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Première séance du vendredi 5 novembre 2004

44e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

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RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Yves Durand. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour un rappel au règlement.

M. Yves Durand. Bien que je ne sois pas ennemi d'une certaine intimité, je regrette profondément que la discussion sur le premier budget de la France, celui de l'éducation nationale, ait lieu un jour où chacun sait que peu de parlementaires peuvent être présents. Le président de la commission des affaires sociales lui-même, si assidu d'habitude, est absent. Et je formule le même regret pour l'examen du budget de l'enseignement supérieur, qui se déroulera lundi prochain, qui plus est en séance de nuit.

Par ailleurs, monsieur le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, vous avez lancé, après la remise du rapport Thélot, une série de consultations avec les syndicats. Or nous avons appris que c'est à la télévision, dans l'émission « 100 minutes pour convaincre », que vous vous apprêtez à livrer vos premières réflexions, voire vos premières décisions, sur l'important projet de loi d'orientation sur l'école. Permettez-moi de vous rappeler qu'en démocratie la loi est élaborée par le Parlement. Évitons de remplacer la démocratie parlementaire par une démocratie d'opinion ! Je trouve cette initiative dommageable, et même scandaleuse, et souhaite que le président de la commission des affaires sociales réunisse celle-ci d'urgence, avant le 18 novembre, date de l'émission, afin que vous donniez la primeur de vos réflexions aux représentants de la nation, ainsi que l'exige la tradition républicaine.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ce n'est pas à moi, mais à la conférence des présidents qu'il revient de déterminer l'ordre du jour de l'Assemblée. La deuxième partie de votre intervention, monsieur Durand, est tout aussi malvenue et dépourvue sens : le Gouvernement, bien entendu, n'a nullement l'intention d'annoncer quelque décision que ce soit à la télévision. J'indiquerai dans les semaines qui viennent les pistes que j'ai choisi de retenir dans le rapport Thélot et les grandes orientations de la réforme, puis nous entamerons jusqu'au mois de décembre un long travail de concertation avec les organisations syndicales. Enfin, je viendrai devant vous pour présenter un projet et il appartiendra au Parlement de décider de son sort. Il n'y a là rien que de très normal.

M. Yves Durand. Il n'empêche : je demande une réunion de la commission des affaires sociales !

M. le président. Votre demande sera transmise à son président, monsieur Durand. Pour répondre à la première partie de votre intervention, je vous rappelle que la conférence des présidents a accepté l'ordre du jour que nous suivons aujourd'hui.

    2

LOI DE FINANCES POUR 2005

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche concernant l'enseignement scolaire.

La parole est à M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, mes chers collègues, nous allons consacrer cette matinée à l'examen du premier budget de l'État : 56,5 milliards d'euros, c'est-à-dire plus que le produit de l'impôt sur le revenu. Une fois que nous aurons adopté cette partie du budget, tout l'impôt sur le revenu des Français aura été consommé d'un coup ! Il est important que les contribuables s'en rendent compte.

Les crédits de l'enseignement scolaire augmentent, à périmètre constant - car il y a eu transfert des personnels qui géraient les prestations familiales vers les CAF -, de 2,55 %. Ils représentent un cinquième du budget de l'État. 95 % de ces crédits correspondent à des dépenses de personnel, alors que la proportion, tous ministères confondus, est de 55 %, et donc de 25 ou 30 % dans l'ensemble des ministères à l'exception de l'éducation nationale.

Pour l'essentiel, c'est donc du personnel que nous allons parler.

L'évolution des dépenses au cours des douze dernières années a été considérable : 38 % d'augmentation en euros constants, soit 14 milliards d'euros de plus. Cette hausse est deux fois et demie plus rapide que celle du budget total de l'État. Dans la même période, le nombre d'élèves a diminué de 550 000 et celui des enseignants a augmenté de 70 000. Il s'ensuit mathématiquement que le coût de la formation par élève a fortement progressé. Il est même devenu le troisième au monde, derrière les États-Unis et la Suède !

Dans l'enseignement primaire, on est passé de 6,6 à 6,2 millions d'élèves, tandis que le nombre de professeurs a augmenté de 10 000. Le ratio est donc passé de 21 à 19 élèves par maître - ce qui ne signifie pas, bien entendu, que les classes ont en moyenne 19 élèves : il y a des maîtres qui ne sont pas devant les élèves. Dans l'enseignement secondaire, le nombre d'élèves est passé de 5,4 à 5,25 millions, et le nombre de professeur a augmenté de 60 000, si bien que le ratio s'est abaissé de 15 à 12 élèves par professeur.

Or, depuis des années, sur les bancs de l'actuelle opposition - laquelle, au gré des élections, devient parfois majorité -, on affirme que la seule manière de résoudre les problèmes de l'éducation est d'augmenter les moyens : plus il y aura de professeurs, mieux cela ira ; moins il y a d'élèves par classe, mieux ils sont formés. Cette année comme les précédentes, on nous a délivré un « carton rouge », on nous a accusés de ne pas avoir l'éducation pour priorité, les crédits n'augmentant « que » de 2,5 %, on a crié au scandale à propos de la réduction du nombre de professeurs dans le secondaire, on a dénoncé l'instauration d'un système « à deux vitesses »... Et l'ineffable Jack d'en rajouter, comme à son habitude !

M. Yves Durand. Voilà qui n'est guère élégant, monsieur Chamard !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Mais c'est vrai ! La parole est libre dans cet hémicycle ! Ce que j'ai dit est exact : c'est mon opinion, et je la partage...

M. Christian Estrosi et M. Christian Vanneste. Nous la partageons également ! (Sourires.)

M. Yves Durand. Tout et n'importe quoi peut en effet être dit dans cet hémicycle : vous venez d'en apporter la preuve !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. On réclame donc toujours plus de moyens, mais les résultats suivent-ils la même courbe ascendante ? Nous disposons de plusieurs outils de comparaison, tant au niveau national qu'au niveau international.

On peut ainsi contrôler l'efficacité de notre système scolaire grâce aux tests pratiqués naguère lors de l'incorporation des appelés au service national et aujourd'hui à l'occasion de la journée d'appel. Depuis des années, les chiffres sont stables : environ 12 % d'une classe d'âge a des difficultés de compréhension de l'écrit et la moitié de cet effectif est proche de l'illettrisme. Le taux d'exclusion précoce du système scolaire et le nombre de sorties du système sans diplôme sont, eux aussi, stables. L'augmentation des moyens ne s'est donc pas traduite par une amélioration des résultats.

Au niveau international, le meilleur outil d'évaluation est le Programme international de suivi des acquis, le PISA, qui a permis, il y a quelques années, de comparer les compétences de 265 000 élèves de quinze ans dans trois domaines : culture scientifique, culture mathématique, compréhension de l'écrit. La France se classe dixième en culture scientifique, douzième en culture mathématique et quinzième en compréhension de l'écrit. Alors que notre enseignement secondaire est quasiment le plus cher, notre moyenne est à peine plus élevée que la moyenne générale des pays de l'OCDE : 505 contre 500. Dans l'OCDE, le coût moyen de formation d'un élève du secondaire est de 6 510 dollars ; il est de 8 110 dollars chez nous, soit 25 % de plus. Multipliée par le nombre d'élèves et convertie en euros, cette différence s'élève à 7 milliards.

Mes chers collègues de l'opposition, vous nous avez quelque peu bassinés, lors de la discussion de la première partie du budget, sur les 7 milliards d'euros de la soulte d'EDF, mais nous dépensons tous les ans 7 milliards de plus que la moyenne des pays de l'OCDE sans obtenir de meilleurs résultats !

À l'évidence, l'efficience de l'utilisation de la dépense publique est insuffisante dans l'enseignement scolaire. Le rapport de la Cour des comptes de l'année dernière le confirme. Comme je l'ai abondamment cité dans le rapport que je vous présente au nom de la commission, je ne vous en lirai que deux courts extraits.


Le premier de ces extraits concerne l'enseignement du second cycle, en grande partie optionnel, avec 360 options possibles : « Dans le second cycle, le grand nombre d'enseignements optionnels ou en petits groupes induit une baisse importante du nombre d'élèves par enseignant, ce qui a entraîné une hausse de près de 10 % des taux d'encadrement en dix ans. Pourtant, rien ne permet d'affirmer qu'une telle logique - réduction permanente du nombre d'élèves par classe - favorise l'efficacité de l'enseignement et la réussite des élèves. Les recherches actuellement disponibles sur cette question concluent à l'absence d'effet significatif et mesurable d'une politique de réduction de la taille des classes, sauf pour des publics en grande difficulté. »

Il est donc important, monsieur le ministre, et vous commencez à vous y employer, de cibler les élèves en grande difficulté auxquels appliquer cette politique de classes à taille réduite, et de revenir à des classes à taille normale pour le reste des enseignements, notamment pour les enseignements optionnels où l'on constate que, très fréquemment, notamment en langue, plus d'un professeur sur deux enseigne devant moins de 15 élèves.

M. Yves Durand. Pour les langues, c'est normal !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. La Cour des comptes dénonce également, et nous aurons l'occasion d'y revenir, la très mauvaise utilisation des remplacements. Cela dit, monsieur le ministre, on a pu constater en 2003 le commencement du début d'une amélioration. Je vous en donne acte, ainsi qu'à votre prédécesseur, même s'il reste encore beaucoup à faire.

La même évolution positive se dessine s'agissant du nombre d'élèves par classe. Car si l'on compte 12 élèves en moyenne par classe dans le secondaire, ce qui fait de nous les vice-champions du monde derrière l'Italie, votre prédécesseur et vous-même, ainsi que les recteurs, ont commencé à réagir.

S'agissant de l'enseignement technologique, on est parti de l'idée qu'on ne pouvait pas tout faire partout et qu'il fallait rassembler les enseignements autour de pôles, différents d'un endroit à l'autre. Cela suppose bien évidemment de créer, là où c'est nécessaire, des internats. Là encore, il reste beaucoup à faire.

Deuxième cause de ce mauvais rapport qualité/prix : l'inapplication, ou presque, de la règle de 1951 permettant de faire intervenir dans une discipline voisine l'enseignant dont le temps de travail est incomplet. Prenez un capétien qui doit 18 heures. Il est prévu que jusqu'à la moitié de son service, soit 9 heures, il devra enseigner dans une discipline voisine. Moi-même, qui suis professeur de mathématiques,...

M. Yves Durand. Ça se voit ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. ...pour peu que je le prévoie, je pense pouvoir enseigner la physique, voire l'anglais ou l'allemand, ou le français car j'ai suivi des cours de littérature française lors de mes études...

M. Yves Durand. Il sait tout faire !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Sur ce sujet, il y a dans le rapport Thélot des choses très intéressantes.

Troisième cause, que j'ai déjà abordée : le rendement réel de notre système de remplacement est très insuffisant, malgré un début d'amélioration. A ce propos, la Cour des comptes est sévère.

En conclusion, non de mon intervention, mais de cette partie (Rires),...

M. Yves Durand. Vous avez tout votre temps !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. ...le slogan « plus de moyens et tout ira mieux » est faux. Ce n'est pas un problème de moyens, mais d'organisation et de responsabilisation.

Monsieur le ministre, vous dirigez une administration centrale qui croit qu'elle fait et qu'elle ne doit pas laisser faire : les crédits fléchés, l'oppression considérable des sous-chefs de certains bureaux, etc. Il faut donner de l'air et des responsabilités, comme cela ressort du rapport Thélot. C'est absolument essentiel pour l'avenir.

D'une certaine façon, monsieur le ministre, vous avez de la chance. Vous qui avez su, dans un autre ministère, conduire à terme une réforme difficile ...

M. Yves Durand. Si c'est dans le même genre !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial... et qui devrez demain en conduire une autre tout aussi difficile, vous disposez en interne de moyens financiers. Malgré les inerties et les pesanteurs, vous n'aurez qu'à prendre ce dont vous avez besoin - en rationalisant la dépense.

Sur votre budget, les chiffres sont là : 56,6 milliards d'euros, 95 % étant consacrés aux dépenses de personnel. Si l'on s'en tient à la présentation actuelle, 20 % vont au primaire public, 40 % au secondaire public, 12 % au privé - c'est la règle « du cinquième » - et 28 % à tout le reste.

1 000 postes sont créés dans le primaire. Après avoir perdu beaucoup d'élèves, il en retrouve. Cela a commencé par les maternelles...

M. Yves Durand. Et cela continuera par le secondaire !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Bien sûr. C'est pourquoi il faut y baisser le nombre de postes aujourd'hui, pour l'augmenter à nouveau demain. Car l'idée selon laquelle il ne faut jamais diminuer le nombre de postes quand le nombre d'élèves diminue, mais toujours l'augmenter quand le nombre d'élèves augmente, conduit à une mauvaise efficience de l'utilisation des moyens des contribuables.

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Eh oui !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Dans le secondaire, il y a 45 000 élèves de moins, et 3 400 postes de moins. Et qu'on ne dise pas que c'est horrible, puisque cela correspond à supprimer un poste pour 13 élèves !

M. Jacques Desallangre. C'est faux !

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. Mais non, c'est exact !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Le ministre a fait dans la douceur, si vous voulez le point de vue de la commission des finances.

M. Yves Durand. C'est dans son tempérament !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. En effet : une main de fer dans un gant de velours. Il l'a déjà démontré, et je souhaite qu'il le démontre à nouveau.

2 100 postes de maîtres auxiliaires et de contractuels ont été supprimés. Bravo ! Vous commencez enfin à gratter dans les surnombres disciplinaires. Car des milliers d'enseignants n'ont pas de travail, du moins à temps complet. Mis bout à bout, cela fait des milliers de postes. C'est un « début de commencement » de rationalisation.

800 postes administratifs sont supprimés. On ne touche pas aux TOS. Heureusement, parce que je suis conseiller général et j'aurais hurlé qu'au moment où l'État nous transmet le dossier, il en réduit les postes pour, en définitive, nous payer moins.

En revanche, 800 postes d'auxiliaires de la vie scolaire sont créés. C'est l'une des priorités de ce budget, qui n'est que la continuation de l'an dernier. Il s'agit de mieux insérer les élèves handicapés.

Ce qui est fait pour le public est fait pour le privé à hauteur du cinquième, comme on l'a déjà rappelé. Cela vaut aussi, et j'en félicite le ministre, pour l'accueil des élèves handicapés.

Au total, moins d'un départ en retraite sur 10 n'est pas remplacé parmi les enseignants, et un sur deux ne l'est pas parmi les personnels administratifs.

Parlons, monsieur le ministre, de votre gestion prévisionnelle des effectifs. C'est la première fois depuis longtemps que nous saurons combien de postes seront offerts aux concours, combien seront créés, combien seront supprimés.

Le nombre de postes mis aux concours n'est évidemment pas le simple décalque du nombre de postes créés ou supprimés. Dans le primaire, par exemple, des postes sont créés. Mais le nombre de départs à la retraite qui avait beaucoup augmenté, de nombreux enseignants ayant pu partir à 55 ans, commence déjà à diminuer. Bien qu'on crée des postes, on diminue donc le nombre de postes mis aux concours parce qu'il y aura moins de départs à la retraite en 2005 ou 2006 qu'auparavant. Dans le secondaire, on supprime des postes, mais le nombre de postes mis aux concours augmente, parce qu'on observe une montée en charge des départs à la retraite.

Cette gestion prévisionnelle s'effectue sur plusieurs années. Je m'étais étonné qu'on mette aux concours un nombre relativement important de postes en éducation physique et sportive, alors que leur surnombre est criant, mais vos services m'ont indiqué - et je vérifierai ! - que dans les trois ans qui viennent, des recrutements deviendront nécessaires. En attendant, il suffirait de ne plus recruter. Claude Allègre avait dit en son temps que pendant un an, on pouvait ne pas recruter de professeurs d'EPS. Je ne dis pas ce qui se serait passé dans les SUAPS... Il n'en reste pas moins qu'il serait bon que les étudiants sachent, avant de choisir leur orientation, combien il y aura de postes aux concours. Ce n'est pas parce que tout le monde veut faire de la psychologie ou de l'EPS qu'on va créer des postes. On ne le fera que s'il y a des élèves à former.

Bien d'autres mesures méritent d'être mentionnées, comme celles qui sont prises en faveur des personnels, ou l'ajustement des crédits de pension, de 1,150 milliard. C'est tout à fait normal, le nombre de retraités augmentant.

Je ne les détaille pas, pour pouvoir dire quelques mots du rapport Thélot et de la LOLF.

Je ne parlerai qu'à titre personnel du rapport Thélot, car c'est à Mme la rapporteure pour avis d'évoquer plus en détail les aspects pédagogiques. L'ancien professeur que je suis s'y est bien retrouvé.

Je pense à cette formule : « Une seule ambition : faire réussir les élèves ». Si l'on enseigne, ce n'est pas pour se faire plaisir, en effet.

Je suis d'accord avec les fondamentaux évoqués, parmi lesquels : maîtriser les trois modes de communication du XXIsiècle que sont la langue française, la langue de communication internationale et la communication numérique.

Je ne parle que d'une langue de communication internationale, monsieur le ministre. Vous allez être soumis à de nombreuses pressions, l'on vous dira qu'il faut apprendre « une » langue étrangère en primaire. Non, il n'y a qu'une langue de communication internationale. Nous aurions aimé que ce fût le français, comme au XVIIIsiècle. C'est l'anglais et nous n'y pouvons rien ! Il serait absurde de vouloir faire plaisir à Pierre, Paul ou Jacques.

Je remarque que la fracture numérique atteint nos plus anciens. Le cerveau humain est fait de telle façon que les processus informatiques sont complètement en phase avec le cerveau de l'enfant. Plus on vieillit, plus il est difficile de s'y mettre.

M. Yves Durand. C'est valable dans beaucoup de domaines.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. L'informatique reproduit assez bien ce qu'il y a dans ce superordinateur que l'on a, en général, au-dessus des yeux. (Rires.)

M. Christian Vanneste. La comparaison est discutable !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Dernier point : la LOLF.

En parcourant l'avant-projet de PAP, on mesure le chemin qu'on est en train de parcourir. Entre les futurs et les anciens documents budgétaires, c'est le jour et la nuit !

Les anciens documents budgétaires me rappellent l'époque où les prêtres parlaient latin pour que les humains de base ne comprennent rien. Ceux qui ont conçu les bleus budgétaires se disaient sans doute que les députés ne les ennuieraient pas, dans la mesure où ils n'y comprendraient rien ! (Sourires.)

Bravo sur tous les bancs parce que l'un de vos collègues que j'apprécie beaucoup, à savoir l'ancien rapporteur général du budget, y a mis la main, avec d'autres. Bravo à la LOLF et à l'ensemble du Parlement, car nous avançons.

Dans cet avant-projet de PAP, tout est détaillé : une mission, six programmes et, surtout, des indicateurs de performance. Et c'est bien là qu'on attend le Gouvernement.

Vous allez devoir à la fois choisir avec nous les indicateurs et, pour chaque indicateur, le passé, le présent et l'avenir. Et comme l'avenir devient un jour le passé, on comparera prévisions et résultats.

La commission des finances va travailler, avec l'aide de la Cour des comptes, sur la mise en place de trois indicateurs. Nous souhaitons, bien sûr, que votre ministère collabore.

Le premier serait un « indice synthétique d'activité », pour reprendre ce qui s'est fait dans les hôpitaux. Il permet de savoir quel est le coût de formation, classe par classe, des élèves, établissement par établissement. On valorise chaque type de formation en lui attribuant un certain nombre de points : 1 000 points par élève pour une classe de 1re S, 800 ou 1 200 pour une classe de 1re L, etc. Après ce calcul, on sait à combien, dans chaque établissement, revient la formation d'un élève.

M. Jacques Desallangre. C'est le rêve du prof de maths !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Le deuxième indice serait un « indice de qualité », car il ne suffit pas de savoir ce que cela coûte. Vous pouvez le connaître en comparant les résultats attendus et les résultats obtenus. En croisant les deux, on obtient un indice de performance. Je souhaite, monsieur le ministre, qu'une fois que tout cela sera mis en forme, on modifie le régime indemnitaire. Les indemnités, d'abord des chefs d'établissement, puis des professeurs enseignant dans l'établissement devraient, pour partie, être liées à ces résultats.

Je termine en disant que le métier d'enseignant que j'ai pratiqué est l'un des plus beaux métiers du monde. Faire éclore l'intelligence et la compréhension d'un jeune est quelque chose de formidable. Je rappellerai cette très belle phrase de Jean-Jacques Rousseau, citée d'ailleurs dans le rapport Thélot : « Je vis que je réussissais et cela me fit réussir davantage. »


Si un élève est persuadé par ses professeurs qu'il est bon, il le deviendra. Si, en revanche, il s'entend dire : « Mon pauvre ami, tu n'y comprendras jamais rien », il finira, en effet, par ne rien comprendre. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ensemble, faisons que tous les élèves de France deviennent bons. Qu'ils réussissent, telle est la mission de notre République ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Christian Vanneste. Excellente conclusion !

M. le président. La parole est à Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la brillante analyse de Jean-Yves Chamard, au titre de la commission des finances, qui nous a démontré que le budget de l'enseignement scolaire est la priorité du Gouvernement, j'ai l'honneur de vous rapporter l'avis que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a émis sur le budget de l'enseignement scolaire pour 2005. Sans plus attendre, monsieur le ministre, je vous informe avec plaisir qu'elle s'est prononcée en faveur de l'adoption des crédits de votre budget à la quasi-unanimité. Avec une seule voix contre, vous aurez compris que l'opposition était représentée par une seule personne.

M. Yves Durand. Mais quelle personne ! (Sourires.)

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. Doit-on y voir un désintérêt pour l'analyse sur le fond du budget le plus important de l'État ? Ne serait-ce pas plutôt un signe de consensus dissimulé (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), sur un budget empreint de pragmatisme, et que beaucoup pourraient qualifier de victoire du bon sens ?

M. Christian Estrosi. Très bien !

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. Alors que, en dix ans, le budget consacré à l'école a augmenté de 25 %, 150 000 jeunes sortent encore du système scolaire sans qualification. C'est la preuve, s'il en était besoin, qu'il fallait sortir de cette spirale du « toujours plus de moyens », qui n'exigeait pas, en retour, de résultats et de performances, sans lesquels cette priorité budgétaire, cet effort légitime de la nation, perd tout son sens. C'est avec une grande satisfaction que j'ai pu mesurer cette prise de conscience lors des auditions des acteurs du système éducatif et des visites d'établissements que j'ai effectuées dans le cadre de ce rapport. D'ailleurs, on peut la constater par la faible mobilisation qui a suivi quelques initiatives syndicales.

Sans faire de catastrophisme, il est certain que notre système éducatif s'essouffle et a atteint un palier. C'est la raison pour laquelle une si forte aspiration existe dans le pays pour redéfinir les missions de l'école et lui fixer de nouveaux objectifs. L'école doit être un facteur efficace de promotion sociale, et ce n'est malheureusement pas assez le cas aujourd'hui. Si le mal persiste, c'est bien que les remèdes passés n'étaient pas les bons. Sachons nous montrer attentifs et proches des préoccupations des enseignants, des parents d'élèves, des personnels, pour rendre notre système éducatif plus efficace.

Dans le contexte de réflexion et de débat voulu par le Président de la République - et je salue ici Pierre-André Périssol qui dirige la mission parlementaire sur la définition des savoirs -, j'ai jugé utile d'examiner les conditions de la formation initiale et continue des enseignants. À l'aube de 2010, ils seront près de 40 % à partir à la retraite. Ce renouvellement important des effectifs constitue une chance historique en même temps qu'un défi pour améliorer structurellement le système éducatif. J'y reviendrai tout à l'heure car, conformément à une nouvelle pratique instaurée par le président de notre commission, Jean-Michel Dubernard, je me réjouis d'avoir pu mener une réflexion de fond sur un des aspects du budget.

Celui-ci, avec des crédits à hauteur de 56,59 milliards d'euros, représente près de 23 % du budget de l'État et augmente de 2,55 % par rapport à 2004. Il est construit autour de cinq grandes priorités, qui s'inscrivent dans la continuité de la politique engagée par le Gouvernement depuis 2002 : à l'école primaire, priorité est donnée à l'acquisition des savoirs fondamentaux et à la prévention de l'illettrisme ; au collège, la mise en place des dispositifs en alternance est l'une des pistes retenues pour enrayer les sorties du système scolaire des élèves sans qualification et sans diplôme ; au lycée, la revalorisation de l'enseignement professionnel est de nature à rompre la spirale d'échec dans laquelle de nombreux élèves, peu attirés par la filière générale, sont le plus souvent enfermés ; pour les personnels enseignants ou non enseignants, une amélioration de la carrière est engagée, notamment sur le plan indemnitaire ou concernant la résorption de la précarité ; enfin, une concentration des efforts s'opère sur certaines catégories d'élèves trop longtemps ignorés - élèves handicapés, élèves en rupture scolaire et élèves violents.

Ce budget se caractérise par la poursuite de l'effort en faveur d'une meilleure gestion du système éducatif. Il est de notre devoir de mettre les moyens humains en cohérence avec les besoins des élèves. La répartition des moyens nouveaux est ainsi conditionnée par la prise en compte des besoins réels et la définition de priorités claires.

Quels sont, mes chers collègues, les points forts de ce projet de budget ?

Vous le savez, 94 % du budget sont consacrés aux dépenses de personnels. Les moyens sont redéployés en fonction des évolutions démographiques et la gestion des personnels enseignants est améliorée. Parallèlement, la résorption de la précarité est accrue. Ce projet prévoit la suppression de 2 100 postes de maîtres-auxiliaires et de professeurs contractuels, rendue possible par l'amélioration de la gestion des titulaires dans un souci de réduction de la précarité. Ainsi, 1 500 maîtres auxiliaires sont devenus titulaires par concours en 2003 et 1 000 en 2004.

Par ailleurs, le dispositif en faveur des assistants d'éducation et des assistants de vie scolaire est consolidé. Il bénéficiera de 42 800 personnes à la rentrée 2005. La transformation d'emplois de maîtres d'internat et surveillants d'externat en assistants d'éducation est également intégralement poursuivie, afin de permettre à tous ces personnels de bénéficier d'un statut plus avantageux qu'auparavant.

Parallèlement, les crédits inscrits au budget de la section scolaire et consacrés à la rémunération des emplois-jeunes sont diminués de 65,5 millions d'euros. En effet, ce dispositif précaire imaginé par les socialistes est heureusement en cours d'extinction : le contrat des aides- éducateurs était fixé à cinq ans, sans aucun dispositif de sortie ni d'indemnisation. C'est pourquoi, pour pallier cette carence, le Gouvernement a signé une convention avec l'UNEDIC prévoyant des crédits d'indemnisation du chômage des emplois-jeunes.

Vous nous proposez, monsieur le ministre, un effort de réorganisation du travail administratif et une amélioration de la situation indemnitaire. À l'instar de Jean-Yves Chamard, je tiens à souligner le réel progrès que constitue la publication par le ministère des postes offerts aux concours de recrutement de l'année 2005 en même temps que le projet de loi de finances et que la rentrée des étudiants en première année à l'IUFM. Sans doute une présentation des besoins en personnels sur plusieurs années serait-elle utile.

La politique éducative, quant à elle, est ciblée sur trois priorités claires.

D'abord, les nouveaux programmes pour l'école primaire font de la maîtrise de la langue la première priorité et accordent une plus grande place à la lecture et à l'écriture, notamment grâce à la dictée, à l'apprentissage de la poésie et à une plus grande place accordée à la littérature pour la jeunesse, comme vous le souhaitez, monsieur le ministre.

M. Christian Estrosi. Très bien !

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. Ensuite, une politique à destination des ZEP et des REP comporte un dispositif de réduction des inégalités dans des aires géographiques où le cumul de handicaps économiques et socioculturels constitue un obstacle à la réussite scolaire. Conscient de la spécificité de ces missions, le Gouvernement a décidé de porter, au 1er janvier 2004, le montant de l'indemnité de sujétion ZEP à 1 097,04 euros. Enfin, dans la droite ligne des grands chantiers du chef de l'État et du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, une action forte marque une vraie volonté politique en faveur de la scolarisation des élèves handicapés ou malades. Pour la deuxième année consécutive, l'enseignement scolaire se fixe comme objectif prioritaire de garantir le droit à la scolarité pour tous les jeunes présentant un handicap ou une maladie invalidante et la continuité de leur parcours scolaire. Je me réjouis du recrutement pour la rentrée 2005 de 800 auxiliaires de vie scolaire supplémentaires, parfaitement formés pour favoriser l'insertion des élèves handicapés, cela pour un coût de 5,22 millions d'euros. L'effectif total de ces AVS sera ainsi porté à 6 000 en 2005.

Mieux former les enseignants est un des aspects essentiels à toute réforme de l'école, peut-être même un préalable. Les trente et un instituts universitaires de formation des maîtres, créés en 1990, ont accueilli à la rentrée 2003 86 027 étudiants et professeurs stagiaires et titulaires en formation de longue durée. M'appuyant sur les propos des personnes auditionnées sur le terrain, notamment de ceux de M. Philippe Meirieu, directeur de l'IUFM de Lyon et grand penseur des IUFM, je suis tentée de dire que la première année d'IUFM est une année de « bachotage » et la seconde, une courte année de formation professionnelle et de stage sans parachute.

L'organisation des IUFM est marquée par un péché originel : l'intervention du concours de recrutement au milieu des deux années de formation, décidée par Lionel Jospin, incapable de trancher entre les partisans du concours à l'entrée et ceux du concours à la sortie. La conséquence en est une deuxième année de formation en alternance bien trop courte et trop chargée et, au final, seulement neuf mois effectifs de formation.

La situation la plus préoccupante est toutefois celle des candidats non admis au concours, mais inscrits sur la liste complémentaire, qui sont propulsés directement, sans aucune formation ni préparation, devant les élèves. Ce nombre a culminé à 6 300 à la rentrée 2001-2002. Fort heureusement, la politique de recrutement mise en place par le Gouvernement à partir de 2003 a permis de le ramener à 3 445 à la rentrée 2003-2004. Et il est prévu que ces recrutements diminuent encore.

D'une façon générale, il est regrettable que les enseignants stagiaires ne reçoivent pas une formation suffisamment intensive à la conduite de la classe, à l'autorité, à la différenciation pédagogique, aux méthodes d'acquisition de la langue française, aux relations avec les parents, au travail en équipe. Cela pose le problème de la détermination du contenu des modules.

La formation continue du corps enseignant est également à revoir. On ne sait d'ailleurs plus très bien, depuis le gouvernement Jospin, si elle dépend des IUFM ou des rectorats. Il est très regrettable qu'elle ne soit pas obligatoire, que l'avis du chef d'établissement ne puisse pas jouer un plus grand rôle, que les formations collectives - par exemple pour tous les personnels d'un établissement - ne soient pas plus développées et surtout que cette formation continue n'ait aucune répercussion sur le déroulement de la carrière. Pour la rendre attractive, il pourrait être envisagé de conditionner le bénéfice d'un avancement à la validation d'un certain nombre de modules.

L'évolution rapide du métier d'enseignant et la complexification des conditions d'exercice rendent nécessaire une évolution qualitative des contenus et des méthodes de la formation dispensée aux futurs enseignants, notamment par le biais d'un cahier des charges de la formation initiale, établi sous l'autorité décisionnelle du ministre par un collège d'experts, pour faire face aux nouveaux défis que rencontre le système éducatif.

Actuellement, la majorité des épreuves des différents concours porte sur la vérification des connaissances académiques, condition nécessaire mais pas suffisante pour dispenser un enseignement de qualité. En fait, les concours ne permettent pas au jury d'évaluer la réalité du projet professionnel ni la motivation des candidats pour un métier que, de surcroît, ils connaissent mal. C'est d'ailleurs ce qu'ils ont exprimé à l'occasion de leur manifestation d'hier. La presse se fera certainement l'écho de leur forte demande d'une formation beaucoup plus professionnalisante. C'est pourquoi je considère que le concours d'entrée à l'IUFM devrait intervenir après la licence. Deux années de vraie formation professionnelle en alternance et rémunérée conduiraient ensuite à l'obtention d'un master équivalant à bac plus cinq, diplôme validé au niveau européen et permettant la mobilité des étudiants et des enseignants sur le territoire de l'Union européenne. L'obtention du master, qui intégrerait l'évaluation des qualités pédagogiques, serait la condition de la titularisation. Ainsi, une réelle formation sur deux années permettrait d'accroître progressivement le volume des stages en responsabilité devant les élèves. Cette réorganisation du parcours de formation des enseignants devrait s'accompagner d'une sensibilisation des étudiants de licence à la réalité du métier d'enseignant et à la construction du projet professionnel y conduisant.

Le métier d'enseignant exige à la fois une formation disciplinaire de haut niveau et une solide préparation à la pratique en classe. Cette articulation entre savoirs universitaires et acquisition de compétences professionnelles est le défi que doivent relever les instituts. Ils vont devoir accompagner l'évolution du métier d'enseignant en matière de contenus, de pratiques et de modalités de travail. Or, depuis l'instauration des IUFM, on assiste à une diminution systématique des épreuves professionnelles dans les concours de recrutement d'enseignants au profit des épreuves académiques. Pour la plupart des disciplines du second degré, les concours de recrutement n'évaluent pratiquement pas la capacité à enseigner.

Les IUFM, dont la vocation professionnalisante pourrait être rappelée dans une nouvelle dénomination telle que « institut universitaire de professionnalisation et de formation des enseignants », doivent organiser l'encadrement de la formation avec différents types de formateurs, en faisant une plus large place, aux côtés des formateurs universitaires permanents, aux formateurs associés exerçant régulièrement en classe.


Ils doivent favoriser l'acquisition des techniques pédagogiques, encourager et développer la polyvalence - comme vous l'avez fort justement rappelé, monsieur le rapporteur spécial -, M. ainsi que le travail en équipe et les bonnes relations avec les parents et former à la diversité des publics scolaires.

La fonction de professeur principal doit également être renforcée. Interlocuteur privilégié des élèves et de leurs parents, facilitateur du travail en équipe des enseignants, la tenue de cette fonction devrait faire l'objet d'une formation spécifique et d'une décharge horaire afin de pouvoir assurer un suivi individualisé des élèves.

Le vivier d'étudiants titulaires d'une licence risque de se révéler insuffisant pour répondre aux besoins de recrutements importants liés aux départs massifs à la retraite qui auront lieu d'ici à la fin de la décennie.

Une ouverture beaucoup plus large de l'accès au métier d'enseignant à des professionnels serait source d'enrichissement pour l'éducation nationale. Cette démarche de reconversion de salariés ou d'anciens salariés du secteur privé a été entreprise à titre expérimental par l'IUFM de Lyon et mériterait d'être généralisée.

Le passage vers l'éducation nationale, à niveau équivalent ou par validation des acquis, pourrait se faire par la voie d'un concours réservé.

Il serait souhaitable également de développer le recrutement direct de professeurs associés venant de l'entreprise, notamment pour les enseignements technologiques et professionnels.

Quant à l'enseignement des langues étrangères dans le premier degré, il serait judicieux d'envisager à la fois le recours à des professeurs du second degré ou à des lecteurs étrangers et d'instaurer des modules de langues obligatoires dans les IUFM.

Enfin, la première affectation d'un professeur titulaire doit avoir lieu dans des conditions propres à faciliter son intégration professionnelle.

M. François Rochebloine. Tout à fait !

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. Il faut tout d'abord éviter, sauf si c'est le souhait de l'intéressé, d'affecter les néo-titulaires dans les établissements les plus difficiles.

M. François Rochebloine. Absolument !

M. Guy Geoffroy. C'est le bon sens !

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. Cette première affectation doit faire l'objet d'un accompagnement organisé dans le cadre d'un partenariat entre l'établissement employeur et l'IUFM. Des compléments de formation appropriés doivent pouvoir être dispensés, dès la première année de titularisation, à la demande du professeur, du chef d'établissement ou de l'inspecteur général.

Le renforcement du rôle du chef d'établissement dans la détermination des stages de formation continue est également à étudier.

Ces pistes de réformes ne visent pas seulement à modifier les structures et le fonctionnement des IUFM. Il faut en effet repenser la signification de la formation tant initiale que continue des enseignants. La première doit être davantage marquée par le fait qu'il s'agit de former un professionnel, au sens le plus fort du mot. La seconde, en continuité avec la première, doit prendre toute sa place dans l'organisation du travail des enseignants comme dans le déroulement de leur carrière.

Force est de constater que l'école ne répond plus, ou mal, aux besoins de tous les élèves et paradoxalement de ceux pour lesquels l'échec scolaire est synonyme d'échec social, voire d'exclusion.

Les performances de l'école sont marquées par d'énormes disparités sociales et géographiques qui suggèrent que les moyens ont été mal répartis et mal affectés. L'égalité des chances est à reconstruire et il faudra rompre, pour cela, avec l'illusion d'un enseignement uniforme pour tous.

Il faut promouvoir les talents de chaque élève.

Je souhaite que ces réflexions puissent, elles aussi, nourrir le prochain projet de loi d'orientation sur l'école que vous préparez et que vous réaliserez avec talent, j'en suis sûre, monsieur le ministre.

Aujourd'hui, il appartient à tous les acteurs de la communauté éducative de travailler à une meilleure efficacité des moyens et à la réussite de tous. C'est l'objectif du présent budget qui s'attache à favoriser le succès des élèves et garantit aux personnels des conditions de travail améliorées et aux citoyens une école mieux adaptée.

On comprend, dès lors, pourquoi l'opposition a séché la réunion de la commission ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Yvan Lachaud, premier orateur inscrit dans la discussion.

M. Yvan Lachaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'école représente pour notre pays un triple enjeu stratégique, d'abord, parce qu'elle mobilise une partie importante du budget national - avec 56,6 milliards d'euros de crédits pour 2005, c'est le premier budget de l'État -, ensuite, parce que, en déterminant le futur niveau d'éducation du pays, elle détermine aussi son avenir économique, social, politique et culturel, enfin, parce que, à travers l'apprentissage de la vie en société et l'instruction civique, elle constitue le cadre essentiel de la formation à la citoyenneté.

C'est une bonne chose que l'éducation reste la première priorité du budget pour 2005, puisqu'elle doit rester la première priorité de l'État et du Gouvernement en ce qu'elle conditionne l'avenir de nos enfants.

Nous le réaffirmons : la question des moyens financiers n'est pas l'alpha et l'oméga de la réussite de notre système scolaire. La Cour des comptes a révélé que, dans le second cycle, le taux d'encadrement a augmenté de près de 10 % en dix ans, sans que rien ne permette d'affirmer que cette politique a permis d'améliorer les résultats des élèves. Cette même Cour indique que les recherches actuellement disponibles concluent, au contraire, à « l'absence d'effets significatifs et mesurables » de la réduction de la taille des classes, « sauf pour des publics en grande difficulté scolaire ».

Mais nous affirmons avec autant de force que les impératifs de saine gestion financière et d'utilisation rationnelle des moyens ne doivent pas s'exercer au détriment des conditions d'étude des élèves et des conditions de travail des enseignants.

L'analyse du budget de l'éducation se concentre souvent sur l'évolution des effectifs des enseignants. Avec 1 000 créations de postes et 5 500 suppressions dans l'enseignement secondaire, la balance sera, pour 2005, de moins 4 500 postes. C'est un chiffre qui, pris isolément, fait hurler mais il n'a pas de sens si l'on omet de rappeler que les effectifs dans l'enseignement secondaire diminueront de 44 700 élèves à la prochaine rentrée. Le groupe UDF veillera, tout au long de l'année, à ce que ces suppressions de postes n'affectent pas les élèves et soient compensées par une gestion plus rigoureuse des remplacements comme par l'emploi des enseignants qui se trouvent en sureffectif dans leur discipline. Nous serons particulièrement attentifs à la réorganisation des options : il est primordial que les élèves voient maintenue l'offre d'options, en lycée professionnel, en STI, en BTS, en langues anciennes, vivantes et régionales. Du reste, les options sont bien mal nommées, puisqu'elles sont indispensables pour assurer à tous une ouverture d'esprit et permettre la découverte d'une culture différente et toujours enrichissante. Les langues régionales, de l'occitan au breton, les humanités classiques, le latin et le grec, ne sont pas un luxe pour les riches mais un besoin pour tous !

Je ne peux que vous féliciter, monsieur le ministre, d'avoir retenu parmi les priorités de votre action pour 2005 le développement de la scolarisation des élèves handicapés, ce qui se traduira notamment par la création de 800 postes d'auxiliaire de vie scolaire. L'objectif est de scolariser les élèves handicapés - ceux qui le peuvent, tout au moins - dans une classe ordinaire ou dans une classe d'intégration scolaire. L'inscription dans l'école du secteur constitue une avancée considérable pour la nation.

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. C'est vrai !

M. Yvan Lachaud. La présence des AVS permettra de scolariser un plus grand nombre d'enfants handicapés, même si - nous en sommes conscients, - toutes les demandes ne pourront encore être satisfaites. En particulier, l'effort en direction des établissements d'enseignement privé sous contrat d'État, avec l'augmentation du forfait d'externat, leur permettra d'assurer l'accueil et la scolarisation des enfants handicapés dans les mêmes conditions que les établissements d'enseignement public.

C'est le corrélat indispensable du projet de loi relatif aux personnes handicapées, que nous allons bientôt discuter à nouveau dans cet hémicycle. Ce sujet est essentiel, car c'est en organisant la cohabitation entre enfants handicapés et enfants ordinaires que nous ferons naître chez ces derniers une autre perception du handicap. C'est ainsi que nous formerons des citoyens plus solidaires, prêts à faire en sorte que chacun trouve sa place dans la société.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Yvan Lachaud. La prévention de l'illettrisme constitue un autre défi majeur. On s'accorde à dire que 15 à 20 % des élèves ne maîtrisent pas la lecture à l'entrée en sixième. Le groupe UDF est sensible à l'idée d'un plan qui fasse de la maîtrise de la langue française la première des priorités dans tous les cycles.

M. François Rochebloine. Absolument !

M. Yvan Lachaud. Des moyens ont été mobilisés pour constituer des classes à effectifs réduits, et une expérimentation de classes à effectif dédoublé dans des secteurs défavorisés a été lancée. Nous souhaiterions d'ailleurs savoir si les premiers résultats sont connus.

Par ailleurs, la valorisation de l'enseignement professionnel est essentielle pour faire baisser le nombre de jeunes sans qualification.

M. Guy Geoffroy. C'est fondamental !

M. Yvan Lachaud. Ce doit être un axe prioritaire du Gouvernement : rendre la voie professionnelle attractive pour celles et ceux qui souhaitent une insertion professionnelle rapide et répondre aux besoins du monde économique.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Yvan Lachaud. La réhabilitation de l'apprentissage va d'ailleurs dans le même sens. Il faut promouvoir « l'intelligence de la main », avec des possibilités d'enseignement professionnel en alternance dès la quatrième pour aider des élèves aujourd'hui en perte de repères au collège et réfractaires à l'enseignement théorique. Nous savons que, souvent, ces jeunes se retrouvent dans la rue et que nous fabriquons souvent des délinquants potentiels.

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Yvan Lachaud. Je voudrais évoquer un autre sujet important : l'enseignement privé sous contrat. Les effectifs des élèves des établissements privés sous contrat avec l'État ont augmenté de 13 000 à la rentrée 2003, sans qu'aucun emploi nouveau d'enseignant n'ait été accordé. À la dernière rentrée, les effectifs ont à nouveau connu une hausse de l'ordre de 4 000 élèves et le budget annonce la suppression de 532 emplois, chiffre fixé en proportion de l'évolution des effectifs d'élèves et d'enseignants dans l'enseignement public : 138 créations dans le premier degré, 670 suppressions dans le second degré. Les répercussions ne sont pas minimes : la saturation a atteint les établissements sous contrat, qui voient croître le nombre d'élèves par classe et qui ne savent pas comment rendre des emplois, ce qui entraîne un risque de développement du travail à temps partiel pour la rentrée prochaine. Il faut dès lors rappeler que la règle dite des crédits limitatifs, instaurée en 1994, commence réellement à poser un problème. Il faudra bien trouver des solutions si l'on veut respecter la liberté de choix des parents.

Nous voulons croire que la hausse de 2,6 % du budget de l'enseignement scolaire, dans un contexte difficile, manifeste la bonne volonté du Gouvernement, au moment où se prépare la prochaine loi d'orientation et de programmation sur l'école.

Pour nous, le rapport de la commission Thélot a soulevé de vraies questions : comment lutter contre l'échec scolaire ? Comment réduire les inégalités ? Nous sommes sensibles à l'idée de constituer un socle de connaissances à acquérir et de recentrer le système éducatif sur les apprentissages fondamentaux,...

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. C'est très important !

M. Yvan Lachaud. ...mais ces orientations ne doivent pas remettre en cause le principe de l'accès de tous à la réussite.

Je veux d'ores et déjà vous remercier, monsieur le ministre, pour la concertation que vous avez mise en place avec les parlementaires pour l'élaboration de cette loi sur l'école.

Deux problèmes essentiels doivent être traités en priorité : d'une part, le rapport à l'écrit, à la lecture et à l'écriture ; d'autre part, la capacité des établissements scolaires à avoir la paix dans les murs de l'école. Toute réforme doit d'abord viser à réduire le taux d'élèves - 15 % - qui ne savent pas correctement lire et écrire à l'entrée en sixième, mais sans que ce constat soit ressenti par les enseignants comme une critique de leurs compétences, de leurs méthodes et de leur légitimité.

La priorité des priorités dans l'éducation nationale, aujourd'hui, n'est pas de tout mettre par terre, mais de faire marcher ce qui existe !

M. François Rochebloine. Très bien !

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. Tout à fait !

M. Yvan Lachaud. Il importe surtout de fixer un cap à long terme, une mission pour le corps enseignant. Il ne faut pas s'en prendre à l'organisation de l'éducation nationale, mais demeurer exigeant sur les résultats. Surtout, la réussite de toute réforme nécessite de mener une large concertation avec tous les personnels concernés.

Le groupe UDF votera ce budget, car il est convaincu que l'école doit demeurer un service public accessible à tous et d'égale qualité dans tout le pays. Nous voulons que notre système éducatif soit porteur d'une véritable ambition et que chaque élève reçoive les compétences solides qui lui serviront de base pour une formation tout au long de la vie et permettront sa réussite scolaire et personnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.


M. Yves Durand
. Monsieur le ministre, il y a plus d'un an, vous avez promis aux Français de les écouter en organisant un débat sur l'école,...

M. Guy Geoffroy. C'est fait !

M. Yves Durand. ...avant de proposer au Parlement une nouvelle loi d'orientation.

M. Guy Geoffroy. Cela va se faire !

M. Yves Durand. Dans l'attente de cette loi, nous pouvions espérer que vous maintiendriez au moins ce qui existe.

M. Guy Geoffroy. C'est le même discours que l'année dernière !

M. Yves Durand. Hélas ! il n'en est rien et, cette année, de nouveau, votre budget détruit encore un peu plus l'avenir de notre école.(Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Tout en finesse !

M. Yves Durand. Cela augure très mal de votre nouvelle loi d'orientation.

Monsieur le ministre, comme le montre le « miroir du débat », notre école est à la croisée des chemins, parce qu'elle a devant elle deux défis majeurs qu'elle doit relever.

Le premier est celui du passage de la massification à la démocratisation de l'enseignement. C'est, en effet, une véritable révolution scolaire qui a ouvert l'accès au bac à 68 % d'une génération au lieu de 30 % en 1980, grâce notamment à la volonté politique de porter 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat, objectif que certains semblent d'ailleurs vouloir abandonner aujourd'hui. Mais nous aurons ce débat le moment venu.

Or, depuis plusieurs années, ce mouvement de démocratisation s'essouffle, les sorties sans qualification augmentent, les inégalités s'accroissent - le récent rapport sur l'académie de Paris en atteste.

Après l'égal accès à l'enseignement - extraordinaire révolution de l'enseignement secondaire -, il faut offrir aux jeunes une égalité réelle des chances de réussite. Or votre budget tourne le dos à cet objectif.

M. Ghislain Bray. Et voilà !

M. Yves Durand. Le deuxième défi est celui du renouvellement de près de la moitié des enseignants dans les dix ans qui viennent, ce qui prouve l'urgente nécessité du recrutement et de la formation de milliers de nouveaux enseignants. Ce défi s'avère d'autant plus difficile que la France manque et va manquer de plus en plus d'étudiants au niveau de la licence, du fait notamment de l'abandon de la politique volontariste que nous avions menée et mise en place avec U2M et U3M, pour démocratiser le premier cycle de l'enseignement supérieur, qui est essentiel pour la réussite des étudiants. Vous asséchez ainsi le vivier dans lequel la nation aurait pu puiser les futurs enseignants.

Malgré tous les efforts que vous avez déployés pour masquer la réalité, votre budget, je le dis, monsieur le ministre, sans vouloir forcer le trait,...

M. Guy Geoffroy. A peine !

M. Yves Durand. ...est dramatique pour l'avenir de l'école. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il est effectivement dramatique parce qu'il prend totalement le contre-pied de ce qu'il serait aujourd'hui nécessaire de faire pour relever demain les deux défis majeurs posés à notre école.

D'abord, avec votre budget, vous creusez encore plus les inégalités entre les élèves. Vous supprimez plus de 5 000 postes dans le secondaire après avoir supprimé les postes de surveillants et d'aides éducateurs.

M. Guy Geoffroy. Non ! C'est vous qui avez fait cela !

M. Yves Durand. Depuis trois ans, vous avez retiré environ 60 000 personnes des établissements scolaires. Vous le faites sous le prétexte d'une baisse, certes, actuellement réelle des effectifs dans le secondaire, mais qui n'est que provisoire puisqu'un nouvel afflux affecte déjà le primaire - M. le rapporteur Jean-Yves Chamard l'a dit - et atteindra la classe de sixième dans deux à trois ans. Or il faut quatre ans pour former un enseignant !

Si l'on ajoute la baisse, cette année encore, des crédits pédagogiques, on voit bien les conséquences de votre politique de destruction des emplois et des moyens dans l'Éducation nationale.

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. Propos scandaleux !

M. Yves Durand. Ces quelques exemples font peut-être rire mon collègue Geoffroy...

M. Guy Geoffroy. C'est tellement énorme que personne ne vous croit. !

M. Yves Durand. ...mais beaucoup moins les enseignants !

Les classes à projet d'action culturelle disparaissent. Qui sera pénalisé ? Les jeunes qui n'ont pas, de par leur milieu d'origine, accès à la culture. Vous creusez les inégalités.

De nombreuses options vont être remises en cause, et c'est d'ailleurs le souhait émis par le rapporteur spécial à la page 16 de son rapport,...

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. C'est conforme au rapport de la Cour des comptes !

M. Yves Durand. ...alors que la commission Thélot, notamment, insiste sur la nécessité d'offrir des parcours diversifiés pour permettre la réussite de chacun. Ce seront encore les mêmes qui seront pénalisés. Là aussi, vous creusez les inégalités.

M. Guy Geoffroy. Vos propos sont indignes !

M. Yves Durand. Des disciplines elles-mêmes, notamment des langues, sont condamnées par vos restrictions budgétaires, au moment même ou l'Europe trouve un nouveau souffle.

La sécurité elle-même, dont vous aviez fait, il y a trois ans, votre principal argument électoral n'est plus assurée d'une manière satisfaisante dans les établissements scolaires. Les chiffres récemment publiés par vos propres services le montrent. Allez-vous laisser se multiplier le nombre des établissements obligés de recruter des vigiles privés, comme c'est le cas au lycée de Blois,...

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Non !

M. Yves Durand. Vous niez, mais c'est tout de même la vérité.

...pour remplacer les surveillants que vous avez supprimés ? Là aussi, ce sont les élèves les plus fragiles qui pâtissent du manque de sérénité dans les établissements. Ce sont les enseignants les plus jeunes et les plus inexpérimentés qui souffrent d'une telle situation.

Dans ce domaine-là aussi, vous creusez les inégalités.

Alors, certes, vous brandissez les 1 000 postes créés dans le primaire. Mais, là encore, la réalité est un peu moins enthousiasmante. D'abord, les 1 000 postes se réduisent à 700 si l'on enlève les 300 postes qui correspondent à des transformations statutaires de postes déjà existants à Mayotte. Mais, surtout, ces 700 postes sont totalement insuffisants pour encadrer les près de 55 000 nouveaux élèves attendus à la rentrée prochaine dans le primaire.

En fait, vous créez, dans le primaire, un poste pour 71 élèves. Envisageriez-vous, monsieur le ministre, de faire passer les classes du primaire à 71 élèves ? Dans le primaire aussi, vous créez des inégalités. Qui paiera les conséquences de votre budget ?

D'abord, l'école maternelle qui a déjà fait l'objet des attaques de votre prédécesseur dans plusieurs de ses déclarations. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. C'est indigne !

M. François Liberti. Non, c'est exact !

M. Yves Durand. Je vais prendre un exemple précis. L'académie de Lille avait consenti un effort tout particulier pour la scolarisation des enfants de deux ans. Dans cette académie, le taux de leur scolarisation chute et, parallèlement, les effectifs par classe sont en hausse, dépassant souvent les 30 élèves.

Il est vrai, monsieur le ministre, que le précédent recteur, qui vient de rejoindre votre administration centrale avait déclaré devant une salle d'enseignants médusés qu'on n'allait pas payer des « bac + 5 » à regarder dormir les enfants.

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. C'est vrai !

M. Yves Durand. Quel mépris pour l'école maternelle et pour ses enseignants !

Quand on sait l'importance de l'école maternelle pour la suite de la scolarité, on doit constater que, là aussi, vous creusez les inégalités.

Pour l'école élémentaire, je ferai référence au rapport de la commission Thélot cité par nos deux rapporteurs : « La nécessaire personnalisation des pratiques pédagogiques serait facilitée par le fait que l'équipe pédagogique n'est pas limitée au principe d'un maître par classe. » Tout le monde s'accorde sur cette nécessaire individualisation de la pédagogie pour aider, notamment, les élèves en difficulté. Mais cela nécessite des moyens en personnel formé : plus de maîtres que de classes dans les écoles élémentaires. Voilà ce que préconise le rapport Thélot.

C'est la politique que nous avions engagée avec le plan pluriannuel de recrutement et l'embauche d' aides-éducateurs. Vous avez supprimé les uns et les autres.

Il est vrai, que vous, monsieur le ministre, vous vous êtes tout de suite réfugié dans un silence réprobateur quant au rapport Thélot. Mais les rapporteurs, eux, vont-ils voter un budget qui enlève tout moyen de mettre en œuvre des préconisations auxquelles ils prétendent par ailleurs adhérer ?

Monsieur le rapporteur spécial, vous qui êtes apparemment un adepte des rapports de la Cour des comptes,...

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. C'est vrai !

M. Yves Durand. ...avez-vous pris le soin de financer les mesures que vous préconisez aux pages 53, 54 et 55 de votre rapport ?

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. La Cour des comptes nous dit qu'on peut le faire !

M. Yves Durand. À titre d'exemple, comment allez vous organiser un examen de santé pour chaque jeune à chaque étape de la scolarité obligatoire, comme vous le préconisez à la page 55 de votre rapport, alors que vous ne créez pas un seul poste de médecin scolaire ? Sans doute allez- vous faire payer les familles ou les collectivités locales, comme vous le faites déjà pour les TOS.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Par redéploiement !

M. Yves Durand. « Redéploiement » ! Le grand mot est lâché ! On sait ce que cela veut dire !

Votre budget, monsieur le ministre, creuse les inégalités, mais, de plus, il sacrifie l'avenir en refusant de prendre en compte le défi du départ à la retraite de près de la moitié des enseignants dans les dix ans. Il est vrai que vous vous inscrivez là dans une logique ultra-libérale, chère à votre collègue des finances, de remise en cause de l'État par la baisse de ses moyens humains et donc du nombre de fonctionnaires.

Mais concernant l'enseignement scolaire, votre application idéologique et brutale de la baisse du nombre de fonctionnaires, ajoutée au faible nombre de postes mis au concours - même si, cette année, ils augmentent, contrairement à l'année dernière, dans la mesure où ces postes seront réellement pourvus, ce qui n'est pas toujours le cas - va inéluctablement - tout le monde le dit, tous les syndicats, quelles que soient leurs différences, vous le disent - entraîner une véritable crise de recrutement de jeunes enseignants dès les années 2007-2008. Où en serez-vous  alors ? 

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Sarkozy sera président !

M. Yves Durand. Le gouvernement de Lionel Jospin, sous l'impulsion de Jack Lang,...

M. Guy Geoffroy. Parlons-en !

M. Yves Durand. ...qui a laissé de bons souvenirs,...

M. Guy Geoffroy. Certainement pas chez les enseignants !

M. Yves Durand. ...en tout cas meilleurs que certains dont le nom était prestigieux dans le monde scolaire...

M. Guy Geoffroy. Ni Allègre, ni Lang !

M. Yves Durand. ...le gouvernement de Lionel Jospin, disais-je, avait décidé une programmation pluriannuelle de recrutement prévoyant l'embauche de 185 000 enseignants sur cinq ans.

M. Christian Vanneste. Avec les résultats que l'on a évoqués tout à l'heure !

M. Yves Durand. L'une des premières mesures de votre gouvernement a été d'abandonner ce plan. Vous aviez, monsieur le ministre, fait une sorte d'aveu, puisque, récemment, vous avez personnellement repris, dans une déclaration, cette idée de plan pluriannuel sans en décrire les contours. Cette déclaration avait fait naître un certain espoir de retour à l'esprit de responsabilité.

M. Xavier de Roux. Vous voulez trop prouver. Ce n'était pas mal, mais cela dérape !

M. Yves Durand. Mais nous sommes maintenant informés sur la réalité de votre plan : il s'agit d'un plan pluriannuel de destruction de l'emploi dans l'Éducation nationale. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Quel discours moderne ! C'est le même discours qu'il y a dix ans. Et ce sera le même dans dix ans ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Durand. Je sais que mon propos ne plaît pas beaucoup, mais c'est ainsi.

Cette année, vous tentez de masquer la réalité d'un budget calamiteux pour l'avenir en nous présentant un budget mensonger.

Vous et la majorité, nous dites : « 2,6 % d'augmentation pour l'enseignement scolaire ! » C'est faux !

M. Guy Geoffroy. Non !

Mme Martine David. C'est cela la réalité, mes chers collègues !

M. Yves Durand. En effet, si on regarde ce budget en tenant compte du transfert aux CAF de la gestion des prestations sociales des personnels et d'autres transferts de cette nature, la croissance est ramenée à 2,2 %. Mais, pire, sur cette croissance, deux points sont absorbés par l'augmentation mécanique - vous l'avez d'ailleurs fait remarquer - du coût des pensions.

M. Xavier de Roux. C'est incroyable !

M. Yves Durand. Le budget hors pensions est seulement de 43 milliards d'euros. Sa croissance n'est donc que de 0,2 %. Cela signifie que, sur la base des prévisions d'inflation, le budget « enseignement scolaire » baisse de 1,6 % en euros constants. C'est la réalité des chiffres,...

Mme Martine David. C'est la réalité douloureuse, mais la réalité !

M. Yves Durand. ...puisque vous aimez les chiffres, monsieur Chamard !

Cela exclut toute politique nouvelle. Les Français ont pu débattre pendant des heures sur l'école. Une commission a pu travailler avec le plus grand sérieux pendant des mois. Tout cela tombe aujourd'hui dans votre néant budgétaire.

Pis, la part du budget de l'Éducation nationale dans le PIB, c'est-à-dire la richesse produite par le travail de l'ensemble des Français, ne cesse de diminuer depuis 2002 :...

M. Xavier de Roux. Mais comptez donc les pensions !

M. Yves Durand. ...à peu près 3,4 % en 2002 contre 3,1 % pour 2005, hors pensions.

M. Xavier de Roux. Il déteste les retraités ! C'est incroyable !

M. Yves Durand. Monsieur le ministre, je voudrais conclure sur ce point. Cette constatation, inscrite dans les chiffres, fait justice à un de vos arguments, que vous et vos amis - on l'a encore entendu tout à l'heure et je suppose qu'on va l'entendre une grande partie de la journée - employez systématiquement depuis des années : l'école coûterait cher, trop cher par rapport aux résultats qu'elle donne.

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. Mais c'est vrai !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. C'est ce que dit la Cour des comptes !

M. Yves Durand. Monsieur Chamard, je ne substitue pas la Cour des comptes à l'Inspection générale.

La comparaison de la part du PIB que consacre la France à ses dépenses d'éducation par rapport à celles qu'y consacre les autres pays développés montre que nous sommes dans une bonne moyenne, mais sans plus.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Pas dans le secondaire ! C'est faux !

M. le président. Je vous en prie, monsieur le rapporteur !

Poursuivez, monsieur Durand.


M. Yves Durand
.
Comment pouvez-vous affirmer, monsieur le ministre, que l'éducation est une priorité et dans le même temps lui ôter les moyens de réussir ? Qui plus est, même sur le plan économique, l'argument du coût que la droite nous assène à longueur de discours ne tient pas. Avez-vous chiffré les coûts sociaux des échecs scolaires ?

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Quand on aime, on ne compte pas !

M. Yves Durand. Avez-vous chiffré le coût des dégradations dans les établissements liés au manque de surveillants, conséquence de vos suppressions de postes ?

M. Guy Geoffroy. Vous n'avez pas écouté le rapporteur !

M. Ghislain Bray. Ce n'est pas possible ! Il faut se pincer quand on entend cela !

M. Yves Durand. Monsieur le ministre, vous vous êtes prononcé pour le maintien du redoublement, alors que l'expérience des pays qui l'ont supprimé a prouvé qu'il était inefficace et même néfaste pour les élèves.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est totalement faux !

M. Yves Durand. Connaissez-vous le coût du redoublement en France ? L'économiste Jean-Jacques Paul l'a chiffré à 4 milliards d'euros, soit 10 % de votre budget hors pensions. Il faudrait perdre cette affligeante habitude de séparer les coûts directs de l'école et les coûts sociaux provoqués par le manque d'école.

Mais, et ce sera ma conclusion, derrière cet argument d'un coût de l'école qui deviendrait insupportable, il y a sans doute l'annonce implicite - de moins en moins - d'une réforme qui voudrait réduire l'école à la simple mission d'apprendre à lire, écrire, compter, et qui ne donnerait à la masse des enfants qu'un minimum scolaire utilitaire, laissant de côté la culture, l'épanouissement de soi, la découverte du monde et des autres, ce que vous semblez considérer comme le superflu.

M. Ghislain Bray. Quelle caricature !

M. Yves Durand. Or c'est précisément ce superflu-là qui fait l'humanité d'une société. C'est ce superflu-là aussi que l'école doit offrir à tous les enfants et notamment à ceux qui ne le connaîtraient jamais sans l'école de l'égalité des chances.

C'est pour défendre cette école de l'égalité des chances que les associations de parents d'élèves et l'ensemble des syndicats enseignants ont déposé hier des centaines de milliers de cartons rouges contre votre budget. C'est pour défendre cette école de l'égalité des chances que nous voterons résolument contre votre budget.

Soyez également assuré, monsieur le ministre, de notre détermination à défendre cette école de l'égalité des chances lors du prochain débat sur votre projet de loi d'orientation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-André Périssol.

M. Ghislain Bray. On va changer de registre !

M. Guy Geoffroy. Et parler enfin de l'école !

M. François Liberti. Vous êtes décidément affligeants !

M. Pierre-André Périssol. Monsieur le ministre, votre projet de budget pour 2005 présente trois caractéristiques : il illustre la priorité réelle que le Gouvernement accorde à l'école ; il témoigne de vos propres convictions ; il s'inscrit enfin dans la démarche ambitieuse que le Président de la République et le Premier ministre ont engagée voilà maintenant quatorze mois pour réformer l'école et la rendre plus juste et plus efficace.

L'UMP considère, avec le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, que l'éducation représente une priorité pour notre pays et pour l'avenir des jeunes générations. Cette conviction, qui est aussi un choix stratégique, est clairement lisible dans l'augmentation de votre budget - 2,55 % alors que la progression globale des dépenses de l'État, le rapporteur Jean-Yves Chamard l'a fort bien rappelé, est limitée à 1,8 %. Notre groupe approuve cette politique et la soutient sans réserve.

Augmentation donc, mais en tenant compte des besoins, notamment de l'évolution des effectifs scolaires, et non en suivant la méthode du « toujours plus » chère à l'opposition.

M. Guy Geoffroy. Très juste !

M. Pierre-André Périssol. Vos priorités budgétaires pour 2005 ont été parfaitement explicitées dans l'excellent rapport de notre collègue Nadine Morano.

Parmi les mesures proposées en faveur des personnels, il faut relever l'accroissement de l'effort de résorption de la précarité, la consolidation du dispositif des assistants d'éducation, des dispositions en faveur des personnels de direction.

Pour ce qui concerne les mesures éducatives, vous entendez renforcer la maîtrise du français ; c'est évidemment une excellente chose. Vous avez insisté sur la nécessité de respecter les horaires consacrés à la lecture et l'écriture ainsi qu'à la pratique d'exercices qui ont fait leurs preuves et que le seul fait d'avoir été éprouvés ne rend pas pour autant dépassés. Vous proposez également de revaloriser l'indemnité de sujétion ZEP et vous réaffirmez l'objectif essentiel de la garantie du droit à la scolarité pour tous les enfants handicapés, grâce notamment à la création de 800 postes d'auxiliaires de vie scolaire. Vous vous attachez enfin à développer les technologies de l'information et de la communication - ce sujet vous est cher - avec la mise à disposition d'un environnement numérique de travail pour plus de 5 000 enseignants et 60 000 élèves.

À la veille de porter une grande loi d'orientation et de programmation pour l'école, monsieur le ministre, vous avez dans les mains, j'en suis convaincu, des cartes exceptionnelles de succès. En effet, la démarche voulue par le Président de la République et engagée par le Premier ministre en septembre 2003 a porté ses fruits : vous disposez aujourd'hui d'un noyau de propositions de nature à véritablement améliorer le taux de réussite scolaire et à permettre à chaque enfant de trouver sa voie de réussite. Placées au cœur du rapport de la commission Thélot, elles recueillent une très large approbation. Qui aurait pu espérer, mes chers collègues, que, d'une même voix, les trois associations de parents d'élèves, plusieurs syndicats enseignants et l'UNAF elle-même manifestent publiquement leur approbation ? Par le fait qu'elles sont dans la droite ligne de ce qu'a exprimé le million de Français qui ont participé au « grand débat », elles ont acquis une profonde légitimité. Tant et si bien qu'aujourd'hui, le cœur du rapport de la commission Thélot - je ne parle pas du tout, mais seulement du cœur -, ce ne sont plus les propositions Thélot, mais bien celles des Français qui, par leur approbation, ont exprimé leur volonté de voir l'école progresser.

Ce noyau de propositions, rappelons-le, se présente comme un trépied ou un triptyque dont le premier volet est constitué d'un socle commun de fondamentaux, autrement dit des connaissances, des compétences et des règles de comportement fondamentales que tout jeune doit maîtriser à l'issue de sa scolarité obligatoire, au sortir de l'école élémentaire puis du collège, afin d'être à même de poursuivre sa scolarité dans de bonnes conditions, quelle que soit la filière choisie - générale, technologique ou professionnelle -, puis d'aborder et enfin de conduire sa vie professionnelle tout en assumant pleinement sa vie de citoyen.

Disons-le clairement : tant que 100 % de nos élèves n'auront pas acquis ce cœur des programmes qui constituent ce socle de fondamentaux, l'objectif de conduire tous les jeunes à une formation réussie restera une illusion.

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. C'est vrai !

M. Pierre-André Périssol. Mais pour que 100 % des enfants, dont on connaît la diversité, puissent acquérir ce socle commun, encore faut-il que les enseignants aient toute latitude dans la personnalisation des temps d'apprentissage, qui pour eux doit réellement devenir une priorité. Autrement dit, ils devront pouvoir adapter au maximum les temps, les rythmes et les modalités d'apprentissage à la personnalité de leurs élèves et faire en sorte que chacun d'eux soit en mesure de consacrer tous les efforts nécessaires, dans le cadre de son emploi du temps scolaire, à la bonne maîtrise des fondamentaux.

Après le socle commun de fondamentaux et la personnalisation, la personnalisation constitue le troisième élément de cet ensemble indissociable. On ne saurait en effet concevoir un socle de connaissance sans le compléter par des enseignements librement choisis, car l'école se doit aussi de permettre à tout un chacun de trouver sa voie, de mettre en valeur son talent et d'aller le plus loin possible en donnant le meilleur de lui-même.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Pierre-André Périssol. C'est tout l'enjeu des enseignements complémentaires choisis, abordés et approfondis par l'élève, une fois le socle commun de fondamentaux solidement maîtrisé. La variété des talents appelle à l'évidence la diversification des parcours.

M. François Rochebloine et M. Guy Geoffroy. Exactement !

M. Pierre-André Périssol. Ce triptyque garantira une école tout à la fois plus efficace et plus juste. En affirmant clairement, par le jeu du socle commun de fondamentaux et de la personnalisation accrue des temps d'apprentissage, quel patrimoine culturel chaque enfant doit obligatoirement maîtriser, nous ferons d'une pierre deux coups : les 15 ou 20 % d'élèves qui, pour l'heure, sortent sans rien du système éducatif pourront acquérir les bases indispensables ; quant à ceux qui aujourd'hui s'en tirent bien, ils pourront aller plus loin, approfondir leurs connaissances et donner le meilleur d'eux-mêmes. Tout le monde, on le voit, devrait y gagner.

Sans doute nos collègues de l'opposition auraient-ils tendance à privilégier des solutions quantitatives, en réclamant plus de postes pour faire la même chose.

M. Guy Geoffroy. Comme toujours !

M. Yves Durand. Pas uniquement !

M. Pierre-André Périssol. Mais ici, le cœur des évolutions que nous proposons est qualitatif. Disons-le franchement : s'il est à coût quasiment nul, nous n'en sommes en rien désolés. Ainsi, mettre la priorité sur un socle commun de fondamentaux ne coûte pas davantage alors que c'est un authentique levier de changement. De la même manière, la personnalisation ne dépend pas de moyens supplémentaires, mais seulement des marges de liberté pédagogique que nous laissons aux enseignants.

Certains préféreraient une approche idéologique. Mais pourquoi se priver de traiter ainsi, de façon très pragmatique et féconde, la question du collège qui demain, grâce à ces propositions, pourra être tout à la fois unique grâce au socle commun, personnalisé pour ce qui touche aux modes d'acquisition et aux temps d'apprentissage, et diversifié grâce aux enseignements choisis ?

Je veux, pour conclure, me tourner vers mes collègues de l'UMP. Nous sommes légitimement fiers de ce que la majorité a entrepris en faveur de l'école. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Martine David et M. Yves Durand. Il n'y a pas de quoi !

M. Pierre-André Périssol. Le Président de la République a voulu un « grand débat » sur l'école ; ce débat a eu lieu. Le Premier ministre a mis l'école au cœur des priorités de son gouvernement pour 2005. Vous-même, monsieur le ministre, avez envoyé force signaux et pris les premières dispositions pour conforter l'autorité des maîtres, sans laquelle les propositions en faveur de la réussite scolaire ne pourraient porter pleinement leurs fruits.

Les députés UMP sont fiers d'avoir, dès le débat que nous avions demandé et obtenu au Parlement le 20 janvier 2004, proposé les orientations que je viens de rappeler et grâce auxquelles tout élève pourra prétendre à une authentique réussite scolaire. Nous sommes heureux d'avoir été en quelque sorte dépossédés de nos propositions par le fait qu'elles ont été reprises dans le rapport de la commission Thélot dont elles constituent le cœur, mais surtout parce qu'elles sont devenues, en recueillant la plus large approbation jamais obtenue par une réforme scolaire, les propositions de tous les Français qui veulent que l'école bouge.

Ce débat, on le voit, se situe à la veille d'une période que l'on devine très féconde pour l'école. Le budget que vous nous proposez, monsieur le ministre, est un bon budget et le groupe UMP le votera avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. François Liberti.


M. François Liberti
. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le budget de l'enseignement scolaire s'élève à 56,6 milliards d'euros, soit une augmentation de 2,6 %. Certes, ce budget augmente, mais si l'on se réfère au PIB, il régresse. Notre société consacre aujourd'hui une part moins importante de ses richesses à l'éducation qu'il y a dix ans.

Comme nous avons coutume de le rappeler, cette hausse affichée correspond aussi à l'augmentation mécanique des salaires et pensions de retraite, mais n'autorise pas le moindre investissement.

Non monsieur le ministre, vous n'anticipez pas l'avenir de notre système éducatif, mais vous enfermez dans la norme du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux.

Et c'est bien pour cette raison que les suppressions de postes dans le second degré et les créations dans le premier degré n'accompagnent pas la hausse ou l'érosion des effectifs, et qu'elles vont au-delà.

En effet, en y regardant de plus près, 1 000 postes d'enseignants supplémentaires seront affectés dans le primaire, pour 51 000 élèves supplémentaires, et sur ces 1 000 postes, 300 sont destinés à la création d'un corps de fonctionnaires à Mayotte. On crée donc un poste d'enseignants pour 71 nouveaux élèves.

Les 800 postes d'assistant d'éducation ne remplacent qu'un nombre équivalent de surveillants en fin de contrat.

En outre, 5 500 postes d'enseignants seront supprimés dans le secondaire, soit 3 400 titulaires et 2 100 contractuels. Avec 41 000 élèves de moins, on supprime un poste pour six élèves.

Les familles les plus défavorisées seront les premières victimes de l'absence de personnels administratifs dans les établissements. Dès aujourd'hui, des centaines de bourses ne peuvent être délivrées avant la fin de l'année scolaire.

Afin de « rationaliser » les dépenses, les enseignants en surnombre dans certaines disciplines, soit 2 400 équivalents temps plein, seront incités à se réorienter vers une discipline voisine, quitte à « reprendre des études ».

C'est un enseignement secondaire sinistré que vous offrez à nos concitoyens. Les lycées et les collèges ont perdu 6 300 emplois d'enseignants, 30 000 surveillants et aides éducateurs depuis votre arrivée au gouvernement. Et les recrutements de professeurs, de conseillers d'orientation psychologues, de conseillers principaux d'éducation viennent encore de chuter de plus de 30 % alors que s'accélèrent les départs à la retraite.

Rationaliser, rationaliser... Des milliers de contractuels se retrouvent au chômage en cette rentrée, dont 1 400 pour la seule académie de Créteil. Vous osez vous targuer d'une gestion des personnels exemplaire en affectant des remplaçants sur des postes vacants, mais qui remplace les remplaçants ?

Quant aux emplois d'assistants d'éducation, malgré la confusion des chiffres avancés, ils ne remplaceront pas les postes de MI-SE et d'aides éducateurs supprimés. Les collèges, les lycées professionnels, les établissements en ZEP seront les premiers à subir les suppressions de postes.

Les suppressions massives de postes d'administratifs vont fragiliser les établissements et les services. Et que dire de l'absence de créations de postes d'infirmières, de médecins scolaires et d'assistantes sociales ! Toutes les cases se vident à l'infini..

Dans le second degré, il manquera 4 000 enseignants à la rentrée 2006. Alors que l'on enregistra 18 700 départs à la retraite, on ne mettra au concours, en 2005, que 14 000 postes et, comme chaque année, 1 000 postes environ seront perdus. Le déficit sera donc de 5 700 recrutements.

Pourtant, vos services, monsieur le ministre, plus précisément la direction de l'évaluation et de la prospective, prévoient que les besoins du second degré, en tenant compte de l'évolution démographique, seraient, entre les années 2005 et 2009, de 17 115 recrutements par an en moyenne. Ce sont les prévisions de vos propres services !

M. Yves Durand. Eh oui !

M. François Liberti. Mais, surtout, l'enseignement secondaire est loin de scolariser pleinement tous les jeunes : 60 000 abandonnent prématurément les études, 150 000 n'obtiennent pas de diplôme, plusieurs milliers d'élèves handicapés ne sont pas accueillis dans l'enseignement public, et les taux de passage en seconde et en bac professionnel se sont tassés depuis plusieurs années. Il est vrai que le moindre effort d'amélioration de la formation ferait repartir immédiatement à la hausse les effectifs !

Oui, monsieur le ministre, à l'heure où vous prétendez défendre la réussite de tous, l'aide aux enfants en difficulté est doublement en danger : un poste sur deux est occupé par du personnel non qualifié et de trop nombreux postes restent vacants. La nouvelle formation CAPA-SH s'effectuant en alternance, les stagiaires se voient enlever du temps de formation, et la continuité de l'enseignement en classes spécialisées est rendue difficile. Les stagiaires sont remplacés par des non-spécialistes. Trop d'enfants, de jeunes et leur famille se trouvent en situation de détresse face à ces manques criants.

En vous appuyant sur les insuffisances du système, vous alimentez un discours fataliste pour imposer votre logique comme la seule possible. Vous considérez le système scolaire comme insuffisamment sélectif, pas encore assez soumis aux lois du marché. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Estrosi. Le MEDEF a encore frappé !...

M. François Liberti. En toute logique, le rapport Thélot consacre d'un point de vue dogmatique ces orientations désastreuses pour l'avenir de notre école. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce rapport annonce la disparition de toute ambition éducative : abandon de l'objectif consistant à porter 80 % d'une classe d'âge au niveau du bac, menace de disparition de l'école maternelle,...

M. Jean-Christophe Lagarde. C'est vous qui avez supprimé des classes !

M. François Liberti. ...suppression du dispositif AIS d'aide aux élèves en difficulté...

Il est au contraire absolument nécessaire - et c'est l'anti rapport Thélot - de permettre à tous les élèves de s'approprier les enseignements ; de sortir de la logique d'une école au service de l'économie ; d'aider l'individu à se construire, à s'épanouir, en lui donnant les clés pour comprendre le monde, ce qui induit de déceler toutes ses capacités afin qu'il puisse les développer ; de contribuer à former le travailleur, le préparer à l'insertion professionnelle et à éduquer le citoyen, en lui donnant les moyens de participer à la vie de la cité, de choisir, de décider.

On ne peut envisager une démocratisation scolaire efficace sans s'attaquer aux maux de la société, car il existe un lien étroit entre l'échec scolaire et la situation économique et sociale des parents. C'est pourquoi nous pensons qu'une loi sur l'école doit être adossée à une politique familiale et sociale audacieuse et respectueuse du principe de gratuité.

Plutôt que d'adapter les démarches pédagogiques et les besoins aux crédits votés, nous proposons de définir la base commune des besoins indispensables dans tous les établissements pour assurer un enseignement de qualité.

Notre volonté de mettre en place un plan conduisant à une véritable gratuité se conjugue avec la proposition de la création immédiate d'un fonds d'action contre les inégalités d'origine sociale, contre la ségrégation dans l'appropriation des savoirs. Ce fonds d'action comprendrait trois volets :

Un volet social pour aider les jeunes à accéder à la culture et aux différents équipements et services - bibliothèque, centre de ressource, aide aux devoirs, activités diverses favorisant la socialisation.

Un volet éducatif destiné à lancer un programme national de recherche sur les inégalités, et la création d'observatoires départementaux des inégalités, permettant à tous les acteurs d'avoir une vision commune.

Un troisième volet devrait permettre de lutter contre les inégalités territoriales, tant du point de vue de la diversité des formations offertes que des moyens consacrés aux équipements scolaires.

Par ailleurs, le recrutement et la formation des personnels de l'enseignement doivent devenir une priorité absolue. Cela suppose de mobiliser, pour les métiers de l'école, des dizaines de milliers d'étudiants.

Les solutions existent, et je viens d'en citer quelques exemples. Parce que nous refusons de sacrifier l'école, et que notre objectif sera toujours de garantir un diplôme et une élévation générale du niveau de formation et de culture, et parce que toutes les conditions pour mener à bien cet objectif sont loin d'être remplies, nous voterons contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Estrosi. Vous me rassurez !

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

M. Jean-Christophe Lagarde. Avec lui, nous allons revenir sur terre ! (Sourires.)

M. François Rochebloine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de l'examen des crédits de l'enseignement scolaire, je crois utile de revenir quelques instants sur plusieurs sujets de préoccupation qui ont retenu toute mon attention.

L'enseignement scolaire se trouve en permanence depuis déjà plusieurs décennies, et ce quel que soit le gouvernement, au cœur du débat public. Dès lors, la tentation est grande pour toute majorité d'imprimer sa marque, en proposant de nouvelles réformes, plutôt que d'améliorer les précédentes.

Il est vrai que la question de l'efficacité du système éducatif est posée par l'opinion publique elle-même et revient donc en force, le récent rapport de la cour des comptes et ses conclusions ayant, me semble-t-il, conforté cette approche. Nos collègues de la commission des finances ont trouvé là, matière à réflexion. Aussi, attendons de voir si ce rapport aura des prolongements, notamment dans la prochaine loi d'orientation.

Nul ne peut nier en effet que les trois dernières décennies ont vu en France un accroissement très important des moyens financiers consacrés à l'école, attestant ainsi d'un attachement très fort de la nation.

Cependant, chacun sent bien que le doute s'est installé dans l'opinion publique et que les risques d'essoufflement sont réels pour un système marqué, chacun en conviendra, par ses lourdeurs. Personnellement, je ne crois pas qu'il faille pour autant céder au catastrophisme ou se contenter de pointer du doigt les personnels enseignants, lesquels attendent des réformes et des mesures d'adaptation, à la condition qu'elles soient à la hauteur des enjeux. Étant en première ligne, ils savent mieux que quiconque le prix à payer pour faire pièce à la perte des repères, au développement inquiétant des phénomènes de violence et de délinquance à l'école, de l'exclusion, de l'échec scolaire, etc.

À cet égard, reconnaissons que le grand débat sur l'école aura eu le mérite de faire émerger des aspirations profondes, qui doivent permettre ce vaste travail de redéfinition des missions de l'école.

Souhaitons donc que le Gouvernement ne perde pas de vue la nécessité d'obtenir une adhésion la plus large possible des différents acteurs d'un monde éducatif en proie à de réelles difficultés, à l'image de la crise de société que nous vivons.

Avant de conclure, je tiens à évoquer trois points qui me paraissent devoir être soulignés.

Ma première interrogation a trait au processus de décentralisation. Je veux parler de la répartition des rôles entre, d'une part, les collectivités locales et, d'autre part, l'État, qui dans un pays comme le nôtre doit garder sa légitimité. De réelles inquiétudes se sont exprimées ici ou là quant aux conséquences des transferts des personnels. La question du coût pour les collectivités locales me paraît cependant assez secondaire, l'essentiel étant à mes yeux que l'on garde une ligne de conduite stricte quant au partage des compétences. L'État doit assumer, en effet, la responsabilité de la gestion des personnels enseignants, sociaux et médicaux qui interviennent à l'école. J'opère personnellement une distinction entre ces personnels et ceux techniques, les ATOS, dont la mission est fortement liée à l'entretien des bâtiments, propriétés des collectivités territoriales.

Ma deuxième interrogation porte sur l'organisation de l'orientation des élèves. Ici même, j'avais appelé l'attention de votre prédécesseur, monsieur le ministre, à l'automne 2002, sur la nécessité de mener la réforme en concertation étroite avec les intéressés, considérant par ailleurs que le transfert de cette compétence aux collectivités locales était peu pertinente. Le Gouvernement s'est heurté à de très fortes résistances, et nous avons tous en mémoire les mouvements sociaux du printemps 2003.

L'orientation est une mission importante, et le rôle des CIO étant reconnu de manière positive, il serait dommage de ne pas les renforcer, peut-être en leur permettant de développer des partenariats avec d'autres structures présentes sur le terrain, afin de créer ainsi de véritables synergies, à l'image de certaines expériences locales.

Enfin, ma troisième interrogation concerne l'évolution nécessaire du statut des maîtres de l'enseignement privé sous contrat. Cela pose de vrais problèmes qu'il nous faut affronter. Une initiative parlementaire est en cours, je ne peux que la saluer. J'espère qu'elle aura davantage de succès que la démarche que j'ai initiée, ici même en juin 2003, au nom du groupe de l'UDF, lors de la discussion du projet de loi sur les retraites.

Comment admettre la situation d'inégalité que nous connaissons aujourd'hui, particulièrement au niveau des retraites, monsieur le ministre ? Souhaitons simplement que 2005 voie le règlement de ce dossier.

On ne peut écarter la logique comptable, indispensable et incontournable s'agissant du premier poste de dépenses du budget de l'État, et la voie de la réforme est étroite. Monsieur le ministre, vous ne disposez que de très faibles marges de manœuvre.

M. Louis-Joseph Manscour. C'est le moins qu'on puisse dire !

M. Yves Durand. Si c'est vous qui le dites...

M. François Rochebloine. Plus que jamais, il est donc indispensable de développer un dialogue nourri et constructif avec l'ensemble des acteurs concernés, enseignants et parents d'élèves. ( Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Martine David.

Mme Martine David. Monsieur le ministre, cette année encore, votre budget trahit le désintérêt de ce gouvernement pour l'éducation nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mon collègue Yves Durand a, à juste titre, pointé les conséquences désastreuses de l'abandon, depuis trois ans, de la priorité donnée à l'éducation. Pour ma part, je voudrais tout spécialement insister sur le dédain que vous manifestez à l'égard de l'enseignement professionnel. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En effet, ce sont 700 postes de professeurs de lycée professionnel qui seront supprimés à la rentrée 2005, soit une proportion encore plus forte que dans l'enseignement général. Alors que les effectifs ne décroissent pas dans ces établissements, votre argument, déjà très contestable, d'une baisse du nombre de postes en fonction de celle du nombre d'élèves semble ici complètement infondé. Une nouvelle fois, les professeurs de lycées professionnels paient pour tout le second degré et leurs conditions d'enseignement déjà difficiles risquent encore de s'aggraver.

De plus, face à des élèves souvent confrontés à des situations sociales délicates, les professeurs de lycée professionnel vont subir de plein fouet la disparition progressive du corps des MI-SE, la non-reconduction des postes d'aides éducateurs en emplois-jeunes, la baisse du nombre des personnels de service et l'absence de création de postes d'assistantes sociales, d'infirmières ou de médecins scolaires.


Au-delà des professeurs au sens strict, c'est toute la communauté éducative qui est touchée. Les équipes pédagogiques sont affectées et l'encadrement des élèves s'appauvrit. Les établissements scolaires ne sont pas coupés du reste de la société et les problèmes sociaux grandissants empêchent de plus en plus les enseignants de mener à bien leur mission.

Monsieur le ministre, vous persistez donc dans votre politique de réduction drastique de l'emploi public au détriment de la qualité du système scolaire. Ce choix, je le désapprouve, bien évidemment, car il est à courte vue, injuste, inefficace et dangereux. Je ne peux laisser dire qu'il y aurait trop d'enseignants dans la filière professionnelle ou que l'école des métiers coûterait trop cher, surtout lorsque les parents d'élèves constatent chaque jour la pénurie de remplaçants, lorsque des options et des sections sont supprimées faute de moyens ou lorsque 60 000 élèves quittent chaque année l'école sans qualification.

Non, monsieur le ministre, le service public de l'éducation ne peut pas « faire mieux en dépensant moins », il doit tout simplement faire mieux !

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. Nous sommes d'accord !

Mme Martine David. Cet investissement sur l'avenir est la garantie de jeunes mieux formés et de citoyens responsables et surtout d'une France plus prospère.

L'enseignement professionnel ne pourra pleinement participer à la formation des collégiens et lycéens que s'il en a les moyens. Si votre politique économique désastreuse, qui a cassé toute perspective de reprise de la croissance, vous contraint à des coupes budgétaires, qu'au moins celles-ci ne touchent pas l'éducation nationale et l'enseignement professionnel.

Plus dérangeant encore, votre choix de réduire les moyens de l'enseignement professionnel interpelle tous les acteurs car il intervient alors que des sommes importantes sont destinées à l'apprentissage dans le plan Borloo. Certes l'apprentissage est une voie nécessaire pour la formation et la qualification...

M. François Rochebloine. Une voie indispensable !

Mme Martine David. ...mais elle ne peut constituer la seule réponse en matière de formation professionnelle.

M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas le cas !

Mme Martine David. Une question plus fondamentale se pose : l'enseignement professionnel a-t-il encore sa place au sein du service public de l'éducation nationale ? Plus d'apprentis, c'est mécaniquement moins d'élèves dans les lycées professionnels, ce qui constitue un risque réel de marginaliser cette filière pourtant utile et reconnue. C'est également le choix d'une insertion professionnelle plus rapide, fondé sur le seul critère d'employabilité immédiate, au détriment de la formation initiale et du diplôme qui restent pourtant le meilleur atout pour une carrière professionnelle réussie.

Le lycée professionnel semble complètement ignoré et l'on peut craindre que l'assèchement de ses ressources budgétaires combiné, à terme, aux menaces sur la taxe d'apprentissage ne conduise à la disparition de cette filière et à la privatisation totale de la formation professionnelle.

Monsieur le ministre, voilà qui est paradoxal alors que le chômage dans notre pays demeure à un niveau très élevé et qu'il existe, dans de nombreux secteurs d'activités, des postes non pourvus. L'enjeu de l'enseignement professionnel est bien d'offrir un avenir aux jeunes tout en formant des employés qualifiés. Pour remplir cet objectif il convient de consentir un effort budgétaire significatif en faveur d'une formation professionnelle initiale de qualité et surtout d'affirmer une réelle volonté politique. Les professeurs des lycées professionnels et tous les intervenants de ces établissements sont profondément attachés à la réussite de leurs élèves. Ils cherchent à donner une chance d'avenir à ces jeunes qui ne sont pour eux ni des statistiques, ni des variables d'ajustement. Le Gouvernement va-t-il les entendre et leur en donner les moyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour le groupe de l'UMP.

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. Un grand connaisseur, lui !

M. Frédéric Reiss. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour ceux qui en doutaient encore, ce projet de loi de finances confirme que l'éducation nationale est bel et bien une priorité du Gouvernement et de sa majorité.

Au-delà d'une hausse de 2,55 %, dont on ne peut que se réjouir, les crédits pour l'enseignement scolaire permettront de mieux ajuster les moyens humains avec les besoins du terrain. La sincérité du budget exige en effet de tenir compte de l'évolution démographique des élèves. À cet égard, on ne peut que souscrire à l'analyse des chiffres et des moyens faite par le rapporteur spécial de la commission des finances. Je n'y reviendrai pas.

Permettez-moi cependant de saluer l'engagement du Gouvernement pour résoudre le difficile problème des classes sans enseignants, donc des remplacements, ainsi que des « surnombres disciplinaires » : être affecté en surnombre dans un établissement et se voir proposer des tâches respectables certes, mais subalternes, n'est pas bon pour le moral, ni pour les jeunes titulaires concernés, ni pour leurs collègues !

Au niveau de l'encadrement, la montée en puissance du dispositif des assistants d'éducation donne aux établissements des moyens en personnel pour la vie scolaire en remplacement des MI-SE dont le corps est mis en voie d'extinction. Cette nouvelle catégorie de personnels offre des perspectives d'insertion dans la fonction publique par le biais de concours internes, véritable pré-recrutement de futurs enseignants.

L'effort sans précédent amorcé en 2004 pour favoriser l'insertion en milieu ordinaire des élèves handicapés sera poursuivi par la création de 800 postes d'assistants d'éducation supplémentaires et là encore, on ne peut que s'en réjouir.

Comme le souligne le rapport Thélot, la réussite de tous les élèves, objectif de l'école, passe par une réduction significative des sorties sans diplôme et sans qualification : 150 000 par an, c'est beaucoup trop !

C'est pourquoi les efforts en faveur des filières professionnelles doivent être poursuivis. Des orientations différentes devront être proposées aux élèves, en fonction de leurs aptitudes, à partir de l'âge quatorze ans mais dans le cadre d'une scolarité toujours obligatoire jusqu'à seize ans. Comme le disait Yvan Lachaud, apprendre à se servir de ses mains peut aussi être une voie d'excellence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Le travail manuel, l'alternance et l'apprentissage ont ainsi vocation à être développés.

La lutte contre l'illettrisme doit plus que jamais être continuée. Recentrer les contenus sur les savoirs fondamentaux que sont lire, écrire, compter est une condition nécessaire mais non suffisante. Il est indispensable à un jeune de savoir s'exprimer en utilisant au mieux les technologies de l'information et de la communication. L'école est dans la cité et non pas en dehors : cela suppose qu'elle soit ouverte sur un monde en perpétuelle mutation, où tout va très vite.

Pour que chacun y trouve sa place, il faut réhabiliter la valeur travail et apprendre aux élèves à s'adapter, à écouter et à se respecter les uns les autres. Vaste programme qui dérape parfois dès le plus jeune âge comme l'a tragiquement illustré l'agression d'une élève de trois ans par des enfants de cinq ans à l'école maternelle d'Altkirch.

La violence scolaire, que ce soit en ZEP ou ailleurs, est un fléau qu'il faut combattre avec la plus grande détermination. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il est évident que pour affronter la réalité impitoyable du terrain, il faut des enseignants formés qui puissent apporter les meilleures réponses possibles. J'en profite pour féliciter Mme la rapporteure pour avis pour la qualité de son rapport qui a apporté un éclairage intéressant sur la nécessaire adaptation des IUFM. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La loi d'orientation et de programmation sur l'école devra inévitablement apporter de nouvelles réponses.

Je profiterai de l'occasion qui m'est offerte pour m'exprimer sur un sujet qui me tient à cœur, l'apprentissage précoce des langues, sur lequel je suis en désaccord à M. Chamard. Comme un bon nombre de nos citoyens, je ne souhaite pas que l'anglais de communication internationale fasse, dès le plus jeune âge, partie du socle commun des indispensables, comme le suggère le rapport Thélot. (« Très bien ! » sur divers bancs.) L'éducation doit, certes, demeurer nationale mais un même menu pour tous, avec un anglais simplifié en guise de première langue vivante, aurait de mon point de vue, des conséquences dramatiques.

Dans le monde d'aujourd'hui, il ne fait pas de doute que le plurilinguisme est un atout et qu'il devra se développer. Récemment à Hanoï, le Président de la République a fort justement mis en exergue la diversité linguistique dans le monde. C'est dans cet esprit que l'apprentissage précoce d'une langue vivante me semble être indispensable, mais il ne faudrait pas que ce soit l'anglais de communication internationale. Toutefois, qu'il fasse partie du bagage d'un élève à la sortie de la scolarité obligatoire me semble tout à fait naturel.

La préservation de la diversité linguistique passe par l'apprentissage, dès la maternelle parfois, d'une langue vivante qui s'appuie sur les langues régionales - le catalan, le basque ou l'alsacien -, sur la langue du voisin - l'espagnol, l'italien ou l'allemand - ou encore sur la langue d'origine - l'arabe, le turc ou le portugais. L'apprentissage de l'anglais international dans un deuxième temps n'en sera que facilité !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Très juste !

M. Frédéric Reiss. Le thème de la prochaine journée franco-allemande du 22 janvier 2005 sera : « Le français et l'allemand, des atouts pour les métiers et les carrières en Europe ». Cela signifie aussi qu'au-delà des grands principes et des grandes déclarations, les efforts faits pour développer l'apprentissage du français en Allemagne et de l'allemand en France doivent bénéficier d'encouragements particuliers, et pas en seulement en Alsace ou au pays de Bade. Cela nécessite des moyens humains et des enseignants qualifiés dont il faudra tenir compte dans les budgets futurs.

Nous ne voulons pas d'une uniformité linguistique en France car elle serait néfaste sur le plan économique et culturel. L'école du XXIe siècle a de formidables défis à relever. C'est avec enthousiasme que je participe, avec mes collègues de la majorité, aux concertations et aux différents groupes de travail, préalables à l'élaboration de la nouvelle loi d'orientation souhaitée par toute la communauté éducative. L'école devra former des citoyens responsables qui seront les acteurs économiques et culturels de l'Europe de demain.

Dans la perspective de cette tâche ô combien exaltante, je voterai le budget de l'enseignement scolaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour.

M. Louis-Joseph Manscour. Monsieur le ministre, vous vous félicitez d'un projet de budget reflétant selon vous la priorité gouvernementale en faveur de l'enseignement.

S'il est vrai que votre budget est en progression, ce qui est d'ailleurs le cas chaque année depuis des décennies, l'augmentation des crédits annoncée pour 2005 n'est en fait, en grande partie, que le résultat de l'effet mécanique de l'évolution des rémunérations des enseignants. Il n'y a pas de quoi pavoiser !

Votre priorité gouvernementale me semble ailleurs. Elle est le reflet des restrictions budgétaires qui vous sont imposées par Bercy. Le 6 octobre dernier, vous présentiez devant la commission des finances ce projet de budget, qui semble traduire une véritable politique de marchandisation de l'enseignement scolaire. Vous avez employé alors des mots et des expressions bien éloignés du langage qui devrait s'appliquer au service public de l'éducation nationale : « rendement net », « coût de l'enseignement » et j'en passe. Et je redoute, dès lors, le moment où vous évoquerez la nécessaire rentabilité de l'éducation nationale. J'eusse préféré que vous nous parliez de « pédagogie adaptée» ou d' « égalité des chances ».

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je n'ai pas encore parlé !

M. Louis-Joseph Manscour. Certaines de vos propositions sont d'ailleurs imprégnées du libéralisme qui vous caractérise. (« Encore le MEDEF ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ainsi, en demandant à mots couverts, à certains enseignants d'augmenter leur charge de travail et leurs déplacements professionnels, sous prétexte de réduire le nombre de ceux qui se trouvent dans des disciplines en sureffectifs, vous introduisez, dans l'éducation nationale, les grands principes chers à vos amis du MEDEF : flexibilité et délocalisation. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Christophe Lagarde. C'est n'importe quoi !

M. Louis-Joseph Manscour. Faisons les comptes : la création de 1 000 postes d'enseignants dans le primaire et la suppression de 3 400 dans le secondaire, sans parler de la suppression de 1 100 postes de maîtres auxiliaires, de 1 000 emplois de professeurs contractuels et de milliers de postes d'encadrement éducatif, débouche sur un solde largement négatif qui ne saurait en rien se justifier par la seule baisse des effectifs des élèves.

L'enseignant que je fus durant trente ans...

M. Christian Estrosi. Pauvres élèves ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Martine David. Quel niveau !

M. Yves Durand. Voilà des propos qui classent leur auteur !

M. Louis-Joseph Manscour. ...tend à penser que le qualitatif n'exclut pas le quantitatif. Or, selon vous, la démographie constitue le principal élément explicatif de l'évolution des postes d'enseignants.


Monsieur le ministre, si je suis jusqu'au bout votre logique, les DOM, qui connaissent une évolution démographique et un taux de natalité nettement supérieurs à la métropole, devraient bénéficier d'une plus grande affectation de postes d'enseignants. Mais nous savons que ce n'est malheureusement pas le cas. La seule Martinique accusait l'an dernier une suppression de quarante-sept postes dans ses collèges.

En réalité, c'est la politique de l'enseignement national tout entière qui n'est pas adaptée à nos départements d'outre-mer.

L'effort de l'État en 2005 pour l'éducation nationale outre-mer ne répond pas, en effet, au souci de remédier aux difficultés rencontrées dans les DOM-TOM qui résultent de la conjonction d'une forte pression démographique, d'un retard de scolarisation et d'un fort taux d'illettrisme encore trop prononcé par rapport à ce qui est constaté en métropole.

Nous avons donc besoin de moyens adaptés et conséquents qui répondent à nos nombreux handicaps. Il faut donner à l'outre-mer, plus qu'ailleurs, les moyens nécessaires à la formation de notre jeunesse. Cette formation passe, bien évidemment, par l'encadrement éducatif de nos élèves.

Si les différents plans de titularisation ont réduit à une soixantaine le nombre de maîtres-auxiliaires dans la seule académie de la Martinique, dans le même temps, et pour faire face aux besoins croissants en enseignants, de nombreux contractuels et vacataires ont été recrutés sans perspective claire de titularisation et se retrouvent aujourd'hui sans poste et pour bon nombre d'entre eux au chômage.

C'est ainsi que ce qui devait rester l'exception est devenu aujourd'hui la règle. Cette situation met en lumière l'insuffisance du recrutement d'enseignants titulaires, alors que de nombreux jeunes diplômés originaires de l'outre-mer attendent aujourd'hui une pérennisation de leurs emplois.

Ainsi, l'académie de la Martinique compte aujourd'hui 647 professeurs de collège et de lycée non titulaires sur un total de 3 800 enseignants du second degré, soit près de 17 % de l'effectif.

Monsieur le ministre, malgré vos affirmations je suis intimement convaincu que l'éducation nationale n'est pas la priorité de votre Gouvernement.

M. Guy Geoffroy. Et pourtant si !

M. Louis-Joseph Manscour. Le transfert des TOSS, la tentative de régionalisation de l'enseignement, la suppression des postes d'enseignants, une réforme des retraites injuste ou ressentie comme telle, une inadaptation de l'enseignement aux spécificités de l'outre-mer : voilà des domaines pour lesquels votre projet de budget traduit bien l'absence de véritable projet éducatif. Vous perdrez ainsi le pari sur la jeunesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Monsieur le ministre, je saisis l'occasion de l'examen du budget de l'enseignement scolaire pour revenir sur deux sujets qu'il serait à l'honneur de notre majorité de résoudre au plus vite et au mieux : d'une part, la situation des maîtres de l'enseignement privé sous contrat et, d'autre part, les modalités d'attribution des moyens aux établissements privés.

En dépit des engagements et du travail de réflexion et de concertation qui a été mené, rien à ce jour n'a été réglé. Pourtant, au début de l'année votre ministère ainsi que le Premier ministre avaient annoncé des avancées significatives d'ici à l'été. Mais rien n'a été fait.

De quoi s'agit-il ? Il convient, d'une part, d'accorder aux maîtres de l'enseignement privé sous contrat une retraite équivalente à celle de leurs collègues du public. Ils assurent la même mission de service public,...

M. Guy Geoffroy. C'est vrai !

M. Étienne Pinte. ...ils enseignent les mêmes programmes...

M. Guy Geoffroy. C'est exact !

M. Étienne Pinte. ...ils ont les mêmes horaires, mais leurs retraites sont inférieures de 20 %. À la longue, c'est tout simplement insupportable.

Pourtant, la loi Debré avait posé le principe de parité entre les carrières des enseignants du public et ceux du privé. Ce n'est qu'une question de justice sociale.

M. Jean-Christophe Lagarde. C'est vrai !

M. Étienne Pinte. Il convient, d'autre part, de clarifier leur statut. Le Conseil d'État leur reconnaît un statut d'agent contractuel de l'État, tandis que la Cour de cassation les considère comme des salariés d'un établissement privé sous contrat, ce qui induit des charges très différentes pour les établissements.

Si l'on reprend la définition de la Cour de cassation, ces établissements privés sous contrat sont obligés de verser des indemnités de licenciement aux maîtres suppléants en fin d'exercice de leur suppléance, de verser aussi des indemnités aux maîtres qui n'exercent plus la fonction de professeur principal, enfin de verser des indemnités de départ à la retraite à leurs enseignants.

Notre collègue Yves Censi a déposé, il y a quelques semaines, une proposition de loi pour résoudre ces deux questions, proposition qui a été signée par nombre d'entre nous. Reprenez-la à votre compte, monsieur le ministre !

Plus généralement, l'enseignement privé sous contrat a encore dû faire face cette année à des contraintes administratives et financières relatives aux postes d'enseignants qui lui sont attribués. Dans presque toutes les régions, les chefs d'établissement sont contraints de refuser des élèves - 50 000 cette année - et de surcharger des classes tant les demandes d'inscription sont nombreuses. Il est urgent de revoir la méthode de calcul informelle et absurde qui décide de l'attribution des moyens horaires. Est-il normal, en effet, de lier les moyens attribués aux établissements privés sous contrat à ceux accordés aux établissements publics ? Ils concourent tous au service public de l'enseignement. C'est comme si le Gouvernement obligeait les cliniques privées à indexer leurs activités sur celles des hôpitaux publics ! Tous ces établissements participent au service public de la santé.

De surcroît, il est particulièrement injuste de brider les activités des établissements privés sous contrat, alors que vous êtes bien content, monsieur le ministre, de les voir accueillir des jeunes filles portant le voile. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Enfin, l'enseignement privé attend les circulaires d'application de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, de façon que le forfait communal et le règlement de la participation financière des régions et des départements aux dépenses de fonctionnement des collèges et lycées sous contrat d'association soit défini et réglé.

En conclusion, il faut rappeler combien est précieuse la contribution de l'enseignement privé sous contrat au service public de l'enseignement. Mais les mots ne suffisent plus, ils doivent être concrétisés par des décisions. Le temps des promesses est révolu ; nous devons maintenant les tenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Remiller.

M. Jacques Remiller. Monsieur le président, si vous le permettez, je commencerai mon intervention en répondant à M. le député-maire de La Trinité, en Martinique, qui plus est professeur de collège. Il sait très bien que nous sommes les représentants du groupe majoritaire à l'Assemblée nationale et non les représentants du MEDEF ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Louis-Joseph Manscour. C'est du pareil au même !

M. François Liberti. Oui, quelle différence ?

M. Jacques Remiller. Je connais bien votre département, monsieur Manscour, puisque je m'y rends assez souvent pour rencontrer le député-maire de Schoelcher qui sait très bien, lui, qu'il est membre du groupe UMP et non du MEDEF !

M. Christian Estrosi. Très bien !

M. Christophe Caresche. Ce n'est pas une insulte !

M. Jacques Remiller. Je ne l'ai pas pris comme telle !

Monsieur le ministre, une fois de plus, le budget de l'éducation nationale dont nous avons à débattre est le premier de la nation. Cela montre bien que l'éducation de notre jeunesse est la première des priorités du Gouvernement et de la majorité.

Cette année, l'enjeu est cependant particulièrement important, et je suis très heureux de travailler à vos côtés à la préparation de la prochaine loi d'orientation sur l'école.

Je tiens tout d'abord à saluer le courage des enseignants, dont vous puisque vous êtes professeur de collège, monsieur Manscour, qui sont aujourd'hui en première ligne sur le front de la violence scolaire,...

M. Louis-Joseph Manscour. Sans moyens !

M. Jacques Remiller. ...bien seuls d'ailleurs lorsque les familles n'assument plus leurs responsabilités. Le rôle de l'école est d'instruire, de transmettre un savoir. Les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants...

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. Très bien !

M. Jacques Remiller. ...mais heureusement, lorsque ceux-ci démissionnent, il est des enseignants qui savent être aux côtés des jeunes afin de les guider au mieux vers une formation et un métier.

Savoir lire et écrire correctement redevient peu à peu le privilège d'une élite. On entend souvent dire que l'école est socialement injuste et que les enfants issus de milieux aisés s'en sortent mieux que ceux issus de milieux défavorisés. En même temps, on constate que les enfants de cadres supérieurs sont plus souvent en situation d'échec scolaire que les enfants d'enseignants.

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. C'est vrai !

M. Jacques Remiller. Un syllogisme vient alors à l'esprit : les enseignants - je le fus dans le passé - doivent-ils être considérés comme des nantis parce que leurs enfants réussissent à l'école ? Non évidemment, mais cela montre bien que la réussite scolaire n'est pas liée aux revenus des parents, mais à leur implication dans les études de leurs enfants. (« Très bien ! » sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Louis-Joseph Manscour. Cela reste à démontrer !

M. Jacques Remiller. Monsieur le ministre, votre projet de budget met en avant cinq points essentiels : l'acquisition des savoirs fondamentaux et la lutte contre l'illettrisme ; le développement des dispositifs d'alternance dès le collège ; la revalorisation de l'enseignement professionnel ; des efforts financiers en faveur des personnels enseignants et non enseignants ; enfin, une meilleure prise en compte des difficultés rencontrées par certains élèves - handicaps, maladies chroniques, échec scolaire, troubles du comportement.

Tout cela est très positif. Néanmoins, je regrette que certains aspects ne soient pas abordés. Je pense, par exemple, aux problèmes de transports scolaires en zone rurale. En effet, nombreux sont les enfants qui rentrent seuls chez eux après une heure de car scolaire et après être bien souvent partis à sept heures du matin. On oublie trop souvent ce qui découle de ces temps de transports particulièrement longs pour des enfants : horaires décalés et devoirs négligés pour ceux dont les parents surveillent les heures de sommeil. Il faut être lucide : un enfant qui rentre chez lui après une heure de car à dix-huit heures ne peut pas faire ses devoirs dans de très bonnes conditions.

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. C'est vrai !

M. Jacques Remiller. Très vite, l'enfant risque de se retrouver en situation d'échec scolaire, à cause de la fatigue et du manque de travail.

Il ne s'agit pas ici de fustiger les parents, les enseignants et les élus locaux responsables des transports scolaires qui font ce qu'ils peuvent. Mais parfois, faire ce que l'on peut se révèle insuffisant. C'est pourquoi j'aurais souhaité monsieur le ministre, que votre projet prévoie des aménagements comme l'étude après la classe - c'est mieux que de regarder la télévision à la maison - qui permet aux enfants d'attendre que leurs parents sortent du travail et viennent les chercher sans perdre leur temps. S'ils rentrent chez eux à dix-huit heures, les devoirs seront faits, et ce d'autant mieux qu'en cas de difficultés un adulte, enseignant ou surveillant, aura pu les aider efficacement.

M. Daniel Mach. C'est vrai !

M. Jacques Remiller. L'autre point que nous souhaitons voir étoffé dans votre projet, c'est le développement des internats.

M. Christian Estrosi. Très bien !

M. Jacques Remiller. Quand, pour diverses raisons - divorce, temps de trajet trop long entre l'école et le domicile, conflit entre l'enfant et ses parents - les parents ne peuvent pas suivre de près l'instruction de leurs enfants, la solution de l'internat devrait être plus facilement envisagée, pour le plus grand bien de l'élève.

J'espère, monsieur le ministre, que nous nous pencherons sur ces deux points précis que sont les transports scolaires et l'internat, lors de l'examen du projet de loi sur l'école.

L'esprit dans lequel vous engagez cette réforme est positif, et je m'en réjouis, car il en va de l'avenir de ce pays et des jeunes générations, comme de l'honneur de celles et ceux qui ont pour mission de les instruire.

Bien sûr, je voterai votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi.


M. Christian Estrosi
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Monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez aujourd'hui démontre de toute évidence, avant même la loi d'orientation sur l'école que vous préparez, et qui verra le jour en 2005, que l'éducation nationale constitue une priorité de l'action gouvernementale. Lui accorder 23 % du budget de la nation, c'est-à-dire consacrer plus de 56 milliards d'euros aux 12 millions d'élèves du primaire, du collège et du lycée et aux personnels de l'enseignement, atteste des efforts accomplis par vous-même et le Gouvernement.

Les principales orientations de votre budget concernent l'adaptation des effectifs à l'évolution du nombre des élèves scolarisés, le développement des assistants d'éducation et de la scolarisation des élèves handicapés, la poursuite de la réforme de l'État, enfin un important effort pour augmenter l'attractivité de la profession d'enseignant avec 255 millions d'euros destinés aux personnels d'enseignement du primaire et du secondaire, comme l'ont si bien rappelé nos excellents rapporteurs, Jean-Yves Chamard et Nadine Morano, ainsi que l'orateur du groupe UMP, Pierre-André Périssol.

Je me contenterai, pour ma part, d'aborder deux points.

Le premier concerne l'acte II de la décentralisation. Je rappelle qu'en 1982, lors des lois Defferre, le transfert au 1er janvier 1985 des collèges aux départements, et des lycées aux régions, s'est accompagné de très peu de moyens pour les collectivités locales. Qui plus est, il a fallu alourdir la pression de la fiscalité locale du seul fait que les personnels qui s'occupaient de l'entretien, de l'étude et de la réalisation des collèges et des lycées sont restés au sein des académies, obligeant ainsi les conseils généraux et régionaux à doubler les services en recrutant leur propre personnel.

M. Frédéric Reiss. Très juste !

M. Christian Estrosi. Telle n'était pas notre vision de la décentralisation, même si elle a porté ses fruits parce que les collectivités en ont fait malgré tout une priorité et ont investi dans des plans  collèges  et  lycées . Nous avons, quant à nous, choisi une décentralisation qui assortit les transferts de compétences de moyens matériels, financiers et humains.

En ce qui concerne ces derniers, je me suis battu, au moment de la loi sur les libertés locales - que j'ai soutenue de toutes mes forces parce que j'y voyais un moyen de rapprocher les lieux de décision de nos concitoyens -, pour que le transfert des personnels des collèges et des lycées se fasse sur la base d'un effectif de référence. Le but recherché était de mettre nos territoires et nos académies sur un pied d'égalité.

M. François Rochebloine. Objectif louable !

M. Christian Estrosi. Hélas ! je n'ai pas été entendu, si bien que certaines académies, parce qu'elles perdent des élèves, ferment des classes et des établissements, tandis que d'autres connaissent une poussée démographique. Ainsi, mon département doit construire quinze collèges sur cinq ans. Pourtant, notre académie est classée au dix-neuvième rang, avec un déficit de 153 TOSS par rapport à la moyenne nationale. Je souhaiterais donc un rééquilibrage entre académies avant le 1er janvier 2006, date à laquelle doit s'opérer le transfert.

Le second point a trait à la sécurité. L'école, temple de transmission du savoir, n'est plus le lieu de tolérance qu'elle devrait être. Et, si le Gouvernement a remporté une première bataille en faisant globalement baisser l'insécurité, la violence continue d'augmenter au sein de l'éducation nationale : augmentation de 13 % entre septembre 2003 et juin 2004, soit plus de 81 000 actes de violence supplémentaires constatés. L'école ne peut pas rester un sanctuaire où l'on continuerait à défendre le principe selon lequel il est interdit d'interdire. Force est de constater, au-delà des appartenances idéologiques et politiques, que les enseignants sont de plus en plus nombreux à avoir envie d'être remis à leur juste place, d'être respectés. Ils attendent de se voir restituer l'autorité nécessaire pour exercer leur mission. Leur motivation est à ce prix et nous devons les replacer sur le piédestal qu'ils méritent. Je me réjouis de pouvoir aborder sous votre autorité, monsieur le ministre, ce sujet sans tabou. Je me félicite du protocole que vous avez signé à Dreux avec le ministre de l'intérieur, car, oui ! il faut mener dans ce domaine une politique véritablement transversale.

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. C'est vrai !

M. Christian Estrosi. À ce sujet, je ferai quelques propositions.

M. le président. Rapidement, monsieur Estrosi.

M. Christian Estrosi. Tout d'abord, il serait bon de placer dans chaque établissement au moins un policier en civil, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...

M. Yves Durand. Ben, voyons !

M. Christian Estrosi. ...qui soit un véritable correspondant pour l'ensemble de l'éducation nationale. Ensuite, il faut accorder une forme de prime aux collectivités qui participeraient, avec l'État et les établissements, au financement de systèmes de télésurveillance (Mêmes mouvements)...

M. Yves Durand. Des caméras dans les classes !

M. Christian Estrosi. ...chaque fois que les conseils d'administration, et ils sont nombreux à le vouloir, le réclameraient.

M. Daniel Mach. Pourquoi pas ?

M. Christian Estrosi. Ils sont libres de le faire. En tout état de cause, les établissements devraient pouvoir passer des conventions avec les collectivités.

Enfin, et j'en termine, aucune politique sécuritaire ne sera efficace à long terme sans une véritable politique de prévention, monsieur le ministre. Tout comme mon collègue Jacques Remiller, je suis favorable aux internats. Dans mon département, la construction de quinze collèges ira de pair avec celle de cinq internats, implantés non pas en zone rurale, comme il est de tradition, mais en ZEP et en zone sensible.

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis et M. Jacques Remiller. Très bien !

M. Christian Estrosi. Je suis en effet persuadé que c'est là que se trouvent les élèves en difficulté : ceux qui vivent dans des familles monoparentales ou ceux dont les parents ne sont plus en mesure d'assurer leur devoir d'éducation. En les plaçant, ne serait-ce que quatre à cinq jours par semaine, dans ces internats, ils bénéficieront à la fois d'un suivi et d'une véritable égalité des chances vis-à-vis de ceux qui sont plus nantis.

Enfin, au moment où nous assistons à la montée du racisme, de la violence, de l'antisémitisme, je voudrais vous dire mon attachement à l'éducation civique. Elle doit avoir la place qu'elle mérite et donner lieu à des applications concrètes sur le terrain.

Je termine, monsieur le président, par un exemple. Parce que la Shoah est au programme d'histoire de troisième, le département des Alpes-Maritimes, au cours de l'année 2003-2004, a envoyé toutes les classes, soit 3 000 collégiens issus de nos quatre-vingt-neuf collèges publics ou sous contrat d'association avec l'État, à Auschwitz-Birkenau pour une visite d'une journée. Et si, le matin, dans le vol Nice-Cracovie, chacun souriait, riait, heureux à la perspective d'une belle journée de tourisme en Pologne, la gravité s'est emparée des adolescents, qu'ils soient musulmans, juifs, chrétiens ou même athées, quand il se sont retrouvés sur le quai de la gare, à l'entrée du camp devant les étendues de barbelés et les miradors, puis devant les fours crématoires, et c'est les larmes aux yeux qu'ils ont récité devant le mémorial les poèmes de Primo Levi. Dans le vol du retour, plus personne ne parlait. J'ai compris alors que nous nous avions gagné notre pari et que ceux-là, après ce voyage au bout de l'horreur, n'auraient pas besoin d'une loi sur la laïcité, de circulaires, de règlements, pour comprendre leur responsabilité de citoyen et pour transmettre à leur tour ce message de l'histoire,...

M. le président. Monsieur Estrosi, veuillez conclure.

M. Christian Estrosi. ...que ce soit dans leur vie professionnelle, dans la famille qu'ils fonderont, ou en tant que bénévole dans les associations, pour que la paix et la tolérance demeurent au sein de l'école comme de notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à douze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je souhaiterais en premier lieu remercier M. le rapporteur de la commission des finances et Mme la rapporteure de la commission des affaires culturelles pour le travail remarquable qu'ils nous ont présenté. Merci, monsieur Chamard, pour votre implacable démonstration de la nécessité de réorganiser notre système d'éducation. Si j'avais eu un professeur de mathématiques tel que vous, sans doute ma carrière eût-elle pris une tout autre orientation.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial et M. Yves Durand. C'eût été bien dommage, monsieur le ministre.

M. François Rochebloine. Vous n'avez rien à regretter !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je souhaiterais vous féliciter, madame Morano, pour la pertinence de vos réflexions sur la formation des enseignants. Sans doute, comprendrez-vous que je ne puisse vous répondre aujourd'hui, puisque le sujet sera au cœur du projet de loi d'orientation dont nous aurons à débattre prochainement. Je souhaiterais également remercier tous les orateurs, quels que soient les bancs dont ils sont issus, pour leur mobilisation en faveur de l'école, mais plus particulièrement les orateurs de la majorité, non seulement parce qu'ils ont annoncé qu'ils voteraient le projet de budget, mais également pour leur engagement dans la préparation de la loi d'orientation - je pense notamment à M. Périssol, qui s'est exprimé au nom du groupe UMP, et à M. Lachaud, qui s'est exprimé au nom du groupe UDF.

Ce projet de budget, mesdames et messieurs les députés, démontre que l'éducation nationale demeure aujourd'hui comme hier une forte priorité de la politique gouvernementale.

Mme Martine David. C'est faux !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il mobilise près du quart de l'ensemble des dépenses de l'État - 23 % exactement, contre 17 % seulement il y a dix ans. En 2005, de nouveau, les dépenses de l'éducation nationale progresseront plus vite que l'ensemble du budget de l'État.

Mme Martine David. Il ne suffit pas de le dire !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ce choix du Gouvernement traduit sa conviction profonde que la force du pacte républicain dépend en grande partie de notre engagement en faveur des jeunes générations.

Mais l'importance des moyens que nous demandons à la nation en vue d'atteindre cet objectif a sa contrepartie : il nous appartient de garantir que les crédits utilisés...

M. Jacques Desallangre. S'ils ne sont pas gelés !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...le seront de manière à produire les meilleurs résultats possibles au regard des moyens utilisés. Telle est notre responsabilité.

Deux principes ont commandé nos choix en matière d'effectifs : tenir compte de facteurs objectifs, notamment de l'évolution démographique ; améliorer de façon continue la gestion des personnels.

Permettez-moi de rappeler quelques chiffres : en dix ans, de 1994 à 2004, le nombre d'élèves accueillis dans le système scolaire a diminué d'un peu plus de 350 000. À taux d'encadrement constant, le nombre d'enseignants aurait dû décroître dans la même période de 20 000 environ. L'inverse s'est produit : le nombre d'enseignants a augmenté de 30 000, de sorte qu'il est supérieur aujourd'hui de 50 000 à ce qu'il aurait été si, au cours des dix dernières années, on avait simplement cherché à stabiliser le taux d'encadrement.

M. Louis-Joseph Manscour. Quelle démonstration !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. On a choisi d'augmenter ce taux de 7 % environ. Pour des raisons que nous comprenons tous, une telle progression a alors répondu aux attentes d'une très grande partie de la communauté éducative. Pour autant, elle ne s'est traduite par aucune amélioration de la qualité du système éducatif, comme l'ont démontré des analyses rigoureuses, que plusieurs d'entre vous ont reprises. Les résultats des élèves ne se sont nullement améliorés au cours des dix dernières années. De plus, nous disposons aujourd'hui de plusieurs études convergentes nous conduisant à considérer que, en dehors de quelques cas particuliers qui ont été cités et qui concernent les élèves les plus en difficulté, la réduction de la taille des classes ne saurait avoir d'effet significatif sur les performances scolaires.

M. Yves Durand. Thomas Piketty dit le contraire !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. C'est le seul !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Un seul, en effet, prétend le contraire, et nous savons d'où il vient ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David. Il n'a pas nécessairement tort pour autant !

M. Yves Durand. Et le contraire n'a pas non plus été prouvé.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Au sein de l'OCDE, ce ne sont pas les pays dont les classes ont les effectifs les moins nombreux qui obtiennent les meilleurs résultats. Une réduction générale et indifférenciée de la taille des classes ne constitue donc pas, à mon sens, une bonne utilisation de nos marges de manœuvre budgétaires.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Pour autant, mesdames et messieurs les députés, il s'agit là - j'en ai conscience - d'un sujet extrêmement délicat, sur lequel nous devons avancer avec une grande prudence. Je n'ai évidemment pas pour projet de revenir sur l'évolution des dix dernières années. Il me semble, en revanche, aujourd'hui légitime de tenir compte de l'évolution démographique des élèves pour fixer l'évolution du nombre des enseignants. Nous devons nous situer, en d'autres termes, dans une perspective, non pas d'augmentation, mais de stabilisation du taux d'encadrement.

À ce titre, le projet de budget pour 2005 prévoit dans le premier degré 1 000 créations de postes. Une stricte application de l'évolution démographique prévue pour 2005 aurait justifié un chiffre légèrement supérieur, mais - chacun le sait - lors des rentrées 2003 et 2004, les effectifs constatés se sont situés très en deçà des prévisions. Dans le second degré, le projet de budget prévoit la suppression de 3 400 postes de titulaires, ce qui correspond, ni plus ni moins, à la stricte application de l'évolution démographie des élèves.

J'ai entendu sur le sujet, ici ou là, des commentaires alarmistes, voire catastrophistes. Il convient de les remettre en perspective. Comme il s'agit en effet de tirer les conséquences de l'évolution démographique, ces suppressions d'emploi n'auront aucun impact sur les conditions d'enseignement. Le nombre d'élèves par enseignant demeurera stable en 2005, après une période de dix années au cours de laquelle il a fortement diminué. Par rapport aux effectifs d'enseignants des premier et second degrés - 700 000 titulaires -, la suppression nette de 2 400 postes ne représente qu'une baisse de 0,3 % des effectifs et implique, compte tenu des perspectives de départs à la retraite de quelque 30 000 enseignants, le remplacement de onze partants sur douze, alors que le taux de remplacement dans les autres administrations de l'État est de un sur deux. Certes, l'éducation nationale n'est pas une administration ordinaire, j'en ai la conviction. Sa spécificité justifie les privilèges dont elle jouit sur le plan budgétaire - j'y ai veillé. Mais elle ne saurait pour autant s'abstraire entièrement des efforts de rigueur qui sont exigés de tous les secteurs.

M. Christian Estrosi. Bien sûr !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Tel est le sens de l'équilibre dont témoigne le projet de budget.

À l'occasion du débat sur la première partie du projet de budget, vous avez naturellement eu une discussion sur les conditions de l'équilibre budgétaire. Je me permettrai de rappeler que nous empruntons pour l'année qui s'ouvre 25 % de nos dépenses de fonctionnement, dépenses considérables que nous laissons en héritage aux jeunes générations tout à l'heure représentées dans les tribunes. Il s'agit là d'une situation inacceptable. Aucun homme politique responsable ne peut considérer que des années durant nous pourrons encore emprunter 25 % du montant de nos dépenses de fonctionnement.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Evidemment !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Dans le même esprit, il appartient à l'éducation nationale de se moderniser en améliorant la qualité de sa gestion. Je citerai deux exemples.

S'agissant des remplacements, la rigueur s'impose. Monsieur Liberti, vous avez demandé qui remplacerait les remplaçants ? Mais il ne s'agit pas d'appliquer la théorie du sapeur Camember ! Il s'agit d'augmenter le rendement du remplacement, c'est-à-dire le rapport entre le potentiel théoriquement mobilisable et le nombre d'heures effectivement dispensées.

M. Yves Durand. Ce n'est pas là la question !

M. Francois Liberti. Oui, c'est un autre problème !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le taux était de 66 % en 2002. Notre objectif est de le porter en 2005 à 78 %, grâce, notamment, à l'élargissement des zones de remplacement et à l'amélioration des affectations. Je proposerai également, dans le cadre du projet de loi d'orientation, conformément aux propositions de la commission Thélot, d'aller encore plus loin : les remplacements de courte durée devraient pouvoir être directement assurés dans les établissements.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. La demande de formation, quant à elle, évolue, ce qui a pour conséquence inévitable de modifier progressivement les besoins en enseignants de différentes disciplines. Certaines d'entre elles se retrouvent en sureffectif. Notre objectif est de mobiliser ces enseignants, notamment en les faisant intervenir dans des disciplines connexes aux leurs, ou dans d'autres catégories d'établissements : 50 % des enseignants actuellement en sureffectif sont d'ores et déjà concernés par une de ces deux mesures à la rentrée 2004 ; notre objectif est que 100 % des enseignants en sureffectif soient concernés, à la rentrée 2005, par l'une ou l'autre de ces mesures.

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Elles nous permettent, sans dégradation de la qualité de l'enseignement, de réduire de 2 100 le nombre des contractuels au budget 2005.

De plus, 600 postes sont supprimés dans les services administratifs : un départ sur deux à la retraite se voit ainsi remplacé.

Mme Martine David. Quelle casse !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. J'insisterai sur une innovation majeure du projet de budget. Jusqu'alors, l'annonce du nombre de postes aux concours s'effectuait au tout dernier moment, c'est-à-dire au début de l'année. Il en résultait pour les étudiants, chacun le sait, un manque total de visibilité, dont ils se plaignaient à juste titre. Le Gouvernement a décidé d'annoncer cette année le nombre de postes dès la présentation du budget. Ainsi, les étudiants ont eu connaissance de l'évolution du nombre de postes et de leur répartition par disciplines dès l'ouverture des inscriptions. De plus, afin de tenir compte des perspectives d'augmentation des départs à la retraite, comme je m'y étais engagé, le nombre de postes offerts progresse de manière significative : au total, 1 000 postes supplémentaires sont ouverts aux concours.


La question des effectifs est donc traitée avec pragmatisme. Nous tenons compte de la démographie, nous réalisons des efforts significatifs mais raisonnables pour être efficaces, et nous préparons l'avenir.

Dans les cas où les choix sont rigoureux, ils s'accompagnent de contreparties pour les personnels concernés. J'y ai été attentif à travers les crédits consacrés aux mesures catégorielles. C'est ainsi qu'une provision de 34 millions d'euros en année pleine a été constituée pour renforcer l'attractivité du métier d'enseignant. Les contours de cette mesure ne sont pas encore précisément définis parce que j'entends la soumettre au dialogue social avant de l'arrêter dans les prochains mois. Par ailleurs, 32 millions sont inscrits au profit des personnels non enseignants, notamment des personnels administratifs, dans les services déconcentrés du ministère. Ces personnels perçoivent en effet des primes dont le niveau est très inférieur à celui des autres administrations. Il faut engager un rattrapage progressif, qui répond à une exigence d'équité.

Les efforts ainsi consentis par le Gouvernement, dans une période où la rigueur s'impose à tous, sont significatifs, mais ils sont pleinement justifiés parce que la nation demande beaucoup à son école, et donc aux personnels de ce ministère, qui accomplissent avec un grand dévouement leur mission fondamentale dans des conditions souvent très difficiles.

Ce budget, vous le voyez, n'est inspiré par aucune idéologie et aucun dogmatisme. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il est pragmatique et équilibré. En tout cas, il ne mérite pas les critiques convenues, intemporelles et le plus souvent injustifiées exprimées par l'opposition, comme en témoigne d'ailleurs le déroulement de la rentrée de 2004, qualifiée quelques jours avant par un ancien ministre de l'éducation nationale que chacun reconnaîtra de pire rentrée depuis la Libération.

M. Christian Vanneste. Grotesque !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. J'ai relevé de nombreuses erreurs dans les interventions des orateurs de l'opposition, pour ne pas utiliser un autre vocable pourtant utilisé par le représentant du parti socialiste, et je voudrais en rectifier quelques-unes.

L'examen médical des élèves de cinquième est prévu par la loi et son financement est assuré dans le PLFSS au titre de la branche maladie.

Les surveillants sont remplacés nombre pour nombre par les assistants d'éducation,...

M. Yves Durand. Non !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...il n'y a aucune discussion possible sur ce sujet. Quant aux emplois-jeunes, ne m'obligez pas à revenir sur la grave erreur que vous avez commise en créant une catégorie d'emplois dont chacun savait qu'ils ne pouvaient pas être pérennisés...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tout à fait !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...et en provoquant des désordres que notre pays mettra longtemps à corriger. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Durand. Les postes d'assistants d'éducation ne sont pas pourvus !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les classes à projet d'action culturelle ne sont pas supprimées,...

M. Yves Durand. Elles n'existent plus !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...elles sont au contraire encouragées, notamment dans les écoles primaires et les lycées professionnels.

M. Yves Durand. Allez voir sur le terrain !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il n'y a aucune menace, au contraire, sur la maternelle, dont nous cherchons, et c'est d'ailleurs une proposition du rapport Thélot, à renforcer la mission.

M. Yves Durand. Allez voir dans les communes, monsieur le ministre !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous n'avons pas voulu systématiser l'accueil des enfants de deux ans à l'école maternelle (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), ...

Mme Martine David. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...nous plaçant simplement dans la continuité de la politique conduite depuis dix ans. Si vous aviez estimé nécessaire de scolariser les enfants à deux ans à l'école maternelle, ce que je ne crois pas, vous l'auriez fait. Vous ne l'avez pas fait parce que vous savez bien que cela aurait été une erreur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

La programmation pluriannuelle des concours a effectivement été prévue par la loi d'orientation de 1989, mais elle a été respectée une seule fois depuis.

M. Yves Durand. Vous, vous la supprimez !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Quant aux effectifs de l'enseignement professionnel, madame David, aucune décision n'est prise sur la répartition des emplois en 2005, et vous le savez bien. Le nombre de professeurs en lycée professionnel est déterminé, comme d'ailleurs dans les collèges et les lycées généraux, en fonction du nombre d'élèves et de la situation sociale des familles.

On ne supprime aucun poste de surveillant, je l'ai déjà dit. À chaque fois qu'un surveillant termine son contrat, il est automatiquement remplacé par un assistant d'éducation.

M. Yves Durand. Ce n'est pas vrai sur le terrain !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est la réalité,...

M. Yves Durand. Les postes ne sont pas pourvus !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...et je vous mets au défi de prouver ce que vous affirmez simplement pour de petits gains électoraux, ce qui ne vous honore pas. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Durand. Ce n'est pas vrai, c'est scandaleux !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. L'enseignement en lycée professionnel doit être développé, madame David. Il n'y a pas concurrence entre l'apprentissage et l'enseignement professionnel. Notre objectif est de faire réussir les élèves, par toutes les voies les plus appropriées. Les lycées professionnels publics accueillent d'ailleurs et accueilleront de plus en plus des centres d'apprentissage ou des sections d'apprentissage, et cela se passe très bien. Je vous donne rendez-vous, en espérant que vous serez présente, pour le débat d'orientation sur l'école, car, au lieu de faire un procès d'intention au Gouvernement, vous pourrez alors constater que la valorisation des filières professionnelles constitue bien l'un des points forts de la politique que nous voulons conduire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme Martine David. Allez dans les lycées professionnels !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Voilà quelques exemples de ces affirmations fausses...

Mme Martine David. Venez sur le terrain !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...émanant d'hommes et de femmes qui connaissent parfaitement l'éducation nationale et qui savent donc parfaitement que ce qu'ils avancent n'est pas exact. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Durand. C'est injurieux !

Mme Martine David. Et méprisant ! De toute façon, il n'y a que lui qui a raison !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. À vous entendre, monsieur Durand, on croirait que le parti socialiste veut supprimer totalement le redoublement pour faire 4 milliards d'économie. On peut se demander qui a ici une approche comptable de l'éducation !

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le problème du redoublement, c'est d'abord un problème pédagogique.

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. Exactement !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. La vraie question n'est pas de savoir comment on se débarrasse au plus vite et au moindre coût des élèves en difficulté, c'est de savoir comment les faire réussir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme Martine David. Quelle caricature !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le redoublement, sous la responsabilité des enseignants, c'est l'un des instruments, pas le seul naturellement, dont l'éventualité ultime doit pouvoir exister pour stimuler la motivation de certains élèves mais aussi pour conforter l'autorité de l'enseignant.

Mme Martine David. Traiter de sujets aussi importants de cette façon, c'est scandaleux !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je regrette l'attitude de l'opposition,...

Mme Martine David. Et nous celle du ministre !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...et j'espère qu'elle ne présage pas celle qu'elle aura dans le débat sur la loi d'orientation. L'école n'est ni de droite ni de gauche (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), elle n'appartient à personne ou, plutôt, elle appartient à la nation...

M. Jacques Remiller. C'est Jaurès qui l'a dit !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...et je me demande si vous allez, par votre attitude, vous priver de peser, grâce à vos propositions, sur son évolution.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ils n'ont pas de propositions !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Plusieurs parlementaires de la majorité ont évoqué une question difficile : les discussions en cours avec les organisations syndicales représentant les maîtres du privé.

La négociation avec les partenaires sociaux sur la question des retraites et, d'une manière plus générale, du statut doit être conclue ce soir par une signature de l'ensemble des organisations syndicales.

M. François Rochebloine. Merveilleux !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous en avions déjà 90 %, je pense que nous aurons ce soir la totalité des organisations syndicales représentatives des maîtres du privé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Comme vous le savez, un article du PLFSS déjà voté prévoit le financement de cette réforme, s'agissant de la retraite. Reste maintenant à trouver les moyens d'insérer le texte législatif dans l'ordre du jour de l'Assemblée. Le Gouvernement souhaite que ce soit le plus tôt possible...

M. François Rochebloine. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...et, si ça pouvait être ce mois-ci, ce serait la meilleure des solutions. (« Très bien ! » sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je vous remercie, monsieur Remiller, pour les propositions intéressantes que vous avez faites à la fois sur les études et sur l'internat. Elles seront reprises dans la loi d'orientation. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je vous remercie enfin, monsieur Estrosi, pour vos propositions et votre engagement personnel, à la fois dans votre département et au plan national, pour l'école.

Ce budget est pragmatique et équilibré, je l'ai dit, mais c'est naturellement un budget de transition puisque nous sommes à la veille d'une grande loi sur l'école. En ce moment même, vous le savez, je conduis avec les organisations syndicales et tous les représentants de notre système éducatif une très large concertation.

M. Jacques Remiller. C'est ennuyeux, on ne peut pas parler du MEDEF !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le projet sera soumis au conseil supérieur de l'éducation le 16 décembre, et il sera adopté en conseil des ministres à la fin du mois de décembre ou au tout début du mois de janvier avant d'être débattu par votre assemblée dans les premiers mois de 2005. Je veux que la réforme entre en vigueur à la rentrée 2006.

Le budget qui vous est soumis aujourd'hui est donc le dernier avant cette réforme. Bien entendu, il ne préjuge nullement de ses conclusions, qui seront les vôtres, mais il réaffirme la place de l'éducation nationale au cœur des choix et des priorités de ce gouvernement, comme le fera à nouveau la loi sur l'école, parce que c'est la condition incontournable pour permettre à notre pays de bâtir son avenir sur des fondements solides. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme Martine David. Et ça, ce n'est pas intemporel ?

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis. Non, c'est la réalité !

M. le président. Nous en arrivons aux questions.

Nous commençons par une question du groupe UDF.

La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Pour la rentrée 2005, monsieur le ministre, on nous annonce la création de 1000 postes d'enseignant supplémentaires pour le premier degré, ce qui constitue en soi une bonne nouvelle, quand on sait que, chaque année, la préparation de la rentrée scolaire donne lieu à son lot d'arbitrages fort discutés dans les départements, la traduction sur le terrain étant des fermetures de classes ou d'écoles.

Il est vrai que l'évolution du nombre d'élèves scolarisés constitue un indicateur objectif, même s'il ne doit pas être le seul. En effet, la prise en compte des réalités locales, en particulier les perspectives liées à la démographie des communes et les mouvements de populations, peut être déterminante pour des maintiens de postes.

De même, la nécessité de lutter contre les classes surchargées ou la volonté de mieux répondre aux exigences de la politique en faveur de l'intégration scolaire des élèves handicapés sont autant d'objectifs qualitatifs, pédagogiques, qui doivent conduire à relativiser les statistiques avec leurs ratios sur le taux d'encadrement pédagogique des élèves.

L'allégement des classes tel qu'il est observé depuis une décennie me semble devoir être inscrit à l'actif des politiques menées par les gouvernements successifs.

Élu d'un département affecté par la baisse démographique et confronté à un contexte social difficile, je crois être bien placé pour mesurer les conséquences négatives des retraits de postes en termes de potentiel d'enseignement sur des territoires ruraux ou en zones urbaines.

L'idée n'est pas d'obtenir un taux d'encadrement pédagogique trop faible, ce qui n'aurait pas de sens, mais plutôt d'améliorer les conditions d'enseignement, ce qui, incontestablement, peut permettre de lutter efficacement contre l'échec scolaire des enfants issus de milieux défavorisés.

Chacun sait que tous les enfants n'ont pas les mêmes aptitudes ou les mêmes capacités, et c'est aussi à ce niveau que l'on pourra mesurer l'efficacité du système éducatif.

Aussi, monsieur le ministre, face à cette exigence de maintien de l'égalité des chances, et si je n'ignore pas l'existence d'importantes lourdeurs et rigidités de notre système, je ne puis que vous inciter à conduire une gestion mesurée et prudente de l'encadrement pédagogique.

Je vous remercie en conséquence de me préciser vos orientations sur ce point particulier.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. J'ai déjà expliqué, monsieur Rochebloine, qu'on ne pouvait pas comparer les évolutions d'effectifs dans le premier et dans le second degré. Les taux d'encadrement ne sont pas les mêmes, un enseignant pour vingt-deux élèves dans le premier degré, un pour treize dans le second, toutes choses égales par ailleurs, ce qui signifie que la démographie a un impact presque deux fois plus élevé sur les effectifs enseignants dans le second degré.

Pour le premier degré, sur lequel vous avez particulièrement insisté, on ne peut pas considérer seulement l'année 2005 sans prendre en compte les évolutions passées. À la rentrée 2003, nous avions prévu 34 000 élèves supplémentaires, nous en avons accueilli 10 000. À la rentrée 2004, on attendait 53 000 élèves, nous en comptabilisons en réalité 27 000. Si on prend un passé plus lointain, l'enseignement primaire a perdu environ 200 000 élèves entre 1996 et 2002 alors que le nombre d'enseignants, lui, a progressé.


Il peut y avoir, d'un département à l'autre, des différences que nous devons nous efforcer de corriger. De même, je considère - et c'est un des problèmes que nous aurons à examiner dans le cadre de la loi d'orientation - que notre capacité de réaction face aux évolutions démographiques, en particulier dans les secteurs en difficulté, n'est pas suffisante.

M. François Rochebloine. Absolument !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Aujourd'hui, dans les établissements situés en zone d'éducation prioritaire -j'en ai visité un hier-, les effectifs augmentent et le taux d'encadrement chute, alors que dans l'ensemble de l'enseignement secondaire, les effectifs baissent et le taux d'encadrement est maintenu.

M. François Rochebloine. C'est vrai !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Modifier cette situation oblige à des mouvements géographiques, qui ne sont pas forcément souhaités par les enseignants, et cela contraint l'administration à réagir de manière plus rapide. Mais nous devons améliorer nos capacités. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en venons au groupe socialiste.

La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Ma question porte sur la situation de l'enseignement à Paris après la publication du rapport d'évaluation de l'inspection générale.

Tout d'abord, je vous remercie, monsieur le ministre, de m'avoir adressé ce rapport. Je remercie également la personne qui l'a transmis aux journalistes, alors qu'il ne semblait pas initialement destiné à être rendu public. Mais c'est une bonne chose qu'il le soit et qu'un débat puisse s'engager sur l'enseignement à Paris.

Ce rapport est inquiétant car, en dépit de moyens importants accordés par l'État, mais aussi par la ville, le système d'enseignement obtient des résultats médiocres. Il profite d'abord à ceux qui ont déjà des capacités pour réussir, donc à l'élite, et il marginalise ou exclut les plus défavorisés.

J'ai lu ce rapport avec beaucoup d'intérêt parce qu'il pointe très précisément les dysfonctionnements. Je souhaiterais que des suites très précises lui soient données et j'adresserai également cette demande au maire de Paris, puisque la ville a aussi sa part de responsabilité. Je connais l'académie de Paris depuis assez longtemps. Je sais que c'est une académie difficile et ma crainte est que ce rapport soit enterré, alors qu'il faut absolument y donner suite. C'est essentiellement une question de volonté politique.

Vous dites parfois que les problèmes de l'école ne sont pas seulement des problèmes de moyens. Avec ce rapport, le rectorat a l'occasion de démontrer, à travers certaines réformes, qu'il est possible d'améliorer sensiblement le système de l'éducation, en particulier à Paris.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je vous remercie, monsieur Caresche de poser cette question qui est importante pour l'académie de Paris, mais qui est aussi significative de certains échecs de notre système éducatif.

S'agissant du rapport, il était naturel qu'il soit rendu public. L'académie de Paris n'a pas à être traitée différemment des autres académies qui font l'objet des mêmes procédures d'évaluation.

Le rapport fait en effet apparaître bon nombre de dysfonctionnements touchant notamment à l'enseignement primaire et à une offre de formation au collège qui porte atteinte au principe d'équité sociale.

Trois niveaux de réponses sont possibles. Il y a d'abord ce que le recteur peut faire tout de suite. Je lui ai demandé de prendre toutes les mesures relevant de sa compétence pour mettre fin à cette situation. Il m'a indiqué que des instructions avaient été données pour que les personnels d'inspection s'impliquent de manière beaucoup plus efficace dans les actions de pilotage et d'animation dans les écoles maternelles et primaires.

Dans un second temps, j'envisage de proposer une offre de formation plus attractive et plus diversifiée dans les collèges des secteurs les plus défavorisés, pour pallier les difficultés liées aux différences sociales.

Quant à la troisième réponse, il faudra l'inscrire dans la loi d'orientation. Nous voyons bien à travers l'exemple de l'académie de Paris, mais qui peut se retrouver dans d'autres académies, que derrière les grands discours appuyés sur des principes généreux, se cachent des injustices de plus en plus criantes.

Il faut réformer notre système, non pas seulement en référence aux principes, mais aussi en référence à la réalité sur le terrain.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur la situation des étudiants en sciences et techniques des activités physiques et sportives - STAPS.

L'an dernier, le nombre de postes au CAPEPS a subi une baisse de plus de 40 % avec seulement 780 places. Cette réduction drastique, opérée à la veille du concours, a fait du CAPEPS le plus touché parmi tous les CAPES ; elle a fait descendre dans la rue de nombreux manifestants, vous vous en souvenez.

On constate cette année une infime hausse du nombre de postes, avec la mise au concours de 800 postes. Après la sévère chute des postes ouverts en 2004, ce nombre reste très largement insuffisant pour répondre aux besoins.

L'an dernier, le ministère avait déclaré, pour justifier la baisse soudaine du nombre de postes ouverts au concours, qu'il y avait 1 000 enseignants d'éducation physique et sportive « excédentaires » sur le territoire national. Ce chiffre est paradoxal, alors même qu'on manque de professeurs pour assurer les remplacements. Le taux de remplacement s'élève en effet dans cette discipline à 8 %, voire seulement à 3 % dans certaines académies. Cette année, tous les enseignants d'EPS seront devant des élèves ou en situation de remplacement et il en manquera même au cours de l'année.

La mise au concours de 800 postes en 2005 ne couvrira pas les départs à la retraite, qui sont en augmentation. Pour couvrir les besoins actuels de l'EPS et des formations STAPS, ce sont, selon l'évaluation du SNEP, 1 500 postes qui seraient nécessaires. Nous sommes loin, très loin du compte. Certes, avec le décret du 30 août dernier, des progrès ont été réalisés vers la reconnaissance de la qualification universitaire des STAPS, leur permettant d'être rémunérés par le secteur sportif. Mais il faut aller plus loin.

Les moyens ne sont toujours pas au rendez-vous. Rien n'a été fait pour améliorer les conditions d'études : les étudiants STAPS manquent d'installations sportives adéquates. D'autre part, l'encadrement est insuffisant : il est deux fois moindre que dans les disciplines scientifiques.

Monsieur le ministre, quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour améliorer la situation des STAPS ? Le nombre de postes ouverts au concours est insuffisant, et il faut le revoir à la hausse. Pouvez-vous nous certifier que vous ne réduirez pas cette année, par surprise, quelques semaines avant le concours, le nombre de postes ouverts au CAPEPS, comme votre prédécesseur l'a fait l'an dernier ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, l'exemple des STAPS est un bon exemple des erreurs de pilotage qui ont été commises dans le passé, et cela depuis longtemps - je ne vise pas une seule partie de l'hémicycle - quant aux prévisions en matière de besoin d'enseignants.

Le niveau des recrutements opérés en 2002 et 2003 s'est révélé très supérieur aux besoins résultant des départs à la retraite et de l'évolution des effectifs des élèves. Contrairement à ce que vous indiquez, il ne manquait aucun professeur de STAPS à la rentrée 2004. Au contraire, nous avons un surnombre estimé à 500 professeurs d'EPS.

La baisse importante des recrutements en 2004 ne permet pas de résorber la totalité des surnombres à la rentrée 2005, mais amorce la décrue. Pour 2005, contrairement à ce qui s'est passé aux cours des années précédentes, et même auparavant, les chiffres sont maintenant fixés, et il s'agit bien d'un engagement pris par le Gouvernement. Le niveau est donc à nouveau de 800 postes.

En maintenant en 2004 et en 2005 le niveau des concours en EPS à 800, les surnombres constatés en 2004 seront résorbés en deux rentrées scolaires, 2005 et 2006. Cela permettra vraisemblablement d'augmenter le niveau des concours en 2006 pour répondre aux besoins.

Cette politique de lissage des recrutements est nécessaire. Il n'est pas possible de procéder par à-coups, ce qui serait dommageable pour les étudiants. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité lisser sur deux ans, mais en revanche il faut que le ministère, qui est l'employeur, pilote cette politique de recrutement en fonction des besoins prévisibles.

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis et M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Martine David.

Mme Martine David. Monsieur le ministre, alors que vous avez réduit de façon sensible l'encadrement dans les établissements scolaires, - je ne reviendrai pas sur les chiffres que vous contestez, mais qui sont néanmoins réels - nous assistons à une montée très inquiétante des faits de violence dans les établissements scolaires.

Non seulement cette situation est inacceptable au plan humain, pour les élèves comme pour les personnels, mais elle provoque une dégradation des conditions d'enseignement et un creusement des inégalités dans la mesure où les enfants les plus fragiles en sont particulièrement victimes.

Vous avez récemment indiqué, en réponse à une de nos questions d'actualité, que la situation n'était pas pire que le constat fait il y a quelques années. Sans m'arrêter sur la véracité des chiffres que vous avez utilisés, je pense que cette réponse n'est pas très convaincante et que votre état d'esprit s'apparente davantage à de la résignation qu'à une réelle volonté politique de traitement de ce contexte très préoccupant.

M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas une question !

Mme Martine David. Par ailleurs, dans cette même réponse, vous opposez à notre demande d'accroître l'encadrement, votre volonté de restaurer l'autorité des enseignants.

M. Guy Geoffroy. Il serait temps !

Mme Martine David. Pourquoi opposer ces deux mesures nécessaires ?

Pour ce qui concerne la pertinence de votre proposition, les résultats ne se feront sentir que sur le moyen terme. En attendant, qu'envisagez-vous réellement sinon - et je ne l'espère pas - d'étendre le recours plus que contestable à des vigiles privés ?

La mission de réduction des inégalités territoriales et sociales, qui incombe aussi à l'école, risque d'être durablement remise en cause.

Je souhaiterais donc savoir de quelle façon les autorités académiques pourront assurer un accueil digne et efficace des élèves ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la députée, cette question me permet tout de suite de dire, puisque plusieurs d'entre vous ont évoqué ce point, que le recrutement de vigiles par un proviseur de lycée est une faute.

Mme Martine David. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le recteur a d'ailleurs demandé l'annulation de cette décision prise pour des raisons qui ne sont peut-être pas seulement liées aux difficultés rencontrées par ce chef d'établissement en matière de sécurité

Sur la question de la violence scolaire, je vous ai simplement répondu il y a quelques jours, que le chiffre pour 2003 - 2004 était strictement équivalent à celui de 2001 - 2002.

Mme Martine David. Ce n'est pas une réponse très convaincante !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je ne me satisfais pas de cette situation. Mais ces chiffres montrent que vous ne pouvez pas établir de corrélation entre la baisse du nombre des emplois jeunes et la montée de la violence, comme vous le faites et comme l'avait fait le député socialiste auteur de cette question d'actualité.

La question de la violence n'est pas seulement liée à celle de l'encadrement. Elle traduit aussi une situation de crise à l'intérieur de l'institution, qui appelle une mobilisation collective.

Cette mobilisation doit d'abord être celle, avec l'éducation nationale, de la justice et de la police. Il n'est pas normal que des actes de délinquance à l'intérieur des établissements scolaires, surtout lorsqu'ils sont graves, soient traités comme d'autres actes de délinquance dans la société française.

Pour que la pédagogie soit efficace, il faut que la sanction soit très rapide. Tel n'était pas le cas jusqu'ici, et nous avons donc signé une convention avec le ministère de la justice pour que celle-ci puisse travailler en temps réel.


En deuxième lieu, une coopération avec la police est aujourd'hui indispensable, en matière notamment de racket et de toxicomanie. J'ai signé avec le ministère de l'intérieur une convention qui avait été repoussée pendant des années pour des raisons idéologiques, consistant non à placer un policier en permanence dans chaque établissement, mais à faire en sorte que chaque établissement ait un correspondant policier ou gendarme.

M. Christian Estrosi. Très bien !

M. Yves Durand. Cela se pratiquait déjà !

M. Jean-Pierre Blazy. C'est déjà prévu dans le cadre des contrats locaux de sécurité !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cette mesure a un double avantage : elle permet au chef d'établissement de saisir immédiatement la police ou la gendarmerie lorsqu'il en a besoin, et à la police et à la gendarmerie de connaître les établissements et les problèmes de délinquance qu'ils rencontrent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Martine David. Ça existe déjà !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Par ailleurs, l'autorité des enseignants doit être renforcée. Ce n'est insulter personne que de dire que durant de nombreuses années on a affaibli cette autorité par toute une série de décisions, volontaires ou non. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Il suffit de parler avec des enseignants pour voir à quel point ils ont le sentiment de ne pas être respectés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ils se plaignent de n'être respectés ni par leur hiérarchie, ni par l'administration du ministère, ni par les parents d'élèves, ni par la société en général.

M. Jean-Pierre Blazy. Il est vrai qu'il y a un malaise !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous devons corriger cette situation et mieux soutenir les enseignants, notamment en leur donnant plus d'autonomie dans la gestion de leur classe, en particulier en matière de discipline.

Mme Martine David. Ça ne produira pas de résultats immédiatement !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Un cadre légal général est, certes, nécessaire, ainsi que des instances d'appel pour éviter de possibles débordements, mais il faut laisser aux enseignants un peu de liberté, car aucune classe ni aucun établissement ne ressemble aux autres. Les innombrables interdictions formulées par la circulaire de 2000 quant aux mesures disciplinaires me semblent avoir contribué, entre autres facteurs, à diminuer l'autorité des enseignants.

M. Guy Geoffroy. C'était une horreur !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Pour ce qui est des moyens, je le répète, les maîtres d'internat et surveillants extérieurs arrivant en fin de contrat sont remplacés à l'unité près par des assistants d'éducation. Ceux-ci, qui étaient 33 000 à la rentrée 2004, seront 42 800 à la rentrée 2005. On peut, certes, toujours faire mieux, mais on ne dira jamais à quel point l'épisode des emplois-jeunes a déstabilisé le système scolaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David. Votre position est purement idéologique !

M. Guy Geoffroy. Personne ne voulait des emplois-jeunes qui n'étaient qu'un leurrre !

M. Yves Durand. Personne ne voudra être assistant d'éducation !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy pour une dernière question du groupe socialiste.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le ministre, il est excessif et injuste de dire que les emplois jeunes ont déstabilisé le système. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je souhaite maintenant attirer votre attention sur la situation délicate des missions générales d'insertion de l'éducation nationale.

Ces missions, placées sous la responsabilité des recteurs, visent à permettre aux élèves qui arrivent à la fin de leur scolarité obligatoire en situation d'échec - ils ne sont que trop nombreux ! - de ne pas quitter le système scolaire en situation d'échec total. Leur rôle est donc sensible et indispensable.

Or, les personnels de ces missions - qui sont contractuels, et ne bénéficient donc pas du statut de titulaires de l'éducation nationale - se trouvent dans une situation de grande précarité. Dès 2005, en effet, disparaîtra la possibilité, que leur offrait depuis 2001 la loi Sapin, de passer des concours réservés au bout de trois ans d'exercice professionnel dans le statut de contractuel. Par ailleurs, du fait même de leur situation de contractuels, ces personnels sont menacés de non-renouvellement des contrats et de suppressions de postes. À cet égard, la situation est particulièrement menaçante, par exemple, dans l'académie de Versailles

De plus, la mission générale d'insertion de l'éducation nationale est affectée par des baisses de crédits qui expliquent la diminution des heures d'intervention des personnels. Chaque printemps, d'ailleurs, les responsables ignorent les moyens dont ils disposeront à la rentrée suivante. C'est un cas unique, qui rompt avec le droit commun de l'éducation nationale et dont pâtissent directement les jeunes en difficulté.

Alors qu'on réfléchit sur l'avenir de l'école et que vous préparez une loi d'orientation, au moment même où la cohésion sociale est érigée au rang de priorité nationale, il faut donner à la mission d'insertion les moyens de remplir sa fonction. Il est essentiel, de ce point de vue, que le ministère de l'éducation nationale n'abandonne pas ses prérogatives.

Quelles garanties pouvez-vous me donner, monsieur le ministre, de la survie et de la pérennisation de la mission générale d'insertion afin d'éviter que l'éducation nationale n'abandonne un peu plus encore sur le bord du chemin les jeunes en situation d'échec scolaire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, les missions générales d'insertion de l'éducation nationale accueillent chaque année environ 75 000 jeunes en situation de fragilité et leur apportent des solutions en termes d'insertion ou de poursuite de leurs études. Leur rôle est très important et efficace, et j'entends le conforter.

Il est vrai que plusieurs recteurs m'ont alerté cet été sur les difficultés budgétaires qu'ils rencontraient pour organiser le programme d'action à la rentrée 2004. Ces difficultés étaient doubles, car les missions sont financées à la fois par des crédits d'État et, à hauteur de 45 %, par des fonds du FSE dont le versement a posteriori complique la gestion. Pour remédier à ces problèmes, j'ai fait en sorte que les crédits de rémunération qui avaient été mis en réserve dans le cadre de la gestion générale du budget de l'État soient intégralement rétablis et que le remboursement des crédits FSE soit désormais effectué par anticipation. Ces décisions, modulées selon la situation propre à chaque académie, ont permis l'accueil et la prise en charge des jeunes à la rentrée. Je veillerai à ce que cette mission puisse être assurée dans les mêmes conditions en 2005.

M. Jean-Pierre Blazy. Quid des personnels ?

M. le président. Nous en arrivons aux questions du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

La parole est à Mme Béatrice Pavy.

Mme Béatrice Pavy. Monsieur le ministre, dans le budget que vous nous proposez, vous avez souhaité consolider le dispositif des assistants d'éducation par une montée en puissance qui permette d'atteindre un effectif de 42 800 assistants d'éducation à la rentrée 2005 au lieu des 33 000 prévus à la rentrée 2004, ce qui représente une création de plus de 9 000 postes, en remplacement des départs prévus des maîtres d'internat et surveillants d'externat.

Parallèlement, 800 postes supplémentaires d'auxiliaires de vie scolaire sont créés et budgétés à hauteur de 5,2 millions d'euros pour développer la scolarisation des élèves handicapés et favoriser leur insertion en milieu ordinaire. Toutefois, vous n'êtes pas sans connaître les difficultés que rencontrent les inspections académiques pour recruter ces auxiliaires de vie dans les territoires ruraux, compte tenu de la dispersion des élèves ayant besoin d'un accompagnement, de leur temps de scolarisation défini par la CDES et de l'éloignement des différentes écoles où sont censés intervenir ces auxiliaires de vie.

Envisagez-vous d'étendre le nombre des classes d'intégration scolaire - les CLIS - en zone rurale pour permettre à un plus grand nombre d'enfants handicapés d'accéder à l'école et pallier ainsi les difficultés de recrutement ?

Par ailleurs, je souhaiterais savoir si vous disposez d'indicateurs permettant de vérifier que les 800 postes d'auxiliaires de vie créés seront réellement dévolus à l'accompagnement des enfants handicapés ?

Enfin, je tiens à attirer votre attention sur les inégalités dont sont victimes les enfants handicapés scolarisés dans des établissements de l'enseignement privé sous contrat, qui sont exclus du dispositif des auxiliaires de vie.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la députée, la scolarisation des enfants handicapés est, vous le savez, une action prioritaire de mon ministère et du Gouvernement. Plus de 100 000 élèves handicapés sont aujourd'hui scolarisés dans les écoles, les collèges et les lycées. La progression est très forte dans le second degré, où près de 30 000 élèves sont scolarisés, ce qui représente une augmentation de 36 % des effectifs en un an. Cette dynamique s'est accompagnée d'un renforcement des aides humaines à apporter aux élèves les plus lourdement handicapés. C'est la raison pour laquelle, comme vous l'avez souligné, 800 postes d'auxiliaires de vie scolaire sont créés, fléchés de façon très précise dans le contingent des postes d'assistants d'éducation pour en garantir l'affectation effective auprès des élèves concernés en 2005.

J'ai, en outre, prévu de consolider le maillage des structures d'accueil offertes pour l'intégration scolaire collective. Le nombre des classes d'intégration scolaire dans le premier degré est passé de 3 700 à la rentrée 2002 à 4 000 à la rentrée 2004, tandis que nous réalisons dans le second degré la deuxième phase d'un plan de création de 1 000 unités pédagogiques d'intégration sur cinq ans.

Pour le département de la Sarthe, les chiffres ont évolué exactement en ce sens, le nombre des CLIS passant de 27 à 30 et celui des UPI de 6 à 8 en deux ans.

Enfin, les élèves de l'enseignement privé sous contrat peuvent bénéficier, à titre individuel, de l'aide d'un auxiliaire de vie scolaire au même titre que ceux de l'enseignement public. En outre, le forfait d'externat a été réévalué pour permettre aux établissements du second degré de l'enseignement privé sous contrat de recruter des auxiliaires de vie collectifs.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Juliana Rimane.

Mme Juliana Rimane. Monsieur le ministre, la création d'un Observatoire régional de l'éducation et de l'enseignement est prévue en Guyane afin de suivre et, surtout, d'identifier les besoins en moyens logistiques et humains.

En effet, la situation scolaire est particulièrement préoccupante dans ce département, en raison notamment de la forte croissance démographique et de l'important mouvement de populations étrangères en provenance des pays voisins. Ces variations annuelles de la démographie scolaire rendent particulièrement difficiles les prévisions. Ainsi, malgré l'ouverture de nouvelles classes chaque année, au prix d'un effort financier considérable de l'État et des collectivités territoriales, leur nombre se révèle toujours insuffisant. Plusieurs milliers d'enfants seraient encore non scolarisés.

Par ailleurs, le manque de places dans les lycées professionnels et les internats conduit les enfants, en particulier ceux des communes éloignées du littoral, à abandonner très tôt leurs études. L'inadaptation des méthodes pédagogiques, en dépit des efforts effectués, le multilinguisme et l'absence de structures d'accueil en dehors des cours sont autant de facteurs contribuant à maintenir le taux de l'échec scolaire à un niveau inacceptable.

Lors de sa visite en Guyane en décembre 2003, le ministre délégué à l'enseignement scolaire de l'époque avait annoncé la mise en place rapide de cet Observatoire régional. Or, à ce jour, aucune disposition permettant à cet organe de planification de voir véritablement le jour n'a été prise. (« Et voilà ! » sur les bancs du groupe socialiste.) En l'absence donc d'analyse prospective fiable, de définition de stratégie politique claire et de moyens budgétaires appropriés, la situation ne peut et ne pourra pas s'améliorer.

Monsieur le ministre, quand cet Observatoire régional de l'éducation et de l'enseignement sera-t-il enfin créé ? Quels moyens comptez-vous consacrer à la Guyane pour tenir compte de ses particularités d'ordre social, économique, culturel et ethnique ? Comment, enfin, entendez-vous aider financièrement les collectivités locales à faire face à leurs obligations en matière scolaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Martine David. Bonnes questions !

M. Jean-Pierre Blazy. Oui, très bonnes questions !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la députée, comme vous l'avez remarquablement exposé, la Guyane doit faire l'objet d'une grande attention de la part du Gouvernement, en particulier pour lutter contre les phénomènes que vous venez de décrire, qui se traduisent par le fait qu'un grand nombre d'enfants ne sont pas scolarisés.

Je vous confirme que l'Observatoire régional de l'éducation dont le ministre délégué à l'enseignement scolaire avait, en décembre 2003, promis la création, sera mis en œuvre. À la demande du recteur d'académie et en accord avec le préfet et le président du Conseil régional, il a été convenu de confier les travaux d'investigation de cet observatoire au Comité régional pour l'information économique et sociale récemment créé dans le département. Une lettre en ce sens a été adressée à la fin du mois d'août par le Gouvernement aux autorités concernées. Un premier objectif assigné à l'observatoire sera de recenser la population soumise à l'obligation scolaire dans la région, et le recteur d'académie s'est engagé à ce que les premiers chiffres soient disponibles dès le début de l'année 2005. À partir de ces chiffres, nous pourrons, avec vous et avec les autres élus de la Guyane, envisager les mesures nécessaires pour assurer la scolarisation de tous les enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Yves Coussain.

M. Yves Coussain. Monsieur le ministre, ma question rejoint dans une large mesure celle de Mme Pavy. Le Président de la République a fait de l'intégration des personnes handicapées une priorité de son quinquennat. C'est aussi un des objectifs du Gouvernement, comme l'atteste le projet de loi sur l'égalité des droits et des chances en cours d'examen au Parlement. Je souhaite donc vous interroger sur la scolarisation des enfants handicapés et leur intégration en milieu scolaire.


La loi relative aux assistants d'éducation a prévu que ceux-ci seront notamment chargés de remplir les fonctions d'auxiliaires de vie pour faciliter l'insertion des élèves handicapés. 

Toutefois, il semble que le recrutement de ces assistants d'éducation pose des problèmes.

M. Yves Durand. On n'arrête pas de le dire !

M. Yves Coussain. Ils sont embauchés par les chefs d'établissement. Or, l'établissement n'a pas toujours les moyens de procéder à leur recrutement.

M. Yves Durand. C'est pour ça que ce n'est pas un bon système !

M. Yves Coussain. Cette insuffisance de moyens est particulièrement vraie dans les établissements privés. C'est d'autant plus dommageable que le choix de l'établissement n'appartient pas aux parents, mais à la commission départementale d'éducation spéciale, qui statue en fonction des places disponibles.

Premièrement, quels moyens comptez-vous utiliser pour faciliter et accélérer le recrutement de ces assistants d'éducation dans tous les établissements, en particulier, bien sûr, dans les établissements privés qui disposent, eux, de moins de financement.

Deuxièmement, s'agissant de l'accueil des enfants handicapés au collège, quelles mesures avez-vous prises, et surtout comptez-vous prendre, pour faciliter leur insertion et leur donner les conditions de la meilleure scolarité possible ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, la loi du 30 avril 2003, à laquelle vous avez fait allusion, permet le recrutement, par les inspecteurs d'académie, directeurs des services départementaux, des auxiliaires de vie scolaire. Ceux-ci sont destinés à apporter une aide individuelle aux élèves de l'enseignement public et de l'enseignement privé sous contrat. Ce n'est pas le même système de recrutement que celui des assistants d'éducation qui, par ailleurs - je le dis à l'opposition -, se met en place de manière tout à fait satisfaisante et correspond très largement aux demandes et aux désirs des chefs d'établissement de pouvoir constituer, avec une certaine autonomie, leurs équipes de direction.

M. Yves Durand. Ce n'est pas ce qu'ils disent !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est ce qu'ils disent, et je le sais parce que, moi, je les rencontre. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

S'agissant des auxiliaires de vie scolaire collectifs, ils sont recrutés par les EPLE lorsqu'ils exercent dans l'enseignement public et, sous statut de droit privé, par les établissements privés sous contrat lorsqu'ils exercent dans l'enseignement privé. Pour les établissements privés sous contrat du second degré, cette charge est couverte par la subvention du forfait d'externat versée par l'État. Un examen attentif des besoins d'accompagnement des élèves handicapés des unités pédagogiques d'intégration a d'ailleurs conduit à revaloriser le taux de subvention applicable à ces élèves.

Monsieur le député, dans le département du Cantal, treize AVS avaient été créés en 2003, quinze le seront en 2004.

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Monsieur le ministre, mes chers collègues, le Conseil constitutionnel a, depuis longtemps, confirmé la validité du libre choix de l'enseignement dans notre pays, ce qui justifie l'aide de l'État à la partie du service public de l'enseignement confiée à des établissements privés sous contrat, dont l'existence est justifiée par la reconnaissance de leur caractère propre. Ce principe de libre choix des parents quant à l'éducation que doivent recevoir leurs enfants est d'ailleurs inscrit dans la Convention européenne des droits de l'homme. Encore faut-il que ce principe ne demeure pas formel et qu'il soit introduit dans la réalité budgétaire.

Or il semble que depuis la loi de finances votée en 1984 - vous savez, après certaines manifestations -, on ait voulu étrangler subrepticement ce qui n'avait pas pu être supprimé directement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jacques Desallangre. Hélas, ce n'est pas vrai !

M. Christian Vanneste. Depuis, il y a donc une règle. Elle est réellement appliquée et consiste à plafonner les créations d'emplois d'enseignants dans l'enseignement privé sous contrat : c'était 24 %, c'est devenu maintenant 20 %, soit un cinquième. On l'a rappelé à plusieurs reprises.

Chacun comprend que ce mécanisme ne répond pas à l'évolution éventuelle de la demande des parents d'élèves et qu'il conduit à alourdir les classes dans certains établissements - notre collègue Etienne Pinte l'a souligné tout à l'heure avec force. Cette règle est donc en contradiction avec la liberté du choix de l'école. Et je vous demande, monsieur le ministre, si vous estimez devoir la faire évoluer pour lui donner une certaine souplesse, notamment dans les secteurs où, vous le savez bien, l'enseignement privé est majoritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, vous avez raison de souligner que les dotations affectées annuellement à l'enseignement privé sont calculées en fonction des moyens attribués à l'enseignement public. Je tiens à vous indiquer qu'il n'y a pas eu de modification globale sur ce point. Initialement, c'était 24 % pour le secondaire et 15 % pour le primaire. À la demande de l'enseignement privé, le chiffre de 20 % pour l'ensemble a été retenu.

Je sais bien qu'il y a des interrogations sur la pertinence de cette méthode de calcul lorsque les effectifs divergent. Si cette méthode garantit une dotation annuelle aux établissements privés sous contrat, qui parfois a été plus avantageuse lorsque leur nombre d'élèves baissait, aujourd'hui, des difficultés apparaissent qui justifient une discussion. Celle-ci a d'ailleurs déjà été engagée avec l'enseignement privé.

Mais je tiens aussi à vous rappeler que plusieurs mesures importantes, visant à mieux assurer la parité, ont été récemment adoptées, notamment dans le cadre de la loi de décentralisation. Je citerai l'extension des compétences de l'intercommunalité au regard de l'enseignement privé, la possibilité ouverte aux communes de faire bénéficier les élèves des écoles privées des prestations de la caisse des écoles, le règlement de la prise en charge des élèves non résidents. En marge de ces mesures, le bénéfice du fonds social lycéen sera étendu aux lycées privés à compter du 1er janvier.

M. Christian Vanneste. Très bien !

M. Yves Durand. Les établissements privés n'ont pas à se plaindre, ils ne sont privés de rien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Enfin, plusieurs mesures de parité sociale que nous avons évoquées tout à l'heure sont en train d'être mises au point, dans le cadre notamment d'une proposition de loi dont j'ai indiqué que je souhaitais rapidement l'inscription à l'ordre du jour. («Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Remiller. Très bonne nouvelle, monsieur le ministre !

M. Jacques Desallangre. Vous pouvez dire merci !

M. le président. La parole est à M. Alain Ferry.

M. Alain Ferry. Monsieur le ministre, si, à mes yeux, les préconisations du rapport Thélot vont manifestement dans le bons sens, ce rapport se préoccupe peu du rôle que devrait tenir l'école pour, d'une part, permettre aux jeunes de trouver un emploi et, d'autre part, pour leur inculquer, en partenariat avec les parents, les règles basiques de la vie d'adulte.

C'est d'autant plus regrettable que la France a l'un des taux de chômage des jeunes les plus élevés d'Europe. De plus, on constate une hypertrophie des situations de surendettement, également chez les jeunes. Apprendre à gérer un budget, connaître les règles de la vie courante, les gestes d'hygiène et de sécurité élémentaires, le respect de notre environnement, les droits et devoirs d'un citoyen, c'est pourtant essentiel. Cela devrait faire partie intégrante du chemin vers la vie d'adulte. Comme le suggéraient le Conseil national de la jeunesse et le Conseil national de la vie des lycées, l'apprentissage des difficultés de la vie active est indispensable pour que les jeunes ne soient pas désorientés et déboussolés au moment où ils doivent prendre leur envol. C'est tout au long de leur scolarité que ce type d'enseignement devrait être prodigué.

Dans les faits, les écoles primaires prennent souvent la mesure de cette ambition. En revanche, cela disparaît quasiment à partir de la sixième. Seules les sections lycéennes spécialisées en économie familiale et sociale assurent ce type de fonctions.

Aussi, monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu'il faille tirer parti de ce débat pour intégrer dans la scolarité de nos enfants des cours de vie pratique afin qu'ils deviennent des adultes responsables ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, vous avez raison d'indiquer que nous avons des efforts à faire en matière d'orientation scolaire et d'éducation à la civilité.

S'agissant de l'orientation scolaire, nous avons déjà ouvert plusieurs pistes nouvelles qui viendront compléter les dispositifs existants. Je pense à l'alternance en classe de quatrième et, désormais, aux modules de découverte professionnelle qui vont être proposés progressivement dans tous les établissements en classe de troisième. Ces modules permettront aux élèves qui les choisiront de passer entre trois et six heures à découvrir les métiers et à préparer leur choix d'orientation. Il faudra que nous poursuivions cet effort dans la future loi d'orientation et que nous cherchions les moyens d'améliorer sensiblement la qualité du service rendu en matière d'orientation.

S'agissant de l'éducation à la civilité, j'insiste sur le fait qu'elle relève de la responsabilité de tous les enseignants, à travers toutes les matières enseignées. Vous savez qu'il y a des horaires particulièrement réservés pour cet enseignement : en gros, une demi-heure par semaine sur toute la scolarité, de la maternelle à la terminale. À l'école, la dominante est l'apprentissage du vivre ensemble, les règles de la vie collective ; au collège, dans le cadre des cours d'histoire-géographie et d'éducation physique, existe un enseignement spécifique, qui est d'ailleurs évalué à l'occasion de l'examen national du brevet ; enfin, au lycée, dans le cadre d'un enseignement appelé « éducation civique, juridique et sociale », il y a un effort de formation du citoyen qui, naturellement, doit bénéficier de moyens renforcés. Mais je répète que ces moyens doivent être pris en charge par l'ensemble de la communauté éducative. Il serait dommageable de rajouter des horaires spécifiques destinés à cet apprentissage, alors même que nous avons aujourd'hui à gérer une inflation des horaires, une augmentation du temps de travail des élèves,...

M. Guy Geoffroy. Très juste !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...ce qui n'est pas sans poser quelques problèmes, notamment par rapport aux décisions qui ont été prises pour le reste de la société.

M. Christian Vanneste. Très bien !

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe des député-e-s communistes et républicains.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Monsieur le ministre, l'enseignement général est une activité de l'État particulière qui détermine les niveaux d'éducation de la population et, par là même, prédétermine la situation économique sociale et politique de la nation.

Hélas ! avec l'arrivée de votre gouvernement, la régression aussi est arrivée. Alors qu'en 2002 le budget permettait de créer 10 000 emplois, vous avez sonné le glas de cette politique ambitieuse. Vous avez pourtant reconnu devant notre commission que le taux d'encadrement, sous le précédent gouvernement, s'était notablement amélioré. Et notre rapporteur d'en rajouter en annonçant que, si la tendance de 1996 avait été poursuivie, il y aurait aujourd'hui 35 000 postes de moins. Notre rapporteur avait oublié sans doute que, de 1993 à 1997, c'était la droite qui gouvernait. Ou alors était-ce l'aveu que l'enseignement n'est pas une priorité pour les gouvernements de droite ?

M. Jean-Pierre Blazy. Les deux !

M. Jacques Desallangre. On serait fondé à le croire si l'on examine la réalité de l'exécution des budgets 2003 et 2004. Les écarts sont tellement importants entre les prévisions et la réalisation que cela frôle la duperie. Monsieur le ministre, vos budgets ne sont pas sincères lorsque vous acceptez de les amputer de 10 milliards d'euros - ainsi en 2003, pour les dépenses ordinaires des titres III et IV -, auxquels s'ajoutent d'autres gels et d'autres annulations de crédits à hauteur de 230 millions d'euros. Bis repetita en 2004, avec 12 milliards de décalage et des centaines de millions d'euros de gels et d'annulations.

Cette année, bien sûr, les effectifs enseignants fondent : c'est un solde négatif de 4 460 emplois malgré la hausse globale du nombre d'élèves - plus 7 000.

Vous nous assurez que la France dépenserait pour l'éducation plus que les autres États. Nous avons entendu la gymnastique calculatrice intéressante du rapporteur spécial, mais c'est pourtant faux si l'on examine objectivement nos dépenses au regard de celles de l'ensemble des pays de l'OCDE.

Monsieur le ministre, avez-vous la possibilité de ne plus camoufler la dure réalité avec des manipulations comptables en cours de budget ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pouvez-vous ne plus utiliser des comparaisons internationales non efficientes ? Enfin, surtout, pouvez-vous continuer à ne pas recruter les enseignants dont nos enfants et notre pays ont besoin, au nom de la logique implacable que vous avez saluée dans l'intervention du rapporteur ? Et « implacable » est bien le mot.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Desallangre, je suis peiné par votre question, qui dénote, soit une très mauvaise connaissance du fonctionnement du budget de l'éducation nationale, soit une mauvaise intention. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) En effet, 10 milliards de crédits annulés en 2003 dans le budget de l'éducation nationale, ça se serait vu ! Et cela aurait conduit à licencier une bonne partie des personnels de ce ministère !

Non, la vérité, c'est que s'il y a un décalage dans les budgets, et je pense que c'est à cela que vous avez fait allusion, c'est entre le montant des crédits inscrits en loi de finances et celui des crédits disponibles pour la gestion, du fait du transfert du crédit des pensions, dès le début de la gestion, aux charges communes. Ainsi, en 2003, 11,6 milliards d'euros de crédits ont été transférés à ce titre ; ils ont donc bien été dépensés et non pas annulés. Si on neutralise ce transfert, la dépense pour 2003, monsieur Desallangre, a été supérieure de près de 800 millions d'euros au montant de la loi de finances initiale. C'est dû notamment au fait que 738 millions d'euros ont été transférés du budget de l'emploi à celui de l'éducation nationale, au titre de la rémunération des emplois- jeunes.

Quant aux références internationales, naturellement, lorsqu'elles vous arrangent, vous les utilisez, sinon, vous considérez qu'elles sont mauvaises. La vérité, c'est qu'au sein de l'OCDE, la dépense d'éducation de la France pour la formation initiale se situe bien au-dessus de la moyenne : 6 % du produit intérieur brut, contre 5,6 % en moyenne.


Lorsque des études internationales paraissent, qui montrent que notre système éducatif plafonne et que, si nous ne reculons certes pas, nous perdons du terrain par rapport à d'autres qui progressent, nous pouvons adopter deux attitudes. Le gouvernement allemand a pris le taureau par les cornes en disant qu'il fallait réagir. Nous, nous avons tendance à considérer que ces études sont mauvaises, que les critères qu'elles utilisent ne sont pas les bons, et que naturellement notre système ne peut pas être évalué par l'extérieur. Eh bien si, notre système peut être évalué. Il est important que nous nous comparions, ne serait-ce que parce que nous vivons dans un monde où cette comparaison est nécessaire. Et je suis au regret de dire que toutes les études montrent que par rapport à certains pays particulièrement dynamiques dans ce domaine, nous avons des progrès à faire.

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Ma question est relative à la situation des personnels précaires.

Les postes ouverts aux concours diminuent d'année en année et la situation des précaires de l'éducation nationale s'est encore dégradée. On assiste en effet depuis deux ans à la mise au chômage massive et brutale des personnels sous statut de contractuel.

De très nombreux contractuels employés en 2003 et 2004 ne seront pas ou peu réemployés cette année. Il s'agit là d'un phénomène sans précédent. Ni l'ancienneté, ni les admissibilités aux concours, ni les expériences réussies ne mettent ces personnels à l'abri du chômage.

Dans ce contexte budgétaire particulièrement difficile, 150 000 à 200 000 personnes sont victimes d'un véritable plan social à peine déguisé.

Pourtant, monsieur le ministre, vous avez annoncé que vous ne seriez pas le ministre de la précarité et vous prétendez proposer une gestion plus rationnelle de l'éducation nationale. Le mouvement social des enseignants précaires, organisé en collectifs et en comités intersyndicaux dans toute la France, m'autorise à dire que vous ne pourrez pas tenir ces engagements.

Et pour cause, la spirale de la précarité se développe inexorablement. Dans certaines académies, des modes de gestion inacceptables sont mis en place. Je veux en donner ici quelques exemples.

Sans aucun égard pour la continuité pédagogique, au lieu d'utiliser un contractuel pour couvrir un poste non pourvu, l'autorité académique fait parfois le choix de partager le service entre trois vacataires à l'année. Il s'agit là de véritables déclassements !

Pour les remplacements de longue durée, au lieu d'utiliser un vacataire pour dix-huit heures et courir le risque de devoir le contractualiser à la fin de ses 200 heures, on choisit également de partager le remplacement entre trois vacataires.

Le nouveau cadre réglementaire pour l'emploi des non-titulaires en cours d'élaboration, avec la création de sous-fonctionnaires en CDD et en CDI est loin d'atténuer les inquiétudes légitimes des personnels.

Aussi, monsieur le ministre, ma question est simple : allez-vous enfin titulariser, en créant des emplois statutaires programmés, ces milliers de précaires dont l'efficacité pour notre système éducatif n'est plus à démontrer ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, ce que nous avons entrepris, c'est effectivement la réduction considérable du recours aux personnels précaires, qui s'était beaucoup développé dans les années passées. C'est l'amélioration de la gestion qui permet de limiter le nombre de personnels sous statut précaire.

Les contractuels recrutés pour l'enseignement sont passés, grâce à une meilleure gestion prévisionnelle, de 22 500 en janvier 2003 à 19 500 en 2004, et devraient se limiter à 13 500 en 2005. La proportion des non-titulaires, pour la suppléance, est passée en trois rentrées, et du fait d'une organisation plus rationnelle du remplacement, de la moitié à un tiers - 3 100 pour l'année scolaire 2003-2004.

Il est proposé, je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, de supprimer 2 100 postes de maîtres-auxiliaires et de professeurs contractuels. Il s'agit de tirer les conséquences du fait que, d'une part, le statut de maître-auxiliaire n'est plus utilisé pour le recrutement, et que, d'autre part, un nombre significatif de maîtres-auxiliaires deviennent titulaires par concours : 1 500 en 2003, près de 1 000 en 2004.

Cette évolution s'accompagne d'un effort constant pour faire accéder les personnels précaires à des statuts de titulaire. Pour les enseignants, entre 2001 et 2004, 22 000 non-titulaires ont été titularisés après différents concours et examens. Pour les non-enseignants, entre 2001 et 2003, plus de 15 000 non-titulaires ont été titularisés dans les corps ATOS, tous concours confondus. L'effort, monsieur le député, sera poursuivi en 2004, puisque plus de 20 % des postes offerts au recrutement dans les corps ATOS sont destinés à la résorption de la précarité.

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Le problème de l'utilité des dépenses d'enseignement, c'est qu'elles ne satisfont pas les personnes dont les analyses restent à courte vue. Car l'enseignement, c'est l'investissement sur le long terme, c'est la préparation de l'avenir.

Monsieur le ministre, vous créez 1 000 emplois dans l'enseignement du premier degré, même si ce ne sont en fait que 700 emplois nouveaux puisque vous titularisez 300 enseignants déjà en poste.

Vous créez donc 700 emplois en raison de la hausse du nombre d'élèves - plus 51 000. Cela veut dire, si l'on applique les ratios d'encadrement que vous nous opposez lorsque l'on critique vos fermetures de classes, que vous ne créez qu'un poste d'enseignant pour soixante-douze élèves. Vous ne pouvez pas le contester, et cela va faire des classes chargées. Mais il est vrai que pour vous, les classes chargées, ce n'est pas incompatible avec la réussite des élèves.

En revanche, pour les suppressions de postes, vous avez la main plus lourde. Dans le second degré vous supprimez 3 400 emplois en raison d'une baisse de 44 000 élèves. Vous supprimez donc un poste pour treize élèves. Cela fait alors des classes bien allégées : je ne connais aucun enseignant qui ait la chance d'en animer une.

Mais le compte n'est pas complet. Il ne faut pas oublier la suppression de 2 100 maîtres-auxiliaires et professeurs contractuels du second degré. Ce sont donc en fait 5 500 postes d'enseignants qui manqueront à la rentrée 2005. Tous ces chiffres ne sont pas des abstractions, ce sont des réalités sur le terrain.

Les ratios mis en place pour justifier le rationnement correspondent à des centaines, des milliers de fermetures de classes, et parfois même, dans le monde rural, de fermetures d'écoles.

Combien de classes, combien d'écoles seront fermées en 2005, avec pour corollaires le recul de l'idéal républicain que vous saluez et celui de l'égalité des chances ?

L'État et votre ministère vont-ils continuer de se désengager progressivement des zones rurales, laissant à l'abandon des populations qui ont besoin de formations et de diplômes pour affronter la crise économique ?

En 2004, dans l'Aisne, ce sont quarante postes du premier degré qui furent supprimés, pour seulement 194 élèves en moins. Et dans le second degré, quarante-neuf emplois ont été supprimés, pour une baisse de 450 élèves. L'État économise dans l'Aisne quatre-vingt-dix postes pour 650 élèves, c'est-à-dire un poste pour sept élèves. Voilà, monsieur le ministre, quelles sont les applications directes sur le terrain de vos choix budgétaires.

Pouvez-vous nier ce constat ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je le nie avec la plus extrême vigueur, monsieur le député ! Et en particulier pour l'Aisne, qui offre une bonne illustration de l'inexactitude des chiffres qui sont véhiculés, je ne sais pas par qui, d'ailleurs. Parce que j'imagine qu'on doit vous les donner.

Mme Martine David. Quel mépris !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Dans le département de l'Aisne, ce sont 1 012 élèves dans le premier degré et 1 022 élèves dans le second degré qui n'étaient pas présents à la rentrée 2004. Ce n'est pas du mépris, madame David, c'est la réalité, ce sont les chiffres.

Mme Martine David. Vous contestez tout systématiquement !

M. Guy Geoffroy. M. le ministre donne les bons chiffres !

Mme Martine David. Bien sûr ! Il y a les bons chiffres d'un côté et les mauvais chiffres de l'autre !

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Vous savez bien pourquoi des chiffres différents circulent, madame David. Dans cette organisation, tout le monde joue avec les chiffres, depuis très longtemps, et vous le savez fort bien. C'est la raison pour laquelle nous n'arrivons pas à avoir des prévisions fiables, notamment pour le premier degré. Je vous ai dit qu'à la rentrée 2003, nous avons accueilli dans les établissements près de 25000 élèves de moins que prévu, et qu'il en fut de même en 2004. Voilà la réalité. C'est au regard de ces chiffres qu'il faut calculer ces ratios, et ce calcul fait apparaître que nous maintenons le taux d'encadrement.

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Ma question est relative au transfert des TOS.

La loi de décentralisation devrait s'appliquer dès le 1er janvier 2005. Si les transferts de personnels ne pourront pas être effectivement réalisés à cette date, le transfert des compétences, par contre, deviendra effectif.

En effet, à partir de cette date, les missions exercées par les TOS dans les établissements seront pilotées par les régions dans les lycées et par les conseils généraux dans les collèges.

Pour ce faire, les collectivités territoriales vont être contraintes de négocier avec l'État sur le transfert des personnels. Leur refus de négocier, redouté après la levée de boucliers de nombreux élus locaux, permettrait au préfet, par sa seule autorité, de décider de la nature et des conditions des transferts de personnel que la loi votée implique.

Concrètement, trois cadres d'emploi doivent être créés mais de nombreuses questions restent en suspens et je souhaiterais obtenir aujourd'hui quelques réponses.

Va-t-on maintenir, dans ces cadres d'emploi, la spécificité du temps de travail lié à l'année scolaire ou va-t-on laisser trancher les négociations locales ? Va-t-on assister à un éclatement des conditions de rémunération ? Et les TOS non titulaires auront-ils la certitude d'être réembauchés ?

Les collectivités prendront-elles un engagement solennel sur la préservation des missions de service public, notamment en évitant toute externalisation ou toute privatisation, en particulier des services de demi-pension dans les collèges et les lycées ?

Les TOS resteront-ils des personnels intégrés aux établissements scolaires et ne risquent-ils pas de se retrouver en situation d'être des personnels « rapportés » en raison de leur appartenance à la fonction publique territoriale ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. C'est un mauvais procès !

M. François Liberti. Eh oui, cela vous gêne ! Mais ce sont les questions que les personnels se posent !

M. Guy Geoffroy. Non, c'est un procès fabriqué ! C'est scandaleux !

M. François Liberti. À ces questions s'ajoute une inquiétude grandissante. En effet, depuis juin, aucun contact n'a été engagé par l'État, aucune information n'est donnée quant aux modalités précises du transfert et de son volant financier. Allez-vous prendre en compte, dans le cadre des transferts, le financement des équivalents temps plein des emplois non statutaires, en sachant que ceux-ci représentent parfois la moitié des TOS ?

Opposés à une décentralisation des personnels TOS, nous vous demandons de suspendre son application et d'engager sans tarder une discussion avec les départements et les régions sur cette importante question.

M. Jacques Desallangre. C'est la moindre des choses !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est vrai que la loi du 13 août prend effet au 1er janvier 2005, mais ce n'est pas vrai qu'à cette date, les collectivités territoriales seront contraintes de négocier avec l'État sur les transferts de personnels.

M. François Liberti. Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le recours à des conventions avec chacune des collectivités territoriales doit simplement permettre d'établir, aux niveaux régional et départemental, dans la plus grande transparence, la liste des services ou des parties de services qui seront, pour l'exercice de leurs missions, mis à disposition de la collectivité bénéficiaire du transfert de compétences et placés de fait sous son autorité.

Les agents exerçant dans ces services seront, quant à eux, ipso facto mis à disposition de la collectivité, ce qui garantit la continuité du service public.

Le préfet ne pourra pas décider, monsieur Liberti, de sa seule autorité, de la nature et des conditions du transfert. En effet, s'il n'y a pas de convention, la liste des services ou des parties de services mis à disposition sera établie par un arrêté conjoint du ministre chargé des collectivités territoriales et du ministre de l'éducation nationale, après avis motivé d'une commission nationale de conciliation, laquelle est placée auprès du ministre chargé des collectivités territoriales et comprend un nombre égal de représentants de l'État et de représentants de chaque catégorie de collectivités territoriales et de leurs groupements.

Les craintes exprimées sur le temps de travail ou sur la rémunération des personnels sont absolument sans fondement. C'est l'année scolaire qui continuera de rythmer la vie et l'organisation des établissements. Les rémunérations des agents territoriaux seront fixées par les collectivités dans le cadre d'un principe de parité avec les rémunérations des agents de l'État.

Quant à la situation des agents non titulaires TOS, il faut souligner que tous les contrats commencés iront jusqu'à leur terme.

M. François Liberti. Et après ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est l'employeur qui changera en cours de contrat, ce n'est pas l'employé.

Pour ce qui concerne les conditions de leur réemploi à l'expiration des contrats, les collectivités en examineront la faisabilité,...

M. François Liberti. Et voilà !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...dans les mêmes conditions que l'État à chaque rentrée scolaire. Je rappelle qu'à chaque rentrée scolaire, l'État recrute ou ne recrute pas des personnels non titulaires.

M. François Liberti. Voilà qui a le mérite d'être clair.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il n'appartient pas au ministre chargé de l'éducation nationale, pas plus qu'à une autre autorité de l'État, de demander aux collectivités territoriales de prendre un engagement solennel sur la préservation des missions de service public.

M. Yves Durand. Et voilà !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les collectivités territoriales ont depuis longtemps démontré que le principe de libre administration n'a jamais nui à la qualité et à l'efficacité du service.

Quant à l'inquiétude grandissante que vous évoquiez, elle n'est apparue à aucun des recteurs qui ont pris en charge la communication en direction des personnels ouvriers, mais aussi des chefs d'établissement et des responsables administratifs. C'est vrai qu'il y a une attente de clarification d'un dispositif dont les modalités sont complexes. Mais il y a aussi une réelle curiosité pour les nouvelles perspectives offertes aux personnels transférés et à l'encadrement des établissements d'enseignement. Il y a même une espérance forte que la décentralisation améliore la situation, tant du point de vue du service public que pour les personnels eux-mêmes.

M. François Liberti. La réponse du ministre a le mérite d'être très claire, et je l'en remercie !

M. le président. Nous en venons à la dernière question, celle de Mme Huguette Bello, députée non-inscrite.


M. le président.
La parole est à Huguette Bello, députée n'appartenant à aucun groupe.

Mme Huguette Bello. Monsieur le ministre, dans l'attente du prochain débat sur la loi d'orientation sur l'école, je souhaite aborder deux questions.

La première a trait à l'enseignement professionnel dans l'académie de la Réunion. Avec treize lycées professionnels accueillant 14 600 élèves, cet enseignement occupe une place importante dans le système éducatif réunionnais. Il concerne aujourd'hui plus de 40 % des élèves du second cycle, soit une proportion largement supérieure à la moyenne nationale. Comme les années précédentes, cette rentrée scolaire a été marquée, pour 1 500 élèves, par des difficultés d'affectation. Cette fois encore, on a dû recourir au redoublement, orienter les élèves vers des voies de formations privées et surtout augmenter les effectifs malgré les inconvénients inhérents aux classes surchargées, encore aggravés dans les sections professionnelles par le casse-tête de la répartition des postes de travail. Certaines filières, comme la bijouterie, l'hôtellerie ou la coiffure y sont particulièrement confrontées, puisque le nombre de demandes est deux à quatre fois supérieur à celui des places disponibles dans les lycées de l'île. À cet égard, il est apparu que le dispositif PAM - procédure d'affectation multivoeux - mis en place cette année à la Réunion présente des critères de sélection, notamment celui de l'âge, trop rigides, voire mécaniques dans un contexte où la demande des élèves est très forte. L'augmentation des effectifs s'explique non seulement par une démographie scolaire toujours dynamique, mais aussi par le fait que l'enseignement professionnel à la Réunion bénéficie d'une bonne image : loin d'être subi, il est le plus souvent l'objet d'un véritable choix de la part des parents et des élèves.

À la Réunion, nous l'avons compris, l'enjeu n'est pas de valoriser l'enseignement professionnel, mais plutôt de répondre à la demande sociale, ce qui suppose, d'une part, la construction d'établissements à cet effet et, d'autre part - ce qui est du ressort de l'État -, la création de postes d'enseignants.

Apporter une réponse à cette demande est d'autant plus indispensable que la qualité de l'enseignement dispensé dans ces établissements est reconnue et que l'apprentissage, de plus en plus encouragé par le biais de diverses mesures, n'est pas une voie adaptée au tissu économique de la Réunion où le potentiel de maîtres de stage reste très faible.

J'appelle également votre attention sur la situation des infirmières de l'éducation nationale qui se trouvent exclues du bénéfice des mesures de reprise d'ancienneté prévues par deux décrets publiés en juillet 2003. En effet, le décret qui fixe le nouveau statut des infirmiers de l'État accorde aux seules nouvelles recrues la reprise intégrale des services effectués avant leur recrutement. Dans le même temps, le décret relatif aux infirmiers de la fonction publique territoriale n'opère au contraire aucune distinction : les personnels déjà en poste bénéficient également de la reprise d'ancienneté. Des démarches avaient été entreprises auprès du ministre délégué à l'enseignement scolaire, qui s'était montré favorable à une harmonisation des dispositifs, d'autant que l'impact financier serait faible. Une réunion interministérielle avait même été annoncée, mais ces démarches n'ont pas abouti.

C'est la raison pour laquelle j'aimerais savoir si la position exprimée par M. Darcos est encore d'actualité et si les infirmiers d'État, déjà membres de ce corps, peuvent toujours comptabiliser leurs années de service effectuées antérieurement.

Pour conclure, je ferai une nouvelle fois état du déficit généralisé et notoire, de la maternelle à l'université, du nombre d'infirmiers scolaires dans l'académie de la Réunion : 121 postes pour quelque 300 000 jeunes en formation !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la députée, je salue avec vous la réussite de l'enseignement professionnel à la Réunion. J'aimerais qu'elle soit la règle sur l'ensemble du territoire national : les qualités de cet enseignement, notamment en matière d'insertion sur le marché du travail, justifient pleinement que cette voie soit recherchée.

Les chiffres que vous avez cités - 1 800 élèves sans affectation - datent de la rentrée. Aujourd'hui, la quasi-totalité de ces élèves a trouvé une solution dans les établissements publics de la Réunion.

Sur le plus long terme, puisque tel est le sens de votre question, je me tiens, avec mes services, à votre disposition pour étudier avec vous le développement de cet enseignement professionnel à la Réunion en tenant compte des aspirations des élèves et de leur famille, des besoins de l'économie locale et, naturellement, des possibilités de l'éducation nationale.

Quant aux infirmières de l'éducation nationale, elles relèvent du statut des infirmières de l'État et ne peuvent donc faire l'objet d'un traitement spécifique. Il est vrai que ce statut, depuis sa modification, intervenue en 2003, réserve la reprise intégrale des services effectués avant le recrutement aux seules infirmières recrutées depuis 2003. Mais les autres ont bénéficié de revalorisations substantielles, avec notamment la refonte de la grille indiciaire et l'amélioration du pyramidage du grade de débouché à hauteur de 5,7 millions d'euros sur trois ans. Je souhaite naturellement que ces efforts se poursuivent.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.

ÉDUCATION NATIONALE, ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET RECHERCHE

I.- Enseignement scolaire

M. le président. J'appelle les crédits inscrits à la ligne « Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche » :

Sur le titre III de l'état B, je suis saisi d'un amendement n° 62.

La parole est à M. Yves Durand, pour le soutenir.

M. Yves Durand. Avant de défendre cet amendement, je tiens à préciser que je suis en parfait accord avec l'une des dernières phrases du ministre dans sa réponse à nos interventions : l'école n'est ni de droite, ni de gauche, elle est à la nation. Néanmoins, on peut concevoir qu'il y ait une conception de droite et une conception de gauche de l'éducation et donc de l'école. Il est, en conséquence, parfaitement normal qu'elles se confrontent dans le débat démocratique. Toutefois, cela ne doit pas nous amener à considérer que l'autre n'est pas suffisamment intelligent pour comprendre ou cède systématiquement à la mauvaise foi. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le débat que nous aurons lors de l'examen du prochain projet de loi d'orientation devrait s'inspirer de ce sentiment que nous partageons tous, j'en suis persuadé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

J'en viens maintenant à l'amendement n° 62 qui vise à rétablir les crédits de 10 040 481 euros qui correspondent à la différence entre le budget de 2004 et le budget pour 2005. Le Gouvernement en a la possibilité. Je voudrais là aussi m'élever contre une idée fausse entendue tout au long de la matinée selon laquelle nous réduirions la nécessité de la réforme éducative aux seuls moyens. Nous n'avons jamais dit cela. Nous avons toujours estimé que notre école devait évoluer et qu'une immense réforme devait être entreprise, que nous avions d'ailleurs engagée en notre temps. Mais celle-ci ne pourra pas se faire sans des moyens supplémentaires. Si j'en crois la presse, vous avez d'ailleurs déclaré, hier, en visitant un collège - peut-être allez-vous le confirmer aujourd'hui, monsieur le ministre - que la mise en application de la loi d'orientation exigerait des moyens supplémentaires. Je suis d'accord avec vous ! Mais vous avez ajouté que cela se ferait par redéploiement. C'est un autre problème ! (Sourires.)

Nous demandons, par cet amendement, non de créer des moyens supplémentaires, mais de conserver ce qui existe dans ce budget que vous qualifiez vous-même de transition, monsieur le ministre.

M. Jean-Pierre Blazy. Très bien !

M. Yves Durand. Ces moyens permettront de maintenir environ 2 500 postes, notamment, en accord avec l'ensemble des recteurs, dans les zones d'éducation prioritaire où les problèmes d'échec scolaire sont patents. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. La commission n'a pas examiné cet amendement. Néanmoins, on peut considérer qu'en adoptant ce budget, elle l'a repoussé. Je précise à nos collègues que ce budget a été voté à l'unanimité, moins l'abstention d'un collègue socialiste.

M. Yves Durand. Non !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Vous vérifierez.

Notre collègue Durand craint qu'un message négatif soit adressé aux étudiants sur la diminution du nombre des recrutements, ce qui les dissuaderait de se diriger vers cette carrière.

M. Yves Durand. Il ne s'agit pas de cet amendement !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Or le nombre de postes mis aux concours augmente, cher collègue ! Il suffit de prendre connaissance du budget pour en convenir !

M. Yves Durand. Ce n'est pas le sujet !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Bien sûr que si !

Aux termes de l'exposé sommaire de votre amendement, diminuer les crédits serait envoyer un message négatif aux étudiants. Lisez l'exposé sommaire de votre amendement ! Mais peut-être ne l'avez-vous pas rédigé ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David. Quel mépris !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial.Vous dites qu'il ne faut pas diminuer les crédits, car ce serait envoyer un message négatif.

M. Yves Durand. Ce n'est pas ce que j'ai dit ! Répondez à ce que je vous ai dit !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Je réponds à l'exposé sommaire de l'amendement. Le nombre de postes mis au concours augmente par le seul fait que celui des départs à la retraite augmente. Il y aura donc, demain, plus de recrutements qu'hier. Tel est le message !

M. Yves Durand. Ce n'est pas ce que je vous ai demandé !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Tout cela me conduit à rejeter cet amendement.

M. Yves Durand. Ce n'est pas un message que l'on vous demande, ce sont des postes !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Avis défavorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix la réduction de crédits inscrite au titre III de l'état B.

(La réduction de crédits du titre III de l'état B est adoptée.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits inscrits au titre IV de l'état B.

(Les crédits du titre IV de l'état B sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre V de l'état C.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V de l'état C sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre VI de l'état C.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI de l'état C sont adoptés.)

Après l'article 73

M. le président. En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant un amendement n° 61 tendant à insérer un article additionnel après l'article 73.

La parole est à M. Yves Durand, pour le soutenir.

M. Yves Durand. Cet amendement n'a pas d'impact financier. Vous y serez donc d'autant plus attentif, monsieur le rapporteur spécial ! Il tend à demander au Gouvernement de transmettre au Parlement, avant le 30 juin 2005, un rapport sur la nécessité de mettre en place un plan de pré-recrutement à destination des étudiants de première année de DEUG. Les études de l'OCDE prévoient - et c'est vrai pour tous les pays européens - que nous devrons faire face à un déficit d'enseignants en 2007, 2008 et 2009.


Il faut donc dès maintenant chercher à attirer vers les carrières de l'enseignement des jeunes qui s'engagent dans les études universitaires, d'autant plus que la France commence à manquer d'étudiants - je n'y reviens pas, je me suis exprimé sur le sujet tout à l'heure.

Il s'agit donc de recréer - car un système de ce type a déjà existé par le passé, celui des IPES,...

M. Jean-Pierre Blazy. Eh oui !

M. Yves Durand. ...par lequel certains d'entre nous sont peut-être passés - un dispositif permettant à la fois à de jeunes étudiants de milieux très défavorisés de poursuivre des études...

M. Jean-Pierre Blazy. Absolument !

M. Yves Durand. ...et au corps enseignant de refléter l'image de la nation, d'être représentatif de toutes les classes sociales, y compris celles dont sont issus leurs propres élèves, ce qui, sur le plan pédagogique, présente un avantage considérable.

Pour toutes ces raisons, à la fois économiques, sociales et de mixité sociale, nous demandons au Gouvernement de prendre immédiatement la décision de créer un groupe de travail chargé de réfléchir, pour la rentrée 2006 - c'est-à-dire dans le cadre de la nouvelle loi d'orientation -, à ce système de pré-recrutement.

Mme Martine David. Très bien ! Voilà qui est clair !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Monsieur Durand, étant moi-même ancien « ipesien », je connais le sujet et je peux dire que les IPES furent en effet un bon outil.

Si la création d'un groupe de travail ne relève pas du domaine de la loi, je pense, sur le fond, qu'il faut étudier votre proposition, mais aussi, corrélativement, les critères de recrutement. Car les IPES ancienne formule recrutaient exclusivement sur critères académiques. Or nous sommes tous d'accord, je crois, pour dire qu'un bon professeur doit maîtriser parfaitement le sujet qu'il enseigne mais aussi savoir transmettre ses connaissances aux étudiants et aux élèves, et mieux encore savoir les mettre en confiance.

M. Yves Durand. Bien sûr !

M. Jacques Desallangre. Cela va de soi !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas étudié cet amendement mais je pense qu'il faut - et la rapporteure pour avis en a longuement parlé à propos de la réforme des IUFM - chercher à marier, dès la fin de la première année de DEUG, c'est-à-dire très tôt, critères académiques et critères que je qualifierai de pédagogiques.

M. Jacques Desallangre. Mais encore ?

M. le président. Vous devez tout de même donner votre avis sur l'amendement, monsieur le rapporteur spécial.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Vous avez raison, monsieur le président. À titre personnel, je souhaite que le Gouvernement réponde par la création d'un groupe de travail combinant la proposition de M. Durand et la mienne. Mais j'émets un avis négatif sur l'amendement, la mesure qu'il contient n'étant pas vraiment de nature législative.

M. Jean-Pierre Blazy. Jésuitisme !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je dirai d'abord qu'il n'y a plus de problème d'attractivité du métier d'enseignant.

M. Jean-Pierre Blazy. Ça...

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Aujourd'hui, il n'y a plus de problème de cette nature.

Par ailleurs, les études dont nous disposons montrent que la nouvelle génération d'enseignants est très représentative de la diversité de la société française et notamment de la deuxième génération issue de l'immigration.

Il n'en demeure pas moins, nous le savons, que les problèmes sont devant nous, compte tenu du nombre élevé de départs à la retraite et d'autres évolutions. C'est la raison pour laquelle les questions de l'attractivité du métier et de la qualité de la formation seront évidemment au cœur de la loi d'orientation.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je vous invite donc, si vous le souhaitez, monsieur Durand, à participer très activement à la préparation de cette loi ; je n'y verrai que des avantages.

En revanche, je considère qu'il ne convient pas de créer un groupe de travail par voie d'amendement au projet de budget. Le groupe de travail existe déjà, dans le cadre de la préparation de la loi d'orientation. J'ai d'ailleurs interrogé votre groupe politique, comme tous les autres, afin de recueillir vos propositions dans ce domaine, et je suis naturellement prêt à en discuter avec vous.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Durand ?

M. Yves Durand. Bien entendu ! Certes, je l'ai souligné moi-même, il ne s'agit pas de dégager des crédits budgétaires, et vous pouvez donc botter en touche - pardonnez-moi cette expression un peu vulgaire - en prétextant que cela ne relève pas du budget et en renvoyant la question à plus tard. Je souhaitais cependant, et je souhaite toujours, que le ministre s'engage sur cette affaire. Par conséquent, je maintiens mon amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche concernant l'enseignement scolaire.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

    3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Rapport, n° 1863, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Industrie, poste et télécommunications :

Industrie

Rapport spécial, n° 1863 annexe 17, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan,

Avis, n° 1865 tome 7, de M. Jacques Masdeu-Arus, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Poste et télécommunications

Rapport spécial, n° 1863 annexe 19, de M. Yves Censi, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan,

Avis, n° 1865 tome 9, de M. Alfred Trassy-Paillogues, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinquante.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot