Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2004-2005)

 

Deuxième séance du mardi 19 octobre 2004

19e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

TRAITEMENT SOCIAL DES RESTRUCTURATIONS

M. le président. La parole est à M. Alain Cortade.

M. Alain Cortade. Monsieur le ministre délégué aux relations du travail, le taux de chômage atteint aujourd'hui en France près de 10 %. Il est particulièrement élevé chez les jeunes et chez les plus de cinquante ans. Il y a donc urgence à donner à notre société dans son ensemble les moyens de travailler mieux et plus.

C'est, me semble-t-il, ce à quoi s'attache le Gouvernement depuis 2002 (« C'est plutôt mal parti ! » sur les bancs du groupe socialiste) en libérant les énergies, en soutenant la création d'entreprises, en réaffirmant la valeur du travail, en revalorisant SMIC et le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Ces mesures vont dans le bon sens, et il faut continuer les réformes afin de lever les contraintes et les rigidités qui pèsent le plus lourdement sur tous les Français qui veulent travailler. C'est dans cet esprit que, dix-huit mois durant, vous avez mené des discussions avec les syndicats et les organisations patronales pour élaborer un avant-projet de loi sur le traitement social des restructurations, sur lequel le Conseil d'État a rendu un avis favorable hier.

Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, quels sont les objectifs de ce texte et ce qu'il représente pour les salariés et les entreprises de notre pays ? Plus généralement, comment s'inscrit-il dans la volonté du Gouvernement de soutenir l'emploi en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Monsieur le député, il est vrai que, sur l'anticipation des mutations économiques, nous lisons et entendons depuis quelques jours un peu n'importe quoi, si vous me passez l'expression.

M. Jean Le Garrec. C'est le moins qu'on puisse dire !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Je remercie le Premier ministre d'avoir entendu les voix qui se sont exprimées, afin de mener à bien une réforme importante pour nos entreprises et nos emplois.

En matière de licenciements économiques, la législation actuelle souffre de trois paradoxes. Premièrement, elle est tout entière tournée vers la gestion de la crise à chaud et n'incite ni les entreprises ni les salariés à anticiper sur les mutations de l'emploi. Deuxièmement, elle ne concerne en pratique qu'une très faible minorité de salariés, et ne leur offre de surcroît qu'une protection bien illusoire.

M. Gilbert Biessy. Sur ce point, vous êtes dans le vrai !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Ses règles touffues, presque exclusivement procédurales, poussent davantage à la confrontation qu'au dialogue et laissent de côté les véritables enjeux. Troisièmement - et c'est sans doute le plus grave -, elle est profondément inégalitaire : seuls les salariés des grandes entreprises ont droit à un véritable mécanisme de reclassement.

M. Jean-Pierre Brard. Exemple : M. Messier !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Les autres - c'est-à-dire 80 % des salariés - ne disposent, depuis la suppression des conventions de conversion en 2001, d'aucune forme d'accompagnement et de prise en charge sur le long terme. Pourtant, on sait très bien que, en cas de licenciement économique, l'essentiel est d'aider les salariés à se remettre le plus rapidement possible en mouvement vers un nouvel emploi.

Une telle situation, préjudiciable aux salariés comme aux entreprises, ne pouvait durer. Le Gouvernement a donc suspendu, en janvier 2003, les dispositions issues de la loi de modernisation sociale...

M. Gilbert Biessy. Grave erreur !

M. le ministre délégué aux relations du travail. ...et proposé aux partenaires sociaux de définir par la négociation des règles plus efficaces et plus équilibrées. Mais ceux-ci n'ont pu mettre à profit - et nous le regrettons - le délai de vingt mois dont ils disposaient pour se mettre d'accord.

Comme nous l'avons annoncé ici même dès le mois de juin, nous avons élaboré avec Jean-Louis Borloo un avant-projet de loi sur l'anticipation des mutations économiques et la création d'un droit au reclassement pour l'ensemble des salariés. Ce projet comporte trois avancées essentielles. Il crée tout d'abord un droit au reclassement personnalisé pour tous les salariés des PME et des TPE, associant allocation, accompagnement et formation. Il encourage ensuite la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les entreprises et les branches. Il permet enfin un traitement négocié des restructurations.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Son temps de parole est écoulé, monsieur le président !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Le Premier ministre, tenant compte des enseignements de la discussion au sein de la commission nationale de la négociation collective, a pris la décision d'inscrire ces éléments législatifs à l'ordre du jour du Conseil des ministres. Le Parlement examinera donc ce texte, qui a sa place dans le cadre du plan de cohésion sociale et de notre action en faveur de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

POLYNÉSIE FRANÇAISE

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour le groupe socialiste.

M. Christian Paul. Monsieur le Premier ministre, en Polynésie française (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) s'est déroulée samedi une marche pacifique, historique par son ampleur, et pluraliste puisqu'elle rassemblait toutes les forces politiques à l'exception d'une seule.

M. Bernard Deflesselles. C'est faux !

M. Christian Paul. Sous nos yeux - René Dosière et Bernard Roman peuvent en témoigner avec moi -, des dizaines de milliers de Polynésiens ont exprimé, d'abord, le désir d'un changement sans heurts - changement qu'incarne aujourd'hui le président Oscar Temaru. (« Comédien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Cette manifestation traduisait ensuite leur opposition très ferme au retour d'un système de corruption dont les tribunaux sont saisis, un système connu pour le gaspillage de l'argent public. Le groupe socialiste demande aujourd'hui la création d'une commission d'enquête parlementaire sur l'usage de l'argent public en Polynésie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Venant d'un ancien secrétaire d'État à l'outre-mer, ces propos sont ahurissants ! Vous êtes un clown, monsieur Paul !

M. Christian Paul. C'est aussi un système où la presse n'est pas libre, un système qui met les libertés en danger. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mais les manifestants ont surtout exprimé le souhait que la dissolution de l'Assemblée de la Polynésie permette au suffrage universel de dénouer la crise institutionnelle qui est aujourd'hui installée.

Or, monsieur le Premier ministre, nous avons la preuve qu'au sein même du Gouvernement la tentation existe de caricaturer ces aspirations ou de les étouffer par des manœuvres constantes. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Paul.

M. Christian Paul. J'y viens, monsieur le président.

Monsieur le Premier ministre, dans la République, on ne fait pas impunément violence à la démocratie. Pouvez-vous écouter le message des Polynésiens, ou avez-vous au contraire décidé qu'il vous fallait jusqu'au bout - mais à quel prix et dans quel but ? - soutenir le système de M. Flosse ? Pouvez-vous entendre la demande des Polynésiens d'une dissolution (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) permettant de redonner la parole au peuple pour dégager une majorité stable, ou allez-vous au contraire, par aveuglement, mettre durablement en cause la paix civile en Polynésie française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Huées sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bataille. Ministre des colonies, plutôt !

M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues !

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, au risque de me répéter, je rappelle que le statut de la Polynésie française - celui de 2004 comme celui qui avait été mis en place par la gauche en 1984 - ne prévoit pas que l'assemblée doive être dissoute après l'adoption d'une motion de censure. Contrairement à vos affirmations, monsieur Paul, le rôle de l'État en Polynésie française se limite à faire respecter la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je vous demande de cesser d'attaquer l'État et son représentant sur place (Huées sur les bancs du groupe socialiste),...

M. Yves Durand. Son représentant, c'est vous !

Mme la ministre de l'outre-mer. ...que vous soupçonnez de partialité. J'ai entendu parler de « coup d'État légal », de « putsch juridique ». (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Ces propos indignes sont en outre dénués de fondement, puisque le Conseil d'État a rejeté hier soir le recours d'un de vos amis indépendantistes. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je vous remettrai, monsieur Paul, ces deux décisions qui valident tant sur le fond que sur la forme la procédure suivie par le haut-commissaire, selon laquelle l'assemblée se réunira le 19 octobre - ou, à défaut, le 22 si le quorum n'est pas atteint - pour élire le président de la Polynésie.

M. Christian Bataille. Vous verrez la suite !

Mme la ministre de l'outre-mer. Je demande à la représentation nationale dans son ensemble de respecter le travail effectué sur place par un grand préfet, Michel Mathieu, qui exerce sa mission de contrôle de la légalité avec vigilance et compétence.

M. Arnaud Montebourg. Mais il s'agit d'un coup d'État !

Mme la ministre de l'outre-mer. Je vous rappelle d'ailleurs, monsieur Paul, que ce n'est pas moi, mais vous, sous l'autorité de M. Jospin, qui l'avez nommé à Papeete le 26 octobre 2001 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je demande également au groupe socialiste de ne pas soutenir les manœuvres illégales des indépendantistes (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste), car c'est cautionner le non-respect de l'État de droit et la violation de la loi organique statutaire que vous avez votée. J'en appelle à la sérénité de chacun.

M. Christian Bataille. Vous devriez avoir honte !

Mme la ministre de l'outre-mer. Comme je l'ai déjà dit après les élections du 23 mai et avant l'élection du président de la Polynésie, laissons le processus institutionnel aller jusqu'à son terme, sans préjuger du résultat du scrutin qui va intervenir.

Pour conclure, permettez-moi de vous remercier, monsieur Paul, ainsi que tous les élus socialistes qui se sont rendus samedi à Papeete. En effet, on m'a dit que vous avez hésité, mais que vous avez finalement osé porter votre écharpe tricolore (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...

M. Albert Facon. Vous n'avez jamais été élue, vous !

M. le président. Messieurs, je vous en prie !

Mme la ministre de l'outre-mer. ...non pas au milieu des drapeaux français, mais au milieu des drapeaux blancs et bleus du parti indépendantiste d'Oscar Temaru qui, je le rappelle, est le seul maire de Polynésie...

M. le président. Madame Girardin, s'il vous plaît !

Mme la ministre de l'outre-mer. ...à refuser de mettre au fronton de sa mairie le drapeau de la République. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Huées sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bataille. Démission !

M. le président. Taisez-vous, monsieur Bataille !

STATUT DES ENSEIGNANTS
DES ÉTABLISSEMENTS PRIVÉS SOUS CONTRAT

M. le président. La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Yvan Lachaud. Ma question, à laquelle s'associent mes collègues Pierre Christophe Baguet, François Rochebloine et Gilles Artigues, s'adresse à M. le Premier ministre. Elle a trait à l'équité qui doit valoir pour les 145 000 enseignants du secteur privé sous contrat d'État. Recrutés et rémunérés par l'État, ceux-ci sont soumis aux mêmes obligations que les enseignants du secteur public. Pourtant, leurs cotisations de retraite sont de quatre à cinq points plus élevées que celles de leurs collègues du public, et leur pension de quelque 20 % inférieure. (« C'est scandaleux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Bien que la réforme des retraites de 2002 se soit voulue équitable, cette inégalité demeure. Le groupe UDF avait déposé l'année dernière plusieurs amendements pour y remédier, mais le Gouvernement les a obstinément repoussés. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 comporte bien quelques dispositions en matière d'assurance maladie, mais rien sur les retraites. Cette situation est très mal vécue par les enseignants concernés, qui réclament à juste titre le rétablissement d'un système équitable.

Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire, et dans quels délais, pour répondre à cette demande plus que légitime ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie.


M. Xavier Bertrand,
secrétaire d'État à l'assurance maladie. Monsieur le député, vous avez raison de souligner que les lois Debré et Guermeur ont pour objectif d'assurer l'égalité de traitement entre les enseignants du secteur public et ceux du secteur privé sous contrat. Ce principe de parité doit s'imposer à nous. Or, aujourd'hui, les droits à la retraite ne sont pas comparables. C'est dans cet esprit qu'une proposition de loi, que vous avez vous-même cosignée, a été déposée par votre collègue Yves Censi.

Il s'agit de traiter les questions du statut, de la retraite et du financement. Nous avons souhaité que, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, ces questions soient clairement abordées. Au nom de la justice sociale, une solution doit être trouvée.

Le Conseil d'État a souhaité déplacer une partie de ce texte du projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin que n'y soit abordée que la question du financement.

Aujourd'hui, la clarification du statut des maîtres de l'enseignement privé et celui des maîtres de l'enseignement public s'impose. En effet, un contrat est bel et bien passé entre l'État et ces maîtres du privé. C'est un point important, qui répond à une revendication fort légitime.

Comme vous le savez, la proposition de loi de M. Yves Censi vise également à mettre en place un régime de retraite additionnel pour que les droits à la retraite soient comparables.

Monsieur le député, la réforme des retraites a pour objectif la justice sociale. C'est dans cet esprit que nous allons travailler. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) Par la concertation et par le dialogue, non seulement nous allons aboutir, mais nous avons la volonté que ce soit dans les meilleurs délais. Dès la semaine prochaine, avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale, chacun aura à cœur d'avancer sur la voie du progrès social. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

DÉLOCALISATIONS

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains..

M. Maxime Gremetz. Monsieur le Premier ministre, notre pays est aujourd'hui frappé par une vague sans précédent de délocalisations, dont le seul objectif est d'augmenter toujours davantage les profits, déjà si juteux. Ces délocalisations se font au prix de milliers de licenciements et du saccage de la vie de nombreux travailleurs, comme de celui de nombreux territoires. En Picardie, par exemple, plus d'une quinzaine d'entreprises ont déplacé leur production ces derniers mois, au prix de centaines d'emplois.

A ces situations dramatiques, votre seule réponse a été de faire rejeter la proposition de loi du groupe communiste, qui apportait pourtant des solutions concrètes et instaurait des mesures d'urgence : mesures de rétorsion contre les entreprises qui délocalisent, taxation des crédits qui leur sont accordés par les banques ou encore remboursement des aides publiques perçues par ces patrons voyous. Cette proposition s'appuyait sur la nécessité de prendre des mesures incitant à l'emploi et à l'investissement : prélèvement sur les placements financiers, mobilisation du crédit en faveur des entreprises privilégiant l'emploi.

Au contraire, monsieur le Premier ministre, vous multipliez les provocations à l'égard du monde du travail en donnant encore plus de liberté au MEDEF (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. Hervé Novelli. Vous n'avez rien compris !

M. Maxime Gremetz. ...avec le projet Larcher-Seillière visant à assouplir les règles de licenciement. Et M. Camdessus, avec son rapport qui sert de livre de chevet à M. Sarkozy, va encore plus loin et contribue à l'éclatement des garanties et des protections des salariés.

En réalité, vous voulez faire en sorte que prédomine la loi du plus fort dans l'entreprise. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Votre politique est de laisser les entreprises délocaliser et licencier sans contraintes et sans limite.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin entendre les revendications des organisations syndicales et de nos concitoyens qui souffrent de vos choix, qui sont inquiets pour leur avenir et menacés par vos projets ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, le rapport Camdessus est remarquable. Son auteur pose la question que nous devrions tous nous poser : comment se fait-il que depuis vingt-quatre ans la France a un point de croissance de moins que certaines économies développées dans le monde ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jérôme Lambert. Ce n'est pas vrai !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Une telle question transcende de beaucoup le fait qu'il y ait un gouvernement de gauche, du centre ou de droite. Qu'est-ce qui ne va pas en France ?

M. Maxime Gremetz. M. Sarkozy !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. Camdessus, auquel vous devriez montrer davantage de respect, parce qu'il a fait honneur à la France chaque fois qu'il a exercé des responsabilités internationales (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), nous apprend plusieurs choses passionnantes. La première, c'est que la solution n'est pas dans la critique des autres ; elle est en nous et il n'y a pas de fatalité. Il est un fait que nous avons plus de chômeurs que les autres, que ces chômeurs y restent plus longtemps sans emploi qu'ailleurs ; que les jeunes ont moins de travail ; qu'on pousse les quinquagénaires vers la préretraite, alors qu'ils veulent continuer à travailler. (« Mais qui les pousse ? » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Permettez-moi, messieurs de l'opposition, de vous dire qu'en raison du bilan de la gauche, vous feriez mieux d'être attentifs à ce qu'écrit M. Camdessus plutôt que de donner des leçons aux autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Gilbert Biessy. Pas vous !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Deuxième chose que nous apprend M. Camdessus, c'est que si un pays veut créer davantage d'emplois, davantage de richesse, il faut réhabiliter le travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Or vous l'avez découragé. Pour gagner plus, il faut travailler plus.

Dernier enseignement à tirer du rapport : c'est qu'il nous faut faire preuve d'audace. M. Camdessus s'interroge. Et je tiens à relayer cette interrogation : comment se fait-il que le droit social français n'ait jamais été aussi protecteur pour les salariés (« Ce n'est pas vrai ! » et protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et que jamais ces mêmes salariés ne se soient sentis dans un tel état de précarité ? Poser la question, c'est ouvrir des voies pour apporter la réponse. Voilà, monsieur Gremetz, notre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

LUTTE CONTRE LES MARGES ARRIÈRE
DANS LA DISTRIBUTION

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Charié, pour le groupe UMP.

M. Jean-Paul Charié. Monsieur le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la loi Galland a précisé les règles de calcul du seuil de revente à perte. Depuis cette loi, n'existe plus la baguette de pain à 15 centimes ou la longe de porc revendue 50 % moins cher que son coût de production.

Depuis cette loi, le commerce de centre ville et le commerce de proximité ne sont plus injustement disqualifiés. Mais les fausses coopérations commerciales se sont considérablement développées. Pourtant interdites par la loi, ces fausses factures, dites marges arrière, ont obligé les fournisseurs à augmenter leurs tarifs, ce qui n'est ni dans leur intérêt ni dans l'intérêt des consommateurs.

Sur ce dysfonctionnement grave de notre économie, le rapport de mission Canivet comporte des propositions très positives pour améliorer l'application des lois et pour revenir à des partenariats « gagnant-gagnant ». En revanche, l'abaissement du seuil de revente à perte, en incluant tous les avantages obtenus, ce que nous appelons le « trois fois net » semble incompatible avec la préservation des acquis incontestables de la loi Galland.

Une autre solution consiste dans un contrôle effectif des marges arrière et dans un plafonnement de la coopération commerciale. Elle aurait l'avantage de faire baisser les tarifs des industriels tout en leur redonnant des marges pour innover. Elle profiterait au monde agricole, des PME et des grandes marques, tout en permettant au revendeur, qu'il soit grande surface ou petit commerce, de retrouver une liberté de concurrence sur les prix et la qualité. Elle profiterait donc au consommateur.

Mais quelle est, monsieur le ministre d'État, votre solution ?

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, vous connaissez bien ces sujets, et vous venez encore une fois de le démontrer. La question que vous avez soulevée est certainement l'une des plus complexes de l'économie française.

La loi Galland ne mérite ni cet excès d'honneur, ni cet excès d'indignité. Vous dites qu'elle a eu des effets positifs, et c'est incontestable. Mais regardons ce qu'il en est aujourd'hui. Tout le monde est mécontent !

Les agriculteurs se plaignent à juste titre qu'on leur réserve des prix trop bas, comme nous avons pu le constater encore cet été. Si la loi Galland répondait à toutes les questions, les agriculteurs n'auraient pas protesté.

Les PME, monsieur Charié, dont vous avez toujours été, comme bien d'autres d'ailleurs, un ambassadeur et un porte-parole très vigilant (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), se plaignent à juste titre, dans nos super et hypermarchés, de ne pas disposer de suffisamment de linéaires et de ne pas avoir assez de force pour discuter avec la grande distribution.

Les consommateurs se plaignent à juste titre que les prix aient augmenté ces cinq dernières années davantage dans notre pays qu'ailleurs.

Les grandes surfaces, et c'est un comble, perdent 1 % de parts de marché au bénéfice du hard discount.

M. Jacques Desallangre. C'est parce que les gens sont de plus en plus pauvres !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En effet, comme le consommateur est très intelligent, il va au moins cher.

Enfin, je n'ai pas entendu un seul député, de gauche ou de droite, me dire que le petit commerce de centre ville se portait bien !

Et on viendrait dire en conclusion au Gouvernement : « Puisque tout va mal, ne changeons rien ! » Mais je sais, monsieur Charié, que ce n'est pas votre position.

Voilà pourquoi j'ai demandé à la commission Canivet de travailler.

Deux solutions s'offrent à nous.

La première, la plus forte, dite du « triple net », consiste tout simplement à rétablir la liberté de la concurrence et de l'élaboration des prix, qui date des ordonnances de 1986, à l'époque où Édouard Balladur était ministre des finances. Cette solution a l'avantage de permettre la baisse des prix par la concurrence, mais elle présente des risques et il faut sans doute prévoir des stabilisateurs.

La seconde solution, dite du « double net », est à la fois moins risquée et moins avantageuse.

Comment fera-t-on ? La semaine prochaine, je consulterai, dans des rencontres bilatérales, tous les intervenants. Dans quinze jours, nous ferons un bilan global pour élaborer les bases d'un projet de loi.

Le Premier ministre a dit que la baisse des prix était une priorité du Gouvernement, parce qu'elle permettra de redonner du pouvoir d'achat aux consommateurs, et donc aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

RÉINSERTION DES ANCIENS DÉTENUS

M. le président. La parole est à M. Christian Kert, pour le groupe UDF.

M. Christian Kert. Monsieur le garde des sceaux, nous vous avons accueilli hier à Marseille où vous veniez...

M. Jean Glavany. A toute vitesse !

M. Maxime Gremetz. A 160 kilomètres à l'heure ! Qu'en pense M. de Robien ?

M. Christian Kert. ...évaluer l'activité d'un chantier de réinsertion de détenus, sur le site de l'île du Frioul.

Ce chantier est exemplaire à deux égards : par le nombre de détenus qui viennent y travailler et par l'implication du monde associatif local.

Mais la réussite de l'opération ne doit pas nous cacher que depuis trop longtemps l'effort accompli en matière de réinsertion des détenus est nettement insuffisant dans notre pays.

Les mesures alternatives à l'incarcération prononcées par les juges sont en baisse, à l'exception du bracelet électronique, dont l'usage est rapidement passé du stade expérimental, avec une dizaine d'usagers, à plus de 800 cette année.

Le dispositif actuel n'est donc pas à la hauteur du nombre de détenus incarcérés, qui sont souvent des jeunes sans formation. Tous les rapports, toutes les études, tous les témoignages montrent pourtant combien il est nécessaire, monsieur le ministre, d'organiser la sortie de prison de ces jeunes, dans des conditions qui leur assurent une véritable réinsertion sociale.

Préparer le retour à une vie dite normale, notamment par la recherche d'un emploi dans les mois qui précèdent la libération, paraît être une exigence pour l'administration pénitentiaire.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Avec quels moyens ?

M. Christian Kert. Mais quels sont les autres moyens que vous envisagez de mettre en place pour répondre à cette préoccupation, cette exigence de réinsertion ? Comment pensez-vous améliorer les trois dispositifs existants que sont le bracelet, le placement extérieur et la semi-liberté, sachant que ces mesures - à leur niveau, bien sûr - peuvent participer à l'équilibre de notre société ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.


M. Dominique Perben,
garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je me suis effectivement rendu hier à Marseille pour évaluer le travail accompli dans les îles du Frioul, où une vingtaine de détenus sont accueillis en permanence sur un chantier de rénovation d'un ancien hôpital. Cette expérience me semble apporter une réponse à un problème très épineux, qui n'en a jamais trouvé jusqu'à présent : comment préparer les détenus à leur libération et se prémunir ainsi contre la récidive ? Ce problème, que vous connaissez bien, est un des drames de la justice française et de la délinquance dans notre pays.

Comment développer ce type d'action ? Vous avez adopté, au mois de mars dernier, un dispositif législatif créant l'obligation de proposer automatiquement à toute personne ayant été condamnée à une peine de six mois à cinq ans de prison d'aménager les trois à six derniers mois de la peine, selon un régime de semi-liberté, de placement en chantier extérieur ou de port d'un bracelet électronique.

Quelque 13 000 détenus seront concernés par ce dispositif d'aménagement de fin de peine. Nous allons donc devoir mettre les juges d'application des peines et l'administration pénitentiaire en capacité de traiter ces 13 000 dossiers et d'accueillir ces personnes, soit dans des centres de semi-liberté, en en multipliant la construction, comme je le fais actuellement, soit en chantiers extérieurs, en aidant des associations, comme celle qui gère le centre du Frioul, à se développer, soit en les équipant d'un bracelet électronique. Il en va de la préparation au retour à la liberté et de l'efficacité de la lutte contre la récidive. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

HAUSSE DU PRIX DU PÉTROLE

M. le président. La parole est à M. François Hollande, pour le groupe socialiste.

M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, avant de poser ma question, je vous demande de faire savoir à votre ministre de l'outre-mer (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) que les parlementaires de la République sont libres de porter leur écharpe tricolore là où ils le veulent, avec qui ils le veulent (« Non ! » sur les mêmes bancs) parce qu'ils la tiennent du suffrage universel et de lui seul. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Ma question porte sur les conséquences de la forte hausse du prix du pétrole sur l'économie française et sur les Français eux-mêmes. Cette hausse, nul ne la conteste : elle est mondiale. En un an, elle a atteint 70 %. Elle a comme première conséquence de toucher l'économie et le budget que vous avez préparé, que votre ministre de l'économie présentera dans quelques minutes. Vous avez établi vos hypothèses sur la base d'un prix du baril de pétrole de 36,50 dollars. Il est aujourd'hui de près de 55 dollars et nul ne sait où il en sera demain. Sans doute, hélas ! encore plus haut. Votre hypothèse de croissance pour l'année 2005 est de 2,5 points. Chacun sait ici que si le prix du baril de pétrole dépasse 55 dollars, cette croissance ne sera pas atteinte et subira même une perte d'un point.

M. Bernard Accoyer. C'est faux !

M. François Hollande. Au-delà de la sincérité de votre budget, la seconde conséquence, et la plus grave, est de porter atteinte au pouvoir d'achat des Français. La hausse du fioul domestique depuis le début de l'année dépasse 30 % et celle du litre de gazole à la pompe 25 %. Cela affecte directement, là encore, vos hypothèses de consommation et de croissance. Vous avez - et c'est normal - servi bon nombre de professions qui ont exprimé des revendications. Curieusement, vous en avez oublié une, dans vos largesses, la plus importante : celle des salariés. Que dis-je ? Celle de tous les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Anciaux. Démago !

M. François Hollande. Ma question est simple : allez-vous réintroduire le mécanisme de la TIPP flottante pour permettre la baisse immédiate de la fiscalité pétrolière en France ? (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Si vous ne le faites pas, au prétexte que ce mécanisme aurait été créé par d'autres, alors baissez tout de suite la fiscalité pétrolière, plutôt que d'accorder, comme vous le faites avec l'ISF, de nouveaux cadeaux à votre clientèle. Donnez-les aux Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, les agriculteurs, les routiers, les marins-pêcheurs,...

M. Augustin Bonrepaux. Et les autres ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...toutes professions bien difficiles, apprécieront que vous considériez qu'ils ont été « servis de largesses ». Quel mépris pour des gens qui ne demandaient pas l'aumône, mais à qui le Gouvernement a rendu justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Ne soyez pas méprisant avec la France qui travaille, monsieur Hollande ! (Mêmes mouvements.)

Vous aimez vous référer à votre bilan : en 2000, le pétrole avait augmenté de quinze centimes ; vous avez diminué la TIPP de deux centimes. Vous n'avez aucune leçon à donner, car votre système était injuste et inefficace. (Mêmes mouvements.)

M. François Hollande. Vous ne baissez rien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous avez raison de vous préoccuper du coût de l'énergie. Dès lors, je ne comprends pas pourquoi vous et le groupe socialiste avez refusé de voter le déclenchement de la quatrième génération des centrales nucléaires avec l'EPR. Quelle inconséquence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Yves Cochet. Cela n'a rien à voir !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous avez raison, il serait anormal que le Gouvernement bénéficie d'augmentations de recettes de TVA et de TIPP sans les redistribuer aux Français. Sous l'autorité du Premier ministre, le Gouvernement fait la proposition suivante : le 15 décembre, une commission composée d'experts et de parlementaires (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) se réunira pour que soient calculées, en toute transparence, les recettes supplémentaires au titre de la TIPP et de la TVA.

M. François Hollande. Tout de suite !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Au 1er janvier,...

M. Christian Paul. Vous ne serez plus là !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...le Gouvernement redonnera, sous forme de diminution de la fiscalité sur le pétrole, les excédents de recettes que nous aurons engrangés en 2004, sans dégrader les comptes. Cela s'appelle la justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Votre proposition de baisser la TIPP de quatre centimes coûterait 3,5 milliards. Comment pouvez-vous reprocher au Gouvernement de ne pas réduire suffisamment le déficit et, dans le même temps, proposer des dépenses sans, comme d'habitude, avoir la moindre idée de la façon de les financer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

DÉCENTRALISATION ET FISCALITÉ LOCALE

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe UMP.

M. Christian Estrosi. Monsieur le ministre délégué à l'intérieur, afin de rapprocher les lieux de décision de l'ensemble de nos concitoyens, le Gouvernement auquel vous appartenez est le premier à avoir fait voter par le Parlement une loi de décentralisation qui assure désormais les collectivités que chaque transfert de compétences sera assorti des moyens matériels, financiers et humains nécessaires pour ne pas augmenter la fiscalité locale. Or, depuis quelques mois, la plupart des présidents d'exécutif de gauche, dans les régions et les départements, entretiennent délibérément une véritable polémique en laissant penser que c'est à cause de ce transfert de compétences qu'ils auraient augmenté la fiscalité locale (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste), oubliant que ce sont les décisions du gouvernement de M. Jospin qui les y ont conduits.

Qui a confié l'APA aux départements en ne transférant qu'un quart des moyens nécessaires pour la financer ? La gauche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Qui a créé les 35 heures dans les collectivités sans aucun transfert de moyens ? La gauche ! (Mêmes mouvements.) Qui a permis l'accroissement considérable des budgets des services départementaux d'incendie et de secours sans en transférer les moyens ? (« La gauche ! » sur les mêmes bancs.) La gauche !

On voit bien qu'il s'agit d'une gigantesque tromperie des exécutifs de gauche, qui n'a qu'un seul but : augmenter massivement la fiscalité locale pour financer les promesses électorales. Monsieur le ministre, je compte sur vous pour éclairer les Françaises et les Français sur les moyens que vous comptez mettre en œuvre, à l'euro près, pour financer les transferts de compétences. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Albert Facon. Ce n'est pas une question !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, votre démonstration a l'avantage d'être claire. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Le mot-clé pour réussir la décentralisation est le rétablissement de la confiance entre l'État et les collectivités locales. Depuis six mois, avec Dominique de Villepin, nous avons pour seule idée de tenir, au mot près, en collant au calendrier, tous nos engagements : l'autonomie financière, c'est fait ; la nouvelle décentralisation, c'est voté ;...

M. François Hollande. Vous rêvez !

M. le ministre délégué à l'intérieur. ...la TIPP modulable pour les régions, la première étape en est franchie avec la Commission et la deuxième est engagée avec les pays membres ; la réforme des dotations et l'introduction de la péréquation - à laquelle la gauche tient beaucoup -, nous la faisons. À tous ces rendez-vous, nous sommes présents.

Il reste maintenant, effectivement, un point clé : la décentralisation. Elle va monter en puissance au cours des trois prochaines années et représenter un montant important à partir de 2007. D'ici là - et vous en parlez en connaissance de cause parce que vous faites partie des collectivités qui ont baissé les impôts -, nous avons clairement dit que la décentralisation sera financée à l'euro près. Autrement dit, celles des collectivités régionales ou départementales qui souhaitent - comme c'est leur droit - augmenter les impôts, ne le font pas pour financer la décentralisation, mais pour financer les ordinateurs et les livres scolaires gratuits, les emplois tremplins...

M. Bernard Deflesselles. Les promesses électorales !

M. le ministre délégué à l'intérieur. ...bref, non pas la décentralisation, mais les promesses électorales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

TÉLÉPHONIE MOBILE

M. le président. La parole est à M. Yves Coussain, pour le groupe UMP.

M. Yves Coussain. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'industrie.

Le Gouvernement s'est fixé comme priorité la lutte contre la vie chère.

M. Patrick Lemasle. C'est la vie chère qui a gagné !

M. Yves Coussain. Le débat sur la baisse des prix dans la grande distribution montre combien les Français sont sensibles à tout ce qui permet de retrouver ou d'accroître leur pouvoir d'achat.

M. Jean-Pierre Brard. Et les Français ne voient rien venir !

M. Yves Coussain. La téléphonie mobile connaît un fort développement, freiné toutefois par l'anomalie que constitue la surfacturation des communications des postes fixes vers les mobiles. Sur chaque minute de communication, l'opérateur mobile récupère quinze centimes d'euro, pour un coût de revient estimé à environ six à huit centimes d'euro. C'est excessif. Cette taxe de terminaison d'appel, qui était justifiée lors du lancement de la téléphonie mobile pour financer le réseau, n'a plus de raison d'être. Elle constitue désormais un prélèvement injustifié sur les abonnés du téléphone fixe.

Le conseil de la concurrence a condamné les opérateurs pour cette pratique. L'ART a annoncé un objectif de baisse de 50 % sur trois ans. Les sommes en jeu sont considérables et il y a là matière à redonner du pouvoir d'achat à nos concitoyens. Que comptez-vous faire pour obtenir une baisse significative du prix des appels du fixe vers le mobile ? Par quels moyens comptez-vous obtenir des avancées rapides sur cette question ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le député, vous avez tout à fait raison. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je pense que nous sommes d'accord sur tous les bancs. Mais le dispositif date de l'époque où vous étiez aux affaires, mesdames, messieurs les députés de l'opposition !

Quand on appelle d'un téléphone fixe vers un téléphone mobile, l'interconnexion est payée quinze centimes d'euro la minute. Or le coût de revient, vous l'avez dit, monsieur Coussain, est de six à huit centimes. La directive européenne et la loi française prévoient que ce coût de l'interconnexion doit s'approcher le plus possible du prix de revient. Là, la marge est de 100 %.

Qui plus est, c'est une pratique antisociale. Les appels de téléphones fixes vers des mobiles, détenus par des personnes qui, en principe, ont plus de moyens, sont plus taxés que les appels de mobile à mobile. Ce sont ainsi 800 millions d'euros qui sont confisqués chaque année à une population moins favorisée. Tant et si bien qu'un dispositif a été inventé pour faire croire que l'on appelle d'un mobile quand on utilise en réalité un téléphone fixe. Il permet ainsi de récupérer la surprime et de gagner 200 millions d'euros. Dans le jargon, on appelle cela le « hérisson ».

Le Gouvernement estime que cela suffit. La surtaxe se justifiait à une époque pour favoriser la téléphonie mobile. Maintenant, il faut restituer, conformément à la politique de baisse des prix, ces 800 millions d'euros aux consommateurs. Suite au jugement du conseil de la concurrence, le Gouvernement prépare un décret, qui sera prêt à la fin de l'année et qui donnera à l'ART les moyens d'agir pour obliger les opérateurs à baisser ce prélèvement superfétatoire, s'ils n'ont pas le bon sens de le décider d'eux-mêmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)


PRATIQUE DES PRIX DANS LA GRANDE DISTRIBUTION

M. le président. La parole est à Henri Emmanuelli, pour le groupe socialiste.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur Sarkozy, il est au moins un point sur lequel nous pourrions nous entendre, c'est de ne pas faire dire aux gens le contraire de ce qu'ils ont dit : M. Hollande a trouvé les baisses catégorielles légitimes ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous lui avez fait dire le contraire, et de tels agissements n'ont pas leur place dans une démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Nicolin. Quel culot !

M. Henri Emmanuelli. Monsieur le Premier ministre, malgré le retour de la croissance, le chômage continue à augmenter. Cette croissance est aujourd'hui menacée par la hausse du prix de l'énergie, pour laquelle les Français paient un lourd tribut.

Au printemps, votre ministre de l'économie et des finances a redécouvert l'importance de la demande intérieure et, partant, du pouvoir d'achat des Français, ce qui l'a conduit à imposer une baisse de 2 % dans le secteur de la grande distribution. Il est un peu tôt pour juger cette opération, d'autant plus que les intéressés l'ont transformée en opération marketing, mais nous croyons que les marges commerciales pratiquées dans ce secteur sont très supérieures à celles qui avaient justifié, au départ, l'essor de ce type de distribution.

Nous connaissons le mécanisme des marges arrière. Le rapport Canivet révèle même qu'en modifiant la loi Galland, il serait possible d'obtenir des baisses de 15 à 60 % ! De surcroît, il y a eu, dans certains secteurs de services, depuis la mise en place de l'euro - alors que ce n'était pas l'objectif - des évolutions de prix dont les statistiques officielles ne rendent pas compte. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Pour ces raisons, nous souhaiterions que le Parlement se saisisse de cette affaire et que l'on constitue une commission d'enquête (« Encore ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) pour contrôler les marges commerciales dans les grandes surfaces ainsi que l'évolution des prix dans certains secteurs de services. Monsieur le Premier ministre, allez-vous encourager cette initiative ou vous y opposer ?

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Le Gouvernement a bien noté que la demande intérieure était l'un des moteurs principaux de notre croissance, laquelle, je vous le rappelle, est de un point supérieure à celle des pays de la zone euro. Je suis fier d'être à la tête du Gouvernement qui a augmenté le SMIC - ce qui n'avait pas été fait depuis trente ans - d'un montant équivalent d'un treizième mois, et la prime pour l'emploi de 4 %.

J'ai noté, monsieur Emmanuelli, que vous aviez lu le rapport Canivet et que vous y aviez trouvé nombre d'analyses objectives. Il n'y a, dans ce rapport, aucun tabou.

C'est vrai, il nous faut corriger certains dispositifs,...

M. François Hollande. Les vôtres !

M. le Premier ministre. ...décidés il y a dix ans. À cette fin, nous devons nous appuyer sur trois critères.

Tout d'abord, le consommateur. Les baisses de prix le servent. Vous avez raison de souligner que, du fait du système antérieur, un même produit peut coûter en France 20 à 25 % plus cher qu'en Allemagne, en Italie ou en Espagne, ce qui signifie que les consommateurs n'ont pas profité d'un certain nombre de dispositifs. Ils doivent être les premiers bénéficiaires de l'évolution de notre réglementation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Deuxième critère : l'emploi. Il est évident que les grandes surfaces doivent accueillir avec davantage de dynamisme les productions des producteurs agricoles et des petites et moyennes entreprises dans le cadre de contrats pluriannuels permettant de soutenir l'emploi.

M. François Hollande. Que des mots !

M. le Premier ministre. Nous avons vu trop souvent des grandes surfaces fragiliser des PME faute de savoir construire des relations conventionnelles durables.

M. François Hollande. Vous êtes au pouvoir depuis combien de temps ?

M. le Premier ministre. C'est précisément parce que nous voulons soutenir l'emploi dans les PME que le ministre de l'économie parlait d'« amortisseurs » et de « régulateurs ». Dans le nouveau système, les producteurs agricoles et les petites et moyennes entreprises seront protégées.

M. François Hollande. À qui allez-vous faire croire cela ?

M. le Premier ministre. Troisième critère : la logique de proximité. J'en vois certains lever les yeux au ciel.

M. François Hollande. Effectivement !

M. le Premier ministre. Nous avons trop encouragé, par le passé - je suis bien obligé de le dire - le développement des grandes surfaces. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Nous avons laissé déstructurer nos villes et le commerce de proximité en a été affaibli. (Mêmes mouvements.)

Le temps est venu de travailler à l'instauration d'un meilleur équilibre, sans boucs émissaires, dans le respect des règles établies selon les trois critères que j'ai énumérés - le consommateur, l'emploi, la proximité - qui deviendront les nouvelles donnes de la nouvelle politique commerciale de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli. Vous n'avez pas répondu à ma question !

SÉCURITÉ MARITIME

M. le président. La parole est à M. Aimé Kergueris, pour le groupe UMP.

M. Aimé Kergueris. Monsieur le secrétaire d'État aux transports et à la mer, nous avons tous en mémoire les trop nombreuses catastrophes maritimes qui ont gravement et durablement pollué les fonds marins et nos côtes ces dernières années. Les noms de l'Erika et du Prestige résonnent encore tristement à nos oreilles compte tenu des ravages qu'ils ont causés sur notre littoral.

Manifestement, le sujet n'intéresse pas nos collègues de gauche, que je vois quitter en nombre l'hémicycle. (« C'est une honte ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mais, à côté des grandes catastrophes, nous déplorons également le comportement irresponsable et beaucoup plus pernicieux de certains commandants de navires indélicats. Nos mers sont, en effet, régulièrement souillées par des dégazages sauvages.

Le Gouvernement a initié dès 2002 de nouvelles dispositions pour faire face à cette situation.

M. Gilbert Le Bris. Depuis 2001 !

M. Aimé Kergueris. Depuis, nous apprenons régulièrement le déroutement de navires pris en flagrant délit. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'État, faire un point précis de la situation ?

De plus, de nouvelles dispositions ont été adoptées sur un plan international concernant la sécurité des navires et des ports et sont applicables depuis ler juillet 2004. Pouvez-vous nous dresser un bilan de leur application ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer.

M. François Goulard, secrétaire d'État aux transports et à la mer. Monsieur Kergueris, vous savez mieux que personne que la politique de sécurité maritime a considérablement changé depuis 2002.

M. Gilbert Le Bris. Depuis 2001 !

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. Nous avons été condamnés par la Cour de justice en 2000 parce que les contrôles dans les ports étaient insuffisants. Pour la première fois, nous avons dépassé en 2003 le seuil des 25 % des navires contrôlés, taux qui sera à nouveau respecté en 2004.

Nous allons, d'ici à 2007, moderniser entièrement les équipements de radars qui contrôlent les navires dans la Manche. Ce que vous n'avez pas fait, messieurs de la gauche ! J'ai veillé avec Gilles de Robien à ce que le projet de budget pour 2005 comporte les dotations nécessaires.

Depuis le mois d'octobre, un nouveau dispositif de suivi du trafic en Manche, baptisé « trafic 2000 » a été mis en œuvre. La France est, en ce domaine, en avance sur les pays maritimes européens.

En ce qui concerne les dégazages que vous avez déplorés, monsieur le député, les réformes engagées en 2002 par le Premier ministre portent aujourd'hui leurs fruits. Alors que l'on ne comptait précédemment qu'un ou deux navires déroutés par an, on en dénombre seize depuis le 1er janvier de cette année. Les responsables seront lourdement sanctionnés par la justice.

En matière de sûreté, une convention internationale nous oblige à appliquer, depuis le 1er juillet 2004, un code baptisé ISPS. Tous les navires de commerce français, qui y sont soumis, ont obtenu leur certificat international de sûreté et 70 % des 350 installations portuaires concernées par ce dispositif ont vu leurs plans approuvés. Tous les grands ports sont dans ce cas.

Enfin, nous allons recruter 40 officiers de port pour renforcer la sécurité.

Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les députés, dans ce domaine comme dans les autres, l'État sait, même dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, donner les moyens nécessaires quand il est question de sûreté du trafic et des installations. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

RAYONNEMENT CULTUREL DE LA FRANCE EN CHINE

M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour le groupe UMP.

M. Yves Censi. Monsieur le ministre de la culture et de la communication, le Président de la République s'est rendu en Chine du 9 au 12 octobre et a lancé l'année de la France en Chine qui fait suite à l'année de la Chine en France. Cette opération comprend un volet culturel important. Vous avez accompagné le Président de la République et participé à une rencontre internationale sur la diversité culturelle.

La Chine est un géant démographique et économique. Son poids culturel est également de plus en plus important et la France doit se présenter, dans ce domaine, comme une puissance non seulement historique mais surtout d'avenir.

Ce déplacement aura-t-il, monsieur le ministre, un impact sur le rayonnement culturel de notre pays ? Quels sont vos objectifs et quels résultats avez-vous obtenus en faveur de nos industries culturelles, notamment audiovisuelles ? Quelles retombées pour l'emploi et quelles perspectives pour nos exportations peut-on espérer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. La mondialisation, l'internationalisation des échanges et les délocalisations nous donnent parfois le sentiment que l'on nous « pique » tout et que notre influence diminue. L'ouverture de l'année de la France en Chine, lancée par la visite d'État effectuée par le Président de la République, nous a permis de mesurer - et cela est de nature à rassurer la représentation nationale - à quel point le rayonnement de nos artistes et de notre culture était grand en Chine.

Tout d'abord, quarante ans après le voyage du général de Gaulle et le début des relations franco-chinoises, la France est le premier pays à avoir été autorisé par le gouvernement chinois à ouvrir un centre culturel à Pékin. Cela a été un moment très important.

Ensuite, nombre de manifestations culturelles ont été organisées, qui ont eu une répercussion à la hauteur de la population chinoise : les images du spectacle de Jean-Michel Jarre ont ainsi été reçues par 650 millions de Chinois, de même que nos trois couleurs sur l'ancienne muraille de Pékin, les citations de Victor Hugo et les extraits de la Déclaration des droits de l'Homme. Le patrimoine et la culture contemporaine étaient à l'honneur.

La France est en compétition avec les institutions des plus grands pays. Nous sommes, en particulier, en compétition avec les Américains pour animer un centre culturel particulièrement important à Hong-Kong.

Enfin, une réunion très importante a eu lieu à Shanghai sur la diversité culturelle et la préparation d'une convention à l'Unesco. Que pèse cette institution par rapport à l'OMC, se demanderont certains ? Cela permet à chaque État de défendre sa politique culturelle, ses artistes et ses talents. Nous avons réussi, pour cette grande cause, à avoir le soutien de cet immense pays qu'est la Chine.

Pour toutes ces raisons, le bilan économique et culturel de cette visite d'État doit nous rassembler car il est un grand succès. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

    2

LOI DE FINANCES POUR 2005

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Jean-Pierre Brard. C'est un Requiem ou un Te Deum ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui le budget de la France pour 2005, en compagnie de M. Dominique Bussereau.

À lui seul, un budget ne fait pas basculer le pays dans une situation définitivement bonne ou mauvaise. Mais il est essentiel à deux titres. D'abord, parce qu'il contient des choix qui engagent ; ensuite, parce qu'il s'inscrit dans une politique économique.

Au-delà des contraintes qui pèsent sur l'élaboration du budget pour 2005, qui sont bien réelles - chacun le sait -, au-delà du volontarisme qui caractérise ce budget, qui est bien réel lui aussi, je voudrais organiser mon propos autour de trois questions.

Première question : que voulons-nous pour notre économie, quel est notre objectif principal ?

Il ne s'agit pas de vouloir faire mieux en tout, d'améliorer vaille que vaille tous nos résultats : de l'emploi à la hausse des prix, en passant par le commerce extérieur, et cela dans un ordre incertain. Il faut définir un but autour duquel toute notre action doit s'ordonner. Ce but ultime, c'est une croissance plus soutenue, et surtout plus durable.

Deuxième question : dans quel contexte agissons-nous pour atteindre cet objectif ?

Les contraintes, ce sont évidemment celles de l'environnement international, plus spécifiquement celles de l'Europe, mais aussi les contraintes propres à notre économie et à nos finances publiques.

Troisième question enfin : comment le budget s'inscrit-il dans cet objectif et dans ce contexte ?

Dans mon esprit, il n'y a pas de doute : la croissance doit être le cœur de notre action. Il ne s'agit pas de faire le moins mal possible, mais de nous réveiller collectivement. Le retour d'une croissance soutenue, d'une croissance durable est indispensable à notre économie. Un véritable sursaut national est nécessaire.

Ce diagnostic a été posé très rapidement. Pourquoi la France - et je l'évoquais rapidement lors des questions au Gouvernement - fait-elle durablement moins bien que d'autres grands pays ? Plus grave, non seulement elle fait moins bien, mais plus le temps passe et moins on remet en question ce retard de croissance spécifique à la France.

On passe d'ailleurs plus de temps à se demander si on a fait 0,4, 0,5 ou 0,6 au trimestre dernier que de temps à réfléchir à comment faire 3 % l'année suivante. Cela traduit une véritable résignation, qu'il nous faut refuser.

Clairement, nous avons un point de croissance de moins que les autres depuis vingt ans. Il ne s'agit pas de faire l'apologie des pays anglo-saxons, ce qui n'aurait aucun sens. Il n'est pas question de courir derrière les performances à tout prix. Il faut simplement ouvrir les yeux sur ce qui se passe autour de nous. Pourquoi ne parvenons-nous pas à trouver les ressources en nous-mêmes pour décider ce que les autres arrivent à faire ?

J'avais demandé au mois de mai dernier à M. Michel Camdessus de réfléchir précisément sur les obstacles à la croissance.

M. Jean-Pierre Brard. C'est un mercenaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cela ne vaut pas la peine qu'on réponde !

M. Jean-Pierre Brard. C'est un mercenaire de votre cause. Il est au pied !

M. Christian Cabal. Ce propos, monsieur Brard, est indigne !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce rapport m'a été remis ce matin. Il est d'une grande qualité, d'une grande hauteur de vue, il dit des choses fortes...

M. Jean-Pierre Brard. C'est juste au-dessus du flacon de parfum de Mme Bettencourt ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Brard !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous qui aimez tant qu'on vous respecte, monsieur Brard, respectez les autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Faites simplement cela. Croyez-moi, cela ne vous abaissera pas, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je vous respecte, mais je n'ai pas une mentalité de lansquenet.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il y a des moments où votre humour a des limites.

M. le président. Monsieur Brard, je vous en prie !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce rapport fera donc date dans l'histoire de notre réflexion économique.

M. Jean-Pierre Brard. Tu parles !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce rapport est centré sur le diagnostic d'une croissance trop faible. Il relève que sur les dix dernières années - et cela devrait susciter le consensus entre nous - la performance de croissance française en Europe n'est supérieure qu'à celle de l'Allemagne.

M. Augustin Bonrepaux. Avez-vous regardé de 1997 à 2002 ? Il ne faut pas commencer par mentir !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Tous les autres pays ont connu une croissance par habitant plus importante, y compris des pays qui n'étaient pas en situation de rattrapage par rapport à la France. Je pense au Royaume-Uni, à la Belgique, aux Pays-Bas, à la Suède et à la Finlande.

Au lieu de polémiquer de façon tout à fait inutile, mettons-nous, au moins, d'accord là-dessus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Pourquoi 3 % de croissance en moyenne aux Etats-Unis et seulement 2 % en France ?

M. Éric Besson. C'est faux !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il nous faut réaliser que ce point de croissance nous manque, que c'est celui qu'il nous faudrait pour réduire chaque année notre déficit public d'un demi-point - c'est-à-dire de huit milliards d'euros.

M. Augustin Bonrepaux. Inspirez-vous de ce qu'ont fait vos prédécesseurs !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est aussi ce point de croissance qui nous manque pour faire reculer le chômage de plusieurs points, alors que tous les gouvernements successifs se sont épuisés à le maintenir autour de cette barrière mythique de 10 %.

Quand nous avons eu une croissance plus forte, nous n'avons jamais réussi à faire descendre le taux de chômage en dessous de 8,5 %, ...

M. Augustin Bonrepaux. C'est moins que 9,5 !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... ce qui est beaucoup plus que nombre de pays comparables au nôtre, qui sont à 5 %.

M. Augustin Bonrepaux. Vous, vous réussirez à l'amener à 10 !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Regardons cela en face. Ne nous jetons pas ces chiffres à la figure. Essayons ensemble de trouver la solution.

Le rapport Camdessus va plus loin encore. Il réfléchit à ce qui se passera dans dix ans si on ne réagit pas. Compte tenu du vieillissement de notre population - un phénomène parfaitement prévisible -, notre rythme de croissance de croisière ne sera pas légèrement au-dessus de 2 %, mais légèrement au-dessus de 1,5 %.

On entend parfois dire que le vieillissement de la population est une bonne nouvelle pour les statistiques du chômage.

M. Jacques Myard. C'est une catastrophe !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est faux, car le vieillissement de la population conduira à une diminution de notre consommation et donc de notre croissance.

M. Jacques Myard. C'est une implosion en Allemagne !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Attendre la solution au chômage du vieillissement de la population par la diminution arithmétique de la population active est un non-sens économique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas le raisonnement de M. Fillon !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je voudrais vous rendre attentifs à deux phénomènes qui me paraissent eux aussi intangibles. La France - et ce n'est insulter personne que de le dire - travaille moins que ses partenaires. C'est une réalité objective, et je ne parle pas que des trente-cinq heures.

M. Jean-Pierre Brard. Elle est plus efficace !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je parle aussi du travail des jeunes de moins de vingt-cinq ans et de celui des hommes et des femmes de plus de cinquante ans. Quand on parle du temps de travail, il ne faut pas s'arrêter à la seule question des trente-cinq heures. Il faut reconnaître que notre pays donne du travail à moins de jeunes et prive de travail plus de quinquagénaires qui demandaient non à être accompagnés en préretraite et à devenir inutiles économiquement, mais à continuer de travailler.


M. Nicolas Perruchot
. Pas d'assistanat !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cela traduit par un résultat qui devrait susciter le consensus : le taux d'activité dans notre pays est très faible. Au total, la France est avant-dernière au sein de l'OCDE pour le nombre d'heures travaillées par an et par personne en âge de travailler. Ce constat est aveuglant, ce constat est lucide. Il ne doit pas prêter à polémique.

M. Jacques Myard. Au travail !

M. Jean-Pierre Brard. Nous sommes plus productifs !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Conclusion : sans un niveau suffisant de travail, il n'y pas de richesse, donc pas de croissance.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il ne faut pas s'étonner, dans ces conditions, que notre taux de croissance soit faible : c'est tout simplement parce que le nombre de personnes qui travaillent est faible. Voilà la première réalité de l'économie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Sophisme !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Si cette vérité dérange, c'est que l'on ne veut pas voir la réalité.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas une vérité ! C'est une vérité de Pinocchio !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Tout doit être mis en œuvre pour encourager le travail. Reconnaissons que, ces dernières années, tout a été fait pour le décourager.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très juste !

M. Éric Besson. Qu'avez-vous fait pendant deux ans ? Vous étiez pourtant au Gouvernement depuis tout ce temps ! Deux cent mille chômeurs de plus !

M. Roland Chassain. Mais quel héritage !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Deuxième élément : notre endettement a atteint un niveau que je n'hésite pas à qualifier d'insupportable - 1 000 milliards d'euros : autre réalité objective ! -, alors même que nous faisons de moins en moins d'investissements pour l'avenir.

M. Augustin Bonrepaux. Depuis quand ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il y a une raison à cela, et tous les gouvernements, tous, sont confrontés à cette réalité : à partir du moment où la dette vous étouffe, vous n'avez plus de marge de manœuvre pour investir.

M. Jean-Pierre Brard. Sauf si l'on ponctionne les privilégiés !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Avec 40 milliards par an pour rembourser les intérêts de la dette, il va de soi qu'aucun gouvernement, quel qu'il soit, ne peut consacrer aux investissements les moyens nécessaires. Les intérêts de la dette en sont venus à représenter le deuxième budget de la nation. Voilà le résultat de vingt-trois années de déficit consécutives...

M. Jean Leonetti. Et de quinze ans de socialisme !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...et la gauche y a une large part. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Voilà la réalité !

M. Augustin Bonrepaux. Vous venez de l'augmenter de 10 % !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'accepte tout à fait que nous aussi y prenions notre part de responsabilité.

M. Augustin Bonrepaux. Une grande part !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La France est donc très exactement dans la situation de ce ménage qui, peinant à rembourser ses dettes et n'ayant pas pu installer ses enfants, choisirait délibérément de travailler moins : on peut sans risque lui prédire des difficultés... Eh bien, justement nous y sommes !

M. Jacques Myard. Un peu d'inflation ne ferait pas de mal !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. De la dette, des déficits, du travail en moins, et l'on se dit : « C'est curieux, il y a des chômeurs en plus ! »

M. François Hollande. Depuis deux ans !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Voilà le constat que l'on doit poser sur la situation économique de la France.

Je résume la stratégie que le Gouvernement vous propose : plus de croissance par davantage de travail au plan collectif, davantage de travail par plus de réformes. Voilà la seule stratégie possible.

M. Éric Besson. Cela a bien marché depuis deux ans ! Le résultat est vraiment concluant !

M. Jean-Pierre Brard. C'est la vérité selon saint Nicolas !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il faut donc lever tous les obstacles qui, en France, freinent la création d'emplois et dissuadent du travail. Nous devons évidemment tenir compte des protestations syndicales...

M. Jean-Pierre Brard. Ah, quand même ! Et vous allez voir ça !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il nous faut y apporter des réponses qui lèvent les malentendus et apaisent les inquiétudes. Mais je veux le dire solennellement : les protestations des uns et des autres ne doivent pas nous conduire à l'immobilisme...

M. Christian Cabal. Au jospinisme !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...car ceux-là mêmes qui nous reprochent d'aller trop vite seront les premiers à nous sanctionner au motif que nous aurions décidé d'aller trop lentement.

M. Philippe Armand Martin. Très bien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Quant aux Français, ils jugeront aux résultats. Mais ce n'est pas en ne tentant rien que l'on modifiera cette douloureuse réalité qui fait que depuis vingt ans, notre pays fait moins bien que les autres sur le front du chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Les protestations et les inquiétudes, c'est une chose, mais cela ne doit en aucun cas nous conduire à l'immobilisme. Car l'immobilisme est mortel pour une majorité, pour un gouvernement et, plus grave, pour un pays.

M. Jean-Pierre Brard. Que ne l'avez-vous dit ce printemps !

M. Éric Besson. Cela fait deux ans et demi que vous nous dites cela ! Résultat : 230 000 chômeurs de plus !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Quelles sont nos contraintes ? Le monde connaît en 2004 l'une des plus fortes croissances des trente dernières années, avec un taux de progression de 4,5 %, une hausse de l'ordre de 4 % aux États-Unis, et des chiffres supérieurs en Asie - presque 10 % en Chine. Toutefois, les experts s'attendent à un léger ralentissement de la croissance mondiale en 2005, sous l'effet des déséquilibres de l'économie américaine et particulièrement de l'extraordinaire faiblesse du taux d'épargne des ménages américains - 1,3 % contre 15,4 % pour les ménages français.

M. Jacques Myard. Exact !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. On parle souvent des déficits américains à propos du budget ou de la balance des paiements ; j'aimerais mettre l'accent sur le déficit des ménages. Tant et si bien que la plus grande puissance économique du monde, qui devrait être structurellement prêteuse, parce que la plus riche et la plus forte, se retrouve structurellement emprunteuse. Que se passera-t-il pour l'équilibre du monde le jour où l'argent épargné en Asie ne viendra plus s'investir dans les bons du Trésor américains ?

M. Jacques Myard. Ce sera le krach !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Au lendemain des élections américaines, le problème de l'endettement des États-Unis se trouvera posé.

M. Jean-Pierre Brard. Nicolas, président des États-Unis !

M. Roland Chassain. Votre modèle n'était pas le bon, monsieur Brard !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Toutefois, les mêmes experts prédisent que la croissance restera forte, puisque l'on prévoit une croissance mondiale de 4 % en 2005 - au lieu de 4,5 % cette année - et 3 % aux États-Unis au lieu de 4 %. Certains observateurs font mine de s'inquiéter en découvrant que cela pourrait aller moins bien aux États-Unis. Moins bien... mais avec un taux de croissance que nous trouverions excellent si c'était le nôtre !

M. Jean-Paul Charié. Bien sûr !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce qui serait excellent pour nous devient médiocre chez les autres ! Ce n'est pas le moindre des paradoxes de ce qu'il convient de reconnaître parfois comme une petite forme d'arrogance française : nous aimons bien donner des leçons aux autres, tout en nous abstenant de regarder de temps en temps les quelques faiblesses de notre économie et de notre société ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous parlez en orfèvre !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En Europe, la reprise se poursuit. La croissance de la zone euro a atteint un rythme annuel de 2,5 % au premier semestre 2004, alors que la croissance de la France, sur la même période, a dépassé les 3 %. Je crois juste de le souligner : si la France avait fait moins bien que les autres, nombre de voix fortes se seraient à coup sûr élevées ici pour le reprocher au Gouvernement ! J'imagine, connaissant leur honnêteté, que ceux-là mêmes qui auraient stigmatisé l'échec dramatique d'une France par comparaison avec ses partenaires de la zone euro ne manqueront pas au cours du débat de reconnaître que si la France a fait mieux, c'est grâce au Gouvernement. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je n'en doute pas une seconde et c'est pourquoi je ne m'attarderai pas davantage sur ce sujet !

M. Didier Migaud. Nous n'avons pas tout à fait la même analyse !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En France, la reprise a d'abord été soutenue par la consommation des ménages : plus 2,8 % au deuxième trimestre 2004.

M. Jacques Myard. Exact !

M. Jean-Pierre Brard. Dans les familles de Rmistes ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Et même si les derniers chiffres de la consommation des produits manufacturés suggèrent un tassement - incontestable - cet été, la progression moyenne de la consommation restera de l'ordre de 2 à 2,5 % sur l'année, soit un point de plus que dans l'ensemble de la zone euro. Autrement dit, quand bien même le ralentissement de cet été perdurerait, notre consommation continuerait à progresser à un rythme deux fois plus rapide que la consommation moyenne de la zone euro.

Cette demande des ménages s'est trouvée relayée par une relance de l'investissement - il n'était que temps -, en constante diminution depuis dix ans. Les premiers chiffres dont nous disposons font état d'une progression en valeur de 8 % en 2004 dans l'industrie concurrentielle. C'est la progression la plus importante relevée en France depuis 1991 ! Je ne dis pas cela pour dire que tout va bien,...

M. Augustin Bonrepaux. Quand même !

M. Jean-Louis Dumont. Allons, il ne faut pas avoir peur !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...mais seulement pour amener à poser un regard lucide sur la situation.

Nos exportations ont connu quatre trimestres de recul, de la mi-2002 à la mi-2003. Elles ont de nouveau progressé au deuxième trimestre 2004 - plus 1,1 % - et devraient continuer à le faire, à en juger par la bonne orientation des carnets de commande de nos industriels. Ces résultats sont toutefois fragiles et il convient de rester très vigilants, dans la mesure où notre commerce extérieur n'est pas orienté vers les zones les plus « utiles ». En effet, nous commerçons beaucoup avec l'Allemagne et l'Italie ; malheureusement, ces deux grandes économies - 80 millions d'habitants d'un côté, 60 de l'autre - sont précisément les moins dynamiques dans la zone Europe depuis quelques années. Et comme nos exportations sont moins orientées vers les zones à croissance dynamique, notre commerce extérieur en a naturellement souffert.

M. François Hollande. Bref, c'est de leur faute !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce retour, incontestable, de la croissance en France n'est pas dû au seul contexte international. Il tient également à notre politique économique, en premier lieu au cap que nous nous sommes fixé sur la réduction des déficits.

Les Français avaient une épargne supérieure aux autres pays de la zone euro. Pourquoi ? Parce qu'à force de voir l'État dépenser un argent qu'il n'avait pas, ils se sont mis à faire du stockage de précaution. Le phénomène est parfaitement connu : « L'État accumule les déficits, l'endettement et les dépenses, se sont-ils dit. Mieux vaut que nous épargnions, puisqu'il ne le fait pas. »

M. Jean-Pierre Brard. Mon boulanger me l'a bien dit !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cela s'appelle de l'épargne de précaution. Et depuis que nous nous sommes fixé un cap déterminé vers la réduction des déficits, le taux d'épargne de nos concitoyens, comme par hasard, a diminué de 1,2 point. Les Français ont recommencé à consommer.

M. Jean-Pierre Brard. C'est ce que vous a expliqué votre femme de ménage ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ensuite, nous avons voulu rendre du pouvoir d'achat aux Français. Comment faire ? Nous n'avons pas de marge de manœuvre budgétaire, pour cause de déficits abyssaux. Pas davantage de marge de manœuvre fiscale, puisque les impôts sont au plafond. Pas de marge de manœuvre monétaire enfin, puisque la monnaie n'est plus dans le portefeuille de compétences des gouvernements.

M. Jacques Myard. Eh oui !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pour rendre du pouvoir d'achat, il faut donc agir sur tous les leviers de croissance possibles.

M. Jean-Pierre Brard. C'est Nicolas Superman !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est le sens de l'accord sur la baisse des prix des produits de la grande distribution. L'INSEE a estimé le gain de pouvoir d'achat induit à 0,3 point d'ici au tout début 2005,...

M. Jean-Pierre Brard. On en reparlera !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...alors que les prix des produits alimentaires avaient augmenté de 3 % par an entre 2000 et 2003. Il y avait là une véritable injustice sociale dont personne ne parlait. Le prix du panier de la ménagère dans les biens de grande consommation, ce n'était pas un sujet habituellement traité par les responsables politiques. Il est donc heureux que la question des prix soit clairement posée aujourd'hui. Je ne prétends pas que nous ayons tout résolu, monsieur Charié ; je dis seulement que plus personne ne peut contester le fait que la formation des prix dans la grande distribution ne répond pas à des critères objectifs,...

M. Jean-Paul Charié. C'est vrai !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...et que les Français ont peiné dans leur consommation depuis plusieurs années, et particulièrement les trois dernières, parce que les prix étaient trop élevés. Ce n'est du reste pas le moindre des paradoxes : plusieurs indices montrent que l'inflation est maîtrisée alors que les consommateurs français continuent à trouver la vie chère. Ce décalage devrait nous inciter, dans le consensus le plus général, à revoir ces indices et sans doute à nous demander s'ils ne sont pas devenus trop théoriques, au point de ne plus représenter grand-chose dans la vie de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je livre cette réflexion à votre débat.

Nous avons incité les ménages à consommer. Grâce notamment à ce que nous avons fait pour les donations.

M. Jacques Myard. Impôt sur les donations, impôt spoliateur !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'effet a été spectaculaire : entre le mois de juin et le mois de septembre, il y a eu 130 000 donations exceptionnelles dans la limite des 20 000 euros. Ce sont 2,2 milliards d'euros qui sont venus soutenir l'activité de la France sans dégrader d'un centime le déficit public. Pourquoi nous en priver ? Il se trouve que la vie n'est pas très bien faite : on a davantage de moyens arrivé à un âge où l'on a moins de besoins, et l'on n'a pas d'argent au moment où l'on en a le plus besoin.

M. Augustin Bonrepaux. Qui vous dit qu'ils vont le dépenser ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'était une mesure utile, une mesure simple et une mesure qui a marché.


Mieux, la déduction des intérêts sur les prêts de la consommation a permis de contracter 900 millions d'euros de prêts supplémentaires, cela parce qu'on a permis la déduction d'une partie des intérêts.

Il était important de décomplexer l'acte d'emprunt. On parle trop du surendettement, et on complexe les gens. Pour une famille, emprunter c'est croire en l'avenir ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

C'est espérer que demain sera meilleur, c'est acheter un appartement, changer de voiture, renouveler son équipement électroménager.

M. François Hollande. Le surendettement, ce n'est pas cela !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'économie de marché se fonde sur la confiance et s'appuie sur l'idée que le progrès social peut se transmettre d'une génération à l'autre. Un pays où les ménages ont confiance dans l'avenir est un pays qui investit, et pour investir, il faut emprunter. Or dans notre pays, on complexe les gens qui empruntent. Après l'on s'étonne que l'économie ne marche pas et qu'il y ait trop de chômeurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. François Hollande. Les chômeurs aimeraient bien emprunter !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. S'agissant de la possibilité de déblocage des réserves de participation, elle a permis depuis septembre seulement - et là, c'est encore plus spectaculaire - que 385 000 salariés réinjectent 1,1 milliard d'euros dans l'économie sans que le déficit en soit aggravé. Je ne doute pas qu'au cours du débat, vous me soumettrez de multiples et riches idées pour soutenir la croissance, qui me permettront de repartir la musette pleine, mais les mesures appliquées nous ont déjà fait gagner 0,5 point de PIB supplémentaire.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, nous avons retenu une prévision de croissance de 2,5 % pour 2005, davantage donc que la prévision moyenne de 2,2 % pour la zone euro. Cette croissance permettrait de créer 190 000 emplois dans le secteur marchand ; elle s'accompagnerait d'une inflation de 1,8 %, et d'une augmentation du pouvoir d'achat des ménages : de 1,5 % en 2004, on passerait à 2,2 % en 2005.

Bien sûr, je suis conscient des tensions induites par la hausse du prix du pétrole.

M. Augustin Bonrepaux. Vous n'en tenez pas compte !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le 22 septembre, date à laquelle le projet de loi de finances a été présenté en conseil des ministres, le cours du brent était de 44 dollars. Aujourd'hui, il atteint quelque 55 dollars.

Cette situation pose deux questions : face à un pétrole plus cher, que devons-nous faire collectivement ? Et faut-il revenir sur le diagnostic économique associé au projet de loi de finances ?

À court terme, il faut, face à une hausse brutale des prix, aider certains secteurs, dont l'agriculture, qui sont immédiatement vulnérables et cela pour une raison simple : ils ne peuvent répercuter dans leurs prix de vente les hausses du prix des matières premières, ni, donc, celui du fuel. Si nous avons décidé d'aider les agriculteurs, ce n'est pas par « clientélisme », mais parce qu'ils ne peuvent pas répercuter cette hausse dans leurs prix.

M. Jean-Louis Dumont. Si vous aidez, n'oubliez personne !

M. Jean-Pierre Brard. Faites donc la même chose pour les salariés !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les prix agricoles sont déjà très bas. Il est donc difficilement imaginable, et les élus des circonscriptions où l'activité agricole est importante le savent bien, que le producteur dise à l'acheteur : je vais vendre plus cher, parce que le prix du fioul ou du pétrole a augmenté !

C'est pourquoi nous avons pris ces mesures. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) Si vous les aviez examinées avec attention, vous auriez noté que nous n'avons pas adopté le même mécanisme pour aider les marins pêcheurs ou les routiers. Et notre action a dû être efficace, car aucune raffinerie n'a été occupée, ni aucune route bloquée ! Les professions concernées ont reconnu que l'effort du Gouvernement était à la fois efficace et juste.

Mesdames et messieurs les députés, si nous ne l'avions pas fait, vous nous l'auriez à juste titre demandé. Nous l'avons fait parce que c'était juste. C'est la seule raison qui nous a animés.

M. Jean-Louis Dumont. Si c'est de justice qu'il s'agit, n'oubliez pas les locataires, car les charges locatives ont augmenté, elles aussi !

M. Jean-Pierre Brard. Et les chômeurs, à qui il ne reste plus que la marche à pied pour rechercher du travail !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais au-delà des fluctuations à court terme, que va-t-il se passer ? Les spécialistes considèrent que les réserves pétrolières seront épuisées dans trente-cinq à cinquante ans, et les réserves de gaz dans quatre-vingts à cent ans. Je ne suis pas un spécialiste de la question, je ne fais que vous livrer les chiffres. Mais que ce soit quarante ou cent ans, l'absolue dépendance de l'économie mondiale au pétrole doit nous conduire à poser clairement la question des énergies de substitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Augustin Bonrepaux. Tout à fait, mais qu'est-ce que vous faites ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Quelle que soit notre position politique, cette question est centrale ! C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a proposé dans la loi sur l'énergie, le lancement de l'EPR, la nouvelle génération de réacteurs nucléaires.

M. Richard Mallié. Et ITER.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Toutefois, mesdames et messieurs les députés, entre la décision que vous avez prise au mois de juin de lancer EPR et le moment où le premier kilowatt-heure sera produit, il faudra sept ans.

M. Michel Bouvard. Oui !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Autant dire que la proposition du parti socialiste de constituer un groupe de réflexion n'était pas la plus pertinente, ce qui explique d'ailleurs notre choix de ne pas les attendre ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Hollande. Qu'est-ce que vous avez fait pour les prix des carburants ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nos prédécesseurs, qui dans les années soixante-dix ont lancé le programme des cinquante-huit centrales nucléaires ont eu raison de le faire !

M. Édouard Landrain. Très bien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Et l'Europe à laquelle nous croyons tous, doit, de toute urgence, se doter d'une politique énergétique commune, parce que l'énergie, l'environnement et la pollution ne s'arrêtent aux frontières de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

J'ajoute que cela suppose une politique nucléaire commune du couple franco-allemand. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) On ne peut pas d'un côté de la frontière stopper la politique nucléaire et de l'autre la développer. Cela s'adresse aussi bien à l'Italie, à l'Espagne qu'à l'Angleterre.

Mais l'on ne peut s'en tenir là, au moment où la croissance mondiale est, pour la première fois, tirée par l'ensemble des régions du monde ; cette stabilité n'est pas si fréquente. Jusqu'à présent, la croissance mondiale était tirée par un moteur, voire deux, et des régions entières n'étaient pas concernées. Aujourd'hui, et c'est une bonne nouvelle, elle est tirée partout vers le haut. À elle seule, la Chine compte pour quelque 8 à 9 % de la consommation de pétrole totale, et il n'y a pas de raison pour que cette tendance s'inverse. C'est la raison pour laquelle, je réunirai le 29 de ce mois les professionnels du bâtiment, de l'automobile et du secteur pétrolier pour parler avec eux des nécessaires économies d'énergie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. François Bayrou. Très bien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous avons trop vite renoncé à la « chasse aux gaspis » idée qui avait été mise en œuvre dans les années soixante-dix. Ce faisant, nous avons fait preuve d'une vision à très courte vue,...

M. Jean-Louis Dumont et M. Augustin Bonrepaux. Évidemment, vous avez tué l'ADEME !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous pensions que parce que le pétrole était peu cher, nous pouvions dépenser sans compter. Mais, désormais, les politiques d'économies d'énergie doivent reprendre. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il va de soi que, s'agissant des énergies alternatives - celles dont nous maîtrisons la technologie, comme les biocarburants - le Gouvernement se montrera ouvert aux différentes propositions qui ont été faites.

M. Alain Gest. Très bien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. On le voit, d'importants efforts de recherche doivent être menés, qu'il s'agisse des économies d'énergie, des énergies renouvelables ou de l'énergie nucléaire.

J'ajoute qu'il faut être juste. Il faut avoir le courage de dire qu'il serait antiéconomique de compenser la hausse des matières premières, et notamment du pétrole, par une baisse généralisée de fiscalité. Comment peut-on en même temps dire : « économisez l'énergie » et inciter à la consommation en abaissant la fiscalité.

M. François Hollande. C'est ça : il faut que les Français payent plus !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cela reviendrait à creuser encore notre déficit. Cela dit, les Français ont le sentiment que l'Etat s'enrichit à mesure que le prix du carburant augmente.

M. Jean-Louis Dumont. Et le prix du chauffage !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pourtant, je rappelle que la TIPP est perçue sur le volume de carburant, à taux fixe.

M. François Hollande et Mme Marylise Lebranchu. On connaît tout ça !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Quelle arrogance, mesdames, messieurs de l'opposition ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

De par ce mécanisme, lorsque le prix du carburant s'élève, la TIPP n'augmente pas, et elle peut même diminuer puisqu'elle s'applique sur les volumes consommés, lesquels ont tendance à décroître lorsque les prix augmentent. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Paul Charié. Voilà qui est clair !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Non !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ne pas admettre cela, ce n'est rien connaître à la question. (Mêmes mouvements.)

M. Richard Mallié. Ils ne connaissent rien à rien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En revanche, la TVA qui est perçue sur les carburants, est assise sur les prix. Si le prix augmente, le produit fiscal augmente.

M. Jean-Paul Charié. Tout à fait !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement vous propose, pour tenir compte de ces mouvements, qu'une commission parfaitement impartiale (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicain)...

M. Jean-Pierre Brard. Cela va de soi !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...composée de parlementaires de tous les groupes politiques se réunisse à très bref délai, monsieur Bayrou.

M. Jean-Pierre Brard. C'est un appel du pied, François ! (Sourires.)

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette commission sera chargée de calculer les éventuelles recettes supplémentaires au titre de la fiscalité sur le carburant en comparant les recettes prévues dans la loi de finances pour 2004 et les recettes obtenues à ce titre à la fin de l'année. Il ne doit pas être difficile de voir si l'État s'est enrichi ou appauvri. Si l'État s'est enrichi, le Gouvernement s'engage à répercuter ce supplément sur la fiscalité dès le 1er janvier 2005. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Bayrou. Pourquoi pas maintenant ?

M. François Hollande. Oui, immédiatement !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ainsi, il n'y aura pas de débat et la justice sera respectée. Si le seul problème entre nous est un problème de calendrier, parlons-en...

Mme Anne-Marie Comparini. Oui, parlons-en !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...entre responsables de bonne foi, soucieux de conforter le consommateur dans l'idée que l'État ne fera pas de bonnes affaires sur son dos. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ce n'est pas quinze jours ou un mois qui changeront fondamentalement les choses. J'avais proposé la mi-décembre ou le 1er janvier 2005 parce qu'il ne me semblait pas absurde d'attendre la totalité des rentrées fiscales de 2004 pour évaluer les recettes supplémentaires par rapport aux estimations de la loi de finances initiale. Si le principe proposé par le Gouvernement rencontrait l'adhésion de tous et que nous n'avions plus à débattre que d'un calendrier - le consensus autour de cette question étant tellement important - le Gouvernement se montrerait ouvert aux propositions qui pourraient lui être faites. Discutons-en, mettons-nous d'accord : ce qui compte, c'est que personne n'ait le sentiment d'être trompé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Édouard Landrain. Très bien !

M. François Bayrou. Il faut le faire tout de suite.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il me semble que le système envisagé est plus juste que celui de la TIPP flottante qui n'a jamais fonctionné et qui, fonctionnerait-il, creuserait le déficit.

M. François Hollande. Comment ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous rendrions ainsi aux Français l'argent que nous aurions obtenu en plus.

La dernière question qui se pose n'est pas simple : c'est celle de l'hypothèse de croissance sur laquelle est fondé le projet de budget. J'observe que l'on se bat avec acharnement, pendant la discussion budgétaire, pour savoir si la croissance sera de 2,5, 2,2 ou 2,6 %, puis que l'on oublie immédiatement après ce qui a fait l'objet de si longues discussions. Et pour cause : il s'agit d'une prévision.

Je l'ai dit, le projet est fondé sur une croissance de 2,5 %. La plupart des organismes internationaux estiment que la croissance de la France se situera entre 2,2 % et 2,5 %. Où est la vérité, à un dixième près ?

M. Paul Giacobbi. Ce sera 1,5 !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il n'en reste pas mois que j'ai pensé en vous présentant ces hypothèses qu'il n'était pas dans mon rôle de vous proposer un taux de croissance inférieur en 2005 à celui de 2004 ! D'autant que, grâce à un certain nombre de mesures volontaristes, nous prévoyons déjà une augmentation certaine de 0,5 %.

Pour ce qui est du prix du pétrole, nous avons choisi l'hypothèse d'un baril à 36 dollars, au lieu de 28 l'année dernière. On verra bien avec M. Bussereau comment les choses évolueront. Je pense qu'en prévoyant 2,5, nous sommes dans des prévisions moyennes.

Quant à ceux qui nous disent de revoir de toute urgence nos hypothèses de croissance - ils n'en ont d'ailleurs aucune idée...

M. Pascal Terrasse. Camdessus vous l'a dit !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...ils cèdent à de la panique. Or quand on a la charge de présenter un budget, il faut garder son sang-froid !


J'ajoute qu'on peut aussi espérer qu'en Allemagne et en Italie, la consommation sortira de sa torpeur.

M. Jean-Pierre Brard. Avec Berlusconi et Schröder ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En Allemagne, où vos amis sont au pouvoir, monsieur Brard, ...

M. Jean-Pierre Brard. Ah non, ses amis, on les choisit !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...je ne doute pas qu'avec toutes leurs bonnes idées, la consommation finira par reprendre.

M. Pascal Terrasse. Ce ne sera pas le cas selon Le Monde !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce sera la meilleure des nouvelles pour l'économie française.

Deuxième élément de contexte : les contraintes de nos finances publiques.

Nous serons au rendez-vous des 3 % de déficit public. La Commission et le FMI reconnaissent les efforts que la France a fournis pour parvenir à ce résultat. Mais il faut bien reconnaître une chose, c'est qu'un budget comme celui que je vous présente, qui consacre davantage de crédits à la charge de la dette qu'à l'emploi, est un budget qui n'a plus de marges de manœuvre.

M. Jean-Pierre Brard. C'est sûr que ce n'est pas un budget pour l'emploi !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Dès lors, il est absolument indispensable de se lancer dans la réduction des déficits.

Dix milliards d'euros de déficit en moins entre 2004 et 2005 :...

M. Augustin Bonrepaux. Réduction artificielle !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...jamais, dans l'histoire budgétaire de notre pays, il n'y a eu une telle réduction d'une année à l'autre.

M. Jean-Pierre Brard. C'est le résultat du hold-up sur EDF !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Cela n'a rien à voir !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La soulte EDF ne compte pas pour un centime d'euro dans cette réduction, monsieur Brard ! N'affichez pas votre incompétence en la matière ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Et vous, n'affichez pas votre insolence !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La soulte n'allant pas dans le budget de la nation, elle ne peut pas compter dans la réduction du déficit. Ce n'est pas bien difficile de le comprendre !

M. Pascal Terrasse. Mais si ! C'est un artifice de présentation !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nullement, et je mets au défi quiconque de démontrer que la soulte EDF a contribué, ne serait-ce que pour un centime, à réduire le déficit. On verra qui a raison.

Par ailleurs, nous n'avons pas augmenté les prélèvements obligatoires.

Les prélèvements qui vont à l'État diminuent de près de 6 milliards d'euros.

M. Augustin Bonrepaux. Et ceux qui vont aux collectivités augmentent !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ceux qui vont à l'assurance maladie augmentent de 6 milliards d'euros.

Là aussi, il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que la gestion de l'État va devenir de plus en plus difficile, compte tenu de l'autonomie des collectivités locales, et d'autre part, des comptes de la sécurité sociale.

On ne peut espérer réduire les déficits publics de la France en agissant avant tout et surtout sur le budget de l'État qui ne compte que pour un tiers dans les déficits de la nation. Dire cela, c'est décrire une réalité.

Pour ceux qui auraient besoin de se rafraîchir la mémoire, je rappelle que le taux de prélèvements obligatoires est passé de 44,8 % en 1998 à 45,5 % en 1999.

M. Augustin Bonrepaux. Oui, mais quels étaient alors leurs montants ? Et où en sommes-nous aujourd'hui ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Alors même qu'il y avait de la croissance, on a augmenté les dépenses sans réduire les déficits tout en accroissant les prélèvements. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Pourquoi escamoter la réalité ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je crois qu'il est bon de rappeler ces chiffres au cas où certains les auraient oubliés. Cela permettra de ramener un peu de calme dans les débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous avons donc choisi d'agir sur la dépense publique. Pour la troisième année consécutive, nous connaissons une augmentation zéro des dépenses, compte tenu d'une hypothèse d'inflation de 1,8 %. Or, les derniers chiffres donnent une tendance de 2,2 %. Si le Gouvernement avait retenu ce taux, il aurait relâché la pression sur son engagement en se sentant autorisé à augmenter les dépenses dans la même proportion. Mais nous les avons tenues à 1,8 %. Autrement dit, le poids des dépenses publiques par rapport à la richesse nationale diminue.

M. Jean-Pierre Brard. Au détriment de quoi ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Reste la question aussi incontournable que passionnante des effectifs.

Leur part dans le budget de la nation est de 40 %, celle des intérêts de la dette de 15 %. Et quand je parle d'effectifs, cela comprend les salaires et les pensions puisque lorsque l'État recrute un fonctionnaire, il s'engage à payer également sa retraite. Ne pas voir qu'on ne peut pas remplacer tout le monde et qu'il faut réduire les effectifs de la fonction publique, c'est s'interdire de réduire le déficit.

On peut parfaitement soutenir qu'il ne faut pas réduire les déficits et donc continuer à embaucher dans la fonction publique. Mais on ne peut pas affirmer qu'il faut réduire les déficits sans, dans le même temps, avoir le courage de dire qu'il faut réduire les effectifs. Il n'y a pas d'autres choix.

M. Pascal Terrasse. On peut agir sur les recettes également !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ceux qui n'ont pas le courage d'en appeler à la réduction des effectifs ne veulent pas réduire les déficits.

Le projet de loi de finances prévoit le non-remplacement de plus de 10 000 emplois. Compte tenu des 3 000 créations d'emplois dans les ministères prioritaires, les effectifs totaux diminuent de près de 7 200 emplois.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il faut aller plus loin !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pourquoi pas ? De ce point de vue, il a fallu arbitrer et je ne dis pas que cet équilibre est parfait. Simplement, depuis vingt ans, aucun budget n'a compté autant de non-remplacements de postes. Je ne prétends pas que c'est suffisant ou que l'on ne pouvait pas faire mieux. Je dis seulement que cela ne devait pas être si facile à réaliser.

M. Éric Besson. Personne ne le conteste !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous avons aussi financé nos priorités. La recherche, priorité incontestée, s'est vu consacrer un milliard d'euros de crédits supplémentaires.

M. Augustin Bonrepaux. On le cherche encore ! Où est-il dans le PLF ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Dans le contexte contraint que nous connaissons de l'augmentation zéro, trouver une telle somme n'a pas été une mince affaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les lois de programmation - sécurité, justice et défense - ont fait l'objet de débats acharnés mais toutes sont financées. Mesdames et messieurs les députés, vous qui n'aimez pas ce genre de lois car vous avez l'impression qu'on les oublie au-delà de leur première année d'existence, sachez que pour la troisième année consécutive, elles sont scrupuleusement respectées. Cela participe, me semble-t-il, du respect que l'on doit au Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Au total, les 17 milliards d'euros de marge de manœuvre qui sont les nôtres pour 2005, nous les répartissons de la manière suivante : dix milliards d'euros pour la réduction du déficit, 5 milliards pour les priorités du Gouvernement et 2 milliards d'euros pour la réduction de la fiscalité.

M. Augustin Bonrepaux. Au détriment de l'investissement !

M. Jacques Myard. Mais pas du tout !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'assume le choix politique...

M. Jean-Pierre Brard. ...idéologique !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...de la pause dans la baisse de l'impôt sur le revenu car dans un pays qui a 1 000 milliards d'euros de dettes, les bénéfices de la croissance doivent être affectés d'abord à la réduction du déficit et de la dette.

M. Augustin Bonrepaux. Sans oublier quelques cadeaux fiscaux plus ou moins apparents !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cela ne signifie pas que je ne crois pas à la baisse de l'impôt sur le revenu. J'y crois. Mais il faut commencer par la diminution de la dette.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Qu'en pense M. Chirac ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Par ailleurs, ce mouvement de réduction de nos déficits n'a de sens que s'il s'inscrit dans la durée. Avec M. Bussereau, nous vous proposons de faire figurer dans la LOLF une disposition qui obligera tous les gouvernements à rendre compte de l'utilisation qu'ils feront des recettes de la croissance.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Plus de cagnotte !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. On ne peut pas répéter l'erreur de 1999 : 7,5 milliards d'euros de surplus de recettes ont été intégralement consacrés à des dépenses nouvelles et quand la croissance est partie, il n'y a plus eu de recettes, mais seulement des dépenses et donc des déficits, que vous nous avez laissés, monsieur Strauss-Kahn ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

En disant cela, je ne veux insulter personne, mais seulement tenir compte des erreurs dramatiques du passé pour en tirer des enseignements. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Il ne s'agit en aucun cas d'encadrer la liberté des futurs gouvernements qui pourront faire ce qu'ils veulent des surplus. Simplement, ils seront obligés de dire au Parlement et à la nation ce qu'ils en ont fait. Les uns consacreront les recettes de la croissance au remboursement des dettes de notre pays pour préparer l'avenir ; les autres feront les cigales en les dépensant. Au moins, la nation sera informée. C'est d'ailleurs une chose que font bien d'autres pays.

La Russie, première réserve mondiale de gaz, grand producteur de pétrole, vient ainsi de se doter d'un fonds de précaution pour la modernisation de l'économie où seront affectées toutes les recettes supplémentaires résultant d'une augmentation du prix du baril de brent au-delà de 20 dollars. Ce que font les autres, peut-être doit-on parfois s'en inspirer, surtout lorsque ce sont des expériences sages et raisonnables.

M. Jean-Pierre Brard. 60 % du PIB sous contrôle de la mafia, quel exemple !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Deuxième choix politique : soutenir et encourager la croissance, l'emploi, la consommation.

Il y a deux préjugés auxquels il faut tordre le cou une fois pour toutes.

Premièrement, grand classique, il n'y aurait rien à faire. Délocalisations : rien à faire. D'ailleurs, à écouter M. Besson, ce ne serait pas si grave que cela. Immigration : rien à faire ! Mais à quoi sert-on alors ?

Deuxièmement, la France serait incapable de comprendre la réforme. C'est un peu comme lorsqu'on disait de nos malheureux frères de l'Europe de l'Est du temps du communisme qu'ils n'étaient pas faits pour la liberté.

M. Éric Besson. Que faites-vous concrètement contre les délocalisations ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. De génération en génération, on racontait la même bêtise.

M. Éric Besson. Et les délocalisations ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pour nous, il n'y a pas de fatalité. C'est le principe fondamental de ce budget.

Je donnerai trois exemples de ce volontarisme :

Depuis plus de vingt ans, on se plaint à juste raison de l'insuffisance du nombre d'apprentis dans notre pays.

M. Éric Besson. Des mots ! Que faites-vous concrètement contre les délocalisations, monsieur Sarkozy ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Article 14, monsieur Besson !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Chaque gouvernement, chaque majorité s'est plu à louer l'exemple allemand et à déplorer la situation française sans qu'il y ait pour autant un quelconque changement. Eh bien, ce budget comprend une réforme sans précédent de l'apprentissage. Son mécanisme est simple : toute entreprise qui ne recrutera pas d'apprentis verra sa taxe d'apprentissage augmenter et, à l'inverse, toute entreprise qui en embauchera la verra diminuer. Voilà un principe simple, clair et vertueux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Jusqu'à présent, que de mises en garde devant les difficultés d'une telle réforme : «L'apprentissage, n'y touchez pas ! Il y a les collectivités locales, les conseils régionaux, les chambres consulaires, sans compter les autres réseaux ». En parler, toujours ; modifier, jamais ! Voilà l'occasion d'un changement par lequel nous espérons faire passer le nombre d'apprentis de 350 000 à 500 000 chaque année. (« Excellent ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)


On déplore aussi depuis longtemps que nos PME n'exportent pas assez. Elles n'ont pas la culture de l'exportation pour la simple raison qu'exporter coûte cher et qu'il leur faut trouver dans des zones parfois lointaines, le réseau qui leur permettra de vendre. C'est pourquoi, nous vous proposons une mesure à laquelle je crois beaucoup : un crédit d'impôt égal à 50 % des dépenses de prospection de marchés situés en dehors de l'espace économique européen, dans la limite de 15 000 euros. Ce n'est pas rien. Mais si vous estimez qu'il faut aller au-delà, nous pourrons en discuter.

Pourquoi en dehors de l'espace économique européen ? Précisément parce que nous voulons doper l'exportation sur les zones les plus porteuses, à savoir les États-Unis, l'Asie, l'Amérique latine, bref toutes ces zones où nous ne sommes pas assez présents.

M. Jean-Paul Charié. Oui les PME doivent pouvoir y aller !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je refuse aussi la fatalité des délocalisations. Depuis notre débat de la semaine dernière, le Congrès d'une grande nation libérale a adopté des dispositions - si je les avais proposées en France, que n'aurais-je entendu ? - visant à accorder une réduction d'impôts aux entreprises américaines qui produisent sur le territoire américain. Et parce que nous, nous osons simplement débattre de cette question, on nous accuse de manquer de solidarité avec les pays de l'Est, de manquer de générosité avec l'Afrique, et on nous taxe de populisme et de démagogie !

Se pencher sur les problèmes du pays, c'est trouver les solutions.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les Américains qui parlent de libéralisme tous les jours ne se gênent pas pour voter un système fiscal différencié selon que les produits sont fabriqués aux États-Unis ou ailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) J'imagine donc que vous aurez à cœur de regarder ce que nous vous proposons s'agissant des délocalisations.

J'ajoute, monsieur Myard, que l'impact des mesures que nous proposons représente une réduction de 6 % du coût du travail pour dissuader de délocaliser, soit l'équivalent d'un mois de salaire par employé rémunéré au SMIC. De surcroît, dans le cas des entreprises qui relocaliseraient dans un territoire éligible à la PAT, cet avantage sera plus élevé puisqu'il pourra représenter 20 % des charges de personnel ou du montant des investissements.

M. Roland Chassain. Voilà une mesure concrète !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. On peut discuter du quantum, mais reconnaissez que le dispositif mérite au moins d'être testé. De deux choses l'une : si ça marche, nous essaierons de faire mieux l'an prochain.

M. Éric Besson. Venez-en tout de suite à la deuxième hypothèse !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Si ça ne marche pas, on ne pourra pas me dire que la mesure aura coûté cher.

M. Jean-Paul Charié. Tout à fait !

M. Augustin Bonrepaux. Ce sont des gadgets !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Bien évidemment, si vous avez d'autres idées, n'hésitez pas à nous les faire connaître !

M. Éric Besson. Parce que ce n'est que ça vos mesures contre les délocalisations ?

M. Augustin Bonrepaux. C'est un peu léger ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Nadine Morano. Vous n'avez rien fait !

M. Michel Herbillon. Qu'est-ce que vous proposez, mesdames, messieurs de l'opposition ? Rien !

M. le président. Monsieur Herbillon, n'en rajoutez pas !

Veuillez poursuivre, monsieur le ministre d'État.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Par ailleurs, pour soutenir le pouvoir d'achat et la croissance, nous avons décidé de prendre des mesures de revalorisation salariale sans précédent. Ce budget est un budget de justice sociale.

M. Augustin Bonrepaux. Vous ne ferez croire cela à personne !

M. Jean-Pierre Brard. Pinocchio !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'en veux pour preuve l'augmentation sans précédent du SMIC de 5,5 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Reconnaissez que, compte tenu de la politique d'allégement des charges, quand les entreprises augmentent le SMIC c'est l'État qui paie, non les entreprises.

M. Jean-Pierre Brard. Enfin un aveu !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette disposition, décidée et assumée par l'État, est une mesure de justice sociale.

M. Jean-Pierre Brard. C'est de la subvention !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En outre, elle confortera la consommation. En effet, les bas salaires n'épargnent pas parce qu'ils n'en ont pas les moyens.

M. Jean-Pierre Brard. Enfin une découverte !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce surcroît de moyens permettra donc une hausse de la consommation.

Dans le secteur hôtelier, nous avons augmenté le SMIC de 11 %, mettant ainsi fin au SMIC hôtelier. Pourquoi, mesdames et messieurs de la gauche, n'avez-vous jamais réparé une telle injustice ? Pourquoi avez-vous accepté un sous-SMIC dans l'hôtellerie ? Ça ne vous gênait pas ? Qu'avez-vous fait ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. Ce sont des affameurs du peuple !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Comme les salaires étaient trop bas, de très nombreuses offres d'emplois n'étaient pas satisfaites. La vérité, c'est que vous aimez bien les grands discours mais que vous les accompagnez de toutes petites décisions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Une fois de plus, ce sont la droite et le centre qui auront voté et proposé l'augmentation du SMIC et la suppression du SMIC hôtelier. La gauche a été au pouvoir pendant cinq ans. Pourquoi n'a-t-elle pas mis un terme à cette injustice ?

M. Jacques Myard. Très bien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'aimerais entendre ses arguments dans le cadre de ce débat, au moins sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous allez nous entendre !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La gauche est aussi toujours prompte à parler du PACS. Mais elle n'a pas fait ce que nous faisons aujourd'hui : aligner le statut fiscal du PACS sur celui des couples mariés. Voilà une autre mesure de justice ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Nadine Morano. Très bien !

M. Pascal Terrasse. Mme Boutin n'applaudit pas ! Elle va sortir sa Bible !

M. Jean-Pierre Brard. M. de Courson est contre !

M. Pascal Terrasse. C'est une politique de gauche !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Permettez-moi de vous dire que la gauche a été défaillante face à cette injustice que nous devons réparer.

Nous proposons également d'alléger l'impôt sur les bénéfices des sociétés. Le taux moyen de taxation des bénéfices des sociétés est de 20 % dans les pays de l'Est...

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...et de 28 % en Europe. Malgré la mesure proposée par le Gouvernement, nous serons encore à un taux de 33 %.

M. Jean-Pierre Brard. Encore plus de dumping !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. À ce propos, je souhaite m'expliquer sur une proposition que je défendrai la semaine prochaine en Hongrie et en Tchéquie.

Nous avons construit l'Europe pour créer une union politique. La concurrence est certes nécessaire en Europe, mais elle doit être loyale.

M. Jean-Pierre Brard. Les paradis fiscaux !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Qui peut accepter qu'un pays nouvellement entré dans l'Union européenne ait cru intelligent, utile, de porter le taux de son impôt sur les bénéfices des sociétés à 0 % ? J'ai donc proposé que les fonds structurels contribuent naturellement à la solidarité européenne car ils sont indispensables pour aider ces pays nouvellement européens à se développer.

M. Michel Bouvard. Les fonds structurels sont utiles en France aussi !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais on ne peut pas se prétendre suffisamment riche pour porter cet impôt à zéro et, dans le même temps, suffisamment pauvre pour demander aux autres de financer les fonds structurels que nous ne pouvons plus utiliser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Il aura fallu une heure pour entendre le premier propos sensé !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cela ne veut pas dire que je réclame l'harmonisation du taux des impôts en Europe. On ne peut pas demander aux autres d'être aussi mauvais que nous ! On ne peut pas les condamner à la même fiscalité que la nôtre.

M. Michel Roumegoux. Très bien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais qui peut croire que les pays d'Europe de l'Est ont intérêt à une politique fiscale si agressive ? Et qui peut croire qu'on peut construire des démocraties apaisées avec un taux de l'impôt sur les bénéfices des sociétés de 0 % ?

M. Jacques Myard. La Commission !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cela n'a pas de sens.

J'ai donc proposé une règle simple : un pays qui a une fiscalité moyenne égale à la moyenne de la fiscalité européenne aura droit à 100 % des fonds structurels. Si sa fiscalité est inférieure de 50 % à la fiscalité européenne moyenne, il aura droit à 50 % des fonds structurels.

M. Jacques Myard et M. Michel Roumegoux. Très bien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Enfin, si sa fiscalité est inférieure de 100 % à la fiscalité européenne, il aura droit à 0 % de fonds structurels. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je ne vois pas en quoi cette proposition manque à la solidarité.

On m'objectera l'exemple de l'Irlande. Mais je rappelle que ce pays compte 4 millions d'habitants, contre 80 millions pour les pays d'Europe de l'Est que nous venons d'accueillir. J'ajoute que, lorsque l'Irlande s'est lancée dans cette politique fiscale très agressive, la première nation à protester vigoureusement fut la Grande-Bretagne qui considérait qu'il y avait concurrence déloyale. Il y a donc des solutions en Europe. Il n'y a pas de sujet tabou.

Quand on aura provoqué la révolte des opinions de l'Europe de l'Ouest, on n'aura pas fait progresser la solidarité dans l'Europe de l'Est. Comment expliquer, en effet, dans nos régions, où le taux de chômage peut atteindre 20 ou 30 %, qu'on ne peut plus utiliser les fonds structurels ? Par ailleurs, la Commission nous demande de réduire plus rapidement notre déficit tout en augmentant le budget de l'Europe. Je ne vois pas comment on peut, dans le même temps, demander à la France de réduire plus son déficit en dépensant moins et de contribuer davantage au budget de l'Europe. Tout cela n'a pas beaucoup de sens.

J'en viens maintenant aux emplois familiaux. Que les choses soient claires entre nous. Il faut reconnaître que c'est une idée de la gauche puisque c'est elle qui, la première, a proposé des déductions fiscales pour les emplois familiaux.

M. Jean-Pierre Brard. Mais pas dans cette proportion !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il faut applaudir une idée quand elle est bonne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je n'imagine donc pas que l'on puisse être en désaccord sur une simple question de quantum...

M. Pascal Terrasse. Le quantum est élevé !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...d'autant plus que le Gouvernement est ouvert à la discussion sur ce point.

M. Jacques Myard. 15 000 euros !

M. Jean-Pierre Brard. Il s'agit d'employer des domestiques !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Sur cette question, il faut moins s'occuper de l'employeur que de l'employé.

M. Jean-Pierre Brard. Mon maître est bien bon ! (Sourires.)

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Que celui qui a de l'argent s'en serve pour créer un emploi, c'est plutôt une bonne nouvelle pour celui qui n'avait pas d'emploi et qui bénéficie ainsi d'une protection sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur Brard, vous préférez qu'il parte en Suisse ou ailleurs ?

M. Jean-Pierre Brard. Pour alimenter ses comptes, par exemple !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il y a là un formidable gisement d'emplois.

Le Gouvernement propose donc qu'une famille qui rémunère un emploi familial au SMIC puisse déduire de ses impôts l'équivalent des charges qu'elle supporte.

M. Pascal Terrasse. C'est déjà le cas !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Absolument pas !

Le Gouvernement sera ouvert aux amendements, mais évitons que cette mesure ne soit comprise par personne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. Très bien !


M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
J'ai regardé les amendements, qui ont tous leur logique et leur intelligence. Certains tendent à familialiser la mesure, en proposant que la déduction soit progressive au nombre d'enfants. D'autres visent à la subordonner à la présence à domicile d'une personne de plus de soixante-dix ans, âge qui représente évidemment un cap. (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Brard. Honni soit qui mal y pense !

M. Pascal Terrasse. Qui donc a soixante-dix ans ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. D'autres amendements préconisent d'accorder une aide plus importante aux parents d'un enfant handicapé. Toutes ces propositions sont guidées par un souci de justice. Mais, si on les adopte, on finira par proposer aux Français un budget auquel ils ne comprendront plus rien. Voilà la réalité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. C'est exact !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'enfer étant pavé de bonnes intentions, le Gouvernement restera ouvert. Mais, s'il reconnaît que toutes les propositions s'appuient sur une intention légitime, il veut éviter que, à l'arrivée, on n'y comprenne plus rien.

Monsieur Mariton, tout le monde n'est pas polytechnicien. Vous qui êtes le premier à vous plaindre de la complexité de la législation, vous n'êtes cependant pas le dernier à proposer des amendements dont le seul résultat serait de compliquer inutilement les mesures proposées par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je suis prêt à tout, monsieur Mariton, mais je vous mets en garde. Si les parlementaires prennent l'initiative de compliquer les dispositifs actuels, ce qui est possible et sûrement légitime, ils ne pourront pas reprocher au Gouvernement de ne pas prendre des mesures assez simples.

Celui-ci propose, pour sa part, de déduire les charges. Mesdames et messieurs les députés, si vous voulez qu'il en soit autrement, il sera à votre écoute. Mais ne prétendez pas qu'il serait plus simple de faire autrement. La politique impose souvent des choix cohérents,...

M. Dominique Dord. Et clairs !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...et cette cohérence est fondamentale.

Mme Nadine Morano. Très bien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La dernière mesure que je mentionnerai est la revalorisation de 4% de la prime pour l'emploi, ce qui représente plus du double de l'inflation, prévue à 1,8 %.

Ainsi, ce budget est volontariste et juste.

Mme Nadine Morano. Oui !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il utilise au maximum les marges de manœuvre réduites dont nous disposons, compte tenu d'une tradition qui veut que, depuis vingt-trois ans, les budgets présentés soient toujours, hélas, en déficit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire.

M. Pascal Terrasse. Écoutez-le bien, mes chers collègues ! Il sera encore là dans quelques mois, lui !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, Nicolas Sarkozy vient de vous présenter notre ambition avec force.

M. Jean-Pierre Brard. Et même avec beaucoup de talent et d'imagination !

(M. Yves Bur remplace M. Jean-Louis Debré au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,

vice-président

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. En effet, avec talent. Venant de vous, monsieur Brard, ce compliment va sûrement toucher M. Sarkozy. (Sourires.)

Cette ambition est simple : il s'agit de recréer des marges de manœuvre pour accompagner la reprise économique et maintenir notre pays sur la voie d'une croissance durable et soutenue, au service de l'emploi.

Avant d'évoquer les moyens que nous mettons en place pour faire aussi de ce projet de loi de finances un outil de modernisation et de réforme de la France, je voudrais rappeler comment, à travers ses grandes masses, le budget qui est proposé à votre examen porte, en pratique, les grands choix qui viennent d'être rappelés.

Le premier est celui de la responsabilité budgétaire. Il importe en effet de maîtriser la dépense, de contenir la dette et de réduire le déficit. Comme l'a indiqué Nicolas Sarkozy, ce projet de budget marque une réduction historique du déficit qui, en 2005, se limitera à 44,9 milliards d'euros, soit 10 milliards de moins que le déficit de la loi de finances pour 2004. Un tel reflux, en une seule année, constitue un record dans notre histoire budgétaire.

Comment y sommes-nous parvenus ?

En premier lieu, grâce au retour de la croissance que notre politique économique a suscité. Les prévisions de recettes fiscales pour l'année 2005 - soit 272,1 milliards d'euros - se fondent sur une base 2004 revue sensiblement à la hausse. Ce résultat ne nous est pas offert par les circonstances. Nicolas Sarkozy l'a indiqué : nous sommes allés le chercher, comme le montre notre avantage de croissance en Europe.

Le ralentissement de l'économie entamé en 2001 s'est prolongé jusqu'à la fin de 2003. Il a mécaniquement affecté nos recettes en 2002 et en 2003, puisque les rentrées fiscales de l'exercice 2003 n'atteignaient même pas le niveau de celles de 2000, avec des moins-values de 9 milliards d'euros.

Dans ce contexte économique difficile, nous avons opté pour une attitude responsable. Nous avons d'abord laissé jouer les stabilisateurs économiques plutôt que de tenter de compenser ces chutes de revenus. Nous avons pris ensuite des mesures efficaces pour soutenir la consommation et l'investissement, et créer ainsi les conditions d'un redémarrage rapide. Nous avons donc retrouvé la voie d'une croissance économique dynamique dès 2004, ce qui nous permet aujourd'hui d'anticiper 5 milliards de recettes fiscales supplémentaires en 2004, qui seront entièrement affectées à la réduction du déficit.

L'autre raison qui explique ce recul inédit du déficit tient à l'effort continu de maîtrise des dépenses auquel nous nous sommes astreints.

Je ne détaillerai pas le volet « dépenses » du budget pour 2005, qui fera l'objet de nos débats des prochains jours, mais je rappellerai quelques données globales. Les dépenses nettes de l'État, à structure constante, s'établissent à 288,8 milliards d'euros. Elles n'augmentent donc pas plus que l'inflation, qui se monte à 1,8 %. L'objectif dit « zéro volume » fixé par le Premier ministre est donc tenu, et cela pour la troisième année consécutive. C'est un résultat suffisamment nouveau dans notre histoire budgétaire récente pour qu'il soit souligné.

Chacun d'entre vous connaît les facteurs de rigidité extrême de la dépense publique. Celle-ci tient, en premier lieu, au service de la dette, qui consomme aujourd'hui presque 14 % du budget général. Rien qu'en 2005, avec des taux d'intérêt qui devraient pourtant rester modérés, les charges de la dette croissent mécaniquement de 1,3 milliard d'euros.

De plus, ainsi que Nicols Sarkozy l'a rappelé, l'État est confronté à une montée en charge des dépenses de retraite des fonctionnaires : en 2005, les dépenses de pensions civiles et militaires, indexées depuis l'an dernier sur l'évolution des prix, augmenteront automatiquement de 2 milliards d'euros.

La stabilisation des dépenses de l'État en volume a, par conséquent, réclamé un effort considérable pour que soient dégagés les moyens nécessaires au financement des priorités du Gouvernement.

Nous n'avons pas baissé les bras devant la complexité de la tâche. Nous n'avons renoncé ni à nos priorités politiques, ni à notre volonté de maîtrise, dans la durée, des dépenses de l'État.

Seule notre capacité de faire des choix courageux et clairs nous a permis de dégager des marges de manœuvre, puis de les affecter au respect de nos lois de programmation - défense, sécurité intérieure et justice -, ainsi qu'à l'aide publique au développement, à la recherche et à la cohésion sociale.

Ce rappel des grandes masses du projet de loi de finances permet, mesdames, messieurs les députés, de mieux saisir l'économie générale du budget que nous vous soumettons et de constater qu'il traduit parfaitement les choix politiques du Gouvernement.

En deuxième lieu, j'insisterai sur le fait que le projet de loi de finances pour 2005 est en même temps un outil de modernisation et de réforme pour notre pays.

Je développerai trois exemples de cette utilisation du budget pour moderniser la France en faisant d'abord le point sur la réforme budgétaire, puis en abordant ce sujet emblématique de notre ambition modernisatrice qu'est la réforme de la redevance audiovisuelle et enfin en évoquant la refonte du financement des collectivités locales dans le cadre de la décentralisation.

La réforme budgétaire va connaître en 2005 une accélération considérable.

La loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, ne sera pleinement applicable que dans un an, mais nous la testons « à blanc » dès cette année.

Vous avez entre les mains deux versions du budget pour 2005. En effet, vous disposez - pour la dernière fois - de la version en vigueur depuis 1959, qui distingue les crédits de personnel, de fonctionnement et d'investissement, mais aussi de la nouvelle version, qui présente les moyens de l'État par finalité. Chacun peut donc comparer l'ancienne et la nouvelle présentation.

Il pourrait s'agir d'un simple changement de nomenclature, sans grand intérêt au fond. Mais nous sommes en face d'une évolution plus radicale.

La nouvelle présentation offre une vision stratégique de la dépense publique : 132 programmes, correspondant chacun à une politique gouvernementale précise, vont prendre le relais des 850 chapitres budgétaires de l'ordonnance de 1959, qui regroupaient les moyens en crédits et en personnel sans offrir de réelle vue d'ensemble de l'action gouvernementale.

Cette nouvelle présentation traduit un souci de transparence et de performance, deux maîtres mots qui résument l'étape décisive que nous franchissons cette année.

Revenons un instant aux données chiffrées, pour bien prendre la mesure de cette évolution. À travers l'exemple du budget du ministère de la justice, je voudrais montrer combien la réforme initiée par le Parlement et mise en œuvre par le Gouvernement permet de gagner en transparence.

Si l'on regarde le budget de la justice dans sa présentation classique, on trouve un total de 5,5 milliards d'euros, qui se décompose en 4,8 milliards d'euros de crédits de fonctionnement, 326 millions d'euros de crédits d'intervention, 299 millions d'euros d'investissements et 13 millions d'euros de subventions d'investissement.

Mais ces informations, pour intéressantes qu'elles soient, donnent peu de détails sur l'action menée par le Gouvernement en matière de justice. Si l'on regarde les mêmes chiffres dans la nouvelle présentation de la LOLF, on observe que ces 5,5 milliards du budget de la justice financent six grandes politiques publiques bien identifiées : 193 millions d'euros sont affectés à la justice administrative, 2,178 milliards à la justice judiciaire, 1,873 milliard à l'administration pénitentiaire, 677 millions à la protection judiciaire de la jeunesse, 333 millions au programme « accès au droit et à la justice » et 204 millions aux fonctions de soutien.

Grâce à cette présentation par destination, plus claire, vous saurez, pour chacune de ces politiques, combien va à l'investissement, aux interventions ou au fonctionnement, et avec quels effectifs.

M. Alain Gest et M. Marc Laffineur. Très bien !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Jamais un tel niveau de lisibilité n'avait été apporté dans le budget et dans les comptes de l'État. Pour la première fois, on l'a vu, celui-ci indique les montants détaillés qu'il consacre à chaque programme : « sécurité routière », « développement de l'emploi » ou « vie de l'élève », par exemple. Vous pourrez donc juger de chaque grande politique publique.

Les parlementaires, les médias et chaque Français vont ainsi pouvoir connaître précisément les moyens consacrés à chacune des actions de l'État. Ils pourront aussi juger de leur utilité, de leur coût et de leurs résultats.

La ventilation précise des moyens en personnel imposée par la LOLF n'est pas un changement anodin. Elle va redonner toute sa portée à l'autorisation parlementaire que vous votez et doit provoquer dans l'administration, chez les responsables de programme, une prise de conscience accélérée des impératifs d'une gestion plus moderne des ressources humaines de l'État.

Cette architecture budgétaire n'est pas la seule nouveauté que nous introduirons dès 2005. Trois innovations doivent être soulignées.

Tout d'abord, la nouvelle comptabilité de l'État, inspirée de celle des entreprises, ouvre la voie à une certification des comptes de l'État par la Cour des comptes. On y trouvera un bilan, des comptes de résultat et une vision des engagements « hors bilan », permettant de voir ce qu'on ne voit jamais, peut-être parce que personne n'avait voulu le rendre trop visible.

M. Alain Gest. Vraiment ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Deuxièmement, une réforme du contrôle financier allège les visas et introduit un interlocuteur comptable et budgétaire unique pour représenter le ministre en charge des finances dans les autres ministères.

Une troisième réforme, à laquelle nous allons travailler avec la commission des finances, est actuellement à l'étude. Elle consiste en une refonte de la procédure budgétaire pour accélérer et faciliter les arbitrages. Le Premier ministre l'a rappelé, la semaine dernière, devant les directeurs d'administration centrale : nous devons sortir de l'habituelle culture de confrontation à laquelle nous invitent les procédures et le calendrier actuels.

Il faut donc réfléchir à la mise en œuvre d'un nouveau processus de décision, intégrant une meilleure prise en compte des contraintes en amont et débouchant sur des choix plus collectifs, le montant des enveloppes devant moins compter que la manière de les dépenser.

Sans vouloir être trop grandiloquent, je souligne qu'une page de notre histoire budgétaire se tourne ainsi en 2005. Le nouveau budget sera plus clair pour les citoyens, qui disposeront d'éléments très concrets sur l'utilisation effective, à l'euro près, du produit de leurs impôts. Il donnera aux parlementaires les moyens d'un contrôle élargi, au niveau tant des dépenses et des recettes, que - et c'est nouveau - des résultats et de la performance de la gestion. Enfin, il offrira aux agents de l'État la fierté de mieux participer au service public et les fera entrer dans une véritable culture de la performance.


La performance mérite quelques mots de commentaire car elle constitue une évolution majeure.

Il s'agit simplement d'introduire dans la sphère de l'État une gestion résolument orientée vers les résultats et non plus vers la simple consommation des crédits, ce qui permettra de mieux contrôler la dépense.

Nous avons transmis aux parlementaires, notamment à la commission des finances, des documents très novateurs qui constituent la première version des stratégies, des objectifs et des indicateurs de résultats qui sont associés à chaque politique publique et sur lesquels, mesdames et messieurs les députés, vous jugerez désormais les ministères et les responsables de programmes. Nous franchissons cette première étape avec un an d'avance sur le calendrier de la loi organique.

Nicolas Sarkozy a évoqué la fiscalité. Afin d'illustrer mon propos, je prendrai l'exemple du programme fiscal de la mission « gestion et contrôle des finances publiques ».

La stratégie est claire : promouvoir le civisme fiscal ; l'objectif principal sera, quant à lui, de faciliter l'impôt pour le citoyen et les indicateurs consisteront notamment dans le taux de réponses effectives données aux appels téléphoniques ou aux courriers de nos concitoyens qui se tournent vers l'administration fiscale.

Tout cela n'a de sens que si les engagements pris devant vous sont relayés dans le contrôle de la gestion interne de chaque administration, du sein des services des impôts à l'agent en contact avec le public.

Ces « avant-projets annuels de performance » remplaceront en 2006 les habituels « bleus » budgétaires. Ils vous ont été soumis pour avis, comme nous l'avons fait pour tous les aspects importants de la LOLF - notamment pour la maquette budgétaire au premier semestre - et nous souhaitons évidemment connaître les observations et les commentaires de la représentation nationale sur les outils qui lui permettront de mesurer les performances. Le Gouvernement souhaite maintenir, en étroite association avec le Parlement, par-delà les clivages et les alternances, un consensus qui n'est pas si fréquent, le dialogue fécond et confiant sur lequel repose, depuis le départ, l'originalité de la réforme budgétaire et une ambition partagée pour la rénovation de l'action publique.

La réforme budgétaire n'est pas une affaire parisienne : elle ne concerne pas seulement Bercy ! Elle a vocation à se diffuser sur l'ensemble du territoire et à irriguer tous les champs de l'action publique, sous le contrôle de la représentation nationale.

Dès cette année, l'expérimentation de ce nouveau cadre concernera l'ensemble des ministères et des régions, touchant 500 services et 600 000 agents de l'État, pour un montant de 28 milliards d'euros de crédits, soit 10 % du budget total qui vous est aujourd'hui présenté.

Nous voulons ancrer la réforme sur le terrain. Les services déconcentrés pourront ainsi profiter d'une vision plus complète de leurs dépenses, notamment des dépenses de personnel, lesquelles étaient auparavant suivies de façon trop centralisée. Ils pourront ainsi mieux gérer leurs moyens et dégager - je l'espère - des marges de manœuvre appréciables.

La réforme, mesdames et messieurs les députés, ne se limite pas aux stricts aspects budgétaires. C'est pourquoi je souhaiterais évoquer en quelques mots un sujet qui a souvent été abordé dans cette assemblée : la redevance audiovisuelle.

La réforme que nous proposons de son mode de recouvrement - les débats qui se sont déroulés ici ont grandement contribué à la mettre au point - est exemplaire, car elle permet de concilier, pour l'État, efficacité et simplification administrative et, pour les 25 millions de ménages concernés, avantages concrets et mesures pratiques.

Elle constitue également un « plus » pour les ressources de l'audiovisuel public. En 2005, les ressources publiques des chaînes augmenteront de 2,4 %, chiffre très au-dessus du niveau de l'inflation.

M. Michel Bouvard. C'est trop !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je pensais, monsieur Bouvard, que vous étiez un de ceux qui souhaitaient la réforme de la redevance.

M. Michel Bouvard. J'évoquais l'augmentation des ressources publiques de l'audiovisuel, monsieur le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Trois raisons ont présidé à la réforme du recouvrement de la redevance.

Premièrement, le coût de recouvrement était devenu excessif : 3,2 % du total collecté. À titre de comparaison, il n'est que de 0,47 % pour l'impôt sur le revenu.

Deuxièmement - chacun le sait -, nombre de nos compatriotes, pour des raisons diverses et variées, ne payaient pas la redevance.

Troisièmement, ceux de nos concitoyens les plus modestes pouvaient rencontrer des difficultés de paiement.

Nicolas Sarkozy et moi-même avons donc visé, en la matière, la simplicité, l'efficience et l'équité.

M. Jean-Pierre Brard. Et encore une référence à M. Sarkozy !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Pour les entreprises, la redevance sera associée à la TVA. Pour les ménages, monsieur Brard, elle sera adossée à la taxe d'habitation.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. La réforme apportera aux Français la simplicité. Une seule redevance sera due par foyer, quel que soit le nombre de résidences ou de téléviseurs. De plus, elle sera perçue automatiquement, à moins que, naturellement, le contribuable ne déclare ne pas posséder de téléviseur. La redevance sera également mieux recouvrée et nous ferons des économies substantielles, le contribuable, quant à lui, se voyant offrir deux nouveaux avantages : la mensualisation ou le télépaiement.

Enfin, il convient de rappeler que la réforme est empreinte de justice sociale, comme l'ensemble des mesures du projet de loi de finances. Non seulement les foyers déjà exonérés de la redevance le resteront, mais un million de foyers supplémentaires n'auront plus à la payer, notamment les RMIstes.

Le gain en terme de rendement sera uniquement réalisé par l'élimination des fraudes et par la réduction des coûts de perception.

Enfin, le projet de loi de finances, mesdames et messieurs les députés, est particulièrement favorable aux collectivités locales. Le contrat de croissance et de solidarité, qui les associe aux fruits de la croissance économique, est prolongé en 2005. La hausse de la seule dotation globale de fonctionnement, qui représente 60 % des concours de l'État, sera de 3,29 %. Une telle progression n'a été atteinte que deux fois depuis 1996.

Mais, par-delà les chiffres, qui sont bons, le projet de loi de finances met en œuvre deux réformes importantes.

La première organise le financement des transferts de compétences liés à la décentralisation. En 2005, les régions bénéficieront de l'affectation d'une part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers - nous l'avons déjà longuement évoqué - pour un montant de près de 400 millions d'euros. Les départements, autres collectivités territoriales d'importance, bénéficieront d'une part de la taxe sur les conventions d'assurance contre les risques relatifs aux véhicules, pour un montant de plus de 120 millions d'euros. Alors que d'aucuns évoquent « l'impôt Raffarin », il s'agit, en réalité, de ressources nouvelles pour les collectivités territoriales et ces sommes progresseront naturellement dans les prochaines lois de finances, au rythme de l'entrée en vigueur effective des nouveaux transferts de compétences et de charges entre l'État et les collectivités.

La seconde réforme, demandée depuis longtemps, concerne la dotation globale de fonctionnement - la DGF.

Les modalités de répartition entre les collectivités locales du principal concours de l'État sont un enjeu majeur pour le développement du territoire, puisqu'il représente 37 milliards d'euros. Nous renforçons en 2005 la péréquation entre collectivités, afin d'accroître la part des collectivités les plus défavorisées, qu'elles soient urbaines ou rurales, sans pénaliser les autres.

La première étape de cette réforme a été inscrite dans la loi de finances de l'an passé. Elle a regroupé dans une nouvelle dotation globale de fonctionnement 62 % des concours de l'État. Avec un taux d'indexation très favorable, le volet 2005 de la réforme rationalise la dotation forfaitaire des communes. Il s'agit d'une fusée à trois étages : une dotation de base en euros par habitant ; une dotation calculée en fonction de la superficie des collectivités - cette mesure répond à une demande ancienne des communes rurales - et un complément garantissant à toutes les communes le maintien de leur dotation 2004.

Pour répartir ces marges, le projet de budget pour 2005 rénove les critères d'attribution, en vue de mieux diriger les dotations vers les collectivités qui connaissent les plus grandes difficultés.

La réforme, qui a fait l'objet d'une concertation approfondie avec les élus locaux, permettra d'assurer un financement de base à toutes les collectivités et de compenser les inégalités entre territoires pour renforcer la cohésion nationale.

Telles sont, mesdames et messieurs les députés, en complément de l'intervention de Nicolas Sarkozy, les quelques voies de modernisation que je souhaitais esquisser devant la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Mon rappel au règlement sera bref, monsieur le président.

M. Richard Mallié. Quel artiste !

M. Jean-Pierre Brard. Nous sommes engagés dans le débat budgétaire, lequel durera plusieurs jours. Il est dans l'ordre des choses que les arguments des uns et des autres s'avèrent contradictoires, mais si nous souhaitons que le débat demeure apaisé et serein, il est nécessaire de régler dès maintenant certains points liés à des propos choquants.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En effet ! Mais c'est l'hôpital qui se moque de la charité !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Sarkozy, vous avez tout à l'heure affirmé, à propos de la Tchéquie et de la Hongrie, que nous ne pouvions pas leur demander d'être aussi mauvais que nous.

Nous sommes ici, monsieur le ministre d'État, vous, moi, l'ensemble de la représentation nationale, des Français fiers de l'être. Nous sommes les fils et les filles de la Grande nation et des valeurs universalistes de la Révolution, les héritiers du Front populaire et de la Résistance.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il ne le croit pas lui-même !

M. Jean-Pierre Brard. Je suis meurtri d'entendre de tels propos.

Si vous ne les aviez pas tenus, monsieur le ministre d'État, je ne vous poserais la question que je vais vous poser maintenant : la réponse que vous y apporterez contribuera à rétablir, ou non, la sérénité des débats.

D'autres propos vous ont été prêtés, monsieur le ministre d'État. Vous les auriez prononcés il y a deux semaines à peine. Comme je ne les ai pas entendus personnellement, je souhaiterais que vous les infirmiez ou que vous les confirmiez.

Néanmoins, les propos que vous avez tenus cet après-midi rendent quelque peu crédibles ces autres propos que l'on vous prête.

M. le président. Monsieur Brard, il s'agit d'un rappel au règlement ! Vous aurez l'occasion de vous exprimer et d'interpeller le ministre d'État lors de votre prochaine intervention.

M. Jean-Pierre Brard. J'ai bientôt fini, monsieur le président. De plus, il en va de la sérénité de nos débats.

M. Édouard Landrain. Évidemment !

M. Jean-Pierre Brard. Vous auriez déclaré, monsieur le ministre : « La France admire les USA. Je me sens étranger dans mon propre pays. Il nous manque un Powell en France. Le monde admire et respecte les USA. »

Je tiens à savoir si le numéro deux du Gouvernement a pu tenir pareils propos, auxquels, il est vrai, ceux que vous avez tenus cet après-midi devant la représentation nationale feraient écho.

M. le président. Monsieur Brard, vous vous éloignez du débat.

M. Jean-Pierre Brard. De tels propos, monsieur le président, heurtent ma fibre patriotique. J'attends une réponse.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est ridicule ! De tels propos ne méritent pas de réponse.

M. le président. Il faut respecter la procédure, monsieur Brard. Vous aurez l'occasion, au travers des motions de procédure et lors de la discussion, d'interpeller le Gouvernement sur toutes les questions que vous souhaiterez. Respectons-nous les uns les autres afin de conserver à nos débats toute leur sérénité.

M. Jean-Pierre Brard. Certes, monsieur le président, mais je reviendrai sur la question et je ferai sur le sujet autant de rappels au règlement qu'il sera nécessaire.

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la discussion du projet de loi de finances constitue un moment essentiel de notre activité parlementaire. Nous abordons cet après-midi l'examen du troisième projet de loi de finances initiale de la législature.

M. Hervé Mariton. Déjà !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Oui, c'est déjà la troisième loi de finances de la législature.

Je ferai deux rappels en guise d'introduction.

En premier lieu, la politique budgétaire est l'instrument essentiel de notre politique économique nationale, puisque la politique monétaire est désormais conduite à l'échelle européenne.

En second lieu, monsieur le ministre d'État, si nous avons aujourd'hui un bon projet de budget pour 2005, c'est en raison des choix avisés du Gouvernement au cours des deux dernières années. En 2003, en effet, toute l'Europe a connu un fort ralentissement économique, et le Gouvernement a décidé, tout en maîtrisant la dépense à l'euro près, de ne pas prendre le risque d'aggraver la crise en cherchant des économies supplémentaires pour compenser les baisses de recettes par rapport aux prévisions. Un tel choix a permis d'accélérer le retour de la croissance.

M. Lionnel Luca. Absolument !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La croissance, qui est revenue durant l'année 2004, était estimée l'an dernier, lorsque nous discutions de la loi de finances pour 2004, je le rappelle, à 1,7 %. Aujourd'hui, il est fort possible qu'elle atteigne 2,5 % à la fin de l'année.

M. Lionnel Luca. C'est le bilan du Gouvernement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ces données relativisent les critiques que nous ne manquerons pas d'entendre sur les bancs de la gauche, quant au réalisme de nos prévisions de croissance pour 2005. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Surtout, mes chers collègues, grâce à la politique économique et sociale du Gouvernement, conduite depuis deux ans, laquelle a permis le retour de la confiance, nous avons enregistré un taux de croissance et une performance économique supérieurs à la plupart de nos voisins européens. Nous avons su, en effet, grâce à une politique de pouvoir d'achat et de confiance, maintenir très actif le moteur de la consommation des ménages.

M. Lionnel Luca. C'est le bilan du Gouvernement Raffarin, pas de celui de Jospin !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est vrai, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre d'État, il nous appartient de ne pas dissimuler, pour 2005, des incertitudes qui sont liées à la situation internationale et au contexte géopolitique. Elles se manifestent aujourd'hui principalement à travers les cours du pétrole et le prix du baril.


Au moment où nous engageons cette discussion du budget pour 2005, rien ne permet de remettre en cause les différentes prévisions macroéconomiques qui le sous-tendent.

Nous sommes, en effet, moins dépendants que la plupart des autres pays européens du cours du pétrole,...

M. Michel Bouvard. Eh oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...parce que nous avons su, depuis des décennies, mener une politique d'indépendance énergétique - lancée, je le rappelle, par le général de Gaulle (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cette politique a connu une totale continuité, à l'exception d'une grave inflexion en 1997-1998. Je dois à la vérité de reconnaître que le gouvernement de l'époque s'est, finalement, quelque peu ravisé. Mais, tout de même, que de temps perdu ! Lors du premier choc pétrolier, en 1973, notre pays avait également su se montrer exemplaire dans sa politique d'économie d'énergie.

Nous avons un problème. Il faut le dire clairement aux Français, et je vous remercie, monsieur le ministre d'État, de l'avoir fait tout à l'heure aussi clairement, sans chercher à construire une usine à gaz du genre de la TIPP flottante, à laquelle personne ne comprend rien ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous avez dit une chose simple que j'aurais aimé entendre en 2000 : l'État ne s'enrichira pas au détriment des Français si le prix du baril augmente.

M. Richard Mallié. Ça, c'est simple !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Chaque euro supplémentaire de TVA, voire de TIPP, lié au cours du pétrole sera instantanément restitué aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Une commission transparente sera créée et examinera cette question dès le 15 décembre.

M. Didier Migaud. On n'a pas besoin d'une commission. Faites-le donc tout de suite, avec effet rétroactif !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le Gouvernement n'a pas attendu pour prendre, ces dernières semaines, des mesures au bénéfice, en priorité, des catégories professionnelles qui étaient prises de court et ne pouvaient pas répercuter sur leurs prix le coût du pétrole : les marins-pêcheurs, les agriculteurs et les transporteurs routiers. Une chose est certaine : le Gouvernement a réagi vite et nous propose aujourd'hui des solutions claires et efficaces.

Ce budget pour 2005 est un bon budget. Il permettra de continuer à restaurer la confiance, par les mesures que je viens d'évoquer en réponse à la hausse du prix du pétrole et, surtout, par le rétablissement de nos comptes publics. Jamais la France n'aura connu, en cinquante ans d'histoire budgétaire, une telle diminution du déficit d'une loi de finances initiale à l'autre. Certes, un chiffre exprimé en euros est moins parlant, mais 10 milliards d'euros, cela représente 70 milliards de francs de baisse du déficit !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Exactement ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En outre, pour la troisième année consécutive - et cela non plus ne s'était jamais vu -, la dépense d'État est stabilisée et n'augmentera pas plus que l'inflation. Je remercie les ministres d'avoir fortement contribué, ces derniers mois, à faire prendre conscience à l'opinion de cette nécessité de rétablir les comptes publics de notre pays.

L'endettement a atteint 1 000 milliards d'euros. La charge de la dette représente 15 % du budget, soit comme l'observait M. Sarkozy, l'équivalent du budget du travail. J'ajouterai que cela revient aussi à consacrer au remboursement des intérêts de la dette l'équivalent du total des budgets de la recherche, de l'enseignement supérieur, de la santé, de la cohésion sociale, du logement et de la ville.

Comment en sommes-nous arrivés là ? La responsabilité se situe clairement à gauche de cet hémicycle ! (« Très juste ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard. Oh oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est à partir de 1981 qu'on a pris la mauvaise habitude de dépenser chaque année entre 10 % et 20 % de plus de ce que percevait l'État.

M. Louis Giscard d'Estaing. Exactement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les comptes se sont dégradés très vite entre 1981 et 1986. Il est vrai qu'en 1986 et 1987, malgré un effort considérable, nous n'avons pas eu le temps de les redresser. À peine une nouvelle majorité était-elle arrivée en 1988, que...

M. Richard Mallié. Ça recommençait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...la dépense redevenait prioritaire et que les déficits se creusaient. On ne dira jamais assez l'état d'extrême dégradation de la situation budgétaire en 1993 ! Le déficit représentait plus de 6 % du PIB : record toutes catégories ! Il a fallu ramer pour rétablir les comptes !

M. Jean-Pierre Brard. C'était plutôt de la brasse coulée !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais on a fini par émerger. Puis, il y a eu la dissolution et nous avons, malheureusement, perdu les élections.

M. Didier Migaud. Et pourquoi donc y a-t-il eu la dissolution ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le processus infernal de dégradation des comptes a repris, malgré une grande période de croissance. Peut-être avons-nous eu tort, en 2002, à l'issue de notre victoire à la présidentielle...

M. Jean-Pierre Brard. C'était la victoire du peuple français !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...et aux législatives, de ne pas expliquer assez aux Français à quel point les comptes publics avaient été dégradés, au cours des précédents exercices, par la précédente majorité.

M. Didier Migaud. Il y a eu un audit !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Soyons lucides : il nous faut absolument gagner de nouvelles marges de manœuvre dans le budget de l'État, pour faire face aux défis de l'avenir que sont la formation, l'innovation et la recherche, sans lesquelles il n'est pas de pays moderne ni de croissance.

Il ne faut en aucun cas présenter les contraintes imposées par Bruxelles comme un alibi pour nous exonérer de nos responsabilités.

M. Jean-Pierre Brard. Cela, c'est vrai !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La dégradation des comptes et l'endettement de 1 000 milliards d'euros sont un problème franco-français, que nous devons avant tout nous poser en pensant à nos enfants et petits-enfants. Nous devons tout faire pour rétablir ces comptes.

Mais n'oublions pas que, si nous examinons cette semaine le budget de l'État, qui présente une réduction de 10 milliards du déficit, ce sera, la semaine prochaine, le tour du budget de la sécurité sociale, plus important encore, en dépenses, que celui de l'État. L'effort que nous réalisons pour le budget de l'État devra s'accompagner d'un effort comparable pour les comptes sociaux. Pour faire face, dans un contexte de vieillissement de la population, à l'inexorable augmentation des dépenses d'assurance maladie et de retraite, il nous faudra avoir la même rigueur.

Je me félicite donc de la discussion qui doit avoir lieu dès le 18 novembre en vue de compléter la loi organique à propos de l'affectation des surplus de recettes. Comme vous l'avez fort bien dit tout à l'heure, il est urgent d'annoncer à l'avance quel usage on fera des surplus éventuels. Comme beaucoup de nos collègues de l'époque, j'ai très mal vécu l'affaire de la cagnotte. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La dissimulation des surplus a permis, en réalité, d'en affecter l'essentiel à des dépenses nouvelles, comme le financement des 35 heures.

M. Édouard Landrain. Eh oui !

M. Michel Bouvard. Et le FOREC ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cette politique irresponsable a fait augmenter la dépense, en la finançant avec des recettes purement conjoncturelles. Les dépenses sont restées, les recettes ont disparu, le déficit s'est creusé et l'endettement a galopé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Lorsqu'on parle de surplus, se pose la question de la qualité des prévisions de recettes dans ce projet de budget, compte tenu de la situation actuelle. Notre prévision de recettes est réaliste. Elle repose sur des hypothèses qui permettent de penser que, si le taux de croissance se situait autour de 2,2 % ou 2,3 % plutôt qu'à 2,5 %, notre prévision de recettes n'en serait pas modifiée, car le passage du taux de croissance à chacun des impôts, par l'intermédiaire des taux d'élasticité, est extrêmement prudent.

Les dépenses, quant à elles, seront seulement reconduites, pour la troisième année consécutive - c'est une nécessité, comme viennent de l'expliquer les ministres. Plus le temps passera, plus la stabilisation de la dépense rendra indispensable la réforme de l'État. La première année, les marges rendaient possibles des gains de productivité. C'était un peu plus difficile la deuxième année. En 2005, de grands efforts de réforme de l'État seront nécessaires. Les réformes sont possibles, et le budget pour 2005 en prévoit. C'est le cas, par exemple, de la redevance de l'audiovisuel, qu'a évoquée tout à l'heure M. le secrétaire d'État. Depuis dix ans, on tournait autour de cette réforme, que la précédente majorité n'a pas eu le courage de mener à bien. Nous le faisons : elle permettra d'économiser plus de mille emplois, tout en diminuant la fraude et en simplifiant la vie des Français.

Les stratégies ministérielles de réforme prévues dans le budget pour 2005 restent cependant un peu timides. Pour ce qui concerne les effectifs, qu'a évoqués tout à l'heure M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, nous ne pouvons retrouver de marges de manœuvre qu'en nous montrant très rigoureux pour ne pas remplacer un nombre substantiel des départs en retraite. Sur 2,3 millions de fonctionnaires de l'État, le chiffre de 7 200 postes, même s'il est en nette augmentation par rapport à ceux de 4 000 l'an dernier et de 1 000 il y a deux ans, est un objectif très timide, et un effort est absolument nécessaire.

Le rapport Camdessus, publié aujourd'hui même, indique très clairement que les dépenses publiques doivent être plus efficaces et que la productivité - le mot ne doit pas faire peur - doit aussi gagner l'État, ce qui passe par une diminution du nombre de fonctionnaires, qu'il faut assumer.

Nous sommes exaspérés, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, par d'autres aspects, comme la politique immobilière. Sur 500 millions d'euros de recettes prévus en 2004, on parviendra péniblement, si tout va bien, à 50 millions ! Sur ce terrain, on ne progresse pas. Si je prends l'exemple des logements de la gendarmerie, que j'évoquais ce matin devant la commission des finances, je suis tenté de renvoyer dos à dos le ministère de la défense et celui l'économie et des finances : ils ont chacun leurs arguments, mais rien ne se passe.

Que dire des nouvelles structures qui ne cessent de se multiplier ?

M. Michel Bouvard. Des Hauts conseils, des observatoires,...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Est-il sage de créer un Haut conseil de l'intégration autonome, qui suppose le recrutement de cent fonctionnaires supplémentaires, quand on aurait parfaitement pu l'intégrer aux services du Médiateur de la République, structure qui fonctionne parfaitement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il reste donc, vous le voyez, de grandes marges de progression sur la réforme de l'État.

Ce budget se caractérise avant tout par le fait qu'il encourage, qu'il réhabilite le travail. C'est là une différence fondamentale par rapport au budget de la précédente législature. Le gouvernement d'alors, même s'il l'a souvent fait inconsciemment, à force de le présenter comme un fardeau, une sujétion, une contrainte, et non comme une source d'épanouissement, a dévalorisé le travail. Finalement, le handicap des 35 heures est certes budgétaire, puisque cette mesure coûte plus de 10 milliards d'euros au contribuable, et pose des problèmes dans les entreprises, mais, malheureusement, il est aussi culturel, parce qu'on a créé une certaine distanciation par rapport au travail. Comme l'a bien dit le ministre d'État, la revalorisation du travail est la clé de notre réussite pour l'avenir, en termes notamment de croissance et de réduction du chômage.

La meilleure preuve que ce budget pour 2005 se caractérise par la réhabilitation du travail est la décision majeure qui a été prise de réunifier en totalité le SMIC, dès 2005, par le haut, au bénéfice des salariés qui étaient encore aux 39 heures. En tenant compte de la revalorisation du SMIC et de la prime pour l'emploi, ces travailleurs auront gagné, entre 2003 et 2005, 1 700 euros de pouvoir d'achat, ce qui ne s'était jamais vu.

Cette politique trouve, par ailleurs, un vrai fondement en termes économiques, puisque c'est grâce à elle que nous avons alimenté le pouvoir d'achat et soutenu la croissance.


Le ministre d'État a eu tout à fait raison de rappeler la décision, qui a été prise en juin dernier, de sortie du SMIC hôtelier. Celui-ci était indigne. Il n'était pas normal que rien n'ait été fait à ce sujet sous la précédente législature.

Il y a aussi une autre mesure très importante pour valoriser le travail : c'est la réforme de l'apprentissage. Voilà encore une réforme dont on a parlé pendant des années et des années, sans rien faire. Elle va être mise en œuvre : elle représente une véritable simplification et également une incitation extrêmement forte pour les entreprises à embaucher des apprentis puisque le crédit d'impôt par apprenti, qui ne figure pas dans la loi de finances mais qui sera inscrit dans le projet de loi sur la cohésion sociale, sera compris entre 1600 et 2200 euros selon les cas. C'est considérable. Et je suis persuadé que nous atteindrons cet objectif, pourtant très ambitieux, de porter le nombre d'apprentis de 300 000 à 500 000.

M. Alain Néri. Comme pour le RMA !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il faut absolument revaloriser et élargir le travail pour dynamiser la croissance. C'est la seule possibilité d'augmenter le niveau de vie et d'avoir de véritables marges pour la redistribution. Car, chers collègues, nous sommes arrivés aux limites du modèle d'assistance et de redistribution. Ce modèle ne pourra trouver de marges que si nous valorisons et encourageons le travail. Nous étions, avec Pierre Méhaignerie, au Danemark, il y a deux semaines. Nous y avons passé deux jours. Qu'avons-nous surtout retenu ? C'est que là-bas, et Nicolas Sarkozy le disait il y a un instant, avec un taux d'activité de dix points plus élevé que le nôtre, à plus de 70 % alors que nous sommes à 60 %, le chômage est presque deux fois inférieur et la croissance est tout à fait respectable. On voit bien que la politique qui a été la nôtre, collectivement, pendant des décennies, consistant à être malthusien et à partager le travail, perçu comme une denrée rare à cause du chômage, entre ceux qui en ont vraiment besoin, en retardant l'entrée des jeunes sur le marché du travail et en accélérant celles des seniors vers la retraite, a été une erreur. Ce budget assume un nouveau choix ; c'est son orientation principale.

J'en viens à un certain nombre de mesures fiscales en direction des ménages. Elles sont très positives.

Celle relative aux successions concerne pratiquement tous les Français, toutes les familles. Et je souhaite, comme le ministre d'État, qu'elle garde sa simplicité ! Pourquoi les donations ont-elles si bien marché au cours des derniers mois ? Tout simplement parce que les Français...

M. Jean-Pierre Brard. Ceux qui ont des sous !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...se sont appropriés une mesure qu'ils ont comprise immédiatement : un abattement général de 50 000 euros, un abattement par héritier. Désormais, tout patrimoine de moins de 100 000 euros sera transmis en franchise totale de droits de succession.

Je veux aussi dire deux mots de la réforme du prêt à taux zéro. Elle est excellente parce qu'elle va permettre de doubler le nombre de bénéficiaires de ce prêt sans changer du tout le dispositif du point de vue de l'emprunteur. Nous, nous croyons, contrairement à la gauche, à l'accession sociale à la propriété.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Qui a laissé dépérir le PTZ ? Je rappelle les chiffres : de 130 000 PTZ en 1997, nous étions tombés à moins de 90 000 il y a deux ans. Nous avons décidé de relancer l'accession sociale à la propriété en l'ouvrant à l'ancien tout en améliorant le barème pour les ménages les plus modestes s'agissant de l'accession dans la construction neuve.

J'ai entendu des critiques sur le thème : oui, mais on transforme une dépense budgétaire en crédit d'impôt et donc le budget n'est pas sincère.

M. Jean-Pierre Brard et M. Didier Migaud. C'est vrai !

M. Alain Néri. S'il n'y avait que ça !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mes chers collègues : c'est vrai, j'assume ! J'assume complètement que 240 millions d'euros de dépenses budgétaires seront transformés en dépenses fiscales dans le budget de 2005. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Mais il faut aussi rappeler que nous, nous avons eu le courage de réintégrer le FOREC. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et la rebudgétisation du FOREC, en 2005, écoutez bien le chiffre : c'est 1, 2 milliards de dépenses de plus qu'il faut intégrer dans la norme zéro. Autrement dit, nous nous sommes donné une vraie contrainte, une contrainte vertueuse, ...

M. Didier Migaud. Ce n'est pas ce que dit la Cour des comptes !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...alors que la précédente majorité n'avait eu de cesse d'inventer des usines à gaz, comme le FOREC, pour dissimuler, hors du budget de l'État, le coût des 35 heures ! Voilà la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Didier Migaud. Grotesque !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour les entreprises, il y a également un certain nombre de mesures très intéressantes.

Tout d'abord, les entreprises bénéficieront de la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés, par la suppression - certes, cela prendra deux ans -, à l'horizon 2006, de la surtaxe créée en 1995, ce qui ramènera le taux de l'IS à 33 % dans notre pays. Je partage à ce sujet l'analyse de Nicolas Sarkozy. Le taux moyen des Quinze se situe à 28 % et entre 28 % et 33 %, il n'y a pas de différence fondamentale. Toutefois, nous devons refuser tout dumping fiscal. Car un taux d'IS à 10 % ou 15 %, comme c'est le cas notamment chez de nouveaux membres de l'Union européenne, c'est absolument inacceptable.

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. De ce point de vue, l'harmonisation fiscale a réellement du sens. Nous Français, nous devons accepter de faire des efforts dans le sens de la diminution,...

M. Didier Migaud. Ces efforts ont déjà été faits !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...mais nos partenaires doivent aussi considérer qu'un taux moyen autour de 25 % à 30 % est tout à fait indispensable pour préserver le niveau de dépenses, le niveau d'équipement dont nous avons besoin dans nos différents pays.

La réforme de la taxe professionnelle va donc être poursuivie, avec la prolongation sur l'ensemble de l'année 2005 du dispositif d'exonération des nouveaux investissements.

Quant aux mesures de lutte contre les délocalisations et d'encouragement aux relocalisations, il faudra bien entendu procéder à leur évaluation, mais je note que le mécanisme fiscal sur lequel elles portent principalement, c'est la taxe professionnelle. Et c'est un excellent choix. On ne dira jamais assez à quel point la taxe professionnelle, qui est un impôt de coût figurant dans le compte d'exploitation avant le résultat, pénalise nos entreprises. Moi qui participe aux travaux de la commission Fouquet, je plaide vraiment pour que la future réforme permette le plus possible de ne plus traiter cet impôt comme un impôt de coût de l'entreprise qui pénalise l'attractivité de notre territoire. Et les différentes mesures délocalisations/relocalisations traitent de cette question de la taxe professionnelle.

M. Alain Néri. Qui a créé la taxe professionnelle ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est aussi un très bon budget pour les collectivités locales. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Dominique Bussereau l'a souligné, je veux le faire à mon tour : plus 2,9 % de l'ensemble des concours de l'État, c'est-à-dire un point de plus que la totalité des dépenses du budget de l'État ! C'est dire l'effort qui est fait. Quant à la DGF, elle connaît une progression de 3,3 %.

Cela va nous permettre, en 2005, d'amorcer le véritable effort de péréquation qui a été inscrit dans la révision de la Constitution,...

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas de la péréquation, c'est de l'anti-péréquation ! Comme toujours, vous privilégiez les privilégiés ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...l'effort de solidarité à l'égard, d'une part, du monde urbain, des villes en difficultés, avec la DSU, et, d'autre part, de l'ensemble des communes rurales à travers la dotation de solidarité rurale.

Puis, il y a le transfert, à l'euro près, d'une fraction de TIPP aux régions et d'une part de la taxe sur les conventions d'assurances aux départements pour compenser, je le répète, à l'euro près, les dépenses qui, en 2005, sont transférées, dans le cadre de la décentralisation, à ces collectivités.

Dans ces conditions, si certaines collectivités, départements ou régions, dont j'observe d'ailleurs qu'elles sont systématiquement gérées par la gauche (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), nous annoncent de fortes hausses d'impôts en 2005, il faut dire partout que ces hausses d'impôts ne sont absolument pas liées à un désengagement de l'État ! Elles ne sont absolument pas liées à des transferts de compétences mal compensés ! Ces hausses d'impôts seront la conséquence exclusive de promesses électorales inconsidérées ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Augustin Bonrepaux. Personne ne vous croit !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je terminerai en rendant compte des travaux de notre commission.

Celle-ci s'est évidemment penchée en premier lieu sur le problème de l'augmentation du cours du pétrole. Elle est parvenue au constat que le Gouvernement avait eu tout à fait raison de traiter en priorité les professionnels, mais qu'il fallait afficher le plus vite possible le principe d'une restitution à l'ensemble des Français des gains éventuels. Vous l'avez annoncé cet après-midi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, et nous avons donc tout à fait satisfaction. Mais là aussi, je le répète, nous devons tenir un langage de vérité aux Français : le cours du baril n'a aucune chance de baisser à un horizon de dix, vingt ou trente ans. Nous avons été exemplaires dans la politique de maîtrise de l'énergie, dans la politique des énergies substitutives et dans celle de l'environnement ; nous devons absolument poursuivre cet effort. Prenons d'ailleurs l'exemple des mesures prises en matière de sécurité routière : elles ont été mises en place d'abord pour préserver des vies humaines, mais on observe qu'elles ont aussi conduit à une forte diminution de la consommation de carburant.

Pour ce qui concerne les impôts sur les ménages, nous avons totalement approuvé la mesure sur les droits de succession.

S'agissant des entreprises, nous souhaitons évidemment qu'il soit procédé à une évaluation des différents dispositifs anti-délocalisations dès que nous aurons des éléments.

La commission a également abordé la question de l'ISF parce qu'il n'y a pas pour elle de sujet tabou. Après une discussion de très grande qualité, elle a adopté deux amendements, de bon sens.

Le premier vise à indexer dorénavant le barème de l'ISF. A-t-on vu quelque part un impôt payé annuellement dont le barème ne soit pas indexé ? Ça n'existe pas. Comme malheureusement il y a eu une période d'oubli entre 1997 et aujourd'hui, il nous a paru utile de prendre en compte l'élément de l'assiette qui pose le plus de problèmes : la résidence principale. Nous proposons l'actualisation du barème pour l'avenir, tout en faisant passer l'abattement de 20 % à 30 % pour la résidence principale - ce qui constitue un rattrapage. Il faut avoir les chiffres en tête : chaque année, entre 10 000 et 15 000 contribuables nouveaux entrent dans la première tranche de l'ISF. Pourquoi y entrent-ils ? Uniquement à cause du coût de l'immobilier et du fait de leur résidence principale. Cela devient une préoccupation majeure des familles, notamment dans toutes les grandes villes. Cet amendement nous paraît donc une nécessité technique absolument incontestable.

M. Augustin Bonrepaux. Beau cadeau pour les privilégiés !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons adopté un deuxième amendement, qui consiste tout simplement à rétablir le plafonnement Bérégovoy.

M. Augustin Bonrepaux. Autre cadeau pour les privilégiés !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il existait jusqu'en 1995. En effet, nous sommes tous soucieux de l'attractivité de notre pays. Or, nous sommes devenus le seul pays développé dans lequel on peut payer plus d'impôts que ce que l'on gagne. Cela a un effet désastreux : dans toutes les réunions et dans tous les colloques, nos concurrents, qui nous veulent du bien, brandissent toujours l'argument selon lequel il ne faut pas aller en France parce que c'est le seul pays où l'on arrive à payer plus d'impôts que ce que l'on gagne ! Et cet argument est dévastateur.

M. Jean-Pierre Brard. Et pourquoi viennent-ils quand même ? Ils sont masos ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J'ajouterai un autre argument, également de bon sens, de nature juridique : la thèse de l'impôt confiscatoire vient d'être admise - même si la démonstration, dans le cas particulier, a été rejetée - par la Cour de cassation et des poursuites sont en cours devant la Cour européenne des droits de l'homme à ce sujet. C'est du bon sens élémentaire que de dire qu'un impôt ne doit pas être supérieur au revenu annuel.


M. Jean-Pierre Brard
.
Mais qui est le père de cet amendement ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Voilà donc les deux amendements que nous avons adoptés.

Enfin, s'agissant des collectivités locales, il nous est apparu que si un effort important au bénéfice du monde rural ou du monde urbain en difficulté devait être fait - la DSU et la DSR vont être majorées de 20 %, 120 millions d'euros pour la DSU, 80 millions pour la DSR, ce qui est absolument considérable -, nous ne pouvions pas ignorer complètement les autres communes, qui ont elles aussi besoin d'une dotation de garantie par rapport à leurs dépenses courantes. Nous avons donc adopté un amendement majorant de 1 % la dotation de garantie pour l'année 2005, ce qui nous paraît compatible avec le nécessaire effort de péréquation.

Sous réserve de toutes ces observations, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d'adopter la première partie du projet de loi de finances pour 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Brard, mais je compte sur vous pour que ce soit un vrai rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Évidemment, monsieur le président.

M. le président. Ce n'était pas le cas précédemment.

M. Jean-Pierre Brard. C'est plutôt que vous avez mal compris ce que j'ai dit.

Nous allons discuter, durant l'examen de ce projet de loi de finances, de la politique de la santé, de l'éducation, des transports, autant de sujets qui sont la fierté de notre État, monsieur le président, quels que soient les débats qui peuvent nous opposer par ailleurs. Au regard de la satisfaction des aspirations des citoyens, il vaut mieux être Français qu'Italien ou Britannique.

Hélas, à plusieurs reprises dans notre histoire, il s'est trouvé des responsables qui se sont exprimés à l'inverse des aspirations de notre peuple, que ce soit après la Révolution ou après le Front populaire.

M. le président. Monsieur Brard, ce n'est pas un rappel au règlement !

M. Jean-Pierre Brard. Attendez !

M. le président. Je vous laisse dix secondes pour conclure.

M. Jean-Pierre Brard. Quinze, si vous voulez bien !

Tout à l'heure, M. Sarkozy a dit que les Français ne travaillaient pas assez par rapport aux autres Européens. Moi, j'en ai assez d'entendre que nous serions des paresseux,...

M. Jean-Jacques Descamps. C'est un rappel au règlement, ça ?

M. Marc Le Fur. Ce n'est pas un rappel au règlement, monsieur le président !

M. Jean-Pierre Brard. ...alors que les Français sont parmi les plus productifs.

M. le président. Bien.

M. Jean-Pierre Brard. Je ne cesserai d'interpeller le ministre sur les propos qu'on lui prête, jusqu'à obtenir une réponse.

M. le président. Vous aurez l'occasion d'intervenir tout à l'heure, monsieur Brard.

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la faculté d'écoute se réduit fortement au terme de deux heures de débat. Je m'en tiendrai donc à quelques réflexions émanant de la commission des finances et à quelques propositions.

Première remarque, monsieur le ministre d'État, nous allons discuter d'un budget sur lequel pèse fortement l'incertitude qui entoure les cours du pétrole. Je crois que vous avez répondu sur ce point : l'État ne peut pas s'enrichir du fait de la hausse du prix du baril.

M. Alain Néri. Mais c'est ce qu'il fait actuellement !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. C'est là un point extrêmement important, qui permet d'engager le débat dans de meilleures conditions. Puissions-nous connaître les réflexions des autres pays européens pour savoir quelles mesures ils mettront en avant face à cette hausse.

Deuxième réflexion, il s'agit d'un budget dans lequel les préoccupations sociales ont été prises en compte.

M. Didier Migaud. Allons ! Ce n'est pas sérieux !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. J'ai fait le calcul de ce que représentent les six mesures favorables aux ménages modestes. Je les rappelle brièvement : l'harmonisation des SMIC ; la prime pour l'emploi ; l'allégement de la redevance pour les bénéficiaires du RMI et de l'allocation de solidarité spécifique ; les mesures supplémentaires pour l'accession sociale à la propriété ; et, comme vient de le dire Gilles Carrez, les mesures de péréquation entre collectivités locales...

M. Augustin Bonrepaux. Pas ça ! Arrêtez ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ...qui sont pour la première fois mises en œuvre.

M. Augustin Bonrepaux. La péréquation pour les riches, c'est cela, votre réforme ?

M. le président. Monsieur Bonrepaux, laissez parler le président Méhaignerie !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Cher Augustin Bonrepaux, vous aurez des éléments de comparaison. Ce qui se passe dans l'Ariège n'est pas nécessairement l'image de ce qui se passe dans toute la France.

M. Augustin Bonrepaux. On donne aux plus aisés et on prend aux plus pauvres, voilà la vérité ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Édouard Landrain. Oh, ça suffit, Bonrepaux !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. C'est n'importe quoi, monsieur Bonrepaux !

Ces six mesures, disais-je, pèsent beaucoup plus lourd que celles dont on nous dit qu'elles vont dans le sens de l'injustice.

Pour la majorité des membres de la commission des finances, ceux qui appartiennent aux groupes UMP et UDF, par quels mots peut-on qualifier ce budget ?

M. Jean-Pierre Brard. L'UMP parle au nom de l'UDF ! Réveillez-vous, chers collègues de l'UDF !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. D'abord, c'est un budget de cohérence. Parce que, comme vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre d'État, l'essentiel c'est de revenir à une stratégie de croissance. Pendant les vingt dernières années, chers collègues, nous avons eu une croissance inférieure de trois quarts de point à la moyenne des pays européens.

M. Augustin Bonrepaux. De quelles années parlez-vous ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Entre 1960 et 1980, nous avons eu une croissance supérieure de trois quarts de point. C'est Dominique Strauss-Kahn lui-même qui disait que la différence entre un pays qui réussit et un pays qui échoue, c'est un demi point de croissance en plus ou en moins.

M. Augustin Bonrepaux. Et que s'est-il donc passé entre 1999 et 2002 !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Monsieur Bonrepaux, vous nous parlez toujours des années 1999 à 2002. Il faut effectivement regarder de près ce qui s'est passé durant cette période, mais en faisant une comparaison avec les autres pays européens et en prenant en considération les mesures artificielles qui ont été prises à cette époque (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), qu'il s'agisse de la création de 400 000 emplois publics ou des 35 heures, qui entraînent des dépenses.

M. Nicolas Perruchot. C'est vrai !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. La vérité, c'est qu'entre 1999 et 2002, nous avons fait moins bien, en termes d'emplois privés, que la moyenne des autres pays européens.

M. Augustin Bonrepaux. Et pourquoi le chômage a diminué ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Reconnaissez donc qu'au cours de ces vingt dernières années, nous avons pris du retard sur nos voisins.

La deuxième chose que l'on peut dire de ce budget, c'est qu'il est équilibré. Je n'y reviens pas.

Et le troisième jugement que l'on doit porter sur ce budget, c'est qu'il s'inscrit dans un contexte tout à fait différent de celui de l'année dernière. L'année dernière, nous n'entendions qu'un message : notre croissance est inférieure à la moyenne des pays européens. Cette année, c'est tout à fait différent. Qui aurait prédit voilà un an que nous aurions eu une croissance supérieure à la moyenne des pays européens,...

M. Didier Migaud. La croissance pour qui ? Qui en profite ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ...et qu'en même temps nous aurions réduit le déficit de 55 à 45 milliards ?

M. Jean-Pierre Brard. Et le chômage augmente !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Voilà les raisons pour lesquelles la majorité, je dis bien la majorité, l'UMP et l'UDF, pensent que ce budget est bon.

Quelles sont les critiques qui lui sont adressées ?

Il ferait des cadeaux aux entreprises. J'ai encore lu cela ce matin sous la plume de M. Migaud. Franchement, regardez la réalité ! Les entreprises supporteront des taxes supplémentaires, qui ne sont pas, et de loin, compensées par les mesures qui les concernent.

La deuxième critique, qui vient de nos amis de l'UDF, en particulier de notre ami Charles de Courson, consiste à dire que ce budget est « faussement rigoureux ».

M. Charles de Courson. Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Didier Migaud. On reconnaît le centriste !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. On pourrait peut-être - peut-être ! - lui donner raison si ses amis...

M. Jean-Pierre Brard. Vous en fûtes, de ses amis !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ...évitaient de répéter que le budget des sports ou celui des anciens combattants sont insuffisants.

M. Alain Néri. Il n'y a pas de mesures nouvelles dans le budget des anciens combattants !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. J'espère que M. de Courson saura jouer de son influence auprès de ses collègues UDF pour éviter les contradictions entre son message et le leur.

Pour conclure - car je voudrais permettre à Didier Migaud de s'exprimer le plus tôt possible -, je souhaite, monsieur le ministre d'État, insister sur deux points qui paraissent essentiels aux yeux de la commission des finances. Rien ne se fera dans les années qui viennent, nous ne rattraperons pas nos voisins européens et notre taux de chômage ne descendra pas sous les 5 % si nous ne surmontons pas deux handicaps dont souffre notre pays.

Le premier, et il n'est pas mince, concerne la dépense publique, et plus précisément, vous l'avez dit tout à l'heure, les dépenses sociales. Nous sommes arrivés aux limites de l'État-providence. Au cours de ces dernières années, la majorité de nos voisins européens ont su le maîtriser beaucoup mieux que nous.

M. Augustin Bonrepaux. La plupart des dépenses sont transférées aux collectivités locales !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Nous nous sommes fait agresser sur le thème de « la casse sociale » alors que les dépenses sociales d'État et de sécurité sociale ont progressé de 12 % en deux ans !

La commission des finances souhaite exprimer une deuxième attente. Puisse l'an 2005 être l'an I de la réforme de l'État ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Chaque mois, chaque semaine, il pleut de nouvelles structures, des complexités de plus en plus grandes, des lois nouvelles. Nous avons la chance, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir un outil : la LOLF. Mettons-le en application, d'autant que nous avons la chance de disposer d'un levier, je veux parler du rapport Camdessus,...

M. Nicolas Perruchot. Excellent rapport !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ...qui fait d'ailleurs suite à de nombreux autres rapports, notamment celui de M. Fauroux.

Une nouvelle fonction publique nous attend. Mais n'agressons pas les fonctionnaires. M. Camdessus parle de « l'État inamical ». C'est ce que ressentent beaucoup d'élus locaux aujourd'hui.

M. Didier Migaud. Oui, l'État est inamical, puisqu'il leur coupe les crédits !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Mais quelle est notre part de responsabilité dans la complexité et la multiplication des procédures et dans l'empilement des structures ?

Je fais confiance au président Debré, qui disait que nous ne devrions plus consacrer les trois premiers mois de l'année à la maîtrise et au contrôle de la dépense publique, à l'allégement des structures, à la remise en cause de leur empilement, plutôt qu'à la multiplication des lois.

M. Édouard Landrain. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Que disent nos voisins ? Que la France est suradministrée et sous-organisée. Puissions-nous faire en sorte que cette année soit l'an I de la réforme de l'État ! Nous pourrons alors créer les conditions propices pour surmonter nos handicaps.

Tous nous voisins disent que, de tous les pays européens, le nôtre est celui qui a le plus d'atouts potentiels. Nos handicaps sont des dépenses sociales qui progressent trop vite, une dépense publique qui n'est pas maîtrisée et des rigidités. Si nous nous engageons dans cette voie, je suis sûr que nous retrouverons confiance en nos moyens pour l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je voudrais saisir au bond les propos de M. le président de la commission des finances et de M. le rapporteur général pour faire une proposition. Dès la semaine prochaine, le Gouvernement proposera la constitution de la commission destinée à faire la clarté sur l'excédent des recettes dues à l'augmentation du baril de pétrole.

M. Michel Bouvard. Excédent éventuel !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Excédent éventuel. Car, naturellement, s'il n'y a pas d'excédent, il n'y aura rien à répartir, vous avez raison, monsieur Bouvard.

M. Pascal Terrasse. Il y a 250 millions d'euros de recettes de TVA supplémentaires !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je vous propose, donc, que la commission qui sera constituée dès la semaine prochaine soit composée de la manière suivante : un membre par groupe de chaque assemblée, de façon qu'il y ait des députés et des sénateurs ; le rapporteur pourrait être un membre de l'inspection générale des finances ; et je demanderai au président de la Cour des comptes de bien vouloir désigner le président de la chambre qui suit les questions budgétaires, afin que la commission soit dotée de toutes les compétences nécessaires.

Je proposerai que cette commission se réunisse aux alentours de la mi-novembre. C'est en effet à cette date que nous connaîtrons le niveau des recettes à la fin octobre. Chacun conviendra qu'il est difficile de faire le point plus tôt. La hausse du prix du baril a vraiment commencé fin juillet, début août.

M. Alain Rodet. Non, elle a commencé avant !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je parle de la véritable hausse.

On peut donc considérer, disais-je, que cela aurait plus de sens que la commission travaille sur la base des chiffres d'octobre. Je ne vois pas pourquoi on n'attendrait pas quinze jours de plus pour cela.

Une décision sera prise fin novembre, qui se traduira éventuellement par une inscription dans le collectif de fin d'année. Voilà ma proposition, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, et M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !

M. Michel Bouvard. Il faudrait qu'il y ait autant de députés que de sénateurs. Or rappelons-nous qu'il y a plus de groupes au Sénat.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est vrai, monsieur Bouvard. Mais si j'ai proposé que la commission comprenne un membre de chaque groupe de chaque assemblée, c'était dans le but que tout le monde soit représenté au sein de cette commission.

Il me semble qu'ainsi, les Français, notamment les consommateurs, seront certains que l'État ne profitera pas à leurs dépens de l'augmentation du prix du baril. Le Parlement sera informé, et dès le collectif de fin d'année, nous répercuterons sur la fiscalité pétrolière les éventuels excédents de recettes par rapport à la loi de finances 2004.

M. Pascal Terrasse. C'est important, ce que vous dites là. Cela veut dire que c'est la TIPP qui va baisser ?


M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Naturellement, puisque la baisse de la TVA n'est pas possible sans un consensus européen.

Dernier point, j'assisterai demain soir à Luxembourg au dîner mensuel de l'Eurogroupe. J'ai adressé, cet après-midi, une lettre à l'ensemble de mes collègues les incitant à saisir la Commission pour qu'une initiative macroéconomique soit prise afin que l'ensemble des pays de la zone réagissent de la même façon à un problème identique.

Une telle procédure permettra de garantir à chacun la transparence de l'information et l'efficacité de la mesure. Je ne doute pas qu'elle soit de nature à faire cesser les polémiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. N'ayant pas obtenu de réponse à ma question, je demande une suspension de séance, qui est de droit. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Exception d'irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement, pour une durée ne pouvant excéder une heure et trente minutes.

La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, depuis juin 2002, la continuité de votre action avec celle de vos prédécesseurs est indéniable. Malgré les échecs - augmentation du chômage et de la précarité sociale, stagnation du pouvoir d'achat et explosion de la dette publique, autant de sujets que vous évoquez avec beaucoup de discrétion -, aucune modification de stratégie fiscale ou budgétaire n'est intervenue. Le budget qui nous est proposé aujourd'hui, s'il est sans doute mieux présenté et mieux « vendu » en termes de communication - nous connaissons sur ce point le savoir-faire du ministre d'État - est marqué par les mêmes erreurs que les précédents, par la même absence de politique économique au service de la croissance et des Français.

Reconnaissons au ministre d'État qu'il est resté fidèle à ses convictions, puisque le budget pour 2005 est marqué des mêmes préoccupations et parfois des mêmes mesures que celles qu'il pouvait proposer il y a dix ans, lorsqu'il défendait déjà le modèle de la « France des propriétaires ». Obsession de la dépense publique, remise en cause des politiques publiques et de la progressivité de l'impôt : il fustigeait déjà à l'époque les niches fiscales sans les remettre en question, se contentant de limiter le nombre de tranches de l'impôt sur le revenu.

Si aujourd'hui chaque mesure est présentée au nom de l'emploi, sans que personne ne puisse le justifier ni qu'aucune simulation ou étude ne puisse le démontrer, rien n'a changé quant au fond par rapport à 1994 ou à 2002. Vous nous proposez, c'est vrai, sans toujours l'assumer, une politique de droite bien affirmée.

Pis ! La « soumission » du projet de loi de finances aux nécessités d'une politique de communication conduit à multiplier les mesures visant uniquement à masquer la dégradation des finances publiques, la progression supérieure à zéro de la dépense publique - ce qui fait qu'elle n'est pas maîtrisée -, ainsi que la forte augmentation des dépenses fiscales à l'horizon 2007, tout cela sur fond d'insincérité des hypothèses retenues pour le cadrage budgétaire.

L'injustice est encore accentuée par une politique fiscale consacrée au profit des ménages les plus aisés, qui bénéficient de toutes vos attentions, alors que la quasi-totalité des Françaises et des Français sont soumis à une hausse des prélèvements. C'est, selon nous, d'autant plus inacceptable que l'urgence de redéfinir une politique de croissance et d'emploi fondée sur le progrès social se fait plus pressante du fait des conséquences de la mondialisation et des délocalisations auxquelles notre pays est confronté.

Dans un premier temps, je reviendrai sur des prévisions douteuses qui laissent peser la menace d'une autorisation budgétaire malmenée, et ce dès le début de l'année prochaine, sur un budget qui persiste dans son refus de soutenir la consommation, qui met à bas la justice fiscale, remet en cause, nous aurons l'occasion d'y revenir, la capacité à agir de l'État et, d'une certaine façon, organise son effacement.

Je formulerai, dans un deuxième temps, au nom du groupe socialiste, un certain nombre de propositions.

Alors que la France attendait le retour de la croissance, elle n'a en réalité pas su en profiter. Le retour de la croissance au niveau mondial se fait aujourd'hui sentir en France, avec un retard certain par rapport aux États-Unis ou au Japon. Toutefois, son effet reste largement insuffisant pour contrebalancer ceux de l'absence de stratégie de croissance et d'emploi du Gouvernement. L'activité économique a été importante en 2004 aux Etats-Unis, mais l'économie française en a très peu profité. En réalité, le décalage de cycle entre l'économie américaine et l'économie européenne, notamment française, ne semble pas devoir conduire à une forme de rattrapage. Certes, depuis un an, comme vous ne cessez de le répéter, la croissance est de retour en France et est de l'ordre de 3 %. Il est vrai que les résultats apparaissent supérieurs à la moyenne européenne. Mais qui s'en rend compte ? À qui la croissance profite-t-elle ? Nous vous avons posé ces questions auxquelles vous n'avez jamais répondu, si ce n'est pour dire que vous avez obtenu un certain nombre de résultats. En tous cas, les Français ne s'en aperçoivent pas, tant qu'ils sont privés des fruits de cette croissance, puisqu'ils voient le chômage augmenter et leur pouvoir d'achat amputé.


La majorité aime beaucoup les comparaisons ; M. le président de la commission et M. le rapporteur général, tout à l'heure, en ont usé. Puisqu'il nous est aussi arrivé de connaître une période de croissance plutôt soutenue, je voudrais comparer l'année 1999 avec cette année 2004.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Le contexte international n'est pas le même aujourd'hui !

M. Didier Migaud. En 1999, le rythme de croissance de l'économie française était de 2,7 %, soit légèrement moins que celui constaté aujourd'hui, et la majorité de l'époque avait su tout à la fois favoriser la création d'emplois, réduire les déficits publics et augmenter le pouvoir d'achat de l'ensemble des Français.

En 1999, la hausse des prix avait été limitée à 0,5 % ; en août 2004, son rythme d'augmentation annuel était de 2,4 %, monsieur le président de la commission.

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui ! Il faut le rappeler !

M. Didier Migaud. En 1999, le pouvoir d'achat et la consommation des ménages avaient progressé respectivement de 2,8 % et 3,2 % ; en 2004, la consommation des ménages n'a progressé que de 2,4 % et le pouvoir d'achat que de 1,5 %.

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !

M. Didier Migaud. Vous avez des silences assourdissants, monsieur le secrétaire d'État, tout comme votre ministre de tutelle.

M. Jean-Pierre Brard. C'est Alzheimer !

M. Didier Migaud. Je ne permettrais pas de tels propos, mais il n'en demeure pas moins que certains oublis peuvent paraître choquants.

En 1999, pour la première fois depuis vingt ans, l'équilibre primaire des comptes publics était atteint, monsieur le président de la commission, permettant la réduction du poids de la dette publique.

Le taux de chômage passait de 11,2 % de la population active à la fin du premier trimestre 1999 à 9,8 % au premier trimestre 2000, soit une baisse de 13 %.

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !

M. Didier Migaud. Où est la diminution du chômage depuis que vous êtes au pouvoir ? Sur ce point, on vous entend peu ! Sur l'année 1999, l'emploi total avait progressé de 2 %, et même de 2,7 % s'agissant de l'emploi salarié. En effet, si vous avez parlé des créations d'emplois publics que nous avons pu faire, vous avez totalement occulté la création d'emplois privés, que nous avions su favoriser.

Et vous, que faites-vous ? Là aussi, la comparaison entre 1999 et 2004 est intéressante.

M. Jean-Pierre Brard. Quel réquisitoire !

M. Didier Migaud. À l'inverse, le taux de chômage, sur un an, a progressé de 0,1 point pour atteindre 9,9 % en août 2004.

Nos mesures fiscales portaient sur la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, afin d'encourager l'emploi, et sur la baisse de la TVA, payée par tous. Vos mesures fiscales ne visent que les plus aisés, à travers la réduction d'impôt pour emploi à domicile et la remise en cause des droits de succession.

Oh oui ! Comparons les politiques ! Comparons les résultats ! Nous n'avons pas peur de la comparaison des bilans car cela permettra d'apprécier la différence entre les résultats obtenus à partir du même niveau de croissance, il convient de le répéter sans cesse.

M. Richard Cazenave. Il faudrait aussi comparer les ardoises !

M. Didier Migaud. Aujourd'hui, le ralentissement est en cours aux États-Unis et en Chine. S'il s'avérait brutal, la croissance française serait fortement « impactée ». L'économie mondiale est marquée par le ralentissement de la croissance aux États-Unis, avec une prévision de 2,9 % pour 2005 après 4,1 % en 2004. Le même ralentissement est constaté en Chine et dans l'ensemble de l'Asie. Il faut noter, à cet égard, que votre projet de budget prévoit un « atterrissage en douceur » de la Chine, qui reste sujet à forte caution. Au total, la croissance de l'économie mondiale ralentirait à 3,7 % en 2005 après 4,5 % en 2004. Si le ralentissement se confirmait, la croissance française serait fortement ralentie.

La situation est d'abord rendue préoccupante par la remontée graduelle des taux d'intérêt aux États-Unis. En effet, si la Banque centrale européenne décidait également d'un accroissement des taux d'intérêt, celui-ci, outre ses effets sur l'investissement des entreprises, viendrait directement alourdir le poids de la dette publique. Comme le souligne la Cour des comptes, si le service net de la dette représentait 16,9 % des recettes nettes du budget général en 2003, soit à peine plus qu'en 1998, monsieur le président de la commission - encore des chiffres que vous oubliez -, c'est du seul fait de la baisse des taux d'intérêt. La Cour souligne notamment que, si le taux moyen apparent de la dette de l'État était aujourd'hui au même niveau qu'en 1998, son service net représenterait 21,8 % des recettes nettes ! Là aussi, vous niez la réalité, monsieur le président de la commission.

Mais le risque principal réside dans les prix du carburant et du fioul domestique. Tous les automobilistes, mais également les personnes qui se chauffent au fioul domestique, ont pu le constater : la tendance est spectaculaire depuis un an et même vertigineuse depuis 2002, avec près de 18 % de hausse des prix à la pompe pour le diesel et 28 % pour le fioul domestique.

Votre réponse consiste à tenter de limiter ce que vous craignez : les conséquences médiatiques de cette hausse de la facture pétrolière. Votre seule réponse vise à calmer les légitimes revendications des professions les plus directement exposées pour éviter qu'elles ne fassent la une des journaux télévisés. Mais, jusqu'à maintenant, vous avez - ou plutôt vous aviez - oublié les ménages !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Eh oui ! Vous aviez manifestement écrit votre papier avant mon intervention !

M. Didier Migaud. J'y reviendrai, monsieur le ministre d'État, parce que vous m'êtes apparu adepte de la méthode Clemenceau : quand survient un problème, créons une commission. Il ne s'agit pas de créer une commission, nous aurons l'occasion d'y revenir. Un certain nombre d'éléments vous permettraient déjà de réduire la facture pétrolière pour une très grande majorité de nos concitoyens mais vous préférez une fois de plus retarder la solution à ce problème.

Alors que vos propres documents de présentation du projet de loi de finances indiquent, en page 4 du dossier de presse, un risque allant de 0,5 à 1 point de croissance en moins si les cours du pétrole s'installaient durablement au-dessus de 50 dollars - c'est-à-dire exactement ce sur quoi vous tablez, monsieur le ministre d'État, monsieur le secrétaire d'État et monsieur le rapporteur général -, vous tentez maintenant de faire disparaître ces déclarations des esprits. Curieuse conception de la prudence et de la bonne gestion que celle qui pousse, au fur et à mesure que le risque grandit, à diminuer d'autant sa prise en compte ! Et c'est pourtant ce que vous faites !

Alors que le projet de budget repose sur une hypothèse de prix du baril de pétrole à 36,50 dollars, présentée comme « prudente », les conjoncturistes présentent aujourd'hui des scénarios indiquant qu'il pourrait durablement s'installer au-dessus des 50 dollars, voire augmenter régulièrement pour atteindre 60 à 65 dollars fin 2005.

Outre la remise en cause directe du taux de croissance de l'économie, ce niveau ferait rebondir l'inflation bien au-delà du 1,8 % prévu, avec un effet inévitable sur la remontée des taux d'intérêt. Si ce risque venait à se réaliser, les ménages modestes seraient une nouvelle fois les premières victimes : la progression de leur pouvoir d'achat, qui a été estimée à 2,2 % en 2005 et 1,5 % en 2004, se verrait encore remise en cause, à l'image, d'ailleurs, de ce qui se passe en 2004, puisque l'inflation a été supérieure à 2,2 %, au lieu du 1,5 % hors tabac ou du 1,8 % de hausse des prix à la consommation que vous aviez initialement prévus.

Et ce n'est pas le très hypothétique effet des baisses de prix dans la grande distribution qui pourra réellement redonner des marges de pouvoir d'achat aux ménages. On a en effet bien compris que l'essentiel, dans cette affaire, était pour vous, monsieur le ministre d'État, de justifier une remise en cause - peut-être utile, d'ailleurs - des règles d'organisation du secteur. Les premiers chiffres que vous avez vous-même évoqués hier, avec tout au plus, en moyenne pondérée, 1,26 % de baisse des prix des produits de marques de fabricants, ne sont guère à la mesure du problème posé.

Il n'est guère étonnant que vous ayez choisi d'insister, au cours de la même conférence de presse, sur le prétendu effet des mesures que vous avez fait voter cet été, par exemple en soulignant le nombre de donations - qui a effectivement fortement progressé, compte tenu des cadeaux fiscaux que vous avez une nouvelle fois accordés - ou les cas de déblocage de l'épargne salariale. Ces chiffres sont plus flatteurs que ceux relatifs à l'évolution du pouvoir d'achat ou à la consommation des ménages. Vos mesures ont certes du succès, car l'effet d'aubaine joue à plein, notamment en ce qui concerne les donations, mais elles ont peu de résultats - et c'est pourtant l'essentiel - en matière de pouvoir d'achat et de relance de la consommation.

M. André Schneider. N'importe quoi !

M. Didier Migaud. Il ne suffit pas de dire cela, mon cher collègue. Encore faut-il prouver que j'ai tort. La méthode Coué a aussi ses limites.

Mais peut-être le chiffre de croissance retenu est-il un nouvel exemple des prévisions de croissance volontaristes du Gouvernement ? Vous conviendrez avec nous que, après le véritable crash auquel nous avons malheureusement assisté en 2003, avec une croissance de 0,5 % alors que votre gouvernement avait choisi une prévision elle aussi volontariste de 2,5 %, nous puissions être devenus méfiants, et les Français avec nous - même s'il faut reconnaître que, en 2004, la croissance a été plus forte que prévu, mais, là encore, sans aucun impact sur l'emploi, le niveau de consommation et le pouvoir d'achat de nos concitoyens.

Vos prévisions sont en décalage par rapport aux estimations disponibles des conjoncturistes, notamment en ce qui concerne la croissance, ce qui pose une fois de plus la question de la sincérité de votre budget.

Dès l'origine, vous aviez choisi une hypothèse singulièrement optimiste au regard de celle retenue par les commentateurs privés : 2,5 % au lieu de 2,3 %, pour la fourchette haute des estimations. L'honnêteté reviendrait d'ailleurs à reconnaître, me semble-t-il, que vous avez retenu une hypothèse de croissance de 2,5 % plutôt que de 2,3 % et une inflation de 1,8 % plutôt que de 1,5 % parce que, avec 1,5 % et 2,3 %, vous n'arriviez pas à faire rentrer toutes vos dépenses dans votre bouteille, tout simplement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais non !

M. Didier Migaud. Souvenez-vous des débats de cet été, qui ont été rapportés par la presse. Vous avez été obligé d'ajuster et cela vous a donné cette petite marge de manœuvre nécessaire pour équilibrer, si je puis dire, votre projet de budget. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ça, c'était votre façon de procéder !

M. Didier Migaud. Ainsi, le consensus Forecasts d'août 2004 prévoyait 2,1 %. Les rapporteurs généraux de l'Assemblée et du Sénat, Gilles Carrez et Philippe Marini, sans doute échaudés par l'erreur historique de 2003, annonçaient plutôt, pour leur part, 2,2 %.

Aujourd'hui, vous refusez de prendre en compte la remise en cause de votre hypothèse de prix du pétrole, alors même que vous déclarez partout, je vous cite : « cela ne risque pas de s'arranger ». Mais tirez-en donc les conséquences pour vos prévisions de croissance !

Si tel est vraiment le cas, la révision de l'hypothèse de croissance et, par voie de conséquence, celles du montant des recettes fiscales et, selon vos options, des dépenses, sont indispensables. Il semble pourtant que vous fassiez une nouvelle fois le choix de présenter sciemment un budget reposant sur des hypothèses de croissance auxquelles vous ne croyez plus, tout en prévoyant d'ores et déjà des mesures de régulation dès le début de l'année 2005 et tout au long de l'exercice.

Je n'invente rien, puisque ces mesures sont annoncées dans le dossier de presse diffusé par le Gouvernement. Je cite toujours la page 4 : « Ces incertitudes sur la croissance nécessitent une gestion prudente et réactive des finances publiques, afin de tirer les conséquences des fluctuations à la hausse ou à la baisse de la conjoncture. C'est le sens des procédures de mises en réserve pour veiller à respecter les crédits votés par le Parlement : elles seront poursuivies le cas échéant en 2005 ».

Les mots « le cas échéant » sont de trop car ces procédures seront poursuivies coûte que coûte, en dépit de leurs conséquences catastrophiques sur le terrain, puisque vous êtes engagé, monsieur le ministre d'État, dans une démarche de remise en cause systématique et même idéologique de la dépense publique. La preuve en est que, malgré l'existence de recettes fiscales supplémentaires en 2004, liées à la croissance plus forte qu'annoncée, vous avez annulé, début septembre, 1 milliard de crédits budgétaires.

Nous en sommes donc réduits à tenter d'estimer a priori, compte tenu du niveau des recettes fiscales inscrit dans les documents budgétaires, l'ampleur de la dégradation du déficit susceptible de résulter du ralentissement de la croissance ou, plus probable, la mesure dans laquelle une annulation de crédits viendra remettre en cause les crédits que vous nous présentez aujourd'hui.

À supposer que l'élasticité des recettes fiscales à la croissance que vous avez retenue pour la construction du budget soit constante, une diminution d'un point du taux de croissance réduirait le niveau des recettes fiscales brutes disponibles de plus de 5 milliards d'euros.

Mais en réalité, vous le savez, moins la croissance est forte, moins l'élasticité est élevée. À supposer ainsi que l'élasticité soit proche de l'unité, en lien avec une croissance ralentie d'un point, le manque à gagner sur les recettes fiscales brutes excéderait 9 milliards d'euros et « tangenterait » même les 10 milliards.

Et, si le prix du pétrole, comme le pensent de plus en plus de conjoncturistes, restait durablement proche de 50 dollars le baril, nous pourrions être amenés à voir le budget exécuté avec des annulations de crédits comprises pratiquement dès le début de l'année prochaine entre 5 et 10 milliards d'euros.

Si vous contestez ces chiffres, monsieur le ministre d'État, il est essentiel que vous nous donniez une vision claire de la manière dont seront exécutées les dépenses que nous allons voter dans les semaines à venir. Il vous faut répondre à plusieurs questions très simples : des gels et des annulations de crédits sont-ils déjà programmés par votre ministère pour le début de l'année 2005 ? quelle en sera l'ampleur ? quelle en sera la ventilation par ministère ? Quel crédit apporter aux mesures annoncées par tel ou tel ministre si, dès janvier ou février prochains, des mesures de gel, voire d'annulation de crédits, sont prises ?


La loi organique relative aux lois de finances vous oblige à apporter ces réponses. Vous n'avez pas respecté ces obligations en 2004. Y consentirez-vous en 2005 ? Je l'espère.

Faute de précisions de votre part, les parlementaires seraient à nouveau contraints de discuter d'un budget virtuel, sans aucun lien avec la réalité des dépenses envisagées par l'exécutif, uniquement conçu en appui d'une campagne de communication.

Il est respectable de proclamer, comme le font de nombreux responsables de la commission des finances - son président le rappelle sans cesse - qu'un bon budget n'est pas forcément un budget qui augmente. Mais tous ici nous savons qu'une telle affirmation est vite abandonnée par chaque ministre, qui souhaite présenter un budget avec une augmentation la plus importante possible.

D'où la tentation sans doute de surestimer les crédits inscrits en loi de finances initiale, à laquelle le Gouvernement semble succomber régulièrement, sachant qu'il compte ensuite sur des mesures de régulation a priori pour comprimer l'enveloppe des crédits effectivement disponibles.

J'ai déjà cité à cette tribune le président de la commission des finances, Pierre Méhaignerie, mais je voudrais le faire à nouveau car je pense que sa critique, émise en 2003, visait juste : « Il n'est pas tenable, à l'heure où nous discutons et votons le budget, de devoir s'attendre à ce qu'un gel, voire une annulation de crédits, intervienne dans quelques semaines. Certes, la situation n'est pas nouvelle, Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, l'a rappelé ». Il poursuivait en déclarant : « Certes, certains ministres n'auraient plus alors la possibilité de présenter un budget en hausse. Mais nous faisons tout de même preuve d'une certaine hypocrisie qui, il faut le reconnaître, réduit vraiment l'intensité et la qualité du débat budgétaire. Ce qui était vrai hier l'est tout autant aujourd'hui ». C'est une vraie parole de centriste ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Quelle clairvoyance ! Depuis, la docilité l'a gagné ! Il a été perverti !

M. Didier Migaud. Nous ne pouvons nous contenter de rappeler régulièrement que la régulation budgétaire n'est pas en soi une pratique condamnable, qu'elle a été encadrée par l'article 14 de la loi organique, qui prévoit que, afin de prévenir une détérioration de l'équilibre budgétaire, un crédit peut être annulé par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances, mais que toutefois le montant cumulé des crédits ainsi annulés ne peut dépasser 1,5 % des crédits ouverts par la loi de finances.

Nous devons nous conformer, enfin, à l'esprit de la Constitution et de la loi organique en admettant que ce seuil a été fixé pour encadrer la souplesse de gestion ouverte à l'exécutif - et qui est indispensable - et non pour devenir une forme « de droit d'entrée automatique » dans la procédure d'annulation de crédits. Le législateur organique de 2001 n'a, en effet, pas souhaité mettre en place une facilité de gestion qui permettrait, par exemple, à des ministres de présenter au vote du Parlement un budget « acceptable » en termes de communication car surestimé de 1,5 % par rapport à l'exécution prévue dès l'origine.

J'ajoute que la réflexion sur la pratique de la régulation et sur la sincérité des hypothèses de croissance à laquelle nous vous invitons est indissociable du débat sur l'affectation des éventuels surplus de recettes fiscales. Vous nous avez annoncé, monsieur le ministre d'État, un projet de loi organique. Nous craignons qu'il ne vise, en réalité, une nouvelle fois, qu'à l'affichage !

Les prétendus surplus de recettes fiscales dépendent, au premier chef, des hypothèses initiales de croissance du produit intérieur brut et de progression des recettes, déterminées l'une et l'autre de façon purement discrétionnaire par le Gouvernement. À moins d'accepter enfin la proposition que nous vous avons faite d'une réforme de la commission économique de la nation et d'une participation directe de celle-ci à la détermination de ces hypothèses en toute transparence, le débat sur les surplus de recettes ne pourra être que faussé. Nous aurons l'occasion d'en reparler lorsque vous présenterez votre projet de loi organique. Cela dit, la montagne risque fort d'accoucher d'une souris !

Le principe de sincérité, que vous vous apprêtez une nouvelle fois à trahir, implique de traduire le plus objectivement possible dans le projet de loi soumis au vote du Parlement la réalité budgétaire de l'année à venir, et non pas de se contenter d'annoncer, préalablement au vote du Parlement, que la réalité pourrait différer sensiblement des sommes effectivement soumises au vote. La sincérité ce n'est pas seulement dire la vérité, c'est l'inscrire dans la loi pour que le Parlement soit en mesure, à son tour, d'exprimer un vote sincère.

Je noterai en complément que vous avez cette année innové en matière de régulation budgétaire, en omettant tout simplement de procéder, avant le décret d'annulation du 9 septembre 2004 - et ce, d'ailleurs, sans que le président de la commission des finances ou le rapporteur général aient élevé une quelconque protestation -, de vous conformer à l'exigence, posée par la loi organique relative aux lois de finances, d'une communication préalable auprès de la commission des finances. Cet oubli regrettable donne d'ailleurs l'occasion de noter que, malgré une croissance supérieure de plus de 0,8 point à celle sur laquelle reposait la loi de finances initiale pour 2004, vous n'aurez pas hésité à pratiquer des gels préventifs en début d'année avec l'envoi à l'ensemble des ministères de lettres leur demandant d'identifier eux-mêmes les crédits à mettre ainsi en réserve et d'annuler une part non négligeable de ces crédits en cours d'année.

Les doutes sur votre sincérité dans la construction de l'équilibre du budget sont d'autant plus inquiétants que votre politique économique ne pourra, monsieur le ministre d'État, en rien jouer le rôle de soutien de la croissance qui pourrait être le sien, tant vous refusez avec obstination de soutenir le pouvoir d'achat de l'ensemble des ménages.

Tout à l'heure, j'ai essayé de comparer les deux années, 1999 et 2004. Les situations au regard de la croissance peuvent être considérées comme similaires, mais les résultats sont complètement différents selon les politiques qui ont été menées.

Il faut reconnaître que vous êtes constant dans le refus de soutenir la consommation et dans votre volonté de mettre à bas, d'une certaine façon, la justice fiscale dans notre pays.

L'injustice fiscale qui marque l'action du Gouvernement depuis juin 2002 est encore accentuée dans le cadre du budget pour 2005. Il est, d'ailleurs, plutôt surprenant de noter dans les discours du ministre, du secrétaire d'État, du rapporteur général ou du président de la commission des finances, l'absence de toute gêne pour justifier que ce qui était possible alors que notre pays connaissait une croissance de 1,2 % en 2002, de 0,5 % en 2003 et de 1,7 % en 2004 ne le serait plus aujourd'hui.

Durant ces trois années, vous avez en effet insisté sur le caractère absolument nécessaire de l'abaissement général des tranches de l'impôt sur le revenu, alors que les marges de manœuvre en matière de croissance, et donc de progression spontanée des recettes fiscales, étaient largement inférieures à celles dont vous disposez aujourd'hui. Mais vous avez continué avec obstination dans la voie tracée par le Président de la République, malgré nos critiques et nos avertissements - j'ai entendu ce qu'a dit le ministre d'État, en prenant du recul, comme il sait parfois le faire vis-à-vis du chef de l'État, mais sans doute faut-il être prudent pour préparer les échéances futures - sur le peu d'effet de ces baisses qui visent uniquement la moitié la plus aisée de la population et donc celle dont la propension à consommer est la moins forte.

Votre prédécesseur, Francis Mer, pouvait bien avouer le peu d'effet sur la consommation de ces mesures, le président de la commission des finances pouvait bien élever la voix en soulignant que la priorité n'était sans doute pas là avant de voter, bien sûr, ces mesures, vous ne déviez pas du cap fixé, monsieur le secrétaire d'État.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Merci !

M. Didier Migaud. Aujourd'hui, tout aurait changé. Est-ce à dire, monsieur le ministre, que la politique suivie avant votre arrivée était erronée ? Que l'objectif d'une baisse de 30 % de l'impôt sur le revenu d'ici à 2007 est définitivement abandonné ? Une explication s'impose, vous avez commencé à la donner.

Mais si tout a changé au niveau des arguments, puisque le niveau du déficit et de la dette seraient soudainement devenus tels qu'ils empêcheraient toute baisse nouvelle de l'impôt, tout n'a pas changé malheureusement pour le mieux. Car la politique fiscale que vous nous proposez est encore plus ciblée, sur un nombre encore plus restreint de ménages, et donc encore plus injuste. En fait, d'une manière déguisée, vous continuez la réduction de l'impôt sur le revenu, mais en la ciblant davantage sur quelques milliers de ménages.

Une mesure symbolise à elle seule l'injustice fiscale de votre gouvernement. Il s'agit de la hausse de 50 % du plafond de prise en compte des dépenses pour l'emploi d'un salarié à domicile. Cette nouvelle hausse, annoncée par le Premier ministre, pas par vous, monsieur le ministre d'État, dans le cadre de la course médiatique qui semble vous avoir opposés à un moment donné, porte ainsi à 118 % - à comparer aux quelques petits % que vous accordez à la prime pour l'emploi - la hausse totale du plafond de cette mesure depuis votre arrivée au pouvoir.

Vous vous défendez souvent en arguant du fait que cette mesure avait été mise en place par un gouvernement socialiste avant 1993. Certes, nous la revendiquons et nous en sommes fiers. Mais vu l'insistance avec laquelle vous relevez le plafond de cette mesure, on peut admettre que les changements quantitatifs ont parfois des effets qualitatifs. Dès que vous revenez au pouvoir, et plus particulièrement vous, monsieur le ministre d'État, dès que vous êtes en mesure de le faire, vous relevez de façon massive ce plafond. Vous l'avez fait en 1995, vous le refaites aujourd'hui. Initialement fixé à 3 811 euros, il a ainsi été relevé à 3 964 euros par la loi de finances pour 1994 et 13 720 euros dans le cadre du budget pour 1995 !

Je garde, d'ailleurs, toujours en mémoire cet échange que vous aviez eu avec notre ancien collègue Gilbert Gantier, qui vous titillait...

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ça vous a marqué !

M. Didier Migaud. Mais oui ! Vos interventions, de temps en temps, peuvent marquer, il faut avoir l'honnêteté de le reconnaître.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Et vous êtes honnête, c'est vrai !

M. Didier Migaud. Alors que Gilbert Gantier vous titillait sur la réduction nécessaire de l'impôt sur le revenu, vers une heure ou deux heures du matin, un peu fatigué par l'obstination...

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il y a onze ans de cela ! Ça vous a vraiment marqué !

M. Didier Migaud. ...bien connue de notre collègue, vous lui avez rétorqué : mais enfin, regardez ce que je vous propose avec la réduction pour un emploi à domicile ; c'est beaucoup mieux !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il connaît par cœur un discours vieux de onze ans ! C'est un des premiers sarkozistes !

M. Didier Migaud. La pédagogie, monsieur le ministre d'État, vous en usez souvent, est l'art de la répétition. Il faut vous rappeler, de temps à autre, un certain nombre de mesures que vous avez proposées dans le passé, ne serait-ce que pour montrer la constance de vos engagements. C'est plutôt une qualité !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Encore un compliment ! Merci ! C'est trop ! (Rires.)

M. Didier Migaud. Malheureusement, c'est un compliment qui sert à dénoncer une grande injustice.

Et ce n'est pas trop de compliments pour vous : vous êtes capable de les supporter !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Certainement, j'en conviens ! (Rires.)

M. Didier Migaud. Nous avons, pour notre part, réduit de moitié, durant la précédente législature, le plafond que vous aviez augmenté, en 1994, au cours de cette séance mémorable sur laquelle je ne reviens pas.

Aujourd'hui, sans doute parce que vous avez réussi à faire baisser ce taux symbolique en dessous de 50 %, vous nous demandez, il est vrai, de penser non pas aux ménages les plus aisés, mais aux personnes qui retrouveraient un hypothétique emploi grâce à cette mesure. J'espère, du moins, que vous aurez l'honnêteté de reconnaître que nous n'avons jamais eu la même optique que vous concernant ce dispositif.

Les chiffres et les analyses du conseil des impôts en la matière sont, en effet, incontestables. La mesure, qui ne profitait qu'à 70 000 familles comme l'avait reconnu le rapporteur général en 2003, soit moins de 0,2 % des foyers fiscaux, voit son impact encore réduit, vraisemblablement à moins de 30 000 familles parmi, bien sûr, les plus aisées. Pour bénéficier de la mesure, il faut, en effet, avoir engagé plus de 10 000 euros de dépenses, soit plus de 800 euros par mois, et payer initialement plus de 5 000 euros d'impôt sur le revenu. Il s'agit du seuil minimal pour que votre mesure commence à prendre effet. En deçà, rien ne change ! Pour en bénéficier à plein, il faut disposer d'un niveau de ressources permettant d'engager 15 000 euros de dépenses sur l'année, soit 1 250 euros par mois. Autant dire que grâce à cette mesure, l'État prend à sa charge, au bénéfice des très rares privilégiés concernés, quasiment la moitié du salaire de leur employé payé à temps complet au SMIC.

À titre d'illustration, un célibataire disposant d'un revenu imposable supérieur à 2 760 euros par mois serait totalement exonéré d'impôt s'il utilisait à plein la mesure. De la même manière, la mesure permettrait de rendre non imposable un couple avec deux enfants disposant d'un revenu imposable mensuel de près de 4 600 euros.

Comme le soulignait le conseil des impôts dans son rapport de 2003, ce dispositif bénéficie « essentiellement aux foyers fiscaux dont les tranches de revenus sont les plus élevées avec l'impossibilité, pour les foyers non imposables, de bénéficier de cet avantage ». Le conseil précisait déjà à l'époque que 70 % du coût de la réduction sont concentrés sur les 10 % de foyers les plus riches. Il proposait à cet égard la transformation du mécanisme en crédit d'impôt, ce qui aurait permis, en baissant à due concurrence le plafond de dépenses pris en compte, de faire profiter un million de ménages non imposables qui engagent des dépenses pour un emploi à domicile de bénéficier de l'incitation fiscale, à coût constant.

Nous avons déjà eu l'occasion, monsieur le ministre d'État, d'évoquer avec vous cet excellent rapport. Vous avez indiqué devant la presse que vous n'aviez pas retenu le principe du crédit d'impôt, à votre grande peine, compte tenu de son coût que vous évaluiez à 750 millions d'euros ! Vous verrez, en regardant de plus près ce rapport du conseil des impôts, que nous pourrions faire une grande réforme de justice fiscale concernant les emplois salariés à domicile, en ouvrant la disposition à ceux qui ne paient pas l'impôt sur le revenu, en en faisant bénéficier la totalité de ceux qui emploient un salarié à domicile, en baissant, tout simplement, un petit peu la réduction d'impôt pour ceux qui sont imposables. Nous pourrions avoir ainsi un dispositif pratiquement à coût constant.


Venons-en enfin à la seule chose qui semble préoccuper les parlementaires de la majorité depuis la présentation du budget, voire depuis plusieurs années pour certains passionnés dont il faut reconnaître l'obstination en la matière : je songe, bien sûr, à l'impôt de solidarité sur la fortune, auquel la majorité a consacré vingt-six amendements...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il y en a eu 100 sur la fiscalité agricole !

M. Didier Migaud. ...sur un total de 240 amendements déposés en commission, soit près de 10 % de l'ensemble des amendements discutés !

L'exhortation de Pierre Méhaignerie à ne pas « craindre les réactions salivaires de l'opposition », pensant sans doute davantage au fait que des contribuables très aisés pourront saliver sur les avantages qui leur sont concédés, semble avoir levé toutes les inhibitions ! Il arrive parfois au président de la commission des finances de se « lâcher » !

Après quelques inquiétudes sur vos bancs, et malgré le souci du Gouvernement de ne pas apparaître en première ligne sur le sujet - je vous comprends, monsieur le ministre d'État -, le dispositif se précise.

M. Guy Geoffroy. C'est la politique du chiffon rouge !

M. Didier Migaud. La frénésie de l'UMP a conduit une majorité de députés membres de la commission des finances, emportés par leur passion, à voter en première délibération une exonération totale de la résidence principale au titre de l'ISF. Cela ne s'est pas fait par inadvertance, comme l'a expliqué le président de la commission des finances, qui cherchait d'ailleurs les journalistes à l'issue de la réunion...

M. Richard Cazenave. En quoi cela est-il scandaleux !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Vous aussi, monsieur Migaud, vous les cherchiez !

M. Didier Migaud. ...pour essayer de leur expliquer que cet amendement n'avait pas été adopté ! Et pourtant, le vote a eu lieu à deux reprises, par assis levé, pour mieux solenniser le moment. Cette nuit-là, ce n'était pas pour Danette, mais pour l'ISF que se levaient les membres UMP de la commission des finances ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Finalement, après moult tractations, et faute de pouvoir afficher une telle mesure qui indiquerait trop la volonté de la majorité de supprimer au plus vite cet impôt, deux dispositions principales ont été proposées - tout en disant qu'il conviendrait d'attendre un texte futur, dans le cadre duquel de nouvelles modifications pourraient se faire bien plus discrètement que lors de l'examen d'un projet de loi de finances. Tel est le conseil du président de la commission des finances : « évitez d'en rajouter sur l'ISF, mes chers collègues ! Nous sommes en plein budget, l'opinion nous regarde et les journalistes sont très attentifs. Attendons le texte Jacob pour compléter le dispositif...

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Fantasme !

M. Didier Migaud. ...car plus personne ne s'intéressera à ce sujet. » Mais si, nous serons là, monsieur le président, et nous essaierons d'être vigilants. En revanche, vous ne serez plus là, monsieur le ministre d'État.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Hélas !

M. Didier Migaud. Mais vous serez peut-être de retour dans cet hémicycle, car je pense que vous provoquerez une élection partielle. Et nous serons heureux de vous revoir sur ces bancs.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Encore un compliment !

M. Didier Migaud. Et peut-être, de votre poste au sein de l'UMP, dirigerez-vous aussi la manœuvre tendant à remettre en cause l'impôt de solidarité sur la fortune.

La première disposition consiste à actualiser le barème en fonction de l'inflation. Philippe Marini, rapporteur général au Sénat, sorte de sosie inversé de Robin des Bois (Rires)...

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Que vient-il faire ici ?

M. Didier Migaud. Cela vous étonne ? Il est vrai que comparer Philippe Marini avec Robin des Bois peut sembler surprenant ! Voilà pourquoi je dis que c'est une sorte de sosie inversé ! Mais les rapports de Philippe Marini sont intéressants, monsieur le ministre d'État, notamment certaines de ses appréciations.

Par exemple, le rapporteur général du budget au Sénat estime que le montant de «l'impôt rendu aux contribuables » s'élèverait à 190 millions d'euros si l'on actualisait par rapport à 1997. Pour l'instant, après le seul passage des députés de la majorité, avec une indexation se limitant à la hausse des prix prévisionnelle, le coût serait de l'ordre de 35 millions d'euros. Son principal motif est la situation des contribuables qui « rentrent dans l'ISF du fait de la hausse des prix de l'immobilier ».

Intéressons-nous à ce cas précis que vous mettez sans cesse en avant, celui d'un contribuable dont le patrimoine serait constitué uniquement de sa résidence principale : il faut rappeler ici que, s'agissant des contribuables qui « rentrent dans l'ISF » et sont donc imposés dans la première tranche de cet impôt, leur cotisation moyenne est inférieure à 1 200 euros par an, ce qui est proche, par exemple, du total des taxes locales payées par de nombreux ménages modestes en région parisienne. De plus, cela suppose, si l'on retient le cas visé par la majorité d'un contribuable imposé en raison de sa seule résidence, un bien immobilier dont la valeur atteindrait 900 000 euros, compte tenu de l'abattement de 20 % sur la résidence principale. Il faut comparer ce niveau à la valeur moyenne des logements possédés, 136 600 euros pour l'ensemble des ménages, et rappeler que 56 % seulement des Français sont propriétaires.

En second lieu, la commission a voté l'augmentation de l'abattement sur la valeur de la résidence principale, qui passe de 20 % à 30 %, mesure dont le coût serait supérieur à 60 millions d'euros. A cet égard, il est intéressant de noter que les redevables au titre de l'ISF soient les seuls à bénéficier de la sollicitude de la majorité dans un contexte de hausse des prix de l'immobilier qui exclut - ce que vous oubliez de dire - un nombre de plus en plus important de ménages du marché du logement.

Vous n'avez pas, me semble-t-il, fait preuve de la même inquiétude et du même souci de lisser les effets des variations de marché lorsque les mouvements boursiers ont, comme ce fut le cas en 2003 et comme le rappelle le rapport économique et financier, conduit mécaniquement à des allégements substantiels de l'ISF. Comme le note le rapport, « en raison du repli sensible des cours boursiers en 2002, les recettes des impôts assis sur des éléments de patrimoine financier décroissent en 2003, qu'il s'agisse de l'ISF, des plus-values passibles de l'impôt sur le revenu, ou de l'impôt sur les sociétés ». Bien au contraire, en 2003, la loi pour l'initiative économique entamait le démantèlement de l'ISF, que vous vous apprêtez à poursuivre aujourd'hui, en élargissant les exonérations existantes en faveur de l'outil de travail à des participations largement minoritaires au capital des sociétés.

Si l'on combine les deux dispositifs comme l'ont fait les députés de la majorité en commission, on obtient pour les contribuables visés a priori un relèvement du seuil d'entrée dans l'ISF de plus de 16 %, soit quatre fois supérieur à celui prévu pour la prime pour l'emploi ! Actuellement, un contribuable dont le patrimoine est constitué de sa résidence principale ne devient imposable que si celle-ci à une valeur vénale réelle supérieure à 900 000 euros. Compte tenu des amendements adoptés par la droite en commission des finances, le seuil d'imposition serait rehaussé de 1,8 %, rendant un bien imposable à partir de 732 960 euros. L'abattement pour la résidence principale serait parallèlement porté de 20 à 30 %. Ainsi, pour qu'un contribuable devienne redevable de l'ISF au titre de sa résidence principale, celle-ci devrait avoir dorénavant une valeur vénale d'environ 1 050 000 euros. La hausse réelle du seuil pour les contribuables de l'ISF, qui font l'objet de toutes les sollicitudes, représente en réalité une hausse de plus de 16 %, contre 4 % pour les bénéficiaires de la prime pour l'emploi ! Cela étant, quand on regarde le rapport du rapporteur général, on s'aperçoit qu'on est loin d'une augmentation de 4 % pour ces derniers.

S'agissant d'un impôt qui a touché moins de 300 000 foyers en 2003, soit moins de 1 % des foyers fiscaux, dont le conseil des impôts vient opportunément rappeler qu'il n'est pas corrélé significativement à la question des délocalisations, tant d'obstination intrigue. Car le discours tentant d'accréditer l'idée selon laquelle la baisse de l'ISF serait favorable à l'emploi est malheureusement mensonger.

Au total, 350 à 370 redevables de l'ISF quitteraient le territoire chaque année sans que la cause de ce mouvement soit connue, et plus de 100 y reviennent. Le conseil des impôts rappelle également que les personnes domiciliées hors de France restent assujetties à l'ISF pour leurs biens immobiliers situés en France. Il affirme clairement que les effets économiques et budgétaires des expatriations sont très limités. Il conclut enfin que « si une réforme de l'ISF peut être recommandée, ce n'est pas au nom d'arguments relatifs à l'attractivité de la France ou au maintien d'activités en France, ni en attribuant à une telle réforme un hypothétique équilibre budgétaire ».

En réalité, il semble - mais j'attends les expertises de la commission et du Gouvernement sur ce point - que les effets combinés des mesures votées par la majorité conduiront à ce que davantage de contribuables sortent de l'ISF !

Pour ne pas anticiper sur un débat que nous ne manquerons pas d'avoir et qui concerne la suppression du dispositif dit de « plafonnement du plafonnement », je rappellerai enfin que ne seraient concernés par sa suppression que 1 742 contribuables, dont le patrimoine taxable excède la limite supérieure de la troisième tranche du barème de l'ISF, soit 2 300 000 euros en 2002, selon le chiffre donné par Philippe Marini en page 38 de son traditionnel rapport annuel sur l'ISF, qui estime également le coût de la mesure à plus de 130 millions d'euros.

Vous invoquez souvent les socialistes en affirmant que vos propositions ne feraient que revenir au dispositif préconisé par Pierre Bérégovoy et Michel Rocard. Ce n'est pas très convenable (« Pourquoi ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), comme aurait dit un ancien Premier ministre. En effet, vous isolez une mesure au sein du dispositif global que nous souhaiterions mettre en œuvre. Pour notre part, nous ne refusons pas de revoir la question de l'ISF, mais à condition de tout remettre sur la table, y compris la question de l'impôt sur le revenu et celle de la CSG.

M. Jean-Pierre Brard. Ils veulent tout remettre sur la table, mais pour remplir l'assiette des plus modestes ! Et certains ont une grande assiette ! (Sourires.)

M. Didier Migaud. Notre objectif n'est pas de baisser le rendement de l'ISF à tout prix, alors que c'est votre seule préoccupation dans le cadre de cette réforme.

M. Guy Geoffroy. Pas du tout !

M. Didier Migaud. Vouloir inscrire le nom d'un socialiste à côté d'une proposition de modification de l'ISF est profondément malhonnête. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je le dis comme je le pense.

Si les mesures prises dans le cadre de la politique fiscale, budgétaire et économique menée par les gouvernements de Pierre Bérégovoy ou de Lionel Jospin bénéficiaient principalement au plus grand nombre de nos concitoyens, vos propositions ciblent toujours les mêmes contribuables : c'est le reproche, constant, que nous vous faisons.

J'en viens enfin à la baisse, en réalité la quasi-suppression des droits de succession que vous proposez...

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Auriez-vous déjà fini, monsieur Migaud ?

M. Didier Migaud. Non, ne vous inquiétez pas, monsieur le ministre ! Je vous remercie du plaisir que vous prenez à m'entendre ! Moi aussi, je suis sensible aux compliments. Il n'y a donc pas de raison qu'ils soient à sens unique !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Absolument !

M. Jean-Pierre Brard. Le vrai plaisir est partagé !

M. Didier Migaud. Je le constate, et vous y prenez toute votre part, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Brard. Tout à fait ! Je ne boude pas le mien !

M. Didier Migaud. Monsieur le ministre, vous proposez la quasi-suppression des droits de succession au profit de moins de 20 % des ménages concernés, pour un coût équivalent à une baisse d'un point du barème de l'impôt sur le revenu, soit environ 600 millions d'euros. Pour une fois, vous faites preuve d'une certaine rigueur intellectuelle,...

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Encore un compliment !

M. Didier Migaud. ...puisqu'il s'agit d'une des rares mesures dont vous ne tentiez pas d'accréditer l'idée qu'elle sera bénéfique pour l'emploi, à l'inverse, par exemple, de ce que nous avons constaté concernant l'ISF. Mais je pense que certains parlementaires sur les bancs de l'UMP ne manqueront pas de tenter cet exercice périlleux. Cela étant, vous êtes moins rigoureux lorsque vous tentez de convaincre les Français qu'une grande majorité d'entre eux bénéficiera de cette mesure.

En réalité, vous faites une nouvelle fois preuve, sous le vernis d'une campagne de communication « moderne », d'une persévérance qu'il faut saluer, puisque nous retrouvons aujourd'hui les mêmes déclarations que celles que vous faisiez sous le gouvernement de M. Balladur. Votre passage au ministère du budget m'a marqué, monsieur le ministre. Et je retrouve en 2004 le même Nicolas Sarkozy qui, bien que débutant à l'époque, avait des idées semblables à celles qu'il a aujourd'hui : il s'agissait déjà d'encourager « la France des propriétaires ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Moi qui croyait que c'était le discours de François Hollande qui vous inspirait !

M. Didier Migaud. En réalité, cette mesure, qui repose, d'une part, sur la mise en place d'un nouvel abattement général de 50 000 euros sur le montant global de la succession et, d'autre part, sur la hausse à 50 000 euros de certains abattements existants accordés en fonction des liens de parenté, est particulièrement ciblée. Il faut rappeler certaines vérités que vos discours enflammés sur le produit d'une vie de travail ont tendance à masquer. Seulement 20 % des successions font actuellement l'objet de droits. Votre mesure exclut donc 80 % des cas. Vous faites référence à la valeur moyenne des successions, qui est effectivement proche de 100 000 euros, mais vous oubliez de signaler que moins d'une succession sur deux est d'une valeur supérieure à 55 000 euros - valeur médiane - et que seules 10 % des successions dépassent les 200 000 euros.

Enfin, vous oubliez de rappeler que la mesure de hausse des abattements s'applique à des niveaux déjà très importants pour les successions et ne jouera donc qu'à la marge pour les patrimoines les plus importants : l'exonération était déjà, par exemple, de 46 000 euros pour les enfants, elle est même supérieure à ce que vous proposez entre époux - 76 000 euros - et, en tout état de cause, il existe un abattement de 20 % sur la valeur de la résidence principale. Comme le constatait en 2000 Philippe Marini, rapporteur général du Sénat, « ce sont près de 90 % des transmissions entre époux et 80 % en ligne directe qui ne donnent pas lieu à perception de droits ». Cette observation est tirée du rapport sur la fiscalité des mutations à titre gratuit, n° 65, du Sénat.


Philippe Marini conforte donc nos propos et apporte un démenti cinglant aux affirmations du ministre d'État.

Enfin, il faut rappeler que vous passez totalement sous silence la question du régime fiscal de l'assurance-vie, alors que ces produits de placement permettent une transmission de 152 500 euros par bénéficiaire avec exonération totale de droits et d'impôts. Une réforme globale et juste des droits de succession ne devrait pas les laisser de côté.

À l'inverse donc du principe inscrit à l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui dispose que « pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable » et qu'« elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés », vous réduisez la contribution des plus aisés tout en augmentant largement celle de la quasi-totalité des ménages.

M. Jean-Pierre Brard. Très juste !

M. Didier Migaud. Pour votre défense, vous jouez une nouvelle fois, après l'avoir fait au sujet des comptes publics, sur l'ambiguïté entre prélèvements obligatoires et impôts d'État autorisés dans le cadre du budget. Afin de prouver que celui-ci permet une augmentation du pouvoir d'achat des plus modestes, vous vous attribuez l'augmentation du SMIC, alors même que la décision d'alignement des différentes garanties mensuelles de rémunération a été prise il y a plus de deux ans - elle était inscrite dans la réforme des 35 heures. Dans le même temps, vous renvoyez la responsabilité des prélèvements à d'autres, pourtant membres du même gouvernement.

Car contrairement à ce que vous affirmez avec aplomb à la moindre occasion, les prélèvements augmentent ! Comme l'indique le rapport économique et financier annexé au projet de loi de finances, le taux de prélèvement obligatoire atteindrait 43,7 % du PIB en 2005, soit une hausse de 0,1 point par rapport à 2004.

Nous pouvons ainsi juger les effets de votre politique fiscale et constater non seulement que les prélèvements ne baissent pas, mais qu'ils s'alourdissent pour la plupart des Français, notamment les plus modestes.

En 2003, le taux de prélèvements obligatoires était resté stable : 43,8 % du PIB, comme en 2002. Mais le rapport sur les prélèvements obligatoires, annexé en vertu de l'article 52 de la loi organique, permet de faire la part entre évolution spontanée et effet des mesures nouvelles. Or si la première devait conduire à une diminution, « un certain nombre de mesures nouvelles concernant les collectivités locales et les administrations de sécurité sociale ont contribué à accroître le taux de prélèvements obligatoires de 0,1 point ». En clair, les mesures que vous avez prises entraînent l'augmentation de prélèvements obligatoires qui auraient dû baisser spontanément.

En 2004, compte tenu, notamment, de l'effondrement de la croissance survenu l'année précédente, qui a fortement érodé les bases sur lesquelles sont assis les prélèvements, l'évolution spontanée tendrait à faire diminuer le poids des prélèvements obligatoires de 0,3 point. Mais une fois de plus, vos décisions en matière de politique budgétaire et fiscale les poussent au contraire à la hausse, à hauteur de 0,1 point. Autant dire que si en 2004 le taux de prélèvements obligatoires reculait effectivement pour atteindre 43,6 % - ce qui reste à confirmer -, ce serait bien malgré vous !

Les Français l'ont bien compris : en 2005, les prélèvements massifs prévus par votre gouvernement entameront largement leur pouvoir d'achat. Un seul chiffre résume à la fois l'ampleur de la ponction et son injustice. Alors que le projet de loi de finances pour 2005 annonce un total de 2 milliards d'allégements, dont 800 millions au bénéfice des ménages - mais on a vu qu'ils seraient très largement ciblés sur les plus aisés -, la seule mesure d'élargissement de l'assiette de la CSG et de la CRDS votée cet été dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie représente un prélèvement supplémentaire de 1 milliard d'euros, au détriment de ceux que l'on nomme un peu vite les « non imposables », mais qui ne le sont, bien souvent, que sur le revenu. Et dire que vous avez choisi cette voie détournée pour accréditer l'idée selon laquelle vous n'augmentiez pas la CSG ou la CRDS !

Avec l'augmentation des prélèvements sociaux - 560 millions d'euros de CSG sur les retraités et 645 millions d'euros sur les revenus du patrimoine -, le total est supérieur à 2 milliards pour les seuls ménages. Et encore ce calcul n'inclut-il pas les ponctions sur le pouvoir d'achat liées à la mise en place de « 1'euro Raffarin », c'est-à-dire de l'euro non remboursé sur chaque consultation médicale, à la hausse du forfait hospitalier, dont l'impact a été évalué à 800 millions d'euros dès 2005 et près de 1 milliard en 2007, ou à la suppression d'un jour férié.

Comme le souligne également le rapport sur les prélèvements obligatoires, l'augmentation des impôts locaux, après avoir connu une pause en 2004, est appelée à reprendre en 2005.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. À cause des socialistes !

M. Didier Migaud. Non, à cause de la décentralisation Raffarin !

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !

M. Nicolas Perruchot. Cela relève du choix politique exprimé par les régions !

M. Didier Migaud. Et encore, le rapport sous-estime sans doute l'ampleur de ces hausses, tant la décentralisation des déficits à laquelle s'est livré le Gouvernement avec la loi relative aux responsabilités locales place les collectivités dans une impasse financière. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Contre-vérité !

M. Didier Migaud. L'évaluation a minima du coût des compétences transférées se combine avec des compensations financières unanimement considérées comme insuffisantes.

La majorité entretient un double discours : ici, à l'Assemblée nationale, elle éprouve systématiquement le besoin de conforter le Gouvernement dans les erreurs qu'il peut commettre, ...

M. Nicolas Perruchot. Pas toujours !

M. Didier Migaud. ...mais dans les réunions d'associations pluralistes d'élus, elle vote souvent des résolutions sévères à l'encontre du Gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Par rapport à la définition qu'en donnait la majorité elle-même, le principe d'autonomie financière des collectivités locales a fait l'objet d'un travestissement.

M. Nicolas Perruchot. Vous vous apprêtez à faire peser sur les communes des taxes irresponsables !

M. Didier Migaud. Les conséquences en sont malheureuses pour les collectivités, qui se voient ainsi privées de toute marge de manœuvres. Les impôts locaux augmenteront, les politiques publiques seront remises en cause. La réforme des dotations proposée dans le cadre de ce projet de budget en est d'ailleurs une nouvelle illustration - Augustin Bonrepaux y reviendra.

Nous ne pouvons qu'approuver le nécessaire effort de solidarité que vous prévoyez en direction de certaines communes ciblées, urbaines ou rurales, mais celui-ci ne peut se faire au détriment des autres communes dont certaines sont dans une situation à peine plus enviable. Et même si des assouplissements ont été évoqués, ils restent largement insuffisants à l'heure actuelle.

M. Michel Piron. C'est quoi, la solidarité, selon vous ?

M. Didier Migaud. Enfin, l'État ne respecte pas sa parole. Nous aurons l'occasion d'y revenir - après quinze mois de demandes répétées, nous avons en effet pu obtenir qu'Augustin Bonrepaux soit chargé par la commission des finances d'un rapport sur ce sujet. Il est inacceptable que les engagements contractés par l'État avec les collectivités locales ne soient pas tenus. Sur le terrain, tous les parlementaires le regrettent, mais à l'Assemblée, certains semblent être atteints de cécité, puisqu'ils nient le phénomène.

M. Guy Geoffroy. C'est une invention !

M. Didier Migaud. Malheureusement, ce reniement de la parole de l'État se fait au détriment d'infrastructures essentielles à l'attractivité de notre pays. L'allongement de la durée des contrats en cours d'application ne constitue à cet égard qu'un faux-semblant.

La « décentralisation des déficits » à laquelle vous vous livrez et sur laquelle Augustin Bonrepaux aura certainement l'occasion de revenir, est l'un des éléments de votre stratégie, si l'on peut retenir un tel terme, consistant à ne mettre en avant qu'un seul élément de la conduite des politiques budgétaires, la norme de progression de la dépense. Sans doute parce que les chiffres concernant les déficits publics, la dette publique ou, on l'a vu, les prélèvements obligatoires ne sont guère glorieux, vous tentez de concentrer l'attention sur la norme d'évolution des dépenses et le désormais célèbre « zéro volume ».

Selon ce « principe », les dépenses de l'État ne doivent globalement pas progresser plus vite que l'inflation.

C'est au nom de cette norme que vous avez, au cours des deux dernières années, remis en cause des pans entiers des politiques publiques. Alors que vous multipliez les baisses d'impôt au profit des seuls contribuables les plus aisés, vous remettiez en cause, dans les lois de finances initiales comme par les gels et annulations de crédits, des politiques pourtant essentielles à la vie de nos concitoyens.

M. Guy Geoffroy. N'importe quoi !

M. Didier Migaud. À l'inverse de ce que notre rapporteur général a pu écrire, « laisser jouer les stabilisateurs automatiques » en période de ralentissement important de la croissance, ce n'est pas baisser fortement les impôts tout en comprimant les dépenses publiques. À la limite, ce pourrait être ne pas augmenter les prélèvements sur les plus nombreux - à l'inverse de ce que vous avez précisément fait - en laissant la dépense publique s'ajuster aux besoins rendus plus importants par la dégradation de la conjoncture, notamment en matière sociale.

Compte tenu de la multiplication des engagements et des annonces, c'est surtout sur les différents maquillages budgétaires auxquels vous vous livrez que je souhaite insister, car ils remettent en cause le principe même d'une présentation sincère des ressources et des charges.

En premier lieu, vous multipliez les crédits d'impôt, non pour donner aux ménages non imposables un accès aux incitations fiscales, mais pour limiter l'évolution de la dépense publique. Lorsque le secrétaire d'État au budget Dominique Bussereau déclare dans une interview que le crédit d'impôt est « un bon outil »...

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il a raison !

M. Didier Migaud. Dans ce cas, élargissez son usage ! Ne vous contentez pas des seules mesures que vous proposez.

Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il s'agit d'un bon outil pour la direction du Budget, et non pas pour les ménages modestes, car, dans le cas contraire, le Gouvernement accepterait de transformer en crédit d'impôt la réduction d'impôt pour emploi à domicile.

M. Gérard Bapt. Ce serait une bonne mesure !

M. Didier Migaud. Faites-le, monsieur le ministre d'État, si vous jugez qu'il s'agit d'un bon outil.

Mais le mécanisme du crédit d'impôt présente surtout à vos yeux le double avantage, s'il se substitue à une dépense budgétaire, de réduire d'autant la dépense publique tout en repoussant à un ou deux ans le besoin de financement lié au dispositif fiscal. À cet égard, la façon dont a été annoncée la suppression du prêt à taux zéro est caricaturale. Les motifs allégués pour justifier la réforme sont louables...

M. Michel Piron. Ah, quand même !

M. Didier Migaud. Nous essayons d'être objectifs ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Robert Lamy. Il ne suffit pas d'essayer !

M. Guy Geoffroy. À l'impossible, nul n'est tenu !

M. Didier Migaud. Je comprends que cela vous surprenne, tant ce n'est pas dans vos habitudes.

Nous sommes, bien sûr, favorables à l'objectif d'ouvrir plus largement le dispositif, qu'il s'agisse du public concerné, grâce au relèvement des conditions de ressources, ou du type de logements, par la prise en compte des logements anciens dans lesquels des travaux ont été réalisés. Mais on saisit mal pourquoi ces assouplissements ne pouvaient être réalisés de façon simple par la modification des critères d'attribution d'un prêt dont tout démontre qu'il fonctionne bien, au bénéfice des ménages les plus modestes.

En réalité, vous souhaitiez réduire le niveau de la dépense publique d'un montant non négligeable - il fallait entrer dans la bouteille dont je parlais tout à l'heure -, ...

M. Christian Cabal. Nous voulions mettre fin à la gabegie !

M. Didier Migaud. ...compris entre 500 millions d'euros - si l'on s'en tient aux faibles dotations allouées aujourd'hui - et plus de 800 millions d'euros sous un autre gouvernement. Le crédit d'impôt vous permettait cela, tout en repoussant la dépense fiscale correspondante à 2006, voire 2007.

Je trouve d'ailleurs intéressant ces nombreux rendez-vous pris pour 2007 ou au-delà.

M. Claude Gaillard. C'est parce que nous avons confiance !

M. André Schneider. C'est un acte de foi !

M. Didier Migaud. La commission devrait en faire le recensement. Que peut-il bien se passer en 2007 ? Sont-ce les élections municipales qui vous conduisent à renvoyer à cette date l'application d'un certain nombre de réformes ?

En effectuant l'addition de toutes les traites que vous reportez ainsi à plus tard (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), ...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En matière d'héritage, vous êtes expert !

M. Richard Cazenave. Vous ne manquez pas de culot, monsieur Migaud !

M. Didier Migaud. ...on se dit que l'audit des finances publiques, lorsque nous le demanderons, risque d'être bien pire que celui que vous avez fait dresser en 2002.

M. Augustin Bonrepaux. C'est bien vrai !

M. Didier Migaud. Et je vous renvoie à ses résultats - mais peut-être considérez-vous qu'il était bidon et que les personnes qui s'y sont livrées n'ont pas été honnêtes dans leur raisonnement - : le solde de tout compte faisait apparaître un déficit s'élevant à 2,6 % du PIB. Or si, aujourd'hui, vous êtes contraints à tant d'expédients pour le faire passer sous la barre des 3 %, c'est bien parce que vous avez pris, depuis 2002, un certain nombre de dispositions qui ont sensiblement fait se dégrader la situation de nos finances publiques.

M. Édouard Landrain. Quel culot !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce n'est pas brillant ! Un homme à la mer !


M. Didier Migaud
.
Je pense, monsieur le ministre d'État, que vous parlez de la situation des comptes publics que vous allez laisser à votre départ, nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler. Vous aurez toujours le dernier mot,...

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ça, c'est honnête !

M. Didier Migaud. ...mais je ne désespère pas de montrer que ce n'est pas pour cela que vous avez le juste mot.

M. Jean-Pierre Brard. Exactement ! M. Migaud n'est pas dans la brillance ou dans les paillettes, il est dans le fond. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Du trou !

M. Jean-Pierre Brard. Il est inaccessible à votre esprit superficiel !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Des amis comme ça, vous pouvez les garder ! (Sourires.)

M. Didier Migaud. Nous souhaitons en tout cas que votre décision ne conduise pas à priver les ménages les plus modestes de l'accès au logement. Bien souvent, ce prêt constituait leur seul apport personnel aux yeux des banques. C'est un argument qui n'a pas été pris en compte, je le regrette.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est faux !

M. Didier Migaud. Il ne suffit pas de l'affirmer, il faut le démontrer aussi, monsieur le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. On l'a démontré !

M. Didier Migaud. On attend du rapporteur général qu'il démontre davantage la pertinence des propositions du Gouvernement, ...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Lisez le rapport !

M. Didier Migaud. ...car nous nous posons souvent des questions.

La réforme de la taxe d'apprentissage est également l'occasion pour vous d'améliorer à moindre frais la situation des comptes publics tout en repoussant les charges supplémentaires à plus tard. Le taux de la taxe due par les entreprises serait ainsi sensiblement relevé, l'État diminuant ses versements d'un montant de 200 millions d'euros en 2005, qui augmentera jusqu'à 600 millions d'euros en 2007. C'est autant de dépenses en moins, sachant qu'un crédit d'impôt est une nouvelle fois institué au bénéfice des entreprises, qui devraient donc accepter sans trop d'opposition la hausse de la taxe. Ainsi, à une moindre dépense est substituée une perte de recettes qui ne sera constatée qu'avec retard et qui ne sera pas comptabilisée, une nouvelle fois, dans la norme de progression des dépenses.

Enfin, la réforme de la redevance que vous nous proposez combine injustice et hypocrisie. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En même temps que vous choisissez d'exonérer les résidences secondaires du paiement de la redevance, en expliquant qu'une telle mesure permettra de limiter très sensiblement la fraude, ce qui n'est évidemment pas difficile puisque vous supprimez la raison de la fraude,...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est vous qui l'avez créée ! On corrige vos vilenies.

M. Didier Migaud. ...et alors que l'on peut supposer que cela ne concerne pas les ménages parmi les plus malheureux, vous remettez en cause pour les années à venir les exonérations dont bénéficient actuellement les personnes âgées modestes non imposables...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Non !

M. Didier Migaud. ...qui payent la taxe d'habitation. Vous masquez en partie ce choix en légalisant les exonérations sur demande dont bénéficiaient déjà les titulaires du RMI ou de l'ASS, ce qui est un point positif, mais surtout en figeant la situation des personnes actuellement exonérées, qui ne devraient plus l'être que jusqu'en 2007. Là, il faut lire les petits caractères de la feuille d'imposition qui sera reçue par les contribuables. Des personnes qui auraient dû être exonérées cette année ne le seront pas. Globalement, cette réforme remet en cause le principe de compensation intégrale par l'État de sa politique d'exonération : l'audiovisuel public y perdra directement 80 millions d'euros dès 2005.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est l'inverse !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est exactement le contraire !

M. Didier Migaud. J'en viens maintenant au plus gros morceau. Il s'agit bien sûr de l'utilisation qui est faite de la soulte versée par Électricité de France en compensation de la charge que représentera pour la Caisse nationale d'assurance vieillesse l'adossement du régime de pensions des salariés d'EDF.

M. Richard Mallié. Hors sujet !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce n'est pas dans le budget !

M. Didier Migaud. Je sais bien, monsieur le rapporteur général. J'espère que vous me ferez crédit du fait que je ne confonds pas le déficit du budget de l'État...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je m'interrogeais tout à coup, j'étais inquiet !

M. Didier Migaud. ... avec celui des comptes publics. Le ministre d'État s'y prend là encore à merveille (Rires et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Encore ? Migaud à l'UMP !

M. Didier Migaud. Avant de vous réjouir, monsieur le ministre d'État, attendez la fin de ma phrase !

...pour essayer de tromper les gens. Quand on n'est pas un spécialiste, ce n'est pas toujours facile de s'y retrouver quand on parle du déficit du budget de l'État et de celui des comptes publics. Vous passez tellement facilement de l'un à l'autre que vous avez sûrement la volonté que les gens y perdent leur latin.

Cela dit, il y a un lien, monsieur le rapporteur général. Bien sûr, la soulte EDF ne rentre pas dans le calcul du déficit du budget de l'État, mais, s'agissant des comptes publics, elle est la bienvenue, et vous ne pourrez pas dire le contraire.

Cette opération, conséquence directe de votre décision concernant EDF, représente 7 milliards d'euros, ou 9, on ne sait plus, mais vous allez peut-être nous apporter des précisions.

M. Jean-Louis Dumont. On n'est pas à ça près, il ne faut pas être radin !

M. Didier Migaud. Si c'est 9 milliards, vous pourrez présenter un déficit des comptes publics 2005 encore moins important, on sera même peut-être à 2,8.

Tout cela n'est pas sérieux, c'est de l'affichage. On sait parfaitement que c'est une recette exceptionnelle pour l'ensemble des comptes publics qui se transformera ensuite en dépense pour la sécurité sociale. De plus, cette soulte, telle qu'elle a été calculée, est sans doute d'un montant inférieur à la charge réelle, à terme, pour les régimes de base et les régimes complémentaires dont les gestionnaires ont fait connaître leurs inquiétudes légitimes.

Pourtant, ces artifices restent insuffisants pour afficher une réelle amélioration de la situation des comptes publics. C'est uniquement grâce à la soulte d'EDF que vous parvenez à respecter les engagements européens de la France dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance. Il s'agit certes, en soi, d'une performance, puisque ce respect n'a plus été assuré depuis votre arrivée au pouvoir en juin 2002. En plus de deux ans de gestion, vous avez en effet conduit la France à un véritable « crash » des finances publiques (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

M. Augustin Bonrepaux. Eh oui !

M. Didier Migaud. ...le déficit public passant de 2,6 % du PIB, selon le solde de tout compte de l'audit, à 3,6 % fin 2004, après un record de 4,1 % en 2003. Le déficit du budget de l'État sera fin 2004 de 3,2 % du PIB. La dette publique dépasse 60 % du PIB depuis 2003 et atteint 64,8 %.

L'année 2004 est riche d'enseignements. En effet, si le déficit de l'État, du fait d'une amélioration sensible de la croissance, est effectivement réduit de 0,5 point entre le budget initial - 3,7 % - et le chiffre aujourd'hui retenu de 3,2 % du PIB pour 2004, soit 48 milliards au lieu de 55,5 milliards d'euros, le déficit de la sécurité sociale, qui avait été affiché à 0,5 % du PIB, va atteindre vraisemblablement 0,8 % du PIB et peut-être même davantage, et les mesures d'économie annoncées pour 2004 n'ont visiblement pas eu les effets attendus.

Le déficit du régime général se dégrade encore par rapport au chiffre de 2003 de 11,5 milliards d'euros, soit plus du triple de celui de 2002, comme l'a constaté la Cour des comptes, pour laquelle il s'agit de la plus forte dégradation financière de l'histoire de la sécurité sociale, le déficit de la branche maladie, qui a presque doublé entre 2002 et 2003, étant sans précédent.

M. Richard Mallié. Si vous aviez fait ce qu'il fallait quand il fallait, on n'en serait pas là !

M. Didier Migaud. Enfin, les collectivités locales vont voir leur situation financière se dégrader sur l'année 2004 de 0,2 point,...

M. Richard Mallié. Évidemment, elles sont toutes socialistes !

M. Didier Migaud. Non, malheureusement, pas encore toutes !

...leur contribution au besoin de financement devenant nulle : 0 au lieu de 0,2 point d'excédent.

La concomitance, pour l'année 2004, d'une amélioration de la croissance, d'une réduction du déficit de l'État, d'une dégradation du déficit des administrations de sécurité sociale et d'une stabilisation par rapport à l'estimation initiale du déficit public attire l'attention. En réalité, comme le signale le rapporteur général du Sénat, les prévisions initiales de déficit pour 2004 ont été volontairement sous-estimées : « Il était paradoxal que le gouvernement prévoie une croissance du PIB de 1,7 % en 2004, soit égale au consensus, alors que sa prévision de déficit public était alors de 3,6 % du PIB, contre 4 % du PIB dans ce même consensus ». C'est aussi ce que nous avions dit, mais vous ne nous aviez pas entendus à l'époque. On comprend mieux à la lumière de cette analyse la raison de la non révision à la baisse du déficit public : elle tient à l'irréalisme initial des perspectives de maîtrise des dépenses, notamment sociales. Ce constat augure mal de l'évolution des comptes publics en 2005 et à moyen terme, compte tenu de plus des critiques unanimes, des conjoncturistes aux responsables des caisses en passant par les services de votre propre ministère, critiques qui portent sur l'irréalisme des conditions d'équilibre de votre réforme de l'assurance maladie.

Pour 2005, une fois écartés les artifices de communication et les approximations pratiquement mensongères auxquelles vous vous êtes laissé aller, la situation n'est guère enviable. La réduction du déficit public est largement optique. Il serait réduit à 2,9 %, donc sous la barre des 3 % exigée dans le cadre du respect du pacte de stabilité et de croissance. Mais ce chiffre, outre qu'il reste supérieur à celui constaté à l'été 2002 par l'audit des finances publiques, tient de plus compte des recettes exceptionnelles issues de la soulte pour plus de 0,4 point de PIB. Sans cette recette exceptionnelle, le déficit public serait en réalité de 3,3 % du PIB, très proche de la prévision pour 2004.

Vous prétendez pourtant, monsieur le ministre d'État, avoir fait de la réduction des déficits l'objectif principal de votre projet de budget. Vous affirmez qu'il s'agirait même de la plus forte réduction des déficits de l'État jamais prévue en une seule année. Il n'en est rien.

Le déficit du budget de l'État est affiché dans le projet de loi de finances pour 2005 à 44,9 milliards d'euros, en réduction de 10,2 milliards par rapport au déficit prévu en loi de finances initiale pour 2004 : 55,1 milliards.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Eh bien voilà !

M. Didier Migaud. En réalité, le déficit 2004 est proche en exécution de 49 milliards d'euros,...

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ah non !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Migaud, comment pouvez-vous dire cela, vous qui êtes un homme honnête !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. On dirait Bonrepaux !

M. Didier Migaud. ...soit 3,2 points de PIB, comme l'indiquent les documents budgétaires, ce qui implique que l'effort de réduction se limitera à quelque 4 milliards d'euros et ne sera donc pas de 10 milliards.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est mesquin !

M. Didier Migaud. Non, ce n'est pas mesquin, c'est la réalité ! Elle vous gêne, je vous comprends, mais, en tout cas, elle vous apporte un démenti cinglant !

La réduction est donc inférieure à celle de 0,6 point de PIB constatée par exemple entre 1997 et 1998, ce qui équivaudrait en euros actuels à une réduction de 10 milliards d'euros. La réduction prévue aujourd'hui est de 0,2 point de PIB, soit 4,1 milliards d'euros.

Concernant le déficit public, seul indicateur retenu notamment au niveau européen, qui prend en compte l'ensemble des administrations publiques - État, sécurité sociale et collectivités locales -, la performance est encore plus décevante. Tout à l'heure le rapporteur général a expliqué qu'il était tout de même dommage que le Président de la République ait dissous l'Assemblée nationale en 1997. Il oublie de dire que c'était parce que la situation budgétaire était jugée calamiteuse qu'il a fait ce choix. Malgré cela, le gouvernement socialiste a pourtant su qualifier la France pour l'euro en réduisant le déficit public de 1,1 point de PIB. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Grâce à l'héritage !

M. Didier Migaud. Justement, vous étiez tellement peu sûrs de votre héritage que vous avez préféré dissoudre plutôt que de l'assumer un an après.

M. Jean-Pierre Brard. C'était la majorité plurielle !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il oublie les communistes !

M. Jean-Pierre Brard. Et les Verts !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce n'est pas joli, joli !

M. Didier Migaud. Entre 1998 et 1999, le déficit public a été une nouvelle fois réduit de 0,9 point, passant de 2,7 à 1,8 % du PIB. Aujourd'hui, la réduction du déficit public serait à peine de 0,7 point de PIB, soulte comprise. Sans la soulte, la réduction serait, on l'a vu, de 0,3 point, de 3,6 % du PIB à 3 %.

Parallèlement et surtout, la dette publique, dont vous ne cessez pourtant de souligner le caractère fondamental pour juger de l'état des finances publiques, est encore en augmentation. Elle atteindrait 65 % du PIB, soit une hausse vertigineuse d'un peu plus de 10 % depuis 2002 -58,8 % en exécution. La programmation pluriannuelle indique pourtant, avec des hypothèses favorables d'une croissance de 2,5 % sur la période et d'une inflation faible de 1,5 %, qu'elle se réduirait seulement à 63,6 % en 2007. Elle serait encore de 62 % en 2008 : la norme européenne ne serait donc jamais respectée sur toute la période. L'alternance sera nécessaire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En réalité, l'accent mis sur la réduction du déficit n'est qu'une justification permettant de priver la très grande majorité des Français des fruits de la croissance et de réserver les cadeaux fiscaux à quelques milliers de familles très privilégiées.

C'est à un changement complet de politique économique et budgétaire que nous vous invitons, afin, d'une part, d'écarter tout risque sur l'exécution du budget en soutenant le pouvoir d'achat des ménages, qui doit reposer sur la progression de l'emploi et des moyens financiers de ceux-ci, et, d'autre part, de préparer réellement notre pays à un contexte international troublé en renforçant sa capacité de croissance future.


Nous considérons qu'il faut, en priorité, soutenir le pouvoir d'achat des ménages et, à travers lui, le moteur interne de la croissance que constitue la consommation. C'est pourquoi nous vous proposerons une réelle revalorisation de la prime pour l'emploi.

Là encore nous nous référons au rapport du rapporteur général,...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Excellent rapport !

M. Didier Migaud. ...qui montre que vos 4 % d'augmentation ne représentent strictement rien pour les bénéficiaires de la prime pour l'emploi. Je vous renvoie à la page 29 du rapport qui, sur ce plan, est intéressant.

Il est inacceptable, à l'heure où le plafond de la réduction d'impôt pour emploi à domicile progresse de 118 % sur trois ans, où le barème de l'entrée dans l'ISF est relevé de plus de 16 % cette année, de voir le montant de cette prime augmenter à peine de 2 euros par mois.

Vous tentez, monsieur le ministre, d'introduire la confusion entre les effets très limités de cette mesure et l'achèvement du processus de convergence des SMIC.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Qui se traduisent par 1 700 euros de plus en trois ans !

M. Didier Migaud. C'est d'autant plus inquiétant que la référence constante à l'évolution du SMIC laisse ouverte la question de l'avenir des « coups de pouce » au salaire minimum : la convergence s'achève cette année et tout laisse à penser qu'à l'avenir, la progression sera malheureusement limitée à une simple indexation sur l'inflation.

Par ailleurs, pour faire face à la hausse continue des prix du pétrole et à ses effets sur les prix à la pompe et le prix du fioul domestique, nous vous proposons une nouvelle fois la réactivation de la TIPP flottante.

M. Richard Mallié. C'est du ligotage !

M. Didier Migaud. Non, je ne le pense pas, d'autant que cette mesure bénéficierait à tous les consommateurs. Rien ne vous empêche de le faire. Au lieu de cela, vous proposez de créer une commission pour reporter une fois de plus la décision.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Non, pour établir des comptes exacts !

M. Didier Migaud. Nos souhaits sont différents. Le ministre d'État parle beaucoup de baisse des prix dans la grande distribution. Mais, comme le montre l'INSEE, cela reste hypothétique et faible. Vous avez la possibilité d'agir concrètement sur les prix en prenant des dispositions sur la TIPP. Mais vous préférez vendre du vent, plutôt que de prendre des décisions concrètes ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le pouvoir d'achat des ménages dépend également au premier chef du développement de l'emploi. Pourtant, le budget de l'emploi et du travail stagne après une baisse en volume de 0,66 % en 2004. Vous ne proposez aucun infléchissement d'une politique qui a pourtant conduit à un échec cuisant sur le front du chômage, avec un taux qui atteint 9,9 % de la population active en août 2004, malgré une croissance supérieure à 2,5 %. Il faut d'ailleurs noter que la stagnation des crédits du budget de l'emploi s'accompagne de l'attribution au seul secteur des hôtels, cafés et restaurants, en grande partie trompé par les promesses du Président de la République sur la baisse rapide de la TVA dans ce secteur, d'une aide spécifique de 550 millions d'euros programmée dans la loi de soutien à la consommation et à l'investissement, soit en réalité beaucoup moins que ce qui avait été promis initialement aux restaurateurs.

Le Gouvernement table sur une création de 190 000 emplois en 2005, après 115 000 en 2004 contre 182 000 emplois prévus dans la loi de finances initiale. Quel décalage entre ce qui est affiché et la réalité concrète ! L'ensemble des mesures que vous proposez n'est pas à la hauteur des problèmes.

Pour financer en partie ces mesures, nous vous proposons de mettre enfin vos actes en accord avec vos paroles en remettant en cause des niches fiscales qui profitent essentiellement aux ménages les plus aisés. Vous insistez régulièrement sur la nécessité de rationaliser ces dispositifs qui représentent une dépense fiscale totale de 50 milliards d'euros, selon le conseil des impôts.

M. Robert Lamy. Caricature !

M. Didier Migaud. Non, ce n'est pas une caricature !

Au lieu de cela, vous ne cessez de créer de nouvelles niches ou d'augmenter le niveau de celles qui existent. C'est ce qu'a fait le ministre d'État en juin dernier. J'observe que, de manière récurrente, le président de la commission des finances reconnaît que la rationalisation est une idée géniale, mais qui nécessite la création d'une commission. Nous avons formulé à nouveau cette proposition cette année. Il nous a fait la même réponse. Il faut lui reconnaître une certaine constance.

M. Jean-Pierre Brard. Il est constant, sincère et angélique !

M. Didier Migaud. Mais dans le même temps il ne fait aucune proposition concrète.

S'agissant des délocalisations...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Vous n'en avez donc pas terminé ?

M. Didier Migaud. Monsieur le secrétaire d'État, nous vous avons écouté le Gouvernement pendant deux heures et demie.

M. Yves Jego. La qualité était meilleure.

M. Richard Mallié. Cela paraissait moins long !

M. Didier Migaud. Vous pouvez supporter d'entendre quelques minutes encore un orateur de l'opposition. Je constate que les députés de la majorité sont restés nombreux, peut-être parce qu'un vote doit intervenir. Je les remercie de l'attention qu'ils prêtent à mes propos.

S'agissant donc des délocalisations, nous vous reprochons de lancer la France dans une course au moins-disant fiscal et social, qui fait prendre un risque réel à notre pays en termes d'attractivité. Si l'on peut partager une partie de votre constat sur la réalité des délocalisations, en revanche, les propositions que vous formulez ne sont pas du tout à la hauteur de l'enjeu. On sait combien ce risque peut être réel parce que la République tchèque est plus près de Bruxelles que ne l'est Bordeaux. Autant dire que nos appréhensions sont légitimes.

En conclusion (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

M. Jean-Pierre Brard. Déjà !

M. Guy Geoffroy. Enfin, une bonne nouvelle !

M. Didier Migaud. ...votre budget nous paraît en très grande partie insincère (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) en raison des prévisions de croissance sur lesquelles il repose et des multiples artifices comptables qu'il contient.

M. Richard Mallié. Et vous savez de quoi vous parlez !

M. Didier Migaud. Mais il est aussi profondément injuste parce que vous vous opposez frontalement au principe issu de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), qui prévoit que l'indispensable contribution commune doit être également répartie entre les citoyens en raison de leurs facultés contributives.

Or d'un côté vous réservez toutes les prélèvements supplémentaires à la majorité de nos concitoyens, de l'autre, une fois de plus, vous privilégiez une minorité.

M. Lucien Degauchy. C'est vous qui nous avez amenés là où nous sommes !

M. Richard Mallié. Caricature !

M. Didier Migaud. Non ! Il suffit de lire les déclarations et les commentaires des articles de la loi de finances pour voir que votre projet de loi de finances est fondé sur une politique du « deux poids, deux mesures ».

Oui, il vaut mieux être riche et bien portant...

M. Édouard Landrain. Que pauvre et malade !

M. Didier Migaud. ...pour bénéficier des mesures inscrites dans le projet de loi de finances. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Si ce n'est pas de la caricature !

M. Didier Migaud. Ce projet de loi de finances engage, sans moyens, la France dans une concurrence fiscale qui lui sera néfaste et brade son avenir en amputant ses capacités de croissance future.

M. François Sauvadet. N'exagérez pas !

M. Didier Migaud. Il remet en cause la capacité d'agir de l'État face à des besoins qui sont toujours là, mais aussi celle des collectivités locales, sauf, pour elles, à augmenter très sensiblement les impôts.

M. Richard Mallié. Prétexte !

M. Guy Geoffroy. Ça ne passe pas !

M. Didier Migaud. Parce que ce projet de loi de finances est dangereux pour notre pays et pour nos concitoyens, je vous propose, mes chers collègues, au nom du groupe socialiste, d'adopter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je n'ai pas l'intention de prolonger inutilement cette discussion.

M. Augustin Bonrepaux. C'est difficile de répondre !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Migaud, vous avez été tellement excessif qu'il me paraît difficile de revenir sur chacun de vos arguments. La discussion et celle des articles permettront cependant d'y revenir point par point.

Le Gouvernement espère donc qu'après avoir entendu le représentant du groupe UMP, - et je me tourne vers M. Giscard d'Estaing -, l'Assemblée fera le bon choix lors du vote de cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, pour le groupe UMP.

M. Louis Giscard d'Estaing. À l'issue de l'intervention de M. Migaud, il serait tout à fait possible de répondre point par point aux arguments qu'il a longuement développés.

M. Jean-Pierre Brard. Ne vous en privez pas !

M. Louis Giscard d'Estaing. Toutefois, la nature de ceux-ci et la découverte qu'il aurait faite au Sénat d'un sosie inversé de Robin des Bois, m'incitent à me demander si nous n'aurions pas parmi nous un sosie de Fernand Raynaud,...

M. Augustin Bonrepaux. Soyez sérieux !

M. Louis Giscard d'Estaing. ...mais dont malheureusement le sketch, dans un tel débat, a plutôt prêté à rire à ses propres dépens. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

« Pour des gens qui ne suivent pas, on n'y retrouve pas son latin », a dit textuellement M. Migaud. Nous, nous avons essayé de suivre les arguments développés, au même titre que M. Migaud a essayé, a-t-il dit, d'être objectif. Chacun comprendra ce qu'il faut en penser.

La conclusion à laquelle nous sommes parvenus, c'est qu'en matière d'irrecevabilité, ce sont bien les arguments développés qui en sont frappés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Le groupe UMP en tirera, par son vote, la conclusion qui s'impose. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, la parole est à M. Jean-Pierre Bard.

M. Jean-Pierre Brard. Ce qui vient de se passer est très intéressant : le Gouvernement n'a plus d'arguments ! (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) Et pour s'opposer à la brillante démonstration de Didier Migaud, il fait appel à l'infanterie, à un lansquenet recruté du côté de Chamalières ! (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Jacques Myard. Tout ce qui est national est nôtre !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Myard, nous réglerons cela plus tard !

Chacun l'aura constaté, M. Bussereau n'a rien dit, et M. Giscard d'Estaing, trois fois rien (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste),...

M. Richard Mallié. Vous, vous êtes rien puissance rien !

M. Jean-Pierre Brard. ...mais non sans arrogance. Quelle réponse ont-ils apportée aux arguments développés par Didier Migaud ? Aucune !

M. Guy Geoffroy. Tout ce qui est excessif est insignifiant. C'était le cas des propos de M. Migaud !

M. Jean-Pierre Brard. S'agissant d'une exception d'irrecevabilité, donc nous devons nous prononcer sur la conformité du projet du Gouvernement eu égard à notre Constitution.

M. Richard Cazenave. Nous l'avions compris !

M. Jean-Pierre Brard. Celle-ci renvoie en particulier à la Déclaration des droits de l'homme, et c'est fort justement que Didier Migaud a évoqué l'article 13 de cette déclaration.


Tout à l'heure, un collègue a parlé de caricature, et j'ai pensé à cette caricature contemporaine de la Révolution - je m'adresse à ceux d'entre vous qui ont de la mémoire et des références historiques, ce qui, je le crains, n'est pas le cas de tout le monde. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Certains se sentiraient-ils visés ?...

Cette caricature, donc, représente le tiers état supportant le clergé et l'aristocratie.

M. Jacques Myard. « Qu'est-ce que le tiers état ? Tout. »

M. Jean-Pierre Brard. Le symbole est encore d'actualité, mais pour celui qui, parmi nous, aurait le talent de dessinateur nécessaire pour le représenter, la différence serait grande.

M. Yves Jego. Il vit dans le passé, cet homme-là !

M. Jean-Pierre Brard. En effet, le tiers état, aujourd'hui, c'est la multitude qui compose les classes moyennes et modestes de notre pays. Et ceux qui nous dirigent ont bien compris que c'est sur ces personnes qu'il vaut mieux prélever la dîme. Même si elles sont pauvres, le nombre garantit le produit !

M. François Sauvadet. C'est un prêche que vous nous faites là !

M. René Couanau. M. Brard se prend pour Lacordaire !

M. Jean-Pierre Brard. Le projet du Gouvernement n'est pas recevable parce qu'il viole la Déclaration des droits de l'homme (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), ...

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Déclaration que vous avez bafouée pendant un siècle !

M. Jean-Pierre Brard. ...laquelle dispose, comme l'a rappelé Didier Migaud, que chacun doit contribuer à proportion de ses facultés. L'égalité, ce n'est pas prendre la même chose à tout le monde, et a fortiori prendre plus, comme vous le faites, à ceux qui ont moins : c'est prendre selon une proportion, et même selon une progressivité, comme le veut le principe même de l'impôt sur le revenu - principe que le Gouvernement s'évertue, loi de finances après loi de finances, à émasculer. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. François Sauvadet. C'est du harcèlement textuel !

M. Jean-Pierre Brard. Le président Méhaignerie, dont l'humour ne cède en rien à la constance, a parlé de la réduction des déficits. Il a évoqué, tout comme le rapporteur général, la reprise de la croissance, notre taux étant de un point supérieur à celui de nos voisins. C'est par pudeur, j'imagine, que ni l'un ni l'autre n'a mentionné l'augmentation du chômage. Mais qu'est-ce qui remplit l'assiette des chômeurs ? La réduction du déficit, ou l'augmentation du pouvoir d'achat ?

M. Yves Jego. Le SMIC !

M. Jean-Pierre Brard. Le pouvoir d'achat, vous vous en occupez, monsieur le ministre, en le diminuant, comme j'en ferai la démonstration tout à l'heure

M. François Sauvadet. Vous n'allez tout de même pas défendre une deuxième exception d'irrecevabilité !

M. Jean-Pierre Brard. Ne soyez pas trop sévère avec la vraie opposition, monsieur Sauvadet, d'autant que l'UMP ne vous sait pas gré de lui faire la courte échelle. (« Au fait ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Brard. (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Je voudrais bien, mais on m'interrompt tout le temps, monsieur le président !

La politique du Gouvernement provoque la désespérance. Elle n'est inspirée que par un choix idéologique. Vraiment, vous êtes autistes : alors que les Français vous ont botté les fesses au printemps dernier, vous persévérez ! Voyez aussi les résultats des élections partielles de ces derniers dimanches... (« Ça suffit ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Brard, il faut conclure !

M. Jean-Pierre Brard. Étudiez-les avec attention : vous êtes désavoué !

M. le président. Terminez, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Je termine d'une phrase, monsieur le président.

Monsieur le ministre, je ne vous crois pas masochiste...

M. Yves Jego. Pour vous écouter, si !

M. Jean-Pierre Brard. ...au point de ne pas voir le réel, mais vous êtes victime d'une obsession idéologique,...

M. André Schneider. Nous ne sommes pas communistes, nous !

M. Jean-Pierre Brard. ...ou de votre fidélité à ceux qui vous ont mandaté pour défendre leurs intérêts dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Nicolas Perruchot. L'objet de l'exception d'irrecevabilité, comme Didier Migaud le sait parfaitement, est de faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles. Or, comme l'année dernière, M. Migaud a utilisé cette motion pour conduire la démonstration qu'il aurait pu faire au cours de la discussion, libérant ainsi du temps de parole pour les orateurs de son groupe. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - « Très juste ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est habile de sa part - et j'en veux pour preuve qu'il a cité à plusieurs reprises l'intervention que M. Bonrepaux fera dans la discussion.

Soyons sérieux ! Bien entendu, le groupe UDF rejettera l'exception d'irrecevabilité, car ce n'est pas là l'objet du discours de M. Migaud. Mais permettez-moi de réitérer une demande formulée chaque année : il nous faudra réfléchir à des dispositions permettant d'empêcher ce genre de pratiques, qui nous font perdre beaucoup de temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le groupe socialiste.

M. Augustin Bonrepaux. Didier Migaud a démontré l'insincérité de ce projet de budget, mais il n'a obtenu aucune réponse du Gouvernement. Aucun argument sérieux ne lui a été opposé. La réduction du déficit est illusoire car elle repose sur la soulte d'EDF et sur des transferts sur l'avenir ou en direction des collectivités locales. Ce seul fait justifie l'exception d'irrecevabilité.

M. Lucien Degauchy. Vous n'avez rien à proposer !

M. Augustin Bonrepaux. Vous connaissez bien, mes chers collègues, les conséquences de cette politique : dans toutes les régions, dans tous les départements, les contrats de plan sont paralysés du fait de la réduction drastique des crédits d'investissement. Le transport ferroviaire, entre autres, s'en trouvera durablement affecté.

Le ministre d'État a préconisé la mise en place d'une grande politique de l'énergie, en développant notamment l'énergie électrique : encore faudrait-il que nous consommions l'électricité que nous produisons aujourd'hui ! Quand on paralyse le fret, quand on sacrifie l'avenir de la SNCF (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), on s'abstient d'un tel discours, car cela revient à tenir un double langage !

L'exception d'irrecevabilité est également justifiée par les inégalités que ce projet comporte, notamment l'inégalité devant l'impôt. Vous donnez 4 euros par mois aux 8,5 millions de bénéficiaires de la prime pour l'emploi, mais 180 euros aux privilégiés qui emploient un salarié à domicile, soit 45 fois plus ! Et cela ne suffit pas à justifier l'exception d'irrecevabilité ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Allons, il s'agit de familles et de personnes âgées !

M. Augustin Bonrepaux. Autre exemple d'inégalité : une personne paiera la redevance audiovisuelle pour sa résidence principale, alors que son voisin ne la paiera pas, parce que c'est sa résidence secondaire.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Il a donc sa résidence principale ailleurs, et c'est là qu'il paiera la redevance !

M. Augustin Bonrepaux. Quant à la péréquation, que vous avez inscrite dans la Constitution, elle devrait consister à réduire les inégalités entre collectivités locales,...

M. Yves Jego. C'est exactement ce qui est fait !

M. Augustin Bonrepaux. ...c'est-à-dire à donner un peu plus aux plus pauvres et un peu moins aux plus riches. Or, si vous lisez bien le rapport du rapporteur général, vous constaterez que les départements les plus pauvres - la Lozère, l'Aveyron, la Haute-Loire, le Cantal, la Meuse, le Gers, le Lot (« L'Ariège ! l'Ariège ! » sur tous les bancs) - ...

M. le président. Pourriez-vous conclure, monsieur Bonrepaux ?

M. Augustin Bonrepaux. ...connaîtront la progression la plus faible, alors que Paris, les Hauts-de-Seine, les Alpes-Maritimes, le Rhône, l'Ain, la Drôme, c'est-à-dire les départements les plus riches, bénéficieront d'une progression beaucoup plus importante. C'est cela, la nouvelle égalité ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Tout cela justifie le vote de l'exception d'irrecevabilité.

Didier Migaud a bien montré...

M. Guy Geoffroy. Il n'a rien montré du tout !

M. Augustin Bonrepaux. ...que la droite applique avec constance un adage immuable : elle ne prête qu'aux riches ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

Monsieur le président. Ce soir, à vingt-deux heures quinze, troisième séance publique :

Suite de la discussion générale du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Rapport, n° 1863, de M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quarante.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot