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Deuxième séance du lundi 8 novembre 2004

47e séance de la session ordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour un rappel au règlement.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, mon rappel au règlement a trait à l'organisation de nos travaux et se fonde sur l'article 58, alinéa 1er, de notre règlement.

La situation en Côte d'Ivoire s'est violemment embrasée, neuf de nos militaires ont été tués et près de 15 000 de nos ressortissants sont menacés, comme le sont les expatriés de nombreux autres pays.

La communauté nationale est bien évidemment choquée et la solidarité qui s'organise ne fait pas défaut aux victimes et à leurs familles. Ce matin, en observant à votre demande, monsieur le président, une minute de silence, l'Assemblée a exprimé son émotion.

La France, au premier rang des forces des Nations unies présentes sur place, joue un rôle essentiel en Côte d'Ivoire, particulièrement dans les développements de ces deux dernières années. Notre pays s'apprête à soumettre un projet de résolution à l'ONU.

Dans ces conditions, il est urgent que le Premier ministre vienne informer la représentation nationale dans les délais les plus brefs et qu'un débat puisse être organisé dans cet hémicycle.

Il est en effet essentiel que nous puissions débattre des initiatives que la France doit prendre pour mettre un coup d'arrêt aux affrontements militaires et trouver les voies d'une issue politique à cette grave crise.

La stabilité dans cette région de l'Afrique de l'Ouest déjà fragile dépend beaucoup de notre capacité à rétablir un climat de confiance entre les différentes parties et de sécurité pour l'ensemble des populations concernées.

Aussi, monsieur le président, je vous demande de porter à la connaissance du président de l'Assemblée nationale la demande du groupe des député-e-s communistes et républicains. Je ne doute pas que M. le ministre de l'agriculture s'en fasse également l'interprète auprès du Premier ministre.

M. le président. Mon cher collègue, je ferai part de votre intervention au président de l'Assemblée. Je ne doute que ce sujet sera évoqué demain matin en conférence des présidents et que le président de votre groupe aura l'occasion de développer vos positions.

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LOI DE FINANCES POUR 2005

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

AGRICULTURE, PÊCHE ET FORÊT (suite)

M. le président. Nous poursuivons l'examen des crédits du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

Ce matin, l'Assemblée a entendu les orateurs inscrits.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs spéciaux, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames et messieurs les députés, comme chaque année, parler du budget de l'agriculture, de la pêche et de la forêt, c'est évoquer davantage que ce seul budget, tant ces questions sont liées à la politique européenne − notamment budgétaire − et à la politique commerciale internationale, avec les négociations devant l'Organisation mondiale du commerce. Après avoir remercié vos rapporteurs, pour la qualité de leurs rapports comme pour celle de leurs interventions de ce matin, je voudrais vous livrer quelques réflexions.

Faut-il des politiques agricoles ? La réponse à cette question n'est pas si évidente dans les enceintes européennes et internationales. Certains pays estiment qu'il n'est nul besoin d'en mener. La France et l'Union européenne pensent au contraire que, l'agriculture présentant des spécificités liées à la longueur et aux aléas du cycle de production, il convient de mener des politiques publiques fortes en sa faveur, même si celles du début des années 2000 ne sont pas celles qui avaient cours dans les années 50, 60 ou 70.

Après avoir écouté, ce matin, les différents orateurs, on peut dire que les agriculteurs français connaissent depuis trop d'années, dans trop de filières, de grandes difficultés. Trois paramètres déterminent leurs revenus : la quantité et le prix des produits agricoles qu'ils vendent ; les charges qui grèvent leurs coûts de production ; les soutiens publics, communautaires ou nationaux.

En ce qui concerne les quantités produites et leur prix de commercialisation, il convient de rappeler que, dans une économie de marché, le consommateur a toujours raison. Or, dans de nombreux domaines, ses comportements ont évolué ces dernières années. Il n'est que de regarder la consommation de vin par tête d'habitant, comme le disait ce matin Philippe Feneuil, ou le niveau de consommation de certains légumes ou de certaines viandes naguère très appréciés. Les goûts et les besoins changent.

Le système de fixation des prix est souvent aberrant, le producteur agricole ne retirant pas une juste rémunération de ce qu'il vend, alors même que le consommateur lui-même ne profite pas de prix bas. C'est le phénomène bien connu de la captation de la marge par une partie du circuit de commercialisation, souvent située en aval des filières, notamment dans la grande distribution. C'est pourquoi le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a demandé à M. Canivet de présider une commission chargée de travailler sur ce sujet. Ses conclusions ont été rendues il y a quelques semaines et nous aurons à en tirer les conséquences, y compris sur le plan législatif, qu'il s'agisse de produits transformés ou non. Nous devrons notamment réfléchir à la qualification de la situation de crise et au débat sur la question du coefficient multiplicateur qu'ont évoquée ce matin Jean Dionis du Séjour et Thierry Mariani.

Ainsi, l'on ne peut pas grand-chose pour modifier la quantité, qui dépend des goûts et des tendances, et l'on sait que la question des prix est également difficile à traiter. Depuis vingt ans, chaque fois que l'on a réglementé les relations commerciales, chaque fois que l'on a édicté une règle, on a pu constater des effets pervers ou des détournements de procédure. Ce n'est pas une raison pour rester les bras ballants. Sur ce sujet, la résolution du Gouvernement est très grande.

Le deuxième paramètre est celui des charges. Pour ce qui est des charges d'exploitation, chacun songe à la question du gazole et du gaz : le Gouvernement a pris diverses mesures pour aider les pêcheurs et les agriculteurs. Nous ne cesserons, au cours des prochains mois, de réévaluer ces mesures de manière très pragmatique en fonction de l'évolution de la situation.

En ce qui concerne les charges salariales, plusieurs orateurs ont, à juste titre, souligné que, dans l'Europe communautaire, se faisaient jour des distorsions de concurrence. Gérard Larcher, Nicolas Sarkozy et moi-même avons donc mis en place une mission interministérielle chargée de les étudier, afin d'apporter, le plus rapidement possible, les réponses adéquates. En outre, certains secteurs nécessitent une nombreuse main-d'œuvre saisonnière et, au-delà des distorsions de concurrence, ont des difficultés à recruter, car les candidatures spontanées pour ce genre de travaux sont en nombre insuffisant. Sur ce sujet, Gérard Larcher et moi-même souhaitons aller de l'avant.

Le troisième et dernier paramètre est la conséquence des deux premiers. C'est en effet parce que le prix n'est pas suffisamment rémunérateur et parce que le cycle d'exploitation agricole connaît toutes ces difficultés que nous devons mettre en place des politiques publiques et des soutiens budgétaires. Ceux-ci sont retracés dans le budget du ministère de l'agriculture, pour quelque 5 milliards d'euros, et dans celui des départements et des régions, pour un peu moins de 1 milliard d'euros. Enfin, nous bénéficions des retours de Bruxelles vers l'agriculture française, à hauteur d'une dizaine de milliards d'euros.

On peut dire que ces soutiens budgétaires sont globalement stables, voire en légère augmentation compte tenu des 100 millions d'euros évoqués ce matin par Alain Marleix.

S'agissant du budget de l'agriculture proprement dit, l'on peut toujours alimenter la polémique avec telle ou telle argutie. Il n'en reste pas moins que, compte tenu des reports, nous bénéficions d'un budget en reconduction. Preuve est ainsi faite qu'il est possible de lancer des actions nouvelles avec un budget en simple reconduction. C'est là, je crois, de la bonne gestion publique, surtout dans le contexte budgétaire actuel dont les difficultés sont liées en grande partie, comme l'a rappelé fort opportunément Jean-Marie Sermier, à la situation désastreuse que nous avons trouvée à notre arrivée au pouvoir. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. André Chassaigne. Toujours le même argument !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Avant d'entrer dans le détail de ce projet de budget, je ferai deux brèves remarques concernant le contexte international et le contexte communautaire.

S'agissant du contexte international, qu'ont évoqué plusieurs d'entre vous, notamment François Guillaume et François Sauvadet, nous sommes parvenus, dans le cadre des négociations menées au sein de l'Organisation mondiale du commerce, à un accord intermédiaire dans les premiers jours d'août à Genève. Cet accord nous donne satisfaction dans la mesure où, en matière de subventions aux exportations, les Etats-Unis seront enfin logés, si je puis dire, à la même enseigne que l'Union européenne, et où une liste définissant les produits sensibles pour les règles d'accès sera élaborée.

Bien évidemment, nous serons extrêmement vigilants quant aux suites qui seront données sur ces points en attendant la prochaine réunion, prévue à Hongkong dans un peu plus d'un an.

Avec le Mercosur, les négociations sont suspendues, l'autre partie n'étant pas satisfaite des propositions de l'Union européenne, pourtant très intéressantes. Là aussi nous ferons preuve d'une grande vigilance.

J'en viens au contexte communautaire et, plus précisément, à cinq principaux sujets ayant trait à la politique agricole européenne.

Son premier pilier a été, comme vous le savez, configuré jusqu'en 2013. Avant cet accord, jamais nous n'avions eu une telle visibilité et ni une telle stabilité budgétaire depuis la création de la PAC au milieu des années 60.

François Guillaume s'est interrogé sur une éventuelle remise en cause de cet accord. Une telle éventualité me paraît impossible puisque, outre qu'aujourd'hui ce qui a été acquis à l'unanimité des États membres ne peut être défait qu'à cette même unanimité, cette règle continuera de valoir dans le contexte des nouvelles institutions : si la constitution européenne est adoptée, l'unanimité sera en effet toujours requise sur les plans budgétaire et fiscal.

M. Pascal Terrasse, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la forêt. Eh oui !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Les crédits du premier pilier sont donc bien stabilisés, sachant qu'une enveloppe supplémentaire devra être ouverte si la Roumanie et la Bulgarie rejoignent l'Union.

La deuxième question que soulève le contexte communautaire tient au deuxième pilier, non concerné par l'accord de Bruxelles du 10 octobre 2002. La Commission a avancé à son sujet des propositions qui nous conviennent et nous aurons à cœur, au cours des mois qui viennent, dans la négociation difficile qui va s'ouvrir, de défendre les crédits du développement rural. Je ne vois pas d'ailleurs comment la Commission comme les États membres, qui ont fait du développement rural l'un des fers de lance de la nouvelle politique agricole commune, pourraient faire marche arrière, revenir sur des engagements pris et renoncer à des actions de plus en plus appréciées.

Voilà deux ans, la France était loin d'avoir saisi toutes les possibilités de retour des financements communautaires vers l'agriculture française, à tel point d'ailleurs qu'elle avait été condamnée à l'automne 2001 à une amende de 31 millions d'euros pour n'avoir pas consommé tous ses crédits du deuxième pilier. Nous y avons mis bon ordre et notre pays conserve désormais tous ses droits de tirage.

M. Bertho Audifax. Très bien !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Les modalités de gestion de crise constituent le troisième grand sujet que soulève la politique agricole commune. Il a été évoqué par plusieurs d'entre vous. J'ai obtenu, dans le compromis de Luxembourg du 23 juin 2003, que la Commission formule des propositions en la matière avant décembre 2004. J'espère seulement que les péripéties qui ont entouré la mise en place de la nouvelle Commission ne retarderont pas trop cette échéance. Sachez en tout cas que nous y veillerons.

La France a remis au mois de juillet un mémorandum pour faire part de ses idées en la matière. Des dispositifs de gestion de crise sont en effet indispensables à notre agriculture et, en particulier, aux filières des fruits et légumes, du porc et de la volaille. Or la PAC actuelle souffre d'une sorte de chaînon manquant puisque Bruxelles n'intervient plus, tout en interdisant aux États nationaux de le faire.

M. Jean Dionis du Séjour. Tout à fait.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Le seul moyen pour sortir de cette situation tient donc bien à la mise en œuvre de cette gestion communautaire de crise que nous appelons de nos vœux.

Le quatrième sujet de la politique communautaire que je veux aborder a trait évidemment à la réforme de l'OMC Sucre. Il concerne à la fois la métropole mais aussi, ô combien, l'outre-mer. Je me suis d'ailleurs rendu aux Antilles au mois de juillet et à La Réunion au mois de septembre pour apprécier la situation sur place. Nous ne serons au cœur de la négociation qu'au printemps prochain, quand le panel d'experts aura rendu ses conclusions à l'OMC. Nous veillerons alors à préserver la compétitivité de la filière sucrière française, aussi bien en métropole qu'outre-mer, et, notamment, à soutenir d'indispensables mesures de compensation.

J'ajoute que nous avons une responsabilité historique envers les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique liés à l'Union européenne par le protocole relatif au sucre. Cette coopération est d'ailleurs la preuve concrète que, depuis bientôt quarante ans, l'Europe a su faire profiter les pays en voie de développement de sa politique agricole commune, contrairement à ce que l'on peut entendre ou lire ici ou là.

La dernière question relative à Bruxelles porte sur la banane. Nous allons assister, à partir du 1er janvier 2006, à une modification des relations en la matière, puisque nous passerons d'un système de quota à un système uniquement tarifaire, négocié par le précédent gouvernement. Il faudra en tirer toutes les conséquences au niveau communautaire, afin de sauver la filière banane dans nos départements d'outre-mer.

Après ces considérations internationales et européennes, qui ne sont pas sans conséquence sur notre budget national de l'agriculture, de la forêt et de la pêche, j'en viens à celui-ci proprement dit, avant que Nicolas Forissier n'intervienne sur les sujets qui relèvent de sa compétence.

Parmi les questions qui m'ont été posées ce matin, celle de l'assurance récolte a été évoquée par Alain Marleix, Antoine Herth, Christian Ménart - auteur par ailleurs d'un excellent rapport - Jean Gaubert, François Sauvadet, Michel Raison et Jean-Marie Sermier.

Voilà des années que l'assurance récolte est réclamée par les organisations agricoles. Mais force est de constater que, derrière ce vocable, se cachent des conceptions très différentes : parle-t-on d'une assurance récolte obligatoire ou facultative ? Concerne-t-elle toutes les productions ou seulement certaines d'entre elles ? Représente-t-elle une sorte d'assurance complémentaire s'ajoutant au dispositif d'indemnisation des calamités agricoles ou bien s'y substitue-t-elle ? Bref, les possibilités en la matière sont vastes.

Après un premier rapport sur le sujet remis par M. Babusiaux il y a quelques années, puis une expérimentation lancée par Groupama, et, enfin, un rapport, que j'évoquais à l'instant, de Christian Ménart, nous souhaitons maintenant mettre en place un système qui fonctionne, ce qui ne sera possible que s'il a été élaboré en étroite relation avec les organisations professionnelles et syndicales agricoles.

Sur le plan budgétaire, une provision de 10 millions d'euros est inscrite au projet de budget pour 2005 afin d'amorcer le dispositif, étant entendu que cette somme pourra être abondée en tant que de besoin en loi de finances rectificative. Mais, je le répète, il faudra compter avec le résultat des discussions que nous menons avec les organisations professionnelles et syndicales agricoles. Nicolas Forissier et moi-même les avons réunies la semaine dernière pour leur soumettre des propositions précises sur lesquelles nous attendons leur réaction.

Pour résumer, nous proposons que, dans un premier temps, l'assurance récolte se limite aux cultures de vente, les autres productions, notamment le fourrage et l'élevage, conservant temporairement le bénéfice du dispositif des calamités agricoles.

Ensuite, le système serait progressivement mis en place entre 2005 et 2010, avec une montée en puissance suffisamment significative les premières années pour permettre la souscription d'un maximum de contrats, sachant que tous les experts s'accordent sur un taux prévisible d'environ 70 % d'agriculteurs s'assurant.

Par ailleurs, le soutien budgétaire de l'État serait, à l'horizon 2010, plafonné à 130 millions d'euros par an, enveloppe nettement supérieure aux 50 millions d'euros inscrits chaque année en moyenne ces vingt dernières années pour les calamités agricoles.

En 2007, serait de nouveau évoquée la question de la réassurance publique qui est très importante pour l'équilibre global du système.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Enfin, l'agriculteur aurait le choix entre une offre mutualisée, qui, pour simplifier, serait celle de Groupama, et une offre plus sectorisée par filière, provenant d'autres organisations bancaires.

Tel est l'ensemble du dispositif que nous avons proposé. Nous discutons actuellement avec les organisations professionnelles et syndicales agricoles. Je souhaite que nous puissions faire le point le plus rapidement possible de manière que le cadre dans lequel nous nous situons soit concrètement connu.

J'ajouterai deux dernières remarques sur ce point.

Premièrement, je précise que dans un système d'assurance récolte, théoriquement, c'est la totalité de la perte, et pas seulement 30 % en moyenne comme dans le régime d'indemnisation des calamités, qui est indemnisée. Il s'agit d'une différence importante.

Deuxièmement, il faut savoir que le passage à un système d'assurance récolte exige un gros effort psychologique de la part aussi bien des décideurs publics que nous sommes que des organisations professionnelles et syndicales agricoles. On peut dire tout ce qu'on veut de la loi de 1964 sur les calamités, on peut en souligner les imperfections, mais elle existe.

M. Pascal Terrasse, rapporteur spécial pour la forêt. Depuis quarante ans !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Elle a servi, on la connaît. Et on peut légitimement ressentir une certaine appréhension à l'idée de prendre la décision de changer de système. Nous sommes donc à un moment très important de l'histoire de notre économie agricole, et je souhaite que les clarifications soient apportées le plus rapidement possible.

S'agissant maintenant des bâtiments d'élevage, comme l'ont dit Jean Gaubert, Michel Raison et Michel Lejeune, leur modernisation est indispensable, d'une part, parce qu'il faut mettre aux normes certains bâtiments et, d'autre part, parce que c'est un moyen concret d'améliorer les conditions de vie et de travail des agriculteurs.

Dans ce domaine, nous avons voulu privilégier la simplification. Alors que jusqu'à présent, l'OFIVAL intervenait pour les bâtiments de plaine, tandis que la DDA s'occupait des bâtiments en zone de montagne, nous aurons désormais un guichet unique, la DDA, dans chaque département.

Deuxième caractéristique, nous augmentons considérablement les subventions consacrées aux bâtiments d'élevage. Alors que les crédits étaient, en moyenne, compris entre 35 et 40 millions d'euros ces dernières années, 80 millions d'euros seront débloqués dès 2005, comme l'a annoncé le Premier ministre à Clermont-Ferrand au sommet de l'élevage, et le montant passera à 120 millions d'euros par an à partir de 2007, compte tenu de retours européens plus importants qu'ils ne le sont aujourd'hui.

Je précise, notamment pour Michel Lejeune, que la ligne budgétaire pour les bâtiments d'élevage est bien distincte de la ligne pour le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, doté de 133 millions d'euros en autorisations de programme. La modernisation des bâtiments est une chose, la mise aux normes pour le PMPOA en est une autre, et même si ces deux actions indispensables doivent être menées de front, leurs crédits ne sont pas confondus. On ne compte pas deux fois les mêmes crédits.

S'agissant de l'amélioration de la santé des végétaux et du renforcement de la sécurité sanitaire des aliments, nous majorons les crédits de 7 % pour relever deux défis : mieux maîtriser l'utilisation des produits phytosanitaires destinés à agir contre les organismes nuisibles aux cultures et lutter contre les attaques parasitaires qui touchent de plus en plus de végétaux en raison de l'internationalisation des échanges comme on le voit pour la chrisomèle du maïs et pour la sharka sur le verger du sud de la France, et je remercie Antoine Herth et Philippe Feneuil pour les propos très sensés qu'ils ont tenus sur ce sujet.

J'en viens à l'installation, qui est un sujet extrêmement important que l'on peut diviser en trois parties fort différentes.

Premièrement, la situation économique dans chacune des filières et leurs perspectives d'évolution.

Deuxièmement, les conditions de vie et de travail en agriculture, surtout après le vote de la loi sur les 35 heures. Beaucoup de jeunes agriculteurs, récemment installés ou qui souhaitent s'installer, me font part de leurs remarques sur les conditions de vie et de travail. C'est un thème extrêmement important du débat que nous avons lancé avec Nicolas Forrissier sur la loi d'orientation et de modernisation de l'agriculture.

Troisièmement, le dispositif public à l'installation. Depuis deux ans et demi, nous avons beaucoup progressé avec les jeunes agriculteurs sur plusieurs points, qu'il s'agisse de l'exonération de cotisations sociales de la DJA, qui sera acquise quand la loi rurale sera définitivement votée, ou du versement en une seule fois de la DJA.

A ce propos, je réponds ainsi à Alain Marleix, François Sauvadet et Michel Raison, des instructions ont été données, notamment à la suite des difficultés économiques que nous avons connues ces dernières années, pour que la deuxième part soit versée en toute hypothèse, sans tenir compte des critères. Par ailleurs, les crédits pour le versement de la DJA en une seule fois, qui devait être mis en place pour 2004, sont enfin inscrits. Cela a pris un peu de retard parce qu'il a fallu obtenir l'accord de Bruxelles et modifier le décret en Conseil d'État. Désormais, les choses sont acquises et la mesure sera - même si le terme est sans doute impropre juridiquement - rétroactive, puisqu'elle concernera évidemment toutes les DJA attribuées depuis le 1er janvier 2004 et a fortiori pour 2005.

Un certain nombre d'autres sujets ont été évoqués concernant notamment les aides du deuxième pilier.

Depuis deux ans et demi, nous avons « mis le paquet » sur ce point. Francis Saint-Léger l'a indiqué, la prime à l'herbe dont la succession n'avait pas été prévue a non seulement été reconduite mais elle a été augmentée de 70 %. C'est la prime herbagère agro-environnementale. Nous avons également fortement augmenté l'indemnité compensatoire du handicap naturel et pris l'engagement, sur la durée de la législature, que la prise en compte des 25 premiers hectares soit valorisée à hauteur de 50 % supplémentaires. Je confirme bien évidemment l'annonce faite il y a quinze jours par le Président de la République à Murat dans le Cantal : l'augmentation de 2005 est acquise et les crédits seront inscrits dans la loi de finances rectificative - je réponds ainsi à Alain Marleix.

Je voudrais maintenant dire un mot des contrats d'agriculture durable. C'est un sujet que nous avons abordé à de très nombreuses reprises dans cette assemblée depuis 2002.

D'abord, le principe d'une contractualisation n'est pas nouveau. Les OGAF, les mesures « article 21 » préexistaient aux CTE. Les concepteurs du CTE n'ont ni découvert la lune, ni inventé le fil à couper le beurre.

Ensuite, à notre arrivée, nous avons trouvé une bombe budgétaire extrêmement sophistiquée, une bombe à retardement et à fragmentation. En effet, un contrat dure cinq ans. Or les crédits pour les CTE inscrits dans le budget du ministère au printemps 2002 ne s'élevaient qu'à 50 millions d'euros. Il a donc fallu trouver 200 millions d'euros en gestion pour 2002. En 2003, nous avons inscrit 300 millions d'euros et, pour 2004, entre 270 et 280 millions d'euros. Pour 2005, les crédits seront en légère baisse, à hauteur de 232 millions d'euros, car l'investissement n'est pas linéaire sur la totalité d'un CTE ou d'un CAD, les premières annuités étant plus élevées que les dernières. En aucune manière l'État ne se retire, puisque 10 000 nouveaux contrats pourront être conclus, je le précise à Jean Gaubert et à Michel Raison.

Sur l'ensemble de ces sujets, la politique gouvernementale est indispensable. C'est pourquoi nous avons décidé de poursuivre une politique extrêmement dynamique en faveur du développement rural et du deuxième pilier.

Beaucoup d'entre vous - Alain Marleix, François Sauvadet, André Chassaigne et Jean Dionis du Séjour - ont évoqué les questions liées à la protection sociale agricole, que je n'oublie évidemment pas, puisque ce domaine relève de mon ministère.

Depuis le début des années 60, le budget annexe des prestations sociales agricoles était un faux budget annexe. En effet, selon l'ordonnance organique, les budgets annexes retracent des opérations industrielles et commerciales. Je ne vois pas en quoi la protection sociale recouvre des opérations industrielles et commerciales. La LOLF, votée à l'unanimité des groupes de cette assemblée en 2001, sous la précédente législature, a donc décidé de supprimer le budget annexe des prestations sociales agricoles.

Nous avions dès lors le choix entre deux solutions : soit supprimer le régime social agricole en le fondant dans le régime général de la sécurité sociale, soit garder une individualisation de la protection sociale agricole en maintenant la MSA. Nous avons opté pour cette seconde solution, en créant un établissement public, le FFIPSA, le Fonds de financement des prestations sociales agricoles, qui apporte ses ressources à la Mutualité sociale agricole.

Ce point d'histoire récente étant rappelé, je voudrais donner mon point de vue sur le débat parlementaire et vous expliquer pourquoi je me suis un peu animé, monsieur Sauvadet, quand vous avez évoqué cette question.

M. François Sauvadet. Nous nous sommes animés tous les deux.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Le membre du Gouvernement que je suis est trop respectueux de l'indépendance et du pouvoir du Parlement pour ne pas considérer que c'est au Parlement qu'il revient d'organiser, s'il le souhaite, un débat sur la protection sociale agricole.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Ce n'est pas de la responsabilité du Gouvernement, je l'ai déjà dit l'année dernière, je le répète aujourd'hui. Pour ma part, je ne verrais que des avantages à ce que le Parlement inscrive à son ordre du jour un débat sur la protection sociale agricole, comme le demande la Mutualité sociale agricole. Je serais le premier à y assister.

M. François Sauvadet. Très bien ! Mais je tiens quand même à votre disposition vos propos de l'année dernière !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. La protection sociale agricole a besoin de 600 à 605 millions d'euros sur 2004 et d'un peu plus du double sur 2005. Si le budget social agricole semble en déficit, ce n'est pas que nous devons faire face à une explosion des dépenses, c'est tout simplement que les recettes sont en baisse du fait d'un moindre rendement de la taxe tabac.

M. François Sauvadet. C'était prévisible !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Je parle de déficit apparent parce que si les finances de la protection sociale étaient consolidées au sein du régime général, ce besoin de financement propre au régime social agricole n'apparaîtrait pas.

Le remboursement des prestations d'assurance maladie et la liquidation des retraites ne sont donc bien évidemment pas du tout menacés. Le budget social agricole doit avoir un financement pérenne.

S'agissant du financement de la retraite, je souhaite que les calculs de compensation démographique soient revus afin d'améliorer l'abondement du FFIPSA sur le chapitre concernant les retraites.

Pour la maladie, il faudrait que le budget soit alimenté principalement par la TVA, qui est une recette stable et pérenne. Le groupe de travail que nous avons mis en place avec le ministère des affaires sociales et celui des finances remettra son rapport aux alentours du 15 janvier et je souhaite, comme vous, que des décisions soient prises rapidement sur ce sujet.

M. François Sauvadet. Ah !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Je voudrais rassurer Jean Gaubert et Thierry Mariani qui ont évoqué les dispositifs du FAC et de l'AGRIDIFF. Il s'agit de crédits évaluatifs, qui, par définition, sont abondés en cours d'année en fonction des besoins. En 2002, en 2003 et en 2004 les lignes budgétaires consacrées aux calamités agricoles, au FAC et à l'AGRIDIFF étaient soit très peu dotées, soit pas du tout. Or, cela ne nous a pas empêchés de faire face aux besoins, tout simplement parce que ces crédits ont été abondés en cours d'année.

Comme l'a dit Michel Raison, nous avons encore, en matière agricole, énormément de travail à faire pour assurer la simplification. C'est, en effet, un domaine où l'on parle toujours de simplifier, mais où l'on complique toujours davantage. Les administrations nationale et européenne ne sont d'ailleurs pas les seules responsables, car nous sommes dans une économie administrée et, il faut dire les choses telles qu'elles sont, chacun se complait dans la complexité. Mais ce n'est pas une raison pour s'en contenter. Nous avons donc mis en place un comité permanent pour la simplification qui doit continuer à œuvrer.

S'agissant de l'organisation de l'administration centrale, François Sauvadet a évoqué l'augmentation des crédits. Je vois que rien n'échappe à sa sagacité. En réalité, cette augmentation n'est qu'optique. En effet, la LOLF nous a obligés à reformater les affectations de crédits. Nous nous sommes rendus compte que, au niveau de l'administration centrale, certaines dépenses salariales figuraient dans d'autres rubriques budgétaires que celles qui y sont dédiées. Nous avons donc fait une opération vérité, mais concrètement les moyens de l'administration centrale n'augmentent pas. C'est d'autant plus vrai que, dans le cadre de la gestion plus serrée des effectifs à laquelle nous procédons depuis deux ans, nous avons veillé à maintenir un maximum de fonctionnaires sur le terrain au contact des réalités et à réaliser des économies en administration centrale, notamment à travers la fusion de deux directions.

M. Gaubert et M. Chassaigne ont évoqué la diminution des crédits des offices. Elle résulte, elle aussi, d'un reformatage budgétaire. En réalité, il y a non pas diminution, mais augmentation des moyens d'intervention des offices, car les 25 millions d'euros qui figuraient auparavant sur la ligne budgétaire de l'OFIVAL sont transférés sur le budget du ministère pour le plan « bâtiments d'élevage ». En réalité, si l'on raisonne hors bâtiments d'élevage, les crédits des « marges CSO » seront plus importants en 2005 qu'ils ne l'étaient en 2004, avec deux priorités : les mesures structurelles - je ne parle pas des mesures conjoncturelles - pour la filière des fruits et légumes que j'ai annoncées à Nantes au début du mois d'octobre et les mesures pérennes de l'OFIVAL.

Philippe Feneuil, François Sauvadet et Antoine Herth ont évoqué la question des biocarburants. Le Premier ministre a annoncé très clairement au début du mois de septembre que le Gouvernement avait pris la décision de tripler la production de biocarburants d'ici à 2007. Concrètement, cela signifie qu'il faut décider de l'implantation et de la construction d'usines supplémentaires au cours du premier semestre 2005 pour que nous soyons prêts en 2007. Je suis donc en train de procéder aux concertations avec l'ensemble des acteurs des deux principales filières - diester et éthanol - et j'annoncerai dans les semaines qui viennent, en tout cas bien avant la fin de cette année, les solutions qui auront été retenues. Les appels d'offres seront lancés au début de l'année 2005 pour que nous soyons en ordre de bataille sur ce très important sujet.

Antoine Herth et Marc Le Fur ont évoqué la question de l'équarrissage, mais nous y reviendrons tout à l'heure à l'occasion de la réponse aux questions et de l'examen d'un amendement.

Je voudrais dire à Jean Dionis du Séjour et à Thierry Mariani, retenu ailleurs et qui m'a prié d'excuser son absence, que le Gouvernement est bien conscient de la situation très difficile dans laquelle se trouvent les producteurs de fruits et légumes. Je ne reviens pas sur les mesures conjoncturelles que j'ai annoncées il y a quelques semaines. Elles sont absolument indispensables, mais elles seront en toute hypothèse insuffisantes si elles ne s'accompagnent pas d'une action structurelle : organisation des relations avec l'aval, notamment avec la grande distribution, en donnant une suite législative au rapport Canivet ; promotion de la consommation de fruits et légumes, notamment dans la restauration collective dans le cadre du programme national nutrition-santé ; résolution des problèmes de distorsion de concurrence et de charges, sur lesquels nous avons diligenté une mission tripartite.

Pour en terminer avec les questions agricoles, je tiens à dire que nous avons désormais davantage de lisibilité en matière budgétaire au niveau communautaire. L'année 2005 sera très importante s'agissant du dialogue avec chaque agriculteur français pour mettre en œuvre les nouvelles dispositions de gestion de certaines aides de la PAC, monsieur Guillaume. Je tiens à souligner que la moitié des aides ne sont pas concernées par la réforme de la PAC. Toutes les aides du deuxième pilier - PHAE, ICHN, mesures agro-environnementales - ne sont pas du tout concernées par cette réforme et, au sein du premier pilier, la PMTVA, la moitié de la prime à l'abattage et la totalité de cette dernière pour ce qui concerne les veaux ne sont pas non plus concernées. La réforme de la PAC ne porte que sur une partie des aides animales - il y en avait cinq ou six qui seront regroupées dans une aide unique à l'exploitant - et le quart des aides aux grandes cultures. C'est donc une appréciation beaucoup plus fine et individuelle que celle dont on entend généralement parler. Cela dit, nous sommes bien conscients des difficultés que peut soulever la mise en œuvre de cette réforme. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé que 2005 serait une année de test au cours de laquelle nous pourrons avoir un dialogue direct avec chaque agriculteur pour la mise en œuvre de ce nouveau régime à partir de 2006.

La loi d'orientation et de modernisation de l'agriculture a été évoquée par François Sauvadet, François Guillaume et Michel Raison. Les débats régionaux ont été lancés. La synthèse nationale sera disponible à la fin de cette année. Le projet de loi devrait être adopté en conseil des ministre au début du mois d'avril et la discussion parlementaire pourrait avoir lieu à la fin du premier semestre 2005 et à l'automne. Je veux simplement dire à la représentation nationale, comme je l'ai dit au président Ollier devant la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, que le Gouvernement ne verrait que des avantages à ce que ce texte fasse l'objet, en amont, d'un travail avec le Parlement,...

M. François Sauvadet. Très bien !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.... lorsque le débat régional sera achevé, donc en janvier, février. Il serait en effet bon que nous puissions travailler ensemble sur ce sujet important pour l'agriculture des quinze prochaines années.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. S'agissant de la forêt, dont ont parlé notamment le rapporteur spécial Pascal Terrasse et  le rapporteur pour avis Antoine Herth, je commencerai par une remarque d'ordre général. Les engagements pris par Lionel Jospin, alors Premier ministre, pour reconstituer la forêt après la tempête sont tenus. En effet, 915 millions d'euros avaient été annoncés sur dix ans. Or, depuis 2000, les financements consacrés aux opérations de nettoyage et de reconstitution s'élèvent à 575 millions d'euros : 63 % des sommes initialement annoncées sur dix ans ont ainsi été mobilisées sur cinq ans. Les engagements pris ont donc été tenus et ils le seront en 2005 comme ils l'ont été les années précédentes, sous deux gouvernements d'orientation politique différente d'ailleurs. Cela dit, il reste beaucoup à faire. Le plus facile a été fait les premières années et nous abordons maintenant un travail extrêmement difficile, délicat, mais je sais qu'il s'accomplit de manière satisfaisante grâce aux efforts de tous.

S'agissant de la forêt privée, 30 emplois ont été créés au CRPF en 2004. Nous avons décidé de faire une pause en 2005 afin d'évaluer la montée en puissance des plans de gestion, mais l'objectif de création de 100 emplois au total n'est pas remis en cause.

J'ajoute que l'intégration de l'Institut pour le développement forestier au sein d'un service d'utilité forestière du Centre national professionnel de la propriété forestière permettra encore de renforcer les effectifs de trente-cinq agents pour améliorer la cohérence et l'efficacité de l'action menée dans ce domaine.

Le versement compensateur ONF est maintenu pour 2005 au niveau auquel il avait été fixé par la loi de finances rectificative pour 2004, c'est-à-dire à hauteur de 145 millions d'euros. Il ne diminue donc pas.

M. Pascal Terrasse, rapporteur spécial pour la forêt. Si, de 5 millions !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Pas du tout ! En 2004, la LFI prévoyait la somme de 125 millions d'euros, qui a été complétée par 20 millions supplémentaires. On arrive ainsi au montant de 145 millions prévu par la loi de finances initiale. Le versement compensateur est donc strictement reconduit.

D'ailleurs, le président des communes forestières de France, M. Yann Gaillard, en est lui-même convenu devant la commission des finances du Sénat. Vous savez que c'est un homme qui sait compter. S'il avait manqué 5 millions d'euros, il n'aurait pas manqué de le souligner. Je confirme donc devant la représentation nationale que le versement compensateur est maintenu intégralement.

J'en viens à la dernière question de M. Terrasse sur les moyens en personnels destinés à la mise en œuvre de la LOLF. Le gros des effectifs publics concourant à l'application de la politique forestière se trouve dans les services de l'Office national des forêts. Les DDA, directions départementales de l'agriculture, emploient également des agents. Mais, pour assouplir la gestion, il nous a semblé inutile, compte tenu de la faiblesse de ces effectifs dans certaines DDA, de ne pas figer les situations dans leur état actuel. C'est ce qui explique les caractéristiques liées à la mise en place de la LOLF.

Outre ces réponses que je souhaitais faire à propos de la forêt, il resterait beaucoup à dire, en dehors du cadre budgétaire, notamment sur la création et l'indispensable dynamisation de l'interprofession dans cette filière, ou sur le développement de l'énergie bois ou du bois de construction, sur la seconde transformation et l'industrie de l'ameublement. Nous avons là de grands et beaux chantiers à mener avec les professionnels.

M. le rapporteur pour avis pour la pêche et M. Louis Guédon ont abordé le problème de la pêche. Le budget permet de financer les caisses chômage-intempéries, les contrats de plan État-région et d'augmenter la subvention aux interventions, notamment à l'OFIMER. M. Guédon l'a souligné : la baisse optique des crédits budgétaires à l'OFIMER s'explique par le fait que les crédits communautaires montent en puissance, ce qui fait que les moyens d'intervention de l'OFIMER ne sont pas en diminution.

Un chantier de réflexion est ouvert avec la profession dans le but d'améliorer les modalités de gestion de nos quotas de pêche. Je souhaite non seulement confirmer, mais même renforcer le rôle des organisations de producteurs dans ce domaine. Puisqu'on parle quotas, il faut, comme l'ont fait le rapporteur pour avis pour la pêche et M. Guédon, dire un mot des relations avec les scientifiques. Pour ma part, je suis très attentif à ce que la charte signée entre l'État, l'IFREMER et les professionnels soit suivie d'effets concrets. La confiance a commencé d'être restaurée, mais il faut évidemment aller plus loin.

Le dispositif Sofipêche a été notifié à Bruxelles au début de l'année. Le 7 octobre, la Commission a donné son aval, sous réserve de quelques adaptations techniques qui sont actuellement mises au point par la Direction générale des impôts. On peut raisonnablement estimer que, dans les prochains jours, le nouveau dispositif sera opérationnel.

M. Aimé Kergueris, rapporteur pour avis pour la pêche. Enfin !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Pour ce qui est des aides à la construction et à la modernisation, la date butoir est fixée non au 1er novembre, mais au 31 décembre prochain. Elle concerne une décision d'engagement, mais les fonds pourront être mobilisés durant les deux années suivantes. C'est en effet une des conditions que nous avions mises, en décembre 2002, à Bruxelles, à notre acceptation de la réforme de la politique commune en matière de pêche.

Tels sont les éléments de réponse que je voulais apporter. Je remercie à nouveau les orateurs pour leur contribution, leurs remarques et même leurs critiques. Qu'ils sachent que M. le secrétaire d'État à l'agriculture et moi-même sommes à leur écoute pour défendre les intérêts de l'agriculture, de la forêt et de la pêche françaises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Mesdames, messieurs les députés, M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales a rappelé les grandes lignes de ce budget et répondu à un certain nombre de questions.

Pour ma part, j'interviendrai plus précisément au sujet de l'enseignement supérieur, de la recherche agricole et des industries agroalimentaires, dont je suis, au même titre que des affaires rurales, plus particulièrement en charge.

Le budget de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'enseignement technique agricole représente le quart de celui du ministère, soit 1,4 milliard d'euros, et la moitié des emplois budgétaires. En tant qu'action de l'État, l'enseignement agricole s'inscrit pleinement dans les objectifs et les nouvelles orientations pour la réussite à l'école que le Premier ministre a souhaité mettre en avant pour 2005.

D'ores et déjà, je voudrais vous dire la détermination du ministre de l'agriculture et la mienne, pour que l'enseignement agricole conforte sa place dans le système éducatif national, en y apportant son excellence propre. Nous avons souhaité, dans ce budget, tracer des perspectives fortes - j'y reviendrai - qui soient mobilisatrices pour la communauté éducative. Je remercie M. le rapporteur pour avis pour l'agriculture, ainsi que M. Michel Raison d'avoir salué l'effort et la volonté du Gouvernement à cet égard.

L'action du Gouvernement en faveur de l'enseignement agricole, de l'enseignement supérieur et de la recherche s'organise autour de trois axes.

Tout d'abord, nous faisons évoluer l'offre de formation de manière cohérente, pour être encore plus en phase avec les attentes de la société et les offres d'emploi des entreprises dans nos territoires.

Ensuite, nous valorisons les métiers auxquels prépare l'enseignement agricole. C'est un sujet important, que nous traitons également dans le cadre du travail qui est conduit actuellement pour le développement des industries agroalimentaires. Ces métiers, qui sont une des spécificités de l'enseignement agricole, souffrent, vous le savez, d'un déficit d'image. Une action est engagée sur ce point.

Enfin, nous confortons la dimension européenne de nos formations, notamment avec l'adaptation au système licence-mastère-doctorat ou le renforcement des échanges avec les pays de l'Europe élargie.

C'est dans cet esprit que nous avons construit le budget de l'enseignement agricole pour 2005, afin de nous donner les moyens de ces ambitions.

J'ai indiqué que l'enseignement agricole était un enseignement d'excellence. Un chiffre, qui n'est pas assez connu, suffit à le mettre en évidence : le taux d'insertion dans la vie professionnelle au sortir de l'enseignement agricole est particulièrement élevé, puisqu'il s'élève en moyenne à 85 %.

En outre, cet enseignement joue un vrai rôle d'insertion sociale en offrant souvent une seconde chance à des élèves peu à l'aise dans l'enseignement général. Il permet aussi aux étudiants de réaliser une belle progression sur le plan social.

Enfin, il joue un rôle très important dans le dynamisme de nos territoires ruraux. Vous le savez tous, mesdames et messieurs les députés, pour avoir dans vos départements au moins un lycée d'enseignement agricole.

Dans cet esprit, nous avons souhaité conforter le budget du ministère en matière d'enseignement technique et nous avons dopé celui de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il s'agit d'un bon budget, qui permet d'envisager l'avenir avec confiance et détermination.

Je vous ai entendu tout à l'heure, monsieur Chassaigne, exprimer certaines inquiétudes et supposer je ne sais quelle iniquité de traitement entre l'enseignement privé et l'enseignement public, notamment en matière de fermeture de classes. Il est vrai que nous avons fermé certaines d'entre elles et que nous continuerons à le faire, puisqu'il faut adapter l'offre de formation aux besoins. Mais, en cela, nous suivons la règle édictée par le code rural, qui n'autorise pas la fermeture des classes de plus de huit élèves, seuil communément admis depuis des années. En outre, nous maintenons intacte notre capacité d'accueil dans de bonnes conditions. Au total, 174 700 élèves sont accueillis cette année dans l'enseignement technique agricole, effectif en légère progression par rapport à la rentrée scolaire 2003, puisque le nombre d'élèves a progressé de près de 1 %.

Contrairement à ce que vous craignez, cette évolution s'est faite dans la plus parfaite équité. À titre de réponse, je citerai un chiffre éloquent : soixante classes ont été fermées dans le public, dans les conditions que j'ai rappelées, et soixante-dix-sept dans le privé. Compte tenu de la répartition du nombre d'élèves entre les deux secteurs, qui est de 40 % dans le public et de 60 % dans le privé, on mesure que l'équité est parfaitement respectée. J'insiste sur le souci que nous avons manifesté, Hervé Gaymard et moi-même, vis-à-vis de l'ensemble des familles de l'enseignement technique agricole. Il s'agit pour nous d'un principe intangible.

Vous avez évoqué le présent budget, monsieur Chassaigne. Mais vous oubliez de signaler que la progression assez forte des crédits pour l'enseignement privé est le résultat d'un effet d'optique, puisqu'il nous faut rattraper en une année le retard issu de la gestion par l'ancienne majorité...

M. François Liberti. Par les anciennes majorités, y compris la vôtre !

M. le secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. ...en matière de subventions à l'enseignement technique privé. M. Gaubert a reconnu lui-même avec beaucoup d'élégance que la loi Rocard n'était pas appliquée. Nous avons donc dû conduire une discussion avec les trois grandes familles de l'enseignement technique agricole privé. Celles-ci ont consenti un effort important, permettant ainsi de parvenir à un accord qui sera parfaitement respecté.

Je voudrais encore souligner deux idées fortes de ce budget de l'enseignement.

La recherche et l'enseignement supérieur agricoles sont pour nous, M. le ministre l'a rappelé, des priorités. Les moyens qui leur sont consacrés progressent globalement de 7 % en 2005, malgré les fortes contraintes budgétaires que vous connaissez. Dans le détail, la progression est de 5,4 % pour l'enseignement supérieur et de 12,7 % pour la recherche, le développement et le transfert de technologies. Dans cette enveloppe, les crédits d'investissement de la recherche bénéficient d'une attention toute particulière, puisqu'ils connaissent une progression très nette de 30 %.

Ce budget en progression nous permettra d'accompagner la réorganisation des vingt-six établissements d'enseignement supérieur agricole en pôles de compétences régionaux, pour leur donner une attractivité et une visibilité plus fortes, notamment sur le plan européen, voire international. D'où cette progression des crédits de l'enseignement supérieur. M. Michel Raison l'a rappelé, tout comme M. Philippe Feneuil, qui a souligné notre ambition en la matière.

M. le rapporteur pour avis pour l'agriculture a eu raison de souligner qu'il est important d'agir en faveur de la modernisation et de la mise en valeur des bâtiments en matière d'enseignement supérieur, de même qu'il est nécessaire que notre ministère participe, en relation avec le ministre de l'éducation nationale, à la création des 1 000 postes d'enseignants chercheurs décidée par le Gouvernement. C'est ce à quoi je m'emploie actuellement.

La recherche appliquée dans le domaine agroalimentaire, évoquée par M. Le Fur, bénéficie tout particulièrement de la revalorisation de 30 % des crédits d'investissement. Ce sera un élément important dans la mise en œuvre du partenariat national auquel nous travaillons pour développer l'industrie agroalimentaire, qui est notre première industrie nationale.

À Jean Gaubert, qui a estimé que cette progression était un rattrapage, je réponds qu'en 2004, déjà, les crédits de paiement pour les investissements dans l'enseignement supérieur étaient passés de 8 à 10 millions d'euros et les crédits de fonctionnement avaient enregistré une progression nette de 1 %, malgré la régulation budgétaire. Quant à la recherche, le budget pour 2004 était stable par rapport à celui de 2003, lequel était déjà en progression, malgré, là encore, les régulations budgétaires. Si rattrapage il y a, mesdames, messieurs les députés, ce serait plutôt sur les années d'inertie durant lesquelles la rénovation, la mise aux normes de sécurité et la valorisation du patrimoine bâti des grands établissements d'enseignement agricole supérieur ont été oubliées. L'enseignement dispensé dans ces établissements de réputation internationale est remarquable, mais leurs bâtiments, que ce soit à Maisons-Alfort ou à Grignon, nécessitent des travaux, et Hervé Gaymard et moi-même devons trouver, au bas mot, 50 millions d'euros pour opérer ce rattrapage.

Par ailleurs, l'enseignement technique agricole est conforté, puisque ses crédits progressent globalement de 2,3 %. Pour l'enseignement public, l'encadrement des élèves est la priorité. Comme nous nous y étions engagés, les moyens dévolus à la vie scolaire sont consolidés. Ainsi, le nombre d'assistants d'éducation est maintenu, comme en 2003 et 2004, à 1 145.

Les engagements de l'État vis-à-vis de l'enseignement privé seront tenus. Ainsi que je l'ai dit en réponse à M. Chassaigne, deux contentieux ont été réglés au terme de discussions que nous avons eues avec les grandes familles de l'enseignement privé.

L'enseignement privé pratiquant le temps plein voit les nouvelles modalités de calcul de sa subvention formalisées dans un décret qui a été publié très rapidement, fin août. Ainsi, 3 millions d'euros sont prévus pour 2005, sur un total de 12 millions d'euros qui auront été versés pour le rattrapage de la subvention.

Les établissements d'enseignement privé pratiquant l'alternance, au premier rang desquels figurent les maisons familiales rurales, ont signé avec nous, le 26 juillet 2004, un accord qui prévoit le rattrapage et l'actualisation de leur subvention de fonctionnement : 6 millions d'euros sont prévus pour 2005. Au total, 14 millions d'euros seront versés sur quatre ans.

Ce budget est donc ambitieux et conforte l'enseignement technique et l'enseignement supérieur agricole. Quant à la recherche, elle est fortement valorisée.

La nouvelle organisation issue de la mise en œuvre de la LOLF permettra de mesurer l'ampleur des moyens dévolus à l'enseignement agricole au regard de son rôle d'insertion sociale et professionnelle. Nous disposerons alors de chiffres qui montreront clairement que les efforts consacrés par notre pays à cet enseignement représentent un très bon investissement. Le rapport entre le coût pour les finances publiques et le taux d'insertion professionnelle des personnes issues de l'enseignement agricole sera, j'en suis convaincu, éloquent et soulignera la nécessité de continuer à conforter cet enseignement.

S'agissant de l'industrie agroalimentaire, Michel Raison a salué le partenariat national pour le développement des industries agroalimentaires et Marc le Fur a insisté tout particulièrement sur la Bretagne. Nous avons lancé l'idée, lors d'une récente visite dans cette région, de faire de celle-ci le premier laboratoire des pôles de compétitivité, notamment dans le cadre du partenariat agroalimentaire.

François Sauvadet a évoqué les outils de promotion et de soutien à l'exportation, en souhaitant notamment que l'on toilette la DREE et la SOPEXA, afin de rendre ces réseaux plus opérationnels. Le Gouvernement y réfléchit. Du reste, il avance bien, puisque l'un des grands axes de travail du partenariat pour le développement des industries agroalimentaires, qui doit être définitivement opérationnel à la fin du premier semestre 2005, porte sur le développement et le soutien à l'international. Pour cela une action budgétaire est nécessaire. C'est pourquoi, monsieur Gaubert, les crédits consacrés à la promotion et au soutien à l'exportation - je pense non seulement à SOPEXA, mais aussi aux actions du ministère menées à travers UBIFRANCE - sont intégralement reconduits. J'ajoute que la réorganisation du cahier des charges de SOPEXA et sa mise en synergie avec UBIFRANCE sont en cours. Elles nous permettront d'achever la réforme du dispositif public de soutien à l'exportation, sujet auquel je suis particulièrement attaché.

Sur toutes ces questions, le Gouvernement est en pointe et, grâce à l'action conduite par Hervé Gaymard, notre ministère - ce n'est pas moi qui le dis, mais ce sont les industriels de l'agroalimentaire et les représentants des coopératives de ce secteur - est bien celui de l'agroalimentaire. C'est très important non seulement pour notre économie, l'emploi et les territoires ruraux, mais aussi et surtout pour l'avenir de notre production agricole qui - ce budget permet de le montrer - est intimement lié à celui de l'industrie agroalimentaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous en arrivons aux questions.

Nous commençons par des questions du groupe socialiste.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Deux minutes pour vous convaincre d'apporter de bonnes réponses aux problèmes de la forêt, c'est très court, monsieur le ministre, mais je vais tenter l'exercice.

La situation de la forêt est paradoxale. En effet, alors que le prix de l'acier flambe, que la croissance repart, nous dit-on, et que la demande de bois de construction s'accroît, les ventes de bois des forêts françaises sont au plus mal, en prix et en volume. Le prix du pétrole flambe, lui aussi, mais le bois « énergie » ne fait pas l'objet, en tant qu'énergie renouvelable, d'un programme d'envergure.

Tous les espoirs devraient être permis à la filière bois. Or, comme vous l'avez remarqué vous-même, l'interprofession n'est toujours pas en place ; si l'on en croit les professionnels - mais nous le mesurerons au cours de l'année 2005 -, les crédits de votre budget consacrés aux suites de la tempête ne sont pas à la hauteur ; les gares dans lesquelles les grumiers peuvent charger le bois sur les trains sont de moins en moins nombreuses ; pour les camions, la charge autorisée n'est toujours pas réaliste et les itinéraires réservés font défaut. Mettre des bâtons dans les roues des transporteurs de grumes, c'est tout de même le comble !

Je sais, monsieur le ministre, que tous ces éléments ne relèvent pas de votre responsabilité, mais ils me permettent d'introduire les quatre questions que je souhaite vous poser.

Premièrement, quelles mesures envisagez-vous pour soutenir l'exploitation des peuplements forestiers de montagne, qui sont parmi les plus âgés et qui jouent souvent un rôle de protection ?

Deuxièmement, nous prenons acte de votre engagement de maintenir à la même hauteur qu'en 2004 le versement compensateur à l'ONF pour soutenir les communes forestières, mais de quelle écoute bénéficieront celles qui, cette année, auront du mal à rembourser les prêts qu'elles ont souscrits après la tempête de 1999 pour faire face aux gels de coupes ?

Troisièmement, un collectif budgétaire permettra-t-il à la forêt privée de créer les trente postes prévus pour aider les centres régionaux de la propriété forestière - CRPF - à remplir leur mission difficile auprès d'une forêt parcellisée, dès que les conclusions de l'évaluation que vous avez annoncée seront connues ?

Enfin, le décret sur les organismes de gestion en commun a paru - et je vous en remercie -, mais sur quelles lignes budgétaires et selon quelles modalités ces organismes, qui œuvrent dans un esprit coopératif de mutualisation des moyens et des compétences, pourront-ils se voir doter des crédits d'encouragement que leur promet la loi en vigueur ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Je préférerais, monsieur le président, répondre après que plusieurs questions auront été posées.

M. le président. Dans ces conditions, la parole est à M. Kléber Mesquida.

M. Kléber Mesquida. À la baisse globale de 1,8 % du budget de l'agriculture, qui réduit de plus en plus vos marges de manœuvre, monsieur le ministre, s'ajoute celle des fonds européens, qui compromet la restructuration du vignoble languedocien. Les viticulteurs qui se sont engagés dans cette restructuration sont lourdement pénalisés par les retards de paiement et le non-versement de l'avance. L'ONIVINS ne dispose pas de moyens financiers suffisants pour honorer les engagements. Il manquera donc plus de 13 millions d'euros pour clôturer l'exercice 2004. L'État, qui le peut, compte-t-il abonder sur ses fonds propres l'aide à la restructuration du vignoble dans le cadre du plafond de 8 000 euros par hectare ?

Par ailleurs, lors du congrès des jeunes agriculteurs, qui, cette année, s'est déroulé à Béziers, vous avez indiqué que les 100 000 hectares plantés illicitement par les Italiens, les Espagnols et les Grecs donneraient lieu à une contrepartie pour la France. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Qu'avez-vous pu obtenir de l'Europe ?

Enfin, je voudrais évoquer la campagne de diabolisation du vin suscitée par l'assouplissement législatif que nous avons adopté dans le cadre du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. Je rappelle qu'il s'agissait de favoriser l'éducation au vin, qui devrait être considérée comme une éducation à la santé. Au demeurant, l'affichage de grandes marques d'alcool sur des panneaux 4x3 ne provoque pas de cris d'orfraie. Quand comptez-vous mettre en place le conseil de la modération qu'attendent les professionnels, afin de concilier les enjeux économiques de la viticulture française et les impératifs de santé publique ? Quels moyens budgétaires accorderez-vous à la filière pour l'aider à conquérir ou reconquérir des parts de marché à l'export ?

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro.

M. Germinal Peiro. Monsieur le ministre, ma question porte à la fois sur le financement du FFIPSA et sur les retraites. Nous avons pris acte du remplacement du BAPSA par le FFIPSA. Celui-ci ne bénéficiera plus d'une partie des recettes de TVA et de la subvention d'équilibre de l'État. Vous avez d'ailleurs vous-même convenu qu'il connaîtrait un déficit de 1,5 milliard d'euros en 2005. Ma question est donc simple. Comment ce fonds sera-t-il ramené à l'équilibre pour ne pas peser sur la trésorerie de la MSA et des caisses départementales ? Nous savons, en effet, que beaucoup de caisses rencontrent déjà des difficultés pour terminer l'année 2004. Ainsi, dans certains départements, on a supprimé des prestations, comme l'aide à l'emploi d'aides ménagères.

M. Alain Marleix, rapporteur spécial pour l'agriculture. Non !

M. Germinal Peiro. S'agissant du problème des retraites agricoles, je ne rappellerai ni le plan du gouvernement Jospin, qui avait permis de relever de 29% à 79 %, selon les catégories, les retraites de base, ni la mise en place, en 2003, de la retraite complémentaire obligatoire grâce à un texte qui a été adopté à l'unanimité par notre assemblée. La mensualisation, décidée en 2004, est également une bonne chose. Toutefois, en termes de revalorisation, nous sommes au point mort depuis trois ans, puisque, excepté la mise en place de la RCO, cette revalorisation a été nulle en 2003 et en 2004, et vous nous avez dit en commission qu'elle le serait également en 2005.

Vous savez que les retraités agricoles attendent encore des améliorations, notamment quant à la situation des polypensionnés, la réduction des minorations, le relèvement de la retraite de base des conjoints - essentiellement des femmes - ou encore l'accès à la retraite complémentaire obligatoire pour les conjoints.

Le régime des retraités agricoles enregistre 90 000 décès par an pour 40 000 entrants, soit 50 000 retraités agricoles de moins chaque année dans notre pays. Sur la base de ces chiffres, l'Association nationale des retraités agricoles de France s'est livrée à un calcul selon lequel il va en résulter une économie de 270 millions d'euros. Dès lors, il est permis de se demander à qui va profiter cette économie. Plutôt que de la réaliser sur le dos des retraités, pourquoi ne pas reconduire le montant global de l'année passé, ce qui permettrait d'améliorer les pensions de ceux qui en ont le plus besoin ?

Pour terminer, monsieur le ministre, j'ai une question extrêmement simple à vous poser : allez-vous, oui ou non, relever les retraites agricoles les plus faibles en 2005 ?

M. Pascal Terrasse. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. La forêt, en particulier la forêt de montagne, est un sujet que vous connaissez mieux que quiconque, monsieur Brottes.

M. François Brottes. Vous me faites trop d'honneur, monsieur le ministre ! (Sourires.)

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Vous avez tout d'abord souligné la difficulté de mettre en place des paiements compensateurs pour les opérations déficitaires dans les zones de montagne. Pour y répondre, nous avons proposé de recourir au principe d'une aide à l'investissement déjà ouverte dans le PDRN, en considérant que les frais d'exploitation et de mise bord de route des bois composés de peuplements vieillis participent d'un rôle de protection marqué et sont assimilables à un investissement destiné à assurer la stabilité de sol et la prévention des risques naturels. Dans le cadre de la révision du PDRN, une nouvelle sous-mesure baptisée i.2.9, destinée au maintien ou à l'amélioration de la fonction de protection de la forêt, a été proposée par le Gouvernement et acceptée par la Commission européenne. Le versement de la subvention correspondante se fera au fur et à mesure de l'exécution des différentes phases du projet, ce qui constituera un facteur de simplification par rapport aux autres dispositifs et incitera les propriétaires à procéder rapidement à ces travaux d'intérêt général. Cette disposition pourra être mise en œuvre dès 2005.

Je précise également que la mise en place d'un nouveau RDR fournit l'occasion de travailler sur une aide compensatrice pour la réalisation d'opérations sylvicoles déficitaires en montagne.

Enfin, je voudrais rappeler que le ministère de l'agriculture et de la forêt soutient la réalisation de deux schémas de massifs forestiers, l'un sur les Alpes, l'autre sur le Massif central.

M. Pascal Terrasse. Excellent !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Pour répondre à votre deuxième question, monsieur Brottes, je confirme ce que j'ai dit dans mon intervention, à savoir que le versement compensateur sera maintenu à 145 millions d'euros en 2005,...

M. Pascal Terrasse. Le contrat d'objectifs, c'est 150 millions !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. ...c'est-à-dire au niveau prévu par la loi de finances initiale de 2004, complétée par la loi de finances rectificatives, en d'autres termes au niveau de l'année 2004.

M. Pascal Terrasse. Vous avez raison.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Vous avez par ailleurs souligné la situation spécifique de certaines communes. Sur ce point, nous sommes disposés à examiner au cas par cas, en liaison avec le ministère de l'intérieur, la situation des communes qui seraient concernées.

La création de trente emplois dans les CRPF, centres régionaux de la propriété forestière, devrait permettre d'appuyer la montée en puissance de ces nouveaux outils. En collaboration avec les associations et les CRPF, nous allons, jusque dans le courant de l'année 2005, procéder à une évaluation sur ce point, ce qui nous permettra si besoin est d'ajuster les effectifs aux besoins.

Enfin, le décret relatif aux OGEC a été publié, ce dont je me félicite, d'autant que cela n'a pas été une mince affaire. Le chapitre budgétaire d'imputation pour les aides éventuelles va être modifié du fait de la mise en œuvre de la LOLF et de l'expérimentation. Alors qu'en 2004, les aides figuraient au chapitre 61-45 relatif aux crédits d'investissement du ministère en matière de forêt, en 2005 il conviendra de se référer à un nouveau grand chapitre d'expérimentation des crédits forestiers, le 59-02. L'un des orateurs a souligné à juste titre, ce matin, que la création d'un programme « forêt » dans le cadre de la LOLF permettrait, grâce à une plus grande fongibilité des crédits entre la forêt et les autres domaines du ministère, de privilégier une politique de long terme, contrairement à ce qui se faisait jusqu'à présent.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. M. Kléber Mesquida s'est inquiété des crédits communautaires destinés à la restructuration et la reconversion du vignoble. Pour la campagne 2004-2005, la France a obtenu une enveloppe de 107 millions d'euros, ce qui la place au deuxième rang des pays de l'Union européenne, derrière l'Espagne et devant l'Italie, alors qu'elle se situait en troisième position jusqu'à présent.

Comme vous le savez, les modalités d'octroi de ces aides sont arrêtées chaque année en pleine concertation avec la profession. Durant les premières années, l'enveloppe accordée à la France n'était pas consommée en totalité. Il y a même eu des années presque blanches, lors desquelles nous avons dû payer des pénalités pour non-consommation des crédits communautaires. À l'inverse, depuis deux ans nous avons mobilisé toutes les sommes revalorisées consenties à la France. Il nous reste à faire les bons choix pour l'avenir et la compétitivité de notre vignoble, en concertation avec les représentants de cette filière.

S'agissant des plantations illicites, notamment en Italie et en Espagne, la Commission sortante avait envisagé un peu avant l'été de régler isolément ce problème. Nous nous sommes très fermement mobilisés contre cette volonté de la Commission et avons obtenu satisfaction, puisqu'il a été décidé que la question du traitement des plantations illicites ne pourrait se régler hors du contexte global de l'indispensable réforme de l'OCM vitivinicole. Nous attendons désormais avec impatience les propositions de la nouvelle Commission.

Au sujet de la communication sur le vin, je crois qu'il faut se départir des attitudes caricaturales ou extrémistes que l'on a pu observer de part et d'autre ces derniers mois, pour revenir à un débat plus serein. La loi Evin comporte quelques imperfections, comme l'a montré l'arrêt rendu par le tribunal de Dijon au début de l'année, selon lequel les terroirs ne sont pas à égalité avec les marques commerciales pour ce qui est de la communication sur leurs produits. Il me semble indispensable d'opérer une clarification juridique, et cette affirmation n'est pas incompatible avec la défense de la santé publique, dont je suis un militant ardent - je rappelle que j'ai occupé pendant deux ans les fonctions de secrétaire d'État à la santé. Nous disposons de quelques semaines avant la deuxième lecture au Sénat, en janvier 2005, du projet de loi sur les territoires ruraux. Je souhaite qu'il soit procédé avant cette échéance à toutes les concertations utiles pour permettre, à l'issue d'un débat apaisé, de prendre une mesure de bon sens. S'agissant du Conseil de la modération et des autres propositions figurant dans le Livre blanc, nous y travaillons actuellement en réunions interministérielles, avec l'objectif de tracer des perspectives qui semblent indispensables.

J'en viens aux deux questions abordées par Germinal Peiro. Au sujet de la première, portant sur le FFIPSA, je voudrais souligner - et ce n'est pas une simple facilité de langage - que s'agissant du régime agricole, nous n'avons pas un déficit, mais un besoin de financement.

M. François Sauvadet. C'est joliment dit ! On pourrait employer les mêmes mots pour la sécurité sociale !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Nous n'avons pas de déficit pour la bonne raison que les dépenses de protection sociale n'ont pas explosé. En revanche, l'individualisation des comptes de la protection sociale agricole permet, comme vient de le faire M. Sauvadet, d'établir un parallèle avec la situation de la sécurité sociale. Cela n'a rien de paradoxal. Quelle est la différence fondamentale entre la dépense sociale et la dépense budgétaire ? C'est que pour la dépense budgétaire, qu'il s'agisse de celle de l'État ou de celle des collectivités locales, l'autorisation de dépenser, c'est-à-dire la recette, précède la dépense, tandis qu'en matière de protection sociale, les assurés ont des droits ouverts en vertu des lois qui s'y appliquent, ce qui signifie en quelque sorte que la dépense précède la recette. Dès lors, il ne reste qu'à se demander si la société veut ou non mettre en place les crédits pour financer cette protection sociale et à quel niveau. C'est pourquoi j'expliquais qu'il n'y a pas de réduction des prestations sociales agricoles, que ce soit sur le risque maladie ou sur la retraite.

M. Yves Censi. Très juste !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Il se trouve que l'une des recettes du FFIPSA provient de la taxe sur les tabacs. Dans la mesure où la consommation de tabac diminue, la recette baisse également. Il faut donc « brancher » sur le fonds une nouvelle arrivée de recettes pérennes. Je voudrais rappeler que la C3S, contribution sociale de solidarité des sociétés, n'a pas été créée pour l'agriculture. Dans les années 70, alors qu'un nombre croissant de petits commerces adoptaient la forme juridique de la SARL ou, plus rarement, de la SA, on a créé cette C3S pour alimenter le régime des travailleurs indépendants. Tout cela pour dire que la protection sociale est une machine complexe où courent quantité de tuyaux permettant la circulation de toutes les contributions qui s'y rattachent. Pour utiliser une autre image, cela fait plus penser à un jardin à l'anglaise qu'à un jardin à la française : il y a compensation, surcompensation, transfert... Mais ce qui importe avant tout, c'est que les agriculteurs voient leur retraite servie et leurs dépenses d'assurance maladie remboursées, et je répète qu'ils ne courent aucun risque en la matière. Cependant, une recette pérenne doit être trouvée. Un rapport me sera remis à ce sujet au début de l'année prochaine, et je souhaite que des arbitrages soient pris rapidement.

En ce qui concerne les retraites, j'aimerais vous rappeler que l'histoire des retraites agricoles n'a pas commencé avec votre premier mandat à l'Assemblée en 1997, monsieur Peiro. Avant l'arrivée au pouvoir de M. Jospin, les gouvernements Balladur et Juppé avaient mis en place un certain nombre de mesures de revalorisation des pensions agricoles, notamment des plus modestes d'entre elles. Quant au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, il a, dès 2003, financé la retraite complémentaire qui avait été décidée mais non financée par son prédécesseur - en moyenne 80 euros par retraité, ce qui n'est pas rien - et il a, en 2004, procédé à une mensualisation attendue de très longue date. Ces efforts répétés méritent d'être salués. Il est vrai que des progrès restent à faire pour les polypensionnés, les conjoints d'exploitants ou les titulaires des plus petites retraites. Je souhaite ardemment que nous nous engagions dans cette voie dans els prochaines années. Il est vrai aussi que rien n'est prévu en ce sens pour 2005, mais la législature n'est pas achevée et l'on appréciera, en 2007, quelle aura été la contribution de chacun sur ce très important sujet.

M. le président. Nous en venons à des questions du groupe UDF.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le ministre, ma question porte sur les biocarburants et je tiens à saluer la volonté politique du Gouvernement en la matière. Plus précisément, je veux appeler ici votre attention non pas sur le diester ou l'éthanol mais sur les huiles végétales pures.

« Quésaco ? » allez-vous me répondre. Eh bien, dans la filière des huiles végétales, un producteur de tournesol ou de colza n'a qu'à presser les graines, laisser décanter puis filtrer l'huile pour obtenir, d'un côté, une huile végétale pure directement utilisable comme carburant ou additif et, de l'autre, un tourteau gras directement utilisable dans l'alimentation animale. C'est parce qu'elles sont sans additif, contrairement à la filière diester et éthanol, qu'on parle d'huiles végétales pures.

L'innocuité des huiles végétales pures est totale : elles sont ininflammables - elles n'auraient pas pu provoquer les accidents récents qui se sont produits dans des raffineries -, non évaporables, non toxiques et biodégradables. De plus, les gaz à effet de serre émis lors de la combustion sont totalement absorbés par la culture de l'année suivante - le bilan CO2 est neutre. Enfin, les émissions qu'elles dégagent au niveau du pot d'échappement sont considérablement moindres que celles émises par le gazole.

J'ajoute que le bilan énergétique des huiles végétales pures est supérieur à celui de tous les carburants actuels : sept fois meilleur que le gazole et deux fois meilleur que le diester.

Ensuite, la production de tourteaux gras pour les animaux réduirait notre dépendance dans ce domaine. Plus de 80 % des tourteaux sont en effet importés.

En outre, cette filière réduit les transports dans un rayon de 50 kilomètres alors que la filière diester réclame plus de 1 000 kilomètres de transport des graines puis de l'huile, puis du diester jusqu'au dépôt de carburant où il est incorporé au gazole.

Mes chers collègues, si vous passez la frontière allemande, vous noterez la présence de plus en plus fréquente, au bord des autoroutes, de distributeurs d'huile végétale pure de colza. De nombreuses voitures allemandes sont en effet adaptées à ce nouveau carburant.

Au total, la filière courte, par opposition aux deux filières qui vont constituer le cœur du plan biocarburant, est à la portée des agriculteurs. Elle leur offre une plus-value précieuse à l'heure de l'envol des prix des carburants fossiles. Il y a toutefois une double condition à remplir. Cela fera l'objet de mes deux questions, monsieur le ministre.

Premièrement, les huiles végétales pures seront-elles directement et totalement exonérées de taxes relatives aux huiles minérales comme cela est déjà le cas dans de nombreux pays européens - Allemagne, Autriche, Suède, Espagne ? Cette disposition avait d'ailleurs été votée en première lecture au Parlement avant de disparaître, on ne sait trop pourquoi, en deuxième lecture.

En effet, une simple réduction de l'accise ou une exonération non directe obligerait à transformer l'agriculteur en « entrepositaire agréé » et son huilerie en « entrepôt fiscal », induisant de lourdes contraintes administratives, difficiles à faire comprendre si l'on veut réellement aider le milieu agricole, et surtout difficiles à mettre en œuvre et à faire appliquer.

Deuxièmement, conformément à la directive européenne 2003/30, les huiles végétales pures figureront-elles dans la liste française des carburants autorisés, qui ne comprend d'ailleurs pas le diester ?

Monsieur le ministre, au moment où le Gouvernement va annoncer son plan sur les biocarburants, soyez sans exclusive et n'oubliez pas les huiles pures végétales ? Merci de nous rassurer par vos réponses.

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Un mot tout d'abord sur le FFIPSA, monsieur le ministre. J'ai le sentiment que l'on affecte de découvrir le problème du financement des prestations sociales agricoles alors pourtant qu'il y a un an, au cours précisément du débat sur le budget de l'agriculture, nous avions souligné que, dans le cadre de la mise en œuvre de politiques visant à faire baisser la consommation de tabac, les ressources provenant des taxes sur les tabacs allaient inéluctablement diminuer. Nous avions appelé votre attention sur le fait que cela poserait, à terme, un problème de fond sur le financement.

Vous nous dites aujourd'hui que nous reverrons le problème dans six mois. Mais, pendant ce temps, les déficits s'accumulent. Je considère, quant à moi, qu'il faut dire la vérité aux Français. Toutefois, je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que la santé a un coût et qu'il faudra faire face à ce problème de façon solidaire.

Pour l'heure, il ne faut pas laisser croire que tout cela n'a pas d'importance. En effet, 1,5 milliard sur un budget de 15 milliards, ce n'est pas rien. Il faut donc aborder ce problème avec le sérieux qu'il mérite.

J'en viens à présent à ma question, qui porte sur le soutien aux activités forestières.

À la suite des augmentations très fortes du prix des carburants ces derniers mois, les agriculteurs, comme d'autres professionnels, ont légitimement demandé au Gouvernement des mesures spécifiques. Toutefois, il faut prendre en compte également la situation de tous les usagers. Je sais qu'une ébauche de réponse a été apportée et je me réjouis que le Gouvernement ait décidé de prendre des mesures que j'espère rapides. Elles devraient se traduire par une réduction de la TIPP de 4 centimes d'euro par litre de fuel domestique au titre de la période comprise entre le 1er juillet et le 31 décembre 2004.

Cela dit, le ministre de la forêt que vous êtes peut-il m'indiquer si les activités forestières telles que l'abattage et le débardage pourront bénéficier de cette disposition. J'attire en effet votre attention sur le fait que ces activités consomment beaucoup de gazole : 1 litre par stère pour l'abattage, 1,5 litre par stère pour le débardage. C'est loin d'être négligeable dans un domaine où les marges sont extrêmement faibles et la concurrence très forte. Et je ne parle pas ici du coût des transports et du renchérissement du fret SNCF, qu'on abordera dans d'autres enceintes. L'augmentation du prix du pétrole a donc des répercussions très lourdes sur le coût des travaux forestiers et pénalise fortement la compétitivité de ce secteur.

Je souhaite donc savoir si ces activités seront concernées même si elles sont assurées par des entreprises ne relevant pas directement du régime agricole.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur Dionis du Séjour, l'emploi d'huiles végétales pures pour la carburation ou la combustion pourrait avoir un sens dans le cadre du développement d'un circuit court de production, où l'agriculteur produirait sur son exploitation une partie de l'énergie dont il a besoin.

Jusqu'en 1998, ce produit a fait l'objet de programmes de recherche conduits par l'ADEME, l'INRA et des FNCUMA incluant des expérimentations sur tracteurs et brûleurs de chaudières.

Plusieurs éléments plaident en effet en leur faveur par rapport au gazole : leur rendement énergétique et leur gain environnemental.

En revanche, certains aspects environnementaux et techniques méritent encore examen : les émissions de combustion autres que le CO2, les modifications techniques pour les moteurs de tracteurs à injection indirecte - préchauffage - et directe - tête de piston.

Enfin, aucune référence n'existe actuellement pour vérifier la compatibilité de ces huiles avec les systèmes d'injection à haute pression.

Au plan économique, l'autoproduction en agriculture permettrait d'assurer une certaine autonomie énergétique à l'exploitation, ce qui n'est pas négligeable quand on connaît l'importance du poste énergie. Toutefois, la production d'huiles pures nécessite des investissements liés aux opérations de trituration, filtrage et stockage des produits, et à la modification des moteurs.

Aujourd'hui, l'utilisation des huiles pures en mélange ou en substitution du gazole routier ou du fioul donne lieu au versement de la taxe intérieure de consommation, pour un montant de 5,66 euros par hectolitre. Elle ne bénéficie pas de réduction partielle de l'accise.

Vous savez l'importance que le Gouvernement attache aux bioénergies, comme j'ai eu l'occasion de le réaffirmer lors du conseil des ministres du 19 août 2004. Les alternatives crédibles en matière de carburants sont trop rares pour ne pas être examinées attentivement.

Je reste donc ouvert à toute alternative en la matière. Les huiles végétales pures seront incluses dans les études complémentaires que nous menons actuellement dans le cadre du plan sur les biocarburants. Des spécialistes du sujet m'ont fait cependant savoir qu'un problème se posait pour certains engins agricoles dont les moteurs sont de plus en plus sophistiqués. J'ignore ce qu'il en est exactement et j'aurais bien du mal à trancher sur un point aussi technique.

Monsieur Sauvadet, loin de moi l'idée de dire qu'il n'y a pas de problème de financement de la protection sociale agricole. J'ai simplement insisté sur le fait qu'il n'était pas spécifique à ce régime.

M. François Sauvadet. C'est vrai !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Le problème de la faiblesse des recettes au regard des dépenses de santé se pose pour la nation tout entière, comme l'a brillamment démontré Philippe Douste-Blazy. Il faut affecter les bonnes ressources au bon moment.

S'agissant des conséquences de la hausse du fioul pour les activités forestières, le Gouvernement a proposé, dans le cadre du projet de loi de finances, une mesure d'urgence visant à réduire la TIPP de quatre centimes d'euro par litre de fioul domestique acquis sur la période comprise entre le 1er juillet et le 31 décembre 2004.

Le secteur forestier en sera bien évidemment bénéficiaire, qu'il s'agisse des exploitants individuels affiliés à la MSA ou des entreprises de travaux forestiers. En outre, les exploitants forestiers non affiliés personnellement à la MSA et employant des salariés pour réaliser leurs travaux forestiers pourront également bénéficier de la réduction de la TIPP s'ils cotisent, en tant qu'employeurs, au régime social des salariés agricoles.

M. François Sauvadet. Très bien !

(M. Éric Raoult remplace M. François Baroin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe des député-e-s communistes et républicains.

La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre, ma question concerne les retraites agricoles. Vous n'ignorez rien du très faible niveau des pensions des retraités agricoles : à peine 430 000 d'entre eux, sur plus de deux millions, ont une pension supérieure à 75 % du SMIC. Cette situation concerne plus particulièrement les conjoints et aides familiaux des chefs d'exploitation. Je vous rappelle qu'aux termes de la réforme des retraites votée par le Gouvernement en 2003, le montant minimum des pensions pour tous les salariés devait pourtant s'élever à 85 % du SMIC. Pire encore, plus d'un million de retraités agricoles n'ont pas bénéficié de la moindre revalorisation de leur pension depuis 1997.

En juillet dernier, le groupe de travail du ministère de l'agriculture compétent sur cette question a transmis aux organisations agricoles un certain nombre d'hypothèses.

Les projets du ministère consisteraient en un abaissement des coefficients et des seuils de minoration instaurés en 1997, par l'un de vos prédécesseurs, M. Vasseur, et qui interdisaient aux agricultures polypensionnés l'accès à toute forme de revalorisation. Il s'agirait aussi de ne plus exclure de ces revalorisations les agriculteurs qui ont cotisé pendant 37,5 ans, tous régimes confondus.

Personne ne conteste l'avancée que pourrait constituer l'adoption de telles mesures. Il n'en reste pas moins cependant que leur simple énoncé ne règle pas le problème des retraités agricoles, qui attendent une adoption rapide de ces mesures. Or nous avons constaté, et nous le regrettons, qu'elles ne figuraient pas dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Surtout, le calendrier prévisionnel d'application de ces mesures est inacceptable. Le Gouvernement propose en effet de l'étaler jusqu'en 2010, arguant de la situation très tendue des finances publiques. Or, selon nous, cet argument n'est pas recevable : compte tenu de la diminution du nombre des retraités agricoles de 50 000 par an et des économies réalisées par les pouvoirs publics du fait de ces évolutions démographiques, cette baisse naturelle des dépenses peut financer elle-même les mesures préconisées par le groupe de travail.

Aussi, monsieur le ministre, dans l'attente de la réflexion globale sur la protection sociale agricole, que nous mènerons, je l'espère, dans le cadre des débats sur la loi de modernisation agricole, je vous poserai deux questions. Quand seront effectivement concrétisées les hypothèses du groupe de travail sur ces retraites agricoles ? Êtes-vous prêt à vous engager à raccourcir le calendrier de mise en œuvre de ces mesures, et donc à prendre en compte la diminution régulière du nombre de retraités agricoles ?

M. le président. Afin de permettre une lecture plus rationnelle du Journal officiel ,il serait préférable, monsieur le ministre, que vous répondiez après chaque question.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Soit.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Je remercie tout d'abord M. Chassaigne de donner acte aux gouvernements successifs de l'effort qu'ils ont accompli depuis dix ans pour revaloriser les retraites agricoles. Plusieurs plans, dont le premier portait sur les retraites de base, ont été mis en place pour les non salariés agricoles - exploitants, conjoints et aides familiaux.

L'effort financier réalisé pour ces revalorisations représente 1,5 milliard d'euros par an. Je vous rappelle que cet effort a permis de doubler les retraites des conjoints, des aides familiaux et des veuves, et de majorer de 45 % la retraite de base des chefs d'exploitation.

Le Gouvernement actuel a complété le dispositif des retraites de base en mettant en place leur mensualisation à partir du 1er janvier 2004. Il a également mis en œuvre et financé la retraite complémentaire obligatoire, qui avait été votée par la précédente majorité mais n'était pas financée. Aujourd'hui, 430 000 anciens exploitants perçoivent la RCO, pour un montant annuel moyen de 1 000 euros, ce qui correspond à un effort budgétaire de 145 millions d'euros. Pour les retraites correspondant à une carrière complète, la revalorisation des retraites de base et la retraite complémentaire obligatoire nous ont permis d'atteindre l'objectif de 75 % du SMIC annuel net.

Je vous indique que les retraites de base et la RCO ont été revalorisées comme l'ensemble des retraites et le SMIC annuel.

Après les précédentes revalorisations, la mise en œuvre de la RCO et la mensualisation, il nous a semblé nécessaire de faire un bilan de la situation des retraités agricoles et de réfléchir aux améliorations possibles. Un groupe de travail a donc été constitué.

Les conclusions de ce groupe de travail font apparaître que les premiers devant faire l'objet de mesures nouvelles sont les conjoints, parfois exclus des récentes revalorisations du fait de critères trop restrictifs. Les premières simulations juridiques et financières montrent que les montants en jeu s'élèvent à plusieurs centaines de millions d'euros.

Quoi qu'il en soit, monsieur le député, je vous indique que le Gouvernement souhaite, d'ici la fin de la législature, se donner les moyens de revaloriser les retraites agricoles les plus modestes. Nous aurons donc l'occasion d'en reparler lors des prochains budgets.

M. André Chassaigne. Il n'en reste plus que deux !

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Monsieur le ministre, ma question porte plus précisément sur le volet pêche de ce budget.

Mener une politique de gestion durable de la ressource halieutique qui prenne en compte la dimension sociale, économique et territoriale de l'activité de la pêche, avec un budget en diminution de 5,75 %, relève, j'ai le regret de vous le dire, de l'incantation.

Alors même que le budget de la pêche représente des sommes bien modestes au regard du budget de la nation et des enjeux halieutiques, la part consacrée à l'organisation du marché, après avoir déjà été réduite en 2004, diminue encore de 15,37 %, ce qui illustre ce que sont les ambitions françaises sur un marché qui croule de plus en plus sous les importations, qui semblent être la seule possibilité envisagée pour répondre à la progression de la consommation.

Autre exemple : les moyens mis à la disposition de l'IFREMER stagnent - donc diminuent - et ne lui permettent plus d'assurer correctement ses missions en direction du littoral et le suivi des zones lagunaires, comme le confirment les chercheurs et les organisations syndicales de l'institut.

Dans ce contexte particulièrement dégradé, je souhaite exprimer plus particulièrement deux préoccupations. La première concerne la flotte. Les aides à la construction vont s'arrêter fin 2004 et les aides à la modernisation fin 2005. Certes, plus de 200 dossiers seront traités avant l'année 2006. Mais que se passera-t-il après ? Quand on connaît la vétusté de la flotte, on ne peut que s'inquiéter.

Ma seconde préoccupation a trait à la hausse insurmontable du carburant, qui a plombé les comptes d'exploitation des armements. Les mesures que vous avez prises, monsieur le ministre, sont de bonnes mesures, mais elles ont, hélas, été prises trop tardivement. Je vous rappelle qu'en juillet dernier je vous alertais déjà sur cette question. Vous m'aviez alors répondu que vous étiez attentif à l'évolution de la hausse du carburant, mais qu'il était urgent d'attendre. Vos mesures n'ont pas permis d'atténuer suffisamment l'incidence négative de cette hausse du carburant, qui va probablement durer.

Monsieur le ministre, quelles ambitions réelles pouvez-vous afficher avec un tel budget, qui s'inscrit dans le droit-fil des objectifs de la PAC, pour qui la gestion de la ressource signifie la réduction drastique de l'activité et du nombre des pêcheurs ?

À cette première question, j'en ajouterai une autre. La pêche méditerranéenne française, dont l'évolution est restreinte face à des pays émergents, ce qui pourrait mettre en péril certaines activités, nécessite une approche spécifique, sur le plan national et surtout sur le plan européen.

Or, le constat est accablant : la gestion de la ressource et l'effort de pêche effectués par les pêcheurs méditerranéens ne sont pas réellement reconnus dans la PAC. Il suffit de voir comment l'Europe traite le dossier de l'anguille ou encore les menaces qui pèsent sur les métiers traditionnels, comme la thonaille.

Les aspects fiscaux et sociaux ne sont pas pris en compte, pas plus que la gestion des quotas ou la taille des espèces capturées. Enfin, la pression foncière qui s'exerce sur le littoral, due à une conception touristique spéculative, exige une grande rigueur et un strict respect de la loi littoral et des schémas de mise en valeur de la mer. Or, ceux-ci sont aujourd'hui menacés du fait de dérogations rendues possibles par divers amendements votés dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.

Monsieur le ministre, que ce soit dans le cadre de la politique française ou des choix de la France au sein de l'Europe, allez-vous enfin répondre à l'attente des professionnels de la pêche en général, et de ceux de Méditerranée en particulier ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, les crédits publics en faveur de la pêche comportent, d'une part, des crédits de l'État et, d'autre part, des crédits de l'Union européenne. S'il est juste de dire que le budget de la nation dédié à la pêche baisse de 5,75 %, les moyens consacrés à la pêche, eux, ne baissent pas, puisqu'ils bénéficient de l'augmentation des crédits communautaires. Ce qui compte, ce sont les sommes versées au bénéfice de la pêche française et non, si je puis dire, d'où elles viennent, puisque cet argent, en fin de compte, provient des poches du même contribuable.

S'agissant de la modernisation de la flotte, monsieur le député, étant très averti de ces questions, vous savez qu'en 2002 le risque était énorme que soient supprimés tous les crédits d'aide à la modernisation de la flotte, puisque telle était la position initiale de la Commission européenne et de l'ensemble des États membres. La France s'est battue bec et ongles pour le maintien d'un dernier programme de modernisation de la flotte. Je vous confirme que les déclarations d'intention seront recevables jusqu'au 31 décembre de cette année, mais que les versements n'interviendront qu'en 2005, voire en 2006. Pour les départements d'outre-mer, la date butoir des déclarations d'intention a été fixée non au 31 décembre 2004, mais au 31 décembre 2005. Je crois que nous devons nous satisfaire de ce plan de modernisation de la flotte française.

J'en viens à la hausse du prix des carburants. Ce que le Gouvernement a mis en place, en accord avec le Comité national des pêches et les coopératives, plus qu'une réponse à court terme, est une réponse structurelle. Il s'agit de la création d'un fonds de garantie pour le carburant. Ce fonds sera abondé par une contribution des marins-pêcheurs et recevra une avance remboursable de l'État à hauteur de 15 millions d'euros.

L'objectif de 27 centimes d'euro le litre a été fixé, mais ce qui est certain, monsieur le député, c'est que nous ne connaissons pas l'évolution du marché pétrolier dans les mois et les années qui viennent. Une clause de rendez-vous périodiques avec le Comité national des pêches a donc été ajoutée.

Monsieur le député, la prise en compte des aléas dans le prix des carburants est une idée extrêmement novatrice et représente, on peut le dire, une véritable avancée dans le traitement de ce dossier, auquel ont été confrontés de nombreux gouvernements, au gré des hausses successives du gazole.

Le dernier point que vous avez évoqué, à juste titre, porte sur l'impact de l'urbanisation du littoral, notamment dans les zones de conchyliculture. Mais je voudrais, avant de vous répondre, effectuer une rectification : les amendements qui ont été adoptés dans le cadre du projet de loi relatif au développement rural n'ont pas pour effet de démanteler les schémas de mise en valeur de la mer, bien au contraire, mais de renforcer la cohérence entre ces schémas et les SCOT, lesquels sont, je vous le rappelle, comme les PLU, sous la responsabilité des élus locaux...

M. François Liberti. C'est bien le problème, vous le savez bien !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.... légitimement désignés par leurs concitoyens. S'agissant de la protection du littoral, le récent comité interministériel qui s'est tenu sur ce sujet a réaffirmé que la protection de notre littoral était l'une des priorités du Gouvernement.

M. le président. Je vous invite, mes chers collègues, à être concis, afin qu'au moins trois orateurs d'un même groupe puissent poser leurs questions respectives durant la période de quinze minutes.

La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre, ma question concerne la crise dans le secteur vitivinicole.

Cette crise, nous le savons tous, est profonde et affecte la majorité des vignobles français. Je l'ai personnellement constaté dans le Bordelais et le Languedoc.

Considérant qu'il s'agit avant tout d'une crise de surproduction, vous avez, le 21 juillet, annoncé de nouvelles orientations pour le secteur. Il s'agit notamment d'encourager une segmentation de l'offre entre les AOC et les vins de pays et de miser sur ces derniers, plus malléables aux volontés des marchés, pour relancer la demande de vins français.

J'ai bien noté que vous n'imposeriez aucune déclassification, mais pour nous, la crise actuelle est plus le résultat des orientations stratégiques prises par les négociants que d'une quelconque crise de surproduction, puisque le degré d'équilibre du marché mondial s'améliore. Les négociants profitent de leur position dominante pour exiger des petits producteurs qu'ils vendent à perte, pour standardiser les productions vinicoles et racheter les vignobles du nouveau monde. Dans ce contexte, nous craignons que les orientations retenues par le ministère renforcent la domination des négociants sur les petits producteurs.

Parallèlement, monsieur le ministre, vous l'avez rappelé, l'Union européenne a décidé le 7 octobre d'affecter 450 millions d'euros à la restructuration et à la reconversion des vignobles communautaires, dont 107 millions d'euros pour les vignobles français.

Mes questions sont simples. Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, pour protéger les producteurs de la domination du négoce, à instaurer un prix minimum d'achat ou, au minimum, à encadrer les abus de position dominante ? Prendrez-vous des mesures d'aide conjoncturelle en faveur des viticulteurs victimes de cette crise, par exemple un moratoire sur le remboursement de leurs emprunts ou des mesures d'accompagnement pour les viticulteurs proches de l'âge de la retraite ?

Comment enfin seront utilisés les fonds de l'Union européenne ? Pour notre part, nous craignons des mesures d'arrachage massif. Serait-il possible de prévoir des arrachages temporaires, qui permettraient aux viticulteurs de replanter lorsque les conditions de marché seront meilleures ? Cela éviterait la mort de nos vignobles les plus fragiles.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur Chassaigne, vous avez rappelé l'économie des propositions que nous avons faites aux professionnels le 22 juillet dernier. Partant d'un constat - baisse de la consommation, en France comme dans le reste du monde, et surproduction mondiale évaluée à 10 % environ, ce qui n'est pas négligeable - et tirant les conclusions d'un grand nombre de rapports, de discussions et de polémiques, nous avons proposé de nouvelles segmentations : une segmentation de l'offre avec la confirmation des AOC, dont le lien au terroir et la qualité ancestrale font l'originalité des vins français et européens, et une segmentation basée sur la demande avec les vins de pays, dont l'offre peut concurrencer les productions des nouveaux pays producteurs.

J'ajoute que, dans ce domaine, ce n'est pas le ministre qui décide, mais les consommateurs,...

M. Pascal Terrasse. C'est vrai !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.... donc les producteurs. J'ai transmis la boîte à outils, et c'est dans nos régions que se situe maintenant le débat. Je ferai ce que les professionnels me demanderont de faire.

Après ces quelques remarques générales, je vais répondre à vos trois questions, monsieur le député.

Pour ce qui est des relations avec l'aval, aucune disposition spécifique n'est prévue pour le secteur du vin, mais le rapport Canivet recommande de prendre certaines dispositions législatives et réglementaires, comme le souhaite le ministre de l'économie et des finances.

Vous avez évoqué aussi les difficultés actuelles. Je compte bien évidemment recevoir avant la déclaration de récolte l'ensemble des acteurs des filières vitivinicoles, pour faire le point de la situation avec elles et décider des mesures conjoncturelles d'urgence à mettre en place. C'est ce que je fais depuis deux ans et demi que je suis au ministère, et comme les déclarations de récolte ne vont plus tarder, cette rencontre aura lieu très prochainement.

Nous avons déjà pris un certain nombre de mesures, notamment l'augmentation des possibilités de report sur le marché des non-vins, comme celui des moûts et des jus de raisin. Les professionnels ont également réfléchi à la question du rendement des vignobles produisant des vins d'appellation. Par ailleurs des initiatives ont été prises dans un cadre interprofessionnel pour réguler l'offre et gérer les marchés.

Votre troisième question porte sur la restructuration des vignobles. Je rappelle qu'elle bénéficie d'une contribution de 107 millions d'euros de fonds communautaires : ce n'est pas rien, d'autant que cette somme traduit une forte augmentation, faisant de nous le deuxième pays bénéficiaire au sein de l'Union européenne, après l'Espagne et devant l'Italie. Comme chaque année, ces crédits seront utilisés en étroite concertation avec les filières professionnelles.

S'agissant de l'arrachage temporaire, je vous rappelle que, fin 2002, nous avons obtenu de la Commission européenne l'autorisation de mettre en place une reconversion qualitative différée, à titre expérimental d'abord, dans la région Languedoc-Roussillon. Cette expérience a été très concluante, et nous avons décidé de l'étendre dès 2004 aux régions qui le souhaiteraient. Dans la panoplie des outils autorisés par l'Union européenne, cette reconversion qualitative différée me semble excellente, en ce qu'elle permet une gestion de court terme qui n'insulte pas l'avenir du vignoble français et de ses perspectives structurelles.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

La parole est à M. Jean-François Chossy.

M. Jean-François Chossy. Je souhaite, monsieur le ministre, attirer votre attention sur le fait que le gel des crédits destinés au boisement des terres agricoles pénalise lourdement les pépiniéristes forestiers.

En février 2000 l'État s'était engagé à apporter un financement annuel de 91,5 millions d'euros pendant dix ans pour aider à la reconstitution des forêts françaises gravement sinistrées par les tempêtes de décembre 1999. Or, si mes renseignements son exacts, seuls 80 millions d'euros ont été affectés à cette reconstitution en 2004, budget de l'État et cofinancement européen inclus, compte tenu des annulations de crédits décidées en cours d'année.

Les implications de la suspension du programme de boisement des terres agricoles, en particulier son incidence sur les engagements d'augmentation des quantités de plants produits par les professionnels dans le cadre des investissements en pépinière forestière après la tempête, sont inquiétantes, et ses conséquences sont, comme vous vous en doutez, néfastes pour l'emploi en zone rurale.

En outre, à l'heure où l'on évoque la pollution des eaux et la nécessité de mise en place de périmètres de protection, on ne peut pas négliger l'utilité des plantations forestières dans les lieux que l'agriculture est contrainte d'abandonner. Sans doute s'agit-il d'une valorisation à très long terme, mais une telle jachère permanente à haute valeur écologique ne s'inscrit-elle pas dans une stratégie d'énergie renouvelable ? Il convient de se demander si cette suspension ne contrevient pas à la charte de l'environnement récemment inscrite dans notre Constitution. En effet, le bois est doublement écologique puisqu'il stocke le dioxyde de carbone à haute dose, et que son emploi est d'un faible coût énergétique. Comment justifier alors la suspension d'un programme qui a présente autant d'intérêt pour un faible coût ?

La profession est en attente de toute information pouvant lui permettre de décider deux à quatre années à l'avance des mises en culture nécessaires aux besoins d'un marché très difficile à appréhender. L'évolution actuelle l'inquiète d'autant plus qu'elle a répondu favorablement au projet visant à mettre en culture des quantités de plants plus importantes pour satisfaire la politique d'aide aux propriétaires forestiers sinistrés. Or, comme vous le savez, monsieur le ministre, ces plants seront détruits si les engagements pris ne sont pas tenus.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Je vous rappelle, monsieur le député, que 575 millions d'euros sur cinq ans ont été consacrés à la mise en place du plan d'aide à la reconstitution de la forêt après tempête, ce qui représente 63 % du plan initialement annoncé par M. Jospin. Cela signifie qu'en 2005, l'État respectera les engagements pris en la matière en 1999, comme il l'a fait en 2002, en 2003 et en 2004.

Il est vrai qu'une suspension des aides au boisement de terres agricoles est intervenue cette année, et je ne méconnais pas l'impact de cette décision sur l'activité des pépinières. Mais étant donné les contraintes budgétaires, priorité a été donnée, en ce qui concerne le secteur forestier, à la poursuite de l'effort de reconstitution du potentiel de production endommagé par cette catastrophe naturelle. Compte tenu de cette priorité, et au vu du montant des primes pluriannuelles compensatrices de pertes de revenus déjà versées au titre du boisement des terres agricoles, nous avons été conduits à suspendre cette mesure. Néanmoins, afin de ne pas casser la dynamique d'investissement engagé au niveau départemental, en concertation avec les collectivités territoriales, un dispositif de transition a été mis en place. Les dossiers de demandes de subventions au titre de la mesure « h 1 » du plan de développement rural national, dont le caractère complet a été reconnu, et qui avaient reçu un avis favorable de la commission départementale d'orientation agricole avant le 16 février 2004, ont pu bénéficier, le cas échéant, de la subvention pour la réalisation du boisement et de la prime compensatrice de pertes de revenus.

Au-delà de cette mesure transitoire d'urgence, nous sommes, bien entendu, tout disposés à réexaminer ce sujet au regard de la situation particulière des pépiniéristes, afin de déterminer les montants qui permettraient d'éviter une interruption d'activité dont vous avez souligné et illustré le risque.

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Comme vous le savez, monsieur le ministre, la réforme de la politique agricole commune, qui va entrer en application le 1er janvier 2006, notamment la modulation et surtout le découplage des aides, va avoir des conséquences très négatives, pour les exploitations céréalières de taille petite ou moyenne en particulier. Il faut donc envisager de compenser, au moins en partie, les effets négatifs de cette réforme qui nous est imposée par Bruxelles, afin de permettre aux agriculteurs de s'adapter à un nouveau contexte particulièrement contraignant pour eux.

La profession souhaiterait notamment une extension des dispositifs de protection aux risques autres que climatiques, que vous avez évoqués tout à l'heure, notamment aux risques sanitaires et à certains risques de marché. Elle souhaite aussi une amplification des projets de valorisation non alimentaire des produits agricoles. Le Gouvernement a certes annoncé un nouveau plan biocarburants, mais nous en attendons encore la mise en œuvre ; si nous avons voté des amendements en ce sens à l'occasion de l'examen de la première partie de la loi de finances, ces dispositions sont encore insuffisantes. On peut aussi envisager d'autres utilisations à caractère industriel de ces produits agricoles.

Il faut également promouvoir les métiers et savoir-faire des différents territoires, et valoriser leurs productions. Une augmentation des aides au titre du deuxième pilier de la PAC permettrait d'engager des politiques volontaristes de préservation de l'environnement, ô combien nécessaires. Il faut enfin, et peut-être surtout, simplifier progressivement les procédures de contrôle imposées par Bruxelles, qui sont excessivement contraignantes.

Voilà tout un programme de travail. Je voudrais savoir, monsieur le ministre, si vous comptez satisfaire ces demandes, selon quelles modalités et surtout suivant quel calendrier.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. En réponse aux nombreux sujets que vous avez évoqués, monsieur Auberger, je voudrais tout d'abord rappeler que la réforme de la PAC n'induit aucune baisse du financement public de l'agriculture : les dix milliards d'euros environ dont bénéficie la France ne seront pas remis en cause jusqu'en 2013, date de la renégociation du budget. Je veux calmer les inquiétudes qui se sont fait jour à ce propos dans les campagnes : les fonds versés au titre du premier pilier ont été consolidés par l'accord d'octobre 2002.

Je voudrais ensuite vous faire observer que toutes les aides ne sont pas concernées par la réforme, notamment par le découplage partiel. Ainsi les aides délivrées au titre du deuxième pilier, telles que les indemnités compensatoires du handicap naturel, les primes herbagères agro-environnementales et les mesures agro-environnementales en général ne sont pas concernées. Au titre du premier pilier, ni la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, la PMTVA, ni la prime pour l'abattage des veaux ne sont davantage concernées, non plus que 50 % de la prime à l'abattage concernant les autres productions animales. Pour résumer, seule la moitié des aides sont concernées par ce découplage. Voilà pour les remarques d'ordre général.

Pour répondre plus précisément à vos questions, je confirme que la Commission européenne doit nous remettre ses propositions en matière de mécanismes de gestion de crise au mois de décembre. Elles sont absolument indispensables. En effet, depuis la réforme de 1992, qui s'est traduite par une baisse des prix garantis, parachevée par la réforme de 2002 et 2003, la politique agricole commune souffre d'un chaînon manquant, à savoir de l'absence de véritables mesures de gestion de crise. C'est donc ce à quoi nous consacrerons notre énergie à Bruxelles dans les prochaines semaines.

Vous avez évoqué les possibilités de valorisation non alimentaire des produits agricoles. Je vous rappellerai à ce propos une mesure passée relativement inaperçue, et pourtant très importante : de nouvelles aides aux cultures énergétiques ont en effet été mises en place dans le cadre de la réforme de la PAC. C'est une avancée dont l'importance n'a pas été suffisamment soulignée.

Par ailleurs, le Premier ministre a décidé de tripler d'ici à 2007 la production de biocarburants. Avec Nicolas Forissier, nous procédons actuellement aux concertations nécessaires et nous devrions arrêter notre dispositif avant la fin du mois de novembre. Quoi qu'il en soit, c'est au cours du premier semestre 2005 que les appels d'offre seront lancés pour la construction de nouvelles usines destinées à produire des biocarburants.

Quant aux aides agro-environnementales, elles sont très importantes. Avant notre arrivée en 2002, la France, faute de s'être « démenée » dans ce domaine, ne bénéficiait pas de tous les retours qu'elle était en droit d'attendre de l'Union européenne. De ce fait, notre pays avait été condamné à verser 31 millions d'euros à l'automne 2001 pour non-consommation de ces crédits. Nous avons depuis rattrapé le temps perdu, et désormais nous « saturons » nos aides du deuxième pilier.

Nous aurons, à l'échéance 2006-2007, un débat important à Bruxelles, pour maintenir les aides du deuxième pilier, qui ne sont pas couvertes par l'accord d'octobre 2002, puisqu'il ne concerne que le premier pilier. Je ne peux pas imaginer que les États membres et la Commission, qui ont fait du développement durable le thème emblématique de la nouvelle politique agricole commune, baisse la garde sur ce sujet.

Sur le plan budgétaire, monsieur le député, nous avons donc de la visibilité sur les dix ans qui viennent. En matière de gestion de crise, il est tout à fait clair que nous devons mieux faire. Enfin sur les questions structurelles « franco-françaises », la loi d'orientation et de modernisation de l'agriculture nous permettra de mettre en œuvre les mesures utiles. Ce texte est actuellement en préparation, et il sera soumis à l'examen du Parlement à partir de la fin du premier semestre 2005.

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. Même si ce sujet a été abordé par d'autres orateurs, je souhaite attirer à nouveau l'attention du Gouvernement sur le développement de la filière biocarburant.

À l'heure où l'avenir de la politique énergétique de la France est au cœur de l'action du Gouvernement, la flambée du prix du pétrole et les risques d'alourdissement de la facture énergétique sont autant d'éléments qui militent en faveur de la mise en œuvre rapide d'une politique énergétique qui relance la maîtrise de la consommation d'énergie et diversifie notre bouquet énergétique, en particulier par le biais du développement des énergies renouvelables. Or la France dispose d'un trésor énergétique peu exploité, la matière végétale, source de biocarburants.

Le développement des biocarburants a des effets bénéfiques pour l'économie française. Leur production fournit aux agriculteurs de nouveaux débouchés et, grâce à la construction de nouvelles usines, permet la création de nouveaux emplois.

Les biocarburants répondent en outre à nos préoccupations environnementales : ils permettent de limiter les émissions de dioxyde de carbone ; ils sont exploités sur des parcelles qui subissent une faible pollution et ils contribuent au remplacement des énergies fossiles par des énergies renouvelables.

Le 7 septembre dernier, le Premier ministre a annoncé un vaste plan visant à tripler d'ici à 2007 la production de biocarburants de notre pays, et je sais, monsieur le ministre, que vous vous engagez avec beaucoup de détermination en faveur du développement de cette filière. Toutefois, le coût de revient des biocarburants reste deux à quatre fois supérieur à celui des carburants fossiles.

Par ailleurs, plusieurs pays européens se sont engagés dans des projets de recours massif à cette énergie pour limiter l'utilisation des énergies fossiles et ont adopté des fiscalités adaptées pour favoriser le développement de l'éthanol afin d'en devenir les futurs producteurs exportateurs.

C'est pourquoi il serait nécessaire que notre pays allège la fiscalité pesant sur le développement des biocarburants : il serait logique en particulier, ces produits n'étant pas pétroliers, qu'ils soient exonérés de la TIPP.

Monsieur le ministre, les agriculteurs - en particulier les jeunes, notamment dans mon département de la Mayenne - sont prêts à s'engager dans cette filière, mais il est indispensable de leur donner les moyens de cette ambition, en mettant rapidement en place un cadre réglementaire qui permette d'appliquer les directives européennes relatives à l'incorporation obligatoire des biocarburants dans les carburants classiques.

Je vous remercie, monsieur le ministre, des réponses que vous voudrez bien m'apporter.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Monsieur le député, Hervé Gaymard a rappelé toute l'importance que le Gouvernement entend donner à l'avancée des solutions sur cette question majeure - vous l'avez souligné avec justesse - du développement des biocarburants. Le Président de la République a beaucoup insisté sur cette question et Hervé Gaymard a présenté une communication en Conseil des ministres au mois d'août dernier. Comme vous l'avez indiqué, le Premier ministre a annoncé le 7 septembre dernier - j'étais à ses côtés ce jour-là - le triplement de notre production de biocarburants d'ici à 2007, première étape pour atteindre l'objectif indicatif fixé par l'Union européenne d'une incorporation à hauteur de 5,75 % par litre de carburant destiné aux transports.

Vous soulignez l'importance de cette question sur le plan environnemental, dans le cadre du protocole de Kyoto, mais aussi pour notre agriculture et sur le plan économique.

Question importante pour notre agriculture, car nous avons là un potentiel énorme que nous pouvons mobiliser, et tous les professionnels le disent. Nous y travaillons actuellement beaucoup, dans le cadre de la concertation conduite à la demande du Premier ministre, afin de prévoir les modalités du dispositif du plan biocarburants.

Question importante sur le plan économique, bien sûr, et elle prend plus d'importance encore eu égard à l'évolution de la facture énergétique liée à l'augmentation du prix du baril.

Cette concertation, dont Hervé Gaymard a rappelé tout à l'heure qu'elle était quasiment en voie d'achèvement, nous permettra de préciser les choses, d'abord, sur la répartition entre filières - éthanol ou diester -, ensuite, sur l'application de l'amendement adopté par l'Assemblée relatif à l'incorporation dans les carburants sous peine d'une sanction financière, et, enfin, sur la compétitivité des biocarburants produits en France par rapport à leurs concurrents d'outre-atlantique ou d'ailleurs.

Il est aujourd'hui encore trop tôt pour vous apporter des précisions sur les aspects fiscaux, mais tous ces éléments devront être précisés au terme de cette consultation, dans les semaines à venir, afin que nous puissions tenir le calendrier très ambitieux, mais très volontaire, que le Gouvernement a fixé.

Ce gouvernement est le premier à faire avancer les choses aussi rapidement. Sa détermination est très forte, pour toutes les raisons que vous avez vous-même soulignées, monsieur le député, et je ne manquerai pas, avec Hervé Gaymard, de vous tenir informé dès que possible des modalités de l'appel à candidature et du dispositif.

M. le président. Nous en revenons aux questions du groupe socialiste.

La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. D'abord un constat. D'après les informations qui nous sont collectivement communiquées, les prix agricoles se situent cette année dans une frange très basse : on estime à près de 5 % la baisse des prix agricoles cette année.

À titre d'exemple, si l'on en juge par les données de l'INSEE, les prix de l'engrais, de l'énergie, des produits « phyto » ou de quelques aliments ont augmenté de 4, 6 % depuis le début de l'année, quand, dans le même temps, les prix agricoles baissaient, eux, de 4,9 %. Si les volumes vendus ne compensent pas la différence, le revenu constaté à la fin de cette année sera sans doute en berne.

Les exemples sont connus aujourd'hui, et je voudrais vous les rappeler : moins 3,7 % pour les producteurs de lait, moins 34, 9 % pour les producteurs d'œufs, moins 3,1 % pour les ovins, moins 24,2 % pour les fruits et légumes, moins 12 % pour les céréales, moins 20 % pour les pommes de terre, moins 8 % pour les oléagineux et moins 8,8 % pour les protéagineux.

Même si certains prix baissent un peu moins pour certaines filières - je pense au porc et à la volaille -, la baisse des prix agricoles cette année sera sensible et aura des conséquences très lourdes sur l'ensemble des filières.

J'ajoute, s'agissant de la viticulture, que d'après l'office français des vins, la production des Vingt-cinq a très sensiblement augmenté cette année, de 280 millions d'hectolitres. Vous avez vous-même reconnu cette hausse de la production, monsieur le ministre, mais la consommation étant en diminution, cette filière, qui s'en tirait plutôt bien jusqu'à aujourd'hui, se trouvera, elle aussi, dès l'année prochaine, dans une situation particulièrement difficile.

Dans le cadre de la réforme de la PAC, il n'y aura pas, dites-vous, de changement majeur entre 2007 et 2013. Mais moi, j'entends ce que dit aujourd'hui la commissaire lituanienne chargée des questions agricoles. Interrogée par la Commission, elle considère que « la PAC est désuète et démodée », et elle ajoute : « C'est une honte que près de la moitié du budget de l'Union européenne y soit consacrée ». Pour elle, la réforme de juin 2003 n'a pas été assez radicale et elle souhaite qu'on se remette rapidement autour de la table pour modifier très substantiellement, à partir de 2007, le budget agricole.

J'ai vraiment des craintes, s'agissant du commissaire José Manuel Barroso, sur l'évolution des crédits de la PAC.

Comment garantir le pouvoir d'achat du secteur agricole quand on sait - c'est une réalité - que l'intervention des pouvoirs publics sera plus limitée ? Quand on est vingt-cinq et qu'on sait que la France ne mettra pas un centime de plus dans l'Union européenne, c'est compliqué ! Ou alors il faut m'expliquer comment vous faites pour faire entrer deux litres de lait dans un litre !

S'agissant de la filière des fruits et légumes, vous avez pris position, monsieur le ministre, et souhaité stabiliser la volatilité des prix, et c'est plutôt positif. Mais là, vous n'êtes pas entendu.

Que pensez-vous de la position de certains États qui souhaitent mettre en place une assurance contre la chute des prix ? C'est le cas de la Lituanie, de l'Italie et de la Pologne.

Enfin, je voudrais vous parler très concrètement d'un problème ardéchois : avec la baisse du prix du lait, des entreprises comme Danone ne veulent plus aujourd'hui se rendre dans les fermes pour assurer la collecte du lait.

Si des mesures ne sont pas prises rapidement, de nombreuses exploitations laitières, notamment dans le Massif Central, disparaîtront.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. De deux choses l'une : soit on est dans un système à économie planifiée - l'Union soviétique de Joseph Staline, l'Espagne de Franco - avec des prix administrés (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

Eh oui, il faut dire les choses ! Soit on est dans une économie planifiée, soit on ne l'est pas !

Il se trouve que nous ne sommes pas dans une économie planifiée. Pour ma part, je m'en félicite, mais tout le monde n'est pas obligé de partager ma position sur ce sujet !

Néanmoins, pendant plusieurs décennies, nous avons eu, dans le cadre de la PAC, des prix garantis pour certaines productions : le lait, la viande de bœuf, la viande de mouton et les céréales.

En 1992, le gouvernement de M. Bérégovoy a accepté, dans le prolongement des fameux accords de Blair House, une réforme de la PAC qui a diminué ces prix garantis. Depuis cette réforme, mais aussi depuis celle de 1999, l'Agenda 2000 - M. Jospin étant alors Premier ministre -, nous avons eu un démantèlement de la PAC, telle que nous la connaissions précédemment. Et la véritable inflexion par rapport aux prix agricoles résulte de cette réforme de 1992 que, pour ma part, je n'ai bien évidemment pas à endosser politiquement, pas plus que les membres de la majorité.

Que s'est-il passé en 2003 ? Nous avons troqué une réforme anticipée de la politique agricole commune contre un allongement des perspectives budgétaires : à l'unanimité, les États membres ont décidé de fixer le budget du premier pilier de la PAC jusqu'en 2013. Ce qui a été fait à l'unanimité ne peut être défait qu'à l'unanimité !

La commissaire que vous citez, monsieur le député, peut bien dire ce qu'elle veut ! Je l'ai, moi aussi, entendue ! Ce n'est d'ailleurs pas la première ni la dernière à critiquer la politique agricole commune qui, depuis qu'elle existe, a fait l'objet hors d'Europe et à l'intérieur de l'Europe de beaucoup de critiques.

En fait, il est inconcevable que ce qui a été décidé à l'unanimité soit défait. De ce point de vue, nous pouvons avoir une très grande sérénité.

La gestion des crises est évidemment le chaînon manquant de la politique agricole commune. En effet, trop souvent, quand nous connaissons des crises, non seulement l'Europe ne fait rien, mais elle interdit aux États membres de faire et de prendre des mesures nationales. C'est la raison pour laquelle j'ai obtenu fin juin 2003, dans le cadre du compromis de Luxembourg, que la Commission fasse des propositions opérationnelles en la matière en décembre 2004 - c'est ce que nous attendons de la nouvelle Commission.

Enfin, s'agissant du lait, et particulièrement dans votre département, monsieur le député, vous posez le problème de sa collecte en zone de montagne moyenne ou plus élevée. Nous travaillons, en liaison avec les organisations agricoles, à la modification du programme de développement rural national, car celui élaboré en 1999 ne permet pas d'aider la collecte laitière en zone défavorisée. Nous souhaitons modifier le PDRN sur ce point ou, éventuellement, jouer avec ce que l'on appelle dans notre jargon « l'enveloppe de flexibilité ». Il y a un problème spécifique de collecte du lait en zone de montagne, et il faut que nous nous donnions les moyens de le résoudre. Nous y travaillons.

M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour.

M. Louis-Joseph Manscour. Monsieur le ministre, j'ai deux minutes pour vous convaincre, si vous ne l'êtes pas encore, que l'agriculture antillaise va mal. Qu'il s'agisse de l'ananas, du melon, mais aussi de l'élevage et, bien entendu, de la canne à sucre et de la banane, c'est le même constat. En Martinique, en particulier, ces productions agricoles connaissent de nombreuses difficultés accentuées par des conditions climatiques exécrables.

Après la sécheresse de 2003, les pluies diluviennes de 2004 ont achevé les petits planteurs de canne à sucre et leur situation s'est considérablement dégradée. Certains ont dû attendre une semaine pour pouvoir transporter leur récolte à l'usine, avec les conséquences que vous imaginez.

La banane, qui craint plus la sécheresse que la pluie, a vu sa production augmenter par rapport à l'année passée. Mais les prix ont chuté de plus de 17 %.

La crise a conduit plusieurs exploitations agricoles et un groupement, la COBAMAR, à la cessation de paiement. 630 ouvriers de la banane ont ainsi été licenciés.

Le contrat de progrès, signé en juillet dans son volet social, ne prévoit aucune mesure significative pour répondre aux problèmes auxquels se trouvent confrontées ces victimes du chômage.

Lors de votre passage aux Antilles en juillet dernier, monsieur le ministre, vous avez annoncé aux producteurs de bananes que le Gouvernement débloquerait 9 millions d'euros, qui devraient s'ajouter aux 17 millions d'aides compensatoires venus de Bruxelles.

Premièrement, avez-vous prévu d'inscrire cette somme au budget, conformément à vos engagements ? Si oui, quand cette somme sera-t-elle versée aux producteurs de bananes ? Et sous quelle forme : une aide, comme vous l'aviez annoncé dans un premier temps, monsieur le ministre, ou un prêt remboursable ?

Deuxièmement, quel sort sera réservé aux agriculteurs victimes des pluies diluviennes de 2004, notamment aux petits planteurs de canne de la région du bassin du Galion ? Sont-ils assurés d'être indemnisés dans les meilleurs délais par le Fonds national de garantie des calamités agricoles, qui est continuellement sous-provisionné ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, le ministère de l'agriculture en liaison avec celui de l'outre-mer accorde un intérêt tout particulier à l'agriculture et à la pêche de nos territoires d'outre-mer.

S'agissant de la Martinique, et vous l'avez mentionné, il faut développer les filières d'élevage pour diminuer les importations et nous y travaillons. Les modalités d'application de la réforme de la politique agricole commune sont spécifiques aux départements d'outre-mer, puisque le découplage partiel des aides ne s'y applique pas. L'ancien système est maintenu.

En ce qui concerne l'ananas, cette filière bénéficie d'un important programme communautaire : 7 millions d'euros par an pour la période 2003-2006. Le Gouvernement, dans le cadre d'un plan de recapitalisation de la coopérative SOCOMOR, s'est engagé à hauteur de 1,9 million d'euros. Conformément à la convention signée en 2003, les collectivités ont apporté 956 000 euros, et une première tranche de 950 000 euros a été versée par l'État. La seconde le sera prochainement dans les conditions prévues, dès que les planteurs auront apporté leur contribution de 600 000 euros.

La banane, quant à elle, représente 20 000 emplois directs et indirects à la Guadeloupe et à la Martinique. Secteur fortement concurrencé, son maintien dépend directement de l'efficacité de l'OCM de la banane. En vue de son indispensable réforme, j'ai reçu les professionnels et les élus, parmi lesquels se trouvait M. Lurel, il y a quelque temps, pour défendre notre dossier à Bruxelles. Je confirme que les 9 millions d'euros supplémentaires que j'ai annoncés lors de mon passage sont immédiatement disponibles, puisqu'il s'agit d'une aide budgétaire compensatoire. Le soutien au revenu des producteurs sera assuré par l'octroi d'un prêt de 13 millions d'euros sur cinq ans à taux zéro, garanti par l'État. Enfin, le contrat de progrès comporte 25 millions d'euros de crédits d'État sur cinq ans.

Par ailleurs, les dispositifs de soutien social fonctionnent en tant que de besoin, comme dans tous les départements français. L'activation du fonds des calamités, à la suite des pluies diluviennes, sera déclenchée après les enquêtes qui sont en cours. Par définition, ce chapitre budgétaire est évaluatif. Il est abondé en cours d'année, en fonction des besoins. Les droits ouverts dépendent de la réglementation applicable et il ne s'agit pas de calculer des indemnités à partir des dotations budgétaires disponibles. Soyez sans crainte à ce sujet.

La production de sucre, qui concerne à la fois les Antilles et la Réunion, est à la veille d'une échéance très importante avec la réforme de l'organisation commune de marché à l'horizon de juin 2006. Il va de soi que nous nous battrons pour que les mesures compensatoires soient effectives pour nos départements d'outre-mer.

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro.

M. Germinal Peiro. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, j'associe à ma question Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Lors de l'examen du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, nous vous avions interrogé sur les mesures que vous comptiez prendre afin que les vétérinaires inspecteurs disposent de moyens suffisants pour exercer leurs fonctions. Votre réponse d'alors avait sonné à nos oreilles comme un espoir et la promesse d'être entendus lors des discussions budgétaires. Le moment est donc venu d'attirer votre attention sur un paradoxe : au moment où les crises sanitaires se multiplient, les vétérinaires inspecteurs, dont le rôle de contrôle et de police est indispensable à l'efficacité de notre politique de santé publique, voient leurs crédits réduits de budget en budget. Le bon sens voudrait que l'on n'attende pas la survenance de graves crises pour s'en soucier et que l'on se dote dès à présent des moyens humains et financiers permettant d'anticiper. Les récentes alertes à la rage, de même que les menaces de grippe aviaire et de fièvre aphteuse, ont mis crûment cet enjeu en lumière.

Dans un tel contexte, allez-vous, monsieur le ministre, faire preuve de sagesse et d'anticipation, et revenir sur le projet de budget pour 2005 qui, outre qu'il ne prévoit aucune augmentation de crédit et d'effectifs, envisage de supprimer 125 postes ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Dans le domaine phytosanitaire, je rappelle que j'ai annoncé, lors de la présentation du budget, qu'une politique volontariste s'imposait pour garantir la santé des végétaux des produits d'origine végétale, la protection du consommateur et de l'exploitant, ainsi que le respect de l'environnement. Pour ce faire, les crédits d'intervention ont été majorés de 6,5 % et portés à 14,2 millions d'euros.

Pour ce qui est de l'action vétérinaire, les moyens d'intervention nécessaires à la lutte contre les maladies animales, à la prévention et à la gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires, ont été maintenus au niveau des crédits de paiement de l'année 2004, soit 115 millions d'euros. Alors que les contrôles individuels des bovins se trouveront allégés dans certaines exploitations, nous mettrons en place dès 2005 une surveillance sanitaire des cheptels bovins grâce à la réalisation d'un bilan sanitaire qui sera confié aux vétérinaires sanitaires. Un financement de 13 millions d'euros est prévu à cette fin.

S'il est vrai que les emplois budgétaires ont diminué entre 2000 et 2005, l'effectif réel en postes, quant à lui, a augmenté du fait de l'accélération des procédures de recrutement et du recours à diverses prestations. Ainsi, les effectifs d'inspection dans les abattoirs ont pu être renforcés et les effectifs seront supérieurs de 200 équivalents temps plein à ce qu'ils étaient avant la crise sanitaire de l'ESB.

Pour l'année 2005, les moyens de fonctionnement courants des directions départementales des services vétérinaires sont globalement maintenus à 9,9 millions d'euros. Ils permettront d'assurer des contrôles tout au long de la chaîne alimentaire.

M. le président. Nous en revenons aux questions du groupe UMP.

La parole est à M. Philippe Feneuil.

M. Philippe Feneuil. Monsieur le secrétaire d'État, ma question va compléter celle posée par mon collègue Favennec sur les biocarburants.

Si la résolution du Premier ministre à parvenir à un triplement de la production est entière, la mise en œuvre de cette mesure me semble complexe, et pour plusieurs raisons.

Même si je suis conscient que cette question ne concerne pas que votre ministère, je vais vous poser trois questions. En effet, les producteurs de biocarburants sont prêts à développer leur capacité de production, mais compte tenu de l'importance des investissements, ils doivent obtenir des garanties concernant le développement de leur filière.

Premièrement, le Gouvernement a-t-il l'intention de proposer une répartition équilibrée entre la filière du diester et celle de l'éthanol ? En effet, si les deux filières présentent des avantages, les producteurs ne sont pas les mêmes, et les contraintes non plus, en particulier pour l'assolement. À l'occasion de rencontres avec les représentants de la fédération des betteraviers par exemple, j'ai pu mesurer leur motivation pour développer leur production d'éthanol, mais aussi leurs interrogations concernant les débouchés d'une production accrue.

Deuxièmement, quelles seront les modalités d'application de l'amendement, que j'avais cosigné et qui a été adopté à l'unanimité, qui rend obligatoire l'incorporation de biocarburants, sous peine de pénalités en cas de non-respect de cette règle ?

Troisièmement, puisqu'il y a obligation d'incorporation, comment le Gouvernement entend-il favoriser l'utilisation de biocarburants français ? Face aux productions brésilienne ou états-unienne, nos biocarburants ne pourront être compétitifs qu'après la construction d'unités performantes tant sur le plan technique que volumétrique. Quelle garantie de bonne fin, monsieur le ministre, pouvez-vous donner aux agriculteurs pour qu'ils investissent ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Monsieur Feneuil, vous connaissez très bien le sujet. Hervé Gaymard et moi-même avons déjà eu l'occasion de répondre sur cette question. Vous avez rappelé les décisions prises par le Gouvernement : triplement de la production nationale de biocarburants, avec la volonté affirmée de respecter l'objectif indicatif de l'Union européenne, à savoir l'incorporation de 5,75 % de biocarburant par litre de carburant consommé pour les transports.

Vous souscrivez à cette mesure, mais vous vous inquiétez de sa mise en œuvre dans la mesure où les producteurs ont besoin de garanties. Je viens d'informer M. Favennec que nous étions en train de finaliser la concertation avec l'ensemble des filières professionnelles. Notre objectif est triple, et il porte notamment sur la répartition des volumes entre filières. Aujourd'hui, l'arbitrage n'a pas été rendu puisque la concertation doit être menée à son terme avant d'arrêter les meilleures solutions techniques. Mais j'ai bien compris qu'il ne serait pas sans conséquence, y compris sur les programmes d'assolement. La question a été évoquée par les betteraviers, mais aussi par les maïsiculteurs, voire les céréaliers.

Pour ce qui est de votre amendement prévoyant une sanction financière en cas de non-respect des objectifs d'incorporation des biocarburants, je ne peux pas vous donner de réponse plus précise, compte tenu de l'état d'avancement de la négociation.

En tout état de cause, dans les trois à quatre semaines qui viennent, un dispositif sera finalisé au vu des éléments qui auront été mis en avant, en particulier des contraintes techniques des producteurs. L'objectif est de lancer les appels d'offre au premier semestre 2005 au plus tard, car il faut entre dix-huit et vingt-quatre mois pour construire une usine, et il nous faudra quatre unités pour pouvoir produire 200 000 tonnes en 2007. Pour atteindre son but, il faut parfois prendre au départ le temps de mesurer les tenants et les aboutissants, et je vous remercie de votre contribution en ce domaine.

M. le président. Je vous rends la parole, monsieur Feneuil, puisque vous avez une seconde question.

M. Philippe Feneuil. Ma seconde question concerne la viticulture.

Dans un contexte budgétaire tendu, où de nombreux organismes publics voient leurs crédits diminuer, je tiens, monsieur le ministre, à vous remercier au nom des professionnels pour le maintien de la dotation INAO 2005 au niveau de celle de 2004.

Je me permets cependant d'appeler votre attention sur le fait que les professionnels redoutent le gel d'un éventuel solde positif de l'exercice 2004, qu'on laisserait se reporter sur 2005.

Les professionnels - je le rappelle - financent l'INAO à hauteur de 25 % et l'État à hauteur de 75 %. L'équilibre doit être maintenu. Les professionnels ont, ces dernières années, largement augmenté leur contribution et continueront de le faire, si l'État maintient cet équilibre.

Mais une difficulté apparaît dans le budget pour 2005. Elle porte sur un montant de 500 000 à 700 000 euros et est liée à la baisse des contingents de droit de plantation. La diminution du nombre de dossiers de demandes entraînera une chute corrélative du produit des frais de dossier d'instruction, alors que - chacun le sait - les charges de fonctionnement de l'INAO demeureront identiques.

En vue de combler un tel déficit, dans le cadre du chantier des « plans d'action » mis en œuvre entre l'INAO et les syndicats d'appellation, il est prévu qu'à titre transitoire les organismes agréés participent directement au financement des tâches assumées par l'INAO, lesquelles, à terme, mériteraient d'être déléguées.

Il est également prévu de rendre payantes les 18 000 attestations d'aire que l'INAO délivre annuellement aux notaires et à la SAFER lors des transactions de fonciers viticoles. Malheureusement, ces dispositions, nous le savons, ne seront pas suffisantes. C'est pourquoi je désire savoir si le ministère de l'agriculture, comme il l'a fait en 1992, a l'intention de combler le déficit lié au quasi gel des plantations, des solutions pouvant être envisagées à terme dans le cadre du futur projet de loi.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Je salue, monsieur le député Feneuil, les efforts que consentent les professionnels de l'INAO pour contribuer, au-delà des dotations de l'État dont vous avez souligné l'évolution positive, à la réalisation de l'équilibre financier de l'établissement.

Devant les difficultés financières récurrentes auxquelles est soumis cet organisme, je suis évidemment disposé à réfléchir avec les professionnels de l'INAO à un dispositif permettant d'assurer une meilleure régularité des ressources de l'institut, qui se sont révélées - chacun a pu le constater - très sensibles notamment à la production de vins AOC et au niveau de plantation, ce dernier étant lui-même décidé en fonction des besoins de plantations nouvelles et de la santé du secteur viticole, qui est à préserver.

Le nouveau cadre de la loi organique relative aux lois de finances, qui se met en place, nous permettra de concrétiser cette réflexion au travers de l'outil que sont les contrats d'objectifs. Ainsi la définition d'un contrat d'objectifs qui engagerait l'État, l'INAO, les syndicats de défense et les organismes agréés et qui préciserait le rôle de chacun des partenaires dans les actions à mener, les contrôles à effectuer et les moyens à mettre en œuvre, permettrait de répartir clairement les missions et d'assurer une visibilité à long terme de l'institut.

Cette réflexion, au travers de la détermination en cours des plans d'action, je le sais, est en bonne voie. Le principal intérêt de la gestion pluriannuelle qui peut en résulter serait de rompre efficacement avec les mouvements erratiques des ressources de l'institut. Je suis prêt à entrer dans une telle logique. Nous aurons l'occasion, dans les mois qui viennent, d'arrêter une stratégie à moyen terme pour l'institut qui, je le comprends aisément, doit disposer de ses lignes de force pour maintenir et pérenniser son action remarquable.

M. Philippe Feneuil. Je vous remercie, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Le Gouvernement a beaucoup fait pour la filière cheval, puisque les éleveurs sont désormais considérés comme des agriculteurs de plein exercice, et bénéficient de toutes les mesures sociales et fiscales qui accompagnent cette disposition.

M. François Sauvadet. C'est vrai !

M. Marc Le Fur. Je souhaite cependant revenir sur la question des haras nationaux, lesquels, monsieur le ministre, relèvent directement de votre autorité.

En juillet 2003, un contrat d'objectifs a été signé entre votre ministère et les haras nationaux. En contrepartie d'un effort de modernisation des haras, lequel, chacun le sait, peut s'avérer douloureux, votre ministère leur a garanti une subvention annuelle de 45,5 millions d'euros sur la période 2004-2008. Or un gel de crédits, survenu en 2004, s'est traduit par une perte importante de l'ordre de 2,5 millions d'euros, qui n'a donné lieu à aucun report sur le projet de budget pour 2005. Qu'en est-il, monsieur le ministre, alors même que chacun peut mesurer l'importance des haras nationaux en termes génétiques pour l'ensemble de la filière cheval ?

Ma question comporte également un volet local. La Bretagne possède deux dépôts de haras : Hennebont et Lamballe. Lamballe était jusqu'à présent le plus important. La direction régionale siégeant désormais à Hennebont, les palefreniers, les salariés et tous les usagers du haras de Lamballe ont pour souci de veiller à ce qu'il soit traité équitablement par rapport au haras morbihannais, afin que ces deux belles institutions puissent poursuivre ensemble leurs activités en Bretagne.

Je souhaiterais enfin, monsieur le ministre, évoquer une initiative locale positive : la station de haras de Loudéac devait fermer il y a quelque mois. Le partenariat établi entre l'administration des haras et la société hippique rurale a permis le maintien du service public. C'est la preuve qu'avec un peu d'imagination et beaucoup de bonne volonté, on peut résoudre bien des problèmes !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, je vous remercie d'avoir rappelé, après M. Michel Lejeune ce matin, que le Gouvernement s'est donné les moyens d'une politique active en faveur du cheval dans le cadre du plan qui a été décidé avec Alain Lambert, alors ministre délégué au budget, Jean-François Lamour et moi-même. Les haras nationaux ont ainsi pu élaborer, conformément au contrat d'objectifs signé avec l'État le 29 juillet 2003, un nouveau schéma d'implantation territoriale.

Ce schéma prend en compte l'aménagement du territoire, dans le cadre d'une concertation avec les collectivités locales. Les sites qui constituaient auparavant des dépôts d'étalons doivent devenir des pôles hippiques reposant sur des projets de valorisation économique, sportive, culturelle ou touristique, menés en partenariat avec les organisations professionnelles et les collectivités locales.

Le conseil d'administration de l'établissement s'est prononcé sur le schéma le 24 juin 2004. L'ensemble du projet fera l'objet d'une première évaluation en septembre 2005.

Je puis vous assurer, monsieur le député, que le schéma adopté ne remet pas en cause les deux dépôts d'étalons de Bretagne. Lamballe a vocation à devenir un pôle de valorisation sportive et économique du cheval et Hennebont, un pôle culturel, touristique et de connaissance du cheval. Chacun de ces deux pôles sera dirigé par un responsable, sans relation hiérarchique entre eux.

En outre, pour répondre à l'initiative des éleveurs de Loudéac, que vous avez évoquée, et afin de prendre en compte une spécificité locale sur la monte naturelle, les haras nationaux mettront à disposition de la société hippique de Loudéac des moyens tant en personnels qu'en étalons, ainsi qu'un service itinérant d'insémination artificielle.

Je souhaiterais, à mon tour, saluer le caractère exemplaire de ce partenariat.

M. le président. Nous en revenons aux questions du groupe socialiste.

La parole est à Mme Odette Duriez.

Mme Odette Duriez. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, le monde rural, comme l'ensemble du territoire, a besoin d'un tissu associatif fort qui renforce la cohésion sociale. Au sein du monde rural, de nombreuses associations participent à la mise en place d'activités économiques ou sociales, notamment les services à la personne, quand d'autres facilitent l'accès à la culture et au sport ou fédèrent des énergies autour d'enjeux essentiels - l'éducation à la citoyenneté, l'environnement ou le développement de projets. En un mot, ce tissu associatif, qui emploie 50 000 personnes sur l'ensemble de nos territoires, assure l'animation rurale.

Monsieur le ministre, l'article 66 de la loi sur le développement des territoires ruraux reconnaît que « les associations à vocation éducative, sociale, culturelle et familiale exerçant en milieu rural participent à l'animation et au développement des territoires ruraux ». Pourtant, en les affaiblissant sur le plan financier, vous les privez de moyens.

Vous avez suscité une véritable inquiétude en leur sein. Quel mépris de la vie associative, des salariés et des responsables bénévoles ! À ce jour, aucun financement n'a été versé au titre de 2004. Le vendredi 5 novembre, vous avez annoncé que 51 % seulement des crédits votés seraient attribués au titre de l'animation rurale. Je n'ose y croire. Une telle décision bloquera également le versement de fonds européens pour des programmes d'initiative communautaire.

Monsieur le ministre, à quoi bon débattre d'un projet de budget et le voter s'il n'est pas appliqué ? Cherchez-vous à fragiliser le milieu rural et à porter la responsabilité du dépôt de bilan de dizaines d'associations ? Les dotations pour 2005 sont prévues à la baisse et demeurent plus incertaines encore.

Je vous poserai quatre questions.

Pouvez-vous nous préciser les montants prévus en 2005 pour les têtes de réseaux ? Les conventionnements pluriannuels seront-ils poursuivis afin d'assurer la pérennité des actions entamées ? Pouvez-vous nous confirmer que les associations de développement continueront à bénéficier des financements ADAR - associations de développement agricole et rurale - dans les mêmes conditions que l'ACTA - association de coordination technique agricole - et l'APCA - Assemblée permanente des chambres d'agriculture ? Enfin, quelle place réelle entendez-vous accorder aux associations dans l'animation du monde rural ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Madame la députée, le ministère chargé des affaires rurales - tel est le cadre de ma réponse - soutient les associations d'animation rurale au travers de trois outils : les conventions financières, les mises à disposition de fonctionnaires et le financement de postes FONJEP - fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire. Vous avez rappelé à juste titre le rôle important joué par ces associations pour l'animation des territoires ruraux, non seulement sur les plans social, économique et culturel, mais également pour le service à la personne, comme j'ai pu le constater dans le territoire rural dont je suis l'élu depuis des années. Ce rôle a été effectivement confirmé par le projet de loi sur les territoires ruraux. C'est parce que nous sommes conscients de son importance que Hervé Gaymard et moi-même avons souhaité une évaluation des conventions pluriannuelles couvrant la période 2002-2003. Ces associations ont en effet quelques difficultés à évaluer les points forts et les points faibles de leur action.

La mission des corps d'inspection a récemment remis ses conclusions. Pour répondre aux difficultés de trésorerie que connaissent ces associations, Hervé Gaymard et moi-même avons demandé aux services du ministère d'envisager avec chacune d'entre elles les possibilités d'un soutien pour 2004. Je peux d'ores et déjà vous annoncer que les associations qui connaissent des difficultés de trésorerie bénéficieront fin 2004 d'une subvention exceptionnelle qui les aidera à passer le cap.

Parallèlement - je réponds là à votre deuxième question -, mes services préparent les bases d'un nouveau conventionnement sur l'animation rurale qui intégrera les orientations du Gouvernement sur le développement des territoires ruraux, telles qu'elles ont été notamment exprimées dans le cadre du projet de loi. Ce nouveau conventionnement permettra, dès 2005, de mettre en œuvre de nouveaux financements et de poursuivre le soutien que nous entendons apporter aux associations, au travers de leurs têtes de réseaux.

Vous m'avez interrogé sur les financements ADAR des associations de développement. Nous n'avons a priori aucune raison d'y mettre fin. Je le répète, ces associations ont, à nos yeux, un rôle important à jouer et nous continuerons à les soutenir.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Leroy.

M. Jean-Claude Leroy. L'installation est un problème crucial pour les agriculteurs. Dans le seul département du Pas-de-Calais, 15 000 hectares seront à céder durant les dix prochaines années, mais le nombre d'installations stagne. Les professionnels du département, notamment les jeunes agriculteurs, qui œuvrent au quotidien pour soutenir l'installation, se sentent insuffisamment soutenus par les pouvoirs publics et votre projet de budget, monsieur le ministre, n'est pas de nature à les rassurer, puisque les crédits baissent de 5 %. Il y a là, vous en conviendrez, une contradiction véritable entre la volonté affichée de maintenir des exploitations familiales et les moyens réellement affectés à cette politique.

Parallèlement, le projet de loi relatif aux territoires ruraux prévoit de réduire le contrôle des structures pour les EARL, faisant bien apparaître la dérive libérale de l'agrandissement qui se profile et qui entre en contradiction, je le répète, avec l'objectif de maintenir des exploitations familiales à deux unités de travail. Un tel brouillage du message, associé à un budget en régression, n'est pas de nature à redonner confiance aux campagnes : il doit même entretenir le doute chez bon nombre d'agriculteurs qui souhaiteraient transmettre leur exploitation.

Le recensement agricole mené en 2000 nous a également permis de constater que l'essoufflement des installations s'aggrave. En 2003, on dénombre 1 000 installations aidées de moins qu'en 2000. Paradoxalement, les installations non aidées occupent une part croissante, si bien que les collectivités régionales et départementales ont été contraintes d'inventer des systèmes d'aide spécifique à ces installations hors normes, accentuant ainsi le transfert des charges de l'État.

Mais il y a plus grave. L'application stricte des modalités de versement de la dotation « jeune agriculteur » engendre des situations qui peuvent se révéler dramatiques. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, le versement unique interviendra prochainement, avec un effet rétroactif au 1er janvier 2004. En attendant, pour le seul département du Pas-de-Calais et sur trois ans, nous constatons plus de cent refus de versement de la deuxième fraction de DJA pour revenus insuffisants. Je profite donc de l'occasion qui m'est offerte pour vous alerter et vous demander de recommander à votre administration locale un réel assouplissement des règles de versement de cette deuxième fraction. Il faudrait également que les jeunes agriculteurs dont le revenu est inférieur au revenu de référence lors du troisième exercice voient leur dossier réexaminé et leur dotation versée intégralement. Sans une mesure énergique de votre part, le risque est réel de précipiter la chute d'une centaine d'exploitations, et ce n'est vraiment pas le moment !

Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour éviter de fragiliser davantage encore ces exploitations agricoles ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, comme je l'ai déjà indiqué, l'installation est déterminée par trois motifs : premièrement, les perspectives économiques des filières concernées ; deuxièmement, les conditions de vie et de travail dans les exploitations agricoles - et ce thème sera au cœur du débat relatif à la future loi d'orientation et de modernisation de l'agriculture - ; troisièmement, les diverses dispositions en faveur de l'installation. À cet égard, je rappelle que nous avons créé le FICIA, consolidé l'année dernière les prêts bonifiés aux jeunes agriculteurs et instauré le versement en une seule fois de la DJA.

Cette dernière mesure appelle deux observations.

Tout d'abord, nous avons déjà donné des consignes d'assouplissement pour le versement de la deuxième part quand les exploitations ne satisfont pas aux conditions habituellement requises, du fait des difficultés économiques que connaissent beaucoup trop de jeunes agriculteurs. Pour ce qui concerne le Pas-de-Calais, je ferai examiner les dossiers au cas par cas.

Ensuite, dès que le décret sera publié - l'aval de Bruxelles a été donné et il est actuellement au Conseil d'État -, tous les jeunes agriculteurs qui ont déjà touché la première partie de la dotation recevront la deuxième fraction, car le nouveau dispositif est rétroactif.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Dans votre réponse à M. Manscour, monsieur le ministre, vous avez déjà répondu, pour partie, aux questions que je comptais vous poser. Je vous remercie des précisions que vous avez apportées sur l'abondement du fonds national de garantie des calamités agricoles : la Guadeloupe en aura bien besoin, la Côte-sous-le-vent, région dont je suis originaire, ayant été très durement frappée par des catastrophes récentes.

La discussion du budget de l'agriculture intervient dans un contexte difficile pour le monde agricole, et singulièrement pour l'outre-mer. Cependant, vos contraintes budgétaires ne doivent pas pénaliser une économie agricole essentielle pour le développement de notre région, laquelle, déjà fragilisée par les calamités naturelles, s'inquiète des grands débats en cours sur ses deux principales filières : la canne et la banane.

Comme vous le savez, ces deux filières, soumises chaque année aux aléas climatiques, ont une nouvelle fois été lourdement pénalisées. Faute d'un ensoleillement suffisant en Guadeloupe, 70 000 tonnes de la production de canne sont restées sur pied. La perte est lourde pour nos producteurs. Je vous demande donc, monsieur le ministre, de faire jouer la solidarité nationale pour compenser la perte de revenus induite. La région Guadeloupe, que j'ai l'honneur de présider, ne restera pas inerte, mais elle ne saurait tout prendre à sa charge.

S'agissant des révisions de l'OCM banane et de l'OCM sucre, quelle que soit l'issue des négociations en cours à Bruxelles, l'État devra poursuivre le soutien aux agriculteurs et, le cas échéant, compenser la défaillance des institutions européennes. Je compte sur le soutien indéfectible de votre ministère - vous avez pris des engagements en ce sens lors de votre récente visite - pour refuser le calendrier des négociations de l'OCM sucre et revoir la compensation initiale de 27 millions d'euros prévue par la Commission en juillet 2004, compensation bien insuffisante quand on sait que les acteurs de la filière estiment leur perte globale à 146 millions.

Permettez-moi, enfin, d'attirer votre attention sur la mauvaise situation de l'ODEADOM. Son budget a baissé de 23 % cette année et les départs de personnels ne sont pas remplacés. La dynamisation des actions de l'office doit pourtant être une priorité, afin que soient mieux prises en compte les préoccupations des agriculteurs de l'outre-mer. Cette volonté devrait se manifester par le renforcement de ses capacités financières, notamment en crédits de fonctionnement et d'intervention.

Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, des éléments de réponse que vous pourrez apporter sur ces trois thèmes.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le président du conseil régional de Guadeloupe, le fonds national de garantie des calamités agricoles intervient, comme il est normal, dans les départements d'outre-mer comme en métropole et toutes les productions touchées par les aléas climatiques - excès de chaleur, de pluie, etc. - sont éligibles aux aides dans le cadre des lois et règlements en vigueur. Et les crédits budgétaires, je le répète, sont abondés en cours d'année pour permettre de faire face.

S'agissant de la banane, vous savez qu'il a été décidé en 1999 d'accepter une modification des règles de l'OMC qui nous a fait passer d'un système de quotas à un système de tarifs. L'Union européenne doit donc négocier au mieux dans ce cadre du tariff only. Cependant, même au terme de la meilleure négociation, il faudra maintenir des systèmes de soutien significatif à la production de banane dans les départements d'outre-mer. Nous nous battons en ce sens à Bruxelles. Mais nous devons aussi, au niveau national, insister sur la promotion et l'identification de la banane d'outre-mer. Nous y travaillons dans le cadre du contrat de progrès : ne doutez pas de notre totale implication.

S'agissant du sucre, je me félicite, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, que la Commission européenne, dans sa communication du 14 juillet dernier, ait retenu le principe de la compensation, ce qui n'a pas toujours été le cas auparavant. En revanche, ce qui ne me convient pas, c'est que cette compensation soit insuffisante. Aussi, dans le cadre de la négociation pour la réforme de l'OCM sucre - laquelle doit intervenir d'ici au 30 juin 2006 - nous nous battrons pour obtenir la meilleure compensation possible pour nos départements d'outre-mer.

Je salue enfin l'excellence du travail de l'ODEADOM, qui est le seul organisme où sont représentés l'ensemble des filières, des productions et des professionnels de l'agriculture des départements d'outre-mer. Ses crédits seront reconduits en 2005 au même niveau que cette année, soit 7,176 millions d'euros.

M. le président. Nous en revenons aux questions du groupe de l'UMP.

La parole est à M. Francis Saint-Léger.

M. Francis Saint-Léger. Permettez-moi tout d'abord de vous remercier, monsieur le ministre, pour la réponse que vous m'avez apportée tout à l'heure sur la consolidation des soutiens à l'agriculture de montagne, et notamment la nouvelle revalorisation de l'ICHN prévue pour 2005.

J'en viens à ma question. La complexité administrative a atteint un niveau insupportable en matière agricole, et la mise en place de la nouvelle PAC en 2006 ne sera certainement pas de nature à alléger les procédures. Dans mon département de la Lozère, je ne cesse de rencontrer des agriculteurs qui me font part de leurs inquiétudes à ce sujet. Les plus exposés sont souvent les petits exploitants, ceux qui vivent seuls, ou encore les plus âgés. N'ayant pas toujours une connaissance suffisante des règles, ils sont effrayés par les dossiers et la paperasse. Face à des contraintes toujours plus lourdes, ils finissent par perdre pied, à tel point que certains, égarés dans le maquis administratif, ne songent même plus à demander leur droit, se créant ainsi d'énormes difficultés, tandis que d'autres se mettent dans l'illégalité malgré eux, sans aucune volonté de fraude.

Mon département a connu récemment un drame terrible : après une accumulation de négligences administratives, un agriculteur, exaspéré et noyé dans la réglementation, saisi par la peur du contrôle et de la sanction, a tragiquement mis fin à ses jours.

La vocation d'un agriculteur est de produire et non pas de remplir des formulaires ! On pourra m'objecter qu'il faut bien consentir un minimum d'efforts pour obtenir les primes, mais n'oublions pas que les agriculteurs n'auraient pas besoin d'être aidés si leurs produits étaient payés à leur juste prix. Si le soutien public est devenu nécessaire c'est à cause des politiques agricoles successives conduites depuis de nombreuses années.

Les agriculteurs doivent pouvoir se consacrer pleinement à leur tâche de production : notre agriculture n'en sera que plus efficace. Quelles mesures comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour alléger les contraintes et réduire au maximum la complexité des procédures administratives ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Le triste événement que vous avez évoqué, monsieur le député, illustre la nécessité de poursuivre notre œuvre de simplification, et il reste beaucoup de travail à accomplir !

Cela étant, qu'on le veuille ou non, nous sommes dans un système économique qui est, en matière agricole, partiellement administré. Il faut avoir l'honnêteté de le reconnaître et se garder de raconter des histoires !

M. Pascal Terrasse. Ce n'est pas ce que vous disiez tout à l'heure !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. J'ai bien dit : « partiellement administré ». Une masse d'argent public assez considérable étant dirigée vers des personnes privées, des contrôles sont nécessaires - ce qui n'empêche pas que l'on doive s'efforcer de toujours faire mieux en matière de simplification. C'est d'ailleurs pourquoi, dès mon arrivé au ministère, j'ai institué un comité de simplification, qui a été installé le 8 octobre 2002 et où siègent deux représentants du Parlement. Ce comité propose des actions de simplification des lois ou des règlements en partenariat avec l'assemblée permanente des chambres d'agriculture. À ce jour, soixante-cinq mesures ont été approuvées, vingt-trois sont appliquées et dix-huit sont en passe de l'être, notamment en matière de gestion des aides animales : cette dernière réforme constitue, avec le plan de développement rural national, la plus importante avancée. D'autres mesures figurent dans l'actuel projet de loi de finances et dans le projet de loi d'habilitation, dont je donnerai quelques exemples.

Un numéro unique d'identification des exploitations, valable pour toutes les procédures, entrera en vigueur en 2005.

Les directions départementales de l'agriculture et de la forêt tiendront un dossier unique, afin d'éviter de demander à plusieurs reprises des informations déjà données par l'exploitant. Ces dernières seront centralisées à la DDA et consultables par les services demandeurs.

Le comité de simplification m'a proposé de diminuer le nombre de commissions nationales, régionales et départementales. Après une étude approfondie, j'ai décidé qu'un tiers environ des 133 instances nationales serait supprimé. À l'automne 2003, j'ai nommé auprès de moi un délégué à la simplification, afin d'éviter que la complexité ne soit produite à la source. J'ai voulu que la simplification constitue un des critères d'évaluation pour la rémunération au mérite des directeurs d'administration centrale.

M. Pascal Terrasse. Bonne idée !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Enfin, nous avons obtenu un certain nombre d'avancées : par exemple, les imprimés seront pré- renseignés. Ainsi, les agriculteurs n'auront qu'à vérifier que les indications portées sont conformes à leur situation. Cela leur évitera un travail supplémentaire.

Nous avons par ailleurs missionné les corps d'inspection du ministère pour renforcer cette action de simplification.

Voilà ce qui a déjà été fait, mais je reste bien conscient qu'il y a encore beaucoup à faire en la matière.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Monsieur le ministre, ce matin, à la tribune, j'ai évoqué la crise légumière que traverse actuellement la Bretagne, et plus particulièrement les producteurs de tomates et de choux-fleurs. Je désire revenir sur ce sujet, en y associant mon collègue Christian Ménard du Finistère.

Il s'agit d'une crise financière, mais aussi d'une crise de confiance. Monsieur le ministre, que pouvons-nous dire à ces jeunes qui ont investi, qui ont fait des efforts, et qui se trouvent aujourd'hui confrontés à des difficultés insolubles ?

Je voudrais aussi vous interroger sur les retraites agricoles. Cette législature, cette majorité, ce gouvernement pourront mettre à leur actif la mise en place de la retraite complémentaire et de la mensualisation des retraites.

Je me réjouis d'une évolution qui est intervenue lors du débat sur la première partie de la loi de finances. Du fait de la mensualisation, les anciens agriculteurs risquaient de devoir quatorze mois d'imposition. L'Assemblée, par le biais d'un amendement parlementaire, a permis qu'ils soient exonérés des deux mois supplémentaires liés à ce passage du paiement au trimestre au paiement au mois.

En matière de retraites, nous avions fixé un minimum : 75 % du SMIC et un objectif : 85 % du SMIC. Qu'en est-il aujourd'hui, alors même que le SMIC évolue ? Certes, le SMIC, un des grands acquis sociaux de notre époque, augmente de 5,8 %. Mais qu'en est-il de l'indexation des retraites ? Celle-ci est-elle confirmée ?

Toujours en matière de retraites, nous constatons des effets de seuil. Je pense en particulier au 32 ans de carrière pour la retraite complémentaire, ou aux 17,5 ans pour la retraite de chef d'exploitation. Ces effets de seuil provoquent des exclusions, et je vois défiler à ma permanence des personnes qui se trouvent juste à la limite pour bénéficier de ces droits à pension. Comment pourrions-nous faire ? Ne pourrions-nous pas envisager des formules de proratisation ou de rachat, comme le proposent les retraités de l'agriculture ? Elles permettraient de répondre à certaines situations individuelles.

Enfin, dernière question, monsieur le ministre : nous avons eu ces derniers mois un débat sur la retraite complémentaire. Il n'était pas spécifique aux retraites agricoles, mais il a tout de même un impact sur celles-ci. Où en sommes-nous donc, s'agissant des retraites agricoles ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, vous avez posé deux questions en une, justifiant largement deux réponses. Je crains d'être un peu trop allusif concernant la première. Disons que l'État a toujours été aux côtés des producteurs de choux-fleurs de Bretagne, et des producteurs de légumes en général. Bien évidemment, nous resterons à leur côtés, comme nous l'avons été au début de l'année 2004, dans un contexte très difficile.

S'agissant des retraites, où en sommes-nous concernant les 75 % du SMIC, alors que celui-ci augmente ? Et quid de l'objectif de 85 % ?

La création de la retraite complémentaire obligatoire a permis d'atteindre l'objectif d'une retraite totale équivalente à 75 % du SMIC net, pour les exploitants ayant eu une carrière complète. Les retraites sont revalorisées suivant la hausse des prix, qui correspond aussi à la hausse du SMIC annuel. Il faut en effet rappeler que les hausses actuelles du SMIC horaire correspondent à une prise en compte du passage de 39 heures hebdomadaires à 35 heures et non à une hausse du SMIC mensuel ou annuel. Donc, globalement, l'objectif d'une retraite à 75 % du SMIC sera tenu.

L'objectif d'une retraite à 85 % du SMIC doit tenir compte de l'articulation entre retraite de base et retraite complémentaire. Actuellement, les retraites de base des salariés et celles des exploitants sont identiques, mais le montant de la retraite complémentaire des exploitants et leur taux de cotisation sont la moitié de ceux des salariés. Sachant que la RCO vient d'être mise en place, il est nécessaire de réfléchir à son évolution future, toute hausse des prestations pouvant avoir des conséquence sur le montant des cotisations et celui des aides de l'État.

S'agissant des effets de seuil que vous avez soulignés, les différents plans de revalorisation des retraites et la RCO ont privilégié les carrières agricoles longues, dans un souci de maintien du caractère contributif du régime et dans un souci financier. Des durées limites ont été fixées pour l'attribution de droits sans cotisation des intéressés. Il en résulte des effets de seuil mal ressentis. Certains d'entre eux ont déjà été atténués.

Dans le cadre du groupe de travail comprenant des représentants des retraités et de la profession, cette question des seuils a été largement évoquée. Elle concerne notamment les conjoints et les veuves. Les premières simulations juridiques et financières ont été faites. Les montants financiers sont élevés, de l'ordre de plusieurs centaines de millions d'euros. Il s'agira, à l'avenir, en fonction de la situation budgétaire, de rechercher un calendrier progressif de mise en œuvre.

S'agissant enfin des réversions dans le domaine agricole, globalement, les règles sont identiques dans les régimes agricole et général. Cependant, ces règles étaient complexes, difficilement compréhensibles pour les intéressés, et elles ont donné lieu à de lourds contentieux devant les tribunaux. Des modifications importantes ont été prévues par la loi portant réforme des retraites. Cependant, le nouveau dispositif a donné lieu à des réactions négatives de la part de nombreuses organisations. C'est pourquoi le Gouvernement a demandé au conseil d'orientation des retraites de préparer un rapport permettant une meilleure adaptation de ces règles.

Tels sont, monsieur le député, les quelques éléments d'information que je peux vous donner.

M. le président. Nous en revenons au groupe socialiste.

La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, ma question, à laquelle j'associe mes collègues de la zone légumière Alain Gouriou et Maryse Lebranchu, concerne encore une fois la crise des fruits et légumes, douloureuse pour l'ensemble des producteurs.

J'ai eu l'occasion de dire ce matin que je condamnais très fermement les exactions qui ont été commises en fin de semaine dernière à Saint-Malo, Lannion et Morlaix. Pour autant, les producteurs sont désemparés. Nous avons appris qu'aujourd'hui la filière en avait appelé au Président de la République pour déclarer la consommation de fruits et légumes « grande cause nationale ». On pourrait en rire, mais cela montre l'état dans lequel se trouve cette filière.

On parle beaucoup des choux-fleurs. Mais n'oublions pas non plus la production de tomates sous serre qui, depuis quelques mois, souffre considérablement.

Est-ce un problème conjoncturel ? Oui sans doute pour certains, puisque l'effet climatique est très fort et que des récoltes ont été avancées pour cette seule raison. Mais cela devient aussi un problème structurel, lié aussi bien aux avantages que certains pays de l'Union européenne, comme l'Allemagne ou l'Espagne, tirent de main d'œuvre à bas prix, qu'aux modifications qui s'annoncent. Les différences qui ont été assumées par chaque gouvernement sur le découplage de la PAC donneront sans doute des avantages aux légumiers. Ce sera sensible dans les pays ayant opté pour un découplage total des aides européennes - l'Espagne et, dans un degré moindre, l'Allemagne. Il nous faudra donc réagir très vite.

Vous nous dites, sans doute avec raison, et je ne doute pas, monsieur le ministre, de l'ardeur de votre combat, que vous souhaitez qu'on discute enfin à Bruxelles de la gestion des situations de crise. Permettez-moi de vous dire que si nous vous soutenons très fortement, nous doutons tout de même de l'aboutissement rapide de ces discussions. En effet, on connaît les réticences de l'ancienne Commission européenne et l'on sait ce que pensent certains futurs commissaires. On peut se demander s'ils seront prêts à rajouter quelques moyens pour mettre en place des mécanismes de gestion de crise.

Mme Grybauskaite, qui sera la commissaire lituanienne à la programmation financière et au budget, a déclaré : « Je considère que la PAC est désuète et démodée. C'est une honte que près de la moitié du budget de l'Union européenne y soit consacrée ». J'imagine qu'elle sera très difficile à convaincre.

Monsieur le ministre, si vous le pouvez, j'aimerais que vous fassiez le point sur cette crise elle-même, mais surtout sur ce que l'on peut espérer, dans les mois et les années qui viennent, pour l'ensemble de ces producteurs, qui se trouvent dans une situation éminemment difficile.

Si l'Union européenne décidait de ne pas mobiliser d'argent supplémentaire, ne risque-t-on pas d'aboutir à une renationalisation des gestions de crise ? Car c'est ce qui s'est passé pendant longtemps, avec l'acceptation tacite des commissaires européens de l'époque.

(Mme Paulette Guinchard-Kunstler remplace M. Éric Raoult au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE MME PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. En vous répondant, monsieur le député, je répondrai aussi à Mme Lebranchu que vous avez citée, comme à Marc Le Fur et à Jacques Le Guen qui m'a appelé ce matin et qui ne pouvait pas être présent parmi nous. Il était dans sa circonscription, la plus concernée par la production de choux-fleurs.

M. Pascal Terrasse. Il devrait être là !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Il est avec ses producteurs. Monsieur Terrasse, vous avez mauvais esprit ! (Sourires.)

Le chou-fleur est l'un des produits phare de l'agriculture maraîchère bretonne. Avec 2 500 producteurs et 25 000 hectares, la Bretagne représente à elle seule 75 % de la production nationale. De nombreuses entreprises gravitent autour de cette activité : emballage, transport, ce qui correspond à de nombreux emplois. Ce secteur fait l'objet d'une attention toute particulière des pouvoirs publics, qui ont toujours été aux côtés des producteurs lorsqu'ils ont connu des difficultés de marché.

L'année 2004 a été particulièrement éprouvante pour le secteur légumier breton, et le chou-fleur a connu des difficultés rémanentes. Dès le printemps, le Gouvernement s'est mobilisé pour venir en aide aux producteurs touchés par la crise et leur permettre de franchir ce cap.

D'une manière plus générale, la Bretagne a connu pendant cette année, à l'instar de la quasi-totalité des régions françaises productrices de légumes, une crise importante qui a justifié une action des pouvoirs publics. J'ai donc annoncé, le 7 octobre dernier à Nantes, une série de mesures en faveur des exploitations les plus touchées.

Une première enveloppe d'aides a été débloquée. 10 millions d'euros seront consacrés à des aides directes de trésorerie sur la base de dotations attribuées aux DDA, qui les répartiront selon la situation des exploitations et selon les priorités établies en lien avec les professionnels à l'échelon départemental.

Une deuxième enveloppe de 50 millions d'euros de prêts de consolidation, sur cinq ans, à coût réduit, a été mobilisée pour venir en aide aux producteurs de fruits et légumes en difficulté financière. Ces prêts à taux bonifié bénéficieront d'un différé de remboursement d'un an, ce qui permettra d'assurer une année blanche en matière de remboursement d'emprunts bancaires. Un taux de 1,5 % permettra de tenir compte de la situation spécifique des jeunes agriculteurs et des récents investisseurs. La Bretagne bénéficiera de 30 % de cette enveloppe nationale.

Troisième axe du plan, les cotisations à la MSA ont fait l'objet d'un programme d'étalement et, pour les cas les plus graves, d'une prise en charge partielle.

L'ensemble de ces mesures sera mis en œuvre très rapidement. Tout le monde s'est déjà mis au travail. Les départements disposent d'ores et déjà des éléments permettant de lancer un premier train de mesures et une première réunion a eu lieu dans le Finistère la semaine dernière. Des instructions précises ont été données pour que les premiers paiements puissent intervenir dès le 15 décembre 2004.

J'ai décidé de compléter ces mesures conjoncturelles par un plan de 10 millions d'euros à l'ONIFLHOR pour engager des actions structurantes, qui bénéficieront à l'ensemble de la filière.

Enfin, sur le plan communautaire, je me suis battu et j'ai obtenu du commissaire Fischler la mise en œuvre d'une opération pilote pour le chou-fleur consistant à prendre en charge une partie de la différence entre le prix du chou-fleur vendu sur le marché du frais et celui vendu sur le marché de la transformation, notamment de la surgélation. L'objectif était de dégager le marché du chou-fleur frais en cas de déséquilibre entre l'offre et la demande provoquant une chute des cours.

L'opération pilote chou-fleur a été exposée pour la première fois en décembre 2003 à la Commission européenne, que nous avons beaucoup sollicitée. Je m'y suis personnellement beaucoup investi. Un avatar décisionnel a remis en cause le lancement de cette opération, prévu pour le 1er novembre. Le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin est remonté au créneau, faisant valoir au président Prodi les conséquences d'une telle volte-face, notamment sur la confiance que pourraient accorder les producteurs à la Commission. J'ai moi-même également fortement réagi dans le même sens.

Les producteurs, qui connaissent aujourd'hui de nouvelles difficultés importantes de débouchés pour le chou-fleur d'automne, ont été reçus au ministère vendredi dernier. Toutes les assurances leur ont été données sur la détermination du Gouvernement à mettre en œuvre, en tout état de cause, le dispositif prévu par l'opération pilote.

S'agissant de l'application de la nouvelle politique agricole commune, ce n'est pas le découplage en soi qui est en cause. Ainsi, un céréalier qui bénéficie des aides découplées, notamment dans le cadre d'un découplage total, n'a pas le droit de produire des fruits et légumes sur des terres auparavant cultivées en céréales. Sinon, il ne pourra plus toucher les aides découplées de la PAC.

M. Jean Gaubert. En France ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Partout dans l'Union européenne.

En réalité, la question ne se pose que pour les pays qui ont régionalisé les aides de la PAC, ce qui n'est pas le cas de l'Espagne. Seule l'Allemagne est concernée. Nous avons obtenu, en septembre 2003, à Luxembourg, qu'elle plafonne sa production au niveau d'alors, afin que cette régionalisation des aides ne produise pas un effet d'aubaine. La Commission européenne est, du reste, extrêmement scrupuleuse sur le respect de cette règle. Le commissaire Fischler a, il y a trois mois, rappelé à tous les ministres de l'agriculture les règles d'emploi des aides découplées.

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les questions.

AGRICULTURE, ALIMENTATION, PÊCHE
ET AFFAIRES RURALES

Mme la présidente. J'appelle les crédits inscrits à la ligne : « Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales ».

Je mets aux voix les crédits inscrits au titre III de l'état B. 

(Les crédits du titre III de l'état B sont adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix la réduction de crédits inscrite au titre IV de l'état B.

(La réduction de crédits du titre IV de l'état B est adoptée.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre V de l'état C.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V de l'état C sont adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre VI de l'état C.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI de l'état C sont adoptés.)

Article 71

Mme la présidente. J'appelle maintenant l'article 71 rattaché à ce budget.

Je le mets aux voix.

(L'article 71 est adopté.)

Article 72

Mme la présidente. J'appelle l'article 72 rattaché à ce budget.

Je le mets aux voix.

(L'article 72 est adopté.)

Après l'article 72

Mme la présidente. En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant trois amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 72.

Je suis saisie d'un amendement n° 98, qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 107.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement n° 98.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. L'amendement proposé a pour objet de faciliter la perception par les organismes collecteurs de la taxe fiscale affectée à l'ONIC créée par l'article 74 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2003. Pour la détermination de l'assiette de la taxe, les tonnages livrés feront l'objet d'une réfaction en fonction de leur taux d'humidité et d'impuretés. La réfaction applicable sera égale à la différence entre le taux d'humidité constaté et un taux de référence compris, pour l'humidité, entre 14 % et 15 % des tonnages livrés et, pour les impuretés, entre 0,5 % et 2,5 % des tonnages livrés, dans la limite d'un taux maximal compris entre 1 % et 3 %. La fixation des taux de référence et du taux maximal de réfaction fera l'objet d'un arrêté du ministre chargé de l'agriculture - qui en est très honoré. (Sourires.) Outre une plus grande clarté des modalités de calcul de cette taxe, le dispositif proposé doit également permettre de limiter les risques de contentieux.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan pour l'agriculture, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement et présenter le sous-amendement n° 107.

M. Alain Marleix, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan pour l'agriculture. La commission n'a pas examiné l'amendement n° 98, qui nous est parvenu ce matin. À titre personnel, j'y suis favorable, car il permet de rétablir le mode de taxation auparavant applicable aux producteurs de céréales, qui a été supprimé l'année dernière.

Le sous-amendement n° 107 tend à éviter une redondance en simplifiant la rédaction : il n'est pas utile de réécrire à l'identique dans le code général des impôts ce qui y figure déjà.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 107.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 98, modifié par le sous-amendement n° 107.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 58 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Alain Marleix, rapporteur spécial. Cet amendement ayant été adopté par la commission des finances sur proposition de M. Marc Le Fur, je propose que notre collègue défende cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. M. le président Méhaignerie est également à l'origine de cet amendement, qui concerne le lourd problème de l'équarrissage.

Jusqu'à la crise de l'ESB, cette activité ne posait pas de difficulté : les entreprises traitaient les cadavres gratuitement parce qu'elles arrivaient à valoriser les produits de l'équarrissage. Dès lors que cela ne leur a plus été possible, il a fallu les payer. Pour cela, on a imaginé une taxation, payée en fin de compte par la grande distribution, donc par le consommateur. Ce système a fonctionné pendant six ans, assurant vaille que vaille le financement du service public de l'équarrissage. Il est maintenant jugé incompatible avec les normes européennes et il nous faut en trouver un autre.

Le coût de l'équarrissage est considérable et l'amendement n'a pas vocation à résoudre l'ensemble du problème, loin s'en faut. Cela requerrait des mesures financières que l'article 40 ne nous permet pas de proposer. Nous attendons donc des initiatives gouvernementales pour sortir - et vite - de cette situation qui n'est plus tenable dans certaines filières, notamment celle du porc, dont vous êtes à l'origine, monsieur le ministre. La solution que nous proposons, le président Méhaignerie et moi-même, bien que très partielle, a tout de même le mérite d'être rapidement opérationnelle et de ne rien coûter au contribuable.

Le service public de l'équarrissage a été confié à deux entreprises privées, qui constituent un duopole. Ces entreprises collectent les cadavres en fermes et les déchets en abattoirs et sont chargées de traiter cet ensemble. L'idée serait de distinguer entre ces deux activités. La collecte en fermes continuerait de relever des deux entreprises professionnelles de l'équarrissage. Pour les déchets d'abattoirs, des abatteurs, qui aujourd'hui paient la taxe, se proposent de les transformer à des tarifs plus intéressants, ce qui permettrait de réaliser des économies substantielles. L'amendement leur offrirait la possibilité, sous le contrôle de l'administration, de sortir de la dépendance du duopole privé et de résoudre les problèmes en prenant des initiatives au cas par cas.

M. François Sauvadet. Le problème, c'est justement « au cas par cas » !

M. Marc Le Fur. Quand on n'a pas de solution globale, autant progresser en prenant les choses une par une.

Donc, monsieur le ministre, l'amendement, d'une part, soulève le problème de l'équarrissage que nous traînons depuis plusieurs mois et des réponses budgétaires que le Gouvernement pourrait y apporter et, d'autre part, propose une solution qui, à moyen terme, nous permettrait de sortir progressivement de ce duopole extrêmement redoutable dans lequel nous avons enfermé nos abatteurs et nos filières d'éleveurs.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement et en demandera le retrait.

Nous sommes bien conscients du problème que pose l'équarrissage, dont tout le monde se passerait bien : non seulement le système mis en place dans l'urgence, lors de la première crise de la vache folle, a été remis en cause par la Commission européenne, et certaines chambres régionales des comptes nous ont alertés sur de malsaines « rentes de situation » qu'il avait favorisées. Vous l'avez d'ailleurs indiqué, monsieur le député. Ce système doit donc être amélioré.

Pour autant, les modifications que vous proposez auraient pour effet de restreindre le champ du service public en excluant à l'avenir, d'une part, le traitement des déchets des abattoirs, des boucheries et des ateliers de découpe, et, d'autre part, le traitement des cadavres d'animaux morts hors de lieux d'élevage. L'amendement constitue donc une libéralisation partielle du service public, qui n'est pas acceptable en l'état, compte tenu des changements radicaux qu'il induit dans la gestion des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs. De tels changements nécessitent au préalable une large consultation de toutes les parties concernées et une évaluation de l'impact économique et sanitaire sur les filières.

Comme vous le savez, monsieur le député, deux groupes de travail associant l'ensemble des acteurs de la filière ont été créés pour apprécier la faisabilité d'une telle réforme du SPE. Ces groupes déposeront leurs conclusions à la fin du mois de novembre. D'ici à la discussion budgétaire au Sénat, le 8 décembre prochain, nous devrons trouver une solution. L'adoption de cet amendement aujourd'hui m'apparaîtrait prématurée de quelques semaines.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Comme M. le ministre vient de le dire, cet amendement pose, d'abord, un problème de fond : la modification qui est proposée de l'article L. 226-1 du code rural peut avoir des répercussions sur d'autres produits que ceux mentionnés dans l'amendement.

Ensuite, si la libéralisation de l'équarrissage est possible dans les régions comptant un nombre important d'abatteurs et où l'abattage industriel fait partie du paysage agricole, on ne peut l'envisager dans d'autres territoires où il n'existe que de petits abattoirs, qu'ils soient municipaux ou privés. Elle aurait des effets néfastes pour ces derniers.

La position du ministre est juste et nous semble appropriée en l'état actuel des discussions. Il faut attendre les conclusions des groupes de travail.

Le groupe socialiste insiste cependant sur le fait que le problème soulevé est réel et se pose, notamment, de façon aiguë en Bretagne. Il nécessite, par conséquent, une réponse rapide.

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. L'amendement de M. Le Fur a un seul mérite : il pose clairement la question du coût de l'équarrissage, à laquelle nous nous trouvons confrontés de manière récurrente.

J'ai présidé la commission d'enquête sur la vache folle et j'ai vu comment les coûts se sont envolés du fait, notamment, de l'existence de matériaux à risque et des mesures d'urgence qu'il a fallu prendre. J'ai d'ailleurs salué, à l'époque, la réponse des pouvoirs publics.

Le problème étant posé, reste maintenant à trouver la solution. Pour ma part, je ne peux accepter la proposition qui est faite car elles risque d'entraîner des distorsions importantes dans un monde où la concurrence est déjà très forte. Vous savez dans quelle situation difficile se trouvent nombre de petits abattoirs. Ils rendent des services de proximité, mais sont soumis à des charges exorbitantes.

Nous devons avoir pour objectif de garantir à tous les abatteurs et, plus généralement, à toute la filière de transformation, une certaine équité et solidarité, y compris territoriale. J'observe que les abattoirs moyens se sont prononcés en faveur d'une formule qui garantit cette équité. Le mot est très important car, derrière, se profile la notion de service public. Il faut donc être très prudent.

La position de M. le ministre me paraît très sage. Des groupes de travail ont été constitués, sous l'autorité du ministère de l'agriculture, pour étudier la question et la sagesse est donc d'attendre leurs conclusions.

La question du duopole et des opérateurs devra également être soulevée. Il faudra mettre en lumière les situations d'abus de position dominante et de quasi-monopole afin d'y mettre fin. Je connais bien, moi aussi, le problème, monsieur Le Fur. Je sais que les prix sont imposés aux exploitants, et parfois même du jour au lendemain ! Il faudra mettre tout cela au clair.

Tout en reconnaissant à l'amendement le mérite d'avoir posé le problème, le groupe UDF ne le votera pas.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Simon.

M. Yves Simon. Il s'agit d'un sujet très délicat et j'attends les propositions des groupes de travail .

Au-delà de la question du financement, il faut considérer les publics visés : les producteurs, les abattoirs et les équarrisseurs. Pour ces derniers, la première crise a eu lieu en 1996, époque à laquelle nous avons commencé à faire équiper les établissements de chaînes spécifiques à bas et haut risque. Ces équipements, très lourds, ont fait disparaître les petits abattoirs. Puis, nous avons demandé aux plus grands abattoirs, qui avaient récupéré les petits, de se mettre aux normes tous risques puisqu'il n'y avait plus de possibilité du tout de récupérations. Il a fallu aussi trouver des solutions pour éliminer les farines animales et nous avons dû faire appel aux cimenteries.

Nous comprenons que les abattoirs, qui connaissent aujourd'hui des difficultés pour se faire payer la taxe d'équarrissage songent à traiter eux-mêmes. Mais posons-nous la question de l'environnement. Pour avoir dans ma circonscription un centre d'équarrissage important, je puis vous dire qu'elle n'est pas simple. Je me souviens d'un cas où des matières grasses de combustion incommodaient les riverains. En outre, si nous laissons les centres d'équarrissage traiter eux-mêmes le problème, il est clair, comme ils sont en pleine période d'amortissement de leurs investissements - et j'en connais qui ont investi jusqu'à 80 millions de francs ! - qu'ils répercuteront leurs charges sur la collecte des cadavres et sur les petits abattoirs qui, eux, ne pourront pas traiter eux-mêmes.

M. Pascal Terrasse. C'est vrai !

M. Yves Simon. Cela pose un dilemme.

On nous propose donc une solution de facilité qui pourrait être lourde de conséquences. Comme le nerf de la guerre, c'est le financement, nous devons déterminer qui doit payer. Est-ce une charge qui protège les consommateurs et la santé humaine ou est-ce une charge qui doit être imputée aux producteurs ?

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison.

M. Michel Raison. Je remercie nos collègues Le Fur et Méhaignerie d'avoir posé la question du coût de l'équarrissage, mais ils peuvent retirer cet amendement puisque les groupes de travail vont travailler sur le sujet.

Je fais partie de l'un d'eux et je participerai mercredi à une réunion consacrée aux déchets. Je compte également me rendre à la séance plénière qui, je le dis avec une pointe d'humour, aura lieu la veille de la Sainte-Catherine qui, comme tout le monde le sait, est la fête du petit cochon avec un sifflet dans le derrière... (Rires.)

Pour être plus sérieux, j'insiste sur le fait que le problème soulevé par MM. Le Fur et Méhaignerie est important. Comme la question est essentiellement financière, il va falloir trouver le moyen de disloquer le monopole et de réduire le coût, actuellement exagéré, de l'équarrissage.

Merci encore à nos collègues d'avoir posé la question. Nous allons nous inspirer de cet amendement dans la réflexion qui va avoir lieu dans les groupes de travail.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Monsieur Sauvadet, on demande aujourd'hui à des abattoirs moyens de verser une taxe d'équarrissage supérieure à leurs résultats. Cela ne peut pas durer. C'est précisément pour mettre fin à ces aberrations que cet amendement a été proposé.

Je ne prétends pas avoir la solution. Je dis seulement que celle-ci doit cesser de passer par une situation de double monopole, situation qui nous a été imposée par les circonstances.

M. François Sauvadet. Sur ce point, nous sommes d'accord !

M. Marc Le Fur. On parle de « service public » mais, en fait, le service est assuré par deux monopoles privés qui se considèrent comme des interlocuteurs et des points de passage obligés. Ne tordons donc pas les mots ! Si Pierre Méhaignerie et moi-même avons déposé cet amendement, c'est pour résoudre les problèmes des petits et moyens abattoirs qui sont totalement dépendants de ce duopole.

Je conçois que, pour éviter les distorsions entre régions, on puisse imaginer une certaine mutualisation.

M. François Sauvadet. Ah !

M. Marc Le Fur. Il n'empêche que nous devons ouvrir la fenêtre et permettre la mise en œuvre de solutions qui se révéleront plus adaptées localement. C'est l'objet de l'amendement !

Quant aux risques sur l'environnement, tout se fera sous le contrôle de l'administration, qui préférera, à n'en pas douter, s'adresser aux interlocuteurs concernés plutôt qu'à un partenaire obligé.

Sur l'analyse, monsieur le ministre, nos positions me semblent très proches. J'ai pris note du calendrier : au 8 décembre, nous devrions avoir des solutions en matière de financement.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Oui !

M. Marc Le Fur. Nous pourrions étudier diverses solutions dans l'esprit de cet amendement, dont la déductibilité de la charge d'équarrissage au titre de la TVA. Un cinquième du problème pourrait être résolu par ce biais ! J'ai déjà participé à un groupe de travail sur cette question : je mesure la complexité de l'exercice, mais aussi l'urgence qu'il y a à résoudre le problème. Nous ne contenterons pas indéfiniment d'analyses pertinentes. Il faudra bien, à un moment donné, que soient prises des décisions, aussi difficiles soient-elles.

Au vu de votre calendrier, je retire mon amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 58 rectifié est retiré.

Je suis saisie d'un amendement n° 97, sur lequel deux sous-amendements, n°s 105 et 106 ont été déposés.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, pour soutenir l'amendement n° 97.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. La loi de finances rectificative pour 2002 a créé un droit sur les indications géographiques protégées - IGP - au bénéfice de l'Institut national des appellations d'origine - INAO - par souci d'égalité avec les productions sous appellation d'origine contrôlée - AOC - déjà soumises à un droit depuis de nombreuses années. Mais la mise en œuvre de cette nouvelle disposition a montré que l'objectif d'équité n'était pas complètement atteint. L'amendement a pour objet de mettre fin à cette rupture d'égalité en étendant l'assiette de ce droit à l'ensemble des produits sous IGP, que l'appellation IGP soit octroyée ou en cours de validation.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial pour donner l'avis de la commission des finances sur l'amendement n° 97 et défendre les deux sous-amendements n°s 105 et 106.

M. Alain Marleix, rapporteur spécial. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission des finances. Il me paraît très utile dans la mesure où il apporte une précision et rétablit l'équité entre les exploitants. J'y suis donc, à titre personnel, tout à fait favorable.

Les deux sous-amendements n°s 105 et 106 sont de forme. Le premier propose une simplification rédactionnelle. Il ne me semble pas utile, en effet, de reprendre dans le code rural ce qui y figure déjà. Le second permet simplement de respecter la hiérarchie des normes. Il n'est pas souhaitable, en effet, de viser un article réglementaire spécifique dans une disposition législative.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux sous-amendements ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Le Gouvernement est favorable aux deux sous-amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n°105.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n°106.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 97, modifié par les sous-amendements adoptés.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente. Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

    3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

Mme la présidente. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Rapport, n° 1863, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Enseignement supérieur :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 29, de M. Michel Bouvard, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan ;

Avis, n° 1864 tome 9, de Mme Corinne Marchal-Tarnus, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot