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Deuxième séance du mardi 16 novembre 2004

57e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

CRISE IVOIRIENNE

M. le président. La parole est à M. Axel Poniatowski, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Axel Poniatowski. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Il y a dix jours, neuf soldats français étaient lâchement tués par surprise à Bouaké, sous le feu de l'aviation ivoirienne. Depuis, la Côte d'Ivoire s'enflamme peu à peu et nos ressortissants quittent en masse le pays, abandonnant, pour beaucoup, tout ce qu'ils ont.

La résolution prise hier soir par les Nations unies à l'initiative de la France laisse un mois aux différents acteurs de la crise pour relancer le processus de paix, tandis qu'un embargo sur les armes prend effet immédiatement. Dans ce contexte, la tâche exemplaire des militaires français de l'opération Licorne, appuyés par ceux de l'ONU, reste immense puisqu'ils doivent à la fois assurer la sécurité de nos ressortissants, organiser les évacuations, protéger l'ambassade de France, faire face à une foule souvent haineuse dans la rue et s'interposer entre les belligérants. Ces derniers jours, on est passé d'une confrontation ivoiro-ivoirienne entre le Nord et le Sud du pays à un affrontement entre la Côte d'Ivoire et la France.

Les manipulations de Laurent Gbagbo, qui excelle dans l'art du double langage, devraient faire réfléchir tous ceux qui, dans cette assemblée, lui portent encore quelque sympathie, car l'honneur et l'engagement de la France sont en jeu.

Monsieur le Premier ministre, au-delà des nécessaires opérations militaires actuellement en cours et du constat qu'il faudra bien faire de la mort annoncée des accords de Marcoussis, quelles sont les pistes politiques envisagées pour l'avenir de la Côte d'Ivoire, quand on sait que la guerre actuelle va bien au-delà d'un simple affrontement tribal - on y retrouve, en effet, tous les ingrédients religieux, économiques et ethniques de l'opposition entre deux territoires bien distincts ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Poniatowski, je vous remercie d'avoir commencé par rendre hommage à nos soldats, victimes d'une agression caractérisée alors qu'ils étaient en mission, au nom des organisations internationales, pour défendre la paix.

La cérémonie en leur honneur, aux Invalides, le 10 novembre, en présence du chef de l'État, a été pour la nation un moment d'une intense émotion, pour lequel l'ensemble du pays a souhaité exprimer un message de solidarité nationale. Je voudrais associer à cet hommage l'ensemble de nos forces du dispositif Licorne qui, vous l'avez dit, participent avec sang-froid et dévouement à la protection de nos ressortissants et de nombreux ressortissants étrangers, et ainsi au retour à la paix civile, que nous appelons de nos vœux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nos compatriotes en Côte d'Ivoire ont subi des épreuves difficiles, de très nombreux drames personnels qui ont touché au plus profond de leur âme des Françaises et des Français. Le chef de l'État a dit à quel point cela était inacceptable. Qu'ils soient assurés de notre solidarité nationale.

Aujourd'hui, la situation sur le terrain est un calme très précaire, mais je dois vous faire part de mon inquiétude quand j'entends des discours et des déclarations qui vont jusqu'à mettre en cause la réalité de l'agression dont nos soldats ont été l'objet.

L'action de la communauté internationale est forte et la France se félicite du vote à l'unanimité de la résolution 1572, hier, aux Nations unies. Je précise pour la représentation nationale le contenu très important de cette résolution de l'Organisation des Nations unies : elle impose, d'abord, un embargo immédiat sur les livraisons d'armes ; elle définit, ensuite, des sanctions qui seront imposées à ceux qui, d'un côté ou de l'autre, persisteront dans la voie de la violence ; elle exige, enfin, qu'il soit mis un terme - et j'attire votre attention sur cet aspect très important de la résolution - aux émissions de la radiotélévision ivoirienne incitant à la haine et à l'intolérance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Ces émissions ne sont pas innocentes de la violence qui a touché nos compatriotes.

Ce matin, après le vote de la résolution, le Président de la République a appelé chacune des parties à une véritable relance du dialogue, dans laquelle nous sommes engagés.

Outre la paix en Côte d'Ivoire, le Gouvernement a une autre priorité : la mobilisation pour l'accueil de nos compatriotes qui ont choisi de rentrer en France.

Je salue la mobilisation de tous - fonctionnaires, services de l'État, mais aussi organisations non gouvernementales comme la Croix-Rouge, le Secours catholique et le Comité d'entraide. 1 760 personnes ont pu bénéficier d'un hébergement provisoire. Elles ont été reçues avec le maximum de convivialité et de générosité. Près de 7 000 personnes ont pu être rapatriées grâce aux nombreux avions affrétés par la République et par nos partenaires européens, ainsi que par les entreprises. Cette mobilisation fait honneur à notre pays.

Il faut, enfin, maintenir cette attention envers les Françaises et les Français qui, revenant de Côte d'Ivoire, attendent de notre pays non seulement un accueil chaleureux, mais aussi une capacité d'insertion sociale et économique. Je sais que vous y serez tous très attentifs dans vos circonscriptions.

La paix en Côte d'Ivoire, l'insertion de nos compatriotes de retour au pays : telles sont les deux priorités du gouvernement de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

SITUATION EN POLYNÉSIE FRANÇAISE

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour le groupe socialiste.

M. Christian Paul. Monsieur le Premier ministre, dans ce moment de grave tension internationale, la France et votre Gouvernement peuvent-ils s'offrir le luxe d'une crise durable sur le sol français, en Polynésie ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cette crise porte atteinte, en effet, à l'image de la France et fait offense à notre démocratie.

Monsieur le Premier ministre, les conditions sont aujourd'hui réunies pour organiser des élections générales en Polynésie. Vous en avez le droit, conformément au statut de ce territoire. Nous constatons tous, chaque semaine, le blocage des institutions locales : vous en avez donc aussi le devoir, pour préserver la paix civile. Chaque jour perdu et chaque manœuvre accroissent l'amertume et les peurs, et donc les risques d'affrontement.

Pendant des semaines, vous avez refusé tout geste d'apaisement. Aujourd'hui, nous dit-on, le Gouvernement invite enfin les responsables polynésiens à Paris et n'exclut plus l'organisation d'élections générales. Nous vous en donnons acte, mais nous demandons sincérité et clarté dès aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, pour qu'un dialogue utile et républicain puisse s'engager dans quelques jours. Seule une initiative politique, et tout d'abord la dissolution de l'Assemblée de Polynésie, peut dénouer cette crise.

Dans votre majorité, monsieur le Premier ministre, et jusqu'au plus haut niveau de cette assemblée, beaucoup de voix s'élèvent pour s'étonner de ces tergiversations et demander la même chose que nous. Quand votre Gouvernement donnera-t-il enfin un signe réel de compréhension et d'apaisement ? Quand allez-vous annoncer la dissolution de l'Assemblée de la Polynésie française ? Comment ferez-vous respecter l'impartialité indispensable à la préparation des élections générales en Polynésie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer. (Huées sur les bancs du groupe socialiste. - Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le député, le Gouvernement a une politique constante en Polynésie. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Nous n'avons cessé de dire, et j'ai moi-même écrit à M. Temaru dès le 7 octobre, qu'il était indispensable d'attendre la décision du Conseil d'État pour savoir si les élections du 23 mai, que vous n'avez cessé de qualifier d'historiques et de légitimes, devaient ou non être annulées. Or le Conseil d'État vient de décider d'annuler ces élections dans la seule circonscription où M. Temaru était arrivé de justesse en tête, avec moins de 400 voix d'avance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cette décision est un cuisant désaveu pour vos positions. Pour vous permettre d'en tirer toutes les conséquences, je vous rappelle en outre qu'il s'agit là de la sixième décision de justice qui donne raison à toutes les analyses juridiques du Gouvernement et rejette toutes les positions défendues par les indépendantistes.

J'ai toujours répondu à ceux qui réclamaient la dissolution que je ne voyais pas d'objection de principe à ce que les Polynésiens retournent aux urnes (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste), mais qu'ils devaient y retourner sur une base légale. La légalité, en effet, n'est pas un carcan, mais le cadre nécessaire des rapports politiques et sociaux dans une démocratie. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Comme je viens de le proposer, je souhaite rencontrer l'ensemble des forces politiques représentées à l'Assemblée de Polynésie, pour que nous puissions ensemble, dans le dialogue et la sérénité, examiner toutes les conséquences juridiques de cette annulation partielle des élections de Polynésie - qui n'étaient donc pas si légitimes que vous le prétendiez.

M. René Dosière. Et la marche du 16 octobre ?

Mme la ministre de l'outre-mer. Il nous faudra ensuite, toujours dans le dialogue et la sérénité, examiner dans quelles conditions juridiques pourraient être organisées d'éventuelles élections générales. Cette éventualité suppose, je le rappelle, que soient remplies deux conditions : qu'un large consensus se dégage et que nous trouvions les bases juridiques permettant d'organiser ces élections.

À l'heure actuelle, les conditions légales prévues par l'article 147 du statut de la Polynésie, pour la dissolution ne sont toujours pas réunies. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous comprendrez donc, monsieur Paul, que je réserve mes commentaires aux élus de la Polynésie, que je rencontrerai la semaine prochaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

PRÉVENTION DU SURENDETTEMENT

M. le président. La parole est à M. Gilles Artigues, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Gilles Artigues. Monsieur le Premier ministre, la semaine dernière, le ministre de l'économie a annoncé des mesures en faveur des clients de banques, soumis à des tarifs excessifs. Tout en saluant cette avancée, nous pensons que le Gouvernement devrait aussi se préoccuper de l'épineuse question des crédits à la consommation.

Nous recevons tous dans nos permanences des familles surendettées, qui se retrouvent dans des situations catastrophiques. La prévention est préférable à la réparation, qui s'exprime par différentes procédures, dont celle du rétablissement personnel.

Les établissements de crédit, qui par ailleurs s'octroient des marges plus que confortables, ont souvent des attitudes douteuses, que le groupe UDF a souvent dénoncées par des propositions rarement reprises par le Gouvernement. Notre position est pourtant claire : si ces sociétés ne s'assurent pas de la solvabilité de leurs clients et abusent de leur crédulité, elles ne peuvent pas réclamer ensuite le remboursement des crédits.

Monsieur le Premier ministre, le ministre de l'économie pourrait-il, parmi les dernières décisions qu'il aura à prendre à Bercy, ouvrir la voie à ce principe de responsabilisation, qui est à la fois simple et juste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)


M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Artigues, la prévention du surendettement et des drames que vous avez rappelés est une de nos priorités. Votre assemblée a voté la loi du 1er août 2003 sur le rétablissement personnel, celle que Jean-Louis Borloo a appelée « la loi de la deuxième chance ». La représentation nationale a ainsi considérablement renforcé la protection du consommateur et a fait progresser le traitement du surendettement.

Mais vous avez raison : les banques ont une responsabilité importante dans la prévention du surendettement. Elles doivent exercer leur devoir de conseil, qui implique de prendre des renseignements utiles sur la situation du débiteur au moment de l'offre de crédit. Sinon, elles s'exposent à un risque important, y compris vis-à-vis du juge. Celui-ci prononce généralement la déchéance des intérêts. Dans le cadre de la procédure du surendettement, il peut également décider d'un traitement différencié des créanciers en fonction de leur comportement passé. La possibilité d'une remise partielle ou intégrale des dettes dans ce cadre est d'ailleurs une sanction pour les créanciers de bonne comme de mauvaise foi.

Cela veut dire, monsieur Artigues, que les banques doivent prendre les renseignements nécessaires en amont. Vous l'avez dit et nous le leur avons rappelé encore récemment. Mais il faut aussi que les emprunteurs soient responsabilisés, car nous ne devons pas traiter nos concitoyens comme des assistés.

J'ajoute qu'une vérification parfaite de la solvabilité, comme vous le souhaitez, impliquerait la création d'un fichier des débiteurs, la fixation d'un taux d'endettement normatif. Ce sont des mesures, vous en conviendrez, qui sont difficiles à accepter.

Enfin, je tiens à rappeler que, dans le cadre du plan de cohésion sociale, Jean-Louis Borloo a fait en sorte que la créance locative soit privilégiée par rapport à la créance bancaire. Vous le voyez, dans le domaine du surendettement, notre majorité et le Gouvernement ont agi. Mais nous pouvons ensemble accomplir encore des progrès dans les semaines à venir. Nous y travaillons avec le ministre de l'économie et des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

MAINTIEN DU POUVOIR D'ACHAT DES FONCTIONNAIRES

M. le président. La parole est à M. Gilbert Biessy, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Gilbert Biessy. Monsieur le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État, en réponse à une question écrite sur la rémunération des fonctionnaires et agents publics, vous me répondiez, en juillet 2004, que « le maintien du pouvoir d'achat des agents de la fonction publique demeure un engagement fort du Gouvernement. » Trois mois ont passé et, par son attitude, le Gouvernement tourne le dos à cet engagement. De ce fait, sept fédérations de fonctionnaires expriment leur colère et exigent l'ouverture de négociations, avec de véritables propositions portant sur le pouvoir d'achat des agents. Contrairement à ce que vous voulez nous faire croire avec vos fameuses « progressions moyennes », les fonctionnaires ne sont pas des nantis ! L'affichage d'une moyenne ne reflète en aucun cas la réalité ; elle occulte précisément la situation des plus démunis et des plus précarisés, 40 % des fonctionnaires n'ayant pas de revalorisation catégorielle ni personnelle !

Les salariés de la fonction publique, à qui vous avez supprimé un jour férié, n'ont connu qu'une revalorisation de leur rémunération : à peine 0,5 % pour 2004, après 0 % pour 2003, alors que l'inflation dépasse chaque année les 2 %. Jusqu'à preuve du contraire, monsieur le ministre, la base de rémunération dans la fonction publique s'effectue sur la valeur du point d'indice : il a perdu 5 % depuis le 1er janvier 2000.

Vous avez ouvert des discussions avec les représentants des fonctionnaires, mais vous n'avez inscrit aucun crédit dans le budget 2005. Cette attitude est méprisante pour la fonction publique. Intégrer dans le maintien du pouvoir d'achat l'ancienneté et les promotions de valeur, dont bénéficient tous les salariés de ce pays, revient à nier purement et simplement l'évolution de carrière. Cette attitude est inacceptable et contraire à la valorisation du service public.

Monsieur le ministre, allez-vous enfin ouvrir rapidement de véritables négociations en vue d'assurer le maintien du pouvoir d'achat des salariés et des personnels retraités ? C'est une exigence pour préserver l'image et le rôle nécessaire de la fonction publique dans notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État.

M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Monsieur le député, lorsque l'on est fonctionnaire et que l'on s'interroge, tout à fait légitimement, sur l'évolution de son pouvoir d'achat,...

M. Maxime Gremetz. Ah oui ! Il fout le camp !

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ...que regarde-t-on ? Les chiffres que vous venez d'asséner ou sa feuille de paye ? (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) On regarde sa feuille de paye. Et celle des fonctionnaires a augmenté en moyenne, depuis 1994, de 4 % par an (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), sous l'effet de trois éléments : les décisions individuelles d'avancement, les mesures catégorielles et les mesures générales. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Gilbert Biessy. Et la carrière ?

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. 4%, c'est plus que l'inflation.

Il est vrai, monsieur le député, que, comme toute moyenne, celle-ci dissimule des écarts. J'ai indiqué aux organisations syndicales que j'étais tout à fait prêt à examiner la situation des fonctionnaires les plus mal lotis, en particulier celle des fonctionnaires qui sont arrivés au terme de leur carrière indiciaire et de ceux qui perçoivent de bas salaires. Ce sera donc un des éléments dont nous pourrons discuter.

Mais un dialogue social réaliste suppose également des revendications réalistes. Savez-vous ce que représentent aujourd'hui les demandes de certaines organisations syndicales ?

M. Maxime Gremetz. Oui, nous le savons !

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. 10 milliards d'euros ! Il faudrait, pour les satisfaire, augmenter la TVA de 7 %, ou augmenter la taxe sur l'essence de 50 %, ou encore augmenter l'impôt sur le revenu de 20 %. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Pensez-vous que cela soit raisonnable aujourd'hui de prélever 10 milliards d'euros sur le pouvoir d'achat de l'ensemble des Français ? Nous devons revenir à un dialogue social réaliste. C'est le sens de la lettre que j'ai envoyée aux organisations syndicales, dans laquelle je leur propose d'ouvrir, dès le 8 décembre, sur la base de propositions concrètes, les négociations salariales. Et je suis sûr que le bon sens finira par l'emporter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

DÉMOGRAPHIE MÉDICALE

M. le président. La parole est à M. Pascal Ménage, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Pascal Ménage. Monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, après une longue période de croissance, le nombre de médecins en France commence à diminuer. Cette décroissance s'accélérera progressivement au cours des dix prochaines années, aboutissant à une diminution de 20 à 30 % des effectifs, tandis qu'il y aura un vieillissement de la profession. Cette situation préoccupante est clairement démontrée et analysée dans le rapport Berland.

Parallèlement, ce rapport met en évidence des déséquilibres démographiques importants et des évolutions hétérogènes.

Il y a un déséquilibre quant à la répartition géographique des médecins sur le territoire, avec des écarts affectant en particulier le Centre, les Pays de Loire et le Nord-pas-de-Calais, mais également, de façon générale, au détriment des zones rurales. Enfin, on constate un autre déséquilibre entre le nombre de médecins généralistes et celui des médecins spécialistes.

Des évolutions variables selon les spécialités sont observées. Je pense notamment aux spécialités chirurgicales, qui ont connu en dix ans une baisse de plus de 10 % de leurs effectifs.

Cette situation, qui n'a malheureusement pas été anticipée au cours des précédentes législatures, entraîne déjà de graves difficultés dans certains secteurs, nuisant notamment à la permanence des soins en milieu rural. À titre d'exemple, dans mon département de l'Indre-et-Loire, plus de 600 médecins, sur un effectif de 2 400, partiront en retraite sans que la plupart d'entre eux puissent passer le relais.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur les propositions et les mesures attractives que vous comptez mettre en place pour infléchir cette évolution et pour maintenir au plus haut ce qui compte le plus pour nos concitoyens : la qualité de la médecine française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Docteur Pascal Ménage (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste), vous connaissez bien le sujet.

Premièrement, je vous informe que le doyen Berland m'a remis son rapport hier soir. Il fait un constat très simple : la démographie médicale est aujourd'hui très préoccupante. Et vous avez raison de le souligner. Il divise l'avenir en trois périodes : jusqu'en 2007, il y aura une équivalence entre le nombre de nouveaux médecins et celui des départs à la retraite ; entre 2008 et 2015, la différence sera considérable, avec beaucoup plus de départs en retraites que d'installations de nouveaux médecins au point qu'en 2014 et en 2015, il y aura chaque année 8 000 départs à la retraite pour 5 500 nouveaux médecins. C'est la raison pour laquelle j'ai, avec François Fillon, proposé l'augmentation du numerus clausus, qui est passé de 5 200 à 6 200 et, l'année prochaine, nous espérons 7 000 étudiants en deuxième année de médecine. Après 2015, grâce au numerus clausus, il y aura donc un rattrapage.

Deuxièmement, la disparité géographique est bien réelle. Il y a aujourd'hui des déserts médicaux français. C'est pourquoi nous souhaitons la création d'une Commission nationale de la démographie, et je demande au doyen Berland de la présider, aux côtés d'autres doyens, de médecins libéraux, d'internes, de chefs de clinique. Nous en attendons des propositions dans les trois mois. Je souhaite en particulier, à titre personnel, que l'on revienne sur le concours classant et validant pour toute la France, afin d'organiser des concours interrégionaux et commencer ainsi à pallier la désertification médicale française.

Enfin, il y a aussi le problème des médecins généralistes. Il faut les garder dans les hôpitaux de proximité et dans les hôpitaux locaux en augmentant le nombre de praticiens hospitaliers à temps partiel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Édouard Landrain. Très bien ! Bravo !

EXÉCUTION DES CONTRATS DE PLAN ETAT-REGIONS

M. le président. La parole est à M. Jacques Bobe, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Bobe. Ma question s'adresse M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

L'ensemble des élus constate des difficultés dans l'exécution du douzième contrat de plan Etat-régions, notamment pour son volet routier. Je le constate moi-même en Poitou-Charentes, malgré un co-financement très important Etat-région-département et l'impérieuse nécessité d'aboutir.

Il est vrai que la responsabilité du gouvernement Jospin est largement engagée...

Un député du groupe socialiste. Pipeau !

M. Jacques Bobe. ...puisque dès les premières années du douzième contrat de plan, alors que M. Gayssot était ministre de l'équipement, des retards très importants avaient été constatés. Aucun mécanisme de report des crédits d'une année sur l'autre n'avait d'ailleurs été envisagé à l'époque.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas vrai !

M. Jacques Bobe. Pouvez-vous, monsieur le ministre, s'agissant du volet routier des contrats de plan, nous préciser les dispositions qui seront mises en œuvre pour la fin 2004 et pour l'année 2005 ? Il est, en effet, essentiel que les services de l'État, en région et dans les départements, dans les collectivités territoriales concernées, puissent programmer à l'avance études et travaux.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur Bobe, vous avez raison, il faut jouer la transparence dans cette affaire. Et ce n'est pas, bien entendu, une question partisane. Les contrats de plan ont pris du retard en 2000 et la conjoncture économique morose des années suivantes n'a pas permis, il faut le dire, de rattrapage. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Mais dès que nous avons constaté une relance de la croissance, le Premier ministre, dans sa grande sagesse (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), a décidé d'ouvrir de nouveaux crédits pour financer le volet routier des contrats de plan. Ainsi, j'ai pu confirmer hier les annonces du Premier ministre de la semaine dernière, à savoir : 300 millions d'euros d'autorisations de programme et 150 millions d'euros de crédits de paiement pour le volet routier dans la loi de finances rectificative 2004. Cela, monsieur le député, va considérablement accélérer le rattrapage des contrats de plan, lequel va se traduire par une amélioration de la vie quotidienne de nos concitoyens dans leurs déplacements, par plus d'outils au service de la sécurité routière, par une meilleure compétitivité de nos entreprises, qui ont besoin d'une voirie de qualité. En même temps, ce rattrapage va soutenir l'activité des travaux publics qui, vous le savez, avec la construction, a créé 20 000 emplois en 2004, à peu près comme en 2003.

Dans une Europe qui s'élargit, il faut que la France conserve sa place, celle d'un État qui sait accueillir, mais aussi celle de plaque tournante et de pays de transit. Il faut que nous conservions les meilleures infrastructures d'Europe. Nous maintiendrons notre première position. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)


VOLET FERROVIAIRE DES CPER

M. le président. La parole est à M. Maxime Bono, pour le groupe socialiste.

M. Maxime Bono. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

Monsieur le ministre, aujourd'hui même s'ouvre à la Porte de Versailles le Congrès des maires de France. Je ne reviendrai pas sur le désarroi de certains d'entre eux, et je pense bien sûr à ceux de la Creuse, de l'Ardèche, de la Charente, qui ont su vous le signifier samedi dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Alors que le budget des transports, votre budget, a été adopté hier par votre majorité, bien des élus et des usagers constatent que, sur le terrain, la situation des services de transport s'aggrave.

M. Francis Delattre. C'est vrai !

M. Maxime Bono. En 2004, en raison du mauvais état des voies ferrées, la SNCF a dû ralentir la vitesse de ses trains sur 800 kilomètres de voies. En 2005, c'est sur 1 500 kilomètres supplémentaires que la vitesse sera réduite, parce que leurs traverses sont trop usées pour permettre aux TER modernes dont se sont dotées les régions d'y circuler correctement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés UMP. Qu'avez-vous fait ? Une traverse de chemin de fer ne s'use pas en deux ans !

M. Maxime Bono. Pour les régions qui ont payé des TER neufs et rapides à la SNCF, ce n'est pas autre chose qu'un marché de dupes.

M. Jean-Paul Charié. Et c'est à cause de nous, bien sûr !

M. Maxime Bono. Mais les maires, les élus et les usagers sont aussi inquiets parce que partout des projets de suppressions de trains Corail sont annoncées, et ce parce que vous ne donnez plus à la SNCF les moyens d'accomplir sa mission de service public. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Enfin, ils le constatent, hélas ! tous les jours, partout aussi des chantiers sont arrêtés. Les projets inscrits dans les contrats de plan État-régions ne parviendront pas à rattraper le retard que les gels de crédits que vous avez décidés chaque année leur ont fait prendre. Vous le savez bien, à ce jour, seuls 27 % des contrats sont réalisés en matière ferroviaire. Notre collègue Augustin Bonrepaux vous l'a maintes fois répété, au rythme actuel des crédits que vous y consacrez, c'est avec un retard de sept ans que ces travaux se termineront.

M. Richard Mallié. La question !

M. Maxime Bono. J'évoque à peine la situation du transport urbain : vous avez purement et simplement coupé les ailes à tout projet nouveau en supprimant les crédits d'accompagnement aux transports en commun en site propre, lesquels concernent en particulier les tramways.

Alors, monsieur le ministre, ma question est simple : pensez-vous obtenir du successeur de M. Sarkozy qu'il rompe avec la pratique de son prédécesseur et qu'il cesse de privilégier la fiscalité des plus riches pour enfin nous doter d'un réseau de transports digne de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur Bono, n'hésitez pas à dire aux maires que vous rencontrez que si certaines de nos infrastructures ferroviaires sont dans l'état que vous avez décrit, et qui est réel, ce n'est pas à des décisions de court terme qu'on le doit, mais à la politique que vous avez menée pendant cinq ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Et jamais, jamais on n'aura consacré autant de moyens au transport ferroviaire que depuis deux ans : 10 milliards d'euros pour le transport ferroviaire, dont 800 millions pour le fret.

M. Bernard Roman. Mensonge ! C'est incroyable !

M. le président. Monsieur Roman !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Vous avez beaucoup parlé du fret ferroviaire, vous n'y avez pas consacré d'argent.

Et je vais même vous dire une chose, monsieur Bono : lorsque je suis arrivé à la tête de mon ministère, j'ai fait faire un audit par l'inspection générale des finances et par le Conseil général des ponts et chaussées. Cet audit, conduit par des hauts fonctionnaires, a relevé que parmi toutes les promesses que vous aviez faites, 15 milliards de mesures afférentes n'étaient pas financés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Et vous, qu'avez-vous fait ? C'est cela la question !

M. le président. Monsieur Bonrepaux, calmez-vous !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Nous, nous assurerons la mise en place, le 1er janvier 2005, de l'Agence de financement des infrastructures de transport, dont les recettes comprendront les dividendes des sociétés d'autoroutes et les redevances domaniales. Ainsi, toutes les promesses que nous avons faites au cours du CIADT du 18 décembre 2003 seront honorées. C'est cela, la différence entre vous et nous ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Vous n'avez pas répondu à la question !

TÉLÉVISION NUMÉRIQUE TERRESTRE

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Hamelin, pour le groupe de l'UMP.

M. Emmanuel Hamelin. Ma question s'adresse à M. le ministre de la culture et de la communication.

Le Premier ministre a récemment rendu son arbitrage relatif à la télévision numérique terrestre, qui, depuis de longs mois déjà, faisait l'objet d'un débat entre des positions divergentes sur les normes de compression - MPEG2 ou MPEG4 -, ainsi que sur l'utilisation de la simple ou de la haute définition.

Ce débat, pour intéressant qu'il soit, était un débat d'initiés, portant sur des aspects très techniques. Les Français n'ont pas tout à fait compris quel était leur intérêt, quels étaient les avantages qu'ils pouvaient retirer de la télévision numérique terrestre.

Le Gouvernement a donc arbitré en faveur de la norme de compression MPEG2, déjà utilisée en Europe et dans le monde pour la télévision numérique. Ce choix permet le lancement de quatorze chaînes gratuites à partir du mois de mars. En cela, il respecte le calendrier qui avait été initialement prévu et défendu par un certain nombre de nos collègues, ce dont tout le monde peut se réjouir.

Cette décision permettra en effet, dès le mois de mars prochain, d'offrir aux Français quatorze nouvelles chaînes de télévision gratuites, sans abonnement, moyennant seulement l'achat d'un adaptateur. Cela va évidemment modifier considérablement le paysage audiovisuel français, qui ne compte aujourd'hui que cinq chaînes hertziennes gratuites.

Quelques questions restent malgré tout en suspens.

La première a trait à la pédagogie dont le Gouvernement va user pour informer les Français sur l'accès qui leur sera offert à cette télévision numérique terrestre à partir du mois de mars, pour qu'enfin le sigle TNT n'évoque plus seulement un explosif mais bien plutôt la « télévision numérique pour tous », comme l'a très justement dit le président Baudis.

Une autre question porte sur l'arbitrage que le Gouvernement doit rendre au sujet des chaînes payantes. Va-t-on conserver la norme de compression MPEG2 déjà utilisée pour les chaînes gratuites, ou va-t-on utiliser la norme MPEG4 et la haute définition ?

M. le président. Mon cher collègue, posez votre question, s'il vous plaît.

M. Emmanuel Hamelin. Quand - et j'en termine, monsieur le président - le Gouvernement annoncera-t-il sa décision en ce qui concerne les chaînes payantes, et quand aura lieu le lancement initialement prévu en septembre 2005 ?

Tels sont, monsieur le ministre, les points sur lesquels je souhaite que vous nous apportiez l'éclairage du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, si vous connaissez parfaitement ce dossier, l'ensemble de nos concitoyens, eux, ont été troublés par les chantres du malheur, qui se situent sur la gauche de l'hémicycle. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste.) Ils pronostiquaient l'apocalypse et n'ont fait qu'entretenir la confusion.

Grâce à la décision prise le 8 novembre par le Premier ministre en concertation avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel, les Français qui nous regardent aujourd'hui à la télévision et qui peuvent capter cinq chaînes hertziennes gratuites, vont se voir offrir, à partir du 1er mars prochain, quatorze chaînes gratuites.

M. Bernard Deflesselles. Bravo !

M. Jean-Claude Lefort. Seulement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Pour ce faire, la seule contrainte sera d'acheter un adaptateur, une sorte de prise multiple. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Pourquoi y a-t-il eu des débats ? Parce que le Gouvernement et le Conseil supérieur de l'audiovisuel, dans un domaine où la technologie évolue extraordinairement vite, ont voulu qu'il soit procédé à toutes les vérifications techniques nécessaires. Pour les chaînes gratuites, c'est donc une norme utilisée dans tous les pays de l'Union européenne qui a été retenue.

Le Premier ministre est maintenant confronté à une deuxième décision. Il la prendra avant Noël concernant les chaînes payantes.

Plusieurs députés du groupe socialiste. S'il est encore là !

M. Maxime Gremetz. Il faut faire vite !

M. le ministre de la culture et de la communication. Et là encore, c'est le souci de la vérification des perspectives technologiques et du service rendu qui sera le seul critère de décision. Pour ce faire, le Gouvernement, en liaison avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel, ainsi qu'avec des experts, prendra une décision qui n'aura qu'un seul objectif : faire en sorte que nos concitoyens aient une offre audiovisuelle élargie, grâce au progrès rendu possible par l'évolution de la technologie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La chaîne de l'Assemblée nationale fera donc partie de ces chaînes gratuites. (Sourires.)

DÉCENTRALISATION

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Morisset, pour le groupe de l'UMP.

M. Jean-Marie Morisset. Monsieur le ministre délégué à l'intérieur, une nouvelle opération de désinformation vient d'être lancée par le parti socialiste au sujet de la décentralisation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) En effet, hier, à la veille du Congrès des maires de France, rassemblant quelque mille élus locaux, deux secrétaires nationaux du parti socialiste ont présenté un Livre noir de la casse territoriale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) pour dénoncer la politique de décentralisation engagée par le Gouvernement. Cette opération politicienne n'est qu'une offensive partisane et mensongère jouant sur les craintes de certains élus locaux. Et pour « renforcer » leur propos, ils avancent des sondages selon lesquels les élus locaux auraient du vague à l'âme et seraient très inquiets face à la décentralisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Or, d'autres sondages disent exactement le contraire.

N'entrons pas dans la polémique (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste), mais précisons les faits. Mon expérience d'élu de terrain, comme celle de beaucoup d'élus locaux, me permet de confirmer qu'il existe une réelle attente en matière de décentralisation, de la part de l'ensemble des acteurs qui font vivre nos collectivités territoriales. Cette attente est grande, mais elle est aussi exigeante, notamment en matière de financement et de ressources. Le Gouvernement a justement répondu à cette attente en inscrivant dans la Constitution la garantie des transferts de ressources, au contraire de ce qu'a pu faire le parti socialiste en son temps. Et je songe tout particulièrement au financement de l'allocation personnalisée d'autonomie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ce matin, vous avez réaffirmé, monsieur le ministre, que la décentralisation serait financée à l'euro près. Pouvez-vous, devant la représentation nationale, préciser de nouveau quelle est la politique de décentralisation du Gouvernement, et pouvez-vous nous faire part de votre sentiment sur la campagne démagogique menée par l'opposition ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'intérieur.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, je peux comprendre que les maires expriment quelques inquiétudes. Ils ont été très largement traumatisés par ce qu'on leur a fait subir à la fin des années quatre-vingt-dix. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ils n'ont pas oublié comment, du jour au lendemain, on leur a demandé d'appliquer les 35 heures dans leurs administrations territoriales, sans financement. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Augustin Bonrepaux. Allez le leur dire !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Ils n'ont pas non plus oublié comment les ministres des finances de l'époque, M. Strauss-Kahn puis M. Fabius, qui écrivent aujourd'hui des « Livres noirs », avaient rayé d'un trait de plume 14 milliards de recettes fiscales pour les transformer en dotations, niant ainsi l'autonomie financière. Et puis, ils ont vu leurs collègues des conseils généraux se faire imposer d'en haut l'allocation personnalisée d'autonomie, sans financement complémentaire, l'ardoise pure et simple ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Lorsque nous avons eu à traiter ce dossier de la décentralisation, lequel, il est vrai, ne faisait pas l'objet en 2002 d'une opposition entre la gauche et la droite, car chacun y allait de son enthousiasme, nous avons eu à cœur que plus jamais cela n'arrive. Voilà pourquoi nous avons modifié la Constitution, pour que plus jamais aucun transfert de compétences ne se fasse sans que les ressources correspondantes suivent, à l'euro près. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Voilà pourquoi nous avons institué l'autonomie financière, avec un plancher de ressources fiscales garanti aux communes par la loi organique.

M. André Chassaigne. C'est faux !

M. François Liberti. Ce n'est pas vrai, et les maires le savent !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Voilà pourquoi, enfin, nous avons créé une commission consultative d'évaluation des charges qui vérifiera, parce qu'elle est composée d'élus, que les transferts de compétences sont bien financés, à l'euro près.

Monsieur le député, notre travail est finalement, assez simple. Il consiste à entendre le message des Français, qui nous disent à longueur de journée qu'ils veulent une administration efficace sur le terrain. Voilà pourquoi nous décentralisons, en nous efforçant d'informer, d'expliquer et de convaincre. Et dans ce domaine, croyez-moi, j'ai de l'énergie à revendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

ÉGALITÉ TERRITORIALE

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste.

M. François Brottes. « Plus jamais ça », nous dit M. le ministre Copé. Justement, les maires sont en train de faire leurs comptes, et je pense que le résultat ne décevra personne, en tout cas pas le Gouvernement. À cet égard, l'heure est peut-être venue de vous lire un extrait de ce fameux Livre noir.

Monsieur le Premier ministre, je ne vous interrogerai pas sur les dangers de la privatisation du nucléaire français, que vous venez de décider. Je ne vous interrogerai pas sur la remise en cause de la loi de 1905, fondement laïque des valeurs de notre République, que veut remettre en cause le nouveau chef de votre majorité. Je ne vous interrogerai pas sur la précarisation généralisée des contrats de travail (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), conséquence de l'assouplissement des règles de licenciement, que vous allez prochainement faire voter.


Privatisation, précarisation et pacte républicain, monsieur le ministre, ma question («Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) porte sur les effets néfastes des privatisations de services publics, de la suppression des postes de fonctionnaires qui induisent une précarisation des territoires ruraux et fragiles et remettent en cause une autre de nos valeurs fondamentales : l'égalité des chances ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Très bien !

M. François Brottes. Peut-être entendrez-vous, tout à l'heure, le maire d'une petite commune vous dire : « Ils pourraient au moins attendre que les vieux meurent pour fermer le bureau de poste ! » (« C'est nul ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

C'est une forme d'indignation dans la résignation qu'il exprimera ainsi (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. le président. Mes chers collègues !

M. François Brottes. ...une angoisse et une lassitude, qu'elle soit fondée ou non ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. S'il vous plaît !

M. François Brottes. Pour tous les services publics, pour toutes les missions de l'État, c'est une véritable crise de confiance entre le pouvoir d'en haut et le pouvoir d'en bas ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est une rupture du contrat (Mêmes mouvements) parce que les engagements, les finances et les moyens de l'État sont en panne ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, il y a des territoires où l'on ne raisonne pas en kilomètres, mais en temps de trajet pour aller à l'école ou retirer de l'argent. Il y a des territoires sans médecin et sans infirmière. Il y a des quartiers où l'on fait la queue pendant des heures pour retirer quelques euros parce que l'on n'a pas de carte bancaire. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, arrêtez de hurler !

M. François Brottes. Il y a des territoires où la concurrence n'apportera ni baisse des tarifs ni amélioration de l'offre parce que ces territoires ne sont pas rentables ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, l'égalité des chances, l'égalité des droits, ce n'est pas seulement une question d'argent (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) mais aussi d'ambition républicaine.

M. le président. Je vous remercie de bien vouloir poser votre question, monsieur Brottes !

M. François Brottes. J'y viens, monsieur le président.

M. le président. Alors, Posez-la maintenant !

M. François Brottes. Est-ce que seuls les territoires rentables, les Français rentables, voire les maires rentables (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ont droit à la considération de votre gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. André Chassaigne. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'intérieur.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, je regrette que, sur un tel sujet qui nous engage tous, on en soit réduit à une telle démagogie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Idiart. Vous n'avez rien compris !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Le combat pour maintenir le service public sur tout le territoire n'appartient pas plus à un camp qu'à un autre ! C'est le combat de tous les élus locaux, de tous les responsables de l'action publique, et nous devons le mener ensemble. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Dans ce domaine, rien n'est pire que les fausses solutions. C'est M. Jospin qui a suspendu en 1998 le moratoire sur la fermeture des services publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Qu'avez-vous fait ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Sur ces sujets, monsieur Brottes, il est bien facile à un ancien ministre des finances, un week-end, de venir de Paris dans le Cantal pour donner le sentiment qu'on s'en occupe ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. C'est nul !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Le combat est beaucoup plus difficile que cela ! Voilà pourquoi nous honorons nos engagements financiers en augmentant de 20 % la dotation de solidarité rurale ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Voilà pourquoi, avec la loi rurale proposée par Hervé Gaymard, ici dans cet hémicycle, nous allons donner aux préfets les moyens d'organiser la concertation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et de préserver sur tout le territoire un service public efficace, mais aussi moderne, monsieur le député ! Car le but, c'est que la nation puisse toujours proposer sur l'ensemble du territoire des services publics adaptés aux besoins ! En certains endroits, il faudra innover. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues ! Taisez-vous !

M. le ministre délégué à l'intérieur. La maison de service public permettant d'offrir à tous les Français les mêmes services publics sera le défi des années à venir ! Pour cela, croyez-moi, on a aussi besoin de vous pour faire non de la démagogie, mais des propositions concrètes. Vous verrez que l'on y arrivera ensemble ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

EMPLOI DES PERSONNES HANDICAPÉES

M. le président. La parole est à M. Gérard Weber, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Gérard Weber. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées.

La huitième édition de la Semaine nationale pour l'emploi des personnes handicapées se tient depuis hier et jusqu'au 20 novembre. Elle donnera lieu à nombre de forums, de débats, de conférences, de visites d'entreprises, mais aussi d'animations mettant en lumière le parcours de handicapés dont la réussite professionnelle est exemplaire. Ce seront plus de 150 manifestations en métropole, aux Antilles et à la Réunion. A l'heure actuelle, si près de cinq millions de personnes en âge de travailler déclarent souffrir d'un handicap en France, seulement 643 000 travaillaient fin 2003, cependant que 245 000 chercheraient un emploi, soit 7,1 % des demandeurs d'emploi. Parmi ces demandeurs d'emploi handicapés, 41 % sont au chômage depuis plus d'un an, contre 30 % pour l'ensemble des chômeurs et 27 % sont âgés de cinquante ans ou plus.

Pouvez-vous, madame la ministre, nous indiquer les mesures d'accompagnement qu'entend prendre le Gouvernement en faveur de l'embauche des travailleurs handicapés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux personnes handicapées. Vous avez raison, monsieur le député Weber, les handicapés restent particulièrement touchés par le chômage, notamment de longue durée. La seule mention « COTOREP » sur un curriculum vitae rend l'emploi et l'accès à l'entretien d'embauche extrêmement difficiles, voire inaccessibles. À cet égard, je salue avec vous l'intérêt de cette huitième édition de la Semaine nationale pour l'emploi des personnes handicapées. Plus que jamais, monsieur le député, le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin se mobilise sur cette question. Il le fait aussi bien au travers du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées en incitant les entreprises à embaucher des personnes handicapées, sauf à voir leur cotisation Agefiph fortement majorée, qu'au travers de l'action sur le terrain en sollicitant essentiellement les fonctions publiques. Dès le 18 novembre, en présence de mon collègue Renaud Dutreil, un colloque « Management et handicap » mobilisera les fonctions publiques. Des pactes territoriaux, des objectifs, des engagements d'emploi de personnes handicapées seront signés vendredi à Bar-le-Duc.

Grâce à ces pactes territoriaux consolidés les uns aux autres, nous voulons réduire de 20 % en un an le taux de chômage des personnes handicapées. Ce sera la traduction directe de l'objectif du Premier ministre en la matière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

SERVICE PUBLIC ET TERRITOIRES RURAUX

M. le président. La parole est à M. Bernard Pousset, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Pousset. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire.

Les services publics ont pour mission essentielle d'assurer l'accès de tous aux prestations sans discrimination sociale ou géographique. Ils sont aussi, par le rôle qu'ils jouent auprès de tous nos concitoyens, les garants d'un lien social fort et important, surtout dans nos territoires ruraux. Cependant, ils doivent s'adapter aux nouvelles demandes des Français, à leur mode de vie, et se moderniser face au développement des transports et des nouveaux modes de communication. Aujourd'hui, l'implantation géographique traditionnelle des services publics ne répond plus toujours aux besoins de la population. Nous devons donc reconstruire l'égalité d'accès à ces services pour renouer avec les principes fondateurs. De nombreuses initiatives locales montrent que des solutions sont à chercher du côté des mises en réseaux, regroupements, points multiservices, maisons de services et services à domicile. L'opposition actuelle l'avait d'ailleurs compris, lorsqu'elle était au pouvoir et avait esquissé un semblant de réorganisation des services postaux et des perceptions. Démagogique, elle tente de renier aujourd'hui ses propres choix.

Quelles mesures allez-vous prendre, monsieur le secrétaire d'État, pour permettre une meilleure organisation territoriale des services publics en milieu rural tout en privilégiant la réponse aux besoins des usagers ? Il est nécessaire de rassurer les élus locaux en garantissant le maintien des services publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire.

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'État à l'aménagement du territoire. Monsieur le député de l'Indre, le Gouvernement partage votre opinion. Nous devons adapter nos services publics aux réalités d'aujourd'hui : nouveaux moyens de communication, nouveaux modes d'expression, évolution des souhaits des populations rurales et, enfin, nouvelles contraintes de certaines entreprises publiques liées à l'ouverture au marché européen.

Nous devons donc adapter notre mission de service public à ces réalités nouvelles sans aucune démagogie. À cette fin, nous devons connaître les besoins du terrain en consultant les acteurs locaux que sont les associations d'usagers et les élus locaux. Nous devons tous exiger la concertation qui, dans le passé, n'a sûrement pas toujours été le maître mot, mais un vain mot. Aujourd'hui - Jean-François Copé l'a rappelé dans une précédente réponse - le projet de loi sur le développement des territoires ruraux, qui viendra en deuxième lecture en janvier, impose une concertation autour du préfet, représentant de l'État dans les départements, avant toute décision de restructuration et donc de fermeture. D'ores et déjà, le Gouvernement a demandé aux préfets que l'esprit de la loi prévale. Aujourd'hui, aucune restructuration ne doit être décidée sans un débat préalable sur l'avenir des services concernés dans nos territoires ruraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Maurice Leroy.)

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

    2

LOI DE FINANCES POUR 2005

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

LOGEMENT (suite)

M. le président. Nous poursuivons l'examen des crédits du ministère de l'emploi, du travail, de la santé et de la cohésion sociale, concernant le logement.

Ce matin, l'Assemblée a commencé la phase des questions.

Nous poursuivons avec des questions du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

La parole est à Mme Chantal Bourragué.

Mme Chantal Bourragué. Monsieur le ministre délégué au logement et à la ville, l'effort prévu cette année dans le budget du logement est remarquable. Le dernier congrès HLM, pour la première fois depuis des années, a été apaisé : cela traduit la reconnaissance par tous les professionnels des efforts exceptionnels accomplis par votre gouvernement pour résorber l'insupportable crise du logement, due à l'immobilisme des années Jospin.

Il est absolument nécessaire de fluidifier le parc social et d'assouplir la chaîne du logement. Faciliter l'accession des Français à la résidence principale, c'est satisfaire leur vœu le plus cher, car un loyer, pour eux, est un investissement à fonds perdus. Pour répondre à leur attente, il nous faut sécuriser l'accession sociale.

Vous le savez, sans action sur le logement, les efforts en faveur de l'égalité des chances sont vains. Le logement constitue d'ailleurs un élément essentiel du projet de loi pour la cohésion sociale en cours d'examen, dont l'un des volets importants demeure le renforcement du dispositif de prêt à taux zéro en vue de faciliter l'accession sociale. Je pense aussi que la revente des logements HLM aux locataires peut apporter une réponse appropriée aux attentes.

Toutefois, pour développer réellement l'accession sociale, il faudrait aussi décompter parmi les logements sociaux pour la solidarité urbaine les logements en accession bénéficiant de l'APL. Pouvons-nous espérer qu'une mesure allant en ce sens figurera dans la loi relative à l'habitat pour tous que vous préparez ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au logement et à la ville.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville. Madame la députée, je vous remercie d'avoir souligné que le Gouvernement avait l'ambition de relancer fortement l'accession sociale à la propriété - cela a d'ailleurs été longuement commenté ce matin.

Je ne reviens pas sur l'ouverture à l'ancien du prêt à taux zéro, qui rendra ce dispositif plus social et plus familial, puisque nous en débattrons vendredi dans cette enceinte.

J'insiste en revanche, madame la députée, sur la location-accession. Nous avons créé, en mars, un dispositif fiscal, complété par le Sénat dans le projet de loi pour la cohésion sociale, ramenant la TVA au taux de 5,5 % et ouvrant droit à une exonération de TFPB pendant quinze ans. La location-accession, vous le savez, donne à ses bénéficiaires des garanties de rachat et de relogement et les prémunit contre les accidents éventuels de la vie.

Nous sommes donc bien engagés dans une grande politique qui tend, d'une part, à doubler le nombre de primo-accédants aidés et, d'autre part, à proposer un dispositif de location-accession qui était attendu depuis longtemps tant par les bailleurs que par les particuliers.

Vous posez également une question relative à l'article 55 de la loi SRU. Je sais que nombre d'amendements seront déposés sur ce sujet lors de l'examen du projet de loi de programmation financière pour la cohésion sociale, mais je n'ai pas l'intention d'ouvrir le débat dans ce cadre. Certes, il convient de trouver un nouvel équilibre, avec des mesures plus coercitives vis-à-vis des maires qui ne font pas d'effort en matière de logement social et des mesures plus incitatives pour ceux qui en construisent, et nous devrons débattre un peu de l'assiette de l'article 55. Mais nous le ferons dans la loi habitat pour tous, après une large concertation avec les associations d'élus locaux, de manière à trouver les voies d'un consensus sans perdre de vue l'objectif : augmenter la production de logement locatif dans notre pays pour résoudre la crise de l'offre.

M. le président. La parole est à M. Yves Coussain.

M. Yves Coussain. Monsieur le ministre, comme l'ensemble de mes collègues, je note avec satisfaction l'augmentation des moyens accordés à l'ANAH, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, tant en crédits de paiement qu'en autorisations de programme. Je souligne que les subventions de l'Agence ont une fonction particulièrement importante en milieu rural, où elles conditionnent de nombreuses rénovations.

Toutefois, dans certains secteurs, un rattrapage s'impose vraiment. Ainsi, dans mon département, le Cantal, l'enveloppe totale consacrée au logement locatif et au logement des propriétaires occupants, pour 2004, est de 2 735 000 euros, contre 3 520 000 en 2002. Les conditions d'accès s'en trouvent considérablement durcies. Or, cette année, deux OPAH - opérations programmées
d'amélioration de l'habitat - importantes vont démarrer, dont une, en particulier, dans l'agglomération aurillacoise. Elles susciteront de nouvelles demandes et rendront par conséquent nécessaire une augmentation notable de l'enveloppe départementale. À combien celle-ci s'élèvera-t-elle ? Je me permets de vous rappeler au passage le rôle de levier que jouent les subventions de l'ANAH dans le dispositif logement des zones de revitalisation rurale : seules les acquisitions immobilières suivies dans les deux ans de rénovations impliquant l'ANAH ouvrent droit à une exonération de foncier bâti pendant quinze ans.

Ma deuxième question est plus générale, mais tout aussi importante : où en est-on, monsieur le ministre, de la suppression du plafond de ressources pour l'accession à un logement conventionné donnant droit à l'APL ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Monsieur le député, votre question est importante. Ayant fréquenté cette maison pendant un certain temps, il m'a été donné d'entendre nombre de députés, sur tous les bancs, intervenir en faveur d'une revalorisation des crédits de l'ANAH. Vous avez vu que nous y sommes puisque nous avons prévu, dans la loi de programmation financière pour la cohésion sociale, d'accroître les autorisations de programme de 70 millions d'euros en 2005 et de 140 millions d'euros en 2006. La dotation du Cantal, initialement fixée à 2 335 000 euros, a fait l'objet, dans un premier temps, d'un amendement de 0,4 million d'euros, qui reste nettement insuffisant, vous l'avez souligné, eu égard aux besoins de ce département et notamment à ceux liés aux OPAH rurales.

Compte tenu des crédits dont nous disposons, je peux d'ores et déjà vous dire que le conseil d'administration de l'ANAH a donné un avis favorable sur l'augmentation de 7,65 % de ses crédits. Cela concerne la programmation pour 2005, mais, compte tenu des perspectives que je viens de vous annoncer pour l'année suivante, je pense que nous serons en mesure d'effectuer une montée en charge progressive suffisante pour répondre favorablement dès 2006 à l'ensemble des besoins que vous identifiez, notamment ceux concernant l'amélioration de l'habitat rural, sans oublier l'objectif de cent nouvelles OPAH rurales fixé par le CIADT de septembre 2003. En outre, dans la loi relative au développement des territoires ruraux, nous avons prévu - et vous l'avez souligné - que les maires des communes situées en ZRR puissent exonérer de TFPB pendant quinze ans les propriétaires de logements subventionnés par l'ANAH, ceux-ci s'engageant alors à conclure une convention APL avec l'État.

Quant à votre seconde question, j'y répondrai dans le cadre de la loi habitat pour tous.

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Monsieur le ministre, vous lancez une politique du logement social très hardie et très courageuse puisque vous avez pour ambition de porter le nombre annuel de constructions de 40 000 à 90 000 en 2005, et même de réaliser 500 000 logements au cours des cinq prochaines années, soit un quasi-doublement du rythme de construction.

Je ne peux que vous féliciter d'une telle ambition, qui répond à une nécessité : les ménages les plus défavorisés, notamment, ont encore du mal, dans notre pays, à trouver un logement décent.

Néanmoins, il ne faut pas sous-estimer les risques d'une telle politique. D'abord, certaines collectivités locales se montrent indéniablement réticentes à accueillir de nouveaux logements sociaux. Par ailleurs, les efforts que vous envisagez d'accomplir dans le cadre de la loi SRU et de ses différentes modifications suffiront difficilement. Enfin, le financement complémentaire nécessitera également un effort.


En dehors des crédits d'État et des prêts principaux de la Caisse des dépôts et consignations qui vous sont d'office assurés, il faut réaliser le financement complémentaire des opérations qui représente, en moyenne, de 20 à 30 % de leur montant.

Certes, il y a les fonds propres des organismes, mais ils sont déjà soumis à de fortes ponctions par les opérations courantes. Il y a également les financements qui viennent soit de l'association foncière du logement, c'est-à-dire du 1 % logement, soit des collectivités locales, chacune de ces deux parts représentant environ 7 %.

Ces financements seront fortement sollicités dans les prochaines années pour répondre au rythme de construction de logements sociaux auquel vous souhaitez parvenir. Comment comptez-vous vous y prendre ? Selon quel rythme ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Comme d'habitude, monsieur Auberger, vous posez les bonnes questions, en l'occurrence sur la manière de mettre en adéquation les objectifs et les moyens.

Vous avez vu, dans la loi de programmation pour la cohésion sociale, que nous prévoyons 2,370 milliards d'euros en autorisations de programme et 2,761 milliards en crédits de paiement, ce qui nous permettra, d'une part, de résorber un retard, qui ne date pas d'aujourd'hui mais est devenu inacceptable, quant à la dette HLM et, d'autre part, de changer radicalement de culture et de méthode en procédant non plus opération par opération mais en finançant un programme.

Vous avez, monsieur le député, insisté à juste titre sur le « carburateur » un peu complexe qui résulte des différentes lois adoptées, en particulier la loi de décentralisation. Ainsi, l'argent de la Caisse des dépôts joue un rôle fondamental dans les crédits et les prêts à taux bonifiés qui alimentent notre programme. Les bailleurs sociaux, quant à eux, nous ont écrit qu'ils estimaient que les moyens étaient au rendez-vous et qu'ils pouvaient tenir le pari que nous prenions ensemble. Les collectivités locales participent également, à condition, bien sûr, qu'elles aient des terrains et qu'elles veuillent construire. Il y a aussi l'État et, vous avez eu raison de l'évoquer, le 1 % logement.

Nous avons négocié et signé, à la fin du mois d'octobre, une convention avec le monde du 1 % logement. Il est loin le temps où l'État faisait ses fins de mois avec cette ressource ! Il n'y a plus un euro qui n'en parte vers des crédits destinés au logement ou à la rénovation urbaine. Il faut le souligner, car les partenaires sociaux qui y cotisent se sont révélés pour nous des alliés dans cette affaire.

Il existait, hier, ce que l'on appelait le « milliard plus » qui abondait les plans de relance de la construction du locatif social. Nous avons demandé que l'on passe à un équivalent de 450 millions de prêts à taux bonifié. Après négociation, dans un calcul actuariel, nous avons obtenu l'équivalent en subventions. Désormais, 210 millions d'euros de subventions iront abonder chaque année le plan de cohésion sociale, en plus de ce qu'y consacrera la Caisse des dépôts et consignations, de ce qu'y mettront en fonds propres les bailleurs et de l'apport des collectivités territoriales.

Par conséquent, avec cette révolution culturelle dans la méthode, avec la loi de programmation financière et avec l'apport des différents partenaires, nous pensons disposer des moyens nécessaires pour atteindre nos objectifs.

M. le président. La parole est à M. Jacques Houssin.

M. Jacques Houssin. Monsieur le ministre, vous avez présenté, la semaine dernière, les améliorations que le Gouvernement souhaite apporter au prêt à taux zéro. Je me réjouis de cette grande réforme de l'accession sociale à la propriété qui permettra d'aider 240 000 ménages à devenir propriétaires, contre moins de 100 000 actuellement.

Pour beaucoup de nos concitoyens, l'acquisition d'un logement est, en effet, synonyme d'une plus grande sécurité pour l'avenir et elle répond à la volonté de transmettre un patrimoine. L'accession sociale à la propriété revêt également un intérêt majeur pour la collectivité, car elle permet une plus grande rotation dans le parc locatif, à l'heure où nous connaissons une crise du logement très profonde.

Pour que cette réforme porte pleinement ses fruits, il convient donc que le nouveau prêt à taux zéro soit distribué le plus largement possible. Or ce dispositif doit son succès en grande partie à sa simplicité et à l'avantage qu'il procure aux ménages pour ce qui est de l'apport personnel.

Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que le nouveau prêt à taux zéro fonctionnera de la même façon que l'actuel et qu'il pourra être aussi largement diffusé ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Merci, monsieur Houssin de me poser cette question qui me redonne l'occasion d'insister sur le fait - je l'ai déjà dit en réponse à une question d'actualité - que nous ne changeons pas fondamentalement le prêt à taux zéro. J'avais utilisé l'image d'une voiture : nous conservons la même carrosserie, mais nous dopons le moteur, en ouvrant le prêt aux logements anciens et en le rendant plus social et plus familial.

Un pouvoir solvabilisateur augmenté de 12 % pour tous les ménages, un an d'amortissement supplémentaire pour les ménages les plus modestes : le PTZ sera réellement plus social. Un apport substantiel en fonction de la taille de la famille, laquelle n'était pas prise en compte jusqu'ici : il sera réellement plus familial. Quant à l'attribution pour l'acquisition d'un logement ancien, tous ceux qui vivent dans de grandes agglomérations ou en région parisienne le savent bien, elle ne doit pas être subordonnée à des conditions de travaux, sous réserve, évidemment, que les logements répondent aux normes de confort et qu'ils soient décents ; il faut, en effet, répondre à l'inquiétude entre autres des jeunes, qui ne peuvent plus accéder à la propriété dans les grandes zones urbaines.

C'est donc ce projet que nous présenterons, vendredi soir, au Parlement, avec un « carburant » différent puisqu'il s'agira d'un carburant fiscal : un crédit d'impôt sur cinq ans, au lieu d'une subvention sur deux ans. Mais la mécanique, je vous le confirme, monsieur Houssin, sera la même : l'État compensera ce qui est l'équivalent de l'apport personnel, dans les mêmes conditions qu'il le faisait pour le prêt à taux zéro ancienne formule, et les conditions d'attribution seront inchangées.

Je le répète, il s'agit d'un prêt à taux zéro renouvelé, dopé, plus social, plus familial, et ouvert à l'ancien, mais, comme le demandaient les banques, les élus locaux et les parlementaires, il garde la même carrosserie.

M. le président. Nous passons aux questions du groupe socialiste.

La parole est à M. Maxime Bono.

M. Maxime Bono. Monsieur le ministre, ma question concerne les économies d'énergie dans le domaine du logement.

La réduction drastique des crédits de l'ADEME - 28 % des moyens d'intervention ont été gelés - remettrait, semble-t-il, en cause les aides que les opérateurs de logements HLM pouvaient obtenir pour des opérations innovantes ou pour la mise en œuvre de certains modes de production d'énergie. Je pense en particulier au chauffage solaire.

Votre ministère reprendra-t-il à son compte au moins une part de ces interventions qui, si elles n'étaient pas déterminantes dans l'acte de construire, avaient au moins le mérite de constituer un encouragement pour les opérateurs qui choisissaient les solutions les plus économes en énergie ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Oui, monsieur Bono, nous devons mener une réflexion sur l'aspect qualitatif et sur l'objectif de développement durable en matière de logement. Nous souscrivons à cette idée. J'ai souhaité que, en 2005, nous consacrions une partie des Assises nationales du logement à une telle réflexion. Il faudra, à cet égard, bien montrer la cohérence des différents dispositifs résultant de la loi climat et des différentes lois concernant la construction.

Il y aura donc une réflexion sur ce sujet, mais je ne peux pas poursuivre tous les objectifs en même temps, monsieur Bono ! Le ministère du logement ne peut pas se substituer à l'ADEME. Cependant, les PALULOS peuvent nous permettre quelques interventions dans ce domaine et nous pouvons inscrire clairement, dans le cahier des charges des bailleurs sociaux, cet objectif de développement durable.

Des projets arriveront, d'ici à la fin de l'année, qui mettront en perspective et en cohérence l'ensemble des textes relatifs aux économies d'énergie. Pour ma part, en tant que bâtisseur, je prévois les moyens qui nous permettront, face à la crise du logement, d'aller de l'avant. Vous verrez que le ministère du logement, qui est aussi celui de la construction, répondra à votre question, avec précision, au milieu de l'année prochaine.

M. le président. La parole est à M. Daniel Boisserie.

M. Daniel Boisserie. Monsieur le ministre, le « prêt à taux zéro plus », c'est surtout l'extension à des ménages moins modestes et l'élargissement à l'immobilier ancien. Ces deux points ne soulèvent pas d'indignation chez le professionnel du bâtiment que je suis, bien au contraire.

En revanche, je m'inquiète du flou qui entoure ce dispositif. Le rapporteur a évoqué ce matin une « décote ». De quoi s'agit-il exactement ?

Il a été dit aussi que l'exonération d'impôt sur le foncier bâti de quinze ans serait prolongée. Qu'en est-il exactement ?

Je ne reviendrai pas sur l'excellente intervention qu'a faite M. Le Bouillonnec ce matin, mais il est inacceptable que ce nouveau PTZ ne soit pas ouvert à tous ceux, et ils sont nombreux, qui sont déjà propriétaires, usufruitiers ou simplement titulaires d'un droit d'usage et d'habitation.

Alors qu'il suffisait d'élargir et d'améliorer l'actuel PTZ, vous avez fait le choix de faire supporter les frais financiers à ceux qui constitueront la future majorité législative.

Par ailleurs, les taux des prêts destinés à une acquisition immobilière n'ont cessé de baisser depuis quelques années et ils sont actuellement d'à peine 4 %. Le différentiel avec le PTZ s'en est trouvé diminué d'à peu près 50 %. Pourquoi, au vu de l'augmentation forte des prix du bâtiment, ne pas abonder le montant du PTZ, puisque son coût pour l'État a été fortement réduit par la baisse des taux ?

Je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir éclairer sur ce sujet la représentation nationale, bien sûr, mais aussi tous les accédants à la propriété et les professionnels du bâtiment.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Monsieur le député, je ne peux pas accepter que vous nous fassiez un procès d'intention alors que, visiblement, vous méconnaissez le dispositif que nous présentons, et alors que le gouvernement que vous avez soutenu n'a rien fait, entre 1997 et 2001, pour revaloriser ou modifier le barème du prêt à taux zéro, lequel a été inventé, je vous le rappelle, par Pierre-André Périssol. Notre dispositif se situe dans la même ligne. Je le redis pour la énième fois : c'est le même prêt à taux zéro ; nous l'ouvrons à l'ancien ; et si nous instituons une décote, c'est parce qu'il y a, comme chacun sait, une différence de prix entre le neuf et l'ancien. La décote sur le montant du PTZ sera de 10 % en zone A, de 20 % en zone B et de 25 % en zone C.

Contrairement à ce que vous prétendez, notre objectif essentiel n'est pas d'augmenter le plafond de ressources...

M. Daniel Boisserie. Je n'ai pas dit ça !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. ...mais de rendre ce prêt plus social. Ainsi, examinez attentivement le dispositif et vous verrez une augmentation de 12 % de son montant et des différés d'amortissement supplémentaires pour les ménages les plus modestes.

Monsieur Boisserie, reconnaissez que le prêt à taux zéro se trouve singulièrement amélioré. S'il est diffusé, comme nous l'espérons, par les banques, et s'il est bien expliqué par les élus locaux sur le terrain, il devrait permettre un doublement du nombre de bénéficiaires, alors même que nous connaissons une crise grave du logement.

M. Maxime Bono. Ce n'était pas la question !

M. Daniel Boisserie. Je ne faisais nullement de la démagogie !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Vous avez émis toute une série de critiques sur un dispositif qui constitue la plus grande réforme entreprise depuis dix ans - depuis Pierre-André Périssol - en matière d'accession sociale à la propriété ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en revenons au groupe UMP.

La parole est à M. Jacques Le Guen.

M. Jacques Le Guen. Le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, que l'Assemblée nationale examinera la semaine prochaine, prévoit que, pour les années 2005 à 2009, des crédits supplémentaires seront affectés à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, afin de financer la réhabilitation de 200 000 logements à loyer conventionné ou réglementé, et de contribuer à la remise sur le marché locatif de logements vacants.

Je me réjouis, comme mon collègue, Yves Coussain, de cette hausse programmée des moyens budgétaires de l'ANAH. Chacun sait le rôle essentiel qu'elle joue dans le développement du parc locatif privé et dans la rénovation de l'habitat ancien. Toutefois, les crédits d'intervention de cet organisme ont été marqués par de nombreuses variations au cours des deux derniers exercices et des inquiétudes sur le niveau des moyens accordés aux délégations départementales se sont fait jour.

Ainsi, dans le Finistère, des incertitudes sur les versements effectifs des subventions pour l'année 2004 ont entraîné des blocages dans l'examen des dossiers relatifs aux propriétaires bailleurs et aux propriétaires occupants, blocages d'ailleurs levés depuis quelques jours.

En outre, les opérations programmées d'amélioration de l'habitat engagées par les collectivités locales ont été pénalisées par rapport aux services diffus. Vous serait-il possible, monsieur le ministre, de m'apporter des précisions sur le montant définitif des crédits affectés au Finistère en 2004 et sur la dotation prévue pour ce département en 2005 ?


Je profite de cette occasion pour vous faire part des préoccupations exprimées par les maires de communes riveraines de la base aéronavale de Landivisiau. Ils souhaitent un relèvement des primes de l'ANAH pour les travaux d'isolation phonique engagés par les particuliers, en reconnaissance des nuisances sonores occasionnées par les exercices d'appontage des avions de l'aéronavale sur cette base française, seule habilitée à exécuter ce type de manœuvre. Le Gouvernement est-il prêt à prendre des mesures en ce domaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Monsieur le député, votre question va dans le même sens que celle de M. Yves Coussain. Je confirme que les crédits de l'ANAH délégués au Finistère en 2004 ont été fixés à 5,95 millions d'euros. Pour 2005, les crédits prévisionnels à destination de la région Bretagne sur lesquels, pour l'instant, le conseil d'administration de l'ANAH a donné un avis favorable, sont en augmentation de plus de 6 %. Mais comme je l'ai dit à M. Yves Coussain, le niveau des autorisations de programme et des crédits de paiement indique une montée en charge progressive pour 2005, et ils seront beaucoup plus importants en 2006. Cela permettra donc de répondre aux préoccupations des élus locaux, même si nous rompons déjà avec des années de disette, pour reprendre un terme que j'ai entendu ce matin.

S'agissant du relèvement du taux de subvention pour les travaux d'isolation phonique pour les communes riveraines de la base aéronavale de Landivisiau, la réglementation actuelle ne permet pas à l'ANAH de déroger au plafond de subvention fixé par son conseil d'administration. Nous ne pouvons donc pas répondre positivement à votre question.

Néanmoins, la thématique spécifique du bruit, dès lors qu'elle s'inscrit dans un projet de revalorisation d'un territoire, ce qui est le cas des communes riveraines de cette base aéronavale, peut être traitée dans le cadre d'une OPAH menée sous l'impulsion des collectivités locales concernées. C'est dans ce cadre que nous pourrons vous apporter une aide.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Païx.

Mme Bernadette Païx. Monsieur le ministre, l'accès au logement pour les étudiants est un thème récurrent et est devenu particulièrement préoccupant dans les grandes villes universitaires françaises. Pour la première fois, un plan d'action coordonné entre votre ministère et celui de l'éducation nationale est prévu. Il reprend d'ailleurs les préconisations du rapport Anciaux.

L'article 66 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales prévoit le transfert aux communes et à leurs groupements de la responsabilité des locaux destinés au logement des étudiants. En effet, dans le cadre de la décentralisation, les collectivités communales et intercommunales deviendront, à l'horizon 2006, propriétaires de ces logements et auront à terme la charge de les réhabiliter.

Monsieur le ministre, des mesures financières sont-elles prévues pour permettre aux grandes villes de préparer cette échéance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Madame la députée, j'ai annoncé à Lyon, au début du mois de septembre, les mesures que nous comptions prendre en faveur du logement étudiant qui traverse une crise grave. Cette situation, que connaissent toutes les grandes agglomérations de France, ne date pas d'aujourd'hui. Les prémices sont apparues il y a cinq ou six ans, mais les mesures nécessaires n'ont pas été prises à l'époque.

Dans un rapport remarquable, M. Anciaux a posé un diagnostic pertinent et formulé des propositions que nous avons reprises dans leur intégralité. À l'issue d'un comité interministériel en juillet dernier, François Fillon et moi-même avons indiqué que les moyens nécessaires - prêts locatifs sociaux notamment - seraient dégagés pour tenir le rythme de construction de logements neufs annoncé dans le rapport Anciaux et celui des réhabilitations. Nous devons agir avec les CROUS, car une réflexion est en cours sur le déplafonnement de l'allocation de logement social. Nous ouvrons également aux opérateurs privés la possibilité de construire des résidences étudiantes.

Je le dis en tant qu'ancien rapporteur de la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales, le transfert de la compétence du logement étudiant aux villes ne se fera que sur leur demande. Une grande agglomération, Nancy, va d'ailleurs l'expérimenter. Les villes pourront donc, en toute connaissance de cause, évaluer les conditions d'un transfert éventuel qui ne sera en aucun cas automatique et vérifier que le plan logement étudiant, que nous plaçons au cœur du plan de cohésion sociale en tant qu'objectif prioritaire, est bien respecté.

M. le président. La parole est à Mme Irène Tharin.

Mme Irène Tharin. Comme vous l'avez rappelé récemment lors d'une séance de questions au Gouvernement, monsieur le ministre, votre prédécesseur à ce poste, Jean-Louis Borloo, a fait voter le 1er août 2003 une loi sur la rénovation urbaine afin de mobiliser des moyens financiers importants pour restructurer les quartiers en grande difficulté.

Ce programme géré par l'ANRU, qui consiste à réhabiliter de l'immobilier dans les zones urbaines sensibles, va s'appliquer à de nombreuses communes du pays de Montbéliard : Montbéliard, Valentigney et Audincourt. Nous attendons d'ailleurs la réponse imminente de l'ANRU à ce sujet, un dossier étant actuellement en cours d'instruction.

Aujourd'hui, cette politique de rénovation urbaine est sur les rails. Mais ma question concerne les autres volets de la politique du logement, notamment celui du logement locatif social. En permettant d'accueillir de jeunes couples, la construction de logements sociaux revêt un aspect très positif pour nos écoles, ainsi que pour la revitalisation de nos villes et de nos villages. Je tente ainsi de rassurer nos collègues maires qui refusent de construire des logements sociaux dans leurs communes.

Dans ma circonscription et plus largement dans le pays de Montbéliard, le besoin de construction est de 200 à 250 logements locatifs sociaux par an. Monsieur le ministre, quels crédits le ministère du logement compte-t-il mobiliser l'année prochaine pour donner un nouvel élan au programme de construction de logements locatifs sociaux à l'échelle nationale ? Pouvez-vous également m'indiquer le volume de ceux qui seront réservés à des opérations de ce type dans le pays de Montbéliard ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Madame Tharin, vous avez souligné à juste titre l'importance du programme de rénovation urbaine dans le pays de Montbéliard, et nous préciserons dans les quinze jours qui viennent le programme détaillé qui est prévu pour votre département. Dans les zones urbaines sensibles et les zones d'éducation prioritaire, le plan de cohésion sociale ne fait pas que métamorphoser les quartiers en difficulté, il apporte une aide sociale de prévention de la délinquance et une aide très significative, grâce à la dotation de solidarité urbaine, permettant ainsi aux communes d'accompagner cet effort important. Il s'agit là d'une révolution dans le domaine de la rénovation urbaine.

S'agissant des logements locatifs sociaux, je ne vous donnerai pas de chiffres précis concernant Montbéliard, mais ma réponse est simple. Le plan de cohésion sociale affiche l'objectif de doubler le nombre de logements locatifs sociaux par rapport au rythme que nous avons connu dans les cinq dernières années - 50 000. Dès lors que les programmes locaux de l'habitat de l'agglomération de Montbéliard présenteront des objectifs qui vont dans ce sens, les financements, que ce soit en PLS ou en PLUS, suivront.

La révolution culturelle que nous initions consiste à financer des programmes et non plus des opérations. Dès lors que les maires nous feront part d'une demande croissante de logements locatifs sociaux - qui s'adressent, compte tenu de leur diversité, à 80 % de la population française - nous leur répondrons favorablement, comme en témoignent les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits dans la loi de programmation.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.

TRAVAIL, SANTÉ ET COHÉSION SOCIALE

IV.- LOGEMENT

M. le président. J'appelle les crédits inscrits à la ligne : « Travail, santé et cohésion sociale » : « IV.- Logement ».

Je mets aux voix la réduction de crédits inscrite au titre III de l'état B.

(La réduction de crédits du titre III de l'état B est adoptée.)

M. le président. Je mets aux voix la réduction de crédits inscrite au titre IV de l'état B.

(La réduction de crédits du titre IV de l'état B est adoptée.)

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre V de l'état C.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V de l'état C sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre VI de l'état C.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI de l'état C sont adoptés.)

M. le président. En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant deux amendements portant articles additionnels après l'article 79.

Après l'article 79

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 138.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Cet amendement vise à renforcer l'efficacité du recouvrement forcé, notamment en cas d'avis à tiers détenteur notifié au guichet des établissements de crédit, lorsque les organismes redevables n'ont pas versé spontanément les cotisations dues à la caisse de garantie du logement locatif social - la CGLLS. En effet, les dispositions en vigueur sont incomplètes et ne prévoient un droit de communication que pour vérifier les éléments d'assiette de la cotisation. Cette disposition tend à renforcer la capacité de recouvrement de la CGLLS.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Piron, suppléant M. François Scellier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. La commission ne s'est pas prononcée sur cet amendement mais, à titre personnel, j'y suis tout à fait favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 138.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 81.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour le soutenir.

M. Patrice Martin-Lalande. Je présente cet amendement, qui concerne le stationnement des gens du voyage, avec mes collègues Alain Marleix, Maurice Leroy et Nicolas Perruchot.

La loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage prévoit dans chaque département l'élaboration d'un schéma d'accueil des gens du voyage et la réalisation d'aires permanentes d'accueil destinées aux populations itinérantes.

Dans un délai de deux ans suivant la publication du schéma, la loi prévoit que les communes doivent réaliser les investissements nécessaires. L'objectif est en effet de développer les capacités d'accueil des gens du voyage dans de délais relativement brefs afin d'éviter les dysfonctionnements constatés par le passé. En effet, lorsqu'une commune réalisait isolément une aire d'accueil, la pénurie d'offre de stationnement dans les communes voisines entraînait souvent une sur-occupation, des conflits d'usage et parfois la dégradation de l'aire.

En contrepartie, et pour rendre les prescriptions du schéma efficaces, l'État soutient l'investissement et le fonctionnement des aires d'accueil.

En investissement, les opérations nouvelles ou la réhabilitation des aires existantes sont subventionnées à hauteur de 70 % de la dépense subventionnable, contre 35 % auparavant. Celle-ci est plafonnée, par place de caravane, à 15 245 euros pour les aires nouvelles, à 9 147 euros pour la réhabilitation des aires existantes et à 114 336 euros par opération pour les aires de grand passage.

Or, dans l'application concrète de la loi, on constate que les coûts sont notablement supérieurs à la dépense subventionnable, ce qui entraîne une baisse très importante du taux effectif de subvention et une charge considérablement alourdie pour les communes.

C'est, ainsi que la subvention accordée par l'État ne représente environ que 40 % du coût réel, celui-ci représentant presque le double du plafond. La réévaluation de la dépense subventionnable serait une bonne mesure pour compenser ce surcoût.

L'article 40 interdisant à un parlementaire de proposer cette réévaluation, cet amendement propose d'établir, après quatre années d'application, un premier bilan détaillé de la mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2000 portant en particulier sur les parts respectives de l'investissement effectué par l'État et par les communes, et sur la possible évolution de cette répartition au bénéfice des communes.

Monsieur le ministre, je serais prêt à retirer cet amendement si le Gouvernement se prononçait en faveur d'une réévaluation de la dépense subventionnable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?


M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Compte tenu de l'argumentation sans faille de M. Martin-Lalande, de l'éminence des cosignataires de son amendement (Sourires) et du fait que ce dernier entre pleinement dans le cadre du pouvoir de contrôle du Parlement, le Gouvernement y est tout à fait favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. D'autant plus qu'un rapport coûte moins cher que l'augmentation d'une subvention !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Piron, rapporteur spécial suppléant. Je n'étonnerai personne en donnant également un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Je remercie le Gouvernement de se prononcer favorablement sur cette première étape que constitue la rédaction d'un rapport avant le dépôt du prochain projet de loi de finances. Mais ce qui nous intéresserait surtout, c'est qu'il donne également une réponse positive sur l'objet même de ce rapport, c'est-à-dire la réévaluation de la dépense subventionnable, et même qu'il le fasse sans attendre son élaboration.

Je le répète, il ne s'agit que de respecter l'esprit de la loi, compte tenu de la réalité des coûts constatés dans nos communes. L'effort n'est aujourd'hui pas équitablement partagé entre l'État et ces dernières, ce qui constitue un frein à la réalisation d'aires de stationnement, et donc à la résolution des conflits que j'évoquais à l'instant. Certaines communes peuvent réaliser ces investissements du fait de leur capacité financière, mais d'autres en sont incapables. Il en résulte des problèmes de mauvaise répartition des gens du voyage sur le territoire.

M. Michel Piron, rapporteur spécial suppléant. C'est bien ce que nous avions compris !

M. Patrice Martin-Lalande. Il est urgent que le Gouvernement prenne une décision, non seulement au sujet du rapport, mais à propos de la réévaluation elle-même.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 81.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale concernant le logement.

Je vais suspendre la séance quelques instants.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

défense

M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la défense.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Madame la ministre de la défense, mes chers collègues, au moment d'ouvrir ce débat budgétaire, comment ne pas évoquer les événements de la Côte d'Ivoire qui témoignent dramatiquement de l'engagement de nos militaires pour la défense de la paix et la protection de nos concitoyens ?

Mais il faut également rappeler que les forces françaises sont intervenues et interviennent encore sur de nombreux théâtres d'opérations militaires et humanitaires : en Afghanistan, dans les Balkans, en Haïti... Si nous y ajoutons le plan Vigipirate et la sécurisation des manifestations organisées autour des commémorations du soixantième anniversaire du Débarquement - autant d'opérations intérieures à mettre à l'actif de nos armées -, c'est peu dire que l'année 2004 n'aura pas été de tout repos. À chaque occasion, les compétences militaires françaises ont été reconnues et saluées. La France peut être fière de ses armées, dont la forte activité constitue un premier élément du contexte particulier dans lequel s'engage notre débat.


Un deuxième élément est la persistance de risques à plus ou moins long terme dont il est bien difficile de définir les contours. En effet, nul ne peut prédire l'évolution du Proche et du Moyen Orient, de l'Asie Centrale, de l'Afrique tandis que les menaces pesant sur nos populations et nos intérêts fondamentaux deviennent diffuses.

Elles prennent des formes diverses, de l'État totalitaire possesseur de la bombe atomique à la cellule terroriste fanatique. Elles peuvent frapper à des milliers de kilomètres de Paris mais aussi au coin de la rue. Elles peuvent utiliser un armement de haute technologie ou recourir à des matériels rudimentaires.

Troisième élément contextuel qui tient probablement à l'influence des deux éléments précédents, il faut souligner un relatif consensus sur la nécessité de soutenir un effort de défense. De moins en moins nombreux sont, en effet, ceux qui estiment le moment venu de toucher les dividendes de la paix.

On pourrait croire qu'un tel environnement réduit singulièrement les motifs de discussion. En fait, il n'en est rien. Tant dans sa préparation que lors de son adoption ou dans son exécution, le budget de la défense reste l'objet de prises de position tranchées et même parfois contradictoires. L'exécution du budget de 2004 comme le projet pour 2005 n'échappent pas à la règle.

Tandis que certains, y compris dans la haute hiérarchie militaire, dénoncent un manque cruel de moyens, d'autres s'indignent au contraire d'une sanctuarisation des crédits de la défense. À ces appréciations diamétralement opposées s'ajoute cette année un débat autour de la réforme du ministère et de la réforme budgétaire qui attise les suspicions et les incompréhensions.

C'est sur ces deux questions, madame la ministre, que je centrerai mon intervention : après deux ans d'efforts soutenus en faveur de la défense, pourquoi ce budget suscite-t-il des réactions si contrastées ? Par ailleurs, où en est la réforme du ministère et comment est-il possible, dans l'esprit de la LOLF, d'y associer davantage le Parlement ?

Pour la troisième année consécutive, le projet de budget de la défense est marqué par le respect scrupuleux de la loi de programmation militaire, mettant un terme aux renoncements du passé : 42,42 milliards d'euros sont inscrits en faveur du ministère de la défense, soit une augmentation de 2,07 % par rapport à 2004.

Pour être bref, j'indiquerai simplement que les dépenses d'équipement atteignent 15,2 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une progression de plus de 2 % après des hausses de 9 et 11 % les années précédentes. Le titre III progresse quant à lui de 1,26 % hors pensions, sous l'effet principalement de mesures sociales en faveur des militaires et des civils de la défense.

Ce budget est-il pour autant « sanctuarisé » ? Assurément non.

Pour s'en convaincre, il suffit d'avoir à l'esprit quelques données incontestables qui témoignent d'une réelle pression sur le titre III : des effectifs en baisse, de 1 168 postes, une dégradation marquée de l'entraînement opérationnel des forces, loin des objectifs attendus en 2004, la ponction du coût des opérations extérieures. Je rappelle, sur ce dernier point, que la commission des finances souhaite que le budget de 2006 intègre une dotation réellement suffisante pour couvrir le coût prévisible des OPEX.

En définitive, sur un plan strictement opérationnel, on serait bien en droit de s'inquiéter de l'évolution du titre III. Doit-on pour autant ouvrir les vannes budgétaires ? L'effort demandé au ministère de la défense l'est également aux autres ministères. Dans le cadre budgétaire actuel, il est assurément difficile pour les chefs d'état-major d'atteindre conjointement leurs objectifs en terme d'effectifs, d'entraînement et d'amélioration de la condition de vie des militaires.

L'entrée en vigueur de la LOLF, avec la fongibilité des crédits, leur permettra de gérer différemment en procédant à des redéploiements en fonction de contraintes budgétaires et d'objectifs opérationnels définis et donc assumés par le ministre et la représentation nationale.

Néanmoins, dans la situation actuelle, un ajustement en loi de finances rectificative paraît inévitable, faute de quoi on en viendrait automatiquement à affaiblir le titre V.

Je sais bien que certains sont nostalgiques de cette gymnastique budgétaire mais n'osent le dire nettement. Y revenir serait pourtant renouer avec les facilités du passé qui ont ruiné le moral des armées et jeté un doute sur l'efficacité de notre défense.

Une autre tentation, tout aussi pernicieuse, existe également : celle de remettre en cause tout ou partie de notre dissuasion nucléaire, ce qui m'apparaît, dans le monde d'aujourd'hui, prendre un risque insensé. (« Effectivement ! Il a raison ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Comme l'a voulu le Président de la République, c'est le strict respect de la loi de programmation militaire dans son titre V qui manifeste le mieux la cohérence et la crédibilité de l'action de la France en Europe et dans le monde. Je souhaite, madame la ministre, que vous nous assureriez de votre détermination dans ce domaine.

L'adoption du projet de budget est aussi l'occasion de faire le point sur la réforme de l'État, en l'occurrence la réforme du ministère de la défense.

La modernisation des structures et de la gestion du ministère est en cours, après plusieurs grandes réformes, dont la professionnalisation des armées.

La modernisation se traduit par une « interarmisation » accrue des services, voire par l'externalisation de certaines fonctions. Je citerai pour exemple l'économat unique des armées, le regroupement des services d'archives de la défense, l'externalisation de la formation initiale des pilotes d'hélicoptère. D'autres chantiers attendus sont désormais engagés, notamment en ce qui concerne la politique immobilière du ministère.

Le chantier le plus important est assurément l'évolution de la DGA et la réforme des programmes d'armement. La très grave crise de trésorerie rencontrée par le programme du Rafale, 620 millions d'euros en 2003, a été un révélateur puissant de dysfonctionnements majeurs susceptibles de mettre en péril le programme dans son ensemble. Aujourd'hui, la situation est rétablie et je souhaite que l'on tire les leçons de cet épisode.

C'est avec cette volonté que vous avez mis en place de nouvelles méthodes. Principale innovation : le conseil des systèmes de forces, organisme collégial réuni autour du chef d'état-major des armées et chargé d'exercer le suivi et le contrôle du déroulement des programmes. Ce conseil doit dépasser le cloisonnement fonctionnel, voire culturel, dans lequel se sont enfermés les états-majors, la DGA et les services du ministère. Sa réussite exige un profond changement d'état d'esprit des uns et des autres.

La réforme de la DGA s'inscrit pleinement dans cette ligne. Outre l'acquisition de nouvelles compétences, elle vise à faire évoluer la DGA dans son fonctionnement et dans ses relations avec les états-majors et les industriels.

Enfin, le ministère participe activement à la réforme de l'industrie de défense française en dépassant le cadre national. Cela exige des évolutions statutaires pour les entreprises et leurs personnels.

Je pense, en premier lieu, à DCN, dont la réforme assure la pérennité de l'entreprise. Cette réforme a un coût indéniable pour l'État. Elle est extrêmement lourde à mener, mais, de l'avis de tous, y compris des personnels, elle se révèle bénéfique pour notre industrie de défense.

GIAT industrie est également en phase de restructuration. Un indice optimiste, la production du VBCI semble enfin sur les rails, mais GIAT ne pourra pas affronter la concurrence sans une réflexion en profondeur sur son organisation et son statut.

M. Jérôme Rivière, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les crédits d'équipement. C'est vrai !

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. Thalès et la SNECMA sont également appelées à évoluer dans leur capital et leur association avec de grands groupes français et européens, notamment EADS et Dassault.

Le projet de loi de finances pour 2005 marque un tournant de l'histoire budgétaire française. C'est le dernier exercice mis en œuvre selon les dispositions de l'ordonnance de 1959. Le budget de 2006 ne ressemblera en rien à celui que nous nous apprêtons à voter aujourd'hui. La mise en œuvre de la loi organique du 1er août 2001 impose une refonte de l'architecture budgétaire en missions, programmes et actions.

Madame la ministre, je ne vous cacherai pas qu'en l'état actuel, la maquette budgétaire du ministère de la défense ne fait pas l'unanimité.

L'essentiel des crédits, 85 %, soit 35 milliards d'euros environ, figureront dans une mission « défense », les 15 % restants se répartissant entre la mission « mémoire et liens avec la nation » et deux missions interministérielles, « recherche » et « sécurité ».

La mission « défense » compte quatre programmes. Si le programme « soutien administratif central » ne soulève pas de commentaires particuliers, il n'en va pas de même des trois autres.

Le programme « environnement et prospective de la politique de défense » est subdivisé en six actions. Or la présence dans ce programme des crédits liés aux services de renseignement en altère la lisibilité et rend délicate la désignation d'un responsable de programme véritablement légitime.

Le programme « préparation et emploi des forces » représente 57 % des crédits de la mission « défense ». Il atteindra 21,2 milliards d'euros en crédits de paiement.

Alors que la LOLF vise à une plus grande transparence des finances de l'État, tout en accordant des pouvoirs élargis au Parlement, l'existence d'un tel programme met mal à l'aise.

Je sais la difficulté rencontrée par le ministère de la défense pour mettre en œuvre la LOLF. Deux grandes tendances se sont dessinées au cours de ce travail : l'une, conservatrice, privilégiant l'organisation existante, aboutissait à faire un découpage strict par armées ; l'autre, d'avant-garde, visait à tout « interarmiser » sous la seule autorité du chef d'état-major des armées.

Le programme « préparation et emploi des forces » est un habile compromis. Il fait évoluer l'organisation même des armées, sans pour autant les fragiliser par une refonte radicale et pas forcément opérationnelle. Sa responsabilité en serait confiée au CEMA, ce qui constitue un grand pas en avant.

Certains voient cependant dans la taille de ce programme une atteinte aux pouvoirs de contrôle et d'amendement du Parlement. Cette crainte peut également être formulée à l'encontre de certains programmes du ministère de l'économie et des finances ou encore du ministère de l'éducation nationale.

Le Gouvernement ne peut écarter d'un revers de la main cette objection sur les programmes de trop grande ampleur. Le Parlement ne peut pas non plus retourner la copie gouvernementale avec une fin de non-recevoir. La tentation de fragmenter ce programme en trois programmes distincts par armées est grande mais totalement improductive. Ce serait un véritable retour en arrière.

Aussi, la commission des finances a adopté une observation prenant acte de la volonté de modernisation du ministère de la défense. Elle a émis le souhait que la définition des budgets opérationnels de programme permette au Parlement d'exercer effectivement son pouvoir de contrôle. À moyen terme, une évolution de l'architecture budgétaire mériterait d'être engagée. La LOLF n'est pas une réforme figée dans le temps. Sa mise en œuvre doit être dynamique.

La LOLF a donné de nouveaux pouvoirs budgétaires au Parlement. C'est un fait que tous les services de l'État doivent intégrer. Cela exige une qualité accrue des réponses aux questionnaires budgétaires. Cela impose également une définition commune des indicateurs de performance qui accompagneront les prochains projets de loi de finances.

En l'état actuel, il apparaît clairement que les indicateurs envisagés par le ministère de la défense auront parfois une précision moindre que les actuels documents budgétaires. Multiplier des indicateurs pour donner une information superficielle est sans intérêt. La polémique actuelle sur les effectifs des armées, effectifs qui varient selon que l'on s'adresse aux états-majors, au service financier ou au cabinet, illustre l'urgence d'un travail commun pour des indicateurs indiscutables.

Sans cet effort, le Parlement serait en droit d'user de son droit d'amendement pour fragmenter les programmes trop importants, au risque de construire une architecture budgétaire peu opérationnelle. Dès lors, dans l'intérêt des armées et du Parlement, faisons en sorte que le budget de 2006 s'élabore dans l'harmonie.

Le dernier programme de la mission « défense » est intitulé « préparation et conduite des programmes d'armement ». C'est un programme crucial qui doit permettre de mieux maîtriser leurs coûts, leurs délais mais aussi leur cohérence opérationnelle. Le débat est relatif au responsable de programme. Deux options : le délégué général pour l'armement ou le chef d'état-major des armées. Devant la difficulté du choix, un copilotage est envisagé, mais cette solution n'est sans doute pas compatible avec l'esprit si ce n'est la lettre de la LOLF.

Permettez-moi de vous soumettre une solution originale : confier la responsabilité du programme au conseil des systèmes de forces. Cette instance, que vous avez créée, consacre la collégialité qui accompagne dans les faits tout programme d'armement. Dans un souci de transparence, reconnaître budgétairement ce processus décisionnel conduirait à confier au conseil de systèmes de forces la responsabilité du programme. Elle impose de lui accorder une existence juridique plus solide.

Madame la ministre, la commission des finances a adopté votre budget sans modification, avec les deux observations sur les OPEX et la LOLF que je vous ai exposées.

Ce budget du ministère de la défense pour 2005, le dernier avant la mise en œuvre de la LOLF, nous permet de mettre en évidence les failles d'un système budgétaire aujourd'hui inadapté aux exigences démocratiques.

Peut-on encore se satisfaire de chiffres incertains, soumis à contestation soit par Bercy, soit par les états-majors, soit par l'opposition ? Peut-on encore se permettre de remettre en cause chaque année des orientations lourdes concernant le format des armées, leur équipement et leurs missions ? En l'absence de chiffres acceptés par tous, est-il étonnant que, sur des enjeux décisifs pour la nation, le débat s'organise essentiellement autour de préjugés ou affinités des uns et des autres ?

Le lien armée-nation que vous souhaitez légitimement renforcer ne peut se passer d'un travail en commun et en confiance entre le ministère de la défense et le Parlement. La commission de la défense, à l'initiative de son président Guy Teissier, a entrepris un travail de suivi budgétaire utile et bénéfique. Désormais, c'est avec l'ensemble de la représentation nationale qu'il convient d'agir.

Nous sommes prêts à définir avec vous les indicateurs de performances et les principaux indices budgétaires qui rendront incontestable la réalité budgétaire et opérationnelle de nos armées. Le renforcement du soutien des Français à nos armées exige la sincérité des lois budgétaires et des informations présentées à la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.


M. Paul Quilès
,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est contre ma recommandation que la commission des affaires étrangères a, le 3 novembre dernier, donné un avis favorable à l'adoption des crédits du budget de la défense dans le projet de loi de finances pour 2005. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Deflesselles. Quelle surprise !

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Pourquoi me suis-je prononcé contre l'adoption de ces crédits ? Après tout, comme les autres orateurs ne vont pas manquer de le faire remarquer dans un instant avec force détails chiffrés, c'est un projet de budget en augmentation qui nous est présenté : 32,92 milliards d'euros inscrits, soit une progression de 1,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004. Progression plus marquée encore pour les crédits d'équipement, qui augmenteront de 2 %.

Malheureusement, un bon budget n'est pas obligatoirement un budget qui augmente.... (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Deflesselles. Vous en savez quelque chose, ...monsieur le ministre !

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l'espace, les communications et le renseignement. Vous nous l'avez déjà démontré !

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. ...mais un budget qui répond aux besoins. En matière de défense, ce principe général se décline en une seule et unique question : les crédits que nous dépenserons pour notre défense en 2005 répondent-ils aux enjeux internationaux et, notamment, confortent-ils les fondements d'une défense européenne efficace ? Je ne peux malheureusement que répondre par la négative.

Cette question est pourtant plus que jamais importante alors que les résultats récents de l'élection américaine mettent l'Union européenne face à ses responsabilités : les électeurs américains ayant - et c'est leur droit - soutenu l'option unilatérale et la primauté de la force sur le droit, nous, Européens, devons redoubler d'efforts dans la construction d'une Europe politique, dont l'Europe de la défense constitue l'une des formes les plus achevées. Telle est la seule voie susceptible de faire entendre la voix de l'Europe en faveur du multilatéralisme et du droit. C'est, là aussi, notre droit. Je serais même tenté d'affirmer que c'est notre devoir dans un contexte international grevé de très lourdes incertitudes.

Je ne reviendrai pas sur la longue liste des pathologies de la mondialisation incontrôlée qui se développe. J'ai centré mon rapport sur la crise actuelle du désarmement et de la non-prolifération. Tout d'abord, j'y vois le symbole de la fin des illusions de ce qu'on appelait « l'après-guerre froide » : dans les années 1990, se sont en effet multipliés les succès en la matière, qui paraissent aujourd'hui bien lointains. Plus encore, le désarmement et la non-prolifération incarnent, par excellence, la vision des relations internationales multilatérales définie par la Charte des Nations unies. Il n'est donc guère étonnant qu'à l'heure où l'Organisation des Nations unies voit son rôle remis en cause par l'hyperpuissance américaine, le désarmement et la non-prolifération soient en crise.

Cette crise est profonde : c'est le principe même de la validité des traités multilatéraux qui est remis en cause par les États-Unis. Ces derniers s'efforcent en effet de leur substituer des régimes informels, fondés sur une adhésion volontaire, et dépourvus de ce qui fait la force des traités multilatéraux en matière de désarmement, à savoir l'existence de systèmes de vérification intrusifs. De même, les États-Unis privilégient une approche bilatérale de ces questions, avec ce que cela recouvre d'arbitraire et d'imprévisible : la comparaison entre le traitement des cas irakien et nord-coréen en dit long sur les limites d'une telle approche qui ne fait, au total, que brouiller la lisibilité de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive.

Réhabiliter l'approche multilatérale sur les questions de désarmement et de non-prolifération, tel est le rôle des pays européens, attachés, dans leur très grande majorité, à l'approche politico-diplomatique fondée sur la primauté du traité de non-prolifération et, plus largement, sur la négociation multilatérale. À long terme, c'est en effet la seule méthode qui permette de lutter efficacement contre la prolifération, à condition d'efforts patients et soutenus. La question du programme nucléaire iranien est, à cet égard, un enjeu majeur pour la crédibilité du régime de non-prolifération nucléaire. Qui plus est, elle est cruciale alors que se prépare la prochaine conférence d'examen du traité de non-prolifération, en mai prochain.

La primauté du multilatéralisme et du droit international serait toutefois mieux défendue si l'Europe parvenait à émerger comme un véritable acteur stratégique. Or, si l'Europe de la défense a enregistré des avancées récentes avec l'adoption de la stratégie de sécurité en décembre 2003 et la mise en place de l'Agence européenne de défense, je remarque qu'il n'existe toujours pas de dynamique européenne concernant les moyens budgétaires ou les capacités dédiés à la défense.

Plus encore, le projet de traité constitutionnel me semble condamner l'Europe à rester un acteur mineur dans le domaine stratégique. En effet, la référence à l'OTAN, à l'article 41, alinéa 7, limite d'emblée le projet européen en matière de défense, bien loin du texte de la Convention qui évoquait seulement une coopération avec l'OTAN. Je note que le Livre blanc britannique sur la Constitution se félicite de l'influence britannique sur la rédaction de ces dispositions et de la novation introduite. C'est une option grave qui est prise : le projet de traité constitutionnel pérennise l'actuelle dépendance stratégique de l'Europe à l'égard des États-Unis et fixe, a priori, les limites de la défense européenne.

La France non plus ne se donne pas les moyens de conforter l'émergence de l'Europe comme acteur stratégique et, par là même, de faire prévaloir ses positions en faveur de la négociation multilatérale et de la prééminence du politique sur le militaire. Au-delà de l'affichage à la hausse des crédits que j'ai mentionné, je vous invite à un examen attentif de l'évolution des crédits de la dissuasion nucléaire depuis 2002 : vous constaterez leur augmentation constante et massive - plus 26,74 % en autorisations de programme, plus 18,71 % en crédits de paiement.

Or, c'est sans aucun débat que nous en arrivons aujourd'hui à consacrer 20,7 % des crédits d'équipement à la dissuasion. Cette situation n'est ni normale ni saine. Je souhaiterais m'arrêter sur ce point, tant il me semble que le moment est venu d'en débattre de manière approfondie. J'ai trouvé sur ce point, comme l'année passée, une oreille attentive de la part du président de la commission des affaires étrangères et de mes collègues de la commission ; je salue à cet égard la qualité du bref débat que nous avons eu à ce sujet, le 3 novembre dernier. Par ailleurs, depuis l'appel au débat que j'avais lancé l'an dernier de cette tribune, je note que le président de la commission de la défense m'a, en quelque sorte, rejoint. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Enfin, je bénéficie en la matière d'un allié de poids en la personne du chef d'État-major des armées, qui constatait récemment la «pauvreté » du débat autour de la dissuasion nucléaire dans notre pays.

Fort de ce soutien, je souhaiterais attirer l'attention sur ce que j'appellerai le paradoxe de la situation française. Officiellement, on nous dit que notre doctrine est inchangée ; pourtant, nous nous dotons de moyens dont on peut se demander s'ils ne conduisent pas de facto à la faire évoluer. Je relève pour ma part cinq points d'incohérence.

Tout d'abord, on nous dit qu'il serait dangereux de baisser la garde - de nous « déshabiller », pour reprendre un terme en vogue au ministère de la défense - alors que le contexte stratégique international est non seulement incertain, mais plus encore soumis à des évolutions très rapides. Au risque de paraître iconoclaste, je pose donc la question suivante : fallait-il, dès lors, choisir de se priver définitivement de l'option des essais, ce que n'ont fait ni la Chine, ni les États-Unis ? Je ne parle pas là d'un moratoire tel que l'avait décidé en 1992 le Président Mitterrand mais bien de la perte définitive de toutes nos capacités d'essai. Telle n'est assurément pas ma conviction, mais où est la cohérence entre le discours alarmiste qu'entend systématiquement celui qui met en avant l'absence de menace majeure à court, à moyen, voire à long terme, et le choix de cette voie très largement inexplorée, pavée d'obstacles techniques et d'incertitudes scientifiques qu'est la simulation ?

En deuxième lieu, on nous dit que, pour peser sur les affaires du monde, la France doit préserver son indépendance nationale, qui passe par l'autonomie stratégique. Mais si vraiment la question clé est celle de notre autonomie, alors pourquoi les moyens de la simulation, présentée comme essentielle au maintien de l'efficacité de notre armement nucléaire, donc vitale pour la crédibilité de notre dissuasion, dépendent-ils en partie de la collaboration avec les États-Unis ?

Troisièmement, on nous dit que la France récuse toute doctrine d'emploi ; la conception française de l'arme nucléaire est exclusivement politique. Cependant, la course technologique dans laquelle nous nous lançons, notamment à travers les programmes de missiles stratégiques, relève-t-elle d'une logique de dissuasion ? Que signifie la recherche d'une précision accrue, c'est-à-dire l'application du principe de limitation des dommages collatéraux, s'agissant d'une stratégie qui disqualifie officiellement toute doctrine d'emploi des armes nucléaires ?

Quatrième argument : on nous dit que notre dissuasion s'exerce tous azimuts. Si le choix a été fait de doter la force océanique stratégique d'un nouveau missile stratégique, c'est notamment pour le doter d'une allonge supérieure : qui niera que l'on pense ici à la montée en puissance de la force chinoise ?

On nous dit enfin que nous devons nous prémunir contre le chantage exercé par des pays proliférants dotés d'armes rudimentaires. Je soulignais l'an dernier la nécessité, pour l'Europe, de se doter d'un système d'alerte avancé lui permettant de détecter les tirs de missiles balistiques dans leur phase propulsive. Dans la perspective de la crédibilité renforcée de la dissuasion, l'acquisition de cette capacité devient urgente. Or je ne vois rien dans le budget qui nous engage dans cette voie.

Au vu de ces incohérences, j'estime donc nécessaire un recentrage du budget, donc des programmes de la défense sur des domaines permettant aujourd'hui de préserver nos intérêts stratégiques, diplomatiques et politiques ainsi que l'autonomie stratégique de la France, inséparable de celle de l'Europe.

Dans cette optique, je propose que nous examinions la possibilité d'une veille technologique s'agissant du programme M51 : dans la mesure où ce missile est destiné à nous permettre de faire face à une menace massive, dont les perspectives apparaissent bien lointaines, son développement ne présente aucun caractère d'urgence. Bien au contraire, dans l'hypothèse d'une résurgence de la menace, il risquerait d'être mal adapté au contexte stratégique, ayant été développé et construit trop tôt et « dans le vide ».

Parallèlement, je propose que soient notablement revalorisés les crédits engagés dans ces deux domaines clés que sont la recherche et le spatial militaire. Un seul exemple : en 2003, là où l'Europe consacrait 655 millions de dollars au spatial militaire, les États-Unis en dépensaient 17,5 milliards, chiffre qui, en 2005, atteindra 23 milliards.

Telle est, madame la ministre, mes chers collègues, l'analyse qui m'a conduit à ne pas recommander l'adoption des crédits de la défense à la commission des affaires étrangères. Telles sont les interrogations que je vous soumets, en espérant, cette année, recevoir des réponses qui, je n'en doute pas, alimenteront le nécessaire débat sur tous les bancs de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour la dissuasion nucléaire.

M. Antoine Carré, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour la dissuasion nucléaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si la dissuasion nucléaire continue à peser d'un poids important dans les crédits d'équipement militaires, sa part relative commence à régresser progressivement, au fur et à mesure de l'avancement des grands programmes liés à sa modernisation d'ensemble. Cet effort permettra à la France de disposer d'un outil de dissuasion rénové, efficace et opérationnel jusqu'à l'horizon 2030-2040. À ce stade, réduire les crédits porterait atteinte à la cohérence du système et, compte tenu du caractère tendu des différents calendriers en jeu, pourrait entamer la permanence de la dissuasion.

Du point de vue budgétaire, le projet de loi de finances pour 2005 écarte ces dangers. La part de la dissuasion nucléaire atteindra 20,7 % du titre V en 2005 et les crédits de paiement progressent de seulement 1,15 %.

Ils sont affectés à trois grandes composantes : la force océanique stratégique, les forces aériennes stratégiques et la direction des applications militaires du CEA.

La FOST doit mener à bien deux programmes majeurs : les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de nouvelle génération et le missile M51. Les deux calendriers sont étroitement liés et également tendus. Le programme M51 est indispensable pour faire face à l'obsolescence inévitable des M45 actuels et au passage aux armes robustes qui nécessitent un missile plus puissant pour ne pas subir de perte de portée, de précision et de capacité d'emport. Enfin, l'évolution du contexte géopolitique conduit à disposer d'un missile d'une portée significativement supérieure à celle nécessaire pour atteindre le cœur de l'ex-URSS.


L'année 2004 comprend deux échéances importantes pour la FOST, qui sont suivies avec une grande attention : si le calendrier du Vigilant, troisième sous-marin nucléaire lanceur d'engin de nouvelle génération, est conforme aux prévisions, l'indisponibilité périodique pour entretien et réparations, l'IPER, du Triomphant a pris un certain retard, pour des raisons techniques. Les marges de manœuvre sont désormais très étroites mais le calendrier devrait être tenu.

En ce qui concerne les forces aériennes stratégiques, le renouvellement des missiles a été décalé d'un an et le programme ASMP-A se déroule techniquement très bien. Sans revenir en détail sur les avantages du maintien d'une deuxième composante, complémentaire de la FOST, il convient de noter que les FAS offrent un usage en quelque sorte dual. Actuellement, environ 15 % des missions assurées par les Mirage 2000 N sont strictement d'ordre nucléaire. La question du renouvellement du parc des ravitailleurs est particulièrement importante pour les FAS.

Une part importante des crédits consacrés à la dissuasion fait l'objet d'un transfert au CEA, avec 41,8 % des crédits de paiement en 2005. Les sommes affectées à la direction des applications militaires, la DAM, sont destinées aux matières fissiles, à la propulsion nucléaire et aux charges nucléaires, par ordre croissant. De fait, l'essentiel des crédits est absorbé par le programme de simulation et par le démantèlement des installations de production de matière fissile.

Le programme de simulation constitue un immense défi stratégique et scientifique, avec pour objectif de garantir la pérennité de la dissuasion dans un contexte d'interdiction des essais. C'est également un défi financier, avec un tiers des crédits transférés en 2005 et un coût global du programme s'élevant à 5 milliards d'euros environ sur la période allant de 1996 à 2010. La date prévue pour l'ignition du laser mégajoule a été repoussée d'un an, tant pour des raisons budgétaires que pour donner davantage de marge de manœuvre technique à la DAM, s'agissant d'un programme d'une grande complexité. Cette mesure ne remet pas en question le passage d'expérience entre les ingénieurs ayant connu les essais et les nouveaux concepteurs d'armes, qui reste absolument essentiel.

S'agissant du programme de démantèlement du site de Marcoule, les retards de la mise au point de ses modalités de financement sont préoccupants. La mise en place du fonds de démantèlement devrait être effective d'ici à la fin 2004. Il convient toutefois de souligner que la création imminente de ce fonds a été annoncée à de nombreuses reprises depuis deux ans et que l'absence de solution définitive a conduit à des expédients qui ne sont guère satisfaisants.

Pour l'avenir, la réflexion devrait désormais moins porter sur des programmes d'armement arrivés à un stade extrêmement avancé que sur le devenir à long terme de la dissuasion, représenté à la fois par les améliorations à envisager pour les systèmes déjà conçus et, au-delà, par leurs successeurs. Les questions relatives au maintien des compétences et à la recherche sont à cet égard cruciales.

Les années 2003 et 2004 ont en effet été marquées par des événements qui font craindre une accélération du phénomène de prolifération des armes nucléaires, comme en Corée du Nord ou, plus près de nous, en Iran. En outre, l'importance des réseaux clandestins destinés à vendre ou échanger des matériels sensibles et des connaissances scientifiques a été mise en évidence avec le démantèlement du programme nucléaire clandestin libyen.

L'accent mis par les États-Unis sur la défense antimissile pose d'autres types de problèmes, celui de l'indépendance française, voire européenne, et celui du gap technologique entre l'Europe et les États-Unis. En l'état actuel des choses, le « bouclier » américain reste très modeste mais, à terme, il n'est pas exclu que les performances s'améliorent de façon très significative. En tout cas, les montants consacrés à la défense antimissile sont considérables : 53 milliards de dollars entre 2004 et 2009. Des effets pourraient se faire sentir dans bien d'autres secteurs de la défense.

Il convient donc de ne pas relâcher l'effort de recherche en deçà d'un certain niveau, tant pour faire face à la modernisation périodique des grands systèmes d'armement que pour répondre aux besoins dans des secteurs connexes à la dissuasion, comme la défense antimissile de théâtre, dont la France prévoit de se doter d'une première capacité à l'horizon 2012.

Seule nation européenne maîtrisant l'ensemble de la filière nucléaire et balistique militaire de manière indépendante, la France possède un atout exceptionnel pour participer de manière décisive à la construction d'une Europe apte à assurer l'ensemble de sa défense, lorsque les esprits auront évolué et que le moment sera venu.

La commission de la défense a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la dissuasion nucléaire pour 2005. Je demande à l'Assemblée de se prononcer dans le même sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la gendarmerie. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l'espace, les communications et le renseignement.

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l'espace, les communications et le renseignement. Madame la ministre, l'espace est, nous le savons tous, une nouvelle dimension qui, après la terre, la mer et l'air, sert de scène à la stratégie militaire et, en fait, la bouleverse. C'est dans la domination spatiale que se produisent aujourd'hui les ruptures. C'est dans l'espace que se gagnent les parts du marché planétaire de la puissance et de la sécurité.

Mais la maîtrise de l'espace est indissociable de celle du signal, c'est-à-dire des moyens de communications qui, à la façon d'un système nerveux technologique, véhiculent l'information.

Espace et signal transcendent le renseignement et apportent au commandement comme au pouvoir politique la capacité de décider, en temps direct si nécessaire.

Tel est l'enjeu de puissance et de sécurité que sous-tend le système de forces commandement, communications, conduite des opérations et renseignement, le C3R.

Cet enjeu de puissance, ce défi, ni la France ni aucun pays européen ne peut le relever seul. Pour nous en convaincre, soulignons qu'en 2000 le ratio entre les budgets d'équipement spatial militaire européen et américain était de 1 à 25 et qu'il devient actuellement de plus en plus difficile aux Européens d'être interopérables avec les forces armées américaines.

Toutefois, comparaison n'est pas raison et l'Europe semble progressivement afficher une volonté réelle de coopération en matière spatiale, qui se traduit concrètement dans les domaines de la météorologie, de l'altimétrie spatiale, de la navigation avec Galileo, de l'observation avec les systèmes Helios, Skymed, SAR-Lupe, pour ne citer que les programmes phares.

La création de l'Agence européenne de défense, qui coordonnera les groupes de travail intervenant dans le cadre du plan d'action européen sur les capacités, et surtout l'élaboration du Livre blanc sur la politique spatiale européenne, qui préconise la mise en œuvre d'un programme spatial européen pluriannuel en précisant le rôle de l'Agence spatiale européenne, sont des signes particulièrement encourageants. C'est pour une large part, et cela répond à la question que posait M. Quilès, le résultat de la persévérance française et de l'engagement de notre pays en faveur de la défense européenne.

Pour rendre plus lisible l'examen des crédits du système C3R, je les classerai en moyens spatiaux, en moyens de théâtre d'opération et en moyens de renseignement.

Le C3R spatial s'affiche comme une priorité dans la loi de finances initiale, avec une croissance de 8 % en autorisations de programme et de 15 % en crédits de paiement.

La mise en orbite du système Syracuse III débutera en 2005, le satellite Helios II A sera lancé dans quelques semaines, pour prendre opportunément le relais d'Helios I B qui vient d'être déclassé.

La recherche spatiale voit ses crédits croître de 22 %, ce qui est extrêmement important, au bénéfice notamment du démonstrateur spatial d'alerte avancée, de la bulle opérationnelle aéroterrestre, BOA, et de la liaison optique laser aéroportée, LOLA, entre drones et satellites.

S'agissant du C3R de théâtre, arrêtons-nous simplement sur les systèmes drones dont on mesure l'intérêt grandissant qu'ils suscitent.

L'armée de terre recevra, au-delà de 2008, le nouveau système de drones tactiques intérimaires, le SDTI, pour lequel la loi de finances inscrit 11,7 millions d'euros d'autorisations de programme et 5 millions d'euros de crédits de paiement.

L'armée de l'air disposera en 2005, en remplacement du Hunter, du système intérimaire de drone, le SIDM, pour lequel 8 millions d'euros sont prévus en crédits de paiement. Par ailleurs, un programme d'études amont, d'un montant de 137 millions d'euros doit permettre la définition du drone MALE, successeur en 2010, nous l'espérons, du SIDM.

La fonction renseignement dans le projet de loi de finances voit croître sa part de titre V de 4,9 % et sa part de titre III de 2 %.

Les crédits d'équipement, en progression de 18,8 % en autorisations de programme et 3,3 % en crédits de paiement, n'ont pas une ventilation homogène. Si la direction générale de la sécurité extérieure, retrouve des dotations convenables après trois ans d'étiage, la direction du renseignement militaire ne disposera que de 50 % de l'annuité d'autorisations de programme prévue en loi de programmation militaire.

Cette austérité, forcée et préoccupante pour la DRM, ne sera que partiellement compensée par la recherche de synergies avec la DGSE. La DPSD, direction de la protection et de la sécurité de la défense, voit également fondre sa dotation d'équipement.

Mais la situation, il faut le dire, est plus grave en matière de fonctionnement puisque, hors rémunérations et charges sociales, les crédits du renseignement diminuent de 0,24 %. Cela accroît notablement la tension déjà existante sur les effectifs alors même que l'exploitation des nouveaux systèmes de renseignement hautement sophistiqués et producteurs de masses d'informations nécessite du personnel supplémentaire hautement qualifié. Cette situation commande, madame la ministre, une réaction énergique, avant que la qualité de notre système de renseignement que chacun s'accorde à reconnaître ne se dégrade et que les personnels ne s'interrogent.

En dépit des insuffisances signalées, on aura constaté que le budget consacré au système de forces C3R représente un effort très important. À cet égard, le respect par le Gouvernement des engagements de la loi de programmation militaire, dont la bonne exécution conditionne la réussite de la professionnalisation décidée par le Président de la République, s'avère particulièrement important. Il convient d'en féliciter le Gouvernement, comme il faut rendre hommage, madame la ministre, à la pugnacité avec laquelle vous défendez votre budget.

Au terme de cet exposé, je vous propose, mes chers collègues, de suivre l'avis de la commission de la défense et d'adopter les crédits 2005 pour l'espace, les communications et le renseignement.

Mais je souhaiterais, madame la ministre, que vous répondiez à quelques questions :

Premièrement, le budget de la défense sera-t-il sollicité pour le financement public du signal PRS de Galileo ?

Deuxièmement, est-il envisageable de travailler à la réalisation d'un dispositif de lanceurs « Quick launch », à lancement rapide, pour donner à nos forces en projection les capacités C3R dont elles ne disposent pas ?

Troisièmement, l'accord-cadre signé le 25 novembre 2003 entre la Communauté européenne et l'Agence spatiale européenne concerne-t-il le domaine spatial militaire européen et, si c'est le cas, quelles sont les incidences budgétaires ?

Quatrièmement, le programme d'études amont engagé pour définir le drone MALE qui doit remplacer, en 2010, le système SIDM ne fait-il pas courir le risque à l'Europe que la recherche d'une synthèse, a priori difficile entre drones MALE et HALE, aboutisse à une impasse technique et opérationnelle ?

Cinquièmement, en dépit des efforts engagés, la coordination des organismes chargés du renseignement n'apparaît pas suffisamment efficiente. Le SGDN, en particulier, n'intervient qu'à la marge. Le Gouvernement ne devrait-il pas se préoccuper de corriger une lacune qui est soulignée de façon récurrente ?

Sixièmement, l'insuffisance des moyens humains dont disposent nos services de renseignement devient un réel handicap. Cette dérive implique une nette inflexion. Est-il possible d'avoir des engagements en la matière ?

Enfin, septièmement, la collecte du renseignement par les systèmes Sarigue et Mirage IV touche à son terme. Comment comptez-vous combler le vide ?

Je vous remercie, madame la ministre, des réponses que vous pourrez apporter à notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour la gendarmerie. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les forces terrestres.

M. Joël Hart, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les forces terrestres. Mes chers collègues, c'est dans un contexte particulièrement difficile et douloureux pour nos troupes terrestres que je vous présente aujourd'hui ce rapport sur le budget de l'armée de terre.

Compte tenu des contraintes économiques que nous connaissons, on peut considérer que le projet de loi de finances pour 2005 répond globalement aux besoins de notre armée de terre.

Le niveau des crédits d'équipement est assez proche de celui attendu. D'un montant de 2,7 milliards d'euros, les autorisations de programme seront complétées par l'utilisation d'autorisations antérieures non engagées, ce qui permettra globalement de poursuivre les grands programmes tels que l'hélicoptère Tigre, le char Leclerc, les postes radio de quatrième génération, les tenues FELIN, fantassin à équipement et liaison intégrés...

Les crédits de paiement, à hauteur de 3 milliards d'euros, permettront de faire face aux factures attendues en 2005. En revanche, leur montant ne permettra pas de résorber de manière significative le report de charges issu des exercices précédents et qui est évalué, fin 2004, à 513 millions d'euros.

Les crédits de fonctionnement des forces terrestres s'élèveront, en 2005, à près de 5 milliards d'euros et les effectifs budgétaires inscrits dans le projet de loi de finances à 135 868 militaires, nombre très proche des objectifs de la loi de programmation militaire. Toutefois, les crédits de rémunérations et charges sociales s'inscrivent en légère baisse, de 33 millions d'euros, ce qui pourrait accentuer l'écart entre l'effectif réalisé et l'effectif budgétaire. Dans la pire des hypothèses, cet écart pourrait, selon les propos du chef d'état-major de l'armée de terre, culminer à 10 000 personnes en fin d'exercice.

La disponibilité des matériels de l'armée de terre a connu une légère baisse au cours du premier semestre de l'année 2004. Les difficultés se concentrent sur les engins blindés AMX 10 P et AMX 10 RC, qui connaissent des problèmes de vieillissement mais dont la situation à terme pourrait s'améliorer. Par ailleurs, les véhicules à roues tels le véhicule léger tout terrain P4 ou le véhicule de transport logistique, le VTL, pâtissent également de leur grand âge. Pour les hélicoptères, compte tenu de l'utilisation intensive des matériels et du vieillissement des parcs, aucune amélioration sensible n'est envisageable.

En revanche, la disponibilité technique du char Leclerc, qui était de l'ordre de 30 % en 2001, continue de s'améliorer. Elle atteint désormais près de 60 %. Cette évolution favorable s'explique principalement par la passation régulière, depuis 2001, de marchés de réparation, mais aussi par une meilleure fiabilité globale du système d'arme. Compte tenu des efforts qui sont toujours consentis, la progression devrait se poursuivre dans les prochains mois.

L'entraînement des personnels reste également un souci. Le report de charges issu de l'exercice 2003 et causé principalement par la couverture insuffisante des dépenses de fonctionnement en opérations extérieures a conduit à réduire, dès le début de l'année 2004, l'entraînement des forces. La situation est particulièrement ennuyeuse pour l'aviation légère de l'armée de terre qui ne parvient pas à faire voler l'ensemble de ses pilotes 160 heures par an, comme cela était prévu. Compte tenu des contraintes de disponibilité s'exerçant sur le parc des aéronefs, les équipages ne voleront que 154 heures environ en 2004. De profondes disparités apparaissent d'ailleurs entre les types d'engins : c'est ainsi que les équipages de Puma, dont les appareils sont moins disponibles, s'approcheront dangereusement du seuil de sécurité estimé à 150 heures de vol par an.


Il importe de veiller à ce que ce sous-entraînement ne constitue pas une menace pour la sécurité du personnel, au-delà des conséquences négatives sur les capacités opérationnelles de l'armée de terre et sur la motivation des équipages qu'il peut engendrer.

Les dramatiques événements survenus ces derniers jours en Côte d'Ivoire ont montré que les militaires envoyés en opérations extérieures doivent être parfaitement entraînés afin de pouvoir faire face à toutes sortes de situations imprévues et périlleuses. Je pense, madame la ministre, à ce jeune sergent que nous avons enterré vendredi dans la Somme. Je voudrais rendre hommage aux militaires tombés lors de l'attaque aérienne sur Bouaké et je souhaite également saluer le travail accompli par les forces terrestres pour sécuriser et exfiltrer les ressortissants français et étrangers en Côte d'Ivoire.

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour la gendarmerie. Très bien !

M. Joël Hart, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour les forces terrestres. Grâce à une réduction des effectifs dans les Balkans, l'armée de terre avait réussi, au cours du premier semestre de l'année 2004, à diminuer d'environ 10 % le nombre de ses personnels engagés hors de nos frontières. Les événements de Côte d'Ivoire ont bouleversé les prévisions puisque les moyens terrestres ont dû y être considérablement renforcés. Les effectifs de l'armée de terre stationnés hors du territoire métropolitain, et pas seulement en OPEX, sont donc repartis à la hausse au point de représenter désormais près de 20 000 hommes et femmes, soit 15 % de ses effectifs militaires globaux. Il faut noter d'ailleurs que 80 % des forces françaises présentes hors du territoire métropolitain sont des soldats de l'armée de terre.

En conclusion, même s'il apparaît nécessaire de rester vigilant pour la réalisation des effectifs budgétaires et l'entraînement des forces terrestres, il convient de souligner que le projet de budget pour 2005 respecte globalement les dispositions de la loi de programmation militaire. Compte tenu des contraintes financières de l'État, ce projet de loi de finances satisfait les besoins des forces terrestres. La commission de la défense a donné un avis favorable à son adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la marine.

M. Charles Cova, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la marine. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est avec une certaine émotion que je prends la parole à cette tribune, en ma qualité de rapporteur pour avis des crédits de la marine, car avec l'entrée en vigueur de la nouvelle nomenclature budgétaire issue de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, l'examen des crédits de la défense ne s'effectuera sans doute plus par armées à partir de l'année prochaine. C'est donc pour moi un très grand honneur d'être le dernier rapporteur exclusif des crédits de la marine,...

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour la gendarmerie. Vous entrerez dans l'histoire ! (Sourires.)

M. Charles Cova, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour la marine.... armée où j'ai servi une importante partie de ma vie avant de défendre les intérêts de la nation dans notre assemblée.

La marine nationale, il convient plus que jamais de le rappeler, est indispensable à la défense de la France métropolitaine et d'outre-mer, ainsi qu'à son rayonnement et à sa puissance. Armée au particularisme affirmé, elle remplit de nombreuses missions clés qui recouvrent aussi bien la sécurité nationale, avec la dissuasion nucléaire notamment, que l'engagement armé, par les déploiements antiterroristes en Méditerranée et en océan Indien, ou encore la surveillance des intérêts côtiers du pays, grâce à des patrouilles au large et à la sauvegarde maritime. La traduction budgétaire de ce constat parle d'elle-même, puisque, dans le projet de loi de finances initiale que nous examinons, le budget de la marine représente 17,4 % des crédits du ministère de la défense, hors pensions.

Sans entrer trop avant dans le détail, je soulignerai tout de même que le titre III, dont le montant avoisine 1,98 milliard d'euros, reste stable à périmètre constant. En la matière, plus que les dépenses de fonctionnement courant, ce sont les recrutements qui seront contraints.

Compte tenu de l'effet de dépenses aussi intangibles que l'évolution du point fonction publique, les cotisations pour les retraites complémentaires des marins ou les dépenses du plan d'amélioration de la condition militaire, le projet de budget entérine, en l'état actuel des choses, un sous-effectif potentiel de l'ordre de 1 000 personnels militaires. Or, depuis plusieurs années maintenant, la marine se trouve confrontée à des sous-effectifs ciblés dans certaines spécialités clés, qui touchent plus particulièrement les atomiciens, les informaticiens et les fusiliers-marins. La solution passe donc par des mesures indiciaires incitatives et je me réjouis, en l'occurrence, que le Gouvernement s'apprête à mettre en place le mécanisme de l'indemnité réversible de spécialité critique, qui permettra de prolonger la durée de service de certaines catégories de personnels très qualifiés, grâce à une enveloppe de 1,4 million d'euros.

Pour le reste, l'enveloppe du titre III se révèle correcte, avec 493 millions d'euros hors rémunérations et charges sociales. J'attire néanmoins votre attention, madame la ministre, sur la nécessité de conformer la gestion de l'exercice 2005 aux dispositions que nous allons voter. En effet, les restrictions décidées en 2004 sur les moyens d'alimentation et les frais de déplacement des personnels de la marine ont été très mal ressenties et il n'y a pas lieu de rééditer cet épisode malheureux. Du moins, c'est ce que je retire des entretiens que j'ai eus avec des marins de tous grades, à Toulon et à Brest. De même, il est à craindre que, comme cette année, les prévisions relatives aux carburants n'obligent la marine à puiser dans ses stocks stratégiques, constitués à peu de frais grâce à l'efficacité du commissariat. Je ne doute pas, madame la ministre, que vous aurez à cœur de veiller à ce que l'activité de la flotte et de l'aéronautique navale ne s'en trouve pas remise en cause.

M. Jean Michel. Très bien !

M. Charles Cova, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour la marine. Les crédits d'équipement se situent à un niveau satisfaisant. La progression de 25,7 % des autorisations de programme inscrites aux titres V et VI et la diminution de 1,2 % des crédits de paiement se justifient par les modalités de lancement du programme des frégates européennes multimissions - FREMM -, selon un paiement différé assorti de garanties importantes. Les crédits de paiement correspondant aux autorisations de programme débloquées ne seront donc mis à la disposition du ministère de la défense qu'à la livraison des frégates, à partir de 2009. C'est dommage !

Nonobstant le cas particulier de ce programme, dont nous devons tous nous réjouir de voir l'aboutissement, l'enveloppe des dépenses en capital, de l'ordre de 3,8 milliards d'euros en crédits de paiement, permettra la livraison du premier bâtiment de projection et de commandement Mistral, l'entrée en service d'un hélicoptère de transport NH 90 et la modernisation des quatre derniers chasseurs de mines tripartites.

Pour les munitions, outre 50 missiles Aster 15 destinés au système antimissiles PAAMS, la flotte recevra 40 missiles Crotale et 75 torpilles Mu 90, tandis que l'aéronavale se verra livrer 80 missiles air-air d'interception, de combat et d'autodéfense - MICA - et 20 missiles Scalp-EG.

Avec 891 millions d'euros, l'entretien programmé de la flotte ne sera pas oublié. J'ai eu l'occasion de mesurer sur place, tant à Toulon qu'à Brest, l'amélioration effective de la situation depuis trois ans. Grâce à l'action énergique du Gouvernement, le taux de disponibilité de la flotte s'est redressé aux alentours de 65 %.

Certes, tout n'est pas encore parfait, loin s'en faut. Les appareils de l'aéronautique navale, notamment, accusent pour beaucoup le poids des ans. De même, l'entretien des bâtiments de surface ne s'effectue pas toujours au moindre coût semble-t-il . Sans doute peut-on regretter que la mise en concurrence des industriels tarde à entrer dans les faits. D'un autre côté, la marine et l'État se sont engagés à garantir à la DCN un plan de charge qui facilite la transition de l'entreprise vers un mode de fonctionnement plus concurrentiel. Je conviens bien volontiers que la réussite de la transformation de DCN est de l'intérêt même de la marine.

Au total, l'année 2005 s'annonce sous de bons auspices pour la modernisation de la flotte. Il reste qu'à plus long terme, la vigilance de notre assemblée sera de mise. En effet, les investissements qui s'annoncent pour le second porte-avions, les sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda et la flotte de soutien pèseront d'autant plus lourd financièrement que le début du financement des Frégates FREMM leur sera concomitant.

Ce défi, tout comme la préservation des compétences nationales dans le processus de restructuration du secteur de la construction navale en Europe, conditionne assurément le bon renouvellement des équipements de la marine. Il porte néanmoins sur des échéances encore lointaines.

En définitive, l'équation budgétaire de 2005 s'annonce équilibrée pour la marine : elle préserve l'essentiel, c'est-à-dire la modernisation et l'entretien de la flotte, ainsi que l'amélioration de la condition militaire. Pour cette raison, et conformément à la recommandation de son rapporteur, la commission de la défense a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la marine pour 2005.

Mais ne nous y trompons pas, il ne s'agit pas pour autant d'un projet de budget faste qui ignorerait les contraintes financières de notre pays ! La marine, comme les autres armées, participera à l'effort de redressement des finances publiques, en supportant des tensions sur des effectifs déjà contraints et en restreignant les frais de fonctionnement au quotidien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vous remercie, monsieur Cova, d'avoir ramé ferme pour respecter votre temps de parole. (Sourires.)

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l'air.

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l'air. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les impératifs de réactivité et de cohérence opérationnelle d'ensemble qui sont assignés à l'armée de l'air ont de fortes implications pour les personnels et lui imposent de disposer d'équipements adaptés. La reconnaissance de ces exigences s'est traduite par l'accroissement de ses moyens budgétaires en 2003, puis en 2004, en conformité avec les dispositions de la loi de programmation militaire. En dépit d'un contexte budgétaire difficile, cet effort est poursuivi en 2005 et le budget alloué à l'armée de l'air apparaît préservé : en hausse de 0,58 %, il lui permet d'assurer sa gestion courante dans des conditions satisfaisantes et de poursuivre le nécessaire renouvellement de ses matériels.

Les crédits de rémunérations et de fonctionnement s'élèvent à 2,47 milliards d'euros, en hausse de 0,6 %. Cette quasi-stabilité recouvre des dépenses supplémentaires incontournables, résultant notamment du plan d'amélioration de la condition militaire et de l'augmentation du point fonction publique, ainsi qu'une diminution des effectifs budgétaires militaires de l'armée de l'air de 494 postes. Ce chiffre comprend la suppression de 109 postes, principalement afin de tirer les conséquences de l'externalisation de certaines fonctions, ainsi que le transfert de 385 postes, pour l'essentiel vers le service de santé des armées.

La dotation en carburants, qui conditionne pour partie le volume de l'activité d'entraînement des forces, connaît une hausse sensible de 8 % . Toutefois, cette progression est fondée sur l'hypothèse d'un baril à 24,40 dollar. Si le prix du baril se maintient à son niveau actuel - autour de 50 dollars -, la dotation inscrite ne permettra pas de couvrir l'ensemble des besoins liés à l'entraînement. Il conviendra donc d'être particulièrement vigilant quant à l'incidence du prix du carburant sur l'activité de nos forces aériennes.

En présentant succinctement ces crédits de fonctionnement courant, je tiens à souligner l'esprit de réforme qui anime l'armée de l'air. Celle-ci a engagé une réflexion approfondie sur l'évolution de ses structures. Un groupe de projet dénommé Air 2010 a été chargé d'étudier les modalités d'une simplification de l'administration centrale ainsi que les perspectives de rationalisation des bases aériennes à l'horizon 2010.

Les moyens consacrés à l'équipement apparaissent satisfaisants. Après un fort accroissement au cours des deux dernières années, ils se caractérisent, pour 2005, par une quasi-stabilisation à hauteur de 3,635 milliards d'euros. Cette dotation permettra à l'armée de l'air de faire face aux échéances de paiement de programmes importants tels que le Rafale et l'A 400 M. En revanche, les autorisations de programme connaissent une baisse drastique, de plus de 50 %, laquelle devrait être palliée par la mobilisation de l'en-cours d'autorisations de programme dont dispose l'armée de l'air.

L'effort soutenu engagé depuis 2002 en faveur de l'entretien des matériels est poursuivi. Plus du quart des crédits des titres V et VI y est consacré. Parallèlement, la SIMMAD, organisme interarmées chargé de l'entretien de tous les matériels aériens, cherche à rationaliser la gestion de la maintenance en améliorant la contractualisation.


Les efforts réalisés portent ainsi leurs fruits. La disponibilité de nos matériels aériens atteint aujourd'hui 63 %, contre 54,3 % en 2000. Toutefois, il convient de souligner que l'amélioration de ce taux se heurte à des limites structurelles, telles que le vieillissement de certaines flottes qui renchérit les coûts d'entretien.

Je veux également saluer le volontarisme dont fait preuve le ministère de la défense en matière de drones. Il a lancé à la suite le programme Neuron, concernant les avions de combat sans pilote, en 2003, puis le programme EuroMALE, en 2004. Relevant d'une logique opérationnelle différente, ces deux programmes ont été d'emblée ouverts à des coopérations européennes et plusieurs pays ont déjà manifesté leur intérêt à leur égard. De plus, ils sont l'occasion de structurer une offre industrielle autonome européenne et doivent à ce titre associer plusieurs industriels français et européens.

Sagissant du programme Rafale, cinq appareils doivent être livrés à l'armée de l'air en 2004 et dix seront fournis en 2005. À l'issue de négociations particulièrement difficiles, la commande globale de cinquante-neuf avions, initialement prévue en 2003, devrait être passée d'ici à la fin de 2004.

Je terminerai mon propos en évoquant un important dossier du renouvellement dont M. le rapporteur pour avis pour la dissuasion nucléaire a déjà parlé. Les diverses interventions de l'armée de l'air dans le cadre d'opérations extérieures ont montré la nécessité de disposer d'une solide flotte d'avions de ravitaillement en vol. Or la flotte logistique de nos ravitailleurs est à la fois ancienne, donc coûteuse à entretenir et à moderniser, et insuffisante dans son format. C'est ce qui conduit l'armée de l'air à envisager l'anticipation de son retrait et son remplacement par des appareils modernes. Elle s'oriente aujourd'hui vers un programme d'avions MRTT, proposé par EADS, et étudie la possibilité de recourir à un mode de financement dit innovant ou novateur,...

M. Jean Michel. Il est surtout très coûteux !

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis pour l'air. ...qui pourrait associer le privé et le public. Avec les frégates multimissions, les avions ravitailleurs constituent le principal programme d'équipement pour lequel est envisagé le recours à un partenariat public-privé.

Somme toute, mes chers collègues, le budget destiné aux forces aériennes pour 2005 est tout à fait satisfaisant. La commission de la défense a donc émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'armée de l'air pour 2005 et je demande à l'Assemblée de se prononcer dans le même sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour le titre III et les personnels civils et militaires d'active et de réserve.

M. Pierre Lang, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour le titre III et les personnels civils et militaires d'active et de réserve. Conforme à la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008, le projet de budget du titre III du ministère de la défense permet la consolidation de l'armée professionnelle. Il stabilise les effectifs militaires aux alentours de 347 000 postes, confirmant ainsi la pertinence du format choisi. Dans un contexte économique difficile, il est, de l'avis général, globalement satisfaisant.

Les crédits de rémunérations et charges sociales diminuent en apparence de 479 millions d'euros, mais cette réduction résulte d'un transfert au sein du titre III dans le cadre de l'expérimentation, dans quelques unités, de la globalisation des crédits, un an avant l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances. À périmètre constant, les crédits de rémunérations et charges sociales augmentent en fait de 2,5 %.

En 2005, les personnels militaires continueront à bénéficier des mesures de revalorisation financées par le fonds de consolidation de la professionnalisation : 11 millions d'euros supplémentaires porteront ce fonds à 56,9 millions d'euros. Le personnel militaire bénéficiera également du plan d'amélioration de la condition militaire, qui sera doté de 40 millions d'euros supplémentaires en 2005. D'autres mesures destinées à fidéliser le personnel seront abondées de 43 millions d'euros. Enfin, 14 millions d'euros supplémentaires permettront de financer les primes d'engagement, dont le taux est modulé en fonction de la difficulté à recruter dans la spécialité considérée.

Le plan de reconnaissance professionnelle du personnel civil se poursuivra également et se traduira par l'inscription de 11,3 millions d'euros. Dans l'administration centrale, ces crédits permettront principalement de revaloriser les primes des personnels des catégories A et B. Dans les services déconcentrés, l'indemnité d'administration et de technicité sera relevée, le pyramidage du corps des ouvriers d'État sera amélioré et diverses indemnités catégorielles seront revalorisées.

Les effectifs militaires inscrits en loi de finances initiale connaîtront, en 2005, une quasi-stabilité qui masquera, en fait, une évolution contrastée selon les armées.

La situation globale de l'armée de terre pourrait se dégrader au cours des mois à venir. Compte tenu des contraintes financières de l'exercice 2004, les forces terrestres pourraient connaître un sous-effectif qui, selon les propos du chef d'état-major, le général Bernard Thorette, pourrait « dans le pire des cas, porter sur un volume de 10 000 hommes en 2005 ».

Avec un déficit de 1 530 personnes, la marine nationale a connu une réduction spectaculaire de son sous-effectif, qui concernait plus de 3 000 postes en 2003.

Dans l'armée de l'air, ce sont surtout les sous-officiers qui font défaut, avec un sous-effectif qui frôle les 1 500 postes. Généralement bien formés, ils constituent un personnel très convoité par le secteur civil. Cette situation est d'autant plus dommageable qu'elle contribue à rendre plus difficile l'entretien des matériels.

Les effectifs budgétaires de la gendarmerie, en hausse constante, sont pratiquement tous pourvus. Le projet de loi de finances pour 2005 apporte une modification substantielle dans la pyramide des grades puisque le nombre de postes d'officiers est augmenté d'un millier, ce qui représente une hausse de 20 %, jamais enregistrée dans cette arme.

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis pour la gendarmerie. Excellente disposition !

M. Pierre Lang, rapporteur pour avis pour le titre III et les personnels civils et militaires d'active et de réserve. L'instruction et les exercices sont indispensables à une armée professionnelle dont la majeure partie des forces est appelée à servir en opérations extérieures dans des conditions parfois périlleuses - nous l'avons mesuré récemment encore.

Si l'entraînement de la marine, de l'armée de l'air et des forces de gendarmerie n'appelle pas de commentaire particulier, celui des forces terrestres, notamment de l'ALAT, l'aviation légère de l'armée de terre, est plus problématique. Avec 160 heures de vol par pilote, l'année 2004 devait constituer un palier vers la réalisation de l'objectif de 180 heures de vol par an, fixé par la loi de programmation militaire. Compte tenu des contraintes de disponibilité des appareils, le nombre d'heures de vol par pilote devrait être de l'ordre de 154, avec des disparités. Les équipages de Puma, dont les appareils sont moins disponibles, s'approcheront du seuil de sécurité estimé à 150 heures : il convient de veiller à ce que ce sous-entraînement ne constitue pas une menace pour la sécurité du personnel. Les crédits inscrits au titre III du budget de la défense pour 2005 devraient permettre d'améliorer la situation.

Ce projet de budget, globalement satisfaisant, ne doit pas masquer les efforts consentis par le ministère de la défense en matière d'économies et de modernisation. Comme toutes les administrations publiques, le ministère contribuera à la maîtrise des dépenses publiques en ne remplaçant pas un certain nombre d'agents partis en retraite.

Signe clair de la volonté politique de respecter les engagements pris, ce projet de budget témoigne du soutien que le pays apporte aux personnels qui assurent sa protection. C'est la raison pour laquelle la commission de la défense a émis un avis favorable à son adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les crédits d'équipement.

M. Jérôme Rivière, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les crédits d'équipement. L'adage selon lequel « le temps, c'est de l'argent » est particulièrement vrai à cette tribune : quinze milliards d'euros en cinq minutes, la productivité des parlementaires est indéniable ! (Sourires.)

M. Michel Voisin. Bon début !

M. Jérôme Rivière, rapporteur pour avis pour les crédits d'équipement. Je me contenterai d'insister sur les deux points qui trouveront un prolongement l'année prochaine dans le programme III « Équipement des forces ». J'examinerai d'abord si le projet de budget semble conforme aux besoins définis par la loi de programmation militaire votée par le Parlement en 2002. Je porterai ensuite une attention particulière à ce qui constituera demain le titre V, c'est-à-dire essentiellement les programmes d'investissement du ministère de la défense.

Pour la troisième année consécutive, le Gouvernement affiche la volonté de ne pas transformer les crédits de la défense en une variable d'ajustement discrète et facile d'emploi au sein du budget de l'État. C'est une première depuis bien longtemps dans les annales de notre Assemblée !

M. Lionnel Luca. Tout à fait !

M. Jérôme Rivière, rapporteur pour avis pour les crédits d'équipement. Ainsi, le budget d'équipement pour 2005 met en œuvre les dispositions de la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008. Les crédits de paiement des titres V et VI augmentent de 2 % en euros courants, atteignant 15,2 milliards d'euros, après avoir connu une hausse de 11,2 % en 2003, puis de 9,2 % en 2004. Cette évolution est l'expression forte de la priorité donnée à l'équipement des forces armées par la loi de programmation.

L'effort ainsi consenti a pour conséquence d'accroître le poids des crédits d'équipement au sein du budget de la défense, dont ils représentent désormais 46,16 %, contre 45,97 % en 2004. C'est un effort utile à la vie économique de notre pays.

En revanche, le volume des autorisations de programme connaît une diminution de 8,7 % par rapport à 2004. Il passe de 16,768 milliards à 15,315 milliards d'euros afin de respecter l'égalité entre autorisations de programme et crédits de paiement sur la période couverte par la loi de programmation militaire. Heureusement, les incidences de cette diminution, particulièrement marquée pour l'armée de l'air et l'armée de terre, seront tempérées par la mobilisation des encours d'AP existants.

La marine bénéficie d'une dotation en forte hausse, car ses autorisations de programmes incluent 1,7 milliard d'euros pour la commande des frégates multimissions et 904 millions d'euros pour le programme des sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda. On constatera aussi avec satisfaction que le niveau des autorisations de programme du service de soutien de la flotte a été relevé, afin de lui permettre d'engager une contractualisation pluriannuelle. Il ne faut cependant pas voir, dans cette augmentation maintenue sur plusieurs années, autre chose que l'effort indispensable que doit fournir notre pays pour assurer le redressement et la consolidation de son outil de défense.

Nous retrouvons naturellement dans ce budget les trois objectifs de la loi de programmation militaire.

Le premier concerne la modernisation et le renouvellement des matériels des armées : 5,98 milliards d'euros de crédits de paiement sont consacrés aux programmes d'armement en 2005, soit une progression de 3,6 %.

Le second objectif a trait à la restauration de la disponibilité des matériels. Il découle du constat, fait en 2002, de sa forte dégradation. Les autorisations de programme destinées à l'entretien programmé des matériels, connaissent une hausse significative de 7,7 % pour atteindre plus de 3,4 milliards d'euros. Malheureusement, les crédits de paiement d'EPM diminuent de 4,6 % mais, notons-le, ils restent supérieurs à l'annuité moyenne fixée par la loi de programmation militaire.

Le troisième et dernier objectif est la préparation de l'avenir grâce à l'effort réalisé en faveur de la recherche. Ses crédits s'établissent à 1,34 milliard d'euros en 2005, soit une hausse sensible de 8,3 % par rapport à 2004.

Cependant, une attention particulière doit être portée aux reports de charges qui ont été considérables en 2003, puisqu'ils ont été imputés à hauteur de 2,119 milliards d'euros en 2004, contre 950 millions d'euros l'année précédente.

Cet état de fait emporte deux conséquences.

En premier lieu, le taux de consommation des crédits de paiement des titres V et VI peut être relativement faible. Ce fut le cas en 2003 avec moins de 90 % de crédits consommés.

En second lieu, l'insuffisante disponibilité des crédits de paiement en fin d'exercice entraîne un fort volume de factures restant à payer, ce qui conduit à des intérêts moratoires élevés. Ces derniers devraient s'élever à 30 millions d'euros pour l'année 2004, contre 20,12 millions d'euros en 2003. Au taux pratiqué, plus de 9 %, il ne me semble pas qu'il s'agisse d'une gestion saine des deniers publics.

Si ce budget présente une hausse, il est loin d'être large, et on ne saurait prétendre qu'il engage des « sommes colossales ». Je le dis à qui veut l'entendre.

Quelques exemples permettront d'illustrer l'absence d'excès en matière de dépenses. D'autres souligneront les difficultés les plus significatives, à mon sens, de ce budget.

Il est bon de le rappeler à cette tribune : ce n'est souvent qu'au prix de la volonté sans cesse affirmée de quelques industriels, qui maintiennent un savoir-faire exceptionnel, que nous pourrons, par exemple, commander en 2004 les cinquante-neuf Rafale nécessaires à notre armée de l'air.

Remarquons dans le même temps, chez nos voisins européens, le dérapage des coûts du projet d'avion de combat Eurofighter. Le retard du programme d'avion de transport aérien stratégique A 400 M, compte tenu du vieillissement accéléré de nos Transall à bout de souffle, oblige les armées à imaginer des solutions provisoires - qui durent - fondées sur la location d'avions étrangers.

Malgré leurs succès à l'export, les programmes d'hélicoptères, qu'il s'agisse du programme Tigre ou du programme NH 90, accumulent les retards et l'armée de terre va devoir engager une rénovation lourde des hélicoptères Puma dont les critères non encore définis - souhaitons un éclaircissement rapide de ce projet - font varier le coût entre 90 et 300 millions d'euros.


Il ne faudrait pas - et, sur ce point, le Parlement devra être vigilant - que les difficultés liées à la définition par les ministères de la nature des financements innovants viennent compromettre l'exécution des programmes en cause. En effet, si la France ne veut pas prendre de retard pour la commande importante des frégates multimissions puis pour celle d'avions de ravitaillement MRTT - Multirôle Transport Tanker -, les arbitrages devront être rendus et les commandes passées en 2005.

Par ailleurs, si l'Europe, en particulier la France, dispose d'un savoir-faire exceptionnel en matière de missiles, il serait souhaitable que le budget de la défense sache mieux accompagner nos entreprises à l'exportation. Il est possible d'affirmer que les retombées en matière de coût pour nos armées sont garanties à terme.

Enfin, chaque année, alors même que cet effort, heureusement constant, permet de garantir à notre pays son rang de puissance mondiale, des interrogations pèsent sur le budget de la dissuasion nucléaire. Des choix cohérents ont permis de le préserver. Cependant, à partir de 2009, le financement du développement du M 51 sera terminé. Afin d'assurer le maintien des compétences des bureaux d'études, qui permettent d'accompagner le missile sur sa durée de vie, il paraît pertinent d'étudier le lancement de démonstrateurs de partie haute du M 51. Dans le même état d'esprit, la France pourrait s'engager dans un programme de démonstrateur d'un vecteur multirôle permettant le lancement de missiles d'interception en milieu exo-atmosphérique.

Pour la recherche, le montant prévu par la présente loi de finances respecte les dispositions de la loi de programmation militaire. Il est donc satisfaisant. En revanche, on peut se demander si la dotation prévue par la loi de programmation militaire elle-même était suffisante. Ainsi, nous ne trouverons pas dans la loi initiale les crédits de paiement pour le programme Euromale. Nous aurons donc besoin, là encore, de la loi de finances rectificative de fin d'année sur laquelle bien des espoirs sont fondés.

La bonne volonté que manifestent nos entreprises en travaillant essentiellement grâce à des crédits de recherche privés fait reposer notre effort sur l'application duale des technologies. Cette situation présente deux inconvénients majeurs. D'une part, les risques de dissémination de technologies sensibles pouvant être utilisées dans le cadre d'actions terroristes sont accentués ; d'autre part, nous devons être conscients que le savoir-faire et le génie français et européens ne compenseront pas éternellement l'effort financier que fournissent les États-Unis.

La France doit donc, tout comme les autres États européens, accorder ses moyens à ses objectifs : la crédibilité de l'Europe de la défense en dépend. Le strict respect de la loi de programmation militaire va clairement dans ce sens.

Je conclurai en rappelant les libertés excessives que les budgets précédents avaient prises avec les dispositions de la loi de programmation 1997-2002.

M. Jean Michel. Et auparavant ?

M. Jérôme Rivière, rapporteur pour avis pour les crédits d'équipement. Nous faisons le choix courageux de maintenir nos crédits d'équipement, contrairement à bien des majorités précédentes qui, préférant se donner un peu de marge sur le titre III pour contenter les personnels à court terme, choisissaient de sacrifier massivement les investissements, choix dont les conséquences se font sentir à plus long terme. Aujourd'hui, vous nous présentez, madame la ministre, un projet de budget résolument tourné vers l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense et des forces armées, pour les services communs.

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les services communs. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cinq minutes pour quatre services qui accomplissent au quotidien des missions indispensables à la permanence de l'opérationnalité et à la pleine efficacité de l'action de nos forces armées, c'est peu. Aussi n'évoquerai-je que les points qui me semblent poser problème.

Après une première mutation engagée en 1996, que l'on peut considérer comme réussie à en juger par la réduction des coûts des programmes d'armement qu'elle pilote et de ses propres coûts d'intervention, la DGA poursuit aujourd'hui sa modernisation. En stabilisant ses moyens, le projet de budget qui nous est soumis répond globalement aux exigences de la restructuration à venir. Toutefois, les efforts déployés pour réduire les coûts des programmes trouvent leurs limites dans les importantes mises en réserve de crédits et leur libération tardive, qui n'ont pas permis à la DGA de respecter le délai global de paiement, l'obligeant à acquitter des intérêts moratoires trop élevés. Ces derniers, qui avaient été réduits de 30,49 millions d'euros en 1999 à 14,1 millions d'euros en 2003 étaient déjà de 15 millions d'euros au 31 août 2004. Il conviendrait de remédier à cette difficulté par une meilleure adéquation entre l'avancement des programmes et la libération des crédits.

Par ailleurs, à votre demande, madame la ministre, la DGA a formulé puis mis en œuvre des propositions d'amélioration des procédures de sélection et d'attribution des financements de recherche. En 2003, les engagements ont atteint 614 millions d'euros et les paiements 402 millions d'euros. Ces résultats témoignent de l'effort entrepris par la DGA et de l'efficacité des nouveaux processus d'études amont mis en place, mais la loi de finances rectificative pour 2004 doit apporter un complément de crédits de paiement si l'on veut accompagner l'indispensable accroissement de l'effort de recherche de la DGA entre 2004 et 2005.

Quant au service de santé des armées, la situation de ses effectifs demeure insatisfaisante, malgré les efforts consentis. Afin de pallier les manques, les recrutements en première année et les recrutements complémentaires ont été augmentés. Toutefois, le recrutement régional d'OSC ou d'OSSC pose problème, en raison du manque de souplesse de leur gestion, notamment en termes d'affectation.

Les différentes revalorisations ou indemnisations déjà accordées et, surtout, le nouveau statut des praticiens des armées, entré en vigueur le 14 juin 2004, devraient améliorer l'attractivité de ces carrières et permettre une fidélisation des médecins.

La situation est à peine meilleure pour les personnels civils, même si le déficit s'est réduit à 8,10 %. Une difficulté supplémentaire réside dans le fait que le recrutement de fonctionnaires est administrativement lourd et que le SSA, pourtant utilisateur unique, n'est pas le gestionnaire, alors qu'il représente 40 % des personnels médicaux.

Le secteur de la recherche rencontre une autre difficulté, avec le vieillissement des seniors, associé à une baisse des recrutements et à la professionnalisation. Là encore, une plus grande souplesse dans le recrutement de jeunes thésards ou thésés serait la bienvenue.

Enfin, la féminisation est un essai à transformer. Pour concilier les exigences du service avec sa féminisation, une première solution pourrait consister à privilégier, à la sortie des études, le choix de l'affectation selon le critère du poste, au détriment du critère de l'arme. Une solution complémentaire résiderait dans l'introduction d'une plus grande souplesse dans le dispositif, en donnant non seulement aux médecins, mais aussi aux autres personnels féminins du SSA la faculté d'opter entre une affectation dans les effectifs à vocation opérationnelle et dans ceux du « socle ».

Les personnels sous statut MITHA bénéficieront également d'un certain nombre d'améliorations qui permettront, à terme, de les aligner sur la fonction publique hospitalière.

Au titre V, qui concerne les infrastructures et les équipements, on constate une sous-consommation de crédits liée au délai d'intervention du génie, également très sollicité par les autres armées.

Le service des essences des armées doit envisager la reconstitution de ses stocks, en particulier du stock OPEX. Quant au problème des travaux de dépollution des sites abandonnés, il devrait trouver une solution en 2005, grâce à l'institution du fonds interarmées de dépollution.

Avec la mise en place du schéma directeur de communication, la direction de l'information et de la communication de défense - DICOD - doit renforcer son rôle de coordination, afin de mieux arbitrer encore les actions de communication de l'ensemble des forces armées, directions et services du ministère, en fonction des priorités définies par Mme la ministre.

Il convient de s'attarder sur la place particulière du budget d'édition des revues des armées et services. La gestion 2004 se caractérise par une tension sur les ressources dès le deuxième trimestre. En effet, 25 % des ressources de la DICOD provenant des armées pour le financement de leurs revues, celle-ci a dû avancer sur son budget propre les règlements relatifs au marché d'édition, dans l'attente du remboursement de ces sommes par les armées. L'effort de mutualisation des coûts propres aux revues ne peut manquer d'être salué, mais la DICOD est lourdement pénalisée par un dispositif qui la contraint à faire l'avance des frais. Selon les informations fournies, l'armée de terre, par exemple, devrait toujours 1,3 million d'euros à la DICOD au titre de l'année 2003. En outre, à la date du 1er septembre 2004, les armées et services accusaient un retard de remboursement de 2,795 millions d'euros au détriment de la DICOD. Cette difficulté pourrait être dépassée si cette direction obtenait des armées un règlement mensuel des dépenses engagées par douzièmes sur la base de l'exercice écoulé, la régularisation s'effectuant alors au début de l'exercice suivant.

La mise en place de la LOLF appelle une dernière remarque. La DICOD ne consomme que la moitié des crédits de communication du ministère, l'autre moitié étant utilisée par les SIRPA. La décision prise par le ministère de ne pas inclure les crédits de ces derniers dans la nouvelle présentation conduit donc à ne donner qu'une vision partielle des crédits. Le contrôle de la DICOD n'intervenant qu'a posteriori, cela risque de ne pas permettre d'optimiser autant qu'il serait souhaitable les moyens engagés pour la communication de défense.

Telles sont, madame la ministre, les quelques remarques sur lesquelles je souhaitais attirer votre attention à l'occasion de l'examen par notre assemblée du projet de budget de la défense pour 2005, et plus spécifiquement des services communs. Notre commission a décidé d'adopter le projet de budget qui lui était soumis. M'étant abstenu, j'aimerais pouvoir faire confiance à la sagesse de l'Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la gendarmerie.

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la gendarmerie. Monsieur le président, cinq minutes pour nos 100 000 gendarmes, c'est peu, mais j'essaierai de m'y tenir.

Le projet de budget de la gendarmerie pour 2005 s'inscrit à mi-parcours de l'exécution de la LOPSI et de la loi de programmation militaire. Les excellents résultats obtenus dans la lutte contre la délinquance et l'engagement particulièrement courageux de la gendarmerie en Corse imposent que l'effort consenti ne soit pas relâché. Sur ce point, je souhaite vous faire part, madame la ministre, de ma vive émotion, qui est sans doute partagée par l'ensemble de la représentation nationale, face aux attentats odieux et lâches qui ont été commis contre les gendarmeries en Corse, comme j'ai pu m'en rendre compte personnellement à Cauro. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Après une tendance à la hausse de 1999 à 2002, la délinquance a diminué en zone de gendarmerie de 3,6 % en 2003 et de 6,9 % dans les dix premiers mois de 2004. Cette dynamique sera confortée par la création d'une prime de résultats exceptionnels et par l'achèvement de la réorganisation territoriale de la gendarmerie. La chaîne de commandement sera simplifiée par la suppression d'un échelon hiérarchique entre la légion de gendarmerie et la direction générale. Le redéploiement police-gendarmerie et la mise en place des communautés de brigades, qui arrivent à leur terme, feront l'objet d'une évaluation à laquelle, je l'espère, seront associés les élus. Ce renouvellement des modes d'action, parce qu'il est aux antipodes d'une approche centralisée, a permis de prendre en compte la diversité des territoires et de leur évolution.

Le projet de budget pour 2005 devrait permettre à la gendarmerie d'ancrer dans la durée ce bilan positif. Les dotations prévues s'élèvent à 4 484 millions d'euros, en progression de 3,4 % par rapport à l'an dernier. Elles permettent d'amplifier l'effort consenti en 2004 en poursuivant la remise à niveau des moyens de la gendarmerie. Dans un contexte budgétaire contraint, cet effort particulier doit être salué. Il convient cependant de savoir si ces 147 millions d'euros supplémentaires permettront de rester en phase avec la programmation, notamment pour les crédits d'investissement.

La progression des effectifs se poursuivra avec la création de 700 postes au titre de la LOPSI et 79 % des crédits du titre III prévus auront ainsi été engagés en 2005. Cependant, 3 900 emplois devront être créés en deux ans pour respecter l'objectif final.

Le projet de budget prévoit également des mesures en faveur des personnels, dont la plus significative est certainement la première annuité du plan d'adaptation des grades aux responsabilités, le PAGRE. Ce plan est le pendant indispensable de la réforme des corps et des carrières de la police nationale, car il n'était pas pensable que les deux institutions, désormais rassemblées dans une logique de métier, ne soient pas traitées de façon équitable.

Nous savons combien vous vous êtes engagée en faveur de cette mesure, madame la ministre, et nous vous en remercions, car elle permettra également d'améliorer le taux d'encadrement de la gendarmerie, qui n'est actuellement que de 4 000 officiers pour 100 000 militaires. L'éventail très large des responsabilités confiées aux commandants de brigade, dont le métier n'a pas d'équivalent chez les sous-officiers des autres armées, sera enfin reconnu. Le rapprochement de la pyramide hiérarchique des deux forces de sécurité facilitera, en outre, leur coordination sur le terrain.

L'annuité 2005 de ce plan sera significative : transformation de 1 000 postes de sous-officiers en officiers et de 1 208 emplois de gendarmes en gradés pour un total de 20,6 millions d'euros, avec des mesures indiciaires à hauteur de 8,8 millions d'euros.

À périmètre comparable, le budget de fonctionnement progressera en 2005 de 4,7 %, mais les marges de manœuvre dépendront du déroulement de la fin de la gestion 2004. En effet, les crédits votés pour 2004 risquent de s'avérer insuffisants pour couvrir les besoins supplémentaires liés à une activité particulièrement soutenue. Je pense notamment à la visite du pape, à l'anniversaire du débarquement, à la lutte contre l'orpaillage en Guyane ou au maintien de l'ordre en Polynésie.

Les crédits d'investissement des titres V et VI s'élèveront à 459 millions de crédits de paiement, soit une augmentation de 3,16 %.


En dépit de cette progression, l'évolution ne correspond pas à la programmation prévue par la LOPSI : seuls 30 % des crédits de paiement prévus auront été ouverts. Je suis bien conscient de la nécessité d'un effort d'économie partagé, mais il importe de ne pas décevoir les personnels. Si la plupart des programmes ont déjà été engagés, qu'il s'agisse des gilets pare-balles, des nouvelles tenues ou des pistolets automatiques, certains ont dû être retardés. Je pense notamment au renouvellement des véhicules blindés, qui, malgré son urgence, ne pourra véritablement être envisagé qu'en 2006.

L'infléchissement constaté dans les crédits d'infrastructure s'avère en outre inquiétant, alors que le retard est considérable et que la réorganisation territoriale et les créations d'effectifs entraînent de nouveaux besoins. Face à l'ampleur du problème - un tiers des logements vétustes ou dégradés - l'État n'arrivera pas à faire face seul à l'ensemble des besoins. Outre l'utilisation des procédures dérogatoires prévues par la LOPSI, l'annonce rapide d'un assouplissement des conditions d'octroi des subventions permettrait aux collectivités territoriales de relayer l'effort de l'État.

Votre ministère se tournera également vers des partenaires privés pour mener à bien la remise à niveau de l'immobilier. Le projet d'externalisation que vous envisagez prévoit de confier à un opérateur privé la gestion locative du parc domanial, mais aussi sa maintenance et la construction de nouveaux locaux. L'intérêt de cette opération dépendra des effectifs réellement libérés pour d'autres missions ainsi que du niveau des loyers payés. Nous attendons les résultats de l'évaluation de l'état du parc et du marché de définition du cahier des charges, qui fixeront les contours de cette externalisation et les économies dégagées.

Enfin, j'évoquerai la place de la gendarmerie dans la mise en œuvre de la LOLF. La maquette retenue crée un programme spécifique pour la gendarmerie au sein de la mission interministérielle « Sécurité », ce qui permet une bonne lisibilité de l'action de lutte contre la délinquance, dont la nature est différente des missions des autres armées. Cependant, ce programme est amputé des crédits immobiliers et informatiques de la gendarmerie, qui sont rattachés au programme « Soutien des forces » de la mission « Défense ». Ce regroupement n'est pas étranger à la mise en place d'un service unique d'infrastructures pour l'ensemble du ministère dans le cadre de la stratégie ministérielle de réforme. Mais il ne répond pas aux exigences de sincérité budgétaire et de nomenclature à coût complet voulues par la LOLF. Il peut également apparaître dangereux que la gendarmerie ne garde pas la maîtrise de ses moyens informatiques, soumis à des contraintes spécifiques.

Vous savez, madame la ministre, que les gendarmes sont particulièrement attachés à leur statut militaire. La récente nomination du futur directeur général compte parmi les symboles auxquels ils sont très sensibles.

La commission de la défense a émis un vote favorable à l'adoption des crédits de la gendarmerie pour 2005. Je demande à l'Assemblée de se prononcer dans le même sens (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la défense pour 2005 que le Gouvernement soumet à notre discussion et à notre vote ne fut sans doute pas facile à préparer.

Dans un contexte où s'affirmait la nécessité légitime de réduire le déficit des finances publiques, il apparaissait tout aussi indispensable de respecter scrupuleusement l'engagement du Président de la République de réaliser les objectifs fixés par la loi de programmation militaire.

C'est grâce à votre ténacité, madame le ministre, que pour la première fois depuis les années 70, la loi de finances initiale correspondra parfaitement à la troisième annuité prévue dans la loi de programmation.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées. Ce respect des ressources annoncées par la loi de programmation militaire 2003-2008 pour les crédits d'investissement était particulièrement attendu par l'ensemble de la communauté militaire. La poursuite du redressement de la disponibilité des matériels et les livraisons - trop longtemps différées - d'équipements neufs semblent en effet indispensables pour permettre à l'armée de remplir au mieux les missions qui lui sont demandées aujourd'hui, et de se préparer à accomplir avec excellence celles de demain.

Pourtant, la défense ne pouvait rester à l'écart de toute participation à l'effort de maîtrise des dépenses publiques ; elle le fait en mesurant au plus juste le montant de ses dépenses ordinaires, grâce notamment à une gestion de plus en plus rigoureuse fixée par votre stratégie ministérielle de réforme.

Ainsi, par des voies diverses mais convergentes, doit être atteint l'objectif final de satisfaction des besoins opérationnels des armées ou, en d'autres termes, de réalisation dans les meilleures conditions possible des missions assignées à nos armées aujourd'hui entièrement professionnelles.

D'aucuns pourront en trouver le coût trop élevé. C'est pourtant, au sens littéral du terme, le prix à payer pour affronter avec succès les menaces nouvelles, tenir nos engagements internationaux, mais aussi assurer à nos militaires professionnels des conditions de vie et de service en adéquation avec les exigences de la défense de notre pays. Cet effort est indispensable car il est ressenti, par toutes celles et tous ceux qui servent notre défense, comme une marque de considération de la nation à leur égard, de sa reconnaissance comme de sa confiance.

En paraphrasant Sénèque, et en forçant le trait, je pourrais dire : « De l'argent, et pourtant peu de matériels ! » (Sourires.) En dépit de l'effort de redressement et de rattrapage entrepris depuis plus de deux ans, c'est aujourd'hui que se font ressentir les effets des graves insuffisances de la loi de programmation précédente.

M. Michel Voisin. Hélas !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées. Faute de crédits, un certain nombre de développements n'ont pu être conduits sur des programmes pourtant décidés de longue date.

Je pense en particulier à l'hélicoptère Tigre dont l'optronique, pas encore au point, a retardé la livraison des premiers exemplaires prévue en 2004, alors que ce programme a été lancé depuis plus de quinze ans. Les livraisons vont véritablement commencer en 2005, en nombre moindre que prévu toutefois afin de satisfaire nos amis espagnols qui viennent d'entrer dans le programme.

Les retards dans la livraison des chars Leclerc constituent pour moi une source de grave préoccupation, sinon d'indignation. Alors qu'ils sont payés à 90 % à GIAT Industries, les chars sont littéralement pris en otage par certains salariés du groupe qui manifestent ainsi leur mécontentement à l'égard du plan social GIAT 2006 (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste. - « Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Brunhes. Pas par les salariés, par la direction !

M. Jean-Michel Boucheron. Il faut envoyer Julia !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées. Pourtant, le Gouvernement a octroyé des conditions de départ et de reclassement exceptionnelles, qui mobilisent des moyens financiers considérables.

M. Jacques Brunhes. C'est faux ! Archifaux ! Venez donc sur le terrain !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées. Malgré cela, 25 chars seulement sur les 68 prévus en 2004 ont été livrés. Les équipages devront donc encore attendre pour percevoir dans leurs escadrons ce fleuron des blindés. Heureusement, et pour mettre du baume au cœur de tous, des livraisons emblématiques doivent intervenir dans le courant de l'année prochaine.

Il y a quelques semaines, nous avons pu assister à la mise à l'eau du premier des deux bâtiments de projection et de commandement, le Mistral, un superbe bateau.

M. Charles Cova, rapporteur pour avis, pour la marine. Superbe, en effet !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées. L'entrée en service de ce bâtiment, le deuxième après le Charles de Gaulle par son tonnage, constitue une réelle satisfaction. Par le supplément de capacité de projection qu'il va procurer à la marine tout d'abord ; par ses possibilités de conduite des opérations grâce à un poste de commandement unique et impressionnant ; par les conditions de déroulement du programme ensuite, puisqu'il a été mis à l'eau avec un mois d'avance et que son coût de construction est inférieur de 30 % aux prévisions les plus basses. La réforme de la DCN que vous conduisez, madame la ministre, porte déjà ses fruits et mérite donc d'être poursuivie.

Le programme des frégates FREMM constitue une autre source de satisfaction. Vous avez donné le signal de départ de cette réalisation avec votre homologue italien à l'occasion de l'inauguration du salon Euronaval ; elles seront commandées en huit exemplaires en 2005.

Un autre système d'armes majeur, très attendu, devrait se concrétiser en 2005 : le Rafale Air, dont les dix premiers exemplaires doivent permettre la constitution d'un premier escadron opérationnel en 2006. La commande globale de 59 appareils pour la marine et l'armée de l'air assure l'avenir du programme. Le lancement du standard F3, qui procure à cet appareil sa véritable capacité à assurer tous types de missions, constitue aussi une étape cruciale dans le développement de l'avion comme pour ses perspectives à l'exportation. Cependant, le rythme des livraisons ne laisse pas d'inquiéter. Je voudrais insister sur le fait que les retards sont de moins en moins acceptables, d'abord pour des raisons de satisfaction des besoins opérationnels des armées, ensuite pour des raisons de satisfaction professionnelle des militaires qui les attendent ; pour des raisons financières, enfin, les matériels anciens, qu'il faut faire durer, ayant des coûts de maintenance rédhibitoires.

Depuis bientôt trois années, un effort financier considérable a été déployé pour le maintien en condition opérationnelle des équipements militaires. Pourtant, le redressement du taux de disponibilité est lent, preuve de la gravité de la situation héritée en 2002. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Il a fallu passer de nouveaux marchés, trouver de nouveaux fournisseurs, ce qui a entraîné une véritable explosion des coûts de maintenance.

En donnant corps aux réorganisations nécessaires pour rationaliser cette maintenance, notamment au travers de la SIMMAD qui connaît encore quelques difficultés financières, des économies d'échelle devraient rapidement être réalisées pour l'entretien des matériels de la défense.

La conduite de ces actions de production et de maintenance, complexes, coûteuses, nécessitant la mobilisation de toutes les énergies, est d'abord à finalité interne, pour l'efficacité opérationnelle de nos armées. Elle constitue aussi un signal fort du ministère vers l'extérieur. C'est d'abord un projet, dans la durée, pour notre industrie de défense. La rénovation de nos capacités doit pouvoir s'appuyer sur des structures industrielles compétitives et réactives. Celles-ci ont besoin de vision et de certitudes à long terme. C'est ce que procure une loi de programmation militaire ambitieuse et surtout respectée.

L'effort financier consenti par la France se veut aussi un exemple, une voie à emprunter par nos partenaires européens pour construire une Europe de la défense forte et autonome. Si nous voulons atteindre les objectifs fixés dans le traité constitutionnel qui vient d'être signé à Rome, chaque pays doit y consacrer les moyens financiers nécessaires.

Si le respect de la loi de programmation pour les équipements constitue une exigence respectée, il est tout aussi légitime que la défense soit appelée à participer à l'effort de limitation des déficits publics par une grande rigueur dans les dépenses ordinaires : le titre III. Mais l'exercice a des limites car il a un impact direct sur la condition des militaires, donc sur leur moral et leur efficacité. Il faut être conscient du fait qu'une armée professionnelle coûte cher ; ceci a été délibérément occulté lors de la transition opérée de 1997 à 2002 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Michel. Elle est bien bonne !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées. Les deux composantes essentielles du titre III sont les rémunérations et le fonctionnement, dont la plus grande partie va conditionner le niveau d'entraînement de nos troupes.

Les rémunérations constituent 80 % du titre III ; leur montant total est, en principe, déterminé par les effectifs fixés par le modèle d'armée 2015, soit, toutes armées et services confondus, environ 355 000 hommes. Or, la LOLF nous propose un renversement de principe fondamental puisque ces effectifs vont être, et sont déjà, déterminés par la masse salariale globale allouée au ministère de la défense. À partir de 2006, cette allocation se fera par programme. C'est une logique de gestion rigoureuse qui, d'un point de vue strictement financier, est inattaquable.

Faut-il pourtant s'en remettre totalement à cette logique bureaucratique lorsqu'il s'agit d'un intérêt aussi fondamental pour notre pays que sa défense militaire ?

Les effectifs militaires fixés par la maquette 2015, à savoir 355 000, représentent exactement le volume de la seule armée de terre au terme de la profonde restructuration qui l'a affectée entre 1962 et 1965, au lendemain du conflit algérien. À la différence de nombreuses autres institutions de notre pays, on ne peut donc faire à la défense le grief de ne pas avoir su s'adapter aux évolutions de notre environnement, qu'il soit national ou international. À l'image du monde où nous vivons, qui a subi de profondes transformations en quarante ans, les armées ont, elles aussi, évolué.

Est-il possible de réduire encore les effectifs, d'ailleurs déterminés par la loi de programmation militaire pour l'ensemble des personnels civils et militaires de la défense ? Il faut d'abord observer qu'ils augmentent dans la loi sous l'effet de l'accroissement des effectifs de la gendarmerie prévus dans la LOPSI. Mais surtout, ils conditionnent directement les capacités opérationnelles dont notre pays veut se doter pour faire face à ses engagements. Les réduire reviendrait à obérer ces capacités, ou à aller au-delà d'un taux d'activité qui deviendrait rapidement insupportable, au sens humain du terme.


Un abondement vient d'intervenir par décret d'avance pour faire face aux difficultés rencontrées cette année dans le domaine des rémunérations. Je vous fais confiance, madame la ministre, pour que ce soit aussi le cas dans le courant de l'année 2005, comme vous l'avez d'ailleurs annoncé lors de votre audition devant notre commission.

D'aucuns pourraient craindre qu'une autre variable réside dans la stagnation du revenu des militaires. À l'opposé de cette inquiétante perspective, vous proposez dans votre budget tout un ensemble de mesures visant à améliorer la condition matérielle de nos militaires et à consolider la professionnalisation.

C'est, au total, plus de 74 millions d'euros qui seront ainsi consacrés aux revenus des militaires dans le budget de 2005.

Partout dans le monde, les troupes françaises qui participent à des opérations, quelle qu'en soit la nature, sont unanimement appréciées pour leur excellence. C'est le fruit d'une véritable culture, d'une longue tradition construite au fil des épreuves : elle fait des 18 000 militaires qui servent hors du territoire de la métropole un objet de fierté.

Pour nous, responsables politiques et, au premier rang, pour le chef des armées, c'est la certitude de pouvoir compter sur nos militaires en toutes circonstances, c'est la possibilité de pouvoir être exigeant envers eux.

Mais cette excellence ne s'improvise pas sur le champ des crises : elle est le fruit d'un long travail d'instruction des hommes et d'entraînement des équipes, qui s'accomplit au quotidien, dans les enceintes de nos écoles et le champ clos de nos camps d'entraînement. C'est dans ce travail obscur que se forgent la compétence et la cohésion des compagnies, des escadrons, des équipages.

Cela demande du temps, cela requiert des crédits. Si la qualité des armées se mesure à l'aune des moyens qui leur sont donnés pour ces actions qui ne sont pas d'éclat, on peut dire, madame la ministre, que ceux prévus pour 2005 remplissent ces conditions.

En réponse à un amendement que j'avais déposé au moment du vote de la loi de programmation, vous avez prévu une provision de 100 millions d'euros pour le financement des opérations extérieures. Cela doit être considéré comme un début, la grille de la LOLF devant permettre d'identifier à un niveau plus élevé les crédits destinés aux opérations extérieures comme intérieures.

Plus le temps passe et plus s'impose le fait que notre défense revient de loin, de plus loin que nous ne le pensions à l'été 2002.

Il fallait donc consentir un effort considérable. Et cet effort est accompli pour la troisième année consécutive. Grâce à cela, le redressement est en marche, lentement peut-être, mais le mouvement est lancé. Il portera inéluctablement ses fruits dans 1es mois et les années qui viennent aussi bien pour la qualité de nos matériels que pour la satisfaction de nos militaires.

C'est un budget nécessaire pour asseoir notre crédibilité vis-à-vis de nos partenaires européens, et pour constituer et préserver un outil essentiel à l'avenir de notre nation, au-delà des contraintes de la conjoncture.

C'est à cette aune, réaliste et résolue, que je considère que le budget que vous nous proposez, madame la ministre, est un bon budget, budget que la commission de la défense a adopté, budget que je voterai avec plaisir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Brunhes. Quelle discrétion sur le nucléaire !

M. le président. On ne peut pas en dire autant de vous, monsieur Brunhes ! (Sourires.)

Nous en venons aux orateurs inscrits.

La parole est à M. Jean-Michel Boucheron.

M. Jean-Michel Boucheron. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste, vous le savez, ne votera pas le projet de budget du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Louis Léonard. Sans blague !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Quel scoop !

M. Jean-Michel Boucheron. Il est du reste regrettable qu'il se réduise à une opération de communication du ministre des finances, pressé de quitter Bercy, parce que pressé d'entrer à l'Élysée.

M. Lionnel Luca. Ridicule !

M. Jean-Louis Léonard. C'est une obsession !

M. Jean-Michel Boucheron. Le Premier ministre, encore en fonction, a encore accepté d'assumer toutes ces annonces inapplicables. Gageons qu'un jour Matignon va se rebeller contre celui qui entend tuer le Prince !

Votre budget, madame la ministre, est intéressant par les disponibilités financières qu'il met à la disposition de votre ministère. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous rendons hommage à votre détermination à défendre vos crédits. (« Eh oui ! » sur les mêmes bancs.) Il y a de quoi faire beaucoup de choses positives. Les choix sont-ils les bons ? C'est le débat. Nous l'abordons dans un esprit constructif. (Rires sur les mêmes bancs.) C'est notre rôle, c'est la bonne façon pour l'opposition de servir le pays.

Votre budget est bien doté en masse, mais son exécution se fait sous haute tension tant en fonctionnement qu'en équipement, et certaines lignes politiques n'apparaissent pas clairement affirmées. On constate ainsi, dans nos armées, un moral un peu en berne.

Tout d'abord, madame la ministre, sachez que le groupe socialiste n'est en aucun cas dupe des contorsions comptables qui visent à embellir la réalité.

M. Bernard Deflesselles. Vous êtes experts.

M. Jean-Michel Boucheron. Les différentes méthodes de camouflage utilisées ne sont guère innovantes. Les 200 millions de BCRD se répètent d'année en année alors qu'ils ne devaient pas perdurer au-delà du budget 2003. Le coût de transformation de la DCN ponctionnera en 2005 le titre V de 379 millions d'euros.

Une note attribuée à la direction des affaires financières et publiée par le journal officiel, je veux dire Le Figaro, (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) nous informe que la prévision de sous-financement pour la loi de programmation militaire entre 2003 et 2008 se monte à 6,1 milliards d'euros.

Le dérapage le plus visible se situe au titre III où cela ne va pas du tout. Ainsi, 100 millions d'euros seulement ont été provisionnés pour les OPEX, ce qui est très inférieur à la réalité. En fait, le déficit de financement pour le titre III excède le montant total des opérations extérieures, ce qui démontre sa sous-évaluation dans la loi de finance 2004. N'oublions pas que les opérations extérieures sont estimées à 600 millions d'euros et c'est une estimation minimale. Une implication renforcée de notre pays en Côte-d'Ivoire - hélas ! - tout comme le maintien du baril de pétrole à un niveau élevé ne peuvent que faire augmenter le montant des OPEX, et ce dès la fin de cette année.

Donc, 692 millions d'euros vont être prélevés sur le titre V. Remis à votre disposition en fin d'année, ils ne pourront pas être engagés en 2004 en investissement et viendront décaler d'autant l'exécution de la programmation. Bien que la loi de finances initiale parte, heureusement, du niveau prévu par la loi de programmation militaire, la fourchette de 700 millions à 1 milliard d'euros de manque de financement semble être un niveau de croisière établi.

Face à cette situation, la grande et éternelle tentation consiste à vouloir faire payer ceux qui auront les responsabilités plus tard. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis pour la gendarmerie. Vous parlez en connaissance de cause !

M. Jean-Michel Boucheron. C'est là qu'intervient le stratagème des financements « innovants ». J'avoue que cet adjectif est vraiment très drôle puisque cette extraordinaire innovation consiste à dépenser aujourd'hui l'argent que l'on n'a pas en s'endettant et en le faisant rembourser par les budgets futurs.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Parole d'expert !

M. le président. Mes chers collègues, chacun sait ici que cela ne s'est jamais fait... Laissez donc poursuivre l'orateur.

M. Jean-Michel Boucheron. Cette redécouverte du chèque en bois ferait sourire si cela ne posait pas le problème, au-delà du principe de l'annualité budgétaire, de la réduction de liberté dans le vote des budgets futurs. Il y a des citoyens qui se retrouvent devant des commissions d'endettement pour des raisons beaucoup moins graves.

Nous sommes face à une double cannibalisation : celle du titre III par le titre V et celle du titre V par le titre III. Mais les spécialistes de l'innovation financière vont devoir faire preuve d'imagination. En effet, la LOLF devrait apporter ordre et clarté et nous mettre à l'abri de ces jeux d'écriture puisque les masses figureront dans la nouvelle présentation budgétaire.

En résumé, le niveau affiché par la loi de finances initiale est bon mais l'exécution l'est moins. Les reports de charges successifs rendent la lecture financière extrêmement opaque. Nous savons ici que cette exécution insatisfaisante du budget résulte des pressions de Bercy, mais également sans doute d'une sous-évaluation du coût des engagements de la défense.

Il est incontestable, madame la ministre, que ce budget sous haute pression a des conséquences sur le moral des armées. Les OPEX mal remboursées, les créations de postes gelées brutalement, des différences significatives de traitement d'une arme à l'autre créent un malaise assez profond qui est apparu publiquement il y a quelques semaines. Il nous appartient de le prendre en compte. C'est peut-être le phénomène majeur de la situation actuelle. La sous-évaluation du coût de la professionnalisation, la sous-évaluation des crédits de rémunération vous ont imposé un brusque blocage des recrutements.

Le chef d'état-major de l'armée de l'air a élégamment habillé cette réduction d'effectifs par le projet Air 2010, tout en voyant ses livraisons de nouveaux appareils retardées.

Celui de la marine a réparti le plus possible ses pertes de postes, mais doit affronter en fonctionnement de réels problèmes de maintenance dans la flotte sous-marine et « tangente » en permanence la ligne jaune pour respecter la disponibilité de la FOST. Par ailleurs, les incertitudes, sur les FREMM, programme où les spécificités italiennes et françaises semblent diverger, pourraient annoncer un glissement des coûts et une diminution d'un programme totalement structurant pour la marine.

Enfin, celui de l'armée de terre était confronté à un tel challenge qu'il ne pouvait procéder aussi discrètement à ces réductions. Dans cette situation, il est clair que les efforts d'amélioration de la condition militaire sont réduits au minimum. Les crédits dévolus aux chefs de corps pour régler les factures courantes ne suivent pas l'augmentation du coût de la vie. La baisse du recrutement de sous-officiers - les cadres de contact - peut affaiblir la cohérence de nos forces : c'est le processus inverse de la fameuse consolidation de la professionnalisation présentée comme une priorité.

Cette arme qui fournit l'essentiel de nos forces engagées à l'extérieur mérite un traitement particulier. En effet, si les missions sont remplies avec des effectifs contraints, il y a danger dans leur exécution. Si l'on accélère le rythme de rotation, il y a danger de surchauffe. Les hommes font la différence entre leur traitement et celui d'autres armes dépendant de votre ministère qui ont obtenu des avantages importants il y a peu. Cette distorsion de situation pourrait se révéler porteuse de graves dysfonctionnements.

Je ne peux terminer ce tableau sur les problèmes du moral sans évoquer le cas des personnels civils qui voient leur périmètre de compétence se réduire. Je crois qu'il faut combattre de façon équilibrée l'idéologie du tout-externalisation comme celle du tout-étatisation. Le mal- être est également dû au manque de perspectives de promotion interne.

Enfin, il y a l'inquiétude des personnels de la DCN et nous demandons, madame la ministre, qu'ils soient rassurés sur deux principes fondamentaux : le respect et la pérennité de leur statut, le maintien des emplois sur place. Ces deux conditions réalisées, il ne doit y avoir de tabous ni sur la structure juridique des sociétés ni sur la nature et la composition du capital. Le but est d'avoir un grand outil de la construction navale européenne. Il faut aller vite, il faut aller fort.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. Jean-Michel Boucheron. Mais la crise du moral des armées n'est pas seulement liée à des inquiétudes statutaires, des difficultés de condition de vie, de surcharge de travail ou des attentes de matériel. Il y a aussi, évidemment, les mutations propres à la période et les incertitudes sur quelques questions centrales. Or votre budget me semble hésitant dans un certain nombre de domaines clés, et je voudrais vous en citer quelques-uns.

Les études amont : si l'on se base sur l'annuité moyenne de la programmation militaire, nous devrions disposer de 635 millions d'euros, votre budget en propose 460, après l'écroulement de l'année précédente. Pourtant, si une dépense devait bénéficier d'une ultra priorité, ce devrait être celle-ci. La politique des démonstrateurs est bonne, mais les autorisations de programme s'effondrent et le simple rattrapage des manquements de l'année précédente ne peut suffire à satisfaire une grande priorité de la recherche.

Je profite de ces observations pour vous interroger sur l'Agence européenne de défense à qui il faut fixer des priorités : celles d'aujourd'hui issues du processus de l'ECAP, mais aussi et surtout celles du futur, qui seront structurantes.

La coopération franco-britannique et le porte-avions : où en sommes-nous réellement ? Les porte-avions auront des architectures différentes et les coques seront fabriquées dans chacun des deux pays. J'ose à peine vous questionner sur les hélices... Quelle sera réellement la part commune des systèmes d'armes ? Que reste-t-il de l'affichage de départ ?

L'Euromale : ces deux dernières années, il ne s'est pas passé grand-chose. Le programme des drones tactiques et stratégiques me paraît totalement prioritaire. Les choses me semblaient bien enclenchées, mais les financements sont faibles. Je salue le succès du rassemblement des principaux pays européens sur ce projet. Il manque encore nos amis hollandais qui ont pourtant déjà réalisé un excellent travail dans ce domaine.


Par contre, l'accord cadre défini dans la LoI me semble en panne. Pour ce qui est des exportations, chaque pays continue à utiliser ses instruments nationaux, ce qui prive de sens la licence globale qui avait été adoptée dans l'accord cadre. Je pense que certains obstacles de nature bureaucratique bloquent aujourd'hui la logique très positive de la LoI. Sans impulsion politique forte, nous n'arriverons pas à atteindre les objectifs que nous nous étions fixés.

Dans le domaine du renseignement, sur 1 000 créations de postes, 20 seulement iront à la DGSE. Est-ce réellement à la hauteur de l'enjeu majeur que représente le renseignement aujourd'hui ? La DRM doit pouvoir assurer la pérennisation des contrats de ses personnels de haut niveau. L'abandon du DC-8 Sarigue est-t-il compensé technologiquement ? Quelles en seront les conséquences sur nos capacités de cartographie radar ? Au fait, madame la ministre, êtes-vous réellement satisfaite de la qualité des échanges de renseignements entre alliés en Afghanistan ?

Sur ce point, votre passage rue Saint-Dominique pourrait être marqué par une innovation importante : je pense à la relation entre l'opinion publique et nos services secrets. Il faut les sortir de cet isolement ridicule !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est vrai !

M. Jean-Michel Boucheron. Ces services ont une légitimité : ils servent la France tous les jours. Il n'y a pas à les cacher, comme si nous en avions honte. Je propose dans un premier temps, madame la ministre, que la DGSE remette chaque année un rapport de situation aux commissions de la défense des deux chambres.

M. Jérôme Rivière, rapporteur pour avis pour les crédits d'équipement. Bonne idée !

M. Jean-Michel Boucheron. La commission consultative du secret de la défense nationale le fait bien, sans trahir aucun secret ! Cette simple initiative, qui pourrait rencontrer l'accord du Chef de l'État, introduirait ces services dans le fonctionnement normal de la République et de ses institutions parlementaires, et symboliserait ainsi leur passage à la modernité.

M. Jean Michel. Très bien !

M. Jean-Michel Boucheron. J'en viens à l'industrie. Sur elle aussi pèsent de lourdes incertitudes. Les restructurations se font quelquefois sans que l'on perçoive clairement les objectifs du Gouvernement. Par contraste avec la clarté du processus de fusion Aérospatiale Matra-EADS, le rapprochement SNECMA-SAGEM fut une surprise, dont le moins que l'on puisse dire est que les synergies industrielles ne sont pas évidentes. Mais quelles sont vos intentions, madame la ministre, concernant la participation des chantiers de l'Atlantique dans la recomposition de l'industrie navale ? Que se passe-t-il chez Thales ? Voulez-vous un ou deux grands acteurs européens de défense ? On peut en effet imaginer deux grands groupes : l'un fondé sur l'aéronautique et le spatial, EADS ; l'autre fondé sur le naval et l'électronique, Thales-DCN, avec nos partenaires britanniques, allemands, italiens et espagnols. Mais on peut aussi concevoir un seul et unique grand pôle européen de l'armement. Dans ce cas, la relation franco-britannique serait-elle préservée ? Le risque d'un rapprochement entre BAE et les Américains est-il mesuré ? Ces grandes manœuvres sont-elles maîtrisées ? L'État souhaite-t-il un ou deux grands interlocuteurs ? Le Gouvernement doit s'exprimer à ce sujet, nous dire ce qu'il souhaite, pourquoi et comment il le souhaite.

Parmi les grands questionnements qui s'imposent à nous, on ne peut durablement éviter la question centrale du dimensionnement de notre armée de terre. Celle-ci compte 130 000 hommes ; l'armée britannique 100 000, avec un nombre plus important de personnels en OPEX. Cet écart, dont les raisons sont historiques, a-t-il aujourd'hui une explication stratégique ? Si notre armée de terre devait perdre, en deux ou trois ans, 10 000 hommes ou plus, il faudrait procéder à un reformatage.

Enfin, quelle avancée espérez-vous pour l'Europe de la défense ? Quelle avancée de la France dans l'Europe ? Nulle part n'apparaît la notion de capacité européenne globale. Quid des objectifs capacitaires pour 2010 ? Du Battlegroup 1500 ? De l'Agence européenne de défense ? Du fonctionnement de la LoI ?

Il est assez peu cohérent, avouez-le, que l'état-major de l'Union européenne compte 150 officiers de vingt-quatre nations, alors que le commandement allié de transformation de l'OTAN, à Norfolk, compte 120 officiers français.

Madame la ministre, en conclusion, voici quelques propositions simples : l'augmentation nette du financement des études amont, un effort plus important sur le spatial, le Command and Control et les capacités d'emport des armes de précision ; l'adaptation de l'A 400M au SCALP est un projet qu'il faut accélérer. Enfin, il faut revoir le modèle d'armée 2015. Les crédits doivent être concentrés sur les priorités et sur l'avenir. Il faut tirer la leçon des crises et faire porter l'effort budgétaire sur les crédits dédiés à la recherche, quitte à anticiper le retrait des matériels dont l'entretien est trop coûteux. L'argent de la loi de programmation militaire que vous avez réussi à maintenir, et nous vous en félicitons une fois de plus, ne doit pas servir uniquement à rattraper les retards. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Fromion. On croit rêver !

M. Yves Nicolin. C'est tout ce que vous n'avez pas fait !

M. Michel Voisin. Et que vous avez oublié !

M. Jean-Michel Boucheron. La vérité est que la construction de la loi de programmation militaire en tenant compte du modèle d'armée 2015 est un objectif intenable, que vous ne devez pas chercher à tenir coûte que coûte ! Nous ne devons pas nous engager dans une logique de réduction homothétique des forces. Il faut augmenter la part de la technologie et les crédits d'équipement doivent impérativement repasser au-dessus de la barre des 50 % du budget.

M. Charles Cova, rapporteur pour avis pour la marine. Il n'y a qu'à !

M. Michel Voisin. Le rêve, toujours le rêve !

M. Jean-Michel Boucheron. Nous devons accélérer toutes les synergies européennes afin d'élever notre niveau capacitaire commun à un rang qui nous permettra de nous doter d'une vraie politique étrangère commune.

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis pour l'espace, les communications et le renseignement. C'est incroyable d'entendre cela de la part d'un socialiste !

M. Jean-Michel Boucheron. Il faut préparer l'armée nouvelle qui nous est nécessaire. Dans cette perspective, madame la ministre, nous aurions pu vous accompagner... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.- Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Francis Hillmeyer.

M. Francis Hillmeyer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette discussion budgétaire intervient dans un contexte très préoccupant pour notre armée et nos soldats présents en Côte d'Ivoire. Comme François Bayrou l'a exprimé la semaine dernière, l'UDF est solidaire de la riposte militaire française à des agressions caractérisées contre nos forces, qui plus est quand elles entraînent la mort tragique de nos soldats.

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis pour la gendarmerie. Très bien !

M. Francis Hillmeyer. L'engagement de nos forces, au sein d'un conflit étranger mais aussi sur d'autres théâtres d'opérations, dans des missions essentielles de maintien de la paix, pose sous un jour particulier la question des OPEX et de leur financement. Évaluées à 600 millions d'euros pour 2005, ces dépenses sont difficiles à budgétiser car elles sont évolutives. Elles sont provisionnées à hauteur de 100 millions dans votre projet de budget, madame la ministre. C'est une nouveauté qu'il convient de saluer. Mais la question est de savoir quels redéploiements de crédits pourront couvrir les dépenses supplémentaires, dans l'attente de leur prise en compte totale, l'année prochaine, lorsque la LOLF sera appliquée - et pourquoi pas dans un programme distinct, comme l'a suggéré notre collègue Michel Bouvard ?

Mais pour cette année, et dans des moments si difficiles, il serait déplacé de refuser une contribution budgétaire en loi de finances rectificative pour assurer la sécurité et éventuellement le rapatriement total de nos ressortissants en Côte d'Ivoire. Ces opérations ont un coût qui ne doit pas dégrader la cohérence du budget de la défense dans ses différents volets, conformément aux orientations de la loi de programmation militaire. Je pense en particulier aux crédits d'entraînement de nos forces, qui ne doivent pas pâtir du basculement des OPEX sur les crédits de fonctionnement.

De ce point de vue, le groupe UDF se réjouit de constater que, pour sa troisième annuité, votre projet de budget respecte les objectifs de la loi de programmation militaire. C'est certes une bonne nouvelle pour le moral de nos troupes et pour notre sécurité, mais c'est aussi une victoire pour le Parlement et la commission de la défense de notre assemblée, qui vous a toujours soutenue, madame la ministre, dans des arbitrages interministériels parfois difficiles.

Permettez-moi d'insister tout particulièrement sur le statut des militaires. Il est prioritaire de consolider la professionnalisation des armées. La loi de programmation militaire vise aussi à améliorer la condition des militaires, leur logement, leurs matériels, à leur offrir des perspectives de carrière et à rendre les fonctions de soldat plus attrayantes.

N'oublions pas, madame la ministre, dans quel état nous avons trouvé certains corps - je pense notamment à la gendarmerie - quand vous êtes arrivée aux responsabilités. Aujourd'hui, je suis un peu inquiet quand je vois l'évolution des dépenses de personnel, et surtout l'absence de provision pour l'éventuelle revalorisation du point d'indice de la fonction publique et les mesures de modernisation statutaire prévues dans le projet de loi, que nous devrions prochainement examiner, relatif au statut général des militaires.

Se pose également, surtout dans l'armée de terre, la question de la réalisation des effectifs militaires prévus par la loi de programmation militaire. On sait aujourd'hui qu'ils ne seront pas réalisés à 100 %, on parle même d'un sous-effectif de 10 000 hommes en 2005. Ce sont des informations cruciales qui, si elles étaient avérées, pourraient remettre en question durablement le modèle d'armée 2015.

Par ailleurs, j'ai été alerté sur certaines restructurations, contestées, qui mènent à des délocalisations ou à des fermetures - par exemple celles du service technique de recherche avancée à Illkirch et du centre radio-électrique basé à Mutzig, où de nombreux militaires et civils recherchent une solution locale plutôt qu'une délocalisation - sans concertation préalable et sans raison budgétaire apparente. C'est la perte brutale d'un savoir-faire accumulé dans le domaine du renseignement. C'est dommage, quand on sait l'importance qu'il faut accorder au renseignement.

En règle générale, l'UDF n'est pas a priori hostile à une réduction du format dans la perspective d'une mutualisation de nos forces au sein d'une véritable Europe de la défense et dans une logique d'externalisation des services aux armées.

En revanche, il nous paraît capital de renforcer très sérieusement les moyens des réserves : celles-ci ne bénéficient que de 15 millions d'euros, ce qui est insuffisant et dérisoire dans un budget de 42,4 milliards d'euros. Les réservistes renforcent la professionnalisation en permettant aux militaires de carrière de se concentrer sur leurs missions premières. Mais les corps de réserve ne sont pas aussi consolidés qu'ils le devraient. Ils ont pourtant un grand rôle à jouer dans la sécurité intérieure et dans la réactivation du lien entre la société civile et l'armée.

À ce sujet, nous approuvons les préconisations du rapport de nos collègues Tessier et Léonard. Nous disons oui à un partenariat conventionnel, voire contractuel entre l'armée, les réservistes et leurs employeurs : un réserviste ne doit plus être un civil en uniforme, encore moins un clandestin dans son entreprise. Nous disons oui à la mobilité des citoyens : du civil au militaire pour la réserve, et du militaire au civil pour la reconversion.

Mais si les objectifs de la loi de programmation militaire sont maintenus, il convient d'être exemplaire dans la poursuite de la réforme du ministère de la défense et dans la pertinence du choix des investissements militaires. Le budget de la défense est le premier budget de la nation en moyens d'investissement. Nous devons sortir d'une vision étatisée de l'industrie militaire et encourager les transferts de technologies entre les centres de compétences civils et militaires.

J'insiste sur l'importance capitale de la recherche duale, dans l'hypothèse d'un décloisonnement structurel du civil et du militaire en France. Malheureusement, le projet de loi de finances pour 2005 n'attribue que 200 millions d'euros à ce secteur vital. Le modèle de la recherche duale doit inspirer notre stratégie d'équipement pour diffuser la croissance au plus près du tissu économique régional.

Des progrès ont été réalisés pour faciliter l'accès des PME aux marchés de la défense, grâce au nouveau code des marchés publics, qui favorise davantage les PME innovantes lors de l'attribution des marchés émanant des services de la défense. Ces PME constituent le terreau le plus propice à la propagation des « technologies clés ».

La France se doit également de développer en amont des programmes européens d'étude et d'axer ses dépenses de recherche et développement sur le renseignement, secteur qui touche tous les domaines concernés par une action militaire.

Je voudrais ajouter quelques mots sur l'Europe de la défense. Le retard européen pris en matière de défense est regrettable. Les pays européens ne cessent de rédiger des communiqués pour donner l'impression que la défense européenne est construite. Mais dans la réalité, l'Europe de la défense n'est, pour le moment, qu'un catalogue de vœux pieux reposant sur la seule volonté des États et du Conseil. Résultat : alors que les pays de l'Union européenne mobilisent au total des moyens élevés, avec 160 milliards d'euros consacrés à la défense, ils rassemblent à peine un dixième de la capacité américaine. Les pays européens conjuguent donc la dispersion des financements et des stratégies à l'impuissance des moyens.

Une Europe de la défense nous ferait faire des économies d'échelle considérables, bien au-delà des programmes bilatéraux réalisés depuis trente ans, dont le second porte-avions est l'exemple. Elle pourrait, à coûts constants ou moindres, se rapprocher des capacités d'intervention des États-Unis. En tout état de cause, le fossé militaire creusé par l'océan Atlantique repose sur l'application de réformes structurelles et sur un certain courage budgétaire.

C'est pourquoi l'heure est à l'harmonisation des ressources. L'harmonisation des programmes européens est une aubaine pour la France, qui doit saisir cette occasion pour se restructurer et devenir plus compétitive.

Nous souhaitons que les gouvernements des États partenaires de l'Union européenne confient les programmes de recherche, de réalisation et de coordination de leurs politiques d'équipement à l'Agence européenne de l'armement, de la recherche et des capacités militaires, qui ne doit pas se contenter d'être un club de réflexion sur la défense européenne. Nous nous réjouissons de son inscription à l'article 41 du titre I du traité établissant une future Constitution européenne, dont on ne cessera de rappeler les avancées dans le domaine de la défense, sans parler des coopérations structurées.

On pourra à l'avenir envisager une modernisation du fonctionnement de l'institution, laissant place à une plus vaste consultation, voire à une codécision avec le Parlement européen. Une telle organisation inciterait les États membres à adopter une politique d'acquisition harmonisée et à entreprendre chez eux une grande réforme de l'administration militaire. Disposant d'un budget propre, limitée dans un premier temps à la recherche et au développement en matière de technologies nouvelles, cette agence développera des actions complémentaires à celles des agences nationales.

Enfin, concernant la stratégie de réforme de votre ministère dans le cadre de la mise en application de la LOLF, le groupe UDF ne peut que souscrire aux remarques de la commission des finances, en particulier de notre collègue Charles de Courson. Il conviendrait en effet d'introduire plus de lisibilité dans la structuration de la future mission « Défense » pour permettre un meilleur contrôle parlementaire et une plus grande capacité d'amendement. Sur 35 milliards d'euros, le programme « Préparation et emploi des forces » en monopolise 21, dont l'utilisation sera, de fait, difficilement appréhendable. Il faut que ce programme soit pourvu d'objectifs précis, car disposer d'une armée n'est pas, en soi, un objectif ! La LOLF doit permettre un renforcement du contrôle du Parlement et vous savez, madame la ministre, que c'est pour vous aider à remplir vos missions et à utiliser le plus efficacement les ressources légitimes de votre budget que le Parlement et la commission de la défense souhaitent exercer un plus grand contrôle.

Conscient de vos efforts et de votre volonté de tenir les engagements de la loi de programmation militaire que nous avons adoptée, et en attendant de pouvoir discuter avec vous de l'avenir de nos personnels militaires dans le cadre de votre futur projet de loi, le groupe UDF votera ce projet de budget pour 2005. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis pour la gendarmerie. Très bien !


M. le président.
La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de rendre hommage aux soldats français qui viennent de payer un lourd tribut à la mission de paix qu'ils effectuent en Côte d'Ivoire dans le cadre de l'ONU. J'exprime de nouveau la solidarité du groupe communiste avec les familles des militaires assassinés ou blessés. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je réitère aussi la volonté de notre groupe d'une séance à l'Assemblée nationale afin de débattre des initiatives que la France prend pour mettre un coup d'arrêt aux affrontements militaires et trouver les voies d'une issue politique à cette grave crise.

J'en viens au budget de la défense. En hausse de 2,2 % à périmètre constant, il tranche cette année encore avec la pénurie de la plupart des budgets sociaux. Il faut ajouter, madame la ministre, vos propos rapportés ce matin par Les Échos : on y lit que le ministre de la défense a négocié une rallonge de 200 millions d'euros par rapport aux 150 millions de crédits que le Gouvernement prévoyait d'ouvrir pour les OPEX. « C'est une somme colossale qui va poser d'énormes problèmes aux ministères civils », estime Gilles Carrez, rapporteur général du budget. Cela se traduira à l'évidence par une augmentation des annulations de crédits pour les ministères civils. Pour les députés communistes, ce choix est d'autant plus inacceptable que les options stratégiques qui le sous-tendent, ne répondent ni aux menaces actuelles ni à l'intérêt de la France.

C'est le cas du déséquilibre maintenu en faveur du titre V, qui, conjugué au poids financier de la professionnalisation des armées et au coût exorbitant des opérations extérieures, aggrave la forte tension, déjà perceptible ces dernières années, qui s'exerce sur les effectifs civils, tout en affectant les militaires ; 1 168 emplois sont ainsi supprimés. Quant aux personnels militaires, vous avez vous-même reconnu, madame la ministre, que vous n'aviez pas obtenu « la pleine réalisation des effectifs au niveau souhaité par les chefs d'état-major des différentes armées ». L'armée de terre craint même une réduction de ses effectifs de 10 000 hommes. Or la capacité opérationnelle des armées ne dépend pas que de la modernisation et de la disponibilité des équipements, elle dépend aussi des hommes.

Au sein du titre V, l'importance des crédits nucléaires, qui absorbent 20 % des dotations, est contestée même par de nombreux militaires.

M. Antoine Carré, rapporteur pour avis pour la dissuasion nucléaire. Je n'en connais pas !

M. Jacques Brunhes. Ces derniers s'interrogent sur la nécessité de développer la force nucléaire, considérant que son maintien suffit pour assurer la crédibilité de la dissuasion. Le président de notre commission de la défense, qui se fait aujourd'hui très discret, a lui-même préconisé, comme nous l'avons tous lu dans la presse, une « pause », en raison du poids insupportable que représente le financement conjoint du nucléaire et d'une armée classique.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. Cela s'appelle de l'extrapolation !

M. Jacques Brunhes. Ce n'est pas de l'extrapolation : toute la presse en a parlé ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La modernisation des armes nucléaires se justifie d'autant moins qu'elles sont inadaptées aux menaces du terrorisme et de la multiplication des conflits régionaux qui pèsent sur la sécurité nationale et internationale. Quant à la menace de prolifération des armes de destruction massive, la meilleure parade se trouve dans un désarmement contrôlé et global. La relance de ce processus au sein de l'ONU et le respect des engagements découlant du traité de non-prolifération nucléaire par les puissances nucléaires elles-mêmes devraient devenir une des préoccupations essentielles de la communauté internationale.

Parallèlement, votre politique d'armement fondée sur l'assimilation des armes à des marchandises comme les autres, et donc sur une logique concurrentielle, ainsi que sur le recours aux « achats sur étagère », aboutit au dépeçage et au bradage d'une industrie nationale de pointe, et par extension à la diminution de notre capacité autonome de défense. La restructuration devient synonyme de démantèlement, et aboutira à terme à la privatisation des entreprises étatiques et des sociétés nationales. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. C'est tout le contraire !

M. Jacques Brunhes. Pourtant, les résultats de cette politique sont d'ores et déjà catastrophiques. Le plan GIAT 2006...

M. Michel Voisin. Parlons-en !

M. Jacques Brunhes. ...a désorganisé l'entreprise au point de rendre difficile le respect des engagements. Les retards de commandes de l'État la fragilisent encore plus,...

M. Michel Voisin. Vous ne manquez pas de souffle !

M. Jacques Brunhes. ...et les résultats financiers estimés au 31 août font état d'une nouvelle dégradation. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous pouvez protester autant que vous voulez, c'est une réalité tout à fait vérifiable.

De surcroît, la direction souhaiterait s'engager dans la recherche de doubles sources, ce qui malmènera encore plus la production et suscitera de nouveaux troubles sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Dans ce contexte, madame la ministre, les syndicats craignent une ouverture du capital de leur entreprise, et à terme la dissolution de GIAT Industries dans le cadre d'éventuelles alliances européennes.

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis pour l'air. N'importe quoi !

M. Jacques Brunhes. M. Sandrier vous posera tout à l'heure, madame la ministre, une question sur GIAT Industries. Nous connaissons suffisamment ses salariés, y compris les cadres, pour savoir que nous n'annonçons pas n'importe quoi et que, hélas ! nos prévisions risquent de se réaliser.

La fusion SNECMA-SAGEM, guidée par le seul objectif de rentabilité financière - car vous reconnaîtrez que les synergies industrielles entre les deux ensembles sont totalement nulles : on ne voit pas quelles synergies il pourrait y avoir entre les portables et les moteurs d'avion - se soldera, outre les conséquences sociales dramatiques induites par le choix du financier au détriment de l'industriel, par la perte de la maîtrise politique des choix aéronautiques et spatiaux, et par conséquent de la maîtrise citoyenne des questions de sécurité.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. Cela faisait longtemps !

M. Jacques Brunhes. À terme vous préparez de fait l'entrée de General Electric dans ce groupe.

M. Michel Voisin. C'est la boule de cristal !

M. Jacques Brunhes. L'ouverture du capital de la DCN, avec l'objectif d'accélérer son rapprochement avec Thales, avant une alliance éventuelle avec l'Allemand Thyssen Krupp, pour créer un pôle européen de l'armement naval, risque d'entraîner les mêmes effets. Votre engagement concernant le maintien majoritaire de l'État dans le capital de DCN et le maintien du statut des personnels est d'autant moins crédible que nous connaissons le sort de votre promesse de garantir le caractère socialement exemplaire du plan GIAT 2006, restée lettre morte face aux perspectives irréalistes de reclassement des salariés.

Au-delà de la question sociale, votre décision recouvre un enjeu capital pour notre pays. Vous abandonnez une industrie nationale hautement qualifiée au nom de l'Europe de l'armement, soi-disant pour ériger, par la création d'entreprises à taille mondiale, des barrières contre la mainmise des groupes américains sur les entreprises européennes. Or la restructuration tous azimuts n'est en aucune façon une garantie contre la percée transatlantique, comme en témoigne l'accélération des prises de contrôle de firmes européennes par des capitaux américains. Le Conseil des industries de défense françaises précise lui-même dans son livre blanc, présenté récemment par M. Vigneron, qu'il n'existe pas de relation préférentielle au sein de l'Union européenne au profit de l'industrie européenne. Le choix fait par certains États de financer le programme Joint Strike Fighter en est une parfaite illustration, comme le fait que le projet franco-britannique de construction d'un nouveau porte-avions prenne l'eau, les Britanniques ayant fait le choix du futur F35 américain, contre le Rafale français.

De plus, depuis le dernier élargissement de l'Union européenne, la balance penche encore plus en faveur du lien transatlantique, les nouveaux membres préférant majoritairement se tourner vers l'OTAN.

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis pour l'espace, les communications et le renseignement. Pas étonnant ! Après ce que vos amis soviétiques leur ont fait, ils sont vaccinés !

M. Jacques Brunhes. J'ajoute que le projet de Constitution européenne ne fait que renforcer la subordination de l'Union européenne à l'Organisation atlantique. En effet l'article I-40, qu'on a évoqué il y a un instant, sans mentionner tout ce qu'il contenait, précise dans son deuxième paragraphe que l'éventuelle politique de défense commune de l'Union, « respecte les obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord » ; et selon le paragraphe 7 de ce même article, tout engagement de défense mutuelle entre États membres est exclu puisqu'il ferait double emploi avec le traité de l'OTAN. Ce paragraphe précise que l'OTAN reste pour les États membres « le fondement de leur défense collective et l'instance de sa mise en œuvre ». Le ministère des affaires étrangères britannique ne s'y trompe pas lorsqu'il souligne, en s'en félicitant, que « c'est la première fois qu'un traité de l'Union européenne dit aussi clairement » cette subordination à l'OTAN.

M. Jean Michel. Eh oui !

M. Jacques Brunhes. Voilà la réalité d'une politique européenne autonome de défense et d'armement ! Dans ce cadre, la restructuration et l'européanisation de l'industrie de l'armement répondent tout simplement à une exigence de rentabilité économique, et non à celle de la construction européenne.

Le nécessaire maintien et le développement des capacités industrielles et technologiques françaises impliquent pour nous l'émergence d'un pôle public de défense, ouvert aux coopérations européennes, seul en mesure de conserver à la France un outil de défense nationale, et de soustraire à la loi du profit des fabrications sensibles et stratégiques.

Quant à l'Europe de la défense, elle n'a pas de sens sans une réelle autonomie par rapport à l'OTAN et un projet qui la démarque nettement du paradigme américain de puissance et de domination. Si, par essence, elle implique la défense prioritaire des États membres, ses autres missions devraient relever de l'action humanitaire et pour la paix, de la prévention des crises et des guerres régionales sous l'égide de l'ONU, suivie en cas d'échec d'une intervention dans le cadre d'une ONU rénovée et démocratisée, sous réserve d'une définition internationale des critères d'intervention.

Plus globalement, nous préconisons une politique multidimensionnelle de sécurité, fondée sur l'action en faveur du développement et de la réduction des inégalités inter et intra-étatiques, sources, en grande partie, du nouveau désordre du monde.

Votre politique, madame la ministre, étant aux antipodes de ces exigences, le groupe communiste et républicain votera contre votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Voisin.


M. Michel Voisin
. Votre budget, madame le ministre, constitue la troisième annuité de la loi de programmation militaire. Il a pour ambition de doter la France des moyens non seulement nécessaires mais indispensables - hélas ! l'actualité internationale nous en a apporté récemment la preuve douloureuse - pour assurer la sécurité de notre territoire et, ne le perdons surtout pas de vue, celle de nos ressortissants partout où ils se trouvent sur le globe.

Avant tout commentaire sur votre budget, vous me permettrez, au nom du groupe UMP, de rendre un hommage vibrant à l'action des femmes et des hommes qui apportent leur concours à l'opération Licorne. Leur mission est particulièrement délicate et ils l'accomplissent au péril de leur vie. Aux familles de ceux qui y ont sacrifié la leur, je voudrais, au nom de tous mes collègues, adresser nos plus sincères sentiments de sympathie et les assurer de 1'estime de la représentation nationale.

J'aurai également une pensée pour nos compatriotes qui ont dû, dans des circonstances particulièrement difficiles, quitter un pays où certains avaient fait souche et qui, compte tenu des liens d'amitié tissés par l'histoire, y vivaient confiants, concourant, au-delà de leur intérêt, au développement de la Côte d'Ivoire.

Plus que jamais, le contexte international nous rappelle ses douloureuses incertitudes. Il nous signifie cruellement que l'effort que nous devons consacrer à notre défense ne doit jamais être pris en défaut. Il est de notre devoir, et il y va de notre responsabilité, de tout mettre en œuvre pour être en mesure d'assurer, en toutes circonstances, le maximum de sécurité à ceux qui, dans leur vie professionnelle, portent à leur manière les couleurs de la France par leur présence à l'étranger.

Nous ne devons pas perdre de vue, alors que nous examinons les masses budgétaires que constituent votre budget, que, derrière la froideur des chiffres, il y a la réalité des hommes, la complexité des relations humaines et, avant tout, l'indispensable mission des forces armées : servir la paix.

L'année 2004 - et 2005 le sera vraisemblablement - aura été une année marquée par l'engagement des troupes françaises au service de la paix. Nos militaires sont présents dans plusieurs zones de conflit, que ce soit en Afghanistan, dans les Balkans, en Haïti ou encore en Côte d'Ivoire. C'est dans cette perspective qu'il nous faut aujourd'hui apprécier l'effort que le Gouvernement, fidèle aux engagements du Président de la République, entend consacrer à notre outil de défense. Il n'est pas seulement question de la défense ; nous avons aussi à discuter de la capacité et de la dimension que nous entendons donner à un outil diplomatique.

Ce budget que vous nous présentez, madame le ministre, dans un contexte budgétaire contraint, s'inscrit scrupuleusement dans le cadre défini par la loi de programmation militaire. Pensions comprises, il est en progression de près de 2,7 %. Hors pensions, avec un montant de près de 33 milliards d'euros, il n'enregistre plus qu'une hausse de 1,6 %, consacrée pour l'essentiel aux crédits d'équipement, conformément aux principes posés par la loi de programmation. Ce n'est qu'au prix d'une nouvelle réduction des effectifs que les crédits de fonctionnement devraient permettre un maintien des capacités opérationnelles des forces.

Je ne m'appesantirai pas sur les effets de la réforme budgétaire ; d'autres, sans doute plus compétents, l'on fait avant moi, notamment François Cornut-Gentille dans l'excellent rapport qu'il a présenté au nom de la commission des finances. Je partage toutefois quelques-unes des préoccupations qu'il a énoncées, notamment sur la lisibilité des orientations budgétaires nouvellement définies.

Ainsi, s'il apparaît souhaitable de faire apparaître plus de transversalité dans certaines missions confiées à notre défense, que ce soit en matière de recherche ou de sécurité, on ne peut que constater une sorte d'externalisation des crédits - cela vaut-il aussi pour les missions ? - qui étaient autrefois consacrés à la gendarmerie nationale.

Si l'on peut se féliciter de l'individualisation des crédits consacrés au devoir de mémoire et aux liens indispensables entre la défense et la nation, nous ne pouvons toutefois que remarquer le déséquilibre entre les quatre missions qui constituent votre budget, la quatrième - la mission « Défense » - représentant à elle seule 84 % des crédits de votre ministère. Elle sera, il est vrai, répartie entre quatre grands programmes : « Environnement et prospective de la politique de défense », « Préparation et emploi des forces », « Préparation et conduite des programmes d'armement » et « Soutien administratif central ». Cette nouvelle approche par grands objectifs représente une innovation intéressante, mais il ne fait nul doute qu'il vous appartiendra, madame la ministre, de faire évoluer, au vu de l'expérience, les contenus respectifs de chacun de ces programmes, voire, si le besoin de lisibilité s'en faisait sentir, d'individualiser de nouveaux programmes.

S'il paraît intellectuellement d'un grand intérêt de regrouper dans un même programme les activités de la Délégation aux affaires stratégiques, celles de la Délégation générale pour l'armement et celles de la Direction générale pour la sécurité extérieure, auxquelles on entend adjoindre celles de la Direction de la protection et de la sécurité de défense, je ne suis pas totalement persuadé que l'avenir consacrera durablement une sorte d'hypermarché dans lequel les parlementaires trouveront en tête de gondole les articles sur lesquels les gouvernements futurs placeront, bien en évidence, les actions qu'ils entendront promouvoir.

S'agissant du programme « Préparation et emploi des forces », il convient de se féliciter du rôle de coordinateur qui sera confié au chef d'état-major des armées, concrétisation de l'évolution indispensable de notre outil de défense vers plus d'interarmisation. Il s'agit d'une transposition administrative et opérationnelle qui reflète la réalité tant en ce qui concerne l'élaboration et la conduite des programmes d'armement que l'indispensable coordination des actions sur le terrain. Il conviendra toutefois de veiller à ce que cette volonté de mutualisation des moyens transcende les chapelles sans nier les particularismes. Sans doute faudra-t-il encore, pour cela, renforcer la formation interarmées, tout en insistant sur la composante internationale.

De même, il conviendra de définir scrupuleusement les responsabilités respectives du chef d'état-major des armées, des chefs d'état-major par armée, du délégué général pour l'armement et du secrétaire général pour l'administration, afin que ces différents responsables ne se trouvent pas englués dans des arbitrages sans fin, le pilotage de ce programme se trouvant à la croisée des impératifs technologiques et opérationnels.

Les réorganisations annoncées en 2003 sont effectivement engagées, et elles préfigurent pour partie la réforme budgétaire. Ainsi, l'année qui s'annonce devrait enregistrer la refonte des services d'infrastructures et d'archives et la création d'un régiment spécialisé dans les applications nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques. L'entrée en service du Tigre devrait être accompagnée de la dissolution d'un régiment d'hélicoptères : la qualité devrait être en mesure de suppléer la quantité. De nombreuses fonctions de soutien, jusqu'alors accomplies au sein des unités, devraient être externalisées. Ainsi, une partie de l'entretien des matériels de l'armée de terre devrait être confiée au GIAT, ce qui présente le double avantage de permettre un recentrage des effectifs des armées sur les missions opérationnelles et de pourvoir le plan de charge de GlAT-Industries. Cela devrait rassurer M. Brunhes.

La mise en œuvre de ces réformes ne sera pas sans incidence sur les personnels de la défense. Près de 4 000 militaires et 2 000 personnels civils des armées devront changer d'affectation et d'activité professionnelle, démontrant, s'il en était encore besoin, la grande adaptabilité qui est la leur, ainsi que l'effort conduit par la direction de la fonction militaire en matière d'accompagnement des personnels et de formation permanente.

La professionnalisation, qui fut un des grands chantiers de la dernière décennie, est désormais entrée dans sa phase finale. Elle aura avant tout permis aux forces armées de se donner les moyens de s'adapter à la sophistication croissante des matériels et à la complexité permanente des actions à mener sur le terrain.

Cette orientation se traduit par une augmentation de 2,5 % de la masse salariale. Une telle évolution, supérieure à l'augmentation globale des crédits du ministère, n'est pas uniquement due à l'amélioration de la condition des personnels - ceux-ci bénéficieront en 2005 des fruits des engagements passés -, elle intègre également les effets des mesures générales applicables à la fonction publique : mise en œuvre de la réforme des retraites et revalorisation du point d'indice de la fonction publique.

Le ministère de la défense est aussi un employeur - ses effectifs civils et militaires avoisinent 455 000 personnes - qui connaît des impératifs de gestion de sa ressource humaine. Pour faire face aux nécessaires renouvellements, pour l'essentiel fins de contrat et départs en retraite, les recrutements prévus en 2005 devraient concerner entre 33 000 et 35 000 personnes. Bien que nombreux, ces recrutements ne devraient pas permettre d'atteindre les objectifs en termes de personnels souhaités par les différents états-majors. Je souhaite pour ma part que l'armée de terre, qui a été contrainte de différer certains recrutements au cours de l'année écoulée, puisse rapidement revenir à un niveau suffisant, alors que ses personnels sont fortement impliqués dans les opérations extérieures.

Les crédits d'équipement figurant à votre budget sont globalement conformes à la loi de programmation militaire. Si l'on note une progression des crédits de paiement, on ne peut que constater une diminution conséquente des autorisations de programme, tendance qui, je l'espère, ne sera que conjoncturelle puisqu'elle engage l'avenir de nos équipements.

Je ne développerai pas mon propos sur les investissements, les matériels et leur livraison. Les rapporteurs l'ont très bien fait,

La gendarmerie nationale, quant à elle, bénéficiera d'une dotation nouvelle de 55 000 tenues, de 32 000 pistolets de nouvelle génération et de 10 000 gilets pare-balles, ce qui traduit l'intérêt porté à la sécurité de ceux qui veillent sur la nôtre. Je pense qu'il était nécessaire, mon cher rapporteur, de le souligner.

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis pour la gendarmerie. Très bien !

M. Michel Voisin. Les autorisations de programme devraient permettre la poursuite du développement du missile M 51, arme indispensable à la dissuasion, dans les trois prochaines années, ainsi que la commande de huit frégates multi-missions, de deux avions de transport à long rayon d'action et de 1 089 tenues de combat FELIN.

Cette préparation du futur se caractérise aussi par une dotation de 1,34 milliard d'euros - plus 8 % - à l'effort de recherche technologique. M. Boucheron l'a contesté tout à l'heure ; il aurait dû faire les calculs. Une part croissante de cet effort est guidée par notre volonté de renforcer la coopération européenne, et cela méritait d'être souligné.

Dans ce contexte, l'entraînement des personnels et la consolidation de la professionnalisation demeurent plus que jamais un impératif dont vous avez su tenir le plus grand compte. Il est aberrant de prétendre, comme on l'entend parfois, que les engagements sur des théâtres d'opérations extérieures pourraient tenir lieu d'entraînement. Ce type d'intervention nécessite au contraire une maîtrise certaine et un professionnalisme indispensable. La dotation que vous y consacrez devrait permettre de respecter les objectifs d'opérationnabilité prescrits par la loi de programmation.

Je voudrais enfin souligner l'effort consenti en faveur de la réserve, également critiqué tout à l'heure. Il devrait permettre d'accroître de 6 000 le nombre de réservistes et de leur consacrer les moyens indispensables à leur formation initiale. Nous attendons avec impatience, madame la ministre, le projet de loi que vous devriez prochainement soumettre au Parlement sur ce sujet d'importance.

Monsieur le président, pardonnez-moi d'avoir dépassé de quelques secondes le temps qui m'était imparti (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), mais je pense que les 455 000 personnels de la défense et le deuxième budget de l'État le méritaient.

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis pour la gendarmerie. Et la qualité de vos propos aussi !

M. Michel Voisin. En conclusion - et vous n'en serez pas étonnée, madame la ministre -, compte tenu des efforts que vous avez consacrés à l'élaboration de ce projet de budget de la défense pour 2005, le groupe UMP votera sans réserve un budget équilibré et réaliste, mais aussi ambitieux pour l'avenir et pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

    3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Rapport, n° 1863, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Défense ; articles 48 et 49 (suite)

Défense :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 39, de M. François Cornut-Gentille, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan ;

Avis, n° 1866 tome 7, de M. Paul Quilès, au nom de la commission des affaires étrangères.

Dissuasion nucléaire :

Avis, n° 1867 tome 2, de M. Antoine Carré, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Espace, communications et renseignement :

Avis, n° 1867 tome 3, de M. Yves Fromion, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Forces terrestres :

Avis, n° 1867 tome 4, de M. Joël Hart, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Marine :

Avis, n° 1867 tome 5, de M. Charles Cova, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Air :

Avis, n° 1867 tome 6, de M. Jean-Louis Bernard, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Titre III et personnels civils et militaires d'active et de réserve :

Avis, n° 1867 tome 7, de M. Pierre Lang, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Crédits d'équipement :

Avis, n° 1867 tome 8, de M. Jérôme Rivière, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Services communs :

Avis, n° 1867 tome 9, de M. Jean-Claude Viollet, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Gendarmerie :

Avis, n° 1867 tome 10, de M. Philippe Folliot, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot