

M. François Hollande. Vous qui parlez de nos contradictions, parlez-nous plutôt des promesses de baisses d'impôts !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Si vous nous reprochez le déficit, c'est qu'on dépense trop ; mais si vous stigmatisez la rigueur budgétaire, c'est qu'on ne dépense pas assez ; en tous les cas, ce qui est avéré, c'est l'incohérence du parti socialiste ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Hollande. Et les baisses d'impôts ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Et je ne parle pas là du bilan : je parle du présent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je terminerai par la réforme de l'assurance maladie. libre à vous de ne pas y croire, libre à vous de faire fi de dix milliards d'économies...

M. Augustin Bonrepaux. Où donc ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et de cinq milliards de recettes en plus.

M. Jean-Marie Le Guen. Lesquelles ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il y a du moins une chose que je sais : c'est qu'avec toutes ses insuffisances - car il y en a sans doute - cette réforme vaut infiniment mieux que ce que vous avez fait en matière d'assurance maladie. Patrick Devedjian l'a très bien dit tout à l'heure, avec d'autres mots : pas vous, pas ça ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Votre bilan ne vous autorise en rien à nous reprocher les réformes que nous mettons en œuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

ALLOCATION ADULTE HANDICAPÉ

M. le président. La parole est à M. Ghislain Bray.

M. Ghislain Bray. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées.

Madame la secrétaire d'État, l'Assemblée nationale a adopté la semaine dernière le projet de loi, que vous avez défendu en première lecture, pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Ce texte présente, aux dires des associations, des avancées réelles ou, selon le vocabulaire utilisé, « vraies ». Parmi elles, on peut saluer la création d'un véritable droit à compensation, dont le montant ne tiendra plus compte des revenus d'activité des personnes handicapées, et qui bénéficiera d'ici trois à cinq ans à tous les handicapés quel que soit leur âge.

Saluons aussi la réaffirmation forte des principes d'accessibilité et d'intégration en milieu ordinaire de vie, que ce soit à l'école, au travail ou dans la cité.

Ce texte est à la hauteur de l'ambition du Président de la République.

Cependant, les associations regrettent que le projet n'aborde pas la question des ressources en ne proposant aucune amélioration du minimum de ressources que constitue l'allocation adulte handicapé.

Ma question est donc la suivante : quelles mesures le Gouvernement a-t-il à proposer aux milliers de personnes handicapées qui n'ont d'autre perspective que les 587,74 euros mensuels pour vivre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux personnes handicapées. Monsieur le député, vous abordez les attentes des associations concernant le niveau de ressources des personnes handicapées, et singulièrement la question de l'AAH.

La société, reconnaissant la situation particulière des personnes handicapées, leur garantit en effet un minimum social : l'AAH. Comme vous le savez, monsieur le député, son montant ne relève pas de la loi. Néanmoins, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, soucieux de maintenir le pouvoir d'achat des personnes handicapées, a ancré dans la loi le principe de sa revalorisation indexée sur l'évolution du coût de la vie. Le montant de l'AAH a ainsi été revalorisé de 1,5 % en 2003 et de 1,7 % en 2004.

Au-delà, ce projet de loi permettra d'améliorer les ressources des personnes handicapées et, partant, leur situation. Tout d'abord, en améliorant les conditions de cumul entre le revenu d'activité et l'AAH afin d'encourager, chaque fois que possible, le retour à l'emploi des personnes handicapées. Ensuite, en faisant en sorte que la prestation de compensation prenne en charge les dépenses liées au handicap, laissant à l'AAH sa vocation première, celle des dépenses relevant de la vie quotidienne.

Bien sûr, je mesure la situation difficile de nombre de personnes handicapées qui se trouvent par exemple en établissement médico-social, en établissement pénitentiaire ou hospitalisées, et dont le reste à vivre est très insuffisant. Je mesure également la difficile situation des personnes handicapées qui ne sont pas en mesure d'exercer une activité professionnelle compte tenu de la lourdeur de leur handicap ou de la nature même de ce handicap.

C'est la raison pour laquelle j'ai lancé une réflexion dont les conclusions nous parviendront à la fin du mois d'octobre 2004, permettant d'envisager un complément à l'AAH.

Pour conclure, je tiens à souligner les avancées du texte que votre assemblée a voté il y a maintenant deux semaines, mais aussi à m'étonner que, pour des raisons d'affichage politique, on puisse choisir de s'opposer par son vote à l'établissement d'une prestation de compensation, à l'accès à la cité, à l'éducation et aux soins, c'est-à-dire aux droits fondamentaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

RETRAITE AGRICOLE ANTICIPÉE

M. le président. La parole est à Jacques Le Nay.

M. Jacques Le Nay. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

Monsieur le ministre, la loi du 21 août 2003 autorise le rachat d'annuités à compter du 1er janvier 2004 afin de partir en retraite avant l'âge de soixante ans, à condition d'avoir cotisé pendant quarante-deux années.

Pour l'agriculture, cette loi prévoit le rachat des années d'aide familiale en contrepartie d'un allongement de cotisation. Cette mesure était très attendue par certains de nos concitoyens ressortissant du régime agricole, ayant commencé à travailler très jeunes, dès l'âge de quatorze ans, et souvent dans des conditions pénibles.

Or l'application de cette disposition permettant d'accéder à un départ en retraite anticipée est subordonnée à la parution d'un décret fixant le montant des annuités rachetées.

Ma question est donc simple, monsieur le ministre : pouvez-vous nous apporter des assurances sur la parution rapide de ce décret en nous donnant un calendrier précis ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Monsieur le député, vous avez rappelé à juste titre l'importance de cette mesure ouverte par la loi de réforme des retraites conduite par le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, François Fillon et votre majorité, mesure attendue depuis des années par les Françaises et les Français. Nous avons mené à bien cette réforme et, effectivement, cette loi prévoit la possibilité de racheter les années effectuées en tant qu'aide familiale dans les exploitations agricoles pour constituer sa retraite.

Cette mesure s'inscrit dans le cadre de l'allongement de la durée de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein et de la possibilité ouverte à ceux ayant eu une carrière longue de partir avant l'âge de soixante ans.

Le Gouvernement, avec les organisations concernées, a travaillé durant plusieurs mois afin d'établir un prix de rachat. Il s'agissait de trouver un équilibre entre un prix qui ne soit pas trop élevé - pour ne pas être dissuasif et empêcher les personnes concernées de procéder à ce rachat - et un prix qui ne soit pas trop bas, afin de ne pas compromettre le financement des régimes de retraite concernés.

Monsieur le député, je puis vous apporter aujourd'hui une réponse précise : nous proposerons un prix dégressif qui tienne compte de la durée effective de travail. Cette semaine, le Premier ministre a rendu les arbitrages nécessaires, et les deux décrets d'application, celui concernant le rachat des annuités et celui concernant l'allongement progressif de cotisation, seront publiés avant la mi-juillet. Le Premier ministre, l'ensemble du Gouvernement sont très attentifs à cette question importante, et j'y veillerai moi-même tout particulièrement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

CONDITIONS DE VIE DANS LES PRISONS

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau. Après la réponse de M. le ministre de l'économie et des finances à mon collègue Gérard Bapt, je tiens - avec courtoisie - à rappeler au Gouvernement que ce qui autorise l'opposition à l'interroger s'appelle tout simplement la démocratie parlementaire. Il faut s'y faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Cela n'avait échappé à personne, monsieur Dufau ! (« Si ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Dufau. Monsieur le président, nous savons que vous en êtes le garant ! Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le garde des sceaux, la situation actuelle dans nos prisons est proprement indigne de la France, patrie des droits de l'homme. Tous les parlementaires qui visitent actuellement les établissements pénitentiaires vous le diront.

Inutile d'invoquer l'héritage socialiste ! Votre gouvernement et lui seul est responsable de l'aggravation dramatique de la situation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il détient ce triste record de plus de 64 000 détenus. Certaines maisons d'arrêt pour petites et moyennes peines sont occupées à 300 %. Votre politique du tout répressif a conduit en 2004 à une augmentation sans précédent du nombre des entrées : 97 000, soit une hausse de 30 %.

À l'évidence, une réponse immobilière à cette crise n'est pas la bonne. Il ne suffit pas de construire des murs, car il faut avoir à l'esprit que 99 % des personnes qui entrent en prison en ressortiront un jour ; mais dans quel état ?

Les élus socialistes demandent donc des comptes au Gouvernement. En 2000, le rapport de la commission d'enquête de notre assemblée avait sonné l'alerte. Faudra-t-il créer une nouvelle commission parlementaire pour faire le bilan de votre incurie ? Nous y sommes prêts.

Il faut réagir, monsieur le garde des sceaux, car la situation est explosive. Certes, vous réfléchissez à un plan carcéral, mais pourquoi ne pas vous inspirer de la loi pénitentiaire élaborée précisément à la suite des travaux de notre commission d'enquête ? Vous avez là une réforme disponible clés en main. Et pourquoi ne pas appliquer plus largement les dispositions de la loi Kouchner du 27 mars 2002 avant que des centaines de détenus ne se suicident ou n'agonisent dans des conditions inhumaines ? Je n'exagère pas !

Considérez aussi que de nombreux malades mentaux ou toxicomanes n'ont pas forcément leur place en prison.

Monsieur le garde des sceaux, un pays se juge aussi à la façon dont il traite ceux que la justice condamne. Quelles mesures de fond allez-vous prendre d'urgence et, plus largement, quelle politique respectueuse de la dignité humaine comptez-vous mettre en œuvre dans le cadre de l'application des décisions de justice ?

M. Charles Cova et M. Lucien Degauchy. On va construire des prisons quatre étoiles !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État aux droits des victimes.

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'État aux droits des victimes. Monsieur Dufau, la surpopulation carcérale est une vraie préoccupation. C'est en tout cas celle du Gouvernement, comme l'a rappelé ce matin Dominique Perben en conseil des ministres.

La récente initiative d'un certain nombre de parlementaires de visiter des prisons est une bonne chose. Elle leur permet en effet de juger des conditions de vie, particulièrement difficiles, des détenus et de mesurer aussi la difficulté de la mission des personnels de l'administration pénitentiaire, dont je tiens à saluer le mérite.

Je ne comprendrai jamais qu'un sujet aussi difficile, qui met en cause la dignité de la France, suscite la polémique. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Il faut savoir faire le point, et j'aimerais à cet égard revenir sur la situation que nous avons trouvée en arrivant. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je vous la rappelle : une France pénitentiaire malade et très en retard, avec des établissements pénitentiaires construits à 80 % avant 1912. Depuis les plans Méhaignerie et Chalandon, aucun projet de construction n'avait été élaboré par vos soins ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous avons trouvé également des conditions de vie très difficiles ainsi qu'un manque de sécurité (Protestations sur les mêmes bancs),...

Mme Élisabeth Guigou. Vous mentez !

Mme la secrétaire d'État aux droits des victimes. ...une insuffisante prise en charge des personnels fragiles et un très grand nombre de suicides en prison. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Vous avez parlé de la démocratie parlementaire tout à l'heure ! Laissez parler Mme la secrétaire d'Etat !

Mme la secrétaire d'État aux droits des victimes. Qu'avons-nous entrepris ?

Nous avons lancé un très ambitieux plan de constructions nouvelles. Il faut en effet le rappeler : ce qui est en cause, ce n'est certainement pas le nombre de détenus, mais le nombre insuffisant de places en prison en France. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Vanneste. Très bien !

Mme la secrétaire d'État aux droits des victimes. Nous avons aussi prévu un programme ambitieux de recrutements, avec la création de 3 740 emplois et le recrutement de 2 000 personnels de surveillance par an pour combler les postes vacants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

CONTRATS DE PROFESSIONNALISATION

M. le président. La parole est à M. Daniel Prévost.

M. Daniel Prévost. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes.

Le contrat de qualification a eu vingt ans cette année. Unanimement reconnu comme l'un des meilleurs dispositifs d'insertion professionnelle des jeunes, il permet chaque année à nombre d'entre eux d'acquérir un diplôme. À l'issue de leur stage, près de 70 % des 130 000 stagiaires sont embauchés en contrat à durée indéterminée par les entreprises d'accueil.

Le 1er octobre prochain, le contrat de professionnalisation va se substituer aux actuels contrats de qualification, d'orientation et d'adaptation. Ce dispositif d'alternance modulable devra aider les jeunes à acquérir une qualification reconnue par une convention de branche. Il visera aussi à faciliter la reconversion des demandeurs d'emploi qui souhaitent compléter leur formation initiale.

Cependant, à quelques mois de la mise en place de ce contrat, nous souhaiterions, monsieur le secrétaire d'État, que vous éclaircissiez certains points. Par exemple, le projet de loi précise que le contrat devra être conclu pour une durée minimale comprise entre six et douze mois. Or, actuellement, 80 % des formations demandées par les jeunes et par les entreprises ont une durée minimale de vingt-quatre mois, en raison des programmes d'acquisition des connaissances.

Par ailleurs, la durée minimale de formation serait ramenée à 15 % de la durée de contrat, au lieu des 25 % garantis jusqu'alors par le contrat de qualification.

En ce qui concerne le financement du contrat de professionnalisation, certains organismes paritaires s'inquiètent de la réduction des crédits. Déjà, le nombre de places disponibles paraît largement insuffisant et ne peut absorber toutes les demandes des jeunes et des entreprises. Face aux nouvelles modalités de ce contrat, les branches doivent s'organiser et passer des accords interprofessionnels. Mais elles n'auront pas le temps de finaliser leurs négociations d'ici au 1er octobre 2004. Les jeunes qui, tous, ont besoin d'avoir un niveau de qualification optimal, pourront-ils disposer, à la rentrée, de toutes les informations nécessaires ? Le contrat de professionnalisation saura-t-il répondre aux nombreuses demandes et intégrer autant de jeunes que possible dans la vie professionnelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes.

M. Laurent Hénart, secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Prévost, comme vous, je voudrais souligner les excellents résultats du contrat de qualification. Quatre jeunes sur cinq trouvent un emploi après l'obtention du diplôme. C'est d'ailleurs le même taux de réussite que dans l'apprentissage, ce qui prouve que la formation en alternance est un vrai passeport pour l'emploi.

Vous avez posé deux questions. La première concerne la personnalisation possible du contrat de professionnalisation. Je rappelle que ce contrat permet deux grands progrès. En premier lieu, il va dans le sens de cette « formation professionnelle tout au long de la vie », qu'instaure la loi du 4 mai dernier défendue par François Fillon. En second lieu, ce nouveau contrat tiendra mieux compte des débouchés professionnels réels, puisqu'il sera défini branche par branche, en fonction des débouchés constatés et prévus.

En ce qui concerne les jeunes sans qualification, les douze mois sont une durée minimale et la loi pose le principe d'une extension à vingt-quatre mois pour ces publics. Le Gouvernement veillera bien sûr à ce que l'application par branche garantisse cette possibilité.

En ce qui concerne le temps de formation, le taux de 15 % est également un plancher légal : il peut en fait représenter jusqu'à 25 %. Là encore, le Gouvernement sera vigilant.

Enfin, je vous rappelle que les partenaires sociaux ont prévu que des fonds de l'alternance puissent financer l'apprentissage. Avec des contrats pouvant aller jusqu'à trois ans, il sera ainsi possible de préparer des diplômes tels que le bac, la licence professionnelle, voire un diplôme d'ingénieur, autant de mesures qui doivent garantir la pleine qualification des jeunes.

Pour répondre à votre seconde question, je dirai que le contrat de professionnalisation sera mis en œuvre le 1er octobre et que, dès septembre, le Gouvernement organisera, avec les partenaires sociaux, une campagne d'information. Néanmoins, pour que, dans tous les départements et dans toutes les branches professionnelles, les jeunes bénéficient de la plus grande offre de formation en alternance, j'ai obtenu des partenaires sociaux qu'ils prolongent les contrats de qualification exonérés de charges jusqu'au 15 novembre.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes. Ainsi, pendant six semaines, la rentrée 2004 de l'alternance se fera avec le nouveau contrat de professionnalisation, mais aussi, là où il ne sera pas suffisamment lancé, avec l'ancien contrat de qualification. Cela devrait permettre au plus grand nombre de jeunes de profiter des bienfaits de la formation en alternance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

EXAMEN DU PERMIS DE CONDUIRE

M. le président. La parole est à M. Jean Marsaudon.

M. Jean Marsaudon. Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, concerne les difficultés sans cesse croissantes que rencontrent nos jeunes concitoyens pour passer les épreuves pratiques du permis de conduire.

J'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion d'alerter M. le ministre sur le manque flagrant d'inspecteurs du permis de conduire, dans l'Essonne, notamment, mais aussi sur tout le territoire national. Ce problème devrait s'accroître encore considérablement dans les semaines à venir. Déjà, depuis plusieurs années, le manque d'examinateurs oblige les candidats à patienter de nombreux mois avant de passer les épreuves pratiques. Mais l'attente devient beaucoup plus longue pour ceux qui ont échoué une première fois et attendent leur seconde chance, qui peut ne leur être accordée que six, huit, voire dix mois après leur première tentative. Ces candidats ne peuvent donc bénéficier des cinq tentatives auxquelles ils ont droit pendant les deux années suivant l'obtention de la partie théorique de l'examen.

Pour compliquer encore la situation, une directive européenne de 1996, qui entre en application cette année, dispose que la durée effective de l'épreuve de conduite va passer de vingt-deux minutes à trente-cinq minutes. Cette nouvelle disposition va réduire encore davantage le nombre des candidats qui pourront être présentés aux épreuves de conduite.

En outre, ce problème a des répercussions sur l'emploi, puisque nos jeunes concitoyens doivent très souvent être titulaires du permis de conduire pour trouver un travail. La situation actuelle ne peut que constituer un frein à leur embauche.

Ce sont donc à la fois les conditions de formation des moniteurs et celles des épreuves de conduite qu'il faut examiner de toute urgence, pour éviter de se trouver très vite dans une situation de blocage qui aurait des conséquences dramatiques.

J'aimerais donc savoir ce que cette situation inspire à M. le ministre, et les dispositions qu'il envisage de prendre pour faciliter l'accès des jeunes aux épreuves pratiques du permis de conduire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer.

M. François Goulard, secrétaire d'État aux transports et à la mer. Monsieur Marsaudon, je voudrais d'abord vous prier d'excuser l'absence de Gilles de Robien, qui a dû se rendre sur les lieux du tragique accident qui s'est produit hier soir près de Poitiers. Je crois d'ailleurs que nous pouvons, en cet instant, avoir une pensée pour les malheureuses victimes et leurs familles.

Monsieur le député, votre question concerne les délais de l'examen pratique du permis de conduire. Avant toute chose, vous devez savoir que l'amélioration de la formation initiale des conducteurs est un élément déterminant de notre politique de sécurité routière.

Le ministre de l'équipement a engagé, à la fin de 2002, la déconcentration des services des examens du permis de conduire, pour les rapprocher, d'une part, des candidats, et, d'autre part, des auto-écoles. Ils s'appuient désormais sur les directions départementales de l'équipement, ce qui constitue une amélioration notable.

Encore faut-il que les moyens suivent. Or, entre 2000 et 2003, 260 postes supplémentaires ont été créés, ce qui représente 26 % des effectifs d'examinateurs du permis de conduire. Malgré un contexte budgétaire difficile, la loi de finances pour 2004 prévoit la création de 100 postes supplémentaires. Il est vrai que, comme vous l'avez dit, nous avons à faire face à une augmentation des besoins, une directive européenne faisant passer la durée de l'épreuve pratique de vingt-deux à trente-cinq minutes.

Une autre voie d'amélioration, que vous avez explicitement mentionnée, consiste à réduire le nombre d'échecs à l'examen. Un des objectifs de la déconcentration est précisément de réduire ce taux d'échec, en étroite collaboration avec les professionnels de l'enseignement de la conduite.

Monsieur le député, des moyens supplémentaires, une meilleure organisation, une amélioration des conditions dans lesquelles se déroulent les épreuves pratiques du permis de conduire, telles sont les mesures que le Gouvernement met en œuvre pour répondre à la légitime préoccupation que vous avez exprimée, avec un souci majeur et dominant : celui de la sécurité routière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Eric Raoult.)

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières (nos 1613, 1659).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant aux amendements identiques nos 909 à 920 à l'article 1er.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour un rappel au règlement.

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre délégué à l'industrie, il ne passe plus de journée sans que l'on nous signale des interventions de forces de police contre des salariés d'EDF ou de GDF, comme si vous aviez décidé de traiter ces salariés, qui luttent pour défendre leur entreprise publique et la qualité du service public, comme de vulgaires terroristes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) On prétend ainsi qu'ils feraient courir des risques pour la sécurité des installations, et une psychose est d'ailleurs entretenue à ce sujet.

Hier matin, dans mon département, à Saint-Étienne-du Rouvray, dans la banlieue rouennaise, une intervention des CRS a ainsi eu lieu.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. R pour républicain !

M. Daniel Paul. Ces compagnies sont en effet républicaines,...

M. le ministre délégué à l'industrie. Je suis content de vous l'entendre dire !

M. Daniel Paul. ...mais les conditions dans lesquelles elles sont utilisées constituent trop souvent un dévoiement de leurs missions.

Monsieur le ministre, le projet de loi qui nous est proposé sera voté, puisque le veut ainsi la règle de la majorité. Mais si ce texte, c'est le moins que l'on puisse dire, ne nous satisfait pas, il ne satisfait pas non plus les agents ni les usagers. Il ne satisfait même pas les patrons, comme je le soulignais hier.

Ne serait-il pas de bonne politique que le Gouvernement suggère à EDF de retirer les plaintes qu'elle a déposées...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Quel rapport avec le règlement de l'Assemblée ?

M. Daniel Paul. ...et de lui demander de traiter les agents en grève, qui luttent dans les conditions qu'ils ont décidées, conformément aux règles du droit du travail ?

M. le président. Monsieur Paul, ceci est davantage une question d'actualité qu'un rappel au règlement.

M. Daniel Paul. Il faut arrêter avec la mise en cause du droit dans notre pays, comme cela se pratique actuellement !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous détournez la procédure !

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, à ce moment du débat où nous entrons dans le vif du sujet, il serait bon que le Gouvernement apporte des précisions et des éclaircissements sur son attitude à l'égard de ces salariés en lutte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce n'était pas un rappel au règlement !

M. Daniel Paul. Si !

M. le ministre délégué à l'industrie. Pas du tout !

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement, et seulement pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Bien évidemment, monsieur le président.

Pour nous, ce texte est emblématique, et nous défendons ici non un quelconque corporatisme mais l'intérêt national et le droit de tous les Français à l'énergie. Notre combat est aussi celui des salariés d'EDF et de GDF.

Monsieur le ministre, vous souhaitez nous mener au point de non-retour en voulant nous faire franchir la ligne jaune du changement de statut, car, une fois celui-ci opéré, le démantèlement de l'un des fleurons de nos entreprises publiques sera irréversible.

Souffrez donc que nous nous opposions sans concession à ce projet par tous les moyens dont nous disposons au Parlement, et cela dans le cadre du bon fonctionnement de notre démocratie.

M. le rapporteur a demandé hier soir, ou plutôt ce matin à une heure trente, une suspension de séance pour réunir la commission. La suspension lui a été accordée puisqu'il a le droit d'en demander une à tout moment, comme tous les responsables de groupe. En revanche, s'agissant de la réunion la commission, je me demande s'il avait le droit de prendre une telle initiative. Je pensais que c'était une prérogative réservée au président de la commission. Mais j'imagine que ce dernier nous répondra.

En tout état de cause, puisque la commission s'est réunie, pourrais-je savoir où l'on peut consulter le compte rendu de cette réunion ? Le règlement prévoit en effet que toute réunion de commission fait l'objet d'un compte rendu.

Vous conviendrez, monsieur le président, que ma question concerne directement le règlement de notre assemblée. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Nous en venons aux amendements restant à examiner à l'article 1er. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Ducout. Il faut que l'on nous réponde !

M. le président. La parole est, s'il le souhaite, à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je le souhaite d'autant plus, monsieur le président, que le problème concerne directement la commission.

Le rapporteur a parfaitement qualité pour demander une suspension de séance afin de s'entretenir du texte avec tel ou tel.

M. Pierre Ducout. Pas pour réunir la commission !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Avant de quitter l'hémicycle hier soir, je l'avais expressément autorisé, après qu'il me l'eut demandé, à réunir la commission si besoin. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Permettez-moi maintenant, puisque nous en sommes à des rappels, de faire à mon tour un rappel, concernant cette fois-ci la procédure.

M. François Brottes. Où peut-on consulter le compte rendu de la réunion de la commission ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous examinons un texte emblématique, très important pour l'entreprise EDF...

M. Pierre Ducout. Pour les entreprises !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ...et pour la nation tout entière.

Nous y avons d'ores et déjà consacré huit séances publiques, soit à peu près vingt-sept heures de débat, dont dix-sept heures pour l'examen de 357 amendements. Or parmi ceux-ci, on a pu relever vingt-cinq séries de dix à treize amendements identiques, ce qui, aux termes de notre règlement, a permis à chaque fois à dix ou treize députés socialistes de développer dix à treize fois la même argumentation. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Ducout. Chacun à sa manière !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je tiens à ce que les choses soient claires car je ne peux, en ma qualité de président de la commission, rester insensible à la manière dont le débat se déroule en séance publique.

En réalité, l'Assemblée n'a examiné que 82 amendements différents durant ces huit séances publiques, ce qui me paraît extrêmement faible. Et il en reste encore 1525 à étudier.

Si nous ne nous engageons pas enfin dans un débat véritable portant sur la substance même du texte et en confrontant les arguments, je pourrais être amené, en tant que président de la commission, à la réunir pour examiner les conditions de notre travail en séance publique.

Sincèrement, je ne pense pas que l'opinion publique puisse trouver que notre débat est sérieux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Pierre Hellier. C'est vrai !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Cette obstruction bien organisée,...

Mme Janine Jambu. Faites attention à ce que vous dites !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ...peut en effet difficilement passer pour un débat sérieux !

M. Pierre Cohen. Vous êtes mal placé pour savoir ce qui est sérieux et ce qui ne l'est pas !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il doit être clair que j'assumerais mes responsabilités de président si, d'aventure, nous ne pouvions pas engager un vrai débat portant sur de vrais arguments et nous permettant de faire de vrais choix ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Brottes. Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Brottes, si c'est pour un fait personnel, je vous donnerai la parole en fin de séance.

M. François Brottes. Je ne la demande pas pour un fait personnel, monsieur le président : le président de la commission n'a visé personne en particulier.

M. le président. Vous avez donc la parole pour un court rappel au règlement.

M. François Brottes. Monsieur le président de la commission, vous avez critiqué une méthode de travail pourtant parfaitement conforme au règlement. Je vous défie de trouver une quelconque redondance dans les arguments que nous développons.

Ce qui n'est pas sérieux, plutôt, c'est de ne pas nous avoir transmis de compte rendu de la réunion de la commission qui s'est tenue hier soir. Ce n'est jamais arrivé dans les annales de l'Assemblée ! Vous présidez une commission dont on est incapable de trouver le compte rendu d'une réunion !

Ce qui n'est pas sérieux non plus, c'est de reprocher à l'opposition de faire son travail d'opposant sur un texte aussi fondamental, et cela dans le strict respect du règlement. Loin de demander des suspensions de séance à répétition, nous cherchons à débattre avec honnêteté et conviction.

M. Jean-Marc Roubaud. Vous n'avez rien à dire sur le fond !

M. François Brottes. Nous ne pouvons pas accepter que ce texte soit, comme la majorité le souhaiterait, examiné à toute vitesse !

M. Bernard Carayon. Tout cela est très hypocrite !

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Monsieur le président de la commission, je ne peux laisser sans réponse vos propos, car, je le dis en pesant mes mots, ils constituent une insulte à l'égard de l'opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marc Roubaud. Polémiste !

M. Daniel Paul. Nous n'avons pas décidé de faire de l'obstruction par plaisir.

M. Pierre Hellier. Si ! C'est évident !

M. Daniel Paul. Absolument pas !

M. Michel Lejeune. Un peu, tout de même !

M. Daniel Paul. Nous avons décidé, tout simplement, de nous opposer à un texte auquel l'ensemble des salariés d'EDF et de GDF est opposé.

M. le ministre délégué à l'industrie. Il n'y a que 5 % de grévistes !

M. Daniel Paul. Ce sont vos chiffres. Toujours est-il que l'organisation syndicale majoritaire dans ce secteur participe au mouvement et, avec elle, d'autres organisations syndicales.

Tous les sondages confirment les réticences, l'incompréhension sinon l'opposition de la population à l'égard de vos orientations en matière de politique énergétique. Même le patronat,...

M. Bernard Carayon. Singulière référence !

M. Daniel Paul. ...en tout cas dans les entreprises qui sont les plus grosses consommatrices d'énergie électrique, s'interroge pour le moins.

C'est ce qui m'a d'ailleurs permis de vous dire, monsieur le ministre, que nous vous avions connu dans un passé très récent plus attentif aux souhaits du patronat.

M. le ministre délégué à l'industrie. Vous me connaissez mal !

M. Daniel Paul. Ce texte suscite de fortes oppositions. Il conduit quasiment à un choix de société.

M. le ministre délégué à l'industrie. Cela ne donne pas tous les droits !

M. Daniel Paul. Souffrez que nous utilisions les différentes possibilités offertes par le règlement pour faire valoir nos arguments.

Jusqu'à présent, vous n'avez que très peu répondu,...

M. le ministre délégué à l'industrie. Beaucoup trop !

Mme Janine Jambu. Quel mépris !

M. Daniel Paul. ...de même que le président de la commission et le rapporteur, à nos diverses interrogations ou à celles de nos collègues socialistes.

Le débat que nous souhaitons n'a pas encore pu avoir lieu. Soyez assuré que nous ferons en sorte qu'il ait lieu d'ici à la fin de l'examen de ce projet de loi.

Reprise de la discussion

Article 1er (suite)

M. le président. Nous en venons à la suite de la discussion de l'article 1er.

Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 909 à 920.

Les amendements nos 909 et 910 ne sont pas défendus.

La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l'amendement n° 911.

M. François Brottes. Il s'agit par cet amendement de préciser ce qu'impliquent les missions de service public. À cet égard, la régularité doit s'ajouter à la sécurité de l'approvisionnement en matière énergétique. Il y va, pour nous, de la qualité du service rendu. Le service public de l'électricité ne saurait être un service minimum.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le président, nous avons exprimé le souhait de travailler dans un esprit constructif. Pour nous permettre de le faire, peut-être pourriez-vous, afin de gagner du temps, n'interroger le rapporteur et le ministre qu'à l'issue de la présentation de l'ensemble des amendements identiques ?

M. le président. Je vous ai entendu, monsieur Brottes.

La parole est à M. Pierre Cohen, pour défendre l'amendement n° 912.

M. Pierre Cohen. Nous avons toujours voulu, pour notre part, débattre d'une manière très constructive de la notion de service public. À cet égard, si la sécurité de l'approvisionnement et la qualité du service rendu nous semblent importantes, ces éléments nous apparaissent également insuffisants.

Certes, la sécurité de l'approvisionnement est une nécessité minimale. On ne peut imaginer en effet, en particulier dans le domaine du nucléaire, qu'elle ne soit pas assurée. Mais il nous semble tout aussi important, pour la continuité du service public, d'assurer une régularité de cet approvisionnement. Tel est l'objet de l'amendement, qui ne peut que recueillir l'accord de tous.

M. le président. L'amendement n° 913 n'est pas défendu.

La parole est à M. Pierre Ducout, pour défendre l'amendement n° 914.

M. Pierre Ducout. Monsieur le ministre, chers collègues, en matière de service public, les choses ne vont pas de soi et si nous proposons d'ajouter, dans les domaines concernés par les contrats, la régularité, c'est que celle-ci n'est pas assurée dans nombre de pays lorsque le marché est ouvert et que les intervenants privés sont soumis à la dictature de marchés non vertueux. Il nous semble nécessaire de pouvoir disposer d'une surcapacité d'environ 15 % pour permettre un approvisionnement régulier, en particulier lors des pointes. Nous ne voulons pas connaître la situation qu'ont connue par exemple récemment les États-unis ou l'Italie, avec des délestages impromptus qui peuvent toucher une part importante de la population voire des entreprises.

Pour autoriser cette surcapacité et assurer la régularité de l'approvisionnement, il faut prévoir des moyens financiers. C'est pourquoi il nous semble si important d'ajouter cette notion à l'ensemble des missions de service public prévues par la loi.

Je voudrais enfin répondre au président de la commission. Contrairement à ce qu'il affirme, nos concitoyens commencent à comprendre que les enjeux de notre débat ne sont pas uniquement ceux que le ministre d'État a indiqués, à savoir la défense exclusive d'intérêts catégoriels de personnels qui seraient trop bien traités. Ces personnels ont montré leur efficacité et leur engagement vis-à-vis du service public mais, jusqu'à présent, nous pouvions penser que le ministre d'État avait réussi à tronquer la réalité et que cet argument était accepté par beaucoup de nos concitoyens.

Aujourd'hui, il suffit de lire la presse, peut-être pas la presse nationale mais les quotidiens de province, pour appréhender la réalité des enjeux. On peut y lire notamment : « La France peut-elle rester fidèle à ses EPIC, c'est-à-dire aux entreprises publiques à caractère industriel, ou est-elle obligée de faire évoluer le statut de ces deux groupes ? » C'est en fait l'une des vraies questions de fond de ce dossier, contrairement à ce que nous explique le ministre d'État, qui considère que le personnel ne pense qu'à garder ses avantages exorbitants alors que nous, nous considérons que celui-ci fait bien son travail.

Le ministre d'État a d'ailleurs indiqué que sa feuille de route était de préparer EDF à affronter la concurrence en changeant son statut et en supprimant la garantie automatique de l'État. C'est dire que nous commençons à entrer dans le cœur du sujet et que notre discussion ici n'est pas vaine.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert, pour défendre l'amendement n° 916.

M. Jean Gaubert. Voilà un amendement qui aurait pu nous faire gagner du temps. Je suis même très étonné que, dès le premier orateur, on ait opposé l'avis négatif de la commission et du Gouvernement. En effet, il est proposé de préciser une notion qui va s'imposer de plus en plus par rapport à la qualité de la fourniture et de la distribution de l'énergie électrique, je veux parler de la qualité de l'approvisionnement.

Le recours de plus en plus conséquent aux énergies renouvelables, notamment à la suite de notre vote unanime ici même, va certainement poser des problèmes de régularité d'approvisionnement aux gestionnaires de réseau. Il est nécessaire de rappeler que la régularité doit absolument être assurée si l'on veut que le réseau fonctionne correctement et que nos concitoyens soient satisfaits. Il y a dix ou vingt ans, on pouvait accepter une soudaine baisse de tension, qui faisait vaciller la chandelle. Cela ne posait pas de réels problèmes, ni dans les milieux ruraux ni même dans certaines zones urbaines. Mais aujourd'hui, avec l'arrivée de l'informatique un peu partout, y compris, et c'est heureux, dans le milieu rural, les rapports entre les abonnés et le service public ont changé. On sent bien, les élus de circonscriptions rurales présents dans l'hémicycle le savent, que nos concitoyens sont beaucoup plus sensibles aujourd'hui qu'ils ne l'étaient hier à la régularité de la fourniture de l'électricité car les coupures, les chutes de tension, les microcoupures sont beaucoup plus mal ressenties par le matériel électronique utilisé aujourd'hui dans nos maisons qu'ils ne l'étaient auparavant par les simples lampes et les quelques moteurs électriques que nous pouvions avoir.

Voilà vraiment un amendement qui aurait dû recueillir un large assentiment.

M. le président. La parole est à M. David Habib, pour défendre l'amendement n° 918.

M. David Habib. Nous cherchons à améliorer le texte pour donner aux nouvelles entreprises issues des modifications législatives que nous sommes en train d'examiner les moyens d'être performantes demain.

Or, s'il y a bien une demande expresse formulée par les clients d'Électricité de France et de Gaz de France, c'est celle qui concerne la continuité, la régularité, la qualité. En demandant qu'il soit fait mention de cette régularité, je crois que nous montrons bien notre volonté de renforcer Électricité de France et Gaz de France.

J'ajoute que cette notion de continuité est une valeur de service public, elle est essentielle pour l'électricité, Jean Gaubert vient de le rappeler en évoquant les microcoupures.

Par ailleurs, l'article 1er fait référence à de nouveaux contrats de service public qui vont se substituer aux contrats mentionnés à l'article 140 de la loi relative aux nouvelles régulations économiques. Or le contenu de ces nouveaux contrats est restrictif quant aux missions et aux objectifs de service public. Il y a donc nécessité, à l'évidence, de parfaire la rédaction qui nous est proposée en faisant allusion à ce principe de régularité.

Nous avons essayé, à travers plusieurs amendements, d'améliorer la rédaction du texte et de renforcer les moyens mis à la disposition d'Électricité de France et de Gaz de France demain. Je crois qu'en faisant référence à cette notion de régularité, nous sommes pleinement dans notre rôle et je souhaite que nous puissions trouver sur ce point une unanimité au sein de cet hémicycle.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 912, 914, 916 et 918.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 921 à 932.

La parole est à M. Christian Bataille, pour défendre l'amendement n° 921.

M. Christian Bataille. Nous proposons d'ajouter, au quatrième alinéa de l'article 1er, après le mot : « qualité », les mots : « de la fourniture ». Nous pensons en effet qu'il est préférable de préciser que les contrats doivent porter sur la « sécurité d'approvisionnement et de qualité de la fourniture du service rendu aux consommateurs ».

Le service public n'est pas une notion abstraite. Il a des exigences en termes d'objectifs mais il se doit également d'offrir, de manière concrète, une fourniture d'électricité et de gaz, c'est-à-dire des prestations aux consommateurs. Nous n'insisterons jamais assez pour dire que le service public concerne bien sûr les dizaines de milliers d'agents qui y travaillent mais aussi les clients. Or les consommateurs sont aussi des citoyens et la fourniture d'électricité et de gaz a une signification particulière, celui d'être un bien public. La prestation doit donc être d'un niveau très élevé et doit donner aux consommateurs une complète satisfaction.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour défendre l'amendement n° 923.

M. François Brottes. Je l'ai dit dans mon intervention sur l'article, l'article 1er sur le service public, c'est un peu l'article de la bonne conscience, et je vais essayer d'illustrer mon propos à l'occasion de cet amendement.

Le texte évoque la qualité du service. C'est extrêmement vague et très impersonnel. Ce que nous souhaitons, c'est qu'on définisse plus clairement les missions de service public telles qu'elles figureront dans les contrats puisque c'est la voie qui a été choisie. On ne peut pas se contenter de dire aux usagers qu'on prend l'engagement qu'il fera beau. Ce que souhaitent les gens, c'est de savoir quel jour il fera beau, combien de temps il fera beau et pour qui. C'est la raison pour laquelle nous préférons parler de la qualité de la fourniture du service plutôt que de la qualité du service. Ce que nous visons, c'est la prestation qui sera réellement garantie à l'usager. Il me semble que le Gouvernement serait bien inspiré d'accepter cette précision qui, à mon avis, va dans le sens de ses préoccupations.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l'industrie. Le Gouvernement est favorable à l'amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Ce n'était pas tout à fait l'avis de la commission mais, compte tenu des arguments exposés par le ministre (Sourires), le rapporteur se rallie, à titre personnel, à cette position.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous vous en remettez à son jugement.

M. le président. Compte tenu de l'avis du ministre et de la commission, les autres intervenants, MM. Cohen, Ducout, Gaubert et Habib, souhaitent-ils prendre la parole ?

M. François Brottes. Monsieur le président, la logique voudrait que les autres amendements soient retirés dès l'instant où, d'entrée de jeu, le ministre accepte les amendements que nous proposons. Puisque le message est passé, il n'y a aucune raison pour que nous insistions.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 923.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement no 1687.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Encouragé par ce qui vient de se passer, je vous propose de substituer au mot «consommateur » celui d'« usager ».

Les députés de notre groupe se sont longuement exprimés pour signifier les raisons qui motivent notre rejet des dispositions inscrites dans cet article 1er du projet de loi. Il convient cependant de revenir sur deux aspects.

Tout d'abord, compte tenu de l'incertitude des missions de service public et du lien qui existe entre ces missions et le statut du personnel, nous pensons que le statut du personnel d'EDF et de GDF est, contrairement aux déclarations gouvernementales, manifestement menacé. D'autant que tout dépendrait du contrat et non de la loi ; mais nous avons, je crois, suffisamment exprimé nos réticences à propos de ce contrat dont nous dénonçons la fragilité pour ne pas y revenir.

Simplement peut-on se poser la question suivante : le juge administratif qui contrôle la légalité du statut des agents d'EDF et de GDF pourrait-il être compétent pour contrôler la légitimité du maintien du statut de ces agents par rapport aux contrats passés entre l'État d'une part et EDF et GDF d'autre part, contrats qui définiraient la substance des missions de service public ? C'est loin d'être certain.

Dans ces conditions, il est légitime de s'interroger - et la question est d'une très grande importance - sur le fondement du maintien du statut des agents d'EDF et de GDF. Les actionnaires eux-mêmes autres que l'État en cas de transformation en SA et d'ouverture du capital, et c'est ce que vous nous proposez, s'interrogeraient sans aucun doute sur l'intérêt qu'ils y trouveraient - et nous craignons de deviner leur réponse.

M. Ollier nous a mis au défi de démontrer en quoi ce texte menacerait le statut des électriciens et des gaziers. Eh bien, nous pensons qu'il pourrait essayer de nous rassurer sur ce point.

Le deuxième aspect qui nous préoccupe, c'est la suppression, compte tenu de la mise en place d'une relation duale État-entreprise, via le contrat toujours, du contrôle des citoyens sur les entreprises intervenant dans les secteurs de l'électricité et du gaz.

Autrement dit, on peut se demander si, juridiquement, le service public, au sens où on l'entend en droit français, continue à exister.

Cet article 1er sera donc source d'immenses difficultés juridiques et politiques. Substituer à la notion d'usager celle de consommateur témoigne, de manière symbolique dans un premier temps, mais dans les faits demain, de votre volonté de porter fondamentalement atteinte aux principes du service public.

Toutes ces raisons justifient amplement notre opposition résolue à l'adoption de l'article 1er.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable également, car le Gouvernement est beaucoup trop respectueux de la terminologie retenue par l'ancienne majorité dans la loi du 10 février 2000 pour la changer !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1687.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1686.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Nos services publics d'intérêt économique général, qui recouvrent aussi bien le secteur des communications - rail, poste, téléphone -, que celui de l'énergie - gaz, électricité, eau -, ont été construits autour du système de « péréquation tarifaire » pour permettre l'accès de tous au réseau : les tarifs appliqués sont déconnectés des prix de revient, les services plus rentables permettant le financement des services moins rentables, tout cela étant organisé dans le cadre de monopoles publics, soumis donc essentiellement aux choix politiques. C'est ce système de péréquation tarifaire qui est touché au coeur quand la Commission européenne veut faire entrer dans les faits le principe que « les tarifs doivent tendre vers les coûts ».

Pour illustrer ce propos, je prendrai l'exemple de La Poste. Cela lui coûte plus cher d'envoyer une lettre en zone rurale qu'en centre-ville où ce coût n'atteint pas le prix du timbre, quel que soit le tarif d'ailleurs, lent ou rapide. Il en résulte un équilibre qui permet d'éviter des distorsions et des différences de tarif.

C'est ce système de péréquation tarifaire dans le secteur énergétique qui est touché au cœur avec ce projet de loi qui tend à la privatisation d'EDF et de GDF. En 1996 pourtant, dans une communication sur « Les services d'intérêt général en Europe », la Commission européenne reconnaissait que « les mécanismes de marché présentent parfois leurs limites et peuvent risquer d'exclure une partie de la population », en particulier celle qui se trouve dans les zones de revitalisation rurale ou les zones urbaines sensibles. Cependant, elle réaffirmait aussitôt son credo libéral en indiquant que « les services d'intérêt général de caractère économique sont en principe soumis aux règles dont la Communauté s'est dotée pour établir un grand marché. » Le 20 septembre 2000, une communication de la Commission affirme que « la Communauté protège les objectifs d'intérêt général et la mission de service public. » Mais elle indique immédiatement que « dans bien des cas, le marché est le meilleur mécanisme pour fournir ces services. »

Et pourtant, le bilan de la déréglementation dans les télécommunications est éclairant. Les communications « longue distance » ont essentiellement baissé sur les axes de trafic fortement utilisés. En revanche, le rééquilibrage tarifaire s'est fait au détriment de la grande masse des usagers. En France, l'abonnement a été multiplié par trois depuis 1993. La présence en France de trois grands opérateurs de téléphonie n'a pas permis la couverture de l'ensemble du territoire national. En Grande-Bretagne, on assiste même à des différences de tarifs selon les axes de trafic. Malgré tous ces exemples, le Gouvernement persiste cependant dans cette voie et va, avec ce projet, mettre fin au principe de la péréquation tarifaire dans le secteur du gaz et de l'électricité, notamment dans des zones où la densité de population est faible, où les entreprises chargées de distribuer l'électricité et le gaz seront probablement beaucoup moins enclines à investir dans des transports onéreux. Nous pouvons donc avoir des craintes quant à la desserte des personnes habitant dans ces secteurs, à la qualité du service qui leur sera rendu et de l'énergie qu'on leur fournira.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable.

M. Daniel Paul. Vous recommencez avec le psittacisme !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je pense que M. le ministre aurait pu faire le même effort que précédemment puisque, du fait de l'utilisation de l'adverbe « notamment », rien ne serait imposé. Nos collègues communistes ont raison d'insister sur les zones de revitalisation rurale et les zones urbaines sensibles.

Je vous renvoie au texte sur le développement des territoires ruraux, dont nous avons débattu en première lecture, qui a consacré une grande innovation, à savoir de nouveaux droits pour les communes pauvres et les communes rurales. Elles ont maintenant le droit d'être opérateur de télécommunications lorsque aucun opérateur ne veut venir jusqu'à elles, de payer les études d'un médecin lorsque aucun médecin ne veut venir s'y installer, de contribuer à l'installation d'un vétérinaire lorsque aucun d'entre eux n'accepte de venir dans le secteur. Avec cette libéralisation et la privatisation d'EDF et de GDF, allons-nous vers un système où les communes pauvres, rurales, devront compenser le surcoût de l'acheminement de l'énergie vers ces territoires ?

Nos collègues ont raison d'insister sur le fait qu'il faut prendre en considération ces territoires fragiles et leur donner des garanties encore plus fortes qu'aux autres, puisque malheureusement on les met à contribution - j'aurais pu citer un quatrième exemple, celui de La Poste - pour garantir des missions de service public qui, jusqu'à présent, étaient assumées de façon mutualisée sur l'ensemble du territoire grâce à la péréquation. Si on ne précise pas les choses dans ce texte qui est fondamental, de notre point de vue comme du vôtre d'ailleurs, ces communes pauvres, rurales, vont être sollicitées une fois de plus.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Depuis le début, nous sommes convaincus que le changement de statut et, ensuite, l'ouverture du capital vont remettre en cause la notion de service public et, contrairement à ce qu'a dit l'un de nos collègues qui a mis en doute notre sincérité, si nous sommes si vigilants et pointilleux sur chacune des dispositions, c'est bien parce que nous sommes sûrs de ce que nous disons et de la dégradation de la notion de service public qui résultera de l'adoption de ce texte.

Cet amendement présente deux avantages. D'abord, il concerne l'aménagement du territoire. Si l'on se retrouve avec une entreprise soumise aux pressions de la Bourse, des profits financiers, certains territoires dont la desserte coûte beaucoup plus cher seront sans doute défavorisés.

Ensuite, cet amendement traduit le souci d'assurer le service de l'électricité et du gaz aux publics les plus démunis, particulièrement nombreux dans les zones urbaines sensibles et les zones de revitalisation rurale. S'il n'est pas adopté, ce seront les premières coupes sombres réalisées par votre texte.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1686.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1683.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Cet amendement vise à compléter le quatrième alinéa de l'article 1er par les mots : «, notamment par le développement des réseaux. »

Nous sommes dans le domaine d'entreprises qui ont de lourdes obligations de service public avec, à la clef, des investissements également extrêmement lourds. Dans le secteur de la production d'électricité, investir dans une centrale nucléaire n'est pas porteur pour des actionnaires privés, tout simplement parce que la rentabilité se mesure à très long terme. En revanche, investir dans une centrale au gaz ou dans une centrale thermique, c'est très rapidement rentable, même si c'est contraire au protocole de Kyoto.

S'agissant du gaz, nous sommes dans la même situation. La France n'en produit pas. GDF en importe et en transporte. Les investissements à faire sont extrêmement lourds en matière de transports de gaz, parce qu'il s'agit d'un produit dangereux. Beaucoup demandent que toutes les installations de gaz soient classées Seveso, ce qui nécessite des précautions supplémentaires. Nombre de bâtiments publics sont construits sur des conduites souterraines à gros débit et il faut entretenir ces conduites, les remplacer. Quant aux lieux de stockage, ils sont stratégiques et nécessitent probablement d'être développés compte tenu des aléas en matière d'approvisionnement.

Les exemples californien et britannique montrent à l'envi que l'ouverture du capital conduit l'actionnaire à vouloir rentabiliser l'investissement au premier euro versé. En France, elle se traduirait par conséquent par une réduction drastique des investissements sur les réseaux, alors que Gaz de France reste confronté à une demande insatisfaite de développement de ses circuits de distribution. La couverture du territoire en gaz n'est pas achevée. Il est donc pour le moins sage et précautionneux d'inscrire dans la loi la nécessité de développer les réseaux gaziers, ne serait-ce que pour garantir la sécurité de l'approvisionnement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable également.

M. Jacques Desallangre. C'est une position irresponsable !

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. Il s'agit d'un amendement sur lequel nous aurions dû nous retrouver, car il est particulièrement important d'insister sur le développement des réseaux. La cohésion sociale passe par la desserte énergétique de l'ensemble du territoire. Le gaz naturel présente de réels avantages, notamment pour ce qui concerne le chauffage des habitations privées, avec des isolations optimales. Du reste, le gouvernement précédent avait prévu que Gaz de France puisse être aidé à développer son réseau en raccordant davantage de communes. D'ailleurs, de nombreux conseils généraux, comme celui de la Gironde qui est dirigé par la gauche, ont contribué à raccorder de nouvelles communes au réseau de gaz naturel, ce qui est un plus très important pour nos concitoyens.

Il faut également renforcer le développement des réseaux. Certes, pratiquement toutes les fermes disposent aujourd'hui d'une ligne d'accès à l'électricité, mais celle-ci mérite parfois d'être sécurisée, notamment par l'enfouissement.

Faut-il pour autant en revenir à des mesures comme celle qui avait été préconisée, une nuit, lors de la discussion de la loi Barnier ? Je me souviens que la majorité de l'époque avait longuement défendu un amendement visant à rendre obligatoire l'enfouissement de toutes les lignes électriques. J'étais de ceux qui avaient lancé un appel à la raison. Un service public doit certes viser la qualité, mais dans des conditions financières et économiques acceptables, conformément aux principes de la loi de 2000. J'avais fait également valoir, au cours de la discussion, qu'une ligne électrique pouvait parfois témoigner, par exemple dans les Landes, d'une présence humaine, au bout d'une forêt.

M. François-Michel Gonnot. Comme une bougie dans la nuit ?

M. Pierre Ducout. Il faut donc souligner de manière volontariste la nécessité de développer les réseaux, tout en ménageant de manière responsable l'équilibre des investissements. À ce titre, l'amendement me semble aller dans le bon sens.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1683.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1682.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. L'amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable également.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Le rappel d'une disposition que nous avons votée la semaine dernière devrait nous inciter à prendre le temps de réfléchir à cet amendement.

M. François-Michel Gonnot. Comme à tous les autres ! (Sourires.)

M. Pierre Cohen. Nous venons de voter un projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, par lequel, sous couvert de simplification, le Gouvernement se donne la possibilité de remettre en cause les schémas de services collectifs.

Il est vrai que, pendant l'examen de la loi Voynet, la majorité actuelle n'avait pas approuvé ces schémas.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous souhaitions un schéma national, décliné en schémas secondaires.

M. Pierre Cohen. En effet ! Vous contestiez la nécessité des schémas de services collectifs.

M. François Brottes. La position de M. Ollier a bien changé depuis !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il y a tant de mesures qui s'imposent, avant de revenir sur celle-là !

M. Pierre Cohen. Mais, depuis deux ans que vous êtes dans la majorité, nous ne vous avons vu faire aucune proposition dans ce sens, ce qui prouve que vos interventions d'alors ne s'expliquaient que par une volonté d'obstruction destinée à empêcher le vote de la loi Voynet.

Les schémas de services collectifs, que nous avons défendus en leur temps, possèdent des atouts considérables. Il en existe un pour l'énergie. L'avantage est que, tandis que les orientations sont définies par l'État, le schéma fait l'objet de différentes discussions, y compris au niveau régional. Le Gouvernement a légèrement simplifié le dispositif sous prétexte de l'alléger. Mais, de ce fait, il lui a retiré un peu de sa force démocratique.

Monsieur le ministre, par l'effet du texte que nous avons voté la semaine dernière, vous vous êtes donné la possibilité de sortir des schémas de services collectifs. Le fait de les intégrer dans ce projet de loi éviterait au moins qu'ils ne soient purement et simplement supprimés par la seule volonté du Gouvernement et en l'absence de tout débat à l'Assemblée nationale.

L'amendement me semble donc extrêmement important. Il sera voté par tous ceux qui sont attachés à ces schémas.

M. François Brottes. Nous attendons que le rapporteur et le ministre nous répondent sur ce point.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Le double refus de la commission et du Gouvernement est très instructif. Je voulais intervenir sur l'amendement précédent, mais je peux tout aussi bien parler sur celui-ci.

Étant donné la manière dont le projet est engagé, l'extension des réseaux, notamment en matière de gaz, va devenir quasiment impossible. En effet, les possibilités d'extension avaient été facilitées par l'assouplissement des critères de retour sur investissement. Mais, dès lors que la loi ne les encourage plus et que, dans certaines sphères, on met en avant le coût d'utilisation des réseaux - des spécialistes de la CRE font pression pour qu'il baisse de 3 % par an en euros constants, donc de 5 % en euros courants -, le gestionnaire de réseau n'aura plus d'autre solution que de limiter ses investissements. Ceux qui sont nécessaires aujourd'hui en matière de gaz sont en effet moins rentables que par le passé.

Ainsi, votre proposition - que nous refusons de cautionner, mais qui sera votée par la majorité - empêchera toute extension des réseaux de gaz sur l'ensemble du territoire. Ceux qui la souhaitaient devront en prendre leur parti. Les schémas de services collectifs ayant également du plomb dans l'aile, on peut évidemment s'interroger sur l'avenir de l'aménagement du territoire, en particulier dans les zones rurales, que certains mettent parfois en avant, surtout pendant les périodes préélectorales.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1682.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1265.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Il s'agit d'un amendement de suppression. Certains s'étonneront peut-être, dans cet hémicycle, du nombre d'amendements de suppression que nous présentons.

M. Pierre Hellier. Non !

M. Marcel Bonnot. Nous ne nous étonnons plus !

M. François-Michel Gonnot. Nous avons l'habitude !

M. Daniel Paul. Nous procéderons de même sur chaque alinéa : tous sont, pour reprendre le mot d'un de nos collègues, également pernicieux. Il n'y en a pas un pour sauver l'autre.

M. Pierre Hellier. Cette argumentation est consternante !

M. Daniel Paul. Nous l'avons dit : nous refusons que l'on accentue la contractualisation des missions de service public assignées à EDF et à GDF. C'est un point sur lequel nous divergeons par rapport au Gouvernement et à nos collègues de la majorité.

En outre, le champ des missions de service public mentionné à l'article 1er nous paraît particulièrement étroit, voire rabougri, si l'on songe aux impératifs actuels. Il faut en effet faire face aux difficultés économiques et sociales, comme aux besoins d'aménagement du territoire français, voire européen.

Nous devons donc éviter toute ambiguïté. Nous savons tous qui est le plus à même d'être performant en matière d'approvisionnement, de production, de transport et de distribution des biens énergétiques. Sur ce point, nous estimons que nous ne pouvons pas transiger. C'est pourquoi nous demandons la suppression du cinquième alinéa de l'article.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1265.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1688.

La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Il s'agit d'un amendement de précision proposant de substituer, dans le cinquième alinéa de l'article, aux mots : « l'accès », les mots : « l'égalité d'accès ».

Aujourd'hui, sur l'ensemble du territoire, chacun bénéficie du même tarif pour le kilowattheure. La desserte des zones les plus rentables aide au financement de celles qui le sont moins, conformément au principe de solidarité qui est la base même de la notion de service public.

Demain, avec la privatisation, la péréquation tarifaire disparaîtra. L'opacité qui règne dans le domaine des télécommunications donne d'ailleurs un avant-goût de ce qui nous attend : des abonnements qui ne cessent d'augmenter et des tarifs incompréhensibles.

Prenons un autre exemple : pour l'eau, le prix du mètre cube peut varier du simple au triple d'une commune à l'autre. Ainsi, dans le Maine-et-Loire, on ne paie pas le même prix partout. En 2002, le prix d'une consommation de 120 mètres cubes a varié de 114 euros dans la commune d'Angers, prise en charge par une entreprise publique, à 181 euros dans celle de Beaufort, gérée par une entreprise privée. Elle est montée à 218 euros dans celle de Durtal et à pas moins de 249 euros dans celle de Seiches.

Avec la privatisation, nous signons la mise à mort de la péréquation. Il ne s'agira plus, pour l'entreprise, de répondre aux besoins des populations, mais de vendre une prestation avec une marge bénéficiaire. De ce fait, faute de capacités financières suffisantes, le chômeur, le smicard ou l'ouvrier verront leurs conditions de vie se dégrader. Solidarité, cohésion sociale et fraternité sont-elles compatibles avec le choix de société que le Gouvernement veut nous imposer ? Nous considérons que non.

C'est pourquoi nous vous demandons, monsieur le ministre, que le principe de péréquation soit inscrit dans le marbre et que cessent enfin les mensonges et l'hypocrisie qui vous font dire que le changement de statut d'EDF et de GDF ne vise pas à les transformer en société anonyme.

Tel est le sens de cet amendement.

M. Daniel Paul. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable également.

Mme Janine Jambu. Sur une question d'une telle importance, nous ne pouvons pas nous contenter de réponses aussi laconiques ! Tout le pays aspire à la cohésion sociale et à la justice, et nous admettrions que les tarifs soient de plus en plus inégalitaires ?

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Je tiens à soutenir le plus vigoureusement possible l'amendement que vient de défendre Mme Jambu. Elle l'a dit : il s'agit d'assurer l'égalité d'accès à l'énergie.

L'expression : « les moyens d'accès » est assez neutre. Nous avons souligné hier soir que nous préférions la formulation retenue dans la loi de 2000. À mon sens, celle de l'article, que le Gouvernement souhaite maintenir, n'est pas bonne, tandis que celle de l'amendement mérite d'être retenue, car ce qui est en cause est bien un service public qui doit être équitablement ouvert à tous, et non un service ordinaire auquel un consommateur peut éventuellement recourir. Ce service doit être tourné vers les citoyens, puisqu'il faut que chaque Français puisse y accéder dans les mêmes conditions d'équité. Or nous craignons que, du fait des risques de privatisation qu'il introduit, votre projet de loi ne soit porteur d'inégalités.

Tout au long du débat, nous citerons des exemples étrangers. Ils montrent que, chaque fois que l'on sort des principes du service public et que l'on choisit la privatisation, on fait en même temps le choix de l'inégalité.

C'est pourquoi le mot « égalité » mériterait de figurer dans le projet de loi.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. La notion d'« accès » est vague. Elle peut désigner le fait de fournir de l'énergie par intermittences ou de l'énergie de moins bonne qualité. J'insiste donc pour que nous introduisions dans le texte la notion d'« égalité d'accès ».

À défaut, nous verrions dans votre refus un aveu : refuser de parler d'« égalité d'accès », n'est-ce pas reconnaître que celle-ci ne sera jamais réalisée ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Elle n'existe pas aujourd'hui !

M. François Brottes. Qu'en conclure, monsieur le ministre ? S'il existe aujourd'hui des défaillances, vous avez raison de les dénoncer. Mais, dans ce cas, il n'y a aucune raison de ne pas nous fixer pour objectif d'améliorer la situation. Ne sommes-nous pas ici pour défendre les intérêts de tous, sur l'ensemble du territoire ?

Nous nous honorerions par conséquent en adoptant cet amendement.

M. Pierre Cohen. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1688.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement 1691.

La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le soutenir.

M. Jacques Desallangre. Cet amendement tend à insérer, dans le cinquième alinéa de l'article 1er, après le mot : « l'accès », les mots : « et notamment des plus défavorisés ».

En effet, M. Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a déclaré, il y a quelques jours : « Les valeurs du service public seront maintenues, notamment l'égalité d'accès des Français devant l'énergie et la solidarité avec les plus démunis. La péréquation tarifaire sera garantie. Le prix sera le même pour un client habitant à quatre cents kilomètres ou à quatre kilomètres d'une centrale, tout comme le tarif social et la qualité du courant. » Pourtant, chacun le sait, la péréquation tarifaire, qui garantit, en vertu de la mission de service public de l'État, un tarif unique et l'égalité des usagers sur l'ensemble du territoire, ne pourra, à terme, être maintenue, puisqu'il y a une contradiction fondamentale entre les buts d'une société anonyme et ceux d'un établissement public, placé sous le contrôle de l'État, garant de l'intérêt général. Dès lors que l'électricité devient une marchandise, elle est, de fait, soumise à la règle de la concurrence et les coûts réels sont pris en compte sur chaque segment de clientèle ou de territoire. Aussi les zones rurales peu peuplées ou excentrées, ainsi que leurs populations, seront-elles une fois de plus les grandes perdantes.

M. le ministre d'État s'est donc trompé, car je ne peux pas croire qu'il ait tenté de nous tromper. La péréquation va subsister, dans un premier temps, sur l'acheminement, mais pas sur la production, la commercialisation et le service, lesquels représentent tout de même près de 50 % de la facture d'électricité acquittée par un ménage. Du reste, EDF ne s'en cache pas. Depuis quelque temps, M. Roussely ne fait plus mystère de ses convictions profondes. Ainsi, dans une plaquette, éditée par l'entreprise à l'intention des collectivités, EDF indique : « Dans cette logique de traitement personnalisé, la notion de péréquation ne pourra plus s'appliquer au prix des services. » M. Roussely s'inscrit déjà dans une nouvelle logique et il ne vous attend pas pour annoncer la couleur.

Il est donc faux de dire que tout le monde sera traité de la même façon : ce ne sera plus vrai demain. Ce texte remet en cause l'un des principes les plus importants du service public. Il enclenche un processus pernicieux qui entraînera inéluctablement des disparités de traitement entre les collectivités locales ainsi que l'accroissement des inégalités entre les territoires et entre leurs populations. C'est pourquoi nous demandons le maintien du principe de la péréquation tarifaire dans le secteur énergétique, au nom de la cohésion économique, sociale et géographique, de la justice et de nos valeurs, celles qui ont inspiré nos prédécesseurs de 1946, guidés par l'esprit du Conseil national de la Résistance.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1691.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1266.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Cet amendement tend à supprimer le sixième alinéa de l'article 1er. Nous avons déjà rappelé à de multiples reprises que le service public a été garant, non pas d'une stagnation des tarifs, mais d'une évolution déconnectée de celle du coût réel de l'énergie, les recettes des activités les plus rentables venant compenser celles qui le sont moins. Or, depuis quelques années, on constate que partout où s'est imposée la libéralisation, les tarifs ont augmenté, aussi bien pour les industriels - pesant ainsi sur la compétitivité des industries - que pour les usagers domestiques. En ce qui concerne le gaz, ils ont même augmenté davantage pour ces derniers que pour les industriels. Nous disposons du reste d'un élément de comparaison puisque au Texas, qui n'a pas libéralisé le marché de l'énergie, les tarifs ont augmenté de 5 %, alors que dans les États voisins, qui ont franchi le Rubicon, ils ont enregistré des hausses de 20 à 25 %. En matière d'énergie, le concept libéral ne fonctionne donc pas ou, s'il fonctionne, c'est en mettant en cause sa propre existence. Mais vous acceptez de prendre ce risque.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. M. Paul a découvert qu'au Texas le coût de l'énergie n'était pas élevé. C'est sans doute dû aux éoliennes. Avis défavorable.

M. Jacques Desallangre. Ce que vous dites, c'est du vent !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Comme nos collègues communistes, nous souhaitons que ce soit la loi, et non le contrat, qui définisse les missions de service public.

Permettez-moi, monsieur le ministre de vous rappeler les propos d'une personnalité qui a occupé des responsabilités importantes  qui estimait que la Commission européenne n'avait jamais changé d'avis et que, derrière cette bataille qu'elle mène contre EDF et GDF, s'en profilaient d'autres dans les secteurs des transports, des télécommunications et de la poste : « En tout état de cause », disait-elle, « il faudra une initiative législative, qui ne pourra intervenir qu'après une large concertation avec tous les partenaires sociaux et devra, en tout état de cause, confirmer le statut juridique de l'entreprise, » - j'insiste sur ce point - « protéger le statut actuel des personnels, définir clairement les obligations de service public et affirmer notre volonté de maintenir en France le monopole des transports et de la distribution. »

Cette déclaration a été prononcée par Franck Borotra, le 21 juin 1995, à l'Assemblée nationale.

M. François-Michel Gonnot. C'est votre idole !

M. le ministre délégué à l'industrie. C'était avant l'ouverture à la concurrence !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1266.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1267.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Cet amendement tend à supprimer le septième alinéa de l'article 1er. Il est souvent dit que les entreprises publiques ont joué un rôle important dans l'économie française. De fait, au début de l'année 1986, c'est-à-dire au moment où s'amorçait, en Grande-Bretagne en particulier, le mouvement qui a conduit à la privatisation généralisée des entreprises publiques du secteur industriel et commercial, en France, le secteur public national était constitué de 643 sociétés employant 2,1 millions de personnes, soit 24 % de l'emploi industriel. Ces entreprises réalisaient 32 % du chiffre d'affaires et 60 % de l'investissement du secteur industriel et énergétique. À cette époque, les entreprises publiques fournissaient 94 % de l'énergie électrique produite et 98 % du gaz, assuraient 75 % du transport en commun des voyageurs et constituaient souvent une référence en matière de politique sociale - je pense notamment à Renault.

Les entreprises nationales ont, certes, reçu des aides importantes de l'État, mais songez à tout ce qu'elles ont contribué à développer et à mettre en œuvre. Au moment où vous vous apprêtez à remettre en cause ces acquis, en particulier dans le secteur énergétique - mais celui-ci est le premier d'une longue série -, et alors qu'il est de bon ton de dauber sur le prétendu poids mort que représenterait le service public, il n'est pas inutile de rappeler l'importance du rôle que celui-ci a joué et continue de jouer dans la péréquation tarifaire, le développement industriel et la cohésion sociale de notre pays.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1267.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je souhaite faire un rappel au règlement. Tout à l'heure, j'ai interpellé le président de la commission à propos des circonstances dans lesquelles la commission des affaires économiques a été convoquée, hier soir. Je m'inquiétais notamment de l'absence de compte rendu de cette réunion, qui s'est tenue à une heure trente, la nuit dernière, sous la présidence de M. Christian Bataille, vice-président. Or on vient de me transmettre ce compte rendu, qui prend bien acte qu'une majorité de la commission a refusé la proposition de notre rapporteur, M. Jean-Claude Lenoir, de poursuivre nuitamment nos débats. J'indique à mes collègues que si, d'aventure, de telles réunions nocturnes de la commission devaient se tenir à nouveau, les votes risqueraient fort de ressembler à celui-ci. Dès lors, mieux vaudrait éviter de renouveler ce type d'initiative.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1184.

La parole est à M. François-Michel Gonnot, pour le soutenir.

M. François-Michel Gonnot. Il s'agit d'un amendement de précision. Le septième alinéa de l'article 1er, relatif au contenu des contrats signés entre l'État et EDF et GDF, mentionne « l'évolution pluriannuelle des tarifs de vente de l'électricité et du gaz ». Or il convient de préciser que ces tarifs ne concernent que les clients non éligibles, les autres étant soumis à un prix de vente qui ne saurait être encadré.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir,rapporteur. La commission a repoussé cet amendement pour éviter toute confusion, car les tarifs concernent les clients non éligibles et les clients éligibles qui n'ont pas déclaré leur éligibilité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Je pense en effet, monsieur Gonnot, que cet amendement est source d'ambiguïté, puisque les tarifs concernent deux catégories de clients.

M. le président. La parole est à M. François-Michel Gonnot.

M. François-Michel Gonnot. J'accepte que le Gouvernement complète mon amendement. Néanmoins, je ferai remarquer à M. le rapporteur que celui-ci est parfaitement conforme à la terminologie employée à l'article 16 du présent projet de loi et en harmonie avec celle de la loi de janvier 2003.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. L'amendement de M. Gonnot a le mérite de clarifier le texte. En effet, nous ne pouvons pas continuer à laisser croire que tout change sans que rien ne change. La réalité, c'est que les tarifs ne seront appliqués qu'aux clients captifs, alors que les clients éligibles pourront piocher dans un catalogue de prix qu'ils pourront sans doute négocier, puisque le texte n'interdit nullement les rabais. Nous sommes très favorables à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je suis d'accord avec MM. Gaubert et Gonnot : il faut plus de clarté. Le marché sera ouvert à la concurrence et soumis à la régulation de la CRE. Dès lors, la règle sera la liberté des prix. Mais il y a des clients pour lesquels la concurrence ne joue pas - pour l'instant, ce sont les résidentiels -, et pour ceux-là la notion de tarif prend tout son sens. Sous réserve de sous-amender comme l'a indiqué le ministre, la précision que veut apporter M. Gonnot me paraît donc aller dans le bon sens.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. Cet amendement ouvre un débat très intéressant, celui des prix qui seront appliqués aux clients éligibles. Comme on a déjà pu le constater en évoquant le cas des gros consommateurs, à savoir les industriels, cette question des prix manque de clarté, en dépit de l'article 30 du projet de loi, qui complète l'article 22 de la loi du 10 février 2000 en stipulant que les fournisseurs doivent communiquer des barèmes de prix aux clients éligibles.

Il conviendrait de préciser le sens et la portée que l'on entend accorder à ces barèmes. Doit-on considérer que ceux-ci s'appliquent à tout client, quels que soient, en particulier, ses moyens financiers ? L'un de nos collègues évoquait précédemment les marchés de services, en particulier celui de la distribution et de l'assainissement de l'eau. Les entreprises prestataires de ces services sont très attentives au traitement des impayés, et tout donne à penser que les rabais pratiqués seront plus importants si le risque financier paraît moindre au fournisseur, c'est-à-dire si le client - qu'il s'agisse d'un artisan ou même, à partir de 2007, d'un particulier - a de gros moyens. Les principes de cohésion sociale et de péréquation, auxquels nous sommes tous attachés, seront alors mis à mal. Il est quasiment certain qu'au 1er juillet 2004, et plus encore au 1er juillet 2007, le principe d'un même service fourni au même prix pour tous va disparaître.

La préservation du prix et de la qualité des services, et de l'égalité de l'accès à ces services constitue un enjeu très important, sans doute comparable à ce qu'a représenté la création de l'école publique pour tous sous la iiie République. Si ces principes sont malgré tout voués à disparaître, il faut le faire savoir, car, comme l'a souligné le président de la commission des lois, nous devons nous attacher à offrir le plus de transparence possible à nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Depuis la loi de 2000, la distinction est très claire entre la notion de tarif, qui s'applique au secteur régulé, et celle de prix, qui s'applique au secteur concurrentiel. Il convient de repousser cet amendement, afin d'éviter toute confusion.

M. Jean Dionis du Séjour. C'est justement ce qui est proposé !

M. le président. La parole est à M. François-Michel Gonnot.

M. François-Michel Gonnot. Si je ne suis pas convaincu par l'argumentation de M. le rapporteur, je suis très sensible à la remarque qu'a faite tout à l'heure M. le ministre, selon laquelle les tarifs concernent non seulement les clients non éligibles, mais aussi ceux qui, tout en étant dans le secteur concurrentiel, décident de ne pas faire jouer leur éligibilité. Si le Gouvernement estime qu'il est trop lourd de sous-amender pour apporter cette précision, je veux bien retirer mon amendement.

M. le ministre délégué à l'industrie. Je vous remercie, monsieur Gonnot.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Effectivement, les choses ne sont pas aussi simples que le prétend M. le rapporteur, puisqu'il y a des clients éligibles qui restent au tarif. Il faut prendre garde à ne pas accroître la complexité et l'opacité du dispositif, à trop vouloir en simplifier la présentation.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Certainement pas !

M. François Brottes. Cela n'éclaire pas nos débats, et si vous continuez à agir ainsi, nous allons être obligés de reprendre certains arguments et de poser à nouveau certaines questions pour que tout soit clair et que les usagers s'y retrouvent, ce qui n'est vraiment pas le cas pour l'instant.

M. le ministre délégué à l'industrie. Je vous en prie : tout, mais pas ça ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 1184 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 1268 de M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1268.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1645.

La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le soutenir.

M. Jacques Desallangre. L'amendement n° 1645 propose de supprimer les mots « des entreprises » à la fin de l'avant-dernier alinéa de l'article 1er, afin de supprimer une restriction au principe d'une grande politique de recherche et de développement.

En droit, la précision rédactionnelle est une chose importante. Combien de lois ont dû être remises sur le métier parce qu'elles avaient été élaborées dans l'urgence ? Cette question de la précision rédactionnelle mérite d'être soulevée, car il est fréquent que l'ordre du jour se trouve encombré par le réexamen de questions que l'on croyait pourtant avoir réglées durablement.

Le problème de l'accès au droit et de son intelligibilité est tout aussi important, et nous devons l'avoir constamment à l'esprit dans le cadre de nos travaux. Par exemple, tous ceux qui ont lu le vingtième rapport du Conseil des impôts relatif aux relations entre les contribuables et l'administration fiscale, savent que la codification actuelle du droit fiscal ne garantit plus l'intelligibilité et l'accessibilité à la norme. Les auteurs de ce rapport déplorent que la refonte du code général des impôts n'ait pas été envisagée dans le cadre des nouvelles procédures de codification. Le code est ainsi devenu largement inintelligible. Le vocabulaire est parfois désuet, et la rédaction souvent obscure. Par ailleurs, certains articles sont trop longs et ont perdu de leur cohérence. Enfin, la lecture directe de la loi applicable n'est plus possible en raison de l'usage systématique d'innombrables renvois.

« Nul n'est censé ignorer la loi » : nous savons tous à quel point cela est illusoire, et pourtant il convient de ne jamais perdre de vue cette exigence citoyenne. Mais encore faut-il faciliter l'effort d'accès au droit en promouvant une rédaction aussi peu ésotérique que possible.

Ces nécessaires rappels ayant été faits, j'en viens au véritable objet de notre amendement. Nous nous sommes aperçus, à l'occasion de la lecture du projet de loi, que le huitième alinéa de l'article 1er présentait une difficulté. Cet alinéa dispose que les contrats conclus entre l'État et les entreprises exerçant des missions de service public portent notamment sur « la politique de recherche et développement des entreprises. » À nos yeux, cette rédaction fort ambiguë peut être à l'origine de conflits d'interprétation. Elle mérite d'être corrigée, car elle pourrait donner lieu à une lecture particulièrement perverse. On pourrait par exemple déduire de la lecture de ce huitième alinéa que les contrats de service public visent tout autant à renforcer la politique de recherche qu'à assurer le développement des entreprises, l'un et l'autre se mélangeant sans qu'il y ait de priorité.

Par expérience, on sait que service public et recherche du profit par des entreprises privées ne font pas nécessairement bon ménage. La croissance externe d'EDF ces dernières années, une EDF déjà inscrite par anticipation dans la logique libérale, est allée de pair avec la fermeture d'agences en France, alors que la présence d'agences sur tout le territoire constitue à nos yeux le cœur des missions de service public.

Par cet amendement, nous souhaitons supprimer de l'avant-dernier alinéa les mots « des entreprises », afin d'éviter toute méprise sur les intentions du législateur. Un contrat de service public peut comprendre des objectifs en matière de politique de recherche et développement ; en revanche, un contrat digne de ce nom n'a pas à se focaliser sur le développement des entreprises, au risque de laisser croire que leur croissance, le plus souvent externe ou financière, prime sur le service public.

Quoi qu'il en soit, il semble nécessaire, mes chers collègues, d'adopter cet amendement purement rédactionnel en apparence, mais qui a le mérite de vous permettre de lever une ambiguïté, tout en montrant que votre attachement au service public ne se réduit pas aux discours dont on désespère d'observer une traduction dans les faits.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis défavorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis.

M. Jacques Desallangre. Vous n'êtes pas attachés au service public !

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Il me semble que ne pas adopter cet amendement serait une grave erreur. Quinze jours après le débat relatif à la loi d'orientation sur l'énergie, lors duquel vous avez eu l'occasion de défendre votre choix, celui de l'EPR, qui peut penser que l'avenir de l'énergie ne dépend pas de la recherche et des nouveaux savoirs ? Qui ne rêverait pas d'une source d'énergie qui ne pillerait pas les ressources naturelles, ne produirait pas de déchets radioactifs et n'aurait pas pour effet de détruire la couche d'ozone ?

La loi d'orientation sur l'énergie prévoit qu'une part de la production sera assurée par des énergies renouvelables, lesquelles dépendent des progrès de la recherche, notamment de la recherche fondamentale. Vous ne pouvez donc restreindre le principe d'une grande politique de recherche et de développement au seul secteur des entreprises. À cet égard, les quatre ou cinq dernières années ont été très instructives, et vous devriez en tirer la leçon. Dans le domaine des télécoms, par exemple, les entreprises ont fait très peu d'efforts en termes de recherche fondamentale, et cette carence n'a malheureusement pas été compensée par la recherche publique, victime au même moment de restrictions de crédits.

La recherche et le développement doivent constituer une priorité dans l'entreprise, mais aussi dans les laboratoires, car on sait très bien qu'au fur et à mesure, a fortiori quand vous aurez privatisé, les premières coupes claires se feront sur les recherches de moyen à très long terme. Faisons donc en sorte que la recherche publique, au moins, continue à être financée.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Nos collègues communistes ont raison de dire que la recherche et le développement ne doivent pas être l'apanage des entreprises, ce qui serait extrêmement dangereux.

Afin de rallier le Gouvernement à notre position, je propose, plutôt que de supprimer les mots « des entreprises », d'ajouter le mot « notamment » ...

M. le ministre délégué à l'industrie. Ah oui, le fameux « notamment » !

M. François Brottes. ...ce qui permettrait, tout en ciblant expressément les entreprises, conformément à votre souhait, monsieur le ministre, de ne pas restreindre à celles-ci la politique de recherche et de développement, afin de répondre à la préoccupation de nos collègues communistes et aux remarques de Pierre Cohen. Vous conviendrez qu'en faisant cette proposition, nous essayons une fois de plus d'être constructifs et d'améliorer la qualité du texte.

M. le ministre délégué à l'industrie. Et comment !

M. François Brottes. Je vous sais capable, monsieur le ministre, d'écouter et éventuellement de prendre en compte - trop rarement, de notre point de vue - certaines remarques qui vous semblent pertinentes.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l'industrie. N'y voyez aucun entêtement de ma part, monsieur Brottes, mais je vous rappelle que l'article 1er concerne les entreprises. La politique de recherche dont il est ici question est donc bien celle des entreprises. Quant au « notamment » que vous proposez, cela n'en ferait jamais que trois dans le même article, et si tous vos amendements avaient été acceptés, nous en aurions une quarantaine !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Si cet article traite des entreprises, pourquoi préciser « des entreprises » dans ce seul alinéa ? Monsieur le ministre, vos propos confirment la nécessité d'adopter cet amendement. L'explication que vous venez de nous donner prouve le contraire de ce que vous avancez.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1645.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-six amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 477 rectifié à 489 rectifié sont identiques.

Les amendements nos 933 à 944 sont identiques.

L'amendement n° 1692 est présenté par M. Daniel Paul.

La parole est à M. Christian Bataille, pour soutenir l'amendement n° 477 rectifié.

M. Christian Bataille. Monsieur le ministre, vous précisez, à l'article 1er , que les nouveaux contrats devront notamment porter sur les exigences de service public en matière de sécurité d'approvisionnement et de qualité du service rendu aux consommateurs, sur les moyens permettant d'assurer l'accès au service public, sur les modalités d'évaluation des coûts entraînés par la mise en œuvre du contrat, sur l'évaluation pluriannuelle des tarifs de vente, sur la politique de recherche.

Nous vous proposons, quant à nous, d'ajouter un alinéa portant sur les exigences en matière de protection de l'environnement. En effet, la politique de l'environnement est au cœur de la politique de l'énergie. Depuis le début de cette discussion, nous avons souvent évoqué le problème des changements climatiques et la nécessité de prévoir des choix énergétiques qui tiennent compte de ce phénomène, car les fournitures d'énergie sont directement liées aux changements climatiques.

L'électricité que nous consommons provient à 75% de l'énergie nucléaire, qui n'a pas d'incidence sur l'effet de serre. Le gaz, au contraire, est une énergie fossile qui produit de l'effet de serre, tout comme les énergies à temps de retour plus bref, qui influent aussi sur les changements climatiques de manière plus éloignée mais incontestable.

Voilà pourquoi l'alinéa portant sur les exigences en matière de protection de l'environnement complète utilement l'énumération figurant à l'article 1er sans lui nuire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Monsieur Bataille, j'ai une proposition honnête à vous faire. Votre préoccupation est justifiée, mais je la trouve mieux prise en compte par l'amendement n° 933, dont la rédaction me semble meilleure.

M. Jean Dionis du Séjour. C'est vrai !

M. le ministre délégué à l'industrie. Si vous acceptez de retirer l'amendement n° 477 rectifié, le Gouvernement émettra un avis favorable sur l'amendement n° 933.

M. François-Michel Gonnot. Le Gouvernement est très constructif !

M. le président. Acceptez-vous cette proposition, monsieur Bataille ?

M. Christian Bataille. Je suis tout à fait d'accord, monsieur le président.

M. le président. Et vous, monsieur Brottes ?

M. François Brottes. Les signataires des douze amendements identiques à l'amendement n° 477 rectifié prennent acte de la volonté du Gouvernement de prendre en compte les exigences en matière de protection de l'environnement, qui sont devenues des missions d'intérêt général, donc de service public. Du reste, nous n'aurions pas compris qu'il adopte une position différente, qui aurait été en contradiction totale avec les vœux formulés par le Gouvernement dans le projet de loi d'orientation sur l'énergie.

Je considère donc que, dès lors que ceux qui le souhaitent auront pu s'exprimer sur cette série d'amendements, nous pourrons accepter la proposition du ministre visant à émettre un avis favorable sur les amendements identiques nos 933 à 944.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, je vais vous prouver qu'il ne s'agit pas pour nous de bloquer la discussion.

Dans son amendement n° 1692, le groupe communiste souhaitait lui aussi préciser que les préoccupations environnementales et, en particulier, le réchauffement de la planète doivent être prises en compte. Nous nous félicitons donc que vous acceptiez l'amendement n° 933. Selon nous, en effet - c'est d'ailleurs l'un de nos leitmotiv -, la privatisation, le changement de statut portent en germe une réduction des capacités de production du fait, tout simplement, qu'il faudra rémunérer le capital privé investi. Dès lors, pour faire face aux pics de la demande, il sera nécessaire de faire appel à des centrales moins compétitives en termes de protection de l'environnement. Dans ces conditions, tout ce qui peut contribuer à faire prendre en compte l'indispensable politique de protection de l'environnement, y compris l'utilisation rationnelle des énergies et la lutte contre l'effet de serre, va dans le bon sens.

Je retire donc l'amendement n° 1692 au profit de l'amendement n° 933 de notre collègue Bataille.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout, pour soutenir l'amendement n° 483 rectifié.

M. Pierre Ducout. J'ai bien entendu les arguments avancés par Christian Bataille et j'ai bien compris quelle était la position du Gouvernement sur l'amendement 477 rectifié. J'ai présenté, quant à moi, l'amendement n° 483 rectifié qui lui est identique et qui vise globalement « les exigences en matière de protection de l'environnement ». Il faut en effet insister sur la nécessité d'utiliser de façon rationnelle les énergies et de lutter contre l'effet de serre, comme le prévoit l'amendement n° 933, mais n'oublions pas qu'il faut aussi prendre en compte les problèmes de protection des paysages, de qualité de l'air...

M. le ministre délégué à l'industrie. Je crois que je vais changer d'avis...

M. Pierre Ducout. Monsieur le ministre, ce n'est pas parce que vous acceptez un de nos amendements que nous devons cesser de nous exprimer. En soutenant mon amendement, je ne cherche absolument pas à faire perdre du temps à l'Assemblée.

M. le ministre délégué à l'industrie. Alors ne sortez pas du cadre de votre amendement !

M. Pierre Ducout. Je le défends très précisément, monsieur le président.

M. le ministre délégué à l'industrie. Parlez-nous plutôt du 933, le plus intéressant !

M. Pierre Ducout. Je veux insister sur le fait que la qualité de l'air est un élément particulièrement important. Il suffit de voir quelle est la situation dans les anciens Länder allemands avec l'utilisation du lignite ou dans les grandes villes de Chine chauffées au charbon.

De même, je veux insister à nouveau, monsieur le ministre, sur l'importance de la préservation des paysages puisque vous n'étiez pas là lorsque j'ai soutenu la motion de renvoi en commission. Cet élément peut avoir une incidence sur le développement des réseaux électriques. Je vous rappelle les difficultés que nous avons eues en 1996 lorsque le gouvernement Juppé avait arrêté le projet de liaison haute tension entre la France et l'Espagne. Le développement durable ne peut être envisagé que si l'on considère en parallèle le progrès social, le progrès économique et la protection de l'environnement. Le progrès économique n'a de sens que si l'on prend en compte ce qui est économiquement supportable.

De ce point de vue, tout abaissement de la qualité de l'environnement, toute altération du paysage résultant de la réalisation de grandes infrastructures ou de nouvelles lignes doit impliquer une juste compensation des nuisances. Or la loi est actuellement trop restrictive en la matière. La valeur du patrimoine des riverains peut pourtant être gravement affectée. Il faudrait envisager des dispositions comparables à celles en vigueur pour les aéroports.

S'agissant de l'effet de serre, nous ne pouvons qu'accompagner l'action menée par le Président de la République. Nous souhaitons même aller au-delà car nous déplorons que, pour l'heure, le Président des Etats-Unis ne veuille pas prendre en compte le risque que l'augmentation des gaz à effet de serre fait courir à l'ensemble de l'humanité.

M. le président. Les amendements nos 477 rectifié à 489 rectifié sont retirés, ainsi que l'amendement n° 1692.

La parole est à M. Christian Bataille, pour soutenir l'amendement n° 933.

M. Christian Bataille. Merci, monsieur le ministre, pour vos bonnes paroles sur cet amendement. En effet, la politique de protection de l'environnement inclut l'utilisation rationnelle des énergies et la lutte contre l'effet de serre. Utiliser de façon rationnelle les énergies implique que toutes les énergies sont acceptables mais qu'il doit y avoir - on a du mal à s'entendre sur le terme - un bouquet d'énergies permettant de lutter contre l'effet de serre. Je pense en particulier aux énergies renouvelables. Nous avons récemment évoqué ici l'énergie éolienne et l'énergie solaire. Je veux y ajouter la petite hydraulique - et M. le président de la commission des affaires économiques doit organiser la réflexion sur ce point comme il s'est proposé de le faire -.

Toutes ces énergies concourent à la lutte contre l'effet de serre et je vous remercie, monsieur le ministre, d'accepter d'inclure cet amendement dans le texte du projet qui nous est soumis.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cet amendement d'ores et déjà accepté par le Gouvernement ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je comprends bien que vous ne souhaitiez pas que nous nous exprimions tous sur ces amendements dès lors que le Gouvernement les a acceptés. Monsieur le ministre, il est vrai que, ce faisant, vous avez fait œuvre d'utilité publique...

M. François-Michel Gonnot. Il a surtout fait preuve d'intelligence !

M. François Brottes. Vous avez en effet accepté cet amendement majeur sur la protection de l'environnement, dont l'adoption va d'ailleurs en faire tomber une cinquantaine. Mais il me semble important de m'assurer que vous ne l'acceptez pas uniquement pour raccourcir le débat. Dans la mesure où il n'y aura qu'une lecture dans chacune des deux Assemblées, il ne faudrait pas en effet que des amendements de suppression déposés au Sénat reviennent sur les dispositions que vous avez acceptées ici. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je ne fais pas de procès d'intention. Je souhaite simplement que cela figure au Journal officiel et qu'il soit bien précisé que nous sommes là dans une approche de fond et non de forme.

M. François-Michel Gonnot. Nous y veillerons en commission mixte paritaire !

M. François Brottes. Je sais, monsieur le ministre, que vous ne jouez pas à ce jeu-là. Mais il me paraît important de prendre date.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l'industrie. Le Gouvernement n'a nullement l'intention de se livrer à ce petit jeu, monsieur Brottes. Vous lui reprochez de n'accepter vos amendements qu'avec parcimonie...

M. François Brottes. C'est le mot !

M. le ministre délégué à l'industrie. ...mais il le fait toujours à bon escient. (Sourires.) Il ne jouera donc pas la suppression au Sénat.

Reste que la Haute assemblée possède également un droit d'amendement. Si elle souhaite élargir ou améliorer cette disposition environnementale, je veillerai à ce que l'esprit en soit maintenu.

Vient ensuite la CMP, qui sera, je pense, présidée par M. Ollier...

M. François Brottes. C'est une garantie !

M. François-Michel Gonnot. Nous sommes sauvés ! (Sourires.)

M. le ministre délégué à l'industrie. ...et qui devrait de ce fait donner satisfaction à l'Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Le groupe UDF soutient cet amendement, qui va dans le sens d'une remarque que j'avais formulée hier et à laquelle M. le ministre avait répondu en s'engageant à faire bouger le texte. Je lui en sais gré, mais souhaite proposer un sous-amendement visant à remplacer les termes : « et la lutte contre l'effet de serre » par les termes : « et la protection du climat ».

M. François-Michel Gonnot. La « protection du climat », c'est la promesse du beau temps !

M. Jean Dionis du Séjour. En matière d'objectifs, en effet, c'est de protection du climat que parle la directive européenne. La lutte contre l'effet de serre est un moyen de respecter le climat, mais ce n'est pas le seul : le cycle de l'eau, par exemple, peut avoir lui aussi un impact sur le climat. J'invite donc mes collègues socialistes à accepter ce sous-amendement.

M. le président. Le mot « protection » figurerait alors deux fois dans ce membre de phrase, mon cher collègue : « la politique de protection de l'environnement, incluant l'utilisation rationnelle des énergies et la protection du climat ».

M. Jean Dionis du Séjour. C'est exactement le texte de la directive. La formulation est un peu lourde, j'en conviens, mais elle est plus forte en termes d'objectifs. Je le répète, la lutte contre l'effet de serre est un moyen parmi d'autres de s'opposer à la dégradation du climat.

M. le président. Qu'en pensez-vous, monsieur Bataille ?

M. Christian Bataille. Je préfère que l'on s'en tienne à la rédaction que nous avons proposée. L'expression « la protection du climat » est tout à fait discutable, car le climat n'est que le thermomètre, si je puis dire, qui permet de constater des altérations. Affirmer que nous protégeons les instruments de constatation ne nous avance pas à grand-chose. Il me paraît plus dynamique de mentionner la lutte contre l'effet de serre.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, et M. François-Michel Gonnot. Bien sûr !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l'industrie. Le Gouvernement préfère la rédaction de M. Bataille. Veuillez m'en excuser, monsieur Dionis du Séjour.

M. le président. Maintenez-vous votre sous-amendement, monsieur Dionis du Séjour ?

M. Jean Dionis du Séjour. Je le retire, dans un esprit constructif et pour améliorer le climat ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 933...

M. Pierre Ducout. J'avais demandé la parole auparavant, monsieur le président !

M. le président. Il me semble, mon cher collègue, que la liberté d'expression est déjà très grande dans cette discussion. M. Bataille a défendu son amendement, M. Brottes le sien, vous le vôtre, et le débat a eu lieu.

Je mets donc aux voix par un seul vote les amendements nos 933 à 944.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Compte tenu de l'évolution des débats, monsieur le président, je souhaiterais réunir mon groupe et je vous demande la faveur d'une suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi de quatorze amendements, nos 490 rectifié à 502 rectifié et n° 190, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 490 rectifié à 502 rectifié sont identiques.

La parole est à M. Christian Bataille, pour soutenir l'amendement n° 490 rectifié.

M. Christian Bataille. Nous vous remercions, monsieur le ministre, de votre soutien à l'amendement précédent. Celui-ci ne fait que le compléter. Je me contenterai donc de souligner l'importance des énergies renouvelables, qui mériteraient un meilleur développement de notre pays car elles permettent de lutter contre le réchauffement climatique. Elles doivent trouver toute leur place dans le « bouquet énergétique » national.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. L'amendement est satisfait : avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Il me semble également que l'amendement est satisfait.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Selon les informations dont nous disposons, nous avons toutes les raisons de penser qu'il convient d'anticiper dès à présent la survenue, bien avant 2015, d'une situation d'insuffisance des moyens de production d'électricité. Sans être alarmistes, nous jugeons que cette hypothèse devrait se concrétiser, selon toute vraisemblance, aux alentours des années 2008-2010.

Le gestionnaire du réseau de transport d'électricité, RTE, vient de mettre à jour le bilan prévisionnel de l'équilibre production-consommation pour la période 2006-2015, lequel confirme qu'il est indispensable de lancer le plus rapidement possible la construction de nouveaux moyens de production. Il constate que le besoin de nouveaux moyens à la pointe se fera sentir entre 2006 et 2010, qu'il faudra mettre en service des moyens de semi-base avant la fin de la décennie, et que le début du renouvellement du parc du nucléaire devra avoir lieu autour de 2020.

Les premiers problèmes à la pointe pourraient intervenir dès 2008, au point même que l'éventualité de coupures tournantes - déjà évoquée, au demeurant, lors de la canicule de l'été dernier - ne peut être écartée. Cette hypothèse est d'autant plus crédible que les analystes envisagent une remontée brutale des prix de l'électricité en Europe autour de 2008, due à une insuffisance de l'offre et étroitement liée au processus d'ouverture à la concurrence.

Une telle prévision ne saurait donc être prise à la légère.

Il faut compter dix à douze ans entre la décision de construire une centrale nucléaire et la disponibilité de l'énergie produite sur le réseau. La mise en service de l'EPR aurait donc lieu au mieux en 2014 et non pas, comme on le prétend parfois, en 2010 ou en 2012. Or le scénario minimal de RTE prévoit la nécessité d'engager 1 000 mégawatts par an à partir de 2008-2010.

Dans le cadre de la loi du marché que vous souhaitez imposer avec ce texte, qui effectuera les investissements nécessaires et à quel prix ? Croyez-vous vraiment que, sommés de mettre la main à la poche, les investisseurs privés ne rechigneront pas ? Et si, contraints et forcés, ils s'y résignent, croyez-vous vraiment qu'ils mettront en œuvre les moyens les moins polluants ? Bien sûr que non ! Le plus facile, pour produire de l'électricité, sera de brûler du pétrole ou du gaz au mépris de l'intérêt général et des engagements internationaux de la France.

C'est pourquoi, je le répète, la nationalisation est la seule solution adaptée pour que notre pays réalise des investissements très lourds et à très long terme. Peut-être avez-vous une solution de rechange, monsieur le ministre : nous serions heureux de l'apprendre. Mais ce ne saurait être la concurrence, dont l'échec est historiquement acté.

M. le président. Vous avez donc défendu l'amendement n° 1690, monsieur Chassaigne ?

M. André Chassaigne. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour défendre l'amendement n° 493 rectifié.

M. François Brottes. Vous avez accepté, monsieur le ministre, que soit mentionnée dans les contrats la nécessité de protéger l'environnement, ce qui implique, en conséquence, de développer de manière volontariste les énergies renouvelables.

Nous étions plusieurs, lors de l'examen de la loi d'orientation sur l'énergie, à vous reprocher de ne pas être suffisamment volontariste. M. Sarkozy, qui est venu dans ma commune en début de semaine, a indiqué que le volontarisme n'était pas l'ennemi du libéralisme. L'occasion vous est donnée d'en faire la preuve.

Si on ne demande pas à l'opérateur historique, en l'occurrence EDF, qui est le plus gros opérateur sur le marché, de s'investir fortement dans les énergies renouvelables, ces filières auront beaucoup de mal à se développer dans notre pays. C'est pourquoi il nous paraît très important que cette contrainte figure clairement dans le contrat qui liera l'État à l'entreprise.

La question des obligations d'achat, celle du démarrage de nouvelles filières est au cœur du débat sur le développement des énergies renouvelables et donc de la lutte pour l'amélioration du climat, comme le disait Jean Dionis du Séjour, en tout cas de la lutte contre l'effet de serre. Je ne comprends pas pourquoi l'approche constructive qui a été la vôtre, monsieur le ministre, s'agissant de la protection de l'environnement, s'arrêterait à un alinéa stipulant clairement l'exigence de l'État en matière d'utilisation des énergies renouvelables, notamment par l'entreprise Électricité de France.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen, pour soutenir l'amendement n° 494 rectifié.

M. Pierre Cohen. Cet amendement répond à un double souci. Le premier, que nous avons déjà maintes fois exprimé, est que le contrat ne doit pas être une simple négociation entre l'État et une entreprise. Notre groupe est opposé à cette notion de contrat, en particulier dès lors qu'il sera conclu avec une entreprise qui ne sera pas forcément imprégnée du même esprit public qui, jusqu'à aujourd'hui, pouvait inspirer une certaine confiance. Encore que quelques dérives aient pu être déplorées quand l'État ne jouait pas tout son rôle à l'égard des entreprises publiques. Qu'en sera-t-il quand les entreprises ne seront publiques que par le nombre de parts détenues par l'État et qu'elles fonctionneront selon une logique d'entreprise ?

Notre double souci est donc d'énoncer le plus complètement possible tous les éléments qui constitueront le contrat et de décliner précisément l'ensemble des dispositions prévues dans la loi d'orientation sur l'énergie. Cette loi, nous ne l'avons pas votée, mais elle comportait tout de même des éléments forts...

M. le ministre délégué à l'industrie. Tout arrive !

M. Pierre Cohen. ...comme la création de l'EPR, mais aussi la volonté de promouvoir, dans les prochaines années, notre désengagement progressif du nucléaire en faisant de plus en plus de place aux énergies renouvelables. Cela me semble être d'autant plus sensé que nos concitoyens, au fil du temps, souhaiteront se libérer de notre dépendance énergétique et disposer d'énergies qui n'épuisent pas nos ressources.

M. le président. La parole est à M. David Habib, pour soutenir l'amendement n° 500 rectifié.

M. David Habib. Cet amendement a non seulement les vertus que viennent de rappeler mes collègues, mais il fixe également à EDF et à GDF la mission de favoriser la diffusion et la valorisation des énergies renouvelables ainsi que le développement de la recherche sur ce segment d'activité.

Lors d'une précédente intervention, je me suis permis d'exprimer l'avis selon lequel, en France, les énergies renouvelables n'avaient pas gagné les parts de marché auxquelles elles auraient pu prétendre faute peut-être d'avoir trouvé un écho particulier auprès d'opérateurs industriels ou de leur avoir confié la promotion de leur développement. En donnant cette responsabilité aux nouvelles sociétés EDF et GDF, on conforterait la volonté de voir les énergies renouvelables appréhendées par un opérateur industriel qui saura faire profiter une cause dont personne ne conteste la justesse de ses compétences et de ses capacités techniques, tant en termes commerciaux qu'industriels.

Voilà pourquoi, au-delà des arguments qui ont été avancés jusqu'à présent, je souhaite que cet amendement puisse être retenu. Nous sommes, sur ce plan-là, dans le droit fil des discussions qui ont eu lieu lors du débat du mois d'avril et lors de l'examen de la loi d'orientation sur l'énergie.

Vous vous étonniez, monsieur le ministre, que mon collègue Pierre Cohen rende hommage à cette loi.

M. Pierre Cohen. À un point de la loi !

M. David Habib. Nous avons été nombreux à dire qu'elle était porteuse d'éléments susceptibles de trouver un écho quasi unanime au sein de cette assemblée,...

M. François Brottes. Nous ne sommes pas sectaires !

M. le ministre délégué à l'industrie. Quel bonheur !

M. David Habib. ...ne serait-ce que parce que vous repreniez parfois des propositions de vos prédécesseurs, même issus de nos rangs.

M. le ministre délégué à l'industrie. Nous ne sommes pas sectaires non plus !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les treize amendements identiques et sur l'amendement n° 1690 ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission est défavorable, je l'ai dit, aux amendements identiques des députés du groupe socialiste, dont l'ambition est assez étroite. Il ne s'agit ici que de faire assumer des missions de service public à la seule entreprise EDF. Et les autres ?

Par ailleurs, je serais intéressé de savoir quelles sont les énergies renouvelables que peut développer Gaz de France ?

Quant à M. Chassaigne, qui manifestait une légitime impatience de voir arriver l'EPR, je lui rappelle ce que déclarait Vladimir Ilitch Oulianov, alias Lénine : « L'impatience n'est pas une vertu révolutionnaire. »

M. Augustin Bonrepaux. C'est tout ce qu'il a à dire, le rapporteur ?

M. le président. Le Gouvernement a déjà donné un avis défavorable sur les amendements identiques. Qu'en est-il pour le n° 1690 ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Avis défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 490 rectifié à 502 rectifié.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1690.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1685.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Nous avons déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, et sur différents bancs : la privatisation d'EDF, c'est la spoliation du peuple français. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Daniel Paul. En droit constitutionnel, c'est ainsi !

M. le ministre délégué à l'industrie. Mais non !

M. Daniel Paul. On pourrait recommencer le débat, si vous le voulez, monsieur le ministre.

La privatisation d'EDF est donc la spoliation du peuple français au profit d'actionnaires privés, auxquels vous allez transférer la rente. L'amortissement des centrales nucléaires françaises, qui sont économiques, rend possible désormais une baisse des tarifs d'au moins 10 %. Or, au lieu de cette baisse, la privatisation entraînera une augmentation, car la part énergie des tarifs, qui représente 50 % environ de la facture de l'usager, deviendrait concurrentielle, c'est-à-dire fixée librement à la bourse de l'électricité et du gaz, où les grandes firmes européennes s'alignent sur les prix durablement à la hausse des futures centrales. Cette hausse est de 50 % depuis deux ans et sera au moins de 20 %, à 40 % dans les deux prochaines années.

Où ira la différence entre ces prix en hausse et les coûts de revient en baisse, ce que certains appellent la rente du nucléaire français ? Certainement pas vers les investissements dans la recherche d'une meilleure productivité et éventuellement d'une réduction des prix, mais évidemment vers la seule rentabilité financière pour les investisseurs. Voilà comment seront spoliés les Français : non seulement ils ne bénéficieront pas d'une réduction des prix, mais ils finiront par payer l'électricité plus cher que si EDF était restée publique.

On mesure bien que la satisfaction des appétits des actionnaires ne fera pas bon ménage avec la volonté d'assurer le maintien d'une capacité suffisante d'autofinancement des investissements réalisés, comme le propose le présent amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je souhaite revenir à la question des investissements réalisés par les opérateurs publics.

Monsieur le ministre, vous nous expliquez que nous sommes obligés de changer le statut d'EDF parce que cette entreprise n'a pas pu réaliser les opérations qu'elle souhaitait en Italie. J'ai là une dépêche de l'agence Reuter datée du 22 juin, hier, qui plaide à la fois en faveur de la fusion d'EDF et GDF et du maintien de leur statut. Cette dépêche annonce en effet qu'un consortium formé par EDF et Gaz de France a acquis auprès de l'État polonais - qui, comme l'Italie, fait partie de l'Union européenne - une participation de 36,3 % dans le producteur d'électricité Wybrzeze pour un montant de 56,3 millions d'euros. Opérateur majeur sur le marché polonais de l'électricité, EDF avait déjà acquis 45 % de cet opérateur en 2000 pour près de 62 millions d'euros.

Comme vous le voyez, l'expansion sur la scène internationale de nos champions nationaux que sont les établissements publics, les EPIC, n'est pas interdite et chaque jour fournit la preuve qu'ils peuvent, avec leur statut, gagner des parts de marché. Quel est donc l'intérêt d'en changer, comme vous le proposez à l'article 22 ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1685.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de treize amendements identiques, nos 503 à 515.

La parole est à M. Christian Bataille, pour soutenir l'amendement n° 503.

M. Christian Bataille. Avant de défendre mon amendement, je ferai remarquer à mon excellent collègue Jean-Claude Lenoir que le Gouvernement a suffisamment insisté sur la nécessité de libérer les entreprises publiques du principe de spécialité pour que l'on puisse concevoir que Gaz de France produise de l'énergie à partir d'autres sources que le gaz.

L'amendement n° 503 tend à inscrire dans la loi que les contrats prévus à l'article 1er sont assortis d'indicateurs de résultats, le Parlement étant informé annuellement de leur évolution.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l'industrie. Si M. Bataille acceptait que, par cohérence avec un amendement adopté cette nuit, l'adverbe « annuellement » soit remplacé par « triennalement », le Gouvernement serait favorable à son amendement.

M. le président. Monsieur Bataille, acceptez-vous la rectification proposée par le Gouvernement ?

M. Christian Bataille. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission avait émis un avis défavorable sur l'amendement n° 503, mais je suis sûr qu'elle l'aurait accepté avec la rectification proposée par M. le ministre.

M. le président. D'autres auteurs d'un de ces amendements identiques souhaitent-ils s'exprimer sur la rectification proposée par le Gouvernement ?

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. M. le ministre a noté la cohérence de notre démarche et accepte, moyennant une modification de délai, nos amendements. Je suis favorable à la rectification de l'amendement n° 506 comme M. Bataille l'a été pour l'amendement n° 503. Elle est cohérente avec l'amendement adopté cette nuit qui prévoit un débat au Parlement dans trois ans sur la bonne application de cette loi. Les rendez-vous prévus à l'article 1er ne donneront pas plus de transparence aux contrats eux-mêmes, qui seront toujours élaborés sans le Parlement, mais ils nous permettront d'en débattre et d'en assurer le suivi. Nous saluons les efforts de M. le ministre en la matière.

M. le président. Les amendements identiques nos 503 à 515, après le remplacement de « annuellement » par « triennalement », deviennent les amendements nos 503 rectifié à 515 rectifié.

Je les mets aux voix par un seul vote.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1643.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Les contrats prévus à l'article 1er définissent les modalités de mise en œuvre des missions de service public assignées aux entreprises énergétiques. Cela n'est pas vraiment choquant. On peut même considérer que l'exécutif joue son rôle d'applicateur de la volonté du législateur.

Mais ces contrats fixent également les objectifs des missions de service public. On saisit mal la différence qui existe entre « objectifs » et « missions ». À nos yeux, c'est au peuple, directement ou par l'intermédiaire de ses représentants, qu'il revient de déterminer les missions de service public. Cependant, la substitution du contrat à la loi permet de définir une sorte d'intérêt général qui n'est plus l'intérêt de la collectivité mais celui des agents économiques les plus puissants. La liberté du contrat, en l'occurrence, ressemble à s'y méprendre à celle du renard dans le poulailler !

Quels sont les principes fondateurs de notre démocratie parlementaire ? La loi, expression de la volonté générale selon la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, est en fait l'expression de la volonté du peuple souverain, de la collectivité. Seule cette expression permet de déterminer l'intérêt général, qui est l'intérêt de la collectivité.

Le contrat entre l'État et une entreprise ne peut pas exprimer cet intérêt général de la collectivité. L'État n'exprime pas la volonté de la nation. Il n'est que le titulaire abstrait du pouvoir qui s'exprime par des organes, tels les ministres. Cela a pour conséquence que l'État est soumis à la volonté de la nation, qu'il doit traduire en actes.

Forts de ce constat, nous estimons non seulement utile, mais encore nécessaire de préciser que les contrats visés à l'article 1er du projet de loi seront soumis à l'approbation du Parlement. Cela nous semble la moindre des choses. Nous espérons, bien que ce soit rare ces derniers temps dans l'hémicycle, que la raison l'emportera et que notre suggestion fera l'unanimité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis défavorable. Ce que notre collègue demande fait justement l'objet de l'article 1er. Son amendement est donc satisfait. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis que la commission.

M. Daniel Paul. Il y a tromperie sur la marchandise !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Il faut que nous reprenions nos esprits. Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas dire que l'amendement de notre collègue est satisfait par le contenu de l'article. Si vous avez accepté qu'il y ait un débat au Parlement, trois ans après la promulgation de cette loi, sur l'application de celle-ci et l'évolution des contrats, vous avez toujours refusé que les contrats eux-mêmes soient soumis au Parlement. Vous nous devez une explication !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je suis époustouflé par la réponse du rapporteur. Il a cité tout à l'heure, sans doute pour montrer qu'il avait des lettres, Vladimir Ilitch Oulianov. Sachez que Lénine a aussi parlé, en certains temps, du « crétinisme parlementaire ». La contrevérité que M. le rapporteur vient de dire en est une illustration ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué à l'industrie. M. Oulianov était un fasciste !

M. André Chassaigne. Sans doute moins que vous ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. Chers collègues, retrouvons la mesure qui caractérisait nos débats jusqu'à maintenant !

M. Pierre Cohen. M. le rapporteur n'a pas répondu à la question de M. Brottes !

M. le ministre délégué à l'industrie. Nous ne répondons pas aux injures !

M. Pierre Cohen. M. Brottes n'a proféré aucune injure !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1643.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1269.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Nous achevons l'examen de l'article 1er...

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Tout arrive !

M. Daniel Paul. ...et nous vous proposons même d'accélérer le mouvement puisque notre amendement n° 1269 tend à supprimer le dernier alinéa.

Une conception du service public réduite à son strict minimum, voilà ce qu'il nous est, en définitive, proposé d'entériner. Nous avons tenté, sans succès jusqu'à présent, du moins auprès de vous, de faire admettre que c'est inacceptable.

La question de la rentabilité financière est en effet au cœur de l'article 1er. Si son dernier alinéa est porteur de l'exigence de contribuer « à la cohésion sociale, notamment au travers de la péréquation nationale des tarifs de vente de l'électricité aux consommateurs domestiques, de l'harmonisation de ces tarifs en gaz et de la péréquation des tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution », cette exigence ne s'impose qu'à EDF et à GDF et pas aux autres opérateurs, ce qui crée une situation défavorable pour les opérateurs historiques.

Cela prouve que le Gouvernement a une conception de la concurrence peu conforme au modèle de la concurrence pure. Son principal souci est, en effet, de « plomber », si je puis dire, les deux entreprises historiques. Cela relève de la spoliation des usagers et des collectivités locales.

En clair, les nouveaux opérateurs concurrents d'EDF et GDF ne seraient pas tenus par le principe de péréquation. Nous comprenons maintenant pourquoi le Gouvernement a refusé, lors de l'examen en première lecture du projet de loi d'orientation pour l'énergie, de réintroduire dans le texte la référence à la péréquation tarifaire. Son silence était alors assourdissant. Le dernier alinéa de l'article 1er nous fournit la réponse.

De manière similaire à la grande entreprise de déstabilisation de France Télécom engagée en 1990, et bien loin des discours sur la volonté de donner naissance à des champions européens, il s'agit de fragiliser EDF et GDF. Leurs concurrents n'auront pas à se préoccuper de l'intérêt général. Ils se précipiteront sur les zones de distribution rentables financièrement. C'est ce que Marcel Paul qualifiait d'écrémage lorsqu'il évoquait les pratiques des trusts énergétiques de l'avant-guerre.

EDF et GDF devront assurer la distribution dans les zones non rentables financièrement, tout en étant soumis à l'obligation de préserver l'égalité des tarifs sur le plan national et de respecter le principe de péréquation. Comment ces entreprises pourront-elles maintenir la même desserte pour tous sur tout le territoire si elles ne peuvent pas compenser les pertes des zones non rentables par le produit des zones rentables ? Tous les consommateurs domestiques sont-ils assurés de pouvoir profiter de la distribution de l'électricité ? Que va-t-il advenir de ce produit de première nécessité ?

Une dimension essentielle du service public inscrite dans la loi de 2000 - la garantie de l'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du territoire national dans le respect de l'intérêt général - est bel et bien écornée, si ce n'est abrogée. Voilà pourquoi nous proposons de supprimer le dernier alinéa de l'article 1er.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Je me permets d'appeler l'attention de l'assemblée sur le fait que notre collègue veut supprimer du projet de loi et des missions incombant à EDF et Gaz de France toute référence à la cohésion sociale et à la péréquation des tarifs.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la recherche, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1269.

M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Si l'amendement de suppression du dernier alinéa était adopté, l'article se terminerait par la mention que les contrats portent notamment sur « la politique de recherche et développement des entreprises ». Je profite de l'arrivée de M. d'Aubert, que je salue, pour lui demander s'il peut nous donner des garanties sur la poursuite de cette politique de recherche et de développement, dont nous craignons qu'elle ne soit abandonnée aux seules entreprises et délaissée par les organismes publics.

S'il avait besoin de temps pour préparer sa réponse, nous pourrions même suspendre la séance. Car la question est grave. Quand France Télécom a été privatisée, la recherche a été abandonnée, du fait, notamment, de la suppression des CNET. Nous avons une part de responsabilité dans cette situation et nous le reconnaissons, mais nous ne souhaitons pas que cela se reproduise avec EDF et GDF. Il est important que le ministre de la recherche, à qui nous reconnaissons toute compétence en la matière, nous donne son point de vue, sinon pour nous rassurer, du moins pour nous éclairer.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la recherche.

M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche. Je voudrais vous rassurer, monsieur Brottes. Le texte proposé garantit le niveau de recherche assuré aujourd'hui par Électricité de France et Gaz de France, dans un cadre contractuel.

Actuellement, EDF et GDF sont de gros opérateurs en matière d'investissement dans la recherche, non seulement en recherche fondamentale, mais aussi en recherche appliquée. Ces entreprises ont une relation privilégiée avec le CEA - et il n'y a aucune raison qu'elle soit modifiée -, pour la recherche sur l'énergie nucléaire, ainsi que dans d'autres domaines comme la pile à combustible ou l'utilisation de l'hydrogène. Les propositions de ce projet me paraissent donc aller dans le bon sens.

Je ne vois pas pourquoi EDF et GDF renonceraient à leur effort de recherche. Celui d'EDF représente environ 400 millions d'euros par an. Il devrait être maintenu car c'est l'intérêt de l'entreprise. Une entreprise, dans le domaine de l'énergie, ne peut qu'avoir une vision à long terme et elle trouve dans son effort de recherche un moyen d'assurer son développement et d'espérer en l'avenir.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Je félicite M. François Brottes d'avoir donné à M. le ministre la possibilité de s'exprimer sur la recherche. Malheureusement, ses propos me semblent incompatibles avec le texte. Il envisage la recherche en fonction de ce qui se passe actuellement. Nous pouvons tous être assez fiers du fonctionnement de la recherche énergétique, par l'intermédiaire d'EDF elle-même, de grands organismes tels que le CEA ou le CNRS et de laboratoires très pointus dans les universités. Mais, compte tenu du rejet de l'amendement consacré à ce thème, le texte tel qu'il sera voté ne mentionnera, dans la déclinaison du contrat, que la politique de recherche et développement des seules entreprises. Dans vos propos, monsieur le ministre, on trouve donc une contradiction par rapport à ce que permettra la loi.

Nous sommes inquiets pour l'avenir, compte tenu de ce qui s'est passé à France Télécom. Nous examinerons, à la fin de l'année, un projet de loi d'orientation sur la recherche, ce qui nous permettra d'étudier les moyens d'équilibrer recherche publique et recherche privée. Je suis convaincu que la recherche privée ne peut se développer que si la recherche publique lui sert de levier. C'est ce que démontre l'expérience des États-Unis. Imaginer que la recherche privée puisse se développer spontanément à l'initiative d'actionnaires désintéressés et capables d'accepter des investissements à long terme non rentables dans l'immédiat, c'est un leurre !

Nous sommes inquiets, car nous passons d'un ÉPIC à une société anonyme qui verra la part de capitaux privés augmenter à 50 % puis à 70 %, car on s'engage dans une spirale de privatisation. Dans le contrat ne sera mentionnée que l'aide à la recherche-développement de l'entreprise. C'est en complète contradiction avec la situation que nous connaissons actuellement en France, mais qui ne pourra malheureusement perdurer lorsque cette loi aura été votée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1269.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1599 de M. Paul.

M. Daniel Paul. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la recherche. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1599.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1128 n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 1646.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Je vous demanderai, mes chers collègues, un peu d'attention, car je vais commencer par une citation.

M. le président. De Vladimir Ilitch ? (Sourires.)

M. André Chassaigne. Le jeu consiste justement à deviner qui a pu prononcer ces propos :

« Un modèle de service public en réseau s'est progressivement imposé en France. Son principe fondateur est l'égalité de traitement et d'accessibilité à l'ensemble des citoyens. Le maillage postal de l'ensemble du territoire, puis sa desserte ferroviaire l'ont incarné. Ce modèle appliquait une péréquation financière au sein de chaque réseau afin qu'il puisse être présent sur chaque partie du territoire. Ce maillage comprenait les régions dont l'isolement ou l'enclavement géographique ne permettait pas une couverture suffisante des coûts.

« Cette péréquation financière a pris une forme essentiellement tarifaire. Il s'agissait de garantir le même prix pour le même service en tout point du territoire, quels que soient les coûts de production. La péréquation tarifaire des services en réseau est un corollaire de la notion d'égalité devant le service public. Il existe donc un lien très fort non seulement entre les notions de péréquation et d'aménagement du territoire, mais aussi avec celle de citoyenneté.

« Ce modèle est à l'origine du prix unique du timbre en France ou de la tarification de la SNCF, de l'abonnement à la téléphonie fixe, ou du barème de la facture électrique et gazière. Expression de la solidarité et de la cohésion à l'échelle nationale, la péréquation implique des transferts de charges géographiques. Par exemple, les recettes de lignes à grand trafic permettent de doter des lignes déficitaires. »

Cette citation est très belle, avec des phrases comme « la péréquation tarifaire des services en réseau est un corollaire de la notion d'égalité devant le service public » ou : « il existe un lien très fort non seulement entre les notions de péréquation et d'aménagement du territoire, mais aussi avec celle de citoyenneté »

Qui a prononcé ces phrases ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Gérard Larcher, en 2003, alors qu'il était sénateur. Il est aujourd'hui ministre délégué aux relations du travail auprès du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

Quelle ironie du sort ! Il y a un an, M. Larcher soulignait l'importance du principe de la péréquation tarifaire au regard de la cohésion nationale. Aujourd'hui, il est membre, auprès du ministre de l'emploi et de la cohésion sociale, d'un gouvernement qui nous propose, dans son projet de loi, de mettre fin à ce principe.

Nous ne pouvons nous résoudre à assister sans rien dire à ce qu'il faut bien appeler la mise à mort de la péréquation tarifaire, ferment de la cohésion économique, sociale et géographique de notre pays. C'est pourquoi, nous avons déposé des amendements qui tendent à réaffirmer ce principe.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

Au jeu des devinettes proposé par notre collègue, je vais apporter ma contribution. Qui a dit : « D'accord pour une certaine ouverture du capital et des participations ou des achats à l'étranger par le biais de filiales d'EDF, à condition que celle-ci soit maîtrisée » ? Lionel Jospin, dans son programme pour l'élection présidentielle de 2002. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Cohen. Cette phrase a été détachée de son contexte !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la recherche. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. M. le rapporteur fait des citations tronquées, auxquelles nous ne pouvons adhérer.

La proposition de nos collègues communistes visant à insérer les mots : « et de services » après le mot : « vente » dans le dernier alinéa de l'article 1er est importante. Le problème ne se résume pas, en effet, à la vente de l'électricité.

Les différents opérateurs chercheront à réaliser leur marge sur les services, puisque le prix de l'électricité sera encadré et soumis à des règles de transparence. Les tarifs publics de fourniture doivent donc inclure les services : le branchement, les interventions, le conseil tarifaire, les visites de sécurité, etc. Ces activités périphériques de la vente de l'énergie doivent être incluses dans la péréquation.

Si cette précision n'est pas apportée, il est à craindre que l'opérateur fasse n'importe quoi et que les augmentations de facture soient considérables. Il semble d'ailleurs que cela ait déjà commencé.

Il est donc utile que, dans le contrat liant l'État et l'opérateur - puisque c'est le choix que vous avez fait - le périmètre de la tarification soit bien précisé.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Nous sommes nombreux ici à être des élus ruraux, nous connaissons l'importance des services dans les zones d'habitat dispersé et nous devons rendre des comptes à nos électeurs.

Je vais citer l'exemple de la modification d'un branchement. En prévision de l'ouverture du marché, cette prestation a été augmentée de 380 à 702 euros. Par conséquent, si nous ne prévoyons pas dans la loi une péréquation pour les services et si nous limitons la péréquation au coût d'achat de l'énergie, cela entraînera des conséquences désastreuses. On assistera à des différences de prix phénoménales, selon que l'abonné est plus ou moins près de l'exploitant.

Si les services n'y sont pas inclus, il n'y aura plus de péréquation tarifaire. Les zones rurales et de montagne seront dramatiquement touchées. Il s'agit, mes chers collègues de la majorité, du devenir de nos territoires.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1646.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1689.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. S'agissant, quelques instants encore, de ces services périphériques mais indispensables à l'usager, certains nous rétorquent que c'est l'entreprise publique qui augmente ses tarifs. Pourquoi ? J'ai évoqué l'image de la jeune fille qui veut plaire à son fiancé : elle se pare de ses plus beaux atours. L'idée, en l'occurrence, est d'attirer les futurs actionnaires avec des services rentables. Il se passe la même chose avec France Télécom, qui diminue le prix de la communication, mais augmente le prix des abonnements. Pour EDF, les augmentations des prix des services observées depuis quelques mois relèvent de la même démarche.

L'amendement n° 1689 propose de substituer au mot : « consommateurs », le mot : « usagers ». Cela répond à la même philosophie. À partir du moment où on parle de « consommateurs », on peut leur appliquer ce genre de distorsions de tarifs. Derrière le terme : « usagers », on trouve une approche différente. Il définit les rapports entre l'entreprise publique et ceux qu'elle doit servir.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la recherche. Avis défavorable également.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. L'amendement de M. Daniel Paul est l'occasion de revenir sur la distinction essentielle entre consommateur et usager, à laquelle on pourrait associer celle qui oppose le vocable, très européen, de « service d'intérêt général » à la notion de service public. Ces nouvelles dénominations marquent à chaque fois une régression, un recul, un pas en arrière, par rapport à des termes consacrés dans notre culture et dans notre droit.

M. François-Michel Gonnot. C'est pourtant la loi de février 2000 qui, la première, a fait référence au consommateur !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Eh oui ! Relisez la loi de 2000 !

M. Christian Bataille. Au cœur du service public, il y a le citoyen, cependant que le consommateur renvoie à une notion de service un peu moins bien définie. Là est toute la différence. Nous plaidons quant à nous pour la préservation de la citoyenneté.

M. le président. La parole est à M. François-Michel Gonnot.

M. François-Michel Gonnot. Rappelons à Christian Bataille que, pour ce qui nous concerne, nous tenons à préserver la loi de février 2000. Or ce texte parle bien du « consommateur domestique », comme ce fut à nouveau le cas dans la loi de janvier 2003 sur le gaz. Cela n'a donc rien d'une nouveauté ; à cet égard, l'intervention de notre collègue marquerait plutôt une régression par rapport à la loi dont il fut le rapporteur.

M. François Brottes. Une amélioration, voulez-vous dire !

M. François-Michel Gonnot. Une fois de plus, ce ralliement du groupe socialiste à un amendement communiste ne procède que d'une préoccupation purement tactique et ne vise qu'à prolonger inutilement nos débats.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1689.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1684.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Cet amendement, très important,...

M. François-Michel Gonnot. Comme tous les autres !

M. Daniel Paul. ...vise à insérer dans le dernier alinéa de l'article 1er, après les mots : « consommateurs domestiques », les mots : « en particulier en vue de prévenir les exclusions ».

Le fonds de solidarité énergie vient en aide aux personnes en situation de précarité afin de préserver ou garantir leur accès à l'électricité ou au gaz. Or nous rencontrons à cet égard de sérieuses difficultés dans bon nombre de communes.

La procédure actuelle découle de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, ainsi que du décret d'application du 20 juin 2001, mais également, dans certaines communes, de conventions passées en 2003 entre l'État, EDF, les conseils généraux, les ASSEDIC et plusieurs autres structures.

Les dossiers d'aide sont examinés, dans la plupart des cas, deux fois par mois. Le dossier de la commune que j'ai sous les yeux fait état de 700 dossiers étudiés, qui ont donné lieu à l'attribution de plus de 76 000 euros aux familles intéressées.

L'an passé, la commission chargée d'instruire ces dossiers disposait de trois types d'aides.

La première, l'aide au paiement des factures impayées, est fondée pour une part sur des critères objectifs, notamment le quotient social calculé en rapportant le nombre d'unités de consommation au total des ressources du foyer - tous les responsables de collectivités locales connaissent ce genre d'arithmétique. La valeur de l'unité varie selon la composition du foyer, et le comité de pilotage du fonds solidarité énergie, qui regroupe les partenaires cités plus haut, a fixé un seuil au-dessus duquel la commission est fondée à refuser une aide.

Un autre critère entre en ligne de compte : la part que représentent les dépenses d'électricité dans les ressources du foyer. Le comité de pilotage considère que, dès lors que ces charges sont inférieures à 4 % des ressources, aucune aide ne doit être accordée. Ce seuil est toutefois abaissé à 1 % lorsque le quotient social descend en dessous de 335 euros.

Enfin, la commission se fonde sur des éléments d'appréciation relevant de l'analyse des dossiers : charges élevées, situation familiale, problèmes de santé, caractéristique du logement, etc.

Une nouveauté importante a été introduite dans le dispositif : la prise en compte non de la facture réelle, mais de la facture estimative théorique annuelle - dite FETA - du foyer. Entrent en compte dans le calcul de la FETA certaines données techniques telles que le nombre de personnes au foyer, la superficie du logement, les notes de chauffage, etc.

Deuxième type d'aide : l'aide financière attribuée à titre préventif, accordée en fonction des mêmes critères, vise à couvrir tout ou partie de la facture à venir pour un foyer dont on pressent qu'il ne sera pas en mesure de payer. Ce mécanisme est destiné aux personnes n'ayant jamais eu d'impayé comme à celles qui ont déjà bénéficié d'une aide curative ; à noter que les aides préventives ne concernent que l'électricité, non le gaz.

Le troisième type d'aide, enfin, répond à un souci de prévention. Ce fonds de prévention est destiné à financer des actions en faveur des familles les plus fragilisées, dont les factures d'électricité sont trop élevées. En 2003, une partie de l'enveloppe a été utilisée pour l'impression d'affiches et de dépliants préconisant des économies d'énergie.

Demeurent en 2004 les aides curatives et le fonds de prévention. Mais le report de l'enveloppe non consommée l'année précédente n'ayant pas été reconduit, officiellement pour des raisons comptables, le dispositif s'est vu privé, pour la seule commune dont je vous parle, de plus de 50 000 euros. Il en résulte une diminution significative des aides curatives. Les nouveaux modes de calcul excluent de ce fait un nombre important de foyers qui ne pourront plus bénéficier d'aide alors que leurs ressources sont proches des minima sociaux. De nombreux dossiers sont passés à titre dérogatoire, mais l'enveloppe 2004, faute de reports, reste très inférieure à celles des années précédentes. Le montant disponible ne permettra plus de couvrir les commissions de fin juin ni celles qui suivront jusqu'à la fin de l'année. De fait, les crédits 2004 seront épuisés dans les tout prochains jours.

Cette situation doit être corrigée d'urgence et augure mal du traitement futur des situations de précarité dans un contexte d'abandon des règles du service public. C'est la raison pour laquelle, ne serait-ce que pour préserver cette notion dans le texte qu'adoptera la majorité, nous souhaitons qu'il soit expressément fait mention de la nécessité de prévenir les exclusions.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La loi de 2000 avait effectivement institué une tarification à caractère social ; malheureusement, aucun décret d'application n'a été pris par le gouvernement de M. Jospin. Il a fallu attendre l'arrivée d'une nouvelle majorité et l'installation du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin pour voir cet oubli réparé. Vos larmes de crocodile sont bien tardives, mon cher collègue...

Ajoutons - et les membres de notre commission le savent bien - que j'ai fait adopter un amendement visant à étendre le champ d'application du tarif social, afin notamment de prendre en compte le coût des services. Un million et demi de personnes sont concernées. Alors, de grâce, ne nous donnez pas de leçon ! Le dispositif ainsi élargi, grâce à l'accord du plus grand nombre, répond à votre préoccupation. C'est la raison pour laquelle nous avons repoussé l'amendement n° 1684.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la recherche. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Chacun ici se souvient que la loi contre les exclusions a été adoptée par l'ancienne majorité, y compris la création de ce fonds départemental qui, fort heureusement, remplit sa mission.

Je me pose toutefois une question, monsieur le rapporteur, et pour ne pas me voir suspecter d'attaque personnelle, j'utiliserai une formulation des plus prudentes : je ne saurai croire ce que laisse entendre le tract syndical que je viens de lire, à savoir que certaines personnalités, dont le baron Seillière, seraient à ce point démunies qu'elles n'auraient pas de compteur dans leur coffret électrique, et par le fait aucune consommation facturée !

M. François-Michel Gonnot. Ils ont essayé de démonter son compteur, mais ils ne l'ont pas trouvé !

M. François Brottes. J'imagine que cette rumeur inacceptable ne repose sur aucun fondement réel, monsieur le ministre, mais je vous pose la question.

M. François-Michel Gonnot. Sans doute M. Seillière l'avait-il enterré...

M. Pierre Cohen. Cela ne vous choque pas, vous ?

M. François-Michel Gonnot. Que des équipes EDF soient incapables de repérer un compteur ? Oui, je trouve cela très choquant !

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. Je veux insister sur le fait que nous sommes en République et que les services publics se doivent d'assurer la continuité républicaine, vis-à-vis notamment des plus démunis. Que l'actuel gouvernement ait précisé le décret faisant suite à la loi de 2000 n'a à mes yeux rien d'anormal ; chacun sait qu'il faut du temps pour publier un décret d'application, et nous avions déjà pris en compte, par une série de mesures, le problème des plus démunis. Il n'est du reste qu'à relire le texte de cette loi : « Les tarifs aux usagers domestiques tiennent compte, pour les usagers dont les revenus du foyer sont, au regard de la composition familiale, inférieurs à un plafond, du caractère indispensable de l'électricité en instaurant pour une tranche de leur consommation une tarification spéciale "produit de première nécessité". » Dans le cas de ces gens en grande difficulté, le mot « usager » ne saurait, dans cette loi, être pris au sens strict de consommateur ou de consommateur éligible. N'allez pas reprendre, monsieur le rapporteur, les propos de responsables de notre parti en n'en citant qu'un petit bout dans le seul but de parvenir à vos fins !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1684.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1129 n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 1535 de M. Lenoir.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Cet amendement prévoit que l'État pourra conclure des contrats de missions de service public avec d'autres d'entreprises qu'EDF et Gaz de France. C'est là une façon moderne d'appréhender l'ensemble du paysage énergétique dans le cadre du service public.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la recherche. Favorable.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Rappelons que cet amendement avait été annoncé dans la nuit... Ayant participé aux travaux de la commission presque aussi assidûment que M. le rapporteur, je me doutais bien de son intention de totalement banaliser le rôle d'EDF et de GDF dans le paysage des opérateurs. Car c'est bien de cela qu'il s'agit, et chacun doit avoir bien conscience de la portée de cet amendement : l'État pourra confier à tous les opérateurs qu'il désignera selon son bon vouloir des missions de service public ; autrement dit, EDF et GDF ne seront plus ses interlocuteurs privilégiés et se retrouveront totalement banalisés. En faisant en sorte que, peu ou prou, l'entreprise intégrée soit progressivement démantelée et son réseau filialisé, en banalisant les missions de service public, désormais réparties entre tous les opérateurs, vous poursuivez le but que vous vous êtes fixé : que l'entreprise nationale à laquelle nous sommes tous attachés ressemble étrangement à toutes les autres, au point qu'elle pourra même se mettre en faillite, comme le souhaite Mme de Palacio... À croire que c'est cela qui motive la modification du statut, puisque c'est le seul argument que nous donne la commissaire européenne : qu'EDF et GDF aient le droit de déposer leur bilan. C'est bien, c'est vertueux !

Ressaisissez-vous, monsieur le rapporteur, et retirez cet amendement. Gardons-nous de banaliser le rôle de nos entreprises publiques pour ce qui touche aux missions de service public. Ce serait extrêmement grave. Nous ne sommes pas opposés à la concurrence ; je m'en suis déjà expliqué, en vain, semble-t-il. Nous sommes parfaitement d'accord pour veiller à ce que chaque opérateur contribue aux charges de service public assumées par EDF et GDF. Mais entre faire contribuer financièrement à la mise en œuvre de ces missions et autoriser tout un chacun à les assumer, il y a une marge ! Ce choix, vous l'avez déjà fait dans les télécoms : jamais la Commission européenne n'avait imposé de répartir la charge des missions de service public entre les opérateurs de télécommunications. Elle était parfaitement disposée à laisser France Télécom continuer à les assumer seule.

Le Gouvernement, suivant M. Mer qui a ouvert la voie, a préféré banaliser le rôle de France Télécom, opérateur public à l'époque. Cet amendement est extrêmement important car, sous couvert de souplesse, vous voulez banaliser aussi le rôle d'EDF.

M. le président. La parole est à M. François-Michel Gonnot.

M. François-Michel Gonnot. Je souhaite remercier le rapporteur d'avoir déposé - hier, et non pas cette nuit - cet amendement qui fait suite à un amendement un peu similaire, mais non exempt de maladresse que j'avais moi-même déposé afin que l'État puisse demander à certains opérateurs de remplir des missions de service public.

Prenons l'exemple du gaz : il y a une grande partie du territoire où GDF n'est pas le distributeur. Il me paraît important que l'État puisse, au nom du principe d'égalité, imposer à ces opérateurs des missions de service public, afin que l'ensemble des Français puisse en bénéficier.

Je suis d'ailleurs surpris par les arguments et par le ton qu'emploie le groupe socialiste à l'encontre de cet amendement. Car, chers collègues, cet amendement a été inspiré par des organisations syndicales.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Une seule !

M. François-Michel Gonnot. Elles veulent, à juste titre, que l'État, qui doit garder une emprise sur le système, soit le garant des missions de service public. À cet effet, il a besoin d'un outil, en l'occurrence, les contrats. Il faut autoriser l'État à conclure des contrats avec des opérateurs, qui sont concurrents et qui ne couvrent pas des secteurs relevant d'EDF-GDF. C'est le cas aussi des DNN et des régies. Il faut que l'État impose des missions de service public sinon, par définition, c'est la fin du service public.

Cette organisation syndicale a donc eu tout à fait raison de soulever cette question, que j'ai peut-être maladroitement évoquée hier. Je tiens à nouveau à remercier le rapporteur de l'avoir prise en compte, avec l'accord du Gouvernement. Le ministre de l'industrie a en effet souhaité pouvoir garder la main dans ce domaine. Cet amendement va donc dans le bon sens et défend le service public.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Selon le raisonnement de l'organisation syndicale évoquée par M. Gonnot, si l'on oblige l'ensemble des concurrents à assumer des missions de service public, le coût pour eux sera tel, s'ils veulent égaler EDF, qu'il y aura très peu de concurrents, voire pas du tout. Nous pensons pour notre part que ce raisonnement est extrêmement dangereux car il introduit une confusion entre la notion de service public et le fameux service d'intérêt général, lequel est bien en deçà de ce qui se pratique en France depuis longtemps et qui n'a pas son équivalent dans le reste de l'Europe. Or, depuis deux jours, nous contribuons à détériorer le service public, à le banaliser, ce qui, immanquablement, conduira à sa perte.

Si cet amendement est voté, cela montrera que le changement de statut prépare bien une privatisation et accréditera ainsi les arguments que nous développons depuis le début de ce débat. En effet, si de nombreux concurrents assument des missions de service public, certains ne manqueront pas de se demander dans quelques mois ce qui justifie que l'État garde une participation de 70 % ou 100 % dans EDF. Et nous assisterons alors à une vente des parts de l'État.

Il faut bien comprendre que si toutes les entreprises sont à égalité, on s'achemine vers un service d'intérêt général, qui n'a rien à voir avec le service public. En fait, cet amendement est révélateur de votre volonté non seulement de banaliser, mais de remettre en cause la notion de service public.

M. Michel Piron. Il y a un problème de sémantique : « général » est plus vaste que « public ».

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Permettez-moi de citer les propos que François-Michel Gonnot, expert incontesté sur les questions dont nous débattons, a tenus en 1995 : « Nous devons réaffirmer qu'il n'est pas question de démanteler nos entreprises publiques, ni de renoncer à leurs missions de service public, ni de remettre en cause le statut de leur personnel, ni d'accepter une déréglementation généralisée de notre organisation électrique et gazière. » M. Gonnot nous invitait même à faire en sorte que les missions de service public soient reconnues dans le traité de Rome, autrement dit dans une directive. Pour notre part, nous militons dans le même sens et nous déplorons que le gouvernement ne soit pas aujourd'hui au rendez-vous.

Je suis prêt, monsieur Gonnot, à entendre l'argument selon lequel il importe que les régies puissent continuer à assumer des missions de service public. Et il n'est pas question de les en empêcher. S'il n'y a qu'elles qui sont visées, nous sommes d'accord et il n'est pas question de revenir en arrière.

Mais nous ne sommes pas d'accord pour étendre le dispositif à d'autres opérateurs. Si telle est votre intention, dites-nous, en toute transparence, qui sera concerné : quelle régie, quel opérateur, quel secteur. Avec cet amendement, on entrouvre une porte sans savoir ce qui se passera demain. Il est vraisemblable que la commission de régulation de l'énergie dira que les nouveaux opérateurs seront soumis aux mêmes missions de service public que l'opérateur historique, afin de respecter une égalité en termes de concurrence.

Nous avons une question simple : quels sont les opérateurs concernés ? Je crains que cet amendement n'ouvre la boîte de Pandore en visant tous les opérateurs potentiels et ne banalise par conséquent le rôle d'EDF et des régies, ce que nous dénonçons depuis le début. Si nous restons dans le flou, cela signifie, à terme, la fin des missions de service public. Et c'est bien ce qui se profile derrière cet amendement.

M. Pierre Cohen. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. Bernard Carayon.

M. Bernard Carayon, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Si cet amendement vise les distributeurs non nationalisés, je n'en comprends pas le sens. Les entreprises non nationalisées sont l'expression de l'autonomie et de la libre administration des collectivités locales. Elles n'ont d'ailleurs pas attendu ce texte pour se conformer à des obligations de service public.

M. Pierre Cohen. Bien sûr !

M. Bernard Carayon, rapporteur pour avis. Elles n'ont pas eu besoin non plus de l'État pour apprendre ce qu'elles ont à faire. Les régies couvrent environ 5 à 7 % des besoins des usagers et emploient 7000 salariés. Elles n'ont jamais connu dans leur histoire d'aventures ou d'avatars à la différence d'une autre grande entreprise électrique...

Cet amendement peut se concevoir, mais à condition d'exclure expressément de son champ les distributeurs non nationalisés.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Le but de cet amendement est d'étendre la notion de service public. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Brottes. Non ! De la banaliser.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Cela gêne nos collègues socialistes, qui voudraient que cette notion soit réservée à EDF et GDF.

M. François-Michel Gonnot. C'est un raisonnement anti-gauche !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Notre collègue François Brottes, qui écoute attentivement les arguments échangés, a ensuite admis que sa première appréciation n'était pas la bonne...

M. Pierre Ducout. Pas du tout !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. ...et qu'il pouvait être utile de viser aussi les régies. Il est sur la bonne voie. Nous entendons bien viser les distributeurs non nationalisés, et je ne comprends pas que Bernard Carayon veuille exclure les régies de ce champ d'application.

M. Bernard Carayon. Parce que c'est superflu.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Cet amendement concerne également Total, pour le réseau de transport, et la CNR. Ne pas le voter, monsieur Brottes, reviendrait, par exemple, à priver les Grenoblois d'une entreprise qui aurait passé contrat avec l'État sur des missions de service public.

M. François-Michel Gonnot. C'est un bon exemple.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Une telle perspective doit évidemment être repoussée. L'amendement devrait donc recueillir l'unanimité.

M. Pierre Cohen. On invente la concurrence entre services publics maintenant !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Le rapporteur vient de nous dire que cet amendement ne concernait que les distributeurs non nationalisés. Or l'exposé des motifs parle, lui, de tous les opérateurs, présents et à venir. Ce point mérite d'être éclairci : je vous demande donc une suspension de séance, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je propose, monsieur Brottes, que l'on se prononce d'abord sur l'amendement. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. François Brottes. C'est trop grave !

M. Bernard Carayon, rapporteur pour avis. C'est très important !

M. François Brottes. Nous sommes à un tournant du texte !

M. le président. Je vais suspendre la séance pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à dix-neuf heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. L'homme de régression que je suis salue l'arrivée de l'éminent homme de progrès qu'est François-Michel Gonnot.

Après s'être concertés, les membres du groupe socialiste sont encore plus déterminés dans leur opposition. Votre amendement, monsieur Lenoir, va consacrer un premier palier dans le démantèlement du service public. D'autres suivront. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours de l'examen de ce texte.

Notre souci est que vous ne puissiez pas, par des amendements infiltrés dans le texte, mettre en place les instruments du démantèlement du service public une fois que la loi sera votée. Je l'ai dit en présentant l'exception d'irrecevabilité : nous craignons qu'EDF ne soit vidée de sa substance par filialisation ou compartimentation et ne devienne ainsi une coquille vide.

Confier des missions de service public à d'autres partenaires, c'est le début de la fin pour EDF - GDF. Vos intentions se précisent. Cet amendement est inacceptable et nous combattrons énergiquement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Que Christian Bataille, le rapporteur de la loi du 10 février 2000, tienne un tel discours, échappe à l'entendement ! Les articles 2 et 5 de cette loi confient à d'autres opérateurs qu'EDF des missions de service public. Et vous venez nous reprocher de reprendre ces dispositions dans un amendement ! Un peu de cohérence, ressaisissez-vous, mes amis !

M. le président. La parole est à M. François-Michel Gonnot.

M. François-Michel Gonnot. Le rapporteur vient de soulever un point capital. Au nom du groupe UMP, je demande une suspension de séance pour que nous puissions relire très attentivement la loi du 10 février 2000.

M. le président. Pour répondre au souhait des divers groupes d'ajuster leurs positions, je vous propose de renvoyer à la séance de nuit le vote sur l'amendement n° 1535.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1613, relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières ;

Rapport, n° 1659, de M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire ;

Avis, n° 1668, de M. Bernard Carayon, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot