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Troisième séance du mardi 16 novembre 2004

58e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1

LOI DE FINANCES POUR 2005

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

DÉFENSE (suite)

M. le président. Nous poursuivons l'examen des crédits du ministère de la défense.

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. Monsieur le président, madame la ministre de la défense, mes chers collègues, je tiens d'abord à remercier Jean-Michel Boucheron pour son intervention pertinente et non dénuée d'humour. Je veux également souligner la qualité de nos relations avec vous, madame la ministre, et avec votre cabinet. Peut-être serai-je moins gentille par la suite. (Sourires.)

Le vote de ce budget intervient au moment où les industries de défense s'européanisent et où, plus largement, se construit une Europe de la défense et de la sécurité. Il intervient également dans un contexte particulier : lors du salon Euronaval qui s'est tenu au Bourget, vous avez annoncé l'inscription en loi de finances rectificative d'une disposition permettant d'ouvrir le capital de la DCN et l'autorisant à créer des filiales. Le Conseil d'État aurait contesté cette décision,...

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Non !

Mme Patricia Adam. ...ce qui aura peut-être pour conséquence de nous faire débattre d'un projet de loi spécifique au cours du premier trimestre de 2005.

En même temps, votre collègue Nicolas Sarkozy négocie − avec une précipitation dictée par des échéances propres à votre parti politique −...

M. Patrick Ollier. Mais non !

Mme Patricia Adam. ...d'éventuelles fusions industrielles, l'allemand Siemens devant se rapprocher d'AREVA pour le nucléaire, ou EADS de Thales. Comme le remarquait Jean-Michel Boucheron, cette question, qui fait couler beaucoup d'encre ces jours-ci dans les milieux et dans les médias intéressés, fâche assez sérieusement nos amis anglais. En effet, si les fusions annoncées dans la presse se concrétisent, que deviendra une Europe de la défense qui isolera BAE Systems ? A-t-on bien mesuré, d'autre part, les conséquences de cette opération pour Thales ?

Quant à la DCN, les syndicats reçus par la commission de la défense ont dénoncé dans un communiqué commun l'absence de dialogue social et de perspectives dans les relations établies avec votre ministère, alors même que le contexte est aussi incertain que complexe. Vous comprendrez, madame la ministre, que la représentation nationale et le groupe socialiste puissent être à l'écoute de ces préoccupations.

Dans le même temps, en effet, nous apprenons que, au travers de son projet d'action stratégique, l'État souhaite développer localement dans les régions des coopérations entre les organismes de recherche et les donneurs d'ordre que sont la DGA et la DCN. Même si les contours et les moyens du rapprochement des industries civiles et militaires ne sont pas précisés, les annonces sont claires : l'industrie navale européenne, qui compte plus de vingt industriels et chantiers, est trop éparpillée, surdimensionnée et surcapacitaire, en comparaison de l'industrie navale américaine.

Madame la ministre, j'ai plusieurs questions à vous poser, d'ordre politique, industriel et social. Elles sont aussi européennes, sans pour autant négliger les intérêts de la France.

La réduction des budgets, la convergence des besoins opérationnels, la recherche de la compétitivité, la nécessité de concentrer l'effort de recherche et de développement pour rester dans la course à l'innovation technologique, sont autant de facteurs qui inciteraient les industriels à se regrouper. Certes, mais pour quel avenir ?

Demain, quel sera, en France, le paysage industriel ?

Pour nos entreprises, l'européanisation consistera-t-elle à renoncer à certaines de leurs capacités, en se fondant dans des ensembles plus vastes dans le cadre de restructurations ?

Quel sera l'avenir des sites ? Quelles conséquences cela entraînera-t-il pour l'emploi ?

Comment traduire, en termes d'organisation industrielle, la constitution d'un EADS naval ou d'un Airbus naval ?

Le Gouvernement souhaite-t-il développer des pôles d'excellence en matière de défense ? Lesquels ?

La Bretagne, Cherbourg et Toulon sont particulièrement concernés par ces évolutions. Quel avenir attend nos régions, nos entreprises, nos organismes de recherche et, tout simplement, les hommes et les femmes qui y vivent ?

Hélas, ces questions restent sans réponse explicite de la part du Gouvernement, si ce n'est par voie de presse. Elles mériteraient pourtant un débat plus approfondi devant la représentation nationale. Tous les acteurs concernés pourraient y être associés, comme ce fut le cas, en 1997, lors de la préparation du rapport de Paul Quilès et Guy-Michel Chauveau : L'industrie française de défense, quel avenir ?

C'est pourquoi le groupe socialiste demande la création d'une mission d'information sur ce sujet : les démantèlements-fusions ne doivent pas se faire sans concertation préalable. C'est important pour nos villes et pour nos régions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Madame la ministre, c'est un plaisir, un honneur et une fierté pour les députés de l'Union pour un mouvement populaire d'être à vos côtés afin d'étudier, de défendre et, bien sûr, de voter ce projet de budget de la défense pour 2005.

Au moment de l'alternance en 2002, conformément au programme du candidat Jacques Chirac, puis, après son élection, conformément à la volonté du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, notre premier travail de parlementaires a été de conforter les trois piliers de la République, la sécurité, la justice, la défense, qui avaient été bien ébranlés durant la législature précédente.

M. Gilbert Le Bris. N'exagérons rien !

M. Philippe Vitel. L'ambitieuse loi de programmation militaire 2003-2008 devait être, pour nous tous, l'occasion d'une prise de conscience. Pour que la France renforce sa stature de grande nation, pour qu'elle préserve son rang dans le monde, il était une condition sine qua non : un redressement de notre effort de défense.

Aujourd'hui, force est de constater que la loi de programmation répond en tous points à notre attente, à celle des troupes et à celle de nos concitoyens. Elle a été scrupuleusement respectée les deux premières années de son application et nous ne doutons pas qu'il en sera de même cette année, puisqu'il nous sera confirmé, lors de la présentation du collectif budgétaire de 2004, que 800 millions d'euros seront consacrés au financement des opérations extérieures, au surcoût du prix des carburants et aux augmentations des rémunérations. Nous pouvons donc affirmer que le compte y est.

Permettez-moi, madame la ministre, de vous remercier, vous, les ministres des finances et du budget, vos collaborateurs et ceux de Bercy, de faciliter la tâche de notre commission parlementaire d'évaluation et de contrôle, à laquelle je suis fier d'appartenir. Nous pouvons aujourd'hui attester que les fonds publics sont bien engagés et dûment destinés aux programmes définis par la loi de programmation militaire et, chaque année, déclinés dans la loi de finances.

Demain, un nouveau cadre budgétaire, reposant sur une allocation de ressources par programmes, associé à des objectifs précis et des indicateurs de résultats, permettra de matérialiser notre ambition d'une nouvelle dynamique de modernisation de la gestion publique.

« La loi organique relative aux lois de finances est fondamentalement une réforme politique et non pas technique ; il s'agit d'un instrument pour mieux gérer l'État. L'objectif est de remplacer une culture de moyens par une culture de résultats. » Nous partageons cette vision que vous nous avez confiée lors de votre audition devant la commission de la défense nationale, le 13 avril 2004.

Je suis convaincu que la LOLF va trouver toute sa légitimité dans le cadre de la défense. En effet, où, plus que dans notre budget, importe-t-il d'accorder aux gestionnaires une grande latitude dans l'utilisation des crédits, de responsabiliser ceux chargés de mettre en œuvre les programmes, de renforcer la transparence budgétaire vis-à-vis du Parlement, d'étendre les pouvoirs de ce dernier en donnant des moyens nouveaux aux parlementaires pour exercer leur contrôle ?

Passer de 56 chapitres et 618 articles pour le budget du ministère de la défense et des anciens combattants dans le cadre actuel de l'ordonnance de 1959 à quatre missions et huit programmes est un progrès indéniable.

Deux de ces missions seront confiées exclusivement au ministère : les missions « Défense » et « Mémoire et liens avec la nation ». Deux seront interministérielles : « Sécurité » et « Recherche et enseignement supérieur ».

La mission « Défense » permettra en outre de renforcer la cohérence opérationnelle des armées, de les recentrer sur leurs missions opérationnelles et de moderniser leurs équipements.

Le rôle de la gendarmerie nationale sera renforcé au sein de la mission interministérielle « Sécurité ».

Bien sûr, il conviendra d'acquérir de nouveaux réflexes. Les habitués des programmes budgétaires spécifiques à telle ou telle armée devront désormais avoir une vision budgétaire différente, bien que, en théorie, une individualisation des crédits de chaque armée reste possible.

Je rejoins par contre les craintes exprimées par mon ami Charles Cova dans son rapport sur la marine. Il s'inquiète que le chef d'état-major de la marine ne soit plus « discrétionnairement responsable de la gestion des crédits dévolus à son armée, ce rôle incombant au chef d'état-major des armées, au délégué général pour l'armement et, de manière un peu plus contestable, au secrétaire général pour l'administration s'agissant du soutien ».

Quoi qu'il en soit − et l'expérimentation menée en 2004 par le centre d'instruction naval de Saint-Mandrier le prouve −, la LOLF aura pour effet de faciliter la globalisation de crédits pour les gestionnaires au niveau le plus déconcentré possible.

Tels sont, madame la ministre, les quelques commentaires que je désirais formuler.

« Les décisions lourdes prises ces deux dernières années [...] commencent à être suivies d'effets. Mieux adaptées aux nouvelles menaces, plus actives et immédiatement disponibles, nos forces armées affirment chaque jour davantage leur aptitude à protéger la sécurité des Français et à honorer nos engagements internationaux. » C'est ce message que notre Président Jacques Chirac adressait au pays le 13 juillet 2004. C'est ce message qu'il a réitéré aujourd'hui même lors de sa visite de la base de Cazaux. C'est ce message qui, chaque jour, commande l'action de nos troupes en Côte d'Ivoire et sur tous les théâtres de crises où elles ont à intervenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Michel.

M. Jean Michel. Madame la ministre, il est difficile d'analyser le budget de la défense dans le strict cadre de l'annualité budgétaire dans la mesure où il est le seul qui finance des programmes d'investissement sur vingt, trente voire quarante ans.

Il importe, certes, de connaître les crédits qui seront affectés à la défense l'année prochaine ainsi que leur utilisation, mais il est surtout important d'assurer la cohérence de l'outil militaire que nous construisons pour les dix ou vingt ans à venir dans un cadre national et européen.

Formellement, le projet de budget de la défense pour 2005 respecte peu ou prou la loi de programmation militaire pour 2003-2008. Pourtant, on ne peut qu'éprouver quelques inquiétudes pour l'avenir.

La mission de la commission de la défense de l'Assemblée nationale chargée du suivi de l'exécution budgétaire, à laquelle j'appartiens avec mon collègue M. Boucheron, ...

M. Bernard Deflesselles. On a les références qu'on peut ! (Sourires.)

M. Jean Michel. ...a constaté que les besoins des armées en 2004, en titre III comme en titre V, excédent largement les disponibilités financières : il manque 900 millions d'euros en titre III et 700 millions en titre V, alors même que le budget de la défense de 2004 respecte globalement la loi de programmation militaire.

Cette constatation, madame la ministre, me conduit à m'interroger d'abord sur le niveau des dépenses de rémunérations et charges sociales, point sur lequel votre attention a été appelée lors de notre contrôle de l'exécution budgétaire. Tout se passe comme s'il existait, entre le nombre d'emplois budgétaires inscrit en loi de finances et le coût réel de l'armée aujourd'hui professionnalisée, un découplage progressif se traduisant soit par un surcoût financier destiné à réaliser les effectifs, soit par l'impossibilité, en s'en tenant à l'enveloppe budgétaire, de réaliser ces derniers.

S'agit-il d'un simple incident de parcours, lié à une mauvaise coordination de la politique de recrutement par rapport au flux des départs, ou cela traduit-il, comme semblent le craindre avec nous les chefs d'état-major, une sous-estimation du coût des engagés ? Si cette dernière explication était la bonne, il serait nécessaire, soit de réexaminer le format des armées, soit de réévaluer les crédits affectés aux rémunérations et charges sociales. Nous ne pouvons sacrifier la qualité des engagés sur l'autel des contraintes budgétaires.

Je m'interroge peut-être plus encore sur les dépenses d'équipement, celles qui font l'objet des lois de programmation militaire. Là encore, la pression apparaît très forte.

On assiste à un décalage progressif des engagements par rapport à la loi de programmation militaire qui est essentiellement consacrée aux fabrications de matériels. Dans ce contexte, les crédits affectés à la recherche et à la technologie sont insuffisants. Comme tous mes collègues, j'ai pu constater qu'il manque, depuis 2003, environ 200 millions d'euros par an par rapport à ce qui était prévu dans la loi de programmation militaire. Le risque est grand de sacrifier ainsi le long terme au très court terme, alors que les progrès technologiques appliqués au domaine militaire - je pense à l'application des nouvelles technologies de l'information et de la communication - permettraient d'optimiser l'équilibre entre plates-formes et systèmes de missions.

Tout laisse à penser, ainsi que l'a rappelé notamment Jean-Michel Boucheron, que nous allons être confrontés, si nous conservons notre modèle d'armée actuel, à une bosse budgétaire importante lors de la prochaine loi de programmation militaire.

Nous ne sommes malheureusement pas les seuls dans ce cas. Les Allemands, les Italiens et les Espagnols rencontrent les mêmes difficultés, de même que les Britanniques, avec cette différence que ces derniers n'ont pas tardé à réagir, rendant public cet été, après la publication d'un nouveau Livre blanc sur la défense, une revue de programmes qui se traduit par des décisions importantes. En matière d'équipement, l'accent est ainsi mis sur les réseaux info-centres. Parallèlement, le nombre de plates-formes est réduit, ainsi que le format de l'armée de l'air et, monsieur Cova, de la marine, tandis que les matériels les plus anciens et d'un coût élevé à l'entretien sont retirés du service. Voilà une saine façon d'aborder les problèmes du futur !

Notre crainte, madame la ministre, est de voir que l'on se réfugie derrière l'apparente bonne santé du budget de la défense pour ne pas conduire les nécessaires réflexions de fond. L'important est peut-être moins d'avoir un niveau de crédits le plus élevé possible que de construire le système de défense le plus cohérent et le plus efficace possible, et cela dans un cadre européen.

Sur toutes ces questions, la représentation nationale mais également les armées souhaitent vous entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Carayon.

M. Bernard Carayon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite vous présenter les conclusions de la commission des finances sur les crédits du renseignement et, au-delà, du futur programme « Environnement et prospective de la politique de défense », dont je suis le rapporteur spécial.

L'an prochain, les crédits de la direction du renseignement militaire, la DRM, figureront dans le programme « Préparation et emploi des forces » et non avec les crédits de la DGSE et de la direction de la protection et de la sécurité de la défense - la DPSD -, lesquels seront placés au sein du programme « Environnement et prospective de la politique de défense ».

Les attentats de Madrid du 11 mars 2004 nous l'ont rappelé : l'Europe a une longue expérience du terrorisme. Si les bombes représentent dans notre subconscient collectif la principale menace, l'éventail de celles qui pèsent sur nos sociétés est bien plus large.

Depuis une vingtaine d'années, notre pays est entré, sans en avoir nécessairement pris conscience, à l'exception sans doute de ses forces armées, dans l'ère de la société de l'information. Outre la qualité des hommes, la production de la richesse nationale repose également sur l'information et sur son traitement. Aussi les menaces qui pèsent sur notre outil productif sont-elles devenues plus diffuses et plus insidieuses.

Comme je le soulignais en juin dernier dans le rapport sur la sécurité économique nationale que j'ai présenté au nom de la commission des finances, l'exacerbation de la compétition internationale transforme les informations stratégiques des États et des entreprises en enjeu d'une véritable « guerre économique », pour reprendre la célèbre expression utilisée dès 1971 par Bernard Ésambert.

Nous ne gagnerons pas la guerre contre le terrorisme sans des outils technologiques performants qui doivent mobiliser l'État dans son ensemble. Cet effort s'inscrit dans la logique du passage de la conception de défense nationale à celle de sécurité nationale, impliquant la mutualisation des crédits publics et des expertises, ainsi que l'organisation de l'effort. Mes travaux sur l'intelligence économique m'ont en effet montré combien l'investissement public et privé, en particulier dans les technologies de l'information, de la communication et de la sécurité, se disperse.

Le rapport spécial que j'ai l'honneur de présenter, offre au Parlement, pour la troisième année consécutive, l'occasion de s'interroger sur les conditions de fonctionnement des services de renseignement, sur les priorités techniques et budgétaires, ainsi que sur les modes de recrutement et les statuts des personnels.

Les services de renseignement n'ont ni la place dans l'État ni l'image dans l'opinion publique qu'ils méritent. La culture du renseignement reste étrangère aux mentalités de nos élites : l'État lui-même ne sait guère gérer leur image, entretenir leur attractivité ou nourrir suffisamment de vocations, alors que ces métiers exigent des connaissances éprouvées, alliées à des valeurs morales singulières.

Jamais les services de renseignement n'ont été autant au cœur de l'appareil régalien : ils sont la clé de l'action. Il s'agit d'une singulière responsabilité alors qu'ils n'absorbent que 0,7 % du budget de la défense, hors rémunérations des militaires.

Globalement, les crédits de l'agrégat 07 « Renseignement » du budget du ministère de la défense progresseront en 2005 de 3,1 % pour atteindre 300,3 millions d'euros. Ces crédits, qui n'incluent pas les rémunérations et charges sociales, seront répartis entre la DRM, la DPSD et la DGSE, laquelle bénéficiera en outre de 33,2 millions d'euros de fonds spéciaux inscrits au budget des services généraux du Premier ministre, montant stable depuis 2002.

La DGSE devrait bénéficier de vingt créations de postes. Selon le bleu budgétaire, que j'ai lu attentivement, et, plus précisément, selon la mesure nouvelle 005, ces vingt postes comprendront trois délégués principaux de deuxième classe, deux directeurs de projets et quinze ingénieurs contractuels. Or ces quinze derniers emplois n'étant pas inclus dans le contingent prévu au titre de la programmation, les effectifs budgétaires n'augmenteront que de cinq postes en 2005, ce qui ne semble pas à la mesure des priorités assignées à la DGSE.

La mise en œuvre de la loi organique du 1er août 2001 doit offrir une vision plus claire de l'effort militaire en faveur de la DGSE : il faut que les crédits permettant de rémunérer les militaires qui y travaillent, et dont le nombre est public, figurent au futur programme 1.

Les crédits de fonctionnement proposés pour 2005 sont stables. Je m'inquiète cependant que les capacités offensives ne puissent pas être consolidées.

Les dotations en crédits de paiement des dépenses en capital progressent de 7,9 %. Cet effort demeure insuffisant au regard des besoins nouveaux en équipements. Les progrès technologiques constants appellent un effort budgétaire sans relâche, au risque de voir notre pays durablement distancé dans la maîtrise du renseignement technique.

La DPSD disposera d'un budget de fonctionnement stable. En revanche, ses crédits de paiement pour l'achat de matériels régresseront légèrement.

Le budget de la DRM sera stable en fonctionnement et il sera en baisse s'agissant des dépenses en capital. Néanmoins, les crédits d'équipement atteindront 15,2 millions d'euros, alors qu'ils n'étaient que de 10,5 millions en 2002.

Dans un contexte international marqué par la lutte contre le terrorisme et la multiplication des menaces, vous nous proposez donc, madame le ministre, de consolider les moyens des services de renseignement, sans pour autant conduire aussi loin que nos grands partenaires les efforts budgétaires et organisationnels.

Cela dit, j'invite mes collègues à adopter, à l'instar de la commission des finances, les crédits affectés aux services de renseignement militaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Le Bris.

M. Gilbert Le Bris. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la défense, troisième volet de la loi de programmation militaire pour 2003-2008, se concrétise pour la marine nationale par des apports importants - bâtiments de projection et de commandement, par exemple - et par des commandes attendues, telles les huit frégates multi-missions.

Sur ce point, je veux vous faire part de mes craintes à propos du concept de « financement innovant ». S'il s'agissait de reporter à plus tard le paiement d'équipements prévus en loi de programmation, on hypothéquerait la prochaine LPM tout en décrédibilisant l'actuelle. Si ce n'était qu'une modalité de l'achat à crédit - une solution d'acquisition patrimoniale à paiement différé, comme l'on dit souvent - ce serait un simple tour de passe-passe, indigne du budget et de son annualité comme de la programmation et de sa fiabilité.

À lire l'excellent rapport de notre collègue Charles Cova, les effectifs de la marine nationale ne semblent pas la priorité de cet exercice budgétaire puisque l'agrégat 03, Marine, fait apparaître une baisse de 1 084 postes. Sans doute cela recouvre-t-il des transferts vers d'autres services de la défense, en particulier vers le service de santé des armées. Néanmoins, cette évolution constitue une forte contrainte en matière de gestion des personnels. Or les missions de la marine se multiplient, plus d'ailleurs dans sa dimension marine nationale que dans sa fonction armée de mer.

On ne peut à cet égard que se féliciter de l'efficacité de ses interventions dans la lutte contre les pollutions et, particulièrement, contre les dégazages et les déballastages sauvages. Les juridictions spécialisées des bords de l'Atlantique et de la Méditerranée notamment et leurs procureurs ont ainsi trouvé une nouvelle motivation avec la loi de mai 2001 et leur délégation de responsabilité. Avec les douanes et tous les services de l'État, c'est à une action efficace des garde-côtes à laquelle nous assistons sans pour autant, et c'est heureux, qu'une structure supplémentaire ait été créée.

La lutte contre les narcotrafiquants donne également des résultats de plus en plus probants. Avec celle menée contre l'immigration clandestine, la menace terroriste ou la pêche illicite, c'est toute l'action de l'État en mer qui se trouve crédibilisée. Cependant comme elle représente près du quart des missions de la marine nationale, le problème des effectifs ne peut être négligé.

La question des dépenses nucléaires militaires pose bien sûr celle de la dissuasion et des SNLE. Le débat doit avoir lieu car il ne saurait y avoir de tabou en ce domaine. Il s'agit non pas de mettre en cause la dissuasion mais de soulever le double problème de son juste dimensionnement - le principe de stricte suffisance - et d'une éventuelle européanisation, ce qui implique une évolution du concept de la France seule. En d'autres termes, il est légitime de s'interroger sur l'arme du non-emploi au moment où l'emploi des armes conventionnelles s'accroît de par le monde.

Je m'inquiète, toujours à propos de la Royale, du dossier du second porte-avions et de la coopération avec la Royal Navy de sa très gracieuse majesté. Ne sommes-nous pas en train de perdre du temps, et peut-être de l'argent, en longues voire vaines discussions avec nos amis britanniques ? Sans sombrer dans le syndrome des frégates Horizon, on est en effet en droit de se demander si la volonté réelle de coopération politique ne se heurte pas à des différences fondamentales en matière de conceptions techniques et d'emploi des moyens aériens.

Enfin, je tiens à rappeler l'importance du renseignement dans toute stratégie de présence internationale et constater encore l'insuffisance du nombre des créations de postes dans ce domaine : vingt seulement à la DGSE.

J'insisterai davantage sur le thème, aujourd'hui récurrent, du rôle du Parlement face aux services de renseignement.

Si, en France comme dans la plupart des démocraties, les services de renseignement dépendent de l'autorité de l'exécutif, notre pays est quasiment le seul, parmi ses partenaires habituels, à ne pas s'être doté d'un organe de contrôle parlementaire de ses services secrets. En Allemagne depuis 1956, en Italie depuis 1977, aux États-Unis depuis 1976-1977, en Espagne depuis 1992 et au Royaume-Uni depuis 1994, ont été créés des organes parlementaires de contrôle des activités de renseignement. Il serait déraisonnable que la France continue d'ignorer l'évolution générale des démocraties occidentales à cet égard.

Pourquoi ce qui est possible dans d'autres pays où des organes propres au Parlement exercent un contrôle des activités de renseignement sans porter atteinte à leur confidentialité, ne le serait-il pas en France ? Peut-on laisser des services situés au cœur de la République s'autocontrôler, en excluant le contrôle normal des représentants du peuple ? Sans tomber dans le voyeurisme parlementaire, serait-il anormal que les représentants de la nation soient informés de l'usage des deniers publics, fussent-ils affectés à des opérations clandestines ?

Une avancée démocratique s'impose et, à la lumière de ce qui existe dans les autres démocraties, nous pourrions définir certains principes. Je plaiderais volontiers pour la création d'une délégation permanente de l'Assemblée nationale, mais les propositions de notre éminent collègue Jean-Michel Boucheron me paraissent également pertinentes. La commission de la défense - où règne une excellente atmosphère de travail pour laquelle je tiens à remercier son président - peut contribuer à rapprocher ces services de la nation par l'intermédiaire de ses représentants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, deuxième budget de l'État et premier budget d'investissement public de la nation, le budget de la défense est non seulement un instrument de puissance, mais aussi un formidable outil de politique économique.

Avec la multiplication des crises, comme en Côte d'Ivoire et en Haïti, la capacité de projection de forces est une donnée essentielle de notre politique de défense. Peu de nations sont aujourd'hui capables d'envoyer plusieurs milliers d'hommes sur un théâtre d'opérations extérieur comme nous l'avons fait en Côte d'Ivoire.

Le budget d'équipement qui nous est présenté respecte, pour la troisième année consécutive, les engagements de la loi de programmation militaire. Cette continuité est donc un signal fort, adressé tant à nos forces armées qu'à nos partenaires européens, de notre volonté de tenir nos engagements. Nous affirmons ainsi notre ambition de disposer de forces armées pleinement opérationnelles et notre refus d'assimiler les crédits du titre V à une variable d'ajustement du budget de l'État.

En ce sens, la prise en compte du financement des opérations extérieures en loi de finances initiale est une excellente initiative, mais, cette année encore, elle n'est pas aboutie, puisque les crédits inscrits sont de 100 millions d'euros alors que, chacun le sait, le coût des OPEX dépassera 600 millions d'euros. Il faut aller jusqu'au bout de notre démarche et inscrire au budget l'intégralité de ces sommes. Il faut au minimum, dans l'hypothèse d'un partage du financement entre plusieurs budgets, réévaluer la part du budget de la défense dans les OPEX.

Avec 32,92 milliards d'euros hors pensions, le budget de la défense est un puissant levier pour notre industrie et notre recherche. Les retombées économiques des investissements de défense sont de mieux en mieux évaluées et leur impact positif sur notre économie se confirme chaque année.

Le respect des engagements de la loi de programmation militaire et des calendriers prévus est encore un élément essentiel. Il nous faut assurer aux industriels une continuité de financement afin de limiter les coûts et de permettre une meilleure gestion des programmes.

Surtout, il est indispensable que notre politique de défense assure la transmission du savoir scientifique. Le maintien des compétences est une véritable préoccupation pour les industriels, qu'il s'agisse de géants comme EADS et Thales ou de PME-PMI qui ne peuvent se permettre de payer des scientifiques à ne rien faire. Mais c'est aussi un enjeu pour notre future architecture de défense que de ne pas laisser se creuser davantage le fossé qui nous sépare des Américains.

Le budget que vous nous présentez depuis trois ans, madame la ministre, répond à ces préoccupations et conforte la position de la recherche militaire française.

Une inquiétude subsiste toutefois quant aux études-amont et à la recherche sur les technologies de rupture. En effet, la disparition de la direction de la recherche et des études techniques - la DRET - s'est traduite par une absence de vision à long terme. Or l'effort de recherche et de technologie, réalisé en amont des programmes d'armement dans une perspective à long terme, permet d'acquérir l'expertise nécessaire à la maîtrise par la France et ses entreprises des technologies-clefs nécessaires au développement des systèmes d'armes du futur.

En conclusion, je tiens, madame la ministre, à vous remercier pour ce budget, qui est la suite logique et attendue des deux budgets précédents. C'est tout naturellement que je vous apporterai mon soutien total lors du vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Drian.

M. Jean-Yves Le Drian. Madame la ministre, je veux à mon tour vous faire part des préoccupations et inquiétudes majeures que suscitent la situation de la DCN et la mise en place du programme des frégates multimissions, les FREM. Vous n'ignorez pas les tensions sociales qui se manifestent au sein de la nouvelle société DCN. Les annonces d'ouverture du capital faites au salon Euronaval et le feuilleton confus qui se poursuit autour de partenariats potentiels ne peuvent que renforcer les craintes des personnels et des acteurs que sont les industriels de la sous-traitance ou les collectivités territoriales, en particulier dans ma région de Bretagne.

Les choses pourraient cependant être plus simples : il suffirait, madame la ministre, que vous appliquiez la loi. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En effet, l'article 36 de la loi de finances rectificative pour 2001, qui prévoyait la modification de statut de la DCN, indiquait explicitement, d'une part, qu'un contrat d'entreprise pluriannuel allait être conclu entre l'État et l'entreprise nationale sur une durée de cinq ans - ce qui a été fait, et plutôt bien - et, d'autre part, que le Gouvernement devait rendre compte annuellement à l'Assemblée nationale et au Sénat, devant les commissions des finances et de la défense, de l'état d'avancement du projet d'entreprise et du contrat d'entreprise de la nouvelle société DCN. Or rien n'est venu à la fin de 2002, ni à la fin de 2003. Peut-être n'est-il pas trop tard pour la fin de 2004 ; cela éviterait au moins à notre collègue Patricia Adam de demander une mission d'information.

Si vous respectiez la loi, comme c'est le devoir d'un ministre de la République, nous aurions toutes les informations nécessaires. Nous souhaiterions donc que vous le fassiez dès la fin de cet exercice. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cette disposition a été votée même par nos collègues de l'opposition d'alors !

Nous saurions ainsi où en est vraiment la mise en œuvre des engagements pris lors de la modification du statut de la DCN, quelle est la réalité du projet industriel, comment se déroule le contrôle du capital par l'État, comment est garantie l'unicité de l'entreprise, comment est assuré le plan de charge et comment se manifestent les garanties statutaires données aux ouvriers d'État et aux fonctionnaires affectés à la nouvelle société DCN. Il faut que vous entendiez ces préoccupations et que vous nous répondiez, conformément à la loi.

Faute d'avoir reçu les rapports prévus, je vous poserai trois questions importantes.

La première concerne les frégates FREM et le plan de charge de DCN. Ces frégates, je le rappelle, sont très attendues et vigoureusement demandées par la marine nationale. Alors qu'il était prévu d'en commander d'abord quatre, puis quatre autres, il a été envisagé d'en commander huit d'un coup. Or la commande, qui devait être passée avant la fin de 2004, ne vient pas, et nous n'avons pas reçu d'éclaircissements sur les « financements innovants » que vous aviez prévu de mettre en œuvre. En vieil habitué de la commission de la défense, je lis maintenant - dans le texte ! - la prose de notre collègue Charles Cova. J'ai ainsi constaté que, à la page 33 de son rapport, il prévoit lui-même l'hypothèse selon laquelle les financements innovants ne pourraient être mis en place, ce qui rendrait nécessaire de financer ces frégates multimissions selon le dispositif ordinaire. De fait, dans ce projet de budget pour 2005 ne figure pas le moindre euro de crédits de paiement à ce titre.

Mme la ministre de la défense. Parce qu'il ne s'agit que d'autorisations de programme !

M. Jean-Yves Le Drian. Nous souhaiterions savoir où en est cette question. Le concept de financement innovant ne nous semble pas soulever de difficulté a priori, dans la mesure où les coûts industriels seraient allégés, où les demandes de la marine seraient satisfaites plus rapidement et où la diminution des coûts permettrait une meilleure capacité à l'exportation. Toutefois, il semble qu'il y ait aujourd'hui entre Bercy et vous des divergences d'appréciation quant au concept d'innovation financière.

Verrons-nous des résultats ? Ces frégates seront-elles commandées un jour ? Il est clair, en tout cas, que, faute d'une commande avant la fin du premier trimestre de 2005, les rendez-vous de la loi de programmation ne seront pas tenus et des problèmes difficiles se poseront tant pour la nouvelle société DCN que pour ses partenaires, notamment italiens, avec lesquels la coopération semble bien engagée. Cette première question est simple, mais je n'aurais même pas eu besoin de la poser si vous nous aviez fourni le rapport annuel prévu.

Ma deuxième question, évoquée tout à l'heure par notre excellent collègue Jean-Michel Boucheron (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), se rapporte aux montages potentiels autour de l'industrie navale et militaire française.

M. le président. Il faut conclure M. Le Drian.

M. Jean-Yves Le Drian. Vous n'ignoriez pas, en annonçant au salon Euronaval l'hypothèse virtuelle d'une collaboration avec Thales, qu'elle dissimulait une autre hypothèse, inavouée : le démantèlement de Thales et l'éventualité de l'arrivée d'EADS. Ce flou ne peut pas durer car les acteurs de la défense ont besoin de savoir où vous voulez aller, par quelles voies, et comment nous pourrons valoriser notre potentiel dans des alliances sérieuses. Il serait inacceptable qu'un meccano capitalistique incertain fasse capoter un projet industriel qui commence à avoir de la force technologique et une capacité exportatrice.

Enfin...

M. le président. Vous devez terminer, monsieur Le Drian.

M. Jean-Yves Le Drian. ...vous êtes, semble-t-il, quelque peu en délicatesse avec le Conseil d'État, ce que nous ne vous reprocherons pas. Cela nous donnera l'occasion de nouvelles discussions. Toujours est-il qu'en cas d'ouverture du capital de DCN, il faudra revoir le décret pris au printemps 2002 à la suite de la loi de finances rectificative de 2001, laquelle garantissait au personnel le statut des ouvriers d'État et les garanties données aux fonctionnaires détachés à DCN, car cette disposition sera caduque. Comment allez-vous rassurer les personnels sur leur avenir dans l'hypothèse d'une ouverture du capital de DCN ? Là encore, nous attendons votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Damien Meslot.

M. Damien Meslot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'année qui s'achève a vu l'armée française intervenir sur de nombreux théâtres d'opérations militaires, qu'il s'agisse d'opérations humanitaires ou d'opérations de maintien de la paix, dans les Balkans, en Afghanistan, mais aussi au Tchad et en Côte d'Ivoire.

Le tribut acquitté par nos soldats au cours de ces opérations extérieures au service de la paix, est élevé. L'attaque récente d'une base en Côte d'Ivoire, qui a entraîné la mort de neuf de nos compatriotes, nous rappelle les risques auxquels sont exposées nos forces et combien il est plus que jamais nécessaire de disposer d'un appareil de défense performant, apte à garantir le bon déroulement de ces missions.

C'est pourquoi le Président de la République a eu raison d'impulser, depuis 2002, une politique budgétaire nouvelle en faveur de notre outil de défense. Vous avez su, madame la ministre, parfaitement concrétiser, depuis deux ans et demi, cette orientation. Ainsi, sous son impulsion et sous la vôtre, après plusieurs années de baisse des crédits, notre pays peut, à nouveau, tenir son rang dans le concert des nations.

En effet, pour la troisième année consécutive, le budget de la défense respecte la loi de programmation militaire 2003-2008. Les crédits de la défense, hors pensions, augmentent de 1,6 %, pour atteindre 32,92 milliards d'euros.

Ce budget poursuit l'effort financier exceptionnel effectué depuis juillet 2002, dans un contexte économique difficile, au profit de la modernisation des équipements de nos armées. Le budget d'équipement pour 2005 traduit la mise en œuvre de la loi de programmation, avec un budget de 15,2 milliards d'euros, en progression de plus de 2 % par rapport à 2004.

Ce budget assure aussi l'accroissement de nos capacités opérationnelles et dote nos forces des matériels de dernière génération, notamment dans les domaines de l'espace, avec la mise en service du satellite de communication Syracuse III.

Ce budget va également permettre la livraison, en 2005, des premiers hélicoptères Tigre et de dix avions de combat Rafale.

Quant à notre système de forces en milieu aéro-terrestre, il repose sur la modernisation de notre capacité d'action blindée, avec en particulier le char Leclerc. La prévision porte sur une livraison de quarante-cinq chars en 2005 et de trente-six en 2006, ce qui devrait porter notre parc total de chars Leclerc à 406 unités. Malheureusement, des retards de livraison importants sont à déplorer.

Il convient également de souligner la mise en œuvre, à partir de 2005, du système du combattant futur, dit FELIN - fantassin à équipement et liaisons intégrées -, lequel consiste en un système d'arme intégré, organisé autour du combattant et destiné à optimiser ses capacités personnelles. Ce programme a pu voir le jour grâce aux efforts de recherche déployés en faveur de nos matériels de défense.

Je constate, avec satisfaction, que la recherche figure en bonne place dans ce budget, puisque les crédits évoluent de 1,238 milliard d'euros en 2004, à 1,34 milliard d'euros en 2005. La recherche conditionne, en effet, l'indépendance de notre technologie et la qualité de nos matériels. À juste titre, la loi de programmation militaire consacre la place prééminente qui revient à notre recherche dans les dépenses liées à l'industrie de défense.

Par ailleurs, cette action en faveur de la recherche bénéficie à d'autres secteurs industriels. En effet, en 2003, sur les 35 milliards d'euros des dépenses de recherche et développement réalisées par les administrations et par les entreprises, le secteur de la défense en a financé 8 %, soit 3 milliards d'euros. La dépense de recherche militaire approche 20 % du total des dépenses publiques de recherche et développement, et bénéficie essentiellement aux entreprises.

Le dernier point sur lequel je souhaite insister concerne les effectifs civils et militaires.

On peut regretter, malgré le contexte tendu de nos finances publiques, la régression de 879 postes par rapport à 2004, et la fixation d'un effectif budgétaire en décalage de près de 3 800 postes par rapport à la loi de programmation militaire. Ce point constitue notre principale inquiétude pour le futur.

Je constate, néanmoins, la création de près de 1 000 postes d'encadrement dans la gendarmerie. C'est l'un des effets du plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées, le PAGRE, qui sera doté de 20 millions d'euros dès l'année prochaine. Cette réforme vise notamment à mieux reconnaître les responsabilités exercées par les commandants de brigades. Elle va conforter les bons résultats de la gendarmerie dans la lutte contre la délinquance.

M. Philippe Folliot. Très bien !

M. Damien Meslot. Dans l'armée de terre, le recrutement est également marqué par le renforcement des effectifs des officiers. L'armée professionnelle trouve son rythme de croisière. Elle attire des candidats au recrutement en nombre suffisant et conserve mieux que par le passé les spécialistes à forte compétence.

Le projet de budget pour 2005 renforce les conditions d'accueil et de fidélisation des jeunes officiers et sous-officiers qualifiés, notamment par une mesure nouvelle qui abonde de 11 millions d'euros le fonds de consolidation de la professionnalisation, afin de permettre aux sous-officiers qui sont titulaires de certains diplômes de voir leurs compétences traduites sous forme de rémunération supplémentaire.

Par ailleurs, le plan d'amélioration de la condition militaire, doté d'un volet social de 3 millions d'euros, permettra la création de nouvelles structures de gardes d'enfants et une augmentation du nombre de prêts au logement. Ce sont, en tout, 42,65 millions d'euros qui sont consacrés à l'application de ce plan.

Ce budget pour 2005 de la défense nationale est un bon budget, le meilleur sans doute, dans le contexte d'assainissement nécessaire de nos finances publiques.

C'est pourquoi je le voterai sans hésitation, en vous félicitant encore une fois, madame la ministre, pour votre action et votre détermination à défendre nos armées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Alain Joyandet. Bon soldat ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Caillaud.

M. Dominique Caillaud. Madame la ministre, le contexte international actuel - événements de Côte d'Ivoire, menace terroriste - vient conforter, bien malgré nous, la justesse de votre volonté de redresser notre capacité de défense.

Depuis 2002, la continuité de l'effort budgétaire renforce la capacité opérationnelle de nos forces ; l'amélioration des taux de disponibilité en matériel en est le premier résultat tangible. Dans ce budget pour 2005, vous maintenez donc le bon cap fixé.

Le strict respect de la loi de programmation militaire permet le maintien des moyens affectés aux hommes et aux services. Il autorise aussi la poursuite des programmes d'équipement de nouvelle génération pour toutes nos armées, avec un effort attendu en matière de recherche et développement, en particulier dans le domaine spatial et dans celui des technologies nouvelles, lesquels conditionnent la rapidité de transmission et de gestion de l'information stratégique pour le commandement.

Les rapporteurs et les intervenants précédents ont évoqué les grandes masses budgétaires concernant les équipements et mis en évidence les moyens affectés aux matériels militaires, ainsi que leurs attentes pour l'avenir.

Pour ma part, je souhaite appeler votre attention sur l'amélioration de la condition militaire à laquelle je vous sais très attachée, au travers de deux thèmes : l'externalisation des procédures et la reconversion du personnel militaire. Je m'appuierai sur des situations locales proches qui peuvent être exemplaires d'une réflexion engagée au niveau national.

Tout d'abord, en matière d'externalisation des procédures immobilières plus particulièrement pour ce qui concerne les logements des militaires, je rappelle que le 8 décembre 1994, après plusieurs années de réflexion, l'État a fait l'acquisition d'un terrain en centre-ville à La Roche-sur-Yon, destiné à la construction urgente d'une nouvelle caserne de gendarmerie. Dix ans de galère budgétaire plus tard, vous avez été attentive à mes sollicitations et avez très justement reprogrammé ce dossier pour 2004. La mise à jour du cahier des charges a fait apparaître des besoins de nouveaux garages qui, faute de place, génèrent des surcoûts importants estimés à 1 million d'euros, pour la construction de parkings souterrains. Ces surcoûts ont naturellement décalé dans le temps la réalisation du projet.

Ces contraintes confirment qu'il est nécessaire de raccourcir le plus possible le laps de temps entre la prise de décision et l'exécution du projet, si l'on veut que sa réalisation soit conforme aux évolutions attendues.

Avec les procédures actuelles, une remise en question complète de ce projet serait très aléatoire et ne pourrait s'envisager sans risquer de repousser encore sa réalisation, alors que, avec le même montant de crédits engagés, un projet externalisé et mis en œuvre en liaison avec les élus aurait eu, à n'en pas douter, une meilleure efficacité en termes de qualité de vie du personnel militaire et d'optimisation des travaux.

L'expérience montre qu'un grand nombre de ces projets externalisés avec les collectivités locales ont déjà donné des résultats très satisfaisants, avec des délais et des environnements mieux adaptés à la vie militaire. Persévérez, madame la ministre, dans cette démarche.

Le second point que je souhaite aborder concerne la formation et la reconversion du personnel militaire.

La professionnalisation du personnel militaire s'accompagne d'une gestion des ressources humaines moderne, rénovée, qui impose un recrutement attractif et sécurisant pour les engagés. La loi sur le statut militaire a prévu des procédures de reconversion, celle-ci étant spécialement nécessaire pour les emplois qui ne requièrent pas de qualifications techniques particulières ; je pense notamment aux engagés volontaires de l'armée de terre.

La formation et la reconversion sont donc deux éléments indissociables du parcours professionnel militaire et permettent d'obtenir la confiance et l'adhésion grâce à la qualité de leur dispositif d'évaluation et d'orientation. Ils contribuent à l'indispensable sérénité des militaires quant à leur devenir et renforcent par là même leur disponibilité. En 2003, 17 333 éléments ont pu prétendre au bénéfice de cette reconversion, et plus de 5 300 prestations d'accompagnement ont été servies, tant en formation professionnelle en milieu civil qu'en milieu militaire, la majorité des formations - 80 % - étant destinée aux hommes du rang de l'armée de terre.

Vous savez, madame la ministre, que l'ensemble de ces formations, dispensées dans toutes les régions militaires, est animé par un seul CMFP, celui de Fontenay-le-Comte, en Vendée. Ce dernier coordonne les formations avec l'AFPA, par le biais d'un droit de tirage sur les crédits du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale à hauteur de 10,7 millions d'euros. Ainsi 66 027 journées de stage ont été réalisées, en 2003, dans le cadre de la formation en milieu militaire.

Certes, compte tenu des nouvelles conditions d'accès à la reconversion - cinq ans de contrat effectué au lieu de quatre ans -, le nombre de stagiaires a diminué en 2004. Toutefois, il retrouvera une charge complète en 2005 et 2006.

Les résultats obtenus par ce partenariat original sont particulièrement positifs, grâce à l'accueil adapté à cette transition entre la vie militaire et vie civile, qui n'est pas toujours évidente et mérite de rester sous responsabilité militaire.

Or, madame la ministre, l'évolution de la loi qui modifie le statut de l'AFPA, en la régionalisant, fait naître de légitimes inquiétudes sur l'avenir de ce partenariat efficace et harmonieux sur tout le territoire national.

Personne ne doute que l'État a à cœur de faciliter la reconversion de ceux qui l'ont loyalement servi, mais il ne faut pas que cette inquiétude rende plus incertaine la reconversion et, partant, la qualité du recrutement. Cette incertitude ne doit pas remettre en cause la relation de confiance entre l'institution et ces hommes qui sont aussi les relais privilégiés du lien entre l'armée et la nation quand leur reconversion est réussie.

Je tiens à nouveau, madame la ministre, à vous remercier d'avoir, parallèlement à l'effort d'équipement consenti, intégré dans votre budget le souci de l'amélioration de la condition militaire. Et, parce que vous savez maintenir le cap sur des objectifs ambitieux, je voterai, avec le groupe UMP, ce budget et je vous encourage bien évidemment à persévérer dans cette voie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles, dernier orateur inscrit.

M. Bernard Deflesselles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget aujourd'hui présenté à l'Assemblée nationale affirme la volonté de notre pays d'assurer sa sécurité au cœur d'un monde multipolaire où les menaces sont diffuses. Il affirme la volonté du Président de la République et celle du Gouvernement de garantir la sécurité des Français, ainsi que les engagements stratégiques de notre pays avec ses partenaires européens et, au-delà, au sein de l'organisation des Nations unies.

Ce budget conforte les grandes orientations de la loi de programmation militaire 2003-2008. Madame la ministre, dans un contexte économique des plus difficiles, vous avez su, pour la troisième année consécutive, tenir les engagements financiers de la loi de programmation. Cela n'était plus arrivé depuis les années soixante-dix, ce qui mérite d'être rappelé au sein de cet hémicycle.

M. Yves Fromion et M. Patrick Ollier. Très juste !

M. Bernard Deflesselles. Cet effort courageux et constant, doublé d'une gestion rigoureuse des dépenses, doit permettre à nos armées de disposer des matériels adaptés à leurs missions, elles-mêmes en profondes mutations.

Au-delà de la dissuasion nucléaire, dont la pérennité est assurée, nos capacités de frappe de précision, de renseignement, de conduite des opérations et de projection sont notablement améliorées par les livraisons et par les commandes de matériels modernes et innovants.

Ce budget préserve aussi le niveau d'excellence des personnels de la défense et conforte la professionnalisation des armées.

Il prévoit d'abord un renouvellement de nos forces sans précédent. C'est, à mon sens, la marque essentielle de cette troisième annuité budgétaire de programmation.

Les systèmes de dernière génération, développés, commandés et livrés, répondent à une nouvelle donne stratégique qui se traduit par la multiplication de crises de faible et moyenne intensités, ainsi que par la banalisation d'un hyper- terrorisme planétaire.

Nos troupes sont engagées, en Afghanistan, en Afrique, sur presque tous les continents. Qu'il me soit permis d'avoir une pensée émue pour nos neuf soldats tombés en Côte d'Ivoire, il y a quelques jours seulement.

Pour remplir leurs missions, nos armées doivent disposer de matériels totalement nouveaux ou rénovés.

Ce budget répond à cette double attente. La tâche est d'autant plus ambitieuse que les décisions politiques relatives aux achats de matériels ont été trop longtemps différées. Que ceux, que j'entends ici ou là dénoncer la trop faible disponibilité opérationnelle de nos matériels, se rappellent que, pour l'essentiel, ils ne les ont ni remplacés, ni modernisés, lorsqu'ils étaient aux affaires.

Votre budget, madame la ministre, a pour ambition de corriger ces carences et de consacrer les ressources nécessaires à un remplacement quasi simultané de systèmes d'armes majeurs. Avec plus de 15 milliards d'euros de crédits d'équipement et de recherche - ce qui fait du ministère de la défense le premier investisseur public et privé de France - nos armées auront les capacités de répondre aux différentes menaces. C'est une première, depuis que le général de Gaulle a élevé la France au rang de puissance nucléaire et affirmé sa place au sein du conseil de sécurité des Nations unies.

Les moyens humains des armées sont confortés par une professionnalisation réussie. Ce budget se caractérise aussi par l'importance accordée aux personnels de la défense. Qu'ils soient civils ou militaires, ceux-ci remplissent avec honneur et disponibilité leur devoir. Ils méritent d'être soutenus et encouragés.

Tout d'abord, et cela me paraît essentiel, la consolidation de la professionnalisation de nos armées est fortement réaffirmée. La défense reste le premier pourvoyeur d'emplois de France. Son besoin de recrutement pour l'année 2005 avoisine les 35 000 postes, ce qui confirme, s'il en était besoin, les conséquences positives de la professionnalisation, laquelle garantit à la fois le volume et la qualité des effectifs.

Le financement des mesures d'amélioration des conditions de travail du personnel et de fidélisation n'a pas été oublié, conformément aux grandes lignes du projet de loi relatif au statut général des militaires. Ce texte, qui viendra en discussion tout prochainement, définit les contours d'une nouvelle politique des ressources humaines.

Enfin, la réserve, chère au président Guy Teissier, complément indispensable de l'armée de métier, continue sa montée en puissance.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je conclurai mon propos en exprimant à la fois une attente et un espoir.

Au moment où les vingt-cinq pays de l'Union européenne s'accordent sur une constitution, la France se doit d'être un acteur incontournable de la défense européenne. Le budget et les moyens qu'elle y consacre renforcent notre statut de nation cadre, c'est-à-dire de nation ayant la capacité de coordonner des actions militaires majeures. Avec nos partenaires britanniques, nous sommes les seuls à disposer de cette capacité.

Nous devrons aller plus loin. Il nous appartient de fidéliser les États de l'Union en développant nos dépenses de coopération militaire. Pour la première fois de notre histoire, nous nous engageons dans cette voie par la création d'une ligne budgétaire spécifique et conséquente. C'est en amplifiant cette démarche, que nous renforcerons notre crédibilité et encouragerons nos partenaires à construire une politique de défense commune, sans laquelle l'Europe ne peut être entendue et respectée dans le monde.

Enfin, votre budget, madame la ministre, avec l'engagement financier exceptionnel qu'il représente, est le fondement de cette réussite. L'action du Président de la République et du Gouvernement a permis à la France de jouer un rôle de tout premier plan dans la création de la nouvelle agence européenne de défense. Efficiente dès janvier 2005, cette agence porte en elle les prémices d'une véritable avancée de la coopération militaire des pays de l'Union. Souhaitons qu'elle réussisse dans cette tâche, ardue peut-être, mais ô combien nécessaire pour garantir notre indépendance stratégique et placer la France au cœur de la défense européenne.

C'est une perspective qui, comme le vote de ce budget, emporte notre adhésion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je tiens d'abord à remercier les commissions et leurs rapporteurs pour leur travail, leurs analyses, leurs suggestions et leurs explications. Je veux également remercier tous ceux qui ont pris la parole, en fin d'après-midi et en ce début de soirée, pour leurs apports à la discussion.

Les années précédentes, j'intervenais plus tôt dans le débat, avant que les orateurs ne s'expriment. La richesse et le nombre des questions qu'ils m'ont posées, quelle que soit la partie de l'hémicycle où ils siègent, me compliquent un peu la tâche. Je vais tenter d'y répondre et j'espère que personne ne m'en voudra si je n'y parviens pas toujours ; je me tiens prête, bien entendu, à reprendre les questions auxquelles j'aurais pu omettre de répondre.

En examinant, ce soir, les crédits du ministère de la défense, nous sommes tous en communion de pensée avec nos militaires qui se trouvent en Côte d'Ivoire, avec les familles des neuf militaires tués la semaine dernière, ainsi qu'avec nos compatriotes et avec les membres de la communauté internationale qui, ayant subi des propos racistes et xénophobes et des exactions multiples, ont quitté ce pays auquel ils étaient attachés et où ils avaient fait une grande partie de leur vie.

C'est un contexte douloureux pour chacun d'entre nous et nous ne pouvons aborder les questions de défense sans penser à cette réalité, ni sans avoir présente à l'esprit la situation dans le monde entier qui est, comme beaucoup d'entre vous l'ont rappelé ce soir, instable et difficile. Elle exige notre mobilisation, celle des diplomates et celle des militaires.

Le budget de la défense a donc, d'abord, pour but de répondre à ces enjeux actuels, et à ce que nous pouvons deviner des enjeux de sécurité de demain, pour notre pays et pour le monde.

Par ailleurs se profile également derrière ce budget - cela a été évoqué mais vous me permettrez d'y insister tout particulièrement - un enjeu économique et social, parce que c'est le deuxième de l'État et parce qu'il concerne des hommes et des femmes, ceux qui sont au sein du ministère de la défense et ceux qui travaillent pour lui.

Il est enfin un enjeu pour notre pays tout entier, pour sa crédibilité, pour notre capacité à faire que nos valeurs et nos engagements ne soient pas simplement des propos en l'air, qu'ils soient respectés, parce que nous prenons, lorsque nous le décidons, les moyens, y compris militaires, pour les faire respecter.

Ceux qui m'ont précédée à cette tribune ont cité beaucoup de chiffres. J'en évoquerai donc peu car le plus important est ce que recouvre ces chiffres : les intentions et les actions à mener. Je rappelle simplement que le budget du ministère de la défense est en augmentation, conformément à la loi de programmation militaire, de 1,6 % par rapport à 2004, à quoi s'ajoutent les 9,5 milliards d'euros de pensions.

Vous avez tous rappelé que la loi de finances pour 2005 respecte totalement la loi de programmation militaire pour la troisième année consécutive. C'est la première fois que cela arrive de toute l'histoire des lois de programmation militaire. Je ne tire aucune fierté de ce « record ». Cela était indispensable parce que seule la continuité non seulement dans l'effort mais également dans le financement de programmes qui s'étalent sur des années peut nous permettre de poursuivre la modernisation et le renforcement de notre outil de défense, afin de le faire correspondre aux exigences du moment.

Nous étions cependant confrontés, cette année, à une difficulté particulière parce que nous étions dans une situation budgétaire contrainte. Or il n'était pas question que le ministère de la défense, ministère régalien par excellence, se protège et échappe totalement aux efforts demandés à la nation tout entière. C'est la raison pour laquelle nous avons dû réaliser des efforts d'économies et de rationalisation et opérer des choix. Je les ai faits et j'en revendique la responsabilité ; je les développerai au fur et à mesure que j'avancerai dans mon propos. Cependant, en aucun cas, à mes yeux, ces choix ne devaient risquer de remettre en cause les moyens dont la défense a besoin pour remplir les missions qui lui sont confiées par la France, et ce dans aucun domaine.

Ce devait être le cas, bien entendu, en ce qui concerne les équipements. Nous en avons besoin pour aujourd'hui, compte tenu de la situation telle qu'elle est ; et nous devons préparer les équipements dont nous aurons besoin, demain. Cela signifie qu'il y a continuité dans l'effort.

À Michel qui a parlé de risques de « bosses » budgétaires, je rappelle que nous avons d'abord dû, depuis deux ans, gravir des « marches » budgétaires, pas simplement pour aller vers le modèle 2015, mais aussi pour rattraper ce qui n'avait pas été fait dans la loi de programmation militaire précédente. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je vous rappelle qu'il manquait 20 % pour atteindre le chiffre prévu pour 2002. Voilà la réalité !

Depuis 2002, un effort constant a donc été nécessaire, avant tout pour financer le maintien de nos forces en condition opérationnelle. Je n'aurai pas la cruauté de rappeler dans quel état étaient les matériels.

M. Alain Joyandet. Si, il faut le faire !

M. Yves Fromion. Soyez cruelle !

Mme la ministre de la défense. Nous sommes en train de rattraper notre retard. Nous avons ainsi amélioré d'à peu près 15 % depuis 2002 la situation de nos matériels, ce qui place le taux des matériels revus aux alentours de 65 ou 70 %, selon les armées et selon les matériels. C'est encore insuffisant, j'en ai conscience, mais cela coûte très cher parce que, plusieurs d'entre vous l'ont dit, nous avons du matériel trop ancien et parce que les programmes ont pris du retard lors de la précédente loi de programmation militaire. Or, comme une voiture, plus le matériel militaire est vieux, plus il exige d'entretien et plus il a de pannes.

Il convient donc d'accroître notre effort en la matière. C'est la raison pour laquelle nous avons prévu 2,8 milliards d'euros, comme l'ont souligné MM. Hart, Cova et Bernard. Cela était indispensable ; nous le faisons.

Bien entendu, si nous voulons éviter les erreurs commises dans le passé, il faut que nous nous préparions, dès aujourd'hui, à acquérir de nouveaux matériels. C'est ce qui explique les augmentations sensibles - 2 %, taux élevé au regard du budget général de cette année - des crédits de paiement pour les matériels que nous allons recevoir.

Citons le programme Syracuse, les dix Rafale, les huit Tigre, le premier avion de transport à long rayon d'action, le premier bâtiment de projection et de commandement, les soixante-dix missiles de croisière Scalp EG, les trente missiles AS 30 Laser pour la frappe dans la profondeur, ainsi que - M. Folliot en a parlé - les nouveaux équipements des forces de gendarmerie : 55 000 nouvelles tenues, 32 000 pistolets de nouvelle génération, 10 000 gilets pare-balles, qui peuvent se révéler nécessaires. Ce qui s'est passé en Corse - nous sommes solidaires des gendarmes qui y exercent leurs fonctions - montrent que ces précautions ne sont pas inutiles. Leur métier est difficile et s'ils obtiennent de très bons résultats, ce n'est pas sans risques.

M. Philippe Folliot. Très bien !

Mme la ministre de la défense. L'important, bien entendu, n'est pas seulement d'avoir des crédits de paiement pour acquérir, au cours de l'année 2005, ces matériels, mais aussi de se préparer aux matériels futurs. C'est pourquoi nous avons besoin d'autorisations de programme, qu'il ne faut pas confondre, je le rappelle, avec les crédits de paiement. Ces autorisations de programme nous permettent aujourd'hui de lancer des programmes grâce auxquels, dans quelques années, nous disposerons de matériels pour lesquels il faudra des crédits de paiement. Voilà pourquoi, monsieur Voisin, il y a aujourd'hui une baisse des crédits de paiement, et cela va continuer pour une raison très simple : autorisations de programme et crédits de paiement doivent s'équivaloir sur l'ensemble de la loi de programmation militaire. Donc, au départ, nous avons effectivement besoin de beaucoup d'autorisations de programme, qui régresseront, au terme de la loi de programmation militaire et au fur et à mesure du déroulement des programmes, tandis que les crédits de paiement augmenteront. Ces autorisations de programme nous permettront notamment de poursuivre le développement du M51 sur les trois prochaines années - ce qui me permet de répondre à MM. Quilès, Le Bris, Brunhes et Carré.

Je dirai un mot de la dissuasion nucléaire. Nous avons besoin d'une dissuasion nucléaire crédible. Ce n'est, en effet, pas au moment où des pays importants se dotent d'une capacité nucléaire que nous devons nous dépouiller de cette ultime protection. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Quant à faire une pause, comme le suggèrent certains, c'est totalement illusoire. Vous n'allez pas arrêter un sous-marin lanceur d'engins au milieu de sa construction ! Vous ne pouvez pas ne pas renouveler les missiles nucléaires, car, comme toute chose, ils s'usent. D'où la nécessité de les renouveler. Vous ne pouvez pas, pour la propre sécurité de ceux qui les manient, maintenir des engins qui n'offrent plus de protection. On nous demande aussi à quoi bon moderniser, adapter nos engins et les rendre plus précis, si nous ne devons pas les utiliser. C'est le concept même de la dissuasion.

M. Patrick Ollier. Mais bien sûr !

Mme la ministre de la défense. Qu'est-ce que la dissuasion ? Il s'agit, vis-à-vis d'un adversaire potentiel, d'être crédible lorsque nous lui disons que, s'il fait mine de nous attaquer, nous sommes capables de lui faire un mal encore plus grand. Mais nous ne devons pas prendre nos adversaires potentiels pour des idiots. Ils nous connaissent bien, trop bien, peut-être. Ils savent aussi notre respect de la personne humaine et risquent de penser que nous hésiterons avant de vitrifier des millions de personnes et que, finalement, nous n'utiliserons pas notre dissuasion nucléaire. En revanche, si nous disposons d'armes précises, capables de les frapper sur les lieux de leur pouvoir, avec très peu d'effets collatéraux, ils se diront que nous sommes en mesure de le faire, et nous serons alors crédibles. Nous ne pouvons donc pas cesser de moderniser nos armements pour les adapter aussi à cette évolution des mentalités. Voilà pourquoi le M51 est utile.

Nous allons également avoir, dès cette année, des autorisations de programme pour commander huit frégates multimissions. MM. Le Bris et Le Drian m'ont parlé d'un manque de crédits et de divergences. Il n'y a aucune divergence avec les Italiens. Au contraire, nous allons réaliser, en commun, 90 % du programme. Nous n'avons pas besoin, aujourd'hui, de crédits de paiement puisque nous lançons le programme. Nous en sommes au niveau des autorisations de programme.

Nous avons également les autorisations de programme pour deux avions de transport à long rayon d'action, pour 1 100 systèmes FELIN et pour la poursuite de la modernisation de l'équipement des forces de gendarmerie - véhicules et pistolets automatiques, entre autres. Voilà en quoi ce budget est conforme à la loi de programmation militaire ; il remplit son objectif qui est de nous protéger, mais, en même temps, de nous permettre de remplir les missions que nous confie, notamment, la communauté internationale.

Toutefois, les meilleurs matériels ne nous serviraient à rien si nous n'avions pas des personnels entraînés et motivés. Ces personnels doivent être en nombre. C'est le problème des effectifs. Non, monsieur Boucheron, il n'y a pas eu recul ou gel des recrutements en 2004. J'ai donné un coup d'arrêt en juillet parce que je trouvais que l'on allait trop vite, au risque de dépasser les crédits votés par le Parlement l'année dernière. Je l'ai rappelé à certains chefs d'état-major. Mais les recrutements ont repris et les 34 000 recrutements prévus sur 2004 seront effectivement pourvus : 17 000 entre janvier et juillet derniers et 17 000 autres d'ici au mois de décembre. En 2005, la masse salariale s'élèvera à 14,2 milliards d'euros, en hausse de 2,5 %. On pourrait donc croire que tout va bien. Tel n'est pas le cas, et je le reconnais. En effet, cette hausse est en partie absorbée par le coût d'un certain nombre de mesures incontournables, comme le point de la fonction publique ou la mise en œuvre de la réforme sur les retraites. Il est exact, monsieur Cova, que des arbitrages ont eu lieu au sein des états-majors, notamment pour la prise en charge des augmentations du point de la fonction publique qui ne figuraient évidemment pas au budget initial. Les états-majors ont arbitré. Dans le cas de la marine, on a prélevé sur un certain nombre de crédits. Je ne suis pas sûre que ce soit sur les crédits d'alimentation.

M. Charles Cova, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la marine. Si !

Mme la ministre de la défense. Il a pu y en avoir, mais vous m'avez dit avoir peu mangé sur le porte-avions ! (Sourires.) Je note qu'il y a eu, effectivement, un certain nombre de transferts d'une ligne budgétaire à l'autre.

D'une façon plus générale, pour ce budget 2005, il m'a fallu effectivement faire un certain nombre de choix dans les créations d'emplois. J'ai privilégié, c'est vrai, la gendarmerie, qui reçoit 700 postes supplémentaires. M. Folliot a souligné l'importance de cette mesure. J'ai également privilégié le service de santé des armées. L'importance de son rôle nous est encore apparue en Côte d'Ivoire. Je pense que vous en avez vu certaines images. J'ai pu constater, lorsque j'ai rencontré dans nos hôpitaux militaires les militaires blessés, combien il était important de les avoir pris en charge immédiatement. Chaque fois que je me rends auprès de nos troupes en OPEX, on me confirme combien ce rôle de sécurité du service de santé, que le monde entier nous envie, est fondamental. Cinquante-huit postes supplémentaires de médecins sont donc créés au sein du service de santé des armées.

Plusieurs orateurs, dont MM. Fromion, Carayon et Boucheron, ont évoqué la DGSE. Elle reçoit vingt postes. Le fait que certains soient contractuels ne change rien à l'affaire, car ces postes seront pourvus.

On peut dire bien des choses sur le secret défense, sur le contrôle et sur la connaissance de ce que font les services. Je suis d'accord avec les orateurs qui ont estimé que, finalement, les Français connaissent insuffisamment le travail remarquable et souvent dangereux qu'accomplissent les agents de nos services. J'ai regretté cet état de choses. C'est pourquoi, depuis mon arrivée, j'ai demandé qu'un effort soit fait pour ouvrir ce service, sans, bien sûr, mettre en péril les agents. Toutes les précautions nécessaires ont donc été prises. C'est ainsi que vous avez pu regarder quelques reportages, en particulier sur la DGSE. J'ai souhaité également voir plus de transparence, tout en prenant en compte l'intérêt fondamental de l'État et le besoin de sécurité de nos agents. J'ai, par exemple, levé le secret défense sur un certain nombre de dossiers, comme, voici quarante-huit heures, pour l'affaire Ben Barka, sur laquelle nous n'avions rien à cacher. De la même façon, je vous rappelle qu'à ma demande, le bureau de la commission de la défense a visité la DGSE. Je pense que c'était la première fois, et cela se reproduira. Il y a aussi une commission de contrôle des fonds spéciaux, qui connaît aussi ceux de la DGSE. Le chef du service Action est venu témoigner devant la commission de la défense. On peut, bien sûr, souhaiter toujours plus. Je n'y suis pas systématiquement opposée, dès lors que les intérêts fondamentaux de la France ne risquent pas d'être mis en cause. Nous en reparlerons sans doute. Je veux saluer l'ouverture et le sens des responsabilités de la commission de la défense sur ces sujets et dans ses rapports avec les services.

Nous procéderons donc à des recrutements supplémentaires pour certains services.

Les recrutements pour l'ensemble de la défense seront de 34 000, c'est-à-dire du même ordre de grandeur qu'en 2004. Cela dit, je suis consciente que la multiplication des missions, comme c'est actuellement le cas, génère un certain nombre de contraintes qui pèsent sur les armées. Ainsi, comme je l'ai précisé devant votre commission, l'armée de terre, qui assume 80 % des opérations, est aujourd'hui soumise à de très fortes contraintes. J'ai obtenu, depuis la rédaction de la loi de finances initiale pour 2005, que le collectif budgétaire puisse m'ouvrir 200 millions d'euros au profit des effectifs et de l'entraînement. Je tiendrai naturellement la représentation nationale informée de l'utilisation de ces moyens, dès lors que le Parlement les aura votés en loi de finances rectificative. Nous répondrons ainsi à ces besoins, même s'ils n'ont rien à voir avec certains chiffres extrêmes cités dans d'autres enceintes et dont je n'ai pas encore compris d'où ils provenaient. Je pense ainsi pouvoir rassurer MM. Hart, Lang, Hillmeyer et Meslot, qui ont abordé ce sujet.

Parallèlement au recrutement, l'effort d'accompagnement de la professionnalisation se poursuit. M. Lang a souligné, à juste titre, le besoin en la matière. Ainsi, 43 millions d'euros ont été affectés au plan d'amélioration de la condition militaire - élément fondamental pour procéder à un recrutement de très haut niveau - 11 millions d'euros au fonds de consolidation de la professionnalisation, 20 millions d'euros au plan d'adaptation des grades aux emplois et 12 millions d'euros au personnel civil.

Et je m'arrêterai peut-être aussi un instant sur le personnel civil, qui représente une part importante du ministère de la défense. Il est moins connu, c'est vrai, parce qu'il n'est pas forcément sur le devant de la scène, mais il est indispensable au fonctionnement actuel des armées et j'y attache, pour ma part, une très grande importance. Il n'est pas question de réduire les effectifs du personnel civil et encore moins ses compétences, comme M. Boucheron a semblé le craindre. Je dirai même qu'il importe de lui donner les moyens de tenir la place naturelle qu'il occupe au sein des armées. Au demeurant, lorsque je rends visite à des unités, c'est-à-dire pratiquement chaque semaine, je tiens à rencontrer des civils et ils ne me donnent pas du tout l'impression de ressentir les difficultés relationnelles dont certains ont parlé. Celui qui fait le choix de s'engager pour devenir militaire n'a pas envie d'endosser certaines tâches administratives : chacun a une fonction précise et il n'est pas question d'y toucher. L'examen du statut des militaires auquel nous allons bientôt procéder nous permettra sans doute, monsieur Hillmeyer, de mieux préciser encore la place des uns et des autres.

De même, je pense qu'une meilleure prise en compte de l'apport de la réserve permettra de fluidifier le fonctionnement des armées tout en répondant davantage aux besoins. Aussi ai-je inscrit non pas 15 millions d'euros mais 15 millions d'euros supplémentaires pour recruter 6 000 nouveaux réservistes, qui auront beaucoup à nous apporter.

M. Charles Cova, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour la marine. Très bien !

Mme la ministre de la défense. Le total des sommes consacrées aujourd'hui à la réserve doit dépasser 43 millions d'euros : nous suivons donc, contrairement à ce qui s'est passé auparavant, une ligne de renforcement significatif de la réserve et de son rôle.

Pour que les militaires conservent un bon niveau opérationnel, l'entraînement est essentiel - M. Hart a eu parfaitement raison de le souligner. La dotation de fonctionnement consacrée à l'entraînement sera accrue de 3,4 %, ce qui nous permettra, cette année, de tenir les objectifs de la loi de programmation militaire.

Je me réjouis également - cela évitera que cette somme ne soit prise sur d'autres crédits, comme ceux de l'entraînement - que 100 millions d'euros aient été provisionnés pour les opérations extérieures. Permettez-moi de vous en remercier car c'est finalement grâce à vous que cette ligne budgétaire existe et qu'elle est dotée d'un montant significatif, même si, c'est vrai, il n'est pas tout à fait aussi élevé que je l'aurais souhaité. Nous ne parviendrons jamais, l'un d'entre vous l'a dit, à obtenir 600 millions d'euros en loi de finances initiale, car si cela correspond à peu près au coût effectif des OPEX, des événements surviennent en cours d'année. Toutefois, un rapport conjoint de l'inspection générale des finances et du ministère de la défense fait apparaître qu'une somme de 250 à 300 millions d'euros serait acceptable de part et d'autre. J'espère qu'après deux années de progression, la troisième sera celle où nous obtiendrons l'inscription de ces 300 millions. En tout cas, je remercie le président Teissier, M. Cornut-Gentille et M. Vannson d'avoir insisté sur ce point aujourd'hui, tout comme M. Boucheron, si je ne me trompe.

Par ailleurs, je tiens à souligner que je suis évidemment amenée à prendre en compte, parce qu'elle pèse sur les OPEX comme sur l'entraînement, une donnée extérieure mais néanmoins réelle : l'augmentation du prix du pétrole, qui n'est pas sans répercussions, même si la baisse du dollar vient un peu la compenser. Par précaution, j'ai fait abonder de 20 millions d'euros les crédits dévolus au carburant. Je pense ainsi répondre aux questions posées par MM. Cova, Bernard et Viollet.

Avec la loi de finances pour 2005, nous poursuivrons la modernisation de notre outil de défense, en conformité avec les objectifs fixés par la LPM, mais je tiens à vous faire remarquer que les implications de ces deux textes dépassent largement le cadre traditionnel de la défense : ils nous donnent aussi les moyens d'une politique économique et sociale, tout en renforçant le poids de la France sur la scène internationale.

L'impact du budget de la défense dépasse les questions militaires pour atteindre les questions économiques et technologiques. D'abord, je vous rappelle que c'est le premier budget d'investissement de l'État. Il nous permet aussi d'être le premier recruteur de jeunes, secteurs public et privé confondus, avec 30 000 à 35 000 personnes embauchées chaque année. Et c'est un budget qui rapporte de l'argent à l'État - j'utilise parfois cet argument lorsque je suis en pourparlers avec le ministère du budget -, puisque nous amenons 2,5 milliards d'euros de TVA par an, vous devez le savoir. De surcroît, et les élus locaux que vous êtes ne peuvent y rester insensibles,...

M. Jean-Claude Lefort. Nous ne sommes pas des « élus locaux » ! Nous sommes la représentation nationale !

Mme la ministre de la défense. ...la part des PME-PMI dans l'économie de défense est considérable : elle représente environ 1 250 PME et 170 000 emplois directs. Et encore, je ne parle que des PME-PMI et des emplois directs.

M. Brunhes n'est plus là...

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l'air. Dommage !

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l'espace, les communications et le renseignement. Nous n'allons tout de même pas le regretter ! (Sourires.)

Mme la ministre de la défense. ...mais je trouve un peu contradictoire qu'il réclame une baisse des crédits du titre V en oubliant que cette évolution frapperait l'activité des entreprises, au détriment de milliers d'emplois. Je mettrai cette maladresse sur le compte de l'étourderie...

Un autre aspect a très justement été rappelé par M. Caillaud : à chaque emploi militaire correspondent une formation puis une reconversion professionnelle. Si quelques-uns des 35 000 jeunes que nous recrutons sortent de Polytechnique et de Saint-Cyr, la plupart d'entre eux ont une formation professionnelle très modeste, et certains d'entre eux n'en ont même pas du tout ; nous disposons donc de centres de formation, que connaissent bien plusieurs parlementaires ici présents, dans toutes les armées, formant notamment au métier de mécanicien, mais pas seulement, afin de dispenser une formation de base aux jeunes. Et ceux-ci, après quelques années, lorsqu'ils repartent dans le civil, le plus souvent dans le privé, bénéficient de surcroît d'un accompagnement pour aider à leur insertion professionnelle. Tout à l'heure, il a été question de l'AFPA : le jour où elle recasera dans les entreprises, sous CDI, 96 % des salariés qu'elle accueille, on pourra commencer à se faire du souci pour les centres de reconversion de la défense. Mais, pour le moment, n'oublions pas ce que ceux-ci réalisent et le succès qu'ils obtiennent.

L'impact économique de la défense est donc considérable, et je vous informe que cela m'amène à créer un prix de recherche encourageant les travaux universitaires en matière d'économie de défense, car j'estime que ceux-ci doivent être mieux connus.

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour l'espace, les communications et le renseignement. Très bien !

Mme la ministre de la défense. S'investir autant dans l'économie nationale confère aussi la responsabilité de conduire, dans son champ de compétences, une politique industrielle ambitieuse, beaucoup d'entre vous en ont parlé. Mon but, mon choix, est de disposer d'une industrie d'armement compétitive pour améliorer notre autonomie stratégique. Je veux donc que nos industries d'armement soient financièrement saines et disposent des moyens juridiques de nouer des alliances afin de faire face à la concurrence - la concurrence américaine mais aussi de plus en plus celle de l'Asie, notamment de l'Asie du Sud-Est. L'Europe sera la taille nécessaire pour que nos industries de défense puissent mener une politique d'armement ambitieuse.

C'est ce qui a guidé mes choix pour DCN, entreprise dont ont parlé Mme Adam, M. Le Bris et M. Le Drian. Je désire sincèrement que DCN et GIAT, dont je parlerai dans un instant, soient des entreprises solides, non seulement sur le plan technique - nous connaissons la qualité de leur expertise technique - mais aussi sur le plan financier, afin qu'elles puissent s'implanter au cœur des nouvelles alliances industrielles. Et c'est précisément pourquoi je souhaite qu'une disposition législative autorise l'ouverture du capital de DCN. Ce texte, je l'ai dit, sera déposé à peu près au moment de l'examen de la loi de finances rectificative. J'ai voulu que ce ne soit pas un amendement adopté à la sauvette mais un texte connu à l'avance, qui fasse l'objet de toutes les consultations nécessaires et montre notre ambition industrielle. Mais, je le répète, je me soucie évidemment des personnels et je suis attentive à leurs inquiétudes. C'est pourquoi j'ai précisé, en même temps que j'annonçais le dépôt futur d'un texte autorisant l'ouverture du capital, que seraient maintenus le contrat d'entreprise et le statut des personnels, notamment celui des ouvriers d'État ou des fonctionnaires de l'entreprise.

Je me réjouis de tout ce que nous pouvons accomplir dans le même sens. Et, si je préconise le redressement de GIAT, c'est également parce que je pense qu'il arrivera un moment où il faudra organiser l'industrie d'armement terrestre à une échelle européenne, ce qui ne nous empêchera pas, bien entendu, de continuer à protéger nos besoins stratégiques - car c'est ma préoccupation constante.

L'idée consistant à bâtir des entreprises de taille européenne m'incite également à me féliciter de l'opération menée par SAGEM et la SNECMA. J'ai été associée à la réflexion de ces deux entreprises et j'ai pensé qu'elle allait dans le bon sens : celui de la constitution d'un groupe français de stature européenne. Je souhaite, dans le même ordre d'idée, que les discussions entre DCN et Thales progressent.

Pour aller plus loin et construire une défense mieux préparée aux défis de demain, la recherche technologique de défense est essentielle, plusieurs d'entre vous l'ont dit, notamment MM. Rivière, Hillmeyer, Vannson et Meslot, ainsi que M. Boucheron. Aussi ai-je souhaité que celle-ci bénéficie d'une dotation accrue de 8 % par rapport à 2004. Même si une part est affectée au BCRD, la grande nouveauté en la matière, c'est que nous pourrons largement choisir les programmes de recherche et par conséquent sélectionner ce qui nous intéressera tout particulièrement. M. Vannson a aussi insisté sur les études amont ; je tiens à lui signaler que leurs moyens progresseront de 100 millions d'euros.

Mais, au-delà de l'argent, il y a aussi la façon de faire. À cet égard, la politique de démonstrateurs que j'ai mise en place - elle a déjà été appliquée aux drones et elle aura d'autres débouchés - nous permet évidemment de maîtriser les technologies du futur tout en fédérant les industriels français, et également européens, comme pour le projet UCAV, dans lequel six pays sont actuellement associés à la France.

En matière d'espace et de communications, il me semble évident que la même logique s'applique, et M. Fromion a beaucoup insisté sur ces points. Les Américains accomplissent un effort considérable, qui n'est pas sans risques, pour nous, en ce qui concerne la maîtrise de l'espace et des communications. J'ai demandé à un groupe de travail de se pencher très sérieusement sur ce sujet, qui devrait faire l'objet de discussions dans les prochains mois.

Oui, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je crois que ce budget 2005 renforce le rôle de la France sur le plan international, et notamment dans l'Europe de la défense. Il m'a semblé que M. Quilès exprimait quelques doutes à ce sujet.

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. J'ai cité des chiffres.

Mme la ministre de la défense. Je dois dire que je suis beaucoup plus de l'avis de M. Deflesselles. Car j'ai vu comment les choses se sont passées, j'en ai été un témoin direct : oui, c'est le jour où la France a été à même de dire qu'elle allait, par la loi de programmation militaire, redresser son effort de défense, que l'Europe de la défense a fait des progrès considérables. Ce n'était pas en baissant les crédits de 20 %, ce n'était pas faisant du budget de la défense l'endroit où l'on venait puiser l'argent nécessaire chaque fois qu'il était besoin de faire du saupoudrage quelque part,...

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la gendarmerie. Absolument !

Mme la ministre de la défense. ...que nous allions convaincre nos partenaires de notre volonté d'avancer vers l'Europe de la défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le jour où j'ai dit qu'il y aurait un redressement de l'effort de défense, nous avons été entendus et suivis par nos partenaires. Il y a dix ans, l'Europe de la défense, c'était une utopie. Il y a cinq ans, c'était un beau projet, autour de beaux discours. Depuis deux ans et demi, c'est une réalité.

M. Bernard Deflesselles. Très bien !

Mme la ministre de la défense. Et les critiques sur la Constitution européenne n'ont rien à voir avec tout cela.

L'Europe de la défense, elle existe parce qu'il y a eu sur le terrain, y compris dans des opérations difficiles comme celle en Iturie, des soldats qui portaient le drapeau étoilé sur le bras, qui se débrouillaient tout seuls et qui ont parfaitement réussi leur mission.

L'Europe de la défense, elle existe parce que vous avez le programme A400M, parce que vous avez le NH90, parce que vous avez le Tigre, parce que vous avez Meteor, parce que vous avez les frégates multi-missions. Et tout cela est en train de se développer.

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour l'espace, les communications et le renseignement. Très bien !

Mme la ministre de la défense. L'Europe de la défense, elle existe parce qu'il y a la cellule de planification et de développement. Elle existe parce qu'il y a l'Agence européenne de défense et de l'armement. Que n'ai-je entendu au sujet de cette agence ! Eh bien, aujourd'hui, elle existe.

Je ne veux pas entendre dire que l'Europe de la défense est sous la coupe de l'OTAN. Elle ne l'est pas, et elle ne le sera pas demain. L'OTAN, c'est une réalité, et l'Europe de la défense en est une autre. Ces deux réalités ne sont pas concurrentes, mais complémentaires. La décision, l'autonomie, la capacité d'agir de l'Europe de la défense existent bel et bien. Et c'est se voiler la face, pour des raisons que je ne veux pas connaître, que de dire le contraire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. C'est faux !

Mme la ministre de la défense. Vous pouvez dire « c'est faux » tant que vous voulez. La réalité, elle est là, et je vous ai donné des chiffres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Lisez les textes !

Mme la ministre de la défense. Et il est significatif que dans les pays que vous avez cités, la Pologne et la Hongrie soient prêtes à s'insérer dans des groupements tactiques interarmées de 1 500 hommes, qui sont une réalité européenne. Tout comme il est frappant de constater que la gendarmerie européenne, qui est une création totalement européenne,...

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour la gendarmerie. Grâce à vous !

Mme la ministre de la défense. ...reçoit aujourd'hui le soutien total de la Pologne, laquelle va créer spécialement une gendarmerie, alors qu'elle n'en a pas actuellement, pour pouvoir participer à l'Europe de la défense en la matière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Alors oui, tout cela est bien la preuve que l'Europe de la défense existe, et qu'elle continuera à exister.

M. Jean-Claude Lefort. La gendarmerie ne relève pas de l'OTAN !

Mme la ministre de la défense. Et, monsieur Hillmeyer, vous avez raison de dire que l'Agence européenne de défense est un élément important. C'est important du point de vue de notre capacité à répondre à nos besoins en matière d'armement, c'est important pour coordonner notre recherche, c'est important pour soutenir notre industrie de la défense. Et je crois qu'il est essentiel que l'ensemble des fondements de cette agence continuent d'aller ensemble. Nous avons une grande ambition pour cette agence, une ambition qui est partagée par tout le monde. Nous devons continuer en ce sens. Oui, nous devons nous réjouir de ces progrès, car, avec l'Europe de la défense, c'est aussi la défense de notre territoire national qui progresse.

Et puis, en redressant la défense française, nous jouons également un rôle essentiel sur le plan international. Je vois, à travers tous mes déplacements, le nombre de pays, parfois très lointains, qui se tournent vers la France et qui nous soutiennent totalement dans notre idée d'instaurer un monde plus juste, qui soit aussi un monde multi-polaire. Et j'aime autant vous dire que si nous n'avions pas cette capacité d'exister sur le plan de la défense, ces pays n'auraient aucune raison, même s'ils sont d'accord avec nous au fond d'eux-mêmes, de nous soutenir et de prendre les positions qu'ils prennent pour aller dans ce sens. Oui, c'est parce que nous avons redressé, depuis deux ans, la défense européenne que nous pouvons aujourd'hui être entendus sur la scène diplomatique, dans le monde entier, que nos valeurs, nos idées peuvent être soutenues, et que notre industrie peut l'être aussi. Parce qu'il est évident que notre position a des conséquences sur notre industrie.

Alors oui, je crois que l'impact de ce que vous allez voter ce soir, mesdames, messieurs les députés, concerne notre sécurité, mais a également une dimension stratégique, une dimension diplomatique, une dimension économique, et donc une dimension sociale.

Respectant intégralement, pour sa troisième annuité, la loi de programmation militaire, le projet de loi de finances pour 2005 va nous donner, cette année encore, les moyens d'une défense cohérente, efficace et durable.

L'implication du Parlement a toujours été importante pour soutenir cette démarche. Je tiens sincèrement à vous en remercier, y compris ceux d'entre vous qui ne vont pas voter ce budget. Parce que je sais qu'au sein de la commission de la défense, même s'ils sont obligés d'avoir l'attitude qu'ils ont aujourd'hui,...

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour l'espace, les communications et le renseignement. Ils ne sont pas libres !

Mme la ministre de la défense. ...je les ai souvent vus soutenir mes analyses.

Ce projet de loi de finances correspond aux besoins de la nation, pour aujourd'hui mais également pour demain. Et c'est bien parce que je me suis toujours appuyée sur le Parlement que je souhaite très sincèrement que tout soit fait en totale transparence, ce qui se fera dans le cadre de la LOLF et ce qui se fait d'ores et déjà aujourd'hui. Le groupe de travail que nous avons mis sur pied ensemble, monsieur le président de la commission de la défense, afin que vous puissiez suivre aussi souvent que vous le voulez, et dans la plus grande transparence, l'usage qui est fait de chaque euro qui est mis à notre disposition pour la nation, ce groupe de travail, donc, je suis tout à fait prête à l'ouvrir à la commission des finances si elle le veut. Cela me paraît tout à fait normal, et je le souhaite, car je n'ai rien à cacher. La défense n'a rien à cacher sur le plan budgétaire ou sur celui de son action.

Je souhaite que cette totale transparence se manifeste aussi demain dans le cadre de la LOLF. Si certains programmes apparaissent trop importants, ce n'est pas du tout par souci de cacher quoi que ce soit, mais simplement par souci d'être plus cohérent, et par là plus efficace. Mais nous prendrons les mesures nécessaires pour que, à l'intérieur du programme, le Parlement, et chaque parlementaire, puisse toujours avoir le sentiment que chaque euro est utilisé au mieux.

Cette transparence est souhaitable parce que tout ce qui a été dit ce soir contribue à montrer que finalement, nous avons tous un seul souci, un seul espoir : nous donner les moyens d'agir pour la France et d'agir pour la paix. Ce soir, il ne s'agit pas simplement de voter le budget de mon ministère. Je n'en fais pas une affaire d'amour-propre, et je n'en tirerai aucune gloriole personnelle. Ce que je souhaite simplement, c'est que, tous ensemble, nous accompagnions l'effort de défense qui est consenti, non par nous mais par la nation, pour la sécurité des Français.

Oui, mesdames et messieurs les députés, je vous soumets ce budget parce que je pense qu'il est bon, et parce que je pense que nous le devons à nos soldats et que nous le devons à la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous en venons aux questions.

Nous commençons par le groupe Union pour la démocratie française.

La parole est à M. Francis Hillmeyer.

M. Francis Hillmeyer. Madame la ministre, mon souci de savoir les réserves consolidées et prêtes à renforcer les professionnels m'a amené à forcer le trait sur ce budget, et je vous remercie de votre réponse encourageante.

En associant à ma question mon collègue Jean Lassalle, retenu ce soir par ses obligations de président de l'association des maires de son département, et en m'appuyant sur l'excellent rapport de notre collègue Philippe Folliot, je souhaiterais vous interroger, madame la ministre, sur le programme de construction et de rénovation des casernes de gendarmerie.

Comme l'a noté en commission Pierre Mutz, ancien directeur général de la gendarmerie nationale, trop de gendarmes sont encore logés dans des conditions qui ne sont pas dignes de la qualité de leur travail. Cette situation est d'autant plus regrettable que le moral et la disponibilité des gendarmes dépendent largement des conditions d'hébergement de leurs familles.

Sur ce point, la responsabilité du précédent gouvernement est avérée.

M. Bernard Accoyer. Ça, c'est sûr !

M. Francis Hillmeyer. L'immobilier a en effet servi trop souvent de variable d'ajustement, comme du reste les crédits d'équipement du budget de la défense. Nous nous souvenons tous, d'ailleurs, des manifestations de gendarmes qui protestaient contre leurs conditions de travail.

Aujourd'hui, sur les 4 223 casernes, le rapporteur pour avis des crédits de la gendarmerie révèle que plus du tiers sont classées comme « vétustes ». Force est de constater que l'on n'a toujours pas rattrapé le retard pris dans la construction de nouvelles casernes.

C'est le cas à Pont-Audemer, dans l'Eure, dans la circonscription d'Hervé Morin, ou encore à Urdos, dans les Pyrénées-Atlantiques, chez Jean Lassalle. Les zones rurales qui ont besoin de la gendarmerie pour assurer leur sécurité, mais aussi celle de notre pays, notamment aux frontières, sont particulièrement pénalisées par ces retards, qui ne contribuent pas, c'est le moins qu'on puisse dire, à leur attractivité pour les personnels dans le cadre des mutations. Pour le groupe UDF, il est de la plus haute responsabilité de l'État d'assumer ses fonctions régaliennes sur l'ensemble du territoire.

Aussi, mon collègue Jean Lassalle et moi-même souhaitons vous interroger sur les mesures que vous allez prendre pour rattraper ces retards, assurer des conditions de vie décentes aux forces de gendarmerie et garantir à nos concitoyens le même droit à la sécurité, qu'ils habitent Paris ou Urdos.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la défense. Monsieur le député, ce que nous avons souhaité faire, c'est tenir compte de la politique de redéploiement des forces de police et de gendarmerie, ainsi que de la réorganisation des communautés de brigades. À chaque fois, il est évident que nous sommes amenés à considérer l'hébergement.

Je ne vais pas revenir sur les deux cas. La réponse a été préparée, mais je crois que j'ai déjà répondu à Jean Lassalle de manière précise. Pour essayer d'accélérer les choses, nous avons proposé que les collectivités locales prennent en charge la construction et reçoivent un loyer. Cela évite de devoir programmer sur de trop longues années la construction de ces brigades de gendarmerie. Il y a en effet deux façons de faire. Une solution est que l'État construise lui-même, et dans ce cas, il est obligé de faire une programmation, parce qu'il a beaucoup de demandes. L'autre solution, celle que je préconise afin que les choses aillent plus vite, c'est que la collectivité territoriale fasse l'investissement - pour lequel elle a souvent des aides, notamment celles du conseil général -, et qu'ensuite la gendarmerie paie un loyer, qui lui permet de compenser souvent largement la petite part qu'elle peut avoir sur un emprunt qui peut être fait par la collectivité.

Voilà ce qui peut être proposé pour accélérer les choses.

M. le président. Nous en venons au groupe des député-e-s communistes et républicains.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Madame la ministre, ma question concerne la situation de GIAT Industries.

Cette entreprise subit depuis quinze ans les effets de décisions politiques qui veulent, de gré ou de force, la soumettre à une loi du marché pure et dure, à une marchandisation des productions d'armement, bref, à une concurrence prédatrice.

M. Yves Fromion. Vous faites de l'autoflagellation !

M. Jean-Claude Sandrier. On sait malheureusement que le regard de ceux qui s'en font les chantres est plutôt tourné vers le niveau de rendement des dividendes que vers le degré d'autonomie stratégique et d'indépendance de notre pays. Les choix faits depuis quinze ans pour GIAT l'ont amené et l'amènent à sa perte. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Fromion. C'est vous qui les avez faits !

M. Jean-Claude Sandrier. Les six syndicats de GIAT, unanimes, ont rejeté les nouvelles mesures de restructuration. Ils viennent à nouveau de tirer la sonnette d'alarme sur la dégradation de la situation de GIAT. Cette dégradation était d'ailleurs prévisible : un cadre du ministère ne s'était-il pas interrogé pour savoir « si le malade GIAT allait supporter une opération chirurgicale lourde » ?

Nous avons les premiers éléments de réponse.

L'entreprise peut de moins en moins assurer les livraisons prévues, et, à cela, s'ajoutent les retards reconnus de commandes de l'État. On le voit, en supprimant des compétences, vous fragilisez encore plus l'entreprise. Vous fragilisez aussi les bassins d'emplois déjà sinistrés. Quant à la politique de reclassement, elle est aujourd'hui en échec. Et c'est l'expression d'une grande faiblesse que de vouloir rendre les syndicats coupables d'une situation dont la responsabilité vous incombe entièrement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Madame la ministre, pour sauver GIAT, êtes-vous prête à arrêter les achats sur étagères, à réorienter sur cinq ans un certain pourcentage du budget de la défense vers l'armement terrestre, à donner à GIAT la maîtrise complète - recherche comme production - sur toutes les armes et matériels terrestres, et, pour ce faire, à embaucher, à passer davantage de commandes pluriannuelles, à travailler à une véritable préférence communautaire, à engager sur cette base des coopérations européennes qui ne soient pas capitalistiques, à constituer un pôle public de l'armement incluant GIAT, seule façon efficace d'allier production d'armement et indépendance nationale, enfin à répondre favorablement à la tenue d'une table ronde industrielle demandée par tous les syndicats ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la défense. Monsieur Sandrier, à mon arrivée au ministère, on m'a conseillé de fermer GIAT, compte tenu de l'existence de déficits incontournables et de l'arrêt en 2005 des carnets de commandes, s'agissant notamment du char Leclerc. Je ne l'ai pas voulu et j'ai tenté de faire de GIAT une entreprise viable reposant non sur des illusions, comme cela a été fait dans le passé, mais sur des bases concrètes.

Cela n'a pas été facile, car l'examen des carnets de commandes impliquait de réduire les personnels, et je sais les drames que cela peut entraîner. J'ai donc agi en amont et cherché à reclasser les salariés dans la fonction publique d'État ou locale, ainsi que dans des entreprises créées dans les bassins d'emploi. Mais l'idée est bien celle d'une entreprise viable, tant en matière de savoir-faire qu'au plan financier.

Monsieur Sandrier, vous devez comprendre qu'aujourd'hui, une entreprise d'armement ne peut pas vivre en vase clos, en ne fournissant qu'un seul pays, qui serait le principal commanditaire, et en oubliant le monde extérieur. Nous devons exporter, et vous le savez.

Vous dites qu'il y a des retards de commandes. Non, il y a des retards de livraison. Vous affirmez que le reclassement est un échec. Au contraire, nous avons proposé plus de postes que nécessaire pour les personnels qui devaient quitter GIAT.

Enfin, vous dites qu'il faut nouer des alliances européennes non capitalistiques.

M. Yves Fromion. Avec qui ?

Mme la ministre de la défense. Vous expliquerez cela à nos partenaires allemands ou anglais. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en arrivons aux questions du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

La parole est à M. Jean-Yves Hugon.

M. Jean-Yves Hugon. Madame la ministre, je voulais vous interroger sur les effectifs de l'armée de terre. Mais en abordant ce sujet dans votre intervention, vous avez entièrement répondu à mes interrogations, ce dont je vous remercie.

M. le président. Après cette brève intervention, je passe la parole à Mme Marguerite Lamour.

Mme Marguerite Lamour. Madame la ministre, je voudrais d'abord exprimer ma satisfaction. En effet, comme vous nous l'avez dit en commission et il y a quelques minutes à la tribune, nous sommes dans un contexte budgétaire contraint. Cependant, ce budget 2005 respecte les engagements pris par notre majorité lors du vote de la loi de programmation militaire 2003-2008.

Cette loi est ambitieuse et il est essentiel d'en maintenir les crédits chaque année, rompant ainsi avec les habitudes de la précédente LPM. Cette attitude confirme l'intérêt majeur que portent le chef de l'État et vous-même, madame la ministre, à notre défense. Les événements tragiques que nous venons de connaître en Côte d'Ivoire démontrent, si besoin est, qu'il est impératif pour un pays d'être doté d'une défense forte.

Députée de Brest Rural, circonscription qui, comme son nom ne l'indique pas, est très navale puisqu'elle comporte sur son territoire les sites de la Marine, mais aussi les entreprises DCN et Thales, je suis, vous vous en doutez, très préoccupée par toutes les évolutions qui ont trait à l'industrie de la défense.

Je souhaite donc que vous me rassuriez ce soir quant à la mise en œuvre du second porte-avions et à la part que prendra Brest à cette construction.

S'agissant de l'ouverture du capital de DCN, vous vous êtes engagée, madame la ministre, à préserver les statuts des personnels. Or ceux-ci se posent des questions légitimes. Pourriez-vous me confirmer les propos que vous avez tenus lors du salon Euronaval ?

Enfin, je souhaite que la réforme du statut général des militaires, qui viendra bientôt devant le Parlement, ne prive pas les marins, nombreux dans ma circonscription, des appellations auxquelles ils sont attachés en termes de grade. J'aurai l'occasion, madame la ministre, de vous interroger à nouveau sur ce sujet, le moment venu.

Je vous remercie et vous réaffirme mon entier soutien dans vos différentes actions.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la défense. Je remercie Mme Lamour de m'avoir posé ces questions, notamment celle sur le porte-avions, car j'ai omis de répondre à ceux qui m'ont interrogée sur ce sujet.

Bien entendu, le porte-avions va être construit. Il doit être achevé en 2012, avant la grande IPER du Charles de Gaulle. Je rappelle qu'il n'a jamais été question que nous fassions un seul porte-avions avec les Britanniques, comme je l'ai lu dans la presse. Nous faisons les porte-avions qui correspondent à nos besoins et nous collaborons avec les Britanniques autant que possible.

Les études de définition du porte-avions commenceront en 2005 et 50 millions d'euros sont inscrits au budget à ce titre. Quant au lieu de construction, ce sont les industriels qui devront le définir. La notification du marché global de développement se faisant fin 2006, je ne peux vous en dire davantage, d'autant que je n'ai pas de pouvoir de décision en la matière.

Enfin, DCN a fait un superbe travail et sa transformation en entreprise est assurément une réussite. Ouvrir son capital, c'est à la fois reconnaître cette réussite et lui donner de nouvelles possibilités pour l'avenir, notamment au niveau européen. Quant aux personnels, ils ont la garantie de garder le statut qu'ils ont aujourd'hui au sein de DCN, que ce soit celui d'ouvrier d'État ou celui de fonctionnaire.

S'agissant des marins, ils doivent être rassurés : Saint-Jean-de-Luz est aussi un port, et nous avons l'habitude des appellations !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pecresse.

Mme Valérie Pecresse. Madame la ministre, je vous remercie pour votre réponse sur GIAT, dont le siège se trouve dans ma circonscription. Je tiens à vous dire combien nous sommes sensibles à votre implication personnelle dans le sauvetage de cette grande entreprise.

Ma question a été largement déflorée par mes collègues Hillmeyer et Lassalle, puisque je voulais évoquer, dans le volet de revalorisation de la condition militaire, le logement des gendarmes.

Les gendarmes sont logés par nécessité absolue de service. Ce domaine revêt donc pour eux une importance primordiale. Seul le logement permet à la gendarmerie de faire face aux exigences de proximité et de disponibilité immédiate et permanente que lui impose sa mission au service de nos concitoyens.

Quel que soit le propriétaire des logements, qu'il s'agisse de l'État, de collectivités ou de particuliers, il importe donc de mettre en place des crédits suffisants pour assurer aux militaires de l'arme le confort qu'ils sont en droit d'attendre, en contrepartie de cette obligation de résidence et au regard de l'importance de leur mission. La qualité de leur engagement personnel - c'est humain - dépend des conditions de vie qui leur sont réservées.

Dans ma circonscription, sur le site de Versailles-Satory, la légion de gendarmerie mobile d'Île-de-France dispose de cinq quartiers domaniaux. Au total, ce sont 1 407 logements et soixante-huit chambres qui sont à la disposition des personnels employés dans les différentes unités et services.

Bâtis en 1935 et 1962, puis entre 1973 et 1981, ce patrimoine immobilier est aujourd'hui en partie obsolète et ne répond plus aux besoins. À l'horizon 2013, ce sont 250 logements supplémentaires qu'il faudra réaliser.

La gendarmerie nationale dispose sur le plateau de Satory d'un terrain d'une surface de 26 000 mètres carrés qui permettrait la construction de nouveaux logements.

Conformément au décret du 6 janvier 2004, pris en application de la loi du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, un projet de construction peut être envisagé au moyen d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public, constitutive de droits réels.

Compte tenu de la réelle vétusté de certains logements des gendarmes de Satory, de la nécessité de rénover et d'agrandir le parc actuel, je vous demande de déclarer prioritaire cette opération afin que les crédits nécessaires soient dégagés dans les meilleurs délais.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la défense. Je ne reviendrai pas sur l'analyse très juste qu'a faite Mme Pecresse de la question des locaux de gendarmerie, car j'en ai visité un certain nombre. Les gendarmes doivent être logés, et c'est aussi une obligation pour eux, mais ils vivent parfois dans des conditions extrêmement difficiles.

Le projet de Satory est actuellement étudié par la Direction générale de la gendarmerie nationale. Dès à présent, la location de trente logements a été autorisée, ce qui permettra notamment la mise à niveau des effectifs du groupement blindé et du groupe de sécurité et d'intervention de la gendarmerie nationale - le GSIGN.

En outre, la construction de quatre-vingt-dix logements, dont nous pensons qu'elle pourrait être lancée en 2006, est prévue dans le cadre d'une autorisation temporaire. Cela signifie que, fin 2006 ou début 2007, nous aurons réglé pour partie la question du logement des gendarmes.

M. le président. La parole est à M. Marc Reymann, dernier intervenant dans les questions.

M. Marc Reymann. Ma question concerne la pérennité de l'Assemblée interparlementaire européenne de sécurité et de défense - autrement dit, l'assemblée de l'Union de l'Europe occidentale.

Composée de vingt-huit pays, cette assemblée est toujours la seule enceinte parlementaire dans laquelle des parlementaires nationaux peuvent assurer un suivi des questions de sécurité et de défense.

Je rappelle que cette assemblée maintient un dialogue étroit avec la Fédération de Russie et les anciens pays satellites de l'Europe de l'Est, tous ces pays étant régulièrement invités aux travaux de l'Assemblée.

Par son expérience, par la qualité de ses travaux et en raison de son caractère interparlementaire, l'assemblée s'impose comme un modèle à suivre pour la future structure de participation collective des parlements nationaux à l'Union européenne.

Comment envisagez-vous l'articulation entre l'assemblée de l'UEO et le Parlement européen, qui devrait se voir attribuer, dans le cadre de la Constitution européenne, de nouveaux pouvoirs en matière de défense ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la défense. Vous avez raison, monsieur le député : l'assemblée de l'UEO constitue aujourd'hui la seule enceinte parlementaire pleinement compétente pour les questions liées à la PESD. Elle conservera toute sa pertinence tant que l'équilibre institutionnel entre les organes de l'Union et le Parlement européen demeurera ce qu'il est. Bien entendu, cet équilibre peut évoluer. Le nouveau traité constitutionnel, qui comporte une clause de défense mutuelle rendant caduque celle du traité de Bruxelles, doit conduire à une modification profonde du cadre institutionnel européen. Si, comme nous l'espérons, il entre en vigueur, il nous faudra peut-être reconsidérer la situation, mais aujourd'hui, aucune remise en question du rôle de l'assemblée parlementaire de l'UEO n'est à l'ordre du jour.

Je me suis moi-même rendue à plusieurs reprises devant cette assemblée, dont je suis les travaux avec beaucoup d'intérêt, car ils abordent souvent les problèmes sous un angle particulier. Nous ne devons avoir aucune inquiétude à son sujet.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.

J'appelle maintenant les crédits du ministère de la défense ouverts aux articles 48 et 49.

Article 48

M. le président. Je mets aux voix l'article 48.

(L'article 48 est adopté.)

M. le président. Nous passons à l'article 49

Article 49

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 139, tendant à réduire les crédits inscrits au titre V.

La parole est à M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion. Je vous rassure, madame la ministre, mes chers collègues, cet amendement n'a pas vocation à durer plus que le temps de mon intervention et ne sera naturellement pas mis aux voix. Je vais déclencher beaucoup de regrets, je le sais. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est en effet le seul moyen que j'aie trouvé pour évoquer à nouveau - mais vous m'avez répondu par avance, madame la ministre - le problème de la tension sur les effectifs de l'armée de terre.

Il me semblait souhaitable d'exprimer le sentiment de proximité que nous éprouvons à l'égard de nos soldats, notamment ceux de l'armée de terre, qui, en Côte d'Ivoire, en Afghanistan et dans tous les autres théâtres d'action extérieure, font leur métier avec beaucoup d'abnégation.

Il n'est pas facile pour un parlementaire de trouver l'occasion d'intervenir. J'ai donc déniché, dans une ligne budgétaire assez obscure, sur le chapitre « munitions » du titre V, une dotation de 33 millions d'euros qui est, comme vous le savez, destinée à permettre la mise en œuvre du plan social de GIAT Industries.

S'il est naturel de faire en sorte que ce plan social soit appliqué comme prévu, il serait singulier que nos soldats, soumis comme ils le sont aux contraintes que vous connaissez, puissent penser qu'ils n'ont pas droit à la même sollicitude de la part de la représentation nationale. Et c'est pour mettre en perspective ces deux situations que j'ai déposé cet amendement.

Je souhaite le rappeler - notamment à M. Sandrier - : le plan de GIAT Industries comporte, pour sa seule partie sociale, une enveloppe de 600 millions d'euros.

M. Charles Cova. C'est un véritable gouffre !

M. Yves Fromion. Si on rapporte cette somme aux 3 400 salariés de GIAT qui sont concernés, cela fait 176 000 euros par salariés. (« C'est scandaleux ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Bien sûr, une telle arithmétique est un peu simpliste, mais, parfois, le simplisme permet d'éclairer les débats.

Cela signifie que la nation n'est pas indifférente à l'égard de GIAT Industries, et qu'elle paie cher la possibilité qui est offerte à cette entreprise d'évoluer dans un contexte où le facteur humain n'est pas, comme on pourrait le penser, mis de côté.

Bien entendu, madame la ministre, nous savons que ces 33 millions d'euros que je me proposais de vous faire économiser sur le chapitre « munitions » du titre V relèvent de l'artifice. Les règles ne me permettaient pas, en effet, de proposer une intervention sur le titre III. Nous allons laisser ces millions où ils sont, d'autant plus qu'ils ne seront pas inutiles. Comme vous le savez, je me suis beaucoup impliqué pour que l'on trouve un avenir à cette société à laquelle nous tenons tous.

M. François-Michel Gonnot. C'est vrai !

M. Yves Fromion. L'occasion m'a été donnée de montrer que le Parlement est capable de distinguer des situations qui ne sont pas comparables. Elle peut vous permettre de nous dire, comme vous l'avez fait tout à l'heure, que l'armée de terre n'aura pas à subir les contraintes budgétaires que certains avaient cru percevoir dans la préparation de votre budget. Je vous en remercie d'avance, madame la ministre, au nom de tous mes collègues de la majorité et au nom de nos soldats, et je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 139 est retiré.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Je voudrais, madame la ministre, souligner combien, tout au long de cette soirée, le Gouvernement comme la représentation nationale ont su rendre l'hommage unanime de la nation aux armes de la France, et surtout aux hommes qui, dans des conditions difficiles, assument des missions au service de la paix jusqu'à parfois y laisser la vie.

Mais la France a une dette d'honneur que nous devons être attentifs à réparer. Alors que le Gouvernement a pris les mesures nécessaires pour lever la cristallisation des pensions, j'attire votre attention sur le fait que le Président de la République du Sénégal, Me Abdoulaye Wade, a inauguré, le 23 août dernier, avec de nombreux chefs d'État africains, la journée du tirailleur sénégalais.

La France doit répondre à un souhait exprimé par ceux qui ont servi les armes de la France et ont participé à sa libération. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Charles Cova. Le budget des anciens combattants, c'est jeudi !

M. Jean-Louis Dumont. Le Président de la République s'est exprimé sur ce point lors des fêtes du soixantième anniversaire de la libération de Toulon.

M. François-Michel Gonnot. Quel rapport avec la loi de finances ?

M. Jean-Louis Dumont. Le ministère de la défense a généralement la tutelle du ministre délégué aux anciens combattants, sur le budget duquel je reviendrai. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier. Cela n'a rien à voir avec le budget !

M. le président. Monsieur Dumont, il faut conclure.

M. Jean-Louis Dumont. Je conclus en une minute, monsieur le président.

M. le président. C'est encore trop.

M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le président, le sujet est assez grave pour que je puisse y consacrer au moins trente secondes.

M. le président. Vous aurez d'autres occasions d'intervenir. Veuillez conclure.

M. Jean-Louis Dumont. Une mesure fait l'unanimité dans le monde combattant, de la Fédération Maginot à l'UFAC en passant par l'UNC : l'attribution de la rente viagère du combattant à toutes les personnes qui ont combattu dans l'armée française. Et je regrette...

M. le président. Vous n'avez plus la parole.

Je mets aux voix les crédits inscrits au titre V.

(Les crédits inscrits au titre V sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits inscrits au titre VI.

(Les crédits inscrits au titre VI sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 49.

(L'article 49 est adopté.)

M. le président. Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la défense.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Mercredi 17 novembre 2004, à quinze heures, première séance publique :

Questions au Gouvernement.

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Rapport, n° 1863, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Emploi, travail, cohésion sociale et égalité professionnelle ; articles 74 et 76 :

Action sociale, lutte contre l'exclusion et ville :

Avis, n° 1864 tome II, de M. Jean-Marie Rolland, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Solidarité :

Rapport spécial, n° 1863 annexe IV, de Mme Marie-Hélène des Esgaulx, au nom de la commission des finances, de l'économie et du Plan.

Travail :

Rapport spécial, n° 1863 annexe VII, de M. Alain Joyandet, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Avis, n° 1864 tome IV, de M. Maurice Giro, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot