Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2003-2004)

 

Deuxième séance du mercredi 30 juin 2004

280e séance de la session ordinaire 2003-2004


Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.


PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1

ASSURANCE MALADIE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie (nos 1675, 1 703).

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Discussion générale (suite)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État à l'assurance maladie, mesdames, messieurs les députés, depuis le début de nos débats, j'ai été frappée d'une chose : chacun à sa manière a réaffirmé son attachement à notre système de sécurité sociale.

Chacun a rappelé avec justesse les fondements de notre système à la française et encourage à les préserver. Toujours d'actualité et essentiels pour aborder cette réforme, les principes d'égalité, d'accès aux soins et de solidarité doivent, en effet, guider l'action du législateur. Mais les annoncer, les rappeler à l'envi comme le Gouvernement lui-même n'a pas hésité à le faire, en multipliant les superlatifs pour convaincre de son indéfectible attachement aux principes fondamentaux de notre système, ne suffit pas à les mettre en oeuvre.

Force est de constater que le projet qui nous est soumis n'établit aucune cohérence entre les déclarations et les actes.

Cette réforme, monsieur le secrétaire d'État, est donc inacceptable dans la logique qui l'anime car elle culpabilise le monde de la santé, et injuste dans les mesures de financement qu'elle propose.

Inacceptable dans son concept, le projet de loi persiste à stigmatiser les professionnels de santé, les médecins en particulier, et les assurés sociaux coupables d'une surconsommation de soins prescrits allègrement, pour ne pas dire aveuglément et sans retenue, par les premiers.

Alors, en réponse à ces nouveaux fraudeurs de la santé, vous avez choisi de renforcer les outils de maîtrise comptable des dépenses de santé et d'en créer de nouveaux.

En effet, vous réintroduisez la notion de « médecin réfèrent », rebaptisé « médecin traitant » ; vous renforcez la rigueur des protocoles des ALD ; vous décuplez les contrôles des arrêts de travail, des prescriptions des transports médicaux et des prescriptions d'une façon générale ; vous confirmez les sanctions et les pénalisations à l'encontre des assurés comme des professionnels ; vous multipliez les menaces et les mises en garde concernant les remboursements ; enfin, vous créez une série de « gendarmes financiers » chargés d'alerter en cas de dépenses anormales de santé afin de glisser, lentement mais sûrement, vers la définition d'un panier de soins légitimé par les déremboursements à venir qu'assumeront l'assurance maladie et les complémentaires santé.

C'est bien le sens des dix-sept premiers articles de votre projet de loi, et mon amie Jacqueline Fraysse a très bien démontré la faiblesse de leur justification.

D'ailleurs, avec cet arsenal législatif et réglementaire stigmatisant les patients et comportant un volet répressif dominant, vous voulez nous faire croire que les hausses de dépenses de santé s'expliqueraient avant tout par la fraude.

C'est totalement inexact et malhonnête. Le rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a d'ailleurs démontré que cette hausse des dépenses de santé avait des causes structurelles et tous les observateurs s'accordent à reconnaître que les fraudes ont un poids marginal dans les causes réelles du déficit.

J'ajoute que la mission Debré partage cette analyse. Pourquoi donc restez-vous hermétique à cette évidence ?

Cette même mission a noté, et c'est ma deuxième observation, que la situation que nous vivons aujourd'hui est la conséquence des échecs des plans de redressement engagés depuis le milieu des années 1970, avec en point d'orgue, le plan Juppé. En cela, elle rejoint l'analyse des parlementaires communistes et républicains qui ont toujours dénoncé les plans d'austérité successifs. Ceux-ci déstabilisent toujours un peu plus le système, diminuent la qualité de prise en charge des soins et font supporter aux assurés sociaux des charges financières de plus en plus lourdes.

Or, vous réchauffez les mêmes recettes qu'hier, lesquelles ont failli. Sans doute pour mieux préparer le terrain d'une réforme qui viendra définitivement crucifier l'esprit de 1945 car tous les commentateurs observent que les mesures financières ne régleront en rien le déficit, vous le savez pertinemment. Pourquoi donc maintenir cette réforme, sinon pour mieux justifier la privatisation du système dans quelque temps ?

Ces mêmes recettes éculées sont celles du plan de financement que vous proposez. Vous prévoyez 15 milliards d'économies, mais seulement 1 petit milliard sera à la charge des entreprises, lieu pourtant de création de richesses. En réalité, vous ne faites rien pour toucher au cœur du problème : l'insuffisance du financement actuel qui repose trop, et de plus en plus, sur l'impôt au détriment de la cotisation sociale.

En conséquence, vous faites le choix d'une réforme délibérément injuste. Vous allez sanctionner les plus malades et les plus modestes. Nous sommes loin de l'esprit de solidarité et d'égalité d'accès aux soins qui a guidé la création de la sécurité sociale. Car seuls les assurés sociaux capables de passer outre aux menaces, aux sanctions de déremboursement, pourront se soigner.

Alors, bien sûr, il faut une réforme de modernisation de notre sécurité sociale, mais dans le respect de ses principes fondateurs. Force est de constater que ce n'est pas le chemin emprunté par ce texte, quoi qu'en dise le Gouvernement.

C'est le choix de la privatisation progressive d'un secteur qui se dessine à l'évidence, privilégiant la rentabilité financière au détriment de la protection de tous et de toutes devant les aléas de la vie.

Pour notre part, nous appelons à confronter l'ensemble des propositions et à refuser ainsi qu'une seule voie soit possible, celle de la régression, celle de la loi du marché dictée par la rentabilité et le MEDEF.

C'est dès à présent l'exigence et l'engagement des parlementaires du groupe des député-e-s communistes et républicains. Ils souhaitent résister à tout enfermement dans une logique dominante qui vise, une nouvelle fois, à faire supporter injustement les économies d'une réforme aux seuls salariés, chômeurs et retraités.

Nous voulons mettre en débat d'autres propositions porteuses d'un véritable progrès social. Elles sont le fruit d'un travail approfondi depuis de nombreuses années, en collaboration étroite avec les organisations syndicales, les professionnels de santé et les usagers.

C'est le sens des amendements que nous avons déposés et que nous défendrons tout au long de ces débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.


M. Jean-Pierre Door
.
Monsieur le président, monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, beaucoup de choses ont été dites, mais les redire ne peut finalement qu'être utile. Ce n'est plus une méprise de remarquer que le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a dénoncé une situation catastrophique du système de santé, appelant de vraies réformes structurelles. Depuis des semaines, vous avez écouté tous les partenaires et énoncé vos propositions. De son côté, la mission d'information de Jean-Louis Debré a également auditionné, discuté, débattu et présenté ses propres propositions.

Sur le terrain, pour y avoir été confronté, je puis vous certifier, monsieur le ministre, que le message est passé, que votre proposition est acceptée et que nombre de nos concitoyens sont bien conscients de l'enjeu. La note inopinée de Bercy ne m'a pas convaincu du contraire. La gauche, toujours si prompte à critiquer et à caricaturer, reste, que cela plaise ou non, dépourvue d'une vision élaborée de l'avenir, comme elle l'a été pendant ses cinq années de pouvoir passé, et a conduit notre assurance maladie comme notre système de retraite dans une impasse totale. Après la réforme réussie des retraites en 2003, nous avons ensemble 1a volonté de ne pas fuir devant nos responsabilités et de reconstruire le système de santé sur des bases nouvelles qui placeront au cœur du système le sens de 1a responsabilité de chaque acteur : politiques, gestionnaires, professionnels de santé et usagers. Votre réforme, monsieur le ministre, a pour objectif de rendre compatible l'inéluctable progression des besoins de santé avec les ressources disponibles dans notre cadre d'assurance maladie solidaire.

Les facteurs d'évolution des dépenses, nous le savons tous, sont multiples, connus et peu réformables. La démographie et le vieillissement de la population, les progrès techniques, l'hyper-médiatisation et l'excès de judiciarisation sont des forces consommatrices d'actes médicaux. A contrario, la croissance économique reste par nature aléatoire.

Face à ces tendances incontournables, l'enjeu de votre réforme, monsieur le ministre, réside dans la maîtrise des dépenses par le biais de l'optimisation des ressources humaines et financières - autrement dit, dans notre capacité à faire en sorte que chaque euro dépensé le soit à bon escient.

Vous nous proposez une meilleure gouvernance qui placera tout un chacun en situation d'être au mieux de son efficience. Notre système doit être économiquement performant et socialement libéral, tant pour les assurés que pour les acteurs. Cela passe essentiellement par un rapprochement entre la médecine de ville et l'hôpital, et entre généralistes et spécialistes. Le parcours du patient ne sera que plus efficient si chaque acteur retrouve sa réelle vocation. Dans cet esprit, le nomadisme ne doit pas, ne doit plus être supporté par la collectivité.

M. Philippe Auberger. Très bien !

M. Jean-Pierre Door. Pour ce faire, nous mettons en place un outil : le dossier médical personnel. Il ne saurait être question d'en faire je ne sais quel monstre du Loch Ness : de nombreux praticiens ont déjà recours à ce genre de dossiers ainsi qu'à l'informatique. Son existence sera synonyme d'efficacité pour autant que tous les logiciels médicaux, de ville comme de l'hôpital, disposeront d'un noyau commun lisible et inscriptible en toute compatibilité. On peut parier, me semble-t-il, sur une mise en route rapide, pour peu que tous les acteurs manifestent une réelle volonté.

Une meilleure qualité des soins passe par une formation continue certes obligatoire, mais surtout motivante. L'évaluation des pratiques collectives comme des pratiques individuelles est désormais parfaitement comprise et acceptée ; elle doit être liée à l'élaboration des référentiels de bonne pratique définis par la Haute autorité scientifique. Encore faudra-t-il que ces référentiels intègrent également la médecine hospitalière, car les pathologies n'ont pas de frontières et restent partout les mêmes.

Médecins et patients sont nombreux sur le terrain, monsieur le ministre, à saluer votre courage, votre détermination autant que votre ambition de vouloir à tout prix remettre sur les rails notre système de santé, avec une approche aux antipodes de celle de vos prédécesseurs - traduisant par le fait un réel changement de cap.

La médecine ne peut se faire sans les médecins, dites-vous, et elle ne se fera pas sans eux. Aussi la réconciliation du Gouvernement avec les professions de santé, atout incontournable, va-t-elle dans le bon sens. La démographie médicale et la recherche de l'optimisation de la dépense imposeront de redéfinir la place et les rôles respectifs de l'hôpital, des médecins spécialistes et des médecins généralistes.

Les réformes des prochaines années seront déterminantes pour notre avenir. Les enjeux sont planétaires, les décisions de quelques pays comme le nôtre engageront l'évolution sociale du monde entier. Essayons d'imiter ceux qui ont su prendre des décisions difficiles et entreprendre les réformes nécessaires, comme le note avec intelligence l'excellent rapport de notre collègue Édouard Landrain.

Et le patient dans tout cela ? Car c'est bien de lui qu'il s'agit. Oui, le patient doit prendre toute sa responsabilité, participer aux équilibres financiers et lutter contre les gaspillages. Si nous sentons tous concernés, il est vrai que nous ne nous comportons pas avec l'argent de la sécurité comme avec notre propre argent. L'on entend trop souvent dire ici ou là : « J'ai cotisé, donc j'y ai droit ».

Ainsi, la surconsommation de médicaments, le recours abusif aux arrêts de travail et aux transports pour un oui ou pour un non, la multiplication d'actes redondants, liés à l'absence de coordination ou à l'application d'un tiers payant, sont parfaitement identifiés, comptabilisés. Lutter contre ces errements pourrait réellement entraîner jusqu'à 10, 12 ou même 13 % d'économies. C'est cela, la maîtrise médicalisée des dépenses, n'en déplaise à ses détracteurs, qui tourne manifestement le dos à la maîtrise comptable.

Votre réforme n'est pas, comme certains se plaisent à la caricaturer, une réformette, ni une casse, ni une privatisation.

Mme Muguette Jacquaint. Ça, ce n'est pas une réformette, c'est clair !

M. Jean-Pierre Door. Elle s'affirme au service de l'intérêt du malade et s'inscrit dans une triple 1ogique : solidarité, assurance pour tous et performance des soins. Elle sera acceptée et votée par notre groupe, parce qu'elle est menée avec courage, persévérance et pédagogie dans le cadre d'une confiance que vous avez su restaurer entre tous les partenaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mesdames les députées - pour une fois que les femmes sont majoritaires dans cet hémicycle -, messieurs les députés, notre système d'assurance maladie créé dans l'après-guerre a été une réforme sociale majeure du xxe siècle. Il a joué un rôle incontestable dans les progrès sanitaires du pays. Ce succès n'a été possible que parce que ce système, rompant avec les logiques d'assurances alors en cours, privées ou mutualisées, a posé le principe d'une assurance maladie obligatoire et universelle fondée sur le principe de solidarité.

Aujourd'hui, ce système a trouvé ses limites, mais pour d'autres raisons que celles que vous martelez. Il est en crise par le fait que, principalement fondé sur le curatif, il est incapable dans ces conditions de faire face aux problèmes de santé actuels liés au vieillissement de la population, à la prolifération de maladies chroniques - explosion des cancers, des allergies, des cas de diabète, des maladies respiratoires -, et à l'apparition de nombreuses fragilités mentales.

L'urgence, c'est d'engager une deuxième révolution de santé publique, en agissant en amont sur les causes des maladies, notamment les causes environnementales des maladies chroniques, la mauvaise alimentation, les pollutions atmosphériques, l'exposition aux substances chimiques dangereuses et la dégradation de la santé au travail.

Or, depuis deux ans, ce gouvernement nous a simultanément annoncé un plan cancer, un plan hôpital 2007, une loi santé publique, un plan santé environnement, et maintenant une loi sur l'assurance maladie, en attendant une future loi sur l'eau, mais toujours rien sur la santé au travail ! Ce n'est jamais le bon moment. On en reste à une conception morcelée de la santé, tout aussi morcelée que notre système de santé. Peu de cohérence, peu de cohésion, peu de moyens, peu d'actions. Le bateau s'enfonce peu à peu, et vous proposez de continuer à écoper à la petite cuillère plutôt que de colmater ses fuites et de le réarmer pour prendre un nouveau cap.

Oui, notre système a besoin d'une réforme, d'une réforme basée sur une meilleure organisation du système de santé. Une réforme qui permette de soulager les urgences hospitalières par la mise en place de structures adaptées comme les maisons de santé ; une réforme qui permette de développer la coordination de soins par le développement de réseaux de santé ; une réforme enfin qui permette de lutter contre la surconsommation médicamenteuse, ce mal bien français, par le développement d'une information indépendante des laboratoires pharmaceutiques sur les médicaments et leur efficacité, et par la modification des conditionnements.

Peut-être le dossier médical limitera-t-il le nomadisme médical, mais la maîtrise des dépenses de santé en médecine de ville dépend également de l'évolution du mode de rémunération des médecins et d'une implantation territorialement mieux répartie.

Une telle politique serait tout bénéfice, tant pour les malades que pour les professionnels de santé. Malheureusement, faute d'oser franchir le pas sur ces questions, votre politique de responsabilisation se réduit à la politique de la carotte et du bâton financiers, de la menace sur le montant des remboursements, avec des augmentations de forfaits à la charge des patients. Pour vous, un seul remède pour l'assurance-maladie : l'argent. Ceux qui auront les moyens financiers pourront bien continuer à être irresponsables, à pratiquer le nomadisme médical, la multiplication des examens ; après tout, ils paieront - et puis cela n'est pas mauvais pour le PIB... Les autres, ceux qui n'auront pas les moyens, réduiront certes leurs dépenses de santé, mais ils risquent surtout de réduire la prise en charge de leur santé.

Et le débat est bien là - la précédente intervention l'a bien montré : s'agit-il de tout faire pour maintenir un haut niveau de santé pour nos concitoyens, tous nos concitoyens sans exclusive, en maîtrisant l'ensemble des dépenses de santé, ou s'agit-il de réduire seulement les dépenses publiques de santé ? Pour notre part, nous, les Verts, choisissons la première option.

De cette différence d'approche centrale - système de santé ou système de soins, dépenses globales de santé ou dépenses publiques de santé - découlent nos divergences sur les mesures proposées dans votre loi ; sans compter le report de la dette sur les générations futures et le refus de votre part d'un financement solidaire assis sur une plus grande contribution des entreprises et sur le principe pollueur-payeur. Quant à la modification de l'organisation que vous nous proposez, elle a surtout pour objectif de dresser un écran de fumée, afin que vous puissiez vous cacher derrière et ne plus apparaître comme le responsable des déremboursements. En apparence, vous accordez de nouvelles responsabilités aux caisses et à l'union des caisses d'assurance maladie que vous créez ; en réalité, vous renforcez la tutelle de l'État, vous corsetez le système en donnant le pouvoir de décision aux directeurs des caisses que vous nommerez.

Monsieur le ministre, cette loi sur l'assurance maladie, que vous justifiez par le déficit que vous avez laissé filer, n'est en fait qu'un énième plan d'ajustement. Elle n'est pas à la hauteur de l'exigence d'une couverture maladie solidaire et universelle. Si votre ambition était de sauver le système, nous savons par la fameuse note de Bercy - mais avions-nous encore des doutes à cet égard ? - que vous avez déjà échoué sur le plan financier. Reste que, en laissant démanteler l'assurance maladie obligatoire, vous nous préparez pour demain une plus grande place pour les assurances privées, au seul bénéfice de ceux qui en auront les moyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, « une nouvelle fois, Bercy a frappé ! », me suis-je dit en ouvrant le journal Les Échos vendredi dernier.

Mme Martine Billard. C'est vous qui le dites !

M. Philippe Auberger. Mais en lisant la note que nous a aimablement remise le ministre de l'économie et des finances, on voit que Bercy est retombé dans ses ornières habituelles, celles-là mêmes qui, en 2000, avaient conduit au fiasco total de sa propre réforme...

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Bercy, ce n'est pas nous !

M. Philippe Auberger. Pourquoi ? Parce qu'elle partait d'une analyse exclusivement mécanique des problèmes, sans aucune étude psychologique ni sociologique. Comme si la psychologie et la sociologie...

M. Michel Piron. Et la philosophie !

M. Philippe Auberger. ...- et la philosophie, si l'on veut - n'étaient pas au cœur de l'action politique.

La lecture attentive de ces notes de Bercy le montre : l'auteur lui-même s'avoue incapable de mesurer les effets du dossier médical partagé, pour la simple raison que c'est une innovation dont il ne sait ni maîtriser ni apprécier les conséquences.

Mais il y a plus grave, pour ce qui touche notamment aux génériques. Votre projet de loi, monsieur le ministre, contient à cet égard des dispositions très intéressantes. Voilà une dizaine de jours, un spécialiste incontesté de l'économie de la santé, M. Claude Le Pen, professeur à Dauphine, a indiqué qu'il serait possible de dégager en trois ans des économies de l'ordre de 5 milliards d'euros sur les génériques. Votre plan d'économies en prévoit 2,5 milliards ; vous êtes donc parfaitement cohérent avec les pertinentes analyses du professeur Le Pen. Autrement dit, cette note de Bercy ne repose en fait sur rien de sérieux.


Peut-être aurait-il néanmoins été préférable, monsieur le secrétaire d'État, comme je vous l'avais demandé lors de la première réunion de la commission spéciale, que vous nous donniez l'échéancier de vos économies sur trois ans - 2005, 2006 et 2007 - et que vous nous disiez comment vous êtes arrivé à bâtir l'équilibre structurel sur lequel repose votre projet pour l'année 2007. Mais je ne doute pas que vous nous donniez ces informations au cours du débat.

La deuxième caractéristique de ce plan est qu'il propose un effort global équilibré et correctement réparti : deux tiers en économies, un tiers en recettes nouvelles. L'effort est partagé entre les patients, les médecins, les laboratoires, les hôpitaux et la CNAM.

Je trouve, à ce sujet, bien surprenant de la part de nos collègues socialistes de se reposer sur l'avis de l'Ordre des médecins, lequel, selon leurs dires, ne serait pas tout à fait d'accord avec le plan du Gouvernement. Le parti socialiste n'avait-il pas, en 1981, conçu l'idée de le supprimer et lancé un appel aux médecins pour qu'ils ne paient plus leurs cotisations à l'Ordre alors que celles-ci étaient obligatoires ? Vingt ans après, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ont fait leur révolution en ce domaine. Mais ils nous ont habitués à de telles contradictions !

Mme Élisabeth Guigou. Très drôle !

M. Philippe Auberger. La contribution aux recettes est également, n'en déplaise à certains, équitablement répartie : sont sollicités les entreprises qui acquittent la C3S, les retraités imposables, les revenus du patrimoine sur lesquels la CSG est portée à 0,7 %, après avoir été augmentée de 0,3 % dans le cadre du projet de loi sur les handicapés, les jeux qui sont imposés davantage à la CSG, et, enfin, les salariés pour lesquels la CSG n'augmente que de 0,95 % à 0,97 %. Comme on le voit, l'effort est partagé de la façon la plus équitable possible.

Un effort est également demandé aux patients puisqu'il est prévu le paiement d'un euro par consultation.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Pour l'instant, ce n'est qu'un euro !

M. Philippe Auberger. Comment nos collègues socialistes osent-ils juger cette mesure excessive alors que ce sont eux qui ont créé le forfait hospitalier ? Pourquoi, quand on est malade au point de devoir aller à l'hôpital contre son gré, est-il admis de payer 14 ou 15 euros par jour et, quand on consulte un médecin, ce qui suppose que l'on est moins malade et qu'on le fait de façon plus libre, serait-il scandaleux d'acquitter un euro ? Encore une contradiction ! Pour ma part, je souhaite que cet euro devienne d'ordre public et ne puisse donc pas être remboursé afin qu'il représente un effort réel pour le patient.

Le projet de loi pourrait être complété sur deux points.

Premièrement, la loi organique devrait prévoir que, lorsque l'ONDAM est dépassé, le Parlement est saisi d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative. Un PLFSS n'a pas de signification s'il ne fait que donner des évaluations et ne fixe pas de normes.

Deuxièmement, il faudrait régler le problème de la dette de la CADES : une reprise est prévue à hauteur de 33 milliards d'euros à la fin de cette année, auxquels s'ajouteront les dettes de 2005 et 2006, évaluées au total à 15 milliards. Même si cela permettra d'économiser des frais financiers, cela fait beaucoup ! Repousser au-delà de 2 020 la charge de la dette de la CADES ne paraît pas raisonnable. C'est pourquoi j'ai proposé en commission spéciale qu'à partir de cette date, elle soit transférée au budget général.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale. C'est une hypothèse satisfaisante !

M. Philippe Auberger. Une autre solution consisterait à augmenter la CRDS mais, même avec une augmentation de 0,15 %, cela ne serait pas sans risque pour la croissance et l'emploi, qui demeurent encore bien fragiles. Il faut donc y réfléchir de plus près. C'est un point que nous examinerons au cours de la discussion.

En conclusion, cette proposition de réforme de l'assurance maladie est très importante à un double titre : d'abord, par son contenu, et ensuite parce qu'elle repose sur des valeurs que nous avons toujours défendues.

La première valeur est la liberté, et en particulier celle de choisir son médecin. Le fait de devoir désigner un médecin traitant ne la limite en rien.

La seconde valeur, qui va de pair avec la liberté, est la responsabilité. Est prévue la responsabilisation des professionnels de santé, des laboratoires, des hôpitaux et aussi des patients. C'est ainsi que nous pourrons redresser la situation de l'assurance maladie et c'est pourquoi le groupe UMP votera le projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État à l'assurance maladie, mes chers collègues, une fois de plus, la droite républicaine démontre son courage ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Vous pouvez rire, mes chers collègues socialistes, vous qui n'avez rien fait pendant cinq ans !

Une fois de plus, nous entamons une vaste réforme pour sauver un système fondamental. Après les retraites, nous réformons en effet aujourd'hui l'assurance maladie.

Vous, vous avez profité de la croissance. Nous, nous faisons ce que vous n'avez pas eu le courage de faire et sauvons notre système de protection sociale !

Pour éviter les redites, je concentrerai mon intervention sur une réforme qui me semble indispensable et à propos de laquelle j'ai déposé deux amendements, déjà cosignés par une quarantaine de mes collègues : je veux parler de la réforme de l'aide médicale d'État, l'AME.

Depuis deux ans, nous n'y avons guère touché.

L'AME coûte cher. Créée par Lionel Jospin en 1999, elle n'avait été financée qu'à hauteur de 45 millions d'euros. Cette enveloppe sous-estimait, une fois de plus - selon l'habitude des socialistes - la réalité et, plus particulièrement, l'afflux des demandes.

Ainsi, à la fin de l'année 2003, 165 000 personnes y étaient affiliées, contre 75 000 trois ans plus tôt. L'AME a donc coûté à l'État français 61 millions d'euros en 2001 et plus de 600 millions d'euros - soit dix fois plus - en 2004, selon notre rapporteur Gilles Carrez.

Face à cette augmentation, je proposerai à l'ensemble de mes collègues d'adopter des amendements permettant au maire d'être l'unique dépositaire des demandes d'AME. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Cela vous gêne-t-il, mesdames, messieurs les socialistes ? Personnellement, je fais plus confiance à des maires qu'à des associations humanitaires autoproclamées.

Mme Élisabeth Guigou. Cela dépend lesquels !

M. Thierry Mariani. Madame Guigou, s'il est une personne qui, sur ce sujet, devrait se taire, c'est bien vous ! Vous avez été battue à Avignon et n'avez pas osé vous représenter devant vos électeurs, préférant vous réfugier dans un bantoustan politique. Je n'accepte aucune leçon de vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Mariani.

M. Thierry Mariani. Permettez, monsieur le président, que je réponde à une collègue qui, sur ces bancs, se targue de donner des leçons alors qu'elle n'a même pas le courage de se représenter devant ses électeurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Balayez devant votre porte !

M. Thierry Mariani. Nous devrions examiner mes amendements avant l'article 1er du projet de loi. Toutefois, étant parlementaire de province, je tiens à vous les exposer dès aujourd'hui !

Par ailleurs, je sais que mon collègue Claude Goasguen a déposé des amendements quasiment identiques et j'espère qu'il saura, si je n'étais pas présent pour défendre les miens, vous faire adopter les siens.

Tout d'abord, permettez-moi de rappeler ce qu'est l'AME.

Mme Élisabeth Guigou. M. Mariani crie haro sur les pauvres !

M. Thierry Mariani. Madame Guigou, venez vous expliquer dans le Vaucluse au lieu de crier sur ces bancs ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

L'AME est une prise en charge à 100 % des soins, des prescriptions médicales et du forfait hospitalier dans la limite des tarifs conventionnels ou des tarifs forfaitaires de responsabilité. De plus, elle dispense de toute avance des frais, à l'hôpital ou en médecine de ville.

Instituée le ler janvier 2000 par le gouvernement Jospin, dont Mme Guigou était ministre, elle est ouverte, sous conditions de résidence et de ressources, aux personnes qui ne remplissent pas les conditions d'admission au bénéfice de la couverture médicale universelle.

Mme Élisabeth Guigou. Nous en sommes fiers !

M. Thierry Mariani. Vous êtes fiers de créer des déficits, c'est une habitude chez vous ! Mais, madame Guigou, si vous en êtes si fière, représentez-vous devant vos électeurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur Mariani, veuillez, je vous prie, poursuivre votre intervention.

M. Thierry Mariani. Mais, monsieur le président, Mme Guigou, qui ne veut plus mettre les pieds dans le Vaucluse, m'interrompt ici en permanence !

M. le président. Mes chers collègues, M. Mariani a seul la parole. Je vous demande donc d'écouter avec respect son intervention.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Il faudrait déjà que lui-même parle avec respect !

M. Thierry Mariani. Les bénéficiaires de l'AME peuvent être des étrangers en situation régulière à condition qu'ils soient arrivés en France depuis moins de trois mois. Pourtant, le plus souvent - ne nous cachons pas la réalité ! - il s'agit d'étrangers en situation irrégulière et de leurs ayants droit.

Le bénéficiaire de l'AME doit d'abord remplir une condition de résidence. En effet, l'étranger qui n'a pas ou plus de titre de séjour doit prouver qu'il réside en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois.

La preuve de la durée du séjour peut être constituée par tout moyen : présentation d'un visa expiré, d'un passeport, d'une notification de refus de demande d'asile, d'une facture d'hôtel ou d'une facture d'EDF. Si l'étranger ne peut pas présenter de pièces justificatives, il doit remplir la déclaration sur l'honneur figurant au bas de la demande d'AME.

Le bénéficiaire de l'AME doit ensuite remplir des conditions de ressources. Ainsi, l'étranger doit justifier de ressources inférieures au plafond fixé pour l'attribution de la CMU, soit 566,50 euros par mois pour une personne, depuis le 1er juillet 2003.

Là aussi, si l'étranger ne peut pas présenter de pièces justificatives, il doit remplir la déclaration sur l'honneur figurant au bas de la demande d'AME.

Mes chers collègues, je vous invite à voir le formulaire, rien n'est plus simple ! Je rêve qu'il en aille de même pour les contribuables français et que, pour eux aussi, une simple déclaration sur l'honneur suffise !

Mme Martine Billard. Cela ne fonctionne pas comme vous le dites dans la réalité !

M. Thierry Mariani. Il nous faut être réalistes et admettre qu'il doit exister des abus. Le fait que le coût ait été multiplié par dix en trois ans nous invite à le croire !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Cela fait deux ans que vous êtes aux commandes !

M. Thierry Mariani. Pourquoi en effet déclarer une somme qui vous enlèverait le droit de vous faire soigner gratuitement ? Ce serait du masochisme.

Ce ne sont pourtant pas ces deux conditions que je vous propose de modifier. En effet, l'aide médicale concerne des populations en situation irrégulière particulièrement vulnérables, qu'il faut protéger.

Les objectifs assignés par la loi sont louables : permettre l'accès effectif aux soins des publics démunis résidant en France. Néanmoins, il est nécessaire de mieux encadrer le dispositif pour éviter les dérives qui ont pu être constatées.

Aujourd'hui, les demandes d'admission à l'AME sont reçues par quatre organismes différents : ce peut être un organisme d'assurance maladie, un centre communal ou intercommunal d'action sociale, les services sanitaires et sociaux du département de résidence ou les associations ou organismes à but non lucratif agréés à cet effet par le préfet, c'est-à-dire, en pratique, les associations caritatives ou d'entraide et les centres d'hébergement et de réadaptation sociale.

La profusion des possibilités de dépôts des demandes ne peut qu'aggraver le flou statistique entourant les chiffres relatifs à l'AME - qui renseignent par ailleurs sur la situation de l'immigration, légale ou illégale. Cette profusion permet, en outre, à certaines personnes de présenter plusieurs dossiers, la complexité administrative rendant difficile la centralisation des demandes.

Aussi, pour limiter le nombre des interlocuteurs, permettre de centraliser les demandes d'AME, à des fins comptables et pour éviter les abus, et juguler l'accroissement considérable des dossiers, parfois infondés, je vous propose, dans un premier amendement, de désigner la mairie comme seul lieu de dépôt des demandes d'AME.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. Thierry Mariani. Il n'y a rien, là, de révolutionnaire. Moi, je fais confiance aux maires.

Mme Élisabeth Guigou. À Orange, on est sûr du résultat !

M. Thierry Mariani. Revenez donc dans le Vaucluse, madame Guigou ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Cet interlocuteur unique doit permettre de mieux maîtriser la gestion et le contrôle de certaines dépenses de l'État.

Je vous proposerai un deuxième amendement, plus complet, tendant, lui aussi, à centraliser les demandes d'AME à la mairie afin de limiter les dossiers abusifs et de permettre un comptage efficace.

Cette centralisation, qui évite la multiplication des lieux de dépôts, propice aux infractions, ne résout pas le problème de la validité des conditions d'accès à l'AME. Les conditions de ressources, par exemple, sont enregistrées, comme j'y ai déjà insisté, par le biais de simples déclarations sur l'honneur. On ne peut prôner la rigueur budgétaire et laisser un poste de dépenses enregistrer une telle croissance.

Comme je vous l'ai dit, l'augmentation exponentielle des bénéficiaires de l'AME vient certainement en partie du fait qu'un certain nombre d'étrangers déclarent remplir les conditions de ressources alors qu'ils gagnent en réalité plus.

Mon deuxième amendement s'inspire de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur. Il a pour objet de permettre à la mairie de vérifier les conditions de ressources, d'identité et de résidence, ce qui paraît être un minimum s'agissant d'une demande de soins gratuits pour le bénéficiaire et financés par l'ensemble de la société.

Ce dispositif vise à mieux lutter contre les inscriptions multiples et contre les fraudes.

Toutefois, l'instruction des demandes reste de la compétence des services de la caisse d'assurance maladie. En effet, il n'appartient pas au maire d'instruire ces dossiers.


En outre, je vous propose, dans cet amendement, que le maire puisse, lorsqu'il l'estime nécessaire, transmettre son avis avec le dossier de demande d'AME au service compétent.

En retour, cet avis devra obligatoirement être suivi d'une réponse des services instructeurs de la demande d'AME précisant les suites données à ce dossier.

Enfin, pour que mon dispositif soit complet, je vous proposerai deux sous-amendements déposés en séance. Il s'agit, pour chacun de mes amendements, de permettre que les demandes d'AME soient mémorisées et fassent l'objet d'un traitement automatisé, afin de lutter contre les détournements de procédure.

Bien évidemment, comme pour la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, mon amendement comporte toutes les dispositions, notamment celles garantissant le respect des informations personnelles et entre autres le contrôle de la CNIL.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je le disais au début de mon propos, le point fort de notre réforme est qu'avant de réinjecter de l'argent, nous nous attachons, nous, à boucher les trous. C'est ma proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou.

M. Thierry Mariani. Par solidarité vauclusienne, je ne dirai rien !

Mme Élisabeth Guigou. Je ne veux pas de votre solidarité vauclusienne. Vous pouvez vous la garder !

Monsieur le ministre, mesdames, messieurs les députés, le mal est profond. Voilà deux ans que nous tirons la sonnette d'alarme, à chaque loi de financement de la sécurité sociale, face à l'aggravation de la santé financière de notre système d'assurance maladie, et voilà deux ans que vous nous promettez de grands remèdes !

Ces deux années d'attente vous conduisent aujourd'hui à opérer dans l'urgence, au moyen de coupes brutales et chirurgicales.

M. Richard Mallié. Évidemment, vous n'aviez rien fait !

Mme Martine Billard. Messieurs de la majorité, vous n'aviez rien fait non plus !

Mme Élisabeth Guigou. Le plan de sauvetage que vous nous soumettez ne satisfait aucun des objectifs d'une bonne réforme : il ne résout pas à long terme le déficit de financement ; il aggrave les inégalités d'accès aux soins ; il prépare, sans le dire, une privatisation de notre sécurité sociale. Bien sûr, il faut une réforme, mais une réforme qui résorbe vraiment le déficit, une réforme qui place la santé publique et la qualité des soins pour tous au cœur de l'action publique.

Votre projet n'est pas à la hauteur du déficit que vous avez créé.

M. Richard Mallié. Quel culot !

Mme Élisabeth Guigou. Nous savons tous ici, et vous aussi, que votre projet ne rééquilibrera pas les comptes de la « Sécu ».

Mme Chantal Robin-Rodrigo. C'est sûr !

Mme Élisabeth Guigou. Il me faut, tout d'abord, rappeler votre lourde responsabilité dans l'explosion du déficit. Votre bilan, depuis deux ans, est accablant.

Les chiffres parlent d'eux- mêmes. Le régime général de la sécurité sociale était excédentaire entre 1999 et 2001. Il est devenu gravement déficitaire avec 14 milliards d'euros de déficit prévus pour 2004. Au sein du régime général, l'assurance maladie, dont le déficit avait été fortement diminué, puis stabilisé, s'est creusé de façon vertigineuse depuis que vous êtes aux responsabilités. Nous sommes passés de 2 milliards d'euros de déficit en 2001 à 6 milliards en 2002 et à 14 milliards en 2004. Autrement dit, le déficit a été multiplié par sept en quatre ans.

C'est une chute libre dans l'abîme ! Le déséquilibre financier que vous avez laissé s'installer est intenable.

Pourquoi en est-on là ? D'abord parce que vous avez laissé filer les dépenses. Paniqués au souvenir de la révolte contre le plan Juppé en 1995, vous avez cédé aux médecins libéraux une consultation à 20 euros sans contrepartie réelle.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Qui l'avait augmenté avant ?

Mme Élisabeth Guigou. Je vais y venir.

Ces fortes revalorisations tarifaires coûtent à la sécurité sociale 750 millions d'euros par an. La croissance des honoraires, qui était de 4,7 % en 2000, a atteint 7,7 % en 2002 et 7,3 % en 2003. Les contreparties demandées aux médecins - développement des génériques, stabilisation du nombre de visites - n'ont clairement pas été à la hauteur. Certes, nous avions, nous aussi, revalorisé les consultations pour les généralistes en janvier 2002 de 17 à 18,50 euros, mais avec des contreparties fortes qui ont renforcé les contrats entre les professionnels de santé et les caisses d'assurance maladie.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Ah bon ?

Mme Élisabeth Guigou. Nous avons ainsi développé les « contrats de santé publique », qui encouragent les médecins, par une rémunération forfaitaire, à développer la prévention.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Les dépenses ont explosé. Cela n'a rien donné !

Mme Élisabeth Guigou. Nous avons encouragé les « accords de bon usage des soins », dont résulte par exemple la récente campagne contre l'abus d'antibiotiques - voilà ce que cela a donné.

Nous avons développé les « accords de bonne pratique », engageant les professionnels médicaux au respect de certains protocoles - je pense aux procédures de certification des transports sanitaires. Ces contrats se sont heureusement développés, monsieur Bur, quoi que vous en disiez - des accords ont par exemple été signés dans toutes les régions avec les généralistes sur le bon usage de la visite à domicile, avec les biologistes sur le dépistage de l'insuffisance rénale chronique.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Les dépenses ont explosé : plus 11 % dans la biologie.

Mme Élisabeth Guigou. Il est d'autant plus regrettable, messieurs les ministres, que vous ayez négligé d'appliquer la loi du 6 mars 2002 qui prévoyait un accord-cadre interprofessionnel entre la CNAM et le centre national des professions de santé. Cet accord-cadre applicable à toutes les professions de santé en ville n'est toujours pas conclu. Il est pourtant un indispensable outil transversal de promotion des engagements collectifs et individuels en matière de prévention, de bonne pratique, d'organisation et de permanence des soins. Si votre projet de loi reprend à son compte la politique de conventionnement en son article 6, c'est pour mieux faire oublier, sans doute, que vous avez négligé cette voie majeure de maîtrise des dépenses de santé.

Outre les dépenses liées aux prescriptions, les dépenses de médicaments ont fortement augmenté. Je ne vous reprocherai pas d'avoir poursuivi le déremboursement de médicaments inutiles et la promotion des génériques, deux politiques que Martine Aubry avait engagées.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Vous ne l'avez pas poursuivie.

Mme Élisabeth Guigou. Mais la commission des comptes de la sécurité sociale souligne que le développement des génériques ne suffit pas à endiguer le glissement de la consommation de médicaments moins chers vers des médicaments plus coûteux. Or, vous n'avez rien fait pour réguler les prix des nouveaux médicaments. Vous avez même, par l'accord-cadre État-laboratoires du 13 juin 2003, libéralisé les prix de dizaines de nouvelles molécules. Ce sont autant de lourdes charges supplémentaires pour la sécurité sociale.

Et ne me dites pas qu'il faut protéger l'emploi et la recherche. Les entreprises du médicament peuvent supporter les baisses de prix, préserver l'emploi et financer la recherche, comme l'a montré l'accord que j'avais fait négocier en 2001 avec les laboratoires et qui avait abouti à des baisses significatives de prix sur les médicaments. Là encore, vous avez renoncé à toute maîtrise des dépenses.

Quant aux recettes de la sécurité sociale, elles pâtissent de votre politique macroéconomique qui grève la croissance, augmente le chômage et diminue par là même les rentrées de cotisations sociales et de CSG. Vous invoquez la fatalité de la conjoncture. Dois-je vous rappeler que la France faisait mieux que la croissance moyenne européenne sous Jospin et qu'elle fait moins bien aujourd'hui ?

Les 250 000 chômeurs supplémentaires depuis 2002 représentent une perte de 3,75 milliards de recettes pour l'assurance maladie. Votre gouvernement s'est privé de tous les outils d'une politique de l'emploi. Il est contraint aujourd'hui de revenir aux emplois aidés par l'État, via les contrats dits « d'activité » proposés par M. Borloo. Quel aveu d'erreur !

M. Gérard Bapt. Hélas !

Mme Élisabeth Guigou. C'est bien votre politique qui a directement creusé le déficit de la sécurité sociale. Votre responsabilité dans ce désastre est écrasante. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ce qui est terrible c'est que votre projet ne dessine aucune véritable issue. Car ce que vous nous proposez induira des dépenses nouvelles sans réaliser de véritables économies. Vous mettez en avant le dossier médical personnalisé. Ce projet est certes utile pour une meilleure coordination et une meilleure qualité des soins. C'est pourquoi nous adhérons à son principe. Mais il n'est pas honnête de le présenter comme une mesure d'économie supposée rapporter 3,5 milliards d'euros d'ici à 2007 ! Tout le monde sait que ce dossier coûtera cher, et même très cher dans un premier temps.

Vous avez, monsieur le ministre, avancé un chiffre de 300 millions d'euros pour sa mise en place, auxquels il faut ajouter un minimum de 600 millions d'euros par an de frais de gestion. Ce sont vos propres chiffres. Il faudra très longtemps avant que ce dossier ne génère des économies, à supposer que vous parveniez à ce qu'il soit mis en place. Car vous ne nous donnez aucune garantie sérieuse sur le respect des droits fondamentaux de la personne. Quels seront les médecins qui pourront accéder à ce dossier ? Quels types d'informations pourront y être inscrites ? Quelles pathologies et quels actes médicaux auront vocation à être intégrés à ce dossier ? En cas d'inobservation des règles, les patients, selon votre projet, ne peuvent être seuls pénalisés.

Y aura-t-il des sanctions contre les professionnels de santé qui auraient négligé d'alimenter les données ? Enfin, quand ce dossier sera-t-il concrètement en mesure de fonctionner ?

Vous annoncez 4 milliards d'économies d'ici à 2008 grâce aux génériques. Cette estimation n'a guère de sens quand on sait que la CNAM donne un chiffre huit fois moindre : 800 millions d'euros d'économie.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Toutes les réponses seront données.

Mme Élisabeth Guigou. Inefficace, votre projet est de surcroît injuste, car il aggrave les inégalités, qui se sont pourtant creusées depuis deux ans.

M. Thierry Mariani. Surtout avant !

Mme Élisabeth Guigou. Depuis 2002, vous avez rogné ou abandonné des pans entiers de la politique de santé publique, notamment en direction des plus démunis.

Vous avez augmenté le forfait hospitalier jusqu'à 13 euros. Et une nouvelle hausse d' un euro est attendue dès 2005. Un mois d'hospitalisation représentera bientôt le montant du minimum vieillesse. La gauche avait, au contraire, fait le choix de ne jamais augmenter le forfait hospitalier.

Vous avez aussi restreint l'accès à l'aide médicale d'État gratuite. Or, si les 150 000 sans papiers en situation de misère doivent payer, ils renoncent aux soins, ils interrompent parfois leur traitement en cours, car, pour eux, chaque euro compte.

M. Thierry Mariani. 600 millions d'euros en 2004 !

Mme Élisabeth Guigou. Non seulement la restriction de l'accès à l'AME est un scandale humanitaire, comme l'a dit M. Xavier Emmanuelli, pourtant proche de M. Chirac, mais cette population pauvre, non soignée, représente un risque majeur de santé publique. Songez à la tuberculose, au VIH.

Et les déboutés de l'AME reviennent inévitablement plus tard dans le système de soins, aux services des urgences, avec des pathologies plus lourdes qui coûteront alors plus cher. Le Comité médical pour les exilés, Médecins du monde, Médecins sans frontières et le SAMU social de Paris dénoncent cette « catastrophe sanitaire ».

Vous avez de surcroît durci l'accès à la CMU : les mineurs à la charge d'étrangers démunis de titre de séjour et les mineurs isolés se sont vus exclus de la CMU par la loi de finances rectificative pour 2002. La loi de finances pour 2004 a esquissé un désengagement de l'État de la CMU en transférant à la sécurité sociale une partie du coût de la prise en charge des bénéficiaires. Il me faut également souligner la pingrerie de votre gouvernement pour la revalorisation du plafond de ressources de la CMU.

Vous avez à tel point négligé l'aide à la mutualisation, que nous avons créé en 2001, par convention entre l'État et la CNAM, qu'elle est restée confidentielle. Alors qu'un amendement de votre majorité propose de financer votre aide à la mutualisation, en ponctionnant la CMU, comme l'a dénoncé tout à l'heure M. Jean-Marie Le Guen par un crédit d'impôt pris sur les crédits de la CMU, nous avons abondé les fonds d'action sociale des organismes d'assurance maladie de 110 millions d'euros en 2002 et nous avions programmé 125 millions d'euros en 2003, pour financer l'aide à la mutualisation au-delà du plafond de la CMU.

Enfin, vous avez abandonné des programmes gouvernementaux comme celui d'octobre 2001 contre la maladie d'Alzheimer.

Votre projet de loi en rajoute dans l'injustice. Financièrement, vous faites porter tout l'effort sur les malades et leur famille. Les prélèvements supplémentaires pèsent à 80 % sur les ménages, alors qu'ils pèsent de façon extrêmement symbolique sur les entreprises.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est faux !

Mme Élisabeth Guigou. Vous reportez la contribution de l'industrie pharmaceutique à d'ultérieures et incertaines négociations. Ces prélèvements supplémentaires sont donc à la fois aléatoires, injustes et insuffisants.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est faux !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Procès d'intention !

Mme Élisabeth Guigou. Toutes les mesures contraignantes de « responsabilisation » prévues par ce projet de loi frappent les assurés mais jamais les professionnels de santé. Soupçonnés par principe d'abus, les assurés sociaux devront désormais expier d'une franchise d'un euro par consultation ; leurs arrêts de travail et les affections de longue durée seront plus étroitement contrôlés. Ils devront respecter, sous peine d'être déremboursés, des contraintes en termes de procédure d'accès à un médecin traitant, à un spécialiste et d'utilisation du dossier médical personnalisé. En revanche, les professionnels de santé ne sont soumis à aucune mesure de « responsabilisation ».

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est faux !

Mme Élisabeth Guigou. Je passe très vite sur la CADES - Jean-Marie Le Guen a été très éloquent sur le sujet.

Je veux insister sur les inégalités territoriales entre les régions riches et les régions pauvres. Nous avions opéré une forte péréquation entre les hôpitaux des différentes régions françaises et nous avions commencé la même démarche pour la médecine de ville. Qu'en est-il dans votre projet ? Je ne vois rien.

Votre projet ouvre la voie à un système de santé à deux vitesses. cela me paraît très grave.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est faux !


Vous portez un coup très grave à l'égalité entre les patients en autorisant les spécialistes du secteur I à augmenter leurs honoraires pour les consultations des patients sans prescription préalable du médecin traitant. Vous inaugurez une médecine à deux vitesses en permettant aux patients les plus aisés de contourner la filière de soins que l'article 4 de votre projet rend pourtant obligatoire pour tous. De surcroît, le risque est grand de voir les praticiens accéder plus rapidement aux demandes de « consultation directe », qui leur rapporteront plus que celles passant par le médecin traitant. Au lieu de récompenser, comme nous l'avions fait par la rémunération forfaitaire, les praticiens travaillant en réseau, vous donnez une prime aux médecins pratiquant seuls, sans lien avec les généralistes, en dehors de toute organisation de filière ! C'est la porte ouverte à tous les abus. Votre indulgence sur ce plan contraste de façon significative avec la sévérité que vous affichez à l'égard des abus d'arrêts maladie.

M. Henri Nayrou. Très bien !

Mme Élisabeth Guigou. Je redoute également un système de santé à deux vitesses à l'hôpital. Le précédent gouvernement avait consenti un effort exceptionnel en faveur des hôpitaux : plan d'investissement et de rénovation, création de 45 000 emplois, mise en place des 35 heures,...

M. Thierry Mariani. Pas financées !

Mme Élisabeth Guigou. ...augmentation du nombre de places dans les écoles d'infirmières et d'aides soignantes. En dépit de vos récriminations, vous vous êtes bien gardés de revenir sur les 35 heures à l'hôpital, car vous savez comme moi que, s'il est un secteur où les conditions de travail particulièrement difficiles et pénibles...

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Pas partout !

Mme Élisabeth Guigou. ...justifient de réduire la durée du travail, c'est bien l'hôpital, et que les 35 heures sont un élément de nature à contrer la crise des vocations de médecins, d'infirmiers et d'aides soignantes. Nous ne sommes pas opposés à la tarification à l'activité,...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ah !

Mme Élisabeth Guigou. ...mais à condition que l'on tienne compte, dans la détermination des dotations, des charges de service public qui incombent aux hôpitaux publics. Les missions de service public hospitalier doivent représenter plus de 50 % de l'enveloppe consacrée à l'hôpital.

Par ailleurs, vous passez entièrement sous silence le secteur hospitalier privé. Quel contrôle sur les cliniques, dont l'augmentation des dépenses a été très supérieure à celle de l'hôpital public en 2002 et 2003 ? Les cliniques ont augmenté leurs tarifs de près de 4 % en 2003. J'avais pour ma part relevé les dotations aux cliniques privées - certains me l'avaient d'ailleurs reproché - pour revaloriser, et uniquement revaloriser, les salaires infirmiers, ce qui a été fait.

M. Gérard Bapt. Et vous aviez bien fait !

Mme Élisabeth Guigou. J'avais également créé un observatoire tripartite - État, syndicats, patronat - pour imposer la transparence dans les comptes des cliniques privées.

M. Hervé Mariton. Ah ! Un observatoire ! On est sauvé !

Mme Élisabeth Guigou. Qu'est-il advenu de cet observatoire ? Pourquoi ne l'avez-vous plus jamais réuni depuis 2002 ? Auriez-vous peur de la transparence dans la rémunération des actionnaires des cliniques privées ?

M. Hervé Mariton. Combien d'observatoires avez-vous créé ?

Mme Élisabeth Guigou. Cette absence de pilotage national risque de laisser dériver le système hospitalier vers toujours plus d'inégalités.

Nous croyons qu'une réforme plus efficace et plus juste est possible.

M. François Vannson. C'est pour cela que vous ne l'avez pas faite !

Mme Élisabeth Guigou. La réforme que nous jugeons souhaitable doit rééquilibrer durablement la situation financière de l'assurance maladie. Au lieu de replâtrer et de repousser les échéances aux générations futures, une réforme judicieuse devrait réaffecter de manière pérenne au régime d'assurance maladie les droits sur l'alcool et le tabac. Les entreprises, l'industrie pharmaceutique notamment, et les revenus financiers devraient participer davantage. Une réforme efficace contiendrait les dépenses par la promotion des génériques et par une politique de baisse des prix des médicaments. La maîtrise des dépenses serait également obtenue via une rationalisation de l'organisation des soins en France, c'est-à-dire une politique réellement active de réseau et de coordination régionale à travers des agences régionales de santé.

Nous proposons de poursuivre la politique que nous avions engagée de mise en réseaux des acteurs de santé. Je vous rappelle que la loi de financement de la sécurité sociale de 2002 avait créé un financement exclusivement dédié aux réseaux au sein de l'ONDAM.

En outre, la réforme de l'assurance maladie doit veiller prioritairement à assurer l'égalité des citoyens devant les soins. Cela suppose une politique spécifique de solidarité et d'aide à l'accès aux soins, la gratuité de l'AME, une CMU revalorisée et une aide intensifiée à l'accès à la couverture complémentaire pour tous, sans oublier la lutte contre les inégalités territoriales. La mauvaise répartition géographique des professionnels et des structures de santé pose des problèmes de sécurité sanitaire et d'inégalités d'accès aux soins. Nous considérons qu'il est de la responsabilité de l'État de mener une politique volontariste - très incitative, voire contraignante - sur les installations...

M. Pierre Hellier. Voire contraignante !

Mme Élisabeth Guigou. C'est le seul moyen de remédier aux inégalités grandissantes.

M. Pierre Hellier. Voilà qui va accroître les vocations !

Mme Élisabeth Guigou. Enfin, la réforme doit être axée sur la qualité des soins. La qualité passe d'abord par le développement de la prévention et du dépistage précoce. Rappelons que nous avons multiplié par sept entre 1997 et 2002 le financement des programmes de préventions.

Les grandes politiques de sécurité sanitaires doivent être menées de manière plus préventive : je pense à l'alimentation, à l'environnement, aux accidents climatiques, au nucléaire, à l'iatrogénie. La qualité repose aussi sur une politique encourageant la contractualisation des professionnels de santé, sur la pratique systématisée de l'évaluation, ainsi que sur la baisse de la consommation moyenne de médicaments.

Une bonne réforme devrait réorganiser le système de soins autour du patient en encadrant les libertés d'installation, de tarification et de prescription des médecins.

M. Pierre Hellier. Des médecins, il y en aura de plus en plus, à coup sûr !

Mme Élisabeth Guigou. Bien entendu, l'effort en direction d'une plus grande démocratie sanitaire doit être poursuivi.

En conclusion, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, votre projet est à mes yeux une triple supercherie.

M. Pierre Hellier. Quelle modération !

Mme Élisabeth Guigou. Premièrement, vous cachez avec soin ce que vous avez fait depuis deux ans : un déficit abyssal, des dépenses non maîtrisées, des prélèvements accrus sur les patients, surtout sur les plus défavorisés.

Deuxièmement, vous cachez aussi ce que vous êtes en train de faire : accroître les inégalités et mettre en place une sécurité sociale à deux vitesses.

Troisièmement, vous parlez beaucoup de ce que vous ne faites pas : vous annoncez une résorption du déficit à laquelle personne ne croit, même au sein de votre majorité et de votre gouvernement ; vous parlez, mais vous ne faites rien, ou très peu, pour la prévention et la réorganisation des soins.

M. Jean-Luc Warsmann. Quel sectarisme ! C'est incroyable !

Mme Élisabeth Guigou. Tant et si bien que, malgré vos beaux discours, la réalité est que votre projet réussit le triste exploit d'être tout à la fois injuste et inefficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Luc Warsmann. Quel sectarisme !

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Tout ce qui est excessif est insignifiant !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après l'intervention de mon collègue Préel, qui a exprimé la position d'ensemble de l'UDF sur ce texte, je me bornerai à en décrire l'aspect financier, c'est-à-dire les cinq articles du titre III.

Pour nous, une réforme doit comporter trois caractéristiques : elle doit être économiquementet financièrement efficace ; elle doit porter un impératif de justice sociale ; enfin, elle doit être acceptée et comprise par nos concitoyens pour devenir une réussite politique.

Je m'attacherai à démontrer, au nom du groupe UDF, durant les cinq minutes qui me sont attribuées, que la partie financement de ce projet de loi ne répond pas à ces trois critères, puisqu'elle n'est pas financièrement réaliste, qu'elle est socialement discutable et politiquement risquée.

M. Jean-Marie Le Guen. Exact !

M. Pierre-Christophe Baguet. Sur chacun de ces points, l'UDF a fait des propositions précises, que je rappellerai, et qui auraient permis de répondre à ce triple impératif.

Pour commencer, ce projet est d'une crédibilité financière contestable.

La situation financière de notre régime d'assurance maladie est simple : il est en faillite. Avec 35 milliards d'euros de déficit cumulé sur cinq ans et des facteurs structurels irréversibles d'augmentation des dépenses liés à notre structure démographique et à la hausse du coût des soins, la question qui aurait dû être posée est évidente : à quel effort sommes-nous prêts pour maintenir un haut niveau de protection médicale pour tous ? Pour toute réponse, on nous propose un plan de financement qui ne résorbera pas les déficits : selon les projections du groupe UDF, corroborées par le ministère de l'économie, l'assurance maladie enregistrera un déficit cumulé d'au moins 30 milliards d'euros d'ici à 2007. Le choix du gouvernement de le transférer à la CADES a une conséquence simple : nous reportons purement et simplement nos faiblesses sur les générations futures.

Nos concitoyens doivent savoir qu'avec le dispositif proposé, les médicaments et les soins qu'ils consomment aujourd'hui seront payés par leurs enfants et leurs petits-enfants. Si nos enfants et petits-enfants payent nos feuilles de soin, ils ne pourront pas demain payer les leurs. Le prix de notre refus à régler la dette sociale est simple : les générations futures se soigneront forcément moins bien puisqu'elles devront payer leurs soins et les nôtres. C'est moralement insupportable.

Le Gouvernement nous répond qu'il préfère une maîtrise médicalisée à une maîtrise comptable. N'est-ce pas l'aveu même que ce projet de loi ne résoudra pas à court ou à moyen terme le problème du déficit de l'assurance maladie ? Le résoudra-t-il pour autant à long terme ? On peut en douter.

Ce discours est partagé par un grand nombre de députés de la majorité,...

M. Gérard Bapt. Et de l'opposition !

M. Pierre-Christophe Baguet. ...à tel point qu'il a conduit la commission spéciale à adopter un amendement qui va dans notre sens. Pour autant, relever la CRDS de 0,15 % et prolonger la durée de vie de la CADES jusqu'en 2020 ne saurait être satisfaisant pour deux raisons.

M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui !

M. Pierre-Christophe Baguet. Non seulement le report de la CADES serait un mauvais signe, démontrant que, sitôt que nous nous trouvons face à une situation difficile, nous reportons l'effort sur les générations futures, mais une augmentation de 0,15 % ne suffira pas pour éponger le déficit d'ici à 2020. Selon nos estimations, il resterait un déficit de 30 à 40 milliards d'euros minimum.

M. Gérard Bapt. C'est la vérité !

M. Pierre-Christophe Baguet. Nous devons être pleinement responsables et nous en tenir à la date de 2014. L'UDF propose un choix courageux et réaliste, qui consiste à conserver la date de fin de la CADES en 2014 et à augmenter la CRDS de 0,35 %, ce qui permettrait d'assumer la totalité des déficits de l'assurance maladie dans les dix années à venir.

Votre projet est ensuite socialement discutable.

Au-delà de cet aspect du texte gouvernemental, il convient de mettre en place des mesures de financement socialement inattaquables pour l'assurance maladie. Or la réduction de l'abattement sur la CSG de 5 % à 3 % proposée présente à cet égard deux inconvénients majeurs. D'une part, l'effort contributif est inégalitaire ; d'autre part, il pénalise les plus bas revenus dans la mesure où la réduction de l'abattement correspond à une hausse de leur taux, légitimement réduit, de 0,16 %. L'UDF considère que l'effort doit être équitablement réparti et les plus bas revenus exonérés d'un effort supplémentaire.

M. Gérard Bapt. C'est une très bonne remarque !

M. Pierre-Christophe Baguet. Dans cet esprit, nous avons proposé un amendement tendant à substituer à cette réduction de l'abattement - au demeurant constitutionnellement discutable - une hausse des taux de CSG dont les plus modestes seraient exemptés. Une telle mesure permettrait tout à la fois de présenter de façon simple et lisible aux Français 1'effort à faire, de rétablir l'égalité et d'épargner les plus modestes.

Votre proposition enfin est politiquement risquée.

II y a pire que de ne pas faire une réforme : c'est de faire croire que l'on en fait une. La majorité présente ce dix-neuvième plan de financement comme la grande réforme de l'assurance maladie. Or il n'est pas un observateur aguerri qui saurait démontrer que nous n'aurons pas besoin d'en faire une autre d'ici à cinq ans, voire d'ici à la fin de la législature... II faudra enfin la grande réforme de structure et de financement qui permettra de pérenniser sur le long terme notre assurance maladie.

Comment notre majorité expliquera aux Français en 2007 qu'il va nous falloir en refaire une ? Cela nous mettra dans une situation impossible qui risquera de nous coûter très cher en termes de crédibilité.

Vous le savez tous ici : l'UDF prônait une véritable réforme dès 2002, qui aurait mis les Français face aux exigences de notre système de soins.

Pour conclure, je rappellerai seulement que, sur toutes ces questions de financement comme sur le reste, l'UDF a des solutions courageuses. Nous regrettons que le gouvernement ne les soutienne pas toujours. Mais la discussion est ouverte... N'est-ce pas, messieurs les ministres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Gérard Bapt. C'était un grand discours d'opposition !

M. Jean-Marie Le Guen. Un discours juste !

M. le président. La parole est à M. Jacques Domergue.

M. Jacques Domergue. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en prenant la parole aujourd'hui, je mesure combien nos débats sont au cœur des préoccupations des Français ; nous sommes réunis pour sauver l'assurance maladie, ce système de protection sociale que tous nos voisins européens nous envient et qui doit rester comme il a été classé : le meilleur du monde. Cette réforme que d'aucuns essaient de caricaturer est l'un des deux grands chantiers du quinquennat. Après les retraites, nous avons eu le courage de nous attaquer à l'assurance maladie alors que nos prédécesseurs avaient éludé l'un et l'autre de ces deux dossiers de façon, osons le dire, bien peu responsable.

Certes, la période de croissance exceptionnelle des années 1999 à 2001 a masqué les dérives de notre système de santé et ses dysfonctionnements profonds.

M. Jean-Marie Le Guen. Pour vous, financer, c'est masquer !

M. Jacques Domergue. Oui, masqué ! Si vous aviez financé, nous n'en serions pas là aujourd'hui.

M. Gérard Bapt. On peut vous retourner le compliment !

M. Jacques Domergue. Le Haut conseil de l'assurance maladie l'a dit : deux tiers des économies potentielles sont de nature structurelle.

C'est à ce moment-là que les réformes de structure auraient dû être faites : seul le nécessaire investissement pour réformer le système de protection sociale français aurait permis d'affronter la période prévisible d'une moindre croissance, et par voie de conséquence les moindres rentrées de cotisations. Mais rien n'a été fait, si ce n'est de dilapider une cagnotte de 50 milliards de francs. Rien, si ce n'est une réforme de la durée du travail, les 35 heures qui sont venues définitivement plomber la situation déjà fragile de l'assurance maladie.

M. Alain Vidalies. Vous n'aviez qu'à les supprimer... Allons, du courage !

M. Jacques Domergue. Aujourd'hui, nous y sommes, et le constat est accablant : le système fuit de 23 000 euros par minute... De quoi faire frémir les plus dubitatifs !

Un des axes forts de votre réforme, monsieur le ministre, est la responsabilisation des acteurs, tant des professionnels de santé que des assurés. C'est dans cet esprit que s'inscrit la contribution symbolique de 1 euro sur les consultations et sur les actes de biologie.

Dans l'esprit, cette contribution de 1 euro a valeur de responsabilisation du patient qui bénéficie d'un soin. Le but est que tout Français comprenne que si, pour chacun d'entre nous, la santé n'a pas de prix, elle a réellement un coût pour la collectivité. J'entends déjà des esprits chagrins dire à quel point cette contribution, pourtant modeste, est peu équitable et qu'elle constitue pour les plus démunis une entrave à l'accès aux soins. Y a-t-il réellement en France une personne qui ne puisse payer 1 euro pour aller chez son médecin ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo et Mme Huguette Bello. Oui, il y en a !


M. Jacques Domergue
. Je ne peux croire qu'à l'heure où plus de quarante millions de téléphones portables fonctionnent dans ce pays, certains ne puissent pas payer un euro pour aller chez leur médecin et que cette contribution serait une entrave à l'accès aux soins.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. Jacques Domergue. Le texte que vous nous soumettez, monsieur le ministre, propose d'exonérer de cette contribution certaines catégories de Français : les enfants de moins de seize ans, les femmes enceintes et les bénéficiaires de la CMU.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Et les étudiants !

M. Jacques Domergue. Les critères sociaux ou sociologiques proposés par le texte ne me paraissent pas correspondre à l'esprit de la réforme. Nous souhaitons une maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Une consultation pédiatrique pour une affection bénigne devrait-elle être exonérée de la contribution d'un euro alors qu'une consultation de cancérologie ne le serait pas ? La grossesse doit-elle être considérée comme une maladie grave ?

M. Bernard Accoyer. Non !

M. Jean-Marie Le Guen. Dites-le au ministre !

M. Jacques Domergue. Ou s'agit-il d'une façon détournée de relancer une politique nataliste ?

Enfin, comment imaginer réduire le nomadisme médical ou l'inflation de la consommation de soins, induite par le tiers payant conféré par la CMU, si ses bénéficiaires sont systématiquement exonérés du forfait ?

Puisque nous souhaitons asseoir la réforme sur une maîtrise médicalisée, calons l'exonération sur des critères médicaux définis par la Haute autorité de santé. Nous sommes plusieurs à avoir déposé des amendements en ce sens afin que le changement des comportements des Français s'applique à tous, sans exclusive. La réforme sera bien acceptée si elle paraît juste et équitable. Que certaines catégories de Français soient exclues de cet effort individuel demandé à chacun, créera une démotivation collective, qui fera échouer le projet. Les Français doivent s'approprier le slogan de la réforme : dépenser mieux pour soigner mieux !

Ce n'est qu'à cette condition que nous gagnerons le pari de la responsabilisation des acteurs - malades, usagers du système de soins, professionnels de santé et gestionnaires des caisses.

La réforme est attendue, tous les sondages d'opinion le montrent.

Mme Chantal Robin-Rodrigo et Mme Huguette Bello. Pas celle-là !

M. Jacques Domergue. La réforme est comprise. Elle réussira si chaque Français voit qu'il contribue à la survie de l'assurance maladie, dans l'intérêt de tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il existe un véritable consensus sur la nécessité de réformer notre régime d'assurance maladie, afin de le sauvegarder.

La réforme n'est plus une option, elle est devenue un impératif : nous ne pouvons en effet laisser l'un des piliers de la cohésion sociale continuer de se désagréger complètement.

Dans le même temps, il est inconcevable que nous infligions aux générations futures le fardeau de notre santé. C'est pourquoi il faut une réforme ambitieuse et courageuse : une réforme qui préserve notre régime d'assurance maladie tout en consolidant ses principes fondamentaux.

Le premier d'entre eux est l'égalité d'accès aux soins, qui doit être garantie à tous nos concitoyens, sur l'ensemble du territoire et sans discrimination de revenus. Notre système repose aussi sur la qualité des soins, qui doit perdurer et se développer par le truchement d'investissements tant en matière de matériel que de recherche et d'innovation.

Égalité, qualité et solidarité sont les fondements du régime d'assurance maladie français, qui a une vocation universelle et humaniste clairement affichée.

Ce système de santé, nous avons raison d'en être fiers, car peu de pays ont développé un tel outil au service de leur population. Mais il nous faut reconnaître aujourd'hui ses limites, ses défauts. Il n'est pas soutenable de laisser filer les déficits, de continuer d'alourdir la dette publique. Cette réforme que nous allons élaborer au cours des prochaines semaines doit ainsi pérenniser l'assurance maladie à la française, tout en modifiant son fonctionnement pour permettre le retour à l'équilibre financier.

Un pan important de cette réforme doit être l'instauration d'une véritable gouvernance : il faut un pilote, et que le rôle de chacun des acteurs soit clairement défini. Il faut surtout donner à chacun les moyens d'exercer sa tâche, de façon pleinement responsable.

Le système actuel, où le Parlement vote une enveloppe qui est systématiquement dépassée, et où il ne dispose d'aucun moyen d'action ou de contrôle, ne peut plus durer. Il est indispensable que tous les acteurs - État, gestionnaires de l'assurance maladie, professionnels et patients - soient mieux responsabilisés. En ce sens, j'estime que la mesure visant à facturer un euro à tous les patients est pertinente. Au-delà de l'aspect financier, c'est la prise de conscience du coût que représente la santé qui me paraît importante.

Ensuite, il était indispensable que soit créée une structure efficace pour l'évaluation des capacités thérapeutiques des médicaments : comment accepter que des médicaments à l'efficacité douteuse soient remboursés par la collectivité ? Les choix en matière d'assurance maladie doivent être fondés sur des critères réellement scientifiques, dans l'intérêt exclusif de la qualité des soins et de la santé des patients.

Enfin, le système actuel - de qualité, universel - procède d'un choix de société. Notre génération souhaite que ce système perdure, et je m'en réjouis. Mais nous ne pouvons pas laisser les jeunes générations supporter, seuls, nos choix en matière de santé. Reporter indéfiniment les déficits et les dettes serait une lâcheté à laquelle je me refuse. Ce sont nos choix, nos dépenses, et c'est à nous qu'il incombe de les assumer, pas à nos enfants. C'est pourquoi, je suis favorable à une augmentation des recettes, juste et équilibrée. L'augmentation de la CSG et l'unification progressive des taux me paraissent être inévitables. Mais cela ne suffira pas. Il nous faut œuvrer au remboursement de la dette. Plusieurs solutions ont été avancées, profitons du débat pour les étudier et choisir la mieux adaptée.

Pour conclure, je souhaiterais aborder le thermalisme, sujet qui me tient particulièrement à cœur.

Le thermalisme est une thérapeutique médicale à part entière, qui a résisté à l'épreuve du temps et à l'évaluation scientifique moderne. La prise en charge des curistes par la sécurité sociale est aujourd'hui très partielle, et leur investissement personnel reste important.

Alors que l'ensemble des dépenses de santé connaît une croissance importante de 6 à 7 % par an, les dépenses liées aux soins thermaux restent globalement stables et maîtrisées aux alentours de 1,1 % par an.

Les exploitants thermaux, le corps médical des stations, les stations elles-mêmes, se fixent désormais comme objectifs la réflexion et l'intervention sur de grands enjeux de société : guérir et soulager les pathologies chroniques et invalidantes, accompagner le vieillissement, et enfin, aider au maintien de l'autonomie de la personne âgée. Tels sont les principes fondamentaux du thermalisme, qui peut donc être perçu comme un véritable outil au service non seulement de la prévention et de l'éducation sanitaire, mais aussi de l'aménagement du territoire.

À ce titre, je souhaite que cette réforme ne sacrifie pas le thermalisme sur l'autel de la réduction des dépenses, et qu'on lui reconnaisse une légitimité au sein du système de santé.

Ce projet de loi est l'architecture d'une réforme qui se veut ambitieuse. Je tiens, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, à saluer le travail que vous avez accompli. Vous avez su prendre le temps du dialogue et de la concertation et je suis persuadé que vous vous montrerez aussi ouvert aux initiatives des parlementaires lors de l'examen du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gérard Bapt. Vous risquez d'être déçu !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'assurance maladie concerne la situation de chaque Française et de chaque Français face à la première des injustices, la maladie.

C'est donc un choix politique majeur que de répondre aux attentes de nos concitoyens en la matière, qui aspirent à une offre de soins accessibles à tous et à un financement équitable, fondé sur la solidarité.

Nous aurions pu avoir un grand débat sur un sujet qui est de l'essence même du politique. Malheureusement, ni le contenu de votre projet de loi, ni vos méthodes de communication, ne permettent d'éclairer véritablement les Françaises et les Français sur les choix que nous pouvons faire.

Face à un débat qui engage un véritable choix de société, vous avez, au contraire, choisi l'esquive, l'approximation, voire l'illusionnisme.

Ainsi, à plusieurs reprises, monsieur le ministre, vous avez soutenu, devant l'Assemblée nationale, que votre réforme avait reçu un large accord et l'approbation des organisations syndicales.

Permettez-moi de vous rappeler la position officielle des quatre plus grands syndicats de salariés.

Pour la CGT, votre projet ne répond pas au principal problème identifié par le Haut conseil de l'assurance maladie et porte en germe la remise en cause des règles de base de l'assurance maladie.

Force ouvrière condamne un projet qui va conduire au rationnement des soins et repose sur des mesures financières inacceptables.

La CGC craint que ces mesures d'abaissement des remboursements n'encouragent le glissement de notre système d'assurance maladie vers une privatisation progressive.

Pour la CFDT, les propositions gouvernementales sur le financement demeurent déséquilibrées et injustes, les recettes nouvelles reposant essentiellement sur les ménages, les salariés et les futures générations.

La CFDT précise même que les méthodes utilisées par le Gouvernement et ses déclarations tout au long de la phase de concertation s'éloignent d'une conception du dialogue social qui respecte les acteurs.

Tout cela ne vous empêche pas de vous présenter en héros du dialogue social !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Cela vous gêne. C'est une culture que vous n'avez plus !

M. Richard Mallié. Ils n'ont pas lu le projet de loi !

M. Alain Vidalies. Quant au dossier médical personnel, vous déclarez qu'il doit générer une économie de 7 milliards d'euros.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Je n'ai jamais dit cela.

M. Alain Vidalies. Quelques jours après, il ne s'agissait plus que 3,5 milliards, sans d'ailleurs aucune explication sur l'un ou l'autre de ces chiffres.

Vous vous répandiez dans les médias pendant plusieurs jours sur l'absence d'augmentation de la CSG pour les salariés, avant qu'on ne découvre que, par un procédé quasi clandestin, vous aviez élargi l'assiette, mettant à la charge des salariés un milliard d'euros supplémentaire.

Sur les indemnités journalières, vous nous annoncez, sans sourciller, une économie de 800 millions sur les fraudes, alors que le total des indemnités journalières s'élève à 5,2 milliards. Ainsi, selon vous, les arrêts maladie frauduleux représentent 15 %, alors que les assurances privées, qui effectuent les contrôles pour les entreprises et la Caisse nationale d'assurance maladie, évaluent la fraude entre 5 et 6 %. On comprend mieux pourquoi, dans la note du ministère des finances, l'objectif d'économie est ramené à 200 millions, soit le quart de votre chiffre.

Bref, monsieur le ministre, soit vous êtes fâché avec les chiffres, soit vous avez délibérément choisi d'avancer masqué pour éviter le véritable débat qu'attendent les Français.

M. Alain Claeys. Très bien !

M. Alain Vidalies. Or, ce débat est légitime dès lors que les dépenses de santé augmentent plus vite que la richesse produite. Ce constat n'est pas une surprise et trouve naturellement son explication dans le vieillissement de la population et le coût des progrès techniques médicaux.

La part du produit intérieur brut consacrée aux dépenses de santé n'est pas forcément révélatrice d'un haut niveau de protection. L'exemple des États-Unis qui consacrent 13,9 % de leur produit intérieur brut aux dépenses de santé est édifiant : ils abandonnent, à leur triste sort, les plus pauvres et en l'espèce pratiquement 25 % de la population dépourvue de toute couverture sociale.

Le déficit de l'assurance maladie s'explique par des raisons conjoncturelles mais aussi structurelles. Les premières tiennent à l'échec de votre politique de l'emploi : comment expliquer sinon que les comptes aient été équilibrés entre 2000 et 2001 ?

Mais ce débat ne doit pas nous exonérer d'une réflexion sur le mode de financement de notre protection sociale.

À la création de la sécurité sociale, les cotisations patronales, qui constituaient l'essentiel des ressources, étaient considérées comme un salaire différé destiné à la protection sociale des travailleurs.

Ce contrat social a permis à notre pays de connaître un développement économique et social au moins pendant les décennies du plein emploi.

Or aujourd'hui deux questions majeures le remettent en cause. D'une part, la diminution de 10 % en vingt ans de la part des salaires dans la richesse produite et, d'autre part, les effets anti-emploi d'un système qui pénalise d'abord les entreprises de main-d'œuvre.

Pouvons-nous continuer à financer l'assurance maladie avec des cotisations patronales assises uniquement sur les salaires ?


La question mérite d'être posée. Elle concerne autant la protection sociale que notre politique de l'emploi. Nous sommes favorables au passage progressif à une assiette sur la valeur ajoutée, qui fera contribuer les entreprises en fonction de la richesse créée et pas seulement en fonction des salaires versés. Mais votre projet ignore cette question tout en pénalisant d'abord délibérément les ménages et les salariés. Au moins, sur ce point, votre choix est clair.

En matière d'économies, votre principale attente porte sur la création du dossier médical personnel informatisé. Vous semblez persuadé d'avoir découvert la poule aux œufs d'or et d'être en admiration devant cette trouvaille. Retrouvons un peu de lucidité. Doter tous les Français d'un dossier médicale informatisé d'ici au 1er janvier 2007, former et équiper les 300 000 professionnels de santé serait une sorte de miracle à l'accomplissement duquel nous serons attentifs.

Sur le principe, nous sommes favorables à tout ce qui améliore la prise en charge des malades.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Très bien !

M. Alain Vidalies. Mais vous n'avez jamais donné la moindre explication sur la faisabilité technique de cette mesure dans les délais prévus, ni d'ailleurs sur son coût.

J'insisterai sur la protection des données personnelles de santé.

Mme Élisabeth Guigou. Très bien !

M. Alain Vidalies. Dans la loi relative aux droits des malades, nous avions retenu la notion d'hébergeurs agréés, dans la mesure où, à l'époque, la réflexion portait sur la protection des données de santé au regard du développement des réseaux ville-hôpital. Mais en retenant l'option d'un système unique interconnecté pour l'ensemble du territoire, vous changez radicalement la donne.

Mme Élisabeth Guigou. Évidemment !

M. Alain Vidalies. Les données personnelles de santé ne sont pas une marchandise. Les hébergeurs, c'est-à-dire les entreprises qui assureront la conservation et la communication de ces données, ne pourront être rémunérées que pour cette prestation, sans autre source de revenu possible. Dès lors, seul un hébergeur public peut apporter le niveau de garantie nécessaire.

Mme Élisabeth Guigou. Bien entendu !

M. Alain Vidalies. Les Français ne sont pas prêts à accepter que leurs données de santé soient physiquement détenues par des entreprises privées, fussent-elles agréées. Au surplus, compte tenu des règles de la concurrence imposées par le droit européen, ces données pourraient être conservées à l'étranger. Les possibilités des rachats de ces entreprises ou de changement d'actionnaires et l'impossibilité d'appliquer le contrôle des autorités administratives françaises et notre loi pénale sur des entreprises étrangères renforcent l'acuité du problème.

Au-delà du statut de l'hébergeur, la généralisation du dossier médical personnel informatisé poserait un grave problème de constitutionnalité si vous persistiez dans votre projet de pénaliser les malades refusant de le communiquer. Mais vous avez manifestement fait l'impasse sur cette difficulté.

Vous ignorez aussi le gisement d'économies résidant dans le transfert à grande échelle vers l'assurance maladie de charges incombant normalement à la branche accidents du travail. Depuis le rapport Massé, toutes les études ont confirmé que la sous-déclaration des accidents du travail était une pratique habituelle. Les statistiques les plus récentes révèlent d'ailleurs une augmentation des arrêts maladie des salariés en fin de carrière, comme par hasard au moment même où l'État commence à refuser de prendre en charge les mesures d'âges dans les plans sociaux.

Vous avez manifestement une vision très sélective des économies à réaliser. Le plus choquant, c'est votre décision de reporter sur les générations futures les déficits accumulé et vos déficits prévus pour 2005 et 2006,

Vous parlez volontiers de courage politique, mais votre décision de créer une sorte d'impôt sur la naissance pour les générations futures, afin d'éviter de traiter le problème aujourd'hui, relève plutôt de la fuite en avant. Le courage commanderait de s'attaquer aux puissants - industries pharmaceutiques, entreprises, professionnels de santé, cliniques privées -, pas de frapper les plus vulnérables. Or, les puissants, grands absents de cette réforme, n'ont rien à craindre de vous.

Votre réforme a vocation à échouer parce qu'elle est destinée à vous permettre de justifier, a posteriori, votre véritable objectif, qui est de multiplier les déremboursements. Le dispositif est prêt. Il ne restera plus, à l'automne, qu'à parfaire l'ouvrage en faisant adopter la loi organique rendant obligatoire le respect de l'ONDAM. Tout sera prêt alors pour engager la démarche de déremboursement, augmenter la franchise d'un euro pour les consultations et relever le forfait hospitalier.

Le titre de votre projet de loi est trompeur. Le texte tend moins à réformer la sécurité sociale qu'à limiter les dépenses de santé.

M. Jean-Marie Le Guen. Tout à fait !

M. Alain Vidalies. Après le temps de l'incantation viendra celui de la réalité, et elle sera dure pour les Françaises et les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le Président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je rappellerai d'abord que notre système d'assurance maladie, issu des ordonnances de 1945 et fondé sur l'universalité, vise à assurer la sécurité médicale et à faire bénéficier l'ensemble de la population de soins de qualité. Les différentes dispositions adoptées au cours des soixante dernières années ont permis de construire un dispositif de protection sociale au sein duquel près de 92 % des assurés sociaux bénéficient d'une couverture complémentaire.

Nous devons, cependant, faire face aujourd'hui à un déficit récurrent de l'assurance maladie, le fameux « trou de la sécu », lié aux progrès médicaux, du dépistage aux moyens thérapeutiques et techniques chirurgicales, à l'allongement de l'espérance de vie et au vieillissement de la population.

L'universalité étant à la base de notre système, il est naturel que chacun - professionnels de santé, patients, organismes publics en charge de la sécurité sociale et État -, contribue à l'effort de restructuration en cours. Certaines dérives sont à endiguer, les bonnes pratiques doivent se généraliser et l'effort de responsabilisation concerne tout le monde.

Dans ma circonscription, j'ai organisé des réunions publiques avec tous les acteurs concernés : médecins, pharmaciens, professionnels paramédicaux, assurés sociaux. Riches d'enseignements, ces débats ont nourri la réflexion que je souhaite cous soumettre dans un esprit constructif.

S'agissant de l'amélioration du comportement des assurés sociaux et des professionnels de santé, le projet crée le médecin traitant, en vue de prévenir le nomadisme des patients, la perte de contrôle des caisses d'assurance maladie face à la multiplication des actes médicaux et la concurrence entre les médecins. L'intention est louable, mais l'expérience du « médecin réfèrent » n'a pas obtenu le succès escompté. Plusieurs questions restent en suspens. Le choix du médecin traitant est laissé au patient, lequel, après en avoir indiqué le nom à son organisme d'assurance maladie, sera dans l'obligation, sous peine de sanction pécuniaire, de consulter son médecin traitant avant d'aller chez un spécialiste, sous peine également de sanction pécuniaire sous la forme de majoration. Que se passera-t-il lorsque le patient devra, dans l'urgence, le soir, le week-end ou sur son lieu de vacances, s'adresser à un autre médecin ?

En outre, vous nous avez assuré, monsieur le ministre, que le patient pourra aller directement chez le gynécologue, le pédiatre ou l'ophtalmologue mais qu'en sera-t-il du dermatologue et de l'ORL ? Je souhaite que la haute autorité de santé, instance indépendante chargée de ces questions, soit mise en place dans les plus brefs délais afin de trancher sur ces différents points.

M. Yves Bur, rapporteur. Très bien !

M. Jean-Pierre Decool. De surcroît, les médecins que j'ai interrogés restent sceptiques quant aux économies qu'un tel système permettra de réaliser. Pouvez-vous nous garantir, messieurs les ministres, que la mise en œuvre du médecin traitant contribuera, grâce aux économies réalisées, à réduire le déficit de l'assurance maladie ?

Ce texte instaure un dispositif de suivi des données médicales personnelles assurant ainsi une meilleure coordination des soins : le dossier médical personnel. Ce système de centralisation des informations améliorera la qualité des soins, permettra de localiser les fraudes et les abus et d'assurer une réduction des déficits. Je tiens à vous faire part des inquiétudes des professionnels de santé quant au risque de dérives qui s'attache à l'informatisation. Il est indispensable de mettre en place un dispositif entièrement sécurisé et accessible aux seuls professionnels de santé et patients. Il importe, également, de le faire dans les meilleurs délais.

La responsabilisation des uns et des autres passe aussi par un contrôle renforcé des arrêts de travail et par un durcissement des sanctions encourues. Le constat est simple : augmentation du nombre d'arrêts de travail de courte durée, augmentation des arrêts de travail à répétition, système de contrôle par les caisses de sécurité sociale inadapté, sanctions peu incitatives.

Tel qu'il nous est présenté, le projet de loi règle une partie de la question, en prévoyant de sanctionner les professionnels de santé prescrivant un nombre d'arrêts de travail supérieur à la moyenne nationale. Le renforcement des modalités de contrôle des arrêts de travail doit être engagé. Les organismes de contrôle doivent être dotés de moyens plus offensifs et le système des indemnités journalières doit évoluer. En supprimant, par exemple, le délai de carence de trois jours, les arrêts de travail abusifs seraient moins longs.

Le constat est simple : confronté à un déficit structurel, notre système d'assurance maladie doit être sauvé. La réponse est simple : il s'agit de responsabiliser tous les acteurs de la santé. Des économies doivent être réalisées sans porter atteinte à la qualité des soins. Tel est l'esprit de votre projet de loi, messieurs les ministres. Je vous fais confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny.

Mme Pascale Gruny. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a dressé récemment un constat préoccupant, mais hélas guère surprenant, de notre système de soins. Il était, en effet, parfaitement connu de tous les responsables du dossier comme de tous les Français. Depuis presque trente ans, les plans de sauvetage qui se sont succédé ne sont jamais parvenus à freiner la dégradation des comptes.

Mais l'enjeu n'est malheureusement pas seulement d'ordre financier, et une simple hausse des cotisation sociales n'aurait pas été suffisante. En effet, la situation de la sécurité sociale menace la qualité des soins eux-mêmes, et c'est à ce titre que la réforme que nous examinons aujourd'hui, véritable réforme de structure, est indispensable et urgente.

M. Yves Bur, rapporteur. C'est évident !

Mme Pascale Gruny. M. le ministre de la santé et de la protection sociale, M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie, M. le rapporteur ayant parfaitement analysé l'urgence, les principes et les objectifs de la réforme, je n'y reviendrai pas, mais je tiens à saluer la méthode qui a été employée.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Merci !

Mme Pascale Gruny. Dès sa nomination, le Gouvernement a entrepris une large concertation, non seulement avec les différents syndicats, mais également avec les parlementaires. De nombreuses réunions de travail ont ainsi déjà permis de faire valoir nos demandes. Je salue également les engagements réitérés du Gouvernement d'ouvrir largement le débat, ici, au Parlement, et d'entendre nos remarques. Je suis convaincue que nos échanges seront profitables à tous les assurés sociaux.

Ce texte nous fournit l'occasion d'introduire plus d'équité et de justice entre nos compatriotes, comme la majorité s'y emploie d'ailleurs depuis deux ans, en contrôlant mieux les arrêts de travail et en sanctionnant plus durement les abus. La sécurité sociale est en effet mise en péril par le comportement irresponsable de certains et le coût de la fraude, supporté par l'ensemble des assurés sociaux.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Très bien !

Mme Pascale Gruny. Le constat est accablant. En 2003, plus de 200 millions de journées auront été indemnisées au titre d'un arrêt maladie, ce qui représente une dépense globale de 5,2 milliards d'euros. Cette somme déboursée par la société n'aura pas été contrôlée dans des conditions satisfaisantes.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est incroyable !

Mme Pascale Gruny. Ainsi, 95 % des arrêts de travail de courte durée, c'est-à-dire inférieurs à trois mois, n'auront pas été contrôlés. Les effectifs des caisses d'assurances ne sont du reste pas assez mobilisés sur ces contrôles. Aujourd'hui, nombre d'entreprises en sont réduites à engager des sociétés privées pour contrôler les arrêts de travail de leurs salariés. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Richard Mallié. Atterrissez !

Mme Pascale Gruny. Elles ne devraient pas avoir à le faire.

Par ailleurs, en cas d'infractions avérées, si l'entreprise cesse de rémunérer son employé, il est fréquent que l'assurance maladie continue de verser les indemnités journalières. Pour les entreprises, en particulier les petites et moyennes, la multiplication des arrêts maladie coûte de plus en plus cher : complément de salaire, éventuellement salaire du remplaçant et réorganisation des services. Il est permis de considérer que, dans certains cas, ces abus répétés peuvent aller jusqu'à mettre en cause leur existence.

M. Jean-Marie Le Guen. Délirante caricature ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Pascale Gruny. Ce coût et cette désorganisation sont aussi préjudiciables à nos collectivités territoriales. Une telle situation ne peut plus durer.

M. Jean-Marie Le Guen. Il faut publier ce discours !

M. Gérard Bapt. Bel exemple, en effet, de gaullisme social ! (« Un peu de respect ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Pascale Gruny. Il ne s'agit naturellement pas de remettre en cause les droits des salariés, mais de mettre fin à des comportements abusifs. Si les Français acceptent les réformes et sont prêts à faire des efforts, ils n'admettent plus d'avoir à supporter injustement les conséquences de l'irresponsabilité de certains.

M. Jean-Marie Le Guen. Publiez ce discours !

Mme Pascale Gruny. Qui pourrait les en blâmer ?

Le dispositif de sanctions évolutif qui nous est proposé est juste et je ne doute pas que le Gouvernement saura le rendre efficace par la mobilisation des personnels chargés des contrôles.

M. Richard Mallié. Très bien !

Mme Pascale Gruny. Les sanctions prévues sont équitables dans la mesure où elle sont susceptibles de concerner tout le monde : patients, praticiens et entreprises qui abuseraient du système.

L'instauration d'amendes administratives permettra de traiter la fraude rapidement et d'opérer un traitement un remboursement plus efficace.


La mise sous contrôle des prescripteurs puis, le cas échéant, la suspension pendant une période donnée de la possibilité de délivrer des arrêts de travail, doivent permettre aux médecins de prendre conscience de leur rôle dans la bonne santé du système qui les fait vivre.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Très bien !

Mme Pascale Gruny. Certaines entreprises quant à elles ne doivent plus envisager les arrêts de travail comme une option alternative des préretraites ou du chômage technique.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Évidemment !

Mme Pascale Gruny. Il n'y a rien de choquant à vouloir contrôler la bonne utilisation des deniers publics, bien au contraire. Les économies réalisées, qui s'élèveront à plusieurs centaines de millions d'euros, permettront d'améliorer la qualité des soins, but ultime de cette réforme et je salue en cela la volonté du Gouvernement.

Comme d'autres mesures contenues dans ce projet de loi, celle concernant le contrôle des arrêts de travail doit permettre de faire évoluer nos comportements. Voilà, en effet, la clef de la réussite ou de l'échec de cette réforme. Les assurés, les professionnels de santé, les entreprises, nous tous devons réaliser qu'il est de notre responsabilité de faire vivre ou péricliter notre système de protection sociale dont l'assurance maladie est le cœur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures quinze, est reprise à vingt-trois heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à Mme Irène Tharin.

Mme Irène Tharin. Le préambule de la Constitution de 1946 précise que la nation garantit à tous la protection de la santé. C'est au général de Gaulle que l'on doit, depuis 1945, notre système d'assurance maladie, modèle qui nous est envié en Europe et dans le monde et auquel les Français sont légitimement attachés.

Autant dire l'étendue de notre responsabilité aujourd'hui. En tant que législateurs, nous avons le devoir de conforter ce régime d'assurance maladie et ses principes fondamentaux.

Avant d'évoquer l'amélioration de la qualité des soins, première vertu générée à mes yeux par cette réforme, je voudrais saluer, comme d'autres l'ont fait avant moi, la qualité du travail de la mission d'information présidée par notre président Jean-Louis Debré, et la capacité d'écoute et de synthèse dont vous avez fait preuve, monsieur le ministre...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Merci !

Mme Irène Tharin. ...pour proposer aujourd'hui une réforme qui préserve les trois valeurs cardinales de notre système : l'égalité d'accès aux soins, qui doit être garantie à tous, quel que soit le lieu de résidence, quels que soient les revenus ; la qualité des soins, principe dont je parlerai en détail dans mon intervention et qui caractérise l'originalité de la réforme qui nous est proposée ; enfin, la solidarité, pierre angulaire de notre système, qui fait que chacun contribue en fonction de ses moyens et reçoit selon ses besoins.


Je parlerai de notre responsabilité de législateur, car il nous appartient de débattre et de voter sans tarder une réforme très urgente. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : pour l'année 2004, le déficit de la branche maladie devrait atteindre près de 13 milliards d'euros, soit le double de celui constaté en 1995.

Entre ces deux périodes que d'inaction et de temps perdu, en particulier par le gouvernement précédent ! Il a bénéficié pendant trois ans, je le rappelle, d'un contexte économique propice aux réformes, avec une croissance de plus de 3 % par an, et il n'en a pas profité pour assainir la situation de la sécurité sociale. Je ne m'étendrai pas non plus sur les conséquences des 35 heures, dont le financement a détourné une part importante des recettes de l'assurance maladie.

Avec courage et humilité, le Gouvernement a tiré les leçons de l'échec des différents plans successifs de maîtrise comptable des déficits de l'assurance maladie. Aujourd'hui, vous adoptez, monsieur le ministre, une autre logique, qui entend modifier en profondeur les comportements des acteurs du système de santé, en les responsabilisant et en les associant.

Cette logique met d'abord l'accent sur la responsabilité de l'assuré. Dans ce domaine, le dispositif le plus innovant, et le plus prometteur en matière d'économies potentielles, est le dossier médical partagé, qui introduira plus de cohérence dans notre système de soins. Chacun de nos concitoyens pourra disposer, d'ici au 1er juillet 2007, d'un dossier informatisé personnel, unique, dont il détiendra seul le code d'accès. Ce dossier permettra de mettre un terme aux prescriptions médicales redondantes, injustifiées ou dangereuses. Cet outil, allié à l'institution du médecin traitant, améliorera la qualité des soins et constituera également un auxiliaire précieux pour lutter contre les abus et les fraudes à l'assurance maladie.

Toutefois, l'efficacité du dossier médical partagé ne peut s'envisager sans la mise en œuvre rapide d'un plan ambitieux d'informatisation des médecins et des établissements publics et privés. Il y a urgence car, aujourd'hui, deux tiers des cabinets de généralistes ne seraient pas équipés pour accueillir la télétransmission de ces dossiers. Faire pleinement partager cette mesure par l'assuré est un autre gage de réussite. Il ne doit pas se sentir tenu à l'écart des informations contenues dans son dossier médical, mais au contraire les partager avec son médecin.

L'autre orientation de votre réforme, que j'approuve sans réserve, monsieur le ministre, associe les professionnels de santé à l'amélioration de la qualité des soins.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Merci !

Mme Irène Tharin. Cela passe d'abord par l'évaluation et l'amélioration des pratiques professionnelles médicales. Tous les médecins conventionnés et les médecins hospitaliers seront concernés. Jusqu'à une date récente, le rythme de l'évaluation des pratiques professionnelles médicales était bien trop lent. La réforme vise à accélérer le processus. En outre, l'article 9 du projet de loi permet d'informer les assurés sur la participation des médecins à ces dispositifs d'évaluation. Cette réforme incite également les professionnels de santé, et en particulier les médecins, à respecter des protocoles de soins et des référentiels, qui seront validés scientifiquement par la Haute autorité de santé. Le respect par les médecins de ces protocoles conditionnera le remboursement des soins. C'est ainsi que l'on parviendra progressivement à « soigner mieux en dépensant mieux », comme vous l'avez indiqué avec justesse, monsieur le ministre, lors de votre audition devant la commission spéciale.

Pour conclure, je voudrais saluer l'action de notre rapporteur, le président de la commission des affaires sociales, qui a permis l'adoption d'un amendement visant à étendre le bénéfice d'une couverture complémentaire à tous nos concitoyens dont les revenus sont de 15 % supérieurs au plafond de la CMU. Cet amendement prévoit une aide de 300 euros qui couvrira environ la moitié du coût d'une complémentaire santé classique. Cette avancée sociale s'ajoute à la décision récente du Premier ministre de modifier le barème de la CMU, pour en faire bénéficier 300 000 enfants supplémentaires.

Au total, la réforme qui nous est proposée va pour la première fois associer de façon intelligente les professionnels de santé à la recherche d'économies, tout en améliorant la qualité des soins des Français et en responsabilisant chaque assuré. Elle va aussi réduire la part de nos concitoyens qui sont aujourd'hui encore exclus d'une offre de soins normale.

Tout en restant vigilante sur l'application de cette réforme et sur son suivi, auquel les parlementaires devront être associés, je la voterai, monsieur le ministre, avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Les Franc-Comtoises se suivent !

M. Richard Mallié. Mais ne ressemblent pas !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Il y a au moins l'accent !

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, l'enjeu d'une vraie maîtrise médicalisée, que tout le monde appelle de ses vœux, réside dans l'amélioration de l'organisation des soins. Nous en sommes tous convaincus. Mais, dans le projet, à part le dossier médical partagé, il n'y a rien, rien de profond, rien d'essentiel, pour engager la mutation de l'organisation de soins nécessaire pour répondre au problème nouveau des maladies chroniques.

C'est dans le détail que se cache le diable ! L'expression populaire illustre bien la nature du projet de loi de réforme de l'assurance maladie que vous nous proposez aujourd'hui : c'est en examinant le texte dans le détail que l'on découvre les véritables intentions politiques du Gouvernement, l'instauration d'une médecine à deux vitesses. Gardant en mémoire une intervention de M. Barrot, alors que je présidais cette nuit-là un débat sur le PLFSS, intervention dans laquelle il faisait part de son souhait de séparer le « petit » risque et le « grand » risque, je ne peux que m'interroger sur le dérapage des dépenses de santé sous les gouvernements Raffarin.

Vous avez déclaré, monsieur le ministre, dans Les Échos du 29 juin, que « cette réforme était d'une ampleur jamais égalée », mais vous oubliez de dire que, sous couvert de sauver la sécurité sociale, le Gouvernement met en place de façon dissimulée une assurance maladie à deux vitesses, grâce à la liberté tarifaire qu'il offre aux médecins spécialistes. Là réside le vrai danger. Le texte prévoit en effet que les spécialistes pourront pratiquer des dépassements d'honoraires sur le tarif des actes et des consultations pour les patients qui les consulteront sans prescription préalable de leur médecin traitant et qui ne relèveront pas d'un protocole de soins. Or la liberté tarifaire ouvre la voie à une rupture dangereuse dans notre système de santé car elle remet en cause le principe même des filières de soins mises en place depuis des années par Martine Aubry et Élisabeth Guigou.

En fin de compte, le bonus, puisqu'il s'agit bien de ça, ira aux médecins qui ne seront pas dans une logique cohérente d'organisation des soins, et vous accentuerez encore, que vous le vouliez ou non, les disparités territoriales. Surtout, vous romprez le cercle vertueux nécessaire à l'organisation des soins puisque les spécialistes seront incités à s'installer dans les régions riches, où les personnes ont les moyens de les payer directement. Des aides à l'installation des spécialistes sont prévues, dites-vous, mais suffiront-elles en l'absence de mesure contraignante, alors que la répartition inégale des spécialistes sur le territoire national est déjà une réalité ? L'avenir nous donnera raison.

« La liberté tarifaire n'est pas compatible avec une assurance maladie solidaire » déclarait avec lucidité le président de la CNAM. Le dispositif de solidarité et de justice sociale risque fort de disparaître car vous rompez le cercle vertueux des bonnes pratiques de maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Renoncer à la liberté tarifaire, monsieur le ministre, permettrait de généraliser les réseaux de soins dans tous le pays.

Le bilan des réseaux gérontologiques portés par la Mutualité sociale agricole depuis plusieurs années vient à l'appui des thèses que j'avance. L'étude réalisée montre que l'insertion dans un réseau gérontologique permet une diminution de 30 % des dépenses ambulatoires et hospitalières.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est vrai.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Les dépenses sont plus faibles lorsque le patient est pris en charge par un réseau. En outre, le système est plébiscité. Les chiffres, calculés tous les ans, sont impressionnants : 98 % des personnes âgées considèrent que la qualité des soins, et partant leur qualité de vie, se sont améliorées ; plus de 90 % des professionnels de santé et 95 % des assistants sociaux sont satisfaits.

Vous prétendez responsabiliser tous les usagers en leur demandant un euro par visite, en relevant le forfait hospitalier - il s'agit en réalité d'un déremboursement -...

M. Richard Mallié. Non, c'est une participation !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Vous avez raison, la nuance a son importance.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. ...mais dans les réseaux de soins, tous les acteurs - professionnels, usagers, caisses de sécurité sociale - sont responsabilisés. Les responsables des réseaux de soins des insuffisants rénaux mis en place en Franche-Comté et en Bourgogne me déclaraient récemment que, sans aucune obligation ni contrainte, parce qu'ils avaient affaire à des professionnels et à des malades responsables, ils ne faisaient plus appel aux véhicules sanitaires. Je suis intimement persuadée, et le bilan des réseaux de gérontologie de la MSA le montre, qu'à partir du moment où tous les acteurs de santé, professionnels ou usagers, sont impliqués, il est réellement possible d'évoluer en profondeur. Et je suis persuadée que la liberté tarifaire qui sera offerte dans votre projet de loi aux spécialistes va casser cette dynamique.

En ce qui concerne la prise en charge des affections de longue durée, les ALD, vos propositions se bornent à vouloir contrôler les patients, alors qu'une vraie maîtrise médicalisée aurait lié ALD et prise en charge dans le cadre d'un réseau de santé. Nous avons déposé des amendements dans ce sens et, si vous êtes convaincu, vous les accepterez.

Votre projet de loi, monsieur le ministre, n'aborde pas ces questions. Pourtant, la mise en place de réseaux de soins conditionne à la fois la qualité des soins et la réalisation d'économies. Qu'ils prennent en charge les cancéreux, les insuffisants rénaux, les personnes âgées ou les diabétiques, l'enjeu des réseaux est d'établir, grâce à la proximité, le lien entre l'hôpital, la médecine de ville et le secteur médico-social. Et c'est tout l'intérêt des amendements proposés par Claude Évin...

M. Claude Évin. Par le groupe socialiste !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. ...sur la création d'une agence régionale de santé destinée à organiser le système de santé sur un territoire où les réseaux de soins prendraient toute leur place. La création d'un conseil régional de santé garantirait la démocratie, en permettant qu'élus locaux, représentants des professionnels, des usagers et des malades, syndicats de salariés, portent une véritable politique de prévention pour leur région. La création des ARS, si vous l'acceptez, serait un véritable progrès et permettrait d'aller plus loin dans la gestion démocratique de notre système d'assurance maladie.

Je fais partie de celles et ceux qui regardent avec intérêt le fonctionnement de la Mutualité sociale agricole. Certes, le nombre de ressortissants est sans commune mesure avec celui de la CNAM, mais il y a sûrement quelque chose à retirer de son organisation. Les élections ont lieu, canton par canton, tous les trois ans ; la MSA gère l'ensemble des risques - vieillesse, famille, maladie, accidents du travail - dans la proximité. Le couplage de ces deux particularités donne à la MSA une vraie force d'adaptation.

Vous proposez au contraire, monsieur le ministre, une délégation de pouvoirs au bénéfice du directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie. C'est croire à un homme providentiel, non à la capacité des hommes et des femmes de s'organiser, à l'échelle d'un territoire, de façon solide.


Nous vous avions proposé pour notre part que soit mis en place un office parlementaire aux côtés des autres outils créés par cette loi. Vous l'avez refusé, préférant votre proposition de loi organique et le concept d'opposabilité de l'ONDAM.

Je conclurai en vous posant de nouveau une question, lancinante pour ceux qui l'ont déjà entendue. Elle concerne la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Nous avons affirmé, lors de l'examen du projet de loi relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, au cours des débats relatifs à cette caisse, que ces derniers auraient dû avoir lieu dans le cadre de l'examen du projet de loi sur l'assurance maladie. Ce n'est pas le choix qui a été fait. Or, nous n'avons toujours pas reçu de réponse à la question, que je pose maintenant depuis quatre mois, sur la nature des dépenses que cette caisse prendra en charge. Financera-t-elle, oui ou non, monsieur le ministre, les soins qui sont actuellement dispensés dans les maisons de retraite et les structures qui prennent en charge les personnes handicapées, et qui sont actuellement financés dans le cadre de l'ONDAM médico-social, c'est-à-dire dans celui de l'assurance maladie ? Telles sont les mesures que propose le rapport Briet-Jamet. Nous n'avons toujours pas reçu de réponse à cette question. Si vous retenez les propositions du rapport Briet-Jamet, il est clair que vous mettez en place une seconde sécurité sociale et que vous ouvrez la voie à une assurance maladie à deux vitesses. Les personnes âgées et les personnes handicapées se retrouveront dans un système différent.

Vous n'avez pas voulu poser le débat de la prise en charge du soin des personnes âgées et des personnes handicapées dans le cadre du débat sur l'assurance maladie. Or, bien que cette caisse doive être mise en place à partir de demain, 1er juillet, nous ne savons toujours pas ce qu'elle financera ! En finançant des soins, elle installerait définitivement un dispositif séparé pour les personnes âgées et pour les personnes handicapées au titre de l'assurance maladie, non pas au titre de la dépendance ou de l'autonomie.

Monsieur le ministre, répondre à cette question serait témoigner du respect que vous portez à la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Le Ridant.

M. Jean-Pierre Le Ridant. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en deux ans tous les sujets qui dérangent depuis vingt ans et que la précédente majorité avait soigneusement esquivés ont été mis sur la table. Après la sauvegarde des retraites, l'an passé, le Gouvernement s'emploie aujourd'hui à préserver notre système d'assurance maladie, autre pilier de notre pacte républicain.

Le projet qui nous est soumis engage enfin une réforme profonde et globale en lieu et place d'un énième plan de sauvetage à courte vue. Refusant de reporter le problème sur les générations futures, cette réforme pérennise notre système de santé. Refusant toute étatisation comme toute privatisation - même rampante -, cette réforme préserve les fondements de notre modèle social universel et solidaire. Elle crée les conditions nécessaires à une meilleure qualité des soins.

La généralisation du recours à un médecin traitant, librement choisi, améliorera l'orientation, la prise en charge et le suivi du patient tout au long de son parcours de soins. La mise en place du dossier médical personnel vise le même objectif : être mieux soigné, c'est être mieux suivi. Grâce à la connaissance précise des antécédents médicaux du patient, les soignants prendront immédiatement les bonnes décisions. Des erreurs médicales pourront être évitées, ainsi que les actes médicaux doubles, voire triples.

Le système sera opérationnel d'ici à la fin de 2006. Permettez-moi toutefois d'insister, monsieur le ministre, sur l'impérieuse confidentialité du système et sa sécurisation, le choix déterminant de l'hébergeur, indépendant de toute pression ou conflit, et l'indispensable formation des acteurs de santé qui auront à l'utiliser. La pertinence du dossier médical personnel résidera évidemment dans sa mise à jour continuelle.

Cependant, les conditions d'une meilleure qualité des soins passent aussi par une responsabilisation accrue de l'ensemble des acteurs : patients, professions de santé et gestionnaires.

Mettons fin au nomadisme médical, peu efficace en termes de qualité des soins. Nous devons tous avoir une vision responsable de notre santé. Il en va de sa qualité, comme de son avenir.

Vice-champions du monde derrière les États-Unis, champions d'Europe, hélas ! de la consommation de médicaments, nous devons changer nos comportements. Oui, il est possible de soigner aussi bien pour moins cher, oui, il est possible de dépenser mieux. Le bon usage des médicaments doit passer par la poursuite de la promotion des génériques. À cet égard, je tiens à saluer la forte implication des pharmaciens en la matière, notamment dans mon département, régulièrement classé en tête des départements français pour le taux de substitution par des médicaments génériques.

Mais le bon usage des médicaments doit également passer par un meilleur conditionnement. Sans tomber dans un système à l'anglaise, où le médicament est délivré à l'unité, on peut aller, grâce à l'engagement des industriels, vers un conditionnement plus adapté au traitement. Les grands pays voisins savent faire du conditionnement sur mesure, pourquoi pas nous !

Mais par-delà le changement des comportements face aux médicaments, la responsabilisation de chacun passe aussi par la prise de conscience du coût de la santé. Tel est le sens donné à l'euro de responsabilisation et de participation, qui sera demandé à chaque patient lors de sa consultation. Le versement d'un euro, je le répète, vise avant tout à responsabiliser ceux qui abusent des consultations de confort. Néanmoins, cet effort partagé par tous doit resté juste et proportionné. C'est la raison pour laquelle les mineurs et les femmes enceintes seront exonérés du paiement de cet euro. C'est la raison pour laquelle je souhaite également que cette franchise d'un euro puisse être plafonnée pour les personnes qui ont réellement besoin de consultations régulières en raison de leur état de santé. L'amélioration de la qualité des soins et la responsabilisation de chacun ne doivent pas se faire au détriment de ceux de nos concitoyens qui sont les plus malades ou dont les revenus sont les plus modestes.

En effet, aujourd'hui, plus de deux millions de nos concitoyens ne bénéficient pas de couverture complémentaire pour des raisons financières. Trop souvent, ces personnes se privent alors de certains soins, notamment des plus coûteux. Demain, grâce à l'attribution d'une aide à l'acquisition d'une couverture complémentaire santé, personne ne sera exclu de notre système de santé en raison de ses revenus.

Monsieur le ministre, le projet de loi que vous nous soumettez pérennise notre régime d'assurance maladie, aujourd'hui menacé. Universel et solidaire, il garantira demain à chacun un égal accès à la santé. Juste et équilibré, il garantira pour l'avenir, partout sur le territoire, des soins de qualité. Après le dialogue et la concertation, le temps de l'action parlementaire permettra tout naturellement de corriger, d'amender et de compléter le texte. Cette réforme d'envergure ainsi enrichie, vous pouvez compter, monsieur le ministre, sur mon soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'heure est grave. Notre système d'assurance maladie est bien malade. Notre devoir est de le sauver.

M. Richard Mallié. Voilà une personne qui sait de quoi elle parle !

M. Philippe Vitel. La crise que nous affrontons aujourd'hui est sans précédent dans la longue histoire de cette institution à laquelle les Français sont si attachés. À la fois crise structurelle, crise d'organisation et de gestion et crise de légitimité, elle trouve ses racines dans les excès d'un consumérisme sans limite, dans la cohérence incertaine d'un système sans pilotage politique et dans l'absence d'approche rationnelle de la prise en charge qui n'est que cloisonnement et éclatement.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. C'est vrai !

M. Philippe Vitel. Tous les éléments étaient réunis pour conduire à une explosion des dépenses. C'est aujourd'hui à un déficit abyssal que nous sommes confrontés.

Voici donc enfin venu le temps de la réforme et de la reconstruction d'un système de santé moderne et d'assurance maladie équilibré. Aux oubliettes, les plans de redressement du passé et les outils de maîtrise comptable qui n'ont jamais fait la preuve d'une efficacité durable !

Voici donc enfin venu le temps de la responsabilisation, de la rénovation du dialogue et de la mise en adéquation des politiques de prévention, de santé et de soins. Enfin, l'heure est venue d'une véritable maîtrise médicalisée des dépenses et d'une médecine où le bon soin est donné au bon moment par le bon acteur et où user n'est pas abuser et dépenser n'est plus gaspiller.

Oui, l'assurance maladie vaut mieux que des polémiques. Elle mérite cette réforme ô combien risquée, mais ô combien courageuse, fondée sur une modification des comportements de tous.

Sa réussite suppose la mobilisation de tous les acteurs. En première ligne se trouveront évidemment les médecins libéraux. De leur comportement dépend, il ne faut pas se le cacher, la réussite de notre entreprise. Ils doivent être les partenaires majeurs de la réforme. Leur implication est capitale et leur action déterminera la mise en place d'une nouvelle relation qu'il nous appartient d'établir entre tous les acteurs du système. Aidons-les à retrouver leur identité et leur rôle de pivot de notre système de santé, rôle qu'ils n'auraient jamais dû cesser de remplir.

Une récente enquête d'opinion nous révèle que 78 % des Français plébiscitent les médecins libéraux de ville. Ils apprécient leur capacité d'écoute et leur disponibilité et le fait qu'ils soient proches de leur domicile ou de leur lieu de travail et qu'ils expliquent bien la maladie ainsi que le traitement. Ils sont surtout rassurés de pouvoir consulter le médecin qu'ils ont choisi. Aujourd'hui, les praticiens sont mobilisés pour répondre à l'appel que nous leur lançons. Les mesures coercitives qu'ils ont subies depuis de nombreuses années ainsi que l'aveuglement et l'autisme idéologiques de ceux qui auraient dû lancer la réforme les avaient atteints dans leur sérénité et leur enthousiasme. Aujourd'hui, ceux qui ignoraient les appels lancés par cette corporation désenchantée et devenue sans illusions ne sont plus au pouvoir.

À nous donc de relever ce challenge dans le contexte d'une confiance en partie retrouvée, même si cet état est encore fragile et frileux. Pour le renforcer, plusieurs chantiers sont déjà mis en œuvre. À nous de les conduire à leur terme. En premier lieu, il convient de travailler sans attendre à la réhabilitation du système conventionnel. Ce dernier est parfaitement adapté au fonctionnement des rapports entre médecins libéraux et caisses d'assurance maladie. Alors qu'il avait été conçu en 1971 en vue de permettre de meilleures rémunérations et un meilleur accès aux soins, il est aujourd'hui vécu comme un fardeau. Dès demain, le processus doit être relancé.

Mais quel type de convention doit être privilégié ? La convention doit-elle être unique ? Doit-elle être ouverte à une modulation individuelle ou sectorielle ? C'est par une écoute attentive, par le dialogue et par une concertation très large que la réponse sera apportée à cette question. Rien ne doit rester dans l'ombre. Cette question est, selon moi, capitale et doit être approchée de la façon la plus consensuelle possible car elle orientera irréversiblement les relations entre les praticiens et les caisses.

M. Richard Mallié. C'est vrai.

M. Philippe Vitel. Tout problème en la matière, je le redoute, sera à même de compromettre le fragile édifice que nous construisons aujourd'hui.

La mise en place de la tarification à l'activité est tout aussi importante. C'est aujourd'hui une de nos ambitions majeures, laquelle doit constituer un levier de réforme sans précédent. Nous sommes ici nombreux à souhaiter que la mise en œuvre d'un tel dispositif soit accélérée par rapport au calendrier initial.

Enfin, les enjeux de la réforme de la nomenclature des actes techniques sont tout aussi importants. Cette réforme, qui doit permettre de revaloriser des actes techniques sous-évalués et de prendre en compte l'évolution de la technicité et de la pratique, devrait entraîner une revalorisation des actes et des spécialités les moins rémunératrices. La première étape a consisté dans l'établissement d'un catalogue des actes techniques réalisés. Cet indispensable dépoussiérage a permis de passer de 1 700 actes dans la nomenclature générale des actes professionnels à plus de 8 000 sur la nouvelle classification commune des actes médicaux. La deuxième étape est constituée par la hiérarchisation des actes et le troisième par l'évaluation du coût de la pratique. Parallèlement à cette CCAM technique, une réforme des consultations est nécessaire, ou CCAM des actes cliniques. Elle sera pour les praticiens concernés un moyen de faire reconnaître la vraie valeur des actes qu'ils effectuent. C'est à la fois pour l'assurance maladie la possibilité de posséder enfin des outils de pilotage et pour l'État l'occasion de montrer sa volonté de revaloriser des actes techniques de la médecine libérale.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Très bien !

M. Philippe Vitel. Donnons-nous des moyens qui soient à la hauteur des enjeux de la réforme de la nomenclature, qui est attendue depuis si longtemps par les professionnels de santé.

M. Paul-Henri Cugnenc. Je suis tout à fait d'accord.

M. Philippe Vitel. Tels sont certains des axes d'une réforme aujourd'hui en marche. Ils me conduisent à penser que nous sommes sur la bonne voie, celle de la qualité, de la responsabilité, de la compétence et de l'équilibre. Nous sommes tous ici très attachés aux principes fondateurs de l'assurance maladie. Notre système aujourd'hui fragilisé a besoin d'un lifting.

M. Richard Mallié. C'est un spécialiste en la matière. Il sait de quoi il parle ! (Sourires.)

M. Philippe Vitel. Redonnons-lui ses vingt ans pour le bien de nos contemporains et des générations à venir. Ainsi nous serons fiers d'avoir fait œuvre utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Bravo !

    2

CLÔTURE DE LA SESSION ORDINAIRE
DE 2003-2004

M. le président. Nous sommes arrivés au terme de la session ordinaire.

Je rappelle qu'au cours de la première séance du mardi 29 juin 2004, il a été donné connaissance à l'Assemblée du décret de M. le Président de la République portant convocation du Parlement en session extraordinaire à compter du 1er juillet 2004.

Ce décret a été publié au Journal officiel du dimanche 27 juin 2004.

Conformément à l'ordre du jour fixé par la Conférence des Présidents du mardi 29 juin 2004, la prochaine séance va avoir lieu dans quelques instants pour poursuivre la discussion du projet de loi relatif à l'assurance maladie.

En application de l'article 28 de la Constitution, je constate la clôture de la session ordinaire de 2003-2004.

La séance est levée.

(La séance est levée à minuit.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot