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Deuxième séance du mercredi 24 novembre 2004

71e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1

COHÉSION SOCIALE

Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence, de programmation pour la cohésion sociale (nos 1911, 1930).

Cet après-midi, l'assemblée a continué d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, monsieur le ministre délégué aux relations du travail, madame la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion, monsieur le ministre délégué au logement et à la ville, monsieur le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes, mes chers collègues, conformément à l'engagement pris par le Président de la République et le Premier ministre, le Gouvernement nous soumet aujourd'hui un nouveau texte permettant d'affronter au mieux un des plus graves problèmes de notre société : l'exclusion sociale.

Ce projet de loi de cohésion sociale s'inscrit dans la droite ligne d'autres réformes très importantes, souvent promises dans le passé mais jamais réellement abordées jusqu'alors, comme la réforme des retraites, celle de l'assurance maladie, ou encore celle en faveur des quartiers en difficulté. Nombre de dispositions prévues par le texte d'aujourd'hui sont d'ailleurs le complément indispensable du texte adopté l'été dernier.

Comme je l'ai toujours dit, traiter le béton, c'est bien, mais ce n'est pas une finalité. Ce qui importe, c'est de traiter les problèmes quotidiens des habitants de nos quartiers et, d'abord, de ceux qui sont les plus exclus de notre société.

Le chômage, toujours plus important, touche fortement certaines populations, qui, même en cas de reprise économique, sont vouées à rester sur le bas-côté : les jeunes sans qualification, les chômeurs de longue durée ainsi que nombre de demandeurs d'emploi qui ne répondent plus aux besoins d'une société en mutation.

Les réformes qui nous sont proposées aujourd'hui ne pourront, certes, pas tout régler, mais entre ne rien faire et essayer de faire évoluer les choses avec pragmatisme, il y a un fossé que ce projet a pour ambition, me semble-t-il, de combler.

Je prendrai, pour étayer mon raisonnement et essayer de vous convaincre, quelques exemples.

Le volet emploi, notamment celui s'adressant aux jeunes et aux chômeurs longue durée, mérite que l'on s'y arrête un instant.

Vos prédécesseurs avaient créé les emplois-jeunes, venant après les emplois-ville. Si j'étais favorable à l'époque à cette forme de reconnaissance et de professionnalisation de l'utilité sociale, je reconnais que le dispositif des emplois-jeunes posait néanmoins quelques problèmes.

Le premier est lié au phénomène qu'on appelle l'écrémage. Pourquoi un employeur, fût-il une association ou une collectivité, embaucherait-il un « Bac moins 5 » non inséré s'il peut employer au même tarif un « Bac plus 5 » bien inséré ?

M. Jean-Paul Anciaux. Eh oui !

M. Pierre Cardo. Et comment l'État aurait-il pu refuser ce détournement de l'esprit de la loi quand lui-même exigeait de l'Éducation nationale de recruter des emplois-jeunes à au moins « Bac plus 2 » ?

Comment empêcher, dès lors, qu'une autre discrimination au détriment des jeunes issus des quartiers ne vienne s'ajouter encore à une sélection que rien n'interdisait ? Dans mon département, 80 % des emplois-jeunes étaient au moins bacheliers. Ce n'était pas l'esprit de la loi au départ.

J'ai toujours trouvé regrettable que la mesure ne concerne pas tous les publics éloignés de l'emploi et exclue de fait les adultes à une époque où l'on réalisait douloureusement combien leur présence était utile dans les actions que nous avions à mener en direction notamment des jeunes.

Pour autant, je n'ai pas approuvé la suppression des emplois-jeunes. Le RMA, le CIVIS et le CIE ne pouvaient, à mes yeux, apporter une réponse suffisante pour compenser cette disparition.

Vous comprendrez donc, après que je vous ai livré le fond de ma pensée sur les anciennes mesures, que j'apprécie votre texte, la simplification qu'il propose du nombre de mesures, l'accent mis sur les efforts d'accompagnement et, notamment, la création d'un nouveau contrat que vous qualifiez « contrat d'avenir » dont l'objet et les conditions me paraissent correspondre davantage aux exigences que nous sommes en droit d'avoir dans l'intérêt des populations éloignées de l'emploi. Le fait d'avoir prévu, pour accompagner cette rénovation du dispositif de l'emploi, de redynamiser l'ANPE en autorisant d'autres acteurs à participer à la mise en emploi des chômeurs sera, à l'usage, jugé positivement.

La mise en place d'un dossier unique du demandeur d'emploi contribuera également à la simplification du travail d'accompagnement des chômeurs vers l'emploi pour l'ensemble des partenaires concernés. La création des maisons de l'emploi est révélatrice de l'esprit dans lequel vous voulez aborder ce problème. Il ne s'agit pas, comme le prétendent certains esprits chagrins, d'ajouter une nouvelle structure à celles existantes, qui se fossiliseraient au fil des différents gouvernements, mais bien plutôt de se doter d'un dispositif proche des territoires, et donc des populations, auxquelles les acteurs concernés vont tenter d'apporter des réponses cohérentes par des interventions coordonnées au sein d'un travail en réseau qu'ils auront élaboré eux-mêmes de façon pragmatique.

Reste toutefois à savoir comment le pilote du mode opératoire des maisons de l'emploi sera déterminé. Laissera-t-on le « terrain » en décider librement ou sera-t-il imposé par un texte ? Ce ne sera pas sans incidences sur la philosophie qui animera le futur dispositif. Le débat nous éclairera sûrement sur le sujet. Pour ma part je considère que l'expérimentation doit faire son œuvre. Une évaluation permettra, ensuite, peut-être, de préciser les choses.

J'ai toujours considéré que le RMA générerait beaucoup plus de travail chez les acteurs de l'insertion que d'emplois chez les chômeurs mais le nouveau dispositif permettra peut-être de mieux utiliser cet outil. Je m'explique. Pour moi, l'entreprise est un lieu d'insertion et non de réinsertion et il n'est pas dans ses compétences de dispenser une préformation à un public très éloigné de l'emploi, même s'il y a un accompagnement. Ne voyez pas dans ce propos l'expression de quelque mépris à l'égard des RMIstes ou des employeurs. Je ne fais que livrer les conclusions tirées de mon expérience, tant dans l'entreprise privée - vingt ans de DRH - que dans les entreprises d'insertion : cela fait au moins vingt-cinq que je m'en occupe, sous une forme ou sous une autre.

Si je suis un peu réservé sur ce dispositif, c'est, non seulement parce que j'estime qu'il va nous demander beaucoup d'énergie sans, pour autant, donner beaucoup de résultats, mais également parce qu'il a déjà failli désorganiser les structures. Cela dit, la situation antérieure n'était pas tellement plus favorable. C'est pourquoi je préconise de voir ce que donne l'expérimentation.

Je me félicite que vous donniez des moyens supplémentaires, assez notables, au secteur économique, et notamment aux entreprises d'insertion. J'espère que, au-delà des postes à proposer à ces populations qui ont besoin d'un tremplin pour aller sur un emploi non aidé, ce texte nous amènera à réfléchir sur le champ d'intervention et le véritable objet du secteur socio-économique et que, de cette réflexion, sortira la volonté de former de vrais chefs d'entreprise pour ce secteur un peu en friche, voire en jachère.

Un accompagnement correct, permettant de remettre au travail des gens éloignés de l'emploi, nécessite des structures adaptées, dont l'objectif n'est pas que de produire de la richesse pour la richesse, des structures comme les entreprises d'insertion, avec un cadre et un encadrement bien définis.

Dans quels créneaux doivent s'inscrire ces activités pour ne pas entrer dans une concurrence déloyale avec le secteur privé ? Aucune étude sérieuse n'a été réalisée à ce sujet. À mon avis, il conviendrait de regarder du côté des secteurs exposés aux délocalisations. En tout cas, deux cas sont à éviter : les anciens travailleurs sociaux qui pensent pouvoir devenir chefs d'entreprise parce qu'il y a des subventions, les individus qui ont déjà « foiré » des projets économiques et qui pensent qu'il y a de l'argent à faire dans le secteur du social parce qu'il y a des subventions. Il faut réellement créer une filière générant de vrais chefs d'entreprise pour ces secteurs socio-économiques.

L'égalité des chances est l'autre aspect du texte que je souhaite aborder.

J'ai été heureusement surpris par la place et les moyens que vous donnez à l'éducatif dans votre projet. Voilà encore un indice qui ne trompe pas. Il prouve que ce texte émane d'élus qui n'ont pas perdu le contact avec le terrain.

M. Denis Jacquat. Très bien !

M. Pierre Cardo. Cela fait trente ans que je vis avec les quartiers et plus de vingt ans que je tente de digérer en tant qu'élu les philosophies des politiques successives de la ville et de lutte contre l'exclusion. J'ai vécu l'époque des urbanistes-rois, celle des sociologues, celle du partenariat, puis celle des grands frères, le tout assaisonné d'un peu de développement économique ou de mesures de réinsertion et pimenté de beaucoup de bénévolat. Je ne me rappelle pas avoir étudié un projet de loi qui tente autant que celui-ci de replacer l'éducatif au centre du processus de restauration du lien social. L'enjeu est tel qu'il mérite que nous nous y arrêtions au cours du débat.

Se manifeste, là aussi, une volonté de cohérence, avec le projet de maisons de l'emploi. Vous en avez prévu 750, et j'avoue sincèrement que cette ambition me passionne à un point tel que j'espère que ma commune et d'autres autour seront parmi les premières à vous proposer un projet répondant au défi que vous lancer aux acteurs locaux. Il faut que nous réussissions. Sinon, tout le reste ne tiendra pas.

Toutes nos politiques doivent être fondées sur l'éducatif. Je souhaite que, très vite, dans les zones d'éducation prioritaire, les acteurs du social et les milieux associatifs se mobilisent afin que, avec les familles des enfants dont nous aurons anticipé les difficultés, ils puissent organiser cet accompagnement individuel et collectif que vous préconisez.

Mais il y a un danger, et vous le connaissez, je pense, encore mieux que moi, madame, messieurs les ministres. Si, dans ce dispositif, l'école est au centre de nos préoccupations - car c'est en son sein que se traduira réellement la réussite de l'action -, il faut prendre garde à ce que l'Education nationale ne se l'approprie pas. Nous connaissons trop bien son esprit partenarial qui consiste à faire siens les moyens des autres et à considérer que n'est partenarial que le projet qui émane d'elle-même.

La réussite de cet enjeu primordial pour lequel vous débloquez des moyens importants mérite que vous preniez quelques garanties auprès du ministre de l'Éducation nationale et que vous mettiez en place avec lui une cellule pour la mise en œuvre, l'accompagnement et la validation des nouveaux dispositifs dont nous souhaitons tous qu'ils permettent aux enfants, quelles que soient leur origine et leur situation, de bénéficier d'un itinéraire de réussite.

J'insiste sur le fait qu'un contrôle est nécessaire. Connaissant le mode de fonctionnement de l'institution - je ne parle pas des acteurs de terrain -, vous risquez fort de vous « faire bouffer » au point de ne plus reconnaître votre bébé.

Je vous remercie, madame et messieurs les ministres, ainsi que vos équipes et tous ceux qui connaissent la réalité du terrain, d'avoir permis la réforme de la dotation de solidarité urbaine. Je ne pouvais pas, en effet, ne pas en parler.


Depuis le début, la réforme concernant la dotation de solidarité urbaine était devenue l'arlésienne de la politique de la ville.

L'année dernière, j'avais manqué de peu, avec un certain nombre de mes collègues, le vote d'un amendement qui engageait cette réforme. Je l'ai regretté, et je n'ai pas été le seul.

J'ai été déçu car, pour un élu des quartiers en difficulté, lutter contre des phénomènes de société n'est pas toujours facile à vivre au quotidien. Mais faire la manche pour y survivre avec sa population est encore plus exaspérant. (Sourires.)

Vous m'aviez promis cette réforme, et Marc-Philippe Daubresse n'avait pas manqué d'appuyer cette volonté. Dieu sait combien j'ai été « casse-pieds » par moments. (Sourires.) Cette réforme est là aujourd'hui. Elle a passé positivement l'épreuve du Sénat - vous vous êtes débrouillés comme des chefs - et n'attend plus, de notre part, que quelques améliorations mineures pour pouvoir être mise en œuvre rapidement.

Les élus concernés puiseront dans cette mesure beaucoup de courage, et les populations beaucoup d'espoir. Je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria.

M. René-Paul Victoria. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce plan de cohésion sociale doit nous permettre de sortir des logiques de « raccommodage social » et de « pérennisation de la précarité ».

Les défis de la cohésion sociale sont, madame et messieurs les ministres, outre de vaincre l'exclusion, de concilier le social et l'économie, d'articuler l'individuel et le collectif, de donner de la cohérence aux projets et aux actions, d'organiser un mode d'intervention moderne et adapté, de privilégier l'observation sociale en vue de développer une politique préventive plutôt que curative.

C'est bien là donner du sens à nos actions, à nos décisions, à nos votes, et replacer l'individu au centre du débat pour une plus grande humanisation.

Ce projet ambitieux, mais réalisable, se décline selon trois axes majeurs.

D'abord, il faut agir sur les paramètres clés de l'éducation et de la formation. II ne faut pas se voiler la face : trop de jeunes sortent du système scolaire sans aucune qualification ou peu qualifiés. Des efforts doivent être déployés pour le développement du soutien scolaire et la recherche d'une meilleure adéquation entre l'appareil de formation, les attentes de notre jeunesse et les réalités économiques. Le système scolaire, après l'environnement familial, reste toujours le deuxième facteur de réussite de chaque individu.

La formation professionnelle, dont l'objectif est de permettre d'acquérir des compétences, doit également favoriser la réinsertion professionnelle des personnes issues des emplois aidés, notamment en leur permettant de procéder à une validation de leur expérience et d'accéder plus facilement à des secteurs d'emplois correspondant mieux à leurs aspirations.

Ensuite, il faut sortir de la spirale « pas de formation, pas d'emploi », « pas d'emploi, pas de logement », et « pas de logement, pas d'emploi ». Aujourd'hui, l'ambition de tout individu est d'obtenir un emploi pérenne et stable. Or, à la Réunion, plus que dans n'importe quel autre département métropolitain, nous avons besoin du maintien d'un volume important d'emplois aidés pour nous permettre de préparer la transition. À ce titre, nous souhaitons - et c'est là un avis unanime - que les contrats d'avenir viennent en complément des dispositifs d'insertion inscrits dans la loi de programme pour l'outre-mer et financés par le FEDOM.

Nous devons réconcilier le social et l'économie. Pour s'épanouir, l'activité économique a besoin d'un environnement serein, où les règles du jeu sont pérennes, et non pas remises en cause périodiquement. Il faut de la cohérence et de la constance. Dans les entreprises, véritables moteurs de l'économie, nous avons du travail sans jeunes et des jeunes sans travail. Ce réservoir d'emplois doit permettre aux collectivités de ne pas être les seules à gérer la crise sociale, en mettant l'Homme au cœur de l'économie, et non l'économie au service de l'Homme. « II n'est de richesse que d'homme », disait un célèbre penseur.

Nous devons également favoriser la mobilité, qui ne fait pas encore partie de la culture du jeune Français. Son rayon d'action se limite encore trop souvent à son environnement géographique immédiat. Les freins sont essentiellement d'ordre psychologique. D'où la nécessité de renforcer la préparation du jeune à la connaissance de l'environnement régional, national, européen et mondial.

S'agissant du volet logement, et plus particulièrement le logement social, l'effort de l'État doit être maintenu. À la Réunion, notre situation démographique exceptionnelle appelle des réponses exceptionnelles. Sur les crédits de la LBU, nous n'avons plus, à l'heure actuelle, aucune marge de manœuvre, et une éventuelle diminution de ces moyens budgétaires serait catastrophique. Pour résorber ces difficultés, nous préconisons, à la Réunion, que les aides concernant la résorption de l'habitat insalubre, les crédits de la ligne budgétaire unique et les crédits affectés au logement sur d'autres lignes soient regroupés et fongibilisés pour alimenter un fonds global de l'habitat, avec, à terme, la création d'un établissement public local.

Nous devons prendre en compte la notion de mètre carré de vie au lieu de celle de mètre carré de construction. Il s'agit là d'une nouvelle approche, qui favorise la prise en compte de l'individu dans son environnement, pour un « mieux vivre » dans sa cité, dans son quartier, dans sa ville.

M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !

M. René-Paul Victoria. Enfin, il convient de conforter le lien social, c'est-à-dire développer le tissu associatif, favoriser les structures de proximité, diversifier et promouvoir les actions culturelles et sportives pour un mieux-être.

Il y a tellement d'échecs sur le chemin de chacun d'entre nous, tellement de misère et de désespoir qu'il faut analyser en profondeur la crise de notre « modèle social », qui est, à mon sens, avant tout culturelle.

En effet, l'intégration dans la société, comme dans le monde du travail, est impossible si l'on n'a pas de références culturelles. Si l'on ne se sent pas bien dans sa tête et bien dans sa peau, on n'arrivera pas à soulever des montagnes. Y parvenir exige le respect de chacun. Si nous concentrons nos efforts en négligeant le volet culturel, nous aurons un système déséquilibré, et, les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous aurons, dans les années qui viennent, à étudier un nouveau plan de cohésion sociale. Vous aurez compris qu'il s'agit ici de réveiller les potentialités de chacun afin de le rendre acteur de son propre développement.

Madame et messieurs les ministres, la Réunion s'est engagée dans ce processus national. Il y a deux ans, le conseil général a initié un « contrat social », aujourd'hui renforcé par un plan de cohésion sociale départemental. M. Jean-Louis Borloo nous a annoncé sa prochaine visite à la Réunion. Il aura l'occasion de voir, de comprendre et surtout d'apporter la contribution nationale à la mise en œuvre de ce plan départemental.

Je m'engage, en tant que député-maire de Saint-Denis, la plus grande ville française de l'outre-mer, à contribuer à la réussite de ce plan de cohésion sociale.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Très bien !

M. René-Paul Victoria. Une première étape consisterait à créer, dès le 1er janvier 2005, un comité local pour l'emploi et la formation à Saint-Denis.

Au travers de l'ensemble de ces dispositifs, que je soutiens, il importe que l'Homme soit au service de l'Homme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, Daniel Cohen, dans Les Infortunes de la prospérité, soulignait que « c'est la prospérité exceptionnelle des années d'après-guerre qui a rendu possible la croissance de l'État providence et non pas l'inverse ».

Il n'y a donc aucun choix à faire entre l'économique et le social. C'est la croissance économique qui rend possible le progrès social. A contrario, le décrochage français est essentiellement dû à l'absence de cohésion sociale, c'est-à-dire au poids des privilèges de la France improductive sur la France qui risque, et qui gagne d'ailleurs parfois comme l'indiquait récemment Jacques Marseille. La cohésion sociale est donc inséparable de la croissance. Elle en crée les conditions psychologiques et sociologiques et elle en reçoit les moyens de réalisation.

Votre texte, monsieur le ministre, va dans la bonne direction, celle qui amènera la France vers une nouvelle croissance, fondement essentiel de la création d'emplois.

Pour parodier Molière, le plan de cohésion sociale, c'est au fond « l'emploi, l'emploi vous dis-je ». En effet, le logement, c'est aussi de l'emploi, dans un domaine où le potentiel de création est considérable et le risque de délocalisation inexistant.

Quant à l'égalité des chances, c'est avant tout celle qui consiste à permettre à tous les talents de s'exprimer quelle que soit leur origine, quels que soient les chemins les plus divers de leur réalisation.

Mais l'emploi, c'est avant tout l'entreprise, et l'entreprise c'est avant tout la confiance. Ce sont les deux points que je souhaite souligner.

Dans un pays qui compte 6,5 millions d'agents publics, soit 10 % des habitants contre 6 % en moyenne européenne, un actif sur quatre contre un sur sept en moyenne européenne, c'est bien sûr l'entreprise privée qui doit créer de l'emploi. « Si la France avait connu le même taux que les États-Unis, elle aurait créé 8 millions d'emplois depuis vingt-cinq ans, près de trois fois le nombre des chômeurs secourus », note Jacques Marseille.

Aussi me paraît-il très important de souligner que le plan de cohésion sociale privilégie l'emploi en entreprise et vise au premier chef à diriger les jeunes, dont le taux d'inactivité est en France particulièrement alarmant, vers un emploi en entreprise, voire vers une création d'entreprise.

Un quart des moins de vingt-cinq ans seulement est au travail dans notre pays. C'est un potentiel de créativité et d'énergie qui nous fait cruellement défaut. Le développement de l'apprentissage et la revalorisation des métiers liés à la construction, d'une part, et à la restauration, d'autre part, sont de nature à élargir les voies de la réussite, alors que le mirage des emplois-jeunes avait renforcé d'une façon absurde en période de croissance l'attrait pour l'apparente sécurité d'emplois publics au rabais.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous ne sommes pas d'accord, mais ce n'est pas totalement faux !

M. Christian Vanneste. De même, nombre de jeunes issus de l'immigration devraient pouvoir bénéficier d'un accompagnement personnalisé qui puisse leur permettre d'accéder à l'emploi correspondant à leur talent. C'est ce que réalise par exemple le réseau d'entreprises Alliance dans la région Nord-Pas-de-Calais. De telles initiatives devraient être davantage soutenues. Mais, là encore, la solution passe non par des mesures abstraites, ni par des administrations, mais par le contact le plus direct possible entre le demandeur d'emploi et l'entreprise.


Telle est, me semble-t-il, la philosophie de l'une des mesures phares de ce projet, la création des maisons de l'emploi, qui ont déjà fait leurs preuves en Grande-Bretagne avec les job center. Moins d'administration, plus d'entreprise. Un seul guichet, un seul dossier, mais un parcours qui associe le demandeur d'emploi, les dispositifs de la formation et les entreprises : tel est le trépied sur lequel doivent s'appuyer les futures maisons de l'emploi. J'ai d'ailleurs déjà eu l'occasion d'attirer votre attention sur le projet expérimental de Linselles dans la vallée de la Lys, qui illustre cette perspective. Il va sans dire que pour réaliser pleinement son objectif, la maison de l'emploi doit intégrer la mission locale déjà existante.

Mais les entreprises ne peuvent vivre et prospérer sans la confiance. Depuis des années, la droite et surtout la gauche ont inventé de nombreuses mesures censées aider les gouvernements successifs à recouvrer le plein-emploi. Mais nombre d'entre elles ont démontré leur inefficacité, voire ont produit des effets contraires à ceux escomptés. Je pense en particulier à la contribution Delalande, qui, censée protéger les salariés de plus de cinquante ans d'un licenciement économique, s'est finalement révélée être, quelques années plus tard, un réel frein à l'embauche ou au retour à l'emploi de cette catégorie d'âge.

Sachons être humbles devant toute nouvelle tentative de renforcer le droit du travail qui, parallèlement, empêcherait l'expression de la volonté d'entreprendre. Cessons de décourager nos chefs d'entreprise.

C'est pourquoi j'ai déposé avec un certain nombre de mes collègues plusieurs amendements, afin de défendre la notion de sauvegarde de la compétitivité dans les motifs du licenciement économique. Il ne s'agit pas là d'affaiblir la situation des salariés, mais bien au contraire de renforcer la flexibilité de l'entreprise au regard de la réalité économique. Or, celle-ci impose aux entreprises de s'adapter pour préserver leur rentabilité, clé de l'investissement et donc de l'emploi.

Je souhaite par ailleurs que l'on encadre les procédures de licenciement dans des délais préfixés, connus à l'avance par les entreprises et leurs salariés. Cela permettrait d'écarter toutes les incertitudes nées de recours juridiques qui n'auraient d'autre objet que d'essayer de retarder la mise en œuvre des restructurations et qui pénalisent tant la situation économique de l'entreprise que les salariés concernés.

L'exemple danois, évoqué par Alain Joyandet et Hervé Novelli, est actuellement à la mode parce qu'il associe à la fois un taux de chômage bas, une rotation importante des emplois, une formation professionnelle continue efficace, autrement dit le mariage de la souplesse et de la sécurité. Cela se passe dans un pays dont les dépenses publiques ont baissé de cinq points, ce qui n'est pas notre cas, et dont le niveau social est financé par une TVA sociale. J'y suis personnellement favorable et je ne suis pas le seul, Francis Vercamer est également de cet avis.

M. Francis Vercamer. En effet !

M. Christian Vanneste. Il est plus que temps que la France cesse de s'abriter derrière ses exceptions et s'inspire des pays qui réussissent mieux qu'elle.

Le présent projet de loi illustre cette grande modestie quant à la recherche des moyens en regardant lorsqu'il le faut ce qui se fait chez les autres et il traduit une grande ambition pour mettre fin à l'une de nos malheureuses exceptions, héritées de vingt ans de socialisme : notre taux de chômage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très subtil !

M. le président. La parole est à M. Jacques Houssin.

M. Jacques Houssin. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, chers collègues, la société française traverse une grave crise. En quinze ans, le nombre d'allocataires du RMI a explosé, 1 500 000 familles sont surendettées et le nombre de logements indécents a doublé.

Cette crise n'est pas récente, mais il a fallu attendre le gouvernement Raffarin pour qu'on s'y attaque enfin. Le pôle réuni autour de Jean-Louis Borloo a cherché des solutions réalistes, visant à traiter les problèmes dans leur ensemble, et non un par un.

Je tiens à rappeler que le plan proposé mobilise plus d'un milliard d'euros de moyens supplémentaires en 2005, et jusqu'à trois milliards en 2007. Cet effort financier est d'autant plus méritoire que le contexte budgétaire est, comme vous le savez, très difficile.

La crise de la société française se manifeste avec une acuité particulière dans le secteur du logement : l'offre est inadaptée, les logements sociaux sont insuffisants et les prix montent. C'est particulièrement vrai dans nos grandes villes. Dans l'agglomération lilloise, entre 1998 et 2002, la capacité d'attribution dans le parc HLM a baissé de 10 %, pendant que la demande explosait, augmentant de plus de 60 % ! En conséquence, les prix ont flambé, pénalisant surtout les jeunes, les ménages à faibles revenus et les classes moyennes.

Or le logement, c'est ce qui touche tous les Français, c'est leur quotidien. Il n'est pas acceptable de laisser perdurer une telle crise dans notre pays. Vous y avez répondu, monsieur le ministre, en faisant du volet logement du plan de cohésion sociale un véritable « plan Orsec » pour l'habitat. Il s'attaque à la pénurie de logements locatifs sociaux avec un objectif de doublement du parc existant.

Depuis dix ans, seuls 50 000 logements locatifs sociaux ont été construits chaque année en moyenne, alors qu'il en aurait fallu 100 000, hors programme national de rénovation urbaine. Grâce au plan de cohésion sociale, nous allons passer de 80 000 en 2004 à 120 000 en 2009, avec une montée en puissance progressive. Au total, ce sont un demi-million de logements nouveaux qui seront créés.

Construire plus est en effet indispensable. Mais, parallèlement, il faut aussi mettre à niveau les logements existants. Ainsi monsieur le ministre, vous comptez financer la réhabilitation de pas moins de 400 000 logements locatifs sociaux en zones urbaines sensibles d'ici à 2011, et autant, hors zones urbaines sensibles, d'ici à 2009.

Dans ce chantier immense, les collectivités locales seront davantage parties prenantes. À partir du 1er janvier, l'attribution des aides de l'État au logement locatif social pourra être déléguée aux établissements publics de coopération intercommunale, ainsi qu'aux départements qui en feront la demande. L'intervention des collectivités locales sera également possible en cas de carence des opérateurs, pour la réhabilitation ou l'acquisition de logements existants. Elle sera étendue à la construction neuve pour les logements très sociaux.

Enfin, vous nous avez assuré, monsieur le ministre, que vous répondriez favorablement aux demandes des communes pour qu'elles puissent réaliser plus de logements locatifs sociaux, en leur octroyant davantage de financements par le biais de PLS et de PLUS, et je m'en réjouis.

Pour résoudre la crise, vous avez aussi choisi de mobiliser davantage le parc locatif privé. La revalorisation des crédits de l'ANAH, souhaitée par tous depuis longtemps, permettra une augmentation de sa capacité d'intervention de 70 millions d'euros en 2005 et de 140 millions d'euros au cours des quatre années suivantes. Il est frustrant de constater la pénurie de logements face au nombre impressionnant d'appartements vides : plus de 20 000 dans la seule ville de Paris. Ce ne sont pas moins de 100 000 logements vacants qui doivent être reconquis, et de 200 000 logements à loyers maîtrisés qui doivent être aidés par l'ANAH. Afin de faciliter les remises sur le marché de logements vacants, les bailleurs bénéficieront de trois ans d'exonération de la contribution sur les revenus locatifs. La prime versée par l'ANAH sera portée à 5 000 euros dans les secteurs les plus tendus et à 2 000 euros sur le reste du territoire. Les propriétaires de logements vacants ont besoin d'être rassurés. Pour les encourager à louer, vous avez décidé de conforter le statut de créance privilégiée des loyers impayés.

Le volet logement du plan de cohésion sociale me paraît représentatif du projet de loi dans son ensemble : le but n'est pas de saupoudrer du social à court terme, mais de refondre structurellement le marché du logement locatif en France. Il s'agit là d'une démarche d'ampleur que je veux saluer, et je suis fier, madame, messieurs les ministres, de soutenir un projet de loi qui a de telles ambitions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Irène Tharin.

Mme Irène Tharin. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, chers collègues, urgent et utile, ce sont les deux adjectifs qu'a utilisés hier Jean-Louis Borloo en présentant le plan de cohésion sociale. Et je partage sans réserve ce constat.

Nos fonctions d'élus locaux nous conduisent à rencontrer régulièrement nos concitoyens. Nous devons être à leur écoute et nous devons tenter de soulager des situations de détresse humaine. Il s'agit bien souvent de problèmes de recherche d'emploi pour des chômeurs de longue durée, de difficultés à se loger en raison de la saturation de notre parc locatif social, ou, pire encore, de cas d'endettement massif qui conduisent parfois des ménages à des dérives financières inextricables.

Le constat de cette part de France, qui souffre d'exclusion sociale, vous l'avez fait hier, monsieur le ministre, je n'y reviendrai pas.

Je tiens cependant à vous exprimer, ainsi qu'à vos collègues du pôle de cohésion sociale, ma satisfaction, et mes espérances face à ce plan. C'est la première fois, en effet, qu'un gouvernement a le courage de s'attaquer simultanément aux trois fléaux que sont, la perte d'emploi, la difficulté à se loger et l'endettement.

Votre analyse, monsieur le ministre, est la bonne : il faut d'urgence s'attaquer de façon simultanée aux causes principales qui génèrent de 1' exclusion sociale.

Cette politique est nécessaire et utile. C'est en effet en faisant diminuer le chômage, et en particulier celui des jeunes, en créant des logements sociaux, qui sont en panne depuis 1997, et en encourageant l'offre locative privée que nous redonnerons confiance aux familles. Et nous savons tous que la confiance est le moteur de la relance, de la consommation, donc de la croissance et de la création d'emplois.

J'en suis persuadée, votre plan de cohésion sociale, additionné aux mesures budgétaires que nous avons votées pour accompagner le retour de la croissance, permettra de renouer avec le cercle vertueux que j'évoquais à l'instant.

Vous avez l'ambition de créer, en cinq ans, 800 000 emplois pour des jeunes en difficulté d'insertion professionnelle, de passer de 350 000 à 500 000 apprentis par an et, dans le domaine du logement, de construire 500 000 logements locatifs sociaux, soit 100 000 par an, et de remettre sur le marché 120 000 logements privés vacants.

Votre plan bénéficie, pour la réussite de ces objectifs, d'une programmation budgétaire sans précédent, de près de 13 milliards d'euros sur cinq ans.

Vous avez répété hier que vous souhaitiez de la souplesse dans l'application de ces mesures, et je suis d'accord avec vous.

Mais permettez-moi d'évoquer à cette tribune une crainte qui concerne l'application de ces différentes mesures sur le terrain par les services de l'État.

Combien de fois sommes-nous obligés de nous battre - pardonnez-moi cette expression - pour obtenir un CES ou un CEC pour un chômeur de longue durée, tout simplement parce que les textes administratifs, les circulaires, les décrets sont complexes et que parfois l'administration chargée de les appliquer peine à s'y retrouver ?

À cet égard, la mobilisation du Président de la République à vos côtés pour signifier aux préfets et aux directeurs d'administration centrale l'urgence à appliquer sans délais les mesures du plan une fois celles-ci votées me paraît un gage d'espoir. Mais il faudra également de votre part, monsieur le ministre, un engagement et une volonté politique de tous les instants. Je sais que vous y êtes prêt.

Mais je tiens à ce sujet à vous faire une suggestion. À l'image du dispositif que votre collègue Renaud Dutreil avait proposé aux parlementaires pour le suivi et la mise en œuvre de la loi sur l'initiative économique, pourquoi ne pas associer les parlementaires, et en particulier les députés, à l'application locale du plan de cohésion sociale ?

Je vous propose d'étudier la possibilité de confier aux députés qui le souhaitent la constitution, à l'échelle d'une circonscription, d'un comité local pour l'application du plan de cohésion sociale, qui pourrait se réunir chaque mois, avec l'ensemble des partenaires impliqués, et faire le point sur la mise en ouvre du plan de cohésion sociale et faire remonter les difficultés rencontrées.

Ainsi, pourrait être confortée la fonction de contrôle des parlementaires, et, en même temps, pourrait être démultipliée l'information sur les mesures de votre plan auprès des populations concernées de chaque circonscription.

Maire d'une commune de 6 000 habitants, Seloncourt, je sais combien il est nécessaire d'être présent pour assurer le suivi des politiques votées en conseil municipal.

Il en va de même des lois que nous votons. Il faut que les parlementaires que nous sommes prennent en charge le suivi et la bonne application de cette législation. J'espère, madame et messieurs les ministres, que vous répondrez favorablement à mes attentes.

Quant à votre plan, je le voterai sans hésitation et avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Les interventions furent riches, monsieur le président, et nombre d'entre elles ont préparé les discussions qui auront lieu au cours des longues journées et des longues nuits à venir. Tous ces échanges pourront être approfondis avec chacun des ministres présents ce soir.

Il est important que les ministres qui ont contribué à l'élaboration du plan de cohésion sociale soient présents, même si cela conduit parfois à ce qu'ils soient aussi nombreux que les parlementaires de cette noble assemblée ! (Sourires.)


Monsieur Vercamer, vous avez souhaité obtenir des clarifications sur le caractère opérationnel de certaines mesures, mais vous avez surtout insisté sur la lutte que vous meniez, avec votre groupe, contre les discriminations. La commission a pris en compte cette préoccupation. Le Gouvernement, pour sa part, entend mener cette action avec la plus totale détermination, d'autant que la France a en ce domaine un retard considérable par rapport à ses voisins. Pensons que c'est seulement hier que le Sénat a adopté la création d'une Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité des chances. Tout cela nécessite d'accélérer le mouvement, en ciblant notre action par un travail approfondi.

Monsieur Jacquat, vous avez souligné la nécessité d'efforts massifs en faveur du logement. Je n'oublie pas la visite que j'ai faite avec vous, il y a un peu plus d'un an, de l'un des quartiers de votre ville, je sais que vous tenez à la coordination des actions d'accompagnement et d'encadrement et à l'amélioration des grandes opérations urbaines. Plus encore, vous avez appelé de vos vœux un financement des travaux de remise en état des locaux avant qu'ils ne soient occupés par un locataire ou un propriétaire, individuel ou collectif. Marc-Philippe Daubresse suit ce dossier avec attention car il partage votre avis.

M. Liebgott, avec beaucoup de doigté et de délicatesse, a exprimé son inquiétude quant au financement du plan, point également soulevé par M. Le Garrec et M. Le Bouillonnec, qui nous ont fait l'honneur d'intervenir dans la discussion générale.

M. Le Garrec a dit qu'il souhaitait que ce plan réussisse, tout en nous faisant part de ses interrogations. Cela se comprend dès lors que le Gouvernement n'a pas déterminé a priori et de manière figée la forme que prendraient les maisons de l'emploi suivant les sites, ni la taille ou les périmètres d'habitat, ni le mode d'organisation des équipes de réussite éducative. J'ai noté qu'il avait eu la gentillesse de dire que certains bilans passés plaidaient en ma faveur contrairement au bilan collectif global.

Monsieur Le Bouillonnec, je me souviens encore des discussions enflammées qui nous ont opposés, il y a dix-huit mois.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est vrai, nous sommes des habitués de la nuit !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Quand nous aurons à débattre du logement, qui vous tient à juste titre à cœur, vous m'autoriserez à revenir sur vos propos d'alors. Dans une envolée à la hauteur de vos talents professionnels, vous me disiez que j'étais un magicien digne d'Harry Potter, capable avec 7 milliards d'euros de financer 27 milliards d'euros de programmes.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Trente milliards !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. C'est avec bonheur que je vous citerai, tout en vous faisant constater l'état objectif des financements de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.

M. Thomas a dit sa volonté de sortir des faux débats. L'entreprise contribue à l'activité. Certains dispositifs, comme les chantiers d'insertion, sont liés, statutairement, à des situations de précarité mais constituent des étapes vers le retour à l'emploi. Il faisait notamment allusion à des chantiers qu'il a initiés dans sa ville d'Hérouville-Saint-Clair, et au cas de trois jeunes qui ont ainsi trouvé du travail. Nous prenons note des conseils et suggestions qu'il a proposés au nom de l'UDF.

Madame Jambu, je vous sais attachée, comme Denis Jacquat, à résoudre les problèmes de logement. Les pédopsychiatres ont bien montré que les enfants, lorsqu'ils commencent à dessiner, représentent d'abord une maison. En dehors de la période prénatale, c'est l'un des éléments structurants de la personnalité d'un individu. En ce domaine, nous avons pris un retard considérable. Vous avez attiré notre attention sur le droit au logement, étant entendu sans doute qu'il est opposable.

Mme Janine Jambu. Bien sûr !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. La vraie difficulté tient à la nécessité de dépasser la compassion et les incantations. La bonne question est de savoir à qui ce droit est opposable. Il fallait bien clarifier ce point. À cet égard, nous nous sommes mis d'accord avec les associations, très en pointe, pour mettre au point un programme d'opposabilité où les responsabilités des uns et des autres sont stabilisées. Mais le meilleur des droits au logement, n'est-ce pas une offre nationale suffisante en quantité et en qualité, à des prix acceptables, compatibles avec les capacités contributives de chacun ? Nous aurons l'occasion d'en parler à nouveau.

S'agissant de l'aide au logement, M. Daubresse évoquera les moyens d'éviter certains effets de cliquet. Rappelons tout de même que c'est l'honneur du Gouvernement que d'avoir rétabli l'APL pour tous les foyers, même après trois mois de défaillance, afin d'éviter l'expulsion pour les locataires de bonne foi, qui était de règle il y a six mois encore.

Monsieur Perrut, j'ai bien compris combien était cruciale pour vous la réconciliation de l'économique et le social, qui impose de dépasser des débats surannés. Comme vous, j'estime que le bassin d'emploi n'est pas seulement un site pour les maisons de l'emploi mais aussi un lieu de dialogue social entre les forces vives, à même de développer l'emploi. Fort de votre expérience du terrain, vous avez souligné l'extraordinaire potentiel de notre pays en matière d'emplois de services et de proximité. Ils nécessiteront, non seulement des financements publics, mais aussi une révolution du mode d'organisation du travail. Les compétences mises à profit selon un temps partagé supposent en effet un autre modèle économique. En outre, je vous remercie d'avoir dit que notre plan était sur la bonne voie.

Monsieur Anciaux, nous avons déjà eu l'occasion de parler de votre passion pour les maisons de l'emploi. Pour éviter le risque d'un succès trop rapide et mal contrôlé, il conviendra d'établir des chartes de qualité et un label pour les maisons existantes. Nous aurons le plaisir de travailler plus avant sur ces sujets, du moins si le président de l'Assemblée et celui de votre groupe nous suivent sur ce point.

M. Ferry a eu l'extrême amabilité de considérer que ce plan n'était finalement que le fruit de l'expérience de terrain des uns et des autres et que n'importe lequel d'entre nous aurait pu le mettre au point. C'est le plus beau compliment que l'on pouvait nous adresser. Nous avons dû nous y mettre à six, (Sourires), c'est dire la lenteur de conception de ce gouvernement, mais croyez bien qu'elle n'aura d'équivalente que sa rapidité d'exécution.

M. Novelli nous a fait part de son expérience du modèle danois, qu'il a approfondie avec Pierre Méhaignerie et quelques autres. Lorsqu'un pays n'a pas de RMIstes et d'ASS et que le taux de chômage n'y dépasse pas 4 % ou 5 %, on peut toujours employer des expressions blessantes. Dans le cas contraire, la moindre chose est de regarder ce qui se fait ailleurs et d'éviter toute diabolisation. Tout n'est pas intégralement transposable, mais traiter avec un tel mépris certaines expériences étrangères me paraît relever d'un autre temps. Ne nous y trompons pas. Les Français sont collectivement intelligents et ne se laissent pas abuser par quelques slogans.

M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Il est clair que des points de désaccord peuvent nous séparer. Le Gouvernement a tenté néanmoins de trouver un équilibre général. N'oublions pas le recours à la lettre rectificative, respectueuse de la réglementation, transmise au Conseil d'État, puis aux commissions. C'est ainsi que nous procéderons et non pas à coup d'amendements brutaux comme Mme Guigou l'a fait pour sa loi, qu'aucun des partenaires sociaux n'a d'ailleurs regrettée. Il est clair que nous avancerons dans la voie de l'équilibre et je remercie Hervé Novelli des déclarations qu'il a faites à ce sujet.

Je vous remercie monsieur Wauquiez, d'avoir insisté sur la gestion prévisionnelle des ressources humaines, autre domaine essentiel en dehors du logement. Notre pays a su former ses élites mais n'a pas su gérer correctement l'ensemble de ses ressources humaines. Or dans une économie ouverte, en compétition permanente, tous les membres du corps social représentent des ressources potentielles. Je vous remercie aussi d'avoir insisté sur les accords de branche, qui sont indispensables, et pour votre appréciation globale sur le plan.

Quant à la question de l'apprentissage, évoquée par M. Beaudouin, je n'y reviendrai pas. Nous aurons l'occasion avec Laurent Hénart de l'approfondir.

Monsieur Piron, je vois que vous êtes déjà assis à côté de M. Anciaux pour parler des maisons de l'emploi et de leur territorialisation. Je vous confirme que nous continuerons à travailler avec sérieux sur cette question.


Je ne suis pas étonné des souhaits de Jean-Louis Dumont en matière de participation citoyenne, lui qui a un grand passé dans ce qu'on peut appeler le « logement citoyen ». Nous n'avons pas toujours été d'accord sur tout, monsieur Dumont, mais nous le sommes certainement sur l'objectif à atteindre.

M. Denis Jacquat. C'est un homme de bonne volonté !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Mme Grosskost a appelé l'attention du Gouvernement sur la prolongation de l'exonération de cotisations au-delà de neuf mois. Nous lui promettons d'expertiser rapidement cette possibilité qui semble recueillir davantage nos faveurs que celles de nos amis de Bercy. Néanmoins, nous avons quelques relations privilégiées avec cette noble institution.

Je remercie Pierre Cardo d'avoir confirmé la nécessité d'une réorientation de la politique de la ville. Pendant vingt ou trente ans, chacun a essayé de bien faire sur un sujet qui a échappé à tous, dans lequel il n'y avait que quelques petites compensations par voie budgétaire. En réalité, c'était un tout petit peu d'argent dans un tout petit ministère, qui d'ailleurs disparaissait deux ans tous les six ans, puis réapparaissait. Il y avait quelques lignes budgétaires qui traînaient, 300 ou 400 millions d'euros, et on débattait, pendant des heures, sur leur hausse ou leur baisse de 3 %, alors qu'en réalité nous savons tous que la moitié de ces crédits étaient des autorisations de programme et que les crédits de paiement n'étaient jamais confirmés. Les autorisations de programme étaient reportées puis annulées, pour être réinscrites, et cela donnait lieu à des débats extraordinaires sur un budget quasi virtuel.

Juste un chiffre : pour les GPV, il y a sept ans maintenant on a inscrit un milliard. Au total, il est arrivé 68 millions d'euros en crédits de paiement. C'est qu'en réalité ce sont des sujets complexes, qui devraient mobiliser toutes les forces, des sujets où l'on doit faire confiance à l'autre, alors qu'on sait bien que l'autre n'aura pas les crédits suffisants pour faire son programme de l'année. Alors l'État mettait quelques euros dans le tuyau et la collectivité mutualisait avec le conseil général. Bref, dans le meilleur des cas les subventions arrivaient fin octobre, début novembre, avec des dossiers en nombre incalculable : dix, voire treize ou quatorze. Chaque ministre, l'un après l'autre, a essayé de faire un dossier unique, comme s'il était possible de faire un dossier unique opposable à chacune des institutions qui vote dans sa liberté territoriale ! On a imaginé des avances sur dossier avec la Caisse des dépôts et consignations car en réalité les financements arrivaient après l'action.

Bref, aujourd'hui la stratégie est assez claire : il y a l'habitat dans toute sa composante, avec l'Agence de rénovation urbaine. Elle a son programme avec tous les partenaires. Il y a 40 milliards d'euros en quatre ans, et pas 68 millions d'euros. La machine est lancée.

Le deuxième élément stratégique est de donner aux villes qui en ont besoin les moyens de faire les choses directement elles-mêmes. C'est la réforme de la DSU.

Reste un troisième pilier, pour les cas particuliers, ceux qui n'ont pas la bonne taille ou qui n'ont pas de difficulté totale. Ce sont les grandes campagnes nationales, les centres de réflexion, l'Observatoire national des ZUS, le think tank, l'ingénierie, la conception et les financements complémentaires pour ceux qui n'entrent dans le cadre d'aucune des deux grandes stratégies. Je crois donc que le dispositif est maintenant parfaitement clair.

Monsieur Victoria, nous avons eu l'occasion de nous rencontrer à Saint-Denis où j'ai visité les éléments de rénovation urbaine. C'est la plus grande ville française hors métropole d'une île qui a pour nom merveilleux celui de « Réunion », qui est probablement le plus beau nom de la République. On a changé le nom de « l'Île Bourbon » en « Île de la Réunion », qui symbolise la réunion des races et des religions.

Malgré d'énormes difficultés sociales liées au coût des transports, à la faiblesse du bassin économique sur lequel vous êtes assis et à l'éloignement des territoires les plus proches, le peu de discrimination et l'intégration qui existent dans ce département de France sont un exemple pour tous. Du reste, il serait utile d'organiser un jour un grand colloque mondial, comme ceux de Porto Alegre ou de Davos, afin d'analyser les éléments et les germes qui ont permis à ces gens qui viennent de continents différents, avec des religions différentes, d'être intégrés et de vivre dans le respect de l'autre. En tout cas, le ministère de la cohésion sociale serait prêt à vous aider à financer ce colloque, car l'expérience réunionnaise nous paraît tout à fait exemplaire, et je le dis à un moment où l'on débat au Sénat et à l'Assemblée de la lutte contre les discriminations.

Monsieur Vanneste, vous avez dit, avec votre pragmatisme habituel, qu'il fallait faire simple, éviter les doublons, et faire en sorte que le projet soit lisible. Bien évidemment, nous vous suivrons dans cette voie.

Mme Billard et Mme Saugues ont parlé du surendettement, sujet qui me tient à cœur. Ce Gouvernement a eu l'honneur de présenter la loi de la deuxième chance, qui permet aux familles de pouvoir repartir à zéro, sans risquer un retour de créances oubliées. À ce jour, 22 000 familles ont pu bénéficier de la procédure qui a été ouverte. Nous avons sollicité des familles qui étaient en détresse et qui n'accédaient pas aux commissions de surendettement. Depuis octobre, la situation s'est stabilisée. Le plus important pour nous, ce sont les sorties de procédure et non les commentaires sur les entrées de procédure.

Par ailleurs, je ne peux pas laisser dire que les moyens des associations ont été réduits. Si c'est le cas, ce n'est pas du fait de l'État.

M. Pierre Cohen. Si !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Monsieur Cohen, nous y reviendrons, comme nous aurons l'occasion de revoir les chiffres avec M. le Bouillonnec.

La loi sur la rénovation urbaine a permis d'affecter des lignes budgétaires aux associations. Par ailleurs, après une enquête précise faite auprès de 15 530 associations, je ne peux pas contester le fait que nous n'avons pas accéléré les dates de paiement, alors que c'était un de nos objectifs, mais nous aurons l'occasion d'y revenir au cours du débat.

Je dis à Mme Boutin que nous sommes en effet à un moment de rupture. Nelly Olin a constitué un groupe de travail pour essayer, avec un certain nombre d'associations, de voir comment rémunérer l'heure de travail, cette heure particulière qu'on peut faire même si l'on est hors de tout cadre de travail. Voilà un sujet très difficile car il ne peut être question que ce soit la norme des contrats et conventions. Nous progressons, comme sur le droit au logement, et Marc-Philippe Daubresse aura l'occasion de vous en parler plus longuement et plus attentivement dans le cadre de la loi « Habitat pour tous ».

Madame Jacquaint, vous êtes, comme toujours, extrêmement attentive aux volets enfance et éducation. Vous indiquez, avec raison, que « la cohésion sociale implique un discours commun reposant sur des valeurs partagées avec pour objectif la réduction des inégalités ».

Vous vous réjouissez des équipes de réussite éducative, mais, en même temps, vous vous interrogez sur leur cohérence avec des réseaux ou des systèmes existants : vous les avez longuement cités, les connaissant parfaitement bien. Il faut soutenir les réseaux existants, et c'est pour la plupart d'entre eux l'affaire de l'Éducation nationale. Notre souci est d'apporter des moyens nouveaux, qui pourront être éventuellement à la disposition de ces réseaux, des moyens gérés par les enseignants, les directeurs d'établissement, les collectivités locales, les représentants du conseil général, voire les CAF, selon les sites, sous quelque forme que ce soit - association, EPLE, caisse des écoles, peu importe -, pour s'occuper de toutes les actions qui peuvent concourir à aider les enfants qui ont un problème de comportement, soit à l'école, soit avec leurs parents, soit dans leur rapport avec autrui, la seule règle étant que ces crédits servent à améliorer leur comportement.

Ce sont des sujets d'une extrême diversité. Chaque enfant est unique face à son destin et à ce type de situation. Comme la réalité locale est assez diversifiée, c'est simplement une mise à disposition par l'État de moyens dans un cadre qu'il faudra organiser entre nous. Je reconnais le caractère un peu audacieux de la liberté de fonctionnement de ces points.

Un autre problème qui vous tient à cœur concerne le problème de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. On ne peut que vous suivre sur ce point. Après avoir hésité, nous avons pris une décision, à l'instigation du Sénat, concernant l'allocation de parent isolé, qui concerne les femmes dans 85 % des cas, même si le sujet que vous évoquez à propos des femmes ne se résume pas cette situation. Nous avons décidé d'ouvrir les contrats d'avenir aux bénéficiaires de l'allocation de parent isolé. Cela nécessitera un encadrement et un soutien méthodologique très important des CAF car les situations sont complexes. Il s'agit d'ouvrir des droits et non de réduire la capacité des femmes, quel que soit leur choix de vie.


Madame Tharin, vous avez fait part avec la gentillesse qui est la vôtre de votre expérience de femme maire. Je n'ai rien à ajouter car, avec vos mots à vous, vous avez apporté la plus belle des conclusions à ce qui a été pour nous un riche moment d'écoute. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement a un curieux rapport au social. Croyez-le bien, mon étonnement n'est pas feint. Le mélange tour à tour d'insuffisance, d'arrogance, d'indifférence et d'implication dont vous faites preuve, suscite la perplexité. Voilà plus de deux ans et demi que vous êtes collectivement, sinon individuellement, aux responsabilités et, pourtant, rien ne semble s'améliorer.

S'agissant de la méthode à suivre, vous n'arrivez manifestement pas à choisir entre le recours au dialogue social et la loi. Malgré vos déclarations, on ne compte plus les dossiers sur lesquels vous avez décidé sans même consulter les partenaires sociaux, et ceux, encore plus nombreux, où vous êtes allés contre leur avis. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Novelli qui s'émeut d'emblée de mon entrée en matière, est pourtant le premier à préconiser une modification de la loi sur le licenciement et de la définition du licenciement économique refusée par l'ensemble des partenaires sociaux. Je ne suis pas sûr que, sur de telles questions, il puisse se montrer aussi déterminé qu'il l'est assis sur son banc.

M. Hervé Novelli. Vous verrez !

M. Gaëtan Gorce. M. le ministre délégué aux relations du travail semble attendre le débat avec gourmandise, nous aussi.

Ainsi, je ne crois pas que les partenaires sociaux aient été consultés ou aient donné un avis favorable sur la suppression d'un jour férié ou la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Et votre projet de loi en fournit une nouvelle illustration : les syndicats ont été vaguement consultés sur votre plan de cohésion sociale...

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. « Vaguement » n'est pas le terme !

M. Gaëtan Gorce. Vous nous donnerez le détail de ces consultations, monsieur le ministre. Ils n'ont en tout cas jamais approuvé les dispositions du texte concernant les licenciements économiques ! Nous n'avons pas de relevés de conclusions qui fassent état d'un accord quelconque.

Ce dernier dossier est en quelque sorte emblématique de l'attitude que vous adoptez. Voilà un sujet sur lequel votre prédécesseur, M. Fillon, n'avait cessé de nous répéter qu'il fallait faire confiance au dialogue social, que nous allions voir ce que nous allions voir. Que n'avons-nous entendu au cours des débats sur la suspension de la loi de modernisation sociale ! Il nous était reproché de ne pas faire confiance au dialogue social, d'être en retrait par rapport aux partenaires sociaux. Vous déclariez que la suspension ne serait que l'affaire de quelques semaines, puisque, très vite, tout le monde allait s'entendre sur les solutions qui seraient ensuite soumises au Parlement. Mais nous n'avons rien vu venir, pas même l'esquisse d'un accord, rien d'autre qu'un piteux retour à la loi antérieure, après un premier report décidé dans la précipitation au début de l'été.

Faut-il s'en étonner ? Pouviez-vous réussir ? En avez-vous eu seulement l'ambition ? Vous ne vous en étiez pas donné les moyens. En suspendant, c'est-à-dire en abrogeant de fait les principales dispositions de la loi de modernisation sociale, vous aviez déjà donné satisfaction à l'organisation patronale, qui, par conséquent, n'avait plus rien à concéder, ni même à obtenir. Nous en avons d'ailleurs discuté quand M. Fillon a présenté son projet de loi, il y a dix-huit mois de cela. Nous avons alors dénoncé à cette tribune le déséquilibre de la négociation que vous aviez ainsi provoqué. Vous n'auriez pu aboutir qu'en affaiblissant considérablement les organisations syndicales, pour leur faire accepter l'inacceptable. Heureusement ! cela n'a pas été possible.

Vous voici donc orphelins d'un accord, inventant un ersatz de loi, dont on a peine à croire qu'il cherche, dans sa faiblesse, à répondre à la grande crainte, relayée sur tous les bancs, des licenciements provoqués par les restructurations ou les délocalisations. La solution que vous avez trouvée illustre cependant mieux que n'importe quelle déclaration l'idée que vous vous faites de la négociation sociale. Dans votre esprit, elle n'a pas pour objet d'enclencher un vaste processus de modernisation ou de réforme, auquel les partenaires sociaux seraient directement associés, ni même d'impulser un mouvement de réforme pour l'initiative économique ou pour la justice sociale, dont notre pays aurait pourtant besoin. Non, la négociation est une sorte d'exutoire, de pis-aller, de chemin de traverse que vous choisissez parfois d'emprunter lorsque vous ne savez plus quelle direction suivre. La vérité, c'est que, devant une difficulté bien réelle, vous vous défaussez. Vous vous défaussez sur la négociation sociale, et quand c'est possible, vous vous défaussez sur les partenaires sociaux au plan local, comme vous allez le faire en matière de licenciements.

M. Patrick Roy. Très juste !

M. Gaëtan Gorce. Les dénégations silencieuses que vous m'adressez, madame et messieurs les ministres, montrent bien que le débat mérite d'être engagé. Mais je ne vois pas sur quels arguments vous pourriez vous appuyer.

À l'exception d'un grand accord sur la formation tout au long de la vie - et dans la conclusion duquel le Gouvernement n'a certainement pas joué un rôle déterminant -, la négociation sociale n'a pas abouti à des accords avec une majorité de syndicats.

Toujours à propos des licenciements, le ministre de l'économie et des finances s'est emparé du problème des délocalisations, suscitant presque une attente : il laissait entendre qu'il arriverait à un accord entre les organisations syndicales et le patronat pour apporter de nouvelles garanties, en amont par une meilleure prévention, et en aval à travers des actions fortes pour remédier aux difficultés de ceux qui seraient licenciés. Quel est le résultat ? Au lieu d'un texte global sur la modernisation sociale, sans doute discutable, nous nous retrouvons à débattre de quelques articles de loi, dont certains constituent de véritables provocations pour les syndicats - ce qui vous a fait reculer -, d'autres n'apportant pour toute réponse que le renvoi pur et simple à la négociation d'entreprise ! Que se passera-t-il en l'absence d'accord ? Un simple retour à la législation que nous avions modifiée, autrement dit un retour en arrière de plusieurs années. Telle est la réforme du licenciement que vous nous proposez !

Vous renvoyez ainsi à la négociation au sein de l'entreprise le règlement d'un problème que vous n'avez pas su résoudre à l'échelon interprofessionnel. Une fois de plus, vous vous débarrassez sur les partenaires sociaux d'un problème que vous n'avez pas su traiter. Or on sait bien que la représentation syndicale connaît malheureusement, au niveau de l'entreprise, quelques faiblesses.

Le Premier ministre, M. Raffarin, a manifestement de plus en plus tendance à traiter les problèmes comme le petit père Queuille, dont il a, semble-t-il, adopté la maxime préférée : « Il n'est pas de problème qu'une absence prolongée de solution ne permette de résoudre. »

M. Hervé Novelli. Ça c'est la devise du parti socialiste !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Comment avez-vous traité les retraites ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville. Et l'assurance maladie ?

M. Gaëtan Gorce. Si certains souhaitent m'interrompre pour engager le débat, je ne veux pas les priver de ce plaisir et je m'interromprai bien volontiers. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

Telles sont les réponses que vous faites désormais aux salariés inquiets, menacés dans leur emploi. C'est d'ailleurs la même méthode que vous suivez pour le reste du plan : vous vous déchargez pour une bonne part sur les collectivités locales. J'aurai l'occasion d'y revenir.

Mais ce curieux rapport au social ne se limite pas à la méthode, elle est intéressante à observer sur le fond. Votre embarras n'est que la conséquence d'une perpétuelle hésitation entre l'audace, parfois proclamée, et la prudence, souvent pratiquée. Sur la plupart des sujets sociaux, on voit sans peine où vous portent vos préoccupations, pour ne pas dire votre idéologie.

Vous ne rêvez que de réduire les « charges sociales », le système de financement de la protection sociale se résumant à vos yeux à des charges qui pèseraient sur la collectivité, puisque le principe de solidarité ne fait manifestement pas partie de votre vocabulaire. Vous ne songez qu'à transférer au privé une part croissante des financements de notre système de protection sociale. C'est bien ce à quoi aboutiront la réforme des retraites et celle de l'assurance maladie. Vous ne rêvez que d'alléger le code du travail des garanties qu'il apporte aux salariés, que de pulvériser la réduction du temps de travail et les 35 heures, qui sont pour vous autant d'épouvantails - et ce n'est pas M. Novelli qui me démentira. Vous rêvez de flexibilité, de suppression des freins à la création d'emplois, de sanctions à l'égard des chômeurs ou des RMIstes et de mise au pas de tous les autres.

Mais ce rêve, que vous partagez avec le MEDEF, vous avez du mal à le réaliser. Vous vous heurtez d'abord aux fortes résistances des organisations syndicales et des Français. Et l'on comprend la frustration d'une bonne partie de votre majorité, car, sur le terrain, au risque d'alimenter la colère des plus déterminés d'entre vous qui n'ont cure de ces subtilités, vous restez le plus souvent au milieu du gué, en prenant bien soin de ne pas aller aussi loin que votre passion pourrait vous pousser. Vous suspendez la loi de modernisation sociale, plutôt que de l'abroger. C'est une nuance car l'abrogation est de fait. Vous amendez la réduction du temps de travail plutôt que de la supprimer. Encore une nuance, puisque vous avez beaucoup fait pour que les 35 heures ne puissent plus s'appliquer efficacement, notamment dans les petites entreprises. Vous entaillez la retraite par répartition, au lieu de lui substituer ouvertement la capitalisation, mais l'abaissement des montants de reversement va contraindre les retraités, pour autant qu'ils en aient les moyens, à recourir à une assurance privée pour compléter leur retraite.

Même sur le licenciement, vous renoncez, face au tollé syndical, à modifier le code du travail et la définition du licenciement économique, comme le suggérait le MEDEF, après avoir pourtant fait figurer ces mesures dans vos projets.

Ce qui fait de vous, non des chantres de l'ultra-libéralisme, comme ont tendance à le dire mes collègues communistes, mais plutôt de vrais conservateurs. Vous aimez l'ordre établi et vous évitez de trop y toucher. Et quand vous prétendez le réformer, c'est toujours pour mettre en cause les garanties sociales et les avantages qui ont été consentis aux plus modestes ou aux plus faibles. J'ai le sentiment que l'UMP est bien ce parti conservateur, qui, sur le plan économique, préfère soutenir la rente, certains avantages fiscaux, voire les corporatismes, plutôt que l'initiative et l'innovation. C'est tout de même un paradoxe pour un parti qui se présente en défenseur de l'entreprise. Sur le plan social, il redoute davantage d'affronter l'opinion que ses propres députés. On parle parfois de « réforme impossible », mais vous donnez de votre politique une image brouillée, condamnée par la gauche pour son absence de générosité, de sens de la justice sociale - d'ailleurs, les Français ne s'y trompent pas. Votre discours, monsieur le ministre, ne suffira pas à faire oublier tout ce qui a été fait et dit depuis 2002 et il n'y a rien à attendre des deux ans et demi qui nous séparent de la prochaine échéance. Mais votre action est aussi condamnée à droite pour sa pusillanimité, son absence d'originalité. La position est inconfortable, à en juger par le verdict des urnes et par les sondages.

Nul ne sait ce que vous cherchez réellement à faire. Et le seul objectif dont on puisse vous créditer semble être tout bonnement de rester en place et de garder le pouvoir ! C'est le sentiment que l'on a depuis les dernières élections. Vous ne savez pas trop quoi faire de votre pouvoir. Si votre but est de soutenir l'économie, de réduire le chômage ou de relancer la croissance, on cherche en vain dans votre budget les moyens qui permettraient d'y parvenir.

Je constate que le seul débat qui a agité la majorité pendant la discussion du budget, à un moment pourtant où la croissance ralentit, où la consommation donne des signes de faiblesse, où l'investissement n'atteint pas les objectifs prévus, a été la réforme de l'impôt sur les grandes fortunes. C'est tout dire ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Votre attitude justifie presque les caricatures que l'opposition pourrait faire de vous, puisque c'est la seule préoccupation que vous avez exprimée. J'allais en oublier une autre. C'est vous qui m'y avez fait penser, monsieur le ministre, en revendiquant la création de la Haute autorité pour la lutte contre les discriminations et pour l'égalité. J'ai assisté, pendant la discussion du budget du ministère du travail, à un débat surréaliste. Plusieurs dizaines de milliards d'euros de crédits étaient en jeu, et la majorité ne se préoccupait que de supprimer les crédits de fonctionnement de la HALDE. Il a fallu une seconde délibération pour qu'elle revienne sur sa décision. On a l'impression que le Gouvernement cherche à garder le pouvoir par habitude, mais sans éprouver d'ambition, ni porter le moindre projet.


Un jour, le Premier ministre endosse le costume de Tartarin pour nous annoncer qu'il va se servir contre les 35 heures de son fusil à tirer dans les coins. Patatras ! Le lendemain, il rejette aux oubliettes le rapport commandé pour les réformer. Un jour, il est question de dialogue social, et le lendemain, on dépose un projet de loi. Un jour, on réduit les droits des chômeurs, notamment en approuvant les modifications de l'ASS, et le lendemain, sous la pression, on les rétablit. Un jour, on s'en prend aux pensions de réversion, et devant l'émotion suscitée par cette mesure, on suspend vite le décret avant de renier la mesure. Tout est à l'avenant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, je comprends que vous ayez le souci de présenter un plan de cohésion sociale - j'y reviendrai -, mais vous devriez avoir pour première préoccupation de conseiller au Premier ministre de mettre en place un plan de cohésion gouvernementale. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.- Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Ça vous va bien !

M. Patrick Roy. La vérité, ça fait mal !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. M. Gorce est amnésique !

M. Gaëtan Gorce. Mettez de la cohérence dans votre politique, donnez un peu de sens à ce que vous faites et, peut-être, retrouverez-vous un peu de crédit, y compris auprès cette assemblée !

Mais il est vrai que la tâche paraît impossible, alors qu'elle est le préalable indispensable pour que l'on puisse accorder de nouveau un semblant de crédibilité aux mesures que vous nous proposez.

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Et la crédibilité du PS sur l'Europe ?

M. Gaëtan Gorce. Je suis prêt à en débattre, monsieur le ministre, et je suis parfaitement rôdé sur la question. Mais je ne crois pas que ce soit le sujet de ce soir ! Néanmoins, si je vous irrite, c'est que j'atteins l'objectif que l'opposition s'est fixé.

Mme la ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion. C'est lamentable !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Pitoyable !

M. Gaëtan Gorce. La place que vous accordez à l'opposition est effectivement égale à celle que vous accordez au social.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Vous n'avez rien fait quand vous étiez au pouvoir !

Mme la ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Vos critiques sont indécentes, monsieur Gorce !

M. Gaëtan Gorce. Je suis seul face à cinq membres du Gouvernement. Quel pôle social vous formez là ! Il est vraiment difficile pour un représentant de l'opposition de vous tenir tête ! Mais allez-y ! Je serai ravi de répondre successivement à chacun d'entre vous. J'ai devant moi une heure trente pour le faire !

M. le président. Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Gaëtan Gorce. Décidément, ce gouvernement entretient un curieux rapport avec le social. Mais le social, reconnaissez-le, vous le rend bien. Les Français, sur ce terrain comme sur beaucoup d'autres, ne vous font plus confiance. Et ils ont raison. Aux nombreux déficits que vous avez accumulés, il faut désormais ajouter le déficit que votre plan a justement pour seul objectif de combler, je parle naturellement du déficit d'image car, pour le reste, les déficits des comptes sociaux continueront à se creuser.

Ce plan, en effet, a été conçu pour répondre non aux difficultés sociales des Français mais aux difficultés que votre gouvernement entretient sur le plan social avec les Français. Il s'agit non pas tant d'un plan d'action que d'un plan média, non pas tant d'un plan de cohésion que d'un plan de communication.

Force est de constater qu'au regard de ce seul objectif, tout commence plutôt mal. Votre plan est en effet un formidable aveu d'échec. Il est le constat le plus accablant jamais dressé de l'incapacité de la majorité et du Gouvernement en place depuis trente mois à résoudre les problèmes des Français. À cet égard, vous exercez, à mi-mandat, à l'encontre du Président de la République, un terrible droit d'inventaire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. Gaëtan Gorce. Le bilan social du pays que vous dressez en introduction de votre plan pourrait, à lui seul, fournir l'exposé des motifs d'une motion de censure sur la politique sociale du Gouvernement.

Le chômage atteint aujourd'hui près de 10 % - exactement 9,9 % de la population active. Il a augmenté de 2,2 % en un an - 200 000 chômeurs de plus depuis que vous êtes aux responsabilités. Le nombre total des chômeurs est en hausse de 3,9 % sur un an, si l'on associe les catégories 1 et 6. Le chômage de longue durée a augmenté de 2,5 % sur la même période.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà le bilan du Gouvernement Raffarin !

M. Patrick Roy. Exactement !

M. Pierre Cohen. C'est la stricte réalité !

M. Gaëtan Gorce. Dans les zones urbaines sensibles, le taux de chômage, lié à la proportion élevée de travailleurs peu ou pas qualifiés, atteint 20 %.

J'ai entendu dans cet hémicycle des choses assez surprenantes sur les emplois-jeunes. « Mirage ! » s'est exclamé, pour les qualifier, un de nos collègues. J'aimerais que vous sachiez susciter des mirages qui créent autant d'emplois en faveur des jeunes et qui fassent autant baisser le chômage qui les touche ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) J'aimerais que vous trouviez une solution qui permette d'atteindre des résultats identiques ! Depuis que vous êtes aux responsabilités, le chômage des jeunes gonfle dans les mêmes proportions que vos discours sur le sujet !

Les emplois précaires et le chômage non seulement frappent particulièrement les jeunes, notamment ceux issus de l'immigration, mais également les catégories sociales les plus en difficulté.

Les entrées à l'ANPE suite à un licenciement économique ont augmenté de près de 5 % encore cette année. Celles consécutives à une fin de CDD ou de mission d'intérim ont respectivement augmenté de 9,6 % et de 9,4 %, ce qui constitue une forte aggravation de la précarité. Or votre plan de cohésion sociale n'aborde nulle part le sujet ! Il n'apporte aucune réponse aux sources des difficultés sociales de nos concitoyens, que sont notamment la perte de travail ou l'emploi en intermittence dans le cadre de CDD ou de l'intérim. Ce n'est, à vos yeux, pas même un sujet de débat !

Je n'évoquerai pas les comptes de l'UNEDIC. Vous n'apportez, là non plus, aucune réponse sur la façon dont vous envisagez leur avenir. Certes, la question concerne d'abord les partenaires sociaux. Mais la représentation nationale pourrait espérer d'un gouvernement qui se montre si soucieux de réduire la précarité qu'il ait au moins quelque idée en la matière. C'est, en effet, la baisse du nombre de chômeurs indemnisés et le recul progressif du système d'indemnisation auquel vous avez procédé qui contribuent à augmenter la précarité. Elle touche les salariés qui cessent d'être indemnisés par le biais du régime général pour venir dépendre de systèmes mis en place par l'État au titre de la solidarité. Il ne vous vient manifestement pas à l'esprit de vous poser ces questions ou, du moins, d'y apporter des réponses.

Quelles que soient les causes de cette situation - elles peuvent aussi bien être internes que dépendre de l'économie mondiale -, on ne peut que constater la faiblesse de l'emploi dans le secteur marchand. L'an passé, c'était la première fois depuis dix ans que des emplois étaient perdus dans ce secteur : belle performance au regard des objectifs que vous vous êtes fixés !

Les perspectives des divers instituts de conjoncture en matière de croissance demeurent prudentes. Mais l'annonce du ralentissement de la croissance par rapport aux objectifs affichés n'a malheureusement provoqué de votre part, sur le plan budgétaire, aucune réaction.

La politique que vous suivez en matière fiscale et sociale ne fait qu'aggraver la situation au lieu de la corriger. L'an passé, lors de la discussion sur le budget du travail, j'ai rappelé à M. Fillon que cette politique était contre-productive puisque, pour la première fois, on utilisait un budget de l'emploi non pour créer de l'emploi mais pour en détruire. Toutes les études sur les conséquences des politiques budgétaires menées en 2002 et en 2003 ont montré que vous avez contribué, notamment par la suppression d'emplois aidés, à aggraver le chômage - un paradoxe qui résume à lui seul votre politique.

La volonté affichée de réduire les prélèvements obligatoires, et qui n'a été en réalité qu'un délestage sur les collectivités territoriales, a conduit à une réduction des emplois publics, laquelle a aggravé la situation du service public et a accéléré la dégradation du taux d'emploi global.

Ainsi, loin d'encourager la croissance en emplois, votre croyance quasi idéologique dans les bienfaits du laisser-faire libéral, conjuguée à la suppression des dispositifs les plus performants, notamment les emplois-jeunes, et à la baisse du nombre de contrats aidés, a conduit à une dégradation rapide et grave de la situation de l'emploi.

Vous avez soutenu hier, monsieur le ministre, qu'il convenait d'aborder ce sujet en faisant preuve d'objectivité et en prenant du recul, voire de la hauteur. Il est vrai qu'il est plus facile de prendre une vaste perspective, sur les dix ou quinze dernières années, plutôt que d'assumer ses responsabilités. La situation sociale est devenue difficile avec l'apparition, dans le milieu des années 70, du chômage de masse, et son développement progressif : toutes les difficultés que nous connaissons à l'heure actuelle y trouvent leur origine. Mais il est des périodes où le chômage a reculé - lorsque des actions concrètes ont permis d'apporter des solutions à ceux qui se trouvaient en difficulté - et des périodes où, au contraire, le chômage et les difficultés ont recommencé à augmenter : ce sont à chaque fois celles où vous vous êtes retrouvés aux responsabilités. De 2002 à 2004, la situation n'a fait que se dégrader ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Roy. La vérité, ça fait mal !

M. Gaëtan Gorce. Or ce sont toujours les mêmes qui doivent supporter les conséquences de cette dégradation.

Vous nous parlez de cohésion sociale, mais votre politique contredit vos intentions. À mesure que la situation de l'emploi, que l'indemnisation ou que les emplois offerts, notamment dans le secteur aidé, se dégradent, ce sont les plus faibles, les moins qualifiés qui sont frappés. À mesure que votre réforme des retraites se mettra en place, ce seront les plus faibles, à commencer par les femmes, qui seront frappés. La question des pensions de réversion, qui n'est qu'un des éléments du débat sur lequel nous sommes engagés, l'a bien montré.

On ne peut pas prétendre renforcer d'un côté la cohésion sociale par des mesures destinées directement au traitement social et de l'autre conduire une politique qui a pour seul effet d'aggraver la situation sociale du pays, notamment vis-à-vis de ceux qui sont le plus en difficulté.

Il convient d'ajouter à cela une opération, très discutable, de stigmatisation des chômeurs. Entamée par votre prédécesseur, elle est d'autant plus scandaleuse que, la conjoncture étant défavorable à l'emploi, il est difficile d'exiger des chômeurs des efforts supplémentaires pour trouver un travail qui se fait toujours plus rare.

Cette opération s'est notamment traduite par des annonces répétées de renforcement du contrôle sur les chômeurs, ce qui laissait supposer que ce contrôle était rendu nécessaire du fait d'un grand nombre de fraudes effectives, ou du moins de la mauvaise volonté des chômeurs à retrouver un emploi.

Est-il pourtant nécessaire de rappeler que l'intérêt à retrouver un emploi est en premier lieu d'ordre matériel ? Selon l'INSEE, pour une personne seule, l'écart total de ressources entre les allocataires du RMI et les salariés au SMIC est de 53 %. Depuis, 1989, les évolutions respectives ont été de 5 % et de 18 %. Pour une famille monoparentale avec deux enfants, l'écart est de 36 %. Pour un couple avec deux ou quatre enfants, il va de 16 à 18 %.

Il n'en demeure pas moins que l'opinion considère aujourd'hui majoritairement - à 56 % - que les personnes pauvres et exclues « ne veulent pas travailler ». Tel est le résultat des discours proférés et des campagnes politiques menées sur les pénuries d'emplois, campagnes particulièrement fortes ces dernières années, notamment du fait de M. Fillon. Elles ont fortement contribué à diffuser dans l'opinion publique la plus large l'idée que les personnes en difficulté font preuve de mauvaise volonté.

Cette idée est d'autant plus regrettable, pour ne pas dire condamnable, qu'elle néglige les conditions de travail, les salaires et les horaires dans de nombreux secteurs professionnels. On aurait pu d'ailleurs espérer - nous en avons longuement débattu en commission - que la politique de l'emploi mise en place par le Gouvernement, si du moins on peut la qualifier ainsi,...

M. Patrick Roy. De moins en moins !

M. Gaëtan Gorce. ...prenne en compte les questions liées à l'évolution de la démographie professionnelle. Le Gouvernement n'a pris aucune initiative en la matière alors même que nul n'ignore que de nombreux secteurs connaîtront sous peu de très graves problèmes. Quelles initiatives sont prises pour favoriser la négociation au niveau des branches ? Quelles mesures sont prévues pour ramener efficacement vers l'emploi ceux qui en sont aujourd'hui privés et qui pourraient occuper les postes progressivement libérés par les départs en retraite ?

Le phénomène des « travailleurs pauvres » a, quant à lui, pris une ampleur inquiétante puisqu'il touche aujourd'hui plus d'un million de personnes. Les titulaires d'un emploi stable ne sont pas épargnés par la dégradation de leur situation sociale : le fait d'avoir un emploi n'est plus aujourd'hui synonyme de situation sociale favorable.

Cela résulte de la combinaison de plusieurs facteurs,...

M. Laurent Hénart, secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes. Ce n'est plus le fusil à tirer dans les coins, mais le fil à couper le beurre !

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le secrétaire d'État, étant dans l'opposition,...

Mme la ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Vous avez tout fait pour y retrouver !

M. Gaëtan Gorce. ...il est naturel que je critique votre action. Je reconnais d'ailleurs bien volontiers que votre bilan me facilite grandement la tâche ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le droit de critiquer est un des fondements de la démocratie !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. La démocratie ne consiste pas à critiquer n'importe quoi n'importe comment !

M. Gaëtan Gorce. Mais vous, vous êtes au banc du Gouvernement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce gouvernement n'a l'impression d'exister que si l'on dit du bien de son action ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Gorce, je vous prie de poursuivre votre intervention.

M. Gaëtan Gorce. Faites preuve d'un peu de tolérance, mes chers collègues ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Madame et messieurs du Gouvernement, plutôt que de m'interrompre de votre banc, vous devriez nous faire des propositions visant à apporter des solutions concrètes aux problèmes des Français !

Mme la ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Nous avons des solutions ! Ce plan de cohésion sociale, que vous avez été incapable de proposer, le prouve !

M. Gaëtan Gorce. Votre plan ne comporte aucune solution ! Nous aurons l'occasion de le montrer, article après article ! Mais l'arrogance dont vous faites preuve au travers de vos déclarations (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Et vous, vous n'êtes pas arrogant, peut-être !

M. Gaëtan Gorce. ...et cette manière que vous avez de justifier l'injustifiable sont intolérables ! Expliquez-vous donc sur votre bilan ! Expliquez-nous pourquoi le chômage a augmenté de cette manière depuis deux ans et demi ! Expliquez-nous pourquoi ce pays, pour la première fois depuis dix ans, a connu la suppression d'emplois industriels ! Expliquez-nous pourquoi la majorité des Français condamnent votre politique, notamment votre politique sociale ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes. Ils n'ont guère approuvé la vôtre en 2002 !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Vous êtes amnésique, monsieur Gorce !

M. Gaëtan Gorce. Quand vous nous aurez donné toutes ces explications, alors peut-être vos interruptions auront-elles un peu de sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Roy. Très bien !

M. Gaëtan Gorce. Alors que vous vous irritez, que vous vous énervez même, madame et messieurs les ministres, comment ne pas être frappé par le fait que le rapport de l'Observatoire national de la pauvreté confirme malheureusement le triste constat que je dresse et qui correspond à la réalité vécue par nos concitoyens, il est vrai, en dehors des palais ministériels ! Je cite : « La pauvreté marque une inflexion à la hausse depuis 2002 ». Ce ne sont pas là les propos polémiques d'un député de l'opposition, c'est la réalité vécue par nos concitoyens, y compris les enfants, comme l'a montré le rapport de Jacques Delors.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Ce rapport de l'Observatoire national de la pauvreté date de quand ?

M. Gaëtan Gorce. Il date de 2002.

L'Observatoire souligne l'augmentation du nombre d'allocataires du RMI : plus 1,4 % en 2002 et plus 5,3 % en 2003. Depuis quelle date, selon vous, le nombre d'allocataires du RMI a repassé le seuil du million ? Cela s'est-il produit sous un gouvernement socialiste ou depuis que vous êtes revenus aux responsabilités ?

Mme la ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Comme par hasard !

M. Gaëtan Gorce. Assumez votre bilan ! Assumez vos responsabilités ! Ne défendez pas l'indéfendable !


Fin 2003, on comptait plus de 1,1 million d'allocataires. Le nombre d'ouvertures de droits a augmenté de 13 % par rapport à 2002. Mais je vois que cela fait rire Mme Olin : voilà qui nous rassure sur l'action qu'elle mènera !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Je ne riais pas pour cela !

M. Pierre Cohen. C'est sans doute ce qu'elle est en train de lire dans Le Monde !

M. Gaëtan Gorce. Madame et messieurs les ministres, depuis deux ans et demi, je suis intervenu à de nombreuses reprises à cette tribune. Je me suis opposé à la suppression des emplois-jeunes. Je me suis opposé aux contrats jeunes, qui produisent un effet d'aubaine évident.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. S'opposer, s'opposer : c'est bien tout ce que vous savez faire !

M. Gaëtan Gorce. Je me suis battu pour vous empêcher de mettre en pièces les mesures de réduction du temps de travail. Je me suis battu contre la remise en cause de la loi de modernisation sociale en matière de licenciements collectifs. Mais jamais les interruptions venant des bancs du Gouvernement n'ont pris cette proportion !

M. le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes. C'est parce que vous faites de la provocation !

M. Gaëtan Gorce. Comme si vous en étiez à un point d'irritation tel que, à défaut d'essayer de corriger votre politique, vous cherchiez à corriger l'opposition ! Étant donné votre bilan, croyez bien que nous n'avons aucune raison de changer de discours ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Vanneste. Vous n'en êtes pas capables : vous êtes monolithiques !

M. Gaëtan Gorce. Au lieu de vous irriter et de polémiquer, mettez donc votre énergie au service de l'intérêt général : vous obtiendrez peut-être de meilleurs résultats ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

C'est la curée, monsieur le président !

Non seulement vous ne supportez pas vos résultats, madame et messieurs les ministres, mais vous ne supportez pas qu'on les critique !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Vous n'avez même pas participé au débat de cet après-midi !

M. Pierre Cohen. Monsieur le président, intervenez ! On n'a jamais vu des ministres interrompre ainsi l'orateur !

M. le président. Mes chers collègues, il serait de bon ton de laisser M. Gorce poursuivre et d'éviter les débats entre les travées.

M. Gaëtan Gorce. Sachez, madame la ministre, que si j'étais absent cet après-midi, c'est que j'assistais à l'enterrement d'un parent très proche. Il aura donc fallu que je m'en justifie à cette tribune !

Mme Irène Tharin. Pas de misérabilisme, monsieur Gorce !

M. Gaëtan Gorce. Outre les difficultés économiques qui expliquent l'augmentation du nombre des allocataires du RMI, la nouvelle convention UNEDIC restreint les conditions d'accès à l'assurance chômage et réduit la durée de perception des droits, provoquant ainsi un basculement de certains demandeurs d'emploi dans le régime de solidarité - l'ASS - et le RMI. Rappelons que pour les ménages aux ressources les plus faibles, les prestations sociales représentent plus de 50 % des revenus.

Mais je ne suis pas étonné de votre réaction : vous avez du mal à appréhender cette réalité. Vous voulez même, avec ce plan, essayer de nous la faire oublier. Je le répéterai autant de fois qu'il le faudra : ce n'est pas un plan d'action, mais un plan média. Vous ne voulez pas corriger les difficultés sociales des Français, mais le problème qu'ils vous posent à vous. Et vous voulez faire oublier votre bilan parce que vous êtes inquiets des échéances qui s'annoncent ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Le surendettement passif, c'est-à-dire celui qui n'est pas dû à un excès de crédits ou à une mauvaise gestion, représente désormais les deux tiers des dossiers, contre 52 % il y a une dizaine d'années. Dans 72 % des dossiers, les revenus du ménage sont inférieurs à 1 500 euros, et, dans 42 % des cas, ils sont inférieurs au SMIC. Au total, 1 500 000 ménages sont surendettés.

D'après la Banque de France, la progression du surendettement s'explique surtout par les difficultés d'emploi et des difficultés familiales qui s'ensuivent. L'endettement est majoritairement constitué d'arriérés de charges courantes, les dettes bancaires représentant 75 % de la dette totale dans six dossiers sur dix.

Les crédits immobiliers sont évidemment marginaux, alors que 80 % des dossiers comportent des crédits revolving. Ces chiffres font ressortir la nécessité d'améliorer l'accompagnement des personnes et des familles, et de surveiller davantage les organismes de crédit à la consommation. Il reste aussi à évaluer l'impact de la loi du 1er août 2003 instaurant la procédure de rétablissement personnel.

L'interdiction bancaire au sens strict concerne 1 % de la population. Mais une définition plus large de l'exclusion bancaire fait ressortir non seulement que les ménages modestes ont en général un compte chez un « banquier de dernier ressort », mais aussi qu'ils n'ont qu'un accès limité aux services bancaires. Ainsi, 40 % d'entre eux ont une carte bancaire, mais, dans 80 % des cas, il ne s'agit que d'une carte de retrait ; 54 % ont un chéquier, contre 96 % de l'ensemble de la population.

Pardonnez-moi cette énumération, mais c'est de votre bilan qu'il s'agit !

L'exclusion bancaire se traduit directement par un refus d'ouverture de compte, ou indirectement par la non-implantation de guichets dans les quartiers sensibles. De plus, le développement des services payants, en particulier les retraits aux guichets et les facilités de trésorerie sur une courte période, est particulièrement pénalisant pour les plus pauvres.

Les sacrifices les plus graves concernent les dépenses de santé : malgré la CMU et la CMU complémentaire, 22 % des personnes ayant fait l'objet de l'enquête de l'Observatoire déclarent avoir renoncé à des soins pour des raisons financières. Ce point est important dans la mesure où 30 % seulement de ces personnes se déclarent par ailleurs en bonne santé, tandis que les autres, la majorité, souffrent de plusieurs problèmes. Elles indiquent que la dégradation de leur état de santé est liée à leurs problèmes financiers et à leurs conditions de vie, notamment l'absence de travail. Il en résulte que plus de la moitié des allocataires du RMI et de l'ASS renoncent à chercher un emploi en raison de leur état de santé, autant que par découragement.

Le rapport du CERC sur les enfants pauvres en France en 2003, présenté par Jacques Delors, met en évidence une surreprésentation de plusieurs affections dès le plus jeune âge. Les taux de prématurité et d'hypotrophie sont deux fois plus élevés que dans le reste de la population. Il en va de même des expositions au bruit, aux pollutions et aux substances nocives. Ainsi, 48 000 à 66 000 enfants seraient atteints de saturnisme. L'imprécision autant que l'importance de ce chiffre est révélatrice de la situation.

En ce qui concerne les adultes, on observe aussi une prévalence importante des accidents du travail et des maladies professionnelles chez les ouvriers et les salariés sous contrat précaire. Par exemple, selon les secteurs, 13 à 29 % des décès dus à un cancer du poumon résultent de l'exposition à des facteurs cancérogènes.

M. Christian Vanneste. Et tout cela seulement depuis 2002, bien entendu ! C'est absurde !

M. Gaëtan Gorce. Je ne fais que dresser un panorama de la situation, celle-là même que vous avez laissée se dégrader depuis deux ans !

M. Christian Vanneste. C'est votre bilan depuis vingt ans !

M. le président. Monsieur Vanneste, laissez la parole à M. Gorce !

M. Gaëtan Gorce. La passion vous emporte, mon cher collègue ! Je n'ai pas dit que le Gouvernement était responsable de tout cela, mais qu'il n'avait rien fait depuis deux ans pour le corriger.

M. Christian Vanneste. M. Gorce a la mémoire courte !

M. Gaëtan Gorce. Au 31 décembre 2003, 1,6 million de personnes étaient affiliées à la CMU de base et 4,3 millions à la CMU complémentaire. Cette mesure a donc fait diminuer les renoncements aux soins pour raisons financières, alors que ceux-ci pouvaient atteindre auparavant 40 %.

Les améliorations apportées restent néanmoins perfectibles. En 2002, 20 % des chômeurs n'avaient ni assurance complémentaire ni exonération du ticket modérateur, et 12 % des personnes vivant dans des ménages à revenus faibles en étaient également privées.

J'arrête là une énumération qui pourrait être encore plus longue. Le constat est à tous égards accablant. Il ne suscite que des exclamations sur les bancs du Gouvernement et de la majorité. Je souhaiterais pour ma part qu'il suscite une politique différente, une vraie rupture dans l'action que vous menez depuis deux ans et demi. La France va mal, et c'est vous qui en portez la responsabilité !

Ce plan, me direz-vous, a justement été conçu pour répondre à ces difficultés. Ce serait une manière de venir à résipiscence, de tirer des leçons de votre échec. Pourtant il n'en est rien : rien ne change, sinon dans le discours. On est passé de la confrontation sociale, celle que M. Fillon voulait engager contre les plus faibles, à la compassion : sans doute, mais, dans les faits, rien de nouveau ! Des paroles en plus mais pas de crédits en sus ! C'est la même politique qui se poursuit, simplement travestie pour l'occasion, habillée dans un discours apparemment plus généreux. Il est facile de le démontrer. Si l'on s'en tient à son volet emploi, par exemple, ce plan n'améliorera en rien le retour à l'emploi de nos concitoyens les plus en difficulté, d'autant qu'il n'est pas financé.

Ce plan - mais je vois que M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale s'est absenté : il est vrai qu'il n'aime pas les critiques - n'est pas un plan de cohésion, mais un plan de confusion sociale. À la différence de la grande loi contre l'exclusion votée en 1999, dont il eût été intéressant de faire le bilan avant de s'engager dans une nouvelle démarche, il ne met pas en place un programme cohérent destiné à lutter contre les inégalités en mobilisant l'ensemble des partenaires. Au contraire, le contenu de ce plan traduit son impréparation, et même son improvisation.

Observons tout d'abord que son volet emploi ne repose sur aucune politique concrète. Vous voulez réussir ce tour de force qui consisterait à ramener vers l'emploi les personnes en difficulté alors qu'il ne se crée pas d'emplois nouveaux. C'est vraiment une gageure que de prétendre ramener les personnes privées d'emploi vers du travail qui n'existe pas puisque rien n'est fait, au niveau de la politique économique, pour soutenir ou susciter la croissance Ce constat met sérieusement en question la crédibilité de ce plan qui, loin d'être un véritable projet de réinsertion, est plus destiné à faire baisser les statistiques qu'à ramener vers l'emploi ceux qui effectivement le souhaitent.

Comment ne pas considérer, dès lors, que les fameux contrats aidés dans le secteur marchand, ceux que vous persistez à nous présenter sous la forme de CR RMA ou de CIE, ne sont en réalité - surtout pour les premiers - que des formes de subventions déguisées à des emplois précaires ? Comment ne pas penser qu'ils visent moins à favoriser le retour à l'emploi stable des personnes occupant des emplois précaires qu'à compenser, pour les entreprises qui les emploieraient - pour autant qu'il y en ait -, leur faible productivité, et cela d'autant plus qu'aucun volet de formation n'est objectivement prévu, sauf à le mettre à la charge des collectivités territoriales ?

Comment ne pas relever l'absence de cohérence dans la mise en œuvre de ces contrats ? En toute logique, l'accès à l'emploi marchand, plus que souhaitable car gage d'une véritable réinsertion professionnelle, devrait intervenir à l'issue d'un processus de réintégration visant à remobiliser, requalifier puis réinsérer, d'abord dans des activités non marchandes et ensuite dans l'entreprise, les personnes les plus en difficulté. Comment faire croire qu'une personne qui a été éloignée de l'emploi pendant deux ou trois ans pourra être brusquement réintroduite dans une entreprise pour y exercer un emploi normal, sans accompagnement, sans tuteur, parfois même sans qu'une formation soit exigée ?

M. Patrick Roy. Le Gouvernement croit peut-être aux miracles !

M. Gaëtan Gorce. Comment imagine-t-on faire passer sans transition le chômeur privé d'emploi depuis plus d'un an à une activité salariée, sauf à considérer qu'il ne s'agira que d'une main-d'œuvre d'appoint, à bon marché, précaire et facile à remplacer ?

Nous n'avons pas eu assez l'occasion de discuter, lors de l'examen de la loi portant création du RMA - lequel a été un échec, au regard du faible nombre de contrats signés -, de la formule qui consiste à distinguer, pour certains dispositifs, entre les titulaires de minima sociaux et les autres. Pourquoi avoir deux dispositifs, l'un pour les bénéficiaires du RMI ou de l'ASS et l'autre pour ceux qui ne le sont pas ? On voit bien qu'il s'agit, concernant les premiers, de changer le revenu qui leur est attribué en aide à l'entreprise qui les emploie : on transforme en subvention une ressource indispensable pour vivre, faisant de ce qui a été conçu comme un minimum vital et un droit une contrepartie de l'activité. C'est aller à l'encontre de toute la logique du RMI : ce dispositif ne permettra plus d'aller vers l'emploi et la réinsertion puisque, d'une certaine façon, on le lie à l'activité.

Enfin, c'est l'ensemble du pilotage du dispositif qui est profondément critiquable et confus. Quel va être l'objet précis de la convention passée entre l'ANPE et l'UNEDIC, auxquelles sera associée l'AFPA ? S'agit-il de définir les objectifs de la politique de l'emploi ? Dès lors, le ministère de l'emploi ne devrait-il pas en être partie prenante ? Ne devrait-on pas d'ailleurs en faire l'outil opérationnel d'un accord plus large entre l'État et les partenaires sociaux ? J'ai encore l'espoir que le débat nous permettra de trouver des réponses à ces questions.

Mais il y a plus grave : au plan local, quel va être le rôle de ces maisons de l'emploi dont le statut reste bien incertain ? On nous parle de reproduire la formule des job centers plus, mais ces maisons ne seront pas assez nombreuses pour jouer le rôle de guichet de proximité, et n'apporteront donc pas de services nouveaux aux chômeurs et aux acteurs locaux.

On nous dit aussi qu'elles favoriseront d'abord la mise en réseau. Mais alors, il aurait été possible de s'en tenir à une simple formalisation par voie de convention entre les différents acteurs locaux, sans être forcé de recourir à cette nouvelle construction.

On nous dit qu'elles seront constituées en GIP ou en associations dotées d'une personnalité juridique et d'un budget, en même temps que d'un président et d'un directeur. Mais alors, quelle place y fera-t-on au service public de l'emploi, à l'ANPE ou à l'AFPA ? La mise à disposition de leur personnel ne risque-t-elle pas de préfigurer un démantèlement de leur organisation ? Et si ces personnels sont placés sous l'autorité d'un président ou d'un directeur issu d'une collectivité territoriale, mais peut-être aussi du patronat, cela ne risque-t-il pas de poser un problème de respect des responsabilités et des compétences propres de l'État par rapport aux collectivités territoriales ou aux organisations professionnelles ?

On nous dit enfin que ces maisons de l'emploi vont coordonner la politique de l'emploi sur un secteur donné. Mais alors, au-delà de l'interrogation sur le rapport avec le service public de l'emploi, auront-elles un rôle à jouer dans la fongibilité des crédits entre CAE et CIE, par exemple, sur un bassin d'emploi, décision qui ne semble pourtant relever que du préfet de région ? Toutes ces questions restent sans réponse, et pour cause : la maison de l'emploi n'a pas été réfléchie, mais simplement improvisée à partir d'expériences parfois réussies, mais dont il n'est nullement garanti qu'elles puissent fournir une solution généralisable. Pourquoi faire des initiatives qui fonctionnent localement une loi générale alors que l'on pourrait parfaitement, de façon beaucoup plus souple et avec les financements appropriés, mettre en place une politique territoriale de l'emploi qui fait aujourd'hui cruellement défaut ?

Votre maison de l'emploi ressemble à une maison des miracles. Il est évident qu'elle ne pourra constituer le lieu de pilotage des politiques de l'emploi, pourtant si nécessaire sur nos territoires. C'est une sorte d'auberge espagnole, un club, pour l'emploi légal, performant là où les acteurs seront les plus mobilisés, totalement inefficace ailleurs.

Or nous avons besoin d'une grande politique locale de l'emploi, s'appuyant au niveau des régions sur des conventions territoriales qui associent tous les partenaires, et, au niveau des bassins d'emploi, prenant comme opérateur principal l'agence locale pour l'emploi. Elle devrait s'organiser autour de conventions d'objectifs permettant de mobiliser les crédits sur des cibles déterminées. Mais cette organisation serait sans doute trop rationnelle pour vous, qui préférez le « désordre créatif ». Ne voyez-vous donc pas que le risque de confusion est total ? On imagine facilement la déperdition d'énergie que les maisons de l'emploi vont en réalité provoquer. Aussi, d'une manière générale, nous n'avons pas grand-chose à attendre des initiatives que vous prenez.


Les mêmes critiques peuvent être adressées aux dispositifs visant à renforcer l'accompagnement des chômeurs. Comment juger des dispositifs qui n'ont pour objectif que de renforcer le contrôle et la sanction, qui plus est privatisés désormais, puisqu'ils seront confiés aussi à des agents ne relevant pas du service public, ce qui est totalement inacceptable ! Quelle occasion manquée d'affirmer un vrai principe de réciprocité, liant les obligations du chômeur à celles du service public autour d'un véritable droit à l'accompagnement, qui ferait du service public de l'emploi un vrai prestataire de services personnalisés pour l'ensemble de ceux qui sont à la recherche d'un emploi, renforcé, efficace, permettant, en travaillant sur les délais, une véritable coordination et un véritable accompagnement. Ce pourrait être le point d'appui d'un new deal à la française, orientant, à partir d'un bilan individualisé, chaque demandeur d'emploi vers la solution la plus adaptée, qu'il s'agisse d'une formation, d'un emploi, dans le secteur non marchand ou marchand, avec un suivi régulier et un effort particulier en direction des plus en difficulté. Ce genre de dispositif s'inspirerait de certains modèles étrangers, scandinaves notamment. Mais vous n'en retenez que certains aspects particuliers, sans en saisir la dimension générale, c'est-à-dire un haut niveau d'indemnisation, sur une durée certes plus courte, mais complété par un effort d'accompagnement sans comparaison avec celui que vous êtes disposés à mobiliser.

Il est aussi regrettable qu'aucun ciblage ne soit effectué en direction des publics les plus en difficulté, les jeunes sans qualification, les femmes à la tête de familles monoparentales ou encore les plus de 50 ans ! De même, aucune action n'est prévue contre la précarité, souvent à la source des difficultés de ceux qui, tout en ayant accès à l'emploi, ne peuvent s'y stabiliser.

Plan de confusion sociale, votre plan n'est en plus qu'un plan de communication, je l'ai dit, un « plan média » plus qu'un plan d'action. Car s'il est facile de démontrer que votre plan, né dans l'improvisation, ne peut avoir de véritable efficacité, cet argument est encore renforcé par le fait que pour l'essentiel les moyens qui lui sont consacrés sont purement et simplement inventés, et le procédé éventé ! À s'en tenir au budget pour 2005, par exemple, le plan caracole, avec une dotation, en ce qui concerne l'emploi, de 115 000 d'euros au titre des dispositifs d'insertion, dont une enveloppe régionale de 438 millions d'euros.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville. Vous, vous ne caracolez pas, vous piétinez !

M. Gaëtan Gorce. C'est un jugement de valeur : pour ma part je m'en tiens aux faits.

M. Pierre Cohen. C'est la réalité, c'est tout !

M. Gaëtan Gorce. Vous cherchez à dénigrer ce qui est dit à cette tribune : je m'en tiens, moi, à décrire les réalités auxquelles vous êtes directement associé. Et si mes propos ne vous conviennent pas, je m'en réjouis ; ce qui m'inquiéterait c'est que vous les approuviez.

Permettez-moi donc de reprendre ma démonstration là où vous l'avez interrompue, parce que cette réalité vous gêne : vous annoncez plus d'un milliard d'euros de dépenses nouvelles, et on ne retrouve que 113 millions d'euros inscrits au budget au titre des mesures nouvelles, soit moins de 10 % de ce que vous avez affiché : on est loin de vos annonces spectaculaires.

À regarder ensuite ce qui est prévu pour les années suivantes, on constate tout d'abord que, dans de nombreux domaines, les crédits prévus sont reportés à après 2006, voire 2007. C'est laisser à une nouvelle majorité parlementaire le soin de trouver les moyens prévus par l'actuelle majorité, qui est en sursis.

Comment ne pas observer enfin que vous renvoyez une grande partie de la charge sur les collectivités territoriales, invitées à contribuer à la création des maisons de l'emploi, à compenser la baisse du taux de participation de l'État pour les emplois aidés et à soutenir les formations des personnes les plus en difficulté ? Au total, votre projet revient à faire payer par d'autres, sur d'autres budgets que le vôtre, des décisions que vous prenez aujourd'hui. Joli tour de passe-passe ! Il est légitime que nous le dénoncions ici.

C'est donc bien abusivement que vous avez intitulé votre plan « plan de cohésion sociale ». Ce beau mot exige plus que vos beaux discours ou des déclarations d'intention, et ces exigences sont loin d'être satisfaites par votre projet.

La première d'entre elles, c'est de s'attaquer résolument à la source des inégalités, c'est-à-dire le chômage. Vous vous êtes gaussés des 35 heures ; vous vous apprêtez encore à en réduire la portée. Mais c'est oublier, au-delà des lectures idéologiques qui vous obsèdent, que le processus de réduction du temps de travail a permis d'enrichir la croissance de plus de 350 000 emplois, tout en faisant reculer le temps partiel subi et les emplois précaires.

On attend avec impatience que vous nous proposiez, à défaut de cette mesure que vous récusez, une politique de substitution produisant les mêmes effets positifs en termes d'emplois. Nous vous posons la même question depuis deux ans et demi : pourquoi supprimer des dispositifs qui marchent sans les remplacer par quoi que ce soit qui donne des résultats équivalents ? C'est en vain que nous le réclamons. On a même le sentiment que vous abordez la question de la croissance, comme d'autres la météo : quel temps fera t-il demain ? Quelle croissance aura-t-on demain ? Vous n'en savez rien, comme si cela ne dépendait pas pour partie de vous, de vos choix, de vos initiatives !

M. Patrick Roy. Belle comparaison !

M. Gaëtan Gorce. Vous pouvez jouer les sémaphores, vous livrer aux acrobaties que vous voulez : les Français ont bien compris que l'emploi n'était pas votre priorité, et qu'il n'y avait rien à attendre sur ce terrain de votre majorité. Malheureusement, ce plan, dépourvu de toute initiative en la matière, en apporte un nouvel exemple. Dès lors, tout le reste de votre démarche est déséquilibré : sans politique active de création d'emploi, sans la détermination et le volontarisme qui peuvent seules faire reculer le chômage, toute mesure, même si elle peut parfois être utile, ne pourra être que simple correctif. Ceci d'autant plus que vous ne cherchez pas davantage à vous attaquer à l'autre source des inégalités et souvent de la pauvreté, je veux parler de la segmentation du marché du travail, qui renvoie toujours les mêmes au cycle infernal de la succession des stages, des petits boulots, des CDD, au mieux des intérims. Là est la source de tant de difficultés sociales : petites garanties, petit salaire, petite retraite, en particulier pour les femmes ! L'urgence ne serait-elle pas, dans ce domaine, de pousser les partenaires sociaux à la négociation dans les branches qui recourent trop largement à ce type de contrat, et à leur appliquer un système de bonus-malus, quand une solution conventionnelle n'aura pas pu être trouvée ?

L'urgence, c'est d'agir également sur les licenciements, dont la menace alimente le sentiment de précarité chez nos concitoyens. À lire vos propositions, on est bien loin du compte ! Il n'y a rien de précis, sauf lorsqu'il s'agit de remettre en cause les garanties des salariés, par exemple la définition de la modification substantielle du contrat de travail. Pour le reste, votre texte renvoie à la négociation d'entreprise faute d'avoir su trouver un accord global. Et n'essayez pas de nous faire croire que la renaissance des conventions de conversion, rebaptisées congés de reclassement, constituera une révolution sociale, alors que vous ne faites que ressusciter un dispositif créé, puis abandonné par les partenaires sociaux.

La grande question, celle que vous ne traitez pas, c'est celle des garanties sociales qu'il faudrait assurer aux salariés, quels que soient les aléas de leur carrière professionnelle, à travers notamment la mise en œuvre effective de l'obligation d'adaptation ; il faudrait, en particulier, faire de l'obligation de reclassement une obligation de résultat, mutualisable, et non simplement de moyen ; il faudrait organiser la mobilisation du service public de l'emploi et des partenaires locaux pour garantir un vrai retour à l'emploi dans un délai minimal à toute personne qui l'aurait perdu. Tant de chantiers oubliés, qu'il faudra bien rouvrir !

La deuxième exigence, c'est d'articuler entre eux tous les leviers de l'insertion : l'emploi et le logement, que vous n'abordez que vaguement ; l'école, évoquée d'une manière bien légère, et naturellement la santé, la grande oubliée de votre projet. Cette articulation passe aussi par la mobilisation des acteurs sur le terrain autour d'objectifs clairs, que vous n'êtes pas en mesure de leur proposer. Oh, monsieur le ministre, je ne doute pas de votre engagement, de votre énergie, de votre enthousiasme, mais tant de promesses pour si peu de moyens, tant de confusion malgré tant de beaux discours, cela s'appelle, au mieux, vibrionner. Mon collègue Le Bouillonnec a évoqué la figure d'Harry Potter : vous me faites plutôt penser à une sorte de Zébulon, qui voudrait faire passer ce gouvernement pour le manège enchanté, alors que l'on est plus proche de la jungle en folie ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La troisième exigence, c'est de créer la confiance, d'obtenir l'adhésion de nos concitoyens à des valeurs communes. Ce qui fait la cohésion d'un pays, c'est la conviction qu'ont ses citoyens que les écarts de condition sont justifiés par des écarts de mérite, qu'aucun privilège n'est toléré au détriment de l'intérêt général, et que l'intérêt public est la seule motivation de l'action des gouvernants. On voit qu'il vous reste à ce stade beaucoup à faire pour garantir la cohésion sociale face aux attentes de nos concitoyens. Ainsi, comme je l'ai déjà souligné, votre majorité n'a exprimé, lors du débat budgétaire, d'autre préoccupation, face aux difficultés ressenties par nos concitoyens, que celle de la réforme de l'ISF ! Avez-vous mesuré ce que peut avoir de destructeur une telle attitude pour l'opinion publique, et par conséquent pour la cohésion sociale ?

Quelle confiance civique peut d'ailleurs susciter un gouvernement désavoué par trois fois par le suffrage universel et qui n'en a cure ? Quel sentiment de confiance et de cohésion peut éveiller un gouvernement qui vit quotidiennement au rythme des luttes d'ambition et de pouvoir ? Quel sens de l'État et du service public peuvent porter des dirigeants pour lesquels à l'évidence la présidence d'un parti a plus d'importance que la direction de Bercy, c'est-à-dire du plus grand ministère, celui de l'économie et des finances ? On voit bien où vont vos priorités !

Monsieur le ministre, avec ce plan, vous vous livrez à des acrobaties qui satisfont peut-être votre goût du spectaculaire - le ministre n'est pas là, mais on lui transmettra ces propos. Il lui a fallu jongler avec ses partenaires du Gouvernement pour obtenir des arbitrages plus favorables, et avec ses amis de la majorité pour négocier une approbation de ce texte. Il lui faudra maintenant jongler pour arriver à le mettre en œuvre, faute de disposer des moyens nécessaires à sa réalisation. J'ai lu qu'il acceptait mal la critique. C'est qu'il préfère, comme vous, madame et messieurs les ministres, être jugé, être jaugé d'après ses louables intentions. Et peut-être l'aurions-nous fait s'il nous était tombé de la dernière pluie, précédé d'une aura flatteuse, qui laissait espérer mieux qu'une rupture de ton. Mais n'appartenait-il pas à tous les gouvernements qui se sont succédé depuis mai 2002 ? Ne porte-t-il pas, lui aussi, sa part de la responsabilité que le Premier ministre et le Président de la République essaient aujourd'hui de faire oublier ? On ne l'a jamais vu dénoncer les choix, les orientations et les décisions prises par un gouvernement qui n'a fait qu'accroître la précarité et développer les inégalités au cours des deux années et demie passées ? Peut-être n'ai-je pas été suffisamment attentif, mais je n'ai pas gardé le souvenir de telles interventions ! Aussi, n'est ce pas sa faconde qui déterminera notre jugement, mais les moyens que ce gouvernement mettra à sa disposition, et les actes qu'il accomplira. À cet égard, notre jugement ne peut être que sans appel. C'est la raison pour laquelle je souhaite que cette assemblée vote cette motion de renvoi en commission, qui nous permettrait de reprendre ce chantier là où malheureusement vous l'avez abandonné.

Mon collègue Jean Le Garrec a souhaité tout à l'heure le succès de ce plan.

M. Guy Drut. Et c'est tout à son honneur !

M. Gaëtan Gorce. Nous ne pouvons que le souhaiter bien entendu, eu égard à la situation que vivent beaucoup de nos concitoyens et celle dans laquelle se trouve ce pays. Nous le devons d'autant plus que s'il échoue, c'est à nous que reviendra la responsabilité d'apporter des solutions aux problèmes que vous aurez contribué à aggraver.

Nous restons, hélas ! avec ce plan dans le domaine de la déclaration d'intention. Vous ne manifestez à aucun moment une véritable volonté politique ni ne mobilisez les moyens qui pourraient nous laisser penser que ce plan de cohésion sociale sera autre chose qu'un discours de politique générale. Nous aurions souhaité que face aux difficultés, dont la description a d'une façon manifeste suscité votre ennui, voire votre désapprobation, vous marquiez une vraie volonté de mobilisation. Nous attendions de votre part une détermination nouvelle au moment d'engager cette deuxième partie du septennat, qui nous aurait permis d'engager un débat constructif, même si nous nous séparons quant aux moyens, et d'envisager des solutions, plutôt que de manifester des oppositions. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Au lieu de cela, nous n'avons qu'un montage médiatique, qui a pour but de dissimuler aux Français le fait que vous êtes responsables des difficultés où ils se trouvent. Ne comptez pas sur notre complaisance (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) pour nous livrer à ce petit jeu qui consisterait à laisser penser que vous avez la moindre volonté de résoudre ces problèmes. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les Français sont d'ailleurs bien conscients de ce que vous représentez aujourd'hui et de ce que vous avez fait.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Un mandat, ça se juge sur cinq ans !

M. Gaëtan Gorce. Notre responsabilité, c'est de préparer l'alternative, celle qui rendra confiance aux citoyens et crédibilité à l'action publique, tout ce que vous avez perdu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Voilà qui ne restera pas dans les annales !

M. Guy Drut. Ou alors peut-être dans les annales de la langue de bois !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Monsieur le député, « pschitt » - n'est-ce pas, monsieur Roy ? - : voilà ce à quoi se réduit l'heure que vous avez consacrée à défendre la motion de renvoi en commission.

M. Augustin Bonrepaux. Évidemment ! Vous n'avez rien écouté !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Eh bien, moi, je ferai « clic », pour qu'on voie sur l'écran s'il ne s'agit que d'un « plan media ». Deux fois plus de logements en cinq ans, c'est un plan media ?

Plusieurs députés du groupe socialiste. Oui !

M. le ministre délégué aux relations du travail. 120 millions de DSU en plus, 80 millions de dotation de solidarité rurale, est-ce un plan media ? 115 000 contrats d'accompagnement vers l'emploi, 230 000 contrats d'avenir, 115 000 CIE, est-ce simplement un plan media ?

M. Gaëtan Gorce. Un plan médiocre !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Vous le voyez bien, monsieur Gorce, ce plan offre des solutions concrètes, tellement concrètes que vos propres amis nous les réclament. Je peux vous assurer en effet que les centaines de demandes de maisons de l'emploi que nous avons reçues se répartissent d'une façon fort équilibrée du point de vue de leur origine politique. Alors si ce n'est que « pschitt », ne nous demandez surtout pas de maisons de l'emploi. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. La loi ne s'appliquerait-elle plus à tous ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il faudra l'avoir votée pour en bénéficier ? Belle conception de la démocratie !

M. Gaëtan Gorce. C'est scandaleux !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Nous pensons, nous, parce que nous avons le sens de la République, que les maisons de l'emploi doivent bénéficier à l'ensemble des Françaises et des Français, au-delà de tout clivage idéologique.


Par ailleurs, vous avez prétendu que ce gouvernement n'avait aucune politique de l'emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Guy Drut. Laissez aboyer les roquets, monsieur le ministre !

M. Pierre Cohen. Vous avez entendu ce que vient de dire Guy Drut ?

M. le président. Laissez s'exprimer le Gouvernement.

M. le ministre délégué aux relations du travail. ...alors que nous travaillons à maîtriser le coût du travail, notamment sur les bas salaires, pour nous éviter des révisions déchirantes à l'allemande, à la manière des plans Hartz que vos amis, en Allemagne, sont obligés de conduire, ne l'oublions pas. Ces plans ont certes créé autant d'emplois que ceux dont vous vous targuez avec les 35 heures, mais sans conduire à la modération salariale, ni à la création de sept SMIC différents, que nous avons dû rattraper...

M. Guy Drut. Exactement !

M. le ministre délégué aux relations du travail. ...parce que ça n'était pas supportable, notamment sur le plan du maintien du pouvoir d'achat. Car l'action que nous avons menée sur le SMIC c'est, finalement, un soutien au pouvoir d'achat.

Rénovation de la formation professionnelle et de la formation tout au long de la vie : voilà des éléments d'une politique de l'emploi,...

M. Augustin Bonrepaux. Des mots !

M. le ministre délégué aux relations du travail. ...auxquels s'ajoutent pôles de compétitivité, actions dans la recherche et développement, ainsi qu'une stratégie industrielle qui nous a amenés à tenir bon face à certaines décisions que la Commission voulait nous imposer au nom de la concurrence. Ce sont là des éléments d'une vraie politique en faveur de l'emploi.

Enfin, vous évoquiez le dialogue social. Je vous renvoie à la position commune de juillet 2001 : à l'exception de la CGT, elle a réuni tous les syndicats et l'ensemble des organisations patronales, qui ont décidé qu'il fallait en finir avec un mode de décision où on ne consultait les partenaires sociaux que le lendemain. C'est ce qui s'était passé avec la RTT, avec la loi de modernisation sociale, laquelle a vraiment été le contraire de ce que souhaitaient faire les partenaires sociaux ! Le dialogue social, c'est tout simplement appliquer quelques principes, comme cela se passe, à Bruxelles, entre le CES et les États. Nous nous donnons le temps du dialogue. Et si celui-ci vient à échouer, la démocratie politique, naturellement, tranche le moment venu et prend la décision. Ainsi, pendant dix-huit mois, à l'initiative du Parlement, les partenaires sociaux ont pu s'emparer du projet de réforme des mutations économiques et du droit au reclassement. Ils ont d'ailleurs travaillé au cours de onze grandes réunions. Ils n'ont pas pu aboutir pour un certain nombre de raisons. Nous sommes partis de leurs convergences et de leurs divergences, pour faire une proposition équilibrée (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste) qui, il est vrai, transforme profondément le droit du licenciement, en en sécurisant les procédures, en remplaçant le principe du conflit par la perspective du dialogue, en faisant...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Du licenciement !

M. le ministre délégué aux relations du travail. ...de la prévision plutôt que de la réparation, et en se préoccupant du territoire. En même temps, nous rompons avec une formidable inégalité dont vous ne parliez jamais car, entre les salariés des entreprises de plus de 1 000 salariés et celle de moins de 1000, la différence est grande : en moyenne, deux mois d'indemnités et 1 100 euros consacrés à la formation et au reclassement pour les premiers, douze mois d'indemnités et 6 600 euros pour les seconds. Notre conception de la République n'est pas celle-là. Ceux qui éprouvent la difficulté d'un licenciement doivent avoir un droit égal au reclassement, que nous avons le devoir de bâtir ensemble aujourd'hui.

Monsieur Gorce, votre motion montre, contrairement à ce que vous avez dit, qu'il est nécessaire que nous débattions de ce projet de loi pour l'enrichir et construire, ensemble, un peu plus la cohésion sociale de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Rappel au règlement

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je tiens à exprimer mon étonnement au vu des conditions dans lesquelles notre collègue a défendu sa motion de renvoi en commission. Il a été, à plusieurs reprises, interrompu par les membres du Gouvernement.

M. Pierre Cohen. C'est vrai !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Personnellement, je n'avais jamais assisté à cela. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Alors, c'est que vous ne venez pas souvent ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je fais mon rappel au règlement posément, même s'il y a eu, manifestement, volonté d'empêcher que la motion de procédure soit défendue normalement. Que les députés s'interpellent, cela appartient à la tradition de l'Assemblée, mais des interruptions de la part de ministres, c'est assez singulier. Il est clairement apparu que, pour les membres du Gouvernement, il est inacceptable qu'un membre de l'opposition critique, dans le cadre d'une motion de renvoi en commission, les arguments et l'objectif d'un projet de loi pour lequel, bien évidemment, l'opposition n'a pas à signer de blanc-seing.

Nous sommes engagés dans un débat qui va se poursuivre pendant plusieurs semaines. Si, à chaque fois que nous contredisons...

M. le président. Ce n'est pas un rappel au règlement, monsieur le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si, monsieur le président, en vertu de l'article 58, puisqu'il y a eu un incident de séance. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous allons avoir, pendant des semaines, à contredire éventuellement la position du Gouvernement.

M. Alain Gest. Des semaines ? C'est tout de même exagéré !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. S'il n'est pas possible de revenir au déroulement normal de la séance, ça serait difficile de continuer. Monsieur le président, je demande, ne serait-ce que pour que les choses retrouvent leur cours normal, cinq minutes de suspension de séance. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Non, monsieur Le Bouillonnec. Il est déjà peu commun d'accorder la parole pour un rappel au règlement durant les explications de vote.

M. Augustin Bonrepaux. Les explications de vote n'ont pas commencé ! La suspension est de droit !

M. le président. Aussi ne suspendrai-je pas la séance.

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, vous ne respectez pas le règlement ! La suspension est de droit !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur Bonrepaux, pouvez-vous, s'il vous plaît, me laisser parler ?

M. le président. Monsieur Bonrepaux, vous interviendrez tout à l'heure. Pour le moment, la parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

M. Pierre Cohen. La suspension est de droit !

M. Augustin Bonrepaux. Le groupe socialiste a demandé une suspension de séance !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Mais calmez-vous, monsieur Bonrepaux !

M. le président. Vous vous agitez inutilement, monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. On ne peut pas travailler dans ces conditions !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Je tiens, tout d'abord, à saluer le discours de M. Gorce ! Vous voulez m'empêcher de saluer son discours, monsieur Bonrepaux ?

M. le président. Il ne sert à rien de vous égosiller, monsieur Bonrepaux, je vous donnerai la parole tout à l'heure !

Poursuivez, monsieur le président de la commission des affaires culturelles.

M. Didier Migaud. Non, non !

M. Augustin Bonrepaux. Nous voulons une suspension de séance !

Mme Irène Tharin. Ça suffit, monsieur Bonrepaux !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Calmez-vous, monsieur Bonrepaux, sinon cela va vous causer des problèmes de santé. Attention, c'est comme ça que ces accidents arrivent. Et nous n'aimerions pas avoir à faire appel à des médecins ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) D'autant qu'il n'y a pas de cardiologue dans la salle. Je ne vois qu'un pédiatre et un urologue (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Si vous me le permettez, monsieur Bonrepaux, je tiens à saluer le discours de M. Gorce qui, comme à son habitude, a fait preuve d'une élégance verbale magnifique et d'un débit impressionnant. (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je dois dire aussi que...

M. Augustin Bonrepaux. Nous demandons une suspension de séance !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Laissez-moi parler ! Moi aussi, je peux gueuler s'il le faut ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Continuez, je m'en fous complètement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gorce sait aussi manier la provocation, et cela explique certains mouvements sur tous les bancs de cette assemblée !

M. Augustin Bonrepaux. C'est pas normal !

M. Didier Migaud. C'est lamentable !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Je souhaite, en premier lieu, rendre un hommage particulier aux deux rapporteurs de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, M. Dominique Dord et, bien entendu, Mme Françoise de Panafieu, qui ont fait un travail magnifique (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), de qualité, et qui se sont investis de façon intense tout au long de l'examen de ce projet de loi en commission.

M. Augustin Bonrepaux. C'est lamentable que la séance se termine dans de telles conditions !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Je vous rappelle qu'il y a eu une cinquantaine d'auditions - rendez-vous compte ! -, six réunions de la commission pour une durée de près de quinze heures ! Au total, ce sont 772 amendements qui auront été examinés, dont 265 ont été adoptés. Parmi ces derniers, 166 ont été proposés par les rapporteurs de la commission des affaires culturelles, trois émanent de la commission des finances, quatre de la commission des affaires économiques, quarante-six du groupe UMP, douze du groupe UDF, huit du groupe socialiste, trois du groupe des député-e-s Communistes et Républicains, cinq des députés n'appartenant à aucun groupe et dix-huit du Gouvernement. Je tiens naturellement à remercier également le rapporteur de la commission des finances, M. Alain Joyandet, et le rapporteur de la commission des affaires économiques, M. Georges Mothron, pour leur travail qui a permis d'approfondir les analyses et les échanges sur de nombreux articles du projet. La commission des finances a examiné et adopté huit amendements, tandis que la commission des affaires économiques en a examiné trente-cinq et adopté dix. Il convient aussi de souligner la richesse des propositions du groupe de travail sur l'apprentissage, institué par le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, propositions qui ont profité, grâce aux initiatives de M. Jean-Paul Anciaux et de M. Patrick Beaudouin, à l'ensemble de la commission.

Enfin, la présence active de l'opposition en commission a, elle aussi, contribué au dynamisme de nos travaux, et je m'en réjouis. En commission, monsieur Bonrepaux, les choses se passent autrement, car il n'y a pas la télévision, ni le JO pour rendre compte de tous vos propos ! Mais l'image que vous donnez maintenant de notre assemblée n'est pas flatteuse.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Exactement !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Alors, ne soyez pas surpris que le Parlement soit quelquefois moqué !

M. Didier Migaud. C'est la présidence qui a rendu ce débat ridicule !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Après le travail accompli, le retour en commission me paraît donc particulièrement inutile et il est préférable de laisser sur-le-champ place à la suite du débat, non sans avoir souhaité - mais je n'ai pas d'inquiétudes à ce sujet - que les travaux, en séance publique, soit inspirés par ce même élan commun.

Sur le plan politique, je n'ai rien à ajoute à la réponse pragmatique, précise et de grande qualité de M. Larcher. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)


M. Augustin Bonrepaux
. Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président. Un instant, monsieur Bonrepaux, je voudrais d'abord m'exprimer, moi aussi !

Il était normal qu'après l'intervention du Gouvernement je donne la parole, puisqu'il l'avait demandée, au président de la commission, qui peut intervenir dans le débat quand il le veut.

Je souhaite, comme vous tous, que nos débats, sur ce texte comme sur les autres, se déroulent dans de bonnes conditions et dans le respect mutuel.

C'est la raison pour laquelle je vais suspendre la séance quelques minutes afin que les esprits se calment et que nous puissions aborder les explications de vote sur la motion de renvoi en commission dans la sérénité retrouvée.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à zéro heure, est reprise le jeudi 25 novembre 2004 à zéro heure dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. Augustin Bonrepaux. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.

M. Augustin Bonrepaux. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 3.

Les demandes de suspension de séance, monsieur le président, sont de droit lorsqu'elles sont demandées par le président du groupe ou son délégué. C'est ce qui fut fait tout à l'heure.

Si la suspension nous avait été accordée, les incidents suscités par nos protestations légitimes auraient été évités et, surtout, M. le président de la commission des affaires culturelles n'aurait pas été interrompu. Je regrette de n'avoir pu entendre ses propos qui étaient certainement très intéressants. Je les lirai donc dans le compte rendu.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Votre soutien me va droit au cœur !

M. Augustin Bonrepaux. Cela dit, notre protestation, qui s'adressait à la présidence et non à un de nos collègues, ne justifiait nullement vos attaques contre moi, monsieur Dubernard. Nous ne faisions qu'exiger le respect du règlement.

M. le président. Maintenant que nous nous sommes expliqués, monsieur Bonrepaux, je considère que l'incident est clos.

Reprise de la discussion

M. le président. Avant de donner la parole aux orateurs inscrits pour une explication de vote sur la motion de renvoi en commission, j'indique que, sur le vote de celle-ci, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe UMP.

M. Bernard Perrut. Nous avons écouté avec attention notre collègue, Gaëtan Gorce, qui nous a donné des leçons de morale. Mais donner des leçons de morale n'a jamais été une preuve de vertu.

En l'occurrence, il aurait bien du mal à nous fournir une preuve de sa vertu, s'agissant du dialogue social, qui fut un des thèmes principaux de son intervention. La majorité à laquelle il appartenait n'a-t-elle pas mis en œuvre la loi sur les 35 heures,...

M. Gaëtan Gorce. Et j'en suis fier !

M. Bernard Perrut. ...sans réelle concertation ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) N'a-t-elle pas adopté certaines dispositions relatives au licenciement économique dans la loi Guigou, (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) à la sauvette, au cours d'une deuxième délibération, qui avait provoqué un véritable psychodrame dans sa propre majorité, dont il se souvient certainement ?

Je ne lui ferai pas l'injure de lui rappeler la position des syndicats qualifiant ce dispositif de « déresponsabilisant pour les partenaires sociaux » et affirmant qu'il « allait priver les salariés des plans sociaux qui leur offraient des garanties ». Voilà aussi des vérités, monsieur Gorce, mais celles-là, vous n'en avez pas parlé ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous n'avons pas de leçons à recevoir de vous, d'autant que c'est ce gouvernement et cette majorité qui ont fait le choix du dialogue social, adopté une loi sur la formation professionnelle, reprenant les dispositions d'un accord interprofessionnel qui a rénové les règles du dialogue social, un dialogue que les membres du Gouvernement ont su mettre en œuvre concrètement.

Sur le fond, vos critiques sont d'autant plus illégitimes, monsieur Gorce, qu'elles passent totalement sous silence les avancées considérables que contient le présent projet de loi. La première d'entre elles est la meilleure gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, qui est un des moyens d'atténuer le choc brutal que constituent les restructurations, de mieux anticiper les mutations de l'emploi et de donner aux salariés les moyens de s'y préparer. La deuxième consiste à faire confiance aux partenaires sociaux, au travers des accords de méthode, pour formuler des propositions concrètes à même de répondre aux attentes des salariés et aux spécificités de l'entreprise. Enfin, troisième enjeu, peut-être le plus important, cette loi renforce les garanties de reclassement offertes aux salariés, en particulier ceux des entreprises de moins de mille salariés qui sont actuellement totalement exclus de telles mesures, ce qui est inacceptable.

Voilà la vérité, monsieur Gorce !

Puisque vous avez forcé la caricature,...

M. Gaëtan Gorce. Nous n'en avions pas besoin !

M. Bernard Perrut. ...mais, sur ce sujet, la caricature n'est pas tolérable, non plus que le ton de la polémique, permettez-moi de conclure en vous disant que le Gouvernement n'a pas à rougir de son bilan en matière sociale. Avec ce projet de loi de cohésion sociale, nous poursuivons et amplifions une politique menée depuis deux ans, que vous avez remise en cause mais que nous soutenons. Rappelons tout de même qu'elle a été marquée par le relèvement du SMIC horaire de 18 % sur trois ans, ce qui équivaut à un treizième mois pour des milliers de salariés !


C'est aussi la création de 160 000 CDI pour les jeunes pas ou peu qualifiés, avec le contrat jeune en entreprise, un texte important que nous avons débattu ici même. C'est aussi la possibilité pour les salariés qui ont eu une longue carrière de partir à la retraite avant soixante ans, ce que vous avez, vous, toujours refusé. C'est encore la mise en place du droit individuel à la formation pour tous les salariés. Autant de mesures, mes chers collègues, qui sont à inscrire au bilan du Gouvernement. Comme l'a rappelé Gérard Larcher, le présent projet va dans le même sens : plus de DSU, plus de logements, plus de contrats, plus de cohésion sociale. Voilà pourquoi nous rejetons la demande de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe UDF.

M. Francis Vercamer. J'ai écouté attentivement M. Gorce et je me suis interrogé sur les motifs de sa motion de renvoi en commission. Il a dit à plusieurs reprises qu'il n'était pas là pour faire des propositions, mais pour critiquer le Gouvernement sans complaisance. Or, à ma connaissance, le travail effectué en commission vise plutôt à formuler des propositions et à faire avancer les textes. Donc, si l'on part du principe qu'il faut critiquer et non amender, je ne vois pas l'intérêt d'un renvoi en commission !

M. Gaëtan Gorce. Je peux recommencer mon intervention !

M. Francis Vercamer. À moins que la raison en soit l'absence des commissaires socialistes lors de la dernière réunion de la commission.

M. Gorce, selon une habitude chère au parti socialiste, a recouru à l'exagération et à la caricature, ce qui n'est pas la meilleure façon de faire avancer un texte et de l'améliorer.

Monsieur Gorce, vous avez critiqué le Gouvernement, notamment pour ses reculades sur un certain nombre de points. Mais le groupe UDF, qui l'avait demandé, se réjouit que le Gouvernement ait reculé sur l'ASS. Quant au rétablissement du financement de la HALD, tant mieux s'il revient en arrière et réaffecte les crédits qu'il avait tronqués lors de l'examen du projet de loi de finances ! Tant mieux aussi quand il revient sur la première proposition de prêt à taux zéro.

Pour ma part, loin de critiquer le Gouvernement quand il s'aperçoit que l'UDF a raison et qu'il revient sur ses positions, je dis bravo. J'espère qu'il agira de même s'agissant des amendements que le groupe UDF proposera sur ce texte lors des prochaines séances.

Il s'agit d'un texte de cohésion sociale. La fracture sociale n'existe pas depuis deux ans, comme le dit M. Gorce, mais depuis vingt ans. Quand on a été au pouvoir pendant les trois quarts de cette période, mieux vaut éviter de donner des leçons à ceux qui tentent de remédier à cette fracture.

Le texte doit sans doute être amélioré, et c'est pour cette raison que nous allons siéger la semaine prochaine. Mais le renvoyer en commission et perdre encore du temps, est-ce vraiment faire un cadeau aux exclus de notre société ?

L'UDF rejettera donc cette motion de renvoi en commission et fait confiance au Gouvernement pour accepter ses amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le groupe socialiste.

M. Augustin Bonrepaux. Mes chers collègues, si vous aviez bien écouté Gaëtan Gorce, vous comprendriez que ce renvoi en commission est tout à fait justifié. N'a-t-il pas dit que nous souhaitions la réussite de ce plan, mais que nous nous interrogions sur les moyens qui lui sont consacrés ?

Notre interrogation porte d'abord sur le chiffre de 12,8 milliards. Monsieur le ministre, seriez-vous un illusionniste ? Nous avons beau chercher, nous ne trouvons pas d'où peuvent provenir ces 12,8 milliards supplémentaires. Prenons quelques exemples.

Sur le budget de l'emploi, nous trouvons 100 millions supplémentaires : les autres crédits sont recyclés.

S'agissant du contrat d'avenir, on nous explique qu'il sera financé à 75 % du solde à la charge de l'entreprise la première année, à 50 % la deuxième et à 25 % la troisième. On nous dit aussi que son coût est estimé à 588 euros par mois la première année et à 368 euros la troisième. Or si 25 % est bien le tiers de 75 %, 368 n'est pas le tiers de 588 ! Ce raisonnement, quelque peu confus, vous permet de gonfler de 20 % les montants consacrés à ce contrat.

Quant aux fonds d'insertion, jusqu'à présent, il y avait bien une participation à ces fonds. On la recycle et vous présentez cela comme un montant supplémentaire. Ainsi, loin de respecter la réalité, vous créez des illusions.

Par ailleurs, avant de prendre des mesures nouvelles, monsieur le ministre, mieux vaudrait que l'État assume ses responsabilités dans les mesures qu'il va transférer.

Ainsi, à l'ANPE, le service va devenir payant. Cela fait un an que je pose la question : les personnels de l'ANPE qui travaillaient à l'insertion sont-ils maintenant payants pour le département ? Pour l'instant, nous ne pouvons pas dire, comme l'affirme M. Copé, que les transferts se font à l'euro près. Mieux vaudrait que l'État honore ses engagements au lieu de décider qu'on va faire payer ces services ailleurs. Est-ce ou non un transfert sur les collectivités ? Telle est la question que j'ai posée en commission, que je pose ici à nouveau et qui justifie à elle seule le retour de ce texte en commission.

Le fonds social du logement, qui a diminué de 25 % en 2003, a un peu augmenté cette année, mais sans revenir au niveau de 2002. Or depuis 2002, on observe une aggravation de la pauvreté et de la précarité, et vous en êtes responsables : il y a 500 000 pauvres de plus. Certes, le fonds social du logement va augmenter, mais les crédits seront inférieurs à ce qu'ils étaient en 2002. Honorez donc d'abord vos responsabilités dans le cadre de ce fonds avant d'envisager de faire davantage ! Je pourrais faire la même démonstration pour le fonds d'appui aux jeunes.

À propos des demandeurs d'asile, le texte prévoit des mesures, et c'est très bien. Mais les départements, qu'ils soient de droite ou de gauche, sont obligés de faire régulièrement des recours devant les tribunaux parce que l'État se décharge de ses responsabilités. Commencez donc, monsieur le ministre, par honorer les engagements de l'État envers les demandeurs d'asile.

Quant aux maisons de l'emploi, je me demande ce qu'elles apporteront, car c'est en grande partie aussi le rassemblement de moyens existants. Je sais de quoi je parle, car il y en a une dans mon département. Quel est l'apport de l'État dans ce domaine ? Car je sais bien comment nous l'avons financée : ce sont les collectivités, pour l'essentiel la région et le département

Enfin, notre collègue Jean-Louis Dumont a posé en commission une question importante sur le logement. Si vous voulez construire des logements, il faut des terrains. À cela, le Gouvernement répond que les régions ou les EPCI pourront créer des établissements publics fonciers dans un délai de deux ans et demi. Quand donc allons-nous construire les logements ?

M. le président. Il faut conclure, monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. J'ajoute, monsieur le ministre, car vous semblez l'ignorer, que pour construire des logements, il faut aussi une participation très importante des collectivités locales. Dans mon département, elles fournissent le terrain et le département apporte 26 000 francs par logement.

M. le président. Monsieur Bonrepaux, il ne s'agit que d'une explication de vote. Aussi, je vous demande de conclure !

M. Augustin Bonrepaux. L'OPAC apporte environ 4 000 francs par logement.

Il vaudrait mieux que vous amélioriez le financement pour pouvoir dire que c'est vraiment l'État qui consent un effort, plutôt que de transférer toutes ces charges sur les collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix la motion de renvoi en commission.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 61

                    Nombre de suffrages exprimés 61

                    Majorité absolue 31

        Pour l'adoption 16

        Contre 45

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

    2

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Aujourd'hui, à neuf heures trente, première séance publique :

Discussion de la proposition de résolution, n° 1871, de M. Henri Emmanuelli et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête visant à analyser le niveau et le mode de formation des marges et des prix dans le secteur de la grande distribution, et les conséquences de l'évolution des prix sur le pouvoir d'achat des ménages :

Rapport, n° 1874, de M. Jean Gaubert au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, n° 1911, de programmation pour la cohésion sociale :

Rapport, n° 1930, de Mme Françoise de Panafieu et M. Dominique Dord, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Avis, n° 1920, de M. Alain Joyandet, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Avis, n° 1928, de M. Georges Mothron, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 25 novembre 2004, à zéro heure vingt-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot