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Première séance du mercredi 20 octobre 2004

21e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe socialiste.

FONCTIONNEMENT DES ASSEMBLÉES LOCALES
OUTRE-MER

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'outre-mer. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le devoir de tout ministre de la République est le respect absolu des institutions républicaines et des règles de la République. Alors que les coups fourrés fomentés en Polynésie sont malheureusement en voie d'aboutir, je souhaite témoigner ici personnellement, en tant que nouveau président de la région Guadeloupe, des obstacles et des entraves mis par ce gouvernement à l'alternance démocratique librement choisie par les citoyens français de l'outre-mer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et dont le seul tort est d'avoir mis fin à des systèmes claniques et clientélistes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Voici ce qui se passe en Guadeloupe : multiples tentatives de déstabilisation politique orchestrées par l'État et sanctions disciplinaires contre les fonctionnaires refusant de s'y prêter, brusques découvertes d'illégalités jusqu'ici couvertes par l'exécutif précédent, refus de l'État de saisir la chambre régionale des comptes pour faire constater le déficit abyssal de l'équipe sortie, sabotages et intrusions informatiques et téléphoniques à répétition (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), complicité des plus hautes autorités pour laisser se présenter des personnes manifestant inéligibles, et j'en passe ! Dans toutes ces affaires, la justice tranchera. Néanmoins je tenais à attester personnellement de leur véracité dans cette enceinte. Temaru n'est malheureusement pas le seul à être victime de tels agissements.

De plus, madame la ministre, alors que vos propos irrespectueux, ici même et au Sénat (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), ont déjà entraîné à plusieurs reprises des protestations officielles, c'est désormais l'intelligence de la représentation nationale que vous agressez par une présentation budgétaire tronquée et mensongère !

En effet, vous n'hésitez pas à fanfaronner en annonçant une hausse de 52 % de votre budget, alors même que, à structure constante, celui-ci est en baisse de plus de 8 %. Ainsi le fonds pour l'emploi dans les DOM est amputé de plus de 124 millions d'euros, soit 30 % de son montant. C'est d'un véritable largage financier dont il s'agit.

M. le président. Monsieur Lurel, veuillez poser votre question.

M. Victorin Lurel. Madame la ministre, ma question est donc simple : allez-vous, oui ou non, respecter le verdict des urnes et cesser votre gestion partisane de l'outre-mer pour vous battre pour celui-ci et, somme toute, pour la République ? (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer. (« Démission ! Démission ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Je vous en prie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - « Démission ! Démission ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Tenez-vous correctement ! Cela suffit !

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Ainsi que j'ai eu l'occasion de le souligner hier, monsieur Lurel, le rôle essentiel de l'État est de faire appliquer la loi.

M. Christian Paul. Eh bien faites-le !

Mme la ministre de l'outre-mer. Il entre bien évidemment aussi dans le rôle de l'État, d'un gouvernement et d'un ministre, de respecter les élus (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et tous les votes populaires, quels qu'ils soient. Si vous avez des griefs, monsieur Lurel, il y a une justice en France : qu'elle soit saisie et qu'elle tranche. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Quant à vos critiques sur mes fanfaronnades, vous savez très bien que je ne me suis jamais félicitée d'une augmentation de mon budget. D'ailleurs, ceux qui m'ont entendue hier, lors de mon audition par les commissions des lois et des affaires économiques de l'Assemblée, peuvent en témoigner.

Monsieur Lurel, je répète souvent que l'outre-mer, c'est l'école de la modestie et de l'humilité. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je vous invite à adhérer à cette école, notamment après les résultats calamiteux de votre parti lors des dernières élections sénatoriales : ni en Guadeloupe, ni à Mayotte, ni à Saint-Pierre-et-Miquelon, le PS n'a été capable de gagner un seul siège ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Albert Facon. Démagogue !

DIFFUSION D'UN CD DANS LES ÉCOLES
PAR LA MAIRIE DE BOBIGNY

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, la municipalité de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, a diffusé, auprès de 4 200 élèves des collèges et lycées de cette commune, un agenda et un CD musical lors de la rentrée scolaire. Le CD comporte deux chansons dont les paroles sont tout aussi scandaleuses qu'irresponsables lorsqu'elles s'adressent à des enfants et des jeunes de onze à dix-neuf ans : les policiers y sont caricaturés en racistes violents ; les appels à la délinquance et l'apologie de la violence y foisonnent ; on y trouve même des propos racistes d'une rare brutalité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les élus de Bobigny l'ont diffusé et les enseignants étaient légitimement confiants pour l'utiliser à l'intérieur des établissements scolaires, puisque ce CD provenait d'une institution de la République. Les parents, les enseignants, les policiers sont donc profondément choqués et, malheureusement, il ne s'agit pas d'un événement isolé.

Il y a six mois, un policier était violemment tabassé dans une des cités de cette même commune ; un élu municipal de Bobigny a fait, il y a quelques jours, l'objet de poursuites judiciaires et a été condamné à douze mois de prison pour violences envers la police ; hier, le président du conseil général qui a cofinancé le CD en question, a refusé, en séance plénière, de condamner les paroles de ces chansons.

M. Jacques Myard. Démission !

M. le président. Monsieur Myard !

M. Jean-Christophe Lagarde. Face à cette dérive, que comptez-vous faire pour, d'une part, rassurer la population de Bobigny sur le fait qu'elle est bien régie par les lois de la République même si son maire laisse commettre des dérapages coupables et, d'autre part, soutenir les policiers de Bobigny et de tout le département afin qu'ils puissent continuer à travailler dans la sérénité et avec le respect qui leur est dû ?

Enfin, êtes-vous prêt, une fois les responsabilités établies, à engager les poursuites prévues par la loi contre ceux qui diffusent des messages encourageant l'accomplissement d'actes criminels, véhiculant la discrimination religieuse et raciale, portant gravement atteinte à l'honneur de la police, alors que ces mêmes personnes sont censées représenter l'État dans leur commune ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Lagarde, je me suis naturellement fait communiquer le compact disc qui a été distribué par la mairie de Bobigny. J'ai ainsi pu constater qu'il comportait des propos injurieux à l'encontre des policiers. Il contient également des propos dangereux qui peuvent être considérés comme des appels à la haine raciale et à la violence.

Force est donc de constater qu'il s'agit d'une initiative d'autant plus condamnable que ce disque a été diffusé dans les écoles, grâce à de l'argent public (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et distribué par une collectivité publique. (Mêmes mouvements.)

M. Jacques Myard. Démission !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Nous devons donc prendre toute la mesure du problème.

C'est pourquoi j'ai engagé une procédure contradictoire, demandant au maire de bien vouloir me fournir toutes les explications sur les responsabilités de cette initiative. J'en aurai connaissance avant la fin du mois.

M. Jean-Marie Le Guen. Et sur Gaston Flosse, vous répondez quoi ?

M. le président. Monsieur le Guen !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Dès lors, je prendrai toutes les mesures qui s'imposent, qu'il s'agisse d'engager des poursuites pénales ou de prendre des sanctions administratives.

Une fois de plus, nous voyons que, dans de telles affaires, il faut de la vigilance dans l'exercice de l'autorité et de la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

PRIX DE L'ESSENCE À LA POMPE

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jacques Desallangre. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, face à la flambée des prix du pétrole, le Gouvernement navigue à vue. D'abord, vous avez dû répondre à des revendications légitimes et céder, l'une après l'autre, à diverses catégories professionnelles ; puis, sous la pression, vous avez évoqué, il y a une semaine, une éventuelle mesure sur le prix du fioul domestique ; enfin, hier, pressé par votre majorité, très inquiète, vous avez voulu tirer un rideau de fumée en annonçant la création d'une commission pour préparer des actions en 2005 : à vous l'effet d'annonce - une de plus -, à votre successeur, le travail obscur et la difficulté !

Néanmoins vous n'en n'aviez pas fini dans ce numéro d'improvisation : ce matin, nous apprenons que la commission se réunira le 15 novembre. Vous avez dû céder encore. Il est vrai que la ficelle était trop grosse.

En attendant d'autres annonces encore, peut-être même celle qu'on rasera gratis demain, les ménages, déjà victimes, par ailleurs, de votre politique inspirée par le MEDEF (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), souffrent de l'envolée des prix à la pompe. Ces ménages ne seraient-ils pas dignes de susciter immédiatement votre intérêt parce qu'ils ne sont pas constitués en groupes d'intérêt ou de pression ? S'ils sont dignes d'intérêt, monsieur le ministre, ne remettez pas au lendemain et à ses incertitudes, prenez dès aujourd'hui enfin la bonne mesure : baissez de 10 centimes le prix du litre d'essence à la pompe, décidez un prélèvement exceptionnel sur les compagnies pétrolières, lesquelles doivent et peuvent aisément le supporter. Total, n'a-t-il pas réalisé 4 milliards d'euros de bénéfices durant le seul premier trimestre de cette année ?

Pas de commission Théodule, pas de patate chaude à repasser à votre successeur, mais une mesure immédiate, efficace : 10 centimes de moins à la pompe ! Les Français n'attendent pas une énième annonce spectaculaire dans l'improvisation, ni une mesure dilatoire, mais une décision d'application immédiate : moins 10 centimes le litre à la pompe, maintenant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, premièrement, il n'y a pas eu de pression de quelque groupe que ce soit, contrairement à ce que vous avez prétendu (Rires et exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), pour une raison simple : le Gouvernement agit à temps et nous nous sommes mis d'accord avec les différentes professions avant qu'il y ait de la pagaille en France. Vous avez raison : cela change de certaines époques que vous avez bien connues ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Deuxièmement, il n'y a pas eu de pression de la majorité, tout simplement parce que cela fait bien longtemps que le Premier ministre et moi-même savons qu'il vaut mieux faire la politique de ses électeurs que celle de ses adversaires. En effet quand on mène la politique de ses adversaires, on perd ses électeurs sans en gagner un seul chez ses adversaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Voyez monsieur Desallangre, il n'y a pas de pression, mais simplement, une adhésion totale !

M. Maxime Gremetz. Et l'ISF ?

M. le président. Monsieur Gremetz !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Troisièmement, si nous n'avions pas annoncé la création d'une commission contradictoire, j'entendrais déjà le parti communiste, dont on sait qu'il est un adepte de longue date de la transparence (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), venir nous réclamer une commission pour justifier nos calculs.

Quatrièmement, vous vouliez qu'on aille vite : eh bien, vous êtes servi !

M. Jacques Desallangre. Et alors ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La commission se réunira en effet la semaine prochaine, et, au milieu du mois de novembre, elle aura les chiffres d'octobre. Le Premier ministre m'a d'ailleurs autorisé à vous dire que si nous nous mettions d'accord sur les chiffres d'octobre, c'est dès le 1er décembre que s'appliquera la baisse sur la fiscalité pétrolière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous le voyez, il ne reste rien du tout de votre question, si ce n'est la volonté de faire de la polémique. Or, excusez-nous, monsieur le député, nous n'avons pas le temps pour ça ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

LUTTE CONTRE LES TRAFIQUANTS DE DROGUE

M. le président. La parole est à M. Bruno Gilles, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Bruno Gilles. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, le trafic de drogue représente une menace croissante, de forte ampleur et internationale.

Elle est croissante parce que la drogue touche de plus en plus de nos concitoyens, notamment les mineurs qui sont les proies les plus faibles et les plus démunies face aux réseaux criminels.

Elle est de grande ampleur, car l'économie mafieuse et souterraine produite par la drogue, dont les ramifications sont présentes dans toutes nos villes, nos régions et nos départements, menacent la cohésion de notre société.

Enfin, elle s'avère internationale car les trafiquants sont de plus en plus liés aux grands réseaux du crime international, du trafic d'armes au terrorisme, en passant par le blanchiment d'argent.

La lutte contre la drogue constitue une priorité pour notre sécurité et il faut pour cela mobiliser tous les moyens et toutes les volontés nécessaires. Vous avez demandé, monsieur le ministre, à notre collègue Jean-Luc Warsmann, député des Ardennes,...

M. Bernard Accoyer. Excellent collègue !

M. Bruno Gilles. ...de vous présenter des propositions concrètes dans ce sens. Il vous a remis un rapport vendredi dernier.

Monsieur le ministre, quelle impulsion nouvelle comptez-vous donner à la lutte contre les réseaux de trafiquants de stupéfiants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Oui, monsieur le député, le trafic de drogue constitue une menace grave pour la cohésion nationale, menace qui vise de nombreux Français, en particulier des mineurs. Elle génère une importante économie souterraine : le chiffre d'affaires de la drogue dans notre pays représente 3 milliards d'euros.

Par ailleurs, nous voyons bien que ce trafic est lié au crime organisé, en particulier au terrorisme, comme vous l'avez rappelé.

C'est pourquoi, dans le cadre du chantier drogue que j'ai ouvert, j'ai demandé à Jean-Luc Warsmann de me remettre un rapport,...

Mme Sylvia Bassot. Excellent rapport !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ...ce qu'il a fait, vous l'avez dit, il y a quelques jours. Il s'agit, et je suis heureux de le souligner devant la représentation nationale, d'un rapport remarquable (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), qui comporte des propositions nombreuses et fortes. Parmi elles, j'ai d'ores et déjà retenu quatre grandes priorités.

La première est de lutter le plus en amont possible contre les trafics, en association avec les pays producteurs. C'est ce que nous voulons faire, par exemple, avec le Maroc, en liaison avec l'Espagne.

Il faut agir tôt, donc, mais il convient aussi de s'attaquer énergiquement au financement de la drogue en agissant sur les portefeuilles afin de toucher les patrimoines. Pour cela, je veux créer un comité d'identification des patrimoines qui nous permettra de frapper directement tous ceux qui se livrent à ces trafics.

Nous devons également, c'est le troisième axe, agir de façon plus coordonnée au niveau national. Cela implique que nous tirions les leçons des groupements d'intervention régionaux en coordonnant, en mutualisant nos capacités, celles des différentes administrations, afin d'être encore plus efficaces. Je crois que cela constitue aussi une piste d'avenir.

Il faut, enfin, agir dans le cadre international qui s'impose à nous, notamment au niveau européen. À cet égard, nous avons accompli ce week-end un grand pas en avant, sur la base des propositions de Jean-Luc Warsmann, puisque les cinq ministres de l'intérieur du G5 se sont ralliés aux dispositions que j'ai présentées dans ce domaine.

J'ai ainsi proposé la création d'une plateforme sur la zone atlantique pour couper la route des trafiquants et une action similaire dans les Balkans.

J'ai également demandé une mutualisation de nos moyens. Dans ce but, des officiers de liaison communs agiront en Amérique latine, au Moyen-Orient, ou encore en Asie.

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'ai enfin souhaité la mise en place de missions d'enquêtes communes, qui permettront de mener celles-ci jusqu'à leur terme.

Par ailleurs je pense qu'il faut renforcer Europol, dont la lutte contre le trafic de drogue était la compétence initiale.

Vous pouvez donc constater que nous sommes déterminés à mener une lutte sans répit contre tous les trafiquants, pour démanteler les filières. C'est l'une des priorités de l'action du Gouvernement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l'UMP.

M. Hervé Mariton. Monsieur le ministre de la santé, la baisse des déficits et la maîtrise des prélèvements obligatoires sont deux choix politiques majeurs que notre groupe soutient. Si, s'agissant du budget de l'État - nous sommes en pleine discussion budgétaire -, la ligne est claire, en ce qui concerne les collectivités locales tous les élus de l'UMP sont très conscients de la nécessité de ne pas augmenter les impôts et de gérer leurs budgets avec toute la prudence qui s'impose. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) Pour nous, la décentralisation ne doit jamais être source d'impôts nouveaux.

Reste enfin l'assurance maladie qui n'est pas le sujet le plus facile, chacun le sait. Il ne manque d'ailleurs pas d'esprits chagrins pour proclamer que, à côté du budget de l'État, à côté de celui des collectivités locales, l'avenir de celui de l'assurance maladie serait plus incertain.

Nous avons voté, il y a quelques semaines, une réforme de l'assurance maladie qui commence à porter ses premiers fruits. Elle est cohérente avec les choix politiques qui la nourrissent. Toutefois il serait bon, monsieur le ministre, que vous nous disiez où nous en sommes aujourd'hui, en nous donnant des chiffres précis, et comment la réforme de l'assurance maladie permet de contribuer à la maîtrise de nos finances publiques. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - « Allo ! Allo ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur le député, deux mois après la promulgation de la loi portant réforme de l'assurance maladie, les résultats du dernier semestre, dont nous disposons depuis ce matin, montrent que la tendance s'est totalement inversée, avec d'importantes modifications de comportement, et ce à tous les niveaux.

À ceux qui font du bruit, dans la partie gauche de cet hémicycle, je rappelle que l'augmentation des dépenses d'assurance maladie était de 5,9 % en 2001, de 7,2 % en 2002, de 6,2 % en 2003. Or elle ne sera cette année que de 4,5 %. Cela signifie que nous assistons à une modification des comportements.

Celle-ci se manifeste d'abord par le développement de l'usage des génériques. En 2002, une boîte de médicaments sur treize achetée en pharmacie était de générique. Aujourd'hui, c'est une sur huit. De plus la moitié des médicaments génériquables sont achetés sous forme de génériques.

Nous constatons également un contrôle et une maîtrise des dépenses de médecine de ville, ainsi que de celles des établissements de santé.

Je rappelle enfin que Xavier Bertrand et moi-même nous sommes engagés à publier 95 % des décrets prévus dans le cadre de cette réforme avant la fin de l'année.

Vous le voyez, monsieur Mariton, cette réforme de l'assurance maladie commence à porter ses fruits, et ce uniquement parce que nous avons la volonté de modifier les comportements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

DÉVELOPPEMENT DE L'AGRICULTURE À MAYOTTE

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine, pour le groupe de l'UMP.

M. Mansour Kamardine. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Jean-Marie Le Guen. Lui, il ne va pas interroger la ministre de l'outre-mer !

M. Mansour Kamardine. Monsieur Gaymard, vous êtes le premier ministre de l'agriculture en exercice à nous avoir rendu visite depuis que Mayotte est française, c'est-à-dire depuis 1841. Au cours de ce voyage, accompli du 15 au 17 juillet dernier, vous avez eu un contact direct avec l'ensemble des parties prenantes au développement de l'agriculture. Vous avez même pu apprécier la pluie tropicale qui, je vous le rappelle, est un facteur essentiel dans la production agricole.

Ainsi, après une inspection de la partition des services entre votre ministère et la collectivité départementale, vous avez eu plusieurs séances de travail particulièrement riches, que ce soit avec le monde de la pêche, avec les élus de la chambre consulaire, ou encore avec les organisations syndicales, sur différents lieux d'exploitation que vous avez visités.

Au contact direct avec la réalité de l'agriculture mahoraise, vous avez pu, à cette occasion, vous rendre compte personnellement de l'état de la recherche appliquée par le CIRAD au service du développement de l'agriculture à Mayotte, avant de clôturer votre séjour par une réunion bilan au conseil général.

Pendant ces trois jours, vous avez rencontré des partenaires engagés et déterminés à prendre toute leur part dans le développement de l'agriculture, parce qu'ils rejettent l'assistanat. En revanche, ils attendent de l'État l'impulsion nécessaire, qui passe, à titre d'exemple, par la création de la chambre d'agriculture, attendue pour la fin de cette année, ou encore par l'accès à des prêts à taux bonifié pour réaliser les investissements de base.

En un mot, et fort des enseignements que vous avez tirés personnellement, vous avez proposé, et je vous cite, monsieur le ministre, d'« imprimer une voie mahoraise du développement agricole ».

C'est en considération de l'ensemble de ces éléments que la représentation nationale souhaiterait, j'en suis sûr, connaître la politique agricole du Gouvernement pour Mayotte, en particulier après votre visite historique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, comme vous, Brigitte Girardin et moi-même (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste) sommes attachés au développement de l'agriculture et de la pêche à Mayotte, car cette île dispose de nombreux atouts, non seulement pour assurer son autosuffisance alimentaire, mais également pour développer un certain nombre de productions à l'exportation.

Le plan du Gouvernement pour l'agriculture, la pêche et l'aquaculture mahoraises comporte trois axes.

Tout d'abord, il convient d'œuvrer dans le sens de la professionnalisation des agriculteurs. C'est dans ce cadre que nous mettons en place une chambre d'agriculture à Mayotte. Les élections auront lieu en mars 2005, après que le décret sera passé devant le Conseil d'État.

Le deuxième axe est la clarification des conditions d'adhésion de Mayotte à l'Union européenne. Actuellement, une mission est sur place afin d'examiner, sur chaque sujet, les chances et les opportunités que cette adhésion va impliquer dans les deux ans qui viennent.

Le troisième axe, enfin, est la mise en œuvre de mesures spécifiques pour le développement de Mayotte, mesures sur lesquelles j'aurai l'occasion, d'ici un mois, d'apporter des précisions complémentaires.

Néanmoins je peux d'ores et déjà préciser qu'il faut poursuivre la clarification du régime foncier, qui est en bonne voie. Il convient également de prendre des mesures spécifiques pour la pêche et l'aquaculture, car ces secteurs offrent beaucoup de potentialités. Il faut aussi développer l'agriculture vivrière. À cet égard, je tiens à saluer le remarquable travail qu'accomplit le CIRAD en la matière. Enfin, il est bien évidemment indispensable de mettre en place des outils financiers, je pense notamment à l'introduction de prêts bonifiés à l'agriculture qui, pour l'instant, n'existent pas à Mayotte.

Tel est, monsieur le député, le bilan que je voulais dresser en ce qui concerne le dossier du développement agricole de Mayotte. J'aurai l'occasion, dans les semaines qui viennent, d'apporter des compléments à cette réponse, car nous savons que, pour l'avenir de Mayotte, le développement de l'agriculture est indispensable. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Mansour Kamardine. Merci, monsieur le ministre.

CONSÉQUENCES DE L'AUGMENTATION
DU PRIX DU PÉTROLE

M. le président. La parole est à M. Éric Besson, pour le groupe socialiste.

M. Éric Besson. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances et porte, comme celle de mon collègue Jacques Desallangre, sur les conséquences de l'augmentation du prix du pétrole sur la vie quotidienne des Français. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Lucien Degauchy. Encore !

M. Éric Besson. Je vous parle des Français, monsieur le ministre, et non de vos électeurs ou de vos adversaires, selon la distinction surprenante et choquante que vous avez faite il y a un instant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Permettez-moi de vous dire que l'honneur d'un ministre est d'être au service de l'intérêt général, c'est-à-dire de tous ses concitoyens, et non pas de les dresser les uns contre les autres, comme vous ne cessez de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Hier, François Hollande vous a posé une question simple, en soulignant que tous les Français, notamment ceux qui sont obligés de prendre leur voiture pour se rendre à leur travail, sont touchés par l'augmentation des prix du fioul domestique et de l'essence à la pompe.

La situation est d'autant plus difficile pour nos concitoyens qu'aux 600 millions d'euros de surplus de TVA que perçoit l'État du fait de l'augmentation du prix du pétrole, il faut ajouter - on n'en parle pas assez - l'impact des 800 millions liés à l'augmentation de la fiscalité du gazole que vous avez fait voter dans le budget de 2004.

Hier, vous avez botté en touche en annonçant la création d'une commission qui déciderait de rendre l'année prochaine ce que les Français paient aujourd'hui. Aujourd'hui, vous changez d'avis, et nous en prenons acte. Mais pourquoi une commission, monsieur le ministre, vous qui ne cessez de dire que créer une commission, c'est refuser de traiter un problème. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les chiffres sont connus.

M. Jean-Yves Le Déaut. Eh oui !

M. Éric Besson. M. Bussereau les a même rappelés, dans cet hémicycle, il y a quinze jours : le surplus de TVA représente 50 millions d'euros par mois, soit 600 millions d'euros par an. Pourquoi attendez-vous, non plus l'année prochaine - dont acte - mais le 1er décembre, alors même que, si nous avons bien compris, vous ne serez plus ministre à cette date ?

Avec le mécanisme dit de la TIPP flottante, créé par le gouvernement de Lionel Jospin, et que vous avez supprimé, vous disposiez d'un outil simple, qui a fait la preuve de son efficacité et qui avait été accepté par nos partenaires européens.

Les Français ne sont pas idiots, monsieur le ministre. Ils savent que, lorsque le pétrole augmente, l'essence est mécaniquement plus chère.

M. Lucien Degauchy. La question !

M. Éric Besson. En revanche ils refusent que l'État augmente ses taxes au passage. Bref, ils refusent ce que vous faites actuellement.

Monsieur le ministre, c'est aujourd'hui que les Français paient des taxes excessives sur le fioul et sur l'essence. C'est donc aujourd'hui qu'ils attendent de vous une réponse concrète. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, je vous remercie pour ce modèle de question impartiale. Chacun a compris que le seul souci qui vous anime est celui de l'intérêt général. (« Oui ! Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Le Gouvernement va donc vous répondre.

Il semble que M. Besson, mais ce n'est pas la première fois que je le constate, ait quelque mal à comprendre. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Reprenons donc les choses les unes après les autres. Peut-être est-ce moi qui me suis mal exprimé. En tout cas, le résultat est là : M. Besson ne comprend pas. (Mêmes mouvements.) Prenons donc le temps de lui expliquer les choses.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Regardez-le quand vous vous adressez à lui !

M. le président. Chers collègues, écoutez la réponse !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je ne réponds pas qu'à M. Besson, mais à toute l'Assemblée.

Premièrement, le parti socialiste ne voulait pas que l'État fasse de bénéfices sur le dos du consommateur. Il a satisfaction sur ce point.

Deuxièmement, l'opposition ne voulait pas qu'il y ait de polémique sur les comptes. C'est fait : il n'y en aura pas.

Troisièmement, chacun des députés voulait que cela aille vite. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est fait : ça ira vite.

Tout le monde ici, notamment la majorité qui, la première, s'est exprimée sur le sujet (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), voulait que la TIPP baisse. C'est fait : elle baissera. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

En réalité, vous, monsieur Besson, et M. Hollande avez voulu monter un coup politique sur le dos des Français (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) : gros comme cela et petit comme cela ! Mais ce coup politique a lamentablement raté ! (Applaudissements et huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Applaudissements sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Chacun a, en effet, compris la politique du Gouvernement.

Interrogez-nous chaque semaine. Nous pourrons ainsi faire la publicité de cette mesure simple et juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

ALLUMAGE DES FEUX DE CROISEMENT

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Gaultier, pour le groupe de l'UMP.

M. Jean-Jacques Gaultier. Monsieur le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, la lutte contre l'insécurité routière est un chantier majeur défini par le Président de la République et une priorité pour notre gouvernement. Les premiers résultats sont tout à fait encourageants avec la baisse du nombre des accidents, des tués et des blessés.

L'objectif pour 2004 est clair et ambitieux : passer sous la barre symbolique des 5 000 morts.

La loi du 12 juin 2003 et les mesures réglementaires qui ont suivi restent le fondement de cette politique, mais il faut explorer de nouvelles pistes pour améliorer encore ces résultats. Vous avez, à cette fin, retenu l'une des propositions du Conseil national de la sécurité routière : l'allumage des feux de croisement de jour pour les voitures. Cette mesure, jusqu'à présent réservée aux motards, est déjà appliquée dans de très nombreux pays européens. Toutefois, force est de constater qu'elle n'est pas toujours très bien comprise par l'ensemble de nos concitoyens ainsi que par les usagers de la route.

Vous avez souhaité, monsieur le ministre, l'expérimenter à partir du 31 octobre prochain. Pouvez-vous nous en préciser les modalités ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur Gaultier, il est vrai qu'en matière de sécurité routière, les résultats ne sont jamais acquis définitivement.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Perben !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Nous devons donc les consolider et toujours chercher à les améliorer.

Ainsi, nous avons décidé, à partir du 31 octobre prochain, d'inviter les automobilistes à allumer leurs feux de croisement, à l'instar de ce qui existe dans dix autres pays européens, comme les pays du Nord, l'Italie, la Slovénie ou la Hongrie. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jérôme Lambert. Cela fera dépenser plus de pétrole ! Ce sera 1 % de consommation en plus !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Cette disposition fera l'objet de plusieurs modalités d'application. Il s'agira d'une mesure incitative, hors agglomération.

Aux motards qui s'interrogent, il faut répondre qu'ils continueront d'être vus et qu'ils pourront mieux voir les véhicules qui circulent sur la voie publique, ce qui permettra d'éviter, le cas échéant, les collisions.

Certains avancent un autre argument selon lequel les véhicules consommeront plus puisque leurs feux de croisement seront allumés.

M. Jérôme Lambert. C'est vrai !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. L'équivalent de cette consommation correspond à trois kilomètres-heure. Donc, j'invite les automobilistes à réduire leur vitesse en proportion. Ainsi la consommation restera identique ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jérôme Lambert. Il faut mettre des radars !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Enfin, il s'agira d'une expérimentation, d'une invitation. J'en appelle donc au sens des responsabilités des uns et des autres, c'est-à-dire à la responsabilité citoyenne pour que nous soyons tous les porteurs de cette idée.

Les pouvoirs publics et le Gouvernement attendent de cette mesure qu'elle sauve entre 300 et 500 vies humaines par an. Cela vaut la peine d'essayer ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

MISE EN PLACE DU 3939

M. le président. La parole est à M. Bertho Audifax, pour le groupe de l'UMP.

M. Bertho Audifax. Monsieur le secrétaire d'État à la réforme de l'État, le Gouvernement a mis en place un numéro unique de renseignements administratifs appelé « 3939 » permettant de répondre en moins de trois minutes à toutes les demandes administratives des usagers. Cette initiative est à saluer puisqu'elle instaure une relation directe avec le citoyen. Malheureusement, ce numéro ne peut être joint de La Réunion ni des autres régions d'outre-mer. Or il me paraît légitime qu'un tel service soit installé dans chacune des régions d'outre-mer afin de pallier les difficultés de communication de nos administrés, notamment en raison des particularités linguistiques locales.

Le Gouvernement envisage-t-il, et dans quel délai, la création de ce même service à La Réunion ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État.

M. Éric Woerth, secrétaire d'État à la réforme de l'État. Monsieur le député Bertho Audifax, le 3939 a enregistré 300 000 appels depuis le 4 octobre, ce qui signifie que 300 000 de nos concitoyens ont joint un centre d'appel pour obtenir des renseignements clairs sur leurs formalités administratives.

Le Gouvernement a mis au cœur de sa politique la simplification des rapports entre l'administration et les concitoyens. Le 3939 est un bon exemple de notre action dans ce domaine.

L'extension de ce numéro sera progressive. Nous avons commencé par une région française, avant de passer à deux puis à l'ensemble du territoire métropolitain. À partir du début de 2005, le service du 3939 sera ouvert aux habitants des départements d'outre-mer et, bien évidemment, monsieur le député, à ceux de La Réunion. Je travaillerai très étroitement avec Brigitte Girardin sur ce sujet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vous remercie pour la concision de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État.

POLITIQUE SOCIALE

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marie Le Guen. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Sarkozy a présenté, hier, le budget de l'État pour 2005 et vous-même, monsieur le ministre, présenterez, la semaine prochaine, le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Afin de boucler son budget et de financer les baisses d'impôts en faveur des plus favorisés (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), M. Sarkozy a confisqué l'essentiel des recettes provenant de l'alcool et du tabac. Privé de cette ressource, le budget de la sécurité sociale sera lourdement déficitaire, alors même que vous allez relever au 1er janvier la CSG sur les salaires et les retraites.

M. Sarkozy augmente les déductions d'impôts pour les emplois à domicile en faveur des 40 000 familles les plus fortunées de ce pays. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Dans le même temps, vous baissez les allocations familiales des familles aux revenus moyens. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Néri. Eh oui !

M. Jean-Marie Le Guen. M. Sarkozy privatise EDF en refusant de verser son dû au régime de retraite des salariés, quand vous diminuez les pensions de réversion des veuves et des veufs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Sarkozy prétend baisser de 2 % les prix de l'épicerie quand votre politique contribue à augmenter de 25 % les primes des mutuelles.

Pourtant, il est parfois utile de s'opposer à M. Sarkozy, car l'opposition a obtenu que ce qui n'était pas possible en matière de TIPP la semaine dernière, le soit aujourd'hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La semaine dernière, monsieur le ministre, devant cette assemblée, vous avez laissé démanteler la loi Évin.

M. Lucien Degauchy. La question !

M. Jean-Marie Le Guen. Y a-t-il encore un ministre de la protection sociale pour défendre les budgets sociaux ? Avons-nous encore un ministre pour défendre la santé publique ? (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. En ce 150e anniversaire d'Arthur Rimbaud, votre ministère n'est-il pas un « bateau ivre » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Je tiens à remercier M. Le Guen pour la modération de sa question (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Jean Glavany. Vous avez raison, il aurait pu être plus sévère !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...et son impartialité.

Monsieur Le Guen, vous avez posé deux questions.

Vous m'avez d'abord interrogé sur le point de savoir si quelqu'un exerçait la responsabilité de la protection sociale. Vous ne manquez pas d'air, vous qui avez accepté de siphonner la sécurité sociale pour financer les 35 heures ! (Applaudissements et huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David. Bravo, pour la modération !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous m'avez ensuite posé une question concernant la santé publique en doutant qu'il y ait encore un responsable. Là encore, vous ne manquez pas d'air !

En effet, le Président de la République et le Premier ministre se sont engagés en faveur d'une très grande politique de prévention. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Or, en matière de santé publique, vous le savez mieux que quiconque, monsieur Le Guen, la prévention est certainement l'élément essentiel. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Ainsi le projet de loi de financement de la sécurité sociale consacrera 100 millions d'euros supplémentaires à la prévention contre le cancer, en dehors des molécules coûteuses de chimiothérapie.

Je vous rappelle aussi que c'est le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui a fait chuter de deux millions le nombre de fumeurs en France et non celui vous souteniez. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !

Mme Martine David. Ce n'est pas vrai !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Mme Marie-Anne Montchamp, présente actuellement au Sénat, en deuxième lecture, le projet de loi relatif à la lutte contre le handicap. Nous avons, hier, accepté un amendement qui permettra de lutter contre le syndrome d'alcoolisation fœtale, première cause du handicap mental non génétique chez la femme et chez l'homme.

Enfin, M. de Robien vient de vous répondre sur l'insécurité routière : nous avons enregistré moins de 3 000 morts sur les routes depuis le début de l'année.

Si, dans ces conditions, monsieur Le Guen, vous pensez qu'il n'y a pas de pilote dans la protection sociale et dans la santé publique, c'est que vous rencontrez vous-même un problème avec la santé publique ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

TRANSMISSION D'ENTREPRISES

M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial, pour le groupe de l'UMP.

M. Édouard Courtial. Monsieur le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, le problème de la transmission des entreprises dans notre pays se pose aujourd'hui avec acuité. Une majorité de chefs d'entreprise a en effet plus de cinquante ans et on estime que plus de 500 000 entreprises devront trouver un repreneur dans les dix prochaines années. Une étude de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie rendue publique la semaine dernière évalue même le nombre de départs en retraite des chefs d'entreprise, pour les dix prochaines années, à 900 000. Il est donc absolument nécessaire que des mesures soient prises afin que les entreprises concernées et, surtout, les emplois qu'elles ont créés, ne disparaissent pas.

Par ailleurs, nombre d'entreprises se plaignent d'être entravées dans leur dynamisme par un environnement fiscal et social jugé excessivement contraignant. Celui-ci pénalise la croissance, donc l'emploi.

Ce matin, les groupes de travail que vous avez réunis en juin dernier afin de recueillir les propositions du monde de l'entreprise sur ces questions, vous ont remis leur rapport. Quelles propositions contient-il ? Quelles orientations le Gouvernement entend-il prendre dans le cadre du projet de loi sur les entreprises pour répondre à cet important défi ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.

M. Christian Jacob, ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le député, je tiens d'abord à féliciter et à remercier les animateurs de ces vingt-cinq groupes de travail, vos collègues, MM. Serge Poignant, Emmanuel Hamelin et le sénateur Cornu, pour leur remarquable travail d'animation lors des quelque quarante auditions auxquelles ils ont procédé.

Quatre axes forts ressortent de leur rapport.

Concernant la problématique du financement de l'entreprise, tous ces projets qui demeurent aujourd'hui encore trop souvent dans les tiroirs doivent aboutir. Le fonds de roulement, un des éléments essentiel de la vie d'une entreprise lui permettant d'encaisser les premiers chocs, les premiers impayés ou la première difficulté financière, doit être conforté.

Ensuite des propositions ont été formulées quant à la mise en place d'un véritable statut des conjoints d'artisans et de commerçants, et des collaborateurs de membres de professions libérales.

Quant à la transmission, vous venez de l'évoquer, des aménagements fiscaux seront prévus et, au-delà, des propositions seront présentées sur le tutorat d'entreprises. Aujourd'hui, un certain nombre de chômeurs de plus de cinquante ans pourraient être utilement recrutés pour accompagner et initier des jeunes en cours de qualification.

Enfin, les mesures de simplification enregistrent une nette progression.

Telles sont les propositions qui m'ont été remises ce matin ; elles vont nous permettre, dans les semaines à venir, de préparer un projet de loi relatif aux entreprises.

Je veux enfin souligner l'effort extrêmement important réalisé depuis plus de deux ans par ce gouvernement. Avant 2002, le nombre d'entreprises créées chaque année était inférieur à 200 000. Il va dépasser 240 000...

M. Jérôme Lambert. Et combien de faillites ?

M. le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. ...et nous le devons à l'action du gouvernement conduit par Jean-Pierre Raffarin. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

SITE D'ATOFINA À SAINT-AUBAN

M. le président. La parole est à M. Daniel Spagnou, pour le groupe de l'UMP.

M. Daniel Spagnou. Monsieur le ministre délégué à l'industrie, j'associe à ma question mes collègues Jean-Louis Bianco, député, et Claude Domeizel, sénateur, tous deux élus de mon département.

En effet, la plus importante usine des Alpes du sud est en danger : il s'agit de l'usine Atofina de Saint-Auban, spécialisée dans la chlorochimie et qui emploie à ce jour 726 personnes. Ces salariés sont menacés par la décision prise par Total de confier la gestion du site à une nouvelle société, autonome et bientôt indépendante, baptisée Arkema. Dans un souci de performance, le groupe pétrolier semble vouloir se désengager d'une branche apparemment peu rentable.

M. Paul Giacobbi. C'est ce que souhaite le Gouvernement !

M. Daniel Spagnou. Cette orientation va à l'encontre des promesses de la direction nationale du groupe Total, qui, au début de cette année, avait confirmé à Mme Nicole Fontaine, alors ministre déléguée à l'industrie, que non seulement il n'y aurait aucun licenciement à l'usine de Saint-Auban mais qu'en plus des investissements importants seraient réalisés afin de mettre l'entreprise en conformité avec les règles relatives au respect de l'environnement. Ces investissements se justifient d'ailleurs pleinement puisque l'Union européenne a l'intention d'abandonner, d'ici à 2010, les technologies impliquant l'usage du mercure.

Pourtant, rien n'a encore été fait à Saint-Auban, ce qui attise l'angoisse de tous les salariés. Le flou qui plane sur les intentions réelles du groupe pétrolier a provoqué, vous le savez, une grève à Saint-Auban au début du mois et une journée de protestation dans les différents sites régionaux.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, de bien vouloir nous éclairer sur la position du Gouvernement en ce qui concerne l'avenir d'une industrie qui fait vivre directement ou indirectement tout mon département. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Frédéric Dutoit. Il faut combattre les patrons voyous !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le député, vous avez parfaitement raison ; votre question est tout à fait pertinente. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Je connais l'importance d'Atofina pour les Alpes-de-Haute-Provence.

M. Daniel Paul. Et ailleurs !

M. le ministre délégué à l'industrie. Vous vous en êtes fait le porte-parole, tout comme M. Jean-Louis Bianco, avec le même souci. Quand l'opposition et la majorité sont d'accord pour protester ensemble, cela ne peut qu'interpeller le Gouvernement.

La direction d'Atofina avait effectivement pris deux engagements en début d'année. Premièrement, elle promettait de ne procéder à aucun licenciement ; jusqu'à présent, cela est tout à fait respecté. Deuxièmement, elle devait procéder à des investissements importants pour dépolluer le site et passer d'un processus chimique à base de mercure à une technique à base de membrane. Si, en début d'année, les investissements étaient parfaitement conformes aux engagements, on a constaté, depuis lors, un très net ralentissement. En outre, le directeur général d'Atofina a tenu - le Gouvernement le sait - des propos inquiétants à propos de l'avenir du site, dont vous vous êtes légitimement émus, M. Bianco et vous.

Je veux vous assurer que le Gouvernement veillera très scrupuleusement à ce que les engagements qui ont été pris par l'entreprise et rapportés ici même par Nicole Fontaine soient tenus. Pour commencer, j'ai demandé aux dirigeants d'Atofina de venir me voir au ministère pour clarifier leurs intentions concernant le site. Je vous rapporterai le contenu de ces discussions, ainsi qu'à M. Bianco. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. François Baroin.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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LOI DE FINANCES POUR 2005

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

Discussion générale (suite)

M. le président. Hier soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Nous en venons aux porte-parole des groupes.

La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2005 et le projet de loi de financement de la sécurité sociale traduisent-ils une bonne gestion des finances publiques au regard de l'impérieuse nécessité du redressement de ces finances publiques mais aussi des exigences de la justice sociale ? Telle est la double question posée à la représentation nationale.

C'est au regard de la situation extrêmement dégradée des finances de l'État français que doit être examinée cette loi de finances. La politique que mène actuellement le Gouvernement est-elle à la hauteur de la situation de nos finances publiques ?

L'enjeu est historique car, comme ne cesse de le répéter l'UDF depuis des années, nos finances publiques connaissent une période sans précédent de déficit et d'accumulation de l'endettement, commencée en 1981. Cette situation met gravement en péril la croissance et les emplois de demain. La dette publique ne cesse de croître et on a largement dépassé le seuil des 60 % d'endettement public puisque l'on finira l'année 2005 avec 65 % du produit intérieur brut d'endettement public, soit 1 100 milliards d'euros, près de 75 000 euros par famille !

Face à cette situation de crise, on se doit de dire la vérité aux Français : le redressement des finances publiques que le Gouvernement nous propose est tout à fait insuffisant.

En préalable, je voudrais essayer de répondre à une question complexe : quels sont les critères de bonne gestion des finances publiques du point de vue des équilibres globaux ? En d'autres termes, est-ce que les critères de Maastricht, c'est-à-dire 3 % du PIB de déficit public maximum et 60 % maximum d'endettement public, sont adaptés à la situation française ?

La réponse est non. Ces deux critères sont tout à fait laxistes.

Tout d'abord, ils sont incohérents puisque, si l'on veut maintenir la part de l'endettement public dans la richesse nationale en dessous de 60 %, il ne faut pas avoir un déficit à 3 %, mais à 2,5 % maximum.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan et M. Guy Geoffroy. Exactement !

M. Charles de Courson. En outre, il faut raisonner sur l'ensemble d'un cycle économique. Cela veut dire qu'en haut de cycle, il faut être à 1 % et en bas de cycle au maximum à 3 %.

Enfin, il faut rappeler que le déficit de fonctionnement de l'État - 13 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2005 - ainsi que celui de la sécurité sociale - de l'ordre de 10 milliards - devrait être interdit, comme il l'est pour les collectivités territoriales. Le niveau maximum du déficit serait alors de 2 %.

L'UDF aura d'ailleurs l'occasion de réitérer, lors de la réforme de la loi organique, son refus d'accepter un déficit de fonctionnement chronique. Tout budget qui présente un solde de fonctionnement déficitaire est en soi laxiste et inacceptable. Le groupe UDF proposera que soit définitivement mis un terme à cette pratique à partir de 2008, avec une inscription de ce principe dans le marbre de la loi organique, comme nous l'avions proposé lors de la réforme de l'ordonnance de 1959.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est vrai !

M. Charles de Courson. Au-delà de cette appréciation générale sur les équilibres, je souhaite entrer dans le détail de cette loi de finances et vous montrer que, en matière de dépenses, le budget de l'État est moins rigoureux qu'il n'y paraît.

Le ministre d'État est venu devant la commission des finances pour nous présenter le projet de loi de finances pour 2005 en indiquant qu'un très gros effort avait été effectué en matière de dépenses puisque, en 2005, on n'augmentera la dépense nette du budget général de l'État que de 1,7 %, c'est-à-dire de l'inflation. Je rappelle que, dans les lois de finances pour 1987 et 1988, cette norme avait été fixée avec encore plus de rigueur.

Cela dit, dans le présent budget, des efforts sont consentis, c'est vrai, mais, malheureusement, ce qu'on appelle les règles de présentation des dépenses du budget de l'État ne permettent pas d'avoir une claire vision de la réalité, et ce pour deux raisons : d'abord, parce que le budget de l'État, est constitué non seulement par le budget général, mais aussi par les comptes spéciaux et par les budgets annexes ; ensuite, parce que la dépense nette, ce n'est pas la dépense brute. La dépense nette, c'est la dépense brute de laquelle on a retiré toute une série de dépenses.

Pour illustrer cette différence il suffit de comparer les dépenses publiques présentées par l'INSEE dans son document annuel sur les comptes de la nation et les comptes présentés par le Gouvernement dans le cadre de la loi de règlement et de constater l'écart. Tous les ans, l'analyse comparée de ces deux documents permet de démontrer une sous-évaluation des dépenses dans les documents budgétaires, tant en niveau qu'en évolution, puisque le Gouvernement ne communique que sur les dépenses nettes du budget général.

En réalité, je vais vous démontrer que la dépense brute de l'ensemble du budget de l'État augmente de 2,7 %, c'est-à-dire d'un point de plus que celui affiché pour la dépense nette du seul budget général. Cette remarque est d'importance et je souhaite la justifier politiquement car j'entends les critiques qui vont être adressées à l'UDF à propos de ce genre de démonstration.

Je sais ce que nous perdons tous, collectivement, à ne pas faire ce travail de vérité. À force de dire aux Français que cela ne va pas si mal, que les déficits sont maîtrisés ou en voie de l'être, alors que nous sommes tous conscients, à la commission des finances, de quelque bord que l'on soit, que la situation est beaucoup plus grave, nous les infantilisons. Si nous voulons véritablement redresser les finances publiques nous devons y associer tous nos compatriotes. Nous ne pourrons pas résoudre la situation actuelle, qui détruit la croissance et les emplois de demain, sans leur adhésion. Or celle-ci passe nécessairement par un devoir de vérité, quel qu'en soit le coût politique à court terme.

Alors, concrètement, comment le groupe UDF peut-il affirmer que les dépenses brutes de l'État augmentent de 2,7 % et non pas de 1,7 %, taux qui concerne les dépenses nettes du seul budget général. C'est très simple.

Tout d'abord, ne figurent pas dans les dépenses nettes les prélèvements sur les recettes de l'État, c'est-à-dire ces deux grands prélèvements que sont celui pour les collectivités locales qui augmente de 2,6 % - une babiole de 46,6 milliards, l'augmentation étant de 1,2 milliard ! - et celui du budget de l'Union européenne qui, apparemment, d'une loi de finances à la suivante, croît lentement - 1,2 % - mais qui, en fait, croît de plus de 8 % par rapport à l'exécution de 2004.

Ensuite, la très forte croissance des dégrèvements fiscaux sur la fiscalité locale, essentiellement d'ailleurs sur la taxe professionnelle, qui, eux aussi, sont déduits de la dépense nette, traduit une véritable hausse des dépenses. Entre 2004 et 2005, les dégrèvements de taxe professionnelle passent de 5,65 milliards d'euros à 7,10 milliards d'euros, soit une hausse de 25,7 % qui, il est vrai, n'est que de 10 % au regard de l'exécution prévisionnelle de 2004. Cette hausse de 1,45 milliard d'euros est due, notamment, à hauteur de 330 millions à la mesure relative au crédit de taxe professionnelle pour le maintien de l'emploi dans les zones en grande difficulté, à hauteur de 60 millions d'euros à la réduction concernant le gazole pour les véhicules de transport routier. Et il y a d'autres mesures. Là encore, il s'agit de vraies dépenses qui n'apparaissent pas dans la dépense nette.

Prenez la prime pour l'emploi : vieux débat ! Là encore, le gouvernement actuel n'a pas choisi cette imputation budgétaire ; il en a hérité, mais il ne l'a pas changé. Or la prime pour l'emploi est une véritable dépense. Ce n'est pas parce qu'on l'a mise en dégrèvement que ce n'en est pas une.

Prenons le prêt à taux zéro. En 2004, le PTZ avait coûté 550 millions. L'article 67 de la loi de finances le transforme en crédit d'impôts, mais il en double le coût car le dispositif qui va s'y substituer coûtera, à terme, 1,2 milliard. Budgétairement, par quel miracle peut-on avoir une réduction de 220 millions des crédits alors qu'on a un doublement du coût ? C'est très simple aussi : le nouveau système consiste en un crédit d'impôt sur les sociétés dont le paiement est décalé d'un an et étalé sur sept ans. Ainsi, on économise, artificiellement, par rapport à l'ancien système, 600 millions.

Cette ingénierie budgétaire est utilisée aussi pour le plan de cohésion sociale, en particulier pour le dispositif d'apprentissage qui est le suivant : il y avait, dans la dotation globale de décentralisation que l'État verse aux régions, une aide à l'apprentissage de 600 millions. On réduit cette dotation de 200 millions cette année, puis de 200 millions l'année prochaine et encore de 200 millions la suivante, et on perçoit une nouvelle taxe ou, plus exactement, on majore la taxe d'apprentissage de 0,06 % puis de 0,12 %, puis de 0,18 %, de façon à atteindre les 600 millions en 2007. Après quoi, l'on affecte le produit de cette taxe à un fonds national, extrabudgétaire, qui le redistribue aux régions. Cette taxe étant perçue en dehors du budget de l'État, on a l'impression qu'il y a une réduction de 200 millions, alors qu'il n'y a aucune réduction des dépenses publiques.

Autre exemple : la création de l'agence pour le financement des infrastructures terrestres, l'AFIT. Loin de moi l'idée de la critiquer, mais je critique la façon dont elle est alimentée par deux prélèvements : l'un sur les recettes domaniales et l'autre sur les dividendes des sociétés d'autoroute, pour un total de 355 millions en 2005. En 2004, le montant correspondant s'élevait à 150 millions de moins. Là encore on débudgétise, en l'occurrence 150 millions.

Un autre retraitement très caractéristique concerne la politique de recherche. On a décidé de la doter de 1 milliard supplémentaire. Le tiers de cette somme, 350 millions d'euros, est financé de la façon suivante : on vend des actifs publics, le produit est inscrit en recettes sur un compte spécial du trésor, et on le ressort sur ce même compte spécial par une dotation qui est versée à l'agence nationale de recherche, laquelle est un établissement public. Il y a donc 350 millions d'euros qui ne transitent pas par le budget général de l'État, mais l'État affiche un effort supplémentaire de 1 milliard dont 350 millions sont financés à l'extérieur du budget général.

Une autre illustration de cette présentation avantageuse concerne la réforme du mode de perception de la redevance audiovisuelle. Cette réforme, que le groupe UDF soutient, consiste à exonérer un million de personnes supplémentaires et à décaler de deux ans la suppression de l'exonération dont bénéficiaient 900 000 autres ; cela se termine, en principe, fin 2007. En conséquence il y aura 100 millions supplémentaires d'exonération, mais, de cette exonération, qui représente au total 520 millions, n'apparaîtront en dépenses que 440 millions, les 80 autres millions étant financés sur les reliquats du système actuel de perception et ces 440 millions sont inscrits en dégrèvements. Là encore, on fait une présentation avantageuse.

L'ensemble de ces retraitements aboutit à une croissance de la dépense brute du budget général dépassant de 1 % celle qui est affichée. On peut donc affirmer que la maîtrise des dépenses est insuffisante.

D'ailleurs, on lit dans le rapport de notre excellent rapporteur général que la marge de manœuvre, côté recettes, c'est-à-dire, en l'absence de toute modification, ce que produisent de plus les recettes fiscales et non fiscales, est évaluée à 18 milliards, dont 8,43 milliards sont consacrés à l'augmentation des dépenses, soit 47 %, proportion peu différente de celle de l'année dernière où l'on avait 13,7 milliards de marge de manœuvre dont 6,32 milliards étaient consacrés à l'augmentation des dépenses. Sur le reliquat, un quart - c'est à dire 4,52 milliards - est consacré à des réductions d'impôts. On a malheureusement fait la même chose l'année dernière, alors qu'on n'avait pas un sou pour cela ! Il reste 4,99 milliards dédiés à la réduction du déficit, soit un quart.

Or on nous dit que le déficit serait réduit de 10 milliards. Certes, on le fait passer de 55 milliards à 45 milliards mais, en exécution, le budget de l'État connaîtrait, en 2004, un déficit légèrement supérieur à 49 milliards. On évoque 49,4 milliards et ce sera peut-être 49 milliards in fine, et en 2005, il serait ramené à 45 milliards. A 4 milliards la réduction n'est pas nulle, mais elle est plus de moitié moindre qu'annoncé.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Ce sont deux vertus qui s'ajoutent !

M. Charles de Courson. Je passe à un autre exemple, celui des emplois publics.

Le Premier ministre avait publiquement déclaré qu'il fallait supprimer un emploi sur trois départs à la retraite, c'est-à-dire environ 20 000 sur les quelque 60 000 départs à la retraite. Or le budget ne fait apparaître que 7 000 suppressions d'emplois.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Très exactement 7 188 !

M. Charles de Courson. On verra en exécution !

Cela correspond à 0,3 %. Quand on se trouve en situation de déficit de fonctionnement, est-il raisonnable de consentir aussi peu d'efforts ? Je rappelle que, dans les projets de budget pour 1987 et pour 1988, on avait supprimé respectivement 19 600 et 13 000 emplois. Nous sommes donc, aujourd'hui, deux fois et demie moins rigoureux qu'à cette époque !

Quant aux hypothèses économiques, soyons prudents. J'en dirai néanmoins quelques mots au nom du groupe UDF qui n'avait pas critiqué le Gouvernement l'année dernière sur des hypothèses qui lui paraissaient raisonnables. D'ailleurs la réalité s'est révélée meilleure que les prévisions. Il y a deux ans, en revanche, nous avions été assez critiques, les jugeant surestimées et la situation économique nous a malheureusement donné raison.

Aujourd'hui, les prévisions du Gouvernement sont plutôt optimistes mais les économistes affirment que 10 % d'augmentation du prix du pétrole, provoquent une diminution de 0,5 % de la croissance en volume. Or peut-on espérer un prix moyen du baril de pétrole de 36,50 dollars comme le Gouvernement en fait l'hypothèse ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. On peut l'espérer !

M. Charles de Courson. Je ne le crois pas. En effet, pour atteindre ce chiffre de moyenne annuelle, il faudrait un effondrement rapide du prix pour finir l'année à 25 ou 27 dollars le baril. C'est une hypothèse extrêmement aventureuse.

Que le Gouvernement ne veuille pas modifier ses hypothèses en cours de débat, je le comprends. Toutefois la sagesse voudrait au moins qu'il annonce d'ores et déjà un gel de crédits pour faire face à une dégradation de la conjoncture économique. Bien malin, en effet, qui peut dire ce qui se passera l'année prochaine !


S'agissant de l'évolution du prix du pétrole, l'opinion publique la ressent comme une espèce de hold-up de l'État dans une situation difficile. Cette hausse se traduit par une augmentation des recettes fiscales qu'il est malaisé d'évaluer puisqu'elle dépend de la durée de la crise. Je vous le dis au nom du groupe UDF, monsieur le secrétaire d'État : dans cette affaire, il faut agir vite.

M. le ministre d'État s'est engagé hier en ce sens. La TIPP flottante n'étant pas eurocompatible, il faut donc trouver rapidement un mécanisme pour compenser. Or vous ne pourrez mettre en place un tel dispositif avant le 1er janvier, la loi de finances n'étant pas votée avant le 31 décembre, sauf à prévoir un projet de loi de finances rectificative qui ne comporterait qu'un seul article. Dans le cas contraire, l'État engrangera un surplus de recettes d'ici à la fin de l'année et c'est seulement en 2005 qu'il pourra le redistribuer aux consommateurs. Mais pour combien de temps ? Il faut donc trouver un mécanisme suffisamment souple.

Bien que M. le ministre d'État ne soit pas là, je tiens à lui dire que ces mesures sont insuffisantes. Il faut initier une véritable politique d'économie d'énergie comportant plusieurs volets.

En ce qui concerne les biocarburants, nous avons proposé des amendements que nous avons travaillés avec l'ensemble des filières concernées et le groupe d'études parlementaire sur les biocarburants, mais ils ont été repoussés en commission. Or, sans la création d'une taxe sur la qualité de l'air pour obliger les pétroliers à les utiliser, vous n'arriverez pas, monsieur le secrétaire d'État, à développer cette filière, car aucun industriel n'y investira. Et les propos du Premier ministre, qui s'était engagé sur cette affaire dans son discours de Compiègne, seront à nouveau démentis.

Nous devons parallèlement repenser notre fiscalité sur l'énergie. Pourquoi ne pas mettre en place la même stratégie qu'en Allemagne où les énergies non renouvelables sont taxées et les énergies renouvelables exonérées de TIPP ? Malheureusement, nous en sommes loin.

Enfin, je tiens à rappeler que certaines évaluations budgétaires des dépenses sont fragiles. Le Gouvernement a fait l'hypothèse d'une stabilité des taux d'intérêt sur la masse de la dette publique. Permettez-moi d'être quelque peu dubitatif ! La hausse des taux à court terme a déjà commencé et elle pourrait très vite déraper. On a beau nous expliquer que le refinancement de la dette compensera la hausse des taux d'intérêt sur la partie flottante de la dette, je n'y crois pas un instant. En effet le refinancement s'élève à 60 ou 70 milliards, face à une dette flottante de 300 milliards.

Je souhaite aussi dire un mot sur l'estimation des rémunérations des fonctionnaires.

Après 800 millions d'euros il y a deux ans et 200 millions l'année dernière, le Gouvernement, pour la première fois, ne prévoit aucune réserve pour 2005. Le rapporteur signale d'ailleurs dans son rapport qu'il n'y a plus un euro. Le Gouvernement assume-t-il l'absence de toute revalorisation du point au-delà de ce qui est acquis aujourd'hui ?

J'en viens maintenant au laxisme en matière de sécurité sociale, qui grève fortement les finances publiques.

En 2005, les comptes de la sécurité sociale seront largement déficitaires, à hauteur de 10 milliards. Je sais, monsieur le secrétaire d'État, que le ministère n'est pas directement responsable des comptes sociaux ; cela m'a été répondu en commission. Cependant les Français, eux, se sentent concernés tant par le budget de l'État que par celui de la sécurité sociale.

Selon les experts, nous ne pourrons pas limiter le déficit de l'assurance maladie à 10 milliards et le dérapage sera de 1 à 2 milliards. L'hypothèse de 2,9 milliards serait intenable. Or les économies prévues ne seront que partiellement réalisées. Là encore, on ne dit pas la vérité aux Français.

Nous ne pouvons éviter la question de la soulte payée par les industries électriques et gazières, car c'est un symbole particulièrement intéressant de la façon dont notre pays est gouverné. A cet égard je souhaite rappeler la position courageuse qui a été celle de l'UDF : nous avons appelé à une extinction du régime des électriciens et des gaziers et de tous les régimes spéciaux. Nous avons même déposé un amendement en ce sens. L'extinction signifie le maintien du statut pour les personnels déjà en place, mais l'assujettissement au régime général pour tous les nouveaux entrants. Malheureusement, nous n'avons pas été entendus et le Gouvernement a intégralement maintenu les avantages de ces régimes, en particulier ceux du premier qui devait être réformé : celui d'EDF-GDF. Cela créera d'ailleurs un précédent très difficile à remettre en cause, car pourquoi les agents de la SNCF, de la RATP ou de toute autre entreprise publique accepteraient-ils ce que nous n'avons pas voulu décider pour les salariés d'EDF-GDF ?

Au-delà de cette question, se pose aujourd'hui, avec le projet de loi de finances pour 2005, celle du financement de ces régimes. Qui va payer ? La réponse est simple : ce sont les Français et plus encore que ce qu'on pensait. En effet 60 % de la soulte seront payés par une taxe sur les transports de l'électricité acquittée par les consommateurs. Il faut d'ailleurs doubler les taux de cette contribution que nous avons votée il y a moins d'un an puisque nous allons porter le plafond de 10 % à 20 %. Encore faut-il espérer que les 9 milliards de la première soulte suffiront. Sinon, ce seront les salariés du privé qui financeront les avantages du public, très supérieurs aux leurs.

Croyez-vous, mes chers collègues, que les consommateurs d'électricité, qui devront payer 5,4 milliards, c'est-à-dire une annuité de 500 millions, à coups de taxes supplémentaires, pour garantir le régime de retraite préférentiel des IEG, l'accepteront sans mal ?

Quant aux Français qui sont propriétaires d'EDF et de GDF, ce sont eux qui règlent le versement de la première soulte, soit 3,6 milliards, puisque la valeur de l'entreprise a chuté. Et je vous mets en garde, monsieur le secrétaire d'État, sur le financement de la deuxième soulte, celle de l'adossement de l'AGIRC à l'ARRCO dont les partenaires sociaux estiment qu'elle coûtera de 9 à 10 milliards.

Enfin, il faudra également compter avec la provision, à passer dans les comptes des industries électriques et gazières, pour le régime « chapeau ». En effet, comment EDF, avec 17 ou 18 milliards de capitaux propres - en comptant large -, pourra-t-elle payer 80 % des 40 % de la première soulte, soit 3 milliards, plus 80 % de la deuxième soulte, soit 7 milliards, et provisionner encore 80 % - soit environ 15 milliards - du régime « chapeau » ? Les capitaux propres ne suffiront pas.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Charles de Courson. Monsieur le secrétaire d'État, je vous pose la question, ainsi qu'à la représentation nationale : faudra-t-il recapitaliser EDF pour maintenir les retraites en l'état ? Au-delà de ce problème de fond, la soulte pose évidemment la question de son traitement comptable.

Je conclurai par un mot sur les finances des collectivités territoriales.

Les prévisions de dépenses et de recettes du Gouvernement en la matière sont sous-estimées.

Les régions, dont vingt sont dirigées par mes collègues de gauche, ont d'ores et déjà annoncé une augmentation de 10 % en moyenne. Nous reviendrons sur les raisons de cette augmentation.

S'agissant des conseils généraux, les hausses, de 4 à 5 % en 2004, vont se poursuivre en 2005. De même, les communes, bien que peu concernées par la loi de décentralisation, ont dû voter des augmentations non négligeables depuis les dernières élections. Cela signifie que l'augmentation des prélèvements obligatoires - près de 2 milliards d'euros - sera plus forte que ne le pense le Gouvernement dont j'espère par ailleurs qu'il ne se trompe pas sur l'estimation de la croissance. Or, monsieur le secrétaire d'État, les Français ne veulent plus de ces hausses.

Pour conclure, je souhaite rappeler la position du groupe UDF. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous avons conditionné publiquement le vote de notre groupe à plusieurs avancées, rappelées cette nuit par mon collègue Nicolas Perruchot. À celles précédemment énoncées, j'ajoute une action structurelle résolue de la part de l'État pour anticiper les évolutions des coûts énergétiques.

Je suis certain, monsieur le secrétaire d'État, et vous pourrez en faire part à M. le ministre d'État, que vous ferez la démonstration de votre bonne volonté et de votre ouverture d'esprit. Vous nous montrerez que le Gouvernement peut enrichir son action grâce à des propositions de l'UDF qui n'avaient pas été écoutées l'année dernière et dont les critiques et suggestions n'ont pas été retenues, alors que, six mois plus tard, on reconnaissait qu'elles étaient justifiées.

Mes chers collègues, le pluralisme politique au sein de la majorité est fort utile, car il limite ou évite bien des erreurs. Avant de devenir président de l'UMP, M. le ministre d'État pourra montrer, avec le Premier ministre, que le pluralisme est une force et non une faiblesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le secrétaire d'État, votre projet de budget me rappelle cette phrase prononcée à Davos par M. Tietmeier, alors président de la Bundesbank, devant un parterre de chefs d'État : « Désormais, vous êtes sous le contrôle des marchés financiers. »

Dans leur ouvrage, qui vient de paraître, Michel Aglietta et Antoine Reberioux, respectivement professeur et maître de conférences en économie à l'Université de Paris X Nanterre, s'appliquent à démontrer et à démonter les dérives du capitalisme financier. Ils stigmatisent à juste titre « l'idéologie de la souveraineté actionnariale » qui a pour corollaire la seule variable tangible aux yeux des décideurs, la rentabilité des actifs financiers.

Point n'est besoin de rappeler le scandale Enron ou, plus près de nous, les dessous de l'affaire Vivendi, pour comprendre que le monde dans lequel nous entraînent les puissances de l'argent est une véritable jungle. Mais, ce qui est condamnable, c'est que vos orientations, monsieur le secrétaire d'État, contribuent à nous enfoncer dans ce monde inégalitaire, à nous soumettre à ce monde injuste et violent.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est simpliste !

M. Jean-Claude Sandrier. Cela est particulièrement vrai pour le budget que vous nous présentez aujourd'hui. L'annonce que vous venez de faire concernant les licenciements - même si le Gouvernement a opéré un recul provisoire que les militaires qualifieraient de stratégique - est une preuve tangible de votre indéfectible soutien aux puissances d'argent contre le monde du travail.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Ce n'est pas ce que dit M. Seillière !

M. Jean-Claude Sandrier. Oui, mais Matignon l'a, paraît-il, immédiatement rassuré !

Ce qui, à notre sens, devrait guider l'action publique, c'est une répartition plus juste des richesses, un combat acharné contre la pauvreté, pour l'emploi. Or vous faites le contraire. Votre dogme qui consiste à croire qu'enrichir les riches crée de l'emploi, fait de vous, monsieur le secrétaire d'État, et du Gouvernement, que vous le vouliez ou non, les protecteurs de quelques privilégiés. L'intérêt général ne s'est jamais retrouvé dans une politique qui protége les privilèges et la richesse de quelques-uns !

Non, votre budget n'est pas un budget de progrès et de justice, mais un budget de régression, dangereux pour l'équilibre social du pays, et nous allons le démontrer. Ce n'est pas M. Camdessus, ancien et éminent responsable du FMI, cette institution, véritable  pompier-pyromane du monde, dont on sait les ravages économiques et sociaux qu'elle a provoqués à travers la planète, qui peut venir donner des leçons de développement et de justice sociale. Ce monsieur peut sans doute expliquer comment travailler plus pour accroître le rendement des dividendes, mais pas comment obtenir une meilleure répartition des fruits du travail, car il n'a pas été formé pour cela. Comme l'indique Patrick Artus, analyste économique, ce qui est en cause, ce n'est pas la durée du travail, mais « le niveau trop élevé de rentabilité du capital exigé par les entreprises». M. Camdessus devrait plutôt se pencher sur cette question.

Pour faire avaler la pilule de votre budget, vous parlez de justice sociale. Or votre bilan, c'est l'aggravation des inégalités, et votre horizon - celui du budget -, c'est de les accroître encore en déplaçant plus de richesses de la sphère publique vers la sphère privée.

La comparaison entre les deux colonnes de votre bilan est accablante ; elle vaut tous les discours.

L'une fait apparaître une aggravation de la situation pour une grande partie de nos concitoyens : le nombre d'allocataires au RMI a progressé de 10 % en un an, et celui des ménages surendettés de 14 % ; le chômage a continué d'augmenter ; la précarité ne cesse de croître ; des attaques en règle sont menées contre la protection sociale, qu'il s'agisse de l'assurance maladie, de la retraite ou du droit du travail ; la baisse du pouvoir d'achat est ressentie durement par la majorité des salariés - comme ils l'expriment dans un sondage CSA-Les Échos - ; 800 000 personnes se sont vues supprimer le bénéfice de l'APL ; 2 millions d'enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté - un chiffre en augmentation - ; le Secours populaire et le Secours catholique sont débordés.

L'autre colonne montre l'explosion des profits, du rendement des dividendes : + 591 % pour Axa ; + 142 % pour Arcelor ; + 119 % pour EADS ; + 154 % pour Lafarge ; + 122 % pour Thales. Les actions Bouygues ont augmenté de 39 % ; celles de Sanofi, de 24 %. Les grands patrons français se sont augmentés de 12 à 20 %, et ce chacune de ces trois dernières années.

Pour terminer ce tableau, traduction de vos choix politiques, voici deux exemples presque caricaturaux. En trois ans BNP Paribas a augmenté ses salariés de 3,45 % et les dividendes de ses actionnaires de 200 % ! De son côté, Michelin est l'exemple parfait du modèle économique que vous vénérez. Il y a quelques mois, M. Michelin a annoncé tout à la fois une augmentation de 102 % des profits de l'entreprise, une hausse de son salaire égale à 146 % et la suppression de 3 000 emplois !

Comme si tout cela ne suffisait pas, vous vous préoccupez de réduire l'impôt sur les sociétés et d'atténuer le poids de l'ISF - en attendant de le supprimer -, avant d'ouvrir la porte, à en croire certains d'entre vous, à une amnistie fiscale pour les évasions frauduleuses. Belle morale ! Quelle justice sociale !

Vous évoquez sans cesse le déficit, ...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est bien vous qui nous l'avez laissé !

M. Jean-Claude Sandrier. ...mais c'est une mystification, un alibi politique qui vous sert à justifier tous les mauvais coups.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est votre cadeau !

M. Jean-Claude Sandrier. Jamais, au grand jamais, ne sont évoquées les possibilités de trouver des recettes complémentaires chez les actifs financiers ou les grandes fortunes. Tout ce qui concerne la sphère financière est maintenu dans l'ombre. Il ne faut surtout jamais braquer les projecteurs là où des solutions alternatives pourraient être imaginées.

Sait-on que les actifs financiers détenus par les seuls investisseurs institutionnels représentent 140 % du produit intérieur brut moyen des pays de l'OCDE, et même 226 % de celui de la Grande-Bretagne ?

Le déficit du pays est donc bien la conséquence de votre absence de volonté politique s'agissant de la contribution des marchés financiers. Ce déficit, entretenu, sert à peser sur les salariés, les services publics, les fonctionnaires, il vous sert à justifier des reculs sociaux majeurs tels que la déréglementation sur les licenciements.

L'autre terme magique, c'est la croissance. On ne cesse de voir, dans divers médias, des ministres s'épancher sur son retour.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est la vérité !

M. Jean-Claude Sandrier. Mais de quelle croissance s'agit-il ? De celle des dividendes ? De celle des salaires des grands patrons ? De celle du chômage ? En effet c'est bien cela que ce mot évoque aux Français, sans parler de la croissance de la TIPP.

Le problème est le suivant : la croissance, pour quoi faire ? À quoi sert-il de gagner un point de croissance en plus, voire d'atteindre, comme aux États-Unis, un taux de 4 %, si c'est pour - ainsi que le reconnaît un économiste américain - « restaurer les marges des entreprises » ou les accroître et ne pas créer d'emploi ?

Chez nous, en douze mois, le produit intérieur brut a augmenté de 2,5 %, mais l'emploi salarié a reculé de 0,1 %. Où est passé le fruit de la croissance ? Qui l'a accaparé ? Je vous renvoie à ce sujet au bilan que j'ai dressé précédemment.

En fait, votre budget se caractérise par deux grands axes.

Le premier est la réduction, en valeur, de tous les budgets qui, par leur nature et leur fonction, sont autant de garde-fous face à la déferlante libérale.

Tel est bien sûr d'abord le cas du budget de 1'éducation nationale, qui est réellement sacrifié. L'augmentation annoncée d'un milliard d'euros est plus que consommée par l'accroissement des pensions et retraites de l'enseignement qui s'élève à 1,14 milliard d'euros. Plus de 4 000 suppressions de postes statutaires sont prévues, alors que, depuis deux ans, on compte déjà 50 000 adultes en moins au sein des établissements scolaires. L'éducation n'a jamais été aussi malmenée. En valeur réelle, c'est-à-dire en moyens humains et matériels, hors pensions - car les retraités ne rendent plus le service aux citoyens - et en euros constants, le budget de l'éducation nationale baisse de 3 %.

Dans le même esprit, les annonces dithyrambiques sur le budget de la recherche cachent la réalité. Comme M. Trautmann, animateur du mouvement « Sauver la recherche », l'expliquait il y a peu, l'augmentation réelle du budget civil de recherche-développement s'élève à 356 millions d'euros, loin du milliard claironné ! Encore cette somme n'équivaut-elle même pas aux pertes dues aux gels et annulations de crédits de 2003 et 2004, dont le total atteint plus de 500 millions d'euros.

Le ministère de l'équipement et des transports, quant à lui, est mis au régime sec, avec une perte de 4 % en euros constants. Cela confirme l'abandon par l'État de nombreux projets prévus dans le cadre des contrats de plan État-région, et le renoncement à un aménagement du territoire volontariste.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est complètement faux !

M. Jean-Claude Sandrier. Je vous invite à visiter ma région ! Nous connaissons tous, dans nos territoires, des exemples de travaux routiers ou ferroviaires stoppés ou repoussés aux calendes grecques en raison des gels de crédits.

En matière de logement, les annonces ont fleuri, et, là aussi, les envolées médiatiques ont été aussi nombreuses qu'emphatiques. D'après les responsables de l'Union nationale des organismes d'HLM, pourtant, les financements s'avèrent incertains. Afin de forcer le mouvement, nous demanderons au minimum le triplement de la taxe destinée à favoriser la mixité sociale.

Enfin, de nombreuses autres politiques sont sacrifiées dans le budget pour 2005. C'est le cas des crédits consacrés à la jeunesse, aux sports et la vie associative, qui diminuent de 4,1 %. De même, l'environnement et le développement durable, qui font pourtant l'objet de grands discours, connaissent une baisse de 3,6 %. Et je ne parle pas de l'agriculture, du travail, de la santé, de l'industrie, etc.

Certains budgets, nous direz-vous, sont en progression. Mais en dehors du budget de la culture, dont l'augmentation ne permet pas, de toute façon, de regagner le terrain perdu pendant les deux dernières années, les seuls ministères dans ce cas servent à maintenir le couvercle sur la marmite puisqu'il s'agit de ceux de la police, de la justice et de la défense.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Ce sont les compétences régaliennes de l'État !

M. Jean-Claude Sandrier. Je ne connais pas ce mot.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Il est pourtant français !

M. Jean-Claude Sandrier. Sans doute, mais son usage est trop ancien pour que je veuille m'en souvenir.

M. René Couanau. Consultez le Petit Robert !

M. Jean-Claude Sandrier. Le deuxième axe, symptomatique de vos choix antisociaux, consiste en la poursuite de décisions fiscales qui ne visent qu'à complaire aux plus aisés, au détriment du reste de la population.

La donnée fondamentale est votre intention, depuis 2002, de diminuer les seuls impôts justes, les impôts progressifs. Et, en même temps que la progressivité, c'est la politique redistributive que l'on attaque !

Cette injustice et l'accroissement des inégalités vont augmenter en 2005, tous les instituts de conjoncture le reconnaissent. Cela est d'autant plus considérable que les prélèvements supplémentaires vont d'abord toucher les couches moyennes et modestes.

La liste est longue : la CSG va être alourdie pour les salariés et les retraités ; les fonctionnaires vont devoir cotiser à une retraite complémentaire, alors que leur pouvoir d'achat continue de se tasser ; la hausse du forfait hospitalier - 50 % en trois ans - va d'abord peser sur celles et ceux dont la couverture complémentaire ne permet pas de se prémunir contre ce véritable racket ; le paiement d'un euro pour toute consultation médicale, véritable cheval de Troie dans notre système d'assurance maladie, va d'abord pénaliser les personnes modestes ;...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Comment comptez-vous sauver l'assurance maladie ?

M. Jean-Claude Sandrier. ...le nouveau calcul des allocations logement va exclure des centaines de milliers de familles de ce droit vital, faisant tomber les personnes pauvres dans une grande exclusion ; des hausses de prix tangibles sur tous les services primaires - énergie, eau, mutuelles, assurances, poste, transports - vont grever fortement les budgets familiaux ; sans parler de la hausse de la TIPP, de celle des impôts locaux - que vous estimez vous-même à 4,5 % - ou de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, qui augmente cette année de 10 %. Est-ce cela, la justice sociale ?

Les réponses adressées aux différentes corporations ne sont que des mesures catégorielles alors que c'est une question de pouvoir d'achat général qui est posée. Dans l'immédiat et dans l'urgence, nous demandons pour tout le monde une réduction de 10 centimes sur le litre d'essence et de gazole.

S'ajoutent à ces nouvelles ponctions sur les ménages les conséquences de la loi du 13 août, que vous persistez à appeler l'acte II de la décentralisation, alors qu'il s'agit de l'acte majeur du désengagement de l'État.

D'ores et déjà, les départements et les régions se trouvent mis en difficulté par de nouvelles charges qui ne sont pas comblées par les transferts financiers. Rien qu'avec le versement du RMI, les départements ne peuvent s'en sortir indemnes. Dans le Cher, la collectivité devra avancer plus de 3 millions d'euros, équivalents à plus de 4 points d'impôts. Et les inquiétudes sont grandes s'agissant du transfert des personnels TOS ou de l'entretien des routes nationales.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. À vous de bien les traiter !

M. Jean-Claude Sandrier. C'est bien le transfert des impôts que vous organisez, un transfert qui frappe les plus pauvres.

Au total, avec la hausse des prix, de la TIPP, des impôts locaux, les baisses de prestations, la hausse des prélèvements sociaux, ce sont, en euros constants et sans prendre en compte la croissance, plus de 10 milliards d'euros supplémentaires qui seront exigés des contribuables, avant tout des plus modestes. Je dis des plus modestes, car les seules mesures fiscales prévoyant des allégements pour les ménages s'adressent aux plus aisés.

Sans doute allez-vous m'opposer pour preuve de votre souci de justice sociale la hausse de la prime pour l'emploi. Cependant, avec 8,5 millions de ménages bénéficiaires - et sans doute un peu plus en 2005 -, la hausse moyenne sera, en euros constants, à 2 euros par mois ! Il suffit de rapprocher ce chiffre de la hausse de la TIPP, qui conduit à une augmentation de 8 à 12 euros pour un plein de carburant, pour bien comprendre qu'il est grotesque de présenter la hausse de la prime pour l'emploi comme une mesure de justice fiscale !

S'agissant des droits de succession, plusieurs analyses d'économistes ont montré le caractère profondément inégalitaire de la réforme que vous proposez. En effet, sous couvert de favoriser légèrement une part des couches moyennes, l'objectif poursuivi, et pervers, est d'en finir avec les droits de succession. Un calcul montre que votre réforme va d'abord profiter aux plus aisés, les 10 % de ménages qui bénéficient d'une succession supérieure à 200 000 euros. L'entourloupe consiste à confondre opportunément le patrimoine moyen - qui est de 100 000 euros - et le patrimoine médian, qui s'élève à 55 000 euros.

Autre dispositif constituant une caricature de votre politique : l'accroissement de ce que mon ami Jean-Pierre Brard appelle la « réduction d'impôt pour les valets de pied ». Franchement, cette mesure, qui ne profite qu'à quelques-uns, nous révulse.

Toutefois en matière d'impôt sur les ménages, le grand sujet est celui de l'ISF, que d'aucuns, au Gouvernement et parmi nos collègues de l'UMP et de l'UDF, vouent aux gémonies.

Votre position en la matière est habillée des oripeaux de l'intérêt général, puisque vous ne cessez d'expliquer que cet impôt fait fuir les fortunes et les entreprises. Mais le Conseil des impôts, que l'on ne peut considérer comme un repaire de marxistes, vient contredire cet argument dans son dernier rapport, en montrant que l'effet supposé est infinitésimal : « Une réforme de l'impôt sur la fortune ne pourrait être recommandée au nom d'arguments relatifs à l'attractivité de la France ou au maintien d'activités en France ».

À ces cadeaux aux classes riches, vous ajoutez la baisse générale des impôts sur les sociétés ou la prorogation du dispositif de dégrèvement de taxe professionnelle sur les nouveaux investissements. Vous restez, monsieur le secrétaire d'État, dans une logique qui a fait la preuve de son inefficacité.

Et puis, pour les entreprises, est instauré ce fameux plan anti-délocalisation. Au chantage à la délocalisation, le Gouvernement répond donc, au bout du compte, par des charges transférées sur les ménages ! En fait, il répond en cédant aux maîtres chanteurs. Crédit de taxe professionnelle, crédit d'impôt sur les sociétés, subventions et avantages fiscaux dans des pôles dits de compétitivité, déshabillage de l'impôt sur la fortune : c'est le grand marché de la défiscalisation qui est en route.

Il y a quelque chose de choquant à continuer dans cette voie. Vous annoncez, monsieur le secrétaire d'État, que vous allez aider à la création de pôles dits de compétitivité. Originaire d'un territoire en grande difficulté économique, je peux vous assurer que la première des mesures que vous devriez prendre est d'arrêter de supprimer des services publics, de fermer des bureaux de poste, de rabougrir la DDE ou de supprimer des trésoreries. Dans le même temps, l'État devrait honorer les engagements qu'il a pris à travers les contrats de plan.

Pour répondre aux grands problèmes qui préoccupent les Français, nous faisons cinq grandes propositions que nous reprendrons, pour partie, dans la discussion sur les articles.

Premièrement nous réclamons une nouvelle architecture fiscale consistant à diminuer les impôts indirects, notamment la TIPP, pour favoriser l'impôt progressif.

Nous proposons ainsi une augmentation significative de l'impôt de solidarité sur la fortune et nous demandons une taxe spécifique sur les actifs financiers, permettant d'asseoir les contributions là où se trouve réellement la richesse.

Concernant les entreprises, il faudrait lier plus fortement l'impôt sur les sociétés à l'emploi et à la valeur ajoutée créée et réinvestie par un système de modulation, en cessant les allégements de cotisations sociales uniformes, qui coûtent plus de 17 milliards d'euros à la collectivité.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est vous qui les avez créées en instaurant les 35 heures !

M. Jean-Claude Sandrier. L'objectif serait de créer un fonds spécifique permettant d'assurer à chaque individu un emploi et une formation tout au long de sa vie.

M. Marc Laffineur. C'est un discours d'avenir !

M. Jean-Claude Sandrier. Deuxièmement, en dégageant de nouvelles recettes sur les insolents profits boursiers, nous proposons de redonner de vraies marges de manœuvre en termes de pouvoir d'achat afin de soutenir la consommation. Une allocation immédiate de 300 euros pour les plus modestes permettrait de répondre à des situations personnelles dramatiques et à un besoin de notre économie. Le relèvement substantiel des salaires les plus bas est aussi impérieux.

Troisièmement, le budget de l'État doit également afficher une plus grande volonté de soutien à l'investissement, ...

M. Michel Bouvard. Pour cela, il faut réduire les dépenses de fonctionnement !

M. Jean-Claude Sandrier. ...d'abord, pour les investissements directs, par le biais de l'arrêt du désengagement amorcé, ensuite pour les investissements indirects, par le biais de la mise en œuvre de crédits sélectifs, de crédits bonifiés favorables à l'investissement.

Quatrièmement, s'agissant des services publics, nous proposons de mettre en œuvre des coopérations au niveau européen, afin de ne pas laisser cette apologie de la concurrence, qui est en fait une guerre et qui brise donc des hommes et des territoires, gagner tous les secteurs. Pour l'énergie, l'eau, les transports, la santé, l'éducation, les communications, la maîtrise doit rester publique.

Enfin, concernant les délocalisations, nous proposons que soit menée une action réellement efficace, en posant l'enjeu au niveau européen, avec la création d'une taxe sur les transactions financières, des règles communes sur les investissements directs à l'étranger, l'interdiction de subventions à des entreprises qui délocalisent. Nous demandons également l'institution d'une taxe sur les différentiels sociaux et la suppression des paradis fiscaux.

Voilà pourquoi le groupe communiste et républicain s'oppose à votre budget.

Un prix Nobel d'économie américain a écrit un livre dont le titre est : Quand le capitalisme perd la tête. Quand le capitalisme perd la tête, vous le suivez. C'est ce que nous refusons !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en tant qu'orateur du groupe UMP, j'ai plaisir à partager avec vous cet après-midi un constat simple, qui peut se résumer rapidement mais qui est très clair : le budget que le Gouvernement nous propose pour 2005 est un bon budget.

M. Marc Laffineur. C'est vrai !

M. Hervé Mariton. Le budget pour 2004 était pour l'essentiel un bon budget, mais il y avait quelques problèmes de cohérence. J'ai fait partie de ceux qui ont critiqué ouvertement l'augmentation de la fiscalité du gazole et j'avais même voté contre.

M. Yves Durand. Très bien !

M. Alain Rodet. C'est un visionnaire de génie !

M. Hervé Mariton. N'ayant pas hésité à être critique l'an dernier - et je ne suis malheureusement pas sûr d'avoir eu tort - je suis à l'aise cette année pour dire combien le budget pour 2005 est un bon budget,...

M. Didier Migaud. Il vous en faut peu !

M. Hervé Mariton. ...sans aspérités, sans petits cailloux, qui a bien les qualités que le groupe souhaite y trouver : il est performant, cohérent et juste. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. Rien que ça !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est un orateur honnête !

M. Hervé Mariton. C'est un budget performant parce qu'il tient compte de l'objectif essentiel aujourd'hui : la croissance. Nous avons examiné, il y a quelques jours, le projet de loi de règlement pour 2003. Nous étions alors tous d'accord pour constater que, sans croissance, on ne peut rien. Un budget doit avoir comme objectif principal la croissance - en essayant d'optimiser en France le contexte international et de rendre la croissance aussi durable que possible - et l'emploi.

C'est un budget cohérent, parce qu'il respecte des engagements, notamment ceux pris l'an dernier par le Premier ministre devant notre groupe sur la réforme de la fiscalité des successions, et parce que les priorités sont respectées, qu'il s'agisse de la cohésion sociale, de la sécurité ou de la recherche.

C'est un budget juste, qui ne joue pas les uns contre les autres (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), qui n'oppose pas les Français modestes et les classes moyennes. Les uns trouveront, heureusement, une augmentation du SMIC, et les autres, heureusement aussi, un allégement de la fiscalité des successions. Bref, c'est un budget gagnant-gagnant.

Ce budget a trois objectifs : une solidarité réelle, une croissance durable et l'efficacité de l'État.

Premier objectif : une solidarité réelle.

La réforme du prêt à taux zéro a provoqué quelques débats mais, actuellement, les prêts à taux zéro potentiellement disponibles ne sont pas pleinement utilisés. Après quelques ajustements bienvenus pour que ce soit le plus simple possible, le nombre des allocataires sera plus que doublé avec le système proposé. On passe d'un dispositif qui, au fil du temps, était devenu un peu virtuel à un dispositif réel.

M. Didier Migaud. Ça, on n'en sait rien !

M. Hervé Mariton. Le second exemple, que vous pouvez mépriser, est l'augmentation du SMIC, pour éviter tout décalage dû à l'effet des 35 heures. Nous voulons assurer à tous un SMIC réel, ce qui n'est pas rien. Le SMIC hôtelier sera réévalué et porté au niveau ordinaire du SMIC, afin que, dans tous les secteurs d'activité, tous nos compatriotes puissent toucher un SMIC réel. Quand on sait les difficultés de recrutement dans l'hôtellerie et la restauration, ce n'est pas négligeable.

Deuxième objectif : une croissance durable.

Il y a une dose de volontarisme dans ce projet de budget, mais ce n'est pas un crime ; c'est même indispensable. Il est très sain que les perspectives budgétaires pour 2005 s'inscrivent dans la continuité d'une démarche stimulante en 2004. Je trouve d'ailleurs que, s'il est naturel que mes collègues socialistes soient critiques, il y a dans leur propos une part d'anti-jeu. À force d'annoncer les difficultés et de semer l'inquiétude,...

M. Didier Migaud. Vous renversez les rôles !

M. Hervé Mariton. ...on ne peut qu'amplifier d'éventuelles difficultés. Ils voudraient aggraver l'impact des phénomènes pétroliers dans l'économie française sur l'état d'esprit de nos compatriotes et sur la croissance qu'ils ne s'y prendraient pas autrement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Face à l'augmentation des prix du pétrole, le Gouvernement nous a proposé hier une réponse partielle, chacun le reconnaît, qui a néanmoins le mérite d'être honnête et adaptée. Un certain nombre de nos compatriotes ont des difficultés réelles, et pas uniquement dans des secteurs d'activité particuliers. Des foyers, parfois modestes, sont chauffés au fioul.

L'accent est mis également sur l'encouragement au travail et je veux citer une mesure qui est passée inaperçue dans les commentaires sur le budget ces dernières semaines. La mesure est modeste, mais sa symbolique est forte, c'est l'exonération d'impôt du job d'été des jeunes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous avez raison, on ne fait pas la révolution avec ça et cette disposition ne modifiera probablement pas fondamentalement les équilibres économiques du pays.

M. Yves Durand. On ferait mieux d'aider les étudiants à trouver un logement !

M. Hervé Mariton. Cependant le subtil mépris que vous avez exprimé n'est pas partagé par ceux que nous rencontrons et qui apprécient une mesure de ce type, laquelle constitue un signal simple, modeste, mais opportun et utile à l'égard des jeunes. Que n'y avons-nous pensé plus tôt ? On peut le dire comme cela mais, en tout cas, cette proposition vient aujourd'hui ; elle est bonne ; tant mieux.

Le ministre d'État a évoqué hier l'importance de la démographie pour assurer en France une croissance durable, donc la possibilité de mener une politique familiale volontaire et dynamique.

S'agissant de l'impôt sur les successions, notre groupe approuve le dispositif proposé par le Gouvernement. Un certain nombre d'observations ont été faites sur l'effet de la réforme selon la taille des fratries. Cette première étape pour 2005 est bienvenue, mais il me paraît utile de poursuivre en 2006 cette réforme de la fiscalité des successions en tenant mieux compte de la taille des familles.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Hervé Mariton. C'est un élément important d'une politique familiale.

Le thème des emplois familiaux a été abordé hier d'une manière qui m'a un peu surpris. Le Gouvernement a présenté une proposition simple, je l'accorde : augmenter le plafond de la réduction d'impôt à 15 000 euros. C'est un choix cohérent, qui pose clairement les termes du débat. Par rapport à d'autres pays, la France est très en retard pour les emplois de service, notamment les emplois de service à la personne. On peut s'y résigner et accepter que l'économie française soit en total décalage avec les autres pays sur ce point, mais cela se calcule en centaines de milliers ou en millions d'emplois. Cela peut être une exception française, mais je pense que, sur ce terrain, elle n'est pas bienvenue.

Le Gouvernement propose donc une mesure forte, simple, pour encourager le développement des emplois familiaux, mais, le Premier ministre l'a précisé récemment, ce n'est que le début d'un ensemble de propositions pour développer les emplois de service. Cette mesure est bienvenue, elle a provoqué également quelques débats. Nous sommes nombreux au sein du groupe à penser qu'un tel dispositif est d'autant plus justifié qu'il tient compte de la réalité de la charge de famille, de la taille des familles. Le fait que l'avantage fiscal accordé sur les emplois familiaux comporte un montant fixe et un autre à proportion du nombre d'enfants est une finesse qui ne dépasse pas l'entendement moyen des employeurs concernés.

Nous souhaitons que les dispositifs fiscaux soient les plus simples possibles et toujours adaptés à nos objectifs politiques dont fait partie une politique familiale volontariste. S'il n'existait pas de dispositif fiscal plus compliqué dans le droit fiscal français, j'en serais ravi.

Toujours dans l'objectif d'avoir une croissance durable, nous devons, en 2005, poursuivre les réformes engagées. On parle beaucoup du rapport Camdessus. Il est vrai qu'il existe beaucoup de rigidités dans notre pays, mais il ne suffit pas de le constater rapport après rapport. Il est de la responsabilité du Gouvernement d'agir avec toute la pédagogie nécessaire et avec une volonté d'aboutir qui ne doit pas faillir.

La situation de la France n'appelle pas l'autosatisfaction ; beaucoup d'observateurs en sont conscients. Néanmoins je ne crois pas non plus que l'autoflagellation aide beaucoup au succès de la réforme. L'équilibre que le Gouvernement saura proposer est indispensable au déblocage que nous attendons, donc à l'entretien d'une croissance durable.

Troisième objectif : l'efficacité de l'État.

A cet égard le projet de budget choisit clairement la maîtrise des dépenses. C'est une œuvre de longue haleine qui demande beaucoup de discipline et de patience. Rien n'est gagné d'avance.

Monsieur le secrétaire d'État, différentes stratégies ministérielles de réforme ont été engagées ; leur audace est inégale et, pour l'instant, les résultats le sont aussi. Ainsi, les dossiers de présentation de certains budgets continuent d'exprimer avec satisfaction l'augmentation de leurs dépenses. Vous vous êtes engagé sur un chemin vertueux. Il vous faudra beaucoup de constance. Nous vous souhaitons bon courage.

La maîtrise des dépenses suppose évidemment une maîtrise des dépenses de la fonction publique. À cet égard, je veux rebondir sur un propos tenu récemment par M. Méhaignerie. Chacun comprend qu'il est difficile que le budget ne prévoie aucune augmentation indiciaire pour les fonctionnaires. Certes il restera les augmentations GVT, les évolutions statutaires qui sont importantes, mais il n'y aura pas d'augmentation indiciaire.

Une discussion s'était engagée, il y a quelques semaines, pour savoir si le débat budgétaire pourrait être l'occasion d'une quelconque évolution. Pour ma part, je reste persuadé que cette question relève de la responsabilité de l'exécutif et je n'imagine pas que notre assemblée puisse se prononcer sur cette question.

Simplement nous pourrions nous fixer un objectif pour le 1er janvier 2006 : un plus grand effort de maîtrise des effectifs et, en contrepartie, une évolution de l'indice. Nul ne saurait envisager que les indices de la fonction publique soient gelés jusqu'à la fin des temps. Ce ne serait ni juste, ni concevable, ni tenable. Nous pensons qu'il y a, dans cette négociation, une possibilité de gagnant-gagnant pour tous : fonctionnaires, gestionnaires de l'État, finances publiques et tous les Français.

La maîtrise des dépenses rappelle votre souci, monsieur le secrétaire d'État, de diminuer les déficits. Tant mieux. Certains soulèvent - et ils n'ont pas tort - le problème particulier de la soulte EDF qui concerne davantage le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais qui a bien évidemment des conséquences sur l'ensemble des déficits.

La soulte arrive maintenant. Si tel n'était pas le cas, cela signifierait qu'il n'y a pas d'adaptation du régime de retraite à EDF. Or cette adaptation est indispensable.

M. Augustin Bonrepaux. Il ne faut pas se glorifier de baisser un déficit !

M. Hervé Mariton. Laissez-moi poursuivre mon raisonnement.

Je dis simplement, mon cher collègue, qu'il y a une nécessité objective qui est la prise en compte de la particularité du régime EDF. Il serait absurde que la soulte n'existe pas et on aurait tort de ne pas l'engranger. Vous pouvez demander au Gouvernement et à la majorité qui le soutient d'être vertueux, mais vous ne pouvez pas nous demander d'être inconscients des chiffres au point de ne pas engranger cette soulte.

Bien sûr cette soulte nous aidera l'année prochaine, mais pourquoi s'en priver ? Cependant elle nous obligera aussi à poursuivre l'amélioration du niveau de déficit. Cet effet ne se reproduira pas dans les mêmes termes lorsque nous reprendrons ce débat l'an prochain. Il y aura donc une marche supplémentaire à franchir pour 2006. Vous aurez probablement, chers collègues de l'opposition, à vos côtés, pour le budget 2006, la même majorité. À nous à ce moment-là, de démontrer cette vertu.

L'efficacité de l'État, c'est aussi la vertu de la décentralisation, par l'efficacité de l'action qu'elle procure et en rappelant l'obligation de modération sur les impôts locaux. Nous ne répéterons jamais assez que la décentralisation - nous en sommes garants dans nos collectivités - n'est pas synonyme d'augmentation de l'impôt.

M. Augustin Bonrepaux. Vous aurez dû mal à le démontrer !

M. Hervé Mariton. Enfin, ce projet de budget, opportunément, propose des actions de modernisation et de mise en cohérence.

Modernisation de la redevance : il en est question depuis des années, le Gouvernement la propose enfin. Un million de foyers modestes en seront exonérés. Il n'y a pas de raison de bouder notre plaisir.

Modernisation et mise en cohérence de l'impôt de solidarité sur la fortune avec - ce qui nous paraît utile, équilibré, mesuré - la correction de certains effets pervers apparus au fil du temps. D'impôt sur les grandes fortunes en 1982, nous sommes passés à l'impôt sur la fortune puis à l'impôt sur les petites fortunes, nombre de nos compatriotes se trouvant aujourd'hui « riches » du seul fait du jeu de l'inflation. Notre assemblée s'honorerait de corriger ces incohérences. Il s'agit non pas d'un combat idéologique, mais simplement de bon sens. Lorsqu'un impôt est inadapté, incohérent, parfois contre-productif, cela vaut la peine, avec pédagogie, mesure, équilibre, de le réformer.

Je formulerai un seul regret : la difficulté pour les parlementaires, y compris ceux de la majorité, d'obtenir de Bercy les informations et les chiffres qui leur permettraient de corriger, d'améliorer tel ou tel dispositif. Le débat parlementaire doit bénéficier de davantage de facilités lorsqu'il s'agit d'évaluer, de chiffrer, de préparer les amendements. C'est une question très ancienne, mais je pense que vous vous honoreriez en proposant un certain nombre d'améliorations en la matière.

Le budget pour 2005 est un bon budget et le groupe UMP le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le groupe socialiste, dernier porte-parole des groupes.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce budget se caractérise par des manipulations pour créer l'illusion d'un assainissement des comptes publics,...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Ça commence fort !

M. Augustin Bonrepaux. ...par des réductions de dépenses qui assèchent toutes les politiques publiques, privant de moyens les services publics et les investissements, par des transferts de déficits sur les collectivités locales, les obligeant à des augmentations d'impôts locaux, par l'aggravation de l'injustice fiscale.

L'assainissement des comptes publics n'est qu'une illusion. En deux ans, votre majorité a conduit le pays à un véritable crash des finances publiques. Le bilan est sans appel.

L'audit de juin 2002 situait le déficit entre 2,3 et 2,6 %. Vous avez choisi le niveau maximum : 2,6 %. A la fin de 2002, vous étiez déjà à 3 % et nous en sommes à 3,6% à la fin de 2004. Cette dégradation vertigineuse est bien de votre entière responsabilité.

Quant à la dette, qui était de 58,8 % du PIB en 2002, elle aura atteint 64,8% en 2004 et 65 % en 2005.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Nous payons votre politique !

M. Didier Migaud. Ce n'est pas vrai !

M. Augustin Bonrepaux. Dans une période de quasi-récession, vous avez multiplié les cadeaux fiscaux qui ont réduit les recettes fiscales, sans produire d'effets sur la consommation et l'activité économique.

En 2004, le déficit restera à 3,6 % malgré le retour de la croissance, car il aura été bien insuffisant pour contrebalancer votre absence de stratégie de croissance et d'emploi. Quant à la réduction du déficit annoncée pour 2005, ce n'est qu'une illusion ! Vous présentez un déficit à 2,9 % du PIB, mais cette réduction repose sur plusieurs manipulations.

La première concerne la soulte versée par EDF. Alors qu'elle sera de 9 milliards d'euros, soit plus de 0,5 % du PIB, vous vous vantez d'une réduction de 10 milliards. Sans cette recette exceptionnelle, le déficit serait à 3,4 %. De plus, ces 9 milliards d'euros, que vous engrangez fictivement cette année, ne sont pas définitivement acquis puisqu'il faudra les reverser pour payer les retraites ! C'est donc une dette que vous transmettez à vos successeurs ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ensuite, la transformation du prêt à taux zéro allégera certes le budget de 1,2 milliard en 2005, mais elle renvoie le paiement en crédit d'impôt sur vos successeurs.

Enfin, vous avez opéré un transfert massif des charges sur les collectivités locales, leur laissant le soin de financer les déficits par des augmentations d'impôts locaux.

Parallèlement, la dette publique atteindra 65 % du PIB en 2005, soit une hausse de 10,5 % depuis 2002. Et la programmation pluriannuelle nous indique que, même avec une croissance de 2,5 %, elle resterait à 62 % en 2002.

M. le ministre des finances n'a de cesse de souligner le caractère fondamental de ce critère pour juger de l'état de nos finances. Le résultat est clair : elles sont calamiteuses.

M. Didier Migaud. Tout à fait !

M. Augustin Bonrepaux. De plus, des aléas importants pèsent sur le scénario économique.

Le budget est construit sur une hypothèse optimiste de croissance de 2,5 %, supérieur au consensus des économistes et alors même que nous constatons un ralentissement de l'économie des États-Unis et de l'Asie.

La situation est aussi rendue préoccupante par le prix du pétrole. Si ce prix se maintenait à 50 dollars le baril en moyenne, la croissance pourrait être ramenée à 1,5 % et l'inflation se trouverait bien au-delà de 1,8 %.

Dès maintenant, par votre refus de réactiver la TIPP flottante, vous aggravez la situation de tous les ménages modestes auxquels vous reprenez de fait les effets positifs mais maigres des quelques mesurettes concernant la prime pour l'emploi ou le SMIC. La progression de leur pouvoir d'achat sera remise en cause...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Vous n'êtes pas très cohérent !

M. Augustin Bonrepaux. ...comme cela est déjà le cas en 2004 puisque l'inflation, prévue à 1,8 % sera finalement supérieure à 2,2 %.

L'assèchement des finances publiques menace le fonctionnement de nos services publics et la plupart des investissements. Certes, les dépenses sont en augmentation de 1,8 %, mais la régulation budgétaire est désormais la règle pour ce gouvernement. En 2004, elle aura porté sur 7 milliards d'euros. On peut être surpris qu'avec une croissance supérieure de 0,8 point aux prévisions, il ait fallu une telle régulation pour tenir l'objectif prévu. Aussi cette règle impose-t-elle de financer la plupart des actions par des redéploiements massifs qui remettent en cause la plupart des politiques publiques et sacrifient les investissements et la solidarité.

Comme il vous faut toujours un bouc émissaire, vous évoquez le coût de la réforme de la durée du travail pour cacher votre incapacité à proposer de nouvelles perspectives. Je voudrais, une fois de plus, relever votre mauvaise foi. D'abord, l'allègement des charges salariales ne tient que pour moitié à cette réforme : tous les autres allègements sont de votre fait, et nous pouvons juger de leur inefficacité. Ensuite, grâce à vous, les employeurs peuvent toujours bénéficier des allègements des 35 heures - , alors que vous avez réduit leur contrepartie en termes d'emploi.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Nous payons votre note !

M. Augustin Bonrepaux. L'insuffisance du budget de l'emploi et du travail est à mettre en parallèle avec la montée du chômage, qui atteint 9,9 % de la population active, soit 2,7 millions de personnes. Cette escalade se poursuit malgré une croissance de 2,5 %, ce qui souligne encore plus l'inefficacité de votre politique. Cette progression s'accompagne, en outre, d'un accroissement de la précarité, avec l'augmentation de 10 % du nombre de RMIstes. Quant à vos initiatives, elles se traduisent surtout par des effets d'aubaine pour les entreprises, comme l'échec relatif du contrat jeune ou le manque d'efficacité de mesures telles que le RMA ou le CIVIS.

Quant aux crédits de l'aménagement du territoire, ils subissent une réduction qui va compromettre tous les projets de développement de territoires dont un grand nombre sont déjà privés des crédits européens de l'objectif 2, que vous avez détournés, faute de crédits, pour financer les projets de l'État.

Les crédits de l'équipement et des transports subissent des réductions inquiétantes après les régulations qui paralysent la plupart des investissements des contrats de plan.

Pour les routes, ces réductions entraînent un retard de deux à trois ans des opérations prévues au contrat de plan. Dans toutes les régions, des projets engagés sont paralysés. Les entreprises ne peuvent plus travailler parce qu'il n'y a plus de crédits.

M. Didier Migaud. Elles ne sont plus payées !

M. Augustin Bonrepaux. Il arrive même que des travaux réalisés ne puissent pas être payés, faute d'argent.

M. Didier Migaud. C'est scandaleux !

M. Augustin Bonrepaux. Dans le domaine ferroviaire, la situation est encore plus grave : à la fin du contrat, la moitié seulement des opérations auront été réalisées. Le retard de ces travaux et l'insuffisance des crédits affectés au renouvellement des voies ont des effets dramatiques pour l'avenir du transport ferroviaire. Sur 1 500 kilomètres, la SNCF est obligée de réduire la vitesse car la voie n'offre plus la sécurité nécessaire.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est complètement faux !

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le secrétaire d'État, dans mon département, les trains ne peuvent plus fonctionner.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. La région n'a qu'à prendre ses responsabilités !

M. Augustin Bonrepaux. En outre, les trains doivent réduire leur vitesse, et ce sont les machines, modernisées par la région qui souffrent. On use du matériel tout neuf parce que l'État n'a plus les moyens de financer les contrats de plan !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances,de l'économie générale et du Plan. C'est la conséquence des 35 heures !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le responsable, c'est M. Malvy ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Rodet. Quand il pleut, c'est à cause des 35 heures !

M. Augustin Bonrepaux. Cette politique va se traduire, à terme, par la fermeture de nombreuses lignes. Déjà, la suppression du fret est engagée.

Une fois de plus, nous observons les contradictions du Gouvernement : d'un côté, vous proposez une Charte de l'Environnement dans la Constitution ; de l'autre, vous laissez péricliter les moyens de transport à l'énergie électrique, qui sont les plus respectueux de l'environnement. Vous provoquez ainsi l'invasion de nos zones rurales et de nos vallées de montagne par des convois de poids lourds qui vont les polluer. Ce mépris pour notre environnement est aussi une contradiction économique, à l'heure où le prix du pétrole est excessif et où nous connaissons un excédent d'énergie électrique.

Hier, le ministre des finances nous a fait un cours pour nous expliquer qu'il fallait augmenter la production d'énergie électrique. Mais alors, il ne faut pas compromettre le service public qui est le plus à même de l'utiliser : le transport ferroviaire.

M. Philippe Rouault. Vous vous contredisez ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. Regardez les comptes, mon cher collègue : il y a de quoi être inquiet pour l'avenir. Vous êtes en train de paralyser ce service public de qualité au bénéfice des transports routiers, alors que le ministre nous a dit que, dans trente ans, nous n'aurions plus de pétrole.

M. Alain Rodet. Très bien !

M. Augustin Bonrepaux. L'éducation n'est plus la priorité de ce gouvernement, qui supprime 4 800 postes d'enseignant et déleste l'État de la charge des personnels techniques pour la mettre sur le dos des collectivités locales.

Quant au budget de la recherche, malgré l'annonce d'un crédit supplémentaire d'un milliard d'euros, il ne reçoit que 356 millions, ce qui représente une progression de 3,1 % après la baisse constatée en 2004.

M. Didier Migaud. Affichage !

M. Augustin Bonrepaux. Cette prétendue maîtrise des finances publiques est aussi assurée sur le dos des collectivités locales. Nous constatons aujourd'hui que la réforme de la Constitution avait pour seul but de faciliter les transferts de charges. La promesse d'autonomie fiscale que le sénateur Raffarin avait inscrite dans sa proposition de loi n'est plus qu'un souvenir douloureux puisque la loi organique prévoit un dégrèvement d'impôt et le transfert du produit d'un impôt sans possibilité de le faire varier comme une ressource propre. Jamais un gouvernement n'aura autant trompé les élus !

M. Philippe Rouault. Et l'APA ?

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour une majorité populaire. Et les SDIS ?

M. Augustin Bonrepaux. Vous avez fait des promesses et vous ne les tenez pas ! Vous trompez les élus et vous provoquez l'augmentation des impôts locaux !

M. Nicolas Perruchot. La ficelle est un peu grosse !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Et les droits de mutation en Haute-Garonne ?

M. Philippe Rouault. Très bon argument !

M. Augustin Bonrepaux. Le bilan est malheureusement éloquent et les faits sont irréfutables. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les charges de RMI ont augmenté de près de 10 % et les crédits de transfert de la TIPP n'ont pas augmenté et n'augmenteront pas, comme l'a déclaré le ministre : la compensation du pétrole est moindre, puisque les prix augmentent. Les dépenses augmentent et les crédits diminuent. Est-ce ainsi que nous allons équilibrer nos finances publiques ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Quant au transfert des TOS, il se traduira par une augmentation du déficit de près de 25 %, parce que des emplois jeunes seront supprimés et que le financement des contrats CES et CEC ne sera pas transféré par l'État, ce qui nous placera devant le choix de laisser péricliter le service public ou de créer des emplois supplémentaires - et ce sont encore les contribuables locaux qui en paieront l'addition !

M. Nicolas Perruchot. Avez-vous oublié les emplois-jeunes ?

M. Augustin Bonrepaux. Vous vous vantez d'avoir inscrit la péréquation dans la Constitution,...

M. Louis Giscard d'Estaing. Nous nous en honorons !

M. Augustin Bonrepaux. ...mais le dispositif que vous prévoyez en la matière est plutôt de l'anti-péréquation, comme tous mes collègues des départements ruraux vont s'en rendre compte à leurs dépens. Vous gelez la dotation forfaitaire pour toutes les communes, y compris les plus pauvres. À quoi bon, alors, modifier le potentiel fiscal, si vous ne vous en servez pas pour garantir une progression convenable aux communes les plus défavorisées ?

Vous prévoyez la même sanction pour les départements. Comme d'habitude, votre solidarité est surtout dirigée vers les plus aisés, qui connaîtront les plus fortes progressions. Ainsi, vos critères vous conduisent à attribuer une dotation de solidarité au département des Hauts-de-Seine - M. Sarkozy n'y est certainement pour rien ! -, à Paris, au Rhône, aux Alpes-Maritimes, au Bas-Rhin et à la Haute-Savoie, qui ont le potentiel financier le plus élevé de France.

Pour les départements ruraux, c'est pire : l'Ain - qui bénéficie par ailleurs de crédits reversés par la Suisse -, la Drôme ou la Savoie, dont le potentiel fiscal est de 400 euros, connaissent une progression maximale, de 20 %. En revanche, tous les départements pauvres - la Haute-Loire, le Cantal, la Lozère, l'Aveyron, l'Ariège (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), la Creuse, la Gers, le Lot,... -, qui bénéficiaient jusqu'ici de la solidarité parce qu'ils ont, avec 250 euros seulement, un potentiel fiscal inférieur, ne connaîtront qu'une progression minimale. Vous aggravez les inégalités que les précédents gouvernements avaient progressivement réduites.

M. Yves Jego. C'est n'importe quoi !

M. Augustin Bonrepaux. Non, ce n'est pas n'importe quoi ! Avant de parler, reportez-vous donc à la page 553 du rapport du rapporteur général, que je citerai au cours du débat !

M. Alain Rodet. Ça, ce n'est pas n'importe quoi !

M. Augustin Bonrepaux. Vos mesures fiscales illustrent également l'adage selon lequel la droite ne prête qu'aux riches. Elles sont socialement injustes et économiquement inefficaces. Les cadeaux fiscaux sont concentrés sur les ménages les plus aisés, qui ont déjà bénéficié de la baisse de l'impôt sur le revenu. La baisse des droits de succession concerne moins de 20 % des ménages. En effet, la valeur médiane des successions est de 55 000 euros, et 10 % seulement dépassent 200 000 euros. Le seuil retenu de 100 000 euros prouve d'autant mieux que votre démarche est clientéliste que les donations-partages bénéficient déjà, tous les dix ans, d'une exonération de 46 000 euros, ce qui permettra de transmettre des patrimoines bien supérieurs à 100 000 euros.

Quant à la hausse de 10 000 à 15 000 euros du plafond de déduction pour emploi à domicile, elle illustre parfaitement votre démarche en faveur des privilégiés. Vous allez consacrer 65 millions d'euros à 40 000 familles très aisées, pour lesquelles il s'agira surtout d'un effet d'aubaine. Vous dévoyez une mesure d'incitation à l'emploi en cadeau exorbitant, alors que 900 000 familles modestes qui emploient des salariés à domicile n'auront rien, parce qu'elles ne sont pas imposables et que vous refusez de transformer ces cadeaux aux plus aisés en crédits d'impôt pour les plus modestes.

M. Philippe Rouault. Des amendements ont été proposés en ce sens.

M. Marc Laffineur. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait vous-même ?

M. Augustin Bonrepaux. Avec ce dispositif, un célibataire disposant d'un revenu de 2 760 euros ne paiera plus d'impôts, de même qu'un couple avec deux enfants disposant d'un revenu mensuel de 4 600 euros. Cela illustre bien toute l'injustice de votre réforme.

Comme votre majorité trouve que ce n'est pas suffisant, elle va aussi se pencher sur le sort des trois cent mille privilégiés, qui représentent 1 % des ménages, qui vont bénéficier d'une baisse de l'impôt sur les grandes fortunes. Vous avez déjà adopté en commission une revalorisation permanente du barème, et même obtenu une exonération totale de la résidence principale. Avec vous, il n'y en a jamais assez pour les plus riches !

M. Jean-Pierre Brard. Insatiables gloutons !

M. Yves Jego. Quelle pitrerie !

M. Augustin Bonrepaux. Mais, pour tous les autres, ce sont des augmentations !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. C'est Rocard ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard. Les turpitudes des uns ne peuvent excuser celles des autres !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. C'est un peu mieux !

M. Yves Jego. C'est le Muppet Show !

M. Augustin Bonrepaux. Le Gouvernement reconnaît que les prélèvements obligatoires vont augmenter. Mais comme ils baissent pour les plus riches, ils ne peuvent qu'augmenter pour tous les autres.

Il y a d'abord les prélèvements sociaux : la CSG et la CRDS, ainsi que l'« euro Raffarin » versé pour chaque consultation médicale.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est votre déficit !

M. Augustin Bonrepaux. Ce sont ensuite les impôts Raffarin, imposés aux collectivités locales par les transferts de charges de l'État.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est votre passif !

M. Augustin Bonrepaux. C'est encore l'augmentation du prix du gazole, qui pénalise aussi particulièrement les plus modestes.

Les modifications applicables à la prime pour l'emploi ne représentent que 410 millions d'euros pour 8,5 millions de travailleurs, soit 4 euros par mois. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Didier Migaud. Vous l'avez chiffré !

M. Augustin Bonrepaux. Ces chiffres doivent être comparés aux 65 millions accordés à 40 000 familles : quand vous donnez 4 euros aux plus modestes, vous en donnez 135 - trente-cinq fois plus ! - aux plus aisés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Et l'emploi, vous vous en moquez ?

M. Augustin Bonrepaux. Vous vous moquez de nous, monsieur le secrétaire d'État ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous savez très bien que ces mesures ne créeront pas un emploi de plus !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Vous n'y connaissez rien ! C'est à croire que vous n'avez pas de circonscription !

M. Augustin Bonrepaux. Les emplois sont déjà là et la déduction fiscale sera un effet d'aubaine pour les plus riches : voilà votre politique. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Et les personnes âgées ?

M. Augustin Bonrepaux. Pour les 900 000 pauvres qui ne sont pas imposables, il n'y a aucune déduction - rien ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Il faudrait qu'ils se fassent embaucher comme valets de chambre ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Et le SMIC ?

M. Marc Laffineur. Vous aviez inventé cinq SMIC différents !

M. le président. Mes chers collègues, un peu de calme, je vous prie !

M. Augustin Bonrepaux. On voit ainsi toute l'injustice de votre politique, qui va jusqu'à rendre l'accès au logement plus difficile pour les plus modestes. Vous remettez en cause le prêt à taux zéro, pour des considérations purement budgétaires : alléger les dépenses de cette année et transférer le crédit d'impôt sur les années futures. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Cette mesure a d'ailleurs provoqué une levée de boucliers car, comme le note la Fédération bancaire française, pour les ménages modestes, le prêt à taux zéro est souvent une condition à la réalisation de leurs opérations.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. La FBF est d'accord !

M. Augustin Bonrepaux. La réforme de la redevance audiovisuelle se révèle aussi inégalitaire.

Ainsi, les personnes âgées non imposables sur le revenu, mais redevables de la taxe d'habitation, y seront assujetties.

Quant à l'exonération des résidences secondaires, elle est à la fois incompréhensible, puisqu'au motif de réduire la fraude, vous supprimez la redevance...

M. Jean-Pierre Brard. Exactement !

M. Augustin Bonrepaux. ...et injuste, car contraire au principe d'égalité devant l'impôt. Si vous prenez deux habitants voisins, l'un paiera la redevance parce qu'il est résident permanent, et l'autre ne la paiera pas, parce qu'il est résident secondaire.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais il la paye ailleurs !

M. Augustin Bonrepaux. Par ailleurs, vous savez que les propriétaires de résidences secondaires ne font pas partie des catégories les plus défavorisées.

De plus, l'État refuse de compenser les exonérations et les cadeaux accordés à ces résidences secondaires, mettant ainsi en péril l'équilibre financier de ces services.

Sous le prétexte de l'emploi et des délocalisations, vous accordez des avantages fiscaux aux entreprises sans aucune contrepartie pour l'emploi.

M. Jean-Pierre Brard. Comme d'habitude !

M. Augustin Bonrepaux. À propos des délocalisations, vous faites une fixation sur la fiscalité, mais votre politique compromet tous les atouts de notre pays : une recherche de qualité dont vous avez réduit les moyens, des infrastructures de qualité dont vous compromettez le développement (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), la qualité de la main-d'œuvre... Votre politique de réduction aveugle des dépenses compromet tous ces atouts alors que vos mesurettes n'auront pas l'effet annoncé.

M. Jean-Claude Sandrier. Ils tirent tout vers le bas !

M. Augustin Bonrepaux. D'autant plus qu'avec l'application de la règle communautaire, l'aide sera plafonnée à 30 000 euros par an et par entreprise.

Une fois de plus, on ne peut que souligner vos contradictions. Vous prétendez inciter les entreprises à revenir en France au moyen d'une réduction fiscale de 30 000 euros, mais l'attribution du bénéfice mondial consolidé à Vivendi va lui faire économiser 3,8 milliards d'euros, sous le prétexte avoué, tout à fait inverse, de « stimuler l'implantation à l'étranger des entreprises françaises ».

M. Jean-Pierre Brard. Tout à fait !

M. Arnaud Lepercq. Qu'avez-vous fait quand vous étiez au pouvoir ?

M. Augustin Bonrepaux. Ainsi, quand vous donnez 30 000 euros pour faire revenir les entreprises en France, vous en donnez 362 000 pour permettre à certaines entreprises privilégiées de créer de l'emploi à l'étranger.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Vous ne savez même pas de quoi vous parlez ! Votre incompétence est incroyable !

M. Augustin Bonrepaux. Je cite les chiffres figurant dans le dispositif qui justifie l'attribution du bénéfice mondial consolidé à Vivendi. Je vous invite à relire vos textes, monsieur le ministre, car cela s'y trouve bel et bien.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Et moi je vous invite à apprendre à lire, monsieur Bonrepaux !

M. Jean-Pierre Brard. 1,9 million d'euros par emploi !

M. Augustin Bonrepaux. Pour conclure, nous ne pouvons que combattre votre action. Celle-ci ne comporte aucune stratégie en termes de politique économique pour donner des perspectives à notre pays, mais se définit par une politique fiscale au service du dogme libéral qui accroît les inégalités,...

M. Jean-Pierre Brard. Une politique fiscale idéologique !

M. Augustin Bonrepaux. ...une situation sociale alarmante, des politiques publiques asséchées par le désengagement d'un État désargenté,...

M. Yves Jego. La faute à qui ?

M. Augustin Bonrepaux. ...l'obligation faite aux collectivités locales de remplacer au pied levé l'État si elles veulent offrir à leurs habitants des services publics à la hauteur de leurs besoins, avec toujours plus de charges pour les plus modestes, et toujours plus de ressources pour les plus aisés.

M. Jean-Pierre Brard. Exactement !

M. Yves Jego. Quelle caricature !

M. Augustin Bonrepaux. Ainsi, progressivement, vous préparez une France à deux vitesses. Vous devriez d'ailleurs vous inquiéter, mes chers collègues des zones rurales, car vous aurez bientôt, si ce n'est déjà le cas, à répondre à des interrogations à ce sujet dans vos circonscriptions. Vous préparez, disais-je, une France à deux vitesses soumise à la loi du plus fort, où l'État n'assure plus sa mission de gardien de l'égalité des chances, de solidarité pour tous sur l'ensemble du territoire.

Cette France n'est vraiment pas celle que nous souhaitons. C'est pourquoi nous combattrons avec détermination cette politique inégalitaire qui sacrifie l'avenir de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, encore abasourdi par le discours passéiste de M. Bonrepaux,...

M. Jean-Pierre Brard. Quant à vous, c'est la modernité des pompes funèbres que vous nous offrez !

M. Augustin Bonrepaux. Pendant le débat, nous verrons bien qui est passéiste !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ...je me propose de répondre plus tard à l'ensemble des orateurs, aussi bien aux quatre porte-parole des groupes qui viennent de s'exprimer qu'aux orateurs qui vont leur succéder (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Nous poursuivons donc la discussion générale.

M. Augustin Bonrepaux. Mais ce n'est pas une réponse !

M. Jean-Pierre Brard. Le Gouvernement est aphone !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je suis avant tout à l'écoute du Parlement !

M. le président. Mes chers collègues du groupe socialiste, vous avez été peu attentifs aux propos de votre porte-parole, mais j'espère que vous aurez la courtoisie d'écouter les représentants de l'UMP !

M. Jean-Pierre Brard. Ils n'ont pas la liberté de parole !

M. le président. N'en faites pas trop, monsieur Brard !

M. le président. La parole est à M. Yves Deniaud.

M. Yves Deniaud. Et ma parole est parfaitement libre, je tiens à le préciser.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la persévérance sera récompensée. C'est le postulat sur lequel le Gouvernement, soutenu par la majorité, a choisi de bâtir la politique financière de la France pour les cinq ans de la législature. Un assainissement en profondeur a été entrepris il y a deux ans et demi, dans une période de croissance faible, en ayant hérité d'une situation budgétaire mensongère et d'un déficit accru de 16 milliards d'euros entre l'annonce et la constatation de la réalité.

M. Marc Laffineur. Excusez du peu !

M. Yves Deniaud. C'était effectivement le plus gros mensonge budgétaire depuis celui de 1993.

La réduction du déficit et de la dette est, dans la durée, le résultat d'une croissance forte, accompagnée par une gestion des finances publiques suffisamment rigoureuse pour que l'amélioration des chiffres soit patente, mais sans casser les chances de reprise.

C'est ce pilotage fin qui a été choisi par les prédécesseurs immédiats du ministre des finances, et c'est celui qu'il pratique, dans des circonstances redevenues plus favorables, sans se laisser griser, comme le gouvernement socialiste il y a cinq ans, par une pseudo-cagnotte.

Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est vous qui l'avez inventée !

M. Yves Deniaud. En tout cas, c'est vous qui l'avez dépensée !

Pour la troisième année consécutive, les dépenses de l'État n'augmenteront que du montant prévisible de l'inflation, le surplus né de la croissance étant exclusivement consacré à la réduction du déficit atteignant le chiffre record de 10,2 milliards d'euros. Les critiques sont doubles, et totalement contradictoires. D'une part, classiquement, la gauche réclame des dépenses supplémentaires comme si, avec une dette de bientôt 1 100 milliards d'euros et un déficit à 55 milliards en 2004, on pouvait se les permettre. D'un autre côté, on nous reproche de ne pas réduire assez le déficit. Il faudrait, nous dit-on, faire beaucoup plus. Cependant l'exemple des Pays-Bas, qui ont démoli leur croissance par une rigueur trop brutale, nous montre ce qu'il ne faut pas faire. En outre, trois ans sans que l'augmentation des dépenses ne dépasse celle de l'inflation, trois ans sans que les dépenses effectuées ne dépassent les dépenses annoncées, depuis quand ne l'avait-on pas vu ?

M. Didier Migaud. Simple effet d'optique ! La Cour des Comptes l'a démontré !

M. Yves Deniaud. Absolument pas ! Et pour reprendre une expression familière du ministre de l'économie et des finances, si c'était si facile, pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?

Je suis persuadé, au contraire, que c'est la bonne voie qui a été choisie. L'assainissement financier suppose deux conditions : la durée et la mesure, parce qu'il doit pénétrer profondément les mentalités et les habitudes collectives pour réussir.

Savoir, année après année, qu'il est illusoire d'espérer un supplément de ressources ailleurs que dans des économies sur d'autres dépenses, c'est ce qui fera admettre en profondeur les nouvelles règles de comportement permanentes qui doivent régir la gestion financière publique. C'est aussi tout le sens de la loi organique que vous allez nous proposer, et qui régira, pour l'avenir, l'utilisation des surplus fiscaux éventuels. Il faut du temps pour opérer ces changements de comportement, en particulier dans les administrations habituées depuis longtemps aux facilités de la dépense mal contrôlée. Entre 1997 et 2002, par exemple, les dépenses constatées ont été chaque année largement supérieures aux sommes prévues par la loi de finances initiale. Il faudra sans doute le même temps pour que la règle inverse soit comprise, intégrée et acceptée.

La difficulté à faire entrer ces bonnes pratiques dans les esprits peut s'observer dans le comportement des collectivités locales qui ont changé d'orientation au printemps.

M. Jean-Pierre Brard. En effet, elles sont toutes passées à gauche !

M. Yves Deniaud. Alors que la décentralisation n'a encore produit aucun effet pratique, on entend hurler au loup contre un soi-disant « impôt Raffarin ».

M. Jean-Pierre Brard. On en voit la queue ! (Sourires)

M. Yves Deniaud. En réalité, c'est la hausse des dépenses de fonctionnement, la volonté de résurrection régionale des emplois-jeunes, les subventions culturelles et socioculturelles très orientées, mais aussi des recrutements massifs pour ne pas dire l'inflation des vice-présidences, des cabinets, des secrétariats, des voitures et des chauffeurs, qui constitueront la source des augmentations pour 2005, et pas les lois de décentralisation (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. C'est misérable !

M. Gérard Bapt. Parlez-nous plutôt de Gaston Flosse !

M. Yves Deniaud. Je peux vous donner des exemples, des chiffres et des noms !

M. Marc Laffineur. Il suffit de voir ce qui se passe à Montpellier !

M. le président. Allons, mes chers collègues !

M. Yves Deniaud. L'autre reproche fait à ce budget, c'est qu'il ne serait pas social. Nous n'avons aucun complexe à avoir, car le social ne se confond pas avec l'assistance.

M. Jean-Pierre Brard. On le sait bien que vous n'avez aucun complexe !

M. Yves Deniaud. Le contenu de cette loi de finances à destination des entreprises, de l'apprentissage, de la recherche et l'innovation, des services à la personne, comme tout ce que nous avons fait depuis deux ans et demi : contrats jeunes en entreprise, contrats initiative emploi relancés, hausse du SMIC, complétée en 2005, tout cela vise à promouvoir les vrais emplois, les contrats à durée indéterminée dans le secteur productif, pas les ersatz et la précarité.

De la même façon, l'extension du prêt à taux zéro qui restera, contrairement aux rumeurs mensongères, d'une application aussi simple pour les bénéficiaires, mais sera considérablement élargi, ainsi que la baisse des droits de succession, ou la facilitation des donations - autre grand succès - relèvent de la même ligne de conduite. La France, après tant d'années marquées par le socialisme, ne compte aujourd'hui que 55 % de propriétaires de leur logement, contre 66 % en Grande-Bretagne, 70 % en Allemagne, et 80 % en Espagne.

Permettre à 3 millions de foyers supplémentaires de devenir propriétaires de leur logement dans la décennie à venir constitue, me semble-t-il, un grand objectif social. Ce que nous ambitionnons de transmettre aux générations à venir, c'est le droit à un vrai emploi et à la propriété de son logement, plutôt que le droit aux HLM et au RMI.

Maîtriser strictement la croissance des dépenses publiques et changer, à cet égard, les mentalités, ne peut se concevoir sans la réforme de l'État. L'État doit être plus mince mais plus musclé, c'est-à-dire plus efficace et plus simple pour les citoyens.

En sens inverse, sans la contrainte financière, on ne parviendrait pas à réformer l'État. Si l'on continuait de penser qu'il suffit de se débrouiller pour grappiller quelques sommes de-ci, de-là, on ne ferait pas l'effort d'imagination nécessaire pour tout remettre en cause, revoir les effectifs, changer les méthodes, simplifier les organisations et les procédures.

C'est bien la pression financière qui permet de faire avancer les stratégies ministérielles de réforme, quand les habitudes viennent se briser sur le mur du montant des dépenses prévues.

Par ailleurs, nous sommes convaincus, avec l'application de la loi organique sur les lois de finances, que le renforcement du contrôle parlementaire aidera puissamment à la réforme de l'État.

Nous nous félicitons tout particulièrement de la réforme de la redevance audiovisuelle issue des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle des dépenses publiques, entamés sous la précédente législature à l'initiative de Didier Migaud, et aboutis sous l'égide de Patrice Martin-Lalande. J'espère que nos travaux sur l'archéologie préventive, qui pose encore problème, sur les outils d'analyse et de prospective économique, sur la DATAR et le commissariat au Plan, sur la journée de préparation à la défense, et sur le financement du système ferroviaire, connaîtront le même sort. Je suis convaincu que l'État ne peut qu'y être gagnant.

En tout cas, nous aurons à cœur d'assurer le suivi de ces propositions dans les discussions budgétaires, car ce n'est que dans la durée et l'obstination que le contrôle parlementaire peut être suivi d'effets bénéfiques.

Enfin, j'aimerais vous inciter à aller plus loin encore sur le respect des engagements de l'État. C'est la première fois que l'engagement de respecter scrupuleusement le montant voté des dépenses est tenu...

M. Didier Migaud. Vous plaisantez ? L'État ne respecte aucun de ses engagements !

M. Yves Deniaud. ...et c'est la première fois que les lois de programmation - trois à la fois : défense, sécurité, justice - sont scrupuleusement exécutées.

Il serait bon que nous soyons meilleurs dans l'exécution des contrats de plan.

L'opposition s'est emparée de ce thème, oubliant que, malgré la forte croissance qu'elle a connue, elle n'a exécuté les contrats de plan finissant le 31 décembre 1999 qu'à 80 %, et n'a fait avancer ceux de la période 2000-2006 qu'à hauteur de 10 % seulement et en deux ans !

M. Augustin Bonrepaux. Je vous rappelle que l'actuelle majorité est en place depuis deux ans et demi !

M. Arnaud Lepercq. Certes, mais le trou à combler est énorme, monsieur Bonrepaux !

M. Yves Deniaud. Pour autant, nous ne devons pas nier les progrès à accomplir en matière d'exécution des budgets d'investissement civil, ni l'évolution souhaitable dans la pratique du gel budgétaire. En effet, ce sont toujours les dépenses d'investissement qui trinquent. Or, cela nuit à l'équipement du pays, et donc à la croissance, fait manquer l'État à sa parole, et constitue un gâchis financier certain, comme la Cour des comptes le relève régulièrement, l'allongement des délais signifiant toujours envolée des prix.

Les changements heureux que vous pilotez dans le comportement de l'État doivent encore être complétés. Le progrès doit être perpétuel. C'est d'ailleurs l'honneur de l'action publique.

Au bout du compte, la persévérance dans l'effort d'assainissement qui caractérise ce budget, le parti qui est tiré de la croissance, le choix judicieux de dispositions favorables au soutien à l'activité, à l'emploi, à du social durable, plutôt qu'à de l'assistance, et tout cela malgré les conditions financières dont vous avez hérité, méritent, monsieur le secrétaire d'État, un soutien à la mesure de l'exceptionnelle qualité du travail accompli pour le bâtir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. En préliminaire à mon propos, je voudrais faire observer à mon collègue Deniaud que ce n'est pas une bonne méthode d'attaquer ainsi les nouveaux élus des conseils régionaux et généraux.

M. Jean-Pierre Brard. Une telle dérouillée devrait en effet inciter à la modestie !

M. Jean-Pierre Balligand. La démocratie, c'est de respecter la volonté des électeurs. Que je sache, la mise en place des présidents et des vice-présidents dans les régions n'a pas à être soumis à la vindicte. En outre, vous êtes mal placé pour parler, monsieur Deniaud, dans la mesure où le Gouvernement doit, aujourd'hui, 200 millions aux départements, simplement au titre du RMI-RMA. Ne nous faites donc pas la morale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Marc Laffineur. Parlez-nous plutôt de l'APA et des SDIS !

M. Jean-Pierre Balligand. J'en reviens à mon intervention sur le projet de loi de finances.

Je n'ai pas l'habitude de la langue de bois et des caricatures : le budget que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d'État, est contraint par la conjoncture et par deux années pleines de gestion économique libérale. Si vous vous êtes attelés avec raison à la rigueur budgétaire - je pense par exemple à la réduction du déficit -, c'est non pas totalement par choix mais pour répondre aux critères européens puisque vous aviez laissé pendant deux ans dériver de manière substantielle les finances publiques.

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !

M. Jean-Pierre Balligand. Là où je vous suis moins, en revanche, c'est quand vous voulez faire du rapport Camdessus le nouveau Petit livre rouge...

M. Jean-Pierre Brard. Rappelez-vous comment le précédent a fini !

M. Jean-Pierre Balligand. Pour ne fâcher personne, on peut parler de Petit livre vert puisque le document remis est de cette couleur. (Sourires.)

M. Marc Laffineur. C'est mieux, en effet ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Balligand. Il n'empêche, j'ai repéré dans ce projet de budget dont j'abordais l'examen avec les meilleures intentions, les mêmes caractéristiques regrettables de ses prédécesseurs, à savoir quelques tactiques, beaucoup d'incohérence et, pour finir, une très grande injustice.

Comme chaque année, les Français ont d'abord eu droit aux traditionnels « tirs de semonce » auxquels le Gouvernement les a habitués depuis 2002 : des « ballons d'essai » lancés en plein été et en catimini de la représentation nationale.

Cette manière de procéder, à tâtons, a quelquefois des issues heureuses. Ainsi, votre projet d'amnistie fiscale pour le rapatriement des capitaux illégalement sortis du territoire a été finalement repoussé.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Pour l'instant !

M. Arnaud Lepercq. À vous entendre, on n'aurait plus le droit d'avoir des idées !

M. Jean-Pierre Balligand. En tout cas, il y a une petite reculade.

Quant aux projets portant sur les conditions de versement des pensions de réversion ou sur l'enterrement du prêt à taux zéro, ils continuent de faire l'objet de tractations entre les différentes factions de la majorité, signe que dans ce gouvernement l'action précède le plus souvent la réflexion.

M. Jean-Pierre Brard. Très juste !

M. Jean-Pierre Balligand. Mais je vois aussi parfois dans cette attitude une volonté délibérée de faire diversion : laisser les médias se concentrer sur un leurre - et, reconnaissons-le, les médias tombent vite dans le panneau - pendant que les députés UMP modèlent tranquillement le reste de la loi de finances et taillent des coupes bien plus claires que celles dont vous aviez rêvé.

Je vous vois sourire, monsieur le président de la commission des finances. Il est vrai que vous êtes un orfèvre en la matière. Cela fait vingt-trois ans que je vous vois à l'œuvre dans cette maison et je dois reconnaître que votre libéralisme de plus en plus débridé fait merveille. Vous êtes d'ailleurs remarquable dans le rôle de chef d'orchestre de ces opérations de diversion.

M. Jean-Pierre Brard. C'est le Karajan de l'Assemblée ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Balligand. L'exemple type est le relèvement du plafond de la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile. Vous vous êtes bien gardé de chiffrer le coût global de cet avantage infondé qui touchera moins de 40 000 familles. Et pour cause ! Le plafond de 15 000 euros sera sans doute revu à la baisse, en vertu de votre sens recouvré de la justice sociale, et l'addition sera en définitive bien en deçà d'une autre facture : celle de la réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune, que vous vous apprêtez à laisser passer « la main sur le cœur » - actualisation du barème, plafonnement de l'impôt et abattement sur la résidence principale, le tout pour près de 200 millions d'euros. C'est là qu'on voit l'habileté de la diversion.

C'est un premier aspect de ce cru budgétaire : à force de concessions et de compromissions, il louvoie sans ligne directrice globale.

Il en découle une particularité cruelle : le projet de loi de finances pour 2005 fourmille de paradoxes. J'en ai pour ma part dénombré six.

Premièrement, la réduction du déficit est acquise presque uniquement grâce à la soulte de 6,9 milliards d'euros que EDF et GDF vont verser au budget de l'État...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Cela n'a rien à voir ! Ce n'est pas dans le budget de l'État !

M. Jean-Pierre Balligand. ...en échange de la prise en charge de leurs retraites par la Caisse nationale d'assurance vieillesse et les caisses de retraite complémentaire.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Mais non ! Lisez donc le projet !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce n'est pas dans le budget de l'État !

M. Jean-Yves Chamard. Bien sûr que non !

M. Jean-Pierre Balligand. Le problème, c'est que la CNAV juge cette soulte sous-évaluée de 33 % par rapport à son propre déficit prévisionnel et que la différence - car il y en aura une - sera réglée in fine par tous les Français, mais sur leur bulletin de paye !

Deuxième paradoxe, cette stabilisation apparente du budget de l'État dissimule mal une altération historique de la dette publique, qui frôlera 65 % du PIB en 2005, contre 60 % en 2003.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. On paie vos erreurs !

M. Didier Migaud. Ce n'est pas vrai, monsieur Bussereau ! Relisez l'audit !

M. Jean-Pierre Balligand. Vous vous faites soudain plus discrets sur le respect des critères de Maastricht...

Troisième paradoxe, la « croissance zéro » annoncée des dépenses n'est acquise que par la transformation d'une partie de ces dépenses en moindres recettes fiscales. Ainsi, le prêt à taux zéro transformé en crédit d'impôt ou la réforme de la taxe d'apprentissage. Cette stratégie est doublement frauduleuse, car c'est une manipulation comptable chiffrée à 2 milliards d'euros de recettes fiscales en moins, qui aura le mauvais goût - un pur hasard sans doute - de grever les marges de manœuvre de tous les successeurs de Nicolas Sarkozy à Bercy...

Quatrième paradoxe, vous prétendez officiellement avoir suspendu le mouvement de baisse des impôts : sur ce point, vous avez notre accord. Mais dans le même temps - double paradoxe - vous acceptez de baisser l'impôt pour les plus riches avec la baisse de l'ISF, tandis que les Français verront au final les prélèvements obligatoires augmenter en 2005, en raison, d'une part, de la croissance prévisible de la fiscalité locale induite...

M. Arnaud Lepercq. Par les régions...

M. Jean-Pierre Balligand. Non ! Ce sont surtout les départements qui seront concernés !

M. Arnaud Lepercq. Prenons rendez-vous !

M. Jean-Pierre Balligand. ...croissance prévisible de la fiscalité locale induite par vos transferts de compétences non financés et, d'autre part, des 6,5 milliards d'euros de prélèvements sociaux supplémentaires autorisés par vos réformes de l'assurance-maladie, des retraites et par l'instauration d'une journée de solidarité.

M. Arnaud Lepercq. Vous êtes contre la solidarité ?

M. Jean-Pierre Balligand. Cinquième paradoxe, le Gouvernement et sa majorité se sont publiquement engagés, il y a six mois, à remettre en cause le maquis illisible et injuste des niches fiscales. Ce sont les mêmes pourtant qui s'apprêtent à entériner la création de pas moins de trois nouvelles méthodes de défiscalisation et à en renforcer plusieurs autres.

M. Arnaud Lepercq. Lesquelles ?

M. Jean-Pierre Balligand. Sixième paradoxe, le Premier ministre avait mis un point d'honneur, après le fiasco du budget 2003 - 2,5 % de croissance prévus pour 0,2 % réalisé - à se montrer moins irréaliste à l'avenir dans ses prévisions budgétaires. Or tous les économistes estiment aujourd'hui qu'un projet de budget basé sur un baril de pétrole à 36,50 dollars est voué à l'utopie.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Vous n'en savez rien !

M. Jean-Pierre Balligand. Vos prévisions de croissance pour 2005 apparaissent donc une nouvelle fois largement surestimées, avec à la clé le risque d'un alourdissement d'au moins 0,4 % du déficit budgétaire et ses dommages collatéraux sur le plan social...

Il faut dire que, sur le terrain social, l'hypocrisie le dispute au mépris. Alors que le nombre d'allocataires du RMI a augmenté de 1,1 million en 2003 - soit plus 4,9 % sur un an -, alors que le nombre de chômeurs s'est accru de 200 000 depuis juin 2002, la plupart des dispositions que vous envisagez pour 2005 sont criantes d'injustice. Jugez plutôt : d'un côté, une hausse de la prime pour l'emploi de 2,3 % hors inflation, pour un coût de 410 millions d'euros - soit un peu moins de 4 euros supplémentaires par mois pour 8,5 millions de bénéficiaires -...

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui ! Belle considération pour les gens modestes !

M. Jean-Pierre Balligand. ...de l'autre, outre la baisse de l'ISF déjà évoquée, un réaménagement des droits de succession qui profitera aux 20 % de ménages les plus aisés, pour un coût de 600 millions d'euros.

Précisément, le discours qu'a tenu le ministre d'État, pour justifier cette « grande braderie » en matière d'héritage est tout bonnement mensonger. Vous prétendez fonder votre réforme sur le montant moyen des successions en France - 100 000 euros. Or, vous n'ignorez pas que leur montant médian se situe en réalité fort loin de cette valeur - autour de 55 000 euros - et qu'il est fallacieux, par conséquent, de prétendre que cette réforme bénéficiera au plus grand nombre.

Les statistiques nationales ont d'ailleurs le mérite de la clarté : 90 % des transmissions entre époux et 80 % des transmissions en ligne directe ne donnent déjà lieu à aucune perception de droits. Concédez que cela contredit l'équité de votre réforme. Reconnaissez également qu'en agissant ainsi, vous contribuez à alimenter encore un peu plus le fantasme que nos concitoyens nourrissent pour des droits de succession que très peu acquittent en réalité...

En vérité, nous retrouvons dans ce projet de loi de finances pour 2005 les attributs traditionnels du clientélisme. Ce qui signifie que vous laissez dans la marge les vrais problèmes des Français.

Les cours du pétrole, par exemple, sont dès aujourd'hui une source d'inégalités entre les Français.

M. Arnaud Lepercq. C'est la faute au Gouvernement sans doute !

M. Jean-Pierre Balligand. Quand on sait que 40 % des ménages vivent avec un revenu disponible inférieur à 1 600 euros par mois, la crise pétrolière justifie dès à présent une autre réponse que ce saupoudrage catégoriel auquel on a assisté.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Et vous payez comment ?

M. Jean-Pierre Balligand. Je veux bien croire à vos derniers revirements sur ce sujet : espérons qu'ils seront suivis d'effets pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous propose une suspension de séance de cinq minutes.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, j'indique à mesdames et messieurs les députés que le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Nicolas Sarkozy, regrette de ne pas être parmi eux. Il se trouve actuellement à Luxembourg, où il participe à une réunion très importante de l'Eurogroupe, réunion qui a notamment pour objet d'étudier les problèmes pétroliers que nous évoquions ici même cet après-midi, au cours des questions au Gouvernement comme dans le cadre du débat budgétaire. Je demande donc à l'Assemblée de bien vouloir l'excuser.

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si les deux premières années de la législature ont été difficiles pour la croissance et l'emploi, les réformes parfois douloureuses mais nécessaires entreprises par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin commencent à porter leurs fruits.

La réforme du régime des retraites, les baisses successives de l'impôt sur le revenu, la réforme de la sécurité sociale, la lutte contre l'insécurité : autant de textes votés dans un contexte difficile mais qui ont permis de redonner confiance aux Français. La part accordée à l'épargne a diminué, ce qui a entraîné la relance de la consommation.

Notre pays renoue depuis le premier semestre 2004 avec une croissance forte, supérieure en moyenne d'un point à celle des autres pays européens. Par ailleurs, la consommation des ménages et l'investissement des entreprises reprennent. Le déficit public fléchit et devrait tomber l'année prochaine sous la barre des 3 %. Bref, toutes les conditions sont réunies pour l'établissement d'une croissance saine et durable.

M. Yves Cochet. Mais non !

M. Marc Laffineur. Le projet de loi de finances reflète ce retour de la croissance et vise à le consolider. C'est ainsi que de nouveaux allégements sont consentis aux ménages et aux entreprises, pendant que se poursuit la baisse de notre déficit public.

Il s'agit d'un budget équilibré, centré autour de quatre priorités : la réduction du déficit, le soutien à l'emploi par l'investissement, notamment à travers le plan de lutte contre les délocalisations, la recherche d'une plus grande justice sociale et le rétablissement de l'État dans ses prérogatives régaliennes.

Première priorité du Gouvernement, la réduction du déficit. Le projet de loi de finances pour 2005 prévoit un déficit de 44,9 milliards d'euros, soit une réduction de plus de 10 milliards d'euros. C'est la plus forte réduction jamais réalisée en une année, depuis vingt-trois ans de déficit !

Un tel effort est le résultat conjugué d'une augmentation des recettes plus importante que ce qui était prévu et d'une discipline budgétaire retrouvée. En effet, pour la troisième année consécutive, les dépenses de l'État sont stabilisées en volume. C'est ainsi que la France pourra respecter son engagement de ramener le déficit public sous la barre des 3 %. Il atteindra 2,9 % l'année prochaine.

Par ailleurs, afin d'éviter toute polémique en cas de surplus imprévu de recettes et de ne pas risquer d'en gâcher les bénéfices, comme cela s'est produit il y a quelques années, une loi organique permettra d'en répartir à l'avance la destination.

La deuxième priorité est de lutter contre les délocalisations. Alors que l'Europe s'élargit et que la première des peurs qui assaillent nos concitoyens vient des délocalisations que provoquerait la réunification de notre continent, le Gouvernement engage un plan ambitieux et volontariste de lutte contre les délocalisations. Au lieu de les subir et d'en avoir peur, nous devons nous mobiliser afin de les prévenir. Les délocalisations ne sont pas une fatalité. La préservation et la reconquête des emplois menacés sont un défi que nous pouvons et devons relever. C'est ce que nous faisons, avec le maintien d'activités dans des zones en mutation industrielle, la relocalisation d'activités délocalisées et la création de pôles de compétitivité destinés à créer sur un territoire donné une synergie entre recherche, enseignement et entreprise.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Absolument !

M. Marc Laffineur. Toutes ces mesures sont destinées à redonner à la France une politique industrielle volontariste digne de ce nom, comme nous n'en avons pas connu depuis très longtemps.

Ce dispositif ne peut néanmoins se passer d'une politique ambitieuse de la recherche. Nous le savons pertinemment, les emplois de demain se situent dans les secteurs innovants, à forte valeur ajoutée, tels que les nanotechnologies, les sciences du vivant et l'espace. Il est donc impératif d'investir massivement dans ces secteurs d'avenir si nous voulons demeurer en tête de la compétition internationale. Aussi, comme nous l'avions promis, la recherche est-elle déclarée secteur prioritaire. À ce titre, elle recevra 1 milliard d'euros de moyens supplémentaires. Je pense, monsieur le secrétaire d'État, que l'Europe, elle aussi, devrait faire des efforts pour mener une véritable politique de la recherche. Je souhaite que cela soit l'objet des prochaines négociations dans le cadre du budget européen.

La volonté du Gouvernement de restaurer l'attractivité de notre territoire s'accompagne d'un grand nombre d'allégements fiscaux qui donnent une visibilité à notre politique économique. Ainsi, le dégrèvement de la taxe professionnelle est prorogé de six mois pour les nouveaux investissements, la contribution additionnelle de 3 % à l'impôt sur les sociétés est supprimée pour deux ans, afin de rapprocher notre pays de la moyenne européenne. Des exonérations d'impôts sur les sociétés et d'impôts locaux sont prévues ainsi que des allégements de charges sociales dans le cadre des pôles de compétitivité, ce qui représente plus de 1 milliard d'euros en faveur des entreprises et par conséquent de l'emploi.

Trop longtemps on a freiné ceux qui entreprennent. Or ce sont eux qui créent les richesses et les emplois dont nous avons besoin. Il nous appartient aujourd'hui de ne pas les dissuader d'investir dans leur propre pays. Au contraire, nous devons encourager l'initiative individuelle et récompenser le goût du risque et de l'effort en les libérant des carcans administratifs et de toutes les contraintes financières qui peuvent les annihiler. C'est pourquoi il était absolument nécessaire d'engager la réforme de l'État.

Mais ce budget est aussi un budget équitable, qui s'adresse aux plus fragiles et aux plus démunis dans le sens d'une plus grande justice sociale : outre la « réunification » par le haut du SMIC, qui permettra à ses allocataires de percevoir un treizième mois, et la revalorisation du barème de la prime pour l'emploi de 4 %, il prévoit que 1 milliard d'euros sera consacré à la mise en œuvre du plan de cohésion sociale. Par ailleurs, afin de respecter ce qui représente le fruit d'une vie de travail, aujourd'hui pénalisé, il instaure une franchise de 100 000 euros, soit le montant du patrimoine moyen des Français, sur les droits de succession. Cette mesure prolonge celle que le Gouvernement avait décidée en mai dernier en faveur des donations aux enfants et petits-enfants, et qui connaît un grand succès puisque, en trois mois, plus de 90 000 donations ont été effectuées dans le cadre de ce nouveau dispositif. Ces mesures sont des mesures de bon sens : quoi de plus légitime en effet que de vouloir transmettre à ses enfants le patrimoine édifié sa vie durant ? Or le renchérissement des prix de l'immobilier a encore accru injustement une fiscalité successorale déjà dissuasive.

Cette politique doit aussi être favorable aux classes moyennes, grandes oubliées de ces dernières années. Des mesures comme l'augmentation du crédit d'impôt pour la création d'emplois à domicile, l'exonération de droits de succession dans la limite de 100 000 euros ou l'assouplissement des conditions d'accès au prêt à taux zéro, le PTZ, doivent leur permettre de retrouver des marges de manœuvre.

Ce projet de budget traduit aussi la solidarité de l'État vis-à-vis des collectivités locales, qui passe par la réforme des dotations de l'État et une augmentation de la DGF, notamment de la DSR, qui concerne le monde rural, et de la DSU, au bénéfice des villes les plus en difficulté.

Il contribue aussi au rayonnement de la France sur la scène internationale, qui suppose l'accroissement de l'aide publique au développement, l'APD, avec l'objectif de la porter à 0,5 % du PIB à la fin de la législature, après qu'elle a connu une diminution notable durant les cinq années du gouvernement de Lionel Jospin. Elle s'élèvera en 2005 à 2,33 milliards d'euros, soit une augmentation de 9 %, qui s'ajoute à l'augmentation de 20 % qu'elle a connue en 2004.

L'État n'abandonne pas pour autant ses fonctions régaliennes, et c'est la quatrième priorité du projet de budget. L'effort engagé en 2002 dans le cadre des trois lois de programmation - militaire, sécurité intérieure et justice - est poursuivi puisque ce projet de budget prévoit la création de 1 800 postes. Au nombre des promesses présidentielles, elles doivent être impérativement respectées si on veut restaurer l'autorité de l'État. En ce qui concerne la défense en particulier, condition première de notre indépendance, il est indispensable de mener à bien les grands chantiers d'équipement de nos armées si nous souhaitons que la voix de la France continue d'avoir du poids dans les affaires du monde.

L'autorité de l'État est indissociable de sa modernisation. C'est pourquoi ce projet de budget poursuit la rationalisation de ses effectifs avec la suppression programmée de 7 200 emplois. Il faut souligner, monsieur le secrétaire d'État, qu'un tel effort, s'il n'est pas suffisant, n'avait néanmoins jamais été consenti.

Accompagner la reprise qui se dessine, créer un environnement propice à la croissance durable, redresser nos finances publiques pour redonner à l'action politique visibilité et marges de manœuvre, tels sont les objectifs qu'affiche ce budget volontariste, juste et équitable, orienté vers la croissance et l'emploi. C'est pourquoi, avec l'ensemble de mes collègues du groupe de l'UMP, nous l'approuvons et le soutenons. Néanmoins, si nous voulons faire baisser durablement le niveau des dépenses publiques et donner du crédit à une programmation pluriannuelle des finances publiques, nous devons être plus fermes en matière de réforme de l'État, notamment en faisant diminuer sensiblement les effectifs de l'État. Non que les agents de la fonction publique soient inefficaces ; mais les gains de productivité générés par les nouvelles méthodes de gestion de l'action publique initiées dans le cadre de la réforme de l'État nous autorisent ces économies dans les années à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Monsieur le président, chers collègues, comme vous venez de le dire, monsieur le secrétaire d'État, votre patron participe en ce moment à une réunion de l'Eurogroupe à Luxembourg concernant le cours du pétrole.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Entre autres sujets.

M. Yves Cochet. Eh bien ! pour ma part, je ne vais parler que du pétrole.

Depuis quelques semaines, voire quelques mois, le prix du baril de pétrole a atteint un niveau considéré comme élevé. À ce problème, le Gouvernement tente de répondre d'abord de façon ponctuelle, par des mesures s'adressant spécifiquement à certains secteurs, marins-pêcheurs, transporteurs routiers, agriculteurs, peut-être d'autres ; et depuis hier, le Gouvernement parle de restituer à l'ensemble de nos concitoyens les éventuels surplus de TVA collectés à la suite de cette hausse du cours du baril et du prix du litre à la pompe qui en découle. De son côté, une partie de l'opposition - je pense à mes amis socialistes ou communistes - prônent le retour au système appelé jadis « TIPP flottante ». Même si nous ignorons encore ce que sera précisément votre choix, je juge que les dispositifs sont équivalents : ce ne sont que des leurres. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Auberger. Il n'a rien compris !

M. Marc Laffineur. Vous aviez pourtant voté la TIPP flottante !

M. Yves Cochet. Dans les deux cas vous enverriez un très mauvais signal, et d'abord à nos concitoyens. Ce serait leur laisser accroire en effet que la hausse actuelle des cours n'est que conjoncturelle - vous l'avez d'ailleurs vous-même qualifiée ainsi, monsieur le secrétaire d'État - et que le prix du baril retrouverait bientôt un niveau raisonnable, nous permettant de nous livrer au gaspillage d'énergie, et notamment d'hydrocarbures, avec la même inconscience que d'habitude. Or je crois cet optimisme infondé, comme je vais le développer dans un instant. Il faudrait à l'inverse inciter nos concitoyens à faire des économies d'énergie.

Vous enverriez aussi un très mauvais signal aux pays producteurs et aux compagnies pétrolières, car vous leur signifieriez ainsi que quel que soit le cours du baril, le gouvernement français leur garantira leur immense rente de centaines de milliards de pétrodollars en mettant en place un « amortisseur fiscal » - TIPP flottante ou restitution du surplus de TVA - qui neutralisera les effets de la hausse pour nos concitoyens. D'un point de vue pédagogique, ce choix est donc très mauvais, pour les uns comme pour les autres.

C'est que, monsieur le secrétaire d'État, le phénomène de hausse qu'on observe actuellement sur les marchés de New York ou de Londres, loin d'être conjoncturel, est structurel à trois titres.

Il faut, premièrement, envisager l'hypothèse d'une déplétion prochaine de la ressource elle-même, c'est-à-dire une décroissance de la production d'hydrocarbures, et ce quelles que soient les améliorations des techniques d'exploitation, forages horizontaux, injection d'eau sous pression, que sais-je encore. Il est probable, selon certains géologues, que cette hypothèse se vérifie dans quelques années : ce n'est pas demain, c'est demain matin ! La production mondiale de pétrole, qui ne cesse de croître depuis 150 ans, baissera, en 2006 ou en 2008, très vraisemblablement avant la fin de cette décennie, pour des raisons géologiques auxquelles personne ne peut s'opposer, aussi bon économiste soit-il. C'est donc un phénomène proprement structurel, qui n'a jamais été observé dans l'histoire des sociétés industrielles.

Deuxièmement, la courbe de l'offre mondiale de pétrole va bientôt croiser celle de la demande mondiale de pétrole, alors que depuis 150 ans elle lui a toujours été supérieure. Jusque-là, quand on voulait plus de pétrole, il suffisait d'ouvrir les robinets pour qu'il en coule davantage. Désormais des pays nouvellement industrialisés prétendent au même développement que les pays de l'OCDE, tels la Chine, l'Inde, le Pakistan, le Brésil et bien d'autres. Leur taux de croissance, qui atteint parfois 9,5 %, voire 10,5, nous fait rêver, comme nous faisaient rêver ceux des petits dragons asiatiques il y a quelques années. Je parle là du taux de croissance du PIB moyen, car la croissance de la demande d'hydrocarbures de ces pays atteint plutôt les 30 ou 35 % annuels ! Voilà là encore une raison pour affirmer que l'offre mondiale sera structurellement insuffisante au regard de la demande mondiale.

Celle-ci connaît en effet une inertie historique considérable. Il faut bien avoir en tête que ces nations rassemblent des milliards de personnes ! Les habitants des pays de l'OCDE sont moins nombreux que les habitants de la seule Chine, sans parler de l'Inde, qui est presque aussi peuplée, du Pakistan, du Brésil et de bien d'autres. Or ces personnes veulent, tout autant que nous, monsieur le secrétaire d'État, voyager en avion ou en voiture ; et ils ne veulent pas de petites cylindrées, des Clio, comme en utilisent les prolétaires de la Porte de Vanves. Non ! Ils veulent des Mercedes, des BMW, des Vel Satis - quand elles marchent ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Eh oui ! Il existe en Chine, en Inde, une immense classe moyenne de 300 ou 400 millions de personnes, qui partagent la fascination pour la technologie automobile de ceux - on devrait parler des « délinquants » - qui utilisent des 4 X 4 dotés de pare-buffle dans les Hauts-de-Seine.

Or ce deuxième facteur structurel, le croisement des deux courbes, se réalisera très bientôt, s'il n'est déjà là.

Le troisième facteur est géopolitique. Il suffit de regarder sur une carte où sont les gisements de pétrole et où sont les consommateurs de pétrole : il ne s'agit pas tout à fait des mêmes endroits. Il y en a surtout dans la mer caspienne ou au Moyen-Orient, même s'il y en a aussi un peu dans le Golfe de Guinée, au Venezuela, ou en mer du Nord - encore que les ressources de la mer du Nord soient en baisse depuis cinq ans. Or là où il y a du pétrole, il y a la guerre, et son cortège de sabotages ou d'attentats, l'Irak constituant le paradigme de cette situation. Déjà, lors de la première guerre du Golfe, où nous faisions partie de la coalition réunie autour des États-Unis, et a fortiori en 2003 - si nous ne participons pas à cette guerre, quelques-uns de nos amis européens font partie de la coalition - l'Irak joue dans l'imaginaire américain le rôle d'une base militaire géante, dont le sous-sol abrite un immense réservoir de pétrole. Et c'est vrai qu'il y a beaucoup de pétrole, à bas coût d'extraction : il suffit de gratter le sable pour le voir jaillir.

M. Paul Giacobbi. Il faut quand même beaucoup gratter !

M. Yves Cochet. C'est une image bien entendu !

Voilà quels sont les trois facteurs d'une hausse structurelle du prix du pétrole. Ne croyez pas qu'ils vont disparaître, sous l'effet de je ne sais quelle conjoncture, dans quelques semaines ou quelques mois. Ils sont au contraire appelés à perdurer.

C'est ce qui me rend considérablement sceptique face à vos projections budgétaires pour 2005. Vous avez retenu en effet pour base de calcul du budget l'hypothèse d'un prix du baril de pétrole de 36,50 dollars. Or il est déjà de 52, voire 53 dollars, avec quelques petites variations hebdomadaires dues à des phénomènes ponctuels tels les cyclones tropicaux, mais qui pèsent peu face aux trois facteurs structurels que je viens de vous exposer.

En réalité les hypothèses sont au nombre de trois. La première est celle d'une montée régulière, durable et progressive du cours du baril de pétrole. C'est ce qu'on observe depuis le début de l'année 2002 : souvenez-vous qu'alors le baril était à quinze dollars. Le prix du baril pourrait alors atteindre 65 ou 70 dollars, peut-être plus. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, ce niveau de prix n'affecterait pas la croissance en tant que telle des pays de l'OCDE, et de la France en particulier. Il en irait différemment de l'inflation. C'est le phénomène de l'« élasticité inverse », si vous me permettez cette expression savante : cela signifie que l'évolution de la demande n'est pas en relation inverse avec celle du prix. C'est ce qu'on observe depuis le début de l'année 2002 : malgré la hausse continue du prix du pétrole, la demande a battu des records, jusqu'à atteindre cette année un niveau qu'elle n'avait jamais atteint depuis 1973 et le premier choc pétrolier - et le choc qui se prépare sera bien plus considérable.

La raison en est que nous sommes, les pays que j'ai cités tout autant que les pays de l'OCDE, littéralement drogués au pétrole ! Il est partout : les bancs de cette assemblée, nos vêtements, tout ce qui est là sous nos yeux a été transporté par camions, qui ne marchent qu'au pétrole. Nous ne pouvons pas nous passer du pétrole du jour au lendemain, et parce que nous sommes des pays riches nous achetons du pétrole même quand son coût est en hausse.

Dans cette hypothèse d'une hausse lente, régulière, mais très durable du cours du baril, on peut imaginer qu'il atteindra dans quelques mois 65, 70 dollars - mais je ne suis pas Nostradamus ! - sans que cela n'affecte trop la croissance. Mais il en sera autrement quand dans quelques années les cours approcheront les 90, voire 100 dollars. Pour certains cela arrivera avant la fin de la décennie. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont des observateurs du New York Mercantile Exchange, le Nymex, pour le compte de Goldman Sachs ou de Forbes.

M. Arnaud Lepercq. Ils se sont souvent trompés !

M. Yves Cochet. Une telle hausse affectera bien évidemment la croissance, sans parler même de l'inflation, au point qu'il faudra s'attendre à une récession, voire à une « grande dépression » - on trouve cette expression, lourde de significations historiques, dans le New York Times et même dans le Wall Street Journal.


Je termine, monsieur le président, par la seconde hypothèse...

M. le président. En forme de conclusion !

M. Yves Cochet. ... peut-être plus plausible que la première : que la hausse ne soit pas soft, c'est-à-dire régulière et durable, mais qu'une rupture brutale se produise. Durant le siècle dernier, dans l'industrie pétrolière, les capacités d'extraction, de raffinage, d'exploration et de transport ont connu des marges de manœuvre de l'ordre de 6 à 8 %. Aujourd'hui, ce chiffre s'élève à moins de 1 % et, du coup, le rapport entre l'offre et la demande est très tendu. Or si, pour une raison ou pour une autre - il en existe de nombreuses - une rupture d'approvisionnement se produisait au Nigeria, dont on ne peut pas dire que ce soit un pays tranquille et apaisé, en Russie, du côté de la Mer Caspienne, ou, bien sûr, du côté du Moyen-Orient, entraînant une simple rupture de 1 million de barils par jour - ce qui est presque rien ! -, les prix augmenteraient d'un coup, en quelques semaines, et atteindraient des hauteurs insoupçonnées. Nous le comprenons : notre monde est caractérisé par une certaine fragilité, une certaine vulnérabilité. Mon hypothèse n'est pas dénuée de tout fondement, et il faut la prendre en compte.

Que nous retenions l'une ou l'autre hypothèse, il est certain que le paysage va beaucoup changer. Bien sûr, on peut toujours espérer que la hausse sera suivie d'une baisse, mais, pour ma part, je n'y crois plus. Nous ne sommes plus en 1973, ni en 1979-1980. Souvenez-vous, en 1979-1980, une grosse récession nous avait fait perdre des centaines de milliards d'euros actuels ! En 1981, nos amis socialistes n'avaient d'ailleurs pas bien saisi ce qui se passait...

M. Arnaud Lepercq. Eh non !

M. Yves Cochet. ...et avaient dû serrer les boulons en 1983-1984!

Les chocs pétroliers antérieurs étaient de type politique. Il s'agissait de savoir qui était le leader mondial : était-ce le Texas, Houston, ou était-ce Riyad, disons l'OPEP ? C'est tout autre chose aujourd'hui : nous sommes confrontés à un triple choc qui n'est plus politique ! Car plus personne ne contrôle le marché !

M. le président. Monsieur Cochet !

M. Yves Cochet. Je termine, monsieur le président, par une requête : chers collègues, si nous avons le sens de l'intérêt national et de l'intérêt général - et je pense que nous l'avons tous -, réfléchissons à ces trois causes structurelles et ne faisons pas des hypothèses budgétaires extravagantes par rapport à la réalité qui est celle de la hausse du cours du pétrole...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vive l'énergie nucléaire ! (Sourires.) C'était la conclusion !

M. Yves Cochet. Non, pas du tout !

M. le président. Ne relancez pas le débat, monsieur Cochet ! Vous avez dépassé votre temps de parole !

M. Yves Cochet. Monsieur le président, je suis interpellé par le rapporteur général !

M. le président. Oui, sans pour autant être attaqué ! Vous pouvez donc conclure !

M. Yves Cochet. On ne peut pas faire décoller un avion avec de l'énergie nucléaire ou fabriquer des routes avec du bitume nucléaire ! Ce que vous dites, monsieur le rapporteur général, n'a aucun sens ! Le pétrole a, chez nous, une inertie forte ! On n'y échappera pas !

Il faut donc s'orienter délibérément vers la sobriété, comme je l'avais proposé à M. Sarkozy et à M. Devedjian lors de l'examen de la loi d'orientation sur l'énergie, il y a six mois. J'avais déposé des dizaines d'amendements proposant une décroissance de 2 % par an, c'est-à-dire régulière, de notre consommation pétrolière. Tous ont été refusés !

M. le président. Arrêtez, monsieur Cochet, ce n'est pas sérieux !

M. Yves Cochet. C'est de l'aveuglement, messieurs !

Il nous faut donc maintenant ouvrir les yeux et nous garder de faire des budgets aussi extravagants.

M. Arnaud Lepercq. Vive les biocarburants ! Vive les éoliennes !

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de budget qui nous est présenté marque une nette avancée dans le rétablissement de nos finances publiques. En effet, après les années 2003 et 2004, où le seuil de déficit public admissible était malheureusement largement dépassé, nous revenons, avec un déficit public estimé à 2,9 % du PIB, en dessous de la barre des 3 %.

Bien sûr, on trouvera toujours quelques esprits chagrins pour relever que cet équilibre est obtenu avec telle soulte - un budget n'est jamais identique au précédent, ni au suivant -, mais l'important n'est pas là : l'important est que la France ne sera plus mise au ban de ses partenaires de la zone euro pour un déficit public excessif. Et cela est un progrès considérable.

Il était important que l'effort réalisé en 2004, grâce à une conjoncture plus favorable et à une parfaite maîtrise des dépenses publiques, soit non seulement consolidé, mais poursuivi en 2005 ; il l'est et cela doit être incontestablement porté au crédit du Gouvernement.

Ce résultat n'est pas obtenu par une prévision de croissance totalement irréaliste. Certes, certains considèrent la prévision de croissance pour 2005 - 2,5 %, c'est-à-dire le même chiffre que celui escompté pour 2004 - comme optimiste, voire volontariste.

À vrai dire, personne ne peut correctement anticiper le taux de croissance pour 2005, car il est affecté par trop d'aléas, en particulier l'évolution de la conjoncture américaine après l'élection présidentielle et, surtout, l'évolution du prix du pétrole. Il est certain que si le niveau du prix du baril de pétrole reste au niveau actuel, plus de 55 dollars le baril,...

M. Yves Cochet. Ça va augmenter !

M. Philippe Auberger. ...cela handicapera fortement la croissance des pays importateurs de pétrole, en particulier de la France. Mais qui peut dire sérieusement que le budget pour 2005 est « insincère » parce que le prix du pétrole retenu est celui qui a été observé au moment où le budget était élaboré ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Exactement !

M. Philippe Auberger. Monsieur Cochet, il n'existe aucune prévision fiable sur le prix du pétrole en 2005...

M. Paul Giacobbi. Vous croyez ? Vous devriez vous renseigner !

M. Philippe Auberger. ...car la hausse actuelle est trop récente et entachée de beaucoup d'incertitudes. Si cette hausse se maintenait, voire s'aggravait, le Gouvernement aurait toujours la possibilité, d'ici à la fin du débat budgétaire,...

M. Paul Giacobbi. De trouver des milliards d'euros !

M. Philippe Auberger. ...de déposer une lettre rectificative.

En revanche, il est certain que cette hausse du prix du pétrole vient dès maintenant amputer les marges des entreprises. Le Gouvernement vient d'ailleurs de le reconnaître en prenant des mesures en faveur des agriculteurs, des pêcheurs et des transporteurs routiers. Mais il convient aussi, dans le cadre de l'exécution du budget 2004 - et le ministre d'État l'a redit cet après-midi - que le Gouvernement vienne en aide à ceux de nos concitoyens qui sont les plus touchés par le niveau du fuel domestique pour le chauffage et à ceux qui sont obligés d'utiliser leur véhicule pour se rendre à leur travail. Les annonces qui ont été faites hier me semblent aller dans le bon sens car elles répondent de façon rapide et juste à ce problème actuel.

Le niveau de déficit proposé est obtenu grâce à une maîtrise réelle de l'évolution des dépenses publiques. Pour la troisième année consécutive, il est prévu de stabiliser en euros constants le niveau de ces dépenses. C'est un très beau résultat si nous parvenons à le tenir comme nous l'avons fait en 2003 et 2004. Certes, certains auraient peut-être souhaité que l'on aille plus loin, que la rupture avec le passé soit plus marquée sur ce point. Mais là aussi, il faut faire preuve de réalisme, d'autant plus qu'il convient de respecter, ce qui est fait, les différentes lois de programmation - militaire, sécurité, justice - et de satisfaire les priorités, en particulier pour la recherche, comme cela a été rappelé hier par le Président de la République, et pour la cohésion sociale, dont nous débattrons prochainement. Il est certain que cet effort de maîtrise de la dépense publique ne pourra pas s'arrêter en 2005 et qu'il faudra le poursuivre pour en retirer tous les fruits et mettre progressivement en place les éléments d'une véritable réforme de l'État.

M. Pierre Méhaignerie. Tout à fait !

M. Philippe Auberger. Réforme qui est encore, il faut le reconnaître, au stade des balbutiements,...

M. Pierre Méhaignerie. Eh oui !

M. Philippe Auberger. ...ainsi que le rappelle opportunément le rapport Camdessus.

Ce projet de budget est assorti d'un certain nombre de mesures d'allégement fiscal. Certes, les moyens consentis pour ces allégements sont limités - 2 milliards d'euros -, ce qui réduit nécessairement l'impact de ces mesures. Mais force est de reconnaître que, compte tenu des augmentations des contributions sociales, CSG et C3S, qu'il a été nécessaire de consentir dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie, le niveau des prélèvements obligatoires, même à fiscalité locale quasi inchangée - ce qui n'est pas sûr - risque d'augmenter légèrement en 2005, d'un dixième de point. On peut le regretter car cela constitue une légère inflexion par rapport à ce qui avait été observé en 2002, 2003 et 2004. Il apparaît donc souhaitable pour l'avenir, monsieur le secrétaire d'État, que le mouvement de baisse de la fiscalité soit repris ou, du moins, stabilisé.

Dans les efforts qui sont faits pour 2005, on peut noter en particulier l'annonce de la disparition en deux fois de la surtaxe décidée en 1995, plusieurs mesures en faveur de la relocalisation des activités économiques, l'institution d'un crédit d'impôt à l'exportation et, pour les ménages, l'allégement de l'impôt sur les successions.

L'une des caractéristiques principales de ce projet de budget est le souci de justice et d'équité qui a présidé à son élaboration.

En effet, plusieurs mesures sont prises en faveur des bas salaires et du pouvoir d'achat des plus modestes,...

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Philippe Auberger. ...de nature à soutenir la consommation et la confiance.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Absolument !

M. Philippe Auberger. D'abord, la troisième et dernière étape du plan de rapprochement des SMIC est confirmée, ce qui est excellent pour les personnes concernées et permet une revalorisation substantielle du pouvoir d'achat.

Ensuite, l'allégement des charges sociales sur les bas salaires - opération certes très coûteuse, plus de 15 milliards d'euros - est maintenu jusqu'à 1,6 fois le SMIC, ce qui est déjà très important. Un tel effort est d'ailleurs sans précédent dans notre pays et n'a, à ma connaissance, pas d'équivalent dans les pays étrangers.

Enfin une revalorisation de 4 % de la prime pour l'emploi est prévue, revalorisation consécutive à la hausse du SMIC et qui évite à certains bénéficiaires de sortir du champ de cette prime. Toutefois, je regrette qu'une fois de plus la réforme nécessaire de cette prime soit différée.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Philippe Auberger. Le constat est unanime : les sommes importantes qui y sont affectées, plus de 2 milliards d'euros, et le nombre élevé de bénéficiaires, 8 millions de personnes, doivent conduire à un réexamen en profondeur des mécanismes de cette prime - simplification du barème et réexamen des modalités de versement - afin qu'il n'y ait plus le décalage actuel et que cette prime devienne une véritable incitation à la reprise du travail. J'ai bien noté qu'un rapport sur cette modification de la prime pour l'emploi vient de nous être remis. Il montre qu'une réforme est possible. Je souhaite qu'elle soit mise en œuvre sans retard.

L'allégement de l'impôt sur les successions grâce à un abattement à la base de 50 000 euros et une augmentation de l'abattement dont bénéficient les enfants, en le passant de 46 000 à 50 000 euros, correspond à une mesure très attendue. On le sait : près de la moitié des successions dépassent 100 000 euros et à peu près un quart 200 000 euros. Les mesures proposées, exonération totale pour certains, allégements pour d'autres, vont donc toucher essentiellement des successions de taille moyenne.

M. Henri Emmanuelli. Non !

M. Michel Bouvard. Mais si !

M. Philippe Auberger. Mais si ! Nous sommes prêts à vous le démontrer, mon cher collègue !

M. Henri Emmanuelli. Oui, oui...

M. Philippe Auberger. En revanche, rien dans ce projet de budget n'est prévu en ce qui concerne l'impôt de solidarité sur la fortune, en particulier le réexamen du barème. Pourtant, cet impôt a vu le nombre de contribuables concernés doubler en huit ans et beaucoup d'impositions - notamment du fait de l'habitation principale -, frapper des plus-values fictives, non réalisées, voire souvent incertaines. Nous aurons sans doute des débats sur ce sujet qui doit être vu avec lucidité et réalisme. Il apparaît nécessaire, c'est même un strict minimum, de revaloriser le barème pour l'année qui vient, de revoir l'abattement sur la résidence principale pour ne pas frapper un enrichissement fictif et de revenir au plafonnement institué par M. Bérégovoy en 1991 afin d'éviter à la fiscalité de devenir spoliatrice, entraînant des délocalisations de capitaux, d'investissements et d'emplois.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !

M. Philippe Auberger. Il convient aussi de rappeler que les ajustements proposés représentent 5 % environ du produit de cet impôt et moins d'un cinquième de l'augmentation du produit attendu entre 2003 et 2005.

Enfin, ce projet de budget comporte une réforme essentielle pour les collectivités locales, celle de la dotation globale de fonctionnement. Il convient à cet égard de féliciter le Gouvernement de poursuivre le pacte de croissance, qui permet à la DGF de croître l'année prochaine de 3,27 %, et de mettre en place la réforme du calcul de cette DGF, conformément aux recommandations du comité des finances locales.

Au total, le projet de budget qui nous est présenté représente un réel effort de maîtrise des dépenses publiques et du déficit, de modération des charges fiscales et sociales. Il fait un grand pas dans la bonne direction et nous évite d'être considérés, à un moment où le débat européen va revêtir une importance cruciale, comme le mauvais exemple en matière budgétaire. Dans une période qui peut amener bien des turbulences, il représente un objectif clair, réaliste et adapté à la situation.

Il mérite donc de recueillir l'approbation de la majorité de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.

M. Louis Giscard d'Estaing. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, beaucoup d'arguments ont déjà été développés à cette tribune. Trois points méritent, de mon point de vue, d'être soulignés : d'abord, ce budget a de la mémoire ; ensuite, il apporte des réponses concrètes ; enfin, il s'inscrit dans le cadre de l'effort nécessaire de redressement de nos finances publiques.

Permettez-moi de développer brièvement ces trois points.

Tout d'abord, c'est un budget qui a de la mémoire. Plus précisément, il invite nos collègues de l'opposition à un travail de mémoire moins sélectif que l'exercice auquel s'est livré hier soir Didier Migaud.

Mais il n'est pas difficile de se souvenir à quelle date les déficits ont commencé à s'accumuler tous les ans, quels qu'aient été les taux de croissance − avec, pour corollaire, l'augmentation considérable de l'endettement public. Le rapporteur général Gilles Carrez l'a rappelé : c'était en 1981.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Hélas !

M. Louis Giscard d'Estaing. Ce rappel vaut aussi pour M. Balligand, qui en a parlé tout à l'heure : le taux de l'endettement public, qui a atteint 63,7 % en 2003, n'était que de 20 % en 1980.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Exact !

M. Louis Giscard d'Estaing. En ce qui concerne les hypothèses économiques et le taux de croissance, point n'est besoin de remonter bien loin : il suffit de rappeler comment Laurent Fabius et M. Migaud lui-même, alors rapporteur général, avaient fait voter le budget 2002 avec une hypothèse de croissance de 2,5 %, alors que le budget 2004 repose sur une hypothèse de croissance de 1,7 %, en réalité inférieure au taux qui sera atteint à la fin de l'année.

M. Augustin Bonrepaux. Et celui de 2003 ? C'est vous qui avez la mémoire sélective !

M. Louis Giscard d'Estaing. Je vous répondrai dans un instant, monsieur Bonrepaux.

Ce budget est également marqué par un effort sans précédent de réduction du déficit sur un seul exercice.

M. Henri Emmanuelli. Et la soulte EDF ?

M. Louis Giscard d'Estaing. Faut-il rappeler le déplorable souvenir de la gestion irresponsable...

M. Guy Geoffroy. Calamiteuse !

M. Louis Giscard d'Estaing. ...de cagnottes dépensées en fonctionnement alors que le budget de l'État restait en déficit ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il faut le rappeler !

M. Louis Giscard d'Estaing. La parole de l'État, engagée dans les contrats de plan État-régions, n'a été tenue ni en 2000 ni en 2001 : dans aucune région, les engagements de l'État n'ont atteint le septième théorique et les retards d'exécution sur ces deux premières années n'ont fait l'objet d'aucun report de crédits, alors que la croissance et les cagnottes étaient bien là.

M. Augustin Bonrepaux. Maintenant, il y a des projets, mais il n'y a plus de crédits !

M. Louis Giscard d'Estaing. Enfin, il sera également utile pour M. Yves Cochet, qui évoquait cette question à l'instant, de rappeler quand et dans quelles conditions notre pays s'est doté de l'indépendance énergétique à plus de 85 % pour l'électricité. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ce budget apporte des réponses concrètes en matière de soutien à la consommation et au pouvoir d'achat. Sans avoir besoin d'en appeler − comme l'a fait, tout à l'heure, notre collègue Sandrier − à un prix Nobel d'économie, les salariés des secteurs privé et public savent pourquoi leur pouvoir d'achat stagne : nous sommes le seul pays d'Europe à avoir mis en place l'abaissement uniforme et obligatoire de la durée du travail à 35 heures hebdomadaires ; les conditions d'application et le financement de cette mesure ont augmenté les charges publiques ou en ont créé de nouvelles.

Ce budget comporte donc des mesures qui soutiennent le pouvoir d'achat des Français, que ce soit la revalorisation de la prime pour l'emploi ou les dispositions fiscales incitant à la transmission intergénérationnelle par l'allégement des droits de succession sur les premiers 100 000 euros, ce qui permet ainsi d'en exonérer le fruit d'une vie de travail.

Ce budget apporte également des réponses concrètes en matière de soutien à l'emploi, que ce soit l'emploi industriel, avec les mécanismes en faveur de l'apprentissage et le dispositif visant à lutter contre les délocalisations, ou l'emploi à domicile, grâce à une mesure introduite par Martine Aubry et dont on ne peut contester le bien-fondé sous prétexte d'une augmentation en valeur, si ce n'est pour des raisons tactiques ou partisanes. Il s'agit là de soutenir la politique familiale, puisque ce montant est plafonné à 50 %, ce qui, dans tous les cas de figure, en assure la limite dans le cadre de l'imposition selon un barème progressif.

Enfin, ce budget participe au redressement de nos finances publiques. La maîtrise des dépenses est en effet une condition nécessaire pour sortir de la spirale de l'endettement : le rapporteur général a rappelé que la part du remboursement des intérêts de la dette représente désormais 15 % du budget de l'État. Yves Deniaud l'a souligné, il n'y a pas d'autre moyen de permettre à l'État de retrouver sa capacité d'investissement. Depuis des années, nous voyons que, pour cette raison, notre pays est handicapé pour se préparer à relever les défis de la compétition européenne et mondiale.

Enfin, dans l'esprit de la loi organique sur les lois de finances, ce budget doit hâter la démarche d'optimisation des ressources de l'État, qu'elles soient financières, avec la réduction des déficits, ou humaines, afin que soit rendu aux citoyens contribuables un meilleur service administratif.

Dans cette optique, l'État a l'impérieuse nécessité de s'attaquer à deux chantiers. D'une part, il doit faire cesser la pratique de la mise à disposition d'agents publics de ministère à ministère ou auprès d'organismes sans facturation, car cela nuit gravement à la responsabilité dans la gestion budgétaire des effectifs. Tout organisme, toute administration qui reçoit du personnel mis à disposition doit payer le montant correspondant au bénéfice qu'il en retire.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Louis Giscard d'Estaing. D'autre part, l'État doit mieux gérer son patrimoine immobilier. Il ne s'agit pas seulement d'accélérer les cessions de biens immobiliers vacants ou rendus inutiles par telle ou telle décision...

M. Michel Bouvard. Et il y en a !

M. Louis Giscard d'Estaing. ...comme la modification de la collecte de la redevance audiovisuelle ou la réforme de l'École nationale d'administration, il faut aussi pratiquer la transparence budgétaire dans les locaux mis à disposition et la facturation des loyers correspondants.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Absolument !

M. Louis Giscard d'Estaing. Ainsi, les administrations seront plus responsables et, surtout, plus attentives à la gestion du patrimoine immobilier de l'État.

Telles sont, monsieur le secrétaire d'État, quelques propositions qui viendront accentuer et renforcer l'intérêt d'un budget qui contribue déjà grandement au redressement de nos finances publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, on entend dire, ici et là − dans l'opposition mais parfois aussi dans la majorité − que ce budget est inefficace et injuste.

M. Henri Emmanuelli. C'est un budget de ségrégation sociale !

M. Pascal Terrasse. Commentateurs et spécialistes s'accordent généralement pour dire qu'il s'agit en réalité d'un budget en trompe-l'œil, et je vais tâcher de vous le démontrer en quelques mots.

M. Alain Joyandet. Ça va être dur !

M. Pascal Terrasse. Certes, il faut reconnaître qu'il est intelligemment construit. On pourrait d'ailleurs féliciter vos services, monsieur le secrétaire d'État, qui ont fait preuve d'une grande ingéniosité pour bâtir ce budget sur mesure.

Mais cela n'empêche pas qu'il y ait quelques motifs d'étonnement. Le premier concerne la base de départ. Vous vous fondez sur une hypothèse de croissance de 2,5 % qui vous permet d'avoir un niveau de déficit public de 3,6 % environ pour 2004. Certes, la croissance en 2004 sera supérieure aux estimations initiales, et l'on ne peut que s'en réjouir. Mais pouvez-vous nous expliquer comment on est passé d'un déficit estimé, au mois d'avril dernier, à plus de 4 % à 3,6 % cette année ?

M. Arnaud Lepercq. Il faut lire les documents budgétaires !

M. Pascal Terrasse. Certes, il y a eu un surplus de recettes fiscales : vous oubliez d'ailleurs de préciser que le chiffre réel du surplus de recettes fiscales en 2005 ne sera pas de 5 milliards d'euros, comme l'annonce le projet de loi de finances, mais de 6,5 milliards d'euros, si l'on compte les remboursements et dégrèvements consécutifs à la décision du Conseil d'État annulant la taxation sur les achats de viande.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est progressif, monsieur Terrasse !

M. Pascal Terrasse. Certes, mais il faut le comptabiliser dans le budget 2005 : or cela ne figure pas dans la loi de finances. C'est un premier trompe-l'œil.

Il y a donc un surplus de recettes de 6,5 milliards d'euros, soit, à peu de choses près, le montant de ce que l'actuelle majorité, qui était dans l'opposition en 2000, appelait la « cagnotte ». Chiffres et références sont comparables.

M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas utilisé de la même manière !

M. Pascal Terrasse. Pour justifier vos prévisions, vous arguez du bon niveau de la consommation. C'est vrai pour les deux premiers trimestres, où le taux de consommation des ménages est plutôt en hausse. Cependant, pour le troisième trimestre, on passe de 0,9 % à 0,4 %, et, compte tenu de ce qui se passe de l'autre côté du Rhin ou aux États-Unis et de la flambée du prix du pétrole − sur laquelle je reviendrai −, nul ne peut assurer que le quatrième trimestre connaîtra une évolution positive. Je vous trouve donc très optimiste en ce début d'automne. Les chiffres ne seront connus que dans quelques mois. D'ores et déjà, il est nécessaire de vous mettre en garde.

J'ai le sentiment, à la lecture de ce budget, que vous avez gonflé les résultats pour 2004 de manière à pouvoir faire encore mieux en 2005. La chute sera d'autant plus brutale quand les vrais chiffres de 2004 seront disponibles. Peut-être, monsieur Bussereau, serez-vous alors un peu seul.

M. Henri Emmanuelli. M. Sarkozy sera parti !

M. Pascal Terrasse. Votre ministre de tutelle ne sera plus là. Mais peut-être aura-t-il le courage de donner au mois d'avril 2005 une conférence de presse aussi importante que celle qu'il a tenue pour présenter le budget. Il serait instructif de l'entendre dresser, face à deux cents journalistes, le bilan de l'année 2004. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

On peut encore contester la sincérité de ce budget si l'on se penche sur les prévisions de recettes pour 2005. Parmi celles qui progressent de manière dynamique, on note la TVA − liée à la consommation − et l'impôt sur les sociétés. Avouez qu'il y a là une contradiction. Sans pouvoir dire que vos chiffres sont faux, je les crois particulièrement optimistes. Si la consommation est un peu plus faible, la TVA chutera inévitablement. Quant aux prévisions concernant l'impôt sur les sociétés, j'ai du mal à comprendre que vous tabliez sur une progression de 2,6 milliards d'euros dans le budget 2005, alors même que vous annoncez la baisse de la surtaxe Juppé. Comment le rendement de cet impôt sur les sociétés pourrait-il être beaucoup plus élevé qu'en 2004 ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. La croissance !

M. Pascal Terrasse. Je ne suis pas certain qu'elle justifie une augmentation de 2,6 milliards d'euros.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. La tendance !

M. Pascal Terrasse. Vous êtes, là encore, très optimiste.

Il est vrai que nombre des mesures présentées pèseront en fait sur les budgets de 2006 et 2007. Ainsi, la taxe professionnelle n'influera sur le budget qu'en 2007, à hauteur de 3 milliards d'euros. Là encore, c'est du trompe-l'œil.

Ces artifices vous permettent de présenter un budget conforme aux engagements européens de la France. Mais, à y regarder de plus près, le déficit réel pour 2005 n'est pas, comme vous l'annoncez, de 2,9 %, mais de 3,2 %. C'est évidemment mieux qu'en 2003 et en 2004. Mais il faut rappeler que, conformément à la décision providentielle d'EUROSTAT, vous comptabilisez la soulte d'EDF. Or, il risque d'y avoir d'autres soultes : je l'espère en tout cas pour vous, monsieur le secrétaire d'État, qui, dans quelques semaines, serez vraisemblablement le grand patron de Bercy − je vous le souhaite en tout cas.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Merci !

M. Pascal Terrasse. Peut-être la soulte de la RATP viendra-t-elle combler le déficit budgétaire de 2006. On peut imaginer que celle de la SNCF ou celle de La Poste viendra combler les déficits de 2007 et 2008.

Je ne m'attarderai pas sur vos prévisions concernant le prix du pétrole : à l'heure actuelle, elles paraissent également fort optimistes. Avouez que, sur ce point, il y a une vraie contradiction entre les déclarations du ministre d'État, qui annonçait cet après-midi qu'il allait rendre les surtaxes aux Français, et la réalité où ces surtaxes lui servent à équilibrer le budget. Cette mesure comptera tout de même pour quelques millions d'euros dans le budget.

Nous aurons aussi l'occasion de revenir, lors du débat, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont l'influence sur le budget de l'État est grande. L'objectif d'évolution de 5 %, soit 3,2 milliards d'euros en plus pour l'année 2005, paraît complètement irréaliste. C'est de la folie totale. Il faudra, le moment venu, faire le bilan.

En résumé, monsieur le secrétaire d'État, votre budget n'est ni équilibré ni sincère. Mais le ministre des finances ne sera plus là pour l'assumer.

Au fil d'une intervention que j'ai écoutée très attentivement, vous avez égrené différentes mesures avec brio. Souhaitant partager votre optimisme, je vous ai écrit personnellement pour vous demander de communiquer à la représentation nationale des informations précises sur le dispositif d'allégement des cotisations sociales ou de défiscalisation des emplois aidés.


Là encore, le dispositif ne concernera qu'une très petite partie de la population, la plus aisée.

M. Arnaud Lepercq. Nous verrons !

M. Pascal Terrasse. J'ai cru comprendre que le ministre des finances allait revenir sur ce dispositif en permettant de déduire la part brute des cotisations patronales. La mesure ne porterait donc plus sur un montant prédéterminé mais sur l'exonération totale ou partielle des cotisations sociales.

Or les employés à domicile bénéficient déjà, compte tenu, de leur convention collective, d'exonérations de cotisations sociales puisque leurs revenus sont inférieurs à 1,7 SMIC. Si la mesure envisagée était prise, elle ne serait donc qu'un pis-aller puisque, selon mes propres calculs, elle ne changerait rien à la situation qui prévaut aujourd'hui. Le montant de l'exonération serait pratiquement égal, à quelques centaines d'euros près, au dispositif actuel. Qu'en est-il exactement ?

Pour ce qui est des droits de succession, vous nous avez expliqué en commission que la mesure envisagée profiterait essentiellement aux revenus modestes. Soyons clairs et précis à ce sujet.

Il est vrai que le montant moyen du patrimoine des ménages est de 100 000 euros en France.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Ce qui est le prix d'une petite maison.

M. Pascal Terrasse. Mais à y regarder de plus près, mieux vaudrait faire référence au patrimoine médian qui n'est que de 60 000 euros, évaluation que vos services ont dû vous communiquer.

Compte tenu des exonérations existantes en matière de donation et notamment de l'abattement qui ne peut jouer qu'une fois tous les dix ans,...

M. Philippe Auberger. Mesure qui avait été prise par les socialistes !

M. Pascal Terrasse. Et qui était très bonne !

...la mesure que vous prenez aujourd'hui ne s'adressera qu'à un nombre très limité de familles.

M. Philippe Auberger. Mais non !

M. Arnaud Lepercq. C'est un premier pas !

M. le président. Monsieur Terrasse, je vous prie de bien vouloir conclure.

M. Pascal Terrasse. J'ai presque envie de faire comme l'an passé à propos des retraites, lorsque j'étais le seul à demander que l'on fasse attention aux conjoints survivants. Mes chers collègues, faites attention tout de même dans le dispositif relatif aux droits de succession en ligne directe, à ce que l'on appelle l'abattement global. Si le système actuel est modifié, les franchises ne seront plus les mêmes pour tous les héritiers en ligne directe - je pense aux enfants uniques. On ne lit jamais assez les projets de loi !

M. le président. Je vous demande de bien vouloir conclure, mon cher collègue.

M. Pascal Terrasse. L'Union des familles en Europe vous a très largement informés, dans sa Lettre Parlementaire, grâce à des tableaux très intéressants, sur ce que les familles, et notamment les plus modestes, vont perdre.

Ce budget, puisque l'on me demande de conclure, est un budget d'asphyxie.

M. le président. Ce n'est pas « on » mais moi qui vous demande de conclure, mon cher collègue, car votre temps de parole est dépassé.

M. Pascal Terrasse. Je conclus donc, monsieur le président.

Les mesures que vous nous avez présentées, monsieur le secrétaire d'État, ne sont ni justes pour les plus faibles, ni sincères, ni même efficaces.

M. Michel Bouvard. Oh !

M. Pascal Terrasse. Or que demande-t-on à un budget sinon d'être efficace ?

On pourrait à la rigueur comprendre qu'il ne soit pas très juste si, derrière, pointaient la croissance et l'emploi. Mais je ne vois dans celui que vous nous proposez qu'une multiplication de niches fiscales, système qu'il conviendrait d'ailleurs de reconsidérer, ainsi que le président Méhaignerie et le rapporteur général le font remarquer très régulièrement. Alors que notre dispositif fiscal est aujourd'hui incohérent et illisible pour tout le monde, vous renforcez ce caractère.

Le président Méhaignerie a raison : il faut simplifier notre système fiscal pour qu'il soit juste et lisible.

Tel n'est pas le cas et, on l'aura compris, le groupe socialiste combattra ardemment, avec les moyens dont il dispose, ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Joyandet. C'est dommage ! C'est pourtant un bon projet !

M. le président. Monsieur Terrasse, si vous vouliez disposer de plus de temps, il fallait le demander à votre groupe.

La parole est à M. Jean-Jacques Descamps.

M. Jean-Jacques Descamps. Monsieur le secrétaire d'État, les dix minutes qui m'ont été imparties constituent un temps relativement court pour analyser dans le détail la politique générale exprimée dans ce projet de budget. C'est la raison pour laquelle je serai bref s'agissant des appréciations positives que celui-ci mérite, afin de vous livrer, en revanche, et avec franchise, les quelques réserves que je me dois, en conscience, de vous exprimer, non par souci de critique gratuite, mais pour vous encourager à faire plus dans l'avenir.

En effet, si ce projet de budget va dans le bon sens, il n'y va pas, comme je l'ai déjà dit deux fois pour les budgets précédents, assez vite, compte tenu de la situation financière que nous avons trouvée - encore plus dégradée que nous le pensions -...

M. Henri Emmanuelli. Voilà qui est trop drôle ! Que dire, alors, de la situation actuelle ?

M. Jean-Jacques Descamps. ...de la situation économique - qui ne s'améliore pas encore vraiment, malgré les efforts déployés par votre gouvernement - et de celle de l'emploi, qui ne se redresse pas encore autant que nous le souhaiterions.

Je suis de ceux qui peuvent vous paraître, tous les ans, impatients, sinon aventureux, mais je persiste à penser que nous n'allons pas assez vite, conforté en cela par le diagnostic de M. Camdessus,...

M. Henri Emmanuelli. Qui a si bien géré le FMI !

M. Jean-Jacques Descamps. ...dont le rapport est venu s'ajouter à tous les livres et autres documents qui tirent depuis longtemps la sonnette d'alarme devant la gravité de notre situation face aux défis que le monde entier nous lance. Il ne sert à rien de se voiler la face et ce n'est pas être un mauvais Français que de dire que la France ne va pas encore assez bien.

Les Français ont besoin de vérité. Beaucoup souhaitent qu'un effort de pédagogie considérable s'exerce, qui doit viser à les rendre conscients des réalités du présent et des risques de l'avenir. Le budget est l'occasion de le faire et les quelques divergences que j'exprimerai ne me décourageront pas de vous soutenir, monsieur le secrétaire d'État, car je préfère vous voir aux responsabilités, même avec ce sentiment de ne pas être entièrement satisfait, plutôt qu'un ministre socialiste...

M. Philippe Auberger. Horreur et damnation !

M. Guy Geoffroy. Épargnez-nous ce mal !

M. Jean-Jacques Descamps. ...qui ferait retomber très vite le pays dans l'ornière dont vous l'avez en partie sorti. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

S'agissant des dépenses, le projet affiche un total stable en volume par rapport à 2004, ce qui est beaucoup mieux qu'avant mais un peu tard et encore insuffisant. La dépense publique aurait pu être réduite bien davantage et beaucoup plus vite si tous les ministres, peut-être un peu trop nombreux à mon avis,...

M. Henri Emmanuelli. Il y en a beaucoup en effet !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. C'est vrai.

M. Jean-Jacques Descamps. ...et entourés de cabinets peut-être un peu trop fournis, avaient, sauf exception, appliqué une gestion plus rigoureuse de leurs moyens et de leurs effectifs. Il n'y a pas de miracle : notre avenir passe par la réduction des impôts et par la simplification des procédures, c'est-à-dire par la réforme de l'État grâce à une réduction de son périmètre avec la simple application du principe de subsidiarité et, surtout, à un changement de culture. En effet, l'efficacité de petites équipes est souvent préférable à la sécurité des gros bataillons.

Comme le soulignait Gilles Carrez, la LOLF est un bon outil, mais cet outil ne vaudra rien sans la volonté politique de changer les habitudes. Je prendrai à cet égard un exemple très significatif, celui de la redevance audiovisuelle. Voilà trois ans que l'on parle de sa réforme pour économiser des dépenses publiques en matière d'effectifs de perception et de contrôle. Cette réforme, vous allez la faire.

M. Arnaud Lepercq. Très bien !

M. Jean-Jacques Descamps. Mais par peur, comme souvent, des réactions du milieu, comme l'on dit, vous n'allez pas jusqu'au bout de la démarche en redéfinissant le périmètre et l'objectif réel de ce service public dont on devrait pouvoir budgéter le coût sans avoir besoin de redevance, laquelle n'a plus aucune raison d'être à l'heure des satellites et de la télévision numérique terrestre.

J'approuve, bien sûr, l'affectation à la réduction du déficit des surplus de recettes fiscales dus à la croissance. Cependant, si la réduction des dépenses était plus forte, les marges de manœuvre seraient meilleures, ce qui permettrait d'accélérer le retour de la croissance et, donc, de diminuer davantage le déficit dans le futur. C'est là un peu une vérité de La Palisse, mais le cercle budgétaire redeviendrait vertueux.

Pour ce qui est des recettes, l'allégement de certains impôts sur les successions va également dans le bon sens, tout comme celui qui pèse sur les résultats des entreprises - celles qui sont à structure sociétale et non les petites entreprises individuelles.

À cet égard, vous créez des incitations fiscales nouvelles, favorables, notamment, aux emplois à domicile, à l'acquisition de logements, en particulier sociaux, ou encore aux relocalisations dans les pôles de compétitivité. Tout cela est très bien, mais tient de la technique traditionnelle de Bercy - un geste par-ci, un geste par là - sans le moindre début de réforme fondamentale et de simplification réelle de notre système fiscal. Il en va ainsi, en particulier, du prélèvement à la source, dont on nous a beaucoup parlé et que l'on ne voit jamais venir.

M. Henri Emmanuelli. Sur ce point, vous avez raison.

M. Jean-Jacques Descamps. Il y aura bien, probablement, quelques améliorations de l'ISF, mais cet impôt restera pour moi inique...

M. Pascal Terrasse. Et voilà !

M. Jean-Jacques Descamps. ...car il entrave l'esprit d'entreprise et le goût d'épargner. Il est révélateur de cet esprit de « lutte des classes » qui, en France et surtout à gauche,..

M. Pascal Terrasse. C'est sûr !

M. Jean-Jacques Descamps. ...épargne les sportifs ou les artistes mais pas les entrepreneurs !

Quant aux recettes réalisées grâce à la vente d'actifs, je crains que vous n'arriviez pas, là non plus, à faire comprendre à l'administration que des actifs dormants, ou correspondant à des activités qui n'entrent pas dans les missions régaliennes de l'État, doivent être externalisés ou cédés le plus rapidement possible.

M. Henri Emmanuelli. Un vrai libéral du XIXe siècle que celui-là !

M. Jean-Jacques Descamps. Les moyens financiers ainsi dégagés permettraient en effet à l'État de mieux exercer ses missions. Une méthode de travail plus professionnelle et peut-être plus coercitive serait à cet égard nécessaire.

Certes, vous avez commencé de le faire mais les objectifs fixés - le président de la commission des finances ne me démentira pas - sont encore insuffisants. Et je suis d'autant plus sceptique quant au résultat que vos services montrent, à tous les niveaux, une faible motivation pour appliquer cette politique. Des mesures beaucoup plus adaptées doivent être prises...

M. Pascal Terrasse. Des mesures disciplinaires !

M. Jean-Jacques Descamps. ...si vous voulez respecter vos engagements budgétaires, même si ceux-ci sont apparus insuffisants à la commission des finances.

Telles sont les quelques réflexions que m'inspirent les mesures qui nous sont proposées. J'ai le sentiment qu'elles viennent bien tard pour être encore utiles ou au moins crédibles aux yeux des électrices et des électeurs...

M. Henri Emmanuelli. De droite !

M. Jean-Jacques Descamps. ...qui nous ont fait confiance.

Bien sûr, certains conservateurs frileux et nos opposants de gauche ne manqueront pas d'expliquer, comme M. Emmanuelli, que ces réflexions sont ultralibérales...

M. Henri Emmanuelli. J'ai dit qu'elles étaient du XIXe !

M. Jean-Jacques Descamps. ...et que leur traduction en mesures concrètes ferait descendre la France dans la rue, créant ainsi un climat de guerre civile et bloquant toute croissance.

Je suis convaincu, au contraire, que les Français réformistes sont beaucoup plus nombreux qu'on ne le croit,...

M. Pascal Terrasse. On l'a bien vu aux élections régionales, cantonales et européennes !

M. Jean-Jacques Descamps. ...de même que les syndicalistes conservateurs sont beaucoup moins nombreux qu'on ne le dit et que tous les lobbies professionnels ne sont pas aussi accrochés à la défense de leurs droits acquis qu'on ne le prétend.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Jean-Jacques Descamps. On le constate de plus en plus, par exemple dans l'éducation nationale.

C'est sur ces Français lucides et responsables, de plus en plus nombreux, que le Gouvernement doit s'appuyer pour adapter rapidement notre pays à la compétition mondiale.

La politique économique et financière qui s'exprime dans ce budget, va, je le répète, dans le bon sens, même si je la trouve encore un peu trop classique. Mais faute de dessiner des perspectives plus affirmées et plus novatrices, lesquelles seraient de toute façon désapprouvées par nos adversaires, je crains qu'elle ne peine à redonner confiance à nos propres amis...

M. Pascal Terrasse. Bref, vous traitez le Gouvernement de gauchiste !

M. Jean-Jacques Descamps. ...au risque qu'elle ne puisse éviter le retour de la social-démocratie,...

M. Henri Emmanuelli. Quelle horreur !

M. Jean-Jacques Descamps. ...qui nous a inspirés depuis quarante ans et qui aboutirait au déclin inéluctable de notre pays.

M. Henri Emmanuelli. Il faut vraiment le garder celui-là !

M. Jean-Jacques Descamps. Néanmoins, monsieur le secrétaire d'État, il faut vivre d'espoir, en s'attachant à tous les éléments favorables que ce projet recèle. C'est pourquoi je le voterai, en espérant toutefois que les amendements adoptés en commission des finances - en particulier ceux relatifs à l'ISF - seront approuvés, au moins en partie, par l'Assemblée. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Aurillac.


Mme Martine Aurillac
.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, voici donc le troisième budget de cette législature. N'en déplaise aux esprits critiques ou railleurs, les motifs de satisfaction ne manquent pas, d'autres l'ont souligné avant moi. C'est en effet un budget solide, qui met fin à certaines dérives que l'on a connues dans le passé, et équitable dans la répartition des moyens.

Solide parce que, pour la troisième année consécutive, les dépenses de l'État ne progressent pas davantage que la hausse des prix - et Dieu sait que l'exercice n'a pas été facile ! De plus, les marges de manœuvre qui ont pu être regagnées permettront, pour peu que la croissance, aujourd'hui plus forte que la moyenne européenne, nous accompagne encore malgré la hausse du pétrole, de réduire, pour 10 milliards d'euros, notre déficit public, qui se trouvera ainsi ramené en dessous des 3 % fatidiques du pacte de stabilité. Qui eût pu le croire il y a encore seulement un an ? Les 2 milliards restants seront affectés à des allégements, pour 0,88 milliard d'euros, en faveur des ménages par la relance de la consommation - rattrapage du SMIC, prime pour l'emploi, accession sociale à la propriété, donations et successions -, et, pour 1,1 milliard d'euros, en faveur des entreprises.

Mais ce budget est également équitable. Ainsi, il est prévu de consacrer 1 milliard d'euros pour lancer en 2005 le plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo, 1 milliard d'euros à l'éducation et à la recherche, c'est indispensable, 1 milliard d'euros aux délocalisations et à la productivité, 1 milliard d'euros pour les grandes lois de programmation et pour l'aide publique au développement, ce qui personnellement me réjouit.

Je voudrais insister sur deux points.

Le premier concerne les emplois à domicile, dont les employeurs bénéficieront d'un allégement de 60 millions d'euros. J'observe tout d'abord que cela participe à la création d'emplois.

M. Henri Emmanuelli. Mais bien sûr...

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

Mme Martine Aurillac. Ces emplois sont particulièrement utiles aux familles et aux personnes âgées.

M. Guy Geoffroy. Absolument ! Il fallait le dire !

Mme Martine Aurillac. Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'État, de vous remercier au nom de cette catégorie de prétendus « riches privilégiés » que le Parti socialiste aime tant stigmatiser et le Parti communiste caricaturer, je veux parler des personnes âgées dépendantes.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Absolument !

Mme Martine Aurillac. Il s'agit souvent, on le sait, de femmes seules et veuves qui n'ont d'autres ressources que des pensions réduites de moitié à la mort de leur conjoint. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pascal Terrasse. Grâce à votre décret !

M. Augustin Bonrepaux. Vous pouvez applaudir, ce n'est pas brillant !

Mme Martine Aurillac. Elles ont besoin, en permanence, pour leur maintien à domicile, d'une ou plusieurs « aides de vie », fournies la plupart du temps par des associations intermédiaires dont le rôle est essentiel pour la qualité et la continuité du service.

Le salaire et les charges sociales de ces « aides de vie » qui restent dues malgré l'exonération de la cotisation patronale sont payés par la personne âgée dépendante.

M. Augustin Bonrepaux. C'est après qu'on s'aperçoit qu'on a fait des bêtises !

Mme Martine Aurillac. Cette lourde charge excède souvent le revenu de ces personnes, même si l'APA vient atténuer ce déficit. Le revenu, hors APA, de ces personnes reste imposable et ne bénéficie, pour ces emplois sans rapport avec les services domestiques habituels, que de la réduction d'impôt prévue pour les emplois à domicile.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Absolument !

Mme Martine Aurillac. En l'augmentant de 50 %, vous apportez un soulagement exceptionnel...

M. Guy Geoffroy. Et bienvenu !

Mme Martine Aurillac. ...à des personnes pour qui le service à domicile est une nécessité, jamais un luxe.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est vrai !

M. Yves Jego. Très bien !

Mme Martine Aurillac. Ma seconde remarque concerne l'ISF.

M. Henri Emmanuelli. Ah !

Mme Martine Aurillac. Impôt coûteux, aux effets pervers, cet impôt aggrave les délocalisations alors qu'il faudrait lutter contre l'évasion des capitaux en soutenant les entreprises, notamment les plus innovantes. S'agissant des particuliers, à défaut d'exclure de l'assiette la résidence principale, il est urgent de rétablir au moins l'indexation du barème avec un rattrapage. C'est le minimum qu'attendent les familles propriétaires de leur appartement, notamment dans les grandes agglomérations. La hausse vertigineuse du coût des appartements à Paris et en proche banlieue, et la non-indexation du barème depuis plusieurs années fabriquent automatiquement de nouvelles « fortunes » imposables, à la charge des familles qui ont besoin de plus d'un studio pour se loger tout simplement parce qu'elles ont des enfants. Leur impôt sur la « fortune » s'ajoute à leur impôt sur le revenu et à leurs impôts locaux, sans compter les vingt pages de la déclaration que ces familles doivent remplir !

Sous le bénéfice de ces observations, je voterai bien sûr ce budget volontariste et cohérent. Il honore notre engagement à réhabiliter l'effort, le travail et la responsabilité, et à lutter contre les gaspillages. Il devrait renforcer la croissance encore fragile et l'attractivité de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion générale et discussion des articles du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Rapport, n° 1863, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot