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Deuxième séance du vendredi 19 novembre 2004 65e séance de la session ordinaire 2004-2005 PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT, vice-président M. le président. La séance est ouverte. (La séance est ouverte à quinze heures.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, pour un rappel au règlement. M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, mon rappel au règlement concerne l'organisation de nos travaux. Nous étions convenus, unanimement, je crois, que le débat budgétaire pourrait se prolonger jusqu'au vendredi, mais, cet après-midi, c'est un autre texte que nous avons à discuter. Il a été examiné mercredi après-midi, à seize heures trente, par la commission spéciale, et le rapport n'a été mis en distribution qu'il y a une demi-heure, à quatorze heures trente. Ce sont des conditions de travail totalement inacceptables. Aussi, je vous demande de transmettre à la conférence des présidents la protestation véhémente de notre groupe. M. le président. Monsieur Brunhes, je transmettrai votre remarque. M. Jacques Brunhes. Protestataire. M. le président. De protestation.
MODIFICATION DE LA LOI ORGANIQUE Discussion d'un projet de loi organique M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (nos 1833, 1926). La parole est à M. le ministre d État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi organique que nous présentons aujourd'hui avec Dominique Bussereau répond à ce qui est devenu un impératif absolu, gérer sérieusement nos finances publiques, maîtriser le déficit du budget de l'État et l'endettement de la France, et cela sur la durée. Il ne s'agit pas de figer la politique budgétaire des prochaines années, ce serait tout à fait hors de propos, mais, dans un contexte budgétaire qui sera durablement difficile, qui nous oblige à faire des efforts d'économie, à faire des choix, l'apparition de recettes non prévues, même si elles restent toujours une bonne nouvelle, peut devenir un facteur d'instabilité, car des recettes supplémentaires sont par définition temporaires, alors que les dépenses de l'État, lorsqu'elles apparaissent, sont bien souvent permanentes. Il s'agit donc de fixer une obligation d'anticipation par rapport au phénomène, et une obligation de transparence, ce qui est tout de même bien naturel dans une démocratie parlementaire. Ce projet de loi organique a pour objet d'obliger dorénavant le Gouvernement à annoncer à l'avance devant le Parlement ce qu'il fera d'éventuelles plus-values fiscales, si celles-ci apparaissent en cours d'année. Pourquoi une telle obligation ? L'apparition de plus-values de recettes n'est pas en soi un événement exceptionnel. Quand l'activité repart, les recettes de TVA se redressent en même temps, et les recettes d'impôt sur les sociétés et d'impôt sur le revenu apparaissent l'année suivante. Parfois, les recettes d'impôt sur les sociétés, un an après la croissance, accusent de très fortes fluctuations. Il est évident que la prévision des recettes ne peut pas être scientifique au point d'intégrer à l'avance tous ces mouvements avec une totale précision. Tant qu'il y aura des phases de reprise, il y aura des périodes de plus-values fiscales, et c'est plus facile alors de gouverner, mais les plus-values de recettes, lorsqu'elles apparaissent, ne sont pas simplement une heureuse nouvelle, elles obligent le Gouvernement à faire un choix. Trois solutions sont possibles : réduire le déficit, alléger les impôts ou engager de nouvelles dépenses. Quelque chose a changé ces dernières années, un phénomène dont nous devons tenir compte : la situation de nos finances publiques, et nos engagements européens. Je commence par nos engagements européens, particulièrement ceux que nous avons pris en décembre 2003, car ils ont le mérite de la simplicité. Après le déclenchement de la procédure de déficit excessif, heureusement suspendue à l'automne 2003, nous nous sommes engagés à ramener notre déficit public à moins de 3 % du PIB en 2005, alors qu'en 2004, nous partons d'un taux de 3,6 %. Cela veut dire, en une année, plus de 10 milliards d'euros de déficit en moins. C'est considérable. Au-delà de ces engagements, qui doivent être tenus, il y a le bon sens qui doit nous faire regarder la situation de nos finances publiques telle qu'elle est, et non telle que nous souhaiterions qu'elle soit. La France a un endettement public de 1 000 milliards d'euros. C'est énorme, en valeur absolue, mais aussi en valeur relative. Notre dette représente 64 % du PIB. En 1980, ce taux était de 20,7 %. M. Louis Giscard d'Estaing. Absolument ! M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette situation doit être regardée telle qu'elle est et aucune majorité ne peut se défausser de sa responsabilité. En maîtrisant la dépense de l'État à 0 % de croissance en volume, nous ne parvenons qu'en 2006 à ramener la croissance de la dette à un rythme inférieur à celui du PIB, et la dette continuera à croître. Cette décélération est indispensable. Les intérêts de la dette, ce sont 40 milliards d'euros par an, 40 milliards d'euros qui ne vont pas à des dépenses productives dont nous aurions pourtant besoin. C'est dans ce contexte que doivent désormais être gérées les plus-values de recettes budgétaires. Cette année, nous avons eu 5 milliards d'euros de plus-values fiscales. J'ai considéré avec Dominique Bussereau que, face à 40 milliards d'intérêts par an et à 1000 milliards d'euros de stock de dette, ces 5 milliards devaient être affectés à la réduction du déficit. Quand on est à ce point endetté, on n'a pas d'autre choix que de profiter des bonnes nouvelles pour alléger le poids de la dette. Et le déficit atteindra tout de même 49 milliards d'euros en 2004. Il faut poursuivre cet effort dans la durée si l'on veut obtenir un résultat. Dans le cas contraire, si l'on se remettait à céder aux charmes des cadeaux fiscaux ou des dépenses surprise, toujours agréables à annoncer en cours d'année, on augmenterait d'autant notre déficit et notre dette, on sacrifierait l'avenir. Bien sûr, cela ne se voit pas tout de suite, mais accroître la charge de la dette, c'est faire payer notre inconséquence à nos enfants. L'histoire budgétaire récente nous en offre malheureusement des exemples. Je ne peux pas ne pas citer l'épisode de la cagnotte, que chacun connaît. Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Bien sûr ! M. Didier Migaud. Il n'y avait pas de cagnotte ! M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Sur 7,1 milliards d'euros de plus-values apparues en cours de gestion 1999, plus de la moitié a servi à financer des dépenses nouvelles. Le Gouvernement gère ces plus-values conjoncturelles de manière totalement différente puisque nous nous inscrivons dans une démarche de transparence et de prudence. Nous serons d'ailleurs très ouverts aux amendements de l'opposition tendant à renforcer ses droits au sein de la commission des finances. Les 5 milliards de plus-values que nous attendons ont été annoncés en temps réel, vous en avez eu connaissance en même temps que le Gouvernement. C'est cela, les droits du Parlement. Il n'y a d'ailleurs pas eu l'ombre d'une polémique. Et, monsieur Migaud, ces plus-values ont été affectées en intégralité à la réduction du déficit. Voilà une gestion raisonnable qui ne sacrifie pas l'avenir ! Avec la cagnotte, les fruits de la croissance de 1999 ont été dilapidés. M. Didier Migaud. Il n'y avait pas de cagnotte ! M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Sur les 70 milliards de plus-values de recettes dont elle a bénéficié entre 1998 et 2001, la gauche en a consacré 54 % à des augmentations de dépenses pérennes, les 35 heures notamment, 32 % à des baisses d'impôts non financés, et seulement 14 % à la réduction du déficit. Voilà ce que vous avez fait des fruits de la croissance et voilà pourquoi la France a 1 000 milliards d'euros de dette et paie chaque année 40 milliards d'intérêts. M. Jean-Paul Garraud. C'était irresponsable ! M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Avec un tel bilan, vous devriez, je pense, voter des deux mains le texte que le Gouvernement vous propose, qui vous empêcherait de refaire dans les années qui viennent la même erreur que celle, consternante, qui a été faite dans les années passées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Quand les autres remboursaient leurs dettes, vous augmentiez les dépenses de la nation, et, quand la croissance s'en est allée, on n'avait plus de recettes pour les financer. Voilà le problème et l'équation budgétaire de notre pays. Ces chiffres sont à la disposition de la représentation nationale. Naturellement, si vous aviez besoin de précisions, Dominique Bussereau et moi-même vous les apporterions volontiers. M. Jean-Louis Idiart. C'est donc grâce à nous qu'il y a ce texte ! M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'équation du projet de loi de finances pour 2005 est tout autre : 10 milliards de recettes supplémentaires sur 17 sont affectés à la réduction du déficit, les dépenses ne progressent pas et les impôts sont réduits de 2 milliards. J'assume ce choix politique d'avoir demandé qu'en 2005, on ne baisse pas l'impôt sur le revenu. Le devoir d'un responsable politique, c'est justement d'être responsable, et baisser l'impôt alors que nous avions tant de dettes n'eût pas été un choix compris par les Français. J'ajoute qu'il me paraît compliqué de dire qu'on est pour l'Europe et de considérer que les engagements qu'on prend en Europe n'ont aucune valeur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) On a pris des engagements, il faut les tenir. Je crois que les Français peuvent le comprendre, parce qu'ils souhaitent avoir des responsables politiques qui pensent ce qu'ils disent et qui font ce qu'ils disent. Quant au déficit de l'État, il est passé de 2,6 % du PIB en 1999 à près de 4 % en 2002. Voilà comment la croissance forte de la fin des années 90 n'a pas permis de redresser nos comptes, et voilà pourquoi, depuis 2002, avec une croissance très ralentie à partir de l'hiver 2001, c'est à nous qu'il revient de le faire. La politique, c'est faire des choix. On ne peut pas jouer avec le budget de l'État, qui, naturellement, ne nous appartient pas. C'est le produit du travail des Français, et nous en sommes les gardiens. Le projet de loi que nous présentons préserve nos finances publiques et garantit le fruit du travail de nos compatriotes ; il pourrait bien recueillir l'unanimité. Ce projet de loi est très simple, il tient en un article, qui, naturellement, ne fige pas la gestion budgétaire. Gouvernement et Parlement ne peuvent pas être liés à l'avance dans leur discussion. En revanche, il a pour objectif d'obliger le Gouvernement à la transparence. On ne pourra plus, en cours d'année, prendre des décisions qui contrediraient les options de départ annoncées au Parlement, ou bien alors il faudrait venir s'en expliquer. Pour que cette règle soit pérenne, il faut qu'elle s'impose aux règles de discussion de la loi de finances. C'est donc un projet de loi organique qui est présenté. Cet article unique prévoit que, chaque année, la loi de finances définira une règle de comportement budgétaire relative à l'utilisation des éventuels surplus de recettes fiscales apparaissant en cours de gestion. À travers cette obligation, le projet de loi pose donc une double exigence d'information du Parlement : préalable, lors de la présentation du projet de loi de finances, et a posteriori, puisque le Gouvernement devra naturellement rendre compte de la gestion des plus-values de recettes, au titre de l'exécution de la loi de finances. Comment peut-on imaginer les règles de gestion que le Gouvernement aura à présenter ? Si je prends l'exemple de 2004, c'est très simple : s'agissant des 5 milliards d'euros de plus-values apparus en cours d'année, j'ai évidemment considéré qu'ils devaient être intégralement affectés à la réduction du déficit, puisque celui-ci restera supérieur cette année à 3 % du PIB. Pour 2005, la même règle me semble devoir s'appliquer puisque l'objectif que nous visons est d'avoir des déficits publics inférieurs à 3 %, mais que nous ne serons sans doute pas sensiblement en dessous. Pour les années suivantes, dès lors que le déficit sera ramené en dessous de 3 %, la question se posera. Ma réponse est qu'une part prépondérante des recettes supplémentaires devrait être affectée à la réduction du déficit budgétaire - par exemple, monsieur Mariton, les deux tiers. M. Hervé Mariton. Très bien ! M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le reste pouvant financer des allégements fiscaux, ou des dépenses nouvelles, mais alors ultra-prioritaires, telles que la recherche ou l'investissement. Il n'est pas question de recycler des recettes supplémentaires dans des dépenses courantes, alors que nous devons faire un effort d'économies structurelles dans le budget. M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Tout à fait. M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette année, nous supprimons, en net, 7 200 emplois, dans le souci d'entamer un allègement des frais de structure du budget de l'État, dont plus de 50 % sont consacrés à des dépenses de fonction publique. Cela mérite tout un travail d'explication et d'accompagnement, dans le but de pouvoir recréer des marges de manœuvre au sein du budget de l'État. Cette règle devrait s'appliquer, me semble-t-il, à chaque fois que 1e déficit public peut être contenu en deçà de 3 %. Elle pourrait évidemment être plus souple si le déficit se rapproche de 2 %. Si le déficit est supérieur à 3 %, je propose de consacrer toutes les recettes de la croissance à la réduction du déficit. Si le déficit est contenu entre 2 % et 3 %, on dispose d'une marge de manœuvre : on peut consacrer les deux tiers à la réduction du déficit et un tiers à des dépenses d'investissement, la recherche en étant une. S'il descend en dessous des 2 %, au fur et à mesure que se réduit le déficit, il est normal de se donner une marge supplémentaire. Cette position est cohérente avec la position qui était celle de la France s'agissant de la réforme du pacte de stabilité. Mesdames, messieurs les députés, il s'agit donc d'éviter les effets d'accordéon. Si l'on veut rembourser la dette de la France, il faut une action sur le long terme. Quel que soit le Gouvernement, qu'il soit de droite, qu'il soit de gauche, il sera confronté à la même équation : trop de dépenses publiques, pas assez de recettes, trop de déficit, trop d'endettement, pas assez de marge de manœuvre. Ce n'est pas une question partisane, mais une question de responsabilité vis-à-vis de la France et vis-à-vis de nos enfants. Voilà pourquoi le Gouvernement est heureux de vous présenter ce projet de loi organique, en espérant que toutes les sensibilités de l'Assemblée nationale voudront bien considérer qu'au-delà des intérêts partisans, il y a un intérêt supérieur : celui de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi organique modifiant la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi organique modifiant la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire, mes chers collègues, l'endettement étouffe peu à peu toutes nos marges en matière budgétaire. Comme vient de le rappeler M. le ministre d'État, en 1980, il représentait 20 % du PIB ; en 2005, nous en serons à 65 %. Cela donne 40 milliards d'euros d'intérêt de la dette dans le budget, soit autant que le total des budgets de la santé et de la cohésion sociale, de l'enseignement supérieur, de la recherche, du logement, de la justice et de la ville. Encore avons-nous beaucoup de chance. C'est même miraculeux. Si, aujourd'hui, les taux d'intérêt étaient au même niveau qu'en 1990, ce ne seraient pas 40 milliards qu'il faudrait inscrire, mais le double ! M. Jean-Louis Idiart. C'est extraordinaire ! Quelle chance ! M. Gilles Carrez, rapporteur. Il faut savoir qu'une hausse d'un point d'intérêt représenterait, dans six ou sept ans, 10 milliards d'euros supplémentaires. Nous n'avons pas le choix : pour maîtriser l'endettement, il faut réduire les déficits. Mais de quel déficit s'agit-il ? Des déficits constatés par rapport aux prévisions ou bien des déficits structurels ? La notion de déficit structurel est utilisée par Bruxelles, par l'OCDE et par certain nombre de pays, mais je pense, monsieur le ministre d'État, que vous avez eu raison de ne pas retenir cette notion, car, lorsque le déficit réel s'accroît, la majorité soutient en général que le déficit structurel est, lui, en train de diminuer, et, inversement, lorsque le déficit réel se réduit, l'opposition explique que le déficit structurel s'accroît. Faute d'être capable, dans le débat politique, de définir convenablement le déficit structurel, il vaut mieux prendre une méthode plus directe et plus compréhensible, celle des surplus constatés, que vous avez choisie. Quelle règle se fixer ? En tendance, si l'économie progresse en moyenne de 2,5 %, les recettes fiscales s'accroissent mécaniquement de 10 milliards d'euros par an. Le problème est qu'en réalité la croissance fluctue, comme on l'a vu ces dernières années, entre 0 et 4 %. Mais la principale difficulté à laquelle nous sommes confrontés, dans les années de forte ou de très faible croissance, c'est le phénomène d'élasticité des recettes. Quand, par exemple, en 1999-2000, la croissance a été de 3 %, les recettes fiscales ont augmenté deux fois plus vite, de 6 %. Quand, au contraire, la croissance faiblit, comme on l'a malheureusement constaté, pour se situer autour de 0,5 % ou 1 %, on peut avoir une diminution des recettes, c'est-à-dire à une élasticité négative. La conclusion est claire : les recettes supplémentaires liées à des années exceptionnelles de croissance sont des recettes éphémères. Je ne veux pas remuer le couteau dans la plaie, mais, comme vient de le rappeler le ministre d'État, l'erreur majeure de la précédente majorité a été de considérer - peut-être de bonne foi - les surplus de la croissance 1999-2000 comme définitivement acquis et pouvant donc, sans problème, être transformés soit en dépenses pérennes, soit en baisses d'impôts. Sur les quinze dernières années, nous n'en avons eu que quatre où les recettes réellement encaissées ont été supérieures aux prévisions. Plus encore, 60 % de ces surplus constatés sont concentrés sur la seule année 2000. C'était donc une erreur absolue que de gager sur ces seuls surplus de 2000 autant de dépenses supplémentaires - telles que les 35 heures - ou de baisses d'impôts non financées. Mes chers collègues, contenu de l'évolution préoccupante que nous connaissons depuis vingt-cinq ans, nous devons absolument nous doter de règles de pilotage de nos finances publiques. Une première règle, adoptée depuis maintenant deux ans, consiste à fixer la norme de progression des dépenses, dite de « zéro volume ». Cette règle, en vertu de laquelle la dépense n'évolue qu'à hauteur de l'inflation, nous devons nous y tenir de façon absolue, car elle nous permet, dès lors qu'il y a un peu de croissance, de retrouver une marge de manœuvre. À ce propos, je regrette qu'elle ait subi un petit coup de canif à l'occasion du collectif... Si on énonce la règle du « zéro volume », il ne faut pas, immédiatement après, dire que tout est prioritaire : la défense, la justice, la police, la cohésion sociale ! Que la culture est sanctuarisée et qu'il ne faut pas toucher aux affaires étrangères ! Nous aurons l'occasion d'y revenir à l'occasion du collectif, mais je tenais à souligner à quel point le respect de cette règle est indispensable. Vous nous proposez aujourd'hui, monsieur le ministre d'État, de compléter cette règle par une autre relative aux recettes constatées et aux éventuelles plus-values. Il y avait plusieurs possibilités s'agissant de la définition de la règle et de la valeur juridique à lui donner. La première aurait pu être d'inscrire, dans la loi organique du 1er août 2001, la règle de comportement, non seulement en prévoyant l'obligation d'indiquer chaque année à l'avance en loi de finances les modalités d'utilisation des surplus, mais aussi en précisant dans la loi organique à quoi devaient, de façon dominante, être affectés les surplus. C'était votre première option puisque le texte initial évoquait une affectation prépondérante du surplus au désendettement, règle qui aurait été fixée dans la loi organique. Mais il semble que la possibilité de prendre ce dispositif en loi organique se soit heurtée à des objections juridiques. J'observe, cependant, mes chers collègues, que la loi organique sur l'autonomie financière des collectivités locales dispose que si le taux d'autonomie, pour une catégorie de collectivités, venait à diminuer par rapport à celui constaté en 2003, une loi de finances devrait le corriger dans un délai de deux ans. Il s'agit bien là d'une règle de comportement impérative fixée dans la loi organique. Il semble que le Conseil d'État n'ait pas jugé possible l'inscription d'une notion prépondérante dans une loi organique,... M. Jacques Brunhes. Vous contestez le Conseil d'État ! Fort bien ! M. Gilles Carrez, rapporteur. ...mais je pense que le débat doit rester ouvert. Une autre solution pourrait être trouvée dans une loi de programmation de nos finances publiques. Plusieurs de nos collègues ont déposé des amendements en ce sens qui ont été examinés ce matin en commission des finances. Pourquoi ne pas imaginer, de même qu'il existe des lois de programmation du côté des dépenses, qu'on ait une loi de programmation générale sur nos finances publiques ? Certes, ce n'est pas à mi-législature que l'on peut s'engager dans un tel processus. Mais cette idée mérite néanmoins d'être étudiée. L'option très réaliste que vous avez retenue consiste à renvoyer l'utilisation du surplus à chaque loi de finances. Concrètement, un article de la loi de finances pour 2005 - nous découvrirons tout à l'heure ce dispositif - indiquera donc quelle sera l'utilisation d'un éventuel surplus. Compte tenu de l'état de nos finances, la sagesse voudrait - et je sais, monsieur le ministre d'État, que cette position est aussi la vôtre - que la totalité de ce surplus soit affectée à la réduction de l'endettement et du déficit ; tel est en tout cas le sens de l'amendement que je défendrai tout à l'heure. La règle de comportement que vous proposez de fixer me semble marquer une étape essentielle dans notre recherche d'un meilleur pilotage de nos finances. Vous l'avez dit hier devant l'Association des maires de France, qui ont été très réceptifs à ce discours. En effet, alors que nous sommes tenus, en tant que maires, d'équilibrer nos budgets, vous avez rappelé qu'un acteur peut s'exonérer de cette obligation et se permettre de financer par emprunt des dépenses de personnel ou des frais financiers : l'État ! M. Jean-Louis Idiart. Bien sûr ! M. Gilles Carrez, rapporteur. J'ai bien senti que la salle, en entendant ces propos courageux, a parfaitement compris le problème. M. Didier Migaud. Nous les avions sensibilisés avant ! M. Gilles Carrez, rapporteur. Alors que la question du montant des dotations rend difficiles les relations entre les collectivités locales et l'État, chaque Français - qu'il ait des responsabilités de maire ou qu'il soit un simple citoyen - doit tenir compte du fait que nous ne pouvons plus continuer à avancer dans la voie de l'endettement, et qu'il faut absolument corriger cette situation. Je vous suis donc très reconnaissant, monsieur le ministre d'État, de nous proposer cet après-midi une règle de comportement qui, je n'en doute pas, fera date dans l'histoire de nos finances publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi organique modifiant la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Je précise que M. Bouvard dispose d'un temps de parole de quinze minutes, et non de cinq minutes comme l'indiquait la feuille jaune de séance. M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi organique modifiant la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis pour discuter d'une modification de la loi organique relative aux lois de finances dont l'objet est de placer la réduction des déficits et, partant, de la dette publique pesant sur les générations futures au cœur de notre stratégie de finances publiques. Je ne reviendrai pas sur les modalités pratiques de ce dispositif, car cette tâche revient en priorité au rapporteur général, et je partage l'excellente analyse que vient d'en faire M. Gilles Carrez. Je souhaite en revanche, à bientôt un mois de l'entrée en vigueur pleine et entière de la LOLF, faire le point sur la mise en œuvre de celle-ci et sur les défis qui attendent le Gouvernement et le Parlement au cours de l'année 2006, qui s'annonce cruciale pour l'organisation de nos finances. J'évoquerai d'abord la maquette. Conformément à l'article 66-1 de la LOLF, le projet de loi de finances pour 2005 a été accompagné d'un document le présentant sous le format missions/programmes/actions, conformément à la maquette présentée par le Gouvernement en juin dernier. Il s'agit d'un document particulièrement utile, d'une part, parce qu'il présente pour la première fois par mission les grandes masses budgétaires de l'État et, d'autre part, parce qu'il permettra des comparaisons à périmètre constant lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2006. La maquette proposée par le Gouvernement répond, pour l'essentiel à l'attente du Parlement. Bien qu'elle ait repris un grand nombre des propositions formulées par la mission d'information de la commission des finances consacrée à la LOLF, certains points de désaccord, que vous connaissez, persistent toutefois : la mission « remboursements et dégrèvements » - qui, avec 68,3 milliards d'euros, est la première mission du budget général -, le découpage en programmes de la mission « défense » et la mission mono-programme « Conseil économique et social », ainsi que l'absence d'une mission interministérielle « écologie et prévention des risques ». Par ailleurs, la réforme - nécessaire - de la redevance de l'audiovisuel que nous avons adoptée a pour conséquence inattendue de transformer la mission « médias » en mission monoprogramme. Une solution doit être trouvée sans qu'elle entraîne la disparition de cette mission et le rattachement artificiel du programme « presse » à la mission du Premier ministre. Pour ce qui est de la maquette et du nouveau principe de spécialité budgétaire qui la sous-tend, des travaux d'ordre réglementaire sont en cours : la mise en place des budgets opérationnels de programme - les BOP -, la réforme du contrôle financier et la gestion des fonds de concours. Dans tous ces dossiers, il conviendra de veiller à trouver un équilibre entre la nouvelle liberté de gestion des responsables de programme et la nécessaire maîtrise des finances publiques. Enfin, cette nouvelle maquette obligera le Parlement à repenser son mode de contrôle, et en particulier à harmoniser le plus possible les portefeuilles des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis avec la division du budget en missions et programmes. L'Assemblée nationale, et particulièrement sa commission des finances, devra être exemplaire sur ce point. Outre la présentation de la maquette dans son format quasi-définitif, le projet de loi de finances pour 2005 a permis au Parlement de découvrir les avant-projets annuels de performance, permettant une première approche des documents budgétaires dont nous disposerons l'an prochain pour remplacer les actuels bleus. Il s'agit, bien sûr, d'une version a minima des futurs PAP, puisque n'y figurent ni la justification au premier euro, ni les dépenses fiscales afférentes. On y trouve, en revanche, la première version des objectifs et des indicateurs rattachés à chacun des programmes. Il s'agit là d'un point essentiel de l'équilibre général de la réforme : le Parlement n'a accepté de réduire la portée du principe de spécialité budgétaire qu'en échange d'une réorientation de la gestion publique vers la performance, dont les objectifs et les indicateurs sont la manifestation concrète. Chaque avant-PAP dont nous disposons comprend donc une batterie d'objectifs et d'indicateurs dont la pertinence a fait l'objet d'une première analyse dans le cadre des rapports spéciaux. L'appréciation portée est très variable et il faut convenir que l'exercice est difficile, car l'action publique n'est pas toujours quantifiable. Ce travail doit maintenant être poursuivi - vous l'avez d'ailleurs souhaité, monsieur le ministre d'État, et je tiens à vous en remercier - et la mission d'information de la commission des finances effectuera, avec l'aide des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis des autres commissions qui le souhaiteraient, un travail d'analyse sur le dispositif de performance proposé. Il nous sera néanmoins impossible de procéder à une analyse détaillée de chacun des objectifs et indicateurs et nous devrons nous contenter d'exemples représentatifs en essayant de dégager une doctrine. Ma conviction est que l'élaboration d'objectifs et d'indicateurs pertinents sera un travail de longue haleine dans lequel les parlementaires devront jouer un rôle d'aiguillon permanent auprès des administrations. M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Tout à fait ! M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale. Un autre chantier qui nous attend en 2006 est la modernisation de l'informatique comptable et financière de l'État grâce au projet Accord 2. Il a été indiqué que l'essentiel de la réforme budgétaire serait assuré grâce au projet « Palier 2006 ». Pouvez-vous, messieurs les ministres, nous donner des précisions sur ce chantier essentiel, en particulier sur la durée de la solution transitoire retenue ? Enfin, se pose le problème du périmètre des plafonds d'autorisation d'emplois. Ceux-ci représentent une avancée réelle pour l'autorisation parlementaire, qui portera non plus sur un flux de création d'emplois, mais sur un stock d'emplois autorisés chaque année. Pour autant, cette avancée est limitée par le fait que seuls les emplois rémunérés directement par l'État figureront dans ce plafond, contrairement à la volonté du législateur organique. En effet, cette perspective risque, pour certains ministères, de priver les PAE de toute portée : pourquoi, par exemple, autoriser un plafond d'emplois pour la politique culturelle s'il n'inclut pas les personnels des établissements chargés de mettre en œuvre cette politique ? Comme je l'ai déjà indiqué à cette tribune, la Cour des comptes, dans son rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 2003, a décrit cette mécanique avec précision. De même, quel sens y aurait-il à ouvrir un plafond pour la politique de la recherche si ce plafond ne comprend pas les chercheurs ? En outre, en limitant ainsi le PAE, on crée une sorte de prime à la débudgétisation qui pourrait, à la longue, se révéler dangereuse. Nous vous proposerons donc un amendement visant à corriger, de façon progressive et raisonnable, cette limitation à l'autorisation parlementaire. Au-delà de la mise en œuvre de la LOLF et des progrès qu'il nous faudra accomplir ensemble pour que celle-ci soit à la fois un outil de transparence de la gestion publique et de plus grande efficacité de la dépense publique - ce qui suppose aussi la réussite concomitante des stratégies ministérielles de réforme -, j'évoquerai, pour conclure, deux propositions formulées par la commission spéciale. Ma conviction profonde, monsieur le ministre d'État, est qu'avec la mise en œuvre du quinquennat, la ve République a définitivement changé de nature, dans le sens d'une plus grande présidentialisation du régime. Cela est d'autant plus vrai que, depuis 2002, le Président de la République et le Premier ministre appartiennent à la même majorité, et que le second est l'acteur de la politique présidentielle. Or, un vrai régime présidentiel ne peut être viable dans la durée que si les pouvoirs sont équilibrés, ce qui suppose, l'initiative étant concentrée dans les mains du chef de l'exécutif, un renforcement radical du pouvoir de contrôle du Parlement - et singulièrement de l'Assemblée nationale, seule chambre élue au suffrage universel direct. La LOLF est l'un des outils de ce contrôle renforcé, mais le contrôle tel qu'il est mis en œuvre à l'Assemblée nationale est encore limité et n'est pas assez visible dans une société où la médiatisation est aussi l'un des instruments d'un certain équilibre des pouvoirs. Il s'agit donc aujourd'hui de rendre le contrôle de l'Assemblée nationale sur la gestion de l'État plus visible pour nos concitoyens. En ouvrant à la presse les auditions de la mission d'évaluation et de contrôle - la MEC - de la commission des finances, qui a pris le relais de l'office d'évaluation des politiques publiques, une première ouverture a été faite. Nous souhaitons aujourd'hui aller plus loin. C'est pourquoi la commission spéciale, sur ma proposition et sur celle du rapporteur général, Gilles Carrez, et en accord avec Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, a souhaité pouvoir organiser un débat sur le rapport annuel de la Cour des comptes et, le cas échéant, sur les rapports particuliers. Il s'agit certes d'éclairer ainsi la représentation parlementaire sur les observations de notre plus haute juridiction financière, mais aussi de permettre au Parlement d'exercer un véritable droit de suite sur les observations formulées, dont certaines, nous le savons, sont répétées année après année sans qu'on observe aucune évolution, sinon parfois des corrections partielles en matière de pratique et de gestion. À l'occasion de l'échange noué par la commission des finances avec nos homologues de la Chambre des Communes du Royaume-Uni et le NAO, équivalent britannique de la Cour des comptes, son président me faisait observer que plus de 90 % des recommandations et observations du NAO étaient suivies d'effet. M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Oui ! M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale. Sans faire injure à notre juridiction financière - et la situation n'est d'ailleurs pas de son fait -, force est de constater que nous sommes très loin de ce résultat. L'objet de notre amendement est de faire descendre la culture du contrôle dans l'hémicycle, de permettre le débat sur les principales observations de la Cour et la discussion en toute transparence sur la prise en compte des recommandations de celle-ci ; il est aussi de dire les raisons qui ont poussé tel ou tel ministère à agir différemment et - pourquoi pas ? - de permettre au Parlement, dans certains cas, de faire savoir qu'il partage cette analyse, car il ne s'agit assurément pas de substituer l'observation de la juridiction financière à la décision de la représentation nationale. Cet amendement peut changer profondément la nature d'une séance qui se limite à la remise académique, une fois par an, du rapport dont seuls les éléments repris par le rapporteur général ou par tel rapporteur spécial à l'occasion du vote du budget ou de la loi de règlement ouvrent une discussion segmentée et trop timide au sein de notre assemblée. Si le renforcement du contrôle passe par un contrôle plus visible, il suppose aussi, je ne crains pas de le dire, un renforcement des droits de l'opposition. L'exercice est difficile car, lorsque nous sommes dans la majorité, nous sommes rarement enclins à accorder ce que réclame l'opposition - et cela vaut quelle que soit la majorité. Pour autant, de même qu'une avancée a eu lieu avec la mise en place d'une coprésidence associant l'opposition et la majorité lors de la création de la MEC, il est aujourd'hui nécessaire d'ouvrir à l'opposition la possibilité de participer au suivi de l'exécution du budget sur des points pour lesquels subsisteraient des interrogations en dehors du champ couvert par les rapporteurs spéciaux issus de ses rangs. La mise en œuvre de cette disposition se heurte à des difficultés. La première est l'absence, dans notre pays, de statut de l'opposition : cela ne fait pas partie de notre culture. Aucune disposition constitutionnelle n'indique, d'ailleurs, ce qu'est l'opposition, et ce n'est pas une loi organique qui peut y pourvoir. La seconde est la nécessité, afin d'assurer le bon fonctionnement de nos assemblées, de ne pas affaiblir le rôle des rapporteurs généraux en ouvrant la voie à la création d'une sorte de « contre-rapporteur général ». Plusieurs rédactions de cet amendement ont été envisagées pour trouver une solution à ces difficultés. Celle que nous proposerons tout à l'heure me semble répondre, en tout état de cause, à notre désir d'une plus grande transparence là aussi et d'une reconnaissance de la place de l'opposition et du rôle qu'elle peut jouer dans la mise en œuvre du contrôle. Au-delà des dispositions du texte relatives à l'affectation d'un éventuel excédent de recettes, qui relèvent de la même logique de transparence et du même principe de bonne gestion, cette loi organique peut être l'occasion de parfaire une réforme portée consensuellement sous la précédente législature. Je souhaite que le Gouvernement, conscient de la nécessité d'un rôle accru du Parlement et d'un contrôle plus fort, souscrive à ces demandes à l'heure où nos concitoyens s'interrogent de plus en plus sur l'efficacité de la dépense publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Louis Giscard d'Estaing. M. Louis Giscard d'Estaing. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi de souligner à mon tour combien ce débat est utile, parce qu'il nous renvoie à des constats de fond sur la gestion de la dépense publique, notamment depuis 1981,... M. Jean-Louis Idiart. Oh ! là ! là ! Avec l'inflation que vous nous aviez laissée, vous pouvez parler ! M. Louis Giscard d'Estaing. ...à la question de l'affectation des éventuelles plus-values fiscales, ainsi qu'à la nature des hypothèses de recettes sur lesquelles sont construits nos budgets. Et c'est en fonction de ces hypothèses et de leurs éventuelles réalisations qu'apparaissent des marges de manœuvre. Commençons par examiner ce dernier point : les hypothèses de croissance retenues dans notre budget. Cette question a connu son paroxysme avec le budget 2002 - n'est-ce pas, monsieur Migaud ? Mais l'observation s'adresserait à M. Fabius aussi, s'il était présent. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. Didier Migaud. C'est petit, tout ça ! M. Louis Giscard d'Estaing. Les prévisions de croissance méritent de retenir toute notre attention. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre d'État, notre pays a connu, sans discontinuer depuis 1981, des budgets présentés en déficit. Or, malgré cette situation - je suis navré de devoir le répéter -, les déficits se sont parfois avérés encore supérieurs à leur niveau initialement prévu. Les hypothèses de croissance ont été, comme l'a rappelé le rapporteur, supérieures aux prévisions seulement quatre fois en quinze ans. Ceci devrait donc nous inciter à adopter une hypothèse de stricte prudence. Nous pourrions ainsi avoir une règle simple dans la fixation du taux de croissance, en ne retenant pas l'hypothèse moyenne, celle dite « du consensus des économistes », mais, par exemple, la moitié de ce taux. En effet, nous avons expérimenté, aux dépens de nos finances publiques, les erreurs de prévision des économistes, quand il ne s'est pas agi, comme pour le budget 2002, d'une hypothèse de croissance purement irréaliste. Mais ceci n'a pas été le cas pour le budget 2004 puisque l'hypothèse de croissance de 1,7 % a été sensiblement dépassée, ce qui nous permet donc d'aborder aujourd'hui la question de l'affectation des recettes fiscales supérieures aux prévisions, lesquelles s'élèvent à 7,6 milliards d'euros pour cette année. Toutefois, comme vous l'avez fort justement rappelé, monsieur le ministre d'État, il ne s'agit pas de dilapider de tels excédents, mais bien d'affecter les surplus de recettes en fonction de la structure du budget de l'État, notamment au regard du poids de la dette et des charges de fonctionnement, qui s'accroissent au détriment de l'investissement. Or, l'endettement public, qui n'était que de 20 % en 1980, est aujourd'hui bien supérieur, puisqu'il atteint plus de 60 %. Ceci nous oblige à réduire, dès que possible, la charge de la dette publique, à la fois pour dégager des marges de manœuvre budgétaires et pour ne pas faire peser sur les générations futures la charge du remboursement d'un tel endettement. C'est bien sûr pourquoi je souscris entièrement au principe qui consisterait à affecter les deux tiers de ces surplus à l'apurement de la dette. Enfin, c'est pour aller dans le sens de la loi organique sur les lois de finances, comme vient de le souligner le président de la commission spéciale, Michel Bouvard, que doit bien entendu avoir lieu ce type de débat dans notre assemblée, afin que soient effectivement débattues et décidées les affectations de ces recettes supplémentaires. C'est pourquoi ce projet de loi organique est utile et qu'il recevra notre entier soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Merci de votre concision, monsieur Giscard d'Estaing. La parole est à M. Didier Migaud. M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Merci également monsieur Giscard d'Estaing ! Quant à M. Migaud, peut-être conviendrait-il que je le remercie avant qu'il ne parle. (Sourires.) M. le président. Monsieur Migaud, vous avez la parole. M. Didier Migaud. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances n'a connu, avant d'être abrogée,... M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Elle n'est d'ailleurs pas encore abrogée ! M. Didier Migaud. ...que deux modifications mineures en quarante-deux ans d'existence, malgré les trente-six propositions de loi déposées pour la modifier ou pour l'abroger et les multiples critiques qu'elle avait suscitées dès son entrée en vigueur. Paradoxalement, la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, malgré son caractère consensuel et l'absence de véritable critique proférée à son encontre depuis son adoption, fait déjà l'objet d'une proposition de modification. II peut paraître curieux que ce texte soit modifié avant même d'être complètement entré en application, même s'il est vrai que les modifications envisagées ne concernent pas le coeur de la loi, à savoir la gestion des finances publiques, mais plutôt les modalités de pilotage des finances publiques. Faut-il s'en attrister ? Faut-il au contraire s'en réjouir ? La réponse à cette question dépend évidemment de la nature des modifications qu'il s'agit d'apporter. Mais on ne peut, par principe, regretter qu'un texte évolue, à partir du moment où l'on est hostile à ce que la réglementation soit gravée dans le marbre une fois pour toutes. Et cette considération vaut d'ailleurs tout autant pour la loi française que pour tout autre texte européen. Je tiens à dire, pour prolonger les propos de Michel Bouvard, que cette loi organique est pour moi un objet de satisfaction, de fierté,... M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ah ! M. Didier Migaud. ...que je suis très heureux d'en partager la paternité avec Laurent Fabius. Et je dis avec courtoisie à notre collègue Louis Giscard d'Estaing que, certes, M. Fabius n'est pas là, mais peu importe qu'il soit absent aujourd'hui dès lors qu'il a su être présent au moment le plus décisif et qu'il a, en grande partie, permis à ce texte d'exister. Je suis heureux également d'en partager la paternité avec Alain Lambert, sans lequel rien - et je l'ai toujours dit - n'aurait été possible. M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale. Très bien ! C'est vrai ! M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Sans oublier M. Migaud ? M. Jean-Louis Idiart. Il ne peut pas partager la paternité avec lui-même, monsieur le ministre d'État ! (Sourires.) M. Didier Migaud. En effet ! Je veux donc rendre hommage au travail réalisé depuis par une autre majorité, par d'autres ministres, tout d'abord par Alain Lambert, puis aujourd'hui par Nicolas Sarkozy et par Dominique Bussereau. Je tiens à saluer, monsieur le ministre d'État, l'énergie que vous dépensez pour que ce texte voie le jour dans l'esprit qui a été le sien dès l'origine. Mais nous devons rester vigilants, attentifs, à ce que ce travail qui nous a rassemblés à l'époque, au-delà des sensibilités politiques qui sont les nôtres, reste tout à fait d'actualité et à ce que son application corresponde à son esprit initial. Ce sera le cas à partir du moment où le pays et les différentes sensibilités politiques resteront rassemblés autour des objectifs de la LOLF : l'évaluation, le contrôle, la transparence, plus d'efficacité dans la gestion publique, plus de souplesse, mais aussi plus de responsabilité au niveau des gestionnaires publics. La LOLF, ne l'oublions pas, est un outil. Nous pouvons avoir des divergences sur les politiques conduites - nous en avons et je vais y venir ! -, mais, sur l'outil, nous devons nous accorder. Je dirai quelques mots sur ce que nous pensons de ce projet de loi organique, puis j'évoquerai les opportunités de modifier d'autres points de la LOLF que nous offre ce texte. Le Gouvernement souhaite afficher une orthodoxie budgétaire qui est, en fait, très fortement démentie par les faits. M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Oh ! M. Didier Migaud. Les finances publiques ont explosé depuis juin 2002. Le directeur du budget l'avait d'ailleurs lui-même reconnu dans une interview : « Les finances publiques françaises se trouvent dans une situation dégradée. » Il ajoutait : « La France se trouve depuis 2002 en situation de déficit excessif. » L'année 2003, dernière année dont les chiffres sont connus, a notamment été une année noire pour nos finances publiques : le déficit public, avec un record historique en valeur, est de 4,1 % du PIB ; la dette publique atteint un record, lui aussi historique, de 63,7 % du PIB. La France a dépassé, pour la première fois, le plafond de 60 % prévu par le pacte de stabilité et de croissance, avec lequel elle est donc désormais doublement en infraction : selon le critère du déficit et selon celui de la dette. Monsieur le ministre d'État, je vous ai écouté avec attention nous dire que vous teniez des chiffres à notre disposition. Il se trouve que, moi aussi, je les ai examinés ; je n'en ai pas la même lecture. Nos comptes publics ont dépassé les bornes en 2002. Avant, nous avions réussi à faire baisser les ratios de la dette publique. Je vous renvoie moi aussi aux chiffres. J'ai le tableau de l'évolution, depuis 1989, de la dette publique en points de PIB, et on peut constater qu'elle augmente jusqu'en 1997 et encore en 1998. Mais, à partir de 1998, la baisse est enclenchée et se poursuit en 1999, en 2000, en 2001. La dette remonte en 2002, après un collectif budgétaire où vous avez singulièrement aggravé la situation de nos comptes publics. Je vous renvoie à l'audit que vous aviez vous-même commandé, qui faisait état, dans les hypothèses les plus pessimistes, de 2,6 % de déficit public, alors que vous l'avez fait exploser depuis. Nous partageons sûrement, monsieur le ministre d'État, une certaine responsabilité dans l'augmentation de l'endettement. M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Voilà qui est mieux ! M. Didier Migaud. Cela dit, l'objectivité devrait vous conduire à reconnaître que le comportement de l'actuelle majorité n'a pas été aussi vertueux que vous le dites. D'autant que, non seulement vous avez aggravé la situation de nos comptes publics, mais, en plus, vous avez aggravé très fortement les inégalités dans notre pays, à travers vos politiques économique, budgétaire, fiscal, profondément injustes. C'est d'ailleurs le principal reproche que nous vous faisons. Et c'est encore le cas dans le projet de loi de finances pour 2005. J'ai déjà eu l'occasion de l'écrire dans mon rapport d'information sur la dégradation des comptes publics depuis juin 2002 : je suis convaincu de l'intérêt d'une nouvelle amélioration des règles institutionnelles de pilotage et de contrôle de la politique économique et budgétaire. Lors de son audition par la commission des finances de notre assemblée, à l'occasion du débat d'orientation budgétaire, vous aviez indiqué votre volonté de « doter notre pays de règles de comportement budgétaire pluriannuelles », dont celle-ci, que vous présentiez à l'époque à grand renfort de communication : l'affectation automatique de la moitié au moins de tout surplus éventuel de recettes par rapport aux prévisions, à la réduction de la dette publique. Or, depuis, la montagne, à l'époque médiatique, a accouché d'une souris organique, puisqu'il n'est plus question que d'un simple article arrêtant les modalités selon lesquelles pourraient être utilisés les éventuels surplus par rapport aux prévisions. Il n'est pas besoin d'insister sur les erreurs en matière de prévisions de croissance et de recettes fiscales pour 2003 pour comprendre que la portée pratique de la loi organique que vous proposez peut être réduite à néant par des prévisions ou par des évaluations insincères ou peu sincères. Une autre faiblesse de ce texte est perceptible dans votre proposition de commission chargée d'évaluer les surplus éventuels de TVA liés à la consommation d'essence et de fioul domestique. M. Hervé Mariton. Il faut apprendre à faire des additions et des soustractions, monsieur Migaud ! M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il est surtout à l'aise dans les soustractions ! (Sourires.) M. Didier Migaud. Évitez la polémique, monsieur le ministre d'État. À partir du moment où l'on se trompe, peut-être sincèrement, sur les prévisions de recettes, tout ce que nous faisons là est malheureusement de peu de portée, parce qu'il suffit de sous-estimer les hypothèses de recettes pour ne jamais se trouver dans la situation dans laquelle s'appliquerait votre projet de loi organique. La seconde faiblesse majeure de votre proposition initiale est d'être, paradoxalement, peu volontariste. En effet, en l'absence de toute disposition dans la loi de finances initiale - et vous le démontrez, d'ailleurs, dans le cadre de votre collectif -, c'est l'intégralité des recettes supplémentaires qui viennent en diminution du déficit public, lorsqu'elles sont constatées en loi de règlement. Si cette loi organique avait existé en 1999, nous n'aurions probablement pas pu affecter 82 % des surplus de recettes constatés au désendettement. Vous avez parlé de la « cagnotte », terme qui n'a pas été inventé par nous, mais par l'actuel Président de la République. Je comprends donc, d'une certaine façon, que vous puissiez lui reprocher un comportement qui était en fait peu responsable à l'époque, j'en conviens. Comment parler de « cagnotte » quand on est un responsable politique, alors même que le déficit du budget de l'État reste important ? M. Philippe Auberger. Vous auriez dû plutôt parler de la cassette d'Harpagon. (Sourires.) M. Didier Migaud. En usant de ce terme, le chef de l'État a volontairement entretenu une confusion. Heureusement que nous ne l'avons pas suivi ! Heureusement que nous avons eu un comportement plus responsable que l'opposition de l'époque, puisque nous avons affecté, je le répète, plus de 80 % des surplus de recettes au désendettement. Pourquoi avons-nous, à l'époque, affecté la quasi-totalité de ces surplus au désendettement, malgré la pression du Président de la République et de l'opposition de l'époque ? Précisément en vertu de l'attention que nous portions et que nous continuons de porter à la dynamique de l'endettement public à travers la notion de solde primaire, celui-ci étant alors encore déficitaire en 1998. Cette référence nous paraît en effet plus pertinente que celle que vous proposez. Ce solde se définit comme la différence entre les recettes et les dépenses, minorées de la charge de la dette. L'équilibre constaté permet ainsi d'apprécier le niveau objectif de déficit public qui permet de stabiliser le poids de la dette publique, lequel a tendance à augmenter spontanément en raison d'un processus auto-entretenu, la charge d'intérêts générée par la dette conduisant à augmenter le déficit budgétaire. Dès lors, si ce ratio dégage un excédent, la dette publique diminue. Nous considérons que, à l'instar de la règle de conduite qui a été suivie entre 1997 et 2001, l'équilibre du solde primaire doit être un des objectifs principaux du pilotage des finances publiques, puisqu'il permet de stabiliser l'encours de la dette publique puis de le faire baisser en proportion du PIB. Nous avons fait des propositions allant dans ce sens. Je n'y insiste pas, mais nous pensons que cette règle pourrait avoir des effets plus positifs que celle que vous proposez. Je voudrais terminer, monsieur le ministre d'État, en essayant de vous faire des propositions visant à enrichir le texte que vous nous proposez. Je tiens d'ailleurs à vous dire, avant que vous ne quittiez cet hémicycle, que nous ne nous opposerons pas à votre proposition à partir du moment où nous nous interrogeons sur sa portée même. Mais nous souhaiterions que votre texte soit enrichi, et notamment à travers des propositions qui tendent à donner à l'opposition des pouvoirs de suivi et de contrôle du budget de notre pays. M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Si tel est le cas, vous le voterez ? M. Didier Migaud. Je reconnais que c'est une faiblesse de notre loi organique. Peut-être par prétention, je n'avais pas prévu cette hypothèse (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)... M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il n'avait pas prévu d'être dans l'opposition ! M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale. C'est quelque chose qu'on prévoit rarement ! M. Didier Migaud. Je n'avais pas prévu que l'opposition serait privée de tout pouvoir de contrôle et de capacité d'investigation, alors même que, dans mon esprit, il était totalement évident qu'elle devait disposer de ce pouvoir. Lorsque la gauche est majoritaire à l'Assemblée nationale, l'opposition nationale bénéficie de ce pouvoir de contrôle à travers les responsables qu'elle a au Sénat. M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale. Cela pourrait changer un jour ! M. Didier Migaud. Oh, ce jour n'est pas encore venu, malheureusement ! Aujourd'hui, nous sommes dans une situation où l'opposition est en fait privée de toute capacité de contrôle. Nous sommes, monsieur le ministre d'État, comme j'aurai l'occasion de le redire tout à l'heure, la seule démocratie parlementaire au monde à être dans cette situation. J'espère que nous allons profiter de cette occasion pour avancer en la matière. C'est en tout cas le sens des amendements que nous défendrons. Je souhaite que nous puissions donner du contenu à votre projet de loi organique. Nous avons là l'occasion de faire progresser la démocratie parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet. M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi organique que nous examinons aujourd'hui participe d'une amélioration de la procédure budgétaire en ce qui concerne l'utilisation éventuelle de ce que nous appelons très communément une « cagnotte ». L'histoire pré-parlementaire de ce projet de loi organique, pourtant récent, est déjà riche de rebondissements. En effet, le Conseil d'État a vidé le projet initial du Gouvernement de l'essentiel de sa substance, pour des raisons somme toute légitimes qui tiennent à sa constitutionnalité. La volonté du ministre d'État était, rappelons-le, de conférer un statut « organique » à l'obligation d'affecter pour partie un éventuel excédent de recettes à la réduction du déficit. Cette intention est tout à fait louable. En effet, notre dette publique explose et menace dangereusement, dans le long terme, nos équilibres économiques et sociaux. Le groupe UDF ne cesse de demander aux gouvernements successifs de faire de l'assainissement des finances publiques une priorité nationale. Nous portons cette idée dans le débat public depuis bien longtemps, et tout particulièrement au Parlement. Nous nous réjouissons donc qu'un projet de loi puisse nous faire avancer face à ce grand défi, à cette grande obligation de responsabilité que nous avons envers les générations futures. Malheureusement, nous considérons que cette proposition du Gouvernement a une portée trop limitée, pour au moins deux motifs. Le Gouvernement propose que soit inscrite dans la loi de finances l'affectation d'éventuelles recettes supérieures à la prévision, ce qu'on appelle, encore une fois, une cagnotte. Concrètement, il nous est proposé qu'un article inscrit en première partie de loi de finances précise l'utilisation de ces recettes supplémentaires en les affectant, par exemple, pour partie à la réduction du déficit. Quelle est en réalité la portée juridique de cet article ? En quoi cela évitera-t-il le débat sur une éventuelle autre affectation ? Ce qu'une loi fait, une autre loi peut parfaitement le défaire. S'il advenait que, pour des raisons économiques ou politiques, un gouvernement décide de les affecter à une autre dépense, il serait parfaitement libre de le faire, grâce à un simple article de modification inséré dans n'importe quelle loi, et particulièrement dans une loi de finances rectificative. La deuxième faiblesse de ce projet réside dans notre réticence, qui nous est commune à tous, à traiter de la vraie question : la différence entre les prévisions de la loi de finances initiale et son exécution. Nous pensons notamment aux moins-values fiscales. L'exemple de l'exécution de la loi de finances pour 2003 illustre parfaitement mon propos. Les hypothèses de croissance très optimistes retenues à l'époque par le Gouvernement - et ce malgré les nombreuses interrogations du groupe UDF - l'ont conduit à surestimer très largement les recettes de l'année 2003. Au final, ce sont 11 milliards d'euros de recettes fiscales et non fiscales qui ne sont pas rentrées dans les caisses de l'État. L'impact a été immédiat : le déficit réalisé en 2003 a été supérieur de 20 % à ce que le Parlement avait approuvé. Quelle est la valeur d'une loi de finances qui connaît une telle marge d'erreur ? Face à ces deux questions, le groupe UDF a une proposition simple et probablement plus efficace. Dès lors qu'il y aurait un écart significatif, à la hausse comme à la baisse, entre les prévisions de recettes et l'exécution, le Gouvernement serait tenu de présenter un projet de loi de finances rectificative dans un délai de deux mois. Cela réglerait nombre des problèmes qui ont été évoqués, et permettrait au passage - ce qui est loin de nous être indifférent - de revaloriser le rôle du Parlement. La commission spéciale chargée d'examiner ce projet de loi organique, à laquelle participait mon éminent collègue Charles de Courson,... M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Très éminent ! M. Pierre-Christophe Baguet. Très éminent, en effet, monsieur le secrétaire d'État. Cette commission spéciale, donc, a eu un débat très riche et très intéressant. Elle a cependant refusé cette idée, pour deux raisons. Tout d'abord, elle a considéré que proposer un projet de loi de finances rectificative en cas de moins-values significatives aurait pour conséquence d'aggraver la situation de récession qui aurait provoqué ce manque à gagner ! Elle pense que limiter la dépense publique pour éviter une explosion du déficit aurait un effet récessif ! Cela reste à prouver, et le groupe UDF ne partage pas ce point de vue. Nous défendons en effet l'idée que c'est précisément l'explosion de la dette qui met en danger les équilibres économiques, à long terme mais aussi à moyen terme. À force de vouloir combler artificiellement les périodes de creux de croissance, pour des raisons essentiellement « court-termistes », si vous me permettez l'expression, et politiques, nous finissons par accepter de voir exploser notre endettement public, lequel, in fine, sera véritablement destructeur de croissance. On nous oppose aussi l'impossibilité de mesurer l'écart entre les prévisions et l'exécution. Cette objection nous étonne, car nous recevons tous les mois un état des finances publiques, qui indique précisément les recouvrements des différentes recettes. En réalité, la disposition existe mais nous refusons de nous en servir. Le groupe UDF a des propositions concrètes et applicables pour remédier à ces faiblesses. Je les présenterai tout à l'heure, avec des amendements argumentés. Je souhaite évoquer un autre point, qui aurait pu avoir toute sa place dans ce projet de loi organique, car il s'inscrit pleinement dans cette démarche volontaire d'une plus grande transparence, et en toute responsabilité. Nous vous proposerons de rendre obligatoire la présentation des lois de finances à l'équilibre de fonctionnement. Depuis plusieurs années, quels que soient les gouvernements, le Parlement accepte de voter des lois de finances qui présentent des déficits de fonctionnement, ce qui signifie que nous endettons les générations futures pour payer nos dépenses courantes. Si le déficit est compréhensible et parfois justifié dès lors qu'il sert à financer des dépenses qui bénéficieront aux générations futures, il ne l'est pas, par définition, dans le cas des dépenses de fonctionnement. Compte tenu du taux d'endettement de l'État français, qui atteint des records et qui vient s'ajouter au déficit démographique des générations futures, il apparaît indispensable de prévoir qu'à l'avenir, les lois de finances soient présentées à l'équilibre de fonctionnement. Voter notre amendement démontrerait réellement notre volonté commune d'assainir les finances publiques. Enfin, je souhaite revenir brièvement sur les propositions faites en commission d'associer des parlementaires dits de l'opposition au contrôle budgétaire. L'idée est en soi séduisante, mais elle ne traite pas de l'essentiel. On peut prévoir tous les pouvoirs que l'on veut, la question du contrôle réside ailleurs. Elle est d'abord dans la nécessité de rééquilibrer la démocratie française en faveur du Parlement et en faveur du dialogue entre majorité et opposition. Tant que nous continuerons à penser, lorsqu'on est dans la majorité, que tout ce que dit l'opposition est stupide, et quand on est dans l'opposition, que tout ce que fait la majorité est néfaste, nous n'arriverons pas à régler véritablement les problèmes des Français. Nous sommes d'accord pour attribuer plus de pouvoir de contrôle à l'opposition, bien qu'il ne faille pas que cela contribue à la bipolarisation de cet hémicycle comme le propose perfidement le groupe socialiste. M. Didier Migaud. Non, pas perfidement ! M. Pierre-Christophe Baguet. La proposition de la commission va dans le bon sens, mais il faudrait surtout, au-delà de la reconnaissance juridique de l'opposition, que les majorités successives éliminent leur tendance naturelle à l'hégémonisme. Sur ces différents points, le groupe UDF a présenté des propositions concrètes, qui, malheureusement, ont toutes été refusées. Cela prouve qu'il nous reste encore un long chemin à parcourir pour parvenir à un bon fonctionnement entre les différents groupes politiques. En conclusion, si ce texte repose sur des intentions honorables et tout à fait louables, monsieur le secrétaire d'État, l'UDF considère que, malgré votre bonne volonté et l'évolution indéniable que ce projet entraîne, il n'est pas suffisant pour répondre à notre souhait le plus cher, celui du redressement des finances publiques. Mais les habitudes sont tenaces, et vous nous proposez courageusement de les faire évoluer. Aussi, en attendant l'examen de nos amendements, nous nous en tiendrons pour l'instant à une abstention positive. M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes. M. Jacques Brunhes. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons eu l'occasion de débattre, sur ces mêmes bancs, il y a trois ans, de la loi organique relative aux lois de finances que votre projet de loi propose aujourd'hui d'amender. Adversaires convaincus de l'ordonnance de 1959 et de ses conséquences mutilantes sur les pouvoirs du Parlement, nous avions alors accueilli avec une certaine bienveillance cette révision complète de la constitution financière de l'État, qui s'attaquait à des problèmes réels. Nous avions, certes, émis des réserves, vous vous en souvenez, monsieur Migaud, sur ce texte qui nous semblait reposer sur un socle de principes contestables et promouvoir des avancées ambivalentes. Nous nous étions montrés hostiles à certaines dispositions, en particulier l'intention initiale d'inscrire la référence au pacte de stabilité européen. Mais nous avions aussi souligné d'indéniables avancées concernant, notamment, la lisibilité et la sincérité des documents budgétaires, la simplification des procédures et les pouvoirs budgétaires du Parlement. Nous ne saurions réserver le même accueil à la disposition qui nous est aujourd'hui présentée. Nous n'y trouvons, en effet, nulle trace de l'esprit de consensus qui avait, à l'époque, permis d'entreprendre une réflexion commune inspirée par le souci de l'intérêt général. De fait, ce projet est un bricolage... M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Oh ! M. Jacques Brunhes. ...et un gadget idéologique qui convient mal à la modification d'un texte organique. Il suffit, pour s'en convaincre, de rappeler quelle fut sa genèse. Vous aviez annoncé, au printemps dernier, votre volonté de faire voter un projet de loi qui définirait par principe l'utilisation des recettes fiscales supplémentaires en cas de retour de la croissance. Il en a été maintes fois question, depuis le début de l'après-midi, la clé de répartition ainsi posée était la suivante : deux tiers pour la réduction du déficit, un tiers pour l'action du Gouvernement. Le Conseil d'État devait en décider autrement, les « sages » vous faisant remarquer, fin septembre, qu'un tel texte serait inconstitutionnel. Le Gouvernement s'est donc rabattu sur le présent dispositif qui prévoit que la première partie de la loi de finances arrêtera les modalités d'utilisation des éventuels surplus par rapport aux évaluations de la loi de finances de l'année. Ainsi réduite à peau de chagrin, votre disposition pourrait sembler bien inoffensive, voire superfétatoire. Tel n'est cependant pas notre point de vue. Non seulement votre projet de loi se réclame de la poursuite d'objectifs économiques que nous récusons, mais il porte encore gravement atteinte au droit de regard des Français sur l'utilisation des surplus budgétaires. Il masque, en fait, votre volonté de vous défausser subrepticement de vos responsabilités. La disposition qui nous est proposée n'a, en ce sens, rien d'anodin. Je ne m'attarderai pas plus qu'il n'est utile sur la rhétorique usée de la réduction des déficits, principal alibi de votre politique. On peut d'ailleurs légitimement se demander si votre programme ne se résume pas à ce seul slogan de la réduction des déficits, les pages des autres chapitres budgétaires s'étant en quelque sorte volatilisées. Or, monsieur le secrétaire d'État, vous accordez la priorité au remboursement de la dette publique, mais vous consentez, cette année encore, des allégements de charges démesurés et parfaitement stériles aux entreprises et aux familles les plus aisées. Vous nous parlez de déficit et vous n'envisagez pas d'autre moyen que les privatisations pour résoudre la question des ressources de l'État sans jamais évoquer les possibles recettes supplémentaires sur les actifs financiers ou l'amélioration du rendement des tranches supérieures de l'impôt sur le revenu. Aussi, monsieur le secrétaire d'État, il semble que vous nous proposiez dans ce projet d'inscrire dans le dispositif d'une loi organique une disposition qui n'a d'autre objet que de donner des gages d'orthodoxie budgétaire à l'Union européenne. Nous ne vous suivrons pas dans cette voie. Certes, vous m'objecterez, à bon droit, que la disposition que vous nous proposez ne vise qu'à doter notre pays d'une règle d'affectation des surplus conjoncturels de recettes, comme c'est par ailleurs déjà le cas aux Pays-Bas. Vous m'opposerez encore une nécessaire démarche de prudence. Vous invoquerez la sincérité du débat budgétaire. Nos collègues socialistes ont, par ailleurs, proposé d'amender votre texte pour renforcer les pouvoirs du Parlement dans la loi organique. Nous sommes, bien sûr, favorables à une telle mesure, mais nous considérons que le débat sur les pouvoirs budgétaires du Parlement ne saurait faire l'économie d'un véritable débat constitutionnel, visant notamment la révision de l'article 40. Sans doute, et dans le même esprit, pourrions-nous aussi entendre certains de vos arguments, s'ils ne servaient manifestement pas de paravent au débat public. Nul n'ignore, en effet, que la discussion des surplus budgétaires est toujours dans notre pays l'occasion d'un vif débat sur les priorités que cette marge de manœuvre permet de satisfaire : débat entre ministres, entre parlementaires, débat démocratique, qui concerne tous les Français. Or c'est au fond ce débat que votre disposition tente d'esquiver en en renvoyant les enjeux en amont, dans le cadre à bien des égards moins exposé de la discussion de la première partie de la loi de finances. Vous voulez, de la sorte, éviter le débat avec les Français. Si vous y consentiez, ce serait au risque de vous entendre opposer d'autres priorités dont la satisfaction porterait atteinte au dogme de l'équilibre budgétaire. Pour vertueuse qu'elle prétende être, votre proposition n'est pas un manifeste pour la transparence du débat public. Aussi, monsieur le secrétaire d'État, notre position sera-t-elle aussi ferme que la vôtre. Vous affirmez la priorité du remboursement de la dette publique. Nous affirmons que vous détournez l'attention des Français sur un faux débat. Vous êtes convaincu que la dépense publique n'est pas efficace. Nous sommes convaincus qu'elle peut être un puissant moteur de croissance, qu'elle peut améliorer les dépenses d'éducation, de santé, de recherche et développement, créer un environnement favorable à l'efficacité et à la performance de nos entreprises, permettre de réduire la facture sociale, celle-là même qu'un chef d'État a cru un jour devoir appeler la « fracture » sociale. Le serpent de mer de la dette publique, qui court depuis des années, à la faveur de la libéralisation des marchés que vous avez contribué à organiser, ne nous paraît pas une priorité. Nous sommes convaincus de l'utilité de la dépense publique et votre projet de loi ne vise, par-delà les enjeux techniques, qu'à jeter le soupçon sur son efficacité et à fermer la porte au débat sur l'utilisation des fruits de la croissance. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre ce texte. M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton. M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous faisons des choix politiques, celui de la stabilité de la dépense. Ce choix nous honore et nous oblige sur plusieurs années. Il est important de le tenir dans l'exécution budgétaire de 2004, dans le projet de budget pour 2005, comme vous nous le proposez, et, nous le souhaitons vivement, dans les exercices budgétaires à venir. La stabilité de la dépense est une nécessité financière en même temps qu'un stimulant de l'efficacité de l'État, qui le sera d'autant plus lorsque l'amendement proposé par notre collègue Bouvard tendant à assurer une meilleure vigilance sur les emplois des établissements publics aura été voté. Nous ne voulons voir dans la variation que le rapporteur évoquait tout à l'heure qu'une obligation renforcée pour l'exécution budgétaire de 2005. Le choix de la stabilité de la dépense en volume, qui n'a pas été démenti et que nous continuons d'affirmer et de soutenir, fait que tout report obligera nécessairement encore plus dans l'année qui vient. Le choix politique de la stabilité des dépenses, choix politique de la réduction des déficits, est la condition d'une politique durable en faveur de la croissance. Nous devons, bien sûr, définir nos choix, s'agissant des recettes. Notre débat d'aujourd'hui sur ce nouveau dispositif proposé en adjonction à la loi organique relative aux lois de finances nous rappelle simplement qu'en matière de recettes, il n'y a rien de miraculeux. Notre collègue Migaud évoquait, tout à l'heure, les moins-values enregistrées sur la fiscalité pétrolière. Votre appréhension de ce débat, chers collègues de l'opposition, laisse supposer qu'il y aurait, dans les finances et, plus précisément, dans l'analyse des recettes, des phénomènes miraculeux,... M. Didier Migaud. Mais non ! M. Hervé Mariton. ...surnaturels : des surplus de recettes pourraient parfois apparaître alors que les chiffres démontrent clairement le contraire. Il n'y a pas de recettes miraculeuses. M. Didier Migaud. Il faut le dire au Président de la République ! M. Hervé Mariton. Il n'en reste pas moins important, lorsque l'on constate une évolution de la recette, de réfléchir à son affectation. Le ministre d'État l'évoquait, tout à l'heure, il n'est pas raisonnable, comme la gauche l'a fait plusieurs fois, de laisser filer une augmentation de recettes due à des raisons conjoncturelles, qui n'est pas nécessairement inscrite dans la durée. La proposition qui nous est faite aujourd'hui de raisonner l'usage des plus-values fiscales est tout à fait bienvenue. Je reviens sur ce point. Sa vertu essentielle est d'affirmer qu'il n'y a rien de surnaturel dans l'évolution des recettes fiscales, donc dans la réalisation d'éventuelles plus-values. Cela devrait nous venir naturellement à l'esprit, car c'est moins compliqué que ce que certains veulent faire croire. La démarche doit être d'analyser, de comprendre et de justifier. C'est donc la moindre des choses que le Gouvernement en rende compte au Parlement. Le projet de loi organique qui nous est présenté a donc le mérite de l'y contraindre. On ne peut pas constamment s'envoyer à la figure des sommes plus ou moins justifiées, plus ou moins argumentées, et laisser croire à nos compatriotes que la matière budgétaire n'est qu'une matière artistique où tous les chiffres se valent et qu'il est possible, de manière totalement irraisonnée, d'affirmer une chose et son contraire. Les données existent et, notre collègue Brunhes vient de le rappeler, elles n'enlèvent rien à l'amplitude des choix politiques. Lorsque le Gouvernement aura analysé, compris et justifié et qu'il en aura rendu compte, il faudra choisir. Il en va de la responsabilité politique du Gouvernement et du Parlement. Le projet de loi propose de le faire à l'avance. C'est ce que l'on appelle une stratégie. Telle est bien la démarche au fond très simple et très vertueuse de ce projet de loi : dire les choses, les expliquer, les justifier, les soumettre à la réflexion et, tant qu'à faire, essayer d'anticiper autant que possible les choix à venir. Oui, nous soutenons l'approche rappelée à l'instant par le Gouvernement : énoncer à l'avance un choix politique et assumé, celui de privilégier la réduction des déficits. Le ministre d'État a précisé les différentes situations, configurations et proportions dans lesquelles l'éventuelle plus-value pourrait être affectée à la réduction des déficits ; autant de propositions sur lesquelles nous nous accorderons volontiers. La démarche que nous engageons aujourd'hui apparaît finalement assez naturelle. Elle aurait dû aller de soi depuis bien longtemps. Mais, comme on dit, pour naturelle que paraisse une démarche, il n'est pas toujours inutile de l'expliciter et de l'inscrire clairement dans la loi organique. C'est, pour le court terme, le gage d'une gestion justifiée et sérieuse des finances publiques, mais surtout, pour le long terme, une exigence si nous voulons parvenir ensemble à des finances publiques garantes d'une bonne politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La discussion générale est close. La parole est à M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence du ministre d'État, qui assiste en ce moment même à des obsèques dans son département des Hauts-de-Seine. Nous avons entendu avec beaucoup de plaisir, comme à l'habitude, les propos de M. le rapporteur général. Gilles Carrez a rappelé le contexte de politique budgétaire dans lequel doit être replacée cette modification de la loi organique ; nous partageons totalement son analyse. L'intervention de M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale, était elle aussi particulièrement intéressante. J'en ai retenu plus particulièrement deux points : son possible amendement sur le rôle de la Cour des comptes et les droits de l'opposition que M. Migaud a également évoqués. Je vous propose, pour ne pas avoir à nous répéter, d'y revenir dans le cadre de l'examen des amendements. Nous avons bien noté, ainsi que le ministre d'État, les recommandations de prudence de M. Giscard d'Estaing et apprécié son rappel historique de la politique économique de ces dernières années, ainsi que les perspectives à long terme qu'il a tracées. Je veux naturellement remercier M. Migaud d'avoir rappelé, de manière élégante et objective, les conditions dans lesquelles avait été élaborée la loi organique et l'esprit dans lequel ce gouvernement travaille à sa mise en œuvre - M. le rapporteur général comme M. le président de la commission spéciale peuvent en témoigner. Ce mercredi encore, en conseil des ministres, j'ai moi-même fait, à l'adresse du Président de la République, du Premier ministre et de l'ensemble des membres du Gouvernement, le point sur l'application de la LOLF. Dans le même esprit, je le rappelais récemment, nous avions communiqué à votre commission de finances et au Parlement les projets annuels de performance, tout au moins dans leur version primitive, et fait connaître nos objectifs et nos indicateurs. Les responsables de programmes ont été nommés, réunis une première fois par le Premier ministre, une deuxième fois par le ministre d'État et moi-même ; autrement dit, la LOLF est réellement en application. Qui plus est, le mouvement s'amplifiera l'année prochaine, puisque près de 10 % des crédits du projet de loi de finances seront alors entrés dans le cadre de l'expérimentation. Dans toutes les régions sont organisées des réunions de travail des services déconcentrés de l'État, sous la présidence conjointe des préfets de région et des trésoriers-payeurs généraux de région. J'ai participé à l'une d'entre elles ces derniers jours ; il y en aura d'autres tout au long des semaines qui viennent. Autrement dit, le processus est bel et bien lancé. À nous maintenant de voir, monsieur Migaud, comment nous allons y travailler ensemble : c'est l'objet de plusieurs de vos amendements sur lesquels nous reviendrons dans un instant. J'ai bien noté le souhait de transparence de M. Baguet et pris connaissance du contenu de son amendement ; là encore, nous en reparlerons au cours de l'examen de l'article unique. Monsieur Bruhnes, je vous ai trouvé bien isolé... J'en étais triste pour vous : vous êtes d'ordinaire un homme ouvert et sympathique ! Vous n'avez pas retrouvé dans ce texte l'esprit de consensus de la loi organique, dites-vous. C'est d'autant plus dommage que le but du texte proposé aujourd'hui est précisément d'améliorer la transparence de la politique budgétaire, sujet à l'évidence parfaitement consensuel. J'espère que les minutes qui viennent vous permettront de revenir sur cette position ; il serait dommage qu'une grande formation politique démocratique - en tout cas dans son appellation - comme la vôtre ne puisse participer à l'élaboration de cette loi organique et contribuer à un effort commun de la majorité et de l'opposition. M. Mariton a rappelé, comme à l'habitude, que la politique budgétaire était d'abord affaire de choix, et qui dit choix dit rendre compte et expliquer. C'est bien ce que souhaite faire le Gouvernement et c'est cet appel que n'a pas encore entendu M. Brunhes... J'espère qu'il changera d'avis. Cela dit, monsieur le président, je solliciterai une courte suspension de séance afin d'aborder rapidement et dans les meilleures conditions possibles l'examen des divers amendements. M. le président. La demande de suspension est de droit. Suspension et reprise de la séance M. le président. La séance est suspendue. (La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq.) M. le président. La séance est reprise. M. Augustin Bonrepaux. Je demande la parole pour un rappel au règlement. M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement. M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, je tiens d'abord à vous faire remarquer que ce n'est pas l'opposition qui retarde les débats ! M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale. Si, tout de même, puisque la suspension devait nous permettre de réfléchir à vos demandes ! M. Augustin Bonrepaux. Je ne voudrais pas que le retard que nous prenons dans l'examen du projet de loi organique, que nous allons terminer maintenant avec la discussion d'amendements peu nombreux, nous oblige à reporter à lundi soir le débat budgétaire, car il serait difficile à beaucoup d'entre nous de revenir. Je souhaite simplement que l'on tienne compte de ces souhaits. M. le président. Est-ce à dire que vous souhaitez que la présidence soit très sévère dans le respect du temps de parole ? (Sourires.) M. Didier Migaud. Pour les membres de la majorité ! M. Augustin Bonrepaux. Nous souhaitons simplement terminer ce soir, comme, semble-t-il, M. le secrétaire d'État, en allant au-delà de minuit, s'il le faut. M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État. M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Bonrepaux, nous allons achever l'examen du projet de loi organique, en prenant le temps nécessaire. Après quoi, je demanderai, au nom du Gouvernement, une suspension de séance de quelques minutes avant de changer de sujet, puisque nous passerons ensuite à l'examen des articles non rattachés. Le président m'a laissé entendre qu'il était prêt à poursuivre la séance au moins jusqu'à dix-neuf heures trente. En séance de nuit, nous devrions pouvoir achever le débat budgétaire en fonction, bien entendu, des contingences auxquelles est soumise la commission des finances. M. le président. J'appelle maintenant l'article unique du projet de loi organique dans le texte du Gouvernement. M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7, tendant à supprimer l'article unique. La parole est à M. Jacques Brunhes, pour soutenir cet amendement. M. Jacques Brunhes. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez parlé tout à l'heure de « l'isolement » de mon groupe. Je vous remercie de votre sollicitude, je dirai même votre mansuétude,... M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. De l'affection plutôt ! M. Jacques Brunhes. ...mais je ne me sens pas du tout isolé ! Nous sommes, nous aussi, pour la transparence de la politique budgétaire, mais elle doit s'exercer dans de bonnes conditions. Alors que nous examinions, il y a deux ans, la précédente loi organique, observant qu'elle comportait une référence au pacte de stabilité européen, nous l'avions fait retirer. La transparence de la politique budgétaire suppose donc bien le respect d'un certain nombre de principes. Or, vous nous dites qu'il est impératif de réduire le déficit. C'est évident ! Ce que nous remettons en cause ce n'est pas cela, mais ce dont ni vous ni le rapporteur ne parlez à aucun moment, à savoir le volet des ressources de l'État et le problème du rendement de l'impôt. Vous ne dites rien non plus sur les milliards engloutis dans les allégements fiscaux consentis aux entreprises, non plus que sur les actifs financiers ; sur tout ce qui, en définitive explique votre inefficacité tant en matière d'emploi que de déficit. Car c'est vous, par votre politique, qui aggravez les déficits ! Je le répète, nous sommes pour la transparence, mais pour une transparence qui nous permette de débattre aussi de la question des ressources, ce que vous voulez éviter, de même que vous voulez éviter un vrai débat sur les surplus de recettes. Nous estimons, nous, que les Français ont droit à ce débat, et à un débat qui soit transparent et démocratique. C'est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer ce texte. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Gilles Carrez, rapporteur. La commission a, bien entendu, repoussé cet amendement de suppression. Il s'agit, par ce projet, d'induire un comportement budgétaire vertueux en se fondant sur une idée simple : dès lors que la réalisation des recettes est supérieure aux prévisions et qu'il y a surplus, dans un pays endetté comme le nôtre, ce surplus doit être constaté et aller en priorité au désendettement. M. Brunhes, lui, nous dit que s'il y a déficit, il n'y a qu'à augmenter les impôts,... M. Jacques Brunhes. Mais non ! M. Gilles Carrez, rapporteur. ...comme si l'on pouvait augmenter les impôts sans limites ! Je lui rappelle que notre pays est l'un de ceux où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés au monde. M. Jean-Louis Idiart. Et la Suède ? Et le Danemark ? M. Gilles Carrez, rapporteur. Aujourd'hui, il faut tendre résolument vers l'objectif d'une baisse de notre fiscalité, car elle est excessive. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le ministre d'État a présenté longuement ce texte important, qui fait suite à un autre encore plus important, la LOLF adoptée en 2001. Naturellement, le Gouvernement s'oppose à sa suppression, et donc à l'amendement n° 7. M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes. M. Jacques Brunhes. Nous gagnerions du temps si M. le rapporteur s'abstenait de caricaturer nos positions. Prétendre que nous serions favorables à une augmentation des impôts frise l'absurde. Il ne nous a pas écoutés et n'a pas lu nos textes. Il n'est pas objectif. Si nous voulons débattre sereinement, il faut qu'il cesse de telles provocations. J'ai bien compris que notre amendement serait repoussé par la majorité, mais, de grâce, poursuivons le débat avec de vrais arguments, pas des caricatures ! M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 14. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le soutenir. M. Pierre-Christophe Baguet. Chacun, ici, connaît l'exigence de rigueur de notre collègue, Charles de Courson, signataire de cet amendement. M. Jean-Louis Idiart. C'est le « Père la rigueur » ! C'est lui qu'il faut mettre à la place de Sarkozy ! M. Pierre-Christophe Baguet. Il l'exerce toujours dans l'intérêt général. Souvent, il nous propose de nous protéger de nos petites faiblesses et nous invite à combattre nos vieilles habitudes. En l'occurrence, il nous suggère, par cet amendement, de réagir vite et bien aux dérapages budgétaires, qui peuvent survenir, car on sait bien que personne n'est à l'abri. Dans le cas où les ressources seraient inférieures ou supérieures de plus de 3 % aux prévisions votées en loi de finances initiale - soit pas moins de 10 milliards d'euros ! -, le Gouvernement serait « tenu de présenter dans les deux mois suivant ce constat une loi de finances rectificative afin de tenir compte de ces nouvelles prévisions et de présenter son impact sur l'équilibre général du budget ». Voilà un amendement d'une grande sagesse qui témoignerait de l'esprit de responsabilité du Parlement et valoriserait son rôle, ce dont nous ne pourrions tous que nous réjouir. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Gilles Carrez, rapporteur. La commission a longuement débattu sur cet amendement dont le principe est fort intéressant : dès lors qu'on aurait observé - dans ce souci que nous avons de piloter au plus près nos finances - un quelconque dérapage, que ce soit en dépenses ou en recettes, il faudrait le mesurer le plus vite possible et prendre, le plus vite possible aussi, des mesures pour le corriger. La commission a émis une objection qui l'a poussée à rejeter l'amendement de M. de Courson. En effet, la solution qu'il propose est celle, immédiate, du collectif - une loi de finances rectificative. Elle nous paraît beaucoup trop brutale. Nous sommes d'accord pour garder l'idée de la nécessité d'un suivi et d'une évaluation des éventuels écarts, mais nous ne demanderions au Gouvernement que de faire aussitôt un rapport aux commissions des finances, avant de mettre en branle la procédure du collectif. Je rappelle que nous avons systématiquement un collectif en fin d'année, mais aussi, c'est vrai, de temps à autre, en cours d'année, par exemple lorsque le justifient un changement de majorité ou des bouleversements dans l'évolution des lois de finances. Rendre automatique le recours au collectif, procédure très lourde, dès lors qu'un écart de plus de 3 % serait constaté, me paraît excessif. En revanche, je le répète, je retiens l'idée de notre collègue : il est nécessaire d'exercer un suivi et, à partir de ce suivi, de déclencher l'information immédiate du Parlement. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je partage l'avis du rapporteur général et j'émets donc un avis défavorable, tout en restant ouvert à la méthode, comme l'a indiqué Gilles Carrez. M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet. M. Pierre-Christophe Baguet. Si je comprends bien, nous pourrions modifier la rédaction de l'amendement et remplacer les mots : « il est tenu de présenter dans les deux mois suivant ce constat une loi de finances rectificative » par les mots : « il est tenu de présenter dans les deux mois un rapport à la commission des finances qui précédera un collectif budgétaire ». Cette proposition, si vous en êtes d'accord, serait un bon compromis. Comme le soulignait Gilles Carrez, la commission des finances constituerait une étape préalable. M. le président. La parole est à M. le rapporteur. M. Gilles Carrez, rapporteur. Avec la rédaction que vous nous proposez, monsieur Baguet, nous tombons sous le coup de l'injonction, problème que nous avons rencontré lors même de l'élaboration du texte de la loi organique. Au départ, le Gouvernement avait indiqué qu'en cas de surplus, il faudrait non seulement les constater dans la loi organique, mais les affecter de façon prépondérante au désendettement. Le Conseil d'État ayant examiné cette disposition, a conclu à une injonction adressée à l'exécutif, ce qui n'est pas acceptable. Monsieur Baguet, je vous invite donc à retirer l'amendement, étant entendu que nous sommes d'accord sur l'idée d'un suivi le plus immédiat possible. Nous pourrions ainsi réfléchir à la manière de traiter la nécessité d'un rapport immédiat du Gouvernement aux commissions des finances des deux assemblées sans tomber sous le coup de l'injonction. M. le président. Monsieur Baguet, êtes-vous sensible aux arguments de M. le rapporteur ? M. Pierre-Christophe Baguet. Oui, d'autant que nous nous heurtons à nouveau à l'avis du Conseil d'État. Cette question mérite donc quelques éclaircissements. Monsieur le rapporteur, je vous fais confiance, ainsi qu'à M. le secrétaire d'État, et je vous propose d'en débattre à nouveau avec mon collègue Charles de Courson lors d'une prochaine réunion de la commission des finances. Cela nous laissera le temps de trouver une solution de compromis satisfaisante. J'estime que l'esprit même de l'amendement est intéressant. En effet, les conducteurs de voiture que nous sommes savons bien que c'est dès le début d'un dérapage qu'il faut réagir, sauf à finir dans le fossé. C'est pourquoi le sentiment d'alerte ou de réaction immédiate mérite d'être retenu. Sous cette réserve, je retire l'amendement. M. le président. l'amendement n° 14 est retiré. Je suis saisi d'un amendement n° 15. La parole est à M. Jean-Christophe Baguet, pour le soutenir. M. Pierre-Christophe Baguet. Si l'on propose de répartir les excédents, on doit aussi se protéger des moins-values et des dérapages. Mon collègue Charles de Courson a déposé cet amendement dans le même esprit que le précédent. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Gilles Carrez, rapporteur. Nous ne l'avons pas adopté, tout simplement parce que le texte traite des surplus. Il prend en compte l'hypothèse de surplus et indique que la loi de finances doit en prévoir l'utilisation. Mais il ne traite pas des moins-values. En 2003, nous avons connu des moins-values de recettes fiscales importantes et le Gouvernement a alors bien réagi, premièrement en tenant le cap de la dépense « zéro volume », et deuxièmement en disant qu'on ne compenserait pas ces 10 milliards de moins-values par des économies supplémentaires afin de ne pas aggraver la crise par une mesure procyclique. Je suis persuadé que le Gouvernement, grâce à ces mesures, a facilité un retour plus rapide de la croissance dans notre pays que chez nos voisins européens. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que celui de la commission. M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet. M. Pierre-Christophe Baguet. Les arguments de M. Carrez sont tout à fait recevables, mais l'esprit qui animait notre collègue Charles de Courson lorsqu'il a présenté cet amendement était aussi de se préserver des surestimations des recettes... M. Franck Gilard. Dommage qu'il ne soit pas là ! M. Pierre-Christophe Baguet. Ne me croyez-vous donc pas capable de représenter le groupe UDF ? Ce n'est pas très gentil... M. le président. Il arrive à chacun d'entre nous de déposer un amendement et de le voir défendu par l'un de ses collègues. L'incident est clos, monsieur Baguet. M. Pierre-Christophe Baguet. Je vous remercie de votre intervention, monsieur le président. Depuis longtemps, les gouvernements, quels qu'ils soient, ont tendance à surestimer les recettes lors de la présentation des lois de finances. Cet amendement contraindrait sans doute les gouvernements à être un peu plus raisonnables en la matière. C'est pour cette raison que Charles de Courson a présenté cet amendement. M. le président. La parole est à M. Didier Migaud. M. Didier Migaud. Il est difficile de reprocher son absence à notre collègue de Courson, alors que chacun connaît son assiduité en commission et dans ce type de débat. L'amendement qu'il propose et la réponse du rapporteur général montrent que ce projet de loi aura peu de portée, comme nous l'avons dit lors de la discussion générale. Car tout dépend en réalité de la façon dont sont calculées les hypothèses de recettes, ce qui nous renvoie au point de départ. Nous aurions donc préféré des propositions donnant à leur estimation un caractère plus transparent et plus contradictoire. Car, monsieur le rapporteur, si vous vous êtes totalement « planté » en 2003 au niveau des recettes, c'est bien parce que vous avez surestimé volontairement les hypothèses de croissance. M. Gilles Carrez, rapporteur. Et en 2001 ? M. Didier Migaud. Quel que soit le gouvernement, nous souhaitons établir des règles de transparence et de confrontation qui permettent d'ajuster au mieux les hypothèses de recettes. La disposition que nous examinons aura peu de portée, parce qu'il suffira à un ministre du budget de sous-estimer les hypothèses de croissance pour ne jamais avoir à traiter le problème d'un éventuel surplus de recettes. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je mets aux voix l'article unique. (L'article unique est adopté.) M. le président. Nous passons aux amendements portant articles additionnels après l'article unique. M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 2 rectifié. La parole est à M. le président de la commission spéciale, pour le soutenir. M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale. Cet amendement a pour but de couvrir le champ des opérateurs de l'État, puisque nous savons qu'il y a, pour chaque ministère, des organismes qui en dépendent directement et qui en sont le prolongement. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Cet amendement, présenté par le président de la commission spéciale, pose une question importante, mais le Gouvernement n'y est pas favorable, car la détermination du plafond des emplois des établissements publics - qui ont pour la plupart, je pense en particulier à ceux du monde des transports, des ressources propres en plus des subventions d'État - relève de la compétence des conseils d'administration. Quand les fonctionnaires sont affectés à un établissement public, leur rémunération est versée par l'État et les crédits correspondants figurent donc au titre II, comme pour les autres personnels de l'État. Vous les retrouverez donc dans les plafonds d'emplois des ministères concernés. Cela étant, votre préoccupation est tout à fait légitime, et je vous invite donc à vous rallier aux amendements qui seront proposés un peu plus loin et qui, se rapportant aux articles 51 et 54 de la loi organique, prévoient une information systématique du Parlement via les projets annuels de performance annexés aux projets de loi de finances : vous y retrouverez le nombre des emplois rémunérés par des organismes bénéficiant d'une subvention pour charge de service public. Vous aurez ainsi satisfaction d'une façon plus conforme à nos habitudes de gestion. M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes. M. Jacques Brunhes. Il y a trois ans, nous avions déjà protesté sur la non-fongibilité des crédits réservés aux emplois publics. Nous sommes opposés au plafonnement de ces emplois en loi de finances. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement. M. le président. la parole est à M. le président de la commission spéciale. M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale. Je ne méconnais pas la difficulté de mettre en œuvre une telle disposition. Nous en avons débattu dès le début de la discussion de la loi organique. Comment ne pas créer des rigidités supplémentaires ? Comment respecter l'autonomie de gestion des conseils d'administration des opérateurs, qu'ils soient associatifs ou qu'ils soient établissements publics ? Mais, d'un autre côté, comment éviter que ces opérateurs ne deviennent un moyen pour certains ministères, comme l'a souligné la Cour des Comptes, de transférer des créations d'emplois hors du champ des plafonds d'autorisation ? Lorsque le ministère de la culture affiche des suppressions d'emplois dans son budget, les établissements publics, quant à eux, peuvent recruter grâce à des subventions. Certes, on peut améliorer l'information du Parlement au travers des articles 51 et 54, et les propositions d'amendements du Gouvernement, de ce point de vue, vont dans le bon sens. J'observe toutefois qu'il ne s'agit que de la certification dans la loi organique d'une pratique qui a commencé à s'instaurer, car j'ai sous les yeux les avant-projets annuels de performance qui indiquent que nous allons dans ce sens. Soyons honnêtes : ce n'est pas avec les deux amendements proposés par le Gouvernement - l'un portant sur la loi de finances initiale et l'autre sur la loi de règlement - que nous réglerons le problème. L'amendement proposé par la commission spéciale a le mérite de faire référence à une liste qui aurait pu être complétée progressivement et dans laquelle il serait tout à fait possible de distinguer les EPIC à vocation strictement industrielle des autres opérateurs. Dans notre esprit, il ne s'agit pas de plafonner en loi de finances le nombre d'emplois d'une entreprise telle que la SNCF ou la RATP. En revanche, quand il s'agit, par exemple, de l'établissement public du Grand Louvre, géré par le ministère de la culture, qui a certes des recettes propres mais vit principalement de recettes de l'État, le problème se pose. Je vais retirer l'amendement de la commission spéciale, conscient qu'il y a une difficulté d'application, même si l'amendement n'obligeait pas à une application immédiate. Je le retire toutefois à regret. Je me félicite de l'avancée du Gouvernement en matière d'information du Parlement, mais il faudra - et un secrétaire d'État au budget ne saurait être insensible à cette idée - aller plus loin et trouver ensemble une approche plus fine des plafonds d'autorisation d'emploi, en particulier lorsque les opérateurs ne sont que de simples prolongements de l'action des ministères. Sans cela, il y a un risque de débudgétisation progressive d'une partie de l'emploi public, à l'opposé de l'esprit de la loi organique et de l'avancée que constitue la mise en place du plafond d'autorisation d'emploi. M. le président. L'amendement n° 2 rectifié est retiré. La parole est à M. Hervé Mariton. M. Hervé Mariton. On ne peut que partager la logique exposée par notre collègue Michel Bouvard, d'ailleurs confortée par les observations formulées par la Cour des comptes au sujet de l'exécution du budget de 2003. À cet égard, le Gouvernement devra nous préciser exactement le champ de l'amendement n° 18 qu'il doit nous présenter tout à l'heure : parler des « emplois rémunérés par les organismes bénéficiaires d'une subvention pour charges de service public » revient-il à désigner l'ensemble des emplois de ces organismes, quand bien même ces derniers n'assureraient pas uniquement des charges de service public ? En termes de précision d'information, une telle question va même au-delà de ce que demande Michel Bouvard. M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 21. La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir. M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale. Il était lié au précédent. Je le retire. M. le président. L'amendement n° 21 est retiré. Je suis saisi d'un amendement n° 16. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le soutenir. M. Pierre-Christophe Baguet. Cet amendement de M. Charles de Courson s'inscrit dans la continuité de ceux que j'ai déjà défendus. Dans le souci d'éviter tout dérapage des finances publiques, nous proposons d'obliger le Gouvernement à présenter ses projets de budget à l'équilibre de fonctionnement - qu'il convient de distinguer de l'équilibre d'investissement dans la mesure où un investissement peut bénéficier aux générations futures, alors qu'un budget de fonctionnement en déséquilibre constitue une charge pour ces dernières. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Gilles Carrez, rapporteur. La commission n'a pas retenu cet amendement. Je profite de l'occasion pour préciser à mes collègues que Charles de Courson, qui suit toujours les débats budgétaires avec assiduité, m'avait indiqué avant-hier qu'il ne pourrait être présent à celui-ci, et que M. Baguet le remplacerait. J'ajoute que ce dernier, bien qu'il n'appartienne pas à la commission des finances, participe régulièrement aux débats budgétaires et est un très bon spécialiste des problèmes financiers, qu'ils concernent l'État ou les collectivités locales. L'amendement de notre collègue de Courson va dans le bon sens et son intention est vertueuse. Les collectivités locales équilibrent leur budget de fonctionnement ; l'État est le seul organisme public à ne pas le faire. Mais une date aussi rapprochée que 2008 n'est pas tenable. Alors que notre déficit primaire atteint plusieurs dizaines de milliards d'euros, un tel objectif est hors de portée. Par ailleurs, nous ne pouvons assimiler l'État aux collectivités locales. L'État est le payeur ultime. Ainsi, quand il y a un déficit dans les comptes de la sécurité sociale, l'emprunt que celle-ci contracte pour le couvrir est assumé en dernier ressort par l'État. Nous ne pouvons donc pas lui imposer des règles aussi contraignantes. Il reste que, comme souvent, Charles de Courson nous indique la voie à suivre. Nous devons essayer de cheminer dans cette direction. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. L'avis du Gouvernement est le même que celui de la commission, monsieur le président. Les élus municipaux que sont beaucoup d'entre nous savent bien qu'une commune ne peut, comme l'État, présenter un budget de fonctionnement en déséquilibre, sans quoi la tutelle et la chambre régionale des comptes réagiraient. Reste qu'il est parfois utile, monsieur Baguet, de dépenser pour l'avenir. En outre, l'État doit affronter l'imprévu, qu'il s'agisse de dépenses d'autres organismes publics, comme le rappelait le rapporteur, d'une période de récession qui nécessite d'appuyer sur l'accélérateur, ou d'une catastrophe telle que celles que notre pays a connues, comme une sécheresse ou une tempête. D'ailleurs, quand une telle règle est appliquée avec succès, comme en Grande-Bretagne, ce n'est pas annuellement mais sur tout le cycle. Et son existence ne garantit pas son bon fonctionnement, comme le montre l'exemple de la République fédérale d'Allemagne. Enfin, fixer dans une loi organique une règle de politique économique pourrait poser une difficulté d'ordre constitutionnelle. Pour toutes ces raisons, et tout en comprenant très bien la logique vertueuse qui inspire cet amendement, le Gouvernement ne peut y être favorable. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 3. La parole est à M. le président de la commission spéciale, pour le soutenir. M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale. Cet amendement, comme l'amendement n° 4, est de cohérence avec l'amendement n° 2 rectifié que j'ai retiré. Je retire donc ces deux amendements. M. le président. L'amendement n° 3 est retiré, de même que l'amendement n° 4. Je suis saisi d'un amendement n° 20. La parole est à M. Marc Le Fur, pour le soutenir. M. Marc Le Fur. Notre fiscalité est confrontée au problème des « niches », des dérogations et dégrèvements qui se multiplient en faveur de diverses catégories. M. Jean-Louis Idiart. Vous en créez de nouvelles ! M. Marc Le Fur. Ce phénomène complique les choses, alourdit considérablement le code général des impôts et nuit à la majesté de la loi. Plus grave, ces exceptions donnent à beaucoup de nos concitoyens le sentiment que l'équité ne règne pas, certaines catégories bénéficiant de la part du législateur, en matière fiscale, d'une plus grande attention que la majorité. Toutes ces raisons nous incitent à examiner d'un œil attentif ces diverses mesures spécifiques. À défaut de pouvoir en réduire le nombre, essayons tout au moins de limiter la possibilité d'en créer de nouvelles. M. Jean-Louis Idiart. C'est pourtant ce que vous avez fait cette année ! M. Marc Le Fur. L'amendement n° 20 a donc pour objet d'arrêter la machine à faire des exceptions. Pour cela, Hervé Mariton et moi-même pensons qu'il convient de réorganiser notre travail, notre méthode, notre procédure. La loi organique en est l'occasion. Nous proposons de réserver de telles mesures catégorielles, non plus aux lois ordinaires, mais aux lois de finances - comme devrait d'ailleurs l'être l'essentiel des dispositions d'ordre fiscal. Cette idée est défendue depuis longtemps par le Conseil national des impôts. J'en veux pour preuve son rapport de 2003 sur la fiscalité dérogatoire, dont la proposition numéro 4 s'intitule : « réserver aux lois de finances l'exclusivité de la création des dépenses fiscales ». Bref, si notre amendement était adopté, cela permettrait d'avoir des débats beaucoup plus sereins, à l'occasion de textes généraux - les lois de finances - et non de textes spécifiques. Anticipant une objection, je souligne qu'il ne s'agit absolument pas de réduire d'une quelconque manière le pouvoir d'amendement des parlementaires : la disposition proposée contraindra autant le Gouvernement que le Parlement. En outre, plusieurs lois de finances sont présentées dans l'année : on ne sera donc nullement condamné à attendre la loi de finances initiale. La loi organique constitue, je le répète, un moment privilégié pour revoir nos méthodes. Il me paraît donc important de débattre de cette question. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Gilles Carrez, rapporteur. Un tel amendement, la commission en rêve depuis des années, de même qu'en ont rêvé tous les rapporteurs généraux du budget. Didier Migaud m'approuve sûrement. Ce serait en effet beaucoup plus simple pour nous, y compris pour le ministre, si toutes les dispositions fiscales d'exonération ou d'abattement, toutes les niches relevaient de la loi de finances. Un exemple : il y a trois semaines, nous avons, raisonnablement, souhaité renvoyer à la négociation une éventuelle augmentation de la réduction d'impôt au titre des dons aux associations telles que les Restaurants du cœur. Un amendement proposait en effet de porter cette réduction de 66 % à 75 %, mais il nous a paru judicieux, dans le cadre de la loi de finances, d'organiser une discussion avant de prendre une telle décision. Or, huit jours plus tard, nous avons découvert que le même amendement était passé dans un texte en cours de discussion au Sénat et n'ayant rien à voir avec la loi de finances. M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale. M. Borloo a repeint la niche ! (Sourires.) M. Gilles Carrez, rapporteur. Votre préoccupation, monsieur Le Fur, est donc parfaitement fondée. Il faudra sans doute, un jour, réserver les différentes dérogations fiscales aux lois de finances. M. Marc Le Fur. Pourquoi attendre demain pour bien faire ? M. Gilles Carrez, rapporteur. J'ajoute que, par suite de la restriction de la dépense en termes de crédits budgétaires qui résulte de la règle de la stabilité des dépenses, on peut prévoir que l'imagination des ministres et des parlementaires va se déplacer de la colonne des dépenses vers celle des recettes et se fixer sur les systèmes de crédit d'impôt, d'exonérations, etc. Donc, vous avez raison... sauf que votre proposition est inconstitutionnelle. En 1984, en effet, le Conseil constitutionnel a été saisi de ce problème à l'occasion d'une loi de ratification des ordonnances prises, conformément à l'article 38 de la Constitution, en application de la loi du 22 avril 1983. Les ordonnances déférées au Conseil incluaient une disposition fiscale dont les requérants faisaient valoir qu'elle ne pouvait être prise qu'en loi de finances. Or le Conseil a jugé que non, et qu'elle pouvait l'être dans une autre loi. Pourquoi ? Parce que les lois de finances sont nécessairement d'initiative gouvernementale. Réserver les dispositions de ce type à des lois de finances, qui sont d'initiative exclusivement gouvernementale, reviendrait à limiter le droit d'initiative des parlementaires, qui ne pourraient plus l'exercer que dans le cadre d'un texte proposé par le Gouvernement. Or le Conseil constitutionnel a jugé qu'on ne pouvait pas limiter ainsi l'initiative parlementaire. Sur le fond, la disposition de M. Le Fur me paraît excellente, mais je vous rappelle que nous sommes dans le cadre d'une loi organique. M. Jean-Louis Idiart. Eh oui ! M. Marc Le Fur. Justement ! M. Gilles Carrez, rapporteur. Cette loi va nécessairement être soumise au Conseil constitutionnel. Est-il besoin de lui présenter des dispositions qu'il a déjà jugées, il y a certes vingt ans, mais de manière très claire ? M. Jean-Louis Idiart. Non, bien sûr ! C'est parfaitement inutile. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. La démonstration du rapporteur est parfaite, et le Gouvernement y souscrit totalement. Par ailleurs, monsieur Le Fur, je voudrais invoquer un argument plus politique, fondée sur un exemple récent. À l'orée de l'été, le ministre de l'économie et moi-même avons présenté au Parlement un projet de loi très important sur le soutien à la consommation et à l'investissement, qui contenait des dispositions de nature fiscale - et je vais vous expliquer pourquoi. Nous sortions d'une période pendant laquelle la croissance avait ralenti et nous observions que celle-ci redémarrait, comme en attestaient les chiffres du premier trimestre, ceux du deuxième n'étant pas encore en notre possession. Pour appuyer cette croissance, nous avions besoin de prendre dans un texte des dispositions de nature fiscale utiles à la politique économique que doit mener un Gouvernement. Cet argument de nature conjoncturelle, joint à celui qu'a développé M. le rapporteur, vous expliquera pourquoi je me prononcerai, à regret, contre cet amendement. M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur. M. Marc Le Fur. Monsieur le secrétaire d'État, si le Gouvernement estime que, pour des raisons d'opportunité et de calendrier, il convient de faire voter de nouvelles dispositions fiscales, libre à lui d'élaborer un collectif. Non seulement c'est de l'ordre du possible, mais c'est même extrêmement banal. M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Vous nous proposez d'amorcer un mouvement perpétuel ! M. Marc Le Fur. Le tout - du moins dans la logique de l'amendement - est d'éviter que des dispositions de ce type ne figurent dans des lois spécifiques, purement catégorielles, alors que la loi de finances, qui relève d'une procédure particulière, semble le cadre le plus approprié pour régler des problèmes d'intérêt général. Quant au caractère constitutionnel ou anticonstitutionnel de cet amendement, je ne remets nullement en cause la démonstration du rapporteur, mais puisque nous sommes dans le cadre d'une loi organique et que ce texte sera nécessairement soumis à la censure du conseil constitutionnel, n'est-ce pas précisément l'occasion idéale de lui poser explicitement la question ? La jurisprudence est ancienne. Ce ne serait pas la première fois que la position du Conseil constitutionnel évoluerait sur un point. Nous pouvons saisir cette occasion pour lui proposer une nouvelle méthode qui a sa logique et qui ne réduit nullement - j'y insiste - le droit d'amendement du Parlement, puisque la contrainte de méthode s'appliquerait aussi au Gouvernement. Sollicitons donc une réponse de la part du Conseil constitutionnel à l'occasion de cette loi organique. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 5. La parole est à M. le président de la commission spéciale, pour le soutenir. M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale. Il s'agit d'un simple amendement de précision, proposant une date effective pour le délai de réponse aux questionnaires budgétaires. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Très favorable. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5. (L'amendement est adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 19. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le soutenir. M. Hervé Mariton. Cet amendement devrait s'imposer de lui-même. Les questionnaires budgétaires n'engagent pas le Gouvernement du point de vue juridique et ne sont pas des éléments de la loi de finances. Ils sont simplement destinés à renseigner le Parlement, notamment à permettre le bon déroulement du travail des rapporteurs spéciaux. Aujourd'hui, les questionnaires budgétaires sont renvoyés selon un calendrier qui méritait d'être précisé, ce à quoi tend l'amendement n° 5 que nous venons d'adopter. Mais, alors même qu'ils arrivent le plus souvent dans des délais raisonnables et répondent précisément sur l'historique et la chronique de l'exécution budgétaire, ils sont très lacunaires sur la prise en compte des perspectives du budget de l'année. Certes, au moment où les réponses sont préparées, l'exercice budgétaire n'est pas nécessairement bouclé, du moins pour ce qui est des recettes - le secrétaire d'État vient d'y faire allusion, en suggérant que le calendrier pourrait être amélioré sur ce point -, mais il est très avancé en ce qui concerne les dépenses. Or les rapporteurs reçoivent actuellement des réponses aux questionnaires budgétaires pour 2005 où, pour l'essentiel, on leur parle des budgets de 2003 et de 2004. Je précise qu'il en est ainsi depuis longtemps. Cet état de fait ne tient pas à une quelconque faute du Gouvernement actuel, mais à l'inertie des choses. C'est pourquoi cet amendement propose d'établir que les réponses aux questionnaires budgétaires tiennent compte des dispositions du projet de loi de finances de l'année qui s'annonce. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Gilles Carrez, rapporteur. La commission a reconnu la légitimité de la préoccupation de notre collègue Hervé Mariton. Néanmoins, elle a rejeté l'amendement, dans la mesure où il est bien difficile - le secrétaire d'État y reviendra - de prendre en compte les dispositions de la loi de finances à venir. Par ailleurs, il nous a semblé que cette précaution supplémentaire n'avait pas sa place dans un texte aussi important qu'une loi organique. Pour ces deux raisons, la commission a rejeté cet amendement. M. Hervé Mariton. Non, elle ne l'a pas rejeté. M. Gilles Carrez, rapporteur. Elle a repris l'amendement n° 5, mais pas celui-ci. M. Hervé Mariton. Elle ne l'a pas repris, mais elle ne l'a pas non plus rejeté. (Sourires.) M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement en discussion ? M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement, même si la préoccupation de son auteur lui paraît légitime. Aussi vous demanderai-je, monsieur Mariton, d'avoir l'extrême courtoisie de le retirer. Le Gouvernement prend naturellement un engagement de bonne pratique : il donnera toutes les instructions nécessaires et veillera à ce que l'objet de votre amendement soit satisfait. M. le président. Aurez-vous cette extrême courtoisie, monsieur Mariton ? M. Hervé Mariton. J'aurai cette simple courtoisie, monsieur le président. M. le président. Un climat d'extrême courtoisie qui règne dans cet hémicycle ! (Sourires.) M. Jean-Louis Idiart. En effet, nous touchons à l'extrême. (Sourires.) M. Hervé Mariton. Je remercie le Gouvernement de la bonne pratique à laquelle il s'engage et je fais respectueusement remarquer au rapporteur que, compte tenu du caractère tardif du dépôt de cet amendement, la commission en avait eu connaissance, mais n'en avait pas délibéré à proprement parler. M. Gilles Carrez, rapporteur. C'est exact ! M. le président. L'amendement n° 19 est retiré. Je suis saisi d'un amendement n° 17. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le soutenir. M. Pierre-Christophe Baguet. Afin de pouvoir rendre automatique la présentation d'une loi de finances rectificative pour corriger les moins-values fiscales significatives, cet amendement propose de demander au Gouvernement de présenter en annexe de la loi de finances initiale une prévision mensuelle de recouvrement des recettes. L'objectif est d'obtenir un « tableau de bord » des rentrées afin de pouvoir réagir le plus vite possible. Cet amendement est inspiré par un souci de plus grande réactivité. Il serait bon, en effet, que l'on puisse disposer d'éléments d'information tout au long de l'année. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Gilles Carrez, rapporteur. Défavorable, dans la mesure où cet amendement est lié au précédent, qui a été rejeté par la commission spéciale. M. Pierre-Christophe Baguet. Le refus est cohérent. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. L'amendement n° 8, de M. Michel Bouvard tombe. Je suis saisi d'un amendement n° 18, qui fait l'objet de deux sous-amendements nos 22 et 24. La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement n° 18. M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Avec votre autorisation, monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement n° 18 et l'amendement n° 23, qui se rapportent respectivement à l'article 51 et à l'article 54 de la LOLF. J'en reviens au débat que j'ai eu tout à l'heure avec M. le président de la commission spéciale et je profite de l'occasion pour lui dire que sa préoccupation relative au suivi des emplois dans les organismes publics a été entendue. L'amendement n° 18 tend en effet à renforcer l'information du Parlement en matière de projets et de rapports annuels de performances. Ses dispositions permettront d'amorcer de manière pragmatique, avec quelques mois d'avance, la mise en œuvre des nouvelles dispositions concernant la procédure de la LOLF. Je précise que les emplois rémunérés par l'État, que ce soit dans une administration, dans un établissement public ou, comme vous l'avez indiqué, monsieur le président de la commission spéciale, dans une association, sont, bien entendu, soumis à un plafond fixé par le Parlement. Celui-ci autorisera donc bien l'ensemble des emplois rémunérés par l'État et il ne saurait y avoir, de cette manière, de débudgétisation des emplois. M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre le sous-amendement n° 22 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 18. M. Gilles Carrez, rapporteur. Je suis en accord total avec les deux amendements nos 18 et 23 du Gouvernement, sous réserve que les mots « le nombre », trop restrictifs, soient remplacés par les mots « une présentation indicative » à l'article 51, portant sur les lois de finances à venir, et par les mots « la présentation » à l'article 54, qui concerne les lois de règlement. Tel est l'objet des sous-amendements nos 22, déposé sur l'amendement n° 18, et 25, déposé sur l'amendement n° 23. M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir le sous-amendement n° 24. M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale. Le sous-amendement n° 24 vise simplement à ajouter aux dispositions qui viennent d'être présentées par le secrétaire d'État et par le rapporteur la justification des variations par rapport à la situation existante. Cette disposition était d'ailleurs prévue dans l'amendement n° 8, en lien avec celui que j'ai été amené à retirer, qui visait établir un suivi précis justifiant l'évolution des emplois chez les opérateurs en question. M. Jean-Louis Idiart. La confiance règne ! M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale. Cette disposition va donc dans le sens d'une plus grande transparence vis-à-vis du Parlement, même si elle va exiger davantage de travail. M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton. M. Hervé Mariton. L'amendement n° 18 du Gouvernement et les deux sous-amendements nos 22 et 24 sont excellents. Ceux-ci se comprennent en partie à la lumière de leur exposé sommaire, qui a d'ailleurs été rédigé dans ce but. M. Gilles Carrez, rapporteur. Merci de le rappeler ! (Sourires.) M. Hervé Mariton. La notion de « présentation indicative » n'est pas moins complète, mais plus riche et plus précise que la mention du seul « nombre ». Il ne s'agit pas d'obtenir toute une littérature sur les emplois de ces établissements, mais de connaître un peu plus que leur nombre. M. Gilles Carrez, rapporteur. Exactement ! M. Hervé Mariton. Par ailleurs, ainsi que je l'ai indiqué à propos de la SNCF lorsque nous avons examiné le projet de budget de l'équipement, les établissements publics ont parfois tendance à définir eux-mêmes leurs missions de service public, et cela doit changer. À cet égard, l'amendement du Gouvernement a le mérite d'être complet, puisqu'il dispose que les organismes bénéficiaires d'une subvention auront à informer le Parlement du nombre total de leurs emplois et non pas seulement des emplois justifiés par leurs charges de service public. Ce point est important, car une vision plus restrictive de cette obligation - en l'occurrence limitée aux seuls emplois justifiés par les charges de service public - aurait abouti à une information beaucoup trop partielle du Parlement. Je remercie donc le Gouvernement pour son appréhension globale des choses, laquelle doit être bien comprise par tous. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les sous-amendements nos 22 et 24 ? M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Favorable. M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 22. (Le sous-amendement est adopté.) M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 24. (Le sous-amendement est adopté.) M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18, modifié par les sous-amendements adoptés. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 23 du Gouvernement, qui a déjà été défendu. Sur cet amendement, je suis saisi d'un sous-amendement n° 25. La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir. M. Gilles Carrez, rapporteur. Ce sous-amendement a pour objet de substituer, dans le dernier alinéa de l'amendement n° 23, les mots : « La présentation » aux mots : « Le nombre ». M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 25 ? M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Favorable. M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 25. (Le sous-amendement est adopté.) M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23, modifié par le sous-amendement n° 25. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.) M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 9, 10, 13 et 1, pouvant être soumis à une discussion commune. La parole est à M. Didier Migaud, pour soutenir les amendements nos 9, 10 et 13. M. Didier Migaud. J'ai eu l'occasion de présenter ces amendements lors de la discussion générale. Nous considérons que la situation actuelle, dans laquelle l'opposition se trouve privée de tout pouvoir de contrôle et d'investigation, n'est pas acceptable. Il est en effet important, dans une démocratie, que l'opposition puisse disposer d'un pouvoir de ce type. Tout à l'heure, l'un de nos collègues - peut-être était-ce Michel Bouvard - a évoqué l'équilibre nécessaire entre l'exécutif et le législatif, le Gouvernement et le Parlement. Or cet équilibre est tout aussi nécessaire entre majorité et opposition en matière de contrôle parlementaire. Au cours de la dernière législature, nous avons fait progresser, ensemble, ce contrôle de manière considérable et, je le répète, je suis fier que nous en ayons été à l'origine. Mais nous sommes la seule démocratie au monde à avoir un débat de ce type sur les droits de l'opposition. En effet, nos collègues britanniques, allemands ou scandinaves sont étonnés d'apprendre qu'en France, celle-ci ne peut pas demander les éléments qui lui permettraient de suivre et de contrôler l'exécution du budget et qu'elle dépend, pour cela, du bon vouloir du Gouvernement, du rapporteur général ou du président de la commission des finances. Ces amendements sont dans l'esprit de la LOLF. Aussi, je voudrais dire à Louis Giscard d'Estaing que j'ai été quelque peu surpris de la discussion que nous eue en commission des finances. Comme je l'ai dit à certains de nos collègues, si nous avions raisonné ainsi sous la législature précédente, la nouvelle loi organique n'aurait jamais été votée par les parlementaires de la majorité et de l'opposition. Or il va de soi que, s'agissant des pouvoirs du Parlement, majorité et opposition doivent être d'accord. Cela dit, je conviens que la formule que nous proposons peut être sujette à caution, car la Constitution ne prévoit pas de statut de l'opposition, ce qui pose des difficultés juridiques auxquelles j'ai été moi-même confronté lorsque, en tant que rapporteur général de la commission des finances, j'ai cherché des solutions qui permettent à l'opposition d'être représentée dans un certain nombre d'organismes de contrôle. Nous sommes donc ouverts à d'autres formulations, mais nous souhaitons - j'y insiste - faire progresser le contrôle parlementaire et améliorer le fonctionnement de nos institutions représentatives. M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 9, 10 et 13 ? M. Gilles Carrez, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements, non que nous y soyons opposés sur le principe, mais parce que nous avons le souci de parvenir à la meilleure rédaction possible. La LOLF a été un grand moment de consensus politique, et ses auteurs peuvent en être fiers. Il nous revient de la mettre en application et nous y passons beaucoup de temps dans le cadre de la mission spéciale qu'anime Michel Bouvard et dont font partie Charles de Courson, Jean-Pierre Brard et Didier Migaud, car nous souhaitons lui donner toutes les chances d'être appliquée de la façon la plus harmonieuse et la plus efficace possible. La loi organique renforce en particulier la mission du Parlement en matière de contrôle de l'exécution des lois et d'évaluation des politiques publiques, mission qui, comme dans tous les parlements étrangers, devient de plus en plus fondamentale. Les amendements que nous examinons visent tous à améliorer le contrôle de l'exécution des lois de finances. M. Migaud souhaite que l'opposition puisse participer à ce contrôle, et nous souscrivons au souci qu'il exprime. Toutefois, nous nous heurtons à une difficulté : le statut juridique de l'opposition n'est défini ni dans la Constitution, ni dans les lois organiques, ni dans un texte législatif. La rédaction qui a été adoptée par la commission n'est peut-être pas satisfaisante, mais nous y avons travaillé d'arrache-pied depuis ce matin et elle a été quelque peu améliorée. Quoi qu'il en soit, elle apporte une réponse constructive aux amendements rejetés par la commission et, si vous le permettez, monsieur le président, je laisserai le soin à M. le président de la commission spéciale de la présenter. M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale, pour soutenir l'amendement n° 1. M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale. Ainsi que l'a dit M. Carrez, nous souhaitons poursuivre la mise en œuvre de la LOLF dans un esprit de consensus et de transparence. J'ai indiqué tout à l'heure, monsieur Migaud, que le renforcement du contrôle parlementaire était d'autant plus indispensable dans un régime qui s'est présidentialisé, notamment depuis l'entrée en vigueur du quinquennat, et qu'il passait évidemment par une extension des capacités de contrôle de l'opposition. Toutefois, nous nous heurtons à l'absence de statut juridique de l'opposition. Or, nous examinons un projet de loi organique, qui sera automatiquement soumis au Conseil constitutionnel. Sa rédaction doit donc être conforme à la Constitution et ne peut pas faire référence à des choses qui n'existent pas. La commission spéciale a donc adopté l'amendement n° 1, qui dispose que, pour un objet et une durée déterminés, la mission de contrôle de l'exécution des lois de finances et d'évaluation de toute question relative aux finances publiques peut être confiée à tout membre d'une des commissions de l'Assemblée nationale ou du Sénat désigné par elle à cet effet. Il va de soi que l'on pense d'abord à un membre de l'opposition, puisque celle-ci dispose d'un champ de contrôle actuellement couvert par les rapporteurs spéciaux désignés en son sein. À cet égard, il n'est pas inutile de préciser que, actuellement, les rapports spéciaux sont répartis, grosso modo, selon la proportion d'un quart pour l'opposition et de trois quarts pour la majorité. Il est évident que les rapports les plus importants ne sont pas forcément attribués à des députés de l'opposition, bien que cela soit parfois le cas, comme le rapport sur la santé récemment confié à notre collègue Gérard Bapt. La plupart du temps, les rapports de moindre importance - sur les monnaies et médailles ou sur la légion d'honneur, par exemple - sont le lot des députés de l'opposition. Je parle en connaissance de cause, m'étant vu confier le plus petit rapport ministériel, celui du tourisme, sous la précédente législature. M. Jacques Brunhes. Une tâche dont vous vous êtes acquitté avec talent ! (Sourires.) M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale. Quoi qu'il en soit, la tentation de ne pas confier les rapports importants à l'opposition est bien réelle. Il est certain que la mise en œuvre de la LOLF devrait avoir pour effet de générer un nombre moins élevé de rapports de portée limitée, ce qui fait que l'opposition se verra automatiquement réserver un rôle plus significatif en volume de crédits et d'emplois. La LOLF induit donc déjà une amélioration de façon mécanique. Avec l'amendement n° 1, on ouvre la possibilité à l'opposition de suivre et contrôler des questions ayant trait à l'exécution de la loi de finances, sur lesquelles elle s'estimerait insuffisamment éclairée. Nous avons conscience des imperfections de cet amendement, notamment au regard de la Constitution, du fait de l'absence de statut de l'opposition. Certaines améliorations pourraient remédier à ses faiblesses, et sans doute Didier Migaud a-t-il des propositions à formuler en ce sens, afin de nous permettre de renouer avec le consensus qui a présidé à l'élaboration de la LOLF. M. le président. La parole est à M. Didier Migaud. M. Didier Migaud. Je suis sensible aux propos du président Michel Bouvard et du rapporteur Gilles Carrez. Ne donnons pas à la loi organique une signification qu'elle n'a pas : elle est en fait un outil permettant de mener toutes les politiques possibles, y compris de gauche - je le précise à l'intention de nos collègues du groupe communiste -, du moment que nous en avons la volonté. Rien ne me choque dans les propositions qui y ont été formulées, notamment par Michel Bouvard, dès lors que le Parlement a le dernier mot et surtout la capacité à décider en toute connaissance de cause. Pendant trop longtemps, le Parlement a voté des lois de finances en étant insuffisamment informé. Heureusement, nous avons fait des progrès en ce domaine. Je propose donc, au nom de mes collègues du groupe socialiste, de sous-amender l'amendement n° 1, dont la deuxième phrase se lirait ainsi : « et chaque année, pour un objet et une durée déterminés, à un ou plusieurs membres d'une de ces commissions obligatoirement désignés par elle à cet effet ». Je suggère, en fait, que soient désignés chaque année un ou plusieurs membres de la commission des finances qui pourront, lorsqu'ils le souhaiteront, exercer leur pouvoir de contrôle sur un objet et une durée déterminés - en attendant mieux, nous nous contenterons de cette formule - sans que le président et le rapporteur général de la commission des finances puissent s'opposer à leur demande. L'amendement n° 1 n'était pas satisfaisant dans la mesure où la demande formulée par les membres de l'opposition d'exercer leur pouvoir de contrôle dépendait entièrement du bon vouloir du président et du rapporteur général de la commission des finances. Le terme « obligatoirement » permet de remédier à cette imperfection. Dès lors, nous disposons d'un amendement constituant un grand progrès pour les droits de l'opposition. Il nous faudra néanmoins aller encore au-delà, j'en suis convaincu... M. Franck Gilard. Cela s'appelle l'alternance ! M. Didier Migaud. Nous avons pris des engagements en la matière, que nous tiendrons lors de la prochaine législature si, comme je l'espère, nous sommes majoritaires. Nous vous montrerons, comme nous avons déjà eu l'occasion de le faire, que nous sommes capables d'œuvrer dans l'intérêt du Parlement et de tous les parlementaires. Il nous faudra donc aller plus loin et faire en sorte, à l'instar de ce qui se pratique dans d'autres démocraties, de confier des responsabilités particulières - éventuellement la présidence d'une commission de contrôle - à l'opposition. Le fonctionnement de la démocratie a tout à y gagner. Sous réserve du sous-amendement que je viens de présenter, nous serions tout à fait disposés à voter l'amendement n° 1 de nos collègues Gilles Carrez, Michel Bouvard et Pierre Méhaignerie qui, après l'adoption de ce sous-amendement, se lirait ainsi : « La deuxième phrase du premier alinéa de l'article 57 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances est complétée par les mots : « et chaque année, pour un objet et une durée déterminés, à un ou plusieurs membres d'une de ces commissions obligatoirement désignés par elle à cet effet ». J'attends toutefois que M. le président de la commission spéciale ou M. le rapporteur, ainsi que M. le secrétaire d'État veuillent bien me confirmer qu'ils accordent à ces mots le même sens que moi. M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet. M. Pierre-Christophe Baguet. J'ai eu quelques craintes en prenant connaissance des amendements nos 9 et 10, qui fleuraient franchement les « petits arrangements entre amis ». Heureusement, les suivants - les amendements nos 13 et 1 - se sont révélés plus respectueux de la démocratie. Personne n'est à l'abri de passer, du jour au lendemain, du premier ou deuxième groupe politique de cet hémicycle au troisième, voire au quatrième. On ne peut donc que se féliciter de cette avancée significative vers plus de démocratie, accomplie dans le climat serein qui règne sur ce débat. Le président de la commission spéciale a évoqué les problèmes de constitutionnalité, mais sans doute le Conseil constitutionnel serait-il sensible au fait que nous puissions parvenir à un consensus politique. L'amendement présenté par Gilles Carrez, Michel Bouvard et Pierre Méhaignerie, sous-amendé par notre collègue Didier Migaud, me semble constituer un important progrès en termes de partage du pouvoir et d'ouverture vers l'opposition, mais aussi vers l'ensemble des groupes de cet hémicycle, et c'est très volontiers que j'y souscris. M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes. M. Jacques Brunhes. Si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais témoigner du fait que M. Bouvard a été un excellent rapporteur du budget du tourisme. M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale. Le ministre était très compétent lui aussi ! (Sourires.) M. Jacques Brunhes. Cet amendement constitue un progrès important du contrôle démocratique qui doit s'exercer sur l'exécution budgétaire. J'ai toutefois quelques remarques à formuler. Premièrement, l'opposition n'est pas toujours traitée de la même manière. Ainsi, la commission des finances est la seule à avoir un vice-président communiste... M. Michel Bouvard. La commission des finances est un modèle de démocratie ! M. Jacques Brunhes, président de la commission spéciale. ...et la seule à confier des rapports - spéciaux en l'occurrence - à certains députés de notre groupe. Le seul autre exemple que je connaisse est celui de la commission des affaires étrangères. Le régime politique de la France n'est pas celui du bipartisme ; l'opposition y est plurielle et il en sera sûrement longtemps ainsi. C'est pourquoi, comme M. Baguet, j'ai été un peu choqué par les amendements nos 9 et 10. La rédaction qui a été trouvée pour l'amendement n° 1 marque un progrès, mais il nous faudra aller plus loin dans notre réflexion, comme l'a souligné M. Migaud. Parmi les réformes constitutionnelles qui lui paraissent nécessaires, le président de notre Assemblée a évoqué la modification de la composition de certaines commissions, suggérant notamment que la présidence de la commission des finances devrait être attribuée à un membre de l'opposition. M. Hervé Mariton. Un propos de buvette ! M. Jacques Brunhes. Il y a, dans la déclaration de M. Jean-Louis Debré, matière à réflexion, et pas seulement pour notre législature. Si nous voulons donner au Parlement la place qui devrait être la sienne, c'est-à-dire la première, comme le disait le doyen Vedel, il nous faudra mener une réflexion plus large sur le pouvoir législatif et le contrôle parlementaire, en particulier sur le rôle qui doit être confié à l'opposition en cette matière. Nous ne pouvons nous satisfaire du flou et de l'absence de garanties qui entourent actuellement cette notion. M. le président. Si vous en êtes d'accord, mes chers collègues, il me semble préférable de rectifier l'amendement n° 1 en reprenant la rédaction proposée par M. Migaud plutôt que de le sous-amender. M. Didier Migaud. Personnellement, je n'y vois pas d'inconvénient. M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale. La commission spéciale non plus, monsieur le président. M. le président. Dans ce cas, quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1 rectifié ? M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Avis très favorable. La discussion peut paraître très technique à celles et à ceux qui la suivent mais, rappelons-le, cette loi organique est fondamentale. Il s'agit de redonner la totalité du pouvoir au Parlement pour le vote des textes financiers et pour leur exécution. Nos concitoyens doivent savoir, à un euro près, quel est le montant de la dépense publique. Je remercie la majorité, le président de la commission spéciale et l'opposition pour le climat dans lequel s'est déroulé le débat. Il aurait été dommage de ne pas renouer aujourd'hui avec le consensus qui était apparu dans les années passées. Je remercie donc chacun ici pour les efforts qui ont été accomplis et qui ont permis d'aboutir à ce texte. C'est un moment important pour la démocratie parlementaire. M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur Migaud, nous avons souffert sans doute plus longtemps que vous du manque de pouvoir de l'opposition. M. Didier Migaud. C'est injuste par rapport à ce que j'ai fait en tant que rapporteur général, monsieur le président ! M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Mais vous savez bien, tout comme les représentants du groupe communiste et du groupe UDF, que notre nature profonde, au rapporteur général et à moi-même, c'est d'être conciliant et de rechercher les synthèses avec le fair-play britannique qui nous caractérise. (Sourires.) Je vous assure donc que nous appliquerons ce texte à la lettre et dans l'esprit du débat qui vient de se dérouler. M. Didier Migaud. Très bien ! M. le président. Monsieur Migaud, puis-je en déduire que les amendements nos 9, 10 et 13 sont retirés ? M. Didier Migaud. Oui, monsieur le président. M. le président. Les amendements nos 9, 10 et 13 sont retirés. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié. (L'amendement est adopté.) M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) La parole est à M. le secrétaire d'État. M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, je demande une suspension de séance de quelques minutes. M. le président. La séance est suspendue. Suspension et reprise de la séance M. le président. La séance est suspendue. (La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.) M. le président. La séance est reprise. Je suis saisi d'un amendement n° 6 rectifié. La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir. M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale. Avant de présenter cet amendement, je voudrais saluer les avancées auxquelles nous venons de parvenir. En ce qui concerne les plafonds d'autorisation d'emplois, même si le Gouvernement ne va pas aussi loin que nous l'aurions souhaité, ce texte apporte des précisions intéressantes. Si le Gouvernement ne souhaite pas descendre jusqu'aux programmes, ces plafonds s'entendent au moins pour chacun des principaux ministères. Quant à l'amendement que nous avons adopté avant la suspension de séance, il représente un réel progrès, notamment dans le domaine des droits de l'opposition. L'amendement n° 6 rectifié reprend des propositions de loi constitutionnelles, signées par de très nombreux parlementaires, visant à ce que le rapport annuel de la Cour des comptes et ses rapports particuliers fassent l'objet de débats. Ayant évoqué cet amendement dans mon intervention, je serai très bref. Nous l'avons rectifié pour qu'il soit parfaitement en règle sur le plan constitutionnel. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement y est très favorable. M. Didier Migaud. Nous sommes également favorables à cet amendement ! M. Jacques Brunhes. Nous l'approuvons aussi ! M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié. (L'amendement est adopté.) M. le président. Je constate que le vote a été acquis à l'unanimité. M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jacques Brunhes, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains. M. Jacques Brunhes. Il y a trois ans, nous avions émis des réserves sur la LOLF, car nous étions hostiles à un certain nombre de ses dispositions. Nous avions toutefois salué les indéniables avancées qu'elle représentait concernant la lisibilité et la sincérité des documents budgétaires, la simplification des procédures et les pouvoirs budgétaires du Parlement. J'ai annoncé tout à l'heure à la tribune que notre groupe voterait contre ce projet de loi organique. Mais le débat s'est avéré utile et des avancées significatives sont apparues. Pour cette raison, dans le même état d'esprit qu'il y a trois ans, nous ne voterons pas contre ce texte, mais nous nous abstiendrons, en dépit de nos réserves. M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour le groupe socialiste. M. Didier Migaud. En ce qui nous concerne, nous avons exprimé dans la discussion générale un certain nombre de réserves sur un texte dont nous pensions qu'il avait une portée négligeable et qu'il était assez peu opératoire. Compte tenu de cet état de fait, nous avions jugé qu'il n'était pas utile de voter contre, et c'est la raison pour laquelle nous avions annoncé que nous nous abstiendrions. Mais le vote de l' amendement renforçant les pouvoirs de contrôle et d'investigation du Parlement donne un réel contenu à ce projet de loi, qui n'en avait pas auparavant - ce qui justifiait notre abstention. Le groupe socialiste votera donc pour ce texte, nouvelle étape dans l'affirmation des droits des parlementaires dans le cadre du contrôle de l'exécution du budget. Il faudra certainement aller plus loin, mais en passant vraisemblablement par une révision constitutionnelle, pour renforcer encore les pouvoirs du Parlement et, en son sein, ceux de l'opposition. Aujourd'hui nous avons franchi une étape constructive, et nous nous en réjouissons. Je vous le confirme donc, nous voterons pour ce texte. M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le groupe UDF. M. Pierre-Christophe Baguet. Ce texte ne répond pas, malheureusement, au problème de fond du désendettement, pas plus qu'à celui du déficit de fonctionnement que j'ai évoqué tout à l'heure. Il ne prend pas non plus en compte les moins-values, ni la nécessaire réactivité. Le groupe UDF avait déposé plusieurs amendements en ce sens, mais aucun d'entre eux n'a été retenu. Nous sommes en revanche très sensibles à l'avancée démocratique significative qui a été réalisée en matière de contrôle du Parlement. Tout à l'heure, à la tribune, j'ai parlé d'une abstention positive, en attendant la prise en compte de nos amendements. Entre les deux, mon cœur balance...Mes chers collègues, je choisis de parier sur l'avenir. Me réjouissant de l'avancée démocratique, je vous indique que le groupe UDF votera ce texte. M. Philippe Auberger. Très bien ! M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l'UMP. M. Hervé Mariton. Ni la loi organique sur les lois de finances, ni le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui ne permettront de déterminer à l'avance la qualité de nos politiques budgétaires, mais le texte que nous venons d'examiner oblige le Gouvernement et le Parlement à plus de transparence, d'anticipation et de cohérence. C'est donc très logiquement que le groupe UMP votera ce texte. M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique. M. Jacques Brunhes. Le groupe des député-e-s communistes et républicains s'abstient ! (L'ensemble du projet de loi organique est adopté.) M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale. M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale. Monsieur le président, je voudrais remercier mes collègues, notamment ceux de la commission spéciale et ceux qui suivent l'avancée de la LOLF depuis de nombreuses années. Il était important que le vote de ce texte s'inscrive dans la continuité du vote de la loi organique elle-même, afin de casser la logique qui a trop longtemps été celle de l'Assemblée : l'impossibilité d'agir, faute de pouvoirs, lorsque l'on est dans l'opposition, et le souci de ne pas déranger le gouvernement lorsque l'on est dans la majorité. Aujourd'hui, nous avons progressé ensemble, et je suis heureux que ce vote ait été acquis dans de telles conditions. Je remercie également le Gouvernement d'avoir répondu à l'attente de la commission spéciale. M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances. M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Monsieur le président, nous allons en revenir au projet de loi de finances pour 2005. Je souhaite une suspension de séance de quelques minutes, pour laisser à M.Balladur, qui doit présenter les premiers amendements, le temps de nous rejoindre. Suspension et reprise de la séance M. le président. La séance est suspendue. (La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures.) M. le président. La séance est reprise.
DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863). ARTICLES NON RATTACHÉS M. le président. Nous abordons l'examen des articles et amendements portant articles additionnels qui n'ont pas été rattachés à des crédits. Je vais maintenant appeler les articles 63 à 70 du projet de loi, ainsi que les amendements portant articles additionnels qui n'ont pas été rattachés à des crédits. À la demande de la commission des finances, nous examinerons l'article 67, relatif au crédit d'impôt en faveur de la première accession à la propriété, à partir de vingt-deux heures trente. Les dispositions précédant cet article qui n'auraient pas encore été examinées seront donc réservées. M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels avant l'article 63 La parole est à M. Édouard Balladur, pour soutenir l'amendement n°198, deuxième rectification. M. Édouard Balladur. Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos 196 et 197. M. le président. je suis en effet saisi des amendements nos 196 et 197. Veuillez poursuivre, monsieur Balladur. M. Édouard Balladur. Monsieur le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, monsieur le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire, ces trois amendements, qui constituent un ensemble, sont issus de la proposition de loi que j'ai déposée le 21 juillet dernier et qui a été contresignée par MM. Alain Juppé, Pierre Méhaignerie, Gilles Carrez, Jean-Paul Anciaux, Gérard Cherpion et Jacques Godfrain, spécialistes de la participation, comme chacun sait. Contrairement aux apparences, l'objectif de cette proposition est exclusivement social, et je ne saurais trop insister sur ce point. Depuis 1959, une conception nouvelle de l'entreprise a été mise en œuvre, visant à mieux associer ceux qui travaillent dans l'entreprise à la possession de son capital. Tel était l'objectif de l'intéressement en 1959, puis de la participation en 1967, voulus par le général de Gaulle. Entre 1986 et 1988 a été votée une nouvelle loi sur la participation, qui s'est accompagnée du développement de l'actionnariat salarié. En 1994, une autre nouvelle loi sur la participation a été votée, sur le rapport de M. Godfrain. Ma conviction est qu'il faut maintenant aller plus loin. Si nous voulons que le capital des entreprises de notre pays soit détenu par ceux qui sont les premiers intéressés à la prospérité de ces entreprises et que la justice sociale prenne un sens qui soit compatible avec la liberté d'entreprendre, nous devons faire en sorte que les salariés puissent participer au capital de leur entreprise dans les meilleures conditions. L'amendement n° 198, deuxième rectification, a pour objet d'instituer un mécanisme de distribution d'actions gratuites aux mandataires sociaux et - c'est la nouveauté - aux salariés. Autorisées par l'assemblée générale des actionnaires, ces distributions pourront être réservées à telle ou telle catégorie de salariés, que les organes sociaux de l'entreprise détermineront, et être assorties de conditions légales : des conditions de performance des salariés pourront notamment être prévues. L'amendement présente ensuite un volet fiscal, indispensable à sa mise en œuvre, cela va de soi, dans la mesure où ce sont les règles fiscales qui dissuadent aujourd'hui très souvent les entreprises de recourir à des distributions gratuites d'actions. Il s'agit purement et simplement d'aligner le régime fiscal des distributions d'actions gratuites sur celui applicable aujourd'hui aux stock options, lesquelles, comme vous le savez, sont réservées en pratique à un petit nombre de dirigeants des entreprises. C'est précisément à cette exclusivité que nous voulons mettre fin, en faisant bénéficier l'ensemble des salariés de distributions d'actions. Autrement dit, l'imposition des bénéfices serait reportée au jour de la revente des actions : la plus-value d'acquisition serait imposée au taux de 30 %, et la plus-value de cession au taux de 16 %. Les cotisations sociales s'appliqueraient dans les conditions de droit commun. Toutefois, aucune cotisation ne serait due au titre des attributions faites de manière inconditionnelle et irrévocable. Les deux autres amendements viennent compléter le dispositif que je viens de décrire. L'amendement n° 197 vise à augmenter le montant du plafond de l'abondement que l'entreprise peut verser en cas de placement de sommes par un salarié dans un plan d'épargne d'entreprise investi en actions. L'amendement propose de doubler le montant de ce plafond. Mais à la réflexion, pour ne pas décourager le nécessaire effort d'épargne que les salariés devront consentir en faveur de leur retraite, je suis d'avis que ce taux soit ramené à 80 % de celui applicable au plan d'épargne de retraite collective. Je propose donc de rectifier en ce sens l'amendement n° 197. L'amendement n° 196, qui obéit à la même préoccupation, vise à créer une réduction d'impôt sur le revenu, dans la limite annuelle de 25 % de 1 000 euros, en faveur des sommes placées sur un plan d'épargne d'entreprise investi en actions. Cette réduction d'impôt serait du même montant que celle dont bénéficient les titulaires d'un plan d'épargne retraite populaire. Cependant, je conviens à la réflexion qu'il peut paraître excessif, alors qu'il existe déjà un avantage fiscal non négligeable à la sortie du dispositif, d'en ajouter un autre à l'entrée. Je suis donc tout à fait disposé, monsieur le président, à retirer cet amendement. Je vous demande en revanche, mes chers collègues, d'adopter les deux autres, qui permettront de moderniser et d'étendre notre système d'actionnariat salarié dans le sens d'une plus grande justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour donner l'avis de la commission sur ces trois amendements. M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le Premier ministre, la commission a adopté ces trois amendements, qui forment un tout cohérent, parce qu'elle attache une grande importance au développement de l'actionnariat salarié. Vous avez joué vous-même un rôle éminent en la matière, notamment au cours des vingt dernières années. Il convient en effet de rappeler que les privatisations de la période 1986-1988 ont été l'occasion de développer fortement l'actionnariat salarié dans les entreprises privatisées. Et en 1994 encore, vous avez fait voter, en tant que Premier ministre, un texte facilitant la représentation des salariés actionnaires dans les conseils d'administration. Je me souviens par ailleurs que vous aviez présenté en 2001 une proposition de loi, qui avait fait l'objet ici d'une discussion tout à fait ouverte. Nous n'avions pas pu malheureusement dépasser le stade de la discussion générale, nos collègues de la majorité d'alors ne nous ayant pas permis, à notre grand regret, d'aborder la discussion des articles. Vous avez donc dû attendre juillet dernier pour présenter une nouvelle proposition de loi visant à relancer l'actionnariat salarié en supprimant les entraves fiscales qui s'opposent aujourd'hui à son développement. L'amendement n° 198, deuxième rectification, qui institue un mécanisme de distribution d'actions gratuites, l'assortit d'un régime fiscal plus favorable. En effet, la plus-value d'acquisition, à savoir la valeur de l'action au moment où elle est distribuée, puisqu'elle est gratuite, ne serait taxée qu'au taux de 30 % au jour de sa revente ; la plus-value de cession, c'est-à-dire la différence entre la valeur de l'action au moment de sa distribution et son prix de cession, serait, elle, taxée au taux normal de 16 %. Un tel dispositif facilitera la distribution d'actions gratuites aux différentes catégories de salariés de l'entreprise. S'agissant des amendements nos 196 et 197, nous nous sommes effectivement inquiétés en commission des risques de concurrence avec les nouvelles formes d'épargne que nous cherchons à développer depuis un an, les plans d'épargne retraite populaire, les PERP, mais également, et peut-être surtout, les plans d'épargne pour la retraite collectifs, les PERCO. C'est pourquoi votre proposition de fixer à 80%, et non plus à 100% comme vous le proposiez initialement, le plafond de l'abondement que l'entreprise peut verser en cas de placement de sommes par un salarié dans un plan d'épargne entreprise investi en actions va tout à fait dans le sens de nos préoccupations. L'amendement n° 196 vise, quant à lui, à instituer un avantage fiscal à l'entrée du dispositif, en instituant une réduction d'impôt plafonnée à 25 % de 1 000 euros en faveur de l'investissement du salarié dans un plan d'épargne d'entreprise en actions. En acceptant de le retirer, je crois que vous levez - à mes yeux en tout cas, et j'espère que le Gouvernement partagera cet avis - tout risque de concurrence vis-à-vis des nouveaux instruments d'épargne que nous souhaitons absolument favoriser, car ils sont liés à la nécessaire réforme des retraites et au développement de la retraite par capitalisation. De la sorte vous répondez aux quelques questions que nous nous posions encore ce matin. C'est pourquoi, monsieur le président, la commission a émis un avis tout à fait favorable, non pas à ces amendements, mais à cette proposition cohérente et féconde pour l'avenir de notre pays, puisqu'elle vise à y relancer l'actionnariat salarié. M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour donner l'avis du Gouvernement sur ces amendements. M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le Premier ministre, c'est un grand plaisir, pour le Gouvernement en général, pour Dominique Bussereau et moi en particulier, de vous voir poursuivre dans une voie que vous aviez ouverte dès 1986, celle de la participation, thème cher au général de Gaulle. S'agissant de l'amendement concernant le taux d'abondement, le taux de 100 % que vous proposiez dans un premier temps nous posait un petit problème car il est réservé d'ordinaire à une épargne longue. Mais, monsieur le Premier ministre, vous apportez les réponses en même temps que vous posez les questions - oserais-je dire qu'il s'agit chez vous d'une habitude solidement ancrée, comme le savent tous ceux qui ont eu l'occasion de travailler avec vous ? (Sourires.) M. Édouard Balladur. C'est souvent plus prudent ! (Rires.) M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je reconnais bien là votre souci d'écouter autrui, et le soin que vous mettez à encadrer les discussions. Le Gouvernement est bien évidemment d'accord avec votre dernière proposition de 80 %. Le deuxième problème, que vous avez là encore relevé vous-même, était celui de la double défiscalisation, l'une à l'entrée, l'autre à la sortie du dispositif. Je comprends bien la logique de votre proposition, mais, Philippe Auberger le sait, comme Pierre Méhaignerie et Gilles Carrez, cela n'existe pour aucun dispositif, et il ne saurait être question de créer une exception. Mais, si je vous ai bien compris, le Gouvernement peut prendre acte du fait que vous retirez l'amendement n° 196. Enfin, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 198, deuxième rectification, qui ouvre la faculté de généraliser la distribution d'actions gratuites à l'ensemble des salariés de l'entreprise. Il s'agit là d'une avancée extrêmement importante, qui répond d'ailleurs au souhait du Premier ministre et du Gouvernement dans son ensemble. Le Gouvernement approuve donc, monsieur le Premier ministre, les amendements nos 198, deuxième rectification, et 197, et prend acte du retrait de l'amendement n°196. Bien entendu le Gouvernement lève les gages des amendements nos 198, deuxième rectification, et 197. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 198, deuxième rectification, compte tenu de la suppression du gage. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.) M. le président. L'amendement 197 devient l'amendement n° 197 rectifié, dans lequel le pourcentage « 100 % » est remplacé par le pourcentage « 80 % ». Je mets aux voix l'amendement n° 197 rectifié, compte tenu de la suppression du gage. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.) M. le président. L'amendement n° 196 est retiré. Je suis saisi d'un amendement n° 173. La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir. M. Didier Migaud. Notre amendement n° 173 concerne la disposition relative à l'emploi à domicile, dont nous avons longuement débattu en première partie. Nous sommes défavorables à la mesure proposée par le Gouvernement car nous la jugeons profondément injuste. Nous souhaitons la transformation de cette mesure de réduction d'impôt en crédit d'impôt, afin qu'elle bénéficie à l'ensemble des familles qui emploient un salarié à domicile. Le Gouvernement a présenté cette disposition comme une mesure de soutien aux familles et à l'emploi. Or ce n'est pas une mesure de soutien aux familles, ... M. Jacques Myard. Si ! M. Didier Migaud. ...car elle ne bénéficie qu'à un tout petit nombre d'entre elles, environ 30 000 personnes. M. Jacques Myard. C'est faux ! M. Didier Migaud. Ce n'est pas non plus une mesure favorable à l'emploi car tous les rapports montrent qu'il y a un effet d'aubaine. Le dispositif d'incitation créé par Martine Aubry, au nom d'un gouvernement de gauche, ... M. Jacques Myard. Scandaleux ! M. Didier Migaud. Non, c'était très positif ! ...avait suffi pour obtenir des résultats en matière d'aide aux familles et à l'emploi. Nous avons déposé plusieurs amendements à ce sujet, mais nous ne reprendrons pas la parole sur chacun d' entre eux. Je tenais à réaffirmer ici notre position et à dénoncer la manière qu'ont le Gouvernement et la majorité UMP de réduire l'impôt sur le revenu de façon encore plus ciblée qu'ils n'ont pu le faire ces dernières années, au risque - et il est avéré - d'aggraver encore les inégalités dans notre pays. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a repoussé cet amendement, qui a pour objet de revenir au système existant en 2002. Nous avons d'ailleurs déjà discuté d'autres amendements du même type à plusieurs reprises. La mesure que propose le Gouvernement bénéficiera à l'emploi. M. Augustin Bonrepaux. Non, ce n'est pas vrai ! M. Gilles Carrez, rapporteur général. Elle a d'ailleurs déjà prouvé son efficacité puisqu'elle a permis la création de centaines de milliers d'emplois. En outre, elle constitue une aide pour les familles, notamment celles comportant des personnes âgées. Le Gouvernement et la majorité ont donc eu raison de porter de 6 900 à 10 000 euros le plafond de dépenses prises en compte. Et il n'y a aucune raison de revenir au dispositif de 2002. Avis défavorable. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 173. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 252 rectifié. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, pour le soutenir. M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Chacun dans cette assemblée est attaché aux traditions de sa région. Le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz, établissement public qui a pris la suite de la SACEM, assure le prélèvement d'une taxe de 3,5 % sur les spectacles de variétés. L'amendement n° 252 rectifié, que je présente avec Marc Le Fur et Philippe Rouault, ici présents, et beaucoup d'autres, a pour but d'exonérer de cette taxe les musiques traditionnelles, comme le sont actuellement les musiques religieuses et les musiques classiques. Au temps de la SACEM, les musiques traditionnelles ne subissaient pas ce prélèvement de 3,5 %. Mais le Centre national a décidé de le leur étendre, alors même que ces musiques traditionnelles ne peuvent pas recevoir, pour l'essentiel, les contributions des cotisations. Il en résulte un sentiment d'injustice et de grande complexité. Bien sûr, je sais que le ministère de la culture est un peu inquiet de la perte qu'entraînera l'adoption de cet amendement. Toutefois, je tiens à indiquer immédiatement que cet amendement ne vise nullement à remette en cause les cotisations payées par les grands festivals, que ce soit le festival interceltique de Lorient ou le festival des Vieilles Charrues ! Il concerne les artistes amateurs, les manifestations folkloriques, les joueurs de biniou disent certains. (Sourires.) La liste des petits festivals, type fête des bruyères ou printemps des sonneurs, est telle que, par souci de simplification et par respect des cultures traditionnelles, il faut avoir l'honnêteté et l'humilité de ne pas généraliser une taxe à des spectacles qui, hier, n'en payaient pas. (« Très bien ! sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a bien sûr accepté cet amendement qui vise à rétablir une situation antérieure satisfaisante. Je n'ai qu'un regret à exprimer : que l'Île-de-France n'ait pas autant de petits festivals celtiques, sympathiques, divers et variés,... M. Jacques Myard. Si, on a le rap des banlieues ! M. le président. On a moins de binious ! M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...tels que ceux que nous a décrits le président de la commission des finances ! (Sourires.) M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement en discussion ? M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement a entendu la jolie musique du président de la commission des finances. Et derrière les binious, j'ai aussi entendu les vièles picto-charentaises. Le Gouvernement ne peut qu'être favorable à cet amendement sympathique et utile, et il lève le gage. M. Philippe Auberger. Quelle harmonie ! M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet. M. Patrick Balkany. Qui représente la SACEM ! M. Pierre-Christophe Baguet. Je ne représente pas du tout la SACEM, mais, comme l'a expliqué avec beaucoup d'honnêteté le président de la commission des finances, cet amendement suscite quelques inquiétudes dans les milieux culturels. Effectivement, c'est l'amendement fest-noz, mais il n'y a pas que des fest-noz qui sont concernés ; c'est un amendement d'ordre général. Le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz a vraiment besoin de fonds, car il mène un combat important contre la chanson anglaise. Et là aussi, il ne faut pas se méprendre. Je voterai cet amendement fest-noz, monsieur le président de la commission des finances, mais il est indispensable de donner au Centre national de la chanson les moyens d'assumer sa mission jusqu'au bout. Je ne sais pas comment on peut compenser cette perte de recettes - certes limitée - pour le Centre de la chanson, mais il faut être conscient que le combat qu'il mène en particulier contre la diffusion de la musique anglophone sur les ondes radio est un vrai combat, un combat culturel fondamental que nous devons mener tous ensemble. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 252 rectifié, compte tenu de la suppression du gage. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 160 rectifié. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, pour le présenter. M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Il est retiré, car il est satisfait par l'adoption de l'amendement précédent. M. le président. L'amendement n° 160 rectifié est retiré. M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 63. La parole est à M. Hervé Mariton, premier orateur inscrit. M. Hervé Mariton. Notre pays souffre d'un chômage excessif et persistant. La comparaison avec d'autres pays montre le sous-développement en France des emplois de service et tout particulièrement des emplois de service à la personne. Cette triste réalité s'impose surtout à ceux de nos compatriotes qui sont les plus éloignés de l'emploi, qui ont, comme on le dit avec un mot peu élégant, des difficultés d'employabilité : femmes, travailleurs plus très jeunes, personnes ayant une faible, voire très faible, qualification. Et aujourd'hui, il est extrêmement difficile, dans notre pays, de résoudre ce problème de chômage, surtout pour ces personnes-là. Le choix est clair, et le Gouvernement propose de le faire aujourd'hui. Nous pouvons nous satisfaire de cette situation historique, - certains diraient peut-être culturelle - de sous-développement des emplois de service à la personne. Mais je viens de dire le prix que nous payons pour cela : c'est socialement et économiquement inacceptable. L'autre option consiste à s'engager encore plus fortement qu'aujourd'hui pour le développement des emplois de service à la personne. Il nous est proposé de donner un signal fort, pour inciter, stimuler considérablement un mouvement, aujourd'hui encore trop lent, même si l'on constate une augmentation progressive du nombre de salariés sur ces emplois et du nombre d'heures travaillées. L'incitation fiscale est évidemment essentielle. Le choix est donc clair : il faut encourager fortement, par un dispositif lisible et justifié, le développement des emplois de service à la personne. Il faut savoir que ces emplois sont beaucoup plus diversifiés qu'on ne le pense. On évoque généralement les gardes d'enfants, mais la réalité est différente et plus diverse : les premiers emplois dans ce domaine concernent en réalité les personnes âgées. Sont également concernées les tâches de ménage, mais aussi des tâches de nature extrêmement diverses qui peuvent être considérablement développées, comme les leçons particulières ou les tâches de menu bricolage - remplies par les « hommes toutes mains », selon une appellation pour le moins curieuse - qui peuvent bénéficier à un public très varié, et être à la fois un apport en termes de service et un réel débouché pour un emploi. Les emplois que nous voulons développer peuvent être très variés, comme les publics auxquels ils s'adressent, et il est donc indispensable de ne pas spécialiser le dispositif. Mais on a sa pudeur et, lorsque le Gouvernement a proposé de relever la base salariale de 10 000 à 15 000 euros, certains se sont émus et ont demandé ce qui justifiait un tel saut ? Je leur répondrai tout à l'heure en défendant un amendement qui propose que soient pris en compte deux éléments essentiels, la présence de personnes âgées au foyer et le nombre d'enfants. Quoi qu'il en soit, notre intention est claire : nous voulons développer les emplois de service à la personne, conformément à une logique économique cohérente. N'est-il pas juste, en effet, qu'un particulier puisse déduire de ses revenus des charges de ce type, comme le font les entreprises ? Pourquoi l'employeur individuel ne bénéficierait-il pas lui aussi de cette possibilité ? Ce raisonnement tout simple justifie une réduction d'impôt, d'autant plus que l'on constate, dans notre pays, une extrême concentration de l'impôt sur le revenu et qu'il paraît légitime de chercher à l'alléger lorsque cela répond à un besoin social. En l'occurrence, cela doit se traduire par la création de dizaines de milliers, voire de centaines de milliers d'emplois pour des Français qui trouveront là des débouchés qu'ils n'ont pas ailleurs. C'est pourquoi nous soutenons ce dispositif, qui, pour garder sa cohérence et créer les emplois qu'on en attend, doit être mis en œuvre en appliquant la méthode que j'ai préconisée, et pas une autre. M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux. M. Augustin Bonrepaux. Mon collègue Didier Migaud ayant déjà expliqué pourquoi nous étions opposés à l'augmentation du plafond des dépenses prises en compte au titre de la réduction d'impôts pour les emplois à domicile, je me bornerai, si vous le permettez, à défendre mon amendement n° 171, qui vise à supprimer l'article 63. Le précédent relèvement du plafond de la déduction n'avait bénéficié qu'à 70 000 familles, les plus aisées, et le Gouvernement est incapable de nous fournir la moindre preuve que cela a eu un effet sur l'emploi. Or, monsieur le secrétaire d'État, les chiffres montrent bien qu'il n'y en a pas eu, pas plus qu'il n'y a eu d'effet négatif... M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Heureusement ! M. Augustin Bonrepaux. ...lorsque, en 1997-1998, nous avons abaissé le plafond, qui, après que M. Sarkozy l'avait relevé, était excessif. Le retour au niveau antérieur n'a en rien entravé les créations d'emplois. M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Si, les gens ont été poussés à travailler au noir ! M. Augustin Bonrepaux. Aujourd'hui, vous êtes incapables de dire combien de familles profiteront de ce relèvement. Nous pensons qu'elles seront moins de 70 000, vraisemblablement 40 000. Il s'agit donc bien d'offrir un cadeau fiscal à ceux qui paient le plus d'impôts. Votre volonté d'avantager toujours les mêmes se manifeste systématiquement, et chaque fois sans aucune justification. Aujourd'hui, 900 000 familles emploient des salariés à domicile sans bénéficier d'aucun avantage fiscal. Vous avez refusé de modifier le système pour faire en sorte que tous puissent en tirer profit, comme nous le proposions. Votre seul souci, c'est de privilégier les privilégiés. Notre amendement n° 171 propose donc de supprimer l'article 63. Dans la situation où il se trouve, notre pays ne peut se permettre de faire des cadeaux aussi excessifs, d'autant que vous avez refusé un amendement Coluche sous le prétexte, entre autres, que le Gouvernement ne disposait pas de 25 millions pour aider les plus défavorisés. Alors qu'on compte plus de 4 millions de pauvres en France, vous allez donner 65 millions d'euros à 40 000 familles ! C'est insupportable, et c'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article. M. le président. La parole est à M. Jacques Myard. M. Jacques Myard. Monsieur le secrétaire d'État, cette mesure est excellente. Aujourd'hui, la fiscalité est une arme économique, car, en adoptant la monnaie unique européenne, avons perdu la possibilité d'ajustement de bon nombre de paramètres. Je pourrais développer cette idée, mais ce serait répéter ce que j'ai dit dans la discussion générale. M. Patrice Martin-Lalande. On connaît ! (Sourires.) M. Jacques Myard. Je préfère me répéter que de me contredire. Mais la fiscalité est aussi une arme démographique et une arme pour l'emploi. Il faut rectifier les chiffres que l'on vient d'entendre. Lorsque, en 1997-1998, Mme Aubry a abaissé le plafond de déduction, on a constaté, dès le 1er janvier 1998, dans la ville de 22 258 habitants dont je suis le maire, 60 suppressions d'emplois et 60 demandes supplémentaires de places en crèche collective, car les familles ne pouvaient plus payer une garde à domicile. M. Patrice Martin-Lalande. Merci, madame Aubry ! M. Jacques Myard. On a pu lire dans la presse, il y a deux jours, un article qui montrait clairement que les classes moyennes ont été les vaches à lait du gouvernement Jospin. Il faut rétablir la cohérence économique, encourager ceux qui travaillent et créent de la richesse. Je sais bien que, de nos jours, la République a pour devise : Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Je sais aussi que nous avons eu le génie d'inventer les centimes additionnels, que l'Europe entière nous envie. Mais il est important que cette mesure soit adoptée en l'état, sans être aucunement amendée, car, en l'occurrence, nous avons besoin de mesures lisibles, fortes, et nous en tenons une avec celle-ci. Il est inutile d'y ajouter quelque critère que ce soit. La vie est complexe. Laissons-la aller de l'avant. Votons cette mesure. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Patrick Balkany. Excellente intervention ! M. le président. Je suis saisi d'un amendement, n° 171, de suppression de l'article 63. Monsieur Bonrepaux, pouvons-nous considérer que vous avez déjà défendu cet amendement ? M. Augustin Bonrepaux. Oui, monsieur le président. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement de suppression pour les raisons que j'ai exposées il y a quelques minutes. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement est du même avis. Monsieur Bonrepaux, nous n'avons pas la même conception de la société. M. Augustin Bonrepaux. Ça crève les yeux ! M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Vous, vous appuyez sur des chiffres pour essayer de dresser les gens les uns contre les autres. Nous, nous leur faisons confiance. Permettez-moi de vous faire part de mon expérience d'élu local. Dans ma collectivité, une foule de gens vivent grâce aux chèques emploi service, travaillant une heure ici, une autre là, parce qu'il y en a d'autres qui bénéficient d'un avantage fiscal leur permettant de les employer pour du jardinage ou des tâches ménagères. Je ne souhaite pas que des mesures absurdes comme celle que vous proposez remettent ces gens-là au chômage. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est très défavorable à votre amendement et très fier de présenter cette mesure devant le Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. La parole est à M. Didier Migaud. M. Didier Migaud. Monsieur le secrétaire d'État, je n'aurais pas repris la parole si vous n'aviez pas été aussi excessif. M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. J'ai laissé parler mon cœur ! M. Didier Migaud. Ce que vous dites ne correspond pas à la réalité. En demandant la suppression de l'article 63, nous ne voulons pas supprimer le dispositif. Que l'on puisse, jusqu'à un certain niveau de rémunération et jusqu'à un certain niveau de réduction d'impôts, bénéficier de ce dispositif, nous l'approuvons : nous avons mis cette mesure en place et l'avons défendue. Mais vous placez la barre tellement haut que très peu de personnes en bénéficieront, et cela n'aura aucun effet sur l'emploi. En outre, cela ne pourra pas être considéré comme une aide aux familles, car, vous l'avez reconnu vous-même, seules 30 000 personnes seront concernées, alors que plus de 2 millions de personnes emploient des salariés à domicile. Comment pouvez-vous considérer comme juste une mesure qui ne concerne que 30 000 contribuables ? Monsieur le secrétaire d'État, vous nous aviez habitués à un peu plus de retenue dans vos propos. M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux. M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le secrétaire d'État, combien de ménages, dans votre circonscription, vont bénéficier de ce dispositif, et combien ont recours aux emplois à domicile sans avoir la moindre compensation, la moindre déduction ? J'attends la réponse ! M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je ne fais pas d'électoralisme, monsieur Bonrepaux ! M. Augustin Bonrepaux. Pourtant, vous venez de dire que vous vous préoccupiez d'une foule de familles de votre circonscription. Donnez donc des chiffres ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il faut comparer ce qui est comparable : 900 000 personnes sont sans moyens et vous voulez donner, à 40 000 autres, un avantage fiscal qui ne sert à rien et ne crée aucun emploi. M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton. M. Hervé Mariton. Un rappel à la logique : sans emploi, il n'y a pas d'avantage fiscal. Avoir des emplois au prix d'un avantage fiscal, je suis pour. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 171. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 146, 213 et 172 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune. La parole est à M. Philippe Rouault, pour soutenir l'amendement n° 146. M. Philippe Rouault. L'objet de cet amendement, que je propose avec quatre-vingt-deux de mes collègues, est de donner une dimension familiale à la réduction d'impôt pour emploi à domicile. Il s'agit de remplacer, à coût constant - soit environ 64 millions d'euros -, la mesure relative aux emplois à domicile par une mesure spécifiquement consacrée à la garde d'enfants. La réduction d'impôt pour emploi à domicile demeurerait ainsi au niveau existant et celle concernant la garde d'enfants verrait son plafond bénéficiant d'une réduction d'impôt de 25 % relevé de 2 300 à 2 875 euros. Cet amendement est vertueux puisqu'il n'augmente pas, a priori, les dépenses de l'État. Naturellement, si le Gouvernement souhaite faire un effort supplémentaire pour les gardes d'enfants en ajoutant au budget une somme équivalente à celle proposée pour les emplois familiaux, je retirerai cet amendement et me replierai sur l'amendement n° 147. L'enjeu est d'amoindrir les charges liées à la garde d'enfants, qui pèsent sur les budgets des jeunes ménages qui ont des enfants en bas âge. M. Patrice Martin-Lalande Excellente proposition ! M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour défendre l'amendement n° 213. M. Pierre-Christophe Baguet. Il est défendu. Nous reviendrons sur le sujet avec un amendement suivant. M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour défendre l'amendement n° 172 rectifié. M. Didier Migaud. Il est également défendu. M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ? M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté l'amendement n° 146 de M. Rouault et de ses collègues car il se substituerait à la mesure proposée par le Gouvernement concernant les emplois à domicile, que Jacques Myard a qualifiée de très intéressante. Vous nous proposez en effet, monsieur Rouault, de résoudre un problème d'une autre nature, très important également, celui de la garde d'enfants, notamment en dehors du domicile, pour laquelle existe une réduction d'impôt de 25 % plafonnée à 2 300 euros. La commission a estimé dommage de renoncer ainsi à la mesure proposée par le Gouvernement, sans pour autant, monsieur le ministre, abandonner l'idée d'améliorer celle-ci. L'amendement n° 213, monsieur Baguet, est d'une autre nature, mais il rejoint les préoccupations de M. Rouault puisqu'il traite également de la garde d'enfants. Cependant, vous estimez que si la réduction d'impôt concernant la garde d'enfants est d'un montant raisonnable, elle n'en reste pas moins une réduction d'impôt, alors que les couples non imposables qui ont des enfants et qui ont besoin de les faire garder à l'extérieur sont nombreux. C'est pourquoi vous proposez de transformer cette réduction d'impôt en crédit d'impôt, ce qui est également une bonne idée. Après une discussion très approfondie, la commission a adopté une position de principe, que développera tout à l'heure Hervé Mariton, selon laquelle il n'est pas possible d'accepter exceptionnellement un crédit d'impôt pour le refuser par ailleurs. Nous avons donc finalement repoussé cet amendement, mais le problème qui est posé pourra être traité par un amendement à venir que notre collègue Hervé Mariton a proposé et que la commission a adopté. Quant à l'amendement n° 172 rectifié, la commission l'a également rejeté. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ? M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement est du même avis. La question posée est importante mais je crois savoir que d'autres amendements seront proposés qui tendront à améliorer considérablement le dispositif. M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton. M. Hervé Mariton. L'analyse de nos collègues est intéressante, mais elle a comme principal défaut, je me permets de leur dire amicalement, de cibler beaucoup trop la nature des emplois à domicile. Contrairement à une idée reçue, ces derniers ne se limitent absolument pas à la garde d'enfants. M. Jacques Myard. Bien sûr ! M. Hervé Mariton. Si nous voulons développer le dispositif, gardons-nous de le spécialiser. M. Jacques Myard. Très bien ! M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 146. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 213. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 172 rectifié. (L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 221. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le soutenir. M. Pierre-Christophe Baguet. Cet amendement vise à « familialiser » la proposition du Gouvernement dans le souci de reconnaître la place que tient la famille dans notre société et de l'aider à surmonter les difficultés qu'elle rencontre. Entre leur désir d'enfants et la réalité, les femmes ont un enfant de moins que ce qu'elles souhaiteraient. Cette situation est souvent due aux difficultés quotidiennes qu'elles rencontrent et au manque de garanties d'un accompagnement de l'État dans la durée. Limiter l'augmentation du plafond aux foyers avec enfants encouragerait les familles désireuses de s'agrandir. Celles-ci ont été trop souvent oubliées par les différents gouvernements qui se sont succédé depuis plusieurs années et elles ont même parfois été attaquées. Ce souci de la famille se retrouve d'ailleurs dans l'amendement n°154 rectifié de la commission, sur lequel je souhaite faire porter mon amendement n°214 en le transformant en sous-amendement. M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendent n° 221 ? M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement pour la simple raison que cette excellente proposition de M. Baguet, qui consiste à « familialiser » la mesure en l'adaptant au nombre d'enfants du foyer, a été reprise par elle dans un amendement suivant. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Rejet, pour la même raison. M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton. M. Hervé Mariton. La « familialisation » constitue une excellente mesure, mais, comme je l'ai indiqué précédemment, la présence de personnes âgées dans le foyer fiscal figure aussi parmi les paramètres à prendre en compte. Notre collègue pourrait donc se rallier à l'amendement n° 154 rectifié que la commission a adopté et qui justifie le passage du plafond à 15 000 euros par la prise en compte à la fois des enfants à charge et des personnes âgées de plus de soixante-quinze ans dans chaque foyer fiscal. M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet. M. Pierre-Christophe Baguet. C'est ce à quoi tend mon amendement n°214, que je propose de transformer en sous-amendement à l'amendement n°154 rectifié de la commission. Comme l'a souligné Gilles Carrez, mes propositions répondent à un souci de « familialisation » de la mesure proposée par le Gouvernement. En effet, il faut prendre en compte le fait qu'un foyer peut accueillir plusieurs générations, les enfants mais aussi les ascendants. Il est nécessaire de penser à tout le monde. M. le président. Dans ces conditions, maintenez-vous votre amendement n° 221, monsieur Baguet ? M. Pierre-Christophe Baguet. Je le retire, monsieur le président. M. le président. L'amendement n° 221 est retiré. Je suis saisi d'un amendement n° 154 rectifié. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le soutenir. M. Hervé Mariton. Cet amendement, dont j'ai déjà défendu l'esprit, a pour objet de justifier, devant la demande de la société française, le relèvement du plafond à 15 000 euros. Outre que celui-ci est générateur de plus d'emplois de service à la personne, il répond aux besoins des foyers qui comptent des enfants et des personnes de plus de soixante-quinze ans. M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Gilles Carrez, rapporteur général. Favorable . M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Très favorable . M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet. M. Pierre-Christophe Baguet. Ainsi que je l'ai déjà indiqué, je souhaite transformer mon amendement n° 214 en sous-amendement à l'amendement n° 154 rectifié. Avec ce dernier amendement, Gilles Carrez, Hervé Mariton et Richard Maillé proposent, entre autres, que le plafond de 12 000 euros soit majoré au titre de chacun des membres du foyer fiscal âgé de plus de soixante-quinze ans. Avec l'amendement n° 221, Charles de Courson et moi-même proposions d'abaisser cet âge à soixante-cinq ans, tout simplement par souci de cohérence avec l'objectif de « familialisation » de la mesure initiale. C'est en effet à une famille que l'on veut s'adresser et à ses trois, voire quatre générations pour certaines. Lorsque des personnes ont soixante-quinze ans, cela signifie en général que leurs enfants qui les accueillent sont âgés de quarante-cinq à cinquante ans, et lorsqu'elles ont soixante-cinq ans, cela signifie plutôt que leurs enfants ont souvent trente-cinq à quarante ans. Or l'équilibre économique des foyers n'est pas le même selon que l'on a trente-cinq ou cinquante ans. Dans le premier cas, on a encore des enfants en bas âge, alors que cela est moins fréquent dans le second. C'est pour ne pas faire supporter la mesure à une génération plutôt qu'à une autre, qu'il me semble préférable de tenir compte de la présence au foyer de personnes âgées de plus de soixante-cinq ans plutôt que de plus de soixante-quinze ans. M. le président. Je considère, monsieur Baguet, que vous venez de défendre votre sous-amendement, qui portera le n°262. La parole est à M. Jacques Myard. M. Jacques Myard. L'amendement n° 154 rectifié, auquel je m'oppose, complique les choses alors que le Gouvernement présentait, pour une fois, une mesure simple et lisible par tout le monde ! Et pour ce qui est de la limite d'âge de soixante-cinq ans, quand il y aura dans un foyer une personne de soixante-trois ans, malade ou paraplégique, l'avantage fiscal sera exclu ! M. Hervé Mariton. Si elle est paraplégique, le plafond est porté à 20 000 euros ! M. Jacques Myard. Si elle simplement malade, elle ne pourra pas bénéficier de la mesure ! En ce qui concerne la garde d'enfants, c'est à partir du premier que la question se pose, et non à partir du quatrième ou du cinquième. Il faut donc que la possibilité offerte soit souple et impersonnelle afin de bénéficier à l'ensemble de nos concitoyens. M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement de M.Baguet ? M. Gilles Carrez, rapporteur général. Notre discussion donne un peu raison à notre collègue Myard. M. Jacques Myard. Je suis peut-être seul, mais j'ai raison ! M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? (Sourires.) M. Michel Bouvard. Ne serait-ce pas plutôt pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? (Sourires.) M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. En tout cas, le Gouvernement, lui, ne propose pas de faire compliqué ! (Sourires.) M. Gilles Carrez, rapporteur général. L'idée d'adapter la mesure aux spécificités du foyer est tout de même nécessaire, qu'il s'agisse du nombre des enfants ou - ce qui complique un peu les choses, il est vrai - qu'il s'agisse de la présence de personnes âgées. Quant à la question de savoir si, pour ces dernières, il faut retenir l'âge de soixante-cinq ou de soixante-quinze ans, je m'en remets à la sagesse de l'assemblée. M. Jean Leonetti. La limite de soixante-cinq ans me paraît très bien ! M. Gilles Carrez, rapporteur général. Faut-il être médecin pour porter un jugement de qualité ? M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton. M. Hervé Mariton. La question de la garde d'enfants, monsieur Myard, ne se pose pas de la même façon selon que l'on a un enfant ou quatre. Je puis vous assurer, pour avoir connu une telle situation, que l'on sent la différence en termes de besoin d'emploi d'un salarié à domicile ! Quant à la proposition de M. Baguet concernant l'âge de soixante-cinq ans, je m'y rallie volontiers. M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet. M. Pierre-Christophe Baguet. Je remercie mon collègue Mariton. Je ferai simplement remarquer que nous nous rapprochons tous des soixante-cinq ans, nous y serons tous à un moment ou à un autre, du moins nous pouvons l'espérer. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Tout simplement pour éviter des excès. La mesure proposée par le Gouvernement est bonne, mais je crois qu'elle peut être améliorée car des catégories particulièrement aisées pourraient en profiter peut-être plus que d'autres. En outre, il me semble normal d'adapter cette mesure aux familles. On sait bien que, dans les emplois à domicile, on trouve un peu tout et n'importe quoi. Employer un jardinier ou un chauffeur ne relève pas de la même nécessité... M. Patrick Balkany. Mais cela crée des emplois ! M. Pierre-Christophe Baguet. ...que la garde d'un enfant ou d'une personne âgée, vous en conviendrez. Ce geste qui est fait en direction les familles, au nom de l'équité sociale, est une bonne chose. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 262 ? M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement considère qu'on est jeune à tous les âges. M. Hervé Mariton. De sept à soixante-dix-sept ans ! M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Eh oui, ce n'est pas l'ancien président de l'association des parlementaires tintinophiles qui dira le contraire. Dans ces conditions, après avoir apprécié la sagesse de M. Myard, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée nationale. M. Patrick Balkany. Le capitaine Haddock a parlé ! (Sourires.) M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti. M. Jean Leonetti. Ces interventions le montrent, il y a deux logiques : une logique de création d'emplois, d'inspiration libérale, et une logique familiale, d'inspiration sociale. Pour trouver l'équilibre, il faut que la mesure proposée concerne suffisamment d'emplois et des emplois pas trop ciblés et qu'en outre, elle soit suffisamment claire pour être compréhensible par l'ensemble des Français. La famille, comme l'a très bien expliqué Pierre-Christophe Baguet, ce n'est pas uniquement les enfants. Un jour ou l'autre, les enfants s'en vont, comme les grands-parents. Vient un moment où les grands-parents qui restent à la maison posent, eux aussi, un problème de garde. C'est pourquoi il est proposé que le plafond des 20 000 euros ne profite pas seulement aux handicapés mais également à la personne qui souffre d'un maladie, dégénérative ou cérébrale par exemple. M. Jacques Myard. Voilà ! M. Jean Leonetti. Nous sommes parvenus, je crois, à un bon équilibre entre les différentes propositions. Dans sa grande sagesse, M. Mariton se rallie à la proposition d'abaisser de soixante-quinze à soixante-cinq ans l'âge à partir duquel on pourra bénéficier de la mesure. Nous allons donc voter ce sous-amendement. M. Jacques Myard. C'est qui « nous » ? M. le président. Le sous-amendement n° 262 étant gagé, le Gouvernement irait-il, dans sa très grande sagesse, jusqu'à lever le gage ? M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Oui, monsieur le président, le Gouvernement lève le gage. M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux. M. Augustin Bonrepaux. Nous sommes contre cet article. Nous continuons de trouver la mesure excessive, même avec cet abaissement de 15 000 à 12 000 euros du plafond des dépenses ouvrant droit à la réduction fiscale, et d'aucune utilité en matière d'emplois. M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 262, compte tenu de la suppression du gage. (Le sous-amendement, ainsi modifié, est adopté.) M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 154 rectifié, modifié par le sous-amendement n° 262 modifié. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.) M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances. M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Cet amendement est le type même de ceux qui soulèvent beaucoup de questions, y compris au sein de la majorité. M. Augustin Bonrepaux. Assumez ce que vous faites ! M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Ainsi, les préoccupations des uns et des autres ont été aussi bien d'ordre social, que d'ordre économique ou familial M. Didier Migaud. D'ordre libéral, plutôt ! M. Hervé Mariton. Cette variété de préoccuptions montre la capacité de synthèse de la majorité. M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Il serait préférable, monsieur le secrétaire d'État, que vous anticipiez pour nous permettre de débattre sérieusement de ce genre de proposition avant l'examen en commission ou en séance publique. M. Jean-Louis Dumont. C'est une question de méthode de travail. M. le président. L'amendement n° 214 de M. Baguet est retiré. Je suis saisi d'un amendement n° 147. La parole est à M. Philippe Rouault, pour le soutenir. M. Philippe Rouault. Cet amendement propose de compléter, sans modifier la mesure proposée pour les emplois familiaux, le dispositif concernant la déduction d'impôt pour garde d'enfants en relevant le plafond bénéficiant de 25 % de déduction d'impôt de 2300 à 2875 euros. Cela représente une déduction supplémentaire de 143 euros pour les jeunes ménages avec enfants en bas âge. (« Très bien ! sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a refusé cet amendement. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Un amendement ultérieur donnera satisfaction à M. Rouault. En attendant, je propose qu'il le retire. M. le président. Monsieur Rouault, retirez-vous l'amendement n° 147 ? M. Philippe Rouault. Oui, monsieur le président. M. le président. L'amendement n° 147 est retiré. La parole est à M. Hervé Mariton. M. Hervé Mariton. Je voulais simplement dire que je trouvais cet amendement très bon et potentiellement meilleur que d'autres qui pourraient venir par la suite. (Sourires.) M. le président. Peut-être, mais son auteur l'a retiré. M. Jacques Myard. Je pourrais peut-être le reprendre ! (Sourires.) M. le président. Je mets aux voix l'article 63, modifié par l'amendement n° 214 rectifié et modifié. (L'article 63, ainsi modifié, est adopté.) M. le président. La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 : Rapport, n° 1863, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, Articles non rattachés : articles 63 à 70 (suite), Articles « services votés » et articles de récapitulation : articles 45, 46, 47, 50, 51, 59, 60 et 61, Éventuellement, seconde délibération. La séance est levée. (La séance est levée à vingt heures cinq.) Le Directeur du service du compte rendu intégral jean pinchot |