Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session extraordinaire 2004-2005)

 

Première séance du lundi 4 juillet 2005

1ère séance de la session extraordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. RENÉ DOSIÈRE,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

    1

OUVERTURE DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE 2004-2005

M. le président. En application de l'article 29 de la Constitution, je déclare ouverte la session extraordinaire de 2004-2005.

    2

DÉMISSION D'UN DÉPUTÉ

M. le président. J'informe l'Assemblée que M. le président a pris acte au Journal officiel du 1er juillet 2005 de la démission de M. Georges Siffredi, député de la 13ème circonscription des Hauts-de-Seine.

    3

CESSATION DE MANDAT
ET REMPLACEMENT DE DÉPUTÉS
NOMMÉS MEMBRES DU GOUVERNEMENT

M. le président. J'informe l'Assemblée que M. le président a pris acte de la cessation, le 2 juillet 2005 à minuit, du mandat de député de MM. Nicolas Sarkozy, Pascal Clément, François Baroin et Christian Estrosi, nommés membres du Gouvernement par décret du 2 juin 2005.

Par une communication de M. le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, faite en application des articles L.O. 176-1 et L.O. 179 du code électoral, M. le président a été informé de leur remplacement par Mmes Joëlle Ceccaldi-Raynaud, Liliane Vaginay, MM. Gérard Menuel et Charles-Ange Ginesy, élus en même temps qu'eux à cet effet.

    4

NOMINATION D'UN VICE-PRÉSIDENT

M. le président. J'informe l'Assemblée qu'il y a lieu de procéder à la nomination d'un vice-président de l'Assemblée nationale en remplacement de M. François Baroin.

Cette nomination aura lieu au début de la séance de ce soir.

    5

DÉPÔT D'UNE MOTION DE CENSURE

M. le président. Conformément à l'article 153 du règlement, j'informe l'Assemblée que M. le président a reçu, le vendredi 1er juillet 2005 à dix heures treize, une motion de censure déposée par MM. Jean-Marc Ayrault, François Hollande et cent quarante-deux membres de l'Assemblée en application de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Sans blague !

M. le président. Je donne lecture de ce texte :

« La France est en état de défiance. Le référendum du 29 mai a traduit l'inquiétude face à l'évolution de la construction européenne, mais a aussi confirmé la colère devant l'affaissement économique, social et politique de notre modèle républicain.

« La responsabilité du Président de la République et de ses gouvernements dans ce qu'il faut appeler une crise de régime est écrasante.

« Responsabilité politique : depuis trois ans, le discours défendant les valeurs de la République est chaque jour contredit par une politique d'abandon social qui divise les Français au lieu de les rassembler. À chaque désaveu électoral - régionales, cantonales, européennes, référendum - le chef de l'État a opposé une fin de non-recevoir aux Français en poursuivant les mêmes politiques avec les mêmes hommes.

« Responsabilité économique : depuis trois ans, la panne de croissance que connaît la France a mis en lumière l'erreur de pilotage économique. Les déficits et l'endettement records, le désengagement de l'État des politiques d'avenir - éducation, recherche, industrie... - ont privé la puissance publique de toute capacité d'action.

« Responsabilité sociale : depuis trois ans, le chômage de masse, la progression des inégalités et de la pauvreté ont enraciné une société de la précarité et de l'insécurité sociale.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est un point de vue subjectif !

M. le président. « Face à ces fléaux, les réformes du marché du travail, des retraites et de l'assurance maladie menées par l'exécutif ont battu en brèche les principales protections des salariés et des chômeurs.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Contrevérité !

M. le président. « Responsabilité morale : depuis trois ans, aucun échec n'a été assumé. Tour à tour ont été invoqués « l'héritage », l'Europe, la contrainte internationale. À chaque difficulté, les Français ont été culpabilisés, accusés de profiter d'avantages indus ou de ne pas assez travailler. L'instauration d'une journée de travail gratuite et obligatoire en constitue la triste illustration.

« Face à ce délabrement, le changement de Premier ministre et la redistribution des responsabilités ministérielles entre des hommes et des femmes qui ont pour la plupart occupé des fonctions éminentes dans le précédent gouvernement, apparaissent comme les ultimes avatars d'un pouvoir imperméable aux aspirations du pays.

« Si le style autoritaire et volontiers populiste peut faire illusion, l'action de ce Gouvernement de fin de règne emprunte les mêmes voies et commet les mêmes fautes que son prédécesseur. Changer de Premier ministre, ce n'est pas changer de politique.

« Alors que la croissance s'affaiblit, la politique d'austérité pour les salariés est confirmée. Le pouvoir d'achat est à nouveau écorné par l'augmentation des prix et des tarifs publics sans qu'aucune mesure de rattrapage significative ait été décidée. Inversement, la baisse des cotisations sociales des entreprises est amplifiée sans que leur impact sur l'emploi et l'investissement ait été mesuré.

« Alors que les Français expriment une demande de protection sociale plus juste et plus efficace, le plan d'urgence pour l'emploi présenté par le Premier ministre se traduit par le renforcement des programmes de libéralisation et de flexibilité du travail. L'institution d'un nouveau contrat de travail précaire pouvant aller jusqu'à deux ans dans les petites entreprises, le contournement des seuils sociaux concrétisent la volonté de la majorité de mettre en cause les garanties offertes par le code du travail.

« Alors que la démocratie sociale est profondément altérée, le Gouvernement choisit de bafouer le Parlement et les partenaires sociaux en recourant à la procédure des ordonnances. Ce faisant, il interdit tout débat démocratique sur sa politique de l'emploi et sur les alternatives proposées.

« Alors que les institutions de la République sont fragilisées, l'impartialité de l'État est battue en brèche par la confusion des pouvoirs. Le chef de l'État ne répond de ses actes que devant lui-même. Le ministre de l'intérieur cumule ses fonctions avec celles de président du parti majoritaire et empiète sur les missions de la justice. L'État de droit est malmené par des projets de circonstance sur l'immigration ou la récidive alors même que les textes en vigueur disposent de tous les instruments pour répondre aux difficultés. La décentralisation est dévoyée par un transfert de charges sans compensation financière pour les collectivités territoriales.

« Alors que l'Europe connaît l'une des plus graves crises de son histoire, l'exécutif a pris le risque de la paralyser en s'obstinant à refuser tout compromis sur la réforme des politiques de l'Union et sur l'augmentation de son budget. L'influence de la France s'en trouve durablement affaiblie.

« Au regard de ces motifs, la cohérence politique voudrait que la censure s'exerce contre le premier responsable de cette crise de régime, le Président de la République. La Constitution n'autorise pas une telle procédure.

« Pour toutes ces raisons, l'Assemblée nationale n'a d'autre choix que de censurer le Gouvernement qui met en œuvre les directives présidentielles, en application de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution. »

Cette motion de censure a été notifiée au Gouvernement et affichée.

Je rappelle qu'en application de l'article 154 du règlement, la date de la discussion et du vote sur cette motion de censure a été fixée par la Conférence des présidents au mardi 5 juillet, à quinze heures.

La présente motion de censure est appuyée par les cent quarante-quatre signatures suivantes :

MM. Jean-Marc Ayrault, François Hollande, Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Beauchaud, Éric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillonn-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Henri Emmanuelli, Claude Évin, Laurent Fabius, Albert Façon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaétan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM Eric Jalton, Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Bruno Le Roux, Mme Marylise Lebranchu, MM Michel Lefait, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit, MM. Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin, Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM Michel Pajon, Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque.

Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, Roger-Gérard Schwartzenberg, Christiane Taubira.

Émile Zuccarelli.

    6

SAUVEGARDE DES ENTREPRISES

Communication relative à la désignation
d'une commission mixte paritaire

M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

                    Paris, le 30 juin 2005

« Monsieur le président,

« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de sauvegarde des entreprises.

« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.

« J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

    7

PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES

Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, en faveur des petites et moyennes entreprises (nos 2381, 2429).

La parole est à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales.

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, il y a deux ans, je défendais devant vous la loi sur l'initiative économique. Aujourd'hui, j'ai l'honneur de défendre devant votre assemblée la « loi PME », qui en constitue d'une certaine manière le second volet. C'est la preuve que l'effort du Gouvernement en faveur de la création d'emplois par les entreprises n'a connu aucun répit depuis trois ans.

Si la première loi visait à libérer la création d'entreprises - objectif qu'elle a rempli avec succès - la deuxième a pour but de faciliter la vie, la croissance et la transmission des entreprises. Car le tout n'est pas de naître, encore faut-il grandir et prospérer !

Comme l'a indiqué le Premier ministre dans son discours de politique générale, les PME sont le fer de lance de la création d'emplois dans notre pays. Ne perdons pas de vue qu'elles représentent 99 % des entreprises et 63 % de l'emploi total.

Il apparaît donc très clairement que les PME, et le ministère des PME, se voient confier un rôle essentiel dans le nouvel effort demandé au pays. Cette place centrale de l'entreprise n'est pas une question d'idéologie ou de doctrine : c'est une question de pragmatisme et d'efficacité. Ainsi, le contrat nouvelle embauche, conçu pour de très petites entreprises, est-il tout naturellement devenu la pièce maîtresse du plan d'urgence pour l'emploi applicable dès le 1er septembre prochain.

Notre manière d'agir sera simple : pas de préjugé, pas de dogmatisme : des résultats ! Le Premier ministre l'a dit en substance : la bonne politique n'est ni sociale ni libérale ; la bonne politique, c'est celle qui marche ! Dans cet esprit, mon action poursuivra deux objectifs inséparables : le développement des petites et moyennes entreprises et le développement de l'emploi.

La comparaison avec la plupart des autres pays développés n'est pas flatteuse pour la France. Ni d'ailleurs pour l'Europe, quand on la compare aux États-unis.

Tout doit donc être mis en œuvre pour qu'à chaque étape de la vie de l'entreprise - naissance, transmission, exportation, innovation - la croissance soit favorisée.

La croissance, c'est d'abord l'emploi. L'emploi, c'est le nouveau contrat. C'est aussi la mobilisation sur le terrain, car rien ne sert de voter des mesures nouvelles si elles ne sont pas accompagnées dans chaque bassin d'emploi.

Cette mobilisation, je la mènerai en m'appuyant sur un nouveau réseau, « Tous pour l'Emploi », créé à l'initiative de mon ministère en 2004. Ce réseau regroupe partout en France 180 000 conseils d'entreprise - experts comptables, juristes, chambres consulaires - qui sont des accompagnateurs de la croissance des entreprises et qui doivent tous être mobilisés pour créer de l'emploi en France.

Je souhaite maintenant vous exposer brièvement l'esprit de ce projet de loi. Il poursuit quatre objectifs principaux :

Premièrement, appuyer la création et le développement des entreprises ;

Deuxièmement, favoriser l'emploi en améliorant différents statuts jusqu'ici précaires ou mal définis - je pense en particulier aux conjoints et aux collaborateurs ;

Troisièmement, faciliter la transmission d'entreprise, à un moment charnière pour notre pays, car un très grand nombre de chefs d'entreprise vont partir à la retraite ;

Enfin, revoir le cadre juridique des relations commerciales, si souvent sujet à polémique et qui nécessite aujourd'hui une clarification durable.

Pour appuyer la création, le projet de loi prévoit d'encourager l'accompagnement des entrepreneurs et repreneurs. Il est essentiel de lutter contre leur solitude. Il faut savoir en effet que l'accompagnement permet de réduire de moitié les défaillances d'entreprise dans les premières années d'activité.

Afin de mieux répondre à cette attente, le projet de loi dispose, à l'article 1er, que les actions d'accompagnement deviennent éligibles au financement de la formation professionnelle et, à l'article 2, que les fonds d'assurance formation engagent des actions au bénéfice des créateurs-repreneurs, qu'ils soient artisans, commerçants ou professionnels libéraux.

Toujours pour encourager la création, nous devons faciliter le financement des projets, en particulier pour les entrepreneurs individuels en phase de démarrage, qui ne peuvent pas offrir de garanties réelles aux établissements de crédit, vieille antienne dans notre pays. Afin de mieux répondre à ce besoin, l'article 5 prévoit que les dons familiaux destinés à financer une opération de création ou de reprise seront désormais possibles en franchise de droits de mutation. Nous entendons également permettre le développement du microcrédit - article 6 - en direction des entreprises individuelles.

Nous voulons aussi faciliter l'autofinancement des entreprises individuelles dans les trois premières années de leur création ou de leur reprise.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Nous le ferons en leur permettant de déduire de leur résultat fiscal une somme de 15 000 euros, consacrée à une dotation-provision pour l'investissement. La constitution d'une telle provision aura également pour effet de lisser le résultat comptable et de leur permettre ainsi de mieux gérer leur trésorerie.

Je puis d'autre part vous confirmer expressément que le Gouvernement présentera à l'automne, dans le projet de loi de finances pour 2006, un dispositif complet de réforme du régime d'imposition des plus-values sur cession des titres sociaux afin de favoriser la transmission. M. Novelli a présenté un amendement à cet effet ; le projet du Gouvernement en cours de finalisation ira dans le même sens.

Enfin, le présent projet rénove le prêt participatif. Il étend aux entreprises individuelles la possibilité pour un créancier de percevoir une partie de la rémunération de ses prêts sous forme d'un partage des bénéfices.

Mais une fois que l'entreprise existe, encore faut-il que ceux qui en assurent le fonctionnement puissent bénéficier d'un certain nombre de sécurités, et ne vivent pas en redoutant l'avenir. La prise de risque nécessite davantage de sécurité, chacun le sait par les expériences qu'il peut connaître. C'est pourquoi le projet de loi prévoit une très sensible amélioration du statut des collaborateurs, et d'abord des conjoints collaborateurs.

Mesure essentielle, car les conjoints de commerçants et d'artisans apportent une contribution essentielle à la vie de l'entreprise. Or leurs droits à la retraite sont aujourd'hui très réduits en cas de séparation ou de décès lorsqu'ils ne sont pas salariés ou associés. Dans beaucoup de cas, ils n'ont pas la possibilité de se former ou de faire valider leurs acquis issus de l'expérience. Les dispositions du projet sont destinées à combler ces lacunes.

La prise en compte de leur activité et la reconnaissance de leurs droits supposera désormais l'adhésion obligatoire à l'un des trois statuts définis à l'article 10 : conjoint collaborateur, salarié ou associé. Jusqu'ici facultative, cette adhésion n'était souvent pas saisie dans toute son importance, et de nombreux conjoints, après un accident de la vie, se retrouvaient sans retraite, sans qualification reconnue.

En outre, afin de mieux protéger le patrimoine familial, la responsabilité des conjoints devra se limiter aux biens communs du couple, les biens propres du conjoint étant protégés. Ainsi, en cas de dépassement non intentionnel du mandat de gestion, le conjoint ne pourra être appelé en garantie sur ses biens propres. Avec cette protection supplémentaire, l'article 11 permet un véritable progrès.

Enfin, l'adhésion au statut du conjoint collaborateur permettra de se constituer des droits propres en matière d'assurance vieillesse - article 12. Ce statut ouvrira également un droit à la formation ainsi que la faculté de valider les acquis de l'expérience - article 14.

L'article 15 marque une avancée majeure avec une mesure très attendue par les professions libérales : le contrat de collaborateur libéral. Il donnera un cadre juridique aux collaborateurs de professionnels libéraux qui ne disposaient jusqu'à présent que du statut de salarié.

Notre troisième objectif est de faciliter la transmission d'entreprise. Ce texte vise à encourager les transmissions, à réduire les défaillances d'entreprises et à préparer les mutations démographiques à venir : vous en connaissez l'ampleur.

Plusieurs mesures vont dans ce sens.

Il s'agit d'abord de la création d'un abattement fiscal applicable à la base pour les donations d'entreprise avec réserve d'usufruit, l'ancien régime ne concernant que les transferts de pleine propriété. C'est un progrès significatif, qui doit beaucoup à l'initiative des députés, en particulier de la majorité.

Il s'agit ensuite du relèvement de 50 à 75 % de l'abattement fiscal sur les transmissions d'entreprise, mesure également très novatrice.

Citons encore l'institution d'une prime à la transmission d'entreprise accompagnée et la création du tutorat en entreprise, qui étend à l'ensemble des retraités salariés la faculté de cumul emploi-retraite, jusqu'ici réservée aux retraités indépendants.

Signalons enfin la création d'un mécanisme assez original, celui de la location d'actions qui permet de limiter le recours aux garanties d'actif ou de passif et donne aux locataires la possibilité d'exercer les droits des usufruitiers.

J'en viens aux dispositions concernant les relations entre l'industrie et le commerce.

Sur le sujet capital que sont les marges arrière, nous devons tous ensemble bien mesurer notre responsabilité. Vous le savez, avec l'emploi, la question du pouvoir d'achat est au premier rang des préoccupations de nos concitoyens. Il faut donc y répondre, mais de manière équilibrée et progressive, sans déstabiliser notre économie. Si nous allions trop vite, nous serions confrontés à des effets inattendus, notamment en ce qui concerne l'emploi.

N'oublions pas en effet qu'avec la consommation et le pouvoir d'achat, ce sont aussi des centaines de milliers d'emplois qui sont concernés, dans la grande distribution comme dans la production, tout particulièrement dans les PME et dans le commerce de détail, le commerce de proximité auquel chacun est attaché.

Nous devons donc veiller à agir graduellement. Il ne s'agit ni de provoquer une baisse brutale des prix industriels ou des prix à la consommation, ni de maintenir le statu quo qui a provoqué pendant plusieurs années des hausses de prix anormales et bien identifiées. Vous le savez tous : industriels, agriculteurs, distributeurs, petits commerçants ne cessent depuis quelques années de dénoncer ce système absurde et opaque des marges arrière.

Les mesures définies par ce projet de loi atteignent, je le crois, un point d'équilibre. Notre analyse est la suivante : la circulaire du 25 mai 2003, que j'avais prise afin d'infléchir l'application de la loi Galland, a permis une première modification des prix de détail. Ceux-ci se sont progressivement stabilisés, puis ont amorcé une très légère décrue dans les mois qui ont suivi. L'action de Nicolas Sarkozy à l'automne 2004 a permis d'enregistrer une nette accentuation du mouvement à la baisse des prix des produits de grande consommation. L'analyse des « chariots types », définis par le ministère de l'économie, confirme cette analyse pour les premiers mois de l'année 2005 : les prix s'orientent, très légèrement certes, mais bel et bien à la baisse.

Le Gouvernement estime raisonnable de conforter cette tendance, en évitant toutefois des mesures excessives et brutales, qui se retourneraient contre l'emploi.

C'est pourquoi le projet de loi, en révisant le seuil de revente à perte, vise la limitation des marges arrière à 20 % du prix net des produits. Le Gouvernement a prévu un dispositif transitoire de six mois permettant de parvenir à cette limite de façon progressive. Mais il est prêt à soutenir un amendement de votre commission...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. ...qui, d'une part, reporte au 1er janvier 2006 l'entrée en vigueur du dispositif afin de ne pas déstabiliser les stratégies et les budgets d'entreprise 2005 en cours d'exécution, et, d'autre part, écrête en 2006 les effets du dispositif sur la baisse du seuil de revente à perte, afin de permettre aux secteurs connaissant de fortes marges arrière de s'adapter progressivement. Indépendamment du rapport au Parlement, prévu pour fin 2007 par l'article 37 ter, je ferai dresser dès fin 2006, comme l'a souhaité la CGPME, qui, je le souligne, a beaucoup contribué à la recherche d'un compromis, un bilan d'étape que je rendrai public.

Ce que nous attendons de cette mesure, c'est le retour à une négociation commerciale normale, dans laquelle les parties fixent avant tout le prix des produits et non pas des rémunérations annexes versées en sens inverse par le producteur au distributeur. Empêchant définitivement l'inflation de ces marges, nous introduisons un facteur de modération des prix, qui n'est pas un facteur de déstabilisation puisque nous écartons la réintégration brutale de toutes les marges arrière dans le seuil de revente à perte. C'est, je crois, la solution la plus sérieuse.

Ceux qui veulent le statu quo veulent le maintien de versements considérables, hors de toute logique commerciale, des producteurs aux distributeurs. Ceux qui, à l'inverse, veulent jouer aux apprentis sorciers, en modifiant le texte sous la seule pression de tel ou tel groupe d'intérêts particuliers, risquent de s'écarter dangereusement de l'intérêt général de notre économie, dont nous sommes ici comptables.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Bien sûr !

M. Luc-Marie Chatel, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire pour le titre VI. Très juste !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Mais il est aussi évident qu'il nous faut penser à la suite. Nous devons, à moyen terme, revenir à un véritable prix économique des produits. Le consensus sur ce point est très large, ainsi d'ailleurs que sur la nécessité d'éliminer l'opacité du système.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. Très bien !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Aussi le Gouvernement est-il disposé, pour indiquer clairement le sens souhaitable de l'évolution, à aller dans le sens de votre commission, qui a prévu des étapes annuelles successives pour la prise en compte des marges arrière dans le calcul du seuil de revente à perte (Approbation sur les bancs des commissions).

Toutefois, autant une première étape en 2007 lui semble justifiée, autant prévoir des étapes pour 2008, voire au-delà, ne lui paraît pas opportun.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. L'important, c'est de marquer la direction !

M. Jean-Marie Le Guen. Droit dans le mur, et on klaxonne !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Conformément à l'article 37 ter introduit par le Sénat, le Gouvernement adressera au Parlement à l'automne 2007 un rapport sur le sujet et proposera alors de nouvelles étapes selon un rythme approprié permettant d'aboutir à un véritable prix économique : j'insiste sur cette notion.

Mais nous devons aussi nous intéresser à beaucoup d'autres pratiques.

Vous le savez, ce que l'on appelle couramment les « accords de gammes » conduisent parfois à l'éviction du marché de certaines PME. Un encadrement plus strict de cette pratique sera donc mis en place aux articles 26 et 32. Les abus, comme le refus de vente et la vente liée, seront interdits et sanctionnés.

Sur ce point précis, je tiens à souligner trois améliorations importantes apportées par M. le rapporteur Chatel.

En remplaçant l'expression « accord de gammes » par une définition plus précise et plus explicite, nous éviterons les contournements juridiques auxquels l'expression littérale aurait pu prêter le flanc.

De plus, en stipulant expressément que la loi vise les accords qui bloquent l'accès d'autres produits, nous précisons le champ d'application de la loi et rendons le dispositif beaucoup plus sûr au regard du droit communautaire. Nous créons aussi un lien précis entre les constatations faites et la qualification de l'infraction.

Enfin, nous devons au rapporteur un autre excellent amendement, qui permettra d'améliorer les conditions d'achat pour les petits commerçants en compensant leur désavantage concurrentiel par un mode de calcul adapté et plus favorable du seuil de revente à perte. Les grossistes pourront ainsi vendre dans de meilleures conditions aux petits commerçants, dont nous défendons le rôle indispensable, au cœur de nos vies.

Nous maintenons bien sûr la primauté des conditions générales de vente établies par le fournisseur afin de permettre que la négociation s'engage sur des bases claires et connues de tous.

Le projet de loi donne ensuite, à l'article 28, une définition légale de la coopération commerciale et renforce les exigences formelles attachées au contrat de coopération commerciale. De plus, il prévoit l'obligation de formaliser dans un contrat les services autres que la coopération commerciale rendus par le distributeur.

De même, pour faciliter l'administration de la preuve et l'exercice des sanctions par le juge, l'administration se voit reconnaître le droit, bien que n'étant pas partie au contrat, de se fonder sur les dispositions de l'article 1315 du code civil pour demander au distributeur, sous le contrôle du juge commercial, de justifier de la réalité des services rendus à son fournisseur.

Enfin, nous souhaitons encadrer plus strictement, sans les interdire, les enchères électroniques à distance. Les interdire n'aurait en effet aucun sens. D'abord parce qu'elles sont souhaitées par de nombreux producteurs et non pas seulement par les acheteurs car elles sont source de progrès et de productivité : dans de grands secteurs industriels elles vont de pair avec l'EDI - échange des données informatisées - lié aux nécessités de la production à flux tendu. Ensuite parce qu'interdire de tels moyens modernes aboutit presque inévitablement à leur délocalisation à l'étranger, ce que personne ne peut souhaiter.

Le texte comporte enfin un projet de réforme et de réorganisation significatif de l'ensemble du réseau des chambres de commerce et d'industrie. Je suis très heureux que des travaux que j'avais engagés il y a deux ans et demi puissent enfin aboutir dans un très large consensus.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, les grandes lignes du projet de loi que je soumets à votre examen. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les titres I à V, VII et VIII du projet de loi.

M. Serge Poignant, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les titres I à V, VII et VIII. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà un projet de loi dont on peut dire qu'il vient à point nommé au cœur de l'actualité. Préparé de longue date, puisqu'il résulte d'un travail engagé depuis près d'un an et demi, il vient en discussion devant le Parlement au moment même où le nouveau gouvernement définit la lutte pour l'emploi comme sa priorité absolue. Or quel meilleur atout pour créer des emplois qu'un tissu dynamique de petites entreprises allant chercher les potentialités d'activité partout où elles peuvent se trouver, profitant des souplesses que leur procure leur petite taille pour exploiter le moindre créneau détecté ?

Nous ne pouvons donc que nous réjouir que le Premier ministre, M. de Villepin, au cours de sa déclaration de politique générale, ait souligné que l'emploi passe en France par les très petites entreprises. Vous l'avez affirmé vous-même, il y a un instant, monsieur le ministre, ce qui ne nous surprend pas venant de l'auteur d'une loi en faveur de la création d'entreprise.

Rapprochons les chiffres : 2 500 000 entreprises de moins de dix salariés, 2 484 000 demandeurs d'emploi en 2005. Sans se laisser aller à des considérations simplistes, on voit bien que la résorption du chômage ne pourra intervenir sans une libération des énergies de nos petites entreprises et que ce levier d'action peut être très efficace.

Les PME, qui représentent 99 % des entreprises et 63 % de l'emploi total, sont le fer de lance de la création d'emplois dans notre pays.

Monsieur le ministre, vous avez déjà vous-même prouvé votre capacité à insuffler l'élan nécessaire avec la loi du 1er août 2003, dont l'impact est incontestable. En 2003, puis en 2004, le nombre d'entreprises créées ex nihilo a crû de plus de 12 %, permettant la création de 630 000 emplois, chefs d'entreprise ou salariés.

Ce projet de loi a été préparé par votre prédécesseur, Christian Jacob, que je tiens à remercier...

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. Serge Poignant, rapporteur. ...de m'avoir fait confiance en me laissant animer, avec mon collègue Emmanuel Hamelin, un groupe de travail formé de professionnels, qui, à raison de plusieurs heures par semaine durant trois mois, a suggéré des mesures, aujourd'hui reprises dans ce texte.

Avec ce projet de loi, nul doute que nous détenons l'instrument d'une nouvelle impulsion pour le développement des PME, et d'abord parce qu'il fait, à juste titre, toute sa place à la consolidation de la petite entreprise, à côté de sa création. On pourrait presque dire qu'il s'agit d'un trait caractéristique de ce texte. Même si le titre Ier apporte des dispositions complémentaires relatives à la création d'entreprise, en matière de formation comme de financement, la part des mesures s'adressant à des PME en essor est fondamentale. Cela répond à une double réalité structurelle et à une double urgence circonstancielle.

La double réalité structurelle tient à des fragilités inhérentes aux PME.

Une fragilité en début de vie d'abord, puisqu'il est avéré statistiquement que les troisième et cinquième années sont les âges auxquels le taux de mortalité des petites structures est le plus élevé. À cet égard, l'extension, prévue par le Sénat, de la provision pour investissement aux entreprises non plus seulement de moins de trois ans, mais aussi de moins de cinq ans, permet de les doter d'un outil de lissage de leurs résultats leur permettant de surmonter le premier cap critique.

Une fragilité au moment du départ en retraite du créateur, ensuite, puisque le passage du relais à un repreneur est toujours un exercice périlleux pour l'entreprise. L'organisation du tutorat et l'attribution d'une prime de transmission apportent des solutions juridiques originales à ce problème depuis longtemps identifié.

Il convient d'ailleurs d'observer que les mesures d'incitation fiscale et financière ne suffiront jamais pour pousser les chefs d'entreprise à anticiper leur départ. Car il existe une dimension humaine irréductible dans la transmission d'entreprise, qui la freine : le cédant vend son passé, et peut avoir du mal à se détacher du résultat de l'œuvre de toute sa vie ; l'acquéreur, lui, achète un avenir, et peut avoir envie de faire table rase du passé et de l'expérience de son prédécesseur.

À la double fragilité structurelle de la PME correspond une double urgence circonstancielle.

La première tient au vieillissement démographique, qui multiplie les situations de recherche de repreneurs. Cette dimension a été parfaitement décrite par le Premier ministre dans son discours de politique générale, lorsqu'il a indiqué que 500 000 chefs d'entreprise sont à moins de dix ans de l'âge de la retraite, en ajoutant que « le projet de loi en faveur des PME leur apportera la réponse qu'ils attendent ».

M. Michel Vergnier. Je ne le crois pas !

M. Serge Poignant, rapporteur. La seconde résulte directement du succès de la loi pour l'initiative économique. Comme les jeunes entreprises se sont multipliées depuis la fin de 2003, nombre d'entre elles vont bientôt arriver à l'âge critique de la troisième année.

Ce projet de loi « Jacob-Dutreil » ou « Dutreil 2 » vient à point nommé compléter la première loi Dutreil pour aider les «jeunes pousses » que celle-ci a produites à franchir ce premier cap difficile de leur vie.

La lecture par le Sénat s'est traduite par un gonflement substantiel du projet de loi puisqu'elle a fait croître de vingt le nombre des articles, du fait de l'ajout de vingt-deux articles additionnels, de la suppression de l'article 23 relatif à la « fausse bonne idée » de la société civile artisanale à responsabilité limitée et du retrait par le Gouvernement de l'article 46 relatif au chèque emploi-entreprise, destiné à être introduit dans la législation par voie d'ordonnance, comme l'a déclaré le Premier ministre.

M. Michel Vergnier. Nous n'en débattrons donc pas !

M. Serge Poignant, rapporteur. Les cinq premiers titres, qui constituent le véritable cœur du projet de loi avec l'ensemble des mesures favorisant le développement des petites entreprises, ont été complétés de dispositions allant dans le sens de la simplification, soit par allégement des procédures, soit par la voie d'une harmonisation des conditions d'exercice dans les diverses structures juridiques possibles.

Ainsi, le nouvel article 25 bis porte de cinquante à cent le nombre maximum d'associés des sociétés coopératives artisanales constituées en sociétés à responsabilité limitée, afin d'aligner ce nombre sur celui en vigueur pour les sociétés à responsabilité limitée de droit commun.

Le Sénat a aussi réajusté le périmètre des dispositifs créés. Aux articles 1er et 2, la prise en charge par le financement de la formation professionnelle continue des actions d'accompagnement des créateurs ou repreneurs d'entreprise a été élargie aux professions libérales. Par ailleurs, le mécanisme de dotation pour investissement, initialement instauré pour les entreprises individuelles, a été étendu aux entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée. Cette disposition était largement demandée.

Au passage, diverses améliorations techniques ont été apportées. Les spécificités du droit économique de l'Alsace-Moselle, et notamment l'inscription non pas au registre du commerce et des sociétés mais à celui des entreprises, ont été prises en compte aux articles 1er à 4. Aux articles 2 et 3, un caractère subsidiaire par rapport au financement par la formation professionnelle continue des professions salariées et des demandeurs d'emploi a été donné à la prise en charge des actions d'accompagnement des créateurs et repreneurs d'entreprise par les fonds d'assurance formation. Le dispositif d'assurance vieillesse des conjoints collaborateurs, mis en place par l'article 12, a été complété en prévoyant une possibilité de rachat des droits sur six ans rétroactivement.

S'agissant du titre VII relatif au réseau des chambres de commerce et d'industrie, le Sénat a clarifié la répartition des compétences entre les différents établissements du réseau, en précisant, à l'article 39, que ceux-ci ont, dans le respect de leurs compétences respectives, une fonction de représentation des intérêts de l'industrie, du commerce et des services auprès des pouvoirs publics. Il a également clarifié les conditions dans lesquelles les CCI exercent leurs missions de conseil et d'assistance aux entreprises et gèrent des établissements de formation continue. Il a enfin formulé expressément la possibilité pour les chambres de se voir confier des délégations de service public en matière d'aéroports, de ports maritimes et de voies navigables, leur permettant ainsi de bénéficier d'une dérogation aux obligations de mise en concurrence prévues par l'article 41 de la loi Sapin.

En ce qui concerne le titre VIII, portant diverses dispositions, l'apport du Sénat a concerné essentiellement le renforcement de la lutte contre le travail illégal et le développement de l'apprentissage.

Notre commission des affaires économiques a proposé de nombreux aménagements au texte transmis par le Sénat, en premier lieu aux titres Ier à V, relatifs au développement des PME.

Elle a adopté un amendement, reprenant une idée exprimée par le Président de la République lors de ses vœux aux forces vives en janvier dernier, alignant sur le régime des plus-values immobilières le régime des plus-values de cession des valeurs mobilières ou droits sociaux, par la prise en compte, dans le calcul de la plus-value taxable, de la durée de détention des titres cédés, de manière à permettre une exonération totale pour une cession après quinze ans de détention.

M. Luc-Marie Chatel, rapporteur et M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le Président de la République avait raison !

M. Serge Poignant, rapporteur. Monsieur le ministre, vous venez de déclarer que cette mesure figurerait dans le prochain projet de loi de finances. J'en ai pris note avec grand intérêt. Mais pourquoi ne pas l'accepter dès maintenant ?

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. Serge Poignant, rapporteur. Nous en reparlerons au cours de la discussion.

Notre commission a aussi étendu le dispositif de la dotation pour investissement prévu par l'article 8 aux entreprises individuelles ou EURL employant jusqu'à vingt salariés, sans qu'aucune condition d'âge de l'entreprise ne soit plus imposée alors que le texte transmis par le Sénat en restreint le bénéfice aux seules entreprises créées ou reprises depuis moins de cinq ans. Voilà une mesure phare que nous défendrons avec enthousiasme car, au-delà de trois ans d'existence, les entreprises peuvent avoir des besoins d'investissement, pour les mises aux normes par exemple. Du reste, dans le groupe de travail, nous avions parlé de « provision pour investissement » et non de « provision pour investissement pour la création d'entreprise ».

La commission a prévu de porter à 75 % l'abattement de l'ISF sur les parts sociales détenues dans le cadre d'un pacte d'actionnaires, afin d'aligner cet abattement sur celui prévu par l'article 22 du projet pour les droits de mutation à titre gratuit, cette mise en cohérence étant indispensable pour éviter la dissolution des pactes d'actionnaires par anticipation des mécanismes de donation.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. Tout à fait !

M. Serge Poignant, rapporteur. Nous aurons certainement une large discussion à ce sujet lors de l'examen de l'article 22.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce sera très intéressant !

M. Serge Poignant, rapporteur. Notre commission a créé une nouvelle structure intermédiaire entre le groupement d'employeurs et la société d'intérim : la société de travail en temps partagé, société commerciale gérant du personnel qualifié en contrat à durée indéterminée et le mettant à disposition pour des missions temporaires dans des entreprises clientes. Je sais que vous y êtes favorable, monsieur le ministre.

Elle a mis en place un crédit d'impôt à destination de l'artisan chef d'entreprise qui se forme.

Elle a prévu d'autoriser toute personne ayant trois ans d'expérience professionnelle dans un métier dont l'exercice suppose normalement un CAP à créer sa propre entreprise, à condition de faire reconnaître sa qualification par validation de l'acquis professionnel dans les trois ans suivant la création de l'entreprise, sous peine d'une radiation du répertoire des métiers.

Elle a établi un nouveau mode de calcul des cotisations d'assurance vieillesse du professionnel libéral et de son conjoint collaborateur en cas de partage d'assiette, qui maintient les montants versés au total pour chacune des deux tranches du régime de prélèvement, afin d'éviter les effets d'aubaine. Nous y reviendrons au cours de la discussion. Vous avez insisté à juste titre sur les statuts de conjoint collaborateur et de conjoint associé. La question des retraites chez les artisans et dans les professions libérales peut être examinée de diverses façons. Du reste, un certain nombre d'amendements traitent de ce point.

S'agissant des contrats de gérance mandat, la commission a modifié les conditions de détermination des garanties, notamment en termes de commission minimale, de manière à faire disparaître toute référence dans le texte au droit du travail, afin de ne pas donner prise à une requalification de cette forme de contrat commercial en contrat salarial. Il s'agit d'un ajustement par rapport à la gérance mandat.

La commission a rendu aux sociétés coopératives agricoles, et en particulier aux coopératives d'utilisation de matériel agricole, les CUMA, la possibilité d'exercer des fonctions de groupements d'employeurs.

Dans le but de simplifier les procédures imposées aux entreprises, elle a supprimé l'obligation de produire un rapport sur les procédures de contrôle interne pour les sociétés ne faisant pas appel public à l'épargne.

S'agissant du titre VII, qui concerne les dispositions relatives aux chambres de commerce et d'industrie, la commission a établi que le réseau des chambres de commerce et d'industrie contribue au développement des entreprises et de leurs associations, et pas seulement au développement économique des territoires.

Elle a également précisé que les missions de représentation des intérêts de l'industrie, du commerce et des services du réseau des CCI sont exercées sans préjudice des missions de représentation confiées par des dispositions législatives ou réglementaires à des organisations professionnelles. Là encore, il s'agit de préciser les missions. Puis, elle a ajouté les associations d'entreprises et unions commerciales aux personnes auprès desquelles les CCI ont une mission de service.

La commission a également établi que les CCI peuvent exercer leur mission de service aux entreprises de leur circonscription tant au plan national qu'international.

Au titre VIII portant dispositions diverses, la commission a répondu aux inquiétudes du secteur des transports en encadrant le cabotage routier et fluvial. Dans le prolongement des dispositions favorisant la transmission des PME, elle a également adopté un amendement élargissant les possibilités d'attribution de parts d'industries dans les officines.

Comme le démontrent mes propos, monsieur le ministre, le Sénat a déjà apporté beaucoup, mais nous ne sommes pas en reste d'idées et nous pouvons encore améliorer le texte.

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Je le constate !

M. Serge Poignant, rapporteur. Merci.

Je laisserai à mon collègue Luc-Marie Chatel le soin de rapporter la partie commerce au nom de la commission des affaires économiques. Puis nous entendrons les rapporteurs pour avis des deux commissions des finances et des lois.

Vous avez coutume de dire qu'un bon projet de loi comporte un tiers de dispositions d'origine gouvernementale et deux tiers d'origine parlementaire.

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. C'est l'inverse ! (Sourires.)

M. Serge Poignant, rapporteur. Alors disons 50-50 !

Espérons que le bon accueil que vous ferez à nos propositions au cours de cette semaine nous permettra de tenir ce pari et que nous donnerons ensemble à nos entreprises un outil de développement fondamental pour la croissance et l'emploi dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour le titre VI.

M. Luc-Marie Chatel, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour le titre VI. Monsieur le ministre, je vous remercie de nous présenter un projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises qui permettra de déverrouiller notre système économique et de laisser place à l'initiative. Les 2,5 millions de PME de notre pays sont autant de chances de créations d'emplois.

Je vous remercie aussi de nous présenter enfin une réforme des relations commerciales. J'ai le sentiment que ce texte est un aboutissement parce que, depuis plus d'un an, ce sujet est devenu un serpent de mer de nos débats. Grâce au volontarisme du ministre d'État, à l'époque ministre de l'économie, Nicolas Sarkozy, les accords de Bercy, après avoir été les premiers à mettre en lumière l'inflation galopante sur les produits de marque dans la grande distribution, ont permis une baisse effective des prix à la consommation de 2 %. Depuis, les travaux de la commission Canivet, de grande qualité, ont fait date dans ces questions complexes, techniques, mais qui concernent le grand public puisqu'il s'agit du panier de la ménagère. Enfin, nous avons mené des travaux ici même, dans le cadre de la mission d'information que j'ai eu l'honneur de présider.

À cet égard, je tiens à remercier le président Ollier qui, dès mai 2004, avait souhaité que la commission des affaires économiques s'empare de la question des relations commerciales en créant d'abord un groupe de travail informel, transformé à l'automne en mission d'information. Je remercie également les rapporteurs de cette mission d'information, Jean-Paul Charié, Michel Raison et Jean Dionis du Séjour, ainsi que les collègues de toutes sensibilités qui ont participé à nos travaux, notamment MM. Gaubert et Vergnier, car ce sujet transcende les clivages politiques.

Il s'agit bien d'un aboutissement parce que nous sortons enfin d'une période d'incertitude. Or rien n'est pire pour le commerce que l'incertitude. On l'a vu ces derniers mois avec les accords entre la grande distribution et les industriels, qui ont été un échec. De même, la consommation dans les hypermarchés a baissé récemment. Décidément, le commerce a besoin de visibilité sur son cadre législatif.

Aboutissement aussi parce que le projet constitue indéniablement une étape supplémentaire dans l'évolution de notre code de commerce. L'interdiction de la vente à perte qui remonte à la loi de finances de 1963, complétée par l'ordonnance de 1986, a conduit à des règles de facturation complexes, aux contours incertains que le législateur - certains d'entre vous étaient là, je me tourne en particulier vers Jean-Paul Charié - a dû remettre à plat en votant la fameuse loi « Galland » en 1996. Elle visait, je le rappelle, quatre objectifs : assurer une concurrence plus loyale dans le domaine de la vente au détail ; lutter contre la vente à perte ; améliorer les relations entre producteurs et distributeurs ; enfin, simplifier la facturation et renforcer les conditions générales de vente.

Force est de constater - tel a été le premier travail de notre mission d'information - que, dans bien des domaines, la loi Galland a atteint le but qu'elle s'était fixé, permettant en particulier que s'instaure en France un certain équilibre entre les différentes formes de commerce. Cette loi a enrayé, partiellement certes, l'érosion du petit commerce puisque, aujourd'hui, même s'il n'est pas négligeable, l'écart de prix entre grande distribution et petit commerce de proximité en centre ville, qui est de l'ordre de 15  à 20 %, a écarté les prix « prédateurs » que nous avions connus dans les années quatre-vingt. Une véritable complémentarité a pu s'instaurer entre les deux circuits.

Mais la loi Galland a eu aussi des effets pervers que nous avons tous dénoncés et auxquels il convient de remédier.

Le premier d'entre eux est évidemment l'explosion des marges arrière. Leur niveau moyen dans la grande distribution se situait, en 1996, autour de 20 %. Il est aujourd'hui de 35 % et peut atteindre 60 ou 70 % pour certaines catégories de produits.

Le second, corollaire du premier, réside dans l'inflation pour le consommateur. Conjuguant leurs intérêts, grands industriels et grands distributeurs se sont en quelque sorte entendus pour augmenter, d'un côté les marges arrière, de l'autre les tarifs sur le dos du consommateur. Le consommateur a payé et il a été le grand oublié de ces dernières années.

M. Jean Dionis du Séjour. Très juste !

M. Luc-Marie Chatel, rapporteur. Pendant longtemps, notamment dans les années soixante-dix et quatre-vingt, le consommateur avait pourtant été le grand bénéficiaire du rapport de forces entre la grande distribution et les industriels. Les baisses de prix ont favorisé une relative démocratisation de certains biens et services : grâce à la diminution de la part du budget alimentaire, le consommateur a pu alors se tourner vers d'autres types de biens et services tels que la téléphonie mobile ou les nouvelles technologies...

Mais il est aujourd'hui le grand perdant. Les prix des grandes marques ont considérablement augmenté, de 30 % à 40 % pour certaines d'entre elles ; elles sont trop chères par rapport aux pays voisins. On assiste aussi depuis quelques années à une dilution du concept de discount, de sorte que le consommateur ne sait plus très bien quand et où il peut faire de bonnes affaires.

Par ailleurs, l'offre commerçante n'est plus véritablement adaptée à ses besoins : les hypermarchés à la française ont certes explosé, mais le temps de passage dans un magasin ayant été divisé par deux en dix ans - il est aujourd'hui de quarante-cinq minutes - constituent-ils encore, avec leurs 20 000 mètres carrés et leurs 40 000 références, la réponse adaptée aux attentes des consommateurs ? Le créneau du hard discount a lui aussi littéralement explosé puisque, l'année dernière, plus de 60 % des Français se sont rendus dans ce type de commerce. La consommation est devenue complexe : le même consommateur va le samedi dans les hypermarchés, fréquente les petits commerçants en semaine et se rend aussi chez les hard discounters.

La réforme que vous avez voulue, et que nous avons encouragée et complétée - je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir repris de nombreuses mesures proposées par la mission d'information que j'ai présidée - est volontariste et équilibrée.

Elle est volontariste parce que nous l'avons voulue durable. Nous ne réformons pas pour les six prochains mois, nous ne légiférons pas exclusivement pour la grande distribution alimentaire : nous réformons l'ensemble du code de commerce. Il fallait donc un texte global qui ne se contente pas d'empiler les mesures catégorielles, mais qui prenne en compte l'ensemble des préoccupations de la distribution et des fournisseurs.

Elle est avant tout transparente car il est temps de mettre fin à un système opaque, sur lequel les témoignages ont été nombreux, qui permet à la grande distribution de soumettre les PME à une véritable pression pour se faire rémunérer des prestations souvent fictives. Cette réforme a donc pour objet de faire disparaître de telles pratiques.

Transparence aussi car nous devons, vous l'avez dit, rapprocher le prix de vente de sa réalité économique. Aujourd'hui, avec 60 % ou 70 % de marge arrière sur certains produits, il en est totalement déconnecté.

Cette réforme respecte également un équilibre entre les acteurs. Le système actuel profite trop au distributeur. Là aussi les témoignages en ce sens ont été nombreux. Même les fournisseurs de taille importante ont du mal à résister. En effet, le critère important, c'est la part du chiffre d'affaires réalisé avec le camp d'en face : quand un distributeur réalise auprès d'un fournisseur 3 % de son chiffre d'affaires, mais que le distributeur, lui, représente 15 % du carnet de commandes du fournisseur, le rapport de forces bénéficie nécessairement au premier. Le texte rétablit l'équilibre en faveur du consommateur en le replaçant au cœur du dispositif.

Votre réforme, monsieur le ministre, s'articule autour de trois grands axes.

D'abord, elle cherche à assurer une meilleure effectivité à la loi. La loi actuelle qui régit les relations commerciales n'est pas suffisamment appliquée : 40 % des procès-verbaux sont classés sans suite ; le montant cumulé des sanctions, soit 270 000 euros, est minime alors qu'il serait possible de sanctionner bien davantage. Le texte qui nous est soumis permettra d'assurer un meilleur contrôle et une meilleure application de la loi, je pense en particulier à l'inversion de la charge de la preuve et, surtout, à l'idée d'encadrer la coopération commerciale dans un contrat exhaustif. Étant plus facile à contrôler, la loi sera mieux appliquée.

Ensuite, la nouvelle loi permettra d'assainir les pratiques. Chacun doit faire son métier et nous avons fait de l'idée que les conditions générales de vente ne devaient pas être négociées notre cheval de bataille.

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. Luc-Marie Chatel, rapporteur. C'est au producteur de déterminer les conditions générales de vente à partir de ses coûts de production, lesquelles peuvent ensuite, mais ensuite seulement, faire l'objet de négociations commerciales.

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. Luc-Marie Chatel, rapporteur. Nous allons assainir les pratiques en encadrant la coopération commerciale par le biais de l'article 28.

Enfin, le texte vise à restaurer progressivement la concurrence par les prix, au bénéfice du consommateur, en lissant sur plusieurs années l'évolution des marges arrière. Il convient, pour ce faire, de revoir la définition du seuil de revente à perte. Même s'il n'existe pas de solution parfaite, la moins mauvaise consiste en quelque sorte à rebasculer progressivement les marges arrière vers l'avant. La réforme doit être progressive, mais volontariste, pour régler le problème une bonne fois pour toutes. Nous débattrons du fameux article 31, mais nous avons en commission adopté un amendement important qui reprend ces principes.

M. le président. Il vous faut conclure, monsieur le rapporteur.

M. Luc-Marie Chatel, rapporteur. Au sein de la mission d'information, nous avons veillé à aborder ces questions sans aucune arrière-pensée, c'est-à-dire sans opposer les différentes catégories entre elles - distributeurs, industriels, consommateurs -, afin de mettre au point une réforme volontariste, transparente, conforme à l'intérêt général. Le législateur doit avant tout chercher à être un « facilitateur », c'est-à-dire à fluidifier les échanges entre les acteurs, pour faire mieux jouer la libre concurrence au profit du consommateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, que son expérience aidera sûrement à respecter son temps de parole.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi en faveur des PME joue un rôle central dans le programme du Gouvernement puisque le Premier ministre, au cours de sa déclaration de politique générale, a souligné que l'emploi, son unique priorité, passe par les petites et très petites entreprises.

Nous nous réjouissons d'avoir eu à nos côtés la commission des lois, avec pour rapporteure Mme Arlette Grosskost, et la commission des finances, avec M. Hervé Novelli, car leur expérience ne pouvait qu'être précieuse pour étudier un texte aussi riche et au contenu si divers. Nous comptons sur eux pour nous éclairer dans les jugements que nous allons devoir porter sur des articles essentiels du texte. Nous avons travaillé en bonne intelligence, nos rapporteurs se sont consultés, et les trois commissions ont été quasiment unanimes sur les points forts du texte. J'en suis très heureux.

Ce projet de loi est crucial car il doit donner au Gouvernement les moyens de confirmer une réussite, celle de la loi pour l'initiative économique du 1er août 2003, qui reste dans les mémoires, monsieur le ministre, comme votre œuvre. Lors de votre premier passage au ministère des PME, cette première loi « Dutreil » portant des mesures de simplification de la vie des entreprises et de démocratisation de la création d'entreprise a apporté une forte impulsion qui va dans le bon sens : en 2004, le nombre de créations d'entreprises ex nihilo a été de 225 000 environ, contre 178 000 seulement en 2002. Bravo ! Au cours de l'année 2004, elle a permis la création de 631 000 emplois, chefs d'entreprise et salariés. C'est un excellent résultat.

La future loi « Jacob-Dutreil », que nous examinons aujourd'hui, prévoit un nouveau train de simplifications pour les petites structures, pour l'associé unique gérant par exemple. Elle prévoit aussi de nouvelles modalités d'accompagnement de la transmission avec le tutorat et ouvre des sources nouvelles de financement pour la formation des créateurs d'entreprise.

Elle ne manquera certainement pas, grâce à la diligence avec laquelle vous allez veiller à sa mise en œuvre sur le plan réglementaire, de donner une nouvelle et forte impulsion au tissu des PME, qui en a bien besoin.

Notre rapporteur, Serge Poignant, a contribué à la mise au point du texte en dirigeant un des deux groupes de travail du ministère, chargé de recenser tous les besoins d'amélioration et de simplification du contexte juridique des petites et moyennes entreprises. Qu'il en soit remercié.

Le deuxième grand volet de ce texte concerne la réforme de la loi « Galland » votée en 1996. Je saisis cette occasion pour louer les travaux de M. Charié.

Cette réforme a été engagée par votre circulaire de mai 2003, monsieur le ministre, et par les accords, passés en juin 2004 entre fournisseurs et distributeurs à l'initiative de M. Sarkozy, en vue de faire baisser de 2 % le prix des produits de grandes marques.

Le sujet, à l'époque, nous avait interpellés. Après en avoir discuté avec le Gouvernement, j'ai souhaité créer au sein de la commission des affaires économiques une mission d'information dont j'ai confié la présidence à M.  Chatel. Les rapporteurs en ont été M. Raison, M. Charié et M. Dionis du Séjour, ici présents. Je rends également hommage à M. Gaubert et à M. Vergnier, qui ont activement participé à ces travaux avec une grande intelligence des situations et une véritable volonté de trouver des solutions concrètes.

Je ne voudrais pas, monsieur le ministre, que ces travaux aient été engagés pour rien. Le Gouvernement a repris une partie des conclusions de la mission Chatel : M. Charié, M. Raison et M. Dionis du Séjour, ainsi que moi-même, en sommes très heureux. Mais il convient d'aller jusqu'au bout de la logique que nous avons engagée au cours des travaux de la commission, laquelle a adopté des amendements dont nous allons devoir débattre.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je tiens à souligner les objectifs qui nous sont communs : rendre plus transparentes les relations commerciales, aller progressivement vers le prix économique des produits, redonner une marge pour la baisse des prix au profit des consommateurs, maintenir un réseau de commerces de proximité sur notre territoire et soutenir le tissu de nos PME.

Cette volonté qui est la nôtre, et la vôtre, monsieur le ministre, est née des protestations très vigoureuses à l'encontre des marges arrière, exprimées par la CGPME et par la FNSEA. Je me rappelle les propos de Jean-Michel Lemétayer, le président de la FNSEA, qui, récemment encore, à l'occasion du 59e congrès de son organisation, le 24 mars 2005 - j'étais présent -, déclarait : « Il est temps de moraliser les pratiques de la grande distribution. [...] Si rien n'est fait, la marge arrière se transformera en marche arrière pour des milliers d'entreprises et des dizaines de milliers de producteurs et de salariés. »

M. Lemétayer a raison : il faut aller de l'avant, monsieur le ministre !

Le Président de la République a, lui aussi, clairement indiqué sa position en la matière. Le 22 février 2003, à l'occasion du salon international de l'agriculture, il a qualifié d'« injustifiables » les marges prises par la grande distribution sur les produits agricoles, estimant que ce problème « doit être traité avec beaucoup de fermeté » car « il y a là quelque chose de scandaleux ». Nous approuvons évidemment le Président de la République.

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il était donc nécessaire de s'attaquer à ce problème, de façon équilibrée et progressive, vous avez raison, monsieur le ministre.

M. Jean Dionis du Séjour. Mais à condition d'aller jusqu'au bout !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il n'est évidemment pas question, en voulant guérir un mal, d'en provoquer un autre, qui pourrait s'avérer pire encore. Nous l'avons parfaitement compris : il ne s'agit pas pour nous de rouvrir la guerre des prix. L'amendement que M. Chatel a déposé et que la commission des affaires économiques et l'ensemble des rapporteurs ont approuvé, constitue une bonne solution. C'est pourquoi nous serons très vigilants quant à l'attitude du Gouvernement vis-à-vis de cet amendement. Nous ne nous opposons pas, j'y insiste, à une solution équilibrée. Je comprends que nous ne soyons pas toujours d'accord sur tout, mais il est certain, monsieur le ministre, que vous pouvez compter sur la détermination de la commission à aller jusqu'au bout de sa logique, dès lors qu'un texte approprié aura été trouvé. Je vous remercie de l'ouverture que vous avez faite sur le sujet au cours de votre intervention.

Le troisième volet du projet de loi concerne les chambres de commerce et d'industrie. Il en précise l'organisation. Grâce à la réforme de leur système électoral et à celle de leur mode de financement, leur action en faveur du développement de nos entreprises et de nos territoires est reconnue. Là encore, monsieur le ministre, je vous en remercie.

Le projet de loi comporte enfin un volet relatif à la lutte contre le travail illégal. Notre rapporteur l'a évoqué. Je n'y reviens pas. Le coût économique et social du travail illégal, qui touche en priorité certains secteurs où sont largement représentées les PME, est estimé à 4 % du PIB. Il y a tout lieu d'approuver les mesures proposées par le Sénat.

Je remercie le Gouvernement de cette collaboration exemplaire entre les services et l'Assemblée. C'est Jean-Pierre Raffarin et Christian Jacob qui l'ont initiée : nous leur en sommes reconnaissants. Le recensement de l'ensemble des freins au développement des petites entreprises s'est fait d'emblée sous l'égide de parlementaires, parmi lesquels leurs collègues ont ensuite tout naturellement désigné les rapporteurs du projet de loi. Je citerai Gérard Cornu, rapporteur de la commission des affaires économiques du Sénat dont le travail, excellent, préjuge favorablement de la commission mixte paritaire, Serge Poignant et Emmanuel Hamelin, ainsi que Luc-Marie Chatel, lequel a présidé le groupe de travail formé auprès du Gouvernement sur les pratiques commerciales dans la grande distribution, avant de présider la mission d'information sur les relations commerciales qui lui a succédé. Leur travail a été remarquable. Une telle collaboration en amont est exceptionnelle : j'en rends hommage au Gouvernement tout en espérant la voir se poursuivre. Le résultat en est excellent...

M. Jean-Marie Le Guen. Que de compliments !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ne vous gaussez pas, monsieur Le Guen ! Je vous ai entendu faire les mêmes compliments à cette tribune lorsque vos amis étaient au pouvoir. Ce qui prouve que les choses ne changent pas tellement.

M. Jean-Marie Le Guen. La confiture à ce point-là ? Non, tout de même pas !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le ministre, la commission des affaires économiques vous remercie de cette méthode de travail intelligente et constructive, qui permettra de résoudre un grand nombre de problèmes en aval, dès lors qu'ils ont été travaillés intelligemment en amont.

M. Jean-Marie Le Guen. Heureusement qu'il n'y a pas de marge arrière sur les superlatifs !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce travail a été très riche et je remercie mes collègues commissaires d'avoir nourri le débat de leurs propositions.

Je ne reviendrai pas aux excellents propos tenus par les rapporteurs, MM. Poignant et Chatel. Je souhaite seulement insister sur trois points.

En premier lieu, les relations que l'administration et les entreprises entretiennent doivent changer. Il y a beaucoup de travail à faire en la matière. Aujourd'hui, l'administration manifeste à la fois trop de méfiance et trop de brutalité - je n'hésite pas à employer ce terme - vis-à-vis des petites entreprises. Les chefs d'entreprise sont focalisés à juste titre sur la bataille économique qu'ils doivent gagner tous les jours afin de préserver leur activité et les emplois dont ils ont la responsabilité. Ils sont conscients de leurs devoirs envers la société, notamment vis-à-vis des règles fiscales et sociales. Mais ces règles sont parfois complexes et il est assez compréhensible que les chefs d'entreprise, notamment ceux qui sont à la tête de petites structures, soient quelquefois perdus au sein d'un univers juridique qui n'est pas le leur. Il faut les aider !

M. Jean Dionis du Séjour. C'est vrai !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Voilà pourquoi, à l'initiative de Jean-Paul Charié, nous avons adopté un amendement visant à marquer symboliquement notre volonté que le premier réflexe de l'administration ne soit pas la répression, mais l'explication.

M. Luc-Marie Chatel, rapporteur, et M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Cet amendement vise à affirmer le principe selon lequel « les fonctionnaires chargés des contrôles et de dresser les procès-verbaux doivent d'abord procéder par des rappels à la réglementation ». Je souhaite, monsieur le ministre, que l'administration entende cet appel à changer de comportement.

Il faut également qu'on cesse, en France, de se méfier de l'entreprise, et qu'on la considère d'abord comme une source de richesses et d'emplois. Changer les mentalités demandera du temps mais ce projet de loi en faveur des PME nous paraît constituer l'occasion idéale pour commencer à le faire.

À cet égard, nous avons avancé une idée qui permettra peut-être de renforcer le message sur la nécessité d'une attitude plus compréhensive de l'administration vis-à-vis de l'entreprise : il s'agirait d'instituer des « médiateurs des entreprises », qui seraient des délégués du Médiateur de la République placés auprès des chambres consulaires et spécifiquement chargés des litiges entre les entreprises et l'administration. Nul doute que cette idée fera son chemin.

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Elle est excellente !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Merci, monsieur le ministre.

Deuxièmement, la commission a émis l'idée d'instituer un droit de préemption des communes à des fins d'aménagement de l'urbanisme commercial, en vue de préserver les commerces de proximité dans les centres-villes.

M. Jean Dionis du Séjour. C'est également une très bonne idée !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Un amendement a été déposé en ce sens, visant à créer des zones de sauvegarde. Vous partagez, nous le savons, notre préoccupation de sauvegarder les commerces de proximité, notamment les commerces de bouche, afin qu'ils ne disparaissent pas du cœur de nos communes. Ils en assurent la vitalité, voire la convivialité, ils sont garants de leur qualité et de leur authenticité : il faut les aider !

Nos communes sont confrontées en permanence à l'ouverture dans les centres-villes de banques, de cabinets d'assurance ou d'agences immobilières. Je n'ai rien contre ce type d'établissements, mais ils ne doivent pas se substituer aux commerces de bouche, sous peine de déstructurer le commerce de proximité.

Il faut réagir ! J'ai déposé un amendement visant à donner au maire le pouvoir de préempter non seulement les murs, mais également les baux commerciaux, ce qui lui permettra de travailler intelligemment à la diversification et à la maîtrise du commerce communal et de faire succéder un commerce de bouche à un commerce de bouche.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Excellente idée !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est à ce prix, monsieur le ministre, que les maires qui sont déterminés à sauver leur centre-ville pourront disposer des moyens nécessaires.

M. Jean-Marie Le Guen. Ils sont où nos libéraux ? C'est du collectivisme !

M. le président. Monsieur Le Guen, laissez M. Ollier conclure !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Arrêtez de m'interrompre systématiquement, monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Les cours d'économie politique m'ont toujours intéressé !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Alors, écoutez-moi !

Troisième et dernier point : notre commission a essayé de trouver une solution équilibrée au conflit, délicat, qui oppose les masseurs-kinésithérapeutes aux esthéticiennes : il s'agit d'autoriser ces dernières à fournir à leur clientèle non plus seulement des soins de beauté, mais également des soins de confort les conduisant à pratiquer ce que nos collègues du Sénat ont appelé des « modelages ».

M. Michel Vergnier. Les kinés apprécieront !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Cette demande répond à l'attente croissante des consommateurs. Il ne serait pas raisonnable d'interdire totalement aux esthéticiennes d'y répondre, dès lors qu'elles n'empiètent pas sur la compétence des masseurs-kinésithérapeutes.

M. Jean Dionis du Séjour. Pas de débordement !

Mme Arlette Franco. Absolument !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il va de soi, en effet, qu'elles n'auront aucunement le droit de déborder sur le terrain des traitements médicaux ou paramédicaux. L'inquiétude des kinésithérapeutes en la matière est légitime : elle doit être prise en compte. Telle est la raison pour laquelle la commission a adopté un amendement visant à clarifier et à équilibrer la responsabilité de chacune de ces deux professions en fonction de leur domaine respectif de compétence et à faire cesser ainsi la guerre qu'elles entretiennent, laquelle a atteint aujourd'hui des proportions inacceptables.

M. Jean-Marie Le Guen. L'expertise médicale a gagné la commission de la production !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Pas de la production, des affaires économiques ! Si vous étiez plus souvent dans cet hémicycle, monsieur Le Guen, vous seriez informés du changement de nom qui a eu lieu il y a déjà trois ans !

M. Jean-Marie Le Guen. J'ai déjà du mal à me rappeler le nom de son président...

Mme Arlette Franco. Quelle grossièreté !

M. le président. Monsieur Le Guen, n'empêchez pas M. Ollier de conclure !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Tels sont les aménagements que la commission des affaires économiques a apportés au texte. Je les crois utiles et j'espère, mes chers collègues de la majorité, que vous emprunterez, au moment de voter, le chemin que nous avons balisé au cours de nos travaux préparatoires.

Monsieur le ministre, je le répète : notre commission est déterminée à aller jusqu'au bout de sa logique. Je ne doute pas que l'esprit d'ouverture dont vous avez fait preuve jusqu'à présent nous aide à trouver le bon chemin. Je vous en remercie d'ores et déjà. Nous parviendrons ainsi à élaborer le meilleur texte possible, que je baptise d'ores et déjà loi « Dutreil 2 » et qui apportera le soutien le plus efficace à notre tissu de petites et moyennes entreprises : elles attendent le résultat de nos débats avec impatience ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Très bien !

M. le président. Monsieur Ollier, j'ai bien entendu votre appel au changement de comportement, qui est toujours préférable à la répression. J'invite donc tous les orateurs à respecter leur temps de parole, lequel, jusqu'à présent, a été dépassé, il est vrai, avec la bienveillance de la présidence. Mais si nous continuons sur cette voie, nous risquons fort de déborder considérablement. Viendrait alors le temps de la répression...

M. Jean-Marie Le Guen. Au karcher !

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jean-Marie Le Guen. En bon libéral, que pensez-vous de la municipalisation des baux, monsieur Novelli ?

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, dont nous débutons l'examen aujourd'hui, s'inscrit dans le prolongement de la loi de 2003 pour l'initiative économique. J'avais eu l'honneur de présider la commission spéciale chargée d'examiner ce texte que vous aviez vous-même déposé, monsieur le ministre.

Loin de moi l'idée de fonder une dynastie en baptisant ces deux textes « Dutreil 1 » et « Dutreil 2 », encore qu'on puisse le faire ! Il n'en reste pas moins qu'ils vont dans le bon sens puisqu'ils prennent en compte deux réalités incontournables de l'économie.

La première, c'est la mondialisation, qui change durablement les règles du jeu. En instaurant une économie sans frontières, elle rend les choses plus simples du côté de la demande globale, puisque celle-ci devient par nature quasiment illimitée : dès lors, nul besoin de la relancer. En revanche, tous les problèmes sont désormais concentrés sur la stimulation de l'offre, notamment lorsque, pour une raison ou pour une autre, l'entrepreneur ou l'entreprise voient la production entravée, tandis que la concurrence joue et que d'autres inventent, créent ou proposent ailleurs les produits qui n'ont pas été inventés, créés ou proposés ici.

La mondialisation a, de ce point de vue, donné définitivement raison à Joseph Schumpeter contre John Keynes !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales et M. Luc-Marie Chatel, rapporteur. Très bien !

M. Jean Dionis du Séjour. Un peu d'idéologie ne saurait nuire !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. La deuxième réalité, c'est la place essentielle qu'occupent les petites et moyennes entreprises dans l'économie française et leur rôle clé dans le développement économique et la création d'emplois. On l'a dit, les PME emploient 8,3 millions de salariés, soit 59 % des actifs, auxquels il convient d'ajouter plus de 1,5 million de personnes non salariées. Dans certains secteurs, tels que le bâtiment ou les travaux publics, ce taux représente 85 % des actifs. Les PME produisent aussi 53 % de la valeur ajoutée de l'industrie, du commerce et des services, et réalisent près du quart de nos exportations.

Mais si la présence des PME dans l'ensemble des secteurs économiques est commune à toutes les économies de l'Union européenne, les micro-entreprises, celles qui emploient moins de dix salariés, représentent 92 % des entreprises françaises, ce qui constitue une caractéristique propre à notre pays. Dès lors, agir en faveur de ces entreprises ne peut qu'avoir des effets bénéfiques en matière d'activité économique et d'emploi.

Ce projet s'inscrit, disais-je, dans la droite ligne de la loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique, qui a contribué à favoriser largement la création d'entreprises ainsi que le financement et la transmission des PME. Depuis l'entrée en vigueur de ce texte, on observe un accroissement des créations d'entreprises : il y en aurait eu 220 000 en 2004, contre 175 000 en moyenne annuelle à la fin des années 1990.

M. Serge Poignant, rapporteur. En effet.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. Le présent projet de loi vise à compléter et à poursuivre l'effort engagé en assurant la pérennité des entreprises nouvellement créées, en améliorant les conditions de transmission pour préserver les savoir-faire et l'emploi, en encourageant la croissance des PME, en confortant le rôle des chambres de commerce et d'industrie dans leur fonction de développement économique, enfin en rééquilibrant les pratiques commerciales avec, notamment, la réforme de la loi Galland.

Il est donc certain que ce texte sera utile, car il tend à régler des problèmes soulevés depuis des années. Mais il laisse de côté trois problèmes récurrents, sur lesquels je souhaite mettre l'accent.

Tout d'abord, le financement des projets de création ou de développement des entreprises. La loi « Dutreil 1 » avait créé des fonds d'investissement de proximité censés répondre à ce lancinant problème. Force est de constater que, près de deux ans après la publication de cette loi au Journal officiel, les FIP, lorsqu'ils existent, restent très confidentiels. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous donniez des détails sur la création de ces fonds.

M. Jean-Paul Charié. Et sur leur utilisation !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. Deuxièmement, l'entrepreneur est aujourd'hui insuffisamment incité à mettre toute son énergie dans son activité, du fait d'une fiscalité encore trop prédatrice.

Troisièmement, notre droit du travail est encore trop souvent un droit fait pour la grande entreprise et parfaitement inadapté aux très petites entreprises ou aux moyennes entreprises, qui sont pourtant la réalité de notre tissu économique.

Sur ces sujets, la commission des finances a adopté trois amendements.

Le premier, déposé après l'article 22, concerne l'alignement, par coordination avec cet article, du régime d'exonération partielle de l'impôt de solidarité sur la fortune dans le cadre d'un pacte d'actionnaires.

M. Luc-Marie Chatel, rapporteur. Excellente mesure !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. À l'occasion de l'examen du projet de loi pour l'initiative économique, la commission spéciale a instauré une exonération d'ISF de 50 % sur la valeur des parts sociales ou actions de sociétés que les propriétaires s'engagent à conserver au moins six ans dans le cadre d'un pacte d'actionnaires, sous réserve d'un certain nombre de conditions tenant notamment à la nature des titres et au volume du capital détenu.

Ce mécanisme était inspiré par un constat simple : il était nécessaire de stopper l'hémorragie des entreprises familiales en France, directement liée à cet impôt. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs validé à la fois le principe de la mesure, qu'il a jugée conforme à l'intérêt général, et les seuils mis en place. Ces seuils étaient calés sur ceux applicables en matière de droits de mutation pour les cessions d'entreprise avec engagement de conservation des titres. Dès lors que l'article 22 du projet relève le niveau de l'abattement de droits de mutation à 75 %, il est logique de procéder au même relèvement pour l'exonération partielle d'ISF. Telle est la mesure proposée par la commission des finances et la commission des affaires économiques.

Le deuxième amendement, portant lui aussi article additionnel après l'article 22, tend à aligner le régime fiscal des plus-values mobilières sur celui des plus-values immobilières.

Il n'est pas utile de s'étendre longuement sur une réforme déjà débattue la semaine dernière lors de l'examen du projet de loi pour la modernisation de l'économie, à l'occasion d'un amendement présenté par le rapporteur général, Gilles Carrez. J'ajouterai seulement que cette mesure très attendue a été annoncée par le Président de la République lui-même à deux reprises cette année. Le ministre de l'économie et des finances n'a pas manqué de le rappeler en séance, mais il a préféré renvoyer le sujet à la prochaine loi de finances. C'est presque devenu une épidémie : chaque année, on renvoie la discussion de propositions à l'examen du projet de loi de finances sous prétexte qu'elles concernent la fiscalité, puis, une fois le débat budgétaire venu, on nous dit que la proposition serait plus à sa place dans un texte technique ! Je souhaiterais, pour ma part, que nous puissions traiter des problèmes lorsqu'ils se posent.

M. Jean-Paul Charié. Très bien ! C'est cela, le changement !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. Or le sujet est mûr, le dispositif est prêt et, sous des dehors assez techniques, il est très simple dans son principe : il s'agit de faire en sorte que les entreprises familiales le restent, même en cas de cession rendue nécessaire au moment de la retraite du dirigeant fondateur. Sous réserve d'un certain nombre de conditions, la plus-value réalisée serait traitée selon les mêmes règles que celles de la fiscalité immobilière, à savoir une exonération complète au bout de quinze ans. L'amendement que la commission des finances a adopté et que j'aurai l'honneur de soutenir devant vous présente l'avantage de viser à la fois les plus-values personnelles et les plus-values professionnelles, les entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés comme celles soumises à l'impôt sur le revenu. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous approuverez cette mesure qui a toute sa place dans ce projet et qui constituerait au surplus un excellent signal à envoyer dans cette période des « cent jours », que l'on nous dit cruciale.

Le troisième amendement tend à instaurer une réduction d'impôt sur le revenu pour l'emploi d'un salarié par un entrepreneur placé sous le régime des bénéfices industriels et commerciaux.

En effet, les petites et moyennes entreprises constituent un vivier d'emplois aujourd'hui sous-exploité. De nombreux petits entrepreneurs hésitent et renoncent à recruter un premier salarié, eu égard aux contraintes de la réglementation sociale et du coût du travail. Par ailleurs, on a pu constater le succès du dispositif de l'article 199 sexdecies du code général des impôts, tendant à favoriser le recrutement d'employés de maison déclarés : en 2003, près de 1,7 million de particuliers ont employé directement du personnel à domicile, soit une hausse de 5 % par rapport à 2002.

Cet amendement s'inspire de ce dispositif et l'étend aux professionnels passibles de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles et bénéfices non commerciaux.

La commission des finances a adopté l'ensemble de votre projet, monsieur le ministre. C'est un texte utile et qui trace le chemin, mais il faut hâter le pas. Dans le grand jeu de la mondialisation, les économies qui surchargent de façon démesurée en matière fiscale, en matière sociale ou en matière réglementaire leurs entreprises et leurs entrepreneurs se préparent à de grandes difficultés.

Ce texte dénote une prise en compte de la réalité mais il faudra certainement aller plus loin et, au-delà des amendements dont j'espère l'adoption, proposer en 2007 un nouveau contrat social fait d'une liberté élargie pour les entreprises et les entrepreneurs et d'une sécurité préservée pour les salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Marie Le Guen. Le grand soir libéral, en somme !

M. le président. Je vous remercie d'avoir respecté votre temps de parole, monsieur Novelli.

La parole est à Mme Arlette Grosskost, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Mme Arlette Grosskost, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les PME constituent le tissu économique de notre pays. Le Gouvernement, depuis trois ans, l'a parfaitement compris en faisant voter la loi d'initiative économique du 1er août 2003, dont l'objectif était de stimuler la création d'entreprises grâce à l'adoption de mesures pratiques.

Incontestablement, le pari a été gagné : au cours de l'année 2004, ce sont 225 000 entreprises nouvelles - et non 220 000 - qui ont vu le jour, contre 175 000 en moyenne à la fin des années 1990. Les dernières statistiques confirment le bien-fondé de la loi de 2003 et ne peuvent qu'inciter à l'optimisme : en avril 2005, les créations d'entreprises ont augmenté de 1 % par rapport à avril 2004.

Il est clair que les PME, grâce à leur dimension à taille humaine, à leur faculté d'adaptation, constituent l'une des clés de la résorption du chômage en France. Prenons le cas de l'entreprise unipersonnelle. Notre pays en compte un million. Il suffirait que chacune d'elles embauche un employé pour que le chômage recule de façon significative.

M. Michel Vergnier. C'est une idée vraiment exceptionnelle !

Mme Arlette Grosskost, rapporteure pour avis de la commission des lois. Seulement voilà : les dirigeants de PME doivent faire face à diverses contraintes administratives, fiscales, juridiques, financières, qui empêchent leurs entreprises de se développer harmonieusement et qui pèsent sur la pérennité de celles-ci : on sait que moins d'une PME sur deux passe le cap de la cinquième année d'existence. C'est pour faire face à toutes ces difficultés, et bien sûr pour les résoudre, que ce projet de loi, qui apparaît comme le complément indispensable de la loi d'initiative économique, nous est proposé.

Le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale du 8 juin dernier, a souhaité « donner plus de souplesse aux entreprises pour embaucher tout en offrant des garanties complémentaires aux salariés ». Vous-même, monsieur le ministre, avez déclaré récemment que « pour lutter contre le chômage, il faut revenir à la racine de la croissance et de l'emploi, et lever une à une toutes les barrières qui empêchent les entreprises de se créer, d'embaucher, de se développer, de se transmettre ». Dont acte ! Tout est dit dans ces quatre verbes qui résument à eux seuls la philosophie de ce texte.

Il s'agit d'abord de faciliter la transmission de l'entreprise. Ce point est capital : on sait que dans les dix années à venir, 500 000 chefs d'entreprise seront amenés à transmettre.

M. Serge Poignant, rapporteur, et M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. Eh oui !

Mme Arlette Grosskost, rapporteure pour avis de la commission des lois. Nous saluons non seulement les actions innovantes proposées, telles que l'accompagnement du repreneur par voie de tutorat ou la création d'une prime à la transmission accompagnée, mais aussi les mesures fiscales incitatives, ou encore les instruments juridiques nouveaux comme la location et le crédit-bail de titres.

L'appui au développement des jeunes entreprises afin de mieux assurer leur pérennité a été compris comme une priorité : l'accès à la formation au bénéfice des créateurs-repreneurs, l'accès à de nouvelles sources de financement, telles que les donations en exonération de droits, les provisions pour investissement ou encore l'extension du système des prêts participatifs aux entreprises individuelles, sont des mesures simples dont l'efficacité apparaît évidente.

Troisième priorité, et non la moindre : la protection du conjoint du chef d'entreprise, qui répond à une très forte attente maintes fois exprimée. Le fait de devoir choisir dorénavant un statut dans les cadres juridiques existants permettra d'apaiser bon nombre de conjoints dont la situation, en cas d'infortune, était pour le moins anxiogène.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. C'est vrai !

Mme Arlette Grosskost, rapporteure pour avis de la commission des lois. Quant à l'extension du statut de collaborateur libéral à l'ensemble des professions libérales, elle permettra de régler bien des situations entourées aujourd'hui d'un flou juridique évident, et de ce fait inconfortables.

La quatrième mesure, dont nous avons pris connaissance avec satisfaction, consiste à simplifier la vie quotidienne des entreprises par l'allégement d'obligations attachées à un certain nombre d'actes couvrant la vie de l'entreprise : statut type des EURL, modifications des quorums et majorités, etc.

Cinquième mesure : la modernisation de certaines pratiques commerciales par la réforme de la réglementation qui régit les relations commerciales entre producteurs et distributeurs. Il est bien entendu que le but de cette réforme est de limiter un certain nombre d'abus constatés au cours de ces dernières années.

Enfin, la question des infractions aux relations commerciales a été en partie repensée, si bien qu'il deviendra possible de traiter plus rapidement et de façon plus efficace ce type de contentieux.

Je ne doute pas que ces quelques propositions phares, tout comme le projet de loi pour la modernisation de l'économie que nous avons adopté en première lecture, sauront redonner confiance à nos chefs d'entreprise, créateurs de richesses, donc d'emplois. La reconnaissance de la spécificité des PME est non seulement nécessaire, mais encore salutaire pour notre économie.

Néanmoins, il conviendrait de ne pas s'arrêter en si bon chemin.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, et M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. En effet !

Mme Arlette Grosskost, rapporteure pour avis de la commission des lois. De nombreux freins demeurent, notamment une trop grande rigidité de notre droit du travail...

M. Michel Vergnier. Aïe aïe aïe !

Mme Arlette Grosskost, rapporteure pour avis de la commission des lois. ...et une fiscalité encore trop contraignante. À titre personnel - car la question n'a pas été évoquée en commission des lois -, je regrette qu'une fois de plus le Gouvernement ait écarté une meilleure adaptation de l'ISF aux évolutions économiques au motif que cet impôt est trop chargé de symboles aux yeux d'une partie de l'opinion. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, et M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. Très bien !

M. Gilbert Biessy. Demandez leur avis aux Français !

Mme Arlette Grosskost, rapporteure pour avis de la commission des lois. Pourtant, quelques aménagements de bon sens permettraient aux entrepreneurs de recouvrer une certaine respiration et de faciliter encore davantage le passage de témoin.

M. Gilbert Biessy. Toujours plus !

Mme Arlette Grosskost, rapporteure pour avis de la commission des lois. Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, il est important que le politique et le législateur trouvent le courage d'aller au-delà d'une simple adaptation de l'acquis pour apporter des réponses plus appropriées à une réalité économique naturellement évolutive.

M. Jean-Marie Le Guen. Évolutive dans quel sens ?

Mme Arlette Grosskost, rapporteure pour avis de la commission des lois. Vous me permettrez de formuler pour conclure une demande supplémentaire : veiller à la sortie rapide des décrets d'application du présent projet de loi.

M. Jean Dionis du Séjour. Oui !

Mme Arlette Grosskost, rapporteure pour avis de la commission des lois. La saisine pour avis de la commission des lois est identique à celle de la commission des lois du Sénat et porte plus particulièrement sur 17 articles concernant le statut du conjoint de l'entrepreneur et les nouvelles formes d'activité ; la transmission et la reprise des PME ; la simplification du droit des sociétés pour les PME et TPE ; l'équilibre des relations commerciales et les possibilités d'investissement financier dans les sociétés d'exercice libéral, à savoir les SEL.

Sur ces diverses questions, la commission des lois a adopté plusieurs amendements substantiels.

Sur la collaboration libérale, il est proposé de ne pas subordonner systématiquement l'application du nouveau dispositif à la parution de décrets en Conseil d'État pour chacune des professions. Il s'agit d'accélérer les procédures et de rendre plus efficace la loi.

Sur la gérance-mandat, il est proposé de ne plus faire référence au code du travail s'agissant des modalités de négociation et d'extension des accords collectifs qui pourront être conclus afin d'encadrer les contrats et, notamment, le minimum de rémunération garanti aux gérants-mandataires. Je rappelle qu'il n'y a pas de lien de subordination dans les contrats de gérance-mandat.

Sur la location d'actions, la commission a jugé nécessaire de redéfinir le cadre du dispositif proposé, dont on perçoit mal la finalité dans le projet de loi. L'idée de la location d'actions ou de parts sociales est, à l'origine, intimement liée à celle de la transmission des PME familiales ; cela va bien au-delà des conventions de garantie d'actif et de passif.

Sur les infractions aux pratiques commerciales, il semble à l'heure actuelle plus sage de soutenir la recherche d'efficacité dans les procédures, qui est la marque du titre VI du projet de loi, tout en prévoyant a minima que, pour de tels délits, les condamnations ne soient pas inscrites au bulletin n° 2 du casier judiciaire, sauf si le juge en a décidé autrement par décision motivée - pour ne pas entacher définitivement la carrière de certains chefs d'entreprise.

La commission a également adopté deux amendements visant à insérer dans le projet de loi deux articles additionnels qui pourraient contribuer à simplifier la vie des entreprises de petite taille.

Le premier de ces amendements prévoit de supprimer l'obligation de produire un rapport annuel sur les modalités du contrôle interne pour les entreprises ne faisant pas appel public à l'épargne et de petite taille.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. Très bien !

Mme Arlette Grosskost, rapporteure pour avis de la commission des lois. Le second étend l'insaisissabilité de la résidence principale de l'entrepreneur aux parts de la société civile immobilière, mais à deux conditions : d'une part, la SCI ne doit avoir comme actif unique que cette résidence principale ; d'autre part, l'entrepreneur doit en détenir la majorité des parts. Cette mesure devra faire l'objet des mesures de publicité qu'il conviendra de définir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Merci, madame la rapporteure, d'avoir respecté votre temps de parole. Le membre de la commission des lois que je suis a été par ailleurs sensible au fait qu'en désignant les lois par leur titre et non par le nom des ministres qui les présentent, vous vous soyez conformée à la tradition républicaine. Cela ne peut que faire plaisir au président du Conseil constitutionnel.

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Et au ministre !

Exception d'irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Michel Vergnier, pour une durée ne pouvant excéder une heure trente.

M. Michel Vergnier. Je vais tenter de m'y tenir.

M. le président. J'y veillerai. (Sourires.)

M. Michel Vergnier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les conditions dans lesquelles nous examinons ce projet de loi constituent une véritable entrave aux travaux du Parlement.

Votre texte, monsieur le ministre, - ou celui de Christian Jacob - venant avec celui de M. Breton, alors qu'à l'origine les deux n'en faisaient qu'un, est débattu dans l'urgence bien que vous-même ayez déclaré le trouver amaigri, souhaitant qu'il retrouve plus de consistance.

Mais comment lui donner de la consistance, dans les conditions où nous travaillons et dans le temps dont nous disposons ? Les sujets traités - les rapporteurs en ont fait la démonstration - risquent de se mélanger, de se télescoper, certains venant concurrencer les autres comme on a pu le voir dans les premiers commentaires.

Il aurait fallu plus de temps. En effet, dans cet éparpillement législatif, on peine à trouver une véritable ligne directrice. Comme l'a d'ailleurs dit l'UPA, on peut s'interroger sur la stratégie retenue par le Gouvernement pour développer l'activité de notre secteur, alors que se débat en même temps un projet de loi pour le développement des services à la personne.

Ce texte présente toute une série de mesures dérogatoires qui vont instaurer une concurrence déloyale dans de nombreuses activités qui composent l'artisanat : la coiffure, la restauration, l'entretien du bâtiment. Ce serait donc un véritable miroir aux alouettes pour les petites entreprises, si une déréglementation tous azimuts était engagée dans le secteur des services à la personne.

Je vais reprendre un certain nombre d'arguments que j'ai développés en commission.

Je m'attacherai à montrer en quoi ce texte ne répond pas, même si vous le dites avec une belle unanimité, au défi que constitue la création d'entreprises, petites ou moyennes, dans la situation de l'emploi que nous connaissons.

Plus grave encore : il met en place des dispositions lourdes de menaces pour les droits des salariés et continue votre politique de cadeaux fiscaux, décidément bien engagée.

Face à la faiblesse de notre croissance et à la difficulté de créer des emplois, vous nous proposez, pour toute politique économique, de maintenir le tour de vis budgétaire.

Par ce texte, vous persistez dans l'erreur en accroissant les exonérations de cotisations sociales sans contrepartie en termes d'embauches, et vous entendez étendre les crédits d'impôt sans effet sur l'emploi.

Ce projet de loi, monsieur le ministre, s'inscrit parfaitement dans la continuité de votre loi pour l'initiative économique adoptée en juillet 2003, qui avait déjà pour but de relancer la création d'entreprises...

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. Et qui a réussi !

M. Michel Vergnier. ...et qui a connu un succès relatif. Nous ne possédons d'ailleurs pas aujourd'hui de statistiques précises. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. Citez donc les chiffres !

M. Michel Vergnier. Précises et contradictoires...

Ce texte qualifié de « protéiforme », formule plus élégante que celle de « fourre-tout », s'apparente plus à un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier qu'à une loi véritablement cohérente destinée au soutien des PME et TPE.

En effet, si les vingt-cinq premiers articles s'inscrivent bien dans la problématique du soutien à la création et à la transmission d'entreprise, ceux qui suivent ont un lien très lointain avec le sujet. Vous mettez en œuvre une méthode, que vous avez déjà utilisée, qui est celle du camouflage grâce à un télescopage et un chevauchement de textes. Ce qui n'est pas là se trouve sans doute ailleurs, il suffit de chercher... Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Ce qui est certain, c'est que l'ensemble des mesures proposées dans les différents textes s'articulent finalement de manière cohérente, avec toujours plus de flexibilité et toujours plus de libéralisme. De quoi satisfaire M. Novelli !

Nous nous interrogeons sur la pertinence d'intégrer dans ce projet de loi la réforme de la loi Galland, qui mériterait à elle seule un projet de loi à part entière. En effet, si elle n'est pas maîtrisée, elle risque d'engendrer un véritable bouleversement des relations commerciales, chacun en redoutant les retombées négatives pour l'ensemble du tissu des PME et TPE.

D'après vous, la loi Galland serait la cause de tous les maux ; elle empêcherait la baisse des prix, elle serait source d'inflation et donc de baisse du pouvoir d'achat des ménages. Nous ne partageons pas cette analyse. En effet, cette loi n'est plus appliquée, le seuil de revente à perte n'est pas respecté, les coopérations commerciales non plus. Vous n'avez pas pu ou pas su faire appliquer une loi : vous vous contentez d'en annoncer une autre. Et qu'avons-nous aujourd'hui ? Non pas une loi qui régirait les rapports entre la grande distribution et les fournisseurs et l'organisation des chambres de commerce et d'industrie, mais un simple titre inséré dans un texte multiforme.

Nous restons sceptiques face à votre logique, même si nous pensons que l'encadrement législatif de la pratique des marges arrière, telle que vous le proposez, contribuera à la moralisation des comportements actuels. Mais il faut aller plus loin : vers une suppression à terme.

Nous voulons bien admettre qu'une mesure transitoire est nécessaire, mais elle doit forcément être courte. D'ailleurs, mon collègue Jean Gaubert avait déjà demandé ici même, en octobre dernier, que soit créée une commission d'enquête bénéficiant de réels moyens d'investigation, pour analyser le mode de fonctionnement des marges et des prix dans le secteur de la grande distribution ainsi que les conséquences de l'évolution des prix sur le pouvoir d'achat des ménages. Mais cette demande n'a été ni acceptée, ni même entendue. Je veux pourtant saluer les travaux de la mission d'information conduite par notre collègue Luc-Marie Chatel, et ce dans le meilleur esprit.

Il ne faut pas entretenir une confusion dangereuse dans l'esprit des Français en ce qui concerne leur niveau de vie. Ce n'est pas le prix à la consommation dans la grande distribution qui est en cause, mais bien le pouvoir d'achat global. Tout le monde s'accorde à penser que les fournisseurs, les producteurs et les salariés - dont on n'a pas du tout parlé jusqu'ici - subiront les conséquences de cette déréglementation sans que cela ait une influence sur le pouvoir d'achat des Français. Ils vous l'ont dit et redit à maintes occasion ces derniers temps. Il faut les écouter. Ils n'ont pas senti que la baisse du panier moyen leur redonnait du pouvoir d'achat. Ils disent même exactement le contraire. Je ne vois donc pas où est ici l'intérêt des consommateurs.

Votre préoccupation première reste les aides diverses et variées qui s'adressent à ceux qui ont le plus de moyens. Monsieur le ministre, souvent, nous partageons les analyses, mais nous ne partageons pas les stratégies. Pour vous il y a une constante : l'argent doit aller à l'argent. Au final, la question qui demeure est celle de savoir au bénéfice de qui pourrait se réaliser cette déréglementation. Qui a intérêt à ce que la loi Galland, accusée d'être « la loi qui empêche la baisse des prix » soit remise en cause ? La comparaison entre le montant des indemnités de départ d'un certain PDG de Carrefour avec le salaire d'une caissière qui travaille dans ce même magasin éclaire le débat sous un autre angle. Qui des deux a le plus à craindre ?

Notre orientation diverge totalement de la vôtre, comme vous pouvez vous en douter. Il est nécessaire de penser à la fois aux consommateurs et à l'emploi.

Pourquoi ne pas agir du côté de ceux qui instaurent inutilement une concurrence déloyale, plutôt que de légaliser des pratiques contre lesquelles on ne lutte pas efficacement ? C'est de cet esprit que nos amendements procèderont.

Nous voulons défendre des équilibres en faveur les commerces de centre-ville, qui sont les véritables poumons de la vie de nos cités. Nous présenterons aussi des amendements en ce sens.

Aucun des rapporteurs n'a parlé du dernier titre, intitulé « Autres dispositions », qui concerne pourtant bien des sujets, par exemple les intermittents du spectacle - thème introduit subrepticement - ou encore le régime d'investissement dans les SEL, la répression du travail illégal et l'exonération des rémunérations versées aux enseignants des centres de formation des apprentis. Devant tant de dispositions, permettez-moi d'émettre quelques doutes quant au bien-fondé de la déclaration d'urgence. Elle ne favorise pas un travail serein et en confiance. L'opposition n'est certes que l'opposition, mais elle a tout de même un rôle. Je n'ai pas le sentiment qu'on lui ait permis de le tenir.

Pour autant, je ne nie pas que ce texte comporte des mesures intéressantes et positives, que je me propose de développer.

Nous soutenons le dispositif de prévention des difficultés, celui du prêt participatif, ainsi que celui de la provision pour investissement. Nous considérons cependant que ce dernier devrait être pérenne et applicable à un plus grand nombre d'entreprises. Nous proposerons des amendements tendant à l'étendre aux entreprises de dix salariés au lieu de cinq. En revanche, il nous semblerait très dangereux de l'appliquer aux entreprises de vingt, voire cinquante salariés. Par ailleurs, pourquoi exclure de cette disposition les entreprises reprises depuis moins de trois ans, alors que c'est précisément pendant les trois premières années qu'elles ont des difficultés à produire des liquidités ? C'est également moins de trois ans après le démarrage de leur activité que les chômeurs créant leur entreprise se retrouvent en situation très difficile. De plus, afin de pérenniser ce dispositif, nous proposons que la date butoir soit fixée par décret et non arrêtée à 2010. Cet article nous paraît plutôt relever de l'effet d'annonce, car il ne prévoit rien pour l'avenir. Le soutien aux PME doit s'inscrire dans une perspective de long terme.

S'agissant du tutorat et de l'accompagnement en entreprise, nous trouvons la mesure positive mais perfectible. Permettre à tout retraité cédant une entreprise commerciale, artisanale ou de service d'exercer auprès du repreneur une prestation de tutorat est une bonne idée. Le cédant conclut avec le cessionnaire une convention aux termes de laquelle il s'engage à réaliser une prestation de tutorat, surtout axée sur la transmission des savoirs professionnels, en matière de gestion économique, financière et sociale. Les repreneurs de PME, voire de TPE, se retrouvent en effet souvent seuls au moment de la reprise. Pour autant, nous désapprouvons le tutorat rémunéré. Nous défendrons un amendement tendant à supprimer la dernière phrase de l'article 18, car nous craignons que le tutorat rémunéré puisse être dévoyé et devenir une « rente de situation ». Nous nous emploierons à poursuivre le travail d'amélioration de cet article engagé au Sénat.

À l'article 19, la substitution d'une prime de transmission à l'actuelle indemnité de départ peut également être intéressante, car elle vise à encourager la reprise des fonds commerciaux ou artisanaux. Mais l'avancée qui nous semble la plus intéressante concerne le statut du conjoint collaborateur de commerçant ou d'artisan. Je me souviens avoir beaucoup insisté à cette tribune, il y a deux ans, pour que cette mesure figure dans la loi d'initiative économique. Je me souviens également de la réponse que vous m'aviez faite, monsieur le ministre. Que de temps perdu ! Mais il n'est jamais trop tard pour bien faire. Nous prenons acte de cette disposition et nous la soutenons.

Néanmoins, nos attentes ne sont que partiellement satisfaites. Vous avez certes, avec beaucoup de mal, accepté d'étendre la mesure aux signataires d'un PACS dans le texte initial - la commission s'est rendue à l'évidence : du point de vue légal, c'est une obligation -, mais vous n'avez pas souhaité qu'elle s'applique aux concubins. Or nous considérons que le concubinage est un choix de vie et nous bataillerons pour que ce statut protecteur puisse s'y appliquer.

À travers nos amendements, nous nous appliquerons à éviter que les articles n'ouvrent une boîte de Pandore dans le code du travail. La reconnaissance du conjoint collaborateur n'est que partielle puisque les droits à la retraite demeurent partagés avec le chef d'entreprise. Elle ne s'inscrit donc pas dans un réel plan de soutien aux TPE.

Avec la mention « peut mieux faire », votre texte, monsieur le ministre, n'est pas tout à fait à la hauteur des attentes et des enjeux. Les PME emploient près de 60 % de la population active et représentent plus de la moitié de la valeur ajoutée de l'ensemble des secteurs de l'industrie, du commerce et des services. Elles sont touchées de plein fouet par la dérégulation et la concurrence sauvage des grands groupes de la distribution. Comment peuvent-elles survivre dans un système où le capital passe avant la valeur travail et où les délocalisations se multiplient ?

Aux difficultés croissantes de financement et d'accès au crédit que rencontrent les TPE, vous n'apportez pas de réponse satisfaisante. Le système de crédit ne permet pas de répondre de manière efficace et adaptée à leurs besoins. La possibilité de contracter des prêts à des taux usuraires ne peut que renchérir le coût du crédit et le rendre prohibitif. C'est pourquoi nous vous proposerons un amendement tendant à supprimer l'article 6. Le financement et l'accessibilité au crédit sont le véritable nœud du problème de la pérennisation des entreprises créées ou transmises. Or votre proposition est en deçà des possibilités offertes par le système bancaire. Plutôt que de déplafonner les taux d'intérêt en permettant les prêts à taux usuraires, ce qui pourrait avoir pour effet de tirer vers le haut la gamme des taux d'intérêt, mieux vaudrait opter pour des taux d'intérêt bonifiés, qui permettraient une meilleure relance de la création et de la reprise d'entreprise. Les PME sont pénalisées parce qu'elles ne peuvent bénéficier de bonnes conditions de crédit, faute le plus souvent de fonds propres suffisants, ce qui n'est pas le cas des très grandes entreprises. L'augmentation de la charge de la dette pèsera sur le bilan de l'entreprise et accroîtra les risques de faillite. La réglementation sur l'usure avait l'avantage d'éviter que les banques n'opèrent une trop grande ponction sur les richesses créées au détriment des activités industrielles, commerciales ou artisanales. Sur ce point aussi, nos points de vue divergent.

Votre texte ne propose pas de mesures suffisamment efficaces pour relancer l'emploi et l'économie. En particulier, rien n'est prévu pour favoriser le maintien d'activités dans les territoires ruraux et soutenir le commerce de proximité. Vous aimez à répéter que vous voulez lutter contre la désindustrialisation et la désertification rurale et je suis bien d'accord. Vous voulez remettre la France au travail, mais on travaille plus en France qu'ailleurs !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Seulement 35 heures !

M. Michel Vergnier. Lisez les derniers rapports !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Et vous, lisez le nôtre !

M. Jean-Marie Le Guen. Arrêtez de fabriquer des chômeurs et cela ira mieux !

M. Michel Vergnier. Si vous êtes contre les 35 heures, pourquoi ne les avez-vous pas supprimées ?

M. Jean-Marie Le Guen. Mais ils l'ont fait !

M. Michel Vergnier. Vous n'avez pas osé le faire ouvertement. Vous avez emprunté des voies détournées.

Vous me direz que les articles 5 et 22 favorisent la transmission du patrimoine en aidant au maintien de l'activité. Les héritiers des riches lignées s'en réjouiront ! Pour les autres, c'est nettement moins bien. L'article 5 dispose que l'exonération est totale pour les droits de mutation lorsque les dons sont familiaux, n'excèdent pas 30 000 euros par donateur et sont destinés à la création ou à la reprise d'une entreprise. Il faut donc avoir de l'argent.

M. Jean-Paul Charié. C'est une mesure pour les riches, 30 000 euros ?...

M. Michel Vergnier. Vous n'indiquez pas le coût de la mesure et vous n'êtes pas plus loquace sur la population qu'elle concerne. Rien n'est dit non plus de la prétendue étude d'impact sur le nombre d'entreprises dont elle permettrait la création ou la reprise. Ce dispositif pourrait être qualifié de niche fiscale pour les hauts revenus, voire de transfert déguisé de droits de propriété pour les entreprises individuelles.

L'article 22, quant à lui, étend l'exonération partielle des droits de mutation en matière de transmission d'entreprise par le biais d'une donation entre vifs, dispositif mis en œuvre par la loi d'initiative économique et dont la constitutionnalité est contestable.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. Pourtant, le Conseil constitutionnel ne l'a pas contestée !

M. Michel Vergnier. Bien entendu, nous avons déposé un amendement de suppression de cet article, auquel nous sommes opposés.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. Pas étonnant !

M. Michel Vergnier. Cette exonération consistait en un abattement de 50 % de la valeur des biens transmis en contrepartie d'un engagement de conservation des titres au sein d'un pacte d'actionnaires, lorsque l'entreprise est une société, ou des actifs de l'entreprise individuelle. L'article élargit aux donations avec réserve d'usufruit cette disposition jusqu'à présent applicable aux seules donations en pleine propriété. Cette mesure est en rupture avec la doctrine fiscale traditionnelle, qui considère que la renonciation totale à la propriété de l'entreprise mérite, au regard du principe d'égalité devant l'impôt, un traitement fiscal plus favorable qu'une renonciation partielle.

Enfin, l'article 22 prévoit de réduire le coût fiscal de la transmission et de porter l'abattement sur la valeur de l'entreprise à 75 %. Nous soutiendrons un amendement avant l'article 22 tendant à revenir sur la disposition votée dans le cadre de la loi d'initiative économique permettant un abaissement du seuil de détention des parts d'une entreprise de 75 % à 50 %. À nos yeux, et contrairement au cliché, l'ISF ne frappe pas l'outil de travail. Le principe reste une exonération des biens professionnels. La seule question est celle de la définition de ces biens.

M. Jean-Paul Charié. C'est bien ce que nous disons !

M. Michel Vergnier. Nous restons donc profondément sceptiques devant votre volonté affichée de mettre de l'argent sur la valorisation de l'image de l'entreprise et de l'entrepreneur.

Pour conclure au sujet de l'aide aux entreprises, je veux insister sur la difficulté de pérenniser les entreprises au-delà de trois ans après leur création. Tous les rapports montrent clairement la faiblesse du taux de reprise, en baisse constante depuis dix ans. Cette baisse est d'autant plus inquiétante qu'il faudra répondre au défi démographique que représente le départ à la retraite de 500 000 chefs d'entreprise d'ici à 2010.

La transmission d'une entreprise sera d'autant plus difficile que son capital n'aura pas été modernisé. Or les chefs d'entreprise qui arrivent à l'âge de la retraite ne sont pas incités à investir en équipements. Je ne peux que déplorer l'absence de dispositions relatives aux PME innovantes. La mise en place de tels dispositifs permettrait pourtant la pérennisation de notre tissu de PME.

Nous ne devons pas visiter les mêmes entreprises ni rencontrer les mêmes entrepreneurs, monsieur le ministre ! Je viens, il est vrai, d'un territoire rural où tout est souvent plus difficile. Le tissu économique étant faible, une disparition ou une délocalisation y prend tout de suite plus d'importance.

J'en viens au titre VI.

Je m'interroge sur les raisons pour lesquelles votre projet de loi consacre un titre entier à la réforme des chambres de commerce et d'industrie. Est-ce vraiment le texte approprié pour une telle réforme ? D'autant que les dispositions proposées traitent du fonctionnement des chambres de commerce, de leurs compétences et de l'organisation du réseau, sans qu'il soit fait aucune mention des autres chambres consulaires, dont certaines, comme les chambres de métiers, jouent un rôle très important auprès de nos petites et très petites entreprises.

L'ajout d'un tel titre est d'autant plus surprenant que les collectivités territoriales sont complètement laissées à l'écart, alors qu'elles ont, me semble-t-il, un rôle essentiel à jouer en matière de développement du tissu des PME. Plus surprenant encore : le texte fait totalement abstraction des relations qu'entretiennent les chambres de commerce et d'industrie avec ces mêmes collectivités. C'est faire l'impasse sur leur rôle de chef de file en matière de développement économique et de formation !

Un rapide bilan de ce qui se passe dans ma région montre que les collectivités territoriales arrivent au moins à égalité avec les CCI. Mais, là encore, nous ne sommes pas sur le même registre. En tout cas, nous n'avons pas la même idée de l'aide publique. Je me souviens fort bien de la formule que vous avez employée, monsieur le ministre. Pour vous, « les entreprises ont plus besoin d'air que d'aides ».

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. C'est vrai !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. Excellente formule !

M. Michel Vergnier. Vous savez ce que j'en pense quand il s'agit du tissu rural. Venez plutôt voir ce qui s'y passe : vous verrez si les aides publiques ne sont pas utiles aux entreprises, si ces dernières n'ont pas besoin de l'aide des régions pour tenir le coup ! L'air, dans ma région, les chefs d'entreprise le respirent tous les matins à pleins poumons. C'est du reste qu'ils ont besoin !

On aurait donc tout à gagner à renforcer la coopération et à rechercher un équilibre entre ce qui relève de l'initiative privée et ce qui ressortit à l'aide publique. Cela me semble primordial.

Si le projet de loi est réellement en faveur des petites et moyennes entreprises, les chambres d'agriculture devraient également être prises en compte.

Mme Arlette Franco. Il en sera question dans un autre texte.

M. Michel Vergnier. Je sais que le sujet est renvoyé à la loi d'orientation agricole mais je ne suis pas sûr que la cohérence du texte n'en souffre pas. Je suis donc en droit de douter de votre volonté profonde.

Il y aurait pourtant grand intérêt à renforcer les coopérations interconsulaires et à mutualiser les moyens consacrés au développement et au soutien des PME et de l'artisanat. Une telle mutualisation des moyens aurait l'avantage de promouvoir un aménagement harmonieux du territoire.

Ce n'est manifestement pas la voie qui a été choisie. Il est d'ailleurs étonnant de ne trouver dans le texte aucune contrepartie dans le cadre de la coopération interconsulaire.

Aucun de vous, madame, messieurs les rapporteurs, n'a évoqué la lutte contre le travail illégal. Certains ont parlé de l'entreprise, d'autres du commerce mais vous n'avez rien dit de tout ce qu'il y a à côté, jugeant sans doute que c'était mineur. La lutte contre le travail illégal est traitée seulement par trois articles alors qu'elle aurait pu, à elle seule, constituer un titre à part entière.

Votre logique est, là encore, simple : vous pourrez dire que vous vous en êtes occupés puisque cela figure dans le texte.

Ce petit édifice s'appuie sur la création d'une notion juridique de « travail illégal » définie de façon extensive, et nécessitant à la fois un contrôle et des sanctions.

Le projet de loi introduit dans le code du travail les articles nécessaires.

L'article 48 crée dans ce code un nouveau chapitre intitulé « répression du travail illégal ». Afin de lutter contre ce genre de travail, un nouvel article L. 325-2 permet le croisement des fichiers des différents services en charge du contrôle. Les agents de contrôle français et leurs homologues étrangers sont ainsi habilités à échanger tous les renseignements et documents utiles pour lutter contre ce fléau économique. Encore faudrait-il leur en donner les moyens, notamment humains.

Cet article a-t-il réellement sa place dans ce projet de loi ? On peut légitimement se poser la question dans la mesure où les dispositions générales proposées dépassent largement le cadre des PME. Par ailleurs, la suppression des aides à caractère public est indirectement pénalisante pour l'ensemble des employés.

Là encore, votre ligne de conduite reste la même : ce qui n'est pas là se trouve forcément ailleurs ; il suffit de chercher. J'ai donc poursuivi ma recherche dans cet enchevêtrement de textes.

L'article 49 complète le code du travail et insère un article additionnel L. 122-1-1 bis relatif à la légalité du travail dans le secteur des activités culturelles. Il autorise les inspecteurs du travail - ou autres fonctionnaires de contrôle assimilés - ainsi que les agents du centre national de cinématographie - le CNC - des DRAC, de l'ANPE et des caisses d'assurances chômage - habilités en vertu du nouveau dispositif prévu à l'article 48 - à croiser leurs fichiers dans le but de vérifier si les contrats délivrés aux intermittents du spectacle ont effectivement le caractère de « contrat d'usage » justifiant le non-recours à un CDI. Cet article est la traduction législative des mesures présentées par le ministre de la culture dans sa charte sur l'emploi dans le spectacle.

Ce dispositif n'a qu'un très lointain rapport avec les objectifs du projet de loi puisqu'il concerne tous les types d'entreprises du spectacle et pas seulement les petites et les moyennes.

Si l'on ne peut contester le bien-fondé de l'objectif de lutter contre les abus de l'emploi dans le secteur du spectacle, la charte du ministre de la culture ne répond aucunement aux graves problèmes que connaissent les intermittents du spectacle.

Vouloir traiter seulement les problèmes de l'emploi illégal dans le secteur du spectacle et de l'audiovisuel revient à se voiler la face, me semble-t-il, sur le caractère même de l'intermittence.

La précarité est inhérente aux professions du spectacle et exige un dispositif d'assurance chômage ad hoc garantissant leur exercice. Sur ce sujet, il ne me semble pas que, dans les négociations qui ont eu lieu et qui nous ont été rapportées, le consensus ait été atteint. Les négociations me semblent au contraire escamotées, voire rendues caduques. Mais il appartiendra à d'autres de répondre à ce sujet.

Par contre, le texte reste silencieux sur les relations commerciales dans l'industrie cinématographique. Le groupe socialiste a donc déposé un amendement après l'article 28 afin de créer un article additionnel. En effet, le code de l'industrie cinématographique prévoit aujourd'hui l'obligation de produire sur un registre public facilement accessible un certain nombre de documents relatifs au montage financier des films, aux relations entre les partenaires financiers, aux cessions de droits ou encore aux décisions de justice relatives aux droits des films.

Toutefois, la transparence financière et juridique qui doit entourer la production et la distribution des films n'est pas totale. Au contraire, l'opacité des relations commerciales et, particulièrement, la vente de vidéos et de DVD empêche la pleine application du principe de transparence, pourtant fondamental dans un secteur d'activité qui bénéficie de protections particulières au titre de l'exception culturelle. Nous vous proposons de rendre publics et consultables les contrats de coopération commerciale.

Enfin, pour clore cette analyse, il est intéressant de constater que nous ne retrouvons plus l'article 46 relatif « au chèque emploi pour les très petites entreprises », qui figurait dans la première version du projet de loi.

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Vous semblez le regretter !

M. Michel Vergnier. Ce n'est pas que le Gouvernement ait enfin entendu les critiques suscitées par cet article, c'est tout simplement que le sujet sera traité par une autre voie.

M. Jean-Marie Le Guen. Par voie d'ordonnances !

M. Michel Vergnier. Nous ne pouvons nous satisfaire d'un tel procédé. Pour vous, tout est simple. Une mesure pose un problème dans un texte ? Qu'à cela ne tienne ! Vous la retirez pour mieux la faire réapparaître ailleurs ! Dans le cas présent, ce seront les ordonnances.

Nous avions pourtant, dans ce domaine, beaucoup de choses à dire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous avez pu vous exprimer à ce sujet !

M. Michel Vergnier. Nous craignons qu'il ne s'agisse d'un nouveau type d'emploi précaire, qui risque de créer des effets d'aubaine. Il serait inconcevable, en effet, qu'il ait pour seul objectif de remplacer des contrats d'intérim ou des CDD.

Pas de discussion possible ! C'est réglé ! En avant toute ! Pour vous, c'est une avancée et, pour nous, c'est un recul. Mais les électeurs vous regardent. Faites attention aux retours de manivelle !

De cette façon, vous évitez le débat de fond devant les assemblées et, au final, vous obtenez ce que vous désiriez.

J'ai entendu le propos selon lequel « quand on est élu, c'est pour appliquer sa politique ». Dont acte !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. Ça vaut mieux !

M. Jean-Marie Le Guen. Encore faut-il en avoir une, de politique !

M. Michel Vergnier. Là au moins, on y voit clair, il n'y a pas de faux-fuyant !

Je regrette, je le répète, que nous n'ayons pas pu débattre de ce sujet dans le cadre de ce projet de loi. Je ne peux que confirmer les propos de mon collègue Bernard Dussaut au Sénat. S'adressant à vous, monsieur le ministre, il a déclaré lors de la séance du 16 juin dernier : « si le groupe socialiste du Sénat souhaitait la suppression de cet article 46 tendant à transformer le TEE en chèque emploi TPE, c'est parce que, sous la forme actuelle comme sous la forme envisagée pour le futur, ce type de dispositif peine à convaincre. »

Le Conseil de la concurrence a tiré un bilan sévère dans son avis du 12 juillet 2004, mettant en avant la complexité du TEE. La très relative efficacité de ce dispositif, introduit pas l'ordonnance de décembre 2003, n'est plus à rappeler.

Plus préoccupant encore : sa mise en place pose un réel problème de droit. Incontestablement, cette nouvelle formule éloigne encore un peu plus les salariés du code du travail et de l'application des conventions collectives.

Sans contrat de travail ni fiche de paye, quelles garanties le salarié aura-t-il que son employeur respecte bien le droit le plus élémentaire de tout salarié : durée de la présence dans l'entreprise, montant de la rémunération ?

Il ne s'agit pas d'un contrat de deux ans, mais de 730 contrats de vingt-quatre heures.

De quelle façon le salarié pourra-t-il s'assurer que les heures effectuées seront bien payées ?

Vous voulez toujours plus de simplification. Veillez à ce qu'elle n'aille pas en sens inverse.

Les salariés veulent avoir accès aux mêmes droits. Or ce que je crains, c'est que, si nous n'y prenons pas garde - et je ne vous accuse pas en disant cela -, ils n'aient plus de droits du tout. Dans ce cas, l'égalité des citoyens serait totalement rompue.

Vous instaurez un droit du travail à deux vitesses : l'un pour les salariés des grandes entreprises, l'autre pour les employés des PME et des TPE.

Vous jouez aux apprentis sorciers.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. Oh !

M. Michel Vergnier. Il est dangereux de faire tout pour les plus aisés et de donner l'impression que les autres ne comptent pas.

Un autre effet, dans la même lignée que celle de la rupture d'égalité, est à mettre en lumière. Avec ce type de chèque, il est à craindre qu'une opération de blanchiment du travail illégal ne se mette en place. Je ne fais que rapporter les inquiétudes des organisations syndicales, qui craignent que de nombreux emplois aujourd'hui au noir entrent ainsi dans la légalité.

De plus, votre refus de prendre en considération la question des enchères salariales est, à notre sens, une grave erreur, car ce type de recrutement va très certainement se généraliser.

Au final, votre texte n'a pas mis les travailleurs, qu'ils soient salariés, demandeurs d'emploi, créateurs d'entreprise ou indépendants, au cœur du système, et ne leur garantit pas un niveau de protection élevé et durable.

Je désire également aborder un autre point relatif au confort des salariés des PME et TPE, et nous n'y arriverons pas, car vous ne nous écoutez pas : il s'agit de l'absence de comité d'entreprise dans ces structures.

Notre groupe a déposé un amendement tendant à créer avant le titre premier, un titre Ier A intitulé : «Développer les droits des salariés des petites et moyennes entreprises ».

Avant toute explication, je tiens à émettre quelques remarques concernant les propos décalés, voire choquants tenus par un rapporteur du Sénat en réponse à l'explication donnée sur l'opportunité d'une telle création, faite par l'un mes collègues. La position de M. Gérard Cornu sur l'ensemble du texte a été à cet égard édifiante. En effet, son examen n'a pour but que la simplification. Je cite : « Alors que tout au long de l'examen de ce projet de loi, nous avons toujours essayé de simplifier, vous proposez la constitution d'un comité des activités sociales et culturelles qui paraît bien lourd en termes de gestion, de finances et de temps consacré pour des entreprises de moins de cinquante salariés.

« Essayons de ne pas imposer toutes ces structures aux petites entreprises, de façon qu'elles puissent se consacrer entièrement à la tâche pour laquelle elles ont été créées et qu'elles soient dynamiques de façon à être performantes... » - je vous le donne en mille -... « pour le bonheur des Françaises et des Français. » Voilà qui a le mérite de la clarté.

Nous n'arrivons pas à nous faire entendre sur le projet social, ni à vous faire partager nos arguments, puisque, vous avez émis, monsieur le ministre, un avis défavorable sur nos amendements. Mais ces propos sont inacceptables. Si vous trouvez cela drôle, pas nous !

Vous gagneriez à retourner un peu dans l'entreprise.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. Nous y sommes tout le temps !

M. Michel Vergnier. Monsieur Novelli, il ne suffit pas d'être chef d'entreprise, il faut écouter les salariés !

M. Hervé Novelli., rapporteur pour avis de la commission des finances. Parce que les chefs d'entreprise n'écoutent pas les salariés !

M. Michel Vergnier. Continuons ! Nous n'y arriverons pas encore cette fois. Mais nous y reviendrons : les majorités changent ! Qui sait, dans quelque temps ?

Si c'est là votre vision des choses : surtout pas de nouvelles mesures, car, au final, il y aura bien des sous-catégories de salariés. Mais nous sommes tenaces, nous aussi, et nous ne lâcherons pas.

Après examen de ce projet de loi, j'ai essayé de trouver, d'analyser la politique industrielle qui le sous-tend. Ce n'est pas vous qui nous direz que la politique industrielle est à définir. Nous avons tous en mémoire le discours du Président de la République du 4 octobre 2004 - j'ai parfois des oreilles - dans lequel, s'appuyant sur le rapport Beffa, Jacques Chirac tentait de nous faire partager « l'ambition industrielle » qu'il nourrit pour notre pays. Revenons quelques minutes sur les recommandations du rapport Beffa.

La première des vérités sur lesquelles insistait ce rapport est qu'un pays comme la France, c'est-à-dire un pays qui a sa diversité et son histoire économique, ne peut se réfugier dans les seuls services : il a vocation à développer une industrie et à pratiquer une politique industrielle.

Mais ce rapport ne s'est pas limité à cette affirmation. Il a tiré de multiples sonnettes d'alarme, en particulier celle de la désindustrialisation. Ce thème, me semble-t-il, aurait dû se trouver au cœur du texte que vous nous proposez.

Notre « modèle industriel français » est menacé par la vétusté, par un effort d'innovation insuffisant et par une trop faible résistance à la concurrence.

Dès lors, il aurait fallu davantage travailler à corriger ces défauts. Conscient de cette lacune, le ministre de l'économie et des finances a d'ailleurs repris l'idée de la création d'une agence pour l'innovation dans son propre texte.

Cela démontre bien, une nouvelle fois, le manque de lisibilité et de cohérence.

Relancer les grands programmes n'est pas une mesure dépassée. C'est ainsi que l'industrie japonaise, confrontée elle aussi à des révisions fondamentales a réussi à rebondir.

Ne cherchons donc pas à copier certains autres modèles - les start up américains qui démarrent dans un garage et qui ne tiennent pas -, cherchons des modèles qui tiennent, et n'en utilisons pas d'autres qui ne fonctionnent pas.

Dès lors, vous imaginez quel effet de douche froide a pu avoir le rapport Beffa sur les responsables des PME ou les porteurs de projets de créations d'entreprises. Ce n'est pas à l'occasion de la discussion de ce texte que vous pourrez rassurer les industriels.

Je ne suis pas sûr que les messages que vous désirez envoyer soient suffisants, ou lisibles. Ils apparaissent insuffisants, car les mesures sont trop ciblées sur ceux qui en ont le moins besoin. Et illisibles, car elles sont noyées dans un dédale d'articles.

Pourtant, avec un peu plus de réflexion, en élargissant le champ des actions, nous aurions peut-être pu rattraper d'autres pays européens. L'Allemagne, l'Espagne, le Royaume-Uni font mieux que nous quant au différentiel qu'il y a entre l'intention et la création d'entreprise, autrement dit quant au fait de passer à l'acte. Il s'agit là d'un rapport récent de 2004.

Nous sommes face à une procédure d'urgence et il n'y aura pas de seconde lecture. Nous ne pouvons qu'envisager, faute de mieux, de compléter ce projet de loi par des amendements allant dans le sens de notre vision d'une certaine égalité des citoyens.

Mais nous sommes déçus, une fois de plus par votre politique axée juste sur des effets d'annonce et des cadeaux fiscaux. Ce texte en est la preuve indéniable.

À défaut d'une politique globale et plus systématique à l'égard des PME et TPE, les exonérations fiscales risquent de constituer, une fois de plus, de véritables effets d'aubaine pour les grandes entreprises.

Vous y avez mis tant de mesures diverses, tant de grands chapitres qui auraient dû à eux seuls faire l'objet d'une loi que c'est l'arbre qui cache la forêt. Vous ne vous préoccupez en rien des problèmes que rencontrent les PME et les TPE.

Mais toutes n'obtiennent pas le même traitement. Créer c'est bien, mais après il faut tenir. Et vous nous proposez des mesures qui ne marcheront que pour celles qui sont en meilleure santé. Vous avez abordé sans vraiment les traiter au fond les problèmes de formation des jeunes, leur protection juridique, les CFA. Tous ces points sont pourtant une partie essentielle de la vie de nos entreprises. Nous aurons l'occasion, lors de l'examen du texte, d'y revenir.

Nous avons l'impression que ce texte fait du remplissage. Vous avez dit vous-même qu'il n'était pas consistant, mais c'était le texte de base ; alors, vous l'avez enrichi de tous les côtés avec des choses que l'on ne s'attendait pas à y trouver.

Les mesures phares que vous nous présentez sur la fiscalité et le droit du travail sont à la limite de la constitutionnalité.

Les garde-fous essentiels au respect d'une bonne application de notre droit ont été balayés sous prétexte d'aller plus vite. Mais pourquoi aller vite ?

Une fois de plus, vous refusez de réglementer sur les points fondamentaux, alors que certaines barrières sont indispensables, si l'on veut éviter le creusement des inégalités, conséquence d'un libéralisme débridé.

Ce texte était attendu, il veut traiter de tout et, finalement, à vouloir trop en faire, à vouloir tout mélanger il n'apportera que des demi-réponses, voire à certains endroits pas de réponse du tout.

Il est vraiment dommage que nous n'ayons pas pu en débattre plus sérieusement et plus longuement. Il ne nous sera pas possible, monsieur le ministre, de vous apporter notre soutien.

Mais, en réalité, je ne sais pas si vous souhaitiez que nous puissions vous aider à travailler sur ce texte. Ce n'est pas le chemin qui a été choisi. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste a déposé cette motion d'irrecevabilité que je vous demande d'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Le Gouvernement et la commission ne souhaitent pas intervenir.

Nous passons donc aux explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité.

La parole est à M. Jean-Paul Charié, pour le groupe UMP.

M. Jean-Paul Charié. Monsieur Vergnier, vous seriez gêné, si nous votions cette motion d'irrecevabilité. En fait, vous venez de faire l'éloge du projet de loi et des sujets qu'il traite.

Je ne suis pas d'accord sur votre dernier point, lorsque vous dites que c'est un projet fourre-tout. Pour vous, il aurait fallu ajouter des articles sur la formation professionnelle, le code du travail etc.

M. Michel Vergnier. Vous n'avez pas compris !

M. Jean-Paul Charié. Sans doute !

Sur le fond, vous avez salué le crédit-impôt, la provision pour investissement, le tutorat, les mesures en faveur de la transmission, etc. Vous êtes donc tout à fait d'accord avec ce projet de loi.

Ce n'est d'ailleurs pas étonnant, car s'il peut y avoir entre nous des divergences profondes, culturelles, sur le code du travail, depuis que je suis député, je n'ai jamais constaté de divergences de fond entre la gauche et la droite sur le code de commerce.

Votre exception d'irrecevabilité tend simplement à avoir le temps de promouvoir ce projet de loi en faveur des PME, et je vous en remercie. (Sourires.)

Il y a effectivement débat sur les relations fournisseurs-distributeurs. Je m'exprimerai tout à l'heure à cet égard, au nom de l'UMP. Nous avons les mêmes objectifs. Nous nous sommes mis d'accord sur l'article 28, à gauche comme à droite.

Sur l'article 31, il peut y avoir des désaccords de mise en œuvre. Mais cela ne justifie absolument pas le dépôt d'une exception d'irrecevabilité.

Je note simplement que, lorsque l'on est dans l'opposition, on peut avoir une heure trente pour promouvoir un projet de loi, alors que lorsqu'on est dans la majorité, en tant que porte-parole du groupe UMP, on ne dispose que de dix minutes.

Je vous remercie encore, monsieur Vergnier, d'avoir autant fait la promotion de ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert, pour le groupe socialiste.

M. Jean Gaubert. Monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, comme l'a dit M. Vergnier, ce texte était attendu. Il était annoncé depuis longtemps. Nous aurions espéré qu'il soit meilleur. Sans doute, y reviendrai-je si vous ne votez pas l'exception d'irrecevabilité.

Ce texte très insatisfaisant pointe les vrais problèmes pour les entreprises : ceux de création, de fonds propres, d'investissements. Il s'agit là de points d'équilibre pour l'entreprise, pour sa pérennisation.

Il traite des relations commerciales, mais de façon incomplète. Un bout de chemin est fait. Mais des gens ont fait pression et ils ne seraient pas contents. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

Vos réponses sont injustes. D'abord sur les droits des salariés. L'écart s'accroîtra entre les salariés des grandes entreprises, qui ont des droits, ceux des PME, qui en ont moins, et les travailleurs précaires, dont le nombre va se multiplier avec le chèque emploi ou avec toute autre formule prévue par le biais des ordonnances. Peut-on alors parler d'égalité des citoyens ?

La deuxième injustice porte sur les chances au départ, qui diffèrent selon les entrepreneurs : ceux qui ont des parents aisés peuvent se faire prêter, voire donner de l'argent hors fiscalité. Dans le cas contraire, ce sera plus difficile dans un monde concurrentiel où chacun se voit appliquer les mêmes règles sans disposer des mêmes chances au départ.

C'est aussi un système injuste pour les fournisseurs, car les multinationales continueront à profiter du système actuel des accords de gamme, même encadrés, et des marges arrière - qu'on ne se résout pas à abandonner - dont le taux baissera et la base s'élargira, posant à nouveau le même problème. Les PME, quant à elles, paieront.

Ce texte, quoique pavé de bonnes intentions et élaboré par nombre d'entre nous, n'aura pas les effets recherchés. Pour ces raisons, j'invite nos collègues à voter cette exception d'irrecevabilité.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Biessy, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Gilbert Biessy. Tout d'abord, quelle est la ligne directrice de ce texte ? Je partage le sentiment de Michel Vergnier qui a comparé votre projet à un fourre-tout.

Il y a quelques jours, le Premier ministre a déclaré que l'emploi était la ligne directrice. Or que constatons-nous ? Toujours plus de cadeaux fiscaux pour les mêmes et toujours plus de flexibilité pour les salariés !

La réforme annoncée de la loi Galland ne protège en rien les petites et moyennes entreprises, que ce soient les producteurs ou les fournisseurs. Et les consommateurs restent livrés au bon vouloir des grandes surfaces.

Votre texte ne prévoit rien pour mieux contrôler et mieux sanctionner les comportements punis par la loi. Cela supposerait en effet des moyens budgétaires accrus qui permettraient d'embaucher de nouveaux fonctionnaires, renforçant ainsi les compétences et les moyens de contrôle de la DGCCRF ; et cela, vous le refusez obstinément.

Comment votre projet de loi pourrait-il répondre aux difficultés des PME et des TPE, alors qu'il n'intègre aucune mesure propre à encourager l'activité économique ? Aucun dispositif n'est non plus mis en place à l'encontre des banques qui pratiquent des taux s'élevant à 6 ou 8 % et sont en grande partie responsables des difficultés des entreprises quant au financement de leurs projets. Les grands groupes en revanche, peuvent négocier un taux à 2 %. Rien encore sur l'indispensable formation nécessaire au fonctionnement et la transmission des entreprises.

Votre politique d'allégement des charges patronales, de casse du code du travail, de précarisation de l'emploi et d'exploitation des travailleurs les plus faibles n'est pas - loin s'en faut - celle qu'attendent les Français, qui vous l'ont encore dit le 29 mai.

La baisse des prix n'est ni l'alpha et l'oméga du pouvoir d'achat des salariés, ni le levier de la relance de la consommation et de l'économie. Le véritable enjeu, c'est la rémunération du travail : c'est là que se trouve le fameux levier que vous refusez toujours d'actionner, car vous protégez l'intérêt des minorités au détriment de ceux qui n'ont d'autre ressource que leur travail. Vous refusez de modifier l'orientation de votre politique pour aider les PME, les TPE et leurs salariés. Or ce secteur représentant 60 % de l'activité économique, une véritable politique d'aide à l'emploi favoriserait l'investissement et donc les créations d'emplois.

Pour ces raisons, et d'autres que nous aurons l'occasion d'exprimer au cours de ce débat, nous voterons cette motion d'irrecevabilité défendue par notre collègue Michel Vergnier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe UDF.

M. Jean Dionis du Séjour. Je n'ai guère entendu d'arguments en faveur de l'irrecevabilité, mais je me suis bien retrouvé dans le propos de M. Novelli.

Ce texte constitue un progrès s'agissant notamment des dispositions en faveur du conjoint collaborateur. En outre, il est utile, car il modernise et simplifie les dispositifs existants, même si, comme Hervé Novelli l'a indiqué, il faut encore progresser sur le chemin de la fiscalité et de la modernisation du code du travail. Le groupe UDF estime que l'échéance de 2007 sera propice à l'ouverture d'un grand débat sur la refondation de la sécurité sociale et la TVA sociale.

En revanche, il nous semble urgent d'agir sur les relations commerciales. Car s'il y a un moteur qu'il est impératif de faire démarrer en matière macro-économique pour relancer la croissance à la française, c'est bien celui de la baisse des prix. Pour ce faire, il faut casser le mécanisme d'inflation propre à notre pays en raison des marges arrière et des pratiques de « coopération » commerciale.

Certes, le texte soulève la question mais, selon nous, il ne va pas assez loin et nous tenterons, monsieur le ministre, de vous faire aller au-delà. Car le système entretient des pratiques pour le moins opaques qu'il conviendrait de rendre plus transparentes.

Voilà pourquoi le groupe UDF ne votera pas cette exception d'irrecevabilité.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Question préalable

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme M. Poignant l'a souligné tout à l'heure, ce projet de loi a été préparé de longue date. En effet, M. Jacob en a eu d'abord la charge à partir du printemps 2004, avant d'être, un temps, doublé sur la question des marges par M. Sarkozy, lequel n'a toutefois pas tenu la distance ; ensuite, M. Breton a voulu apporter sa touche à ce dossier, dont M. Dutreil a fini par hériter - et c'est pour vous un retour, monsieur le ministre. Ayons une pensée émue pour toutes ces personnes qui n'auront pas le plaisir de présenter le fruit de leur travail devant l'Assemblée.

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Nous transmettrons.

M. Jean Gaubert. Cela fait donc un an et demi que l'on parle de ce projet. Tout d'un coup, pourtant, l'urgence est déclarée. Je ne suis pas sûr que ce soit de bonne politique, si j'en juge par les débats que nous avons eus en commission et par les amendements qui ont été déposés. Nos discussions n'étaient pas seulement d'ordre politique, en effet, mais aussi très souvent techniques. Ce ne sont donc pas les quelques séances consacrées à ce projet en séance publique qui nous permettront d'adopter finalement les mesures adéquates. Je pense en particulier à tout ce qui concerne les marges dans la grande distribution et les accords de gamme. Si les personnes directement intéressées ont changé tant de fois d'avis sur de tels problèmes, cela ne signifie-t-il pas qu'ils sont difficiles à résoudre ? Si tant de documents ou d'amendements contradictoires ont pu émaner des rangs de la majorité, celle-ci peut-elle affirmer avoir trouvé la bonne solution ? Dans ces conditions, des navettes entre l'Assemblée et le Sénat n'auraient sans doute pas été inutiles.

Je dois cependant vous avertir au préalable : ce n'est pas parce que mon intervention portera surtout sur les points qui font mal que nous désapprouvons l'ensemble du projet de loi.

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Ah !

M. Jean Gaubert. Nous aurons l'occasion, au moment de la discussion des articles, de porter sur plusieurs points des jugements plus positifs.

Soutenir les entreprises, tout le monde en a envie, et c'est certainement une bonne idée, d'autant plus que le renouvellement des générations représente un défi extrêmement important et dont l'échéance se rapproche. Ainsi, dans ma circonscription, 40 % des chefs d'entreprises ont plus de cinquante ans. Ils seront donc 40 % à céder leur place dans les dix prochaines années, à supposer qu'ils travaillent tous jusqu'à soixante ans, ce qui n'est pas toujours le cas. Bien sûr, certains travailleront plus longtemps, mais d'autres, parce qu'ils sont fatigués, ou que le travail est devenu trop dur, préféreront partir plus tôt. Et, à ce stade, je ne pose pas la question de l'augmentation du nombre d'entreprises, pourtant bien nécessaire !

Selon le Conseil économique et social, 700 000 entreprises verront leur dirigeant partir en retraite dans les dix ans. Si nous ne faisons pas un effort, beaucoup risquent donc de ne pas être reprises. Est-ce parce qu'il n'y a pas assez de travail pour tous ? Sans doute pas, même si des risques de délocalisations ont pu être évoqués ici ou là. On sait au contraire qu'il existe dans notre pays, en particulier dans le secteur de l'artisanat, une très forte demande non satisfaite. Ne serait-ce pas plutôt parce que les PME souffrent d'une mauvaise image, souvent véhiculée, d'ailleurs, par les patrons eux-mêmes ? Ces derniers, en effet, en prétendant volontiers exercer le pire métier du monde, ne se rendent pas compte à quel point ils découragent leurs futurs successeurs, d'autant plus qu'ils oublient souvent de parler de leurs réussites, et notamment du niveau de vie qu'ils ont légitimement acquis. Dans notre société de communication, si l'on veut avoir des successeurs, il vaut mieux parler des satisfactions que procure son métier plutôt que de l'assimiler au bagne !

M. Jean-Marie Le Guen. C'est juste !

M. Jean Gaubert. Les salariés, qui auraient pourtant de bonnes raisons de se plaindre, sont beaucoup moins souvent à l'origine de la mauvaise image des PME.

Pour qu'il y ait de l'emploi, il faut des employeurs, et c'est pourquoi soutenir les entreprises est une bonne idée. Mais certains en restent à cette proposition, oubliant que, pour qu'il y ait des employeurs, il faut aussi qu'il y ait des salariés. Et sur ce point, le compte n'y est pas.

Le tissu rural vit souvent grâce aux petites entreprises. Un atelier comprenant quelques personnes ou quelques dizaines de personnes est structurant dans une petite commune rurale. L'artisan, le commerçant, en procurant un certain nombre de services, permettent au monde rural de mieux vivre. C'est également vrai au sein des villes.

Bonne idée, donc. Mais où sont les moyens ? On devait tout révolutionner, notamment grâce à la première loi Dutreil, dont il a été plusieurs fois question aujourd'hui. Certes, on peut noter quelques progrès, mais le pas décisif est loin d'être franchi. Je m'étonne d'ailleurs que personne n'ait dressé le bilan de l'opération « créer une entreprise pour un euro », mais la discussion générale offrira aux orateurs l'occasion de se rattraper. Comment les choses se sont-elles passées ?

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Très bien !

M. Jean Gaubert. Combien d'entreprises ont été créées grâce à cette mesure ? Quelle est leur durée de vie ? Quels sont les fonds propres dont elles disposent ? J'aimerais que ce débat soit l'occasion de répondre à ces questions, monsieur le ministre. Nous saurons ainsi s'il s'agissait d'une véritable mesure incitative ou bien d'un gadget de plus.

Quoi qu'il en soit, les entrepreneurs attendent toujours les simplifications promises. Certes, quand il s'agit d'embaucher les salariés, on n'hésite pas à simplifier, mais pour le reste, c'est la complexité qui prévaut. Il est vrai que chacun voudrait la simplification pour lui et la complexification pour les autres, de même que chacun voudrait un radar automatique devant sa maison, mais pas ailleurs !

Vous souhaitez également, avec ce projet de loi, développer la formation. Celle-ci est en effet nécessaire compte tenu des enjeux. Qui prétendrait le contraire ? Un chef d'entreprise doit être le technicien de plusieurs métiers : il peut être maçon ou carreleur, mais doit aussi avoir des notions de gestion, connaître le système bancaire, maîtriser certaines règles de droit social - que vous êtes en train d'alléger, il est vrai.

Tout cela est nécessaire. Le monde des PME souffre depuis trop longtemps de ne pas avoir suffisamment accès à la formation, souvent d'ailleurs parce qu'il l'a refusé lui-même, comme à une époque il avait refusé de payer les cotisations sociales et vieillesse, ce qui le conduit aujourd'hui à se lamenter sur les niveaux de retraite ! Vous me répondrez que ce ne sont pas toujours les mêmes, mais ce sont les mêmes corporations - j'utilise ce terme à dessein - qui ont véhiculé ces idées qui leur coûtent aujourd'hui très cher.

De nombreux échecs sont dus à l'impréparation. On évoque, certes, des chiffres souvent contradictoires sur l'échec lors de la création d'entreprises. Certains parlent de 50 %. Ce chiffre est trop élevé parce que, souvent, on oublie que certaines entreprises changent de raison sociale, mais n'ont pas disparu.

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Tout à fait !

M. Jean Gaubert. Elles sont aussi comptées dans les créations d'entreprises. La difficulté est la même en matière de statistiques. Ainsi, quand on parle de créations d'entreprises, on ne vise pas simplement les nouvelles ex nihilo, mais les nouvelles raisons sociales ! Cela représente un certain chiffre !

Il en va de même de la création d'emplois. Très souvent, les contrats se cumulent. Dès qu'un nouveau contrat est signé dans une entreprise, on considère qu'il y a eu création d'un emploi, alors que l'on s'est simplement contenté de remplacer un ancien contrat. Méfions-nous donc des statistiques. En réalité, trop d'entreprises disparaissent dans les quelques années qui suivent leur naissance. C'est dû à une absence d'efforts en matière de formation, mais aussi, oserai-je dire, d'encadrement. On n'a pas assez tôt suivi - et je sais que certains, dans cet hémicycle, m'appuieront sur ce point - l'exemple de l'agriculture, où un véritable « pacte de l'installation » soumettait les aides à l'installation à des obligations en matière de formation et de gestion, en un mot à des obligations d'encadrement. Aider quelqu'un à bien démarrer dans la vie, ce n'est pas l'embêter, mais lui rendre service, même s'il n'en a pas le sentiment dans l'immédiat.

L'encadrement, oui, il est essentiel d'en parler. On n'évoque pas le rôle indispensable des chambres consulaires, si ce n'est en cas de modifications dans leur fonctionnement et dans leurs attributions, dans la formation et dans l'encadrement, ni celui de la sphère comptable. Les experts-comptables ne sont pas des parasites pour les entreprises, mais des conseillers. Certes, leur travail coûte un peu d'argent, mais beaucoup moins que les erreurs souvent à l'origine de la mort d'un certain nombre d'entreprises.

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. Jean Gaubert. Le système bancaire, même avec ses défauts, peut aussi concourir à cet encadrement positif des entreprises dans leurs premières années. Nous en reparlerons.

La formation préalable et postérieure à l'installation est fondamentale. Vous avez eu parfaitement raison d'insister sur ce point. Mais de quels moyens disposera-t-on, puisque vous n'en engagez pas de nouveaux ? Il sera fait appel aux fonds d'assurance formation, qui sont déjà aujourd'hui au maximum de leurs possibilités pour les artisans, les commerçants, les patrons de PME. Nous devons donc nous interroger en la matière parce que l'on ne peut pas dire aujourd'hui qu'il y ait pléthore de moyens de formation. Vous nous proposez de faire plus. Chiche ! Mais comment y parvenir alors que vous nous répondez que ce sera à moyens constants ? Monsieur le ministre, à moins de prouver le contraire, on ne peut réellement proposer de faire avec les mêmes moyens beaucoup plus que dans des secteurs excellemment gérés !

La création d'entreprise telle que vous la proposez est certes une bonne idée, mais surtout pour les enfants des familles aisées. Ce n'est pas si certain pour les autres ! Vous nous proposez en effet comme incitation la défiscalisation des dons familiaux. Certes, la France est riche, mais, sur 480 milliards d'euros de patrimoine, 30 % sont des logements et 21 % des terrains qui ne peuvent être vendus rapidement. Seuls donc 50 % sont mobilisables immédiatement. De plus, le patrimoine moyen des Français est évalué à 100 000 euros par le Conseil supérieur des notaires, à 120 000 euros par Francoscopie et à 170 000 euros par le Quid. Le patrimoine médian serait de l'ordre de 55 000 euros aux termes de l'un des derniers rapports de présentation du projet de loi de finances pour 2005 et de 67 000 euros selon l'INSEE, qui est un peu plus généreux ; le Conseil supérieur des notaires avance, quant à lui, des chiffres un peu plus élevés. En tout état de cause, ces sommes sont relativement faibles. Ainsi, prenez l'exemple d'une famille dont le patrimoine s'élève à 100 000 euros. Pensez-vous réellement que les parents pourront consacrer 60 000 euros, voire moins, à la création de l'entreprise de l'un de leurs enfants ? Nous n'atteignons pas l'échelle de grandeur nécessaire aux ambitions de votre projet. Selon certains propos, cette mesure serait fiscalement estimée à 4 millions d'euros. J'espère que vous me démentirez, monsieur le ministre, car cela reviendrait, si l'on divise ces 4 millions d'euros par 30 000 euros défiscalisés, à un objectif de 133 entreprises par an !

M. Michel Vergnier. C'est ce qui se passe !

M. Jean Gaubert. À supposer que ce ne soit pas 30 000, mais 15 000 euros - les parents ne disposant que de cette somme, nous atteindrions le nombre de 266 entreprises, de 400 pour 10 000 euros et de 4000 pour 1000 euros. Je n'irai pas plus loin, parce que je crains que des fonds propres de 1 000 euros ne soient pas suffisants pour démarrer une entreprise ! Donnez-nous des chiffres, monsieur le ministre, car c'est, permettez-moi de le dire, une somme « gadget » qui ne réglera pas le problème !

Certes, si cette mesure était plus utilisée, elle coûterait cher, mais pas tout de suite. En effet, l'une des particularités de cette majorité, qui nous a beaucoup accusés de l'avoir fait, c'est de tirer des chèques sur l'avenir. La loi entrant en vigueur au 1er janvier 2006, ce n'est qu'à partir de 2007 que les défiscalisations auront un effet négatif sur le budget de l'État. C'est d'ailleurs chez vous une constante, puisqu'une récente estimation citée par la presse faisait état des effets report du passage de M. Sarkozy à Bercy, les chiffrant à 3 milliards en année pleine. Il faudra, là aussi, trouver des moyens !

Autre constante : l'initiative résulte du droit du sang. Les seules mesures proposées touchent en effet à l'héritage. Qu'en est-il des créateurs ou repreneurs, pourtant les plus nombreux, qui n'ont ni parents, ni grands-parents aisés ? Que prévoit ce texte pour les salariés des entreprises qui sont candidats à la reprise ? Rien du tout !

M. Jean-Marie Le Guen. Tout à fait !

M. Jean Gaubert. Vous ne pouvez donc pas nous faire croire, monsieur le ministre, que c'est seulement avec 133, 400, voire 4 000 créations que nous réglerons le problème ! Il est, selon vous, préférable d'être riche et bien portant que pauvre et malade.

Quel est l'intérêt de la défiscalisation ? Je vous rappelle que chaque membre d'un couple peut déjà donner sans conditions sur dix ans à un de ses enfants 80 000 euros : 30 000 euros décidés par Sarkozy et abondés par Breton plus 50 000 euros. Quel intérêt aura-t-on alors à utiliser votre système beaucoup plus contraignant, qui ne sera pas efficace et ne rendra pas les services attendus ? Je vous donne donc rendez-vous pour le constater !

M. Jean-Marie Le Guen. Très belle démonstration !

M. Jean Gaubert. Le tutorat, lui aussi, est une excellente mesure et loin de moi l'envie de le dénigrer. Je voudrais toutefois, monsieur le ministre, vous inviter à raison garder. Il est certes important que celui qui cède ne s'en aille pas le lendemain matin, mais j'aurais préféré des mesures de préparation à la cession de l'entreprise à des mesures postérieures à la cession de l'entreprise. Cela manque. Vous auriez dû vous inspirer de la loi sur l'agriculture de 1989 pour ce qui concerne la cessation progressive d'activité avec intéressement de l'entrepreneur jusqu'à ce que l'entreprise fonctionne correctement. Deux écueils sont à éviter. D'abord, l'incrustation du cédant dans l'entreprise : « Je ne faisais pas comme cela. Je ne ferais pas comme cela. » Chacun a ses méthodes et si les conseils sont utiles, ils peuvent représenter plus d'inconvénients que d'avantages lorsqu'ils deviennent trop pesants. Ensuite, le risque de sollicitation par le vendeur d'un salaire surfait...

M. Michel Vergnier. Des rentes de situation !

M. Jean Gaubert. ...injustifié qui serait un supplément au prix de vente. Faisons très attention à cela. Nous vous proposerons des amendements tendant à supprimer la rémunération,...

M. Jean-Marie Le Guen. Il a raison !

M. Jean Gaubert. ...puisque la prime accordée par l'État devrait être suffisante. Il convient en effet d'éviter un certain nombre de dérives et que des prétendus tuteurs continuent de rester dans l'entreprise et d'exiger une rémunération parfois sans apporter aucune valeur ajoutée.

M. Michel Vergnier. Eh oui !

M. Jean Gaubert. Je voulais vous y rendre attentif.

M. Michel Vergnier. Tout à fait !

M. Jean Gaubert. Nous devons par ailleurs tenir grand compte du renouvellement des générations. Je dis très souvent que nous n'avons pas travaillé comme nos parents et que nos enfants ne travailleront pas comme nous. Cette idée de la transmission d'expérience se heurte très rapidement à la limite de la volonté de changement. Donc nous devons profiter de cette proposition, mais la limiter dans le temps, si nous ne voulons pas qu'elle ait plus d'inconvénients que d'avantages.

Vous avez proposé des provisions pour investissement. C'est certes une bonne idée. Nous considérons quant à nous que l'argent qui reste dans l'entreprise peut être bien utilisé. Mais l'argent qui en sort pour réaliser d'autres investissements étrangers à toute création d'emplois nous pose problème. Pourquoi fixer l'échéance à 2010 ?

M. Michel Vergnier. Exactement !

M. Jean Gaubert. Les entreprises n'auront pas le temps d'utiliser ces fonds, et on risque de rencontrer le même phénomène qui s'est produit dans l'agriculture. Les exploitants avaient eu cinq ans pour recourir à cet argent et se sont lancés dans des investissements inconsidérés.

M. Michel Vergnier. C'est juste !

M. Jean Gaubert. Là aussi, il faudra accepter les amendements qui proposent un système plus fluide, permettant de reconstituer les provisions parce que l'entreprise, quel que soit son âge, en a besoin et que, parfois, des aléas peuvent survenir. C'est, dites-vous, une loi d'avenir. Mais quand on limite dans le temps la possibilité de pratiquer ces provisions financières, on peut se demander si ce n'est pas simplement une loi de circonstance.

J'en viens à l'ISF, ce grand débat. Comme si cela intéressait la majorité des petits patrons qui, nous dit-on, n'ont rien gagné de leur vie ! Il semblerait que le grave problème à régler dans ce pays soit l'impôt sur la fortune. Nous devrons nous mettre d'accord ! Si les petits patrons ont gagné beaucoup, il n'est pas scandaleux d'en parler !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. Ce n'est pas dans le texte !

M. Jean Gaubert. Ce n'est pas dans le texte, mais c'est dans le débat, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Marie Le Guen. C'est le moins qu'on puisse dire !

M. Michel Vergnier. C'est dans la loi de finances !

M. Jean Gaubert. Il n'est pas inutile de parler des éléments qui font débat, y compris de ceux qui pourraient faire débat parce que le bruit rôde dans le Palais que des amendements seraient déposés en la matière !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. Ce sont des rumeurs !

M. Jean Gaubert. L'impôt sur la fortune intéresse-t-il tout le monde ? Oui, et j'ai pu le constater dans ma circonscription ! J'ai reçu, un jour, une « lettre-pétition » d'un RMIste qui était opposé à l'ISF. Cette personne faisait alors preuve d'une grande solidarité envers les plus riches, solidarité à laquelle on appelle d'ailleurs trop souvent les Français !

Vous faites beaucoup de promesses aux entreprises, monsieur le ministre. Si au moins, l'État était bon payeur avec elles ! C'était déjà vrai avant, mais c'est encore pire, aujourd'hui, dixit M. Séguin, que vous connaissez bien, puisqu'il a siégé sur ces bancs et a présidé notre assemblée. Devenu Premier président de la Cour des comptes, c'est sous son autorité et dans un journal que vous ne renierez pas, puisqu'il s'agit du Figaro, qu'a été apportée, parlant de la facture des impayés de l'État, la précision suivante :

« Le montant est astronomique. À la fin 2004, les « charges à payer » de l'État, c'est-à-dire les factures et les engagements en attente de règlement dans les ministères, représentaient 3,8 milliards d'euros. Un montant calculé par Bercy mais sur lequel la Cour des comptes revient dans son rapport sur les comptes de l'État pour 2004, diffusé hier. La somme est sans doute beaucoup plus élevée, affirme l'institution présidée par Philippe Séguin. »

Monsieur le ministre, plutôt que de faire une loi, mieux vaudrait payer les entreprises. Pour la majeure partie, ces 3,8 milliards d'euros sont des dettes à l'égard des entreprises ; je vous épargnerai la lecture du rapport, mais vous le connaissez sans doute. Vous faites beaucoup de promesses aux entreprises...

Le conjoint collaborateur : voilà, sur le principe, quelque chose qui ne peut pas nous opposer. Il est juste, surtout dans les entreprises artisanales, que le conjoint, souvent très mobilisé par le fonctionnement de l'entreprise, soit reconnu. Il pouvait l'être déjà, mais beaucoup de chefs d'entreprise répugnaient à le faire. Nous ne pouvons qu'applaudir à cette disposition qui figurait d'ailleurs dans le projet Patriat, adopté en première lecture devant cette assemblée en février 2002.

Néanmoins, il ne faut pas que le statut du conjoint soit un leurre. Nous aurons l'occasion d'évoquer avec vous ses conditions de rémunération. À quoi servirait-il de lui reconnaître un statut si on ne lui reconnaît pas un revenu, ce qui implique de discuter des bases de calcul des cotisations sociales ? Il ne suffit pas de se voir reconnaître un droit à la retraite pour en percevoir une : encore faut-il avoir cotisé. Il faudra donc que vous acceptiez avec nous d'aller plus loin pour que ses droits soient reconnus. Il faut donc définir des règles pour ne pas laisser à l'un des deux conjoints le choix de la part du revenu sur laquelle seront payées les charges sociales.

À l'inverse, il ne faut pas manquer d'évoquer le risque que des conjoints soient déclarés alors qu'ils ne travaillent pas. Les emplois fictifs existent aussi dans les PME, nous en connaissons tous. Ils représentent une charge supplémentaire, sans apport de valeur ajoutée. Là aussi, il faut définir des règles, sinon nous aurons des déconvenues.

Enfin, pourquoi réserver cette mesure aux couples mariés ? Le PACS, qui a fait l'objet d'un large débat lors de la précédente législature, est aujourd'hui admis par beaucoup dans les rangs de la majorité. J'espère que l'amendement adopté par la commission, étendant le dispositif au PACS, sera adopté en séance publique. Évitons d'inutiles débats.

S'il est des points sur lesquels nous sommes d'accord, il en est d'autres sur lesquels nous nous interrogeons. S'agissant du gérant mandataire, nous n'avons pas bien compris ce que vous nous proposez ; sauf s'il s'agit de sécuriser certaines situations, requalifiées en contrats de salariés. On se souvient du conflit qui a opposé un groupe d'hôtellerie bien connu et ses mandataires. L'affaire, qui devait se plaider devant le tribunal des prud'hommes d'Évry, s'est terminée par une transaction entre le groupe et ses mandataires qui ont abandonné leurs poursuites en échange de 600 000 francs chacun, c'est-à-dire environ 150 000 euros. Depuis, le groupe fait signer des contrats de salariés en échange de l'engagement de ne pas porter plainte... Bien plus, un des salariés du groupe a commis un livre, que vous n'avez sans doute pas lu, intitulé Sept jours sur sept à votre service. S'il n'a pas connu une grande diffusion, il a au moins permis à son auteur de tirer un bénéfice de cette opération puisque le groupe a racheté les droits d'auteur pour empêcher la réédition du livre.

Nous ne voudrions pas croire, monsieur le ministre, que votre seul objectif soit de régler les problèmes de ce groupe bien connu, ou ceux de tel groupe de grande distribution qui a connu le même genre d'aventure.

Autre point que nous n'avons pas compris, même après que vous nous l'avez succinctement expliqué : la location de parts sociales. Je me demande vraiment à qui elle peut servir. Je me mets à la place de celui qui accepte de les louer à quelqu'un qu'il ne connaît pas forcément. Si l'entreprise fait de mauvaises affaires, ses parts seront dévalorisées. Et si l'entreprise fait de bonnes affaires, le jeune qui les aura louées aura fait augmenter sa valeur, donc celle des parts, et travaillé pour un autre.

C'est la même situation que celle du fils d'agriculteur qui, resté chez ses parents en tant qu'aide familial, devait repayer à ses frères et sœurs, au moment de reprendre la ferme, le surplus de valeur qu'il avait lui-même créé grâce à son travail. Je ne voudrais pas ici courir le même risque.

J'en viens à l'autre problème, celui des relations commerciales. Il faut rappeler que c'est à propos du pouvoir d'achat des Français que le débat avait démarré il y a maintenant un an et demi.

Une chaîne de grandes surfaces avait posé le problème d'une manière un peu particulière : « je voudrais bien baisser les prix, mais on me l'interdit. » C'était faux, elle pouvait baisser les prix. Il suffisait de dire à ses fournisseurs qu'il était temps de baisser le prix catalogue. N'oublions pas que, dans beaucoup de cas, les prix catalogue ont augmenté simplement parce que les grandes surfaces demandent les fameuses marges arrière.

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. Jean Gaubert. Si on avait baissé les prix catalogue, on aurait tout de suite obtenu cette baisse. Il y avait derrière cette démarche d'autres enjeux.

Pour augmenter le pouvoir d'achat, il y a deux solutions : augmenter les revenus ou baisser les prix.

Pour le moment, la baisse des prix est un échec. Je l'avais déjà dit à cette même tribune en novembre dernier : « Le Gouvernement tente sans succès de substituer à une politique d'augmentation du revenu une politique de baisse des prix. Vous avez délibérément choisi de faire des cadeaux fiscaux aux plus aisés, mais vous voulez paraître faire quelque chose pour les autres. »

Ce que j'ai dit en novembre dernier, je le maintiens. La fameuse baisse des prix n'a pas eu l'effet que l'on attendait : les meilleurs calculs l'ont établi à 1,57 % sur les produits de grandes marques, au lieu des 5 % initialement prévus. On est loin de la marge que ces grandes marques avaient prise depuis un certain nombre d'années. Au cours des quatre dernières années, les produits de grande consommation ont augmenté de 13 ou 14 %, c'est-à-dire beaucoup plus que l'inflation. Si l'inflation a été tenue, c'est grâce aux produits des PME et des produits issus de l'agriculture, mais parfois au prix de la qualité. C'est aussi grâce aux produits de nouvelle génération, les produits high-tech, que les familles en difficulté achètent peu. Elles ont donc raison de dire que, pour elles, les prix ont augmenté beaucoup plus que ne le dit l'indice. L'indice est une moyenne et on ne peut être conforme à l'indice que si l'on achète l'équivalent du panier. Oui, les prix des grandes marques ont augmenté, et ce sont les PME et les agriculteurs qui ont payé.

Bien plus, quand les prix des grandes marques ont baissé, la grande distribution ayant dû comprimer ses marges, à égalité avec les fournisseurs - mais en réalité c'est sans doute moins pour la grande distribution et un peu plus pour les fournisseurs - elle s'est rattrapée en faisant davantage encore pression sur les PME ou sur les producteurs de fruits et légumes, à qui on a commencé à parler de marges arrière !

Il faut s'arrêter sur le rôle de la grande distribution et sur celui des fournisseurs, grands et petits. D'abord les marges. Pourquoi, pour vendre un produit dans un commerce local, faut-il d'abord d'aller à Genève ? Là on ne vous demande pas ce que vous vendez, mais on vous dit de laisser 2 % pour pouvoir d'aller à la centrale nationale. Et de là, pour aller à la centrale régionale, celle qui discutera de vos produits, il faudra laisser encore 2 à 3 %. À quoi servira l'argent laissé de l'autre côté de la frontière ? Au développement des entreprises dans d'autres pays. Il y a sans doute d'autres moyens de le faire. En matière de clarté, on ne peut pas dire que l'on a gagné grand-chose ! Ce système complètement opaque pèse sur les producteurs, mais aussi sur les consommateurs.

Les résultats de M. Sarkozy sont pitoyables : les prix ont recommencé à grimper, et personne ne parle plus de l'objectif des 5 %.

Un autre objectif a été évoqué à plusieurs reprises, ce sont les accords de gamme. Là, comme sur les marges de la grande distribution, on a vu aussi une valse hésitation. Certains sont venus nous dire qu'il fallait les supprimer, d'autres qu'il ne fallait peut-être pas complètement les supprimer. Ensuite, les PME ont dit qu'elles étaient intéressées. N'y a-t-il pas eu, mes chers collègues, des pressions sur les petits fournisseurs pour les envoyer nous dire qu'il fallait garder les accords de gamme ?

La commission d'enquête que je vous ai demandée au mois de novembre dernier, nous aurait sans doute permis d'aller au fond du dossier.

Vous nous proposez des aménagements, mais à quoi vont-ils nous conduire ? Certes, à des accords de gamme un peu plus contraignants, certes à une baisse des marges arrière.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est bien connu !

M. Jean Gaubert. Monsieur le président, je reconnais ce qui est bien, mais pour le moment, vous n'en êtes qu'à la moitié du chemin.

M. Chatel nous a expliqué que ce dispositif ne serait plus modifiable. Il n'est jamais bon de s'arrêter au milieu du gué.

M. Luc-Marie Chatel, rapporteur. C'est faux !

M. Jean Gaubert. Finalement, cette réforme aura pour conséquence de rendre les cahiers des charges encore plus contraignants et d'augmenter la paperasse.

M. Michel Vergnier. Absolument !

M. Jean Gaubert. Les fournisseurs eux-mêmes nous le disent : de cahiers de trente pages, on va passer à cinquante pages. Supprimons ces règles dont on n'est pas en mesure de contrôler l'application. Vous ne mettrez pas plus d'agents à la DCCRF. Et quand on en sera à 10 ou 20 % de marges maximum, la grande surface, pour garder le même volume, aura la tentation de les appliquer à de nouveaux produits.

Il faut aller jusqu'au bout, d'autant plus que ce système des marges arrière n'existe qu'en France. Les acheteurs seront tentés de s'approvisionner en Belgique, en Allemagne ou en Italie, car les relations commerciales y sont plus simples : elles tiennent sur une feuille de fax et non sur un cahier des charges de trente ou quarante pages. Voilà la simplification que vous nous proposez !

Si on supprime les marges arrière, les petits commerçants seront-ils les plus touchés ? Non ! Arrêtons-nous quelques instants sur le système qui existe aujourd'hui. Je fabrique un produit qui vaut 70 euros mais, comme la grande distribution va me demander des marges arrière, je fixe un prix catalogue de 100 euros. La grande distribution l'achètera donc pour 50 euros tandis que le petit commerçant lui, le paiera au prix catalogue de 100 euros et devra, de surcroît, faire sa marge normale de 25, 30 ou 35 euros sur ce prix.

M. Jean-Paul Charié. Tout à fait !

M. Jean Gaubert. Donc la suppression des marges arrière, à condition qu'elle s'effectue sur une période de deux ou trois ans, n'affectera pas la distribution familiale ou les petites enseignes. Au contraire, elle permettra de revenir à des prix plus raisonnables et à une vérité du commerce.

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. Jean Gaubert. Pour les accords de gamme, c'est le même problème. Il faut pouvoir, nous dit-on, agrandir encore les grandes surfaces. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas assez de place pour les PME. Rien n'interdira, même si cela est expressément mentionné dans la loi, à une grande enseigne internationale d'empêcher les PME de vendre leurs produits en grande surface. Elle ne l'écrira pas, mais continuera de le suggérer et personne ne lui fera de procès pour refus de vente.

Mes chers collègues, il faut être audacieux et supprimer un système qui ne fonctionne pas plutôt que d'essayer de le réformer...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est justement ce que nous faisons !

M. Jean Gaubert. Non, monsieur le président, vous voulez en garder un peu ! Je mesure l'effort que vous faites, mais tant que vous n'aurez pas complètement supprimé les marges arrière, les grandes surfaces continueront de chercher à les étendre au plus grand nombre de produits possible.

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Pourquoi n'avoir pas mis ces recommandations en pratique entre 1997 et 2002 ?

M. Jean Gaubert. Monsieur le ministre, vous êtes là depuis trois ans. J'avais cru comprendre que c'était pour travailler et non pour nous rappeler ce que nous n'avons pas eu le temps de faire. D'autant, vous le savez, que ce problème s'est accentué à partir 2001, et nous aurions eu à le traiter nous aussi. Ensemble, essayons de bien légiférer sur ce sujet.

Enfin, s'agissant de la baisse des prix, si nous en laissons la responsabilité à la grande distribution, il faut être attentif au fait qu'une trop grosse pression pourrait aussi avoir des conséquences sur l'emploi.

M. Gilbert Biessy. Et voilà !

M. Jean Gaubert. Les salariés de la grande distribution ne sont pas payés très cher. Évitons de les précariser davantage.

M. Michel Vergnier. Tout à fait !

M. Jean Gaubert. Quand on sait que l'effort de baisse des prix de 10 % imposé aux Pays-Bas a conduit à la suppression de 10 000 à 15 000 emplois, on mesure la difficulté.

Je reviens sur ce que j'ai déjà dit, parce qu'il vaut mieux se répéter que se contredire : le problème qui reste posé, c'est celui de l'augmentation du pouvoir d'achat. Ce n'est pas en réglant le problème de la grande distribution que vous allez régler le problème du pouvoir d'achat. Ce qui coûte cher pour les familles modestes dans notre pays, c'est le logement, le transport. En zone rurale, les habitants doivent faire face à la hausse du prix du carburant et continuer de se rendre chaque jour à l'abattoir pour toucher un SMIC en fin de mois. C'est sur ce point que nous avons un vrai problème et que nous devons travailler.

Monsieur Chatel, je ne crois pas que ce texte soit un aboutissement. Il nous faudra revenir sur ce sujet parce que vous avez refusé de traiter les problèmes au fond.

M. Luc-Marie Chatel, rapporteur. C'est faux !

M. Jean Gaubert. Voilà un certain nombre de problèmes sur lesquels il était nécessaire que nous apportions notre éclairage.

Mon collègue M. Vergnier a évoqué la situation des salariés. Certes, ceux travaillant en CFA bénéficieront de l'exonération de la taxe sur les salaires. Mais est-ce qu'une contrepartie est prévue pour revaloriser le statut des CFA, et plus particulièrement celui des enseignants, qui ne sont pas les mieux considérés parmi tous les enseignants, ni les mieux payés ? En échange de cette mesure utile, une discussion avec les responsables des chambres consulaires aurait été nécessaire pour que les enseignants en CFA ne soient plus considérés comme des enseignants de seconde zone.

Quant au chèque emploi service universel, qui sera mis en œuvre dans les ordonnances, - puisque tout ce dont on ne veut pas débattre passera par ordonnance - permettra-t-il d'apporter une bonne réponse et d'orienter les salariés vers des secteurs où ils ne veulent pas se diriger ? Pourquoi ne veulent-ils pas se diriger vers ces secteurs ? Parce qu'ils comparent le statut social offert par les PME à celui des grandes entreprises. Pourquoi postuleraient-ils dans une entreprise où ils auront un statut social difficile, sans beaucoup d'avantages, alors qu'ils peuvent tenter d'aller dans une grande entreprise où leur statut social sera meilleur. Michel Vergnier évoquait les problèmes de comité d'entreprise, mais aussi un certain nombre d'aides à caractère social et familial accordées dans ces entreprises et non dans les PME ou l'artisanat.

Au lieu d'apporter une réponse à ce manque de personnel dans les PME par une consolidation progressive des moyens sociaux mis à leur disposition, vous les précarisez davantage encore. Là aussi vous faites fausse route. À moins de contraindre les salariés à travailler dans les entreprises, vous n'obtiendrez pas l'effet que vous recherchez car les salariés se poseront les questions justes : « quels droits salariaux, quelles conventions collectives s'appliquent à moi ? » Et, très rapidement, le patron lui-même se retrouvera en situation difficile. Jusque-là il avait recours à l'intérim, mais ce n'est pas le même patron. Si le patron emploie des salariés relevant de situations juridiques différentes, les tribunaux seront rapidement assaillis de demandes de requalification, quel que soit le blindage que vous aurez apporté, et je sais que vous vous y employez avec beaucoup d'ardeur. Les propositions que vous faites ne sont pas de nature à régler le problème réel du manque de salariés vers ces entreprises, mais plutôt de nature à l'accentuer.

Au manque de salariés, au manque de qualification, vous répondez baisses des salaires, baisse de la protection et absence de formation. Ce faisant, vous obtiendrez le résultat l'inverse de celui recherché. S'il est un point sur lequel nous ne pouvons pas du tout vous suivre, c'est bien celui-là, monsieur le ministre.

Nous avons fondé beaucoup d'espoirs sur ce texte mais vous aurez bien compris que s'il est des sujets sur lesquels nous pouvons être d'accord avec vous, beaucoup d'autres soulèvent des différences très fortes. Si vous acceptiez de faire quelques pas, cela pourrait nous permettre de vous aider à améliorer considérablement ce texte.

Mais parce que vous refusez de tirer les leçons des dispositifs que nous connaissons - telle la création d'entreprise à un euro - ou des propositions que nous avons faites, et parce que, d'une façon générale, les coûts des mesures que vous proposez n'ont même pas été évalués, car les seuls coûts que l'on peut mesurer ce sont...

M. Jean-Marie Le Guen. Les mauvais coups !

M. Jean Gaubert. ...des chèques tirés sur l'avenir, nous ne pourrons pas vous suivre.

Voilà une belle idée, elle aurait pu, elle aurait dû déboucher sur un bon projet. Ce n'est pas le cas.

Monsieur le ministre, j'espère que mes collègues de la majorité vous rendront le service de voter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Le Gouvernement et la commission ne souhaitent pas intervenir.

Nous en venons aux explications de vote sur la question préalable.

La parole est à M. Michel Raison, pour le groupe UMP.

M. Michel Raison. Rassurez-vous, monsieur Gaubert, si M. Jacob ne peut défendre lui-même cette loi puisqu'il a été choisi pour assurer le service de l'État dans un autre domaine, son successeur est lui aussi un républicain convaincu.

M. Jean Gaubert. Je n'en doute pas !

M. Michel Raison. Pendant cette intervention, vous vous êtes transformé, monsieur Gaubert, en tuteur de la majorité. Dans l'entreprise, le tuteur est chargé de donner des conseils. Vous avez donné tant de conseils à la majorité, que peut-être il serait préférable que l'opposition soit au pouvoir, puisqu'elle seule semble savoir comment il faut faire,...

M. Jean-Marie Le Guen. Cela risque d'arriver bientôt !

M. Michel Raison. ...mais quand elle est dans l'opposition !

Mais vous avez ajouté, s'agissant du tutorat en entreprise, que trop de conseils pouvaient amener beaucoup d'inconvénients pour l'entreprise. Cela pourrait aussi être le cas pour notre pays !

Ce projet a été préparé avec soin, et il a fait l'objet d'un gros travail en amont. Les PME, ce ne sont pas seulement les artisans, auxquels M. Gaubert a tendance à réduire l'objet de ce texte.

M. Jean Gaubert. Non !

M. Michel Raison. Il a même soutenu que les artisans allaient très bien, de sorte qu'on ne voyait pas pourquoi il faudrait apporter des améliorations ; et que si les PME avaient une mauvaise image, elles la véhiculaient elles-mêmes, les chefs d'entreprise ne sachant que se plaindre... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Gaubert. Je n'ai pas dit cela !

M. Michel Raison. Or il est important de rappeler que ce texte n'a pas été élaboré dans l'urgence,...

M. Jean-Marie Le Guen. ...mais dans l'hésitation !

M. Michel Raison. ...car le ministre et les différentes missions ont travaillé en amont, non seulement avec les chefs d'entreprise, mais avec ceux qui les entourent, comme les représentants des experts-comptables, ce qui donne de la force à ce projet de loi. Celui-ci n'a pas été, si j'ose dire, « pondu » par le ministre, mais a donné lieu à un travail important. Les chefs d'entreprises n'ont pas fait que se plaindre et véhiculer une mauvaise image de leurs propres entreprises : ils ont travaillé et ont apporté à ce texte de loi les principaux éléments destinés à leur rendre la vie plus facile - car c'est bien de cela qu'il s'agit, et non de servir tel ou tel chef d'entreprise.

Les entreprises doivent pouvoir se développer. Il faut trouver les futurs chefs d'entreprises, créer de nouvelles entreprises, parvenir à les pérenniser et à les transmettre. C'est en leur donnant de l'oxygène qu'on peut y parvenir. Nos petites et moyennes entreprises ont besoin d'oxygène, et on en trouve tout au long de ce projet de loi.

M. Michel Vergnier. Vous leur offrez surtout des courants d'air !

M. Michel Raison. Ce n'est pas pour leur propre intérêt, mais bien pour l'emploi lui-même. À quoi servirait-il de créer des entreprises si ce n'était pour créer ensuite des emplois et sauvegarder le savoir-faire de ces entreprises ? Si les artisans ne souffrent pas de délocalisations, d'autres petites entreprises - parfois même très petites - sont soumises à la concurrence internationale et leur disparition est dramatique non seulement pour l'emploi, mais aussi pour le savoir-faire de notre pays. Tous les éléments et tous les articles du texte en faveur des petites et moyennes entreprises sont favorables à l'emploi pour notre pays.

À propos de la fameuse réforme de la loi Galland, il a été dit, entre autres choses, que le projet de loi n'était pas révolutionnaire. Mais nous n'avions pas besoin de révolution ! Chaque loi doit évoluer en permanence, parce que le monde évolue et que certains acteurs économiques ou acteurs citoyens utilisent la loi ou la contournent d'une façon qui oblige le législateur à trouver des parades.

À propos des marges arrière, par exemple, certains pensent que la loi ne va pas assez loin. Or vous verrez, lors de la discussion des amendements, que cette loi, déjà enrichie des amendements du Sénat dans un certain nombre de domaines, notamment sur les accords de gamme, l'a également été par l'Assemblée nationale à propos des marges arrière. Je rappellerai à ceux qui souhaitent ramener purement et simplement les marges arrière à zéro que l'article 28 du projet de loi précise la définition de la coopération commerciale. Il nous faut tendre, en effet, vers la suppression des fausses factures, de la fausse marge arrière, de la fausse coopération commerciale. L'article 28 prévoit ainsi diverses définitions de la coopération commerciale et un contrat annuel, ce qui est important pour assurer de meilleures relations et la transparence dans les relations entre le fournisseur et le distributeur ou revendeur.

Cette loi, une fois amendée, prévoit bien toutes les réformes nécessaires à une plus grande transparence dans nos relations commerciales. C'est pourquoi notre groupe votera contre la question préalable.

Jean Gaubert, qui a fait une intervention de qualité, semble persuadé que la discussion de ce texte va se prolonger, car il commençait même à défendre ses amendements. Je regretterais qu'on ne puisse continuer à défendre ces amendements, qui sont au nombre d'environ quatre cents, dont une centaine déposés par la gauche. J'invite donc le groupe UMP à ne pas voter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marie Le Guen. Tant à propos de l'intervention de M. Vergnier que de celle de M. Gaubert, j'ai été très surpris que le Gouvernement ne trouve pas utile - je ne parle pas des rapporteurs, qui sont si nombreux que le risque de cacophonie serait réel - de répondre à certains des arguments développés, qui l'ont été avec beaucoup de sérieux. Tantôt politiques et tantôt techniques, ces arguments ont bien montré que ce texte n'avait pas bénéficié de toute la préparation nécessaire et que les hésitations sont encore très fortes jusque sur les bancs de la majorité.

Sans entrer dans les débats beaucoup plus techniques - mais aussi très marqués - qui portent sur la coopération commerciale, la philosophie développée à propos des PME et des PMI par notre collègue Gaubert était profondément de nature à nous rassembler et montrait les lacunes considérables de ce texte, qui témoigne d'une vision très étriquée de la politique destinée aux PME et, dans tous les sens du terme, d'une vision très conservatrice. Il m'aurait donc semblé pour le moins utile, avant que l'Assemblée n'ait à juger de cette question préalable, que le Gouvernement réponde sur quelques points très forts développés par notre collègue.

Si la question préalable n'était pas adoptée, sans doute aurions-nous l'occasion de revenir sur ces points lors de la discussion des articles ou de certains amendements. Mais il est déjà clair que ce texte est une occasion ratée de rencontre entre notre pays et son tissu de petites et moyennes entreprises. On sait l'importance que cela devrait avoir dans notre économie, et on n'a pas rappelé, parce que ce n'était pas de circonstance - bien que ce soit au cœur de la question -, la situation de la création d'emplois dans notre pays.

Quant au commerce extérieur, si la France connaît des succès avec certaines grandes entreprises, la question est d'abord celle du tissu des PME et PMI à l'exportation, qui est une faiblesse de notre pays en la matière. Sur tous ces sujets stratégiques que sont l'emploi, la croissance et le développement sur les marchés, il n'y a rien dans ce texte. Et comme, par ailleurs, il n'y a rien non plus dans la politique du Gouvernement - mais ce n'est pas l'objet de notre discussion -, il n'est pas étonnant que nous nous posions des questions et que nous vous demandions de bien vouloir reconsidérer ce texte, et donc d'adopter la question préalable déposée par le groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean Dionis du Séjour. En premier lieu, nous sentons qu'il y urgence à s'attaquer à ce sujet, et notamment à entamer une véritable dynamique de la baisse des prix. Nous ne pouvons pas à la fois faire de grands discours sur la souffrance des Français face à leur pouvoir d'achat et ne pas utiliser un levier d'action dont nous disposons. Pendant toute une période, les prix à la consommation ont été supérieurs en France à ce qu'ils étaient dans la zone euro et les prix des produits alimentaires ont été supérieurs à l'indice. Il faut que cela cesse, et il nous faut traiter la question.

En second lieu, j'ai bien entendu la conversion du parti socialiste au mouvement en ce sens. Je me contenterai de citer quelques chiffres : les marges arrière sur les prix nets facturés étaient de 22 % en 1998, 24 % en 1999, 27 % en 2000, et 29 % en 2001. La question ne date donc pas de 2002 ou 2003 ! C'est une tendance lourde, qui s'est enclenchée dès la loi Galland.

M. Jean-Paul Charié. Non : avant !

M. Jean Dionis du Séjour. En tout cas, elle s'est accélérée à ce moment-là et le PS s'est surtout fait remarquer, en la matière, par son immobilisme et par la pluie de mètres carrés commerciaux attribués durant la période 1997-2001. Peut-être est-ce là un point sur lequel nous pouvons nous retrouver.

M. Jean-Marie Le Guen. Et alors ?

M. Jean Dionis du Séjour. Vous dites qu'il faut supprimer les marges arrière et, lorsque le mécanisme était parfaitement identifié et enclenché, vous ne l'avez pas fait. Cela devrait vous inciter à un peu plus de modestie.

Il me semble, enfin, que nous avons les matériaux du débat : une pratique gouvernementale, la circulaire Dutreil de 2003, les accords Sarkozy, le rapport Canivet que tous s'accordent à trouver excellent, la mission d'information parlementaire, dont j'atteste qu'elle a été sérieuse et qu'elle a été faite en profondeur au fil de dizaines de réunions, un ministre qui jouit d'un certain crédit dans ce domaine et des parlementaires qui ont des convictions. Alors, pourquoi attendre ? Il faut débattre maintenant. Le groupe UDF, constant dans sa volonté de réforme, ne votera pas la question préalable.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Biessy, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Gilbert Biessy. Je me suis interrogé moi aussi, tout à l'heure : cela pose problème, de n'avoir pas entendu la voix du ministre après ces deux motions ! Il y a un projet de loi : on le soutient ou on ne le soutient pas ! Il est vrai, monsieur le ministre, que, pour le soutenir, la tâche est ardue, car il est traversé par une idée forte, un fil rouge rappelé par Jean Gaubert après Michel Vergnier : on donne à ceux qui ont déjà, on aide ceux qui possèdent déjà. C'est frappant, notamment, en matière de transmission du patrimoine, y compris immobilier. Vraiment, on ne prête qu'aux riches ! Mais comment va-t-on aider les ingénieurs qui se groupent pour reprendre leur entreprise en difficulté ? Avec quels crédits ? Il n'y a rien dans ce projet pour aider au développement de l'emploi dans ce secteur, qui emploie pourtant 60 % des salariés de notre pays.

Pour ce qui est du phénomène social concernant les PME et le problème de leur image, ce qu'on en a dit est vrai, même si l'on ne peut pas généraliser : il arrive que le faible salaire, joint à des conditions de travail difficiles - et je ne parle pas de la distribution, des grandes surfaces, où ces conditions ne sont pas seulement difficiles, mais horribles ! - posent des problèmes dans un certain nombre d'entreprises. Les chiffres font d'ailleurs apparaître une recrudescence des problèmes de stress et de dépression nerveuse, du fait de taux de rentabilité extraordinaires, pour des salaires qui ne sont pas à la hauteur des efforts enregistrés.

Je reviens au volet social, à propos de ce qui a été dit des comités d'entreprise. Je suis d'ailleurs déjà intervenu sur ce sujet, auquel un amendement sera encore consacré. Dans un espace d'activité économique qui compte trente ou quarante petites entreprises dont aucune ne réunit les conditions lui permettant d'avoir un comité d'entreprise, pourquoi ne pas avoir des instances de secteur qui permettent aux salariés du secteur de bénéficier de certains des avantages qu'on retrouve dans les grandes entreprises ?

Enfin, sur les prix, nous avons tous entendu ce qu'en disait M. Sarkozy - il est difficile, il est vrai, de ne pas l'entendre quand il s'exprime ! Mais au lieu de 5 % de baisse des prix, je ne suis pas sûr qu'on ait atteint 0,5 %.

Toujours est-il que la véritable question posée aujourd'hui dans ce pays, c'est le niveau des salaires, qui ne correspond plus à la réalité. Pour réalimenter la croissance et la consommation, donc l'emploi, c'est là qu'il faut agir. Or, une fois encore, dans votre projet, le salaire est aux abonnés absents. C'est une raison de plus pour voter la question préalable.

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    8

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence, n° 2381, en faveur des petites et moyennes entreprises :

Rapport, n° 2429, de MM. Serge Poignant et Luc-Marie Chatel, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire ;

Avis, n° 2422, de Mme Arlette Grosskost, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République ;

Avis, n° 2431, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot