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Deuxième séance du mercredi 6 octobre 2004

6e séance de la session ordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt-deux heures.)

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DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX

Discussion, en deuxième lecture,
d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux (nos 1614, 1828).

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, j'ai l'honneur, avec M. Nicolas Forissier, de soumettre à l'examen de votre assemblée le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, dans la forme que lui ont donnée les débats de première lecture qui se sont tenus au sein des deux assemblées.

Ce texte ayant un fort caractère interministériel, je me dois de souligner à nouveau la contribution, à bien des égards essentielle, de mes collègues Gilles de Robien, Serge Lepeltier, Jean-François Copé, Xavier Bertrand et Frédéric de Saint-Sernin.

Je souhaite également saluer à nouveau le travail considérable de Patrick Ollier sur toutes les questions de l'aménagement du territoire et du développement des territoires ruraux, qu'il connaît bien. Sous sa conduite, la commission des affaires économiques a procédé à un examen attentif et approfondi du texte issu du Sénat et des amendements déposés depuis lors. Son concours a été particulièrement précieux en première lecture, et je gage qu'il le sera également en deuxième lecture.

Je remercie également les rapporteurs pour la qualité des travaux qu'ils ont conduits ces dernières semaines : Yves Coussain, Francis Saint-Léger et Jean-Claude Lemoine.

Je veux enfin remercier les nombreux parlementaires qui ont participé aux groupes de travail réunis pendant la navette, afin d'approfondir de nombreux sujets mis en exergue par les débats de première lecture.

Exode rural, vieillissement de la population, progression de la friche, enclavement de certains territoires, autant d'évolutions dans lesquelles Émile Guillaumin, dans La vie d'un simple, voyait dès le xixe siècle les signes avant-coureurs d'un lent effacement.

Je suis venu vous dire qu'il n'y a pas aujourd'hui plus qu'hier de fatalité, et qu'une volonté politique forte peut avoir raison de difficultés qu'on tient trop souvent - à tort - pour inéluctables.

En élaborant ce texte, le Gouvernement a voulu poursuivre une triple ambition.

La première ambition est d'assumer le patrimoine rural qui fait l'identité de notre pays et de le valoriser, en mesurant toujours notre responsabilité à l'égard des générations à venir.

Nous le devons au rôle fondateur de l'agriculture et de la ruralité dans l'identité de notre pays et dans la pensée française. Nous le devons aussi à l'importance que présentent ces questions pour le développement durable, dont le Président de la République a fait une priorité de l'action du Gouvernement.

La deuxième ambition est de réguler les évolutions divergentes de nos territoires ruraux, en veillant à en préserver la cohésion.

Hier, Vidal de la Blache écrivait déjà que « la France a une richesse de gamme qu'on ne trouve pas ailleurs ». Aujourd'hui, son constat s'applique parfaitement aux différents visages de nos territoires ruraux : les campagnes des villes, où une part croissante des terres agricoles se trouve soumise à la pression croissante de l'urbanisme et de la spéculation foncière, créant de nombreux conflits d'usage auxquels une réponse doit être apportée ; les campagnes plus isolées, qui souffrent d'une mauvaise connexion aux réseaux de communication et continuent à perdre des habitants, justifiant que la solidarité nationale s'y exerce de façon plus efficace et plus lisible ; enfin, les nouvelles campagnes, qui ont gagné près d'un demi-million d'habitants entre 1975 et 2000 et où les dynamiques de projets doivent être mieux soutenues.

La troisième et dernière ambition est de renouveler le contrat social dans les campagnes, en veillant à répondre aux besoins de ruraux qui ne veulent plus changer la vie, mais qui, pour beaucoup, ont déjà changé de vie.

C'est pour répondre à cette triple ambition que ce projet de loi, largement enrichi par le Parlement, comporte une série de mesures-phares visant à la fois à favoriser l'attractivité économique et l'emploi, à garantir l'accès aux services, et à préserver l'environnement et les espaces sensibles.

Un constat s'impose : le formidable enrichissement de ce texte, avec près de 2500 amendements tant parlementaires que gouvernementaux qui ont été discutés.

Là où le projet initial du Gouvernement comportait 76 articles, on en comptait 180 après la première lecture de cette assemblée, et plus de 200 après celle du Sénat. Je me félicite d'ailleurs que cette évolution du texte ait conservé la structure et les grands objectifs qui avaient été proposés par le Gouvernement. À l'issue des débats du Sénat, 62 articles ont été votés conformes, 30 ont été supprimés, 90 modifiés et 50 articles nouveaux ont été introduits. Le Gouvernement s'était en outre engagé à réunir une série de groupes de travail pendant la navette, afin de prolonger la réflexion sur des sujets importants et de préparer utilement la deuxième lecture avec les parlementaires intéressés de tous les groupes. Un titre liminaire a été introduit. Il prévoit l'organisation, à l'initiative du ministre en charge des affaires rurales, d'une conférence annuelle sur la ruralité réunissant toutes les forces vives du monde rural et ayant pour objet d'évaluer les politiques poursuivies, de cerner les difficultés et de proposer de nouvelles orientations.

Il n'est pas possible, dans le temps qui nous est imparti, de revenir sur l'ensemble des dispositions du texte adopté à l'issue de la première lecture. Je me concentrerai donc, dans les apports du Sénat, sur quelques sujets principaux.

Nous devons, avant tout, accompagner le développement économique des territoires ruraux et le mettre au service de l'emploi.

Pour conforter le développement économique, le projet de loi a proposé d'actualiser le dispositif des zones de revitalisation rurale et de mettre en œuvre des mesures incitatives dans ces zones. Sur proposition du Gouvernement, le Sénat a amélioré les critères de définition de ces zones et a confirmé le prolongement jusqu'en 2007 de l'amortissement exceptionnel pour l'implantation d'entreprises et la rénovation d'immeubles, ainsi que l'allongement de deux à cinq ans de la durée d'exonération de taxe foncière sur le bâti et de taxes consulaires.

Le Sénat a décidé de porter la durée d'exonération d'impôt sur les sociétés à taux plein dans les zones de revalorisation rurale et pour les entreprises nouvelles de quatre à cinq ans. Il a en outre permis d'étaler sa dégressivité sur les neuf années suivantes, soit un total de quatorze années, à l'instar des zones franches urbaines.

Le Sénat a, d'autre part, adopté les dispositions prévues en matière de création de SIDER, les sociétés d'investissement pour le développement rural.

En ce qui concerne les activités agricoles et touristiques, le projet de loi introduisait des dispositions fiscales et financières et des simplifications favorables aux dynamiques locales reprises par le Sénat.

Il convient également d'agir pour l'emploi. Le Président de la République a fait de l'emploi une priorité pour notre pays. Cet enjeu majeur est au cœur du projet de loi, à travers la pluriactivité ou les groupements d'employeurs. Sur ces deux thèmes, votre assemblée avait effectué un remarquable travail d'enrichissement.

Le Sénat a voté conformes de nombreuses dispositions, notamment pour faciliter les emplois saisonniers ou pour encourager le développement et l'ouverture des groupements d'employeurs. Le Sénat a également validé différentes dispositions relatives au rattachement des pluriactifs et de leurs conjoints collaborateurs, à la formation et à l'insertion professionnelle.

Enfin, il faut valoriser le patrimoine bâti pour améliorer l'offre de logements. Cette offre reste insuffisante dans les campagnes, en nombre comme en qualité. Des maisons de village se dégradent sans être habitées, et trop de corps de fermes sont laissés à l'abandon. Pour mieux loger les actifs des territoires ruraux, nous devons à la fois favoriser la rénovation du patrimoine bâti et développer l'habitat locatif dans les zones de revitalisation rurale.

Les dispositions traitant du logement des travailleurs agricoles, de l'essor de l'habitat locatif dans les zones de revitalisation rurale et de la réhabilitation de logements anciens outre-mer ont été votées conformes.

Les modalités de reprise par le bailleur d'un bâtiment de ferme présentant un intérêt architectural ont été précisées. De même, les dispositions en faveur de la rénovation des locaux d'hébergement des saisonniers ont été améliorées. Désormais, la durée de l'amortissement exceptionnel applicable à ces dépenses sera allongée.

Nous devons également garantir à nos concitoyens l'égalité d'accès aux services, car elle est essentielle à l'attractivité économique, à la qualité du cadre de vie et, plus largement, à l'égalité des chances.

En ce qui concerne les services publics de proximité, le projet de loi adapte et simplifie le régime juridique des Maisons de service public pour permettre l'accueil de services privés en leur sein, dans le respect des règles de la concurrence.

Bien plus, avec les dispositions adoptées au Sénat dans le cadre de l'article 37 F, les élus locaux seront désormais mieux informés des réorganisations de services publics ou de proximité. Les sénateurs ont adopté un dispositif tenant compte des expérimentations menées sur le terrain depuis un an. Un nouvel article indique les conditions dans lesquelles l'État fixe les objectifs de service des organismes et confirme la compensation par l'État des charges afférentes. Le texte précise en outre les modalités de concertation locale ainsi que les situations justifiant la saisine des ministres. C'est un gage de transparence pour les élus locaux.

Je sais votre assemblée très attentive à ces questions. De son côté, le Gouvernement sera ouvert aux améliorations que vous pourrez encore apporter à ce dispositif.

Chacun sait que faire progresser l'égalité d'accès aux services de santé doit être notre maître mot. Il est absolument vital d'assurer une présence médicale sur l'ensemble du territoire et donc de favoriser la constitution de pôles de soins et de cabinets de groupe. Pour cela, les aides accordées aux professions médicales par les collectivités territoriales et les organismes d'assurance maladie seront mieux coordonnées.

De plus, les étudiants en médecine pourront bénéficier d'une indemnité d'études s'ils s'engagent à exercer comme médecin généraliste en zone déficitaire. De leur côté, les collectivités territoriales pourront accorder des indemnités de logement et de déplacement aux étudiants de troisième cycle de médecine effectuant leur stage dans les zones déficitaires.

Le Sénat a, en outre, précisé le rôle de coordination du département en matière médicale et sociale.

Dans les zones de revitalisation rurale, les médecins et les vétérinaires pourront également, à l'initiative des collectivités, bénéficier de deux à cinq années d'exonération de taxe professionnelle pour leur installation ou leur regroupement. Les collectivités pourront aussi soutenir la mise en place de structures, telles que les maisons médicales, participant à la permanence des soins.

Il s'agissait, enfin, de préserver les espaces spécifiques ou sensibles et de protéger l'environnement. L'agriculture et la forêt occupent 80 % de notre territoire. Le projet de loi apporte des réponses adaptées aux problèmes spécifiques des espaces périurbains, des zones de montagne, des forêts et des zones humides.

Il convenait, tout d'abord, de se doter d'un outil foncier efficace pour protéger les zones périurbaines. Un tiers des exploitations agricoles se trouvant désormais en zones périurbaines, il devient essentiel de protéger l'agriculture dans ces zones.

Le projet de loi ouvre la possibilité aux départements de créer des périmètres de protection et de mise en valeur de ces espaces. En accord avec les collectivités intéressées, ils pourront rendre inconstructibles des périmètres qui seront gérés selon des programmes élaborés en accord avec les communes et leurs groupements.

Un des groupes de travail s'est penché sur les modalités de modification de ces périmètres protégés. Elles seront réexaminées par votre assemblée. Le Gouvernement souhaite que le dispositif en faveur des espaces agricoles et naturels périurbains permette une protection durable de ces espaces afin d'enrayer les phénomènes de spéculation foncière.

Le Sénat a confirmé les dispositions, notamment fiscales, destinées à favoriser la restructuration des forêts privées.

Le Sénat a également confirmé les dispositions prévues pour mieux prendre en compte les zones humides à travers une exonération de la taxe foncière sur le bâti, moyennant un engagement de préservation.

Il a décidé, sur la base d'amendements du sénateur Le Grand ou du Gouvernement, d'ajouter un chapitre consacré aux sites Natura 2000. Il précise en particulier la définition des zones spéciales de conservation et de protection. Le rôle des élus dans leur gestion en sort renforcé et des règles de concertation sont établies. Enfin, ce chapitre prévoit une exonération de la taxe sur le foncier non bâti.

Par ailleurs, le Sénat a confirmé plusieurs articles visant à simplifier le dispositif de remembrement pour en faire un outil efficace de préservation de l'environnement et de décentralisation. En revanche, il a supprimé les dispositions qui autorisaient les élus des plus petites municipalités à conclure des baux ruraux avec leur commune. Le Sénat a, de plus, proposé que les communes fixent des règles propres d'éloignement par rapport aux bâtiments agricoles.

De nombreuses mesures bénéficieront aux territoires montagnards, en renforçant leur attractivité et en favorisant leur gestion durable.

Les modifications des règles d'urbanisme en montagne ont fait l'objet d'une réflexion globale au sein d'un groupe de travail associant les parlementaires soucieux de favoriser le maintien et le développement des activités agricoles, pastorales et forestières en montagne. Le Sénat a proposé de maintenir la définition actuelle des zones de montagne et d'ouvrir la possibilité de décliner thématiquement le schéma interrégional de massif. Une disposition nouvelle permet d'étendre l'affectation de la taxe sur les remontées mécaniques à l'entretien des forêts.

Enfin, les sénateurs ont introduit des dispositions nouvelles portant sur les constructions sur les rives des lacs de montagne. Vos débats pourront y revenir.

Enfin, il convient de renforcer les capacités d'intervention de certains établissements publics.

Enfin, il faut renforcer les capacités d'intervention de certains établissements publics. Dans son avant-dernier titre, le projet de loi propose de renforcer les capacités d'intervention des établissements publics partenaires des territoires ruraux, qu'il s'agisse des chambres d'agriculture ou des établissements d'enseignement agricole.

Le Sénat n'avait pas retenu la création, proposée par le Gouvernement, d'une agence française d'information et de communication agricole et rurale. Mais un groupe de travail associant les parlementaires intéressés prévoit de déposer un nouvel amendement en vue de créer cette agence.

Le Sénat a confirmé la constitution de l'établissement public de Chambord et apporté des précisions qui appelleront sans doute des débats de votre part. Les sénateurs ont souhaité clarifier le rôle du futur Conseil national du littoral. Un groupe de travail ad hoc a proposé des améliorations que votre assemblée pourra examiner.

Les diverses dispositions de ce projet de loi seront complétées, l'année prochaine, par un projet de loi de modernisation agricole dont l'élaboration est déjà entrée dans une phase active.

J'ai en effet tout récemment installé avec Nicolas Forissier, secrétaire d'État à l'agriculture et aux affaires rurales, la commission nationale d'orientation pour le débat national « agriculture, territoires et société » qui se déroulera au cours de ce dernier trimestre de 2004. Cette commission, à laquelle j'ai souhaité associer la représentation régionale et nationale, va produire une plate-forme de réflexion qui servira de cadre aux débats qui se tiendront ensuite dans chaque région. La synthèse de ces débats sera présentée à la commission nationale à la fin de l'année 2004 et contribuera directement aux fondations du projet de loi de modernisation agricole.

Ce projet de loi, qui inclura les travaux et réflexions du Parlement, viendra notamment accompagner la réforme de la politique agricole commune. La gestion du foncier rural, les conditions de vie et de travail dans l'agriculture, la place de l'agriculture au sein de l'espace rural, l'adaptation de la notion d'exploitant et d'exploitation agricole au contexte actuel devraient sans doute constituer le lien entre ces deux projets de loi.

Plus largement, l'ambition du projet de loi de modernisation de l'agriculture vise à renforcer la compétitivité de notre agriculture et de notre industrie agroalimentaire, à tendre vers une parité des conditions de vie et de travail avec les autres secteurs de l'économie, et, enfin, à mieux mettre en phase l'agriculture avec les attentes de la société.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, telle est donc l'économie générale du présent projet de loi. Désireux de répondre au mieux à la diversité des territoires ruraux, le Gouvernement, comme il s'y était engagé en séance publique, a réuni pendant la navette parlementaire des groupes de travail thématiques. Je tiens à remercier très vivement les parlementaires qui ont accepté de s'y impliquer.

Parmi les thèmes abordés, j'en retiendrai six :

Le groupe « agriculture de montagne » présentera un amendement parlementaire sur la mise en place d'interprofessions spécifiques à la montagne ;

Le groupe « emploi » s'est accordé sur un projet d'amendement gouvernemental permettant d'ouvrir les groupements d'employeurs aux collectivités territoriales ;

Le groupe « aménagement foncier et forêt » est convenu de reporter à l'examen du projet de loi de modernisation agricole les questions relatives à la mise en valeur des terres incultes. Il a néanmoins proposé que fassent l'objet d'amendements l'élargissement des réserves foncières aux projets intercommunaux et la possibilité pour des collectivités de prélever sur leurs apports fonciers les terrains nécessaires aux modifications de voirie ;

Le groupe « urbanisme » a proposé, pour la protection des espaces agricoles et naturels périurbains, de revenir à la modification du périmètre par décret. Il a aussi proposé de préciser par amendements l'articulation des schémas de mise en valeur de la mer et de cohérence territoriale en zone littorale ;

Le groupe « urbanisme en montagne » envisage le dépôt d'amendements sur les règles de constructibilité des rives de lacs de montagne, sur les compétences du préfet coordonnateur de massif en matière de remontées mécaniques, ainsi que sur la création au sein des commissions des sites de sections spécialisées qui traiteront des unités touristiques nouvelles ;

Enfin, le groupe de travail consacré à la « communication agricole et rurale » a conclu, je vous l'indiquais tout à l'heure, à la présentation d'un amendement gouvernemental visant à mettre en place un établissement public à caractère industriel et commercial dédié à cette communication.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais, pour conclure, remercier encore les membres de votre commission des affaires économiques pour les efforts qu'ils ont accomplis afin de clarifier et de recentrer le texte sur son objet essentiel : l'avenir des territoires ruraux.

Véritable enjeu national, le développement de nos territoires ruraux est aussi une chance pour notre pays, pour peu que l'on prenne en compte la diversité de nos terroirs, la richesse de notre espace et le rôle du monde rural dans l'équilibre de notre pays.

Avec votre soutien, ce projet de loi doit nous aider à préserver l'unité française, à restaurer l'égalité des chances entre ses enfants et à refonder avec l'ensemble des Français un véritable pacte de solidarité et de développement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État, à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, comme l'a très bien dit Hervé Gaymard, ce projet de loi, dont nous commençons aujourd'hui la deuxième lecture, est celui de la confiance du Gouvernement en l'avenir de nos territoires ruraux. C'est un texte qui favorise une dynamique, qui fait en sorte d'offrir aux acteurs du monde rural les outils de leur propre développement. Il s'inscrit dans une réflexion plus vaste, engagée depuis deux ans et demi, sur un essor plus harmonieux de nos territoires et sur une meilleure utilisation de notre espace. Avec une volonté forte : celle de donner aux acteurs de ce monde rural les moyens d'agir.

Le Gouvernement a engagé une politique volontariste et cohérente en faveur du monde rural. Jamais depuis longtemps le monde rural n'avait pu disposer d'autant d'outils pour bâtir des projets, pour libérer ses énergies, pour construire son avenir.

Regardons avec honnêteté toutes les actions engagées depuis plus de deux ans et demi :

Les grandes lois de décentralisation, qui sont un signe très fort de confiance de l'État envers les acteurs de nos territoires ;

Le CIADT rural de septembre 2003, celui sur les grandes infrastructures de décembre 2003, celui du mois dernier sur les pôles de compétitivité et l'essor du haut débit ;

La politique menée en faveur de la couverture totale du territoire en téléphonie mobile, décisive depuis deux ans ;

L'accès à l'Internet haut débit pour tous, avec des objectifs et un calendrier précis ;

Le projet de loi sur les territoires ruraux dont nous débattons de nouveau ;

La future grande loi d'orientation agricole, précédée du débat « agriculture, territoires et société » comme l'a rappelé Hervé Gaymard ;

Le partenariat national pour le développement de l'industrie agroalimentaire.

On constate que tous ces outils s'inscrivent dans une réflexion de fond que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a engagée, pour dresser de nouvelles perspectives, pour faire « bouger les lignes » en faveur du monde rural.

Qui sait en effet que, depuis dix ans, le monde rural a regagné 500 000 habitants ? Pourquoi ne pas dessiner dès lors une nouvelle frontière, en se fixant un objectif de 30 % de la population française dans le monde rural - à terme, certes -, contre 20 % aujourd'hui ? Ce n'est pas forcément impossible. C'est un défi qu'il faut essayer de relever.

Les problématiques et les besoins sont multiples, les richesses de nos terroirs sont diverses. Nous devons libérer toute cette capacité d'initiative : il fallait donc une véritable « boîte à outils », dans laquelle chaque acteur puisse trouver les instruments adaptés. C'est tout l'objet de ce projet de loi. L'apport du Parlement, toujours de grande qualité - Hervé Gaymard l'a souligné - a été et sera essentiel. Puis il s'agira pour nous de faire vivre le texte sur le terrain.

Je prendrai trois exemples concrets pour illustrer cette démarche.

Ce qui compte avant tout, c'est d'assurer le développement économique de nos territoires ruraux. Et celui-ci passe par deux grands axes : une action résolue en faveur des entreprises, créatrices d'emplois, et une action tout aussi déterminée en faveur du niveau de services, de la qualité de l'accueil et du logement pour les salariés de ces entreprises. Ces deux problématiques sont indissociables. Le projet de loi leur apporte justement des réponses précises.

D'abord, nous devons maintenir et attirer les entreprises pour créer des emplois Nos campagnes, surtout les plus fragiles d'entre elles, ont impérativement besoin des entreprises, des commerces, des artisans. Nous devons encourager une vie économique qui puisse s'y implanter durablement. Soyons tout à fait lucides : pour y parvenir, il nous faut trouver un « avantage comparatif ». Le texte revoit et renforce ainsi les zones de revitalisation rurale, en les dotant de dispositions fiscales et financières incitatives à même d'attirer les projets, les initiatives et donc les emplois. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'État à l'aménagement du territoire, y reviendra sans doute.

Je le vois bien dans le secteur agroalimentaire dont j'ai la charge. C'est une industrie « rurale » : huit ou neuf entreprises sur dix sont des PME ou des TPE et elles maillent notre territoire. Il faut donc les conforter, en particulier dans les zones rurales fragiles.

Mais nous devons aussi développer les services pour maintenir les emplois Si nous voulons encourager la venue d'entreprises dans nos territoires ruraux, nous devons offrir à leurs salariés des conditions d'accueil, de services et de logement comparables à celles qu'ils trouvent en zone urbaine.

Les territoires ruraux ont largement progressé dans cette voie, ces dernières années, grâce à l'utilisation des fonds européens, au soutien des collectivités locales et de l'État : nombre d'entre eux - et notamment les campagnes des villes, mais aussi les nouvelles campagnes centrées autour de bourgs dynamiques - proposent déjà une qualité de vie et d'infrastructures égale à celles des grandes zones urbaines. Mais un effort particulier doit être fourni de nouveau pour les campagnes les plus fragiles. Il faut un effet de levier pour amplifier ce mouvement positif : c'est l'objectif de plusieurs mesures de ce projet de loi, notamment en matière de qualité des services à la population.

Xavier Bertrand, secrétaire d'État chargé de l'assurance maladie, défendra les articles concernant le sujet clé de l'installation des médecins et de la meilleure coordination de l'offre médicale.

Je voudrais pour ma part mettre l'accent sur un autre besoin, qui conditionne non seulement l'implantation mais encore le maintien d'activités économiques : le logement.

Le présent texte entend remédier à l'insuffisance de l'offre de logements en zone rurale. Par des dispositions fiscales, il favorise l'habitat locatif. Il prévoit également des dispositions pour les travailleurs saisonniers, à travers la rénovation de locaux. C'est à nouveau une réponse concrète aux besoins d'un grand nombre d'exploitants agricoles.

Le projet de loi permet aussi la reprise par le bailleur de bâtiments de ferme présentant un intérêt architectural. Mettre en valeur le patrimoine et les paysages de nos terroirs est aussi un élément de qualité de vie, et donc d'attractivité. Là encore, nous apportons des réponses concrètes, en soutenant la préservation du patrimoine rural bâti et l'essor de l'activité touristique.

Enfin, troisième exemple concret, la présence des vétérinaires, qui sont de vrais partenaires des agriculteurs et des garants de notre sécurité sanitaire, est indispensable. Il était donc primordial que le projet de loi s'attache à réunir des conditions favorables pour leur maintien dans les territoires ruraux. C'est le cas à travers la possibilité d'exonération de taxe professionnelle, en cas d'installation ou de regroupement dans une ZRR.

Mesdames, messieurs les députés, après la navette parlementaire et l'adoption définitive du projet de loi, il restera la tâche de le mettre en œuvre, de l'expliquer. Ce sera le rôle du Gouvernement, en particulier celui d'Hervé Gaymard, à ses côtés celui du « ministre du rural » que je suis puisque j'ai la charge des affaires rurales, celui de Serge Lepeltier et celui de Frédéric de Saint-Sernin.

Pour reprendre le mot de Gilles de Robien, soyez certains que nous assurerons pleinement le « service après-vote » de la loi sur le terrain, pour présenter concrètement aux acteurs du monde rural la « boîte à outils » dont ils vont disposer.

Ce programme de terrain est un signe fort de notre volonté de faire vivre le texte. Et nous proposerons, s'il le faut, de le faire évoluer. Car la loi n'est pas un aboutissement, c'est un chantier ouvert qui doit s'adapter à l'évolution de nos territoires. C'est bien ainsi que nous redonnerons au monde rural les perspectives dont il a tant besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'écologie et du développement durable.

M. Michel Bouvard. Démission !

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, c'est évidemment avec beaucoup d'intérêt que j'aborde aujourd'hui avec vous la seconde lecture de ce projet de loi qui, pour les sujets touchant à l'écologie et au développement durable, nous propose des progrès significatifs.

M. Michel Bouvard. Eh bien !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. Je commencerai mon propos en évoquant les zones humides. Le projet de loi vise véritablement à les réhabiliter. Les zones humides ont trop longtemps été regardées comme des territoires insalubres devant être asséchés. Aujourd'hui, parce qu'elles diminuent, nous prenons conscience de leurs nombreuses qualités. En effet, elles contribuent à la préservation et à la gestion équilibrée de la ressource en eau, aussi bien sur le plan quantitatif, avec notamment les zones d'expansion naturelle des crues, que sur le plan qualitatif, puisqu'elles ont un rôle stratégique d'auto-épuration des eaux superficielles et souterraines. Elles jouent enfin un rôle essentiel en maintenant un réservoir de biodiversité extrêmement riche.

Lors des débats en première lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat, vous avez beaucoup enrichi ce texte. Les différentes fonctions des zones humides ont été mieux affichées. L'articulation avec les commissions locales de l'eau des schémas d'aménagement et de gestion des eaux a été précisée.

Par ailleurs, les deux assemblées ont validé, à ma grande satisfaction, l'article relatif à l'exonération de la taxe foncière non bâtie. Cette mesure essentielle permettra de revaloriser les efforts de gestion de ces espaces et de mieux prendre en compte les coûts induits.

Sur ce chapitre du projet de loi relatif aux zones humides, je suis convaincu que nous sommes parvenus à un texte équilibré et qui fait l'objet d'un consensus, ce dont je me réjouis.

Un second domaine, d'une importance capitale pour notre pays, a été traité à travers les dispositions que le Sénat a introduites lors de la première lecture et qui concernent le réseau Natura 2000.

M. Michel Bouvard. Eh oui !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. Je suis personnellement très attaché à l'ensemble du dispositif. Il crée des outils nouveaux particulièrement adaptés et permet aux élus locaux désireux d'assumer directement la responsabilité et d'agir sur la destinée des sites Natura 2000 de le faire. Je sais qu'ils sont nombreux. La première lecture a donc permis des avancées significatives.

Dans le domaine de la chasse, la première lecture vous a permis ainsi qu'au Sénat d'introduire un certain nombre de dispositions qui modernisent le droit de la chasse, donnant aux représentants des chasseurs, et spécialement aux présidents des fédérations de chasseurs, des responsabilités éminentes à travers les schémas départementaux de gestion cynégétique. Enfin, ils tentent de définir le difficile équilibre de la gestion agro-sylvo-cynégétique. Les principaux progrès à réaliser portent, selon moi, sur ce dernier point.

M. Michel Bouvard. S'il reste du gibier ! Par ailleurs, monsieur le ministre, il n'y a plus de subventions pour les lacs glaciaires !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. La relation entre le monde de la chasse et le Gouvernement est aujourd'hui apaisée et en complète voie de normalisation.

M. François Brottes. Très apaisée !

M. Michel Bouvard. Ce n'est pas le cas avec les éleveurs !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. C'est pourquoi je ne souhaite pas aujourd'hui relancer un débat sur l'office national de la chasse et de la faune sauvage.

J'entends maintenant travailler avec le nouveau président de l'office, qui est, comme vous le savez, président d'une fédération départementale des chasseurs, à stabiliser pour l'avenir les perspectives de l'établissement public, en concertation avec le Parlement et les représentants de la chasse.

Nous ne sommes pas loin du moment où nous pourrons donner à cet organisme, à mes yeux fondamental pour la défense des intérêts de la chasse et la valorisation des pratiques ainsi que des connaissances sur l'écologie, des perspectives enfin stabilisées.

Pour le reste, vous me permettrez de partager le souci, de nombreuses fois exprimé par votre président, de ne pas voir introduites dans la loi des dispositions à caractère réglementaire. Il me semblerait en effet regrettable d'introduire à l'occasion de cette seconde lecture des dispositions de cette nature relatives soit à la chasse, soit à la gestion de la faune sauvage.

M. Michel Bouvard. Ben voyons !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. Comme cela a déjà été dit à cette tribune, le droit relatif aux espèces protégées doit être modernisé.

M. Michel Bouvard. Assez de bla-bla, des actes !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. Un projet ce loi est en préparation sur ce sujet complexe, à l'élaboration duquel votre assemblée comme le Sénat seront associés. Il me paraît prématuré de le traiter dans cette loi-ci, de manière incidente et ponctuelle, alors qu'il s'agit à mon sens de rénover en profondeur le droit relatif à la protection de la nature et qu'un débat mérite d'être conduit avec toutes les parties concernées.

Il est un dernier point auquel beaucoup d'entre vous, je le sais, seront sensibles, et je vous proposerai un amendement essentiel garantissant aux parcs naturels régionaux, qui sont des établissements publics, une meilleure sécurité juridique et donc une entière capacité d'action. Ces établissements forment, au sein du monde rural, une trame dense de collectivités et d'élus locaux engagés dans le développement durable. C'est pourquoi il me paraît essentiel de faire progresser le droit sur ce point également.

Á travers cette loi, je vous propose ainsi, mesdames, messieurs les députés, de donner à notre pays des instruments plus modernes et mieux adaptés aux préoccupations des collectivités et des citoyens sur quelques-uns des grands sujets actuels de l'écologie. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire.

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'État à l'aménagement du territoire. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, je suis particulièrement heureux d'être parmi vous ce soir, car je garde un souvenir très fort de ma participation en tant que député à la première lecture de ce projet de loi.

Nombreux sont ceux qui, parmi vous, sont des représentants du monde rural. J'ai donc bien conscience de l'importance que revêt à vos yeux le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui.

Il s'agit d'un texte essentiel pour l'avenir des zones rurales : leurs difficultés, les contraintes qui leur sont propres appellent une réponse ambitieuse de la part des pouvoirs publics.

Ce projet de loi, porté principalement par Hervé Gaymard qui vient de vous en rappeler les grands enjeux et les objectifs, se rattache aussi fortement à la mission qui est la mienne, et que je partage aujourd'hui avec Gilles de Robien. C'est pourquoi j'ai proposé, en réponse à la demande de plusieurs parlementaires, que soient regroupées pour un examen d'ensemble les dispositions qui se rapportent le plus directement à des préoccupations d'aménagement du territoire.

Le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 13 décembre 2002 a donné une nouvelle impulsion à la politique d'aménagement du territoire en soulignant les défis auxquels est confronté l'espace rural et la nécessité d'une action volontariste à son égard.

Cette ambition a été confirmée à deux reprises depuis, avec le CIADT rural du 3 septembre 2003 et celui du 18 décembre 2003 consacré aux 50 grands projets, dont de nombreux intéressent particulièrement les territoires ruraux.

Il me paraît également important de rappeler, parce que je vous sais attentifs à ce sujet, que le Gouvernement a engagé depuis plusieurs mois une réforme des dotations qui consiste à en réformer les règles internes de répartition, afin notamment d'en renforcer l'intensité péréquatrice. Jean-François Copé s'était engagé sur ce point au Sénat. Je vous confirme que le Gouvernement œuvre dans ce sens, ce que je vais illustrer par deux exemples.

La décision a été prise par le Gouvernement, conformément au souhait du comité des finances locales, de créer au sein de la dotation forfaitaire une dotation proportionnelle à la superficie, donc favorable aux territoires ruraux les moins densément peuplés.

Le projet de loi de finances pour 2005 prévoit une réforme sur le fond de la dotation de solidarité rurale, en particulier un effort financier important pour les fractions de DSR portant sur les « bourgs centres », notamment en faveur de ceux classés en zone de revitalisation rurale.

Je suis conscient de l'importance que vous attachez à juste titre à ces deux points : le développement d'activités économiques, source de vitalité pour vos territoires, et le maintien d'une offre de services publics adaptée aux besoins de nos concitoyens.

II faut d'abord rappeler l'importance du volet fiscal qui se rattache aux zones de revitalisation rurale et dont cette loi n'est que l'un des véhicules. En effet, conformément aux décisions du CIADT rural de septembre 2003, certaines dispositions fiscales parmi les plus importantes sont d'ores et déjà entrées en vigueur par le biais de la loi de finances pour 2004 : c'est le cas de l'exonération d'impôt sur les sociétés pour les entreprises qui s'installent en milieu rural, portée de deux à quatre ans, disposition qui a été renforcée après son passage au Sénat.

Nous devons également réfléchir à la définition même du zonage. Si je suis toujours très prudent, voire réservé, sur le principe du zonage, qui peut créer des frustrations et ignorer les évolutions postérieures d'un territoire donné, je crois que la définition de tels périmètres peut s'avérer bénéfique à deux conditions.

La première condition est la sélectivité. Pour conserver son effet bénéfique, le zonage, qui est une forme de rééquilibrage, ne doit toucher que des territoires réellement défavorisés.

M. Jean Dionis du Séjour. C'est vrai !

M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire. La simulation réalisée par la DATAR fait apparaître un nombre de communes classées et une population légèrement supérieurs à ce qu'ils sont aujourd'hui : environ 12 000 communes et près de 4 800 000 habitants. Les ajustements éventuels par rapport au zonage actuel porteraient sur environ 1 300 communes, soit un peu plus de 10 %.

La deuxième condition est l'articulation avec des dynamiques autour de projets, réalisés notamment dans le cadre de l'intercommunalité. La rédaction proposée par le Gouvernement va dans ce sens, et je souhaite que nous puissions la confirmer.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, les débats menés dans les deux assemblées ont redéfini et conforté les zones de revitalisation rurale. Elles disposent aujourd'hui d'un socle de mesures attractives et ciblées sur les activités qui s'implantent dans les territoires ruraux. Il s'agit notamment de l'exonération jusqu'à cinq ans de la taxe professionnelle pour la création, l'extension ou la reprise d'entreprises industrielles et tertiaires en difficulté, de l'exonération d'impôt sur les sociétés, passée de deux ans à cinq ans à taux plein, puis dégressive sur neuf ans au lieu d'un an auparavant, de la prorogation de l'amortissement exceptionnel sur l'immobilier d'entreprise et de l'extension de cette mesure aux travaux de rénovation ; il s'agit enfin de l'exonération de cotisations sociales à la charge de l'employeur pour les organismes intervenant en matière sanitaire et sociale.

Vous connaissez les contraintes de notre exercice, qui nous amènent à ne retenir que des dispositions opérantes et offensives, compte tenu des enjeux auxquels sont soumises les ZRR.

S'agissant des services publics, notre défi est aussi de maintenir des services de qualité pour tous, ce qui implique un changement de notre modèle d'organisation. Le citoyen doit être mis au cœur de ce dispositif. C'est de ses besoins et de ses attentes qu'il faut partir.

Pour cela, les services publics doivent tenir compte des contraintes et des besoins propres à chaque territoire. Une véritable concertation impliquant les élus locaux s'impose donc avant toute décision. Et je sais que votre attente, là encore, est très forte. Les dispositions votées au Sénat vont dans ce sens. Nous nous sommes associés à votre réflexion sur ce point pour aboutir à une proposition de réécriture de l'article 29 de la loi Pasqua, dont les principes s'articulent autour de trois points, comme dans le dispositif actuel : fixation d'objectifs nationaux d'aménagement du territoire, concertation locale avec les élus, recours suspensif auprès des ministres de tutelle et de l'aménagement du territoire.

Ces principes ne sont pas défensifs. Au contraire, ils demandent au préfet, en étroite collaboration avec les élus, et en amont de ces modifications de réseau, d'initier toute action pour garantir l'offre d'accès aux services publics ; ils allègent également les procédures pour faciliter leur mise en œuvre, tout en garantissant la concertation avec les élus et les autres partenaires dans le cadre de la commission départementale d'organisation et de modification des services publics.

Les politiques de la montagne ne sont pas absentes des préoccupations gouvernementales. Hervé Gaymard y est personnellement attaché, il a eu l'occasion de vous l'indiquer.

Sur ce point, je vous indique que les institutions qui interviennent dans ce qu'on appelle la « gouvernance montagnarde » sont confortées. Ainsi, les comités de massif établiront désormais des schémas de massif, base de la contractualisation entre l'État et les collectivités locales.

L'assemblée générale de l'Association nationale des élus de la montagne, l'ANEM, à laquelle je participerai vendredi prochain, à l'invitation de son président et de son secrétaire général, nous permettra, je l'espère, de tirer un bilan objectif et valorisant des apports de ce projet de loi après deux lectures devant votre assemblée.

Enfin, en matière d'urbanisme en montagne, les échanges nombreux intervenus avec les parlementaires, avant la lecture au Sénat et pendant la navette entre les deux assemblées, devraient nous permettre de disposer d'un texte équilibré sur trois sujets : les nouvelles règles de constructibilité le long des rives des plans d'eau de montagne, qui tiennent compte de la topographie des lieux ; les dispositions adaptées en matière de procédure d'unités touristiques nouvelles ; enfin, les règles d'inconstructibilité le long des grands axes de circulation en montagne.

Un sujet reste toutefois en suspens aujourd'hui, celui de la superposition des lois « littoral » et « montagne » pour les lacs de montagne de plus de 1 000 hectares. Nous devons sur ce point être attentifs à toute disposition qui modifierait les équilibres de la loi « littoral », ainsi que nous l'avons déjà indiqué aux élus du littoral réunis autour de Gilles de Robien à la suite du CIADT du 14 septembre dernier.

Toutefois, l'amendement gouvernemental donnant aux schémas de cohérence territoriale, les SCOT, la faculté de valoir schéma de mise en valeur de la mer, SMVM, disposition sur laquelle nous nous étions engagés au Sénat, montre, s'il était nécessaire, que le Gouvernement reste ouvert à des évolutions équilibrées en la matière.

Je voudrais enfin vous confirmer que le Gouvernement a pris des engagements pour que les dispositions réglementaires soient prises rapidement et qu'il s'emploie à ce que les textes de loi puissent être applicables dans les meilleurs délais. L'élaboration de plusieurs décrets d'application est déjà bien avancée, et ils devraient pouvoir être publiés ou transmis au Conseil d'État très rapidement après le vote de la loi. Je pense en particulier aux textes réglementaires relatifs à la définition des zones de revitalisation, les ZRR, conformément au souhait exprimé par votre commission en première lecture ; à ceux relatifs aux caractéristiques des refuges de montagne ; aux modalités d'application du contrôle technique et de sécurité pour les tapis roulants transportant des skieurs dans les stations de sports d'hiver et d'alpinisme ; enfin à la composition et au fonctionnement du Conseil national du littoral.

Vous avez été consultés sur des versions de travail de ces textes qui sont désormais en cours de validation interministérielle. Certains sont peut-être encore perfectibles, et si besoin est, quelques ajustements sont possibles d'ici la deuxième lecture au Sénat.

Dans le même esprit, les instructions en matière de concertation sur les services publics seront établies dans les prochaines semaines, notamment à partir des enseignements tirés des expériences pilotes, par ailleurs en voie d'être étendues à une dizaine d'autres départements

Voilà ce que je voulais vous dire, à ce stade, de ce fructueux travail en commun et de l'engagement du Gouvernement, sur lequel vous pouvez compter. La ruralité est un sujet que l'on évoque avec passion et avec cœur. Le combat pour la ruralité est un combat d'avenir, car elle est une richesse économique, patrimoniale, culturelle et environnementale plus nécessaire que jamais en ce XXIsiècle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Yves Coussain, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous voici à la deuxième lecture d'un texte très attendu par tous les acteurs du monde rural. Ce projet de loi a largement mobilisé nos collègues en première lecture, comme le prouvent vingt heures d'examen en commission, trois semaines en séance publique et 1 500 amendements. Il a aussi largement mobilisé le Gouvernement, puisque cinq ministres ont participé à nos débats, et je constate aujourd'hui, messieurs les ministres, que cette mobilisation ne faiblit pas.

Ce texte, qui comportait à l'origine 76 articles, en comptait près de 200 à l'issue des débats à l'Assemblée. Ce projet pour le développement des territoires s'est considérablement enrichi de nos apports, dans le cadre de discussions animées où majorité, opposition et Gouvernement n'ont pas hésité à mêler initiatives et sagesse, audace et respect de l'identité des territoires ruraux.

Nos collègues sénateurs ont eux aussi largement débattu de ce projet de loi : si 61 articles ont été adoptés conformes par le Sénat, il en a supprimé trente et ajouté 49. Le projet qui vous est aujourd'hui présenté est donc très différent de celui que nous examinions voilà neuf mois.

Au moment d'aborder cette deuxième lecture, nous devons nous poser à nouveau des questions simples et essentielles : comment redonner espoir au monde rural et renforcer ses fragiles équilibres ? Quelles réponses législatives apporter aux attentes de nos concitoyens, qui entretiennent de fortes attaches, familiales et affectives, à des territoires où ils ont leurs racines, mais dont ils doutent de l'avenir dans un environnement de compétition économique acharnée et dépourvue de sentiments ?

Les premiers articles de ce projet de loi traitent des zones rurales les plus menacées, où la désertification a atteint ou dépassé des seuils démographiques inquiétants. La redéfinition des zones de revitalisation rurale, les ZRR, autour des EPCI à fiscalité propre, a permis, à la suite des discussions de première lecture, de les élargir dans des proportions raisonnables, sans introduire de bouleversement susceptible de remettre en cause globalement le concept même de ces zones.

Nous pouvons légitimement nous féliciter des progrès accomplis grâce aux amendements conjugués du Gouvernement, de l'Assemblée et du Sénat. Ainsi, alors qu'aucun dispositif fiscal spécifique n'était proposé dans le texte déposé sur le bureau de notre assemblée, nous avons aujourd'hui un dispositif très proche de celui des zones franches urbaines, et d'abord en matière d'exonération de taxe professionnelle pour la création et l'extension d'activités industrielles, exonération étendue aux professions libérales. Votre rapporteur et la commission souhaitent fortement que cette extension soit maintenue et confirmée pour les artisans et commerçants, tant dans les cas de reprise que de création. En matière d'impôts sur les revenus et sur les sociétés pour les entreprises nouvelles, l'exonération pleine a été portée à cinq ans avec dégressivité les neuf années suivantes, ce qui porte à quatorze ans la durée de cette exonération. En matière d'immobilier industriel, l'amortissement exceptionnel est prorogé jusqu'en 2007 et étendu aux travaux de rénovation. L'exonération sur le foncier bâti est portée à cinq ans.

Nous avions voulu, en première lecture dans cet hémicycle, introduire le remboursement des sommes perçues au titre de ces exonérations par les entreprises se délocalisant hors des ZRR avant le terme de cinq ans ; à la demande du Gouvernement, le Sénat a supprimé cette obligation pour des raisons techniques. La commission des affaires économiques souhaite revenir à la solution de l'Assemblée, malgré ces réserves techniques. De même, elle demande que soit rétablie la possibilité pour une commune de pratiquer un loyer inférieur au montant de l'amortissement quand les conditions du marché l'exigent. En effet les contraintes techniques ou communautaires ne devraient jamais l'emporter sur la volonté politique ou la morale économique.

Je veux souligner, messieurs les ministres, notre satisfaction globale, eu égard aux progrès très significatifs accomplis en faveur des zones les plus en difficulté sur notre territoire. Cette stratégie de la discrimination positive, chère à Patrick Ollier, président de notre commission, qui l'avait inscrite dans la loi de février 1995, ne peut être que gagnante.

Pour compléter ce volet économique, des dispositions très intéressantes sont prises en faveur du logement : une déduction de 40 % des revenus tirés des logements acquis et rénovés en ZRR et l'exonération du foncier bâti pendant quinze ans sont un encouragement significatif à la rénovation du patrimoine bâti et à l'habitat rural.

Ce bouquet de mesures en faveur de l'activité et de l'habitat est un signal fort en direction de ces zones, dont le déclin n'est pas une fatalité et qui peuvent offrir une véritable alternative de vie et de travail à nos concitoyens.

Le soutien aux activités agricoles s'insère heureusement dans ces dispositifs, grâce aux améliorations apportées successivement par l'Assemblée nationale et par le Sénat. L'amendement de notre collègue sénateur César, visant à assouplir certaines règles de publicité pour les boissons alcoolisées, en particulier le vin, a provoqué beaucoup d'émoi et des réactions passionnées. S'appuyant sur le travail de nos collègues auteurs du livre blanc sur le vin, MM. Cugnenc, Martin, Poignant et Suguenot, notre commission dans son ensemble a adopté un amendement supprimant toute référence aux caractéristiques sensorielles et organoleptiques des boissons concernées.

S'agissant des dispositions relatives à l'emploi, le Gouvernement a voulu apporter des solutions concrètes et adaptées aux nouvelles formes d'emploi qui se développent dans les territoires ruraux. Nous nous félicitons du pragmatisme dont il a su faire preuve en la matière. La première lecture à l'Assemblée a permis d'enrichir les dispositions initiales, essentiellement en matière de groupements d'employeurs, pour les rendre plus attractifs, et en matière de travail saisonnier. Les obstacles doivent être levés pour permettre les groupements public-privé ; les verrous idéologiques doivent sauter, dans l'intérêt des salariés et de ces territoires. Le Sénat a peu modifié le texte issu de notre assemblée.

En ce qui concerne les espaces périurbains et la gestion foncière, l'Assemblée a souhaité en première lecture que les départements soient chefs de file. Si le Sénat a apporté des améliorations techniques, notre commission vous proposera sur certains points de revenir à des propositions plus proches du texte qui résultait de nos débats : recours à un décret simple pour retirer des terrains du périmètre de protection des espaces naturels périurbains, protection des noms des appellations d'origine contrôlée vis-à-vis d'établissements installés sur leur territoire.

Les services au public représentent en milieu rural un enjeu central. La question de leur maintien et de leur adaptation aux exigences actuelles, qu'elles soient administratives, techniques, sanitaires, culturelles ou autres, est essentielle. Mais les figer dans un statut, aussi honorable soit-il, serait une faute qui les condamnerait à terme. Les soumettre à des impératifs de rentabilité financière ou à des objectifs exclusivement quantitatifs est contraire à leur principe même, et supprimerait un pilier essentiel de la vie en milieu rural. Sans service public performant et adapté, il est absolument inutile de dérouler des dispositifs d'incitation à la création d'activité et à l'habitat.

Le Sénat a substitué aux procédures actuellement en vigueur en ce qui concerne l'étude des projets de réorganisation des procédures de concertation plus souples. Pour notre part, nous proposerons qu'aux côtés du représentant de l'État, le président du conseil général puisse activer ces procédures, et que soit publié un document reprenant le résultat de ces concertations.

Mais nous savons, messieurs les ministres, qu'au-delà des procédures, c'est la volonté politique des gouvernements et des établissements publics concernés qui conditionnera le maintien et la qualité des services au public. J'aimerais, messieurs les ministres, que ces débats soient pour vous l'occasion de vous engager sur ce sujet capital.

En la matière, notre commission a souhaité réaffirmer le grand principe du prix unique du service postal réservé sur l'ensemble du territoire. Il serait inadmissible de céder sur ce principe, au moment où nous parlons de l'égalité devant le service public. Nous demander de l'abandonner serait une provocation, quelles qu'en soient les motivations.

Avant de conclure, j'affirme sans ambages que ce texte est riche en avancées sur de très nombreux points, avancées souvent techniques mais parfois aussi politiques, dans la mesure où il brise certains tabous tenaces en matière d'emploi et de service au public pour trouver des solutions adaptées aux réalités du monde rural. D'ailleurs, de nombreuses associations professionnelles ou syndicats représentatifs se félicitent des solutions qu'il apporte aux difficultés rencontrées par leurs membres. Il est vrai que ce texte est touffu, mais c'est essentiellement parce qu'il veut répondre à des attentes très nombreuses et à la grande diversité des territoires ruraux. Nous serions mal placés, nous, les députés, pour lui reprocher son manque de lisibilité, alors que notre assemblée a plus que doublé le nombre de ses articles.

Je souhaite enfin insister sur le fait que, si la commission a rejeté de nombreux amendements qui risquaient de faire tomber notre assemblée dans le piège de voter des dispositions de nature réglementaire ou purement incantatoire, elle n'a pas voulu par là contester leur bien-fondé. À cet égard, je me réjouis que notre commission ait accédé ainsi au souhait exprimé par le président de notre assemblée d'une amélioration du travail législatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les dispositions relatives à la chasse.

M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les dispositions relatives à la chasse. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la partie du projet de loi consacrée aux dispositions relatives à la chasse a été incontestablement enrichie par la première lecture, ici même, de ce projet de loi, ne serait-ce que d'un strict point de vue comptable, puisque le projet de loi contient désormais vingt-trois articles sur la chasse, au lieu des huit articles initialement prévus.

Au-delà de cet aspect purement arithmétique, je voudrais rappeler que la discussion à l'Assemblée avait permis d'aboutir à un texte équilibré, cherchant à concilier le plus possible les différents intérêts, parfois contradictoires, qui jouent en la matière, et à donner une réelle consistance au principe d'équilibre agro-sylvo-cynégétique contenu dans le projet gouvernemental.

Notre souhait était et demeure de construire une chasse durable, indispensable à plus d'un titre. Pour cela elle doit être acceptée de tous, et d'abord des autres utilisateurs de la campagne, ceux qui en vivent - je pense aux agriculteurs et aux forestiers -, mais également tous les amoureux de la nature.

Nous devons constater aujourd'hui que de nombreux enrichissements que nous avions apportés au texte ont été retenus par nos amis sénateurs. Je pense notamment aux dispositions relatives aux missions de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre ; à la composition de son conseil d'administration, où les chasseurs sont devenus légitimement majoritaires, à ses ressources financières ; je pense également aux mesures relatives aux missions des fédérations régionales de chasseurs et à leur contribution au développement des territoires ruraux.

C'est vrai, de nombreuses mesures que nous avions introduites étaient destinées à éviter des contentieux, faciliter la vie des chasseurs, associer et responsabiliser leurs fédérations et garantir au mieux la sécurité. Je pense à l'avis demandé aux fédérations sur la nécessité ou l'opportunité des battues administratives, au droit des propriétaires dans l'établissement des plans de chasse, à la divagation des chiens de chasse, à l'indemnisation des dégâts du gibier en Alsace-Moselle, pour n'en citer que quelques-unes.

Avec ces nombreuses mesures complémentaires, l'Assemblée nationale n'avait pas modifié l'équilibre général du texte, cherchant de manière louable - je le répète - à concilier les intérêts des chasseurs, des propriétaires forestiers, des agriculteurs et des autres usagers de la nature.

Nous avions également cherché à rendre compatibles les schémas départementaux de gestion cynégétique et les orientations régionales de gestion et de conservation de la faune sauvage, estimant que ces documents étaient de portée juridique différente. Et nous avions cherché à préciser la définition juridique de l'équilibre agro-sylvo-cynégétique.

Nous avions en outre adopté une disposition, très importante à mes yeux, prévoyant qu'un propriétaire forestier peut demander réparation des dommages qu'il a subis au bénéficiaire du plan de chasse qui ne prélève pas le nombre minimum d'animaux qui lui est attribué.

Et nous avions refusé que la fédération départementale des chasseurs soit contrainte de rembourser aux propriétaires forestiers les sommes engagées pour protéger leurs plantations, considérant, à juste titre me semble-t-il, que les associations n'étaient en rien responsables.

Pour l'essentiel, le Sénat a exprimé une convergence de vues avec notre assemblée, mis à part quelques points.

Tout d'abord, le Sénat a supprimé la disposition autorisant la chasse de nuit en Vendée, considérant que la fédération départementale s'était prononcée sur ce sujet et qu'il n'y avait pas lieu de s'y opposer par une mesure législative. À ce stade de la discussion, la commission des affaires économiques n'a pas jugé utile de revenir sur ce point, même si, pour certains, le vote de la fédération départementale, compte tenu de la faible proportion de chasseurs de la sauvagine de Vendée, est peut-être contestable.

Le Sénat est en outre revenu sur le texte de l'Assemblée en supprimant l'interdiction de l'utilisation de moyens d'assistance électronique à la chasse, sauf exceptions prévues par décret. Il a en effet avancé que, dans un pays démocratique comme le nôtre, la liberté devait être la règle et l'interdiction l'exception. Par ailleurs, le Sénat a préféré autoriser l'utilisation de la voiture pendant l'acte de chasse, à condition que l'arme soit démontée et placée sous étui, dans les conditions définies par le schéma départemental de gestion cynégétique. Il a également supprimé la disposition selon laquelle l'agrainage et l'affouragement du grand gibier ne sont autorisés qu'en raison de situations climatiques spécifiques ou pour protéger les cultures en période sensible, préférant laisser au même schéma départemental la responsabilité d'en définir les conditions.

M. Jean-Paul Chanteguet. Il faut bien les encadrer !

M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur. Les sénateurs ont été attentifs à promouvoir une conception responsable de la chasse, et votre rapporteur comprend les arguments avancés pour la justifier, tout en restant attentif à l'image de la chasse que nous voulons promouvoir.

Enfin et surtout, le Sénat a supprimé la disposition introduite par l'Assemblée prévoyant qu'un propriétaire forestier peut demander réparation des dommages qu'il a subis au bénéficiaire du plan de chasse qui ne prélève pas le nombre minimum d'animaux qui lui est attribué. Cette suppression, en retirant au propriétaire forestier tout moyen d'obtenir réparation des dégâts de grand gibier, risque d'altérer l'équilibre sylvo-cynégétique...

M. François Brottes. Bonne remarque !

M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur. ...et le climat qui doit régner entre chasseurs et sylviculteurs.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur. Votre rapporteur a donc proposé un amendement, adopté en commission, visant à mieux prendre en compte les intérêts des propriétaires forestiers dans l'économie générale du présent projet de loi. (« Très bien ! » sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe socialiste.)

Hormis ces quelques points d'achoppement, un large consensus semble se dessiner entre le Sénat et l'Assemblée nationale sur les dispositions du présent projet relatives à la chasse. J'espère qu'il en sera de même pour les quelques modifications supplémentaires qui vous seront proposées, notamment sur la nécessité de mieux reconnaître le rôle des chasseurs et de leurs organisations dans la gestion de la faune sauvage, sur le rôle de certains acteurs, sur l'équilibre cynégétique et sur des mesures de sécurité.

Votre rapporteur vous proposera de les adopter, les considérant utiles, pour que cette pratique sportive, culturelle, et à laquelle sont attachés tous les ruraux, puisse s'exercer dans des conditions sereines et durables. C'est de plus, sachons-le, le dernier texte que nous aurons à examiner d'ici longtemps relatif à cette belle passion justifiée que nous devons faire partager : à nous de le peaufiner au mieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les dispositions relatives à la montagne.

M. Francis Saint-Léger, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les dispositions relatives à la montagne. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en prélude à mon intervention, je tiens à remercier tout particulièrement le président de notre commission des affaires économiques, M. Patrick Ollier, dont l'aide et l'attention nous sont, depuis un an déjà, un précieux appui.

M. Jean Dionis du Séjour. Il fallait le dire !

M. Francis Saint-Léger, rapporteur. Et cette aide nous est d'autant plus précieuse que notre titre V, notre titre « montagne », prend de l'ampleur au fur et à mesure que se développe et se précise le processus de réflexion, au fur et à mesure que le débat avance. C'est désormais la politique de la montagne sous tous ses aspects que l'on examine et que l'on révise. Ce débat, vous en connaissez au moins deux jalons : le rapport des sénateurs Blanc et Amoudry d'une part, celui de nos collègues Yves Coussain et François Brottes, d'autre part.

Sa maturation n'est que le reflet des développements des discussions entre élus de tous bords - majorité comme opposition, je tiens à le souligner -, entre élus et fonctionnaires, entre élus et acteurs de la montagne. C'est aussi le fruit du travail réalisé par les groupes d'études que vous avez bien voulu mettre en place, messieurs les ministres.

En première lecture, l'Assemblée nationale avait renforcé le projet gouvernemental. Le Sénat en a modéré certains excès, mais il a aussi contribué à son enrichissement. À cet égard, il a su apporter à ce texte une contribution dont je ne peux que souligner l'importance.

Passons son travail en revue : d'abord, quelques suppressions pertinentes ; ensuite, des clarifications utiles ; enfin, nombre d'apports intéressants.

Votre rapporteur, dès la première lecture, avait mis en doute la pertinence d'un certain nombre de dispositions : le Sénat les a pour la plupart supprimées. Au rang des dispositions écartées, retenons : la redéfinition des zones de montagne, jugée parfaitement inutile, voire dangereuse ; la distinction entre zones rurales et urbaines au sein de communes fusionnées, considérée comme contre nature ; le système d'attribution aux associations communales de droits de chasse sur les parcs nationaux ; l'inventaire, par les chambres d'agriculture, des terres agricoles, pastorales ou forestières à préserver, qui s'avère techniquement très difficile à réaliser ; la modulation des barèmes de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, réglementaire par nature et déjà possible en l'état actuel du droit. Voilà pour ces suppressions pertinentes.

Le Sénat a également procédé à quelques clarifications judicieuses. Ces retouches sont parfois cosmétiques et parfois nécessaires. Je dis « nécessaires » parce que certains de nos dispositifs risquaient d'être annulés par le Conseil constitutionnel pour de pures raisons de forme.

C'était le cas des subventions aux agriculteurs qui s'efforcent de réduire la pollution des eaux. C'était aussi le cas du paragraphe de notre texte qui impose au Gouvernement de faire valoir les intérêts des zones de montagne à Bruxelles et ailleurs. D'autres risquaient d'être écartés par la jurisprudence. Notre réforme du régime d'autorisation des centrales hydroélectriques, pour des raisons de fond cette fois, risquait de rester lettre morte.

Ces retouches apportent souvent plus de cohérence à la volonté du législateur. C'est dans cette optique qu'a été remanié notre dispositif d'amélioration du logement des travailleurs saisonniers. C'est dans cette optique, encore, qu'a aussi été rectifié le régime des unités touristiques nouvelles. L'Assemblée va toutefois devoir le compléter.

Je disais que le Sénat ne s'est pas borné à modérer certains excès de notre rédaction : il l'a aussi enrichie. Au nombre de ses apports, certains sont intéressants, d'autres plus discutables.

Au rang des premiers, votre rapporteur relève notamment : la réglementation des tapis roulants neige, en prévention d'accidents tragiques tels que celui de l'hiver dernier ; la responsabilisation des moniteurs de ski exerçant en syndicat ou en association, pour mettre un terme aux controverses de la jurisprudence ; la séparation des labels AOC et « montagne », à la demande de l'interprofession ; la réglementation de la randonnée et la responsabilisation des randonneurs ; la liberté laissée à nos communes et à nos départements de financer l'entretien de leurs forêts sur le produit de la taxe sur les remontées mécaniques.

Mais aussi intéressants ou aussi discutables qu'ils puissent paraître, ces apports ouvrent toujours des voies de réflexion, des voies de débat. Un exemple, en matière d'urbanisme : la mise en valeur des rives de nos lacs de montagne. Entre une urbanisation massacrante et une surprotection stérile, il convient de trouver un juste point d'équilibre. Protéger ces rivages sans paralyser l'activité lacustre, les mettre en valeur sans les bétonner : voilà un nouvel enjeu qui s'inscrit dans la continuité des dispositions de la loi Urbanisme et habitat, adoptée en 2003. Rappelez-vous : l'Assemblée avait su alors apporter sa contribution pour assouplir avec justesse et raison la loi Montagne dans ses dispositions relatives à nos villages. Et depuis un an, dans nos campagnes, nous constatons les effets bénéfiques de ces nouvelles dispositions d'aménagement du territoire.

Cette politique de la montagne dépasse largement notre titre V. La montagne est au cœur de la ruralité française. Et, à cet égard, c'est le projet de loi dans son ensemble qui la concerne, des questions d'urbanisme aux ZRR, des médecins de campagne aux services publics.

Le renforcement des zones de revitalisation rurale, par exemple, profite intégralement à la montagne. Comment ne pourrions-nous pas nous féliciter de la mise en œuvre de nombreuses mesures incitatives ? Elles soutiendront le tissu économique : exonérations de la taxe professionnelle pour les professions libérales, de l'impôt sur les sociétés, des taxes destinées aux chambres de commerce et d'industrie, des cotisations employeurs pour les associations.

La montagne, chacun le sait, est cruellement sous-médicalisée. Il est malheureusement fini le temps du médecin de campagne dans chaque village. Notre projet de loi s'attaque à cette démédicalisation : aides à l'installation, exonération de taxe professionnelle, constitution de cabinets de groupe, indemnités incitatives pour les étudiants en médecine. Là encore, des efforts que votre rapporteur salue.

Ce texte a aussi le mérite important de ne pas contourner la question des services publics. Votre rapporteur, pour parler de ce qu'il connaît bien, ne saurait trop vous rappeler que le maintien de services publics est nécessaire et vital pour nos territoires ruraux. Une école ou un bureau de poste qui ferme, c'est tout un village qui se meurt. Le prix unique du timbre sur l'ensemble du territoire national, l'amélioration de la concertation et de l'information des élus locaux pour les réorganisations des services publics ainsi que le renforcement du rôle de la commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics sont autant de mesures importantes pour le monde rural.

Ce texte reste perfectible : à l'occasion de cette deuxième lecture, il nous revient de l'enrichir.

Perfectionnement et enrichissement : voilà les principes qui ont présidé aux travaux de notre commission des affaires économiques, respectueuse en particulier de prendre en compte les nombreuses conclusions du rapport Brottes-Coussain sur les adaptations du droit applicable à la montagne. Voilà, surtout, l'esprit dans lequel la navette doit faire son œuvre d'apport et de décantation. Qu'un texte ait ses erreurs n'a rien que de très normal : c'est la rançon d'un débat riche. Qu'elles soient corrigées n'a rien que de très louable : la politique de la montagne a tout à y gagner. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, messieurs les ministres, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, au moment d'aborder l'examen en deuxième lecture du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, je ne peux que me féliciter de l'immense engouement qu'il a suscité auprès des parlementaires de la France rurale. Ce n'était pas gagné d'avance, et je tiens, monsieur le ministre Hervé Gaymard, qui avez engagé avec nous une discussion que nous allons poursuivre avec d'autres membres du Gouvernement responsables de différents secteurs d'activité, à vous remercier tout particulièrement de votre volonté de dialogue. Vous vous étiez engagé à ouvrir la porte aux amendements et vous avez tenu parole : 1 500 amendements ont été déposés en première lecture, 500 en deuxième lecture. Ce texte, qui, à l'origine, comptait 76 articles, en comporte aujourd'hui 200, même si, malgré la vigilance des rapporteurs et du président de l'Assemblée, certains sont plus réglementaires que législatifs.

M. Jean-Paul Chanteguet. Eh oui !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La représentation nationale a accompli un travail fécond, essayant de tenir compte des diverses observations qui lui ont été faites. Le Gouvernement et la majorité vont pouvoir s'honorer d'un texte majeur dans le cadre des initiatives prises en faveur du monde rural. Cela est dû, essentiellement, au travail accompli ici et au Sénat. Nous avons en effet essayé d'établir un dialogue constructif avec nos partenaires de la Haute assemblée.

Le travail du Parlement a été particulièrement important en ce qui concerne les zones de revitalisation rurale, qui sont chères à nos cœurs. C'est un volet que je connais bien pour avoir été, en 1994 − dix ans déjà ! −, rapporteur du texte qui les créait. Certains se plaignent des zonages ou expriment des réticences à l'égard des mesures de fiscalité dérogatoire, de cette discrimination positive que nous avons mise en place. J'observe pourtant que, si nous n'avions pas fait cela, certaines activités auraient disparu des zones de montagne, qui se seraient vidées de leur population.

M. Michel Bouvard. C'est vrai !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous devons inscrire ce succès au crédit des zones de revitalisation rurale et rendre hommage à celles et à ceux qui les ont créées.

M. Michel Bouvard. Si elles ne sont pas détruites par les ministres de l'environnement !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. En première lecture, de nombreux députés, dont j'étais, se sont étonnés que les engagements que le Gouvernement avait pris à propos des ZRR lors du CIADT du 3 septembre 2003 n'aient pas trouvé de traduction dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. Vous aviez accepté, au fil de la discussion, que nos amendements en intègrent une grande partie. Là aussi, nous avions le souci de la cohérence et voulions faire en sorte que les initiatives du Gouvernement se concrétisent dans ce texte. C'est à vous que nous le devons et je tiens également à rendre hommage à M. Delevoye qui, en première lecture, a fait un travail considérable et nous a aidés à progresser dans ce domaine.

Sans revenir sur les analyses détaillées qu'ont faites les rapporteurs, je voudrais que le Gouvernement sache que nous souhaitons aller encore plus loin. Notre objectif est de voir le dispositif des zones de revitalisation rurale se rapprocher de celui des zones franches urbaines, sans toutefois se confondre avec lui. L'égalité des chances passe par l'inégalité des traitements. Je m'en tiens à ce concept-là. Ce principe de discrimination positive est un élément essentiel de la politique d'aménagement du territoire. Monsieur de Saint-Sernin, nous avons eu l'honneur de le défendre ensemble, lors du débat en première lecture. Je ne doute pas que, étant passé de l'autre côté du miroir, vous nous apporterez tout le soutien dont nous avons besoin pour faire avancer notre cause.

Au total, les mesures fiscales contenues dans ce texte sont extrêmement fortes et de nature à relancer l'activité. Ce que nous proposons, en deuxième lecture, pour les renforcer ne pourra que trouver le soutien du Gouvernement ; je suis même convaincu que la plupart de nos amendements recueilleront un vaste consensus. Je fais confiance à M. de Saint-Sernin pour cela.

En ce qui concerne le soutien aux activités agricoles, le projet de loi, qui, dès l'origine, prévoyait divers aménagements administratifs et avantages fiscaux en faveur des professionnels, a été enrichi au Sénat. Ne nous en plaignons pas, car nos collègues ont fait un excellent travail.

J'appelle votre attention sur celui, tout aussi important, qu'a effectué notre rapporteur Yves Coussain pour trouver une solution mesurée et consensuelle en matière d'assouplissement de certaines règles encadrant la publicité pour les boissons alcoolisées. C'est un vrai sujet de société. Sur tous les bancs, les députés ont exprimé la volonté d'agir dans ce domaine. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Puisse le Gouvernement prendre en compte la détermination de notre assemblée. La commission ayant adopté un amendement, elle le défendra dans l'hémicycle, et je sais pouvoir compter sur la majorité pour le voter. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

S'il faut permettre aux interprofessions de communiquer plus facilement sur certains de ces produits, en particulier sur certains vins, cela ne doit évidemment pas se faire au détriment de la politique de santé publique. Nous devons respecter l'équilibre entre ces deux objectifs : je sais que les députés qui sont attachés à l'un souhaitent également que l'on respecte l'autre, et je les en remercie par avance.

La commission des affaires économiques vous proposera d'aborder avec une grande prudence les modifications proposées par le Sénat pour créer une appellation « vin de pays », ce qui semble prématuré, ou pour conforter la place de l'agriculture biologique au sein des interprofessions agricoles.

S'agissant de la partie du texte relative à l'emploi, l'examen du projet de loi a démontré qu'il y avait de très nombreuses mesures à prendre dans ce domaine. Il s'agissait notamment de développer le recours à de nouvelles formes d'emploi, telle la pluriactivité. Je n'oublie pas, monsieur le ministre, le rapport que vous avez rédigé sur ce thème il y a quelques années, ni le combat que, pendant plus de vingt ans, j'ai mené aux côtés de mes amis montagnards, ni le débat que j'ai eu ici même avec Mme Voynet, il y a six ans, sur les groupements d'employeurs et la souplesse que nous souhaitions leur donner pour permettre de réunir collectivités locales et employeurs privés. Mme Voynet et le précédent gouvernement voyaient là un mur infranchissable. Pourtant, à l'époque, même M. Brottes m'avait soutenu.

M. Jean Dionis du Séjour. Ça alors !

M. Jean-Paul Chanteguet. C'est faux !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le compte rendu de cette séance, que je tiens à votre disposition, en fait foi. M. Brottes et les montagnards étaient unis dans cette intention. Aujourd'hui, nous avons trouvé une solution, que le Gouvernement a approuvée. Je suis heureux que nous puissions porter remède à ce problème, grâce à un amendement qu'a adopté la commission. Je salue le courage dont vous avez fait preuve, monsieur le ministre, et la manière dont vous avez su dissiper certaines de ces réticences bien connues qui s'expriment du côté de Bercy. Les pluriactifs vous en sauront gré, car le projet de loi simplifie également leur régime de protection sociale, les règles régissant la scolarisation de leurs enfants et les règles de recrutement par un centre de gestion pour mettre un salarié à disposition soit du public soit du privé. Tout cela va dans le bon sens, et ce n'est pas M. Bouvard qui me contredira.

M. Michel Bouvard. C'est un grand progrès !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. S'agissant du volet relatif aux espaces périurbains et à la gestion foncière, le texte voté par le Sénat a certes bénéficié d'améliorations techniques et rédactionnelles, mais, sur plusieurs sujets importants, il s'inscrit en retrait par rapport à celui adopté en première lecture par l'Assemblée nationale. Je pense en particulier à l'obligation, supprimée par le Sénat et pourtant très souhaitable, de recourir à un décret pour pouvoir retirer un ou plusieurs terrains d'un périmètre de protection des espaces naturels et agricoles périurbains : supprimer cette garantie priverait d'intérêt ces périmètres et pourrait conduire à une spéculation foncière sans précédent. Nous allons donc faire en sorte de rétablir les dispositions que nous avions votées. J'espère que nous serons soutenus.

Je me joins en revanche à votre rapporteur, Yves Coussain, pour vous appeler à ne plus modifier les solutions techniques, équilibrées et consensuelles, que le Sénat a trouvées pour régler le délicat problème des distances d'implantation des bâtiments agricoles par rapport aux autres constructions. Là aussi, ce sont des avancées importantes.

Enfin, j'ai apprécié le discours de M. Lepeltier et approuve totalement les mesures qui ont été prises en faveur des zones humides. Nous avons bien travaillé, monsieur le ministre, mais certaines dispositions sont encore en débat, notamment celles qui concernent la chasse. Notre assemblée a clairement exposé son point de vue en première lecture et je ne pense pas qu'elle ait l'intention d'en changer en deuxième lecture, mais j'aimerais que, dans un esprit constructif, nous puissions aboutir aux accords qui permettront de faire voter, sur tous les bancs, les dispositions que notre excellent rapporteur Jean-Claude Lemoine a proposées. La commission, en tout cas, les défendra à ses côtés.

Je terminerai en évoquant les mesures qui concernent les zones de montagne. M. Saint-Léger en a longuement parlé. La politique de la nation en faveur de la montagne occupe un grand nombre des membres de cette assemblée. Le texte initial proposé par le Gouvernement avait pour premier mérite d'engager un débat national sur cette politique : permettez à l'Assemblée d'avoir le courage de le poursuivre et, surtout, la ferme intention de faire voter certaines dispositions.

Notre rapporteur a rappelé deux axes essentiels et j'approuve totalement ce qu'il a dit, ce qui ne doit pas le surprendre. Nous sommes déterminés à régler la question des lacs de montagne, que leur superficie soit inférieure ou supérieure à 1 000 hectares. Il n'est plus acceptable que se cumulent pour eux les inconvénients de la loi littoral, pour les plus de 1 000 hectares, et ceux de la loi montagne. Nous avons fait une proposition, à laquelle le Gouvernement a répondu en déposant un amendement. Nous l'approuvons, mais allons le sous-amender, espérant ainsi trouver un équilibre entre la position de notre commission et l'amendement du Gouvernement. C'est ce qui a conduit tout à l'heure le rapporteur à retirer, à ma demande, nos amendements sur le changement de 1 000 à 1 500 hectares. Notre sous-amendement sera défendu avec détermination. Je ne doute pas que nous trouverons un accord.

Le dernier point que je souhaite aborder est celui de la limite de constructibilité sur les routes à grande circulation de 75 mètres pour les grandes routes ou de 100 mètres pour les autoroutes. C'est un combat que je mène depuis un certain temps.

Mme Henriette Martinez. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ma collègue des Hautes-Alpes, Henriette Martinez, a également déposé un amendement qui va dans ce sens. Je crois avoir trouvé, avec le Gouvernement, une rédaction définitive − je la considère en tout cas comme telle. La commission s'est ralliée à cet amendement, qui a l'accord du Gouvernement.

Mme Henriette Martinez. C'est encore mieux !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous n'avons pas l'intention de reculer sur ce point et espérons que les membres de la commission des affaires économiques seront présents pour faire prévaloir le bon sens.

M. François Brottes. Il y a le feu au lac ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ces mesures éviteraient que la suradministration et la surprotection continuent d'empêcher qui que ce soit de lever le petit doigt dans ces zones de montagne où, malheureusement, les contraintes entravent la constructibilité lorsque les collectivités territoriales ont l'intention de développer leur territoire.

Voilà : j'ai dit l'essentiel de la réforme que nous souhaitions engager. Le travail n'est pas achevé. Nous allons faire en sorte de l'achever ensemble. Pour ma part, je vais jouer mon rôle de président, en soutenant nos trois rapporteurs, qui ont accompli un travail excellent, et en relayant l'engagement déterminé de l'ensemble des membres de la commission des affaires économiques - je prie les parlementaires qui n'en font pas partie de m'excuser mais le débat en commission a été tellement passionnant cet après-midi que je tiens à rendre hommage à tous les participants, quels que soient les bancs de l'Assemblée sur lesquels ils siègent, car j'ai cru comprendre que, de ce côté-là, on nous soutenait également, n'est-ce pas, monsieur Brottes, ce que je trouve positif.

M. François Brottes. Arrêtez de me citer, cela va finir par me créer des ennuis. (Sourires.)

M. Jean Dionis du Séjour. Ce n'est pas bon pour lui !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous allons donc défendre nos convictions jusqu'au bout. Puis la démocratie fonctionnera, messieurs les ministres. Mais je suis certain que c'est avec enthousiasme qu'en fin de compte nous voterons, tous ensemble, ce texte, qui sera à l'honneur du Gouvernement et d'une majorité bien décidée à faire en sorte que ce texte fasse avancer la cause des territoires ruraux dans la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. André Chassaigne, pour une durée qui ne peut excéder trente minutes, mais il n'est pas obligé d'utiliser totalement ce temps de parole, surtout qu'il s'agit d'une deuxième lecture.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a maintenant dix mois, notre assemblée a débattu pendant trois semaines de l'avenir des territoires ruraux en France. Ces débats ont été, je crois, de haute tenue. Ils ont au moins permis à tous de prendre conscience de la gravité de la situation, même si nos approches sont différentes, et de la nécessité de stopper la spirale de la désertification.

Au nom des députés communistes et républicains, j'espère avoir personnellement contribué à la qualité de ces débats et à quelques-unes des rares avancées obtenues à l'issue de la première lecture.

M. Jean Dionis du Séjour. Incontestablement !

M. François Brottes. C'est indéniable.

M. André Chassaigne. Ce projet de loi nous revient donc aujourd'hui pour une deuxième lecture.

De l'analyse des dispositions introduites au Sénat se dégage l'impression que le document a bien mal supporté l'été. Comme si la chaleur et le soleil, que l'on n'a pourtant vu que par intermittences, avaient exacerbé sa dilatation. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Le texte s'est en effet considérablement allongé depuis sa présentation par le Gouvernement. Un grand nombre de parlementaires ont incontestablement fait preuve d'une grande créativité sur le sujet. Sans aucun doute, l'imagination est enfin revenue au pouvoir !

M. Yves Coussain, rapporteur. Merci !

M. André Chassaigne. Si la qualité d'une loi se mesurait à sa longueur ou à son élasticité, nous aurions toutes les raisons d'être optimistes pour le développement de nos territoires. Nous pourrions enfin annoncer des lendemains qui chantent !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Comme c'est beau !

M. André Chassaigne. Ce n'est malheureusement pas le cas.

L'avenir des territoires ruraux n'est pas conditionné par une simple juxtaposition de dispositions de circonstance, de nouveautés techniques parcellaires ou d'articles de convenance, aménageant à la marge la législation existante, par exemple sur la montagne, le littoral ou la chasse. Alors qu'un nouveau débat en semi-marathon s'engage aujourd'hui, je crains fort que, à aucun moment, nous ne traitions les problèmes de fond et que nous nous contentions, grâce à une bonne maîtrise technique du droit, de surfer sur les difficultés de nos concitoyens ruraux.

En contrepoint, j'exposerai pour ma part les questions à mon avis fondamentales auquel ce projet de loi aurait dû s'attaquer s'il avait porté une réelle ambition pour le monde rural.

Tout d'abord, il aurait fallu modifier radicalement la prise en compte de la question de l'accès au service public et aux services au public. C'est en fait une des principales préoccupations de nos concitoyens ruraux.

M. Jean Dionis du Séjour. En effet.

M. André Chassaigne. Ce devrait être le préalable à toute discussion sérieuse sur l'avenir de nos territoires.

Sans établissement scolaire, sans bureau de poste ou cabinet de médecin, sans connexion aux réseaux de communication, sans accès à la culture, nos territoires n'ont aucune chance de sortir de la spirale du sous-développement dans laquelle ils sont enferrés.

M. Jean Lassalle. C'est vrai !

M. André Chassaigne. L'absence de dispositions fortes ou d'engagements sur le sujet dans ce projet de loi est extrêmement préoccupante. Toute fermeture nouvelle de service hospitalier, de perception, de commerce de proximité, et j'en passe, ne fait que compliquer davantage la problématique du développement rural et condamner toute évolution favorable future.

Comment pouvez-vous légitimement espérer renforcer l'attractivité des territoires ruraux si non seulement vous n'essayez pas d'améliorer la couverture en services publics de proximité, mais si, en plus, vous laissez ces services publics disparaître les uns après les autres ? Aucune famille, si désireuse soit-elle de vivre à la campagne, ne s'installera en zone rurale sans école ou collège de proximité pour les enfants, sans médecin ou hôpital, sans services de postes et télécommunications.

En réalité, vous avez engagé nos territoires, à partir de la toute première restructuration globale de services publics, dans un cercle vicieux qui aboutit aujourd'hui à la situation que nous connaissons : des territoires périurbains, rurbains dit-on aussi, en croissance démographique, certes, mais sans réelle dynamique de développement, des zones rurales plus éloignées en voie de désertification, vieillissantes, attirantes pour les touristes pendant trois mois d'été et pour nos voisins anglais et hollandais en mal de nature et en quête d'habitat à meilleur marché.

M. Jean Lassalle. Ça, c'est vrai !

M. André Chassaigne. S'il est aujourd'hui, par exemple, impossible pour le maire d'une petite commune isolée de trouver un remplaçant au médecin généraliste du village qui part à la retraite, ce n'est pas parce que le chiffre d'affaires du cabinet médical est insuffisant, c'est parce que son village est incapable d'offrir à ce médecin et à sa famille une qualité de vie décente. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est aussi parce que le médecin sera obligé de faire des dizaines de kilomètres pour rendre visite à ses patients, assurer sans cesse des services de garde. C'est parce que sa femme ne pourra trouver un emploi dans une zone aussi déserte. C'est parce que ses enfants, pour aller au lycée, devront quitter leurs parents et aller à l'internat. C'est parce que l'hiver, du fait de la baisse des moyens des directions départementales de l'équipement, les routes départementales ne sont plus déneigées, comme elles pouvaient l'être il y a une dizaine d'années. C'est parce que les rares week-ends où ce médecin ne sera pas de garde, il devra faire des dizaines de kilomètres pour aller en famille au cinéma ou au théâtre !

M. Jean Lassalle. Il n'y en a plus chez nous !

M. Michel Piron. Alphonse Allais disait qu'il fallait mettre les villes à la campagne !

M. André Chassaigne. Mais au-delà de ce constat, somme toute banal, que chacun d'entre nous peut faire, l'avenir des services publics nous paraît d'autant plus menacé aujourd'hui que vous cherchez à imposer, au gré d'alliances politiques particulièrement éclairantes, un traité constitutionnel européen qui doit entériner la disparition des services publics, au nom d'une sacralisation de la concurrence aussi dogmatique que dangereuse. Ce n'est pas moi qui invente que l'Union a pour objectif d'offrir à ses citoyens un « marché unique où la concurrence est libre et non faussée », c'est l'article I-3 du projet de Constitution européenne. Ce n'est pas moi qui affirme que ce marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel « la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux est garantie conformément aux dispositions de la Constitution », c'est l'article I-4 du projet de Constitution.

Le monde rural traverse une crise grave. Comment en est-on arrivé à une telle situation ? Comment a-t-on pu laisser ces territoires tomber dans une telle déshérence ?

M. Michel Piron. La question est bonne !

M. André Chassaigne. Bien sûr, nous pourrions dire que, si ces territoires se sont dépeuplés, c'est avant tout du fait de l'exode rural, des fantastiques gains de productivité réalisés dans l'agriculture depuis 1945, lors de cette fameuse « révolution silencieuse », pour reprendre le titre d'un ouvrage de mon concitoyen Michel Debatisse. Mais cette réalité technologique et économique occulte une autre réalité, celle de l'exploitation et de la domination du monde rural par les banques, les industries agroalimentaires et la grande distribution.

Les industries présentes en zone rurale sont essentiellement des industries de main d'œuvre dites à faible valeur ajoutée. Non pas parce que le travail qui y est réalisé est peu rentable, mais parce que son produit est acheté à faible prix par les maisons mères de ces entreprises ou par leurs donneurs d'ordres : la valeur ajoutée ainsi créée en zone rurale est aussitôt accaparée et centralisée. Et les travailleurs ruraux sont contraints de survivre avec des salaires de misère.

Ces stratégies industrielles sont bien évidemment à l'origine de l'appauvrissement des territoires ruraux. À force de sous-payer leurs salariés et de ne leur offrir aucune perspective de carrière, du fait de la faiblesse de la formation professionnelle continue dans ces territoires (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), à force de privilégier l'emploi sous qualifié, le plus exposé à la concurrence internationale, nos territoires voient se réduire toujours davantage le nombre de leurs actifs qualifiés.

La problématique est malheureusement la même dans le domaine agricole. Le produit du travail des agriculteurs, en l'absence de prix rémunérateurs, est bien souvent acheté à des prix terriblement bas, soit directement par les centrales d'achats, soit par des coopératives locales souvent impuissantes devant les prétentions des grands groupes de l'agroalimentaire et de la grande distribution.

M. Jean Dionis du Séjour. C'est vrai !

M. André Chassaigne. Là encore, la valeur ajoutée créée à la campagne ne profite qu'à de grands groupes capitalistes et à leurs actionnaires.

Ce sont ces logiques qui, avant toute chose, ont transformé le monde rural et qui expliquent que les progrès et les mutations de l'agriculture ont conduit à son appauvrissement. D'autant plus que, même faible, la valeur ajoutée à la campagne n'y est jamais réinvestie !

Cette lame de fond libérale a, de la même façon, encouragé la réorganisation et le repli de l'État sur quelques missions régaliennes, avec l'abandon de l'idée, pourtant consubstantielle à l'idéal républicain, de la solidarité nationale.

M. Jean Lassalle. C'est vrai !

M. André Chassaigne. La Poste, EDF, l'hôpital, la SNCF étaient, il y a quelques années encore, des modes d'intervention directe de la part de l'État, justifiés notamment par sa politique d'aménagement du territoire. Si les responsabilités de l'État en la matière n'ont jamais été officiellement remises en cause, les autorités publiques n'en ont pas moins, petit à petit, pas à pas, organisé l'abandon. Le démembrement de l'État a été l'instrument privilégié de ce grand renoncement, comme en témoigne la trajectoire de la Poste.

Elle a d'abord été une administration, au service des citoyens. Personne alors ne cherchait à évaluer sa rentabilité. Elle était constituée, avant tout, pour remplir une mission dont les bienfaits, pour la population, ne peuvent se calculer ou être évalués au travers d'un bilan comptable. Elle a été progressivement transformée en établissement public industriel et commercial, jusqu'en société anonyme de droit commun. Au fil de cette métamorphose et de son éloignement de l'État, l'importance de ses missions n'a pas résisté à une confrontation avec un bilan comptable, à une conception mercantile du service rendu.

Et comme résultat de ces démembrements, le patron de la Poste engage aujourd'hui le sabordage pur et simple de ce qu'il ne veut même plus appeler « service public ».

M. Jean Lassalle. Eh oui !

M. André Chassaigne. À court terme, 6 000 bureaux de poste seront ainsi fermés, avec, pour substitut, la multiplication d'agences postales à financement communal, voire des « points-contacts » confiés à des opérateurs privés.

M. Michel Piron. Pour rendre un meilleur service.

M. Joël Giraud. Un commerce, c'est ouvert cinquante heures par semaine !

M. André Chassaigne. Avec pour objectif de maintenir provisoirement quelques missions résiduelles. Ce sont encore de nouveaux emplois qui disparaîtront, de nouvelles pertes d'activités, de nouveaux signes d'abandon définitif d'une partie de notre territoire.

Tant que l'État et ses démembrements laisseront nos territoires se vider de leurs services publics, tant que les pouvoirs publics soutiendront des logiques économiques qui poussent à déposséder les acteurs économiques du monde rural des richesses qu'ils génèrent, aucun projet de développement du monde rural ne sera viable.

Dans cet environnement général particulièrement défavorable, ce n'est pas être volontariste mais, au contraire, manifester sa résignation que de confier aux seules collectivités territoriales la responsabilité du développement des territoires ruraux, comme ce projet de loi nous y invite de fait. Une telle orientation revient, ni plus ni moins, à faire le deuil de nos services publics et du principe de solidarité nationale. Elle vise en réalité à ne donner aux communes que des pouvoirs d'accompagnement de la désertification.

C'est une attitude d'autant plus sournoise que ce projet ne prévoit pas, si l'on excepte quelques exonérations fiscales marginales, un quelconque effort financier supplémentaire de l'État à destination des collectivités territoriales rurales les plus en difficulté. Bien au contraire. Les quelques dispositions fiscales proposées se limitent à de nouveaux cadeaux pour les investisseurs immobiliers ou pour les entreprises dans des espaces qui sont par ailleurs des concentrations de pauvreté. Comme si le développement économique devait résulter de seules initiatives individuelles prises par quelques investisseurs ! Cette logique économique ne fonctionne pas. Elle ne répondra pas aux problèmes qui sont ceux de nos concitoyens ruraux.

Si aucun moyen supplémentaire n'est prévu pour les territoires ruraux, les dépenses nouvelles seront au menu de toute collectivité désirant favoriser, par exemple, le maintien d'un service public ou attirer un jeune médecin. On connaissait le précepte biblique « Aide-toi, le Ciel t'aidera ! » (Exclamations sur divers bancs),...

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. André Chassaigne. ...qui accompagnait justement, voilà peu, le développement local. Avec ce projet, comme d'ailleurs avec les nouvelles lois de décentralisation, vous en inventez un autre, plus conforme à vos orientations politiques : « Aide-toi, le Ciel t'abandonnera ! ». (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La loi dite de « responsabilités locales », imposée au forceps cet été à la représentation nationale et dont l'esprit général est si proche du texte que nous devons débattre aujourd'hui, marque bien l'abandon par l'État de toutes ses missions historiques en matière d'aménagement du territoire. Ainsi, alors que le Sénat, en seconde lecture, avait adopté un amendement reconnaissant que le domaine routier national assure aussi le développement équilibré des territoires, le Gouvernement, avec son coup de 49-3 à l'Assemblée, a pu amender le texte pour y ôter toute référence à ce développement équilibré. Les communes et les départements savent donc parfaitement à quelle sauce ils seront mangés : pour assumer ces charges financières nouvelles, les conseils généraux seront contraints de réduire leurs dépenses dans d'autres domaines, notamment le soutien aux petites communes rurales.

Toutes ces mesures ne feront qu'aggraver les inégalités régionales. Sans volontarisme politique d'envergure nationale pour nos campagnes, sans autre idée que d'encourager d'improbables investisseurs à venir dans des zones que les pouvoirs publics désertent, vous faites le choix de dessiner de nouvelles fractures territoriales.

Ainsi, messieurs les ministres, ce projet de loi se contente d'effleurer les problématiques fondamentales agitant le monde rural pour mieux accompagner l'adaptation de notre société aux dogmes rigides du libéralisme financier. A trop chasser le loup, on en oublie parfois qui sont les vrais prédateurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Quelle ironie que ce texte nous revienne, aujourd'hui, en seconde lecture, après l'avalanche de coups portés, ces derniers mois, aux territoires ruraux ! Les prix des fruits et des légumes, ainsi que du vin, ont connu cet été une nouvelle phase de baisse absolument insupportable.

M. Jean Dionis du Séjour. C'est vrai !

M. André Chassaigne. Les agriculteurs comme les viticulteurs ont pu, à l'occasion de ces crises, mettre le doigt sur les marges anormales de la grande distribution, sur la nécessité de fixer des prix planchers protecteurs et sur la faiblesse du pouvoir d'achat des ménages. Le Gouvernement a préféré éluder ces questions fondamentales, ne répondant de fait que partiellement aux problèmes soulevés par les producteurs, préférant les compagnes de communication et les effets d'annonce à des réformes structurelles et des solutions durables.

Parallèlement, le Gouvernement s'est engagé dans l'application de la nouvelle politique agricole commune. Nous savons tous ici que l'introduction de ce « paiement unique par exploitation » permettra aux propriétaires fonciers de toucher des aides sans lien avec une quelconque production agricole. La baisse des prix agricoles, objectif principal de Bruxelles dans cette réforme, n'est ni plus ni moins qu'un encouragement, pis, un véritable soutien public à l'abandon des terres et à l'extinction progressive de l'activité agricole en France ! Avec cette réforme, les exploitations intensives qui touchent beaucoup d'aides aujourd'hui continueront à en toucher autant, tandis que les exploitations extensives de montagne et des marges du Massif Central n'auront toujours que des miettes... La multiplication de déclarations démagogiques à tonalité écologique sur cette réforme convainc peut-être quelques urbains bucoliques peu au fait de ces questions. Elle ne trompe pas les paysans.

M. Jean Lassalle. C'est vrai !

M. André Chassaigne. Nous avons d'autant plus de raisons d'être inquiets pour l'avenir de notre agriculture que le ministère vient de confier la présidence de la commission chargée de préparer la loi d'orientation agricole à un journaliste aussi médiatique que réactionnaire (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), porte-parole des intérêts du grand patronat ultralibéral. (« Ah ! » sur les mêmes bancs.) Ne déclarait-il pas récemment : « Le libéralisme n'est pas une maladie honteuse. Je ne crois pas qu'il y ait d'autres modèles possibles. Pour défendre nos intérêts, je crois plus aux individus qu'à la collectivité. Je reproche à la droite de ne pas toujours assumer le fait qu'elle est à droite. » (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Quant au projet de budget pour 2005, lui aussi porte un nouveau coup aux habitants des territoires ruraux. Le budget de l'agriculture est en baisse de 1,8 %,...

M. Jean-Paul Garraud. C'est faux !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Il est stable !

M. André Chassaigne.... alors même que l'inflation est de 2 % environ. Au vu des augmentations de prix durement ressenties par les Français, cette baisse, qui affecte notamment le financement des contrats territoriaux d'exploitation et des dépenses liées à la valorisation des productions, est tout bonnement impressionnante.

C'est un signe d'autant plus négatif pour les territoires ruraux que le budget de l'éducation nationale prévoit la suppression de plus de 5 500 postes d'enseignants et que nous avons toutes les raisons de penser que ces suppressions de postes toucheront avant tout les établissements situés en zone rurale. A tel point que nous pouvons nous interroger sur la capacité actuelle de l'État à maintenir une présence publique forte de lieux d'accueil scolaire en France. En effet, les écoles à classe unique, si l'on en croit les prévisions budgétaires pour 2005, passeraient de 14 840 à 13 046. Et pendant ce temps, parmi les dispositions sur l'école figurant dans ce projet de loi, on trouve un article qui vise à renforcer les attributions de l'enseignement agricole privé.

Ce qui menace, c'est bien sûr l'exacerbation de l'isolement de nos concitoyens. La Poste constituait, autrefois, un symbole des liens existants entre tous les citoyens de ce pays. Elle marquait la volonté de la République de donner à tous les moyens de communiquer et de rompre toute forme d'isolement. Cette mission, la Poste l'a abandonnée. Je l'ai dit : 6 000 bureaux de poste bientôt fermés et 60 000 salariés qui s'interrogent sur leur avenir professionnel. On ne court pas les marchés financiers sans conséquences sociales ! On ne se courbe pas devant les actionnaires sans que nos territoires en subissent les conséquences !

Le téléphone ou l'Internet pourraient constituer des alternatives techniques crédibles au jeu de massacre soutenu par la direction de La Poste. Sauf qu'au-delà des belles promesses du Gouvernement, les territoires ruraux ne sont toujours pas connectées à l'Internet haut débit...

M. Jean Dionis du Séjour. C'est faux !

M. Jean-Paul Garraud. Il faut redescendre sur terre !

M. André Chassaigne. ...et le développement de la téléphonie mobile est bloqué depuis deux ans (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) malgré de remarquables rodomontades. J'en veux pour preuve le rapport de Nicolas Forissier sur le sujet !

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Rédigé il y a deux ans !

M. André Chassaigne. Les pylônes devaient être installés début 2003, M. Delevoye l'avait promis. Nous les attendons toujours !

M. Antoine Herth. Vous ne croyez pas à ce que vous dites ! Votre sourire vous trahit !

M. André Chassaigne. Dans le même temps, la situation du service public de téléphonie fixe se détériore d'année en année, et la privatisation de France Télécom va encore l'empirer.

Au vu de ces analyses, ce texte suscite un nombre croissant d'interrogations. Que reste-il aujourd'hui des grandes promesses lancées par le Gouvernement, à son arrivée en 2002, pour résorber le malaise persistant du monde rural ? La « grande loi » rurale promise n'est plus qu'un inventaire à la Prévert - la poésie en moins - d'articles sans consistance, qui briseront autant les derniers espoirs mis par certains de nos compatriotes en ce projet de loi que les dernières formes de solidarité existant encore à la campagne. La « grande loi » rurale a la particularité d'être interminable tout en éludant les questions fondamentales auxquelles nous sommes confrontés dans nos circonscriptions. Ce qui effraie le plus dans ce projet de loi et le rend inexcusable, ce n'est pas ce qu'il dit ; c'est ce qu'il néglige ou refuse de dire.

Les principales dispositions législatives adoptées dernièrement et concernant la ruralité ont même été votées dans d'autres projets de loi que celui-ci. Ainsi, la loi Douste-Blazy de démantèlement de la sécurité sociale (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) comporte des dispositions, d'ailleurs inefficaces, destinées à favoriser l'installation de médecins en zone rurale. Et cette même loi saborde, de facto, la Mutualité sociale agricole, qui sera bientôt absorbée dans la mégastructure bureaucratique...

M. Jean-Paul Garraud. Parole d'expert !

M. André Chassaigne. ...appelée à chapeauter toutes les caisses d'assurance maladie. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Pas du tout !

M. André Chassaigne. C'est évidemment un nouvel acteur social de la ruralité qui est franchement déstabilisé par le Gouvernement.

De la même façon, l'enterrement du service public de La Poste est prévu par un autre projet de loi, qui devrait bientôt être examiné par notre assemblée.

Parce que ce texte manque totalement d'ambition pour le monde rural, parce qu'il se contente de forcer nos territoires à s'adapter aux préceptes libéraux des adeptes de la marchandisation du monde, parce qu'il contrevient manifestement au principe constitutionnel d'égalité, puisque seuls quelques hypothétiques investisseurs pourront profiter de ces nouvelles mesures, pour toutes ces raisons il paraît impossible que notre assemblée ne vote pas l'exception d'irrecevabilité.

Pour conclure, permettez au député de Thiers-Ambert que je suis, à défaut de citer l'Ambertois Vialatte, de résumer ce projet de loi dans un aphorisme bien thiernois : « Un couteau sans lame auquel il manque le manche ». (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Piron. Quelle chute, en effet !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur Chassaigne, chacun aura reconnu votre sens de la nuance (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et votre talent ! Pour le reste, je ne vois pas en quoi ce projet serait irrecevable. Nous sommes là pour discuter de l'avenir des territoires ruraux, et si nous partageons certains constats, il se peut naturellement que nous divergions sur les remèdes.

Vous avez évoqué des sujets auxquels nous aurons l'occasion de revenir puisque nous avons beaucoup d'amendements à examiner. Je tiens néanmoins à évoquer les questions de l'Internet haut débit et de la téléphonie mobile, que Nicolas Forissier connaît bien. Le Gouvernement, notamment sous l'impulsion de Jean-Paul Delevoye, a fait tout ce qui ne l'avait pas été précédemment, les annonces clinquantes intervenues lors d'un certain CIADT de Limoges n'ayant jamais été suivies d'effet.

Puisque vous avez rappelé un proverbe auvergnat, monsieur Chassaigne, vous me permettrez de citer une phrase d'Alexandre Vialatte qui relativisera chacune de nos pauvres vies : « L'homme n'est que poussière, c'est dire l'importance du plumeau. » (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité.

La parole est à M. Daniel Garrigue, pour le groupe UMP.

M. Daniel Garrigue. Nous vous avons écouté avec attention, monsieur Chassaigne, pendant que vous présentiez cette exception d'irrecevabilité qui n'en était pas tout à fait une puisque, à aucun moment, vous n'avez soulevé d'argument de nature à remettre en cause la constitutionnalité du projet de loi. En revanche, vous vous êtes lancé dans un long plaidoyer extrêmement pessimiste pour la défense des services publics en milieu rural.

M. André Chassaigne. En effet !

M. Daniel Garrigue. Tous les députés de notre groupe qui ont suivi la préparation du texte, en y prenant une part souvent très active, partagent vos inquiétudes sur l'avenir de ces territoires et de leurs services publics. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles ils ont déposé de très nombreux amendements en vue d'enrichir le projet. Mais la manière dont nous abordons ce problème est extrêmement différente de la vôtre.

Tout d'abord, nous pensons que rien n'est inéluctable et qu'il est toujours possible de corriger certaines évolutions. Nous croyons en effet que l'État peut reprendre un rôle déterminant dans la présence des services publics en milieu rural. D'ailleurs, plusieurs amendements - notamment celui adopté au Sénat, qui tend à renforcer les moyens du préfet départemental pour imposer aux responsables des grands services publics une concertation indispensable lorsqu'ils prévoient des redéploiements - vont dans le sens que nous souhaitons. Ces dispositions devraient, je pense, répondre également à vos préoccupations.

Par ailleurs, nous sommes convaincus que le service public en milieu rural a beaucoup à gagner à un partenariat plus actif entre les différents services de l'État, les grands services publics et les collectivités. N'est-ce pas l'ambition de ce texte que d'essayer sur bien des points d'organiser ce partenariat ?

Reste que, dans certains cas, les services publics en milieu rural doivent évoluer. Sur le problème de la téléphonie mobile et des réseaux à haut débit, que vous avez évoqué, on ne s'était jamais engagé aussi fortement que ne l'a fait le Gouvernement au cours des deux dernières années. Les dispositions qu'il a prises permettent des avancées que nous pouvons chaque jour vérifier sur le terrain.

Enfin, monsieur Chassaigne, il ne faut pas confondre une image passéiste du service public avec la satisfaction des usagers. Certaines formules, sans doute différentes de celles auxquelles vous êtes attaché, offrent aux usagers des possibilités bien plus grandes que par le passé. Par exemple, si attaché que je sois à la présence de La Poste sur le terrain et au rôle des postiers - comme nous tous, d'ailleurs -, j'ai pu constater que les points Poste adossés à des acteurs privés, notamment des commerces, offrent une amplitude d'ouverture bien supérieure à celle des services postaux traditionnels et que la satisfaction des usagers s'en trouve renforcée.

M. Jean Dionis du Séjour. Eh oui !

M. François Brottes. Peut-être, mais le service n'est pas le même !

M. Daniel Garrigue. Sur ce point, il faut adopter une approche plus pragmatique.

J'ajoute, parce que vous ne l'avez pas indiqué, que ce projet de loi comporte un ensemble de dispositions destinées à assurer le développement économique des territoires ruraux et qu'il vise à protéger les espaces naturels en organisant une meilleure concertation. Ces deux dimensions nous paraissent justifier l'adoption du texte et le rejet de l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, pour le groupe socialiste.

M. Jean Launay. La longue plainte d'André Chassaigne n'avait rien de misérabiliste. Avec beaucoup de dignité, il a dressé un constat sans faille ni concession des réalités si diverses que recèlent nos territoires ruraux. Il les connaît, comme nous tous.

Tant que notre pays laissera la déshérence du monde rural se poursuivre de façon inexorable et tant que nous laisserons nos gouvernements tailler dans les branches rurales du service public plutôt qu'à sa tête, les démembrements continueront, malgré l'adoption du texte que le Gouvernement nous propose, avec son cortège de mesures d'affichage. André Chassaigne l'a dit fort justement : ce n'est qu'un inventaire d'articles sans consistance.

Par ailleurs, il a dénoncé à juste titre l'adoption forcée de la deuxième vague de décentralisation. Nous pensons comme lui que les conseils généraux vont devoir renoncer, sous l'effet de la contrainte financière, à soutenir les communes rurales, alors qu'ils avaient su maintenir le tissu rural en garantissant, par leurs politiques d'aménagement, sa dignité et son attrait.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Ce n'est pas le président qui dira le contraire !

M. Jean Launay. Dans sa forte conclusion, André Chassaigne a souligné que ce texte contrevient au principe constitutionnel d'égalité. Notre groupe votera donc avec lui l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe UDF.

M. Philippe Folliot. Nul ne peut contester le bien-fondé de certains des propos très justes de M. Chassaigne. Par ailleurs, tous ceux qui se trouvent ce soir dans l'hémicycle sont sensibles à son attachement au monde rural, parce qu'ils le partagent.

Mais, pour peu qu'on s'y arrête, le projet de loi ne paraît pas mériter un tel excès d'indignité. Il comporte en effet des avancées significatives pour le secteur rural, même s'il ne va pas aussi loin que nous ne le souhaiterions. En tout état de cause, la discussion permettra d'avancer. Soucieux d'être positif, notre groupe défendra d'ailleurs des amendements destinés à améliorer le sort de nos concitoyens qui vivent dans les territoires ruraux et qui ont trop souvent le sentiment d'être des laissés-pour-compte de la société. Si l'on écoute leurs aspirations les plus profondes, on comprendra qu'ils réclament non de l'assistance, mais davantage d'équilibre, d'équité et d'égalité des chances entre les différentes parties du territoire. Quelle France voulons-nous pour les dix, vingt, voire cinquante années à venir ? Voilà tout l'enjeu du débat que nous devons mener ensemble.

Le projet de loi a le mérite de proposer un début de réponse à certaines préoccupations du secteur rural. On peut penser qu'il ne va pas assez loin, mais on ne peut nier que l'orientation retenue par le Gouvernement soit la bonne.

C'est pourquoi le groupe UDF apportera au débat une contribution constructive. En aucun cas, il ne peut adopter l'exception d'irrecevabilité, la démonstration de M. Chassaigne, qui s'appuie au reste sur un constat plein de bon sens, n'ayant rien prouvé en matière d'inconstitutionnalité.

La majorité du groupe UDF émettra donc un vote négatif. Je parle bien de majorité car la liberté de vote est pour nous un principe essentiel. Notre ami Jean Lassalle se prononcera pour sa part en son âme et conscience, avec la liberté de ton qui le caractérise. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean Lassalle. Je m'abstiendrai, en effet.

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Nous abordons la discussion générale, au cours de laquelle je prierai chacun des orateurs inscrits de respecter le temps qui lui est imparti.

La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste.

M. François Brottes. Lorsque, en première lecture, nous avions longuement débattu de ce texte relatif au développement des territoires ruraux, nous étions remplis d'espoir, les uns et les autres, car, sur tous les bancs, nous mesurions à quel point l'inquiétude est grande aujourd'hui dans cet espace rural cher à nos cœurs et où se trouvent nos racines.

Par ailleurs, la promesse d'un rendez-vous majeur en vue de la modernisation de la loi montagne berçait d'espoir les élus de la montagne, qui restent par nature optimistes, comme vous avez pu encore le remarquer ce soir, sans cesser d'être vigilants. Je profite d'ailleurs de l'occasion pour remercier les membres du Gouvernement qui ont bien voulu répondre à l'invitation de l'Association nationale des élus de la montagne au congrès qui se tiendra la semaine prochaine.

Pour revenir à mon propos, la longueur des débats en première lecture n'a pas réussi à vous convaincre, monsieur le ministre, messieurs les secrétaires d'État, de donner plus de consistance à votre projet, si ce n'est, j'en conviens, en ce qui concerne la gestion du foncier. Les élections cantonales et régionales sont passées par là, avec les résultats qu'on connaît, qui ont démontré que le souffle de la loi rurale s'était plutôt transformé en tornade pour quelques exécutifs régionaux. Cela étant, j'ai parfaitement conscience que les espoirs soulevés puis déçus par ce texte ne furent pas la seule cause de cet ouragan électoral.

M. Jean Dionis du Séjour. Quelle leçon de lucidité !

M. François Brottes. La réforme de la politique agricole commune désespère les agriculteurs. Et que dire de l'obligation faite aux départements ruraux de financer la politique de la ville ? Je pense notamment à la contribution obligatoire des OPAC ruraux qui est destinée à financer l'Agence nationale de rénovation urbaine et pour laquelle ils n'ont aucun espoir de retour. Je pense encore à la spéculation foncière qui neutralise le maintien ou l'installation des jeunes à la campagne, ce dont la responsabilité n'incombe pas, il est vrai, au seul Gouvernement. Je pense encore au démantèlement scrupuleux, déjà évoqué, des services publics et de tous les services au public - école, maintenance et développement des réseaux d'énergie, téléphone, courrier, services financiers de La Poste ou des trésoreries -, sans parler de la disparition des médecins ou de l'absence des infirmières. Je pense enfin à la faculté que le Parlement vient d'accorder aux communes rurales les plus pauvres de se payer tous les services qui disparaissent, si elles veulent les maintenir, alors que les secteurs plus urbanisés en bénéficient sans intervention des collectivités locales, le marché étant, dans ce cas, suffisamment rentable.

Je n'ai pas le sentiment que les communes en question vivent cette nouvelle compétence, ce nouveau droit de payer, comme un privilège, ni qu'elles se contenteront du seul droit à une information préalable - même si celle-ci a lieu une année avant - sur ce qui, de toute manière, disparaîtra.

Comme un malheur n'arrive jamais seul, il se trouve que le Sénat, qui se targue d'être le défenseur du milieu rural et des petites communes, n'a pas fait dans le détail pour « ratiboiser » le texte issu de la première lecture de l'Assemblée.

M. Jean Launay. Il s'est couché !

M. François Brottes. En effet, bon nombre de mesures que nous avions votées, le plus souvent à l'unanimité, avec ou sans l'accord du Gouvernement, pour améliorer le projet sont passées à la trappe. Depuis, j'ai un peu de mal à saluer certains de mes collègues de la Haute assemblée sans commettre un lapsus fâcheux et irrévérencieux. Eux, qui sont devenus les champions du vocabulaire viticole, avec quelques amendements célèbres, mériteraient, pour le coup, qu'on les appelle parfois « Messieurs les Sécateurs » (Sourires sur les bancs du groupe socialiste - « Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), compte tenu de la taille sévère qu'ils ont appliquée à la mouture du texte issu de nos travaux.

Pour vous montrer que je ne suis pas mauvaise langue, et avant qu'on ne me coupe la parole, je vais vous donner un aperçu des résultats de cette pratique, qui relève d'ailleurs davantage de la sylviculture et de la tronçonneuse que de la viticulture et du sécateur. Qu'on en juge :

- la définition précise et l'élargissement des ZRR : supprimés ;

- le remboursement des aides publiques par les entreprises qui se délocalisent des zones rurales : supprimé ;

- la compensation par l'État de plusieurs nouveaux dispositifs : supprimée ;

- la facilité donnée aux communes rurales de pratiquer des loyers industriels attractifs : supprimée ;

- les dispositions favorables au maintien des écoles en milieu rural : supprimées ;

- la faculté de devenir des « stations classées » pour les petites communes qui n'ont que le tourisme pour se développer : supprimée ;

- la possibilité pour les interprofessions de se renforcer grâce au prélèvement de la cotisation volontaire obligatoire : supprimée ;

- la reconnaissance des activités d'agro-tourisme dans les GAEC (« Supprimée ! » sur les bancs du groupe socialiste) ;

- la reconnaissance de l'agriculture biologique dans les interprofessions (« Supprimée ! » sur les bancs du groupe socialiste) ;

- la relance de la trufficulture professionnelle et de qualité (« Supprimée ! ») ;

- le renforcement des droits des saisonniers en matière de formation professionnelle et de « déprécarisation » de leur contrat (« Supprimé ! ») ;

- la prise en compte des dégâts du sous-sol argileux pour les habitations : supprimée ;

- le droit accordé aux maires d'imposer l'enlèvement des déchets encombrants, visuellement gênants, chez des particuliers : supprimé ;

- la garantie d'un prix unique du timbre sur tout le territoire : supprimée ;

- l'autorisation exceptionnelle de reconquérir la friche pour réaliser les aménagements nécessaires en montagne au lieu d'empiéter encore sur les terres agricoles : supprimée ;

- l'obligation de solliciter un avis du conseil général sur la réorganisation des services publics : supprimée ;

- les obligations de l'État en matière de financement de la santé publique deviennent facultatives, les communes devant désormais assumer ces dépenses ;

- les dispositions de simplification de la mise en œuvre des associations foncières pastorales : supprimées ;

- le rapport annuel présenté par l'État au Conseil national de la montagne sur la mise en œuvre de l'effort de l'État : supprimé ;

- la facilité donnée aux communes de montagne de porter à plusieurs une délégation de service public, notamment en matière de remontées mécaniques : supprimée ;

- l'obligation de prendre en compte, dans les nouveaux projets immobiliers en montagne, le logement des saisonniers : supprimée ;

- les mesures favorables à l'équilibre agro-sylvo-cynégétique : supprimées ;

- l'incitation forte à rédiger des chartes forestières de territoire dans les territoires concernés : supprimée.

Cette liste n'est pas exhaustive, mais je m'arrête là, car le temps m'est compté. Il reste qu'une telle litanie montre à quel point nous devons, dans cette enceinte, retrouver le bon sens d'une ruralité moderne qui doit relever de nouveaux défis.

Pour être totalement juste avec le Sénat, je dois tout de même reconnaître que, sur quelques rares points, il est à l'origine d'avancées utiles : l'implication plus forte des collectivités dans les SAFER...

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Ajoutée !

M. François Brottes. ...le renforcement des opérations de réhabilitation de l'immobilier de loisir par des dispositions fiscales positives et l'élargissement des compétences territoriales, notamment en matière de tourisme. J'allais oublier la mise en œuvre d'une grande conférence annuelle de la ruralité, qui va certainement tout changer ! Sans doute la première se déroule-t-elle ce soir, monsieur le président, puisque les ministres sont presque aussi nombreux que les députés inscrits dans la discussion générale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Ce n'est pas vrai !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président - je vous adresse un salut particulier puisque la séance de ce soir est la première que vous présidez -, messieurs les ministres, mes chers collègues, le groupe UDF s'était préparé au travail de cette deuxième lecture en fonction du texte issu de la première, que nous avions jugé utile, mais impressionniste, voire pointilliste. Seulement voilà : entre la lecture au Parlement et la rentrée parlementaire, une crise majeure a secoué cet été nos campagnes, plus particulièrement l'ensemble de la filière des fruits et légumes. Dès lors, légiférer sur la ruralité sans réagir à la crise agricole qui la secoue serait proprement surréaliste.

Les producteurs, non seulement du Sud-Ouest, mais aussi de la vallée du Rhône ou de Bretagne, sont payés à peine pour la moitié du prix de revient de leurs productions. La violence, la nouveauté et le caractère structurel de cette crise - qui a ses racines dans la compétition intra-européenne et dans le rapport de forces particulièrement déséquilibré, en France, entre le monde de la production et celui de la distribution - nous obligent à saisir la représentation nationale dès aujourd'hui. Monsieur le ministre, je vous en supplie, ne nous répondez pas : « ce n'est pas le moment, on en reparlera lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de modernisation de l'agriculture » ! Ce projet de loi arrivera devant l'Assemblée nationale, au mieux, au premier trimestre 2005 et, comme il soulève des questions extrêmement sensibles, la loi ne sera pas applicable avant la fin 2006, alors que, sur le terrain, la question angoissante que se posent les agriculteurs est tout simplement la suivante : est-ce que j'arrête ou est-ce que je replante ?

Fils d'arboriculteur, je suis bien placé pour savoir qu'il y a à prendre et à laisser dans les plaintes de cette profession. Mais vous, monsieur le ministre, à qui chaque jour apporte son lot de crises conjoncturelles ou climatiques, entendez le message que nous vous adressons : cette crise ne ressemble à aucune autre. Elle appelle des réponses de fond, urgentes, à la fois sur le coût du travail agricole et sur les relations entre la production agricole et la grande distribution.

Les causes de ces crises, que l'on ne peut plus qualifier de conjoncturelles, sont bien connues de tous. En France, les filières « produits frais » pâtissent d'un manque structurel et dramatique de compétitivité, notamment dans le cadre de la concurrence intracommunautaire. Le coût du travail, excessivement élevé dans notre pays, pénalise ces filières à forte intensité de main-d'œuvre, notamment saisonnière. Il suffit de comparer le coût de l'heure de travail d'un saisonnier en Allemagne et en France - 6,15 euros d'un côté contre 8,52 euros de l'autre - ou d'un salarié en CDI en France et en Espagne - 10,52 euros contre 5,43 euros - pour comprendre que nos produits, bien qu'ils se distinguent par leur qualité, ne sont plus compétitifs sur le marché européen. L'Allemagne, les Pays-Bas et l'Espagne ont su adapter leur législation aux enjeux agricoles modernes et faire appel à une main-d'œuvre saisonnière étrangère abondante, en provenance des nouveaux États membres de l'Est - main-d'œuvre qui représente, dans certaines filières, 90 % des travailleurs saisonniers, soit 243 000 personnes en Allemagne, contre 10 000 en France.

Nous vous ferons, dans le cadre de l'examen de ce projet de loi, un certain nombre de propositions que nous avons élaborées en concertation avec les organisations professionnelles concernées. Nos amendements traitent en priorité des problèmes de la main-d'œuvre saisonnière, française et étrangère, mais également de la main-d'œuvre permanente. Nous proposerons notamment la création d' « emplois francs agricoles », pour lesquels les charges patronales seraient réduites à 10 % pour une durée de cinq ans, quels que soient l'âge et le niveau de qualification du salarié en CDI. Les allégements Fillon ne suffisent pas, en effet, à compenser les fortes revalorisations du SMIC en 2004 et en 2005, notamment pour les entreprises qui recourent régulièrement aux heures supplémentaires, comme c'est le cas dans ces filières.

S'agissant des saisonniers, nous proposerons d'étendre le contrat « vendanges », créé à l'initiative de Charles de Courson, aux activités de récolte et d'en faire bénéficier à titre exceptionnel les travailleurs étrangers.

À toutes ces propositions, votre administration est programmée pour nous répondre qu'elle n'a pas de marges de manœuvre budgétaires. Mais au nom de l'ensemble des parlementaires du Lot-et-Garonne et de l'ensemble du groupe UDF, c'est à vous, monsieur le ministre, que je m'adresse, pour que vous nous apportiez une réponse politique : la France veut-elle jouer à armes égales avec les autres pays européens pour les produits frais qui se situent en dehors de la PAC ? Vous savez bien que la réponse ne viendra pas, ou marginalement, de l'Europe. Il faut donc une réponse dès la loi de finances 2005, avec de l'audace en matière de recettes. Nous vous proposerons de financer ces réductions de charges, que nous avons chiffrées à quelque 600 millions d'euros, en augmentant le taux de la TACA, prélevée sur la grande distribution, que nous proposons de rebaptiser « taxe d'aide aux commerçants, artisans et agriculteurs ».

Reste à aborder sans tabou la question des relations commerciales entre les producteurs et les agriculteurs. Beaucoup de choses ont été dites à ce sujet, notamment depuis que l'accord Sarkozy sur la baisse des prix à la consommation l'a fortement médiatisé. Je me contenterai de citer deux chiffres : des producteurs du Lot-et-Garonne ont vu leurs pommes payées 0,40 euro le kilo et revendues 2,40 euros dans toutes les grandes surfaces d'Agen, quelle que soit l'enseigne. Cela prouve, d'une part, que l'écart entre le prix d'achat et le prix de vente n'est plus tolérable, ni pour les producteurs, qui sont privés de marges d'investissement, ni pour les consommateurs, qui ne bénéficient pas des efforts de productivité des agriculteurs ; d'autre part, que l'entente commerciale au sein d'un oligopole de la grande distribution est une réalité et une menace qui pèse en permanence sur les agriculteurs.

M. Jean Lassalle. Très juste !

M. Jean Dionis du Séjour. Nous vous proposons donc une solution qui commence à faire l'unanimité dans le monde agricole, à savoir l'instauration, en période de crises, d'un coefficient multiplicateur liant le prix de vente au client final au prix d'achat au producteur.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le ministre, ne laissez pas passer l'opportunité qu'offrent ce texte et la discussion du budget pour 2005 d'apporter une réponse politique à la hauteur de la crise. Sinon cette loi ne serait qu'une boîte à outils, peut-être utile, mais insuffisante pour reconstruire une activité économique durable dans ces territoires. Il faut donc agir sans attendre la discussion du projet de loi de finances qui, pour le moment - mais nous tenterons de l'amender vigoureusement -, fait l'impasse sur la filière des fruits et légumes, et sans attendre l'examen du budget de l'agriculture, qui condamne déjà tous les espoirs, ou celui de la loi de modernisation et d'orientation agricole, qui viendra trop tard pour de nombreux exploitants.

S'agissant des autres volets du texte, le groupe UDF juge que certaines dispositions, adoptées à l'initiative du Parlement, sont utiles et pragmatiques. Il s'en trouve une qui montre à quel point la sagesse de la Haute assemblée n'est pas légendaire : je veux parler de l'assouplissement de la loi Évin qui va enfin permettre aux AOC viticoles de promouvoir la qualité de leurs produits. Le groupe UDF sera entièrement solidaire des députés UMP pour soutenir cette disposition qui n'est pas un appel immodéré à « la fête, au sexe ou au dépassement de soi », comme l'a déclaré de manière un peu imprudente notre collègue Claude Évin. Au contraire, l'amendement que notre commission a adopté est un amendement sobre, qui rappelle les objectifs de modération qui doivent figurer dans tout message publicitaire concernant un produit alcoolisé.

Il restera aussi à clarifier dans le détail les nouveaux critères intercommunaux des ZRR et à consolider le volet « chasse », considérablement amélioré par le Sénat, qui a obtenu gain de cause sur de nombreux amendements. À titre personnel, il y a un point auquel je tiens particulièrement et sur lequel je me battrai jusqu'au bout : c'est le maintien de la définition adoptée par le Sénat de l'autorisation de se déplacer d'un poste de chasse à l'autre à l'aide d'un véhicule. Revenir sur cette mesure serait une véritable provocation vis-à-vis des chasseurs de tout le Sud de la France.

Bref, on le voit bien, les enjeux ruraux sont tels que ce projet de loi ne peut être un texte portant « diverses dispositions d'ordre rural ». Il doit être doté d'une véritable colonne vertébrale, structurée autour des ZRR, qui vont enfin quasiment atteindre, sous la pression des élus ruraux, le niveau des efforts consentis en faveur des zones franches urbaines. Il doit également comprendre dès maintenant - car c'est urgent - un volet agricole ambitieux qui sera complété, le temps venu, par la loi de modernisation agricole, mais qui permettra de faire face rapidement aux crises des filières de produits frais situées en dehors de la PAC.

Le groupe UDF, qui s'était abstenu en première lecture, malgré l'intérêt des dispositions proposées, attend, monsieur le ministre, votre réponse aux événements dramatiques de cet été. Notre vote dépendra de la teneur de la réponse politique que vous nous ferez. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean Launay. Très bien !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, comme j'ai essayé de le démontrer en défendant l'exception d'irrecevabilité, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui est éminemment décevant. Nous avions pourtant pu faire état, lors des débats en première lecture, d'un diagnostic relativement partagé sur la gravité des fractures qui divisent les différents territoires de ce pays et du malaise de la France rurale.

Au-delà de ce diagnostic, nous partagions l'idée selon laquelle les problèmes du monde rural devaient s'appréhender de façon globale, approche qui est à l'origine du terme relativement récent de « ruralité ». En effet, parce que le monde rural, dans sa diversité, est en crise profonde et que les origines de cette crise sont multiples, il est tout à fait approprié de chercher à répondre au problème par une approche globale qui se traduise par une loi sur la ruralité. Seulement, nous ne pouvons accepter le texte final qui nous est proposé. Au-delà des intentions proclamées, ses principales lignes de force sont tout bonnement inacceptables.

Tout se passe, en effet, comme si, peu à peu, l'intervention publique en direction du monde rural se cantonnait au soutien à l'initiative privée, non sous la forme d'aides directes, mais par le biais de défiscalisations qui ne profitent, chacun le sait pertinemment, qu'à quelques investisseurs fonciers ou immobiliers, parfois même émigrés dans les vertes campagnes d'Auteuil, de Neuilly ou de Passy, plutôt qu'au cœur de nos départements ruraux.

Le choix fondamental de ce projet de loi reste en effet celui de l'incitation fiscale aux lieu et place de la dépense publique directe. De ce fait, il repose sur le seul culte de l'initiative privée, comme si la multiplication d'initiatives individuelles était à même de répondre à la crise des services publics, à la déprise démographique ou à la domination des territoires ruraux par les grands groupes capitalistes !

La quasi-totalité des initiatives individuelles menées dans ces territoires sont vouées à l'échec si elles ne bénéficient pas de forts soutiens publics. La construction volontariste de solidarités nouvelles à la campagne est indispensable. Là est le seul vecteur par lequel nous pourrons initier des dynamiques économiques et sociales conduisant le monde rural sur les voies d'un développement durable. C'est bien en cela que le renforcement de la présence des pouvoirs publics dans les campagnes est vital pour le développement des territoires ruraux.

Prenons la question de l'habitat, enjeu décisif à cet égard.

Votre projet de loi nous propose de favoriser l'investissement immobilier des particuliers. Mais il ne répond pas à la double exigence d'une relance de la construction sociale en milieu rural et d'une requalification sociale du bâti existant, préalables indispensables à l'installation de jeunes couples dans les villages. L'aide directe à la pierre s'efface encore une fois derrière l'incitation fiscale.

L'habitat rural, dans de nombreux cas, nécessite en effet une requalification, une amélioration du confort et une modernisation des équipements individuels et collectifs. Cela suppose des moyens que la faiblesse du budget de l'Agence nationale de l'habitat ne permettra pas de dégager.

De la même façon, un réel volontarisme supposerait que l'on s'attache véritablement au problème du financement des inidéveloppement des territoires ruraux. Le texte, en apparence, y apporte une première amorce de solution avec la création des sociétés d'investissement et de développement rural. Mais il n'aborde pas la question des réseaux bancaires mutualistes agricoles ou des réseaux d'épargne qui, s'ils collectent de plus en plus d'épargne, ne la réinvestissent pas dans nos campagnes. Votre loi rurale aurait dû réfléchir à la réorientation des stratégies de ces grands groupes financiers. Sans outil de financement spécifique et public, toutes les ambitions affichées par cette loi ne seront que chimères.

Le Crédit agricole, par exemple, à force de campagnes boursières, a aujourd'hui disparu en tant que pôle public de financement de l'économie rurale. « Le bon sens près de chez nous » n'est plus qu'un lointain souvenir. Ne serait-il pas souhaitable de revenir sur les évolutions stratégiques récentes de cette banque mutualiste ? Le Crédit agricole devrait redevenir une banque coopérative à l'ancrage territorial bien affirmé, avec des conseils d'administration régionaux composés de représentants des pouvoirs publics, des collectivités territoriales, des agriculteurs et des salariés du secteur agroalimentaire.

Je sais également, du fait de mon expérience d'élu local, combien la mobilisation de tous les acteurs sociaux de la ruralité est vitale pour donner une chance à ces territoires. Leurs habitants partagent une forte identité : un même patrimoine, une même aire géographique, une même histoire socio-économique. Ils peuvent être engagés dans la construction d'un avenir commun. Il faut pour cela leur faire confiance, leur donner des moyens de proposer et de mettre en œuvre des solutions. Dans des territoires très enclavés - je pense aux parcs naturels régionaux -, où les ressources paraissent faibles, nous avons constaté que des actions diverses et innovantes pouvaient enclencher une dynamique de développement. Aussi la participation des habitants à la gestion de leur territoire doit-elle être en permanence reconnue. Cela suppose de développer toutes les formes de participation individuelle et collective des citoyens à la vie politique et institutionnelle.

La démocratie locale doit être encouragée. Du débat et de la confrontation des idées émergeront plus facilement les idées nouvelles qui feront l'avenir de nos territoires. Les projets de développement seront d'autant mieux portés et soutenus qu'ils résulteront d'orientations politiques et économiques partagées par la population.

Voilà pourquoi nous proposerons, par amendement, que les conseils municipaux des communes rurales soient élus au scrutin proportionnel. Dans le prolongement de cette réforme, des espaces de démocratie directe devraient être constitués afin de permettre aux citoyens de s'approprier toutes les questions qui les intéressent directement, comme celle des services de proximité.

Il s'agit aussi de renforcer les lieux de débat dans les structures économiques du monde rural. Les délégués des chambres d'agriculture ou des administrateurs de la MSA devraient être élus au scrutin proportionnel ; la place des salariés agricoles devrait y être revalorisée. Il conviendrait enfin de promouvoir davantage de transparence dans les SAFER ou les CDOA. Autant de réformes qui permettraient de diversifier la composition de tous ces lieux de pouvoir.

Il faut également renforcer les modes de gestion collectifs et démocratiques des biens économiques existants en zone rurale. Peut-on accepter que le droit des sections de communes soit profondément bouleversé, en plein été, sans même que la représentation nationale ait été consultée ? Il aurait été préférable de se demander comment ces sections, comme formes de propriété collective, peuvent elles aussi contribuer au développement local : ainsi, la mise en publicité des compléments de revenu offert par les biens d'une section pourrait parfaitement convaincre des jeunes agriculteurs de s'installer dans nos montagnes. Au lieu de cela, la loi de décentralisation porte le coup de grâce aux sections.

Nous regrettons enfin que ce projet de loi ne comporte aucune disposition de nature à relancer l'économie rurale.

On nous dit, pour ce qui touche à l'agriculture, d'attendre une future loi d'orientation agricole. Seulement, la crise est là, et les agriculteurs attendent la réaction des pouvoirs publics. Toutes les organisations agricoles s'accordent à réclamer que l'on prenne à bras-le-corps la question des prix. Mais si le Gouvernement ne ferme pas totalement la porte, force est de constater qu'il ne montre guère d'empressement à se saisir du problème.

Pourtant, est-il nécessaire de rappeler que l'agriculture constitue le socle de l'économie rurale et que la baisse des prix, couplée à l'application de la prétendue réforme de la PAC, menace des dizaines de milliers d'exploitations ? De rappeler aussi que l'agriculture conditionne en partie l'avenir de l'industrie et des centaines de milliers d'emplois de l'agro-alimentaire ?

De la même façon, il eût été judicieux de se préoccuper de l'avenir de l'artisanat et du commerce rural. De plus en plus de ces petites entreprises sont amenées à fermer, soit faute de clientèle, soit du fait du départ à la retraite de leurs propriétaires. Dans quelques années, la situation deviendra vraiment tendue dans nos campagnes. Et vous ne proposez rien !

Face à ce problème, il existe pourtant des possibilités pour intervenir, qui ne reposent pas sur l'aveugle confiance en la seule initiative individuelle. Le renforcement des coopératives d'activité et d'emploi et des sociétés coopératives d'intérêt collectif devrait, par exemple, être soutenu.

Les coopératives d'activité et d'emploi sont des structures d'accompagnement qui permettent de mutualiser les interventions d'artisans ou de commerçants dans une même zone géographique. Elles mettent ainsi en place des procédures d'accompagnement spécifiques, notamment pour les professionnels qui s'installent, appropriées à la réalité des espaces ruraux. Ces coopératives sont basées sur le principe selon lequel, pour entreprendre et réussir, il est nécessaire de coopérer : chacun et chacune peut y développer son activité, mais tous les coopérants participent au développement de la structure globale.

Les SCIC permettent quant à elles d'associer celles et ceux qui, salariés, usagers, bénévoles, collectivités territoriales ou tous autres partenaires, veulent agir ensemble dans le cadre d'un même projet de développement local. Elles ont vocation à produire tous types de biens et services qui répondent aux besoins collectifs d'un territoire par la meilleure mobilisation possible de ses ressources économiques et sociales.

On rencontrera toujours des obstacles juridiques ou fiscaux, mais également sur le plan de la notoriété, au développement de ces formes économiques originales et pourtant adaptées aux problèmes de nos campagnes. Votre projet de loi aurait pu permettre de lever ces entraves et de créer des dynamiques économiques innovantes. Il ne le fait pas, préférant une fois de plus éluder cette question.

Décidément, votre politique, messieurs les ministres, est sans issue pour le monde rural. C'est vraiment dommage, parce que l'attente est grande. Certes, l'espoir reste. Comme le disait le vieux révolutionnaire du Quatre-vingt-treize de Victor Hugo : « Le moulin n'y est plus, mais le vent souffle encore. » Pour combien de temps ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, souffrez que je dise enfin un peu de bien de ce projet de loi !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Merci !

M. Antoine Herth. J'ai visité cet été plusieurs départements de cette France que l'on qualifie de profonde. Je suis même allé chez vous, cher collègue Chassaigne... Partout, j'ai vu des hommes et des femmes relever le défi du développement de leur pays. Partout, j'ai vu des entrepreneurs actifs et imaginatifs. Partout, j'ai constaté l'engagement des élus locaux, de gauche comme de droite, pour moderniser les infrastructures et assurer les services aux citoyens. Leur seule exigence est de faire encore plus et encore mieux.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Avec quels moyens ?

M. Antoine Herth. Ce qu'il y a de profond dans cette France, c'est l'enracinement des valeurs et l'exigence de vérité par les actes. Loin de l'image de désert, souvent colportée - jusqu'ici même - et qui invite à la résignation, la ruralité est à mes yeux pleine de ressources. Et ce sont ces ressources que notre travail doit contribuer à valoriser. Voilà l'esprit qui traverse le texte que nous réexaminons aujourd'hui et qui lui donne tout son sens.

L'originalité de la démarche gouvernementale réside, on l'a dit, dans son approche globale des attentes, spécifiques et diverses, de nos campagnes. La ruralité y est perçue dans son ensemble, non comme un simple faire-valoir de l'urbain, mais comme un espace de vie à part entière. Ce texte s'inscrit dans une vision transversale, tout en complétant utilement, par des mesures concrètes, le travail engagé par la loi d'initiative économique, nos travaux sur le haut débit ou encore les dernières avancées dans le domaine de la décentralisation.

Ce projet de loi a nécessité un gros travail de coordination entre les différents ministères concernés. Le fait que cette coordination ait été assurée par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - qui mérite nos félicitations - démontre par la même occasion la pertinence de son vaste champ de compétences. Mais ne confondons pas pour autant : il ne s'agit pas d'une loi agricole, mais bel et bien d'une loi rurale.

II nous appartient à présent de parfaire l'ouvrage avec cette volonté de bâtisseurs qui nous a animés lors de la première lecture.

Je tiens à souligner le travail remarquable réalisé par la commission des affaires économiques, sous la présidence de Patrick Ollier, ainsi que l'engagement des trois rapporteurs. J'y vois pour ma part un modèle du travail parlementaire dans ce qu'il comporte de plus noble : chaque élu, de quelque bord qu'il soit, a pu apporter sa contribution, souvent pertinente, à l'édifice sur des sujets aussi variés et délicats que la chasse ou la viticulture. Il en résulte un texte qui, certes, comporte un grand nombre d'articles, mais qui, par le fait, répond à la diversité des situations et des problèmes posés.

Députés et sénateurs ont contribué à étoffer la « boîte à outils », comme l'appelle Nicolas Forissier, que nous réclament les acteurs locaux. J'en rappellerai brièvement quelques-uns des éléments.

Dans le domaine de l'activité économique, ce texte répond à une logique de cohésion sociale et d'équité territoriale en renforçant la solidarité nationale au profit des territoires les plus fragiles, les zones de revitalisation rurale. À travers un volet fiscal ambitieux, ces territoires fragiles se voient offrir de nouvelles perspectives de développement. Il suffit de se pencher sur une carte de la DATAR pour en reconnaître la nécessité.

Dans le domaine de l'emploi, les spécificités du monde rural seront mieux prises ne compte. C'est ainsi que le texte s'attache à promouvoir les groupements d'employeurs, à développer les temps partagés entre le public et le privé, à renforcer l'accès des saisonniers à la formation professionnelle. Mais je reconnais que cela ne suffit pas : ainsi, un assouplissement des règles du temps de travail sera bienvenu et aura probablement beaucoup plus d'effets que les mesures que nous pourrons proposer aujourd'hui.

L'adaptation et la modernisation, c'est aussi et surtout la simplification. C'est le but de plusieurs dispositions de nature fiscale et financière qui soutiendront les activités agricoles et touristiques en allégeant les procédures administratives. Je pourrais également parler de l'aménagement foncier, de la politique de l'habitat ou encore du soutien à l'installation des professions libérales en milieu rural.

La protection des espaces naturels est abordée sous plusieurs angles.

La préservation des espaces sensibles, c'est d'abord la modernisation de notre politique forestière ; des incitations fiscales sont ainsi destinées à favoriser la restructuration et la gestion durable des forêts privées, qui continuent de subir les conséquences terribles de la tempête. Il convient de trouver une solution pour maîtriser le risque en sylviculture.

Les zones humides font l'objet d'une réflexion particulière en raison de leur intérêt environnemental.

Le Sénat a enrichi le texte en y intégrant un chapitre consacré aux sites Natura 2000. Ces sept nouveaux articles apportent une clarification de la procédure de consultation des collectivités territoriales, ainsi que du rôle des acteurs de terrain dans la gestion et la conservation des sites Natura 2000, ce dont je me réjouis. Il est plus que temps en effet d'introduire de la transparence dans ce dossier opaque.

Enfin, le projet de loi prend en compte les problèmes spécifiques des zones de montagne. La loi de 1985 est actualisée pour tenir compte de la décentralisation et de la diversité des territoires de montagne. Il faut ici saluer la mobilisation de l'ensemble des élus de ces régions.

En ce qui concerne les dispositions relatives à certains établissements publics, ce texte renforce le rôle des établissements d'enseignement agricole en tant que véritables acteurs des territoires ruraux, reformule les missions du CNASEA et étend les possibilités d'intervention de l'Office national des forêts en tant que partenaire du monde rural.

Permettez-moi, avant de conclure, de noter avec satisfaction que l'agriculture fera une nouvelle fois l'objet de notre attention lors de l'examen de la loi de modernisation agricole, que M. Gaymard vient de mettre en chantier. Mais ne confondons pas les outils : une loi de modernisation ou d'orientation n'est pas un outil de gestion de crise ; elle doit s'attacher à régler des problèmes structurels. La gestion de crise, c'est autre chose. Je sais de quoi je parle pour avoir connu de près trois crises bovines.

Chers collègues, la plupart de nos voisins européens envient l'espace dont dispose la France. Sachons regarder nos campagnes comme une chance ! En avril 2002, à Ussel, le Président de la République, Jacques Chirac, annonçait une politique de développement des territoires ruraux « fondée sur la solidarité, sur la modernité, sur le respect et l'initiative ». Voilà le souffle qui doit animer nos travaux, car l'engagement du chef de l'État constitue pour la majorité un impératif de résultat que le groupe UMP veillera à honorer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, le 15 janvier dernier, lors de la première lecture de ce texte, j'avais regretté que l'a priori positif suscité par l'annonce du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux ait vite cédé le pas à un grand désenchantement. Au vu du contenu qui nous revient pour cette deuxième lecture, la déception se mue en colère. Je ne rappellerai pas, après mon collègue François Brottes, les nombreuses amputations opérées par le Sénat, mais j'en mentionnerai deux particulièrement inopportunes. C'est d'abord celle de l'article 1er ter, qui imposait le remboursement des aides publiques liées aux ZRR pour les entreprises qui mettraient fin à leur activité ou se délocaliseraient durant la période d'exonération. C'est ensuite celle de l'article 11B qui accentuait les contraintes de l'extension des surfaces commerciales.

Parallèlement à cet appauvrissement d'un texte dont nous avions déploré le manque de substance et qui nous revient du Sénat totalement exsangue, jour après jour, les mauvaises nouvelles s'amoncellent pour les zones rurales. C'est la suppression de bureaux de poste généreusement remplacés par des agences postales pour lesquelles les mairies doivent mettre la main au porte-monnaie, ou mieux encore par des points poste, dernier des pis-aller imaginés avant le départ définitif du service postal. C'est la restructuration du réseau des trésoreries avec fermetures à la clé, les suppressions de filières et d'options dans les collèges ou les lycées, la disparition programmée des subdivisions de l'équipement dont le rôle d'appui aux plus petites communes était essentiel, ces dernières n'ayant d'autre alternative, face à la baisse de services déjà engagée, que de s'adresser à des cabinets privés - moyennant finance - ou de se retourner vers les conseils généraux. Et l'inventaire du grand délitement des services publics n'est à l'évidence pas clos, avec la perspective annoncée du remplacement d'un fonctionnaire sur deux, au mieux.

Dans le même temps, la hausse du prix du pétrole pénalise fortement nombre d'activités rurales, singulièrement l'agriculture, alors que le Gouvernement s'obstine à ne pas revenir à une TIPP flottante.

M. Jean Launay. Hélas !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Ainsi, l'insatisfaction déjà patente lors du premier débat ne peut que s'exacerber dans le nouveau contexte lié à l'adoption à la hussarde, en pleine torpeur de l'été, de la loi sur les responsabilités locales. Les collectivités territoriales, qui jouent un rôle important d'amortissement et de lissage des inégalités sur leur territoire, et singulièrement les conseils généraux, collectivités de rééquilibrage entre l'urbain et le rural, prennent de plein fouet les transferts de compétences imposés sans aucune assurance quant à l'honnêteté des transferts financiers correspondants. J'en donnerai pour exemple le RMI, transféré depuis le 1er janvier 2004 et pour lequel les conseils généraux sont déjà conduits à être les banquiers de l'État : celui-ci doit à mon département de la Haute-Vienne la bagatelle de 600 000 euros...

Comment, dans un contexte budgétaire plus que tendu, départements et régions vont-ils pouvoir continuer à soutenir le tissu rural, au moment où les communes doivent elles-mêmes faire face à la baisse des aides de l'État ? Votre texte, monsieur le ministre, et je le regrette, n'apporte pas les réponses attendues. En outre, les exonérations que vous multipliez à loisir pour inciter à l'installation en zone rurale seront, elles aussi, pour l'essentiel, à la charge des collectivités locales. Vous proposez sans états d'âme de demander aux territoires les moins favorisés de payer eux-mêmes ce que d'autres ont gratuitement, au mépris de l'égalité républicaine entre les territoires, et sans proposer le moindre dispositif de péréquation, comme si ce mot était tabou. Savez-vous, monsieur le ministre, qu'un point de fiscalité dans les Hauts-de-Seine représente huit points en Haute-Vienne ? Faire payer plus ceux qui ont le moins, est-ce cela l'ambition du Gouvernement pour les territoires ruraux ?

Légiférer n'a de sens que si les moyens de l'ambition affichée sont au rendez-vous. Ce n'est malheureusement pas le cas de ce projet de loi.

Dans un contexte en pleine évolution, avec de nombreuses interrogations sur le devenir de la PAC ou des fonds structurels européens, dont l'effet de levier était notoire pour les territoires les plus fragiles, les acteurs de la ruralité étaient en droit d'attendre de l'État une prise en compte de leurs inquiétudes et des moyens au service d'une ambition ; nous étions prêts à y travailler avec vous. Force est de constater que l'ambition affichée du Gouvernement n'aura pas dépassé le contexte préélectoral du printemps dernier. Dès lors, sauf à vouloir reconstituer l'empire romain, avec des villes dans la lumière et le reste des territoires dans les ténèbres, je ne vois pas comment nous pourrions voter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Monsieur le président, je me réjouis à mon tour de vous voir à cette place.

Messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, vous avez bien du mérite à continuer d'évoquer les territoires ruraux et leur avenir, et bien du courage à parler encore de ces campagnes oubliées depuis si longtemps - non pas depuis deux ou trois ans, cher André Chassaigne : c'est depuis trente ou quarante ans que l'histoire ne rime plus avec l'espérance sur nos terres oubliées par une civilisation qui pourtant leur doit tant.

Même le Sénat a lui aussi laissé tomber... J'avais remarqué, avant que M. Brottes n'en fasse la liste - mais je ne la croyais pas aussi longue - tous les coups de ciseaux infligés au texte, et je ne comprends pas.

Nous avons donc beaucoup de travail et vous avez, monsieur le ministre, beaucoup de mérite. Pendant que vous regardez au loin, votre maison brûle, disait un jour le Président de la République. Et moi, je lui dirai : pendant que vous regardez ces campagnes qui vont ont tant aimé et soutenu, elles agonisent dans l'indifférence générale. Certes, elles ne sont pas les seules : les banlieues ont connu un sort comparable, les mêmes causes produisant les mêmes effets, depuis trente ou quarante ans.

Je ne crois pas que ce soit une fatalité. Je crois que vous avez raison de continuer le combat. Mais que c'est difficile quand plus personne n'y croit ! Car enfin, qui croit encore en France à l'avenir des campagnes, à part peut-être Jean-Pierre Pernaut lorsqu'il commente avec bonheur des reportages sur tel ou tel village, telle ou telle région ?

M. Daniel Garrigue. Sur Bergerac, par exemple ! (Sourires.)

M. Jean Lassalle. Ou le Pays basque ! (Sourires.)

Je viens d'achever une tournée dans une centaine de communes basques et béarnaises : partout les maires ne m'ont parlé que des exploitations qui fermaient, des fils qui ne reprenaient pas les terres de leurs pères, et de nos amis anglais, belges ou hollandais qui, après nos amis bordelais, toulousains, achètent tout ce qui reste, à des prix défiant toute concurrence,...

Mme Henriette Martinez. C'est vrai !

M. Jean Lassalle. ...ne nous laissant que nos cimetières !

J'en ai vu, des maires, me parler de leurs derniers artisans, de leurs derniers commerçants ou de la fermeture de leurs bureaux de poste, de leurs écoles, de leurs perceptions. Bref, vous avez beaucoup de mérite, cher Hervé Gaymard, et j'ai beaucoup de sympathie pour ce que vous faites.

Vous êtes courageux de mener ce combat, car même l'Europe nous a laissés tomber. Si seulement vous pouviez persuader le Président de la République d'abroger les deux directives qui achèvent de nous clouer au pilori ! S'agissant de la directive sur la chasse, M. Lemoine s'est donné beaucoup de mal pour rien, car la Cour européenne fera ce qu'elle voudra. Quant à la directive Habitat, les communes ont beau s'y opposer fermement, le préfet s'acharne. Ce sont les territoires les plus déshérités, ceux qui n'enregistrent plus aucune naissance, qui ont le mieux préservé la nature pour la simple et bonne raison qu'il ne n'y passe rien, ce sont ceux-là que l'on a choisi de sauvegarder à tout prix ! S'il s'agissait de prendre des mesures urgentes, à Paris ou à Bruxelles, pour diminuer les émissions de gaz qui détruisent la couche d'ozone ou aggravent l'effet de serre, s'il s'agissait de favoriser le ferroutage dans la vallée du Rhône, je comprendrais. Mais classer des terres où nos pères et nos grands-pères se sont battus pour les garder libres... à quoi cela rime-t-il ?

Et que dire de l'entreprise Total, jadis « Pétroles d'Aquitaine », - que les plus grands chefs d'État ont visitée, de Kennedy à Khrouchtchev, accompagnés de notre légendaire Président de la République - qui abandonne purement et simplement le gisement de Lacq ? Afin de combler le vide qu'elle laisse et de donner des places aux enfants de quelques personnes pour qui il faut trouver des solutions à tout prix, Total vient arracher à une vallée, à cinquante kilomètres de là, la seule entreprise qui lui reste, l'entreprise japonaise Toyal, spécialisée dans la poudre d'aluminium. Un semi-remorque de copeaux d'aluminium donnait un mois de travail à cent cinquante salariés avant l'envoi du produit fini en Europe et dans le monde entier pour la peinture des voitures métallisées, et voilà que Total, pour mimer un semblant de requalification sur son site, fait disparaître ces emplois.

Je ne suis pas d'un tempérament pessimiste - qu'est-ce que ce serait si je l'étais, me direz-vous (Sourires) - je suis simplement lucide. Je ne fais que vous rapporter les propos des maires de tous bords que j'ai rencontrés cet été. Tous m'ont dit qu'il était impensable de laisser disparaître ce que notre région représente : « Notre pays a besoin de ce que nous sommes. » Si seulement le texte que vous avez si patiemment élaboré, monsieur le ministre, et sur lequel vous avez tant travaillé, monsieur le rapporteur, pouvait servir de déclic... Mais je crois que le problème est ailleurs : il faudrait, comme ce fut le cas dans les moments difficiles, une prise de conscience au plus haut niveau de notre pays et de l'Europe, sinon, nous connaîtrons des lendemains qui ne chanteront plus. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. Je comprends pourquoi M. Lassalle a été élu président de l'Association des populations de montagne du monde.

La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce texte présente l'originalité de développer plusieurs thèmes - le développement économique des zones rurales, la protection des espaces agricoles périurbains et la gestion foncière des zones rurales, l'accès aux services publics, la protection des espaces sensibles, la chasse et la montagne - autour de trois grands objectifs : conforter l'attractivité économique des territoires ruraux, garantir une meilleure offre de services aux populations et protéger les espaces spécifiques ou sensibles. Il n'a pas vocation à réguler la vie agricole et l'agriculture. Cette dernière fera l'objet d'un projet de loi de modernisation dont la teneur est actuellement à l'étude au sein du débat national que vous avez lancé, monsieur le ministre de l'agriculture.

Je souhaite concentrer mon propos sur la partie concernant les espaces naturels, car ce projet de loi présente le grand intérêt de consacrer un titre entier à la préservation, à la restauration, à la valorisation et à l'équilibre des espaces naturels. Ce titre concerne en particulier les zones humides, les sites Natura 2000 et la chasse.

Lors de mon intervention en première lecture, je m'étais réjoui de la prise en compte des zones humides, qui représentent en France plus de 1,7 million d'hectares. J'insiste de nouveau sur l'impact tant paysager, biologique et environnemental que social et culturel de ces territoires spécifiques. Leur emplacement, souvent à proximité des espaces urbains, accroît en outre l'importance de leurs fonctions écologiques, ainsi que des usages hydrologiques et économiques, tels que l'élevage, la pisciculture, les loisirs et le tourisme, dont ils font l'objet ; il les inscrit pleinement dans une démarche de complémentarité et de solidarité entre territoires ruraux et territoires urbains.

Dès lors, on comprend bien l'enjeu que représente la préservation, la restauration et la valorisation optimale de ces espaces. La fragilité des filières économiques, les contraintes naturelles - inondations, structure du sol - et les pressions environnementales imposent une intervention de tous les utilisateurs du territoire. Celle-ci doit être ordonnée et éviter de faire reposer l'ensemble des contraintes environnementales uniquement sur les agriculteurs. Ils ne doivent pas être les seuls « jardiniers de l'environnement ». Dans le Nord, et en particulier dans le secteur du marais flamand, les producteurs de lait demandent une contrepartie à l'effort environnemental engagé, par exemple, sous la forme de quotas laitiers supplémentaires. L'État doit être un partenaire à part entière dans ces démarches : l'État-assistance doit supplanter l'État tracassier. C'est pourquoi je ne peux qu'approuver la définition des zones humides et les dispositions de ce texte relatives à la nécessaire cohérence de l'élaboration et de la mise en œuvre des politiques publiques et des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux.

Par ailleurs, j'appelle votre attention sur le développement inquiétant de la jussie, plante invasive qui prolifère, en particulier dans les canaux de Flandre maritime. Elle cause de nombreux dégâts dans l'écosystème : problèmes écologiques - parasites, disparition d'espèces, pollution génétique -, problèmes de santé publique, difficultés économiques avec le ralentissement de l'évacuation des eaux des wateringues et une navigation rendue difficile, avec l'augmentation des coûts d'entretien des canaux et la mise en péril des activités ludiques. Les mesures d'information du public, des gestionnaires et des entreprises travaillant dans le domaine des espaces verts et les campagnes annuelles de destruction sont insuffisantes. Il faut prendre des mesures fermes en interdisant la vente de la jussie sur l'ensemble du territoire afin de préserver l'espace naturel et en donnant les moyens d'éradiquer cette flore envahissante. J'ai d'ailleurs déposé un amendement à ce sujet.

Enfin, le volet sur la chasse a trouvé toute sa place dans ce dispositif. De nombreuses avancées ont été réalisées par le Sénat. Ardent défenseur de la chasse dans le respect des traditions et d'un art de vivre, je souhaite que ces acquis soient entérinés par notre assemblée. J'espère donc que le ministre de l'écologie et du développement durable montrera sa volonté de progresser sur ce terrain. J'aimerais en particulier obtenir des précisions quant à l'application des nouvelles modalités en matière d'usage des appeaux et appelants pour la chasse au gibier d'eau. Alors qu'aucune réglementation générale n'existait jusqu'à présent, les chasseurs ne savent pas comment appliquer le dispositif de mise en œuvre de l'éjointage et du baguage des appelants, des périodes transitoires ainsi que des quotas.

Je vous remercie pour les réponses que vous apporterez à ces différentes questions et vous assure de mon soutien pour ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro.

M. Germinal Peiro. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, le monde rural a subi des mutations profondes au cours des dernières décennies. L'avènement de l'ère industrielle et le déclin de l'activité agricole ont provoqué un mouvement d'exode dans nos campagnes et ont considérablement modifié l'équilibre de notre territoire. L'espace rural s'est progressivement vidé au profit des agglomérations urbaines et périurbaines, provoquant la désertification de pans entiers de notre territoire.

Cependant, malgré les menaces qui pèsent sur l'activité agricole et le maintien des services publics, cette évolution semble freinée. Même dans certains secteurs du milieu rural profond, la démographie se stabilise, voire augmente légèrement.

Parmi les quelques possibilités de développement qui leur sont offertes, de nombreux départements ruraux ont misé sur le tourisme vert. À côté du patrimoine bâti, de la gastronomie, des événements culturels marquants, c'est le plus souvent le milieu naturel qui est mis en avant. Aujourd'hui, les grands espaces, la beauté des paysages, les chemins, les rivières constituent un atout majeur en termes de promotion touristique pour les très nombreux citadins qui souhaitent se réapproprier la nature à travers des activités de découverte et de loisirs sportifs.

En quelques années, la randonnée sous toutes ses formes - pédestre, équestre, cycliste, nautique - mais aussi des activités nouvelles comme le rafting, le canyoning, le parapente, se sont considérablement développées. Elles s'inscrivent désormais pleinement dans les économies locales.

Dans un souci de valorisation de ces activités, de développement durable et de règlement des conflits d'usages, la loi sur le sport de juillet  2000 a prévu l'extension des compétences des conseils généraux pour la mise en œuvre de plans départementaux d'activités de pleine nature. Elle a également prévu la mise en place de commissions départementales des espaces, sites et itinéraires, réunissant élus, représentants des services de l'État, des fédérations sportives et des autres usagers des milieux naturels, comme les propriétaires forestiers, les agriculteurs, les chasseurs, les pêcheurs, ainsi que des associations de protection de l'environnement. Véritable lieu de démocratie locale, ces commissions départementales, déjà installées dans les Côtes d'Armor, l'Ardèche et la Drôme, permettent de développer les activités de pleine nature, source de richesse économique, dans le respect de l'environnement et de l'harmonie entre les différents usages.

Monsieur le ministre, je souhaite également que l'examen de ce projet de loi nous permette de rappeler l'importance pour les communes rurales de la conservation et de l'entretien de leur domaine public. Je pense notamment aux chemins ruraux, qui connaissent une nouvelle vie aujourd'hui, et aux accès aux cours d'eau. Sur le plan législatif, l'examen de ce texte en deuxième lecture doit nous permettre d'apporter les corrections nécessaires afin de faciliter la mise en place des commissions départementales des espaces, sites et itinéraires, et d'étendre la possibilité de cheminer le long des cours d'eau domaniaux à d'autres usagers que les pêcheurs.

En organisant et en valorisant les activités de pleine nature, nous servirons le maintien de la vie en milieu rural et son développement harmonieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Mesdames, messieurs les députés, je voulais simplement vous prévenir que je ne serai pas avec vous demain matin. Ce n'est pas de la désinvolture de ma part, mais je dois me rendre à Nantes pour assister au congrès des producteurs de fruits et légumes. Compte tenu de la crise que M. Jean Dionis du Séjour a évoquée, je pense que vous le comprendrez. M. Forissier et M. de Saint-Sernin me suppléeront sans difficulté.

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Aujourd'hui, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 1614, relatif au développement des territoires ruraux :

Rapport, n° 1828, de MM. Yves Coussain, Jean-Claude Lemoine et Francis Saint-Léger au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 7 octobre 2004, à une heure quinze.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot