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Première séance du lundi 8 novembre 2004

46e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

    1

HOMMAGE AUX SOLDATS FRANÇAIS MORTS EN CÔTE D'IVOIRE

M. le président. Mes chers collègues, avant de commencer nos travaux, je vous propose, compte tenu des drames qui se sont déroulés en Côte d'Ivoire et qui ont touché des soldats français, d'observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.)

    2

LOI DE FINANCES POUR 2005

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

AGRICULTURE, PÊCHE ET FORÊT

M. le président. Nous abordons les crédits du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'agriculture.

M. Alain Marleix, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'agriculture. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, monsieur le secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales, mes chers collègues, le projet de budget de l'agriculture pour 2005 s'élève à 4,89 milliards d'euros, contre 4,98 milliards en 2004. Au-delà de ce repli apparent de 1,8 %, il convient de prendre en compte 90 millions d'euros qui seront reportés fin 2004 pour financer les bâtiments d'élevage et le programme de maîtrise des pollutions d'origine d'agricole, le PMPOA. Avec ce complément de crédits garanti qui sera disponible en 2005, le budget de cette année est en fait reconduit.

Le budget du ministère de l'agriculture ne représente cependant qu'une partie des 29,7 milliards d'euros d'aides publiques à l'agriculture. Les aides communautaires s'élèvent en effet à 10,5 milliards d'euros. Par ailleurs, la protection sociale agricole est dotée de 12,5 milliards d'euros de financement public hors cotisations sociales. Enfin, les autres ministères contribuent à hauteur de 600 millions d'euros et les collectivités locales pour près d'un milliard d'euros.

En ce qui concerne la PAC, je tiens à rappeler que la France a versé, en 2003, 15,1 milliards d'euros au budget communautaire et qu'elle a reçu en retour 13,1 milliards d'euros. La France bénéficie ainsi du quart du budget agricole de l'Union européenne, lequel représente lui-même encore près de la moitié du budget communautaire. La pérennité de ce budget agricole étant garantie au moins jusqu'en 2013, la réforme de la PAC décidée à Luxembourg en juin 2003 devrait aboutir à un gain net de 100 millions d'euros par an pour le revenu des agriculteurs français. C'est un chiffre peu connu et on peut dire que l'affaire a été bien négociée par les autorités françaises. Ces financements relèvent du deuxième pilier de la PAC et bénéficieront essentiellement aux zones défavorisées. Je vous renvoie à mon rapport écrit où vous y trouverez le détail sur ce retour français supplémentaire au titre du budget de la PAC.

Le budget du ministère de l'agriculture va permettre de conforter quatre priorités d'action en 2005.

Première priorité, le lancement de l'assurance récolte. Les agriculteurs doivent faire face à des aléas climatiques, parfois d'une gravité exceptionnelle comme la sécheresse de 2003, qui mettent en péril leurs revenus. Une provision de 10 millions d'euros est prévue dans le budget pour amorcer, dès 2005, les nouveaux instruments de couverture des risques que les établissements d'assurance devraient proposer au plus grand nombre possible d'exploitants agricoles. Monsieur le ministre, il faudra sans doute que cette dotation soit abondée en cours d'exercice, en tant que de besoin.

Deuxième priorité, la création d'un fonds unique des bâtiments d'élevage. Nombre d'éleveurs sont en effet confrontés à des difficultés de financement de l'investissement lourd que représente l'adaptation d'un bâtiment d'élevage. Cette difficulté est particulièrement sensible dans les zones de montagne et dans les systèmes d'exploitation soumis à des évolutions rapides des marchés, par exemple dans la production laitière.

La nouvelle procédure permettra de regrouper en un guichet unique l'ensemble des aides qui étaient précédemment gérées selon des procédures disparates par les services de l'État et les offices d'intervention. Monter un dossier d'aide aux bâtiments d'élevage relevait souvent pour l'agriculteur, et en particulier pour le jeune agriculteur, du parcours du combattant.

Il est proposé de doter ce fonds unique de 55 millions d'euros d'autorisations de programme en 2005, qui seront complétés dès l'année prochaine grâce aux cofinancements communautaires, pour atteindre 80 millions d'euros.

En complément, le PMPOA nécessite un effort important de financement public, compte tenu de l'enjeu majeur que représente la restauration de la qualité des eaux dans un contexte où l'agriculture se fixe désormais des objectifs tangibles de respect de l'environnement. Une dotation de 133 millions d'euros d'autorisations de programme est donc consacrée à cet enjeu dans le projet de budget pour 2005.

Troisième priorité, la dotation consacrée à l'amélioration de la qualité des productions végétales est majorée de 7 %. Elle atteint ainsi 15,2 millions d'euros de crédits d'intervention et mobilise d'importantes équipes des services centraux et déconcentrés du ministère ainsi que des établissements publics de recherche. Cette mission répond à des impératifs de sécurité sanitaire des aliments et de santé des végétaux.

Quatrième priorité, le renforcement de l'enseignement supérieur et de la recherche agricoles qui sont dotés de 228 millions d'euros, ce qui représente une hausse de 5 %. C'est le seul programme du ministère à bénéficier d'une création nette d'emplois pour préparer l'avenir. Plus d'une centaine de postes d'enseignant, de chercheur et de technicien, autrefois dispersés dans les différents programmes du ministère, sont en effet prévus. Ces mesures accompagnent l'organisation de l'enseignement en six pôles régionaux pour favoriser une synergie entre innovation, recherche et développement.

Avant d'en venir aux aspects concernant la gestion des aides aux agriculteurs, je souhaite vous poser trois questions, messieurs les ministres, sur les mesures de soutien aux agriculteurs.

Tout d'abord, quand sera applicable la mesure votée l'an dernier concernant le versement en une seule fois de la DJA, la dotation jeune agriculteur ? C'était une revendication ancienne et légitime que vous avez satisfaite l'an dernier, messieurs les ministres.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. Alain Marleix, rapporteur spécial. Il s'agit là d'une attente forte et urgente des jeunes agriculteurs.

Ensuite, quand le mode de fonctionnement du nouveau FFIPSA, le fonds de financement des prestations sociales agricoles, qui remplace le BAPSA, sera-t-il arrêté ? Il est important en effet de donner rapidement un cadre de représentation à tous les acteurs concernés, afin que tous participent à la réflexion sur l'avenir du financement de la protection sociale agricole, pour que soit garanti de la manière la plus transparente possible le versement aux agriculteurs des prestations auxquelles ils ont droit.

Enfin, et cette question me tient particulièrement à cœur, un montant de 234 millions d'euros est prévu au titre des ICHN, les indemnités compensatoires de handicaps naturels, qui permettent la présence d'agriculteurs dans les zones défavorisées et tout particulièrement en montagne où elles constituent un complément très substantiel de revenu. Il me semble souhaitable d'aller au-delà, conformément à l'engagement que vous avez pris l'an dernier devant la représentation nationale, monsieur le ministre, d'augmenter leur montant de 50 % sur trois ans pour les vingt-cinq premiers hectares.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. Alain Marleix, rapporteur spécial. Après une augmentation de 10 % l'année dernière, une dotation supplémentaire de 16 millions d'euros cette année est nécessaire pour atteindre l'objectif.

M. le Président de la République lui-même a rappelé cet engagement lors de son discours sur l'avenir de l'agriculture prononcé en votre présence, monsieur le ministre, à Murat, dans le Cantal, le 21 octobre dernier.

Je ne conclurai pas, s'agissant des aspects plus particulièrement budgétaires, sans me féliciter, au nom de la commission des finances, que le ministère de l'agriculture contribue à la maîtrise des finances publiques. Ainsi, 206 départs à la retraite ne seront pas remplacés, ce qui se traduira par des économies de rémunération et de fonctionnement. Parallèlement, des réformes de structure sont lancées dans les services, afin de les rendre plus efficaces : par exemple, la création d'un secrétariat général du ministère ou l'instauration d'une rémunération au mérite pour les directeurs d'administration centrale en fonction de la réalisation des objectifs qui leur sont assignés par lettre de mission. De même, la réforme des offices agricoles aboutira à rationaliser leur organisation et à mieux maîtriser leurs coûts de fonctionnement, tout en maintenant une présence territoriale, à laquelle nous tenons tous beaucoup, dans chaque filière agricole et agroalimentaire.

Enfin, en ce qui concerne la mise en œuvre de la LOLF, la commission des finances ne peut que se réjouir que sa recommandation tendant à créer deux programmes correspondant aux deux piliers de la politique agricole commune ait été retenue. Les indicateurs de résultat proposés semblent dans l'ensemble cohérents et pertinents. Pour autant, une ventilation plus fine des dépenses de personnel entre programmes est souhaitable, tout comme il serait bon de réserver une action pour la politique de la montagne ou de définir des objectifs de qualité au service rendu aux agriculteurs.

La commission des finances vous demande, mes chers collègues, d'adopter les crédits de l'agriculture pour 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour l'agriculture.

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour l'agriculture. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'État consacrera en 2005 près de 4,9 milliards d'euros à l'agriculture. Alain Marleix, venant de présenter ce budget en détail, je n'y reviens pas. Grâce aux reports de crédits du PMPOA, le budget reste stable par rapport à 2004, ce qui, dans un contexte où la maîtrise des déficits publics impose des arbitrages difficiles, témoigne de la mobilisation de la collectivité nationale en faveur des productions agricoles françaises. À ces crédits s'ajoutent, M. Marleix l'a rappelé, les crédits communautaires, les fonds engagés pour la protection sociale agricole ainsi que les participations des collectivités locales.

S'agissant des crédits de l'État, je m'efforcerai de retracer l'évolution des principaux postes de dépenses, même si l'application à ce budget d'une présentation expérimentale, issue de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, ne facilite pas les comparaisons d'une année sur l'autre. Le budget se décompose désormais en sept programmes d'actions relevant de quatre missions : premièrement, la mission Agriculture, pêche et affaires rurales, divisée en quatre programmes : gestion des pêches maritimes, valorisation des produits et régulation des marchés, forêt, soutien des politiques de l'agriculture ; deuxièmement, la mission interministérielle Sécurité sanitaire, avec un programme ; troisièmement, la mission interministérielle Enseignement scolaire, avec un programme ; quatrièmement, la mission interministérielle Enseignement supérieur et recherche, avec un programme également.

La maîtrise des dépenses de fonctionnement du ministère se poursuivra en 2005, comme l'atteste le non-renouvellement de 206 des 30 800 emplois du ministère. Dans le même temps, les services déconcentrés seront renforcés, ce dont nous devons nous réjouir car c'est le gage de l'efficacité de l'action du ministère, notamment de la bonne application de la politique agricole commune, présente et à venir. Je souligne également l'effort prévu en faveur de l'enseignement et de la recherche agricoles, dont le budget progresse de 2 % pour atteindre 1,26 milliard d'euros. Cette augmentation profite évidemment à l'enseignement technique secondaire, auquel plus de 80 % des ressources sont consacrées, mais aussi à l'enseignement supérieur et à la recherche agricole, qui bénéficieront de 232 millions d'euros, destinés en particulier à la création de plus de 100 postes d'enseignant, de chercheur et de technicien. À ce propos, je félicite M. Forissier pour son action en faveur de l'enseignement agricole, qui constitue le socle de la réussite du modèle agricole et agroalimentaire français. Elle devra se prolonger notamment par la rénovation des équipements de l'enseignement supérieur - je déplore au passage le grave sinistre subi par l'École vétérinaire de Maisons-Alfort - ainsi que par un soutien à la recherche. On aurait d'ailleurs pu imaginer que le plan gouvernemental en faveur de la recherche permette de créer une vingtaine de postes supplémentaires.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, de la formation à l'installation, il n'y a qu'un pas. Celle-ci verra ses crédits baisser de 6,3 %, mais pour de bonnes raisons. La dotation « jeune agriculteur » ayant été simplifiée en 2004, elle est désormais versée en une seule fois : le besoin de trésorerie de l'année dernière était exceptionnel et il ne sera plus nécessaire en 2005. De plus, le projet de loi pour le développement des territoires ruraux, que nous avons adopté en seconde lecture, exclut cette dotation de l'assiette des cotisations sociales, de la CSG et de la CRDS.

En matière forestière, l'État tient son engagement de reconstituer les forêts endommagées après les tempêtes de 1999, malgré un budget de 327 millions d'euros, en recul par rapport à l'année dernière. En revanche, les crédits destinés à la lutte contre l'incendie restent stables. Le projet de budget pour 2005 rétablit le versement compensateur de l'ONF au niveau de la dotation de 2003, afin de mobiliser l'ensemble des communes forestières en faveur de la gestion durable des forêts et de répondre aux attentes de la société dans le domaine des loisirs, et il faut s'en féliciter. Enfin, l'année prochaine, au titre d'une expérimentation de la LOLF, la politique forestière sera regroupée sous un seul chapitre, au lieu d'être éclatée en de multiples lignes budgétaires, comme c'était le cas jusqu'à maintenant. Ainsi, les crédits de ce chapitre, le futur programme Forêt, ne seront pas fongibles. Autrement dit, l'argent qui est aujourd'hui prévu pour la forêt sera effectivement dépensé en faveur de la forêt. Cela étant, je relaie l'inquiétude des centres régionaux de la propriété forestière qui attendaient le renforcement de leurs effectifs. Pourrez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer à ce sujet ?

S'agissant des aides nationales au développement rural versées aux agriculteurs, les crédits d'intervention du ministère de l'agriculture connaissent une évolution contrastée dans le projet de loi de finances pour 2005. Ainsi, le soutien aux territoires ruraux les plus fragiles est encore accru, puisque les sommes consacrées aux indemnités compensatoires de handicap naturel, qui avaient déjà augmenté de 12,7 % dans le précédent budget, progressent encore pour atteindre 234 millions d'euros en 2005. En revanche, les crédits destinés aux mesures agro-environnementales et aux contrats d'agriculture durable, qui avaient fortement augmenté dans le budget pour 2004, diminuent d'environ 9 % car la majorité des contrats est entrée en phase de croisière, moins coûteuse, tandis que les nouveaux contrats signés engagent des montants moins importants. De leur côté, les aides à la reconversion à l'agriculture biologique ne seront pas affectées par la diminution de l'enveloppe et elles seront distribuées conformément au plan « bio » que vous avez annoncé, monsieur le ministre, au printemps 2004. Autre sujet cher à beaucoup de collègues, le budget national consacré aux primes au maintien des troupeaux de vaches allaitantes baisse de 4,2 %, mais il ne s'agit là que d'un ajustement aux besoins constatés sur le terrain.

Les priorités du budget témoignent d'un réel engagement du Gouvernement pour réduire les menaces pesant sur notre agriculture. Il s'agit en particulier des crédits destinés à la qualité et à la sécurité sanitaire, qui atteindront 478,5 millions d'euros en 2005, en hausse de 1,7 % par rapport à l'année précédente. Cet effort permettra de promouvoir une utilisation raisonnée des produits phytosanitaires, de consolider l'état sanitaire des végétaux au regard des futures normes sur les mycotoxines, ou encore de lutter plus efficacement contre les épizooties, dont l'impact est désastreux non seulement pour les consommateurs mais également pour les producteurs. La mise en place concertée d'une assurance récolte constitue également une des grandes innovations du budget : 10 millions d'euros sont d'ores et déjà provisionnés pour faire face aux aléas climatiques tels que la grave sécheresse de l'été 2003. Cet instrument permettra un lissage du risque pour les agriculteurs et donnera une meilleure visibilité aux financements publics. Autre nouveauté : la création, très attendue, d'un fonds unique consacré à la rénovation des bâtiments d'élevage permettant d'accompagner utilement le PMPOA II jusqu'à la fin du mois de décembre 2006.

Messieurs les ministres, lors de votre audition en commission, vous avez été interrogés sur plusieurs sujets d'actualité.

S'agissant du service public de l'équarrissage qui constitue une pomme de discorde au sain de la filière viande, vous avez, dès le 27 octobre, réuni l'ensemble des acteurs pour un tour de table devant déboucher sur un accord concernant la répartition de la charge financière d'équarrissage, ce dont je vous félicite. Par ailleurs, la représentation nationale restera attentive à la bonne utilisation de l'argent public servant à la nécessaire élimination des farines animales.

À l'heure où les cours du pétrole sont au plus haut, vous avez rappelé aux membres de la commission des affaires économiques les mesures d'aide apportées au secteur agricole. Toutefois, dans cette conjoncture, le Gouvernement a également tenu à relancer la production de biocarburants d'origine agricole, ce dont nous nous réjouissons. Il reste à en préciser les modalités, ce qui ne manquera pas de susciter l'intérêt de mes collègues.

Enfin, plusieurs députés vous ont alertés sur la crise que traversent les producteurs de fruits et légumes. Vous avez rappelé, monsieur Gaymard, les aides conjoncturelles prévues par les pouvoirs publics. Mais je voudrais souligner vos propos encourageants concernant une évolution des règles européennes de gestion de crise que vous avez qualifiées de priorité absolue de la diplomatie communautaire française. Les membres de la commission des affaires économiques partagent votre opinion.

Mesdames, messieurs, dans un contexte budgétaire particulièrement tendu, le projet de loi de finances pour 2005 permettra à notre agriculture de disposer de sommes équivalentes à celles votées l'an dernier. Il reconduit les grandes priorités et prépare l'avenir de ce secteur, qu'il s'agisse des crédits consacrés à l'enseignement et à la recherche, ou encore de ceux qui financent notre politique de sécurité sanitaire. Il permet enfin d'aborder avec confiance une année cruciale pour l'agriculture française, avec la mise en œuvre de certaines dispositions de la réforme de la PAC et la mise en chantier très attendue de la loi de modernisation agricole. C'est pourquoi la commission des affaires économiques a rendu un avis favorable à l'adoption de ce budget, et je vous invite à en faire autant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la forêt.

M. Pascal Terrasse, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la forêt. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le programme Forêt fait partie des quatre programmes composant la mission Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales. Il devrait s'élever à 325 millions d'euros en crédits de paiement, et 312 millions d'euros en autorisations de programme. Toutefois, seuls 321 millions d'euros en crédits de paiement sont regroupés au sein d'un chapitre 59-02 créé spécialement en vue de l'expérimentation et dédié au programme Forêt. En effet, les dépenses de personnel, de l'ordre de 4 millions d'euros, ne figurent pas dans ce chapitre, non plus que les crédits de cofinancement communautaires qui demeurent inscrits au chapitre 61-83. Au-delà des spécificités de l'expérimentation, je regrette, en qualité de rapporteur spécial, que les personnels, qui assurent des missions forestières et qui relèvent des DDAF ou des DRAF de l'administration centrale, soient rattachés respectivement aux programmes Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et du développement rural et Soutien des politiques de l'agriculture.

L'absence de prise en compte des dépenses du personnel administratif dans le programme Forêt, alors que celui-ci est bien identifié au niveau central, notamment au sein de la sous-direction de la forêt et du bois, ne permet pas d'appréhender le coût complet de la politique forestière.

La création de ce programme répond néanmoins à la logique du découpage par finalités et elle devrait permettre d'identifier plus clairement les crédits consacrés à la forêt, ce que, jusqu'à présent, la lecture du bleu budgétaire ne rendait pas possible. Il s'agit donc d'une avancée, même si la présentation d'un agrégat «Gestion durable de la forêt» avait constitué un premier progrès en matière de lisibilité.

Le programme Forêt comprend quatre actions : 31 millions d'euros sont consacrés au développement économique de la filière forêt-bois, 154 millions d'euros à la gestion du patrimoine forestier public, 92 millions d'euros à l'amélioration de la gestion et de l'organisation de la forêt privée et 48 millions d'euros à la prévention des risques et à la protection de la forêt, ce qui représente 315 millions d'euros en autorisations de programme.

La filière forêt-bois représente un secteur économique important doté d'un potentiel de croissance fort, puisqu'elle génère un chiffre d'affaires de l'ordre de 70 milliards d'euros. C'est un formidable gisement d'emplois - plus de 475 000 emplois sont concernés, auxquels pourraient s'ajouter 100 000 emplois nouveaux. La forêt apporte une contribution capitale à la conservation et à la diversification biologiques, à la protection des sols, à la lutte contre l'effet de serre, à la qualité des paysages et, plus généralement, à l'amélioration du cadre de vie. Elle est, par là même, essentielle au respect par la France de ses engagements internationaux en matière environnementale. Enfin, le public s'y rend de plus en plus nombreux, témoignant par là même de son attachement à la forêt. Ce n'est pas à vous, monsieur le ministre, que je l'apprendrai, alors que tant de randonneurs parcourent votre belle région savoyarde.

Mais si la forêt constitue bien une chance pour la France sur les plans économique, environnemental et social, elle souffre de nombreux paradoxes, que notre collègue Dominique Juillot a mis en évidence dans son rapport intitulé La filière bois française : la compétitivité, enjeu du développement durable.

Ainsi, sur le plan économique, alors que les marchés internationaux se développent, les entreprises françaises connaissent de nombreuses difficultés et le déficit commercial s'aggrave. De même, bien que la forêt française soit vaste - elle occupe 27 % du territoire - et riche, les approvisionnements des entreprises de transformation demeurent difficiles.

Une politique ambitieuse pour la forêt suppose avant tout des moyens financiers adaptés. Pourtant, alors que la France consacre à la forêt quatre à dix fois moins d'argent public que les pays européens comparables, le projet de budget pour 2005 est en forte baisse. Ainsi les crédits de paiement diminuent de 6,7 %, s'établissant à 323 millions d'euros, contre 346 millions d'euros en 2004, et les autorisations de programme sont réduites de 7 %, passant de 339 millions à 315 millions d'euros.

L'évolution des crédits d'investissement consacrés à la production forestière est particulièrement inquiétante. Les crédits de paiement devraient diminuer de 9,5 % pour s'établir à 73 millions d'euros en 2005 - ils étaient de 81 millions d'euros prévus en loi de finances pour 2004 -, et les autorisations de programme devraient diminuer de près de 16 %, passant de 83 millions à 70 millions d'euros.

Par ailleurs, le Gouvernement ne respecte pas les engagements pris dans le cadre du plan « tempête » - ce qui a déjà été rappelé. La baisse des crédits est d'autant plus préoccupante que les dégâts résultant de la sécheresse de l'été 2003 s'ajoutent désormais à ceux causés par les tempêtes de 1999.

M. François Brottes. C'est exact.

M. Pascal Terrasse, rapporteur spécial. En outre, si la reconstitution apparaît comme une priorité effective, elle ne doit pas s'effectuer au détriment des autres investissements forestiers, essentiels pour le développement de l'ensemble de la filière forêt-bois. Or le Gouvernement paraît avoir abandonné toute politique d'investissement forestier digne de ce nom.

De même, le soutien accordé par le Gouvernement aux acteurs de la filière se réduit comme peau de chagrin. Les crédits consacrés au développement et aux organismes de la filière diminuent de près de 5 % pour s'établir à 41 millions d'euros, tandis que les crédits d'investissement destinés à la modernisation de la filière connaissent une chute spectaculaire, qu'il s'agisse des crédits de paiement - moins 31 % - ou des autorisations de programme - moins 33 % - pour s'élever, respectivement, à 3,95 millions d'euros et 4,13 millions d'euros.

Par ailleurs, les crédits destinés à l'Office national des forêts passent de 150 millions à 144,71 millions d'euros, aucune subvention exceptionnelle n'étant prévue, contrairement à cette année. Si le montant du versement compensateur est en augmentation par rapport à celui inscrit en loi de finances initiale pour 2004, il diminue dans les faits par rapport au montant corrigé en collectif budgétaire de fin d'année - il avait alors été porté à 150 millions d'euros, ce dont les collègues de la commission des finances se souviennent. La dotation de l'ONF prévue pour 2005 s'inscrit donc en baisse - moins 3,5 % - par rapport à 2004, contrairement aux engagements pris auprès de son directeur.

L'amélioration de la qualité des produits ainsi que le développement des usages du bois, notamment comme source d'énergie, sont deux objectifs essentiels pour renforcer la compétitivité de la filière. Ils doivent en effet permettre de promouvoir des produits à forte valeur ajoutée. S'agissant de la forêt privée, un soutien dispersé demeure insuffisant. Trois régions françaises - j'ai cru le comprendre - devraient être retenues dans le cadre du bois-énergie et je sais que la région Rhône-Alpes est bien placée.

Les pistes d'action pour améliorer la compétitivité de la filière forêt-bois sont variées : regroupement de l'offre, évolution des modes de vente, développement d'une logistique d'approvisionnement et de transport, amélioration de la performance des outils industriels, développement des finitions et du séchage des sciages, classement et normalisation des produits, démarche qualité dans les entreprises ou encore écocertification de la gestion forestière.

Si de nombreuses mesures en vue de renforcer la compétitivité de la filière ont été prévues par la loi d'orientation sur la forêt du 9 juillet 2001, présentée par François Brottes, leur mise en œuvre n'est pas satisfaisante, faute de moyens budgétaires suffisants.

Le projet de budget pour 2005 est, à cet égard, révélateur.

Alors que la loi d'orientation sur la forêt a étendu les missions dévolues aux centres régionaux de la propriété forestière et que le Gouvernement avait, à ce titre, prévu de créer quatre-vingt-dix emplois pour répondre aux besoins, il ne tient pas ses engagements.

M. François Brottes. Exact !

M. Pascal Terrasse, rapporteur spécial. En effet, trente emplois ont bien été créés en 2004, mais aucun crédit correspondant n'est inscrit dans le projet de loi de finances. J'avais déposé, en tant que rapporteur, des amendements allant en ce sens, mais ils ont été malheureusement déclarés irrecevables en raison de l'article 40 qui nous interdit de lever les crédits nécessaires.

M. François Brottes. Ils ont été censurés !

M. Pascal Terrasse, rapporteur spécial. Mais peut-être nous apporterez-vous lors du débat, monsieur le ministre, des informations relatives à ces emplois. Il appartient au Parlement de se préoccuper de la question.

Enfin, le programme Forêt relève des expérimentations voulues en 2005 par le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire qui, par lettre en date du 25 juin 2004, adressée à l'ensemble des ministres, a souligné l'importance de « tester de façon très significative dès 2005 la mise en œuvre des programmes, et tout particulièrement leur déclinaison en budgets opérationnels de programme ». De telles expérimentations doivent porter sur les objectifs et indicateurs de gestion, la gestion globalisée des moyens et la fongibilité asymétrique, les plafonds d'emplois en équivalents temps plein, la gestion en autorisations d'engagement et en crédits de paiement et, enfin, la justification au premier euro.

Il est toutefois regrettable, monsieur le ministre que, parmi les critères retenus, la qualité du service rendu à l'usager et l'efficience de la gestion continuent d'être ignorées et ne puissent donc apparaître dans notre rapport.

Sur le fond comme sur la forme, votre projet de budget méritait d'être rejeté par la commission des finances. Tel n'a pas été son choix. Je le regrette. La commission a donc adopté le projet de budget contre l'avis de son rapporteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Brottes. Un rapporteur pourtant très lucide !

M. François Sauvadet. N'en rajoutez pas !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire pour la pêche.

M. Aimé Kergueris, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire pour la pêche. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la pêche maritime française traverse depuis deux ans une importante phase de transition, du fait de l'application de la réforme de la politique commune de la pêche décidée en décembre 2002. Dans un tel cadre, les efforts demandés aux professionnels doivent évidemment être accompagnés d'un soutien suffisant de la puissance publique sur le plan tant communautaire que national.

Certes, le budget de la pêche et des cultures marines pour 2005 n'échappe pas à la logique générale de maîtrise des déficits publics, qui a guidé l'élaboration de l'ensemble du projet de loi de finances. Le souci d'économiser les deniers publics en prenant en compte l'évolution prévisible des dépenses et des financements explique le léger tassement des crédits de paiement dans leur ensemble. Après la hausse de près de 24 % du précédent budget, les crédits pour 2005 diminuent de 5,7 %, s'élevant à 32,4 millions d'euros. Dans le même temps, les autorisations de programme passent de 4,5 à 32,5 millions d'euros, essentiellement pour des raisons d'ordre technique liées à l'application anticipée de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.

Mais ces éléments généraux ne permettent pas de se faire une juste idée des priorités retenues dans le projet de budget.

À ce titre, il est important de souligner qu'un effort financier sans précédent sera accompli en 2005 en vue d'améliorer la sécurité des marins, par le biais d'un plan spécifique. Les marins, trop souvent victimes d'accidents dans le cadre de leur activité professionnelle, seront aidés à acquérir des vêtements à flottabilité intégrée et les armateurs de navires de moins de douze mètres seront encouragés à s'équiper de moyens de sauvetage. Ce résultat pourra être obtenu grâce à une progression de 54 % des subventions d'équipement, qui atteindront l'an prochain 5,4 millions d'euros, et grâce à une augmentation de 6 % des interventions en faveur des entreprises de pêche et d'aquaculture, qui s'élèveront à 8,7 millions d'euros.

De même, la Commission européenne exigeant de la France une gestion plus rigoureuse des ressources halieutiques, un effort substantiel sera fourni en vue de développer les missions de contrôle des pêches.

M. François Liberti. Il faudrait supprimer la pêche minotière !

M. Aimé Kergueris, rapporteur pour avis. Les crédits destinés aux actions structurelles en faveur de la pêche avaient déjà plus que doublé dans le précédent budget. Ils augmenteront encore de 18,6 % en 2005, passant de 531 000 à 630 000 euros, dont 540 000 euros pour les crédits utilisés pour le contrôle des pêches proprement dit.

Les postes de dépenses en baisse s'expliquent généralement par la prise en compte de l'évolution des besoins et des financements. Ainsi, en matière d'organisation des marchés, la subvention de l'État à l'OFIMER passe de 10 millions à 8,5 millions d'euros, ce qui représente une diminution de 15,2 % de ces crédits. La subvention a été ajustée aux besoins réels constatés depuis quelques années et elle tient compte de la meilleure participation des fonds communautaires de l'IFOP. De même, la réduction de l'enveloppe consacrée aux prêts à la pêche, qui passe de 10,5 à 7,6 millions d'euros, paraît uniquement résulter de la réduction du coût du refinancement de l'encours des prêts accordés avant 2002. Elle n'affectera en aucune façon la capacité du ministère à satisfaire les besoins nouveaux qui s'exprimeront en 2005.

Enfin, s'agissant de la recherche et de la sécurité sanitaire, les moyens financiers mis à la disposition de l'IFREMER pour animer le réseau de surveillance et d'analyse sanitaire des coquillages - 1,52 million d'euros en 2005 - se caractérisent pas une grande stabilité.

M. François Liberti. Non, ils sont en baisse !

M. Aimé Kergueris, rapporteur pour avis. Outre ces évolutions budgétaires contrastées, il me semble essentiel d'évoquer l'aide apportée par le Gouvernement aux pêcheurs, confrontés à d'importantes difficultés conjoncturelles. L'envolée des cours du pétrole - qui dépassent actuellement 50 dollars par baril - touche de plein fouet, depuis plusieurs mois, l'activité des pêches maritimes, et il n'est pas possible d'amortir ce choc par des allégements fiscaux puisque le gazole est déjà entièrement exempté de TVA et de TIPP. Il faut pourtant rappeler que le carburant entre pour 25 % dans le coût d'exploitation des entreprises de pêche, et qu'une hausse de 0,15 euro du prix du litre de gazole entraîne en moyenne une réduction de 4 à 16 % du revenu des marins pêcheurs.

Heureusement, les mesures annoncées me semblent de nature à apaiser les craintes des professionnels face à cette situation inquiétante. Je me réjouis en particulier de l'annonce d'un allégement financier immédiat de un million d'euros au profit des pêcheurs confrontés à des difficultés de trésorerie. Surtout, un système d'assurance carburant sera prochainement mis en place grâce au versement par l'État d'une avance remboursable de 15 millions d'euros. À l'évidence, on a tiré les leçons des événements de l'année 2002.

Par ailleurs, la modernisation de la flotte française doit être poursuivie. Il faut que nos marins disposent durablement de moyens matériels sûrs, fiables et compétitifs pour exercer leur activité dans la sérénité. Si les aides publiques à la construction doivent s'arrêter au 31 décembre de cette année, il restera en tout état de cause possible de bénéficier, jusqu'au 31 décembre 2006, d'aides à la modernisation : toutes ces aides doivent être mobilisées avant que n'interviennent ces échéances. À cet égard, le plan de modernisation de la flotte de pêche lancé par le ministère dans la foulée de la réforme de la politique commune de la pêche, plan qui devrait aboutir à la construction de plus de 250 navires et à la modernisation de 100 navires d'ici deux ans, me semble aller dans le bon sens. L'accroissement très important des subventions d'équipement accordées par l'État, qui atteignent 5,4 millions d'euros dans le budget pour 2005, témoigne également de cette volonté.

L'arrivée d'un nouveau commissaire européen à la pêche, d'origine maltaise, devrait être l'occasion de renouer avec une politique commune des pêches plus ambitieuse. Pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, si ce changement nous aidera à obtenir un report des échéances communautaires prévues pour l'obtention de ces aides, par exemple au 31 décembre 2005 pour les aides à la construction et à la fin de l'année 2008 pour les aides à la modernisation des navires ?

M. François Sauvadet. Bonne question !

M. Aimé Kergueris, rapporteur pour avis. Pourriez-vous également nous confirmer qu'à l'heure actuelle, la date limite pour l'obtention de subventions à l'achat de navires de pêche reste fixée au 31 décembre 2004, et non, comme cela a parfois été affirmé, au 1er novembre ?

S'agissant de l'amélioration de la gestion de la ressource halieutique que l'on attend de la France, il semble que des progrès aient été accomplis pour mieux associer les marins aux travaux des scientifiques évaluant l'état réel des stocks. Nous devrions donc disposer d'analyses nuancées et relativement consensuelles des ressources halieutiques. Peut-on raisonnablement espérer, monsieur le ministre, un semblable apaisement en matière de gestion des stocks, dans la mesure où une participation plus active des professionnels à la préparation des décisions communautaires est prévue ?

Concernant l'implantation de nouveaux sites de conchyliculture et de pisciculture marine, pourriez-vous nous préciser les mesures envisagées par le ministère pour permettre aux professionnels concernés de surmonter la pression foncière qui s'exerce sur le littoral ?

Enfin, pourriez-vous nous dire si l'audit mené depuis mai 2003 par la Commission européenne pour faire la lumière sur les importations massives de bars et de daurades à bas prix d'origine grecque et turque, qui réduisent les débouchés de nos productions piscicoles, a abouti à de premières conclusions ?

Malgré les incertitudes actuelles, il me semble que des perspectives encourageantes se dessinent pour les pêches françaises. La bonne prise en compte des priorités d'équipement, de sécurité et de gestion durable de la ressource dans le projet de loi de finances pour 2005 a donc amené la commission des affaires économiques à émettre un avis favorable sur le budget de la pêche et des cultures marines qui nous est soumis. J'invite la représentation nationale dans son ensemble à confirmer ce soutien mérité en adoptant les crédits de la pêche et de l'aquaculture pour 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert, premier orateur inscrit dans la discussion.

M. Jean Gaubert. Monsieur le président, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, de bonnes intentions et un talent certain de communication ne suffisent pas à faire une bonne politique. L'adage vaut de tout temps, mais il mérite d'être rappelé en cette occasion.

Des intentions, messieurs les ministres, vous n'en manquez pas. Que de déclarations depuis 2002 : installer les jeunes - comme si cela ne se faisait pas auparavant ! -, garantir le revenu, soutenir les plus fragiles, engager la nécessaire réorientation, soutenir la recherche, « mère de l'innovation », augmenter la valeur ajoutée, garantir la qualité, aider davantage les zones fragiles, et j'en passe... Voilà un beau programme !

C'est au pied du mur qu'on voit le maçon, dit-on. C'est à la récolte, oserai-je ajouter, qu'on voit le bon laboureur. Reconnaissez que la désillusion est de plus en plus forte. Ce budget est bien loin de concrétiser les attentes que vous avez suscitées.

Certes, quatre mesures phares ont été annoncées.

D'abord l'assurance récolte, dont nous ne savons pas grand-chose. Quel dispositif ? Qui paie ? Quelle solidarité ?

Deuxièmement, le fonds unique pour la rénovation des bâtiments agricoles, financé, de votre propre aveu, avec beaucoup de reports de crédits. Bonne idée, sans doute, mais un tel financement n'est pas à la hauteur des besoins de l'élevage française.

Troisièmement, la nouvelle politique en matière de produits phytosanitaires, et enfin le renforcement de la recherche et de l'enseignement supérieur - mais, sur ce dernier point, il s'agit surtout d'un rattrapage.

M. Alain Marleix, rapporteur spécial pour l'agriculture. Quel aveu !

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. C'est la meilleure !

M. Jean Gaubert. Voilà plus de deux ans que vos amis sont au pouvoir, monsieur le rapporteur ! Le rattrapage concerne essentiellement les coupes effectuées dans le collectif budgétaire de 2002 et dans les budgets de 2003 et 2004. Je veux bien excepter le problème de l'enseignement privé, qui est de nature différente, mais reconnaissez que c'est depuis 2002 que les choses se sont gâtées en matière de recherche !

Nous ne sommes donc pas éblouis par ces mesures au point d'oublier de voir le reste. C'est ainsi que les crédits pour l'installation des jeunes ont baissé de 5 %. Est-ce, comme vous l'affirmez, monsieur le ministre, un effet mécanique ? Pour une part sans doute. Mais c'est aussi le signe d'un réel manque d'ambition. À moins qu'il ne s'agisse de réalisme : de plus en plus de jeunes s'interrogent en effet sur l'avenir. Votre politique ne fait plus rêver !

Vous prétendez garantir les revenus et soutenir les plus fragiles, mais tous ici reconnaissent que la nouvelle PAC n'atteindra pas cet objectif. Et vous auriez dû commencer à en corriger certaines conséquences : alors qu'en 2004, la baisse de 2 % la dotation globale s'est traduite par une diminution de 10 % des crédits d'orientation, quelles seront les conséquences de la baisse de 6 % de la dotation globale, sachant qu'il est très malaisé de modifier les crédits de fonctionnement d'une année sur l'autre et que certaines productions, notamment celle des fruits et légumes, traversent une période très difficile ?

À ce sujet, il ne saurait être question de couvrir les exactions commises par des producteurs de légumes en Bretagne à la fin de la semaine dernière. Quelle que soit la situation, de telles attaques contre des biens publics sont intolérables : je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point. («Très bien ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Pour autant, comme d'autres producteurs de légumes, ils vivent une crise bien réelle dont ni votre ministère ni la représentation nationale n'ont pris la mesure. Car ce n'est qu'un début ! Les conséquences de l'ouverture européenne sur toutes les filières employeuses de main-d'œuvre sont considérables.

M. François Sauvadet. Il n'y a pas que l'ouverture européenne !

M. Jean Gaubert. Or, là où nous manquons déjà de moyens, vous en enlevez encore ! La seule ressource qui nous restait était la possibilité de jouer avec les budgets des offices - nous l'avons toujours fait. On peut aussi s'efforcer de prévoir de telles situations, mais vous ne vous y essayez même pas. J'espère donc que vous tracerez, à la fin de la discussion, de vraies perspectives pour ces producteurs.

Les moyens sociaux sont eux aussi en baisse. Germinal Peiro vous posera tout à l'heure une question sur les retraites. Pour ma part, je ne peux pas ne pas souligner la baisse des crédits AGRIDIF et du FAC, qui atteindra tous les agriculteurs qui souffrent actuellement.

Venons-en à la réorientation. En 2002, on s'est empressé de remettre en cause une mesure « bolchevique », le CTE.

M. François Brottes. Encore un gros mot !

M. Jean Gaubert. Sous la pression de vos amis ultralibéraux, monsieur le ministre, vous avez voulu les transformer...

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Mais non ! Les CTE n'étaient pas financés !

M. Jean Gaubert. Il aura fallu attendre un an avant d'avoir les contrats d'agriculture durable, dont vous réduisez aujourd'hui les crédits de 10 %. Quel succès, vraiment ! Vous n'y croyez même pas vous-même !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Quelle mauvaise foi !

M. Jean Gaubert. De plus, si vous opérez, j'en conviens, un rattrapage au profit de l'enseignement privé,...

M. François Sauvadet. Rattrapage nécessaire : le privé avait été malmené !

M. Jean Gaubert. ...ce sont bien les coupes claires effectuées depuis 2002 en matière de recherche qui vous amènent à réviser votre politique. Que de temps perdu !

S'agissant de l'augmentation de la valeur ajoutée, vous êtes venu à Rennes il y a quelques semaines pour expliquer à la filière agricole et agroalimentaire bretonne qu'il allait falloir se réorienter. Mais avec quels moyens ? Une commission travaille sur la question, certes, mais les crédits alloués aux IAA s'apparentent à une dotation de misère.

Vous voulez garantir la qualité, mais vous avez supprimé 128 postes dans les services vétérinaires depuis 2003. Comment voulez-vous faire croire à nos concitoyens que la sécurité sanitaire sera mieux assurée ?

Nous avons déjà beaucoup parlé de l'aide aux zones fragiles. Nous pensions que ce budget allait constituer un début de traduction de la loi relative au développement des territoires ruraux, mais nous n'avons rien trouvé de tel. « Aide-toi... », semble-t-on dire, mais la fin de la maxime n'est pas audible. Le ciel n'est sans doute plus disposé à aider le monde agricole.

En matière de protection sociale agricole, vous augmentez le taux de la cotisation de solidarité pour certains agriculteurs. Prenons l'exemple de ceux qui laissent des parts dans des EARL et qui, en ne retirant pas leur capital, aident à la transmission des exploitations : est-ce par l'augmentation de 2 % de cette taxe déjà élevée que vous les remerciez ? Ils se trouvent incités à reprendre leur argent, et donc à fragiliser les jeunes qui veulent s'installer à leur place.

Vraiment, en matière agricole, ce n'est pas un budget d'avenir !

Sur la pêche, je ne reprendrai que quelques aspects de l'intervention de M. Kergueris. La restructuration n'est malheureusement pas achevée et le délai, fixé à fin 2004, est trop bref. Nous rejoindrez-vous pour demander qu'il soit repoussé ? Les retards étant dus, notamment, à la difficulté de certains montages financiers, qu'en est-il du dossier Sofipêche ?

Par ailleurs, la crise du pétrole, chacun le sait, est désormais structurelle. Vous avez certes agi dans l'urgence, comme cela est parfois nécessaire, mais les « avances remboursables » ont-elle la moindre chance d'être un jour remboursées ? Elles ont été instaurées dans la perspective d'une baisse du prix du pétrole : or il est certain aujourd'hui que l'on ne reviendra plus au cours en vigueur au début de la crise.


Un budget en baisse est-il mauvais ? C'est un débat fréquent dans cet hémicycle. Je constate que, lorsque gauche était au pouvoir, l'opposition a systématiquement critiqué les budgets qui n'augmentaient pas.

Je ne partage pas forcément ce point de vue. Encore faudrait-il que le budget qui baisse assure l'ensemble des missions dévolues au ministère. De ce point de vue, malheureusement, en ce qui concerne l'agriculture, la réponse est claire : c'est un budget de vaches maigres.

Monsieur le ministre, 2005 sera pour les agriculteurs une année de sécheresse budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, votre budget s'inscrit dans un contexte que nous savons tous difficile : crises récurrentes sur les marchés des fruits et légumes, crises dont on a beaucoup parlé, y compris en commission ; difficultés sur le marché du vin dont on parle peu, mais qui sont réelles ; crise du lait qui a montré la fragilité des accords entre industriels et producteurs sur fond d'un débat lui aussi récurrent, celui du partage des marges et des relations entre production, entreprises et grande distribution.

Cette question de la juste répartition des marges est essentielle, vitale pour nos territoires. Nous devons l'aborder, non seulement entre professionnels mais aussi avec les consommateurs, avec les citoyens. Ce qui est en jeu, ce n'est pas seulement le panier de la ménagère, c'est le modèle d'agriculture et d'alimentation que nous voulons, ce sont aussi la diversité et la sécurité alimentaires, éléments majeurs - on l'a vu lors de crises importantes, comme celle de l'ESB.

L'affaissement des prix à la production, la recherche permanente du plus bas prix tire vers le bas et ne sert pas l'intérêt même des consommateurs dont nous connaissons l'attachement à la diversité des produits et à la sécurité alimentaire. Le chef de l'État a d'ailleurs placé cette question parmi ses premières préoccupations dans son discours à l'adresse des agriculteurs. C'est bien pourquoi je regrette, mes chers collègues, que n'ait pas été créée une commission d'enquête sur les marges, qui aurait disposé de moyens d'investigation bien supérieurs à ceux d'une mission d'information. Le groupe UDF l'avait demandé avec force. Elle aurait permis à notre assemblée de poser clairement devant l'ensemble des consommateurs et des citoyens la question des prix agricoles et alimentaires, autrement dit du partage des marges, dont nous savons qu'elle ne peut être réglée par les seules lois du marché.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. François Sauvadet. Ce budget s'inscrit aussi dans un contexte incertain au plan européen.

Le cadre budgétaire européen de notre agriculture a été fixé jusqu'en 2013, mais on voit bien toutes les interrogations qui subsistent dans l'application de la réforme de la PAC. Le groupe UDF souhaite qu'elle fasse chaque année l'objet d'une évaluation afin de bien mesurer ses effets sur les filières, les producteurs et les territoires.

Il faudra surveiller de très près les conditions d'application de cette réforme dans les différents pays de l'Union, compte tenu de la marge de manœuvre dont dispose chaque pays - c'est ce qu'on appelle le caractère optionnel, pour lequel vous avez plaidé. A ce propos, monsieur le ministre, je salue votre détermination lors des négociations internationales.

Cette réforme ne doit pas être un facteur de distorsions de concurrence. L'accord conclu prévoit que la Commission devra soumettre au Conseil européen un rapport sur les conditions de mise en œuvre d'ici à 2008. Mais je souhaite que ce rapport s'appuie sur des expertises contradictoires, dans lesquelles chaque État devra s'impliquer.

Cette vigilance, monsieur le ministre, dont vous avez fait montre, nous devons la manifester aujourd'hui plus que jamais. Car nous aurons, en 2008, un rendez-vous à mi-parcours en 2008, prévu par l'accord de Luxembourg, et je dois vous dire que les récentes déclarations de la future commissaire européenne en charge du budget ont de quoi faire réagir. Ne considère-t-elle pas la PAC comme « désuète » et ne déclare-t-elle pas qu'il est honteux que près de la moitié des dépenses du budget de l'Union lui soit consacrée ?

M. Kléber Mesquida. En effet, ces déclarations sont scandaleuses !

M. François Sauvadet. Quand on entend une commissaire européenne qui va prendre des responsabilités importantes, tenir de tels propos à la veille des nouvelles négociations internationales de l'OMC, avec en face un partenaire américain qui vient de plébisciter Georges W. Bush, dont on connaît l'engagement aux côtés des fermiers d'Outre-Atlantique, il y a de quoi s'interroger sur la volonté partagée de promouvoir un vrai modèle agricole européen ! C'est une question extrêmement importante qu'il faudra éclaircir avec la nouvelle Commission. Car l'agriculture est un secteur à part entière d'une importance capitale, qui ne saurait rester une variable d'ajustement dans les négociations - y compris de l'OMC.

Votre budget, monsieur le ministre, s'inscrit également dans un contexte difficile lié au renchérissement du coût du gazole, qui affecte les agriculteurs, les professionnels, et tout le monde rural. Dans nos campagnes, chacun le sait, le gazole, c'est le travail !

J'étais samedi avec un groupe d'entrepreneurs et de transporteurs, d'exploitants forestiers et d'agriculteurs qui m'ont dit dans quelles difficultés insurmontables les plaçait le renchérissement du coût du gazole.

De ce point de vue et parce que je pense moi aussi que la crise ne sera pas conjoncturelle, je tiens vraiment à saluer l'avancée faite par le Gouvernement en matière de biocarburants. Notre collègue Demilly a proposé un amendement, qui a été adopté, visant à satisfaire à l'objectif fixé par l'Europe, de parvenir à 5,75 % de biocarburants pour toutes les filières d'ici 2010. Le dispositif adopté fait obligation aux entreprises pétrolières de s'y engager résolument. Nous avons les savoir-faire et les terres pour produire du carburant vert. C'est un enjeu industriel, écologique et agricole majeur et nous avons trop tardé à nous engager dans cette voie.

Monsieur le ministre, nous sommes aussi dans un contexte budgétaire national contraint. Mais les efforts doivent être partagés et justes pour être acceptables et acceptés. Aussi ne ferai-je aucun commentaire particulier, si ce n'est pour dire que globalement, c'est un budget de reconduction, voire qui enregistre une légère baisse en volume de 4,88 milliards d'euros, soit de 1,8 %. Permettez-moi néanmoins de m'interroger sur la portée, dans ce contexte, de l'augmentation de 2,7 % des crédits de l'administration centrale, augmentation qui est bien plus importante que celle des crédits permettant le fonctionnement des services déconcentrés. A l'heure de la décentralisation, des précisions s'imposent sur ce point.

Comme vous l'avez fait observer en commission, monsieur le ministre, ce budget ne représente bien évidemment qu'une partie des concours financiers à l'agriculture. L'Europe joue un rôle majeur au travers de ses interventions : de l'ordre de 10,5 milliards d'euros, deux fois plus que le budget agricole national !

Mais ce n'est pas tant sur le montant lui-même du budget que sur le fond que doit porter le débat à l'aube de la discussion de la future loi de modernisation qui, je l'espère, constituera une loi d'orientation fixant un nouveau cap à notre agriculture.

Beaucoup d'agriculteurs ont aujourd'hui le sentiment de ne pas voir clair dans leur avenir. L'agriculture attend aujourd'hui bien plus que des accompagnements ô combien nécessaires. Je pense notamment aux bâtiments d'élevage ou aux ICHN. Notre collègue Marleix vient de l'affirmer de manière très opportune, les engagements d'augmentation les concernant doivent être tenus. En effet, ces indemnités sont un élément majeur du revenu agricole. Et si l'on veut que l'État soit respecté, il faut qu'il respecte sa parole.

L'agriculture attend qu'on lui dise ce qu'on souhaite d'elle, quelles orientations et quels moyens doivent être mobilisés, et quelle est sa place dans la société. Monsieur le ministre, vous avez choisi votre méthode et vous avez lancé ce débat, ce dont je me réjouis. Après une commission nationale, un débat régional sera utile. A ce propos, il faudrait recommander aux préfets d'éviter de l'organiser le mardi s'ils souhaitent la présence des parlementaires. Car nous avons peut-être des choses à dire...

Vous avez souhaité que cette loi ne soit pas qu'une loi de modernisation, mais constitue une préparation au franchissement d'un nouveau cap. J'aurais souhaité que ce débat vienne plus tôt, comme je vous l'avais d'ailleurs dit lorsque nous avons discuté de l'avenir de la PAC. Maintenant, il faut s'y engager résolument. Les agriculteurs en ont besoin.

Comme je l'avais déjà dit, au nom du groupe UDF, à l'un de vos prédécesseurs, l'un des indicateurs du mal-être agricole, c'est le nombre des installations. Il y en a de moins en moins, et personne ne peut s'en réjouir : 1 000 installations de moins ont été aidées entre 2000 et 2003. Nous en sommes à moins de 6 000 installations aidées par an ! Cela va poser de vrais problèmes de renouvellement générationnel avec le vieillissement de la population agricole.

Je ne crois pas qu'il soit tenable, pour l'avenir, d'accompagner cette réduction par une baisse de crédits correspondants.

M. Germinal Peiro. Très juste !

M. François Sauvadet. Cette baisse est de 5 millions d'euros.

Sans doute, les incertitudes liées à l'avenir pèsent. La chute du nombre d'installations a été très marquée avant la réforme de la PAC. Mais il faut surtout incriminer la complexité croissante de nos systèmes d'aides, qui ne sont pas lisibles.

Vous avez déjà amélioré les procédures, puisque le versement de la DJA s'effectuera désormais en une fois ; j'espère que cette modification interviendra rapidement.

Reste qu'il y a encore trop d'installations qui se font sans aide. Cela prouve bien que notre système mérite d'être remis à plat et amélioré.

Vous n'ignorez pas, monsieur le ministre, vous qui êtes un élu local, que, dans les collectivités territoriales, les aides qui « marchent » sont des aides simples, compréhensibles, facilement accessibles et mobilisables. Je souhaite une politique rénovée d'accompagnement à l'installation, adaptée aux territoires. Il faudrait que les régions s'impliquent. Cela suppose, bien évidemment, des outils d'intervention plus modernes.

Le thème de l'accompagnement des agriculteurs a été évoqué par nos rapporteurs, notamment par celui de la commission des finances, dont je dois relever la pertinence du propos.

J'ai salué en commission la création d'un dispositif d'assurance récolte. C'était attendu, vous l'avez fait. Mais plusieurs questions demeurent : sur le dispositif, sur la « voilure budgétaire », sur les subventions envisagées - 40 % de la prime d'assurance pour les deux premières années, 10-15 % ensuite - ainsi que sur la majoration envisagée pour les jeunes, qui est notoirement insuffisante.

L'absence de réassurance publique pose la question de la viabilité financière du système en cas de catastrophe climatique exceptionnelle.

J'ai regardé ce qui se passe ailleurs : L'Espagne consacre, par exemple, 210 millions d'euros par an à l'assurance récolte. La somme budgétée en France, 10 millions d'euros, ne permettra d'accompagner qu'environ 5 % des production assurables. Je sais, monsieur le ministre, que vous avez prévu un dispositif qui montera en puissance. Mais j'aimerais connaître la marge de manœuvre que vous comptez dégager, et la hauteur à laquelle ce système pourrait vous paraître finançable et opérationnel.

On assiste parallèlement, et cela inquiète les responsables agricoles que nous avons rencontrés, à la remise en cause des moyens consacrés aux agriculteurs en difficulté. Je pense à AGRIDIF et au FAC. Certes, je connais moins que vous les contraintes qui sont imposées par Bruxelles. Mais il me semble que nous aurions dû maintenir le dispositif existant dans l'attente d'un dispositif communautaire de gestion de crise.

La dotation aux offices baisse de 6 %. Déjà, l'an dernier, j'avais évoqué cette question. La réorganisation en trois pôles va sans doute permettre, vers 2006, des économies d'échelle. Je suis néanmoins convaincu qu'il faut poursuivre l'effort de structuration des filières et d'encouragement aux politiques de qualité. C'est un enjeu majeur. D'ailleurs, lorsque vous avez courageusement abordé ces sujets, en situation de crise, nous vous avons apporté un soutien total. Il faut que chacun assume sa responsabilité. Le Gouvernement ne sera pas seul responsable demain de la mise en œuvre de la structuration de nos filières.

Cela dit, il faut encourager les politiques de qualité, ce qui passera par l'octroi de moyens. Je souhaite d'ailleurs qu'on soit plus volontariste en matière de promotion de nos produits agricoles et agroalimentaires.

En la matière, une réflexion de fond s'impose. Nous avons des représentations dans nos ambassades, dans les DRE, à la SOPEXA. Il faudra toiletter tous ces éléments de promotion pour les rendre véritablement opérationnels. Je sais que Patrick Ollier, le président de la commission des affaires économiques, a envisagé de lancer un débat sur le fonctionnement de nos outils de soutien à l'export. L'argent public engagé aux côtés des partenaires privés doit être efficacement utilisé. Plusieurs pays déploient des efforts très importants de promotion et disposent de véritables forces de frappe à l'exportation. Cela étant, je me réjouis qu'en Chine, nous ayons remporté un contrat important pour nos céréales.

Je souhaite que l'on réfléchisse à l'emploi de toutes nos forces de frappe économiques. Je lance aujourd'hui le débat car, de leur côté, les USA ne ménagent pas leurs efforts.

Je regrette aussi que les crédits forestiers baissent alors que les besoins sont toujours aussi importants. Une politique forestière ne peut pas se permettre de jouer au yo-yo. Nous avons été unanimes à voter la loi d'orientation. Les engagements qui avaient été pris doivent être tenus. Ainsi, les CRPF ont besoin de moyens pour financer de nouvelles missions et une trentaine de créations de postes. Il faudra reprendre le dialogue, mais je sais que Nicolas Forissier a entendu le message des propriétaires forestiers privés. Les acteurs économiques savent que tout n'est pas possible aujourd'hui, mais ils attendent d'un État moderne qu'il tienne ses engagements, y compris ceux de la forêt.

M. François Brottes. Très bien !

M. le président. Il faut conclure, monsieur Sauvadet.

M. François Sauvadet. Un mot sur le nouveau FFIPSA, qui remplace le BAPSA. Contrairement à ce qu'avait indiqué le Gouvernement l'an dernier, ce fonds ne fait pas l'objet d'un programme spécifique du budget, pas plus que d'un rapport spécial dans le cadre de la discussion budgétaire.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. C'est un problème interne à l'Assemblée !

M. François Sauvadet. Je m'étais exprimé au nom d'un groupe politique de cette assemblée, qui ne partageait pas ce choix. Je le redis à cette tribune avec toute la légitimité que confère le débat démocratique.

M. Marleix s'en est d'ailleurs ému dans son rapport et a souligné la nécessité de trouver rapidement une solution au manque de ressources du FFIPSA. Quant à M. Herth, qui prétend que cela n'aura pas de conséquences sur les assurés, qu'il me donne sa recette ! Il manque aujourd'hui 1,5 milliard à 2 milliards sur 15 milliards d'euros. Nous regrettons beaucoup, avec mon collègue Charles de Courson, que la TVA, la C3S, et la subvention d'équilibre du budget général, qui étaient versées au budget annexe, ne soient pas affectées au financement du FFIPSA. C'est d'ailleurs ce qui a donné lieu à un débat surréaliste en commission des affaires sociales, qui a dû délibérer par deux fois sur un amendement pour augmenter de 16 % les droits de consommation sur le tabac afin de trouver des ressources et ne pas laisser filer la dette. Je sais quelles sont les responsabilités de chacun, monsieur le ministre, et je ne vous accuse pas. Mais le courage politique implique de prévenir que la situation est intenable : le nombre de cotisants diminuant de 3 %, le poids de la dette va s'accroître.

Pour conclure, bravo, messieurs les ministres, pour l'enseignement et la recherche. Vous avez fait un effort important et je vous soutiens.

Le groupe UDF n'a jamais douté de votre volonté ni de votre engagement personnel.

M. André Chassaigne. Ce n'est pas l'impression que vous donnez !

M. François Sauvadet. Vous avez repris le dossier dans les négociations internationales alors que nombre de fils s'étaient distendus avec les agriculteurs, qui étaient désignés comme coupables permanents. Nous vous avons apporté un soutien libre et exigeant. Parce que nous saluons votre implication, nous ne voterons pas contre votre budget, qui comporte pourtant tant de zones d'ombre. Mais faute d'avoir obtenu des réponses à des questions essentielles en première partie - laquelle ne dépend pas que de vous, j'en conviens -, notamment sur la protection sociale, nous ne pouvons pas vous donner un blanc-seing. Par notre abstention, nous voulons signaler que nous prenons la situation agricole très au sérieux et que nous attendons rapidement des réponses durables. Parce que l'avenir du monde agricole et rural est en cause, le groupe UDF est prêt à prendre ses responsabilités et à s'engager résolument à vos côtés dans la préparation de la loi de modernisation et d'orientation agricole. Nous nous montrerons une force de proposition, mais aussi un partenaire libre au service d'une ambition qui doit nous rassembler : tracer un avenir pour une agriculture ouverte, reconnue et respectée dans ses missions au service de l'économie et de la société. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour préparer mon intervention, je me suis plongé dans deux ouvrages récents. J'ai sincèrement apprécié, monsieur le ministre, le premier, intitulé La Route des Chapieux (Sourires). J'y ai lu ce bel acte de foi sur les paysans et les pêcheurs,...

M. François Brottes. Et les forestiers ?

M. André Chassaigne. ...que nous partageons tous ici, j'en suis convaincu : « Il ne s'agit pas de parler d'eux au passé. Ils ne sont pas l'icône d'une France forclose. Ils incarnent une réalité économique vivante. Les gens de la terre et de la mer représentent près de 10 % de notre population active, et beaucoup d'emplois en zone rurale qui ne seraient pas remplacés s'ils venaient à disparaître. » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En revanche, je n'ai pas trouvé, dans le second, trace de cette « reconnaissance de la France pour ses paysans et ses pêcheurs ». Les bleus budgétaires sont, il est vrai, peu propices aux envolées lyriques et humanistes. Mais ce sont eux, malheureusement, qui ont force de loi. C'est donc sur leur réalité, froide et austère, que je serai obligé de faire reposer mon intervention sur le budget de l'agriculture pour 2005.

C'est un budget d'abandon. Le Gouvernement a tout simplement décidé de mettre notre agriculture au régime sec. Derrière les chiffres se joue le destin de femmes et d'hommes, mais on l'oublie bien souvent à Bercy !

Avec une inflation proche de 2 %, le budget du ministère de l'agriculture pour 2005 est en baisse de 1,8 %. La dure réalité des chiffres à elle seule suffirait à susciter notre inquiétude, mais le désarroi des agriculteurs est bien plus profond.

Tout d'abord, même si ce problème ne concerne pas spécifiquement le budget du ministère de l'agriculture, le financement de la protection sociale agricole est aujourd'hui grandement fragilisé par la suppression du BAPSA, remplacé, l'année dernière, par le FFIPSA. Or ce fonds spécifique est financé notamment par les taxes sur les tabacs, dont le produit baisse régulièrement. L'assiette de la TVA, qui finançait le BAPSA, était bien plus dynamique. Aujourd'hui, le FFIPSA est en déficit de plus de 1,5 milliard d'euros. L'État n'a pas prévu, dans ce budget, de lui verser de subvention d'équilibre, empêchant de fait le Parlement de débattre de la protection sociale agricole : c'est évidemment inquiétant pour les agriculteurs comme pour la transparence démocratique. Que proposez-vous pour garantir, à moyen terme, le financement de la protection sociale agricole ?

Dans le budget proprement dit, vous parvenez à extirper quelques semblants de priorités pour notre agriculture.

Ainsi, la création d'un fonds unique des bâtiments d'élevage était attendue, notamment en zone de montagne. Ce fonds permettra de redonner quelques perspectives à des éleveurs, pour qui la mise aux normes de leurs bâtiments est souvent problématique. Mais le financement de ce chapitre pour 2005 n'est assuré que par des reports de crédits de 2004. Voilà de quoi nous interroger sur la pérennité du financement de ce fonds : réelle priorité ou faux-semblant ?

Les crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche agricole sont également en hausse sensible. Mais comment ne pas dénoncer les disparités de traitement entre l'enseignement public et l'enseignement privé ? Incontestablement, l'enseignement supérieur du secteur privé est favorisé puisque neuf emplois sont supprimés dans le public. Cette orientation nous inquiète d'autant plus qu'elle est exacerbée dans l'enseignement technique : cette année encore, 97 emplois y sont supprimés dans le public ; soixante classes ont déjà été fermées à la dernière rentrée ; certains concours externes de recrutement ne seront pas organisés en 2005 ; l'accès des élèves à ces filières d'enseignement est de fait entravé par la diminution du potentiel d'accueil de l'enseignement public. Votre gouvernement s'est clairement engagé dans une stratégie de rationnement de l'offre éducative agricole publique. Ce traitement discriminatoire profite clairement au seul secteur privé, qui verra ses crédits augmenter de 5 % en 2005.

M. le secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Ce n'est pas vrai !

M. André Chassaigne. Ces orientations, monsieur le ministre, ne sont pas acceptables. Comment la France peut-elle se réclamer d'une ambition à long terme pour notre agriculture si elle continue à délaisser l'enseignement agricole public ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Mais non !

M. André Chassaigne. Réussir le renouvellement des actifs agricoles suppose d'investir dans la formation, mais aussi d'aider les jeunes à s'installer et de faciliter leur accès à la terre. Or, non seulement ce budget fragilise la formation des jeunes, mais il réduit les crédits de la dotation aux jeunes agriculteurs de 5 millions d'euros, plutôt que de chercher, en la consolidant, à la rendre plus attractive. Dans le même ordre d'idées, les moyens accordés aux SAFER sont amputés de 2 millions d'euros, réduisant leur capacité d'intervention sur le marché foncier.

Enseignement agricole public, installation des jeunes, politique foncière : ce sont les trois piliers du renouvellement des structures agricoles que vous fragilisez, tout l'avenir de l'agriculture française que vous handicapez !

Vous franchissez, de surcroît, un pas supplémentaire dans le démantèlement des structures agricoles existantes. En inscrivant des dotations aux offices en chute libre de 6 %, vous remettez en cause le cœur même des politiques d'orientation de ces offices. À l'heure où les agriculteurs dénoncent de plus en plus, et à juste titre, le libéralisme sauvage, qui encourage le dumping de la grande distribution et des industries agroalimentaires, donc la chute des prix agricoles, vous laissez dépérir les offices et ouvrez grandes les portes du poulailler libre, dans lequel le renard, tout aussi libre, pourra allègrement vaquer.

M. François Brottes. Quel est le nom de ce renard ?

M. André Chassaigne. Après la publication du rapport Canivet, très favorable à la grande distribution, après la réforme de la PAC, qui ne vise qu'à baisser les crédits agricoles, c'est un nouveau signal extrêmement négatif qui est adressé aux agriculteurs.

Alors que les préoccupations environnementales des agriculteurs et de l'opinion s'affirment de plus en plus, que la multifonctionnalité de l'agriculture semble être une voie susceptible de relancer notre agriculture en conciliant valorisation économique et respect de l'environnement, vous taillez dans les crédits des contrats territoriaux d'exploitation et des contrats d'agriculture durable et vous vous contentez de reconduire l'indemnité compensatrice des handicaps naturels pour 2005. Certes, les premiers CTE arrivent à échéance en 2005. Pourquoi, justement, ne pas en profiter et mobiliser ces crédits en faveur d'un plus ample soutien à la multifonctionnalité ou à l'augmentation promise de l'ICHN de 50 % ?

Élu d'une région forestière, je tiens aussi à dénoncer avec fermeté la chute brutale des crédits de la forêt, soulignée par le rapporteur : 6,7 % en crédits de paiement et 7 % en autorisations de programme. Tous les secteurs de la politique forestière pâtiront de cette rigueur budgétaire. Alors que de multiples rapports, notamment celui de M. Bianco en 1998, ont montré le potentiel économique de développement de la filière bois, la chute de 10 % des crédits d'investissement consacrés à la production forestière et de 31 % de ceux consacrés au développement de la filière marque l'arrêt de toute ambition nationale en matière forestière. Le désintérêt de ce gouvernement pour les acteurs de la filière bois est tel que lorsqu'il annonce des mesures de réduction des taxes sur le pétrole pour les agriculteurs, les débardeurs de nos forêts en sont exclus !

M. François Brottes. Les grumiers aussi !

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre, les angoisses du monde agricole sont multiples et légitimes : la réforme de la politique agricole commune fragilisera durablement notre agriculture en amplifiant notamment la baisse des prix agricoles ; la Commission européenne continue de se fourvoyer à l'OMC en défendant les seuls intérêts de l'industrie agroalimentaire pour mieux sacrifier les paysans du Nord et du Sud ; la même idéologie libérale empêche les pouvoirs publics en France de bien mesurer l'ampleur du racket organisé par la grande distribution et l'industrie agroalimentaire à l'encontre des agriculteurs, et donc de prendre les mesures qui s'imposent. Le recul marqué de l'intervention publique dans l'agriculture, que cherche à acter ce projet de budget, ne pourra que conforter ces inquiétudes. C'est de bien mauvais augure à un an de l'adoption de la loi de modernisation agricole ! Pour illustrer mon propos, monsieur le ministre, je paraphraserai encore une fois votre ouvrage : à trop faire de concessions au réel, vous ne parviendrez qu'à réduire l'imaginaire à des rêveries passives et à laisser l'emporter la fatalité du déclin de notre agriculture sur le vrai projet qu'attendent aujourd'hui les paysans.

J'ai une pensée, monsieur le ministre, pour notre ami commun, le Fidèle berger d'Alexandre Vialatte (Sourires), pris dans la tourmente de 1940 avant de se retirer pour écrire dans ma petite commune de Saint-Amant-Roche-Savine.

«Au soixante-cinquième kilomètre, » - écrit Alexandre Vialatte - « il vit de l'eau qui traversait la route, mordorée, pailletée, clapotante, couleur de pierre d'aventurine,...

M. François Sauvadet. C'est joli !

M. André Chassaigne. ...comme les ruisseaux de son pays, avec des parties plus dorées sur les lits de sable peu profonds, plus vertes ailleurs et noires sous les branchages. Il arrêta ses deux voisins :

« - Vous ne voyez donc pas l'eau ?

« - Quelle eau ?

« Ils avaient les pieds dedans, et ils demandaient quelle eau !

« - Celle-là, tiens !

« - Celle-là ?... Où ; celle-là ?... Tu as des visions ? »

Monsieur le ministre, le fidèle Berger vous a beaucoup marqué. Meurtri par la débâcle de la PAC, vous voulez nous faire partager votre vision d'un excellent budget... mais ce n'est qu'une vision. (Sourires.)

Pour ma part, de façon « irréfutable »,...

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Comme l'éléphant ! (Sourires.)

M. André Chassaigne. ...j'y vois davantage la « chronique » d'une mort annoncée : dans ces conditions, vous comprendrez que le vote des députés communistes et républicains ne peut-être que négatif.

Je vous laisse enfin deviner la dernière phrase de mon propos : « Et c'est ainsi... ». (Rires sur plusieurs bancs .- Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Que Chassaigne est grand ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Michel Raison.

M. Michel Raison. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la séquence que je suis chargé d'animer sera un peu plus positive et réaliste que la précédente et un peu moins idéologique.

M. Jean Gaubert. Mais moins drôle !

M. Michel Raison. Le budget qui nous est présenté est, dans un contexte budgétaire difficile, la quasi-reconduction de celui de l'année dernière.

M. Germinal Peiro. Il accuse une diminution de 4 % !

M. Michel Raison. Cela décrédibilise donc totalement le tableau apocalyptique qui vient d'être dressé !

Et le fait que 26 % des 5 milliards qui vous sont alloués, monsieur le ministre, soient consacrés à la formation et à la recherche est de nature à me rassurer.

Les services du ministère, dans la capitale comme en province, sont confrontés à une extrême complexité administrative, qui est une spécificité française.

Vous avez beaucoup travaillé, monsieur le ministre, à l'amélioration des conditions de travail et de l'efficacité de vos services, et donc de leur productivité. Vous avez ainsi été l'un des premiers à mettre en place une rémunération au mérite pour l'ensemble des directeurs d'administration centrale. Cela va dans le bon sens. Par ailleurs, 206 départs à la retraite ne seront pas remplacés. Votre ministère contribue de la sorte à la maîtrise globale de la dépense publique.

Mais les résultats restent insuffisants en matière de simplification administrative et cette spécificité française qu'est l'extrême complexité des actes administratifs - la PAC, qui est la même pour tous les pays européens, est appliquée de façon beaucoup plus simple chez certains de nos voisins - annule ces efforts de productivité et pollue la vie quotidienne des agriculteurs.

M. Jean Dionis du Séjour. C'est vrai !

M. Michel Raison. Je vous demande donc, monsieur le ministre, de faire encore un effort en ce domaine. Nous devons travailler tous ensemble sur ce dossier.

Sur le budget lui-même, je me contenterai de répéter ce que j'ai dit l'année dernière à cette même tribune : la qualité d'un budget ne se mesure pas à son volume mais à sa capacité de dégager des priorités utiles. C'est en appliquant ce grand principe que nous pourrons, tous ensemble, redresser les finances de notre pays, sans continuer à alourdir les charges par l'application de décisions par trop démagogiques.

Les quatre grandes priorités que vous avez fixées, monsieur le ministre, sont destinées à préserver l'avenir. Je pense, par exemple, aux fameux CTE : si l'on avait continué au même rythme, c'est l'ensemble du budget du ministère de l'agriculture qui aurait fini par servir à financer cette mesure démagogique.

La première des priorités pour 2005 est le lancement de l'assurance récolte, avec 10 millions d'euros. Ces crédits sont, certes, insuffisants, mais je sais que la montée en charge de cette nouvelle procédure ne sera pas très rapide et vous nous avez assurés en commission, monsieur le ministre, que les besoins complémentaires seraient pourvus en loi de finances rectificative. Les députés UMP seront vigilants sur ce point et veilleront, en particulier, à ce que le Gouvernement n'en profite pas pour laisser une part plus importante qu'avant à la charge des paysans de France. En disant cela, je ne pense nullement à votre ministère, monsieur le ministre.

La deuxième priorité est la rénovation des bâtiments d'élevage, avec la création d'un fonds de modernisation alimenté à hauteur de 55 millions d'euros, toutes zones confondues - ce qui est important. En 2006-2007, ce fonds devrait être doté de 120 millions. Là encore, pour que cette mesure garde tout son sens, il faudra tenir le cap.

Le PMPOA sera doté de 133 millions en autorisations de programme en 2005, ce qui devrait permettre de couvrir les besoins. Quant aux crédits de paiement pour l'ensemble de ce dossier, ils risquent, si l'on n'y prend garde, d'être un peu « courts » en 2006.

M. François Brottes. C'est presque du Chassaigne !

M. Michel Raison. La troisième priorité est une politique volontariste dans le domaine phytosanitaire et de la santé en général, avec des crédits en hausse de 7 % par rapport à ceux de 2004. Cette politique est bonne à la fois pour les agriculteurs et les consommateurs. N'en déplaise aux marchands de peur et autres nostalgiques du passé, qui font volontairement l'impasse sur les progrès considérables réalisés, ces trente dernières années, en matière de qualité sanitaire des produits tant végétaux qu'animaux, nous devons poursuivre nos efforts car des progrès restent à faire en matière de rigueur dans leur homologation et leur utilisation.

L'enseignement et la recherche se voient affecter 26 millions d'euros. De même que les agriculteurs font plus que produire puisqu'ils entretiennent, du mieux qu'ils peuvent, la nature pour le bien des autres utilisateurs - touristes, chasseurs, écologistes, les faux comme les vrais - l'enseignement agricole accueille tous les publics et fournit des débouchés beaucoup plus larges que la seule agriculture. Avec un nombre d'élèves stable, l'enseignement technique voit son budget augmenter de 2,3 %. Je me félicite qu'un effort particulier soit fait en faveur de l'enseignement privé. Il fallait en effet rattraper le retard pris et honorer la parole non tenue par le gouvernement précédent. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir rectifié le tir et d'avoir, vous, tenu votre parole.

Les crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche augmentent de 5 %. La science et la recherche ont permis à l'homme d'améliorer son confort et d'allonger sa durée de vie. À l'heure où certains énergumènes prêchent la peur de la science en annonçant un avenir catastrophique si nous poursuivons dans la voie du progrès, ce n'est pas le moment de baisser les bras. Veillons à ce que notre recherche française n'accentue pas son retard par rapport à celle des États-Unis !

Sans pour autant retomber dans le scientisme caricatural de la IIIRépublique, je prêche pour le non-intégrisme, notamment sur le dossier des OGM.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Michel Raison. Cela vaut dans les deux sens : n'en restons pas aux peurs, montrons également les avantages, et ne parlons pas de « contamination » si le risque est seulement celui de la dissémination !

M. François Sauvadet. Il y a une excellente mission qui étudie actuellement le sujet !

M. Michel Raison. En ce qui concerne la forêt, je note, là encore, le respect de la parole donnée, avec le versement compensateur de l'État à l'ONF. Les crédits sont abondés de 20 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2004. Par contre, je suis, monsieur le ministre, un peu plus inquiet pour la forêt privée, qui voit ses crédits baisser de 22 millions d'euros. Il manque, d'ores et déjà, au moins 1,5 million pour les CRPF - les centres régionaux de la propriété forestière - et 7 millions pour honorer le plan tempête de janvier 2000. J'espère, là encore, que la loi de finances rectificative permettra de combler ces manques.

En annexe de ce budget, il ne faut pas oublier les 10,5 milliards venant de l'Union européenne ni les diverses mesures de gestion de crise. Je pense, en particulier, à l'aide sur les carburants en faveur des paysans de la mer comme de ceux de la terre. Citons aussi les mesures fiscales telles que la prime pour l'emploi, qui concerne un certain nombre d'agriculteurs, l'allégement des transmissions, l'augmentation du plafond du chiffre d'affaires pour le calcul des plus-values, la mensualisation de la retraite des anciens exploitants - avec 14 mois versés et 12 fiscalisés. À tout cela s'ajoute le travail conduit par Nicolas Forissier pour soutenir la vocation exportatrice de notre agriculture en partenariat avec les industries agroalimentaires.

Après la loi sur le développement des territoires ruraux, qui comporte tant de points positifs, vous travaillez maintenant d'arrache-pied, monsieur le ministre, sur le projet de loi de modernisation. Vous avez prévu, à cet effet, une concertation intense avec différents groupes de travail suivie, pendant tout le mois de novembre, d'une impressionnante tournée. Je vous souhaite bonne chance dans la réalisation de votre ambition, qui est d'imaginer le visage agricole de la France pour les quinze prochaines années.

Quelques mots sur l'accord OMC de Genève du 1er août. Il marque une nouvelle étape dans la libéralisation des échanges agricoles. Certaines dispositions risquent cependant de préserver des éléments fondamentaux de la réforme de la politique agricole commune et de maintenir une certaine préférence communautaire. L'Union européenne devra conclure favorablement la deuxième phase de négociation. Vous devrez, pour cela, monsieur le ministre, travailler étroitement avec la Commission et nouer des alliances fortes avec nos partenaires européens. Vos qualités bien connues de négociateur nous rendent à ce sujet confiants.

Nous avons beaucoup parlé de la promotion des biocarburants. Je me félicite à ce sujet de l'adoption lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances de l'amendement tendant à incorporer 130 000 tonnes de plus de ces carburants par an.

Même si la question de l'installation des jeunes agriculteurs relève plus de la loi de modernisation, je tiens à indiquer, notamment à la demande de mon collègue Jean-Marie Binetruy, qu'une simplification des procédures sera sans doute nécessaire. Nous ferons des propositions en ce sens.

Le budget prévu en faveur des agriculteurs en difficulté peut paraître faible. Nous avions déjà souligné cet aspect l'année dernière et je dois reconnaître, monsieur le ministre, que la loi de finances rectificative a su y remédier et nous a permis de faire face à ce problème dans l'ensemble des départements.

Les groupes de travail prévus sur le dossier difficile de l'équarrissage se mettent en place. Nous espérons une issue favorable.

S'agissant, enfin, de la loi Galland, nous allons proposer de transformer le groupe de travail que nous avons créé à partir de la commission des affaires économiques afin d'aller vite et d'éviter d'éventuelles erreurs dans les négociations avec la grande distribution, en mission d'information car, à mon avis, nous n'en sommes pas au stade de la commission d'enquête.

M. François Sauvadet. Nous progressons !

M. Michel Raison. Je crois vraiment qu'une mission d'information sera amplement suffisante. Si les députés veulent bien - en dépit des agendas chargés des uns et des autres - y venir plus nombreux qu'au groupe de travail, nous ferons plus de travail que dans une mission d'enquête.

M. François Sauvadet. C'est un petit Scud...

M. Jean Dionis du Séjour. Un tout petit !

M. Michel Raison. Comme mes collègues, je souhaite que l'on débouche sur des négociations qui tiennent compte de l'ensemble de la chaîne de la distribution, du producteur au distributeur, étant entendu que la baisse des prix à la consommation ne doit pas être le seul objectif...

M. François Sauvadet. Voilà qui est mieux !

M. Michel Raison. ...et qu'il ne s'agit pas de démanteler une loi protectrice pour les producteurs et les petits commerces.

M. François Sauvadet. C'est vrai !

M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Raison !

M. Michel Raison. Je vais conclure, monsieur le président.

La météo est souvent imparfaite, l'homme est également imparfait. Votre budget ne peut prétendre davantage à la perfection, mais il est largement au-dessus de la moyenne et le groupe UMP le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon intervention est un complément de celle de François Sauvadet au nom du groupe UDF.

Je n'aborderai que deux dossiers : les retraites agricoles et, plus longuement, la filière des fruits et légumes.

Monsieur le ministre, vous le savez, les retraites agricoles sont parmi les moins élevées de la nation. Dans un contexte budgétaire très serré, le gouvernement actuel - c'est à mettre à votre actif et à votre honneur - a déjà opéré deux réformes : la mensualisation et le financement d'une retraite complémentaire.

Mais il reste quatre problèmes importants à régler.

Premièrement, celui des petites retraites. La nation, même si cela doit prendre du temps, ne peut pas avoir d'autre but que d'assurer à nos agriculteurs une retraite équivalente à celle des autres citoyens. C'est une question de justice élémentaire.

Deuxièmement, celui de la pension des conjoints des chefs d'exploitation et des aides familiaux.

Troisièmement, l'extension de la retraite complémentaire obligatoire à ces mêmes conjoints et aides familiaux au prorata de leur carrière.

Quatrièmement, la révision du statut actuel des "poly-pensionnés" pour prendre en compte, bien naturellement, le montant total de leurs diverses pensions.

Le budget 2005 aurait dû être l'occasion de franchir une étape dans ce rattrapage, priorité sociale pour la nation. L'UDF pense que ce rattrapage peut se faire progressivement. Les retraités agricoles sont, dans leur immense majorité, des gens dignes et responsables. Ce bouclage aurait pu être terminé en 2010. Aucun palier n'a été prévu dans ce budget et nous le regrettons vivement.

Passons ensuite au plus urgent. La situation de la filière des fruits et légumes.

Bien évidemment, je me préoccupe plus spécifiquement du Sud-Ouest, mais je me fais aussi l'écho de ce que j'ai pu entendre dans bien d'autres territoires qui connaissent le même type de problèmes : le Val de Loire, la vallée du Rhône ou même la Bretagne.

Dans les semaines passées, monsieur le ministre, j'ai essayé, avec beaucoup d'autres, de remplir mon mandat de député de cette terre arboricole et maraîchère qu'est le Lot-et-Garonne, en appelant votre attention par tous les faibles moyens dont nous disposons - discussion du projet de loi sur le développement des territoires ruraux, où vous représentiez le Gouvernement, question orale à Nicolas Sarkozy sur les rapports avec la grande distribution. Nous vous avons dit : « Attention, la crise qui, cet été, a secoué, avec une violence inconnue jusqu'à présent, les producteurs de fruits et légumes est une crise qui a peu de chose à voir avec les crises conjoncturelles récurrentes de ce secteur. »

J'espérais vraiment que ce budget soit au moins un début de réponse, voire une riposte à ce qui se passe notamment en Allemagne.

Vous ne l'avez pas voulu ainsi. Sans doute, monsieur le ministre, parce que vous avez, si j'ose dire, un boulot de chien, avec une mauvaise nouvelle toutes les quinze minutes. Et aussi parce que nous n'avons pas réussi à vous convaincre que cette crise-là était, pour nous, un vrai tremblement de terre. Nous ne sommes donc pas d'accord sur la conduite de ce dossier, du moins telle qu'elle s'est effectuée jusqu'à maintenant. Ce sera une des raisons de notre abstention lors du vote de votre budget.

Soyons honnêtes. Votre budget n'est pas sans signes d'espoir, même pour un arboriculteur français. Je tiens à saluer - François Sauvadet et d'autres orateurs, comme Michel Raison l'ont fait - les débuts de l'assurance récolte. Enfin une vraie assurance pour lutter contre tous les aléas climatiques - non seulement la grêle, mais aussi le vent, le gel ou la sécheresse - qui déstabilisent depuis toujours ces professions. Ô certes, les débuts sont timides, avec 10 millions d'euros. Mais enfin, la porte est ouverte. On en parlait depuis vingt ans ; vous êtes le ministre qui l'aura fait naître. Bravo pour cela, monsieur le ministre !

Mais pour cette filière une vraie riposte française aurait été d'oser répondre sur trois fronts : d'abord, celui de l'aide d'urgence ; ensuite, celui du coût du travail ; enfin, celui des relations entre la production et la grande distribution.

Les aides d'urgence d'abord. Les agriculteurs, par exemple les serristes en tomate - ceux qui ont perdu environ 90 000 euros par hectare - me demandent la gorge serrée : « Jean, qu'est ce que je fais ? Je replante pour reperdre la même chose ou j'arrête tout ? »

Certains d'entre eux font le pari de continuer. Mais comment, lorsqu'on vient de perdre 90 000 euros par hectare, faire les avances pour la prochaine campagne et chauffer les serres avec un prix de l'énergie qui explose ? Les aides d'urgence prennent alors tout leur sens.

À Nantes, le 7 octobre, à l'occasion du quarante-huitième congrès national des producteurs de légumes, vous avez annoncé quatre mesures : 10 millions d'euros consacrés à des aides directes de trésorerie ; 50 millions d'euros de prêts de consolidation ; un million d'euros pour la mise en place d'un étalement des cotisations à la Mutualité sociale agricole ; et enfin, 10 millions d'euros à l'ONIFLHOR.

Sans nier l'intérêt de ces mesures, nous voulons dire fortement qu'elles ne nous semblent vraiment pas à la hauteur du drame qu'a connu la filière cet été. Peut-être ne pouviez-vous pas aller plus loin dans le cadre budgétaire qui vous avez été donné. Alors, il fallait avoir l'audace de créer des ressources fiscales exceptionnelles. L'UDF avait émis l'idée d'une hausse exceptionnelle de la TACA. Il est dommage que vous ne l'ayez pas retenue.

S'agisant du coût du travail, le constat est connu. Nous avons, en France, un problème structurel dramatique de manque de compétitivité pour les filières « produits frais », notamment - et c'est récent - dans la compétition intracommunautaire. Le coût du travail excessivement élevé dans notre pays pénalise ces filières à forte intensité de main-d'oeuvre, notamment saisonnière. Lors du débat sur le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, j'avais cité des chiffres. Un travailleur saisonnier gagne en Allemagne 6,15 euros de l'heure contre 8,52 euros en France. Un salarié en CDI gagne 10,52 euros de l'heure en France contre 5,43 en Espagne.

L'Allemagne, les Pays-Bas ou encore l'Espagne, ont adapté leur législation aux enjeux agricoles modernes. Ces pays ont également su faire appel à une main-d'oeuvre saisonnière étrangère abondante en provenance des nouveaux États membres de l'Est. Elle représente dans certaines filières 90 % des travailleurs saisonniers en Allemagne, soit un effectif de 243 000 personnes contre 10 000 en France.

À Nantes et devant la représentation nationale, vous avez annoncé la création d'une mission interministérielle agriculture-finances-emploi chargée d'examiner les facteurs de distorsion de concurrence intraeuropéens. Où en est cette mission ? Pourquoi le Parlement n'y est-il pas associé ? Quand rendra-t-elle ses conclusions ? Comptez-vous les mettre en œuvre pour la campagne 2005 ? Le contraire serait vécu comme scandaleux par nos paysans. Si les dispositions proposées sont mises en œuvre, comment seront-elles financées alors que rien n'a été prévu pour des allégements de charges, ni dans le budget, ni dans le PLFSS ?

Enfin, les rapports entre la grande distribution et la production sont totalement déséquilibrés : cinq centrales d'achat contre 360 organisations de production.

Lors de la discussion du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, vous nous aviez renvoyés au rapport Canivet, en nous assurant que, dès que ses conclusions seraient connues, vous étudieriez les pistes de travail concernant le secteur agricole, afin d'en tirer très rapidement les conséquences législatives.

De plus, le 27 octobre, Nicolas Sarkozy à qui nous avions demandé son avis personnel sur le coefficient multiplicateur, nous avait promis des réponses précises dans un délai de trois semaines. Nous avons lu ce rapport avec le plus grand soin. Le problème de la filière des fruits et légumes y est reconnu - comment pourrait-il être autrement et pas moins de 17 pages y sont consacrées. Mais les propositions sont désespérantes et écartent, de façon sommaire et très contestable, la voie d'avenir la plus prometteuse : celle du coefficient multiplicateur.

Nicolas Sarkozy a jugé la proposition de loi de notre collègue Jean-Michel Ferrand incompatible avec le droit communautaire. Je remarque seulement que M. Canivet est bien plus prudent que le ministre d'Etat et que, lorsqu'il parle d' « incompatibilité communautaire », il emploie un conditionnel très prudent.

Monsieur le ministre, que doit-on faire ? Quels amendements allez-vous déposer au Sénat ? Vous nous aviez promis de le faire lors de l'examen du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. Avant de parler « droit », avez-vous la volonté politique de contraindre la grande distribution à un autre partage des marges avec le monde de la production ?

Quant à nous, nous vous demandons, dans ce domaine, d'oser, de bousculer les règles, même s'il n'est pas interdit, je le concède, d'être habile. Améliorons ensemble la proposition Ferrand et battons-nous pour la faire reconnaître à Bruxelles. Le rapport Canivet lui-même évoque des pistes de jurisprudence. Il faudra quand même nous expliquer en quoi la corrélation entre le prix de vente au client et le prix d'achat au producteur fausserait la concurrence entre producteurs européens !

Monsieur le ministre, dans le cadre budgétaire qui vous est fixé, votre gestion est respectable. Il reste que nos campagnes traversent une période de bouleversement et que dans certaines filières, il y a le feu. Votre budget est trop classique pour parvenir à l'éteindre. Ce n'est pas la riposte que l'agriculture française attend.

Il est vrai qu'en bout de course, nos sentiments sont partagés. François Sauvadet l'a dit, je le reprends à mon compte : nous saluons le retour de la France comme acteur majeur de la diplomatie agricole européenne. Sur le plan national, votre gestion est intellectuellement honnête et respectable. Mais il manque, pour le moment, l'audace réformatrice nécessaire dans une période de crise aussi brutale. Pour cette raison, à cause de ce décalage, solidaire avec le groupe UDF, je m'abstiendrai lors du vote de ce budget.

M. le président. La parole est à M. Louis Guédon.

M. Louis Guédon. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le budget de la pêche s'élève pour 2005 à 32,4 millions d'euros. Ces crédits sont destinés à soutenir une flotte de 5 695 navires pour un tonnage de 639 000 tonnes et pour un chiffre d'affaires qui, en 2003, s'est élevé à 964 millions d'euros pour les produits frais, à 177 millions d'euros pour les produits congelés, auxquels s'ajoute la conchyliculture.

Le montant de ces crédits exprime l'effort financier du Gouvernement. Ce budget qui, en 2004, augmentait de 23,5 %, voit sa baisse contenue de 5,6 %. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il traduit donc l'attention particulière que vous portez au monde de la mer dans un contexte budgétaire très difficile.

Ce budget prend en compte le nécessaire plan de modernisation de la flotte, qui doit permettre d'ici à 2006 la construction de 250 nouveaux navires et la modernisation de 100 d'entre eux.

Vous avez inscrit 504 millions d'euros de crédits de programmation et prévu la poursuite des prêts bonifiés indispensables à l'équilibre financier des armements. Ce plan assurera la sécurité de nos équipages, qui sera renforcée par la fourniture des vêtements à flottabilité intégrée, les VFI.

Ce dispositif n'a pas occulté la nécessité de soutien que doivent connaître les Sofipêche, mises en place à l'initiative de la profession. 53 navires sont en cause : 34 pour une première installation pour nos jeunes ; 19 pour des renouvellements. Au total, 55 millions d'investissement, qui permettent d'espérer 370 emplois embarqués, grâce à l'initiative du groupe de la coopération et du crédit maritimes.

Ce dossier, monsieur le ministre, a été transmis à la Commission européenne, avec l'aval du ministre des finances. Puisse-t-il après une évaluation des équivalents subventions, être jugé conforme au droit communautaire !

Il est urgent que les décisions permettant le remplacement de nos navires soient prises, afin d'assurer impérativement la sécurité de nos marins. Ces derniers, dans leur métier difficile, souhaitent que soit examinée la gestion des aléas. L'année 2004 a vu, à nouveau, le spectre de la crise pétrolière. Les marins ont été frappés de plein fouet par l'augmentation du gazole. Je tiens à vous remercier de votre diligence dans les actions que vous avez su conduire en leur faveur. L'accord obtenu auprès du commissaire Fischler la mise en place des aides annoncées vous ont permis, le 26 août dernier, de rassurer la profession. Elle a bien reçu votre message. Les modalités mises en œuvre sont de bon augure : abattement de charges sociales pour les employeurs et les salariés. Quelques précisions sont attendues : segmentation par flottille, dossier individuel, type de navigation au-delà ou en deçà des 12 milles.

Ces mesures ne juguleront pas la flambée du prix du pétrole et ne résoudront pas les difficultés de commercialisation qui affectent les navires, mais elles ont été considérées comme encourageantes.

Un grand pas a été franchi avec l'assurance gazole. Tous espèrent, par ce mécanisme, que le prix du gazole pourra être lissé autour de 25 centimes d'euros le litre. La fluctuation du prix du gazole est un aléa très pénalisant. Malheureusement, il n'est pas le seul.

La profession s'est longuement penchée avec vos services, sur les difficultés qu'elle rencontre. Son vœu le plus cher est de voir apparaître, dans la prochaine loi de modernisation agricole, les principes d'un fonds pour aléas, dont l'assurance gazole ne constituera que l'un des éléments.

Face à ces difficultés, ce sont les droits à pêcher, c'est-à-dire les quotas, qui font vivre les marins et les ports. Nous nous réjouissons de voir dans votre budget 18,6 % de crédits supplémentaires destinés au renforcement des contrôles. Mais il est nécessaire que la France puisse exiger des contrôles pour les pêches venant de pays dépourvus de quotas et pratiquant la black fish. Ces solutions touchent le merlu, la baudroie et la sole, dans la zone VIII par exemple. Les pays sont connus. Il s'agit de l'Angleterre, de l'Irlande, du Danemark et de la Belgique. Ces contrôles réguleront, nous l'espérons, nos marchés nationaux et permettront de dénoncer les fraudes bien connues dans nos ports.

La ressource a besoin d'eux, car, dans les premiers mois de 2004, elle se trouve en recul de 12 %. Est-il souhaitable que soit localisée en Espagne l'Agence du contrôle maritime, quand on connaît les conflits qui prennent naissance dans le golfe de Gascogne ? L'établissement de cette agence dans un pays neutre serait de nature à rasséréner les esprits.

On pourrait également prendre l'exemple du merlu pêché par les Espagnols et les Danois sur les quotas français avec des dépassements inacceptables de quotas autorisés. À un degré moindre, on pourrait ajouter la langoustine, le merlan et la plie.

D'autres difficultés apparaissent avec la mutation des bateaux. Les quotas, en effet, sont liés à ces derniers, et non aux organisations de producteurs. Le départ d'un ou plusieurs bateaux peut entraîner la déstabilisation d'un port. Les quotas sont affectés au bateau ; il serait souhaitable qu'ils le soient aux organisations de producteurs, ce qui assurerait aux ports la pérennité de leur activité.

La pratique d'échange des quotas est l'occasion de toutes les surenchères. La profession souhaite qu'au niveau national puisse être établi un état des lieux biannuel, afin d'assurer un redéploiement dans une totale transparence. Sans nous appesantir sur le cas du thon, nous souhaitons que les travaux de l'Institut de recherche et développement, avec l'aide de l'État, restaurent la sérénité de la pêche dans l'Atlantique.

²On pourrait penser que les quotas n'ont pas à être évoqués dans une discussion budgétaire ; mais par le fait qu'ils conditionnent le revenu des navires, ils ont une incidence directe sur le budget de la pêche. Il faut souhaiter que s'instaure - je sais que tel est votre vœu - une relation de confiance entre les scientifiques chargés de déterminer l'importance de la ressource, et nos marins qui se voient attribuer des quotas directement liés aux conclusions de leurs travaux. Un effort de suivi et de transparence dans les relations entre les uns et les autres serait de nature à aplanir les difficultés et à restaurer l'indispensable confiance qui garantirait aux estimations des chercheurs une incontestable crédibilité. Tout le monde est d'accord sur la préservation de la ressource halieutique, mais personne ne peut occulter les difficultés auxquelles se heurtent les uns et les autres.

Si la signature de la charte entre l'IFREMER et le milieu maritime reste porteuse d'espérances, elle n'a pas pour autant atteint le stade de la maturité. La période d'essai n'a pas encore permis d'instaurer la confiance et la transparence dans les relations. La qualité des prélèvements et des données de départ doit être incontestable pour garantir l'exactitude des estimations et la reproductibilité des résultats. Leur importance est primordiale dans la mesure où ce sont eux qui sont directement pris en compte par le Conseil international pour l'exploration de la mer et retenus par la Commission européenne.

Comment créer cette indispensable relation de confiance quand c'est seulement à l'issue de la réunion de Copenhague que les marins ont connaissance des évaluations de l'IFREMER ? Le monde de la pêche, l'ensemble des professionnels ne peuvent que remercier OFIMER du soutien et de l'intérêt qu'il leur porte. Ils souhaitent voir les moyens de cet office préservés et ont été rassurés d'apprendre que la baisse de 15,2 % de son budget, arrêté à 8,5 millions d'euros, ne résulte que d'un ajustement technique. L'importance du rôle et des missions de l'OFIMER n'est plus à démontrer pour la filière. Il est indispensable d'en pérenniser le dispositif : au-delà des aléas dont nous venons de parler, il permet d'éviter les à-coups du marché et d'en assurer la régulation.

Avec ses 20 000 emplois, la conchyliculture a produit en 2003 115 000 tonnes d'huîtres et 60 000 tonnes de moules. Votre volonté de reconduire pour 2004 les crédits nécessaires à la qualité sanitaire est bienvenue. Les modifications de la biomasse, la qualité de l'eau des estuaires exigent un contrôle suivi. Cela dit, il n'est pas souhaitable d'alourdir les normes sanitaires actuelles. Leur seul respect devrait garantir la qualité des produits sans pénaliser les conchyliculteurs. Le monde de la mer vit sous la menace permanente de catastrophes qui réduisent à néant le résultat d'une année ; ce fut le cas des marées noires provoquées par l'Erika et le Prestige. Marins pêcheurs et conchyliculteurs réclament la mise en place d'un fonds pour aléas, alimenté par l'Europe, l'État, les régions et les professionnels, qui garantirait les revenus des exploitations en atténuant les conséquences financières des crises. Cette mesure est très attendue par le monde conchylicole.

Parlons enfin des hommes. Si leur sécurité passe par le renouvellement de la flottille, nul ne doit pour autant oublier la difficulté et la dureté du métier. Les ports connaissent de réels problèmes de recrutement. Il est urgent de mettre la profession en mesure d'utiliser les possibilités offertes par l'alternance. Le métier de matin exige une longue adaptation ; un engagement précoce est nécessaire. L'alternance autorise précisément cette formation de nos jeunes en leur permettant de s'adapter à ce métier difficile. Encore faut-il leur garantir une promotion sociale et un profil de carrière enviable.

Si nous avons évoqué la préservation de la ressource halieutique par le biais des quotas, les investigations sur la période de repos biologique doivent également être prises en compte. Non seulement elles participent de l'objectif principal recherché : la maîtrise de la ressource, mais elles pourraient se traduire par une amélioration sensible des conditions de travail de nos marins pêcheurs, ce qui constituerait sans nul doute une réponse aux difficultés de recrutement, une raison d'espérer pour nos jeunes et un élément de leur épanouissement personnel. Resterait à déterminer l'indemnisation, légitime, des marins au repos.

Les enjeux du monde de la mer sont liés aux aménagements de notre territoire, à l'importance - considérable - de notre littoral, à sa mise en valeur et au rôle maritime que la France doit exercer. Conscient des efforts que vous déployez, monsieur le ministre, de votre sens permanent de l'écoute et du caractère positif des solutions que vous proposez, le groupe UMP sera à vos côtés et soutiendra votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Monsieur le ministre, grâce à l'action que vous avez menée de concert avec celle du Président de la République à Luxembourg, en juin 2003, l'agriculture française est assurée de la pérennité de ses financements jusqu'en 2013. Elle n'en vit pas moins aujourd'hui une profonde mutation. Aux évolutions de la PAC, qui sont loin d'être complètement assimilées par nos agriculteurs, viennent s'ajouter les pressions sur les prix agricoles, les incertitudes des négociations internationales et la réforme des OCM, dont l'OCM-sucre. Cela fait beaucoup.

Nos paysans inquiets mettent beaucoup d'espoirs dans votre politique et dans votre projet de budget pour 2005.

Celui-ci s'élèvera à près de 5 milliards d'euros, ce qui correspond peu ou prou au montant de 2004 compte tenu des reports de crédits. Dans un contexte d'économies budgétaires, cette bonne tenue est plutôt rassurante par comparaison avec la situation désastreuse que vous avait laissée votre prédécesseur.

M. Jean Gaubert. Allons bon !

M. Jean-Marie Sermier. Qui plus est, ce budget 2005 gagne non seulement en lisibilité, grâce à l'application de la loi organique du 1er août 2001 qui lui donne davantage de souplesse, mais également en efficacité par le fait que les services déconcentrés de l'État seront en première ligne, l'exercice 2005 étant celui de la mise en œuvre de la nouvelle PAC. Ils seront en conséquence renforcés alors que les effectifs des services centraux seront réduits. Il faut également noter, dans la même logique, l'apparition d'une rémunération au mérite.

Cette efficacité se retrouve également dans la mise en place d'un guichet unique pour la rénovation des bâtiments d'élevage, qui devrait parallèlement voir ses crédits monter progressivement en puissance pour atteindre, si tant est que le mouvement se confirme, 120 millions d'euros en 2007.

Ce souci d'efficacité se traduit également dans la réorganisation des offices, qui devrait se traduire par des économies de structures. Là encore, l'objectif est la mise en place d'un guichet unique avec des moyens pérennisés et parfois même renforcés.

Efficacité enfin avec la décision prise de verser la DJA en une seule fraction au lieu de l'étaler sur plusieurs années. Cette mesure était très attendue par les jeunes agriculteurs et notre collègue Jean-Marie Binetruy m'en rappelait ce matin encore l'impérieuse nécessité dans notre région de Franche-Comté. Cette disposition explique d'ailleurs une légère baisse technique de la ligne concernée dans le projet de budget.

Lisibilité, efficacité mais aussi prospective : ce budget, mes chers collègues, a surtout pour objectif d'aider l'agriculture française à affronter les inévitables mutations de l'avenir. Ainsi, l'enseignement agricole se voit doté de 26 millions d'euros supplémentaires et assuré du maintien de la totalité de ses effectifs.

Mais je voudrais appeler tout particulièrement votre attention, monsieur le ministre, sur des mesures qui conditionnent notre avenir et sur lesquelles il me paraît indispensable de travailler davantage et plus vite.

Le premier a trait à l'assurance récolte. Lors de votre visite dans le Jura, il y a tout juste un an, vous aviez souhaité mettre en place cette assurance récolte le plus rapidement possible. Vous avez tenu parole, puisqu'un abondement de 10 millions d'euros est prévu dans ce budget 2005.

Nous savons que si cette mesure reste la seule solution de nature à faire face aux aléas climatiques, elle a surtout le mérite de permettre un financement public. Que celui-ci provienne de l'Union Européenne ou de ses États membres, il ne pourra être remis en cause lors des négociations dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce dans la mesure où il n'est pas lié à la production. Il est du reste à noter que nos partenaires espagnols et notre concurrent américain n'ont jamais hésité à financer puissamment des interventions de ce type.

Nous devons donc veiller à garantir à ce nouvel outil la plus large diffusion possible, sans oublier aucun agriculteur ni aucune production, et à le rendre réellement efficace tant au niveau des produits qu'à celui des modalités du soutien public et de son articulation avec le fonds calamités. Autant d'exigences qui me font craindre, mes chers collègues, que nous ne soyons un peu courts avec les 10 millions d'euros prévus à cet effet.

La deuxième piste d'avenir pour notre agriculture est sans conteste les biocarburants. Afin de rattraper le retard que la France avait accumulé en la matière au cours des dix dernières années, le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a fixé l'objectif d'un triplement de la production à l'horizon 2007. Encore cet objectif aurait-il pu se traduire plus concrètement par des signes forts dès ce budget. N'aurait-il pas été souhaitable de prévoir une fiscalité adaptée dès le projet de loi de finances pour 2005, sous la forme, par exemple, d'une réduction de la TIPP sur le diester et le bioéthanol ?

Une réponse budgétaire ne saurait être remise trop longtemps à demain, tant il est vital pour notre agriculture que ces produits trouvent durablement des débouchés sur le marché de l'énergie.

Ce projet de budget est résolument tourné vers l'avenir. Il prépare la profonde mutation de notre agriculture. Mais s'il convient d'accompagner les agriculteurs de demain, prenons garde à pas oublier ceux qui ne pourront affronter les nouvelles donnes de cette filière. Nous n'avons pas le droit de laisser des agriculteurs « au bord du champ ». Aussi les 5 millions d'euros d'aides aux agriculteurs en difficulté risquent-ils à mon avis de ne pas suffire.

M. Jean Gaubert. En effet !

M. Jean-Marie Sermier. J'aurais apprécié que la ligne budgétaire permettant de financer les prises en charge et les étalements des cotisations sociales fût pour le moins abondée à hauteur de celle de l'an dernier.

Enfin, le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, qui remplace le BAPSA dès cette année, risque d'être confronté à un manque de financement de la diminution des recettes.

Les lignes de crédits en provenance de la TVA et de la contribution sociale de solidarité qui abondaient le BAPSA ont disparu. La seule recette en provenance de l'État se réduit à une part de la taxe sur les tabacs, à concurrence de 52,6 %. Ne serait-il pas envisageable de prévoir une évolution croissante de cette recette pour aboutir rapidement à un reversement intégral de la taxe sur les tabacs ?

Monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai conscience qu'il s'agit d'un budget serré, probablement perfectible, mais il n'en permet pas moins d'envisager l'avenir avec confiance. Il faut en tout cas lui reconnaître une grande qualité, ce qui ne fut pas toujours le cas il y a quelques années : c'est un budget sincère et véritable. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je le voterai sans hésitation et je le défendrai dans nos campagnes avec conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Lejeune.

M. Michel Lejeune. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, le projet de loi de finances pour 2005 reconduit, avec le report de 90 millions d'euros, les crédits de l'agriculture prévus pour l'année 2004.

La conjoncture économique actuelle, et l'endettement record de notre pays, fruit d'un lourd héritage, obligent le Gouvernement à une grande prudence pour préserver l'avenir.

Dans ce contexte, on se réjouira de la stabilité de votre budget, et l'on vous félicitera, messieurs les ministres, d'avoir défendu le monde agricole avec beaucoup de pugnacité.

Ce budget est caractérisé par quatre priorités qui vont incontestablement dans le bon sens et qui préparent raisonnablement l'avenir. L'accent est mis sur formation, indispensable compte tenu de l'évolution des technologies et du niveau des compétences requis, et la recherche, essentielle afin que notre agriculture reste compétitive au plan international. À cet effet, 232 millions d'euros sont alloués à cette ligne et 100 postes d'enseignant et de chercheur seront créés.

Votre souci d'œuvrer pour l'avenir en préservant l'environnement, et donc la qualité de l'alimentation, se traduit par une politique volontariste dans le domaine phytosanitaire : 10 millions d'euros y sont consacrés.

Le lancement de l'assurance récolte - 10 millions d'euros dans un premier temps - donnera une plus grande sécurité financière aux agriculteurs.

Enfin, vous créez un fonds unique pour la rénovation des bâtiments d'élevage : 55 millions d'euros sont prévus initialement pour 2005, et grâce au cofinancement européen, le fonds sera doté de 120 millions d'euros en 2007.

Améliorer les bâtiments d'élevage, c'est également améliorer les difficiles conditions de travail des agriculteurs. Cette mesure, en améliorant les conditions de vie, incitera peut-être de jeunes agriculteurs à s'installer en plus grand nombre, ce que nous souhaitons tous.

À cet égard, monsieur le ministre, il serait souhaitable d'autoriser le cumul de cette aide avec les subventions déjà prévues pour les PMPOA 2, tels qu'ils sont en place dans les zones classées vulnérables, comme la Seine-Maritime. Cette autorisation de cumul permettrait de compenser la diminution d'environ 10 % du taux de subventionnement des PMPOA 2 par rapport au PMPOA 1 et la non-prise en compte de certains travaux supplémentaires.

Je crois aussi utile de rappeler les décisions prises en faveur des agriculteurs, en 2003 et 2004, en particulier la retraite complémentaire, qui avait été instaurée par le gouvernement précédent. Ce dernier avait, comme dans beaucoup d'autres domaines, tout simplement oublié de prévoir les moyens de son financement. Et c'est vous, monsieur le ministre, qui avez, grâce à d'importants efforts, assuré l'engagement de vos prédécesseurs, ce dont les agriculteurs retraités vous remercient, de même que de la mensualisation du versement des retraites. La mise en œuvre de la mensualisation, mesure a priori simple, est plus difficile qu'il n'y paraît. Nous nous réjouissons donc que vous l'ayez mise en pratique. Certes, s'agissant des petites retraites, des progrès restent à faire, mais nous vous faisons confiance.

Je souhaite également vous témoigner la reconnaissance de la filière cheval, pour la décision prise conjointement avec le ministre du budget, d'assimiler toutes les activités équestres aux activités de nature agricole. Cette réforme a des conséquences très favorables, en particulier et pour n'en citer qu'une seule, l'harmonisation du taux de TVA à 5,5 % pour toutes les activités hippiques. Cela peut paraître anecdotique, mais ce l'est beaucoup moins quand on sait que la filière cheval fournit 60 000 emplois directs. Ce coup de fouet ou de cravache (Sourires) a été très bénéfique pour cette filière, qui en avait bien besoin, et a été unanimement reconnu dans le monde hippique.

J'insisterai enfin, monsieur le ministre, sur la nécessité d'une véritable simplification administrative dans le monde agricole. C'est le message du terrain : les agriculteurs aujourd'hui sont de plus en plus soumis à des contraintes, à des contrôles, à de fortes amendes qui sont insupportables d'un point de vue financier.

C'en est à ce point infernal que nombre d'entre eux sont prêts à jeter l'éponge non pas parce qu'ils n'aiment plus leur travail, mais parce qu'ils ne veulent plus vivre en permanence dans la hantise des contrôles des DRAF, des DIREN, des agences de l'eau, de la DSV, de la PAC, et autres ARIC... (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je peux vous affirmer monsieur le ministre qu'il s'agit d'un problème crucial et qu'il est grand temps que nous nous interrogions tous ensemble pour apporter des réponses à des agriculteurs qui se démotivent de plus en plus.

Nous comptons sur vous, messieurs les ministres, comme vous pouvez compter sur nous pour voter avec confiance et détermination votre projet de budget pour 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Messieurs les ministres, je profite de l'occasion qui m'est donnée de m'adresser à vous pour vous demander de nous éclairer sur le projet agricole que vous nourrissez pour la France, et que je perçois mal dans les réformes auxquelles nous contraint la PAC, comme dans la politique des structures que dessine la loi sur les territoires ruraux. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. André Chassaigne. Ça commence plutôt bien !

M. François Guillaume. Messieurs les ministres, vous n'êtes pas sans savoir que les agriculteurs sont désorientés, désemparés. Ils le sont à cause de la précipitation avec laquelle un certain commissaire, Pascal Lamy, négocie in extremis au terme de son mandat des préaccords pénalisants pour l'Europe et qui sont autant de concessions faites aux États-Unis, lesquels, de leur côté, ne modifient en rien leur régime d'aides à leurs agriculteurs. Inquiets, nos agriculteurs le sont, parce qu'ils redoutent qu'en 2009, date d'entrée en vigueur de la Constitution européenne, si celle-ci est ratifiée, (Sourires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) la suppression de la règle des dépenses obligatoires et son remplacement par celle de la codécision ne remettent en cause l'accord financier Chirac-Schroeder sur la PAC, valable jusqu'en 2013.

Mais dans l'immédiat, à l'appréhension première des paysans succède le désarroi lorsqu'ils analysent les conséquences de la réforme de la PAC pour leurs propres exploitations, car la combinaison des aides découplées, couplées et recouplées, l'obligation faite à chaque exploitant de calculer son droit à prime - épreuve risquée car toute erreur est considérée comme une faute - sur des références historiques qui ne sont évidemment plus le reflet de la réalité, quatre ans après la base de retenue, les plonge dans une grande perplexité.

Le seul mérite de la proposition initiale Fischler - un découplage total des aides par rapport à la production - était de simplifier un système déjà complexe et d'alléger les contrôles actuels. Il avait a priori l'avantage de rendre aux paysans le choix de leur production au regard de l'état des marchés. La moulinette du conseil des ministres européens en a décidé autrement pour aboutir à la combinaison possible des deux mécanismes, l'ancien, liant les aides à la production et le nouveau celui du découplage partiel, ce qui nécessitera l'embauche de nouvelles cohortes de contrôleurs, de conseils et d'informatique, soit une supplémentaire pour l'agriculteur. Le risque de distorsion de concurrence entre producteurs des différents États membres sera réel, le menu des aides étant à la carte, chacun choisira son plat en fonction de ses intérêts nationaux. On devra ajouter un chapitre à une réglementation supplémentaire qui ne comporte pas mois de dix-neuf directives pour éviter que la prime découplée ne favorise le retour à la friche, de quinze directives pour expliquer aux agriculteurs ce que Bruxelles entend par la formule « gestion du patrimoine en bon père de famille »... Parmi ces exigences, il y le problème immédiat des bandes enherbées le long des cours d'eau. Annoncée trop tardivement et sans précision de mise en œuvre, elle est inapplicable pour la récolte 2005. Vous devez, à mon sens, en prendre publiquement acte.

Mais le pire est dans la marchandisation des droits à prime et leur dissociation du foncier, ce qui va porter un grave préjudice à l'installation des jeunes, mettre à mal la politique des structures d'exploitation et favoriser toutes les spéculations.

M. André Chassaigne. Très bien !

M. François Guillaume. Monsieur le ministre, vous avez hérité d'un très mauvais dossier car la réforme de la PAC était dans les cartons bien avant que vous n'arriviez au ministère. Cette évolution était en germe dès 1992, lorsqu'un gouvernement de gauche a accepté de substituer à la rémunération des agriculteurs par le marché une rémunération par les primes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais puisqu'il faut appliquer cette réforme, de grâce, simplifions au maximum : adoptons le découplage total avec l'exception de la prime à la vache allaitante qui a le mérite de préserver une bonne occupation de nos territoires ; maintenons comme pour les quotas laitiers le lien entre la terre et la prime ; recherchons une méthode d'uniformisation des primes sur l'ensemble du territoire, à partir d'un critère simple, l'hectare cultivé.

M. André Chassaigne. Le libéral reprend le dessus !

M. François Guillaume. Quelques mots sur la politique des structures qu'il est dans votre intention de réformer l'an prochain sous le bénéfice d'une loi de modernisation. Réformer oui, mais dans quel sens ?

La loi sur les territoires ruraux ne me rassure guère, qui donne aux collectivités territoriales la liberté de définir, dans leurs territoires périurbains, des zones sensibles et d'y exercer un droit de préemption sur des terres à vocation agricole. Ce droit de préemption sera-t-il opposable à celui des SAFER ? Qui procédera au choix des locataires pour ces superficies acquises, et sous quel statut : fermage ou adjudication ? Ne craignez-vous pas que ce soit une première étape vers le changement de destination de ces terres à l'échéance des obligations liées à l'exercice de la préemption ? Si je m'inquiète de ces nouvelles dispositions législatives, c'est que je ne crois pas qu'il y ait un seul maire rural de ce pays, fût-il agriculteur, qui soit décidé à acquérir des terres pour les maintenir dans leur vocation première, l'agriculture. Pourquoi ne pas se contenter de conventions entre les établissements fonciers et les SAFER, pour répartir l'utilisation des territoires dans le respect des meilleures terres agricoles ? Car celles-ci se raréfient au rythme de 100 000 hectares par an. Au cours des dix dernières années, le tiers des terrains maraîchers a disparu ; en un siècle, les 6 millions d'hectares qui portent le potentiel agronomique le plus élevé auront disparu à leur tour. Messieurs les ministres, l'agriculture durable, expression banalisée et dévoyée, n'est pas dans les rêveries fumeuses des faux écologistes (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) mais dans la protection des meilleures terres de France.

En conclusion monsieur le ministre, réformons, oui, mais sous l'avantage de la simplification et du bon sens ! À défaut, nous découragerons nos paysans, nous perdrons notre rang de premier exportateur mondial de produits alimentaires et de second exportateur de l'agro-alimentaire et nous transmettrons à nos enfants une France amputée de son meilleur atout : sa terre riche et généreuse. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'agriculture vauclusienne vient de vivre une campagne 2004 catastrophique. Une campagne qui, pour le secteur des fruits et légumes, figure parmi les plus dures de ces dernières années, puisqu'à aucun moment, qu'il s'agisse de la tomate, de la salade ou du melon, les cours du marché n'ont permis de couvrir les coûts de production.

Ainsi, les 550 exploitations concernées ont perdu 11 millions d'euros, rien que sur ces trois produits.

Il ne s'agit pas d'une estimation fantaisiste ou exagérément alarmiste, mais d'une réalité fondée sur des données officielles parfaitement objectives. Pour les tomates, les pertes sont évaluées à 2,440 millions d'euros : pour les salades, à 2,520 millions d'euros et pour les melons à 5,880 millions d'euros.

Et une fois de plus, l'effondrement des prix payés aux producteurs n'a pas été répercuté sur les prix au détail. Une fois de plus, les agriculteurs et les consommateurs ont été les dindons d'une farce qui n'a que trop duré.

M. Jean Dionis du Séjour. C'est vrai !

M. Thierry Mariani. Ainsi, sur le melon et la tomate, 5 millions d'euros ont été captés par la distribution, au détriment des agriculteurs et des consommateurs.

Les causes de cette crise sont connues : pression constante de la grande distribution sur les prix ; importance grandissante des volumes d'importation extracommunautaire qui tirent les prix vers le bas et distorsion de concurrence intracommunautaire sur les coûts de main-d'oeuvre.

M. François Liberti. C'est une critique en règle du capitalisme !

M. Thierry Mariani. Si les causes de cette crise sont depuis longtemps pointées du doigt par les agriculteurs, elles sont aussi aujourd'hui identifiées et reconnues par les pouvoirs publics. Les récents rapports Canivet et Mordant reconnaissent également la spécificité du secteur des fruits et légumes.

Cette spécificité appelle, monsieur le ministre, des réponses adaptées à ce secteur de production. Les mesures d'urgence que vous avez annoncées le 7 octobre dernier pour amortir cette crise représentent un effort important de la part de l'État, j'en ai bien conscience. Cependant, les 600 000 euros d'aides directes de trésorerie, les 60 000 euros affectés aux cotisations MSA et les prêts de consolidation ne suffiront pas aux agriculteurs vauclusiens pour passer le cap de cette crise et faire redémarrer leur activité dans de saines conditions alors qu'ils ont subi 11 millions de pertes, je le répète.

Par ailleurs, la règle d'origine communautaire, qui fixe le montant des aides directes à 3 000 euros par exploitant et pour trois ans, c'est-à-dire 1 000 euros par an, est une aberration qui se résume à un saupoudrage aussi inefficace qu'inutile face à l'ampleur des pertes enregistrées. Le nombre d'exploitants sinistrés est d'ailleurs tel qu'il n'est même pas certain que l'enveloppe dégagée pour le Vaucluse suffise à atteindre la limite de 3 000 euros sur trois ans.

C'est pourquoi, face à cette crise, je souhaite tout d'abord, monsieur le ministre, appeler votre attention sur l'impérieuse nécessité de mettre en œuvre des mesures complémentaires d'urgence : d'abord, un abondement supplémentaire de l'enveloppe MSA pour la prise en charge des cotisations sociales, qui échappe à la contrainte des règles communautaires, à partir de 760 000 euros, ainsi que le déclenchement du fonds d'allégement des charges ; ensuite, une deuxième enveloppe d'aides à la trésorerie et des prêts pour calamités économiques ; enfin, des mesures spécifiques telles que l'octroi d'une aide en fonction du nombre d'unités de travail horaire salariées permettant de compenser les distorsions de concurrence entre États membres de l'Union européenne en matière de coût de travail, le remboursement d'impôts, à l'instar de ce qui a été fait aux Pays-Bas en faveur des serristes, ou encore la mise en place d'une détaxe pour le fioul lourd et le gaz naturel pour les exploitants agricoles tels que les serristes et les horticulteurs.

M. André Chassaigne. Ce sont les propositions du MODEF !

M. Thierry Mariani. Au-delà de ces mesures d'urgence, il convient d'agir en profondeur pour mettre durablement un terme à la pression asphyxiante de la grande distribution et aux distorsions de concurrence entre pays européens en matière de coût du travail.

Le rééquilibrage des relations avec la grande distribution passe par la lutte contre les abus liés à certaines pratiques comme la détermination des prix après vente et par la suppression des remises, rabais et ristournes. La grande distribution doit appliquer les accords qu'elle a signés le 17 juin dernier. Par ailleurs, en cas de crise, il convient d'encadrer momentanément les marges de la distribution afin de contrebalancer le rapport de force dont les agriculteurs sont toujours victimes et de favoriser la consommation.

Enfin, le secteur des fruits et les légumes, grand utilisateur de main-d'oeuvre, est confronté à un double problème. D'une part, cette filière se heurte à une pénurie sans précédent de travailleurs saisonniers, qui ne peut être compensée par le recrutement de saisonniers étrangers, compte tenu de la lourdeur et du coût des procédures d'introduction de cette main-d'œuvre. D'autre part, nos producteurs doivent composer avec des charges supérieures à celles leurs principaux concurrents, ce qui est d'autant plus handicapant que la main-d'œuvre occupe une place prépondérante dans leurs coûts de production.

À plusieurs reprises, monsieur le ministre, j'ai eu l'occasion avec mes collègues du groupe d'études « fruits et légumes » de vous alerter sur cette double contrainte qui plombe cette filière de production.

Au premier rang des solutions susceptibles d'être mises en œuvre figure l'assouplissement des conditions de recrutement de saisonniers agricoles originaires des dix nouveaux États membres, comme c'est déjà le cas au Royaume Uni, en Allemagne, en Autriche, en Irlande, aux Pays-Bas et en Belgique.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Thierry Mariani. Il n'y a pas de raison que ce qui est possible chez nos concurrents directs ne le soit pas en France.

Enfin, il est impératif d'amortir les distorsions de concurrence intracommunautaire. Parmi les leviers d'action possibles, je citerai l'extension du dispositif « travailleurs occasionnels » à cent cinquante jours travaillés pour une durée maximale de huit mois, le soutien à l'emploi permanent ainsi que l'amélioration du dispositif des 35 heures, à travers la minoration des heures supplémentaires.

Les difficultés du secteur des fruits et légumes ont été accrues par une série de catastrophes climatiques : inondations, gel, grêle. Aussi conviendrait-il de lever les obstacles qui s'opposent actuellement à l'efficacité de la dotation pour aléas. En effet, l'obligation de bloquer pendant cinq ans la somme affectée en DPA sur un compte bancaire et de souscrire une assurance risque-culture sur l'ensemble de l'exploitation sont rédhibitoires, du fait du coût de ces assurances.

M. Philippe Feneuil. C'est vrai !

M. Thierry Mariani. En conclusion, je ne rappellerai qu'un seul chiffre : 11 millions d'euros de pertes en Vaucluse pour la seule année 2004. Nos producteurs de fruits et légumes sont d'autant plus désabusés qu'ils ne sont en rien responsables de cette situation. Ce sont des professionnels qui travaillent beaucoup, qui travaillent bien, mais qui sont victimes d'un contexte qui les dépasse et qui met à mal tous leurs efforts de qualité et de productivité.

Les producteurs français de fruits et légumes attendent, de nous tous, une volonté politique forte, pour que nos engagements se traduisent en actes. Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas nous contenter d'entendre leurs attentes, nous avons l'obligation morale d'y donner suite.

S'agissant des mesures d'urgence ou des actions à long terme, qu'entendez-vous faire, monsieur le ministre, tant dans le cadre du budget 2005 que de la future loi de modernisation agricole ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Christian Ménard.

M. Christian Ménard. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon intervention portera sur l'assurance pérennité, autrement dit l'assurance récolte. Le 11 février dernier, j'ai eu l'honneur de remettre à M. le Premier Ministre, ainsi qu'à vous-même, monsieur le ministre, un rapport sur la gestion des risques climatiques en agriculture. De cette étude, plusieurs propositions se sont dégagées, comme la nécessité de redonner à la prévention sa place en n'éludant aucune question, qu'il s'agisse des retenues en eau ou des OGM, étant entendu que pour cette dernière devait être étudiée l'innocuité des expérimentations. La création de la mission parlementaire qui vient d'être décidée par M. le président de l'Assemblée nationale va en ce sens.

En ce qui concerne le développement de l'assurance pérennité, je suis persuadé que nous sommes aujourd'hui à un tournant de notre histoire. Lorsque nous interrogeons les agriculteurs, ils affirment en majorité être prêts à tenter l'expérience, tant il est vrai qu'en dépit de son image, le Fonds national de garantie des calamités agricoles est loin de répondre à la demande. Un simple exemple nous éclairera : de 1980 à 2000, sur les 1,2 million d'exploitations qui ont bénéficié de ses largesses, 80 % en moyenne ont reçu une indemnité de 10 000 francs et, pour un tiers d'entre elles, 5 000 francs. Que voulez-vous faire de telles sommes ? Il s'agit seulement de saupoudrage. Ce n'est pas avec une indemnité pareille que l'on peut remonter une entreprise agricole en passe de sombrer.

D'où la nécessité de créer un nouveau système d'assurance. Encore faut-il lui donner une image forte, qui illustre la volonté du Gouvernement de miser sur une formule neuve.

Je sais, monsieur le ministre, que vous partagez mon sentiment sur ce point. Mais, je manquerais à tous mes devoirs, si je ne vous faisais part de l'inquiétude que suscite, dans le monde agricole et celui des assurances, le montant inscrit à la ligne budgétaire destinée au lancement de l'assurance récolte.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. Christian Ménard. Ces 10 millions d'euros paraissent insuffisants aux agriculteurs, même s'ils adhèrent dans leur immense majorité à cette nouvelle formule.

Lors des entretiens que j'ai menés, vous m'avez répondu, monsieur le ministre, que ces crédits seraient abondés au fur et à mesure de la montée en puissance du dispositif. Je ne puis bien sûr que vous accorder ma confiance, mais je pense qu'en termes d'affichage, une somme cinq fois supérieure aurait été préférable, de façon à garantir l'attractivité de cette nouvelle proposition.

Quant à la dotation pour aléas, c'est une mesure très attendue par le milieu agricole.

M. François Sauvadet. Oh oui !

M. Thierry Mariani. Si la loi de finances 2004 permet aujourd'hui d'adhérer en même temps à la DPA et à la DPI, ce qui est une très bonne chose, il n'en demeure pas moins que nous devons donner les moyens à la DPA de se développer. Or, aujourd'hui, peu de chose vont en ce sens. Les 21 200 euros actuellement autorisés n'ont plus de sens, ce montant devrait plutôt être indexé sur le chiffre d'affaires de l'exploitation. Seules des mesures d'intéressement comme une défiscalisation progressive en fonction des années d'adhésion pourront être à même d'assurer l'essor de la dotation. Quant au FNGCA, il a pu s'avérer utile, en dehors des phénomènes de saupoudrage que j'ai évoqués, mais force est de constater qu'il ne pourra cohabiter longtemps avec l'assurance récolte, en raison du peu d'intérêt de souscrire alors une telle assurance s'il devait persister.

Cette assurance récolte, j'y crois, messieurs les ministres. Mais je ne voudrais pas qu'elle pâtisse d'un mauvais démarrage, du fait d'un mauvais affichage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Monsieur le ministre, ce n'est pas la route des Chapieux que je vous propose d'emprunter ce matin (Sourires) mais d'autres chemins, ceux de la Bretagne agricole et agroalimentaire. Vous avez eu vous-même l'occasion de les arpenter et, j'en suis convaincu, de les aimer puisque vous proposez, avec M. le secrétaire d'Etat, une ambition agroalimentaire à cette région.

L'importance de l'agriculture bretonne justifie une telle ambition. Que ce soit pour les productions de base ou les transformations alimentaires, la Bretagne est la première région française : 300 000 personnes vivent de l'agriculture et de l'agroalimentaire, 100 000 directement de l'agriculture, ce qui représente 25 % des actifs et parfois même 50 % dans certains bassins d'emploi comme à Loudéac, à Lamballe, à Guingamp, à Vitré ou à Pontivy.

Mais la spécificité de l'agriculture bretonne motive aussi un tel plan. À bien des égards, elle est plus proche de celle du Danemark et des Pays-Bas que de celle de bien des régions françaises. Elle est bien plus immergée dans les marchés concurrentiels et, à ce titre, plus exposée. C'est le cas, en particulier, dans le domaine avicole.

L'agriculture bretonne est peu aidée au niveau communautaire.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. C'est vrai !

M. Marc Le Fur. Les organisations de marchés la concernent peu, que ce soit pour le porc ou la volaille, qui n'en disposent pas.

À la différence d'autres régions françaises, c'est une agriculture de masse et non pas une agriculture de niches. Trop grosse pour s'insérer dans des niches, trop peu structurée pour affronter sereinement des marchés de masse, voilà comment nous pourrions résumer les difficultés auxquelles elle est confrontée.

C'est aussi une agriculture qui subit des crises. Il y a quelques années, on disait dans le monde agricole : « À chaque année, sa crise ». Désormais, c'est à une multiplicité de crises qu'il faut faire face : crise légumière, d'une actualité brûlante, pour laquelle les producteurs attendent des décisions rapides, dans les heures ou les jours qui viennent ; crise avicole, dont on connaît les effets structurels et les conséquences sur l'emploi ; crise porcine, dont on croit voir se dessiner la fin, mais qui n'apparaît pas encore très franchement.

Quant à la question laitière, la Bretagne l'aborde de manière très spécifique puisque, éloignée des centres de consommation, elle transforme l'essentiel de son lait en produits basiques comme le beurre ou la poudre de lait, qui se valorisent mal. En la matière, je veux saluer les efforts que vous avez faits, monsieur le ministre, pour redonner un peu de visibilité à ce secteur en obtenant de l'Union européenne le maintien des quotas laitiers jusqu'en 2013.

Cette agriculture connaît des crises mais aussi des difficultés structurelles. La question environnementale reste lancinante en Bretagne. Mais nous pouvons dire que des progrès considérables ont été accomplis même si beaucoup reste à faire. Cependant est-il raisonnable d'imposer les mêmes contraintes à des agriculteurs placés dans des conditions extrêmement différentes ? Ces contraintes ne sont-elles pas déplacées pour les agriculteurs âgés, qui, pour certains, n'auront pas de successeurs ? N'est-ce pas gâcher l'argent privé et public que de les obliger à faire des investissements alors même que dans quatre ou cinq ans, le siège d'exploitation ne connaîtra plus d'activités ?

Autre problème structurel auquel nous devons faire face : l'équarrissage. J'aurai l'occasion d'y revenir en présentant un amendement. Nous devons trouver des solutions rapidement, même très rapidement. La règle communautaire voudrait que le pollueur soit le payeur. Pour ma part, je propose une autre règle : celui qui dicte la norme doit payer la note. L'État impose des règles extrêmement sévères en ce domaine, il doit pour le moins contribuer aux frais qui résultent de leur application. Il s'agit d'un problème majeur, notamment en matière de production porcine. Vous le savez bien, monsieur le ministre, vous qui avez créé INAPORC, filière aujourd'hui fortement remise en cause.

Mais la grande question, c'est : comment gérer l'incertitude ? Naguère, elle était essentiellement liée aux aléas climatiques, désormais, elle se rapporte aux prix. Plusieurs solutions sont possibles. Vous avez, monsieur le ministre, lancé l'idée des filets de sécurité pour les productions ne disposant pas d'organisations communes de marchés comme la volaille ou le porc. Vous avez également proposé l'assurance récolte. Là aussi, il faut progresser mais en réglant certaines difficultés. Quand les éleveurs, qui ont aussi une production végétale, sont confrontés à une crise, ils ne bénéficient pas de cette assurance car il leur faut atteindre un taux de 27 % de pertes dans la production considérée et de 14 % au niveau du chiffre d'affaires de l'ensemble de l'exploitation, critères qu'ils ne remplissent en aucun cas car ils ont d'autres productions par ailleurs.

Toutefois, il faut souligner que la Bretagne dispose aussi d'atouts et je voudrais terminer sur cette note extrêmement positive pour le moyen et le long terme. Ses atouts reposent sur ses actifs encore jeunes, sur la qualité de la formation et, à cet égard, je salue les efforts faits dans ce budget pour l'enseignement public et privé ainsi que pour les maisons familiales rurales. À cela s'ajoute la concentration de la recherche à proximité des sites de production, que ce soit à Rennes avec l'INRA, à Ploufragan-Saint-Brieuc avec le zoopole ou à Quimper avec l'ADRIA.

Voilà autant d'atouts qu'il nous faut relayer, rassembler, mettre en contact plus étroitement avec la production. Nous disposons désormais d'un moyen pour cela : les pôles de compétitivité. Et je suis convaincu, monsieur le ministre, que notre région saura les mettre à profit tout comme le partenariat national pour le secteur agroalimentaire, lancé par Nicolas Forissier. Nous avons besoin de ces dispositifs pour nous donner un horizon à moyen terme. Les hommes, les structures, les organisations restent déterminés à envisager l'avenir dans un esprit positif, malgré les difficultés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Feneuil.

M. Philippe Feneuil. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je n'aurai pas l'outrecuidance de vous citer les mots fameux de Sully. Dans le monde qui est le nôtre, ils pourraient paraître surannés et déplacés, voire anachroniques. Et pourtant, votre budget, monsieur le ministre, montre toute l'importance qu'a l'agriculture dans notre société. Il fallait lui donner à la fois raison et ambition. L'agriculture et sa défense ont un coût, mais ce coût exige un choix : votre budget se donne les moyens de défendre l'agriculture française.

On le voit tous les jours, l'agriculture est un domaine extrêmement sensible. Elle subit de plein fouet les crises sanitaires, elle souffre de l'augmentation des cours du pétrole, elle doit supporter les guerres des prix et les chutes des cours, ainsi que - cela est vrai depuis des siècles parce que nos champs couchent dehors ! - les aléas climatiques. L'agriculture française a fait l'expérience de chacun de ces maux et vous avez construit ce budget en prenant en considération chacun de ces éléments.

L'une de vos mesures phares concerne l'assurance récolte. Pourquoi ne pas faire du fonds d'indemnisation des calamités agricoles un régime de base obligatoire et mutualisé, l'assurance venant se surajouter à ces prestations sous la forme d'un régime complémentaire facultatif ? Pourquoi ne pas encourager, quand c'est possible, des mesures interprofessionnelles de mise en réserve lors de récoltes excédentaires, et de mise en marché de ces réserves à l'occasion d'années déficitaires à cause d'aléas climatiques. Les outils de transformation dont disposent les agriculteurs doivent permettre de mettre en pratique cette technique pour un certain nombre de cultures, y compris celle des fruits et légumes.

Vous avez également choisi d'engager un peu plus le ministère dans sa politique volontariste dans le domaine phytosanitaire : avec une augmentation de 8 %, les crédits alloués à ce poste permettront de prévenir les risques sanitaires et phytosanitaires, tout en favorisant le respect de l'environnement et en préservant la santé des consommateurs.

Les agriculteurs ont longtemps été considérés comme des pollueurs. Cette image doit disparaître car ils ont tous compris la nécessité de protéger l'environnement. Les principes enseignés dans les écoles d'agriculture d'antan ne sont plus d'actualité. Pour ces raisons, et avec les progrès de la recherche, nous pourrons continuer à protéger efficacement nos cultures, tout en respectant la santé et l'environnement.

Enfin, votre budget, monsieur le ministre, mise sur l'avenir. Je veux bien sûr parler du renforcement de l'enseignement et de la recherche agricole. En augmentation de 5 %, il traduit la volonté de renforcer le développement de la valeur ajoutée dans l'agriculture et de favoriser les échanges entre les établissements de formation et la recherche. Je ne doute pas qu'avec de tels moyens, l'agriculture continuera de remplir sa mission tout en favorisant l'innovation et l'emploi.

Je souhaite évoquer deux sujets qui n'apparaissent pas dans ce budget, mais qui ont à mes yeux une très grande importance.

En premier lieu, je voudrais souligner les immenses progrès qui ont été réalisés ces dernières semaines en matière de bioénergies. Depuis le 7 septembre 2004, date à laquelle le Premier ministre a annoncé le lancement d'un appel d'offres pour la construction de quatre nouvelles usines de production de biocarburants, ce dossier a fait des pas de géant. Un amendement - que j'avais cosigné - a permis d'inciter les raffineurs à l'incorporation de biocarburants.

Il était temps si l'on voulait respecter le calendrier prévu par la directive européenne du 8 mai 2003, qui fixe un cap de 2 % de biocarburants incorporés d'ici à 2005, sachant que nous n'en sommes aujourd'hui qu'à 0,7 %. J'ai rencontré les agriculteurs producteurs des matières premières concernées par la production d'éthanol. Ils sont prêts à relever le défi, mais ils s'inquiètent des garanties de débouchés d'une production que l'on veut accroître : quelles garanties d'équilibre entre le diester et l'éthanol ? Et surtout quelles garanties de bonne fin à l'investissement de ces usines si les pétroliers incorporent des biocarburants étrangers, notamment sud-américains ?

M. François Sauvadet. Bonne question !

M. Philippe Feneuil. Je souhaite, enfin, et vous vous y attendiez sans doute, évoquer la crise violente que subit la viticulture. Vous connaissez ces chiffres mieux que moi, mais je les rappelle : neuf viticulteurs sur dix ne croient plus en l'avenir de leur métier. Je serai bientôt le seul à être encore optimiste !

Les viticulteurs sont conscients que la redoutable concurrence internationale est à l'origine de cette crise, et c'est pourquoi ils ont besoin d'être soutenus dans leur adaptation aux nouvelles conditions du marché. Il leur a donc été très pénible d'avoir fait l'objet d'attaques injustifiées...

M. François Liberti et M. François Sauvadet. C'est vrai !

M. Philippe Feneuil. ...à la suite de l'adoption de l'amendement qui leur permet de vanter les éléments qualitatifs de leur vin.

Si l'agriculture représente une part de l'identité française, la viticulture fait partie intégrante du patrimoine culturel de la France et d'un certain art de vivre.

M. François Liberti et M. François Sauvadet. Bien sûr ! Il a raison !

M. Philippe Feneuil. Il s'agit aujourd'hui de savoir si on veut la sauver, ou la sacrifier sur l'autel d'un hygiénisme infantilisant.

Bien entendu, nous soutiendrons ce budget, mais les viticulteurs, comme l'ensemble des agriculteurs, ont besoin de soutien et de considération, car ils aiment leur travail et participent activement à l'aménagement du territoire. À vous, monsieur le ministre, et à nous, parlementaires, de répondre à leur appel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Francis Saint-Léger.

M. Francis Saint-Léger. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en tant qu'élu de la Lozère, je ne vous étonnerai pas en m'exprimant plus particulièrement sur les questions relatives à l'agriculture de montagne.

Monsieur Gaymard, j'ai eu l'occasion de vous le dire à plusieurs reprises, les agriculteurs de montagne ne peuvent que vous rendre hommage pour les mesures que depuis deux ans et demi vous vous appliquez à mettre en œuvre en leur faveur.

M. Alain Marleix, rapporteur spécial. C'est vrai !

M. Francis Saint-Léger. Bien évidemment, en disant cela, je n'ignore pas les inquiétudes et les difficultés que connaissent actuellement certains d'entre eux. Je pense plus particulièrement aux producteurs de la filière laitière.

Depuis votre arrivée au ministère de l'agriculture, votre volonté de développer une politique globale de la montagne ne s'est jamais démentie. Vous en avez fait une priorité. De manière globale, cette politique s'est traduite par la loi sur le développement des territoires ruraux qui comporte des avancées notables en faveur de la montagne dans de nombreuses directions, avec notamment la revalorisation des zones de revitalisation rurale, les aides à l'installation des professionnels de santé, l'assouplissement des règles de construction, un meilleur accès au service public.

Mais quels que soient les dispositifs imaginés, la politique de développement de la montagne ne peut exister sans le maintien de l'agriculture. Montagnard vous-même, monsieur le ministre, vous le savez mieux que quiconque, l'agriculture est le pivot économique et social de nos territoires.

Nous savons tous que l'agriculture de montagne est largement défavorisée par les handicaps qu'elle cumule. Pour survivre, elle a besoin d'être particulièrement soutenue. Pour ce faire, il y a deux ans, vous avez mis en place un nouveau dispositif, la prime herbagère agri-environnementale, la PHAE, qui était destinée à remplacer l'ancienne prime à l'herbe que le précédent gouvernement avait laissé s'éteindre sans prévoir aucune mesure de substitution. Il est donc heureux que vous ayez créé cette prime et que, de surcroît, vous l'ayez revalorisée de 70 % par rapport à l'ancienne prime à l'herbe. Cette contribution est extrêmement importante. Il reste nécessaire de la garder. Pour ne parler que de mon département, la Lozère, la création de ce dispositif s'y est traduite par une revalorisation de 5,6 millions d'euros au profit de 2 200 bénéficiaires.

Une autre mesure forte est à mettre à votre crédit. Afin d'encourager l'agriculture de montagne, à votre arrivée, vous avez fait part de votre intention d'augmenter de 50 %, sur la durée de la législature, l'indemnité compensatoire de handicap naturel - l'ICHN - pour les 25 premiers hectares. Cette aide accordée pour les seuls 25 premiers hectares est parfaitement juste et cohérente. En effet, sans inciter à une augmentation des surfaces, elle permet le maintien des petites exploitations en zone de montagne.

M. André Chassaigne. Bonne observation !

M. Francis Saint-Léger. Dans la continuité des efforts réalisés ces deux dernières années, et afin de tenir le cap annoncé, je souhaite, comme notre rapporteur, Alain Marleix, une nouvelle revalorisation de l'ICHN dans le présent budget.

Le budget que vous nous présentez comporte, en outre, un programme que vous-même, monsieur le ministre, en liaison avec le Premier ministre, avez souhaité porter au rang de priorité. Il s'agit du plan « bâtiments d'élevage », avec la mise en place d'un guichet unique. Il concerne de nombreux éleveurs, surtout en territoire de montagne, qui souhaitent moderniser leur exploitation. Vous avez décidé d'accroître significativement l'enveloppe dédiée aux bâtiments d'élevage pour la porter de 35 à 80 millions d'euros et de l'augmenter encore par la suite pour atteindre une centaine de millions d'euros en 2006 ou 2007.

Avec des modalités de financement et des conditions d'éligibilité favorables à l'agriculture de montagne, et notamment aux jeunes agriculteurs, ce plan va vraiment dans le bon sens. Toutefois il faudrait prévoir une majoration des aides en faveur de la filière laitière, en raison, d'une part, des investissements plus lourds qu'elle nécessite et, d'autre part, de la conjoncture dans laquelle elle est actuellement plongée.

Plusieurs autres mesures comme l'exclusion de l'assiette des cotisations sociales de la dotation aux jeunes agriculteurs, qui résulte de la loi sur le développement des territoires ruraux, comme le versement prochain de cette même dotation en une seule fois ou encore l'instauration de l'assurance récolte répondent aux attentes des agriculteurs.

Je terminerai en disant un mot à propos de la forêt. Les missions des CRPF, centres régionaux de la propriété forestière, ont augmenté mais pas leurs moyens. Ils manquent à la fois de financements et d'appuis techniques. À ce regret près, je considère que ce budget, dans la lignée des deux précédents, prend particulièrement en considération la spécificité de l'agriculture de montagne. Merci, messieurs les ministres, pour l'attention que vous portez aux agriculteurs de nos territoires. Vous pouvez compter sur moi pour approuver le budget que nous examinons aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Rapport, n° 1863, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Agriculture, pêche et forêt ; articles 71 et 72 (suite)

Agriculture :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 9, de M. Alain Marleix, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan ;

Avis, n° 1865 tome 3, de M. Antoine Herth, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Forêt :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 10, de M. Pascal Terrasse, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Pêche :

Avis, n° 1865 tome 4, de M. Aimé Kergueris, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Enseignement supérieur :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 29, de M. Michel Bouvard, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan ;

Avis, n° 1864 tome 9, de Mme Corinne Marchal-Tarnus, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures vingt-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot