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Troisième séance du jeudi 21 octobre 2004

25e séance de la session ordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1

LOI DE FINANCES POUR 2005

PREMIERE PARTIE

Suite de la discussion
d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'amendement n° 232 à l'article 7.

Article 7 (suite)

M. le président. L'amendement n° 232 de M. Lellouche n'étant pas défendu, la parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l'amendement n° 400.

M. Patrick Bloche. L'article 7 traite de la nouvelle fiscalité applicable au pacs. Au-delà des effets d'annonce du ministre d'État, force est de constater, au vu des dispositions du projet de loi qui nous est présenté, qu'à l'arrivée le verre demeure à moitié plein, ou à moitié vide.

Nous aurions pu croire, après avoir voté ici même, il y a quelques semaines, un projet de loi créant une haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, que le Gouvernement irait jusqu'au bout de ses intentions. M. Sarkozy et M. Bussereau les avaient exprimées dans cet hémicycle au mois de juillet, lors de l'examen du projet de loi de soutien à la consommation et à l'investissement. Or force est de constater, au travers des dispositions touchant tant à l'imposition commune sur le revenu qu'aux successions et aux donations, qu'en ce qui concerne l'abattement spécifique applicable et les taux, de fortes discriminations demeurent.

Alors qu'il avait été fait grand cas, notamment dans la presse, d'une nouvelle fiscalité opposable aux personnes liées par un pacs, on aurait pu s'attendre à ce que, toute discrimination ayant disparu, la situation des couples pacsés soit alignée sur celle des couples mariés.

Je reconnais volontiers que le délai de trois ans, nécessaire pour que deux personnes pacsées puissent déclarer ensemble leurs revenus, est tombé. Cette mesure était réclamée par le groupe socialiste depuis plusieurs années ; je me rappelle avoir déposé un premier amendement en ce sens lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2002. Néanmoins nous constatons avec désagrément que la suspicion demeure à l'égard du pacs et que le qualificatif d'optimisation fiscale est utilisé aussi bien dans l'exposé des motifs du projet de loi que dans le rapport de M. Carrez. En matière de droits de succession et de droits de mutation à titre gratuit, nous assistons même à une régression, en ce qui concerne notamment les délais, puisque l'abattement spécifique et les taux applicables en matière de succession - j'y insiste - pourront être remis en cause en cas de rupture du pacs dans l'année en cours ou dans l'année qui suit, disposition que le code général des impôts ignore actuellement.

Surtout, la différenciation demeure forte en matière d'abattements spécifiques et de taux.

Ainsi l'abattement spécifique, compte tenu des nouvelles dispositions, sera de 57 000 euros pour les couples pacsés et de 126 000 euros pour les couples mariés. Les tarifs de droits de donation et de succession sont de 40 % et de 60 % pour les couples pacsés, au lieu du barème dégressif ordinaire de 5 à 40 % pour les couples mariés. Telle est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement qui vise, moins pour l'abattement que pour les taux, à un alignement de la situation des couples pacsés sur celle des couples mariés et à l'instauration d'une parfaite égalité entre eux.

Nous franchirions ensemble un grand pas si nous faisions tomber une discrimination qui, à vrai dire, mes chers collègues, n'a plus de raison d'être, cinq ans après l'entrée en vigueur du pacs que 300 000 personnes ont déjà choisi pour organiser leur vie commune.

M. Philippe Auberger. Quelle vie commune ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n°400.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. La commission a émis un avis défavorable.

Elle a certes reconnu l'intérêt de l'article 7, puisqu'il supprime, comme l'a souligné M. Bloche, le délai de trois ans pour bénéficier des avantages fiscaux spécifiques, à la condition, il est vrai, que le pacs ne soit pas dissous dans l'année qui suit. Je rappelle également que lorsque le pacs a été institué, les droits de succession ont été réduits par rapport au droit commun, de 60 % à 50 ou 40 % selon les cas.

Il a semblé à la commission que le texte du Gouvernement constituait un bon équilibre par rapport à la fiscalité opposable aux couples mariés et qu'il fallait s'y tenir. Elle n'a donc pas souhaité retenir cet amendement qui vise à aligner le taux d'abattement des droits de succession pour les couples pacsés sur celui des couples mariés.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement en discussion.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement a la même position que la commission des finances.

Monsieur Bloche, il convient d'être conscient de l'importance des avancées contenues dans le projet de loi de finances. Elles traduisent la volonté politique du Gouvernement de tenir compte de la réalité du pacs. Il faut en rester à l'équilibre instauré, dans l'attente d'une réflexion plus approfondie sur la modification du code civil, réflexion qui excède le domaine fiscal. Le parlementaire expérimenté que vous êtes ne l'ignore pas.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a émis un avis défavorable.

M. Philippe Auberger. Il convient de protéger la famille !

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

Pouvez-vous, par la même occasion, soutenir votre amendement de repli n° 283 ?

M. Patrick Bloche. Volontiers, monsieur le président. Je suis toujours très coopératif. Telle est la raison pour laquelle je ne me suis pas inscrit sur l'article 7.

Je souhaite cependant répondre aux arguments avancés par M. le rapporteur général et par M. le secrétaire d'État.

À l'heure actuelle - une enquête le prouverait - un grand nombre de nos concitoyens, notamment parmi les couples déjà pacsés, s'attendent, pour avoir entendu les annonces du ministre d'État relatives au projet de loi de finances, à ce que l'année 2005 voie la disparition des dernières discriminations existantes et l'instauration d'une parfaite égalité entre couples pacsés et couples mariés, en matière d'imposition sur le revenu, de droits de succession ou de fiscalité relative aux donations. Or, en l'occurrence, il n'en est rien.

Je répète en effet que l'abattement sur les successions reste de 57 000 euros pour les couples pacsés contre 126 000 euros pour les couples mariés et que les tarifs pour les droits de donation et de succession demeurent différents, alors que le Gouvernement aurait pu modifier les taux. Ils sont de 40 à 60 % pour les couples pacsés au lieu du barème dégressif ordinaire de 5 à 40 % pour les couples mariés. Nous assistons même à une régression en ce qui concerne les droits de succession, puisque vous remettez en cause l'imposition commune et le bénéfice de l'abattement spécifique et des taux spécifiques en matière de succession et de donation en cas de rupture du pacs dans l'année qui suit. Enfin, la qualité d'héritier demeure absente et les quotités d'héritage disponible sont différentes.

Le Gouvernement a adopté une position hostile sur le mariage entre personnes de même sexe. Il s'est retrouvé dans une situation, dont nous avons goûté toute la saveur, de promotion soudaine du pacs, alors que l'opposition d'hier s'y était montrée ô combien hostile, y compris le futur ministre d'État, puisque M. Sarkozy avait voté contre le pacs.

Vous auriez été plus cohérents dans votre hostilité au mariage entre personnes de même sexe et dans votre toute nouvelle volonté de promouvoir le pacs, que vous avez décrié hier avec tant de vigueur, si vous aviez fait tomber toutes les discriminations et si vous aviez instauré un système de parfaite égalité entre couples pacsés et couples mariés.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons déposé un premier amendement visant à l'alignement des couples pacsés sur les couples mariés. Nous en avons déposé un second, de repli, qui, je l'espère, recevra un meilleur accueil du Gouvernement. Il tend à permettre aux couples pacsés de bénéficier de l'abattement spécifique et des tarifs de droits de succession applicables entre frères et sœurs.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Comme je l'ai déjà souligné dans mon intervention de cet après-midi, je suis assez favorable à l'amendement de repli de M. Bloche.

En revanche, je suis opposé à l'alignement des taux et des abattements dont peuvent bénéficier les pacsés sur ceux applicables aux couples mariés. Le pacs n'entraînant pas les mêmes obligations que le mariage, une telle différenciation ne présente, à mes yeux, rien de choquant.

L'alignement des taux et des tranches sur le barème applicable entre frères et sœurs me paraît en revanche une bonne mesure.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 400.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. M. Bloche a déjà présenté son amendement de repli n° 283.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a également émis un avis défavorable sur cet amendement pour la raison que j'ai évoquée il y a un instant.

Lorsque le pacs a été institué, des taux plus favorables à ceux du droit commun ont en effet été mis en place : 40 ou 50 % selon les tranches, contre 60 % pour le droit commun. Le dispositif proposé par le Gouvernement, qui réduit le délai de trois ans à un an, constitue, selon nous, un équilibre satisfaisant qu'il n'y a pas lieu de modifier.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je suis sensible à l'intervention de M. Huyghe. À partir de 2005, et c'est pour le moins paradoxal, les taux en vigueur seront donc plus défavorables aux couples pacsés qu'aux frères et sœurs vivant ensemble. Or ces couples représentent 300 000 de nos concitoyens qui ont fait le choix de vivre ensemble, sous le même toit, et de partager bien des choses. Les frères et sœurs n'ont qu'une éducation et des souvenirs en commun. En repoussant notre amendement, vous allez maintenir une inégalité qui ne se justifie plus aujourd'hui.

Vous avez refusé, et nous le regrettons, de ne modifier ni l'abattement spécifique ni les taux. En acceptant cet amendement de repli, vous montreriez que vous avez la volonté de progresser vers une égalité de traitement entre couples pacsés et couples mariés. L'adoption de cet amendement serait un signe fort.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 283.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Article 8

M. le président. Cet article ne faisant l'objet d'aucun amendement, je le mets aux voix.

(L'article 8 est adopté.)

Après l'article 8

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 8.

Les amendements nos 32 rectifié, 206 et 486 rectifié sont identiques. Sont-ils défendus ?

M. Patrice Martin-Lalande. Ils sont défendus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a émis un avis défavorable à ces amendements. Par principe, une exploitation familiale peut relever de l'impôt sur le revenu, mais ce n'est pas vrai pour l'ensemble des activités. Les EARL personnelles et les EARL de famille peuvent, quant à elles, relever de l'impôt sur le revenu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 32 rectifié, 206 et 486 rectifié.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. J'en viens à six amendements identiques nos 34, 70, 159, 208, 415 et 480 rectifié.

M. Patrice Martin-Lalande. Les amendements nos 34 et 208 sont défendus.

M. Richard Mallié. L'amendement n° 70 également.

M. le président. Les amendements étant identiques je considère qu'ils sont tous défendus.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a émis un avis défavorable à ces amendements. Il importe en effet d'avoir les mêmes règles de seuil en matière comptable et fiscale. Et le seuil a déjà été revalorisé lors du passage à l'euro puisqu'il est passé de 2 500 francs à 500 euros.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 34, 70, 159, 208, 415 et 480 rectifié.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 43, 195 et 477 rectifié.

M. Patrice Martin-Lalande. L'amendement n° 43 est retiré et l'amendement n° 195 est défendu.

M. Richard Mallié. L'amendement n° 477 est également défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Comme l'an passé, la commission a repoussé ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 195 et 477 rectifié.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous en venons à quatre amendements identiques, nos 44, 73 rectifié, 196 et 478 rectifié.

M. Patrice Martin-Lalande. Les amendements nos 44 et 196 sont défendus.

M. Richard Mallié. L'amendement n° 73 rectifié aussi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 44, 73 rectifié, 196 et 478 rectifié.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques, nos 38, 67 rectifié, 190, 432 et 473 rectifié.

M. Patrice Martin-Lalande. Les amendements nos 38 et 190 sont défendus.

M. Richard Mallié. L'amendement n° 67 également.

M. le président. Les amendements étant identiques, je peux considérer qu'ils sont défendus tous les cinq.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté ces amendements portant sur la déduction pour aléas dans le domaine de la fiscalité agricole qui visent à exonérer d'impôt sur le revenu les sommes bloquées sur un compte au titre de la dotation de provision. En revanche, et nous le verrons plus loin, elle a accepté un amendement tendant à améliorer le fonctionnement de cette dotation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je partage l'avis de la commission.

La déduction pour aléas est en effet intéressante. J'indique même à la représentation nationale que nous avions pensé à l'utiliser pour aider la profession agricole à faire face à l'augmentation du cours du pétrole. La DPA est une spécificité qui mérite notre attention car nous pouvons peut-être améliorer son utilisation.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 38, 67 rectifié, 190, 432 et 473 rectifié.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de sept amendements, nos 39, 68 rectifié, 191, 433, 474 rectifié, 242 rectifié et 228, pouvant faire l'objet d'une discussion commune.

Les amendements nos 39, 68 rectifié, 191, 433 et 474 rectifié sont identiques.

M. Patrice Martin-Lalande. Les amendements nos 39 et 191 sont défendus.

M. Richard Mallié. L'amendement n° 68 rectifié l'est aussi.

M. le président. Je considère donc que les cinq amendements identiques sont défendus.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir les amendements nos 242 rectifié et 228.

M. Hervé Mariton. Il s'agit d'améliorer le mécanisme de la dotation pour amortissement.

Ces amendements résultent de l'analyse de situations vécues par le monde agricole et visent à porter de cinq à sept exercices le délai pendant lequel les sommes bloquées sur un compte au titre de la déduction pour aléas peuvent être utilisées en cas de survenance d'un aléa.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les cinq amendements identiques tendent à faire passer la durée de la déduction pour aléas de cinq à dix ans, ce qui nous a paru trop long.

En revanche, la commission a émis un avis favorable sur les amendements de M. Mariton, qui se bornent à une extension à sept ans. En effet, un aléa climatique peut se traduire par de très lourdes pertes et une exploitation agricole peut brutalement passer d'un résultat positif à un résultat négatif. Compte tenu de la violence des conséquences de ce type de problème sur les comptes d'une exploitation, il faut donc prévoir une durée relativement longue pour permettre leur amortissement. Passer la DPA à sept ans nous semble ainsi une bonne mesure. J'espère que le Gouvernement va l'accepter.

Je précise toutefois que la rédaction de l'amendement n° 228 nous semble préférable à celle de l'amendement n° 242 rectifié, que M. Mariton pourrait peut-être retirer. Je lui en serais reconnaissant.

M. le président. Monsieur Mariton, acceptez-vous la proposition de M. le rapporteur général ?

M. Hervé Mariton. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 242 rectifié est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 228 ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement émet le même avis que la commission.

M. le président. Vous levez donc le gage ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Je pense que l'amélioration de la dotation pour aléas est une étape importante. Comme nous aurons l'occasion de le voir, le budget de l'agriculture prévoit enfin de réels financements pour les dispositifs d'assurance récoltes. Tout cela participe de la même démarche quand on sait les difficultés de fonctionnement de la caisse des calamités agricoles.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 39, 68 rectifié, 191, 433, 474 rectifié.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 228, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 435 de M. Gérard Voisin n'est pas défendu.

J'appelle donc quatre amendements, nos 40, 71 rectifié, 475 rectifié, 229 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 40, 71 rectifié et 475 rectifié sont identiques.

M. Patrice Martin-Lalande. L'amendement n° 40 est défendu.

M. Richard Mallié. L'amendement n° 71 rectifié également.

M. le président. Je considère que les trois amendements identiques sont défendus.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l'amendement n° 229 rectifié.

M. Hervé Mariton. Les contrats territoriaux d'exploitation bénéficient d'un certain nombre d'avantages fiscaux qu'il est proposé d'étendre aux contrats d'agriculture durable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a émis un avis défavorable aux trois amendements identiques, mais un avis favorable à l'excellent amendement de M. Mariton qui va clarifier la situation des différents contrats.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission. Je précise que le Gouvernement lève le gage sur l'amendement n° 229 rectifié.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 40, 71 rectifié et 475 rectifié.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 229 rectifié, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 54 rectifié, 33 rectifié, 207 et 479 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 33 rectifié, 207 et 479 rectifié sont identiques.

M. Patrice Martin-Lalande. Les amendements nos 33 rectifié et 207 sont défendus.

M. le président. Les amendements identiques sont donc défendus.

Est-ce le cas de l'amendement n° 54 rectifié ?

M. Patrice Martin-Lalande. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a repoussé ces amendements. En effet, pour être soumis au régime des bénéfices agricoles, les bénéfices industriels et commerciaux ou les bénéfices non commerciaux doivent représenter au maximum 30 % des recettes de l'activité agricole, et cela dans la limite de 30 000 euros. C'est cette limitation qui justifie que l'on puisse parler de revenus accessoires au-delà de 30 %.

La commission a toutefois observé - à cet égard je me tourne vers vous, monsieur le secrétaire d'État - que ce plafond de 30 000 euros était un peu bas. Peut-être faudrait-il le réactualiser en le faisant passer à 40 000 euros, par exemple.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, j'ai bien compris la préoccupation du rapporteur général. Cette proposition pourrait peut-être, avec son assentiment, trouver sa place dans le projet de loi de modernisation agricole.

Sur les amendements le Gouvernement partage l'avis de la commission des finances.

M. le président. Un avis qui est défavorable, monsieur le rapporteur général ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En effet, mais j'ai bien noté l'observation de M. le secrétaire d'État et je la transmettrai à M. Marleix.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 33 rectifié, 207 et 479 rectifié.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 436 de M. Gérard Voisin n'étant pas défendu, j'en viens à trois amendements identiques, nos 80 rectifié, 183 rectifié et 439.

M. Richard Mallié. L'amendement n° 80 rectifié est défendu.

M. Patrice Martin-Lalande. Les amendements nos 183 rectifié et 439 sont défendus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ces amendements ont été rejetés par la commission des finances, même si l'idée qu'ils contiennent est intéressante. Je vais, pour une fois, utiliser un argument que j'évite aussi souvent que je le peux : ils seraient extraordinairement coûteux et l'état de nos finances ne nous permet pas de les recevoir.

M. le président. Je constate que le Gouvernement partage l'avis de la commission.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 80 rectifié, 183 rectifié et 439.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 430 est-il défendu ?

M. Richard Mallié. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il a été repoussé par la commission.

M. le président. Le Gouvernement a le même avis défavorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 430.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements, nos 79 rectifié, 161, 240, 496 et 500, pouvant être soumis à une discussion commune.

M. Richard Mallié. L'amendement n° 79 rectifié est défendu.

M. Sébastien Huyghe. L'amendement n° 161 est également défendu.

M. Patrice Martin-Lalande. Les amendements nos 240 et 496 sont défendus.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié, pour soutenir l'amendement n° 500.

M. Richard Mallié. Cet amendement vise à améliorer le statut du conjoint de l'exploitant d'une entreprise individuelle. Nous proposons en effet d'admettre la déduction totale du salaire du conjoint pour les adhérents des centres et des associations de gestion agréés et de revaloriser la limite de 2 600 à 13 800 euros pour les non adhérents - ce qui est une somme peu élevée pour une année - pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2005.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté ces amendements, qui avaient déjà été, l'an dernier, examinés et rejetés.

Je tiens à vous rappeler, mes chers collègues, le fonctionnement de la déduction pour les conjoints d'exploitant d'une entreprise individuelle.

Pour les conjoints mariés sous le régime de la séparation des biens, il n'y a bien entendu aucune limite à la déductibilité du salaire versé au conjoint. Pour les conjoints mariés sous le régime de la communauté de biens, le salaire est déductible des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux, dans la limite de 2 600 euros. Si l'entreprise adhère à un centre de gestion agréé, ce salaire peut être déductible dans la limite de trois fois le SMIC.

Ce dispositif me paraît équilibré. Nous avons eu l'occasion de l'étudier lors de la discussion du projet de loi pour l'initiative économique, il y a un an et demi. Le fait que le plafond soit plus élevé s'agissant des entreprises qui adhèrent à un centre de gestion agréé me semble tout à fait normal. L'équilibre de ce dispositif étant satisfaisant, la commission n'a pas souhaité relever ces plafonds.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 500 de M. Mallié et M. Mariani qui vise à porter la limite de déduction du salaire du conjoint de l'exploitant d'une entreprise individuelle à 13 800 euros et à admettre sa déduction totale en cas d'adhésion à un organisme de gestion agréé.

Je félicite ses auteurs, car ils ont devancé le Gouvernement qui avait l'intention de présenter une proposition en ce sens. Nous avons tous le souci d'améliorer le statut du conjoint de l'exploitant. Or cette mesure simplifie le régime actuel et maintient l'avantage pour les adhérents à un centre de gestion agréé. Nous ne pouvons donc que lui apporter notre soutien.

M. Philippe Auberger. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Monsieur le président, je ne vais pas retirer cet amendement, bien que le rapporteur général ait exprimé un avis défavorable au nom de la commission. Je me félicite au contraire du bon sens dont M. le secrétaire d'État a fait preuve en acceptant cette proposition et je l'en remercie.

Aujourd'hui, 2 600 euros annuels ne représentent rien. Par ailleurs, conserver la différence entre les adhérents des AGA, des CGA et les non-adhérents est une bonne chose, car je vous rappelle que les adhérents des centres et des associations de gestion agréés sont des travailleurs indépendants qui s'engagent pour une totale transparence fiscale. Il est donc nécessaire d'instaurer une différence entre les uns et les autres.

Je remercie encore M. le secrétaire d'État d'avoir donné un avis favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 161.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 240.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 496.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur le président, puis-je intervenir avant le vote de l'amendement n° 500 ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur le président, j'ai fait part de l'avis défavorable de la commission aux quatre premiers amendements, mais je ne me suis pas prononcé sur l'amendement n° 500. M. le secrétaire d'État, dans l'enthousiasme qui accompagne une bonne nouvelle, m'en a empêché !

M. le président. Nous allons corriger le tir, monsieur le rapporteur général !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Tout à fait, car il est important que cet amendement soit accepté par l'Assemblée. C'est une question dont nous avons déjà discuté l'année dernière et je me réjouis que nous puissions procéder cette année à ce réajustement. Je le répète, nous avons beaucoup insisté lors de l'examen du projet de loi pour l'initiative économique sur la nécessité d'un traitement différencié entre les entreprises qui adhèrent à un centre de gestion agréé et les autres. L'amendement n° 500 me convient donc parfaitement.

M. le président. La rectification est faite.

Monsieur le secrétaire d'État, je suppose que vous levez le gage ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Oui, monsieur le président !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 500, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir l'amendement n° 247.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai en même temps l'amendement suivant, n° 244.

M. le président. Je vous en prie !

M. Michel Bouvard. Ces amendements traitent du problème de la réhabilitation du parc de l'immobilier touristique. Je vous rappelle qu'il y a environ cinq ans a été mis en place le dispositif des ORIL et des VRT, qui vise à favoriser les opérations de réhabilitation de l'immobilier de loisirs dans certaines zones urbanisées. Dans ces zones, la réhabilitation d'un certain nombre de logements en respectant la procédure des villages résidentiels de tourisme ouvre droit à une récupération de la TVA. Lorsque ce dispositif a été créé, les opérations liées au logement étaient soumises à une TVA au taux de 19,6 %. Depuis, il a été abaissé à 5,5 %.

Ce dispositif a été créé pour inciter les propriétaires à réhabiliter leurs logements, mais cette incitation s'est beaucoup atténuée et le dispositif de réhabilitation de l'immobilier de loisirs, pour dire les choses clairement, a beaucoup de mal à décoller. Aujourd'hui, nous voyons apparaître des zones de friche touristique et des logements qui se dégradent et ne correspondent plus aux attentes de la clientèle étrangère. Ces logements sont en général en mauvais état, monsieur le secrétaire d'État - j'insiste sur ce point - et sont souvent loués dans le cadre de marchés parallèles. Ils contribuent ainsi à donner une mauvaise image de l'accueil touristique en France et les recettes fiscales auxquelles l'État pourrait prétendre sont perdues puisque les sommes versées entretiennent un marché parallèle.

Nous vous proposons donc de tirer les conclusions d'un relatif échec de la réhabilitation de l'immobilier de loisirs et de mettre en place un dispositif plus incitatif pour favoriser les réhabilitations d'ensembles complets, préférables aux réhabilitations éclatées. Tel est le but de l'amendement n° 247, qui comprend une disposition complémentaire. Ces logements étant situés en général dans de grandes stations touristiques, pourquoi ne pas traiter en même temps le problème du logement des saisonniers en obligeant les propriétaires, dans le cadre de réhabilitations portant sur des ensembles complets de logements touristiques, à en réserver un certain nombre au logement des salariés saisonniers ?

Quant à l'amendement n° 244, il constitue une variante du précédent mais sa portée est plus limitée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a donné un avis défavorable sur ces amendements, qui posent un problème de méthode.

Je dois cependant attirer l'attention de Michel Bouvard sur le fait que le contenu de l'amendement n° 247 est actuellement en discussion dans le cadre du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. Il serait donc préférable que cette proposition poursuive son chemin dans le cadre de ce texte, du fait de son antériorité. C'est pourquoi, nous lui avons donné un avis défavorable, ce texte ne nous semblant pas être le bon support pour cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je comprends la proposition de Michel Bouvard et je sais où elle pourrait s'appliquer et où elle serait utile. Toutefois j'ajoute que cette disposition aurait un coût très important car elle soutiendrait le marché secondaire de logements dans des résidences de tourisme qui nécessitent des travaux de grande ampleur. Son impact budgétaire risquerait d'être très important. Par ailleurs, elle comporterait d'importants risques de contagion : les résidences de retraite, les résidences médicalisées ou encore les résidences pour étudiants pourraient présenter la même demande.

Les amendements nos 247 et 244 nécessitent d'être étudiés plus attentivement. Dans un premier temps, je demande à leur auteur de bien vouloir les retirer, sachant que nous sommes prêts à y réfléchir avec lui.

M. le président. Accédez-vous à cette demande, monsieur Bouvard ?

M. Michel Bouvard. Il s'agit d'un problème ancien, je me permets de le répéter.

Dès le début de la législature le ministère délégué au tourisme a mis en place, en collaboration avec le ministère de l'économie et des finances, un groupe de travail consacré à cette question, mais il n'a pas encore débouché sur une solution. Comme l'a indiqué le rapporteur général, un amendement au projet de loi relatif au développement des territoires ruraux a bien été déposé, mais son contenu n'est pas pleinement satisfaisant. Si le Gouvernement s'engageait, comme vient de le dire le secrétaire d'État au budget, à faire avancer ce dossier, dans le prolongement des travaux du comité interministériel du tourisme, dans le cadre soit de la discussion budgétaire, soit du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, je retirerais bien évidemment ces amendements.

Je tiens cependant à formuler une dernière remarque.

Le ministère des finances nous oppose souvent le coût de cette mesure. Or c'est se faire beaucoup d'illusions sur la vitesse avec laquelle elle serait mise en œuvre que de croire que plusieurs milliers de logements pourraient être réhabilités chaque année. Tant les élus des stations touristiques que les professionnels du tourisme savent combien il sera difficile de convaincre les propriétaires de faire réhabiliter leurs logements et de les remettre sur le marché de la location dans le cadre de structures organisées.

Il n'y en a pas moins là un enjeu considérable, à un double titre.

Il s'agit d'abord de limiter le nombre des constructions neuves dans les zones touristiques afin de préserver les paysages, ce qui suppose une mobilisation du patrimoine ancien.

Il s'agit ensuite de maintenir les capacités d'accueil qui permettent à notre pays de rester la première destination touristique mondiale et chacun sait ce que cela signifie en matière de rentrées de devises et de recettes fiscales. Or aujourd'hui, si la France reste la première destination touristique mondiale, ce secteur connaît un tassement et nous perdons des parts de marché. Une bonne gestion de nos capacités d'accueil est essentielle, au moment où le parc de résidences de tourisme vieillit et où l'hôtellerie familiale tend à disparaître.

Cela étant, compte tenu de l'engagement du Gouvernement, je consens à retirer ces amendements.

M. le président. Les amendements nos 247 et 244 sont retirés.

Je vous donne cependant la parole, monsieur Augustin Bonrepaux, puisque vous la demandez depuis un moment, mais soyez bref.

M. Augustin Bonrepaux. Je veux simplement insister auprès de M. le secrétaire d'État pour souligner qu'il est essentiel d'encourager la rénovation du bâti dans les zones touristiques. En 2000, quand la loi a institué le dispositif des ORIL, le taux réduit de TVA dont ces opérations devaient bénéficier pouvait apparaître avantageux ; ce n'est plus le cas aujourd'hui où ce taux réduit s'applique partout. À quoi bon construire des résidences neuves si l'on n'a pas trouvé les moyens de rénover l'ancien ?

C'est pourquoi les propositions de Michel Bouvard sont pleinement justifiées. Il faut absolument, monsieur le secrétaire d'État, trouver une solution avant la fin de l'année, que ce soit dans le cadre de la loi de finances ou dans celui de la loi relative au développement des territoires ruraux.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir l'amendement n° 245.

M. Michel Bouvard. Cet amendement a trait aux zones éligibles au titre de l'investissement dans les résidences de tourisme neuves. Il a pour but d'étendre à un périmètre bien délimité le dispositif actuel de défiscalisation en matière de construction de résidences de tourisme.

Je rappelle que, dans l'état actuel du droit, il existe deux catégories de zones éligibles : les zones de revitalisation rurale et les zones d'objectif 2 de l'Union européenne classées territoires ruraux. Je propose donc d'étendre ce dispositif au périmètre des agglomérations nouvelles au sens de la loi du 10 juillet 1970. Cette disposition favoriserait la fréquentation de grands sites touristiques construits dans l'agglomération parisienne ou à proximité en améliorant leur rentabilité. L'État y trouverait également avantage puisqu'il y garantit beaucoup d'emprunts.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je suis favorable à cet amendement. Il n'est pas pertinent de lui opposer l'argument selon lequel il aurait dû se trouver dans le texte relatif au développement des territoires ruraux puisqu'il s'agit d'étendre un dispositif de défiscalisation à des zones d'agglomérations nouvelles pour favoriser l'investissement résidentiel dans ces secteurs.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Très favorable.

M. le président. Vous levez donc le gage ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 245, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. J'en viens à l'amendement n° 132.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le défendre.

M. Michel Bouvard. Cet amendement concerne également le tourisme puisqu'il a trait au chèque-vacances. Il a principalement pour but de clarifier le régime fiscal applicable au chèque-vacances en ce qui concerne les comités d'entreprise.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a repoussé cet amendement, comme elle l'avait fait l'année dernière. Les versements des comités d'entreprise au titre des chèques vacances sont en effet exonérés par instruction de l'administration fiscale, dans la même limite que les abondements de l'employeur, lorsque le comité d'entreprise intervient en complément de l'employeur. En revanche, lorsqu'il intervient de façon autonome, donc sans être soumis à la condition de ressources, il est normal que l'exonération ne s'applique pas dans ce cas.

Il n'y a pas lieu de préciser une règle déjà parfaitement claire : soit l'abondement du comité d'entreprise complète celui de l'employeur, sous réserve d'une condition de ressources ; soit le comité d'entreprise intervient d'une façon autonome. Dans ce dernier cas il n'y a pas de condition de ressources et corrélativement pas d'exonération.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même sentiment.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 132 est retiré.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour défendre l'amendement n° 133.

M. Michel Bouvard. L'amendement précédent a été l'occasion d'apporter une précision quant aux dispositions applicables en matière de chèque-vacances. L'amendement n° 133 a pour but, quant à lui, de faciliter la diffusion du chèque-vacances dans les PME.

Je veux à ce propos rappeler un point d'histoire.

En 1997, un projet de loi préparé par le ministre en charge du tourisme à l'époque, M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, prévoyait l'extension aux PME du bénéfice du chèque-vacances. Ce projet de loi n'ayant pas vu le jour pour cause de dissolution, cette disposition a été reprise quelques années plus tard dans le cadre d'une proposition de loi du groupe RPR, qui n'a pas davantage abouti.

M. Jean-Pierre Brard. C'est quoi ça le RPR ? C'est la préhistoire ! C'est de l'archéologie !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Et le PC donc !

M. Michel Bouvard. Elle a finalement été reprise dans un projet de loi présenté par Michèle Demessine et a alors bénéficié d'un vote unanime du Parlement.

Or force est de constater aujourd'hui que le chèque- vacances se diffuse très difficilement dans les PME. L'un des obstacles majeurs à ce développement est la différence de traitement entre les salariés d'une même entreprise. Cet amendement tend donc à établir une plus grande équité entre ces salariés : nous proposons que tous les salariés d'une entreprise de moins de cinquante salariés puissent bénéficier du même régime du chèque-vacances.

Cet amendement renvoie à l'article 6 de l'ordonnance du 26 mars 1982, qui définit les organismes à caractère social visés par l'article 2 de la même ordonnance, tels que les comités d'entreprise. Les entreprises qui relèvent d'un organisme de ce type peuvent faire bénéficier de l'aide aux vacances tous leurs salariés, leurs conjoints et les personnes à leur charge. En revanche, dans les entreprises de moins de cinquante salariés qui ne relèvent pas d'un tel organisme, seuls peuvent bénéficier de ces avantages les salariés qui remplissent les conditions de ressources. Nous proposons de mettre fin à cette discrimination en ouvrant le droit aux aides aux vacances à tous les salariés. On permettra ainsi au chèque-vacances de se développer dans les PME.

Je souligne que cette mesure présente un intérêt majeur pour l'État. En effet, les excédents de recettes de l'agence nationale du chèque-vacances sont utilisés à la réhabilitation de l'immobilier touristique associatif. Cette mesure permettrait donc d'accroître le soutien de l'ANCV à la réhabilitation du locatif touristique social.

Elle étendrait enfin aux salariés des PME, qui distribuent très peu d'avantages - ce qui explique en partie leur difficulté à recruter - un dispositif dont bénéficient déjà les salariés des grands groupes et les agents des administrations.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a repoussé cet amendement, bien que le problème soulevé par Michel Bouvard soit réel.

En effet, monsieur le secrétaire d'État, les PME étant dépourvues de comité d'entreprise, leurs salariés ne peuvent bénéficier d'aides non soumises à condition de ressources, puisque cette faculté n'est ouverte qu'aux comités d'entreprises.

Il faut donc étudier le moyen de faire bénéficier davantage les salariés des PME du dispositif du chèque-vacances. Cependant l'amendement de notre collègue n'est pas satisfaisant.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Descamps.

M. Jean-Jacques Descamps. Dans son historique des efforts accomplis pour développer les chèques-vacances dans les PME, Michel Bouvard a oublié ceux, plus anciens encore, d'un certain secrétaire d'État en charge du tourisme. (Sourires.)

M. Michel Bouvard. Bien connu !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Un excellent secrétaire d'État que ce M. Descamps !

M. Jean-Jacques Descamps. Ce secrétaire d'État avait en effet proposé qu'on étende aux réseaux en charge de la distribution des chèques-restaurants la possibilité de distribuer aussi les chèques-vacances.

M. Jean-Pierre Brard. En quelle année ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. En 1986.

M. Jean-Jacques Descamps. Il s'agissait d'améliorer notablement le marketing des chèques- vacances, afin de favoriser leur pénétration dans le milieu des PME. Je regrette que cette solution n'ait pas été retenue et qu'on limite leur commercialisation à l'agence nationale des chèques-vacances. Elle restera de ce fait toujours insuffisante, quels que soient les efforts que l'on consentira.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 133.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Le Gouvernement ne s'étant pas prononcé en faveur de l'amendement, il faudra regarder de près ce qu'il en va du gage, monsieur le président de la commission des finances !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je lève le gage. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard. Merci, monsieur le secrétaire d'État.

M. le président. Oui, vous pouvez remercier le secrétaire d'État d'avoir levé le gage.

Article 9

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 9.

La parole est à M. Hervé Novelli.

M. Jean-Pierre Brard. Voilà un homme fier de ses idées et qui les assume !

M. le président. On ne vous a pas demandé votre avis sur M. Novelli, monsieur Brard !

M. Hervé Novelli. Rassurez-vous, monsieur Brard, vous aurez tout le temps de le donner !

Nous abordons donc la discussion de l'article 9 qui propose d'alléger les droits de succession dus en ligne directe et par le conjoint survivant. A cet égard je souhaite vous indiquer, monsieur le secrétaire d'État, combien je suis d'accord avec l'orientation qu'il traduit.

M. Jean-Pierre Brard. Cela ne nous étonne pas !

M. Hervé Novelli. Une étude récente de l'observatoire de l'épargne européenne qui compare l'imposition des placements dans trois pays - le Royaume-Uni, la France et l'Italie - livre des résultats sans ambiguïté à partir de données, il est vrai anciennes puisqu'elles concernent les années 1998, 1999 et 2000. Il en ressort que le taux de l'imposition de l'épargne est plus élevé en France qu'au Royaume Uni ou en Italie.

M. Jean-Pierre Brard. Et alors ? Où est le problème ?

M. Hervé Novelli. En France, malheureusement, la fiscalité du patrimoine est un tout, dont une partie s'appelle l'ISF.

M. Jean-Pierre Brard. Ciel !

M. Hervé Novelli. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de ce débat. Cela démontre que, comme l'a indiqué M. le ministre d'État, il n'y a pas de sujet tabou, et celui-là ne fait pas exception. À ce propos, monsieur Brard, et je vous signale, pour montrer combien ma parole est libre, que je ne suis pas assujetti à l'ISF. Je suis donc d'autant plus à l'aise quand je dis qu'il s'agit d'un mauvais impôt.

M. Jean-Pierre Brard. Vous n'êtes qu'un lansquenet !

M. le président. Arrêtez, monsieur Brard !

M. Hervé Novelli. Il s'agit d'un mauvais impôt d'abord parce que son rendement est faible : un peu plus de 2,3 milliards d'euros, soit moins de 1 % des recettes fiscales de notre pays. En outre ce faible rendement a paradoxalement des effets économiques dévastateurs,

En effet l'économie, vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, est d'abord affaire de psychologie. L'image de la France est durablement ternie par cette imposition qui frappe, on le sait, même les cadres étrangers qui viennent travailler en France et dont le patrimoine devient taxable, où qu'il se situe.

M. Jean-Pierre Brard. Quelle horreur !

M. Hervé Novelli. Mais il est surtout dévastateur pour l'économie et pour l'emploi. Les choix des autres pays en est un indice. La France fait de plus en plus figure d'exception : il n'y a pas d'ISF en Italie, ni en Allemagne, ni au Pays-Bas, ni en Irlande, ni en Belgique.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, ce n'est pas le sujet !

M. Hervé Novelli. Nos autres voisins le suppriment ou l'allègent.

M. Jean-Pierre Brard. Et le Luxembourg ?

M. Hervé Novelli. À l'encontre de ce mouvement général, notre pays l'a alourdi ces dernières années en instituant, entre autres, un taux de 1,8 %, le plus élevé d'Europe.

Milite également contre cet impôt la sociologie de l'entreprenariat français. Aujourd'hui, un grand nombre de chefs d'entreprise de province arrive à l'âge de la retraite. Depuis vingt, trente ou quarante ans, ils construisent leur entreprise, créent des emplois, investissent une grande partie du fruit de leur travail. Or, avec la cessation d'activité, ils seront assujettis à l'ISF et devront bien souvent acquitter un montant d'impôt supérieur à leurs revenus. Pour échapper à cette aberration, ils sont tentés - et pas uniquement tentés - de vendre complètement leur entreprise à des entreprises étrangères, afin de faciliter quelques montages fiscaux sophistiqués, et de s'expatrier. Pour minorer le coût fiscal, ils peuvent être tentés de réduire leur activité.

Il faut donc revenir sur cet impôt au regard de trois critères : la justice, d'abord ; l'équité, ensuite ; enfin, l'efficacité.

M. Gérard Bapt. La solidarité !

M. Hervé Novelli. Au regard de la justice, d'abord, est-il juste que le barème fixant le taux de l'ISF n'ait pas été actualisé depuis 1997?

En conséquence, 120 000 personnes supplémentaires y ont été assujetties depuis cette date.

M. Jean-Pierre Brard. Est-ce qu'elles sont parties ?

M. Hervé Novelli. Le nombre de contribuables a presque doublé, mais le montant moyen de l'impôt a baissé. C'est la preuve que cet impôt est inefficace et contreproductif.

Au regard de l'équité, ensuite, est-il équitable de laisser subsister dans ce pays un dispositif qui aboutit à ce qu'un contribuable se voit prélever la totalité, voire plus - et souvent plus - de ses revenus annuels en raison du cumul ISF et impôt sur le revenu ? Et encore nous ne prenons pas en compte les taxes foncières, la CSG, la CRDS. Aujourd'hui, près de 2 000 contribuables sont pourtant dans cette situation.

Avec un tel mécanisme, l'ISF tue sa propre assiette, comme Procuste dévorait ses enfants, dit-on ; c'est de l'incitation à l'expatriation. Bilan de l'opération : des entreprises familiales disparaissent, des emplois sont menacés, la base fiscale se contracte, le tissu économique s'affaiblit.

En Allemagne, la Cour constitutionnelle a jugé non légal l'équivalent de l'ISF car cela pouvait aboutir à une taxation supérieure à 50 % des revenus.

Sur le retour à la règle des 85 %, il y a, me semble-t-il, un consensus.

Si nous ne tranchons pas aujourd'hui cette question, c'est la justice européenne qui le fera un jour ou l'autre et qui demandera - encore une fois - au Gouvernement de modifier sa législation. Des plaintes à ce sujet ont été déposées devant la Cour européenne des droits de l'homme.

Au regard de l'efficacité, enfin, pour l'économie et pour l'emploi, est-il efficace que ces sommes ne soient pas affectées au développement de ces mêmes entreprises moyennes de province qui sont aujourd'hui les plus frappées par ce phénomène ?

Je tiens donc à insister sur le fait que l'ISF est un frein pour l'investissement dans nos PME, lesquelles manquent cruellement de fonds propres. Il faut lier ISF et investissement dans les PME. Celui qui prend le risque réel de placer une partie de ses économies dans une entreprise de création récente doit pouvoir ne pas être imposé en totalité au titre de l'ISF.

M. Gérard Bapt. Lisez la loi Dutreil !

M. Hervé Novelli. C'est au regard de ces trois critères de justice, d'équité et d'efficacité que je défendrai plus tard les amendements que j'ai déposés avec plusieurs de mes collègues. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Apocalypse Now !

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Monsieur le président, je ne sais pas si mon intervention vient au bon moment, car je comptais intervenir sur les droits de succession...

M. le président. Monsieur Bapt, vous êtes inscrit sur l'article, mais si vous ne voulez pas intervenir, pas de problème !

M. Didier Migaud. C'est M. Novelli qui s'est trompé de sujet !

M. Jean-Yves Chamard. Nous sommes bien sur les droits de succession !

M. le président. Monsieur Bapt, si vous ne voulez pas intervenir je vais donner la parole à M. Bonrepaux.

M. Gérard Bapt. C'est M. Novelli qui n'a pas traité du bon sujet !

M. Jean-Pierre Brard. Il est toujours hors sujet !

M. Michel Bouvard. Ses amendements viennent après l'article 9. Il ne peut pas faire autrement que d'intervenir sur l'article 9 !

M. Gérard Bapt. D'accord, mais j'ai lu, monsieur le président - et c'est pourquoi j'étais dans la confusion la plus totale - une dépêche AFP tombée cet après-midi nous informant qu'un accord était intervenu sur l'impôt de solidarité entre les députés UMP et le Gouvernement.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Nous sommes sur les successions, monsieur Bapt !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Revenons au sujet !

M. Gérard Bapt. « Le Gouvernement et les députés n'avaient pas trouvé d'accord à dix-sept heures trente jeudi », peut-on lire dans la dépêche.

M. Jean-Pierre Brard. Mais M. Accoyer est arrivé !

M. le président. Monsieur Brard, arrêtez-vous !

M. Gérard Bapt. A moins que le dîner ait permis de ne pas décider de « la création de la commission » dont il est fait état dans cette dépêche.

J'en viens à la baisse...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Voilà ! Très bien !

M. Gérard Bapt. ... en réalité, monsieur le secrétaire d'Etat, à la quasi-suppression des droits de succession que vous proposez au profit de moins de 20 % des ménages (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. Philippe Auberger. Mais non ! Il n'a rien compris !

M. Richard Mallié. Oh ! là ! là !

M. Gérard Bapt. ...pour un coût équivalent à une baisse d'un point du barème de l'impôt sur le revenu, soit 600 millions d'euros. Je comprends donc que M. Novelli fasse allègrement l'impasse sur cette mesure qu'il considère comme acquise !

Il s'agit d'ailleurs d'une des rares mesures à propos desquelles vous ne tentez pas d'accréditer l'idée qu'elles seront bénéfiques pour l'emploi, à l'inverse de ce qu'on a commencé à nous expliquer pour l'ISF. Vous affirmez seulement qu'elle bénéficiera à une grande partie des familles françaises.

En réalité, sous le vernis d'une campagne de communication faisant preuve d'une persévérance qu'il faut saluer, la mesure, qui repose, d'une part, sur la mise en place d'un nouvel abattement général de 50 000 euros sur le montant global de la succession et, d'autre part, sur la hausse de certains abattements existants accordés en fonction des liens de parenté à 50 000 euros, est particulièrement ciblée. A ce propos il faut rappeler certaines vérités : 20 % seulement des successions font actuellement l'objet de droits. Votre mesure exclut donc 80 % des cas. Vous faites référence à la valeur moyenne des successions - qui est effectivement proche de 100 000 euros -, mais la valeur moyenne n'est pas la valeur médiane et vous oubliez de signaler que moins d'une succession sur deux est d'une valeur supérieure à 55 000 euros, valeur médiane.

Enfin, vous oubliez de rappeler que la mesure de hausse des abattements s'applique à des niveaux déjà très élevés pour les successions. Elle ne jouera donc qu'à la marge, pour les patrimoines les plus importants. Ainsi l'exonération était déjà de 46 000 euros pour les enfants ; elle est même supérieure à ce que vous proposez entre époux et, en tout état de cause, existe déjà un abattement de 20 % sur la valeur de la résidence principale. Comme le constatait en 2000 Philippe Marini, rapporteur général au Sénat, ce sont près de 90 % des transmissions entre époux et 80 % des transmissions en ligne directe qui, déjà, ne donnent pas lieu à perception de droits.

Enfin, il faut rappeler que vous passez totalement sous silence la question du régime fiscal de l'assurance-vie, alors que ces produits de placement permettent une transmission de 152 500 euros, par bénéficiaire, en exonération totale de droits et d'impôt. Une réforme globale et juste des droits de succession n'aurait pas dû laisser de côté la question du régime fiscal de l'assurance-vie.

Ainsi, vous réduisez la contribution des plus aisés, tout en augmentant largement la contribution de la quasi-totalité des ménages par le biais des taxes, des impôts locaux et des contributions sociales diverses.

Je comprends que M. Novelli ait fait l'impasse sur la question des droits de succession. C'est une question réglée. Il en est déjà passé à l'autre sujet qui reste à traiter : la remise en cause de l'impôt sur la fortune.

Voilà pourquoi, sur ces deux questions, les députés socialistes se battront pied à pied pour la justice fiscale. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. L'article 9 est important car il devrait traduire le sens de la modernité dont nous parle toujours M. Sarkozy. Or, dans cet article, nous retrouvons les vertus d'Antoine Pinay qui avait le même discours concernant le patrimoine.

Gérard Bapt vient de citer des chiffres : cette disposition ne concernera que 20 % des ménages. Comme toujours, vos mesures sont ciblées sur les ménages les plus favorisés. Vous avez le droit d'en douter, car ce que dit Gérard Bapt, député socialiste, n'est pas forcément la vérité. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Sébastien Huyghe. C'est la deuxième évidence de la soirée !

M. Augustin Bonrepaux. Je veux dire que ce n'est pas forcément la vérité pour vous. Je vais donc vous prouver que nous avons des références, comme à chaque fois que nous nous exprimons.

Ces références, Gérard Bapt n'a pas voulu les citer. Il les a pourtant trouvées dans l'excellent rapport, pour certaines parties, de notre rapporteur général. Excellent rapport lorsqu'il s'agit de nous convaincre que les mesures sont bonnes ; moins bon rapport quand les dispositions ne sont pas très favorables et qu'il faut essayer de faire passer la pilule !

En tout cas, M. Carrez cite le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances du Sénat. Ainsi ce dernier indique que, globalement moins d'un quart des successions avaient donné lieu à perception de droits en 2000. Près de 90 % des transmissions entre époux et 80 % en ligne directe n'avaient donné lieu à aucune perception de droits. Si le montant moyen transmis est proche de 100 000 euros, le montant médian - c'est-à-dire celui pour lequel il existe autant de successions d'un montant inférieur que de successions d'un montant supérieur - de l'actif net transmis dépasse à peine 55 000 euros. En 2000, 10 % seulement des successions portaient sur un actif supérieur à 222 373 euros, selon ce même rapport.

Ce sont bien les chiffres cités par Gérard Bapt. Il a ainsi parfaitement démontré que cette mesure est clientéliste puisque les parts assujettis transmises en ligne directe sont inférieures en moyenne à l'abattement de 46 000 euros.

Enfin, il faut ajouter, pour faire litière de l'argument selon lequel cette mesure va encourager la consommation, que l'âge moyen des héritiers, tous liens de parenté confondus, est de cinquante-trois ans et qu'il est de soixante et onze ans pour les successions entre époux. Ce ne sont tout de même pas ceux qui consomment le plus ; ils ont plutôt tendance à épargner.

Ce rapport démonte donc complètement l'argumentation que vous nous avez présentée pour expliquer que cette mesure est très favorable pour les plus modestes.

M. Carrez en rajoute même en disant qu'elle est sociale !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J'assume ! Elle est sociale !

M. Augustin Bonrepaux. Il affirme que l'avantage fiscal sera proportionnellement plus important pour les petits patrimoines. Or, pour ces derniers il sera nul jusqu'à 55 000 euros puisque, jusqu'à présent, ils sont transmis en ligne directe sans aucune fiscalité !

Il ne faut donc pas venir nous raconter n'importe quoi, monsieur le rapporteur général ! De temps en temps, il faut être sérieux à l'égard de l'Assemblée nationale !

Votre rapport recèle donc bien des contradictions. Ainsi vous expliquez qu'il s'agit d'une mesure sociale, alors que l'effet sera nul pour les petits patrimoines.

Le second argument tend à accréditer l'idée que cette disposition serait économique. On lit en effet dans le rapport : « Il s'agit à la fois d'encourager l'effort individuel et de favoriser la consommation des personnes qui auront réalisé, grâce à la mesure, des économies en termes de droits de succession significatives. » Monsieur le rapporteur général, c'est aujourd'hui qu'il faut encourager la consommation ! C'est au début de l'année prochaine qu'il faut agir. Tel était notre objectif quand nous avons proposé, par exemple, d'augmenter la prime pour l'emploi.

A moins que vous ne pensiez qu'une future canicule va provoquer une multiplication des transmissions au cours de l'été prochain,...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Oh !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est de l'humour déplacé !

M. Augustin Bonrepaux. ...monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne pouvez pas affirmer que cette mesure aura un effet sur la consommation.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Mais si !

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le secrétaire d'État, je comprends que vous protestiez, mais c'est auprès du rapporteur général qu'il faut le faire, puisqu'il est l'auteur de ces lignes. « Il s'agit à la fois d'encourager l'effort individuel et de favoriser la consommation des personnes qui auront réalisé, grâce à la mesure, des économies en termes de droits de succession significatives. »

À moins d'envisager une épidémie, je ne vois pas comment vous comptez soutenir la consommation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Bonrepaux, il faut conclure.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez le droit de protester...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je pense aux personnes âgées !

M. Augustin Bonrepaux. ...mais expliquez-nous aussi pour quelles raisons vous présentez cette mesure. Des raisons sociales ? Sûrement pas. Des raisons économiques ? Pas davantage. En quoi cette mesure va-t-elle soutenir la consommation ? Quel est le pourcentage des contribuables qui en bénéficieront ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Parmi les mesures de ce projet, finement ciblées pour bénéficier aux ménages les plus aisés,...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Mais non !

M. Jean-Claude Sandrier. ...la forte réduction des droits de succession que propose l'article 9 est très révélatrice d'une manière de travestir la réalité par une présentation orientée et des exemples judicieusement choisis. La présentation par le ministre est on ne peut plus sympathique : « J'estime, dit-il, que, quand on a travaillé toute sa vie, on a le droit de laisser à ses enfants en franchise d'impôts ce qui représente le produit de son travail. » (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Édouard Landrain. Il a raison !

M. Philippe Auberger. C'est vrai !

M. Jean-Claude Sandrier. C'est magnifique ; il s'agit d'une très belle envolée ; vous avez beaucoup de talent, monsieur le secrétaire d'État.

M. Patrick Ollier. Merci de le reconnaître !

M. Jean-Claude Sandrier. Il s'agirait ainsi d'une mesure favorable aux classes moyennes, donc à un grand nombre de nos concitoyens.

M. Philippe Auberger. C'est vrai !

M. Jean-Claude Sandrier. Cette démarche procède, au fond, de la même manœuvre idéologique que la réduction en pourcentage de l'impôt sur le revenu : un grand nombre de ménages y gagnent un peu et un petit nombre, niché à l'extrémité supérieure de l'éventail des bénéficiaires, y gagnent beaucoup. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Auberger et M. Jean-Jacques Descamps. Mais non !

M. Éric Besson. C'est dans le rapport !

M. Jean-Claude Sandrier. Le subterfuge consiste à ne parler que du nombre de gagnants, en taisant soigneusement ce que gagne chaque catégorie.

M. Claude Goasguen. Ridicule !

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui, monsieur Goasguen !

M. Jean-Claude Sandrier. Des universitaires et des journalistes, attentifs et curieux, ont d'ailleurs démontré le mécanisme de ce subterfuge.

M. Philippe Auberger. Mais d'autres ont dit le contraire !

M. Jean-Claude Sandrier. Certains, très consciencieux, se sont même fait aider par des notaires.

Le premier exemple est celui d'un conjoint survivant sans enfants. Grâce à la réforme proposée, avec un patrimoine de 100 000 euros, l'héritier est exonéré de tout droit et économise 2 470 euros.

M. Charles de Courson. Il faut faire une donation au dernier vivant !

M. Jean-Claude Sandrier. S'il hérite de 200 000 euros, la note fiscale passe de 22 170 euros à 12 170 euros, soit une économie de 10 000 euros. Pour des patrimoines plus élevés, allant de 400 000 à 600 000 euros, le montant économisé plafonne à 10 000 euros dans le premier cas, et à 10 400 euros dans le second. L'efficacité de la réforme est donc à son sommet pour les veufs qui héritent de 200 000 euros.

Le second exemple est celui d'un conjoint survivant de soixante-cinq ans avec un enfant. On a supposé que l'époux survivant utilisait la possibilité ouverte par la loi du 3 décembre 2001 de disposer de tout l'héritage en usufruit, l'enfant conservant la nue-propriété. Puisque le parent a soixante-cinq ans, l'usufruit est évalué forfaitairement à 40 % de la valeur du bien. Pour un patrimoine de 100 000 euros, la réforme n'apporte rien au conjoint survivant, déjà exonéré dans le système actuel ; l'enfant, lui, fait une économie de 1 150 euros. Si la succession s'élève à 200 000 euros, le gain est plus substantiel : le conjoint survivant n'épargne que 200 euros mais l'enfant gagne 6 800 euros. Si l'héritage atteint 400 000, voire 600 000 euros, la réduction d'impôt est de 4 000 euros pour le conjoint et de 6 800 euros pour l'enfant. Les gains sont donc, en valeur absolue, maximaux pour les successions comprises entre 200 000 et 400 000 euros.

Le troisième exemple concerne un conjoint survivant avec deux enfants. Les héritiers sont, comme auparavant, exonérés de tout droit s'ils se partagent 100 000 euros. Si l'actif s'élève à 200 000 euros, le conjoint économise 200 euros et chaque enfant 1 150 euros. Ce n'est qu'au-delà de 400 000 euros que la réforme abaisse substantiellement les droits dus par les trois héritiers, de 11 600 euros en tout.

Et la journaliste finit de déshabiller le roi en concluant : « La réforme s'avère peu efficace pour les petits patrimoines que le dispositif actuel épargnait déjà, et concerne au premier chef les transmissions dépassant 200 000 euros [...]. En 2000, seules 10 % des successions portaient sur un actif supérieur à 222 373 euros, selon un rapport sur la fiscalité de novembre 2002, réalisé par Philippe Marini, sénateur UMP de l'Oise. La réforme ne devrait donc profiter qu'à une minorité d'héritiers. » C'est la vérité.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cet article destiné à flatter les contribuables les plus aisés et certainement les mieux conseillés, qui échappent déjà en partie aux prélèvements sur les successions et que, peut-être, l'on va tout à l'heure dispenser de l'impôt sur la fortune.

M. Jean-Pierre Brard. Démonstration éblouissante !

M. le président. La liste des intervenants sur l'article ne cesse de s'allonger. Je demande donc à chacun de bien s'en tenir au temps réglementaire.

La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Monsieur le secrétaire d'État, l'article 9 comporte une excellente disposition...

M. Jean-Pierre Brard. N'est-ce pas ? Ça vous ressemble bien !

M. Marc Le Fur. ...bien ressentie, mais dont plusieurs de nos collègues et moi-même avons la conviction que nous pourrions encore l'améliorer. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes insatiables ! Ils vous ont mis en appétit !

M. Gérard Bapt. Pour l'améliorer, il faut voter un amendement de suppression de l'article !

M. Marc Le Fur. Ainsi, monsieur le secrétaire d'État, je crains que nous n'ouvrions la porte à une certaine « défamilialisation » − pardonnez le néologisme − de cet impôt. Quelle est, en effet, l'économie générale de cet article ? Il fait passer l'abattement à l'enfant de 46 000 à 50 000 euros et institue un abattement global de 50 000 euros, qui donne lieu à répartition entre les divers héritiers. Lorsqu'il y a un seul héritier, les deux sommes s'additionnent, mais lorsqu'il y en a plusieurs, les abattements se divisent. Il en résulte que, plus un héritier a de frères et sœurs, plus il est défavorisé.

Prenons l'exemple de quelqu'un qui hérite de 100 000 euros. S'il est enfant unique, grâce à la franchise totale, il n'acquitte aucun impôt. S'il a un frère ou une sœur, la franchise est de 75 000 euros et il doit payer 3 300 euros.

M. Jean-Pierre Brard. La misère guette les grandes familles bourgeoises !

M. Marc Le Fur. Prenons un autre exemple, tout aussi réaliste : une personne hérite de 100 000 euros, mais, ayant quatre frères et sœurs, elle ne bénéficie que d'une franchise de 60 000 euros et doit donc payer 6 300 euros.

On le voit, alors que des personnes qui ont hérité d'une même somme ont des facultés contributives identiques, elles sont placées dans des situations extrêmement différentes en fonction de la composition de leur famille. L'enfant unique qui, de par la nature et de par le droit civil, dispose d'un avantage, le voit renforcé par cette disposition fiscale.

M. Gérard Bapt. Quelle injustice !

M. Marc Le Fur. Il y a là quelque chose qui heurte un peu ceux qui, dans cet hémicycle, sont attachés à la « familialisation » de l'impôt et qui considèrent que le droit fiscal doit soutenir les familles...

M. Philippe Rouault. Tout à fait !

M. Marc Le Fur. ...plus encore, peut-être, lorsqu'il s'agit d'un impôt qui concerne le passage du témoin entre les parents et les enfants.

Nous reprendrons ce débat lorsque nous examinerons l'excellent amendement qu'a déposé Hervé Mariton et qui nous permettrait, s'il était adopté, de retrouver la logique familiale.

Monsieur le secrétaire d'État, je sais combien vous êtes attaché à la famille.

M. Gérard Bapt. Et à la justice fiscale ?

M. Marc Le Fur. Cependant il ne faudrait pas que d'autres, demain, profitent de cette nouvelle disposition pour « défamilialiser » l'impôt. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le secrétaire d'État, le dispositif que nous propose le Gouvernement est excellent, mais nous pensons qu'il aurait pu être meilleur encore. Cette réforme de la fiscalité des successions est la bienvenue et il est fort opportun d'alléger des droits quand les seuils n'ont pas été réévalués depuis de nombreuses années. Le Gouvernement avait d'abord proposé une franchise de 100 000 euros. Marc Le Fur vient d'évoquer la question de l'insuffisante « familialisation » du dispositif. Le Gouvernement a entendu nos observations et le dispositif s'est affiné, avec un abattement général de 50 000 euros et le même montant pour les parts successives. Il s'est déjà agi là d'un pas important.

Pour l'heure, nous souhaitons signaler que ce n'est pas l'héritage qui paie l'impôt et que ce n'est pas non plus la personne qui décède. On ne peut donc pas dire simplement qu'un héritage de 100 000 euros ne paie pas d'impôts. La question se pose très concrètement pour chacun des successeurs et pour chacune des parts successives. Aujourd'hui prévaut l'idée que chacune des parts successives paie l'impôt par division du patrimoine, ce qui permet aux familles nombreuses de ne pas être désavantagées. Le calcul est tout à fait exact et l'héritier qui reçoit 100 000 euros paiera le même impôt, qu'il soit fils unique ou membre d'une fratrie nombreuse.

Le dispositif que vous proposez est intéressant par sa simplicité et, manifestement, l'opinion l'a bien compris et apprécié. Il a cependant un effet, que Marc Le Fur vient d'exposer : demain, plus la fratrie sera grande, plus l'héritier paiera d'impôts. Ce n'est pas un encouragement extraordinaire à la famille et à la démographie. Si l'on considère que le partage d'un patrimoine multiplie ses attributaires, fait circuler le capital, encourage la consommation et l'épargne, il convient de mieux tenir compte de la taille de la famille, comme il est de tradition dans notre droit fiscal.

Nous voterons ce dispositif, eu égard à sa qualité, mais nous souhaitions vous alerter pour l'avenir.

M. Jean-Pierre Brard. Et demander la suppression totale des droits de succession !

M. Hervé Mariton. La mesure que vous nous proposez est excellente, mais il faut la mettre en perspective.

M. Didier Migaud. Il faut aller plus loin : supprimer l'impôt !

M. Jean-Pierre Brard. Voilà !

M. Hervé Mariton. La perspective, c'est de continuer de réformer l'impôt sur les successions. Mais, une fois ce geste fort posé pour 2005, il est essentiel que l'évolution de la fiscalité des successions aboutisse à une conception parfaitement familialisée de l'impôt.

Il y a dans le dispositif proposé à la fois un pas en avant très fort sur le montant, mais une rupture qui n'est pas que positive par rapport à la tradition du droit fiscal successoral français.

Prenons donc acte d'un pas utile en 2005. Il favorisera à la fois la consommation et l'épargne et il permettra de prendre en compte la réalité aussi de ce que sont des successions moyennes aujourd'hui. Mon collègue Éric Besson ne me démentira pas si j'affirme que, avec 100 000 euros, en Drome provençale, on ne peut pas acquérir une bien grande propriété. Le montant n'est en cause. Il est bien calibré et ce dispositif est bienvenu. Simplement, pour l'avenir, pensons au fait que les héritiers doivent être traités également, quelle que soit la taille de leur fratrie. Nous aspirons à un dispositif pleinement familial.

Le ministre d'État a souligné...

M. le président. Monsieur Mariton...

M. Hervé Mariton. C'est important.

M. le président. Certes, mais vous avez aussi déposé des amendements sur lesquels vous pouvez intervenir.

M. Hervé Mariton. M. le ministre d'État a donc souligné combien le sursaut démographique était indispensable à la croissance, à une croissance durable. Il est important que le Gouvernement nous réponde à ce sujet ce soir et dise combien cette dimension familiale de la fiscalité des successions est essentielle.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Chamard.

M. Jean-Yves Chamard. M. Bonrepaux a déclaré qu'il fallait encourager maintenant la consommation. Je reprends ses propos à la volée.

M. Gérard Bapt. Chamard, le retour !

M. Jean-Yves Chamard. Il a en effet raison, mais c'est ce que nous faisons depuis un an.

M. Didier Migaud. Non !

M. Jean-Pierre Brard. Ben voyons !

M. Augustin Bonrepaux. Cela ne s'est pas senti !

M. Didier Migaud. Cela ne se voit pas dans les chiffres de septembre !

M. Jean-Yves Chamard. Il y a un an, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2004, nous avons décidé de réduire de moitié les droits de donation en pleine propriété. Cette disposition a fort bien fonctionné. Pourtant, le groupe socialiste et le groupe communiste avaient voté contre.

M. Jean-Pierre Brard. J'espère bien !

M. Jean-Yves Chamard. Au printemps dernier, nous avons décidé d'exonérer totalement toute donation des parents aux enfants jusqu'à hauteur de 20 000 euros. Cela marche très fort, mais vous avez voté contre.

M. Jean-Claude Sandrier. La consommation s'essouffle !

M. Jean-Yves Chamard. Nous avons d'ailleurs également, le même jour, décidé un déblocage anticipé des réserves de participation. Même résultat, même vote négatif. Voilà pour le passé récent.

La mesure que nous examinons aura un effet bénéfique, même si ce n'est pas le plus important, sur les donations puisque le fait de passer de 46 000 euros à 50 000 euros pour les enfants jouera aussi pour les donations tous les dix ans. Vous savez en effet que chaque parent peut donner, tous les dix ans, en exonération de droits hier 46 000, demain 50 000 euros.

M. Jean-Pierre Brard. Les RMIstes, les smicards...

M. Jean-Yves Chamard. Monsieur Brard, je crois qu'il y a un vrai différend entre vous et nous.

M. Jean-Pierre Brard. C'est sûr !

M. Gérard Bapt. Ça nous rassure !

M. Jean-Yves Chamard. Vous considérez qu'on est riche à partir d'un patrimoine de 100 000 euros.

M. Didier Migaud. Mais non !

M. Jean-Yves Chamard. Et vous avez beau le dire et le répéter et prétendre que cette mesure est antisociale, elle est plébiscitée par les Français.

M. Jean-Pierre Nicolas. Eh oui !

M. Didier Migaud. Mais non !

M. Jean-Yves Chamard. Savez-vous pourquoi ? Parce que le patrimoine moyen - je ne parle pas de patrimoine médian - transmis par les Français, est non pas de 100 000 euros, mais de 225 000 euros.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Exactement !

M. Jean-Yves Chamard. Chaque Français, en moyenne, transmet pour partie au cours de son vivant, pour partie au moment de son décès, 225 000 euros. Voilà le patrimoine moyen des Français.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je confirme ce chiffre !

M. Jean-Yves Chamard. C'est pourquoi, lorsque le ministre d'État et le Gouvernement proposent les exonérations que nous allons voter, les Français les approuvent.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ils les plébiscitent !

M. Jean-Yves Chamard. En effet, pouvoir, après avoir opéré au cours de sa vie certaines donations, léguer 100 000 euros à ses enfants, à sa famille, n'a rien d'extravagant. Les Français le comprennent.

M. Gérard Bapt. Continuez comme ça ! Il y aura des lendemains qui chantent !

M. Jean-Pierre Nicolas. C'est légitime !

M. Jean-Pierre Brard. Ça va coûter combien ?

M. Jean-Yves Chamard. Ça coûte !

Je termine en lançant une idée.

Pour favoriser la consommation, et je suis d'accord avec les propos tenus par M. Bonrepaux -je crois même que nous sommes tous d'accord -, il vaut mieux, autant que possible, faire en sorte que ce soit les plus jeunes qui, à un moment donné, reçoivent l'argent de leurs parents plutôt que les plus vieux. En effet, il est vrai qu'on hérite plutôt - je ne parle pas entre mari et femme - autour de cinquante-cinq, soixante-cinq ans, au moment où l'on a moins de besoins, qu'à trente ans.

Par conséquent pourquoi ne pas envisager d'aligner, au moins pour partie le régime des petits-enfants sur celui des enfants au moment du décès d'un des ascendants ?

M. Jean-Pierre Brard. Et les arrière-petits-enfants aussi ?

M. Jean-Yves Chamard. Décidément, à chaque fois que je parle, vous intervenez.

Je suggère donc que, outre la transmission vers la génération suivante, c'est-à-dire les enfants, au moins une partie de l'héritage soit directement transmise aux petits-enfants, ce qui permettrait d'augmenter d'ailleurs la quotité exonérée. Une telle disposition n'irait évidemment pas dans votre sens, mais elle permettrait de faire en sorte que les descendants héritent à un moment où ils en ont vraiment besoin.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Monsieur le secrétaire d'État, je vais d'abord m'adresser à vous en tant que président de la commission des affaires économiques s'agissant de l'impôt sur la fortune. Je souhaite en effet que l'on essaie dans cet hémicycle, d'avoir un discours global. Rien n'est plus insupportable, pour nous, en tout cas pour moi, de voir que, systématiquement, quand on aborde un problème de fiscalité de ce genre, on oppose une catégorie de Français à une autre catégorie.

M. Éric Besson. Quelle surprise !

M. Augustin Bonrepaux. On n'a rien vu pour les autres ! C'est toujours pour les mêmes !

M. Patrick Ollier. C'est un peu comme si la bonne conscience qu'on peut se donner en opposant ceux qu'on appelle les riches aux autres, pouvait permettre de s'exonérer de la responsabilité que nous avons de tout mettre en œuvre pour développer notre économie.

M. Jean-Pierre Brard. Combien y-a-t-il d'assujettis à l'ISF à Rueil ?

M. Patrick Ollier. Monsieur le président, je voudrais que, dans ce discours global, on accepte de comprendre que la majorité veut conduire une politique sociale forte. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s comunistes et républicains.)

M. Augustin Bonrepaux. Arrêtez ! Pas ce mot !

M. Gérard Bapt. Depuis septembre, il n'y a pas d'argent pour les contrats aidés !

M. Patrick Ollier. La majorité veut s'attaquer aux problèmes de la précarité, avec autant de cœur que vous, monsieur Bonrepaux, et avec autant de détermination que vous.

Le seul problème, c'est que si l'on veut faire de la redistribution et si l'on veut conduire une action sociale forte, il faut pouvoir créer de la richesse, pour pouvoir la distribuer.

M. Augustin Bonrepaux. Ah !

M. Pierre-Christophe Baguet. C'est du bon sens !

M. Augustin Bonrepaux. Vous commencez à avoir un langage de vérité !

M. Patrick Ollier. Or si l'on veut créer de la richesse, il faut donner à nos entreprises qui créent les emplois les moyens nécessaires pour investir.

Si l'on accepte ce raisonnement global, monsieur le secrétaire d'État, on doit être capables entre nous, sereinement, de comprendre que lorsqu'on dissuade le capital d'aller vers l'entreprise, on commet une mauvaise action contre l'emploi.

M. Hervé Novelli. Très bien !

M. Patrick Ollier. Cette dissuasion, aggravée par un système fiscal contraignant comme l'est aujourd'hui celui de l'ISF conduit à la désespérance ceux qui peuvent investir, tous ceux que certains appellent les riches, monsieur Bonrepaux, et dont les capitaux ont déjà quitté la France.

M. Augustin Bonrepaux. Vous ne teniez pas le même discours dans les Hautes-Alpes !

M. le président. Monsieur Bonrepaux !

M. Patrick Ollier. Monsieur le président, vous me laisserez le temps qu'il faut pour compenser les interruptions.

Nous avons cette année 330 000 redevables de l'ISF.

M. Augustin Bonrepaux. Combien dans les Hautes-Alpes ?

M. Patrick Ollier. En 1996, il y en avait 170 000 à peu près. Ainsi environ 14 000 Français deviennent assujettis à l'ISF tous les ans - 25 000 même en 2004 - dont la plus grande partie sans le savoir.

Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'État, avant d'aborder la deuxième partie de mon intervention, de nous aider à prendre des mesures qui permettent de réactualiser le barème de l'ISF, seul impôt en France à ne pas être actualisé. Ce serait un élément de justice.

M. Gérard Bapt. Ah oui, la justice !

M. Patrick Ollier. Parmi ces nouveaux entrants, on observe que, sans le vouloir et sans avoir fait quoi que ce soit pour devenir plus riches, figurent les bénéficiaires de ce que l'on appelle le boom immobilier grâce auquel, dans toutes les grandes agglomérations, en l'espace de cinq ans - 1999-2004 -, les prix de l'immobilier ont doublé.

M. Richard Mallié. C'est vrai !

M. Patrick Ollier. Une personne ayant acheté un pavillon voici une quarantaine d'années, se retrouve aujourd'hui, à cause d'une spéculation immobilière dont il n'est en rien responsable, assujetti à l'ISF. Est-ce que le professeur, avec son épouse institutrice, qui ont acheté ce pavillon il y a quarante ans, sont aujourd'hui plus riches qu'ils ne l'étaient auparavant avec le traitement qu'ils reçoivent de l'administration ?

M. Augustin Bonrepaux. Savez-vous combien gagne un professeur ?

M. Patrick Ollier. Il est proprement scandaleux, monsieur le secrétaire d'État, que nous ne soyons pas capables de régler ce problème car il y a là une grande injustice. Je souhaite donc que le Gouvernement travaille sur le barème pour sortir ceux qui sont victimes de cette spéculation immobilière de l'ISF dont ils ne me semblent pas devoir être redevables.

Je fais confiance à la commission des finances et au Gouvernement pour trouver, sur le plan technique, les modifications nécessaires.

L'ISF est un impôt de solidarité. La majorité ne veut pas le supprimer.

M. Didier Migaud. Au contraire sans doute !

M. Patrick Ollier. Personne ici n'a dit qu'il voulait le supprimer.

En revanche, nous sommes soucieux de voir cet impôt intervenir dans un contexte de justice, avec une actualisation et dans des conditions qui permettent d'épargner ceux qui n'appartiennent pas, je le répète, à ces classes riches dont on parle. En l'espace de trois ans et demi, 3 000 personnes sont partis à l'étranger ; mais ce n'est pas de celles-là dont je parle aujourd'hui.

Je souhaite, monsieur le secrétaire d'État, que vous acceptiez la discussion et que vous nous donniez le temps nécessaire pour trouver la solution. J'ai retiré les amendements que j'avais déposés à ce sujet parce que je souhaite que ce débat puisse se dérouler d'une manière constructive.

M. Gérard Bapt. Une commission est constituée !

M. Patrick Ollier. Je remercie M. le ministre d'État d'arriver au moment où je parle de ce sujet. Je lui fais confiance, ainsi qu'aux commissions des finances du Parlement, pour trouver d'urgence les solutions nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène des Esgaulx.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Monsieur le ministre d'État, mon intervention se situera dans le droit fil des propos de Patrick Ollier.

Il faut effectivement essayer de faire évoluer la législation pour tenir compte du vrai problème qu'a provoqué la spéculation immobilière, avec l'augmentation des prix des terrains et des immeubles. Chez moi, autour du bassin d'Arcachon, ces prix ont doublé en trois ans.

M. Gérard Bapt. Quelle injustice !

M. le président. Monsieur Bapt !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Au lieu de faire des grandes déclarations idéologiques, comme cela a été le cas tout à l'heure, il faut tenir compte de ce fait économique.

M. Gérard Bapt. Il vaut mieux être locataire alors ?

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Vous ne pouvez pas fermer les yeux. Il est impératif de tenir véritablement compte de cette situation économique et d'adapter la législation.

M. Didier Migaud. C'est vraiment une obsession !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Il convient de réfléchir à l'évaluation des biens immobiliers. A cet égard, j'ai une proposition technique précise.

Actuellement les déclarations sont fondées sur la valeur vénale. Or celle-ci ne constitue pas une notion juridique.

M. Didier Migaud. Créez une commission !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Elle n'est définie par aucun texte légal. La valeur vénale est une notion économique et, la plupart du temps, elle est établie par comparaison. En effet, l'administration fait état de transactions intervenues dans le quartier où une maison a été vendue à tel prix, pour estimer que vous devez déclarer tant ou tant. Cela n'a pas de sens. On ne peut pas demander aux contribuables de se tenir informés de toutes les mutations, de toutes les ventes dans leur quartier et de connaître le prix du marché à un moment donné. Donc, c'est une source de contentieux.

M. Édouard Landrain. C'est vrai !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Cela augmente le coût de la gestion de l'impôt.

M. Jean-Pierre Nicolas. C'est vrai !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Cela est extrêmement grave à mes yeux. On ne peut pas affirmer qu'on veut aller vers une simplification des relations entre le contribuable et l'administration et ne pas s'orienter dans la voie que je viens de définir.

M. Claude Goasguen. Très bien !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Monsieur le ministre d'État, on ne peut pas imposer les gens sur une plus-value latente susceptible de changer du jour au lendemain.

Actuellement certaines personnes qui disposent d'un certain patrimoine mais qui n'ont pas beaucoup de revenus sont obligées de vendre un bien, que ce soit au moment d'une mutation lors d'une succession, ou à la suite d'un assujettissement à l'impôt sur les grandes fortunes, comme cela a déjà été souligné.

À mon avis, le juste prix est celui du prix d'acquisition. Puisqu'on dit que l'impôt doit être établi en fonction des facultés contributives de chacun, il faut réfléchir au fait que le prix d'acquisition d'un bien est proportionnel aux facultés contributives de chacun. Cette idée me paraît intéressante parce que chacun achète ses biens en fonction de ses moyens. Si l'impôt doit être proportionnel aux facultés contributives de chacun, je crois que cette référence au prix d'acquisition, à condition qu'il soit indexé par le coefficient d'érosion monétaire fixé par la direction générale des impôts, constitue, monsieur le ministre d'État, une piste intéressante que je souhaiterais voir explorée.

Il faut faire évoluer la législation. C'est très important à mes yeux. Il faut répondre à un vrai problème et écarter des a priori idéologiques qui n'ont pas leur place dans l'analyse du dispositif de l'article 9. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. L'allégement des droits de succession prévu par l'article 9 est une très bonne chose, car il aboutira à une exonération totale pour les patrimoines de 100 000 euros. J'ai entendu dire, de l'autre côté de l'hémicycle, que ce serait encore un cadeau aux riches. Mais de qui se moque-t-on ?

M. Jean-Pierre Brard. Des pauvres !

M. Richard Mallié. A Gardanne, cité minière dont je suis le député, trouvez un appartement qui coûte moins de 100 000 euros ! Il faut 120 000 euros, au moins, pour acheter un F3. L'exonération proposée concernera des gens qui ont travaillé toute leur vie, qui ont payé l'IRPP, les taxes foncières, etc, et qui vont léguer à leurs enfants leur appartement, le peu de capital qu'ils ont.

M. Gérard Bapt. Et leur affection, ça ne compte pas ? Et le cœur ?

M. Richard Mallié. Ce ne sont pas des riches ; ce sont des gens qui ont un patrimoine normal. Il faut aussi tenir compte du fait que l'inflation sévit dans l'immobilier.

L'opposition a aussi évoqué l'assurance vie, mais ces gens là n'en ont pas !

M. Jean-Pierre Brard. Ah non ? Ils ne meurent pas ?

M. Richard Mallié. Ils ont simplement un petit logement pour l'acquisition duquel ils ont épargné toute leur vie et qu'ils veulent transmettre à leurs enfants.

M. Augustin Bonrepaux. Ceux-là ne sont pas concernés !

M. Didier Migaud. Ils ne sont pas concernés ! Même M. Marini le dit ! Ce n'est pas ce type de ménage que le Gouvernement veut favoriser !

M. Richard Mallié. J'ai cosigné, avec sept de mes collègues, un amendement visant à familialiser le dispositif, mais je n'y reviens pas, Marc Le Fur et Hervé Mariton en ayant déjà parlé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Chaque fois que l'on parle des impôts sur le patrimoine, il y a beaucoup plus de participants dans l'hémicycle et les esprits s'enflamment !

M. Gérard Bapt. Eh oui !

M. Jean-Pierre Brard. Surtout à droite !

M. Charles de Courson. Il convient d'abord de rappeler qu'il n'y a pas qu'un seul impôt sur le patrimoine. Il en existe malheureusement plusieurs, mal articulés entre eux et qui aboutissent à un résultat extravagant : moins le bien est rentable, plus il est taxé !

En effet, les biens les moins rentables, à savoir les biens fonciers, subissent la taxe sur le foncier non bâti, plus les droits de succession, plus l'ISF. En revanche, si vous avez des valeurs mobilières, vous ne payez pas d'impôt local et vous pouvez même vous débrouiller pour bénéficier d'une exonération, parce que la gauche a inventé l'exemption de l'outil de travail.

Donc, contrairement à ce que croit la gauche, et M. Dreyfus ne me démentira pas, notre débat ne concerne pas les gens très riches, monsieur le marquis de Montreuil. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il concerne les classes moyennes et moyennes supérieures de la société.

Si une telle question suscite autant de passion c'est que, au-delà de l'aspect technique, se posent deux problèmes fondamentaux pour la société : celui de la légitimité du droit de propriété et celui de la famille. Bien sûr, la gauche a évolué. Elle n'en est plus à dire : « La propriété c'est le vol », de même que la droite n'en est plus à dire : « Vive la propriété, toute la propriété, rien que la propriété ! » Certes, il y a encore quelques esprits retardataires à gauche, mais ils sont minoritaires.

Sur la famille, vous avez aussi bien évolué. Il est loin le temps où Léon Blum écrivait l'opuscule qu'on lui a tant reproché. Soyons donc sérieux et réalistes !

Oui, la propriété est une excellente chose ! Elle responsabilise les êtres. Elle est légitime, parce que c'est un moyen d'augmenter l'intensité du travail. Et le fruit de ce travail doit pouvoir être transmis à nos descendants. C'est un motif légitime et respectable de toute collectivité humaine.

Reste à savoir où placer le curseur. On ne peut pas dire que la réforme dont nous discutons soit fondamentale. En effet, de quoi est-il question ? D'une baisse de 10 %, ce qui représente à peu près 640 millions sur les quelque 6 milliards de droits de succession. Je partage à cet égard le sentiment exprimé par certains de mes collègues de l'UMP sur la familialisation de cette mesure. Nous pensons en effet, à l'UDF, qu'il serait plus juste de dire aux Français que l'avantage par enfant sera le même, quel que soit le nombre d'enfants qu'ils ont.

Je sais que le Gouvernement a hésité entre les deux approches. Nous pensons, quant à nous, que le cumul d'un abattement global de 50 000 euros avec le relèvement de 4 000 euros de l'abattement sur la part de chacun des enfants est un dispositif moins juste que celui qui aurait consisté à consacrer les 640 millions en question uniquement au relèvement de l'abattement sur la part des enfants. D'après les simulations auxquelles il a été procédé en commission des finances, cette dernière solution aurait permis d'augmenter le montant de l'abattement de 20 000 euros environ pour chaque enfant, c'est-à-dire que cet abattement serait passé de 46 000 à 66 000 euros. C'est l'esprit de l'amendement Mariton, que nous avons été plusieurs à défendre. Il me semble que cela serait mieux compris par tous nos concitoyens.

Le système proposé par le Gouvernement présente, en effet, un inconvénient : plus il y a d'enfants dans la famille, moins l'avantage par enfant est élevé ! A mon sens, ce n'est pas un bon système. La meilleure façon de procéder aurait été de familialiser le dispositif. D'ailleurs, on raconte que le Gouvernement aurait eu cette idée.

J'en viens à l'argument selon lequel cette mesure profitera aux riches. Mais que représente un abattement de 50 000 euros pour ceux qui possèdent un patrimoine de 20 ou 30 millions ? Ça les fait rire !

M. Jean-Pierre Brard. Il n'y a pas de petits profits !

M. Charles de Courson. Peut-être, monsieur le marquis de Montreuil, mais c'est vraiment epsilon ! Cette mesure intéresse les couches moyennes et supérieures.

M. Nicolas Perruchot. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Charles-Amédée du Buisson de Courson me fait penser à Charles Perrault : je le vois en chat botté ! (Sourires.)

Je rappelle donc à notre collègue, qui a de l'ascendance, sinon de l'ascendant, qu'il nous reste quelques lanternes à Montreuil et je suis sûr que s'il continue à exciter les Montreuillois, ils pourraient être tentés de lui faire tâter du bâton révolutionnaire ! (Sourires.) Mais revenons-en à l'essentiel !

M. Claude Goasguen. Décidez-vous à entrer dans le xxie siècle !

M. Jean-Pierre Brard. Nous vivons au xxie, mais sans doute oubliez-vous, monsieur Goasguen , que nous sommes filles et fils de la Révolution !

M. Claude Goasguen. Il faudrait surtout dégurgiter le stalinisme ! Staline, c'est fini !

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes un relaps d'une certaine manière !

Qui a dit que les propositions du Gouvernement s'adressaient aux riches ? Vous devriez vous en souvenir, car c'est M. Philippe Marini, que l'on ne peut pourtant pas traiter de gauchiste.

M. Richard Mallié. C'est vous qui l'avez dit ! Je l'ai entendu ce soir sur vos bancs !

M. Jean-Pierre Brard. Il est au contraire l'un des libéraux les plus extrémistes au Sénat, et c'est l'un de vos amis. Sans doute M. Marini a-t-il pensé que le peuple français n'écoutait pas trop ce qui se disait dans la Haute assemblée et qu'il pouvait y parler plus librement. Il a donc dit ce qu'il en était et c'est en totale opposition avec l'espèce de scénario que vous voulez présenter à nos compatriotes.

M. Jean-Yves Chamard. Brard, Marini, même combat !

M. Jean-Pierre Brard. Quant à Mme des Esgaulx, je lui rappelle que le Président de la République a considéré que son échec de 1988 était lié à la remise en cause de l'impôt sur les grandes fortunes.

M. Richard Mallié. Il y en a qui savent reconnaître leurs torts !

M. Jean-Pierre Brard. Je le dis au cas où certains auraient des ambitions pour le futur. Certes je n'ai de conseil à donner à personne, mais je leur recommande la prudence.

M. Ollier déplore les 14 000 nouveaux assujettis à l'ISF enregistrés chaque année et, si j'ai bien compris, certains de nos collègues voudraient rapprocher notre régime de celui de certains pays étrangers, la Grande-Bretagne, par exemple, où il n'y a pas d'impôt sur les successions, ce qui fait que les fortunes aristocratiques se transmettent sans être écornées et sans participer à la solidarité nationale.

M. Jean-Michel Fourgous. Il y a 6 millions d'emplois de plus en Angleterre !

M. Jean-Pierre Brard. M. Ollier a parlé d'une « certaine justice ». Il a raison, c'est précisément ce que certains de nos prédécesseurs appelaient une justice de classe. C'est celle-là que vous voulez pratiquer et c'est cela que nous combattons.

Quant au boom de l'immobilier, vous déplorez qu'il ait fait doubler les prix grâce à la spéculation.

M. Édouard Landrain. Et à Montreuil ?

M. Jean-Michel Fourgous. Parlez-nous de l'immeuble de la CGT !

M. Jean-Pierre Brard. Mais qu'avez-vous fait pour corriger la tendance ? Rien ! Au contraire, votre politique encourage les mouvements spéculatifs. Vous essayez de faire peur, monsieur Ollier, en disant que l'ISF nuit à l'investissement ce qui évidemment pas vrai !

M. Hervé Novelli et M. Patrick Ollier. Mais si !

M. Jean-Pierre Brard. Vous prétendez aussi qu'il y a des départs à l'étranger, mais c'est un phénomène marginal. Les gens qui n'ont pas la fibre nationale ne sont pas nés d'hier. Il y en avait sous la Révolution et il y en a encore maintenant. Que vous les souteniez, cela ne nous étonne pas, mais cela ne vous honore pas. Cela dit, les départs à l'étranger ne sont pas si nombreux, et vous le savez.

Il se trouve que je m'y suis intéressé lorsque j'ai travaillé sur la fraude. J'ai alors eu l'occasion de m'entretenir, à Londres, avec un banquier qui s'occupait du private banking. C'était très intéressant. En effet, ce banquier disait que les Français qui viennent dans son pays en repartent souvent, car ils ne s'y sentent pas bien et veulent que leurs enfants profitent du système français. Et quand ils sont malades, ils préfèrent se faire soigner en France qu'en Grande-Bretagne !

M. Hervé Mariton. On s'égare !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Il y a quelque chose de choquant quand on compare le temps passé dans cet hémicycle à bichonner les plus riches,...

M. Richard Mallié. A écouter la logorrhée de certains !

M. Jean-Pierre Brard. ...et celui que nous avons consacré à la fausse augmentation de la prime pour l'emploi.

Mes chers collègues, je vous propose de donner aux collectivités les moyens de lutter contre la spéculation et de garantir le droit des plus modestes d'accéder à la propriété dans nos villes.

M. le président. Je vous demande de conclure, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Il faut donner aux collectivités les moyens d'exercer efficacement leur droit de préemption et de lutter contre la ghettoïsation, parce que, avec la spéculation, vous faites des réserves à bourgeois dont sont exclues les populations modestes et les classes moyennes.

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement souhaite profiter de la discussion de cet article, qui a donné lieu à des interventions de grande qualité, pour préciser ses intentions sur un certain nombre de sujets qui ont été évoqués.

Le premier concerne la franchise sur les droits de succession. Le débat a permis de connaître les intentions des uns et des autres. Voici les nôtres.

Nous avons d'abord voulu prendre une mesure simple, que tous puissent comprendre. En l'état actuel du droit, je mets qui que ce soit au défi, même un spécialiste, d'évaluer le montant de l'impôt sur les successions que devront payer ses héritiers, compte tenu du montant et de la nature de son patrimoine, ainsi que du nombre de ses enfants, sachant que les modes de calcul varient en fonction de chacun de ces critères.

Voilà pourquoi nous avons choisi le chiffre simple de 100 000 euros. Les Français sauront que, en dessous de ce seuil, leur patrimoine ne sera pas assujetti à un impôt sur les successions.

Notre second objectif était d'adopter une mesure familiale. M. Mariton a très intelligemment proposé d'aller plus loin dans la  « familialisation ». Un amendement a d'ailleurs été déposé à cet effet. Mais, avant d'en débattre, il convient de se demander pourquoi nous avons voulu prendre une mesure familiale.

Sur tous les bancs de cette assemblée, on s'accorde à dire que la famille est une cellule de base de la société. Nous sommes tous convaincus, en effet, que ce qui donne du sens à la vie, c'est le fait que l'on n'agisse pas seulement pour soi, mais aussi pour ses enfants, parce que l'on espère qu'ils rencontreront moins de difficultés que l'on n'en a connu soi-même et pourront commencer un peu plus haut dans l'échelle sociale.

Dès lors que l'on est favorable à la famille, pourquoi ne se laisser pour perspective que la taxation du patrimoine, généralement acquis par le travail, que chacun peut transmettre à ses enfants ? D'où la nécessité d'une mesure familiale.

Je profite de l'occasion pour rappeler que la fiscalité n'est que la conséquence d'un système de valeurs. Si les Français ne la comprennent pas toujours - ce qui peut d'ailleurs se concevoir -, c'est qu'on la considère trop souvent comme une cause, plutôt que comme une conséquence. C'est précisément parce que nous pensons que laisser un patrimoine à ses enfants s'inscrit dans une politique familiale que nous vous proposons cette franchise. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Nicolas. C'est indispensable !

M. Jean-Pierre Brard. Écoutez bien, chers collègues de la majorité : voilà un beau discours à resservir dans vos circonscriptions !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Notre troisième objectif était de récompenser et de revaloriser le travail. Quand on dispose en effet d'un patrimoine de 100 000 euros, cela signifie que l'on a travaillé et que, à la fin de sa vie, il reste un solde.

M. Jean-Pierre Brard. Et ceux qui n'ont pas pu travailler ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ceux qui ont travaillé devraient-ils s'excuser d'avoir, grâce à leurs efforts, constitué un patrimoine ? D'ailleurs, celui-ci n'a-t-il pas été amputé par l'impôt à de multiples reprises ? Car d'où vient ce patrimoine ? Des revenus du travail ? Il y a l'impôt sur le revenu. De ceux de l'immobilier ? Il y a cinq impôts sur l'immobilier, dont des impôts locaux.

Au nom de quoi devrait-on s'excuser, une fois qu'on a travaillé toute sa vie et payé tous ses impôts, d'avoir pu constituer un patrimoine ? En outre, de quelle légitimité pourrait se prévaloir l'État, qui a déjà taxé les revenus du travail, pour prélever encore une part de ce patrimoine de 100 000 euros, quand il passe des parents aux enfants ?

Que doivent faire ces parents ? Devront-ils s'excuser de n'avoir pas été au chômage, de ne pas avoir perçu les allocations des ASSEDIC ou de n'avoir pas sollicité le RMI, alors qu'ils ont participé par leur travail au financement de la politique sociale ?

Le temps est venu de réconcilier les Français avec la réussite et de revaloriser le travail. Tel est le sens de cette mesure. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

À cet égard, je voudrais faire état d'une conviction. Tous les Français n'ont évidemment pas la chance d'hériter d'un patrimoine. Mais l'égalité des chances, c'est le fait que chacun de nos compatriotes puisse, par son travail, acquérir un patrimoine pour le léguer à ses enfants, ce qui n'implique pas que ceux dont les parents ont travaillé toute leur vie soient tenus de s'excuser au moment où ceux-ci le leur lèguent.

S'ils ne pouvaient pas le transmettre à leurs enfants, à qui, d'ailleurs, le donneraient-ils ?

M. Charles de Courson. À la socialisation ! (Sourires.)

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. À la grande caisse de l'État ? Qui croit encore à la soviétisation, comme on disait autrefois ? Cela n'aurait aucun sens ! Cessons donc de complexer ceux qui ont la chance que leurs parents aient travaillé pour leur laisser quelque chose.

La mesure que nous proposons vise ainsi, monsieur Mariton, à réconcilier les Français avec l'idée que l'on doit se faire du patrimoine. L'égalité des chances ne suppose pas que les parents ne puissent rien transmettre à leurs descendants, mais au contraire que chacun, d'où qu'il vienne, ait la possibilité de léguer, grâce à son travail, un patrimoine à ses enfants.

La mesure que nous proposons va aussi réconcilier les Français avec l'idée de patrimoine. Au total, elle contribuera à remettre la société à l'endroit. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Certains d'entre vous ont évoqué, à juste titre, les prix de l'immobilier. Ce n'est pas un mince sujet. Nous réfléchissons tous de la même manière pour nos enfants. S'ils sont propriétaires, pense-t-on, ils auront au moins un toit, c'est-à-dire un lieu où vivre. Le bon sens populaire le dit très bien.

Certains de nos compatriotes sont devenus propriétaires. Tant mieux ! Qui pourrait le leur reprocher ? Ils n'ont pas à se sentir coupables. La seule chose que l'on puisse souhaiter, précisément au nom de l'égalité des chances, c'est que tous puissent en faire autant.

Il faut toutefois tenir compte du fait que, si les Français veulent davantage de logements, ils détestent la densification. Nous sommes tous confrontés à ce problème. Ceux qui veulent un logement pour tous sont les mêmes qui, dans leur commune, demandent qu'on ne construise pas partout.

On l'a vu à Paris, où l'on a tendance à refuser les tours. Mais cela se vérifie, j'en suis persuadé, dans chacune de vos communes.

M. Richard Mallié. C'est un phénomène général.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Chaque fois que vous voulez faire construire - à juste titre - des logements pour tous, vous rencontrez des associations qui, non sans de bonnes raisons, s'opposent à la densification. Or, s'il y a plus de demandes et moins d'offres, les prix sont inévitablement tirés vers le haut.

Mme des Esgaulx le sait bien : le problème ne se pose pas seulement à Arcachon. Dans toutes nos villes, grandes ou moyennes, et quelle que soit leur couleur politique, les élus sont confrontés au même problème. Les jeunes ne peuvent pas s'installer au cœur des villes, parce que le prix de l'immobilier monte. C'est une réalité, tant à Toulouse, Grenoble ou Bordeaux, qu'à Paris ou ailleurs.

M. Jean-Pierre Brard. Et vous laissez faire !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Comment arranger les choses ? Je voudrais vous soumettre une idée à ce sujet. S'il me semble impossible de maîtriser le marché de l'immobilier d'un coup de baguette magique, je crois qu'il existe une possibilité de répondre à l'augmentation des prix : le crédit hypothécaire.

De quoi s'agit-il ? La France a organisé son système de prêt autour des cautions. Pour contracter un prêt, il faut que des parents ou des relations puissent vous cautionner. Or, je le dis comme je le pense, ce système est arrivé à sa limite.

D'autres pays fondent la possibilité d'obtenir un prêt sur la valeur de l'immobilier. Si l'on a contracté un emprunt pour acheter un appartement, on peut en gager un autre sur la partie de cet appartement qu'on a déjà remboursée. En somme, si quelqu'un demande à un banquier de lui prêter de l'argent pour acquérir un bien - maison, studio ou appartement -, il peut, au lieu de rechercher une connaissance qui soit solvable, appuyer un prêt sur la valeur de ce bien.

Dès lors, plus les prix de l'immobilier montent, plus le volume des prêts mis à la disposition de l'économie augmente. C'est même la seule façon de mobiliser des sommes supplémentaires, d'asseoir des volumes de prêts conséquents et de faire un atout de la hausse de l'immobilier, qui pourrait, sans cela, constituer un handicap.

M. Jean-Pierre Brard. C'est le modèle américain que vous nous proposez là !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Prenons un autre exemple. Quand on a remboursé pendant dix ans un emprunt immobilier qui court sur quinze et que l'on souhaite changer de voiture, rien n'empêche d'asseoir la garantie du prêt nécessaire sur la partie du bien qui a déjà été remboursée.

M. Jean-Pierre Brard. C'est comme cela qu'on se retrouve dans une roulotte, à manger des chips et du pop-corn !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce système permet de profiter de la création de richesse. D'ailleurs, l'Angleterre a assis sur ce modèle le dynamisme extraordinaire de son économie. Sa croissance est en effet le double de la nôtre et son taux de chômage deux fois moins important.

M. Charles de Courson. Et 65 % des Britanniques sont propriétaires.

M. Patrick Ollier. On atteint même aujourd'hui le taux de 72 % !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette réalité économique s'appuie sur la dynamique des crédits hypothécaires. Je souhaite que nous puissions travailler sur cette formule qui ne dégraderait pas notre déficit et permettrait de créer des richesses.

M. Jean-Pierre Brard. Et que faites-vous de la progression de la misère en Grande-Bretagne ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'en viens à la question de l'impôt de solidarité sur la fortune, qui est suffisamment sérieuse et complexe pour qu'on ne la passionne pas ou qu'on ne la politise pas, d'autant que nous sommes d'accord sur bien des choses.

Il faut être clair : personne ne veut la suppression de cet impôt.

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez entendu, Monsieur Novelli ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pour sa part, le Gouvernement juge normal le principe d'un impôt sur la fortune payé par ceux de nos compatriotes qui ont le plus de moyens. Celui-ci n'est en rien choquant et il correspond à la réalité économique, à la réalité de nos finances publiques - 2,5 milliards, c'est tout de même une recette importante - et même à une réalité morale, car il est naturel que ceux qui gagnent plus paient davantage. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Et je n'ai entendu personne, parmi les députés de la majorité qui demandent à juste titre que l'on ne fasse pas de l'ISF un tabou, refuser l'idée que ceux qui gagnent plus doivent payer plus d'impôt. Ne laissons pas caricaturer nos positions, puisque personne n'a demandé la suppression de cet impôt.

M. Jean-Pierre Brard. Personne, vraiment ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce principe méritait d'être rappelé.

M. Éric Besson. Ça va, monsieur Novelli ? (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. M. Mariton ne doit pas se sentir très bien non plus !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous sommes tous conscients, et le Gouvernement au premier chef, qu'il s'agit de justice et d'équité. La France a une tradition, une histoire, une sensibilité qui n'existent dans aucun autre pays d'Europe, et dont nous sommes les héritiers.

M. Jean-Pierre Brard. Oui, nous sommes tous héritiers de la Révolution !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cela étant, la question de la modification de l'ISF n'est pas posée uniquement par la droite. Elle a été évoquée à bien des reprises par des personnes aussi compétentes que M. Migaud, M. Strauss-Kahn et M. Fabius qui ont compris, comme les membres du groupe UDF et UMP, que l'ISF, tel qu'il existe actuellement, pose un vrai problème économique.

Si les parlementaires s'interdisent de le poser et le Gouvernement de le traiter à cause des caricatures auxquelles se livrent tel ou tel à des fins partisanes, autant dire que l'on n'est plus en démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Nous avons tous le droit d'aborder ce sujet tranquillement et simplement. D'ailleurs, la droite n'a pas le monopole des interventions sur l'ISF.

Sur cette question, il est un sujet qui doit faire l'objet d'un consensus : un contribuable doit avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres, ce qui signifie qu'il ne doit pas être traité moins bien selon qu'il a moins ou plus d'argent. C'est un principe républicain et, dans une République digne de ce nom, il ne saurait y avoir de « délit de sale gueule ».

Il n'y a donc aucune raison pour que l'ISF soit le seul impôt à ne pas être actualisé, alors que l'actualisation est de droit pour tous les autres. Cela ne serait ni juste ni équitable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Pourquoi l'actualisation ne serait-elle pas de droit pour un impôt, alors qu'elle l'est pour tous les autres ? Il ne s'agit nullement d'accorder un avantage économique à certains, mais d'appliquer à l'ISF, au nom de l'équité républicaine, le principe de l'actualisation des impôts. Ni plus, ni moins.

Le Gouvernement déposera donc, sous la signature de M. Bussereau et la mienne, un amendement prévoyant, premièrement, l'actualisation du barème de l'ISF sur la base de l'inflation de l'an passé, soit 1,7 %, et, deuxièmement, pour que vous n'ayez pas à y revenir, l'application à l'ISF du même principe d'actualisation que celui que vous retenez chaque année pour l'impôt sur le revenu. Ainsi, il n'y aura plus de conflit, plus de sentiment d'injustice, plus d'iniquité.

M. Patrice Martin-Lalande. C'est clair !

M. Jean-Pierre Brard. On changera tout cela en 2007 ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jacques Masdeu-Arus. On verra !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ceux de nos compatriotes qui paient plus d'impôt parce qu'ils ont plus de moyens avaient le sentiment d'être traités différemment alors qu'ils sont des contributeurs quantitativement plus importants.

M. Jean-Pierre Brard. Pas proportionnellement !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ils subissaient ainsi une stigmatisation contraire à l'esprit républicain et qui reposait uniquement sur la peur du qu'en-dira-t-on. Or les parlementaires n'ont pas à avoir peur du qu'en dira-t-on. Leur rôle est de réfléchir à la loi, à son esprit et à sa lettre.

Voilà donc la première proposition du Gouvernement. Il me semble qu'elle peut être adoptée par chacun, car elle n'est ni scandaleuse ni dérogatoire, bien au contraire.

Deuxième proposition du Gouvernement. Il s'agit de faire en sorte, non pas que ceux qui gagnent le plus paient moins - ce n'est pas la politique du Gouvernement -, mais que l'argent prélevé sur ceux de nos compatriotes qui gagnent le plus soit le plus utile possible à l'emploi et à la recherche. Il ne s'agit pas de faire payer moins, mais de mieux utiliser l'argent.

Notre pays compte 3 millions de chômeurs. Or, dans vos territoires, les PME ne manquent pas de projets, mais d'argent. En effet, quand celles-ci montent un projet de développement pour acquérir une machine ou conquérir une part de marché, il leur est très difficile de trouver une banque qui leur prête parce que cela représente un risque et que les banques prêtent plus facilement à une grande qu'à une petite entreprise. Le Gouvernement propose donc à l'Assemblée nationale et au Sénat de réfléchir à un amendement qui permettrait d'utiliser, sans en diminuer le montant, une partie des recettes de l'impôt de solidarité sur la fortune pour financer des projets de développement des PME dans vos territoires.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les contribuables auraient ainsi le choix de participer, par leur ISF, soit au financement des dépenses publiques, soit au développement du projet économique d'une PME. Qui peut être contre cette proposition ? Personne de bonne foi, car il en va du dynamisme de l'économie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Que l'on me comprenne bien. Cette proposition ne porte pas sur l'assiette, monsieur Novelli, mais sur le montant de l'impôt. Le Gouvernement est prêt à discuter avec l'ensemble des familles politiques pour déterminer le quantum, ainsi que les conditions, et pour savoir si cette mesure doit être étendue aux fondations pour la recherche ou aux grandes associations humanitaires. C'est le débat parlementaire qui permettra de fixer la direction dans laquelle nous devons aller. Mais je dois à la vérité de dire, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, que le Gouvernement serait extrêmement réservé sur la possibilité de choisir des fonds communs de placement. Nous considérons en effet que, pour utiliser au mieux l'argent de l'ISF, celui-ci doit être sorti des dépenses publiques pour aller directement dans le tissu des PME. À vous de nous dire combien et de fixer le cadre.

Là encore, ces idées n'ont rien d'extraordinaire et je suis persuadé qu'elles peuvent être partagées par le groupe socialiste, dont les élus savent parfaitement qu'il est, dans leurs territoires, des petites et moyennes entreprises qui n'ont pas accès aux grands réseaux bancaires. Si les contribuables à l'impôt de solidarité sur la fortune de vos départements préfèrent participer au développement des entreprises plutôt qu'au financement des dépenses publiques, pourquoi devrait-on se priver de cette possibilité ?

M. Alain Joyandet. Très bien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'en viens à la troisième proposition du Gouvernement - pardonnez-moi d'être un peu long, monsieur le président, mais le sujet mérite d'être traité dans sa globalité. Cette proposition concerne la question dite du déplafonnement du plafonnement.

M. Jean-Pierre Brard. Ça, c'est Juppé !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. À cette question, un certain nombre d'hommes politiques de grand talent ont apporté des réponses précises. En 1991, M. Strauss-Kahn a eu raison de fixer le plafonnement à 70 %, et nul ne peut le soupçonner de ne pas penser à la justice sociale.

M. Michel Bouvard. Il l'a encore démontré ce matin !

M. Didier Migaud. C'était Bérégovoy !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il y a eu un amendement de MM Bérégovoy et Rocard, mais - on peut le vérifier - M. Strauss-Kahn avait également pris une initiative dans ce domaine. Je ne le dis pas pour le gêner (Sourires) - je pourrais faire pire : ne me croyez pas si gentil -, mais pour souligner que s'il s'est trouvé, dans toutes les familles politiques, des hommes de bonne volonté pour se poser cette question, c'est peut-être bien qu'elle se pose effectivement.

M. Strauss-Kahn avait donc indiqué qu'il lui paraissait insupportable qu'un contribuable puisse payer plus de 70 % de ce qu'il gagne. Puis les choses ont évolué et le plafonnement a été fixé à 85 %. En 1996, à la suite, me semble-t-il, d'une inattention (Sourires sur divers bancs),...

M. Hervé Morin. Ce n'est pas possible !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Morin, lorsque vous serez ministre des finances, vous vous apercevrez que l'on n'est pas forcément capable de résumer tout ce que l'on vous fait signer - cela ne me gêne pas du tout de le reconnaître.

À la suite d'une inattention, disais-je, on en est arrivé à supprimer le plafonnement du déplafonnement, créant ainsi une situation dans laquelle des contribuables paient plus en impôts qu'ils n'ont de revenus. Ceci est ennuyeux, d'abord d'un point de vue juridique.

M. Charles de Courson. Notamment au regard de la jurisprudence de la Cour européenne !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pour la Cour européenne, en effet, mais également pour les tribunaux français, cela s'appelle une situation confiscatoire, et c'est parfaitement contraire aux règles de notre démocratie. Le dire, ce n'est vouloir protéger personne, c'est rappeler l'un des principes de notre démocratie.

Ensuite, il est évident que la France a besoin d'attirer les gens qui ont des moyens pour qu'ils y créent des emplois et dépensent leur argent ici plutôt qu'à l'extérieur. C'est ainsi que fonctionnent les modèles qui réussissent, car comment partager les richesses si on ne les attire pas ?

M. Jean-Pierre Brard. On les attire déjà !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Si, en plus de ne pas créer de richesses parce que l'on travaille moins, on ne les attire pas parce que l'on fait peur, comment peut-on les partager ? Partager la pénurie n'a jamais aidé les plus modestes, les plus démunis, les plus pauvres ! C'est le bon sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

À partir de là, il y a ceux qui considèrent que le déplafonnement du plafonnement explique une grande partie des délocalisations, non pas des entreprises, mais des capitaux. À l'inverse, il y a ceux qui estiment que c'est un symbole de nature à effrayer et à créer les conditions d'un affrontement politique partisan. J'ai beaucoup réfléchi à cette question qui, si elle était simple, aurait été réglée depuis 1996.

Le Gouvernement vous propose la stratégie suivante, qui lui paraît équilibrée et volontariste. Il souhaite que les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat se saisissent de la question du déplafonnement du plafonnement et qu'elles y travaillent - elles auront à leur disposition tous les moyens nécessaires - pendant une durée maximale de six mois. Au terme de ce délai, le Gouvernement s'engage à retenir leurs propositions si celles-ci font l'objet d'un consensus au sein de la majorité des deux commissions,...

M. Jean-Pierre Brard. Vous ne prenez pas beaucoup de risques !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Si vous le dites, cela m'incite à aller dans ce sens.

... et à les inscrire dans le texte sur les PME, qui sera défendu par M. Jacob au printemps prochain.

Certains, parmi vous, peuvent se demander pourquoi on ne prend pas cette mesure tout de suite, puisque l'on sait parfaitement que c'est un problème pour l'économie française.

M. Jean-Jacques Descamps. C'est vrai !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. À ceux-là, je réponds qu'ils ont de très bons arguments techniques auxquels je ne trouve rien à redire - je ne suis d'ailleurs pas loin de penser comme eux. Mais que vaut la technique quand on n'a pas pris le temps nécessaire pour convaincre et susciter l'adhésion ? Je n'ai nullement l'intention de laisser la majorité prendre des positions qui seront caricaturées par la gauche et qui rendront service aux adversaires d'idées justes, parce que nous aurions été incapables de prendre le temps d'expliquer ce qui est parfaitement explicable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

D'autres me demandent, tout aussi justement, et avec beaucoup d'amitié, pourquoi prendre une telle mesure. À ceux-là, je réponds que si je pose la question, c'est parce que je suis persuadé qu'il y a un vrai problème. Or la noblesse d'un homme politique est de résoudre les problèmes, et non de les contourner.

M. Alain Gest. Très bien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce n'est peut-être pas facile à expliquer, mais je crois au bon sens des électeurs, y compris ceux qui ne paieront jamais l'ISF,...

M. Jean-Pierre Brard. Nous avons vu, au mois de mars dernier, qu'ils étaient en effet plein de bon sens !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... mais qui peuvent comprendre qu'ils ont besoin, plus que les autres, que la France se réconcilie avec l'idée de la richesse, du patrimoine et de la réussite.

Voilà, mesdames, messieurs les députés, ce que le Gouvernement souhaitait vous dire, en toute transparence. Je précise que cette position est celle du Gouvernement dans son ensemble. Elle a rassemblé toute la majorité et devrait être de nature à répondre aux sollicitations, aux interrogations et aux propositions de chacun. Il va de soi que si l'opposition a des propositions à nous faire, il n'y a aucune raison pour que, sur ce sujet, nous ne tenions pas compte des opinions de ceux qui, comme vous, monsieur Migaud, ont eu le courage de poser, dans de remarquables rapports, de vraies questions. Ce que nous voulons, c'est apporter une réponse à un problème qui se pose à l'économie française, et non faire plaisir à une catégorie d'électeurs au détriment d'une autre ou prendre une mesure voulue par la majorité contre l'opposition. À vous, mesdames, messieurs de l'opposition, de voir si vous serez au rendez-vous que vous fixe le Gouvernement, celui de l'avenir de notre économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Éric Besson. Pour un rappel au règlement ?

M. Éric Besson. Alors que l'article 9 porte sur les successions, nous avons entendu plusieurs interventions traitant d'autres sujets. Ainsi M. le ministre vient-il de prononcer un discours très structuré et sans doute convaincant pour sa majorité, j'en conviens, dans lequel il a abordé un sujet, l'ISF, que nous n'étions pas censés traiter lors de l'examen de cet article.

C'est pourquoi je vous demande, monsieur le président, de permettre à ceux qui le souhaitent de répondre et de faire part de leurs observations au ministre immédiatement, plutôt que dans trois quarts d'heure ou une heure, afin d'éclairer utilement nos débats. N'y voyez pas une mesure dilatoire - dont vous savez par ailleurs que je ne suis pas coutumier -, mais simplement la volonté d'user du droit démocratique de débattre librement.

M. le président. Monsieur Besson, la règle est très claire : après les interventions des orateurs sur les articles, le Gouvernement peut, s'il le souhaite, répondre - ce qui vient d'être fait. Il est vrai que le ministre a évoqué deux sujets dépassant du cadre de l'article en discussion, à savoir les successions et l'ISF, et que certains des orateurs avaient, eux aussi, abordé des sujets connexes.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tout à fait !

M. le président. C'est pourquoi je consens à déroger à la règle et à permettre, si les groupes en sont d'accord, une intervention par groupe en réponse.

M. Michel Bouvard. C'est légitime !

M. le président. Je demanderai toutefois aux intervenants de respecter un temps de parole raisonnable, étant précisé que d'autres occasions de s'exprimer - notamment des amendements de suppression - se présenteront très bientôt.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Exactement !

M. le président. Il convient d'éviter que le débat ne s'éternise, et c'est uniquement à cette fin que j'accorde cette dérogation. Il va de soi que les arguments qui vont être exposés n'auront plus vocation à l'être dans la suite du débat.

Quatre orateurs sont inscrits : M. Mariton, M. Besson, M. de Courson, et M. Brard, auxquels je demande de respecter les conditions que je viens d'énoncer, afin de permettre au débat de progresser.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, nous allons consacrer quelques instants, quelques heures tout au plus, à un débat sur l'ISF. Sachons garder le sens des proportions : si la question est importante, elle est loin d'être la seule du débat budgétaire qui va durer plusieurs semaines. Nous sommes nombreux à attendre la réforme de l'ISF que le ministre d'État vient d'évoquer, sans toutefois y voir une priorité absolue, ni l'unique enjeu de ce projet de loi de finances.

Comme vous l'avez rappelé à juste titre, monsieur le ministre d'État, cette réforme a été souhaitée à plusieurs reprises par le passé et sur différents bancs de cette assemblée. Elle n'est donc pas motivée par des considérations d'ordre idéologique, mais par la volonté de corriger des incohérences, ainsi que le caractère pénalisant que peut parfois revêtir l'ISF. Certes, ceux qui le payent sont loin de former une majorité, mais il faut avoir à l'esprit que les inconvénients de cet impôt peuvent entraîner des répercussions sur d'autres personnes, dont nous devons nous préoccuper. Nous ne cherchons pas à jouer les uns contre les autres : la réforme de l'ISF est de l'intérêt de tous.

C'est une démarche d'intérêt général qui demande beaucoup de pédagogie. La démagogie, qui voudrait faire croire qu'il suffit de taxer plus certains pour améliorer le sort des autres, nous nous en passerons. Expliquer à nos concitoyens que le simple bon sens commande d'actualiser le barème, attirer leur attention sur le caractère excessif et confiscatoire que peut revêtir cet impôt, bref, les convaincre que cette réforme est utile et équilibrée, ne me paraît pas hors de portée.

Pour preuve de la pondération des mesures proposées, sachez, mes chers collègues, qu'en 2005 le produit de l'ISF dépassera celui enregistré en 2004, quand bien même l'ensemble des dispositions qui ont été évoquées seraient mises en œuvre.

Je crois que cela montre à la fois l'objectif et les limites de notre démarche : il ne s'agit pas de défaire un impôt, de le démanteler, mais simplement de le corriger dans l'intérêt de tous (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Éric Besson.

M. Éric Besson. Je vous remercie, monsieur le président, de nous permettre de prolonger cette discussion, et je sais gré également à nos collègues de la majorité qui ont soutenu ma demande en ce sens. Pour ma part, je me contenterai de la présente intervention, et je n'interviendrai plus lors de l'examen des amendements.

Je voudrais tout d'abord revenir sur un mot que l'on a beaucoup entendu ce soir, celui d'« idéologie ». Nombre de nos collègues de la majorité, notamment Mme Des Esgaulx, ont eu à cœur de récuser ce terme, donnant à penser qu'ils le considèrent comme une grossièreté, ce qui ne laisse pas de m'étonner de la part d'hommes et de femmes politiques.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. J'ai parlé d'idées dogmatiques !

M. Éric Besson. L'idéologie, ce n'est jamais que des idées ordonnancées, organisées autour d'un système de valeurs. Le libéralisme, notamment le libéralisme économique, est une idéologie qui, en soi, est tout à fait respectable. Nous pouvons en débattre, mais de grâce, assumez-la, et cessez de répéter que vous ne vous réclamez d'aucune idéologie et que vous ne faites pas de politique.

La deuxième expression qui revient souvent dans vos propos, c'est qu'il s'agit d'une réforme « de bon sens », qu'il faudrait considérer comme une simple mesure technique de revalorisation du barème.

M. Hervé Mariton. Chiche !

M. Éric Besson. Enfin, vous répétez inlassablement : « Nous allons briser le tabou ». Ce n'est pourtant plus à faire, puisque vous avez commencé à débattre de l'ISF dès le collectif de juillet 2002. Vous avez repris les mêmes mâles accents pour dénoncer à nouveau ce prétendu tabou lors de l'examen de la loi Dutreil.

Pour nous, la question de l'ISF n'a rien de tabou. Nous y voyons un outil de solidarité, de réduction des inégalités, et de redistribution - un outil qui, il est vrai, peut encore être perfectionné. Comme l'a dit M. le ministre, certains d'entre nous ont fait des propositions, dont je ne peux que regretter qu'il ne les ait pas détaillées. En l'occurrence, nous avons suggéré d'élargir l'assiette afin de pouvoir baisser les taux, le tout à rendement constant. Ce n'est pas tout à fait la même chose que le dispositif qui vient de nous être esquissé - j'emploie à dessein ce terme, puisque nous ne disposons pas, pour le moment, de tous les éléments.

Si vous nous proposez d'élargir l'assiette, de baisser les taux, le tout à rendement constant, c'est très volontiers que nous débattrons de l'ISF.

M. Michel Bouvard. L'ISF va, de toute façon, rapporter plus que l'an dernier !

M. Éric Besson. Convenez toutefois que la revalorisation du barème ne constitue pas le fond de la question. Certes, il n'est pas interdit d'en discuter, mais le vrai problème, ce sont les arguments que vous avez déjà commencé à exposer, et que l'on n'a pas fini d'entendre.

Le premier de ces arguments est celui des délocalisations. Or, je suis désolé de vous contredire, mais tous les rapports récents, y compris celui du Conseil des impôts, ont écarté cet argument. Je vous mets au défi de produire un seul rapport concluant différemment.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Le rapport Charzat !

M. Éric Besson. Le deuxième argument, employé à satiété ce soir, est celui de la spéculation immobilière. Certes, le phénomène est bien réel, mais encore faut-il relativiser. Je parle sous votre contrôle, monsieur le ministre, et vos collaborateurs sauront vous dire si je me trompe, mais je crois savoir que cela touche essentiellement les biens immobiliers d'une valeur supérieure à un million d'euros, pour lesquels l'impôt est de l'ordre de 1 000 euros. Je ne vois rien là de bien dramatique.

La spéculation immobilière a d'autres effets autrement plus sensibles qui mériteraient, eux, d'être évoqués. Elle éloigne les classes moyennes du cœur de ville, elle interdit l'accès au logement à des centaines de milliers de Français, et retarde actuellement tous les programmes de logements sociaux.

M. Richard Mallié. Le mot n'est pas approprié. Il ne s'agit pas de spéculation !

M. Éric Besson. Pourquoi la majorité donne-t-elle dans la caricature ? Pourquoi préfère-t-elle se pencher sur les petits soucis des uns plutôt que sur les drames - puisqu'il faut bien les appeler ainsi - que vivent les autres ?

Le problème est ailleurs que dans la revalorisation. À mon sens, il est double.

Je regrette, en premier lieu, que ni M. Bussereau ni vous, M. le ministre d'État, n'ayez jugé utile de nous exposer votre doctrine fiscale, nous faire connaître votre credo. Quel doit être, selon vous, le rôle de l'impôt, sa part dans la redistribution, la réduction des inégalités ? Autant de questions restées pour le moment sans réponses. Nous nous retrouvons donc à parler d'un impôt sans connaître vos orientations en la matière.

Deuxièmement, on ne peut que déplorer le caractère unilatéral et systématique de vos mesures. Depuis vingt-six mois, le gouvernement Raffarin a pris diverses mesures fiscales, dont 80 % bénéficient à 20 % seulement des Français. Ainsi, d'un côté, on se préoccupe d'alléger l'impôt sur le revenu et l'ISF, on met en place un système de donation qui fonctionne plutôt bien mais au profit de ceux qui ont la chance d'avoir des parents ou des grands-parents aisés, on réduit les droits de succession au profit de 10 % de nos concitoyens... De l'autre, on augmente la CSG et le forfait hospitalier et on impose la consultation à un euro.

C'est ce déséquilibre qui est choquant, pour nous comme pour nos concitoyens. Quand ceux-ci viennent dans nos permanences actuellement, ils évoquent des problèmes d'emploi, de logement, de jeunes qui n'ont pas les moyens de financer leurs études, bref ils nous parlent de la pauvreté. En revanche - peut-être ma circonscription n'est-elle pas représentative à cet égard, encore qu'elle soit réputée de centre droit -, je n'ai jamais vu personne m'interroger ou m'interpeller au sujet de l'impôt sur la fortune.

Je reviendrai pour conclure aux questions dites « idéologiques » que j'évoquais dans mon introduction. On assiste en effet à une évolution intéressante depuis plusieurs semaines. Nous vous taxons souvent, monsieur le ministre d'État, de libéralisme, voire d'ultralibéralisme, généralement à juste titre. Mais ce libéralisme est de plus en plus souvent mâtiné d'un très grand conservatisme. Cette remarque ne vous vise pas personnellement : c'est toute la politique du Gouvernement qui semble être soumise à une inspiration américaine. Pour résumer, je parlerais volontiers de l'inspiration Bush-Berlusconi de votre politique. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Auberger. Voilà qui est inutilement polémique ! Nous sommes en France, monsieur Besson !

M. Michel Bouvard. Nous ne nous laisserons pas traiter de parti de l'étranger ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Besson. Ce n'est pas une attaque personnelle !

M. le président. Il faut conclure, monsieur Besson.

M. Éric Besson. Je conclus, monsieur le président.

Quand le président Bush en campagne parle d'une « société de propriétaires », et que, de votre côté, vous affirmez votre volonté de « réhabiliter le patrimoine », monsieur le ministre, les mots ne sont pas les mêmes mais ils procèdent d'une même inspiration. Et il est paradoxal, pour des libéraux, de paraître plus préoccupés par les stocks que par les flux. Ce phénomène m'avait déjà frappé lorsque nous débattions de la loi Dutreil.

M. le président. Monsieur Besson, il faut vraiment conclure !

M. Didier Migaud. Un peu de souplesse, monsieur le président : le débat est important !

M. Éric Besson. Je vous demande encore une minute, monsieur le président.

Au cours de la discussion sur la loi Dutreil, donc, la majorité avait voté plusieurs amendements en faveur d'héritiers minoritaires ne travaillant pas dans l'entreprise, le tout au nom de la création d'emplois.

M. Philippe Auberger. Vous n'avez rien compris ! Il s'agissait de maintenir les capitaux en France !

M. Michel Bouvard. Vous préféreriez que l'entreprise tombe aux mains des fonds de pension américains ?

M. Éric Besson. En d'autres termes, les amendements votés par la majorité profitaient directement aux rentiers. Je relève là cette inspiration Bush-Berlusconi que l'on retrouve régulièrement dans la politique du Gouvernement, tant en matière d'impôt que pour la définition du rôle de l'État ou pour les services publics. Rappelez-vous aussi la tentative d'amnistie en échange du rapatriement des capitaux illégalement sortis du territoire, qui a donné lieu, l'été dernier, à un aller-retour express de M. Raffarin alors que personne ne lui avait rien demandé.

M. le président. Monsieur Besson !

M. Éric Besson. Vous avez raison, monsieur le ministre, d'affirmer que ceux qui ont travaillé, ceux qui n'ont pas été au RMI, qui n'ont pas bénéficié d'allocations, n'ont pas à s'excuser. Votre formule aura frappé tous les esprits ce soir. Mais permettez-moi de vous répondre, sans démagogie,...

M. le président. Monsieur Besson, il faut conclure !

M. Éric Besson. ...que les RMIstes, les chômeurs de longue durée, les précaires, ceux qui vivent sur un SMIC à temps partiel, n'ont pas nécessairement, eux non plus, de raisons de s'excuser.

Je terminerai par un rappel, de crainte que certains collègues aient « oublié par inattention », pour reprendre votre jolie litote, monsieur le ministre : l'ISF a été créé pour financer la création du RMI. La semaine dernière, tous les indicateurs ont montré que la lutte contre la pauvreté avait reculé ces dernières années et que la grande pauvreté s'était accrue. Et pour y faire face, vous proposez un plan Borloo non financé et une baisse du rendement de l'ISF ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Besson !

M. Richard Mallié. Non seulement il dépasse son temps de parole, mais ce qu'il dit est sans rapport avec le sujet !

M. Éric Besson. J'ai terminé, monsieur le président.

Vous nous accusez parfois d'être caricaturaux, monsieur le ministre. Ce soir, vous nous facilitez la tâche, car votre politique est clairement caricaturale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, il est des impôts qui, lorsqu'on en parle, suscitent des passions. L'ISF en fait partie. Théoriquement, il a été créé - ou plutôt recréé, pour être précis - pour financer le RMI. Lorsqu'on le baisse, on est accusé d'accabler les plus pauvres et de favoriser les riches.

L'UDF, qui est hostile à la suppression de cet impôt, s'est toujours prononcée, dans la majorité comme dans l'opposition, pour son indexation.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !

M. Charles de Courson. La raison en est simple, mes chers collègues du groupe socialiste : l'UDF n'est pas à la gauche de Jospin. (Sourires.) Je tiens à votre disposition l'article 9 du projet de loi de finances pour 2002, l'article 4 du projet de loi de finances pour 2001 et l'article 15 du projet de loi de finances pour 2000, qui indexaient gentiment l'ISF sur l'indice des prix à la consommation. Pourquoi cette disposition n'a-t-elle jamais été votée ?

M. Jean-Pierre Brard. Parce qu'en ce temps-là il y avait dialogue au sein de la majorité ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. Parce que le Parti communiste négociait le vote contre l'article - que le Premier ministre proposait tous les ans avec une belle constance -, pour faire croire à son électorat, ou ce qu'il en restait, qu'il était de gauche !

M. Alain Gest. Les électeurs ne l'ont pas cru, du reste !

M. Charles de Courson. Or si les communistes avaient voté avec l'opposition, nous serions devenus majoritaires...

M. Jean-Pierre Brard. Sur ce sujet, il n'y avait aucun risque !

M. Charles de Courson. C'est pourtant arrivé à quelques reprises, mon cher collègue !

Pendant trois années consécutives, donc, ces articles, que je dédicacerai volontiers à mes collègues s'ils n'en ont plus le souvenir, ont été proposés sans jamais être votés. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. À cause des bolcheviks !

M. Charles de Courson. Le gouvernement actuel, lui, pendant trois ans, n'a pas osé faire ce que M. Jospin faisait en son temps. Il s'est donc placé, jusqu'à l'arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère des finances, nettement à la gauche du gouvernement Jospin, contrairement aux affirmations de M. Besson. (Rires.)

Nicolas Sarkozy propose de faire du Jospin, c'est-à-dire d'indexer modestement le barème. Ce que vous prenez pour une grande innovation est en réalité d'une modération sans pareille. Mais si l'opposition continue ainsi, nous finirons par demander la comparution de Lionel Jospin devant la commission des finances, afin qu'il nous explique l'intérêt de cette mesure qu'il avait, dans sa grande sagesse, proposée par trois fois !

Pour nous, à l'UDF, ce qui est vrai quand nous sommes dans l'opposition le reste quand nous sommes dans la majorité. Nous soutenons donc avec constance, depuis deux ans, cette mesure de bon sens qui ne devrait susciter aucun débat.

M. Jean-Yves Chamard. Bravo !

M. Charles de Courson. Vous avez également soulevé le problème du plafonnement, monsieur le ministre. Nous sommes, pour notre part, partisans du retour au plafonnement Bérégovoy-Rocard, qui était lui aussi plein de bon sens. À défaut, nous nous exposons à une décision de la Cour européenne de justice, voire d'une de nos cours nationales, affirmant, Déclaration des droits de l'homme à l'appui, qu'il y a un seuil au-delà duquel on ne peut plus ponctionner les citoyens sans attenter au principe fondamental du droit de propriété. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ponctionner plus que les revenus, c'est un mécanisme confiscatoire qui, s'il perdure, n'est pas conforme à notre constitution.

M. Jean-Pierre Brard. Alors comment s'y est-on pris, le 4 août 1789 ?

M. Charles de Courson. Nous sommes donc pour le retour au texte qu'a fait voter Pierre Bérégovoy il y a bien des années.

Permettez-moi, mes chers collègues, d'apporter un témoignage à l'appui de mon propos. C'est Alain Juppé qui a déplafonné l'ISF,...

M. Didier Migaud. Ah bon ?

M. Éric Besson. Par inadvertance, sans doute !

M. Charles de Courson. ...et il m'a autorisé à vous dire aujourd'hui ce qui s'est réellement passé.

M. Jean-Pierre Brard. L'UDF n'est pas le porte-parole d'Alain Juppé, que je sache !

M. le président. Arrêtez, monsieur Brard !

M. Charles de Courson. Vous pouvez ne pas aimer Alain Juppé, mes chers collègues de l'opposition, mais reconnaissez-lui une certaine dignité.

Il y a trois semaines, donc, comme je discutais avec lui de ce sujet, il m'a autorisé à dire la vérité, reconnaissant qu'il avait commis une erreur en supprimant le plafonnement Bérégovoy. Il a essayé de la réparer l'année suivante, mais le président de l'Assemblée nationale l'en a empêché.

M. Didier Migaud. Oh, le méchant ! Il était donc plus fort que le Premier ministre ?

M. Jean-Pierre Brard. Philippe Séguin gauchiste ? On aura tout vu !

M. Charles de Courson. Telle est la vérité, mes chers collègues. Un accord avait été trouvé en commission mixte paritaire, mais le président de l'Assemblée nationale a déclaré que si nous votions le rétablissement du plafonnement, il demanderait une deuxième délibération et un scrutin public.

M. Didier Migaud. Mais c'est impossible !

M. Charles de Courson. Si, mon cher collègue, selon une disposition de notre règlement qui, pour n'avoir jamais été utilisée, n'en existe pas moins.

M. Sarkozy nous présente donc là une mesure d'une modération extrême, puisqu'il s'agit ni plus ni moins de revenir aux thèses du Parti socialiste du temps de Pierre Bérégovoy et Michel Rocard. Il n'y a pas de quoi fouetter un chat !

Une troisième mesure, votée en commission contre l'avis de l'UDF, porte de 20 à 30 % l'abattement sur la résidence principale. Nous répétons que ceci n'est pas raisonnable.

M. Didier Migaud et M. Augustin Bonrepaux. Allons donc !

M. Charles de Courson. Nous sommes d'accord pour discuter d'un abattement à la base pour la résidence principale à hauteur de 100 000 ou 150 000 euros, c'est-à-dire la valeur moyenne d'une maison, mais pas d'un tel relèvement. Je rappelle au passage que le taux de 20 % n'a pas été inventé par le Parlement : il résulte d'une décision juridictionnelle retranscrite in fine dans la loi.

Enfin, Nicolas Sarkozy a évoqué la possibilité d'utiliser l'ISF pour doper les petites et moyennes entreprises qui n'ont pas accès au marché des capitaux. Il faut voir. Dans une République bien organisée, où l'on a le sens de la justice, cet avantage doit avoir une contrepartie en termes d'intérêt public. Si une telle mesure devait voir le jour, il faudrait bien l'encadrer pour éviter qu'elle ne soit détournée de son objectif : stimuler l'emploi. Tout cela mérite discussion.

Telles sont les positions de l'UDF. Elles n'ont pas changé depuis dix ans. Si le débat politique français était un peu plus clair et si, mes chers collègues socialistes, vous aviez gardé votre ligne de conduite, nous ne nous retrouverions pas dans cette situation où une partie de l'actuelle majorité veut rétablir ce que vous aviez fait, alors que vous, vous le ne voulez plus parce que vous êtes dans l'opposition ! Comment voulez-vous que nos concitoyens s'y retrouvent ? Un effort de clarification me paraît indispensable. Quant aux positions de l'UDF, elles sont pleines de sagesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je note que vous êtes sensible au charme aristocratique, puisque notre collègue Charles-Amédée du Buisson de Courson a parlé douze minutes...

M. le président. Ne vous mêlez pas de cela, monsieur Brard ! Ce n'est pas votre affaire !

M. Alain Gest. Très bien présidé !

M. Jean-Pierre Brard. J'ai pourtant remarqué que vous étiez, si je puis dire, irradié, monsieur le président...

M. Mariton a souligné qu'il fallait beaucoup de pédagogie, tout en précisant que la majorité des électeurs de droite ne sont pas assujettis à l'ISF.

M. Hervé Mariton. Ils en sont d'ailleurs parfaitement conscients !

M. Jean-Pierre Brard. Il faut bien de la pédagogie, en effet, pour faire passer la pilule quand on milite contre les intérêts de la majorité de ses électeurs ! (« N'importe quoi ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pour l'essentiel, vos propos relèvent de l'affabulation. La vérité, on peut la trouver dans le rapport du Conseil national des impôts, qui a bien décrit la situation et dédiabolisé l'ISF, tandis que vous essayez de parer cet impôt des pires atours. À l'approche de Halloween, c'est ainsi que vous cherchez à provoquer l'effroi chez les Français.

M. Philippe Auberger. Il nous prend pour des citrouilles ? (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Selon vos dires, votre réforme n'est pas de nature idéologique et, s'il était mieux conçu, l'ISF pourrait rapporter plus. Je ne nie pas ce dernier point mais, si votre démarche était constructive et non pas, comme l'a démontré Éric Besson, idéologique, on pourrait réfléchir à l'élargissement de l'assiette, à la révision des taux... J'observe d'ailleurs que les deux ministres se concertent et approuvent mon propos !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Changez de lunettes, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. On pourrait réfléchir, donc, à rendre l'ISF plus équitable en le faisant peser davantage sur les milliardaires et moins sur les plus bas placés dans le barème. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mais si vous insistez tant sur la pédagogie, c'est sans doute que ceux d'entre vous qui comptent le plus d'heures de vol en politique ont un peu de mémoire et sont incités à la prudence : la note politique d'un démantèlement trop brutal de l'ISF risque d'être un peu lourde, surtout après cette malheureuse aventure de l'amnistie fiscale.

Je me rappelle très bien les propos du président Méhaignerie, homme de sagesse et du terroir (Sourires), qui disait : pas d'amnistie fiscale sans révision de l'ISF. Il avait en effet remarqué qu'amnistier les voleurs sentait un peu le soufre !

Mais venons-en au ministre d'État dont le discours était - comme le disait un collègue - charpenté. Son habileté dans le travestissement est grande. Son talent dans la rhétorique est inépuisable. Et la sélectivité de ses arguments est remarquable. Car il n'a pas parlé de l'attractivité de notre territoire, qui est incontestable. Les investissements dans notre pays sont importants. Les résidents étrangers ne fuient pas la France, affirmer le contraire n'est qu'affabulation. D'ailleurs, le ministre d'État s'est bien gardé de tenir des propos tels que ceux que je dis qu'il n'a pas tenus. (Sourires et murmures.)

Notons qu'en même temps le ministre d'État est inexorable dans sa volonté de satisfaire les privilégiés. Depuis que ce gouvernement est au pouvoir, qu'a-t-il fait pour la consommation, du moins celle des gens qui, dès qu'ils disposent de quelques moyens supplémentaires, améliorent leur ordinaire ? Eh oui, cher collègue de Courson : la vie est parfois plus difficile à Montreuil que dans les vignes de Champagne, chez les gens que vous fréquentez.

M. Charles de Courson. Qu'en savez-vous ?

M. Jean-Pierre Brard. Il n'a pas baissé la TVA. En revanche, il a augmenté la CSG. Sa politique a été un échec : plus de chômeurs, plus de RMIstes, plus de pauvres.

Si vous vouliez avancer dans le sens que vous avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre d'État, il fallait soumettre à notre assemblée d'autres propositions. Vous vous êtes contenté de fournir aux députés de la majorité un vade mecum, un manuel pour qu'ils aillent porter la bonne parole dans leurs circonscriptions tout en limitant au maximum la casse politique. Il s'agit d'atteindre vos objectifs à moindre coût...

Vous avez dit que vous écouteriez toutes les propositions. Eh bien, chiche ! Mettons en place un groupe de travail avec la commission des finances. Je remarque que, tout à l'heure, vous avez dit que vous vous engagiez à retenir les propositions qui recueilleraient l'accord des majorités des deux commissions des finances du Parlement. Mais c'est une promesse qui ne vous coûte pas cher, puisque ces deux commissions sont aux mains de la droite et que vous tenez votre majorité d'une poigne de fer. Vous me faites penser à Bismarck, les favoris en moins ! (Sourires.)

M. le président. Monsieur Brard, veuillez conclure !

M. Jean-Pierre Brard. Nous pourrions donc constituer un groupe de travail, monsieur le ministre d'État, et vous seriez alors jugé à votre réceptivité.

Ce groupe de travail, monsieur le président de la commission des finances, nous permettrait d'établir la vérité sur le nombre de Français qui agissent contre la France en expatriant leur argent ; sur le nombre d'entreprises qui délocalisent vraiment ; sur la fraude, sur l'assiette et les taux.

Ce serait l'amorce d'une démarche raisonnable et constructive. Mais je doute que vos intentions soient conformes au discours que vous avez tenu. Or nos compatriotes sont un peu cartésiens et ne jugent pas sur les propos, mais sur les actes.

M. le président. Nous venons d'avoir un très large débat, de qualité. Après l'intervention du ministre d'État, chaque groupe a pu répondre et s'exprimer. Nous allons donc revenir aux amendements à l'article 9.

La parole est M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. L'article 9 traite des successions, alors que nous venons de débattre de l'ISF. Même si l'intervention du ministre d'État fut brillante, ce n'était pas le propos. Comment allons-nous donc organiser nos travaux et jusqu'à quelle heure ?

M. le président. Les interventions sur l'article 9 ont très souvent lié droits de succession et ISF. Le ministre d'État, comme c'est son droit absolu, a souhaité répondre, liant lui aussi les deux questions. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai accepté, ce qui est inhabituel, que chacun des groupes réponde. Reprenons maintenant le fil du débat sur les amendements à l'article 9, puis je lèverai la séance. Cela me semble raisonnable.

Je suis saisi de deux amendements nos 286 et 388, visant à supprimer l'article 9.

La parole et à M. Augustin Bonrepaux, pour soutenir l'amendement n° 286.

M. Augustin Bonrepaux. L'article 9 n'est qu'une disposition de plus prise en faveur des plus favorisés. Elle entraînera une dépense non négligeable, de 630 millions d'euros, au moment où vous supprimez 4 800 emplois dans l'éducation nationale. Décidément, les priorités du Gouvernement sont claires !

Contrairement à ce que nous a expliqué le rapporteur général, cela n'a rien d'une mesure sociale puisqu'elle ne concernera que 20 % des successions, celles des patrimoines les plus modestes étant déjà exonérées.

M. le ministre d'État nous a fait un véritable cours d'économie et nous a expliqué qu'il fallait revaloriser le travail. Mais il semblerait qu'il y ait deux catégories de travail : celui des personnes qui travaillent tous les jours, qui ont des revenus et un patrimoine modestes, qui ne seront nullement avantagées par ce dispositif ; et celui des personnes...

M. Jean-Pierre Brard. Qui vivent du travail des autres !

M. Augustin Bonrepaux. ...qui ont la chance de pouvoir accumuler des richesses qu'elles pourront transmettre à leurs enfants, pour un montant bien supérieur d'ailleurs à 100 000 euros - grâce à certains mécanismes, comme les donations-partages.

Cette mesure est particulièrement injuste. Elle est surtout inacceptable au moment où notre pays rencontre autant de difficultés et où les services publics sont privés de moyens. Il y a même des zones où les travaux sont suspendus car les crédits ne viennent plus, l'État se trouvant en cessation de paiements !

Une telle mesure relancerait la consommation. On se demande bien comment, puisqu'elle ne s'adresse pas aux catégories qui en auraient le plus besoin.

Par ailleurs, on nous annonce plusieurs baisses, notamment celle de l'ISF. Certes, cela se fera progressivement - un amendement maintenant, un autre dans la loi Jacob. On nous dit que les commissions des finances vont se réunir. Mais on sait très bien ce qu'elles proposeront : une réduction fiscale de 200 millions, au moment où l'État n'est même pas en mesure de payer ce qu'il doit aux départements !

Le ministre d'État a tendance à donner des leçons. Il nous a appelés à faire preuve d'un réflexe républicain. Mais nous sommes tous des républicains ici et nous souhaiterions que la Constitution comme la Déclaration des droits de l'homme s'appliquent de manière un peu plus satisfaisante : l'impôt doit en effet être fonction de la capacité contributive de chacun.

Malheureusement, depuis que vous êtes au pouvoir, les diminutions et les augmentations vont toujours dans le même sens. Elles se font au bénéfice des plus riches et au détriment des plus pauvres et des plus modestes. Vous baissez les impôts payés par les riches, et comme vous augmentez globalement les impôts, ce sont les autres qui payent. Une telle démarche n'a rien de républicain. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Certes, nous sommes tous ici des républicains, mais il faut reconnaître qu'il y en a certains qui sont de droite et d'autres de gauche, que le cœur de ceux qui sont de droite penche du côté du coffre-fort,...

M. Richard Mallié. Non, je peux vous dire que mon cœur est à gauche ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. ...tandis que la tradition de ceux qui sont à gauche est différente, ne vous en déplaise, monsieur Mallié.

Contrairement à ce que vous affirmez, tout le monde paie des impôts. La TVA pèse sur tout le monde, et proportionnellement beaucoup plus sur les plus modestes. Elle pèse davantage sur la dame qui fait le ménage chez vous lorsqu'elle va acheter sa baguette de pain, que sur Mme Bettencourt lorsqu'elle envoie son valet lui chercher des croissants le matin. Prétendre le contraire, c'est nier la réalité.

M. Philippe Auberger. Mme Bettencourt mange certainement de la brioche !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Auberger, même à Joigny il y a des gens modestes, et vous devriez y penser davantage.

Quoi qu'il en soit, l'allègement des droits de succession prévu par cet article est emblématique de ce projet de loi de finances et, au-delà, de la politique fiscale menée par le Gouvernement depuis 2002. Il concrétise ses choix de fond et vise à réduire encore davantage, année après année, la participation des contribuables les plus aisés à la solidarité nationale.

Malgré tout, au premier abord, l'exercice n'est pas évident. Les ministres se sont donc employés méthodiquement à créer la confusion en présentant cette mesure comme étant de nature à bénéficier essentiellement aux successions moyennes. Plusieurs commentateurs ont utilisé à cette occasion le terme d'« entourloupe », qui est presque trop gentil. En effet, les dispositions proposées sont profondément inégalitaires et le caractère uniforme des abattements ne saurait dissimuler que leur impact est en réalité proportionnel à l'importance du patrimoine transmis.

Dans votre nouveau système, pour une famille avec conjoint survivant et trois enfants, l'exonération totale des droits de succession s'appliquera à un patrimoine allant jusqu'à 400 000 euros. Ce montant suffit, à lui seul, à montrer que la réforme ne cible pas les patrimoines moyens, mais les patrimoines élevés ou très élevés.

Autre exemple, dans le cas d'un enfant héritier unique, il faudra que la succession excède 100 000 euros pour entrer dans le champ de la taxation. À titre indicatif, 20 % seulement des héritages atteignent des montants supérieurs à 140 000 euros. Les fortes économies de droits de succession vont donc se concentrer sur de gros patrimoines, c'est-à-dire sur ceux qui n'en ont nul besoin. Pour ces raisons, nous vous invitons à adopter cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté les deux amendements de suppression. D'abord, il s'agit là d'une excellente mesure, que les Français se sont d'ores et déjà appropriés. Elle est simple et compréhensible : au-dessous de 100 000 euros de patrimoine, il n'y aura plus de droits de succession.

Puisque M. Bonrepaux a lu mon rapport en détail, ...

M. Augustin Bonrepaux. Je l'ai lu très attentivement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... ce dont je le remercie parce que c'est un excellent rapport,...

M. Jean-Pierre Brard. Heureusement, l'humilité n'est pas fiscalisée ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...je lui rappelle qu'il contient quelques exemples montrant combien cette mesure est sociale. Prenons le cas d'un héritage avec un actif net de 150 000 euros, ce qui n'est pas élevé puisque Jean-Yves Chamard nous a rappelé que l'actif net moyen successoral était de l'ordre de 225 000 euros. Dès lors que le conjoint survivant a bénéficié d'un usufruit au titre du décès du premier des conjoints, s'il y a deux enfants, ceux-ci vont faire une économie de droits de 2 300 euros. C'est une mesure sociale. Dans un second exemple, je prendrai un patrimoine de 200 000 euros, là encore inférieur au patrimoine moyen des Français. Dans la même configuration familiale, l'économie de droits de succession est de 2 500 euros.

Comme ils ont plébiscité la mesure relative aux donations, les Français plébiscitent celle-ci parce qu'ils ont compris qu'elle s'adresse à chacun d'entre eux. Ils pourront vérifier dans les prochains mois, à l'occasion - malheureuse certes - de l'exécution de successions, combien cette mesure est juste, équitable et les concerne tous. Il suffit, cher collègue Bonrepaux, de lire l'intégralité de mon rapport pour s'en rendre compte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis !

M. le président. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Monsieur Brard, j'écoute toujours très attentivement ce que vous dites.

M. Patrice Martin-Lalande. Quel courage !

M. Jean-Pierre Brard. Je vous en remercie et vous donne raison !

M. Sébastien Huyghe. Je vous ai même cité dans mon rapport sur l'attractivité du territoire, l'année dernière.

Je suis parfois d'accord avec vos déclarations, mais pas avec celles de ce soir. Je me suis plutôt intéressé à ce que vous avez dit lors d'un colloque au Conseil d'État, le 13 mai 2003, auquel j'ai assisté, de même que notre rapporteur général. Je ne résiste pas au plaisir de vous citer : « Sur la transmission du patrimoine, je pense que nous sommes un peu spoliateurs. Le fait que ce soit moi qui le dise aura peut-être quelque poids ». Vous étiez tout à fait lucide, vraisemblablement plus que ce soir. Je poursuis : « En ce qui concerne le patrimoine en ligne directe, les plafonds sont beaucoup trop bas. Cela incite à des pratiques qui ne sont pas morales. Transmettre son pavillon à ses héritiers sans être taxé ne me paraît pas choquant. » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Mariton et M. Richard Mallié. C'est très bien, monsieur Brard ! (Sourires.)

M. Sébastien Huyghe. Je continue : « Or, aujourd'hui, le niveau de fiscalisation de départ est tel que la transmission commence par un traumatisme : il faut vendre. Ce n'est pas bon. »

M. Philippe Auberger. C'est du double langage ! (Sourires.)

M. Sébastien Huyghe. Le meilleur arrive : « On retrouve, d'une certaine manière, le problème de l'ISF ».

M. Philippe Auberger. Tiens tiens !

M. Sébastien Huyghe. « Pour payer l'impôt quand la fortune est constituée de patrimoine, il faut d'abord vendre. Cela n'est pas normal ». (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Monsieur Brard, vous appartenez au groupe des député-e-s communistes et républicains. Peut-être, à l'époque, en étiez-vous sorti. Vous êtes le spécialiste du grand écart ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Brard. Je suis obligé de répondre !

M. le président. Pour l'instant, la parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Il est vrai que les prix de l'immobilier ont considérablement augmenté consécutivement aux acquisitions qu'ont pu faire des ressortissants hollandais, belges ou britanniques.

M. Michel Bouvard. Et suisses !

M. Augustin Bonrepaux. Notre rapporteur général et les élus de la majorité sont immergés dans un environnement qu'ils croient généralisé en France pour estimer que les patrimoines cités sont moyens ou modestes. Dois-je vous rappeler, monsieur le rapporteur général, ce que vous écrivez, citant M. Marini, à la page 83 de votre rapport ? « En 2000, seules 10 % des successions portaient sur un actif supérieur à 222 373 euros ». Les données ont peut-être un peu changé depuis le rapport Marini et, dans votre environnement, le patrimoine moyen est peut-être de 200 000 euros. Mais allez voir dans les régions modestes, vous constaterez que le rapport Marini est plus proche de la réalité : le patrimoine médian est à peine supérieur à 55 000 euros.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je voudrais démontrer à M. Huyghe combien je suis cohérent. Je ne fonctionne pas selon le principe du tiers exclu, qui date du Moyen Âge, mais je m'inscris dans une dialectique constructive. Vous n'avez pas bien entendu ce que j'ai dit au ministre d'État et au président Méhaignerie à propos de l'ISF. Je leur ai proposé de constituer un groupe de travail pour revoir l'assiette et les taux de l'ISF. Dans un rapport sur la fraude, j'ai proposé d'intégrer dans l'assiette de l'ISF, entre autres, les biens professionnels et les œuvres d'art, qui sont un vecteur très important de fraude. Et ce n'est pas par hasard que j'ai proposé que cet impôt pèse davantage sur les milliardaires - en francs - que sur les millionnaires.

Mais je pense aussi aux tout petits patrimoines - à celui de la vieille dame qui a un enfant unique - qui jusqu'à présent étaient frappés. Là, il fallait faire quelque chose.

M. Richard Mallié. C'est ce qu'on vous propose et que vous voulez supprimer !

M. Jean-Pierre Brard. Si vous êtes d'accord avec moi, comme vous l'affirmez, monsieur Huyghe...

M. Hervé Mariton. C'est vous qui êtes d'accord avec lui !

M. Jean-Pierre Brard. Il a lu mon texte, que, d'ailleurs, on ne m'a jamais soumis. Je devrais même faire valoir mon droit d'inventaire. (Sourires.)

Je propose un amendement tout à fait conforme aux propos que j'ai tenus au Conseil d'État et que vous avez rapportés. Nous allons voir si vous êtes tellement en accord avec moi.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 286 et 388.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 408.

La parole est à M. Charles de Courson, pour le soutenir.

M. Charles de Courson. Le groupe UDF pense qu'il faut concentrer l'effort fiscal sur les enfants en relevant l'abattement par enfant de 50 000 euros à 60 000 euros. Il nous semblait possible d'aller un peu plus loin, mais nous avons voulu rester dans les limites de l'enveloppe prévue par le Gouvernement. Cet amendement est très proche de celui proposé par M. Mariton.

L'UDF souhaite montrer que la mesure serait homogène quel que soit le nombre d'enfants. À patrimoine égal, ce n'est pas la même chose d'avoir un enfant ou d'en avoir cinq. M. Le Fur et bien d'autres ont développé le même type d'argument.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a repoussé cet amendement, considérant que la mesure comporte déjà une familialisation à deux niveaux. D'une part, l'abattement en faveur des enfants est porté de 46 000 euros à 50 000 euros. D'autre part, l'abattement général de 50 000 euros joue après, à proportion des différents abattements pour le conjoint et pour les enfants. Cet aspect du dispositif n'a peut-être pas suffisamment été mis en évidence.

Cette question pourra être envisagée au cours d'étapes ultérieures de la réforme. Pour l'heure, la mesure est simple, lisible et tous les Français la comprennent. Gardons-là telle qu'elle est.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 408.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 102 et 451

La parole est à M. Mariton, pour soutenir l'amendement n° 102.

M. Hervé Mariton. Les arguments en faveur de cet amendement ont déjà été développés. Dans la réforme des successions qui s'engage, je souhaite que les dimensions de la familialisation et de la filiation² soient bien prises en compte.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié, pour soutenir l'amendement n° 451.

M. Richard Mallié. Le Gouvernement propose un abattement de 50 000 euros par enfant et un abattement général de 50 000 euros, soit 100 000 euros. Nous préférerions porter l'abattement par enfant à 60 000 euros et l'abattement général à 40 000 euros. Cela coûterait un peu plus cher, c'est vrai. Monsieur le ministre, je vous vois hocher la tête, mais compte tenu du nombre des successions frappées de droits, 10 000 euros de plus par enfant reviendraient en moyenne à 2 000 euros maximum par enfant. Cette mesure constituerait une incitation à la natalité, porteuse de croissance, de consommation et d'emplois, ce que nous recherchons.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable. Vous semblez considérer l'abattement général comme un abattement à la base après lequel viendraient les abattements pour le conjoint et pour les enfants. La mesure ne fonctionne pas comme cela. Interviennent d'abord les abattements pour le conjoint et pour les enfants, et ensuite l'abattement général au prorata des différentes parts. Il y a bien une prise en compte de la familialisation.

J'ajoute une remarque de bon sens. Dans une famille de quatre enfants, il est évident que la part revenant à chaque enfant est quatre fois inférieure à celle que recevrait un enfant unique. L'héritage est divisé par le nombre d'enfants. On n'y peut rien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je partage l'avis exprimé par M. le rapporteur général mais comprends les préoccupations de M. Mariton et de M. Mallié.

Le Gouvernement est prêt à améliorer le dispositif à l'avenir mais ne peut retenir cette année la mesure proposée car elle chargerait un peu la barque sur le plan financier : son coût s'élève, en effet, à 110 millions d'euros environ, ce qui n'est pas rien.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Je remercie le Gouvernement pour son écoute et pour l'orientation qu'il a indiquée.

Le raisonnement de M. le rapporteur général est un peu curieux, je le dis avec toute l'amitié que j'ai pour lui.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous ferons les calculs ensemble !

M. Hervé Mariton. Je comprends bien que la part est partagée entre le nombre d'enfants mais l'avantage de 50 000 euros accordé par l'État aussi,...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Bien entendu !

M. Hervé Mariton. ...si bien que, moins il y a d'enfants et plus l'avantage est significatif. Sur le plan de la politique familiale, ce n'est pas très satisfaisant.

Cela étant, prenant acte de l'orientation indiquée par M. le secrétaire d'État, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 102 est retiré.

Monsieur Mallié, retirez-vous également votre amendement ?

M. Richard Mallié. Après l'intervention de M. le secrétaire d'État, je retire, moi aussi, mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 451 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 233.

Est-il défendu ?

M. Sébastien Huyghe. Il l'est, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 233.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 35.

Est-il défendu ?

M. Patrice Martin-Lalande. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 36.

Est-il défendu ?

M. Patrice Martin-Lalande. Oui, monsieur le président.

M. le président. Même avis de la commission et du Gouvernement que sur l'amendement précédent.

Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 370.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Brard. Notre amendement devrait être adopté avec le soutien de M. Huyghe puisque nous vous fournissons, monsieur le secrétaire d'État, une occasion de corriger un peu le caractère injuste et inégalitaire de la mesure proposée dans le projet de budget.

Il faut, en effet, avoir conscience que, dans notre pays, les inégalités de patrimoine sont nettement plus fortes que les inégalités de salaires et de revenus. Selon l'INSEE, les 10 % des ménages les plus riches se partagent plus de 40 % du patrimoine total tandis que, au bas de l'échelle, la moitié des ménages ne possède que 10 % du patrimoine, alors que le 1 % le plus riche détient entre 14 et 20 % de la richesse des ménages, ceux auxquels vous vous intéressez le plus, mesdames, messieurs de la majorité.

Avec votre texte, l'économie réalisée par les héritiers s'accroît en valeur absolue avec le montant du patrimoine transmis. Ainsi, un patrimoine transmis de 60 000 euros avec un enfant bénéficiera d'une exonération de 1 150 euros, un patrimoine transmis de un million d'euros d'une exonération de 18 900 euros et un patrimoine de deux millions d'euros et au-delà bénéficiera de 21 600 euros de baisse des droits.

C'est pourquoi nous proposons de réduire l'impact de l'allégement des droits de succession pour ceux qui n'en ont visiblement pas besoin puisqu'ils sont assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune ou imposés dans la tranche supérieure du barème de l'impôt sur le revenu.

Notre amendement permettrait donc de réduire un peu l'ampleur du cadeau fait aux contribuables les plus aisés qui sont déjà très gâtés avec votre projet de loi de finances, sans compter toutes les mesures qui ont déjà été prises depuis votre retour au pouvoir, monsieur le secrétaire d'État.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a donné un avis défavorable sur cet amendement : il vise des catégories bien particulières de population et est contraire au principe d'égalité républicaine.

M. Jean-Pierre Brard. Oh !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Parler de principe d'égalité entre des gens qui ont tout et d'autres qui n'ont rien pose quand même un problème. Je ne vois pas l'égalité comme ça. Pour moi, elle passe par la redistribution. L'amendement permet de ne pas faire bénéficier des avantages que vous avez prévus dans le projet de loi les contribuables assujettis à l'ISF ou relevant de la dernière tranche du barème de l'impôt sur le revenu. Donc c'est une vraie mesure de correction des inégalités.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 370.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 462 rectifié.

La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Nicolas. Cet amendement s'inscrit dans la ligne tracée par le projet de loi, à savoir l'abaissement des droits de succession. Il a trait plus spécifiquement aux donations ou successions dévolues aux frères et sœurs, ainsi qu'aux donations ou successions dévolues aux parents jusqu'au quatrième degré. Nous considérons qu'elles doivent être facilitées afin de favoriser les transmissions patrimoniales entre membres d'une même famille autres que les parents du défunt ou ses enfants. C'est le cas également des successions en l'absence d'héritiers directs du défunt.

Conscients que le paiement des droits de mutation peut être un obstacle à la conservation par les proches des biens reçus d'un parent ou non, notamment lorsque l'actif est essentiellement composé d'immeubles, il nous paraît légitime d'alléger les droits dus sur les transmissions à titre gratuit au profit des parents au-delà du deuxième degré et non pas seulement pour les enfants ou le conjoint survivant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n'a pas examiné cet amendement, déposé directement en séance. Il est intéressant mais vise un tout autre but que la mesure gouvernementale puisqu'il tend à réformer le barème des droits de succession. La proposition du Gouvernement est plus limitée et spécifique. L'amendement de M. Nicolas se situe donc hors du cadre de nos discussions.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je félicite M. Nicolas pour le travail remarquable qu'il a réalisé car c'est une réforme d'envergure qu'il nous propose. Elle mérite d'être étudiée mais nous ne sommes pas en mesure d'y donner suite dans le cadre du présent projet. Nous ne l'avons d'ailleurs pas chiffrée, tellement les sommes en jeu sont importantes.

M. le président. Après tous ces compliments, monsieur Nicolas, retirez-vous votre amendement ?

M. Jean-Pierre Nicolas. En effet. Après des compliments de cette nature, vous comprendrez, monsieur le président, que je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 462 rectifié est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 24.

La parole est à M. Marc Laffineur, pour le soutenir.

M. Marc Laffineur. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable, la mesure n'étant pas budgétée en 2004.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je ne puis que souscrire à cet argument. Même avis !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les gens n'ont le droit de mourir que l'année prochaine ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Aujourd'hui, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Rapport, n° 1863, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

À vingt et une heures, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 22 octobre 2004, à une heure dix.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot