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Deuxième séance du mardi 30 novembre 2004

79e séance de la session ordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

POLYNÉSIE FRANÇAISE

M. le président. La parole est à M. Éric Raoult.

M. Éric Raoult. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'outre-mer. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicain.)

Mes chers collègues, Jacques Brel et Paul Gauguin ont décrit Tahiti. M. Temaru et ses amis socialistes, eux, ne cessent de décrier la Polynésie. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Madame la ministre, vous êtes une femme de bonne volonté, qui se bat contre beaucoup de duplicité et de mauvaise volonté. La semaine dernière, vous avez réussi à réunir autour de la même table les forces politiques polynésiennes que tout opposait depuis des mois sur l'avenir du territoire. Vous avez obtenu des avancées substantielles puisque des points d'accord ont été concrétisés dans un document commun signé le 27 novembre par M. Temaru et M. Flosse, ce qui constitue une véritable première.

Ce pré-accord n'a pas été respecté par le chef indépendantiste, qui a préféré son clan à son pays. Notre ami Gaston Flosse, lui, est un homme de parole et de responsabilité. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste.) Plus vous le critiquez, plus j'ai envie de le défendre.

Nous avons tous noté que la suspension des discussions résulte de ce que M. Temaru n'a pas tenu son engagement écrit de libérer les locaux que ses amis occupent illégalement, comme l'a d'ailleurs jugé le Conseil d'État qui leur a ordonné de quitter les lieux.

Madame la ministre, la Polynésie n'est pas l'Ukraine ! C'est la France d'outre-mer dans la République. Elle est rétive à toute idéologie et veut seulement le progrès et le développement.

Tous les républicains, je dis bien tous, devraient prôner l'apaisement pour ne pas gâcher la paix civile et le calme de ce beau fenua, comme on dit là- bas.

M. le président. Quelle est votre question ?

M. Éric Raoult. Madame la ministre, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur les perspectives d'évolution du dossier polynésien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Il est vrai qu'il n'était pas facile de réunir autour de la même table M. Gaston Flosse et M. Temaru et d'obtenir, après six jours de discussions particulièrement intenses, qu'ils signent ensemble le même document.

Ce document témoigne d'avancées tout à fait importantes vers le règlement de la crise actuelle en Polynésie. Désormais, tout le monde est d'accord sur le principe d'élections générales.

M. Christian Paul. Enfin !

Mme la ministre de l'outre-mer. Tout le monde admet que, pour y parvenir, la seule voie possible est la voie législative, l'adoption d'une loi organique, la dissolution n'étant pas à retenir, dans la mesure où elle conduirait indubitablement à une impasse et où la décision serait vraisemblablement annulée par le Conseil d'État.

Tout le monde étant d'accord sur l'essentiel, restent à régler les problèmes du calendrier de ces élections générales. Mais cela ne me semble pas insurmontable.

Aujourd'hui, le temps presse pour finaliser le texte de la loi organique. Il appartient à M. Temaru et à lui seul, s'il souhaite toujours que cette loi organique soit adoptée et promulguée avant le 13 février prochain, date prévue pour les élections partielles, de tenir ses engagements et de débloquer la situation sur place. Il est indispensable qu'il respecte la décision du Conseil d'État en faisant libérer tous les locaux occupés illégalement, comme il s'y est engagé par écrit le 27 novembre dernier.

Il faut que M. Temaru tienne ses engagements et je souhaite que cette libération intervienne rapidement.

Ayant compris que le bâtiment de la présidence de la Polynésie française était hautement symbolique, j'ai accepté sa proposition de le faire « neutraliser » par l'État, personne ne devant l'occuper une fois qu'il sera évacué. M. Flosse a accepté de ne plus s'y réinstaller.

Si chacun y met du sien, nous réussirons à rétablir un climat serein sur place. En tout cas, en ce qui me concerne, je reste tout à fait disponible pour reprendre les discussions, qui ne sont pas rompues mais simplement suspendues. Je rappelle que mon rôle est de favoriser un consensus entre les partenaires polynésiens, et en aucune façon d'imposer une solution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

GESTION DE LA CRISE POLYNÉSIENNE

M. le président. La parole est à M. René Dosière, pour le groupe socialiste.

M. René Dosière. Monsieur le Premier ministre, la réponse que vient de faire votre ministre de l'outre-mer est tout à fait conforme à son comportement partisan et partial durant les discussions. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le recours à des élections générales pour résoudre la crise politique ne constitue pas une nouveauté, sauf pour Mme Girardin qui jusqu'alors n'en voyait pas l'utilité, contrairement à ce que préconisaient la plupart des responsables politiques, y compris à l'UMP.

Les vraies questions sont les suivantes : quand et comment ? Et sur ces points, la réponse de votre ministre est incomplète. Aucun progrès n'a été réalisé sur ces deux aspects, pour une raison simple : elle n'a cessé de soutenir ostensiblement la position de Gaston Flosse, qui exigeait une modification du mode de scrutin qu'il avait introduit dans la loi statutaire il y a moins d'un an.

L'ex-majorité plurielle a toujours affiché son hostilité au mode de scrutin imposé par M. Flosse, mais elle a bien entendu l'opinion exprimée par les présidents des deux assemblées. Ces derniers leur ont exposé quelle était l'attitude républicaine : on ne change pas de mode de scrutin au gré des circonstances.

Monsieur le Premier ministre, vous qui avez le souci du résultat, pensez-vous qu'il est possible de réussir une négociation quand le ministre de votre gouvernement devient le porte-parole d'une des deux parties ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. La question !

M. René Dosière. Monsieur le Premier ministre, vous qui avez la responsabilité de la paix civile, envisagez-vous de reprendre en main le dossier polynésien, dès lors que votre ministre a lamentablement échoué (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et se trouve totalement discréditée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur Dosière, à vous entendre, on pourrait croire que vous avez participé à des discussions auxquelles, pourtant, vous n'étiez pas convié ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Quelles que soient les déclarations faites par les uns ou par les autres, notamment par M. Temaru, qui parle beaucoup à la presse, je ne retiens que deux choses : ce que m'écrit et ce que signe ce dernier. Or il m'a écrit le 26 novembre dernier, dans un mémorandum d'ailleurs signé par l'ensemble des membres de sa délégation, qu'il souhaitait des élections générales, avec une loi organique permettant le retour au mode de scrutin antérieur. C'est lui qui me l'a demandé. Je n'ai rien à proposer. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je suis là pour favoriser le rapprochement entre deux partenaires, je n'ai rien à imposer, je le répète. Du moment qu'il s'agit d'une suggestion de M. Temaru et qu'elle est acceptée par M. Flosse, je ne vois pas où est le problème.

Par ailleurs, M. Temaru signe des engagements qu'il n'arrive pas à tenir. Il n'a cessé, depuis le début des discussions, de me dire qu'il allait respecter les décisions de justice. Vous qui avez l'habitude de lui donner des conseils, monsieur Dosière, essayez de lui en donner de meilleurs : jusqu'à maintenant, dix décisions de justice nous donnent raison et lui donnent tort ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les recours en justice de l'indépendantisme ont tous été rejeté. Et puis, monsieur Dosière, de votre côté, essayez de faciliter les choses et de faire en sorte que nous parvenions à un consensus, à un accord. C'est ce que nous souhaitons.

L'État, dans cette affaire, est d'une stricte neutralité. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste.) Encore une fois, il ne propose rien. Il se limite à essayer de favoriser un processus consensuel entre les Polynésiens, parce que c'est à eux de décider de leur avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

MINES ANTI-PERSONNEL

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. François Rochebloine. Monsieur le ministre des affaires étrangères, en ce moment se tient à Nairobi - du 29 novembre au 4 décembre - la première conférence d'examen de la convention d'interdiction des mines anti-personnel, dénommée couramment convention d'Ottawa.

Cette conférence s'est fixé deux objectifs principaux : d'une part, faire le bilan de la mise en œuvre de ce traité depuis son entrée en vigueur en 1999 ; d'autre part, débattre et décider d'une stratégie commune aux État parties pour les années 2005-2009.

Dans le cadre de cette stratégie à définir, deux points semblent cependant poser problème : d'une part, le niveau des stocks de mines anti-personnel à conserver pour effectuer des études de déminage et de formation des démineurs ; d'autre part, les mines anti-char et anti-véhicule munies d'un allumeur sensible.

Sachant que la loi française limite, pour les études de déminage et de formation, le stock de mines anti-personnel à 5 000 unités, la France interviendra-t-elle pour que cette valeur soit mentionnée dans le plan d'action 2005-2009 en cours d'élaboration à Nairobi et devienne ainsi, pour tous les États parties, le maximum autorisé ?

Sachant que le ministère de la défense a déjà retiré du service opérationnel des armées deux types de mines anti-char ou anti-véhicule à allumeur sensible, la France acceptera-t-elle que ce type de mines fasse l'objet, dans le cadre de la convention d'Ottawa, d'un examen au cours des cinq prochaines années ?

Monsieur le ministre, le groupe UDF considère ces questions comme très importantes. Elles sont en effet au cœur de la lutte contre ce fléau planétaire que constituent les mines. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Monsieur Rochebloine, le groupe UDF mais aussi tous les députés ici présents et l'ensemble du Gouvernement considèrent ces questions comme très importantes et très graves : les mines anti-personnel, que vous dénoncez comme nous, touchent 15 000 à 20 000 personnes par an dans le monde.

Permettez-moi déjà de rendre hommage au travail exemplaire fait par de nombreuses associations, en particulier par Handicap International.

La France est très engagée. Elle fut même l'un des premiers pays du Conseil de sécurité à signer la convention d'Ottawa. Dans le cadre national comme dans le cadre de l'Union, nous consacrons beaucoup d'argent à lutter contre ce fléau.

Certes, la convention ne fixe pas le nombre de mines stockées autorisées pour chacun des pays. En revanche, la loi française fixe ce nombre à 5 000. Nous l'avons fixé ainsi pour tenir compte des besoins de la formation, de l'expertise et de l'entraînement au déminage.

Concernant le dispositif anti-char, je peux confirmer qu'il n'est pas prévu de l'examiner dans le cadre de la convention d'Ottawa. C'est une autre convention qui traite de cette question : elle porte sur les armes classiques et date de 1980.

Enfin, monsieur Rochebloine, je voudrais vous remercier de votre engagement personnel dans la commission nationale qui s'occupe de ce sujet. Je peux vous préciser que le message que j'ai demandé à M. Darcos de porter demain à Nairobi est de renforcer la convention d'Ottawa et de lui donner, autant que nous le pourrons, un caractère universel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

TRAVAILLEURS VICTIMES DE L'AMIANTE

M. le président. La parole est à M. Pierre Goldberg, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Pierre Goldberg. Monsieur le Premier ministre, s'il ne nous appartient pas de commenter une décision de justice, permettez-moi d'exprimer l'écœurement du groupe des député-e-s communistes et républicains devant la décision de la cour d'appel de Douai, saisie par les veuves de victimes de l'amiante. Cette décision a été ressentie comme un véritable déni de justice. Près d'un millier de personnes ont d'ailleurs manifesté à Dunkerque pour témoigner leur solidarité aux victimes et partager leur incompréhension face à une telle indifférence.

L'amiante fait encore près de 3 500 morts par an, dix par jour ! C'est un crime commis par les industriels, qui ont privilégié leurs intérêts au détriment de la santé des populations, et par les employeurs, qui n'ont pas respecté la réglementation censée protéger la vie des salariés. J'ai constaté les dégâts dans une grande entreprise de ma circonscription.

Le temps est résolument à la réparation, pas à l'évitement. Or le Gouvernement n'est pas à la hauteur de l'enjeu. Cette année, le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ne bénéficie plus d'aucune dotation directe de l'État : pas moins de 100 millions d'euros manqueraient. Le reversement de 330 millions d'euros de la branche accidents du travail-maladies professionnelles à la branche maladie, que vous avez inscrit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, est, une fois de plus, ridicule. Alors que le seul coût des cancers d'origine professionnelle supporté par l'assurance maladie depuis dix ans est évalué à 144 milliards d'euros, ce reversement ne représente que mépris. Ce même projet de loi de financement de la sécurité sociale n'envisage aucune disposition nouvelle d'ampleur pour rattraper le retard en matière de reconnaissance et de prévention des maladies professionnelles. Les besoins sont pourtant énormes.

M. Jean-Michel Ferrand. La question ! On ne va pas y passer la nuit !

M. Pierre Goldberg. Aujourd'hui, nous connaissons le scandale de l'amiante. Demain, explosera celui des éthers de glycol. Là encore, vous tardez à imposer les précautions nécessaires. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Taisez-vous et écoutez la question !

M. Maxime Gremetz. Oui, taisez-vous !

M. le président. Monsieur Gremetz, ça suffit !

M. Pierre Goldberg. Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt, autrement qu'en paroles, à mettre en œuvre dans les plus brefs délais des actions fortes pour renforcer la législation sur la protection des salariés, ainsi que sur la prévention et la réparation des maladies professionnelles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Michel Delebarre. Il a raison !

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Monsieur le député, l'amiante a été massivement utilisé pendant des décennies dans les secteurs du bâtiment et de l'industrie. Fortement cancérogène, il est facteur du cancer de la plèvre, le mésothélium, et de celui du poumon. Malgré son interdiction totale depuis 1996, la catastrophe sanitaire est encore à venir. Les nouveaux cas par an de cancer - 1 000 pour celui de la plèvre et 2 000 pour celui du poumon - iront en augmentant. Le temps de latence, entre l'exposition à l'amiante et la déclaration du cancer, est estimé entre trente ans et quarante ans.

L'indemnisation des victimes, sur laquelle vous m'interrogez, est prise en charge, d'une part, par le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, doté de...

M. Jean-Marie Le Guen. Pas un centime de l'État !

M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. ...700 millions d'euros dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale cette année, d'autre part, par le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, dont les crédits, de 450 millions d'euros cette année, seront portés à 600 millions l'année prochaine. Les crédits augmenteront en permanence.

En mars 2004, le Conseil d'État a reconnu pour la première fois que l'État était responsable.

M. Michel Delebarre. Oui !

M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. C'est la raison pour laquelle je souhaite qu'ait lieu le plus rapidement possible une table ronde réunissant les partenaires sociaux, les associations, les partenaires de santé et tous les pouvoirs publics concernés pour que les droits des malades soient respectés, non seulement au niveau médical mais aussi judiciaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

AL-MANAR

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Ma question, à laquelle s'associent de nombreux députés, notamment Alain Marsaud, Michel Diefenbacher, Claude Goasguen et Hervé Mariton, s'adresse à M. le Premier ministre parce qu'elle concerne plusieurs membres du Gouvernement, au moins les ministres de la culture et de la justice, et parce qu'elle soulève, à travers le conventionnement de la chaîne Al-Manar par le CSA, des dysfonctionnements extrêmement graves de nos institutions.

La chaîne Al-Manar appartient au groupe terroriste du Hezbollah, qui est à l'origine des attentats de la rue de Rennes et des Galeries Lafayette à Paris en 1985 et 1986, et a kidnappé plusieurs citoyens français, notamment Jean-Paul Kaufmann et Marcel Fontaine. Cette chaîne diffuse quotidiennement des appels au meurtre des juifs d'Israël et, accessoirement, des chrétiens. Il y a un an, elle avait diffusé en France un feuilleton intitulé Al-Shatat, Diaspora en français, qui, reprenant la propagande nazie du « Protocole des sages de Sion », montrait le complot juif mondial en l'illustrant notamment par l'égorgement d'un jeune enfant chrétien, dont le sang servait à fabriquer des galettes azymes pour la Pâque juive. Ce feuilleton avait conduit le président du CSA, M. Baudis, a saisir la justice et le procureur de la République au mois de janvier dernier. Depuis lors, aucune nouvelle de cette plainte.

Au printemps dernier, le Gouvernement, dans le cadre de la loi sur l'audiovisuel, a proposé un amendement visant à lutter contre ce genre de dérive et donnant la possibilité au CSA de se tourner vers le Conseil d'État pour obtenir l'interdiction de diffusion d'une telle chaîne. La loi a été votée et promulguée le 9 juillet dernier. Aussitôt, le CSA s'est tourné vers le Conseil d'État pour demander l'interdiction de la chaîne. À la surprise générale, celui-ci, oubliant la diffusion des émissions dont je viens de parler, a ouvert la possibilité de conventionnement de cette chaîne. Le CSA a considéré que le Conseil d'État lui enjoignait de conventionner la chaîne, ce qu'il a fait par une décision du 20 octobre.

M. le président. Posez votre question.

M. Pierre Lellouche. Pardonnez-moi, monsieur le président, mais c'est important.

M. le président. Toutes les questions sont importantes, monsieur Lellouche, et chacun dispose du même temps de parole. Posez donc votre question.

M. Pierre Lellouche. Monsieur le Premier ministre, pourquoi la justice pénale de notre pays n'a-t-elle pas instruit la plainte du CSA ? Pourquoi, alors qu'il était question d'interdire cette chaîne, que des otages français sont retenus par des fondamentalistes islamiques, que nous sommes tous mobilisés contre le racisme et l'antisémitisme, sommes-nous arrivés aujourd'hui à conventionner une chaîne terroriste ?

M. le président. Merci, monsieur Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Pourquoi le CSA s'est-il réfugié derrière le Conseil d'État ?

M. le président. Merci !

M. Pierre Lellouche. Merci, monsieur le président, de m'autoriser à poser ma question dans son intégralité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Chacun a le même temps de parole ! Vous avez de la chance : si vous aviez posé la dernière question, vous ne seriez pas passé à la télévision.

M. Pierre Lellouche. Chaque fois que je pose une question, c'est la même chose !

M. le président. Vous ne jouissez pas d'un régime spécial, monsieur Lellouche ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Lellouche, je vais vous répondre avec une extrême gravité et beaucoup de détermination. La semaine dernière, je vous ai indiqué que, grâce à la décision de l'Assemblée nationale et du Sénat, le Conseil supérieur de l'audiovisuel avait des pouvoirs renforcés pour mettre un terme à ce qui est inacceptable dans le pays des droits de l'homme que nous sommes.

M. François Loncle. Ce n'est pas vrai !

M. le ministre de la culture et de la communication. Dans la France d'aujourd'hui, confrontée à la violence internationale actuelle, des propos racistes, xénophobes et antisémites n'ont pas droit de cité. (« La preuve ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je suis aussi sévère avec la gauche qu'avec la droite : taisez-vous ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre de la culture et de la communication. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a la responsabilité politique, morale et juridique de contrôler heure par heure les déclarations scandaleuses. (« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Mensonges : il n'en a pas les moyens !

M. le ministre de la culture et de la communication. Je voudrais, pour que chacun en mesure la gravité, vous citer les phrases que le Conseil supérieur de l'audiovisuel a relevées :...

M. Pierre Lellouche. Prenez vos responsabilités !

M. le ministre de la culture et de la communication. ...« On a assisté ces dernières années à des tentatives sionistes pour transmettre des maladies dangereuses à travers les exportations aux pays arabes, comme le sida. Cet ennemi n'aura aucun scrupule à commettre des actes qui pourraient porter atteinte à la santé des citoyens arabes et musulmans ». Ces phrases sont honteuses,...

M. Jean-Marie Le Guen. Prenez vos responsabilités, alors !

M. le ministre de la culture et de la communication. ...comme l'étaient celles qui ont amené le garde des sceaux à déclencher une procédure judiciaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) pour que soit condamnés pénalement les auteurs des infractions. (Mêmes mouvements.)

M. Pierre Lellouche. Un an que ça dure !

M. le ministre de la culture et de la communication. Aujourd'hui même, le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel a saisi le Conseil d'État pour qu'il soit mis un terme à la diffusion sur le territoire national d'une telle chaîne.

M. Pierre Lellouche. Il était temps !

M. le ministre de la culture et de la communication. Le Premier ministre...

M. Jean-Marie Le Guen. Agissez !

M. le président. Taisez-vous, monsieur Le Guen !

M. le ministre de la culture et de la communication. ...a demandé de vérifier s'il fallait des moyens juridiques supplémentaires. (« Agissez ! » sur les bancs du groupe socialiste.) La justice est saisie : la justice pénale par le garde des sceaux, le Conseil d'État par le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

M. Pierre Lellouche. Agissez ! Cela fait un an !

M. le ministre de la culture et de la communication. S'il faut des moyens juridiques supplémentaires, le Premier ministre et le Gouvernement vous les proposeront. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Julien Dray. N'importe quoi !

M. le ministre de la culture et de la communication. Mesdames, messieurs les députés, je ne comprends pas que vous ne fassiez pas confiance à la justice pour stopper cette barbarie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Agissez !

VIOLENCE DANS LES STADES

M. le président. La parole est à M. Bernard Carayon.

M. Bernard Carayon. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, aujourd'hui, beaucoup de nos compatriotes ne vont plus dans les stades car ils craignent de ne pouvoir assister en toute tranquillité à une rencontre sportive. De nombreux voyous troublent en effet ces manifestations par des actes racistes ou des comportements d'une violence parfois extrême.

Ce phénomène ne touche pas que notre pays. C'est toute l'Europe qui, de manière récurrente, est la proie de ces flambées de violences verbales et physiques : attaques contre d'autres supporters, contre de simples spectateurs, agressions aux abords des stades, invectives et insultes à l'encontre de joueurs.

On ne peut pas accepter une banalisation de ces comportements lamentables, qui nient les valeurs du sport et sont tout à fait contraires à l'esprit de celui-ci. Ces délinquants doivent être identifiés, interpellés, sévèrement punis, voire interdits de tribune.

M. le garde des sceaux s'est engagé la semaine dernière à prendre des mesures pour qu'il y ait un véritable suivi judiciaire en la matière. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, comment vous entendez mobiliser les forces de l'ordre pour lutter contre ce phénomène et quelles sont les mesures que vous préconisez pour endiguer cette violence et ce racisme dans nos stades ? Les spectateurs, les joueurs, les présidents de clubs et de ligues attendent beaucoup de votre engagement pour pacifier nos lieux sportifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, vous avez raison : il n'est pas admissible qu'une rencontre sportive donne lieu à des manifestations de violence, de racisme, d'antisémitisme ou d'homophobie.

M. Jean-Marie Le Guen. Il vous faut un papier pour répondre ?

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il faut donc des sanctions exemplaires.

M. Jean-Marie Le Guen. Exemplaires ! C'est marqué sur le papier ?

M. le président. Monsieur Le Guen !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Un partenariat fort est nécessaire avec les clubs et c'est pourquoi nous avons signé avec le Parc des Princes et le Paris Saint-Germain un contrat local de sécurité.

Tout est mis en œuvre pour garantir la sécurité.

Nous avons tout d'abord renforcé notre dispositif juridique et deux décrets vont être signés d'ici à la fin de l'année, le premier concernant les personnes interdites de stade et le deuxième les fouilles avant les matchs. Ce point fait l'objet d'une concertation très étroite avec Dominique Perben et Jean-François Lamour.

Par ailleurs, notre dispositif de sécurité est renforcé. Rien que pour le dernier match entre Paris Saint-Germain et l'OM, nous avons mobilisé 1 500 policiers et gendarmes en civil ou en tenue,...

M. François Loncle. Pour quel résultat !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ...pour un coût total de 400 000 euros, qui a été assumé pour l'essentiel par le ministère de l'intérieur. D'où la nécessité d'organiser une table ronde afin de mieux répartir l'ensemble de cette charge financière.

Le contrôle doit être encore accru pour mieux assurer la sécurité. Une meilleure coordination interministérielle est nécessaire. Pour cela,...

M. Manuel Valls. Il faut remanier !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ...un guide des bonnes pratiques est en voie d'achèvement.

Enfin, il faut mettre en place trois obligations nouvelles : une obligation de pointage pour les personnes interdites de stade pendant les matchs, l'obligation de pointer, la notification de ces personnes à l'ensemble des services de police et de gendarmerie, la mise en place d'un dispositif de surveillance dans chaque stade où cela sera nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

VIOLENCES RACISTES EN CORSE

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou.

Mme Élisabeth Guigou. Monsieur le Premier ministre, samedi dernier, l'imam de Sartène, Mohamed el-Atrache, a été victime d'une tentative d'assassinat. La porte du lieu de culte où il se trouvait a été criblée de balles de gros calibre et il a échappé de peu à la mort. Des inscriptions abjectes ont été trouvées dans la rue.

Cet attentat raciste survient après beaucoup d'autres qui ont visé, en Corse, les habitants d'origine maghrébine. Les manifestations d'Ajaccio et de Calvi, la solidarité spontanément manifestée à l'égard de l'imam montrent que la très grande majorité des Corses n'est évidemment pas raciste. Mais les violences anti-maghrébines de bandes de voyous dangereux créent un climat extrêmement inquiétant, d'autant plus que l'insécurité en général a considérablement augmenté en Corse. Je pense en particulier à l'ignoble attentat contre la gendarmerie d'Aléria, c'est-à-dire contre ceux-là mêmes qui sont chargés d'enquêter sur les violences de toutes sortes commises en Corse. Là aussi, des hommes, des femmes et des enfants auraient pu trouver la mort.

Les agressions racistes se sont aussi multipliées sur tout le territoire national. Je citerai les nombreuses profanations de cimetières musulmans et juifs. Je vous avais également interrogé ici même, il y a un an, monsieur le Premier ministre, sur l'incendie de l'établissement juif de Gagny.

Où en sont les enquêtes sur les attentats racistes que je viens de rappeler ? Quels moyens exceptionnels allez-vous déployer pour identifier les agresseurs et les déférer devant la justice afin qu'ils reçoivent une sanction sévère ? Comment allez-vous enrayer la spirale de la violence en Corse ? Allez-vous rompre ici le silence sidérant de votre gouvernement sur la situation générale dans l'île et sur cet attentat en particulier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Madame la députée, l'attentat de Sartène est odieux et j'ai demandé au préfet dans l'île d'exprimer mon indignation devant un tel acte et la détermination du Gouvernement à faire toute la lumière sur cette affaire.

Vous avez été vous-même, madame, amenée à traiter des affaires délicates quand vous étiez garde des sceaux. Vous savez donc que, quand une affaire est complexe et difficile, il faut laisser la justice faire son travail jusqu'au bout.

Vous avez évoqué plus généralement le racisme se manifestant en Corse. Il est vrai que de très nombreux actes inacceptables ont été perpétrés en Corse ces derniers mois. Nous nous sommes mobilisés. Comme vous le savez, nous avons démantelé l'un des réseaux les plus importants, Clandestini Corsi : vingt et une personnes ont été interpellées et quinze ont été arrêtées.

Sur le plan national, il est également vrai que nous sommes confrontés à une recrudescence importante du racisme. Nous devons tous le reconnaître. Le premier à Chambon-sur-Lignon, le Président de la République a insisté sur la nécessité d'un véritable sursaut.

Dans quelques jours, le Premier ministre réunira l'ensemble des préfets et les appellera à la mobilisation. C'est en effet un combat national que nous devons mener.

Des actions spécifiques sont également engagées dans le domaine de la formation des officiers de police judiciaire et de la formation de la police technique et scientifique.

Il faut savoir que ces manifestations de racisme dépassent le cadre de notre pays, comme nous le voyons aux Pays-Bas et en Allemagne. Face à une situation internationale dramatique, nous devons prendre conscience des risques qui existent dans chacun de nos pays et tous les élus, tous les responsables doivent pleinement se mobiliser. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

INCESTE ET VIOLENCES SEXUELLES

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi. Monsieur le garde des sceaux, j'appelle votre attention sur la détresse des enfants victimes d'agressions sexuelles et, plus particulièrement, de ceux qui les subissent de leurs parents ou de leurs ascendants, drame qu'ils gardent tout au long de leur vie. Or notre code pénal ne sanctionne les relations sexuelles avec des mineurs de moins de quinze ans que de manière « aggravante » lorsqu'elles sont commises par un ascendant. C'est la raison pour laquelle, avec 140 députés UMP ou UDF - mais je sais que cette démarche est suivie par nombre de députés siégeant sur d'autres bancs -, nous avons déposé une proposition de loi visant à ériger l'inceste en infraction spécifique dans notre code pénal et tendant à présumer le non-consentement de l'enfant de quinze ans à une relation sexuelle avec l'un de ses ascendants.

De nombreuses associations de victimes - je salue, tout particulièrement, l'action de AIVI, notamment lors de la journée des droits de l'enfant - se battent pour exprimer le calvaire vécu par des enfants transformés en véritables poupées sexuelles par ceux-là mêmes qui auraient dû les protéger.

Dimanche dernier, à Lyon, vous avez pris, monsieur le ministre, des positions très claires et je tiens à vous en remercier. Quelles mesures allez-vous prendre et dans quel délai pour que ces enfants retrouvent la dignité qu'ils n'auraient jamais dû perdre et pour que, demain, ces crimes insoutenables soient systématiquement sanctionnés par la justice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Je vous remercie, monsieur Estrosi, comme l'ensemble des partenaires qui ont pris l'initiative de cette proposition de loi qui permettra de remédier à une anomalie de notre code pénal, lequel ne prévoit pas clairement, en effet, la présomption de non-consentement lorsqu'un enfant mineur est violenté par un ascendant.

J'ai donné mon accord sur cette orientation, et je vous propose d'ouvrir une discussion assez large avec toutes celles et tous ceux qui ont des choses à dire sur le sujet, avant de faire aboutir cette modification du code pénal, qui est d'ailleurs simple et va dans le sens de la demande faite par l'Assemblée générale de l'ONU à l'ensemble des pays membres.

Je profiterai de votre question, monsieur le député, pour parler de la lutte contre la maltraitance des mineurs en général.

Le Parlement a déjà prolongé le délai de prescription des crimes sexuels, qui a été porté, à l'initiative de M. Léonard, à vingt ans après la majorité.

De plus, la justice se fait de plus en plus sévère. Les poursuites engagées pour ce type de crimes augmentent considérablement : une affaire sur deux aux assises concerne aujourd'hui des crimes sexuels, essentiellement contre des mineurs.

Enfin, j'ai mis en place avec ma collègue ministre de la famille un dispositif de signalement de la maltraitance de l'enfant et je m'efforce de développer avec les services du ministère de la santé des unités d'accueil de la parole de l'enfant maltraité, afin que des procédures judiciaires puissent être engagées avec efficacité, c'est-à-dire sur la base de preuves suffisantes.

Telle est, monsieur le député, la politique qui est mise en œuvre pour que ces crimes abominables soient poursuivis et sanctionnés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

UKRAINE

M. le président. La parole est à M. René André.

M. René André. Monsieur le ministre des affaires étrangères, le sommet Russie-Union européenne qui s'est tenu la semaine dernière à La Haye en présence du président Poutine et de la présidence de l'Union européenne a été dominé par la question ukrainienne. La Russie et l'Europe ont appelé à une approche pacifique pour résoudre la crise politique que traverse l'Ukraine. En effet, après l'annonce des résultats officiels de l'élection présidentielle, des accusations de fraude ont été formulées aussi bien par des membres de l'opposition ukrainienne que par de nombreux observateurs indépendants.

Réuni en session extraordinaire à Kiev samedi dernier, le Parlement ukrainien a estimé que le deuxième tour de l'élection présidentielle, dont les résultats étaient contestés, n'était pas valable et ne reflétait pas la volonté des électeurs. Il a également voté une motion de défiance à l'encontre de la commission électorale centrale.

La Cour suprême d'Ukraine mène actuellement des auditions sur l'appel formé par l'opposition, qui conteste la validité de ces résultats. Le président sortant, M. Leonid Koutchma, s'est dit favorable à l'organisation d'un nouveau scrutin présidentiel pour sortir son pays de l'impasse.

Le Président Jacques Chirac, en appelant de ses vœux un accord politique, a souhaité que tout soit fait pour éviter à ce pays « une crispation ou un drame dont il n'a pas vraiment besoin ».

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur la situation en Ukraine et nous préciser ce que la communauté internationale et, bien entendu, la France peuvent entreprendre pour préserver la paix et le consensus, et permettre l'émergence en Ukraine d'une société véritablement démocratique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Monsieur André, à l'évidence, comme vous l'avez rappelé, les élections présidentielles en Ukraine n'ont pas été démocratiques.

M. Pierre Lellouche. En effet !

M. le ministre des affaires étrangères. Elles n'ont pas été des élections sincères (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), au point même que le Parlement ukrainien et le président actuel, Léonid Koutchma, ont suggéré de nouvelles élections.

Le peuple ukrainien n'accepte pas cette situation. Il demande simplement avec dignité, émotion, ferveur, dans la rue, que sa volonté soit respectée. Il aspire à la démocratie. Telle est la situation.

L'Union européenne et donc la France, monsieur André, par la voix du secrétaire général de l'Union, Javier Solana, soutiennent et soutiendront tous les efforts pour trouver à cette crise une solution pacifique et politique, qui respecte la volonté populaire des Ukrainiens et qui préserve l'unité de ce pays, en même temps qu'elle devra faire attention à la stabilité régionale.

Voilà notre état d'esprit. En disant cela, nous ne choisissons pas un candidat contre un autre.

M. Pierre Lellouche. C'est dommage !

M. le ministre des affaires étrangères. Nous ne soutenons pas un camp contre l'autre. Nous soutenons et nous choisissons simplement la démocratie. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

SIDÉRURGIE

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Monsieur le ministre délégué à l'industrie, le 25 novembre dernier, la pénurie d'acier sur le marché mondial conduisait le constructeur automobile Nissan, filiale de Renault, à suspendre l'activité de production de trois de ses usines au Japon, durant cinq jours, représentant la production de 25 000 véhicules.

Or, il y a plus d'un an, j'avais interrogé votre prédécesseur sur l'annonce anticipée et manifestement prématurée de la fermeture d'installations sidérurgiques stratégiques pour notre pays par le groupe Arcelor.

Depuis, à Longwy notamment, le groupe Arcelor est passé à l'acte et envisage toujours de le faire dans la vallée de la Fensch, berceau historique de la sidérurgie française - dont nous fêtons d'ailleurs le tricentenaire -, entraînant la disparition de 4 000 emplois directs et induits.

À l'époque, aucune réponse ne me fut apportée. Aujourd'hui, avec le recul nécessaire, les faits nous donnent pourtant raison. Seuls les actionnaires de ces grands groupes sont satisfaits : le cours des actions ne cesse de grimper, l'instrument financier dicte sa loi. Mais qu'en est-il des salariés, de leurs enfants et de l'ensemble des populations de ces régions de tradition industrielle ?

Alors que le chômage bat depuis bientôt trois ans à nouveau tous les records, au moment où l'on dit vouloir combattre les délocalisations, nous avons l'exemple concret d'une entreprise performante pour laquelle existent des débouchés mais qui se désengage progressivement du territoire national.

Dans ce contexte, parce que nous voulons une vraie politique industrielle et non la primauté accordée à la seule logique financière, je demande à nouveau au Gouvernement et à vous-même, monsieur le ministre, de jouer pleinement votre rôle, en amenant Arcelor à maintenir ses activités et à investir aussi en France. Même les gouvernements belge et luxembourgeois l'ont fait, Arcelor étant un groupe européen.

Entre le laisser-faire total, pour prendre l'exemple de Pechiney Alcan, et le traitement au coup par coup de certains dossiers - Sanofi, Aventis, Alstom -,...

M. le président. Je vous prie de poser votre question.

M. Michel Liebgott. ...la France a besoin d'une politique industrielle volontariste et ambitieuse, créatrice d'emplois et de richesses. (« Il dépasse son temps de parole ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Que la sidérurgie serve d'exemple...

M. le président. Vous pouvez poser votre question !

M. Pierre Lellouche. Soyez aussi sévère pour les autres !

M. le président. Monsieur Lellouche, vous avez parlé quatre minutes ; M. Liebgott n'en est qu'à deux minutes.

M. Pierre Lellouche. Nous ne sommes pas à l'école !

M. le président. Arrêtez, monsieur Lellouche !

Posez votre question, monsieur Liebgott !

M. Michel Liebgott. La sidérurgie est un pôle de compétitivité reconnu.

Le pire serait de renoncer là où nous détenons le savoir-faire. Pour progresser, il faut d'abord consolider. Le libéralisme détruit nos fondements. Il est urgent d'agir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur Liebgott, votre question contient en elle-même sa propre contradiction. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous avez allégué une interruption de fournitures au Japon pour les entreprises Nissan.

Qui a assuré au Japon au groupe Nissan - groupe à participation française - les fournitures interrompues du fait de la crise mondiale de l'acier ? Arcelor ! Vous voyez donc l'intérêt que présente, pour la France comme pour l'Europe, le fait d'avoir un grand groupe mondial. C'est actuellement le deuxième, après avoir été le premier groupe.

C'est donc une opportunité de fournir au Japon, pays frappé comme le monde entier par la crise de l'acier, l'entreprise Nissan, à participation française.

Vous voyez que le groupe Arcelor est utile, avec sa taille, pour répondre au niveau planétaire à des défis concernant des intérêts français.

En 2001, on nous avait annoncé que l'entreprise de Longwy était arrivée à son maximum de capacité de production sur place. Il lui était nécessaire, pour son approvisionnement, d'aller à Belval au Luxembourg, site proche de Longwy.

Aujourd'hui, cette entreprise connaît une perte cumulée d'environ 110 millions de francs. En 2001, sous le gouvernement de vos amis, un plan social a été annoncé. Il prévoyait la construction d'un nouveau laminoir près des aciéries de Belval. On a assisté à un regroupement des activités, à la rationalisation et à la suppression des pertes, à la reconversion totale du personnel de Longwy, qui pour l'essentiel, a été progressivement transféré à Belval, à quelques kilomètres de Longwy.

Le fait d'avoir une entreprise européenne - luxembourgeoise, belge et française - représente un atout maître face aux défis mondiaux et aux difficultés sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

PERSPECTIVES DE CROISSANCE

M. le président. La parole est à M. Michel Terrot.

M. Michel Terrot. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Grâce à l'action du Gouvernement, la croissance est repartie, en France, un peu plus tôt (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et de manière un peu plus vigoureuse que dans le reste de l'Europe.

Cette croissance repose sur une demande interne soutenue, comme en témoignent les derniers chiffres de la consommation publiés hier ...

M. Henri Emmanuelli. Allô ? Allô ?

M. Michel Terrot. ...ainsi que le dynamisme persistant du logement.

Mais, dans le même temps, le chômage demeure trop élevé et les risques d'origine externe sont encore importants. Le tassement de la croissance observé au troisième trimestre montre que la reprise européenne est fragile. Les conséquences de la hausse du prix du pétrole et la faiblesse du dollar face à l'euro handicapent nos exportations.

Quelle appréciation portez-vous, monsieur le ministre, alors que vous prenez vos fonctions, sur la situation et les perspectives de croissance ? Que comptez-vous faire pour consolider cette dernière, si nécessaire pour l'emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Gaymard, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Terrot, une croissance durable repose sur la confiance.

M. Michel Delebarre. Ouais !...

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La confiance repose sur trois piliers : d'abord une politique économique au service de l'emploi ; ensuite une politique financière qui ne tire pas des traites sur les générations futures (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ; enfin une politique industrielle volontariste.

Sous l'impulsion de Jean-Pierre Raffarin, c'est la politique qu'ont menée depuis deux ans et demi Francis Mer et Nicolas Sarkozy.

M. Michel Delebarre. Il l'a cité ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Comme vous l'avez indiqué, monsieur le député, nous avons réalisé en 2004 une bonne performance pour la consommation intérieure : 2 % en France, contre 1 % dans l'ensemble de la zone euro. L'investissement industriel est également en hausse.

Nous devons faire face, c'est vrai, à deux grandes difficultés : la hausse du cours du pétrole, de l'énergie en général, et la parité euro-dollar, liée d'ailleurs en grande partie aux relations entre les États-Unis et les pays d'Asie du Sud-Est.

Que faire face à cette situation ?

Tout d'abord jouer sur les ressorts internes de la croissance. Comme l'a dit à plusieurs reprises le Président de la République, il faut aller chercher la croissance. Il faut donc faire sauter les blocages et lever les freins à la croissance que connaît notre économie, comme l'a récemment illustré M. Camdessus dans son rapport. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David. Ça promet !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Deuxième observation : il faut traiter ce sujet au niveau européen. Une réunion de l'Euro-groupe se tiendra la semaine prochaine, réunissant tous les ministres des finances des pays qui le composent, pour apporter collectivement un certain nombre de réponses afin de régénérer la croissance en 2005.

Nous nous sommes fixé pour l'année prochaine le cap de 2,5 % de croissance. Cela reste notre objectif. Nous souhaitons, dans les semaines et les mois à venir, sous l'autorité du Premier ministre, avec Jean-François Copé, Patrick Devedjian et François Loos, tout mettre en œuvre dans le dialogue, la concertation et l'action, pour faire gagner la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

TGV RHIN-RHÔNE

M. le président. La parole est à M. Marcel Bonnot.

M. Marcel Bonnot. Monsieur le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, lors du comité interministériel d'aménagement du territoire de décembre 2003, le Gouvernement avait érigé un certain nombre de lignes ferroviaires à grande vitesse au rang de projets prioritaires, cofinancés par l'État et les collectivités locales concernées.

Cette décision était particulièrement attendue et importante. Le TGV demeure non seulement un moyen de transport particulièrement moderne et efficace, mais aussi un indéniable outil de développement économique.

Décider, c'est bien ; maîtriser l'alimentation financière, dégager les moyens budgétaires propres à réaliser ces infrastructures, c'est encore mieux. Ce légitime souci ne vous a pas échappé puisque, lors de l'examen de votre budget, vous avez annoncé la création d'une agence de financement des infrastructures de transports. Celle-ci sera opérationnelle à compter du 1er janvier 2005. Cela traduit bien votre détermination.

Au titre des infrastructures financées par cette agence figure le TGV Rhin-Rhône branche Est : Mulhouse-Dijon. Les travaux sont programmés pour 2006. Il s'agit d'une ligne transeuropéenne devant relier le Nord au Sud de l'Europe à l'horizon 2012.

Les quarante parlementaires constitués en collectif pour soutenir ce projet s'interrogent. Les collectivités locales concernées par le financement du TGV Rhin-Rhône branche Est aimeraient connaître le niveau de participation de l'État. Pouvez-vous nous livrer quelques informations sur le fonctionnement de cette agence de financement ? Quel est le montant de l'enveloppe réservée par cette agence de financement à la branche Est du TGV Rhin-Rhône ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, le CIADT du 18 décembre 2003 fera date dans l'histoire des transports de notre pays : il a non seulement décidé la réalisation de trente-cinq grandes infrastructures respectant les impératifs du développement durable, mais aussi la création d'une agence de financement.

Cette agence sera alimentée par les redevances domaniales des sociétés autoroutières qui restent dans le giron de l'État et par les dividendes versés par les sociétés autoroutières. Son conseil d'administration sera composé de douze membres, dont quatre élus parmi lesquels il y aura deux parlementaires

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Le décret est à la signature et l'agence sera en place le 1er janvier 2005. C'est par le biais de cette agence que sera financée la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône. La réévaluation du projet est estimée à deux milliards d'euros. Ceux-ci seront rassemblés grâce à un tour de table qui fait actuellement l'objet de négociations. Nous en attendons la conclusion au cours des semaines prochaines. Quant aux travaux, ils débuteront en 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous procéderons dans quelques instants au vote solennel de la proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

2

DROITS DES MALADES ET FIN DE VIE

Explications de vote et vote sur l'ensemble d'une proposition de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur l'ensemble de la proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie (n° 1882).

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que le vote aurait lieu par scrutin public, en application de l'article 65-1 du règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour un rappel au règlement, fondé sur l'article 58, alinéa 1 ou alinéa 2, sans doute ?

M. Jacques Myard. Mon intervention se fonde sur l'article 58 dans son ensemble. Je me réfère au débat d'hier sur un traité et une convention fiscale se rapportant à Monaco, auquel je n'ai malheureusement pas assisté, pour remercier mon collègue François Loncle, qui m'a traité en séance d'« homme acariâtre ». C'est un compliment de la part d'un socialiste...

M. le président. Monsieur Myard, je vous arrête tout de suite. Vous connaissez le règlement comme moi : les députés ne peuvent invoquer un fait personnel qu'à la fin de la séance en cause. Vous pouvez donc maintenant vous asseoir.

Avant de donner la parole aux orateurs des groupes, j'indique que M. le ministre, M. le président et M. le rapporteur de la commission spéciale m'ont fait savoir qu'ils voulaient s'exprimer.

La parole est à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission spéciale, mesdames, messieurs les députés, avec Mme Vautrin, nous aimerions d'abord vous rendre hommage, rendre hommage aux quatre groupes politiques qui, dans le consensus et le dialogue, ont su rédiger un texte de loi pour que tous les Français puissent mourir dans la dignité.

Cette initiative parlementaire honore notre démocratie. Le consensus politique sur laquelle elle s'est appuyée honore l'intérêt général, auquel nous sommes tous très attachés. Pour voter cette proposition de loi, chacun de vous a accepté de comprendre l'autre dans sa différence : comprendre celui pour qui la vie est sacrée, comprendre celui pour qui la liberté individuelle est inaliénable, comprendre enfin celui pour qui l'interdit de tuer est une valeur essentielle de notre société.

Je remercie Jean-Louis Debré de nous avoir donné la chance d'adopter cette proposition de loi dans des délais très courts. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française, ainsi que sur les bancs du groupe socialiste.) J'aimerais également saluer le talent de Jean Leonetti, qui a su, dans la bienveillance et le respect de chacun, nous permettre de nous reconnaître dans le texte que vous allez voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je voudrais aussi remercier Mme Morano et M. Gorce, qui ont été à l'origine de ce texte.

Mesdames, messieurs les députés, je souhaite que cette initiative parlementaire ne reste pas un cas isolé mais qu'elle devienne un modèle à reproduire.

Après tant de débats, je crois pouvoir affirmer aujourd'hui que nous nous sommes retrouvés autour d'une même vérité : déterminer la règle sociale garantissant de mourir dans la dignité en refusant l'obstination déraisonnable qu'autorise pourtant le progrès de l'esprit humain. La proposition de loi, dans son article 2, autorise le médecin à augmenter les doses d'anti-douleurs, même si cela peut entraîner la mort. Elle donne le droit aux patients en fin de vie, dans son article 6, à refuser le traitement de trop, sans qu'aucun médecin ait le droit de s'y opposer. Elle permet, dans son article 9, à un collège de médecins, en consultant les proches, de laisser partir le malade inconscient artificiellement maintenu en vie.

Oui, je soutiens cette proposition de loi car ces trois avancées sont majeures. Elles modifient le droit aujourd'hui et changeront la réalité demain. La philosophie de cette loi, équilibrée et tolérante, ce n'est pas le dogme, ni la science, ni même la morale, c'est l'humanité. Elle n'instaure pas de procédures automatiques, mort ou survie, comme l'ont choisi certains de nos voisins européens. Elle organise le temps du dialogue entre le patient, ses médecins et ses proches. C'est dans cet échange humain et collectif que le malade atteint d'un cancer terminal peut choisir de passer de la chimiothérapie à la morphine. À l'inverse, le médecin peut refuser le choix du malade qui s'oppose à une transfusion sanguine aux urgences.

Le respect de la vie, c'est d'abord le respect du temps de la décision humaine. C'est cela le modèle français de l'accompagnement en fin de vie que nous avons tous su définir ensemble, loin des clichés. Et je souhaiterais ici en remercier tous les acteurs, membres de la représentation nationale, qui nous ont prouvé vendredi dernier qu'ils savaient évoluer, écouter, construire au service des Français. Je voudrais saluer les représentants des églises, qui ont su se souvenir qu'elles bannissaient toutes la souffrance sans pour autant désacraliser la vie. Je voudrais saluer Marie de Hennezel, qui a convaincu du bien-fondé d'un modèle de culture des soins palliatifs, auquel le ministère de la santé dédiera 43 millions d'euros pour les trois prochaines années.

Mme Nadine Morano. Bravo !

M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Désormais, avec cette loi, la fin de vie en France aura un autre visage. Elle sera un moment de choix et plus un moment de soumission. C'est pourquoi « le sage vit non autant qu'il peut vivre mais autant qu'il le doit », disait Sénèque, il y a deux mille ans déjà, dans ses Lettres à Lucilius. La vie ne vaut pas d'être achetée à n'importe quel prix. Et le philosophe latin d'ajouter : « parfois cependant, même si le sage est menacé d'une mort certaine et n'ignore pas le supplice qu'on lui réserve, il n'y prêtera pas lui-même la main. C'est sottise de mourir par crainte de la mort. N'est digne de mourir que celui qui assume l'épreuve de vivre ».

Mesdames, messieurs les députés, lors des débats parlementaires, certaines voix se sont élevées pour que ce texte ouvre la porte à une autre loi qui dépénaliserait l'euthanasie. J'aimerais leur répondre ici qu'ils prennent garde aux décisions faciles, aux amalgames, aux raccourcis.

Mme Nadine Morano. C'est vrai !

M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Ces raccourcis sont pour moi de deux ordres et tous à éviter.

La première erreur serait de dépénaliser l'interdit de tuer. C'est la cohésion de notre société tout entière qu'elle remettrait en cause. Ne nous laissons pas entraîner par l'immédiateté de certaines informations ou le particularisme de certaines situations. Oui, mes pensées vont aussi en cette heure à Mme Humbert, dont je salue le dévouement et le courage. Mais les Français n'attendent pas de nous que nous légalisions le droit de donner la mort.

M. Édouard Landrain. Très juste !

M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. La proposition de loi en est le reflet et elle répondra à leurs attentes dans l'immense majorité des cas.

La deuxième erreur serait d'encourager, en l'autorisant par la loi, toute personne en mal de vivre à réclamer le suicide assisté comme un dû. La société peut-elle, d'un trait de plume, décider que la vie des handicapés lourds ne vaut pas la peine d'être vécue ?

Mme Nadine Morano. Bonne question !

M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Peut-on leur proposer la mort alors que l'immense majorité d'entre eux ne souhaite qu'une chose : vivre, s'en sortir et se faire accepter dans le droit à la différence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Respecter la vie et accepter la mort : voilà sur quoi nous devons légiférer aujourd'hui. Une mort humaine et digne est possible, sans recourir à l'euthanasie. Il faut que les Français le sachent. Encore faut-il savoir pratiquer ces soins de fin de vie qu'on appelle les soins palliatifs.

Mme Claude Greff et Mme Christine Boutin. Absolument !

M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Un savoir-faire doublé d'un savoir être, car il ne s'agit pas seulement de traiter la douleur, il faut savoir écouter, dialoguer, s'asseoir au lit de celui qui va mourir,...

Mme Claude Greff. Très bien !

M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille....accepter de parler avec lui de ses peurs, tenter de le comprendre.

Cette proximité avec la souffrance et la mort de leurs patients réveille l'angoisse des médecins et des soignants, et l'on comprend bien qu'alors ils ont besoin d'être formés et soutenus dans cet accompagnement.

On entend souvent dire : les soins palliatifs, c'est très bien, mais il y en a trop peu. Et c'est vrai. Malgré tous les efforts qui ont été faits jusqu'ici pour développer les structures, malgré la loi du 9 juin 1999 de Bernard Kouchner qui garantit l'accès à ces soins, beaucoup reste encore à faire. Des régions ne sont pas dotées d'unités de soins palliatifs, la formation est inégale, les soins palliatifs restent fragiles. La loi que vous allez voter rendra obligatoire la poursuite du développement de ces soins. Je m'y engage ici pour que, progressivement, partout où l'on meurt, chacun puisse trouver l'aide dont il a besoin au seuil de la mort, le respect de ses droits, les mots, les gestes qui humanisent la fin de vie et donnent le sentiment de faire partie jusqu'au bout de la communauté des vivants. C'est cela, la véritable dignité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission spéciale.

M. Jean Leonetti, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, tout le monde se souvient qu'après un été caniculaire, il y a un peu plus d'un an, l'émotion était intense dans notre pays à la suite du drame du jeune Humbert. Nous nous souvenons aussi combien la classe politique a été interpellée alors par deux députés, Nadine Morano et Gaëtan Gorce, et comme M. le président de l'Assemblée nationale a créé très rapidement une mission d'information sur l'accompagnement de fin de vie, répondant à cette initiative.

Trente et un députés de tous les groupes politiques se sont mis à travailler ensemble. Ils ont travaillé longtemps, ils ont travaillé lentement. Dans un premier temps, ils ont réalisé 81 auditions, ils se sont déplacés en Hollande, en Belgique, ils ont visité des centres de soins palliatifs, des hôpitaux, des centres de long séjour. Neuf mois plus tard, ils ont cosigné un rapport collégial intitulé « Accepter la mort, respecter la vie ». Un an plus tard, ils cosignent une proposition de loi qui a été reprise par la commission spéciale présidée par Gaëtan Gorce. Aujourd'hui, c'est ce texte que nous avons remanié et amendé qui vous est proposé.

Je voudrais dire aujourd'hui ma fierté collective et ma satisfaction de voir combien chacune et chacun a pris sa part active, soit à l'initiative, soit dans la recherche de cette vérité, soit dans le cheminement que les uns ont fait vers les autres, les uns vers la vérité de l'autre, non plus considéré comme un adversaire mais comme un partenaire qui les enrichissait.

Au cours de nos travaux, nous avons pu réfléchir sur des mots, mais surtout sur des valeurs. Nous avons mieux compris ce que voulait dire la liberté. Nous avons mieux compris aussi ce que voulait dire la dignité. Nous avons mieux appréhendé combien la vie humaine est précieuse, combien c'est une valeur suprême, sinon une valeur sacrée. Nous avons aussi observé avec interrogation la façon dont notre société aujourd'hui regarde la mort pour la nier, pour l'escamoter et peut-être pour oublier de vivre.

Nous savons aussi qu'une médecine performante, technique, scientifique, scientiste quelquefois, a apporté dix ans de survie à nos concitoyens en l'espace d'une quarantaine d'années, a guéri des maladies qu'elle était incapable de guérir il y a seulement une vingtaine d'années, mais qu'en même temps elle a fini par apparaître quelquefois comme déshumanisée, au point qu'elle a fait peur aux malades et qu'ils la craignent.

Nous avons utilisé ensemble une méthode de travail qui a certainement été à l'origine de la réussite de la mission. Nous avons choisi de réfléchir en profondeur plutôt que de réagir à l'émotion et nous avons canalisé cette émotion légitime en une raison concrète. Nous avons choisi d'agir discrètement plutôt que de nous agiter médiatiquement. Nous avons choisi de travailler collectivement et par étapes plutôt que d'affirmer de manière abrupte des vérités toutes faites.

Nous avons recherché un équilibre entre deux valeurs fondamentales de notre civilisation et de notre culture : la liberté, la liberté de choisir, la liberté de choisir pour soi, l'autonomie de la personne, et en même temps la vie humaine, qui est proche de la notion de dignité universelle et qui s'inscrit dans notre Constitution.

Cet équilibre, nous l'avons recherché non par des compromis ou des compromissions. Nous n'avons pas échangé l'article 3 contre l'article 4. Nous n'avons pas cherché à trouver un agencement mal façonné. C'est un cheminement commun qui a fait qu'à terme nous avons trouvé une part de vérité et que nous l'avons trouvée ensemble.

Nous avons bien vu émerger de notre société deux exigences fortes. D'une part, une exigence de nos concitoyens qui, non seulement et c'est bien légitime, ont peur de mourir car, comme tous les hommes ils connaissent leur finitude, mais surtout une peur de mal mourir, une peur de mourir en souffrant, une peur de mourir sous le coup d'une médecine technique et déshumanisée, une peur de la déchéance, d'être un poids pour la société ou pour sa famille.

De l'autre côté, nous avons vu une médecine modeste, bien loin de la médecine arrogante qu'on veut parfois montrer, des médecins qui doutent et qui ne savent plus où est le devoir de leur technique et où est le devoir de l'humanité, qui ne savent pas quand ils doivent réanimer et quand ils ne doivent pas le faire, qui ne savent plus où est la loi tant leur pratique s'éloigne progressivement de ce qui est écrit dans notre code pénal.

Face à ce vide juridique, à cet espace de l'arbitraire, l'immense majorité des médecins travaille dans de bonnes pratiques. Mais nous savons aussi que l'euthanasie donnée clandestinement, sauvagement, le vendredi soir pour qu'un lit soit libre le lundi matin, avec des consignes données de manière codée, les euthanasies pratiquées par des infirmières existent encore dans notre pays, et je crois que nous sommes tous d'accord pour considérer que c'est une indignité.

Nous avons eu trois objectifs simples que chacun peut comprendre. Le mourant ne doit pas souffrir. Et si l'on doit utiliser des doses de médicaments qui sont suffisantes et nécessaires pour calmer cette douleur, mais que ce traitement peut abréger la vie, il vaut mieux un confort de fin de vie plutôt que quelques heures de vie supplémentaires dans la souffrance.

Nous avons voulu aussi que cette démarche se fasse dans l'humanité et dans la transparence. Oui, le malade est conscient puisqu'il souffre, mais nous avons choisi d'informer éventuellement son entourage de la situation et de dire qu'on était contraint de marquer clairement dans le dossier médical pourquoi on calmait cette souffrance et pourquoi on utilisait les doses prescrites.

Nous avons aussi choisi de dire que le malade ne pouvait pas être considéré comme un objet, un numéro, un terrain d'expérimentation ou bien une machine qu'on s'acharnerait à traiter. Nous avons choisi le terme utilisé par les médecins dans le code de déontologie, « l'obstination déraisonnable », qui montre bien que quelquefois l'acharnement thérapeutique est couronné de succès mais que jamais l'obstination déraisonnable n'aboutit à un résultat utile. Nous avons voulu ainsi écarter les traitements inutiles, ceux qui sont disproportionnés et ceux qui font en sorte que nous n'avons plus qu'un maintien artificiel de la vie.

Nous le savons tous : dans nos services de réanimation chaque année 100 000 Français sont débranchés parce que leur vie n'est plus acceptée ni acceptable. Ce n'est pas un corps sans vie, c'est une vie sans humain, sans humanité. L'humanité s'est retirée d'eux. Seul le biologique continue à vivre, et il est logique, décent, digne qu'après avoir informé la famille, après avoir pris connaissance des directives anticipées de ce malade lorsqu'il était conscient, en toute sérénité et de manière collégiale, la décision d'arrêter ce qui est inhumain soit prise.

Enfin, nous avons dit que le malade devait avoir la possibilité, le droit de dire non. Non au traitement curatif quand il le juge disproportionné, non à la dernière chimiothérapie qui va faire que sa fin de vie sera altérée, volée à son entourage, à sa famille, à un apaisement, une réconciliation. Et ce non n'implique pas un non à tout. Il implique au contraire un devoir, celui d'accompagner le malade qui a dit non au traitement curatif par un traitement palliatif et de faire en sorte que cette fin de vie soit dignement accompagnée.

Le malade peut aussi dire non alors que son espérance de vie est importante. Il a le droit de dire non à un traitement curatif, il a le droit de dire non à un traitement salvateur. Le médecin doit alors lui dire : si nous arrêtons cette thérapeutique, vous allez mourir. Et vous voyez combien le conflit est lourd à ce moment-là, entre la vie humaine à préserver et la liberté du malade à respecter.

Nous avons choisi une procédure qui fait qu'après un délai raisonnable, après une deuxième consultation médicale, cette décision du malade, cette liberté, cette volonté de récupérer son autonomie est respectée.

Nous avons tous vu ces femmes qui, il y a trente ans, obligées d'être opérées d'un cancer du sein dans des opérations extrêmement mutilantes, refusaient de se faire opérer. Elles se levaient, passaient la porte de notre cabinet et le quittaient pour mourir. Elles avaient tort, mais en même temps nous n'envoyions ni les gendarmes, ni la police et nous ne les opérions pas de force. Pourquoi cette liberté de l'autonomie et la liberté d'aller et venir seraient-elles refusées à celui qui est dans un lit d'hôpital ou qui est paralysé ? Pour nous, la liberté c'est une liberté de conscience, ce n'est pas une liberté physique.

Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir précisé que les soins palliatifs étaient votre objectif et que vous vous engagiez à ne jamais abandonner le malade, à ne jamais considérer que tout est perdu ; parce que les soins palliatifs, je le rappelle, sont des soins actifs qui font tout ce qui reste à faire quand il n'y a plus rien à faire.

Cette loi, je l'espère, montrera à tous nos concitoyens qu'au-delà des clivages traditionnels dans lesquels nous sommes souvent enfermés, nous avons pu sortir par le haut sur un problème majeur de notre société et en même temps nous rassembler sur l'essentiel.

Ce travail nous a aussi appris, mesdames, messieurs les députés, que nous pouvions faire la loi et qu'il fallait la faire dans un cheminement. Je suis certain que l'écoute d'auditions lentes, pénibles, difficiles, complexes, a permis d'aboutir à un avis consensuel, alors que si nous avions voulu aller vite, nous serions sans loi aujourd'hui.

Nous avons refusé les extrêmes. Un choix tranché entre un statu quo hypocrite et une euthanasie peu réfléchie et légalisée à la hollandaise aurait très certainement contribué à obscurcir un débat déjà complexe. Ceux qui ont suivi les travaux de la mission ne peuvent dire aujourd'hui que le choix ne pouvait être que binaire entre ces deux solutions-là. Nous avons choisi une voie française, une voie humaniste, une voie qui respecte les convictions de chacun, une voie qui ne heurte pas nos convictions, ni religieuses, ni philosophiques, une voie consensuelle. Nous l'avons trouvée parce que nous avons douté en permanence et que nous avons simplement approché, par instants, des morceaux de vérité. Nous sommes bien persuadés aujourd'hui que cette accumulation de doutes collectifs était bien plus valable que l'identification de certitudes individuelles et dogmatiques qui nous auraient fait perdre de vue l'objectif principal, qui est de respecter la vie humaine et la liberté.

Mais la loi ne gère pas tout parce que le droit ne gère pas tout. Il nous faut désormais reconquérir ensemble les espaces « déshabités » d'une technique et d'un monde quelquefois sans âme. Dans une société préoccupée d'utilité, de rapidité, d'efficacité et de rentabilité, cette reconquête passe essentiellement par le regard que nous portons sur ceux qui apparaissent les moins utiles ou les moins rentables, mais qui font partie de notre humanité, de notre collectivité, et auxquels nous sommes reliés par ce lien qui nous réunit tous ensemble : les mourants, les malades, les handicapés, les malades mentaux, les vieillards ont cette dignité et nous la leur devons. Si indignité il y a, elle ne peut être que dans le regard que l'on porte sur eux, et jamais dans ce qu'ils sont. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Gaëtan Gorce, président de la commission spéciale. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au bout de quelques mois de travail, le Parlement est en mesure de présenter et d'adopter aujourd'hui une proposition de loi sur la fin de vie.

Cette perspective semblait bien éloignée, il y a un peu plus d'un an, lorsque le geste d'une mère et celui d'un médecin ont bouleversé notre pays. Le drame qu'ils ont vécu a retenti comme un appel à la société tout entière. Quelle responsabilité pour le législateur, maître de l'ordre juridique, que de laisser une mère décider seule de donner la mort à celui à qui elle avait donné la vie ! Quelle responsabilité aussi d'abandonner un médecin confronté à un conflit entre le devoir et le droit ! Et, quoi qu'on puisse penser de la méthode qu'il a utilisée, le geste de ce médecin qui a pris sur lui la responsabilité de cet acte et de la situation doit être considéré comme un grand geste d'humanité et être souligné comme tel.

Ces événements ont été le point de départ de notre réflexion. Il nous fallait trouver, sinon la solution, du moins une solution qui permette de mettre fin à une situation que notre conscience jugeait inacceptable. Pourtant, aucune solution ne s'imposait par elle-même. L'Assemblée nationale a créé une mission d'information et je remercie pour leur détermination Nadine Morano et Jean Leonetti, qui a mené les travaux de la mission avec beaucoup de tact et de patience. Au bout de quelques mois, ils ont débouché sur une proposition de loi parce que nous avons, les uns et les autres, renoncé à l'opposition des principes. Nous n'avons pas voulu entrer dans la confrontation des philosophies, entre ceux qui pensent que la vie est sacrée et que l'on ne peut y toucher, et ceux qui pensent au contraire qu'elle ne vaut que par la liberté qu'elle permet d'exercer. Cette démarche nous a permis de trouver des solutions humaines, j'allais dire pratiques.

Que trouve-t-on dans ce texte ? D'abord le refus d'un statu quo hypocrite, impersonnel, indécent : le droit actuel dissimule des pratiques souvent tolérables, mais parfois inacceptables, injustes même dans le cas que j'ai évoqué. Nous avons décidé d'y mettre fin et c'est tant mieux. Nous avons privilégié la volonté du malade, quand il est proche de la mort ou qu'il est maintenu artificiellement en vie, en lui reconnaissant la volonté de refuser ou d'interrompre un traitement. Sa décision doit désormais être respectée en toutes circonstances. Cependant, il n'est pas question de créer un automatisme, ni de donner naissance à un droit déshumanisé dans lequel un texte de loi dicterait une réponse qui s'imposerait à la famille ou au médecin. Désormais, des repères existent et la volonté du malade trouvera un espace pour s'exprimer.

La solution que nous avons tenté de mettre en place et qui constitue une des solutions possibles laisse le débat ouvert. Même si la proposition de loi permet une avancée, rien n'est réglé et le débat ne pourra que continuer. Certains d'entre nous, qui vont pourtant la voter, considèrent qu'il s'agit d'un point d'équilibre, voire d'un aboutissement. Je respecte leur point de vue, mais d'autres, au contraire, l'envisagent comme un point de départ. La discussion ne fait que s'engager et elle devra se poursuivre. Pour qu'il en soit ainsi, nous aurons le souci d'introduire dans le texte au Sénat un dispositif d'évaluation.

Mme Nadine Morano. Exactement !

M. Gaëtan Gorce, président de la commission spéciale. Il ne suffit pas de l'avoir discuté, nous devons apprécier son application et sa portée.

Ce qui compte, c'est que personne n'ait cherché à contraindre. Nous avons plutôt tenté, les uns et les autres, de convaincre sans violenter les consciences. Chacun reste sans doute avec ses convictions propres, mais ce qui importe, l'essentiel, c'est que nous estimions tous avoir fait progresser le droit dans le sens d'une plus grande humanité.

Il faudra sans doute aller plus loin et je partage cette opinion, même si j'ignore comment y parvenir. Il faudra en tout cas que le débat se déroule dans les mêmes conditions de sérieux, d'équilibre et de maturité : jamais de polémique, jamais trop de passion sur un sujet qui met en jeu la vie et la mort de chacun d'entre nous.

Nous ne pourrons pas y échapper, non seulement pour des raisons philosophiques, mais aussi parce que nous sommes confrontés à des situations qui exigent l'intervention du droit. Ainsi, plus des deux tiers des décès ont lieu à l'hôpital, ce qui interpelle chacun d'entre nous : dans un tel contexte, quelle place, quelle liberté conservons-nous face à la mort, confrontés, ou non, à l'éternité au moment de décider ?

Je salue tous mes collègues qui se sont impliqués avec énergie dans ce travail, de la majorité - j'en ai cité certains mais ce n'est pas mon rôle - comme de l'opposition : Michel Vaxès a apporté une solide contribution, Danielle Bousquet, Catherine Génisson, Jean-Paul Dupré, et beaucoup d'autres. Vous me reprocherez peut-être cet élan partisan car je me limite à la partie gauche de l'hémicycle ; il faudrait en citer tant d'autres : Martine Aurillac, Pierre-Louis Fagniez, en particulier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais il ne s'agit pas de juger des mérites de chacun ou de distribuer des bons points : je n'en ai pas la compétence.

Un mot encore. Le cri qui a été lancé il y a quelques mois par une mère n'a peut-être pas été entièrement entendu, elle nous l'a fait comprendre, mais il a au moins trouvé un écho, et c'est ce qui compte. Le Parlement a su se saisir de cette question et faire en sorte qu'un sujet politique, au sens noble du terme, puisse être débattu dans des conditions de sérieux et de maturité, sans polémique, pour que nous puissions tous ensemble voter ce texte. Certes, des différends subsistent et il faudra continuer à discuter, à réfléchir, donc à progresser. J'espère que nous pourrons continuer à le faire ensemble. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, les députés socialistes voteront la proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie. Le vote solennel auquel nous allons participer dans quelques instants est l'aboutissement d'un long travail de notre assemblée. Il s'est déroulé au sein de la mission d'information sur l'accompagnement de la fin de vie, présidée par Jean Leonetti, puis de la commission spéciale sous la houlette de Gaëtan Gorce. Ce débat honore le Parlement.

Fallait-il légiférer ? Nous en mesurons tous la difficulté, mais il est de la responsabilité du législateur de faire en sorte que la relation singulière entre le médecin, le patient et sa famille se déroule dans un cadre clair et sécurisant. Nous savons tous que le débat sur la fin de vie est extrêmement complexe. Il met en cause deux principes fondamentaux mais contradictoires : le respect de la vie d'une part, et le respect de la dignité de l'homme et de sa liberté, d'autre part. Il est interdit de donner la mort, tel est l'impératif éthique, social et politique. Mais, au nom de sa liberté, tout homme doit avoir l'assurance qu'il pourra vivre sa mort conformément à ses choix, à ses convictions et à l'idée qu'il se fait de sa propre dignité. La loi de juin 1999 garantissant l'accès de tous aux soins palliatifs et la loi Kouchner du 4 mars 2002 ont constitué des avancées réelles ; la proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie est une nouvelle étape importante.

Elle renforce les droits du malade en instituant un droit au refus de « l'obstination déraisonnable » lorsqu'il n'existe aucun espoir réel d'obtenir une amélioration de son état. Elle autorise le malade conscient de refuser tout traitement, elle valide une procédure collégiale de traitement pour le malade inconscient.

Notre commission spéciale a enrichi la proposition de loi initiale en proposant plusieurs amendements. Je pense en particulier à l'extension de la pratique des soins palliatifs aux établissements médico-sociaux, amendement présenté par notre collègue Paulette Guinchard-Kunstler.

Mes chers collègues, le débat sur les questions relatives à la vie et à la mort est difficile car elles nous touchent au plus profond de nous-mêmes. Elles mettent en cause notre éducation, nos croyances, notre culture. A-t-on le droit de décider de sa propre mort ? Curieuse question en définitive car au nom de quoi devrait-on dénier cette ultime liberté à quiconque en âge et en état de l'exercer ? Certains estiment, au nom de leurs croyances religieuses, ne pas avoir le droit de disposer de leur vie. Je respecte cette conviction, mais c'est l'honneur du politique d'aborder de telles questions lucidement et dans la transparence. Aussi la proposition de loi que nous allons voter constitue-t-elle une étape dans notre réflexion. Elle est un point d'équilibre qui ne doit pas cacher nos légitimes différences.

Je ne terminerai pas sans avoir une pensée pour Vincent Humbert et sa maman. Au-delà de toutes les positions de principe, comment ne pas avoir été bouleversé par ce formidable geste d'amour accompli par une mère qui a accompagné et assisté son enfant jusqu'au bout de son choix : la mort plutôt qu'une vie qui, pour lui, n'avait plus de sens ? Comment ne pas saluer le courage de l'équipe médicale qui a clairement pris ses responsabilités et les assume publiquement ? (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Jardé.

M. Olivier Jardé. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la conscience qu'il a de sa propre disparition et de sa mort constitue la spécificité de l'homme. Il est angoissé face à son propre destin. C'est peut-être par sa mort que l'on donne un sens à sa vie.

L'homme aspire à échapper aux contraintes naturelles et à assumer sa propre réalité. Mais accepter de pousser son premier cri, c'est peut-être accepter de rendre son dernier soupir. L'homme moderne cherche à tout réguler, le début comme la fin de sa vie. Mais l'homme est un être de relations : il peut difficilement vivre seul et souhaite être aimé et aimer lui-même. Le drame de Vincent Humbert a été un extraordinaire accélérateur de notre propre réflexion sur la fin de vie. Les médias, peut-être avec émotion et passion, ont discuté de ce droit à la mort, qui peut constituer une liberté ultime.

Fallait-il légaliser l'euthanasie ? Fallait-il ouvrir une fenêtre d'exception euthanasique ? La question se posait. Les risques de déviance étaient connus : ils menaçaient les personnes vulnérables, dont les soins en fin de vie coûtent cher et qui, isolément, peuvent être tenues pour inutiles. La mission s'est donc demandé s'il fallait légiférer. La présence d'un cercle harmonieux et parfait, composé des patients, des familles et des médecins, nous a permis de nous poser la question.

Le constat a été dressé que le souhait des patients et des familles ainsi que les pratiques médicales ne sont plus en adéquation avec la législation. Est-il répréhensible d'augmenter les doses lorsque le patient souffre, même si l'on sait que ces doses peuvent finir par entraîner la mort ? Est-il répréhensible d'arrêter un traitement inutile et d'accepter ainsi de reconnaître que la mort est inéluctable ? Est-il répréhensible de débrancher un malade pour lequel il n'existe plus aucun espoir ? Tous nos actes sont-ils commis en pleine transparence ? L'offre de soins palliatifs est-elle suffisante dans notre pays ?

La question posée portait sur la modification de toutes ces données. On doit donner la possibilité non seulement d'augmenter les doses pour pouvoir bénéficier d'une fin de vie paisible, mais également de débrancher et d'interrompre les traitements inutiles. La collégialité de la décision, prise en pleine transparence entre la famille, le patient et le médecin, est indispensable. De même qu'il est indispensable d'augmenter le nombre de lits en unité de soins palliatifs.

La mission a eu la grande sagesse de ne pas créer de commission de sages et de ne pas fixer le « délai raisonnable ». La mort est unique, elle est personnelle et différente pour chacun. Elle ne doit pas être volée. C'est la raison pour laquelle le groupe UDF votera la proposition de loi, même si elle ne répond pas à certains cas exceptionnels.

Néanmoins le groupe UDF souhaiterait qu'à plus long terme la loi puisse être réexaminée et évaluée, car peut-être d'autres modifications législatives s'avéreront-elles nécessaires. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que le vote aurait lieu par scrutin public, en application de l'article 65-1 du règlement.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte soumis aujourd'hui au vote de la représentation nationale trouve son origine au confluent d'une double évolution.

La première touche au domaine des connaissances, et plus particulièrement aux progrès de la médecine et de ses exigences éthiques. Parce qu'il est désormais possible de maintenir un corps en vie longtemps après que ce qui a fait son humanité, c'est-à-dire sa relation aux autres ou sa capacité à donner, à recevoir et à partager, s'en est retiré, le réexamen des questions liées à la fin de vie était en effet devenu indispensable.

La deuxième est consubstantielle à l'exigence croissante et légitime de nos concitoyens à maîtriser leur destin, à affirmer leur liberté et à devenir partie prenante des décisions qui les concernent. Celles qui sont relatives à leur fin de vie ne pouvaient y échapper.

Faute d'y avoir répondu plus tôt, la représentation nationale y a été contrainte par une douloureuse et bouleversante actualité : celle d'une maman et d'un médecin se retrouvant face à une loi interdisant les gestes d'humanité trop longtemps attendus par le jeune tétraplégique Vincent Humbert. Par amour et par compassion, ils ont bravé l'interdit et permis, du même coup, que s'engagent un vrai débat, une riche et sereine réflexion et des échanges empreints d'une profonde humilité et d'une véritable écoute, aboutissant à l'évolution législative proposée aujourd'hui.

L'exercice était difficile. Mais ce long cheminement a permis aux uns de convenir que la création même exceptionnelle d'un droit à donner la mort était lourde de dangers, et aux autres d'accepter que, face à la souffrance, le droit ne pût rester silencieux. Nous sommes ainsi parvenus à un texte d'équilibre et à une unanimité qui n'est pas de pure forme.

La proposition de loi a permis de dépasser le conflit entre ceux qui pensaient pouvoir aller plus loin aujourd'hui et ceux qui considéraient qu'il convenait de ne rien changer à l'existant.

Les dispositions proposées renforcent le droit des malades. Elles reconnaissent la nécessité de combattre les douleurs et la souffrance même lorsque, pour y parvenir, le risque vital est engagé. Elles permettent de faire cesser l'opacité inhérente à une situation où le droit est en retard sur la vie. Elles appellent également à la mobilisation des moyens financiers nécessaires au développement des soins palliatifs et de la formation des personnels de santé.

La genèse du texte montre que des avancées peuvent se réaliser par la voie de la démocratie lorsque la représentation nationale se fait effectivement l'écho de l'exigence populaire et travaille à la traduire dans la loi en respectant l'intime conviction de chacun.

Nos concitoyennes et nos concitoyens auront contribué à 1'évolution du droit à mourir dans la dignité. Je ne doute pas qu'ils continuent à intervenir en faveur d'autres évolutions : celle du droit à vivre dans la dignité mérite aussi, non seulement chez nous, mais également partout dans le monde, la mobilisation de toutes les énergies. Plus encore, seul le puissant souffle d'humanité qui n'a pas manqué à notre mission peut permettre de lutter efficacement contre toutes les souffrances de la naissance à la mort.

Le résultat est là : il constitue une avancée significative du droit à la dignité à la fin de la vie.

Le groupe des députés communistes et républicains votera donc ce texte. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Dubernard.

M. Jean-Michel Dubernard. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les députés du groupe UMP voteront cette proposition de loi issue des rangs de notre assemblée. Je souhaite remercier tous ceux qui ont travaillé au sein de la mission d'information et de la commission spéciale, notamment Nadine Morano, et qui sont arrivés à un texte équilibré et humain, faisant la synthèse des très nombreuses auditions. Je salue également Jean Leonetti, le rapporteur de la commission spéciale et Gaëtan Gorce, son président. Je salue surtout le noble et beau consensus qui les a réunis.

Mes chers collègues, la demande d'une législation en la matière n'a cessé de croître dans les sociétés occidentales. Mais comment concilier des positions aussi différentes que respectables, allant de la dépénalisation, voire de la légalisation de l'euthanasie, à l'interdiction de l'acharnement thérapeutique, autrement dit de l'obstination déraisonnable ? Où commence l'obstination ? Où se situe la raison ? D'une façon plus générale, où mettre le curseur sur le texte dans son ensemble ? Qu'inscrire dans la loi ? La commission spéciale a su conjuguer avec intelligence et pondération des demandes parfois contradictoires provenant de différents groupes de patients et de différents groupes de professionnels de santé.

L'ensemble des propositions constitue un incontestable progrès pour les malades et pour les professionnels de santé.

Les droits des malades se trouvent renforcés par le refus de l'obstination déraisonnable et par la définition des procédures d'arrêt de traitement, qu'il s'agisse du refus de traitement prononcé par un malade conscient ou de la décision collégiale d'arrêt de traitement pour un malade inconscient. Des droits spécifiques sont reconnus aux malades en fin de vie : ainsi, la volonté de voir son traitement limité ou arrêté sera respectée, le rôle de la personne de confiance est plus important et les directives anticipées sont mieux prises en compte.

Les médecins et les professionnels de santé se verront exonérés de leur responsabilité pénale dans le cadre des dispositions prévues par la loi. C'est un grand soulagement pour ceux qui sont amenés à prendre ces décisions difficiles que des affaires récentes ont rendues encore plus douloureuses à vivre.

Le développement des soins palliatifs et leur reconnaissance, prévus par les articles 10 et 11 de la proposition de loi, prennent ainsi toute leur signification. L'accompagnement de l'étape ultime d'une vie - une tâche si difficile et si épuisante pour l'accompagnant - prend toute son importance. La considération apportée au mourant, qui doit sentir qu'il garde sa place dans la communauté humaine, a également une immense signification. C'est de dignité qu'il s'agit, mes chers collègues, et nombreux sont ceux qui, parmi nous, l'ont souligné au cours des débats. Il s'agit de la dignité de la personne, qui doit rester pleine et entière, et de la dignité de ceux qui l'accompagnent, c'est-à-dire de la dignité consubstantielle à l'humanité. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 551

                    Nombre de suffrages exprimés 548

                    Majorité absolue 275

        Pour l'adoption 548

        Contre 0

L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Éric Raoult.)

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

COHÉSION SOCIALE

Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, de programmation pour la cohésion sociale (nos 1911, 1930).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Jeudi soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'amendement n° 37 à l'article 7.

Article 7 (suite)

M. le président. Sur l'article 7, je suis saisi de plusieurs amendements.

La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 37.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Cet amendement vise à ce que soient mentionnés les organismes d'aide à la recherche d'emploi, afin de tenir compte de l'ANPE et des organismes du SPE.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 697.

La parole est à Mme Hélène Mignon, pour le soutenir.

Mme Hélène Mignon. Cet amendement traduit une inquiétude : selon nous, les actions de formation proposées par les opérateurs associés au service public de l'emploi doivent l'être uniquement dans le cadre des objectifs arrêtés par la convention territoriale de développement de l'emploi. L'ANPE ou l'AFPA doivent en être les seules prescriptrices.

Il serait par ailleurs exorbitant de reconnaître à un organisme privé le pouvoir de radier des demandeurs d'emploi. Nous proposons donc la rédaction suivante : « proposée par l'Agence nationale pour l'emploi ou par l'Association pour la formation professionnelle des adultes ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Elle a repoussé cet amendement, qui va à l'encontre de la logique d'activation des moyens de l'assurance chômage que nous voulons promouvoir, dans la continuité du PARE. Je relève par ailleurs une curieuse défiance vis-à-vis des partenaires sociaux, qui sont pourtant gestionnaires de l'assurance chômage et représentent non seulement le patronat, mais aussi les salariés. Or l'esprit même de cette loi veut que nous fassions preuve de confiance.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Cet amendement est intéressant, mais nous allons bientôt examiner l'amendement n° 942, présenté par la commission, qui précise la notion d'« organisme compétent ».

M. Jean Le Garrec. En effet !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Nous préférons ne pas restreindre le champ aux services de l'État. Il faut au contraire le laisser ouvert. Je suggère donc le retrait de cet amendement.

Mme Hélène Mignon. Je le retire.

M. le président. L'amendement n° 697 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 699 et 366.

La parole est à Mme Hélène Mignon, pour soutenir l'amendement n° 699.

Mme Hélène Mignon. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 699.

Mme Martine Billard. L'amendement de Mme la rapporteure, que nous examinerons immédiatement après celui-ci, répond, mais en partie seulement, aux questions posées par mon amendement.

Dans le texte transmis par le Sénat, il devient possible de radier un demandeur d'emploi parce qu'il a refusé une action proposée non plus seulement par l'ANPE, mais par les « services et organismes compétents ». Une telle rédaction est particulièrement floue, mais celle de l'amendement n° 942 reste ambiguë en ce qui concerne les organismes « mandatés ». Il pourra en effet s'agir d'organismes de formation ou, dès lors qu'il n'y a plus monopole de l'ANPE, d'autres organismes de placement, lesquels, je le rappelle, peuvent être ouverts dorénavant par toute personne physique ou morale de droit privé - c'est-à-dire, si vous me passez l'expression, par à peu près n'importe qui !

Nous devons également être vigilants au sujet des organismes de formation : il en est d'excellents, mais d'autres sont moins bons. Si ces organismes de formation demandent la radiation d'un demandeur d'emploi au motif qu'il n'aurait pas répondu à une convocation, il sera radié. Je propose la suppression de ce paragraphe parce que je considère que nous n'avons pas suffisamment de garanties pour accepter que des organismes de formation - donc des organismes privés -, même mandatés par l'ANPE, puissent décider ainsi du sort des demandeurs d'emploi. On sait très bien que certains d'entre eux se sont révélés fort discutables. Nous préférons la situation actuelle où la radiation est bien plus encadrée.

N'oublions pas que la radiation signifie la suppression non seulement de l'allocation de remplacement mais aussi de l'accès aux offres d'emploi. Une double peine en quelque sorte ! (Murmures.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. La commission a repoussé ces amendements identiques. Comment peut-on avoir autant de méfiance vis-à-vis d'un organisme comme l'ANPE ?

Mme Martine Billard. Ce n'est pas le problème !

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. On peut compter sur son sérieux quand elle mandatera tel ou tel organisme.

Dans le même esprit, nous avons, par exemple, refusé, bien que nous considérions comme extrêmement sérieux le travail qui y est réalisé, l'intégration des missions locales dans le premier cercle. Dès lors que les organismes du premier cercle ont à se prononcer éventuellement sur des sanctions, il faut en restreindre le nombre. Nous avons donc préféré reconnaître aux missions locales leur caractère de missions de service public, mais sans les intégrer, je le répète, au premier cercle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Le Gouvernement émet le même avis que sur le précédent amendement qui a été retiré : il préfère l'amendement n° 942 et souhaite donc également le retrait de ces deux amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je ne suis pas d'accord avec l'amendement n° 942 de la commission pour les mêmes raisons que Mme Billard.

C'est toujours la même démarche, qui part de la volonté de stigmatiser les chômeurs, ces gens qui ne voudraient pas travailler et qui refuseraient les emplois qu'on leur propose ! Là, il s'agit d'élargir le champ des organismes dont le non-respect des convocations sera susceptible d'entraîner des sanctions pour les demandeurs d'emploi. Dans ce domaine, l'ANPE fait bien son travail. Et contrairement à ce que l'on prétend, il ne s'agit pas seulement d'étendre cette capacité à l'AFPA et aux ASSEDIC mais aussi à des prestataires que l'ANPE aura mandatés. Or, en examinant plus en détail le texte qui précise ce que sont les maisons de l'emploi, on s'aperçoit que quasiment n'importe qui peut être prestataire ! Il peut s'agir d'organismes privés. Je pense que c'est très dangereux.

Souvenez-vous : après avoir commis l'énorme bêtise de remettre en cause les droits à l'ASS, vous avez dû faire marche arrière. Si vous voulez recommencer et avoir à revenir sur cette disposition, allez-y ! Je vous promets un beau dérapage non contrôlé !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je maintiens mon amendement qui ne manifeste aucune la méfiance à l'égard de l'ANPE mais prend en compte la réalité. L'agence nationale n'a pas toujours les moyens de vérifier a priori la qualité des prestataires, je le sais par expérience personnelle. Il lui arrive, au vu des résultats, de rompre le contrat. Dans ce cas, si mon amendement est accepté, il n'y aurait pas de conséquences pour les demandeurs d'emploi. Mais si vous le refusez, certains d'entre eux pourraient avoir été radiés avant la rupture du contrat.

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Les termes du débat ont été bien posés par Mme Billard et M. Gremetz. Il n'est, en effet, nullement question de méfiance.

Si nous adoptions l'amendement n° 700 qui institue une convention territoriale avec un cahier des charges, au moins on disposerait d'un verrou. L'accepter ne devrait vous poser aucun problème. Il s'agit de s'assurer de la capacité de prestataires qui n'appartiennent pas au service public de l'emploi, même s'ils peuvent être de qualité, à assumer cette fonction.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 699 et 366.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 942 et 700, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme la rapporteure pour soutenir l'amendement n° 942.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Je considère qu'il a été défendu, puisqu'il était l'objet de la discussion que nous venons d'avoir.

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec, pour défendre l'amendement n° 700.

M. Jean Le Garrec. Je viens de le présenter, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 700 ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 942 et défavorable à l'amendement n° 700.

M. Jean Le Garrec. Ah bon ?

Mme Patricia Adam. C'est dramatique !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 942.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 700 tombe.

Je suis saisi d'un amendement n° 286.

La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le soutenir.

M. Nicolas Perruchot. Il s'agit, par cet amendement, de lutter contre un certain nombre d'abus. Je propose de suspendre les prestations servies aux demandeurs d'emploi qui s'absentent de leur domicile pour une durée de plus de trente-cinq jours ou qui partent à l'étranger. Les deux amendements suivants, n°s 287 et 288, sont de repli.

M. le président. Je peux donc considérer que vous les avez défendus en même temps.

M. Nicolas Perruchot. Absolument !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. La commission les a repoussés. D'abord, les engagements internationaux de la France interdisent toute restriction à la liberté de sortir du territoire qui ne soit pas liée à une procédure ou une condamnation pénale. On ne peut même pas infliger de telles restrictions à des contribuables ayant de grosses « ardoises » ! Comment imaginer les imposer à des demandeurs d'emploi ? S'agissant de l'absence du domicile, l'ANPE dispose d'un moyen beaucoup plus simple et beaucoup moins attentatoire à la liberté pour débusquer ceux qui confondent chômage et année sabbatique : elle les convoque et les radie s'ils ne viennent pas.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Monsieur Perruchot, il ne paraît pas souhaitable de définir dans la loi des critères aussi précis pour qualifier la recherche active d'un emploi. Selon la situation et la nature de l'emploi disponible, l'appréciation à porter sur la recherche effective d'emploi variera. La fixation d'une obligation en quelque sorte « de pointage formel » ne constitue pas une réponse appropriée.

Nous verrons ensuite que les actes répétés de recherche active d'emploi doivent se doubler d'un accompagnement. C'est d'ailleurs un des rôles de la maison de l'emploi, telle que nous l'avons évoquée la semaine passée.

Enfin, il nous semble important non pas de définir une addition de critères formels, mais de prévoir un débat contradictoire en cas de demande de radiation ou de suspension partielle ou totale des droits. Il faut que l'un puisse faire valoir ses arguments et que l'autre justifie la nature de sa décision. Le débat contradictoire - procédure introduite, je le rappelle, par le Sénat - fournira l'occasion de demander au chômeur des explications. Il pourra d'ailleurs se faire accompagner de la personne de son choix.

Nous souhaitons que vous retiriez vos amendements, même si leur contenu peut éventuellement apparaître dans les appréciations émises au cours de la procédure contradictoire.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Au bénéfice de ces explications, et compte tenu du fait qu'il s'agissait d'amendements d'appel pour obtenir une position claire, je vais les retirer. Néanmoins, j'appelle l'attention sur certaines activités saisonnières, par exemple la cueillette des fraises dans ma circonscription. Il faudrait que les producteurs puissent recourir à l'ANPE, ce qui est de plus en plus difficile et compliqué. Ainsi, un producteur de ma circonscription, qui avait besoin d'une quarantaine d'ouvriers entre mai et juillet, n'en a trouvé, par le biais de l'agence, que quatre qui ne sont même pas allés au bout de leur contrat, parce qu'ils sont retournés dans leur pays d'origine. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il faut entendre aussi les problèmes des producteurs.

M. le président. Les amendements n°s 286, 287 et 288 sont retirés.

Je n'en donne pas moins la parole à M. Maxime Gremetz, qui souhaite s'exprimer.

M. Maxime Gremetz. Merci de cette faveur, monsieur le président.

Ces amendements m'ont fait sauter au plafond. Comment avez-vous pu les déposer, monsieur Perruchot ?

Premièrement, vous dites que les gens inscrits à l'ANPE pour une recherche d'emploi peuvent se payer un voyage à l'étranger, voire emmener leur accompagnateur, et passent les beaux jours au bord de la mer, ce qui explique qu'ils ne soient pas là quand l'ANPE fait appel à eux. De qui parlez-vous ? À mon avis, de gens qui devraient être poursuivis pour trafic d'argent sale, mais certainement pas de la majorité des demandeurs d'emploi !

Deuxièmement, vous osez dire que les saisonniers qui travaillent en France n'ont pas le droit de prendre leurs vacances avec leur famille dans leur pays d'origine. Franchement, il faut le faire !

M. Nicolas Perruchot. Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Maxime Gremetz. Je croyais que de tels propos ne pouvaient venir que de l'extrême droite de cet hémicycle car, à l'époque, c'est de ses rangs que provenaient de tels discours.

Il est inadmissible de tenir de tels propos ! Comme moi, vous êtes député et vous savez fort bien que la plupart des gens viennent vous voir dans votre permanence pour deux choses : trouver un emploi ou obtenir un logement. Et si je le pouvais, je les leur donnerais, car il est trop facile de dire qu'on n'en trouve pas.

Quant aux employeurs qui ne trouvent pas de main-d'œuvre, peut-être faudrait-il s'interroger sur les salaires et les conditions d'hébergement qu'ils offrent...

Vraiment, je ne pensais pas que de tels propos pourraient nous venir de votre côté, monsieur Perruchot !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Monsieur Gremetz, vous avez mal interprété mes amendements et mes propos. Comme moi, vous recevez dans votre permanence des gens qui cherchent du boulot. Mais je reçois aussi des producteurs qui cherchent de la main-d'oeuvre et qui ont aujourd'hui beaucoup de mal à en trouver. Ce que j'ai décrit est un cas d'école que j'ai eu à connaître dans ma permanence. Il y a effectivement des comportements abusifs, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Oui, mais ceux-là, on ne les trouve jamais !

M. Nicolas Perruchot. Ne dites pas que tous les gens qui passent par l'ANPE sont vertueux, car ce n'est pas la réalité !

M. le président. Monsieur Perruchot, je vous rappelle que vous avez retiré vos amendements et que le règlement n'autorise pas les interpellations entre collègues.

M. Nicolas Perruchot. Monsieur le président, je me dois de répondre à M. Gremetz.

Je ne pense pas défendre subitement une position extrême en présentant ces amendements. Je n'ai fait que décrire une situation. M. Gremetz défend les sans-emploi, mais il faut aussi écouter celles et ceux qui cherchent à les employer sans résultat.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 701.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.

M. Gaëtan Gorce. Cet amendement reprend une idée que nous avons déjà évoquée : le contrôle ne peut être confié qu'à des organismes associés au service public de l'emploi ayant passé convention avec celui-ci et respectant un cahier des charges. Nous avons déjà eu ce débat la semaine dernière ; nous souhaitons que ces organismes soient encadrés, afin que le service public soit assuré qu'ils remplissent les missions qui leur sont assignées avec la compétence, le savoir-faire et le sérieux nécessaires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Le projet indique que les aides à la recherche d'emploi sont proposées par les organismes du premier cercle du service public de l'emploi : ANPE ASSEDIC, AFPA. L'amendement y substitue des organismes conventionnés qui pourraient être des organismes privés. Nous ne pouvons y être favorables, car la prescription des mesures d'aide à la recherche d'emploi doit relever des seuls organismes du premier cercle, les opérateurs privés devant se contenter d'un rôle de prestataire. C'est la raison pour laquelle cet amendement a été repoussé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Dans le débat que nous avons eu jeudi dernier, il s'agissait de la référence au premier cercle et il n'était pas question d'en sortir pour ce qui est de la prescription. Votre amendement, monsieur Gorce, ne correspond pas aux échanges que nous avons eus sur cette question avec votre groupe, mais vous êtes seul juge.

À la lumière de nos débats de la semaine dernière, vous pourriez retirer cet amendement. Si vous le maintenez, le Gouvernement y sera défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet échange est important, parce qu'il y a une difficulté d'interprétation qui doit être réglée.

L'alinéa que nous souhaitons modifier dispose : « La condition de recherche d'emploi prévue à l'article L. 351-1 est satisfaite dès lors que les intéressés sont inscrits comme demandeurs d'emploi et accomplissent, à leur initiative ou sur proposition de l'un des organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 311-1, des actes positifs et répétés en vue de retrouver un emploi, de créer ou de reprendre une entreprise. »

Le premier alinéa de l'article L. 311-1 désigne effectivement les organismes qui assurent le service public de l'emploi : ANPE, AFPA et ASSEDIC. Mais le deuxième alinéa ajoute que « peuvent participer au service public de l'emploi les organismes publics ou privés dont l'objet consiste en la fourniture de services relatifs au placement, à l'insertion, à la formation et à l'accompagnement des demandeurs d'emploi ». Quelques juristes - dont j'ai la modestie de faire partie - estiment que le rattachement du deuxième alinéa au premier, dans le cadre de la participation au service public de l'emploi, peut prêter à confusion.

Je vous propose donc, monsieur le ministre, d'écrire que seuls sont visés les « organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 311-1, à l'exclusion de ceux qui ne font que participer au service public de l'emploi ». Cette précision est susceptible de lever toute ambiguïté lors de l'application du texte.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Cette précision me paraît inutile.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Le premier alinéa de l'article L. 311-1 dispose que le service public de l'emploi « est assuré par les services de l'État chargés de l'emploi, l'Agence nationale pour l'emploi et l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes », ainsi que par « les organismes de l'assurance chômage mentionnés à l'article L. 351-21 ».

Nous ne sortons donc pas du premier cercle et je tenais à le préciser afin d'éclairer nos débats. Je partage l'analyse de Mme la rapporteure et c'est pourquoi, monsieur Gorce, je vous ai demandé de retirer cet amendement.

M. Gaëtan Gorce. Je le retire.

M. le président. L'amendement n° 701 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 702.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.

M. Gaëtan Gorce. L'amendement n° 702 est un amendement de principe. Si l'on veut s'inscrire dans une démarche de réciprocité contractuelle comme celle qui était à l'origine du PARE, il faut que, si l'on exige plus, on accorde plus. Il n'est pas scandaleux de vouloir contrôler les demandeurs d'emploi mais, en contrepartie, ceux-ci doivent se voir garantir par le service public un accompagnement réellement dynamique et efficace, et la réalité de la recherche d'emploi doit être appréciée aussi au regard de la prestation fournie par les organismes.

Nous ne devons pas considérer seulement l'aspect technique de cette question, mais mettre l'accent sur une politique de la recherche d'emploi et de l'accompagnement qui doit être offensive, comme dans les pays scandinaves, et non déséquilibrée : le contrôle ne doit pas être effectué parce que les choses ne marchent pas comme on le voudrait et qu'on en attribue la faute aux demandeurs d'emploi sans chercher à savoir si le service public a fait tout ce qu'il fallait.

Il nous semblerait donc logique d'apprécier les conditions de la recherche d'emploi de ce double point de vue : l'attitude du demandeur d'emploi et celle du service public de l'emploi et des services qu'il aura mobilisés autour de lui.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Cet amendement a été repoussé par la commission.

Quel dispositif avons-nous prévu à l'article 8 ?

Premièrement, si une sanction doit être prise, elle ne peut l'être qu'au terme d'une procédure contradictoire. Il est en effet normal que l'intéressé puisse se faire entendre.

Deuxièmement, les décisions définitives de radiation ou de suspension seront prises de manière collégiale, comme nous le rappellerons à l'article 8.

Par conséquent, la commission estime que cet amendement est sans réelle portée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Nous comprenons que le nombre et la nature des actions de formation, d'insertion et de placement proposées par le SPE doivent être pris en compte, et a fortiori l'éventualité que rien n'ait été proposé, dans le cadre de la procédure contradictoire, puis de la procédure collégiale au terme de laquelle il appartiendra à l'État de trancher en dernier ressort.

M. Perruchot se souciait des réponses données aux offres d'emploi. Nous sommes ici dans le cas de figure inverse mais, précisément, nous devons maintenir un équilibre entre les parties et c'est le décret qui en fixera les conditions, après concertation avec les partenaires sociaux.

J'ai bien noté cette préoccupation exprimée par votre groupe, monsieur Gorce, mais je me permets de vous renvoyer au décret, car nous ne pouvons pas tout lister. Voilà pourquoi je souhaite le retrait de votre amendement, dans le même esprit que pour ceux de M. Perruchot. Si aucune formation n'a été proposée ou si les intéressés n'ont pas pu la suivre, la radiation ne sera pas envisagée dans le cadre de la procédure contradictoire.

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Je souhaite apporter un éclairage sur cet amendement. Il y a quatre ans, l'Allemagne avait voulu définir tout aussi précisément, dans la loi, la procédure permettant d'apprécier la réalité de la recherche d'emploi et le résultat ne s'était pas fait attendre : progressivement, c'est la justice qui s'est substituée au contrôle administratif. Nous risquerions de laisser au juge le soin de porter une appréciation qui remplacerait le dialogue avec l'ANPE.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. La réponse de Mme la rapporteure et celle du Gouvernement ne peuvent nous satisfaire, car elles se situent dans le cadre du texte, non dans le débat politique que nous pourrions avoir sur le sujet si nous avions le temps de l'engager, ce qui n'est pas le cas.

Le Gouvernement souhaite mobiliser en faveur de l'emploi, c'est-à-dire donner une plus grande fluidité au marché du travail - je ne parle pas du droit du travail. Ce sont plusieurs milliers d'emplois qui sont abandonnés ou repris chaque jour. On sait en revanche qu'il faut à un chômeur de quinze à dix-sept mois pour retrouver un travail et que c'est encore plus long pour les femmes. Ce déséquilibre entre un marché dans lequel les emplois s'échangent très vite et des exclus de longue durée pose un problème. Or vous prétendez le résoudre par le seul renforcement des contrôles, ce qui est tout à fait inadapté.

Pour notre part, nous souhaitons une politique différente visant à raccourcir la durée du chômage en renforçant les moyens dont disposent le service public de l'emploi et les organismes associés...

M. Hervé Novelli. Cela ne marche pas !

M. Gaëtan Gorce. ...comme l'ont fait les pays sur lesquels vous prétendez prendre exemple, mais sans y affecter les moyens correspondants. Par exemple, le New Deal pour les jeunes s'appuie sur un renforcement massif des moyens d'accompagnement. Bien entendu, il ne faut pas se limiter aux jeunes, mais élargir ce type de dispositif à toutes les catégories de demandeurs d'emploi, notamment ceux qui sont les plus éloignés du marché du travail.

C'est donc aussi au regard de la mobilisation du service de l'emploi qu'il faut apprécier la démarche. Notre logique est très différente de la vôtre qui combine rustines et sanctions. C'est la politique de la carotte et du bâton, qui ne peut améliorer l'adéquation entre offre et demande de travail. Nous souhaitons un marché du travail plus dynamique, des moyens supplémentaires considérables et un suivi personnalisé qui seraient les bases d'une politique de l'emploi.

Je vois que cela ne convient pas à M. Novelli, mais je suis ravi que nous soyons en désaccord. C'est un grand plaisir, car cela permet de remettre les choses à leur place après le débat que nous avons eu.

M. le président. Monsieur Gorce, ne prenez pas vos collègues à partie !

La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. À entendre M. le ministre, on a le sentiment que le pouvoir réglementaire interviendra essentiellement pour « réguler » les droits des demandeurs d'emploi. Ainsi, les garanties susceptibles de leur être apportées relèveront d'un décret dont, en tant que parlementaires, nous ignorons par définition le contenu. En revanche, les contraintes nouvelles, les obligations dont le non-respect peut conduire à une radiation sont fixées par la loi. Il y a là, me semble-t-il, une inégalité de traitement. On devine d'ailleurs l'intention sous-jacente, la tactique qui, sans caricature, se dessine derrière ces dispositions : plus il y aura de radiations, meilleures seront les statistiques du chômage.

J'ajoute que les chômeurs qui se présentent à l'ANPE sont tout sauf des « chômeurs de luxe ». Contrairement aux demandeurs d'emploi qui, grâce à leurs relations ou à leur formation, où parce qu'ils savent frapper aux portes, peuvent parvenir à trouver seuls un emploi, ceux qui ont recours à l'ANPE sont souvent au bout du rouleau et ne savent pas comment s'en sortir. Ce sont les plus défavorisés, et nous devons donc concentrer sur eux l'effort public et leur offrir les meilleurs outils possibles.

M. Perruchot disait tout à l'heure que de nombreux employeurs cherchent de la main-d'œuvre. Encore faut-il que les chômeurs soient formés et trouvent la voie de l'intégration. Pour cela, un service public de l'emploi particulièrement performant est nécessaire. Or je n'ai pas le sentiment que nous nous dirigions dans ce sens. En définitive, quand on aura vidé le service public de l'emploi de toute sa substance, quand on l'aura entièrement démonté pour lui substituer des procédures systématiques d'éviction et de radiation, ces maisons de l'emploi dont nous parlons tant, loin de constituer un outil destiné à améliorer la recherche de travail, ne serviront qu'à apporter un soutien psychologique et à réconforter les chômeurs oubliés au bord du chemin, qui n'auraient pourtant besoin que d'un peu de temps, de formation et d'encadrement supplémentaires pour retrouver la voie de l'insertion et de l'emploi définitif.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. M. le ministre nous parle d'une procédure contradictoire. Notre jeune collègue, M. Wauquiez, estime que la décision sera renvoyée au juge. Il oublie simplement une chose : pendant la durée de la procédure, les gens n'ont rien.

Mme Martine Billard. Eh oui !

M. Maxime Gremetz. Ils doivent attendre pendant des mois que la justice se prononce sur leurs droits. Avez-vous pensé à cela, jeune collègue ?

J'aimerais donc savoir, monsieur le ministre, si le décret fixera les modalités d'appréciation de la condition de recherche d'emploi ou s'il faudra s'en remettre au juge. C'est une question précise, qui appelle une réponse précise.

M. le président. Je mets aux voix...

M. Maxime Gremetz. Et ma réponse ? Nous devons être éclairés pour pouvoir voter.

M. le président. Monsieur Gremetz, le ministre pourra vous répondre par la suite s'il le souhaite.

Je mets aux voix l'amendement n° 702.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 320, de M. Fourgous.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je demande une suspension de séance ! Nous ne pouvons pas poursuivre le débat si nous n'obtenons les réponses à nos questions qu'après le vote de l'amendement concerné. C'est une méthode pour le moins étrange !

M. le président. Monsieur Gremetz, ce n'est pas vous qui présidez la séance. Le ministre va s'exprimer dans un instant sur l'amendement de M. Fourgous, et il en profitera, j'en suis convaincu, pour vous répondre.

M. Maxime Gremetz. L'Assemblée doit être éclairée avant de voter. C'est comme si on appelait seulement à voter « oui » au sujet de la Constitution européenne : si on n'explique pas aussi aux gens les raisons de voter « non », comment voulez-vous qu'ils soient éclairés ?

M. le président. Je dois justement passer la soirée de lundi à débattre, dans mon département, avec M. Wurtz : il appelle à voter non, et moi à voter oui.

M. Maxime Gremetz. Moi-même, j'ai débattu hier soir avec M. Xavier Bertrand : il est pour le oui, moi pour le non. Voilà un exemple de débat contradictoire.

Mais ici, quand je pose une question, le ministre ne répond pas ! Je maintiens donc ma demande de suspension de séance.

M. le président. Écoutez, monsieur Gremetz, si M. Fourgous le veut bien, et pour éviter que ce débat qui avançait jusqu'à présent à un bon rythme ne parte à la dérive, je vais demander à M. le ministre de vous répondre dès maintenant.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Je le fais d'autant plus volontiers, monsieur le président, que je pourrai ainsi répondre à la fois à M. Wauquiez et à M. Gremetz.

La procédure de sanction doit être contradictoire et respectueuse des droits de la défense. Le représentant de l'État examinera ensuite si les conditions pouvant conduire à une décision définitive de suspension ou de suppression des droits sont réunies. C'est à ce moment-là que la décision prendra corps. Nous sommes favorables, je le précise, à la collégialité de la décision, à laquelle seront associées dans la plupart des cas l'ANPE et les ASSEDIC. Enfin, l'appel reste toujours possible devant le juge administratif. Les règles du droit sont donc respectées à tout point de vue, dans la logique d'un dispositif dont on a déjà dit qu'il devait être efficace, juste, équitable. Ce levier dans la dynamique de recherche d'emploi, qui garantit son caractère effectif, correspond aussi à une exigence d'accompagnement du demandeur d'emploi : il y aura de part et d'autre des droits et des devoirs.

M. Jean-Paul Anciaux. Tout à fait.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Telle est notre conception de l'égalité républicaine, que nous avons voulu manifester dans ce texte. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Pardonnez-moi, monsieur le président, d'avoir été un peu long, mais le fait d'avoir indiqué la position du Gouvernement - qui est aussi celle de la majorité des membres de la commission - me permettra sans doute d'éviter de me répéter.

M. Maxime Gremetz. Mon vote aurait été différent si j'avais obtenu cette réponse plus tôt.

M. le président. Je suis désolé de cette erreur de la présidence.

La parole est à M. Jean-Michel Fourgous, pour défendre l'amendement n° 320.

M. Jean-Michel Fourgous. Il s'agit d'inciter les demandeurs d'emploi à reprendre une activité le plus rapidement possible, afin de limiter le chômage de longue durée. Sur ce point, nous sommes l'un des pays plus laxistes de l'Union européenne, bien qu'étant l'un de ceux qui connaissent le taux de chômage le plus élevé.

Par ailleurs, je rappelle que le budget de l'UNEDIC n'est pas financé par Lourdes.

Mme Martine Billard. Ah bon ?

M. Jean-Michel Fourgous. Il s'élève à 25 milliards d'euros, alors qu'avec un milliard d'euros, on crée 30 000 emplois marchands. (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) On ne fait que détruire l'emploi et empêcher la création d'emplois. Il faut enrayer cette logique d'échec.

Psychologiquement, l'homme a besoin d'être utile. Or le travail rend utile. Sans lui, on est déstabilisé. Après six mois de chômage, le risque de divorce augmente de près de 40 %. On mesure donc combien le chômage de longue durée peut être dévastateur pour les familles.

L'amendement vise à revenir à une situation qui existait avant et qui existe dans d'autres pays : il consiste à stimuler plus fortement le chômeur en lui demandant, après six mois de chômage, de fournir un effort et d'accepter tout emploi, dès lors qu'il est compatible avec sa formation et ses possibilités de mobilité géographique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. La commission a repoussé cet amendement, qui aurait pour effet d'obliger tout demandeur d'emploi, au bout de six mois, à accepter un emploi qui ne serait pas rétribué au niveau de salaire normalement pratiqué dans la profession. Je comprends bien votre intention, monsieur Fourgous : le retour à l'emploi doit être privilégié en permanence, et ce n'est pas toujours le cas dans notre société. Toutefois, les membres de la commission ont jugé préférable de continuer à appliquer les règles actuelles et de prévoir une procédure de sanction des abus respectueuse des droits des personnes, bien sûr, mais aussi plus efficace qu'elle ne l'était jusqu'à présent. Nous avons amendé dans ce sens l'article 8.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Tout d'abord, monsieur Fourgous, je voudrais saluer votre action dynamique en faveur du retour à l'emploi. Je connais, en voisin, les opérations que vous conduisez depuis dix ans, et l'idée d'une cité des métiers, je l'ai découverte chez vous, il y a un an.

Ma réponse sera de la même nature que celle que je faisais à M. Perruchot ou à M. Gorce. Les problèmes que vous soulevez concernent les critères et les éléments d'une procédure d'évaluation contradictoire, pour lesquels je vous renvoie au décret. Voilà pourquoi je souhaiterais que vous retiriez votre amendement. Ce point sera traité lors de l'examen de l'article 8, comme l'a rappelé Mme la rapporteure. Laissons au décret préparé avec les partenaires sociaux, et qui devra être équilibré, le soin de fixer un certain nombre de conditions qui ne pourront pas être les mêmes partout. En effet, l'appréciation de la mobilité géographique peut différer suivant que l'on se trouve dans une région très urbanisée ou rurale, suivant qu'il existe ou non un réseau de transport collectif. C'est toute la démarche du plan de cohésion sociale qui vise à confier aux départements volontaires le soin d'adapter un certain nombre de dispositifs. Nous devons, bien sûr, respecter des principes de droit, mais en acceptant les réalités.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.

M. Jean-Michel Fourgous. Je rappelle, monsieur le ministre, que prélever les 25 milliards de l'UNEDIC empêche des centaines de milliers d'emplois marchands de se créer. Soyons sur ce point subtils et intelligents. Il faut comprendre comment marche l'économie marchande. Ce ne sont pas seulement des débats idéologiques. C'est une réalité. Des gens souffrent. Arrêtons la démagogie ! Arrêtons de parler un langage qui relève de la lutte des classes ! De grâce, faisons l'honneur aux Français de parler sérieusement des problèmes du chômage et évitons l'affrontement idéologique entre la droite et la gauche !

Cela étant, monsieur le ministre, je retire mon amendement, car j'ai entendu votre message et je vous fais confiance.

M. le président. L'amendement n° 320 est retiré.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Pour bien faire comprendre votre état d'esprit, monsieur Fourgous, je vais lire un passage de votre exposé sommaire : « La croissance est un état d'esprit entre le capital et le travail. Or il existe, en France, une véritable "sécurité de l'inemploi" qui contribue aux faibles performances françaises. » N'est-ce pas scandaleux d'écrire cela ?

Mme Muguette Jacquaint. C'est du Sarkozy ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. C'est pire !

Pensez-vous vraiment cela ? Sur quelle planète vivez-vous ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Soit vous ne vivez que dans les salons, soit vous ne vivez que dans les quartiers chics, soit vous n'allez jamais à l'ANPE, soit vous ne recevez jamais de chômeurs ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. le président. Monsieur Gremetz, je vous rappelle que l'amendement a été retiré !

M. Maxime Gremetz. Vous parlez des « faibles performances françaises » ! Savez-vous, monsieur Fourgous, que c'est en France que le taux de productivité est le plus élevé et qu'il l'emporte même sur celui des États-Unis ?

M. Jean-Michel Fourgous. À quel prix !

M. Maxime Gremetz. C'est pire que du populisme ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Contre qui la lutte s'engage-t-elle ? On tente de stigmatiser les immigrés, les jeunes qui ne veulent rien faire et les chômeurs qui sont des voleurs ! Vous ne gagnerez pas grand-chose à tenir de tels propos ! Vous dites qu'il faut laisser de côté le clivage droite-gauche ; or le problème ne se pose pas en ces termes. C'est plutôt un problème de droite extrême !

Les gens responsables, eux, constatent que les difficultés sont grandes dans ce payset que les demandeurs d'emploi sont souvent prêts à accepter n'importe quoi, quel que soit leur niveau d'étude, pour s'en sortir !

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 367.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Au cours de l'examen des premiers articles de ce projet de loi, le Gouvernement et sa majorité n'avaient que le mot de souplesse à la bouche. Avec l'article 7, il n'y a plus du tout de place pour la souplesse. Nos collègues de droite font même preuve d'une imagination fantastique dans la rigidité ! Je reviendrai d'un mot à l'amendement de M. Perruchot.

M. le président. Défendez plutôt le vôtre !

Mme Martine Billard. Les trente-cinq jours annuels auxquels il fait référence correspondent à un jour ouvrable par mois. Un demandeur d'emploi n'aurait donc pas le droit d'être absent de son domicile habituel un jour par mois en dehors des week-ends ! Il faut tout de même faire attention.

M. Alain Néri. J'en connais ici qui sont absents plus souvent !

Mme Martine Billard. L'amendement de M. Fourgous précise, quant à lui, que le droit au revenu de remplacement s'éteint ou est réduit lorsqu'un emploi est refusé par le bénéficiaire de ce revenu « quelle que soit la durée du contrat de travail offert ». Or les entreprises de travail temporaire peuvent proposer des contrats de travail de deux ou trois jours. Le demandeur d'emploi pourra se voir contraint de les accepter, alors que ces contrats ne lui ouvrent aucun droit !

Selon vous, monsieur Fourgous, l'homme a besoin de travailler pour être utile. C'est vexant pour tous les bénévoles indispensables à notre société ! Nous débattons d'un projet de loi de cohésion sociale, mais on nous explique parallèlement que le travail n'existe que dans le secteur marchand.

Je rappelle par ailleurs que la moitié des chômeurs ne sont pas indemnisés et que, parmi ceux qui le sont, l'immense majorité touche moins que le SMIC et pour une durée n'excédant pas dix-huit mois ! Il est, par conséquent, inadmissible que l'on nous parle de « sécurité de l'inemploi » !

M. le président. Je vous demande de bien vouloir défendre votre amendement n° 367.

Mme Martine Billard. Cet amendement tend à supprimer les mots « ou réduit ». Le revenu de remplacement est, en effet, un droit et il n'a pas à être réduit. Dans la loi actuelle, en cas de fraude ou de fausse déclaration, le revenu de remplacement peut être supprimé. Il est inutile de la réécrire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

Mme Martine Billard. La nouveauté tient à la possibilité d'une réduction. Or le revenu de remplacement ne procède pas de l'aide sociale, mais de la réalisation d'un droit acquis au fil d'années de cotisation, parfois trente voire trente-cinq ans, avant que le salarié ne se retrouve au chômage.

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

Mme Martine Billard. Au nom de quoi nous propose-t-on de le réduire ? Selon quels critères objectifs ? Va-t-on sanctionner, par exemple, un ou deux jours d'absence à une formation de l'AFPA ? Est-ce cela, monsieur le ministre ? Va-t-on sanctionner le refus de telle proposition d'emploi plutôt que de telle autre au nom de je ne sais quel jugement moral ?

M. Jean-Michel Fourgous. C'est cela ! On ne touche à rien, puisque tout va bien dans ce pays ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Réactionnaire !

M. Alain Néri. C'est la voix du MEDEF !

Mme Martine Billard. Il s'agit d'une loi de cohésion sociale. Nous essayons de faire en sorte que la pauvreté n'augmente pas dans notre pays !

M. Jean-Michel Fourgous. Vous ne comprenez rien à l'économie ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Martine Billard. Je n'y comprends peut-être rien, monsieur Fourgous, mais moi, j'ai travaillé toute ma vie et j'ai été cinq fois au chômage ! Je n'ai pas de leçons à recevoir du MEDEF et de gens qui ne sont jamais allés au turbin ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Fourgous. Vous n'y connaissez rien ! Vous êtes incompétents !

M. le président. Un peu de calme, mes chers collègues !

Veuillez conclure, madame Billard.

Mme Martine Billard. J'aimerais savoir, monsieur le ministre, au nom de quoi on va réduire le revenu de remplacement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Fourgous. Cet immobilisme est insupportable de la part d'une élue du suffrage universel !

Mme Martine Billard. De combien ? Qui tranchera ? Sanctionnera-t-on une journée d'absence à sa formation ou aux séances d'aide à la rédaction du CV ? Une sanction sera-t-elle prononcée si on a refusé un emploi rémunéré à 20 % en dessous de son salaire alors que le refus serait légitime à 30 % ?

M. Jean-Michel Fourgous. Mais oui, persévérez dans l'échec ! Le bilan de votre politique ultra-étatiste, c'est trois millions de chômeurs !

Mme Martine Billard. Vous me répondrez, monsieur le ministre, que tout cela figurera dans le décret. Mais j'aimerais obtenir un peu plus de précisions car je rappelle que ce revenu est un droit acquis grâce à des cotisations et non une aide sociale. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. La commission a repoussé cet amendement dans la mesure où son adoption conduirait à privilégier la logique du « tout ou rien », logique absurde quel que soit le domaine concerné. Le projet de loi a introduit le processus de la sanction progressive. Plutôt que de tout retirer, d'un coup d'un seul, on se donne la possibilité, lorsqu'un manquement a été décelé par l'ANPE, les ASSEDIC ou la direction du travail, d'envoyer un signal. Cela me paraît tout de même plus judicieux dans la mesure où, je le rappelle, le demandeur d'emploi a toujours la possibilité de se faire entendre. Il ne faut pas remettre en cause la sanction progressive et revenir à cette ancienne notion du « tout ou rien » qui pénalisait beaucoup trop et de manière totalement uniforme des gens qui avaient pu commettre des fautes de portée très différente.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Madame Billard, je me suis déjà largement expliqué à ce sujet. Je suis assez perplexe devant un tel amendement parce que j'y vois un raisonnement quelque peu paradoxal : un système ne serait juste que s'il ne prévoyait que la sanction maximale. Nous avons analysé les expériences de nos partenaires qui ont opté pour des périodes plus longues d'accompagnement et d'indemnisation. La proposition que nous avons retenue est comparable à ce qui se fait dans d'autres pays. Il convient d'accompagner ceux qui ont des difficultés à s'orienter. C'est un objectif pragmatique. Un chômeur en fin de droits, en ASS, peut être aidé par cette procédure de progressivité à la vertu pédagogique certaine. En revanche, le « tout ou rien » peut occasionner de sérieux dégâts. Actuellement, pour six mille personnes chaque année, la situation s'est tellement dégradée que l'on ne peut qu'en conclure que tout est terminé.

Notre idée rejoint au contraire votre préoccupation, monsieur Fourgous. Il convient de rappeler au demandeur d'emploi qui ne s'engage pas réellement dans une formation ou une évaluation personnelle dans les dix-huit premiers mois, la règle des droits et des devoirs. Cela doit également permettre de dresser le bilan de l'accompagnement. La radiation, la suspension, ce n'est pas le genre de décision que prennent facilement les organismes. Je peux vous le dire pour m'être penché sur la constitution des dossiers. Cela ne consiste pas en un simple trait en travers d'un dossier. La procédure contradictoire, renforcée par la collégialité que proposera votre commission, permettra d'éviter les quelques abus. Le Gouvernement ne peut accepter cet amendement, car il est attaché à la progressivité de la sanction.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Au-delà des sentences et des provocations de M. Fourgous, le Gouvernement n'esquivera ni la responsabilité politique d'avoir ouvert ce débat ni les conclusions que la représentation nationale en tirera. Il s'agit de modifier l'article L. 351-17 du code du travail, issu de la loi du 20 décembre 1993. Le premier paragraphe de cet article, ce n'est pas du « tout ou rien », madame de Panafieu, puisqu'il est ainsi conçu : « Le droit au revenu de remplacement s'éteint lorsque, sans motif légitime, le bénéficiaire de ce revenu refuse d'accepter un emploi, quelle que soit la durée du contrat de travail offert, compatible avec sa spécialité ou sa formation antérieure, ses possibilités de mobilité géographique compte tenu de sa situation personnelle et familiale, et rétribué à un taux de salaire normalement pratiqué dans la profession et la région.

Selon ce même article, le droit au revenu de remplacement s'éteint également lorsque le bénéficiaire « refuse, sans motif légitime, de suivre une action de formation ou de se soumettre à une visite médicale (...).  Il en est de même en cas de fraude ou de fausse déclaration. Les sommes indûment perçues donnent lieu à répétition. »

Pourquoi modifier ces dispositions, qui reprenaient une partie de l'article L.311-5, les conditions de radiation étant déterminées par un décret en Conseil d'État ? Pourquoi réduire le dispositif à deux paragraphes sentencieux ? Le problème politique, il est là et pas ailleurs !

Non, madame de Panafieu, vous ne pouvez pas dire que vous supprimez le « tout ou rien ». En réalité, vous supprimez tout le dispositif législatif institué en 1993, qui permettait aux autorités compétentes d'examiner les conditions dans lesquelles un individu s'était ou non conformé à une obligation que tout le monde ici considère comme nécessaire, celle de participer à son processus de reclassement.

Non, nous ne serions pas responsables d'une situation de « tout ou rien » si l'on supprimait les mots « ou réduit ». Le Gouvernement revient sur les conditions, prudentes, qui sont nécessaires pour sanctionner, à un moment donné, un chômeur dont l'attitude est répréhensible et qui viole ainsi les droits de tous les autres chômeurs.

C'est ça le véritable enjeu politique et, en dépit de vos contorsions, monsieur le ministre, vous devrez en assumer la responsabilité politique.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Je l'assume, et je vous remercie, monsieur le député, de me reconnaître une certaine souplesse en dépit de ma rondeur. (Sourires.)

M. le président. La rondeur, un grand nombre d'entre nous n'en manquent pas, monsieur le ministre ! (Sourires.)

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Comme le soulignait Mme Billard, et c'est un point fondamental, les indemnités que reçoivent les gens au chômage, ce n'est pas la charité, c'est l'argent des cotisations sociales.

M. Gaëtan Gorce. N'attaquez pas la charité !

M. Maxime Gremetz. J'adore la charité mais, en l'occurrence, il s'agit d'un droit inscrit dans le code du travail. Pour bénéficier de ces indemnités, il faut avoir cotisé à l'assurance chômage. Ce n'est donc pas de l'argent public qu'on utilise.

Le dispositif actuel, ce n'est pas tout ou rien. Il y a des droits et des devoirs. On ne peut accepter qu'un chômeur refuse toute proposition d'emploi ou de formation, parce qu'il fait du tort à la caisse à laquelle les uns et les autres ont cotisé. Il faut faire la chasse à de tels comportements, on en a les moyens mais on ne fait rien. C'est un élément bien plus important que vous ne le pensez.

Je ne voudrais pas être méchant, mais vous êtes bien plus souples quand, au nom de l'emploi, vous décidez d'accorder 21,5 milliards d'euros d'exonérations de cotisations patronales. Et on ne vous entend jamais parler de l'argent dû par les entreprises à la sécurité sociale !

M. Jean-Michel Fourgous. Ce sont les entreprises qui créent les emplois !

M. Maxime Gremetz. Puisque nous devons montrer l'exemple, et on va voir qui est de bonne foi, je propose une réduction progressive de nos indemnités de parlementaire en fonction de nos absences en commission et en séance publique. Ce que vous proposez pour les chômeurs, il faut qu'on se l'applique à nous. Là, ce serait cohérent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine Billard. Très bien !

M. Jean-Michel Fourgous. Cela va favoriser les riches ! Il n'y aura plus qu'eux qui pourront être députés !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Merci, monsieur le président, de donner la parole à l'UDF, on n'en a pas abusé depuis le début de cette séance.

Je reconnais que je suis assez sensible à l'amendement de Mme Billard. Si l'on peut comprendre que l'on réduise le revenu de remplacement de celui qui a exagéré pour essayer de le remettre dans le droit chemin, cela risque tout de même de créer des difficultés. Comment, en effet, juger la faute et à quel niveau fixer la réduction ?

M. Maxime Gremetz. Si vous quittez l'hémicycle, monsieur Fourgous, comme vous vous apprêtez à le faire, vos indemnités seront réduites !

M. le président. Monsieur Gremetz, je vous en prie !

M. Francis Vercamer. M. le ministre nous a expliqué que tout serait défini par décret, mais je suis perplexe ; on en avait d'ailleurs discuté en commission. Pouvoir fixer une réduction de façon arbitraire, à la tête du client, me semble en effet dangereux, et j'aurais souhaité avoir un peu plus de précisions sur la manière dont le décret sera rédigé, afin que nous puissions voter en étant éclairés, comme dirait M. Gremetz.

M. le président. Je vais mettre aux voix...

M. Maxime Gremetz. Je demande un scrutin public sur l'amendement de Mme Billard, parce que c'est trop grave !

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 367, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

......................................................................

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin sur l'amendement n° 367.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 72

                    Nombre de suffrages exprimés 72

                    Majorité absolue 37

        Pour l'adoption 25

        Contre 47

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'article 7, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 7, ainsi modifié, est adopté.)

Article 8

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, premier orateur inscrit sur l'article 8.

M. Maxime Gremetz. Par cet article, monsieur le ministre, vous voudriez renforcer les modalités du contrôle de la recherche d'emploi à laquelle sont astreints les chômeurs indemnisés. C'est tout le débat que nous venons d'avoir.

Il s'agit en fait d'inscrire dans le code du travail la compétence des ASSEDIC en matière de contrôle et de sanction à titre conservatoire, d'étendre la mission de contrôle aux agents de l'ANPE, et d'ouvrir la possibilité de réduire et non plus seulement de supprimer le revenu de remplacement en guise de sanction.

Cette dernière mesure, qui apporte en apparence un mieux, risque surtout de faciliter la prise de sanction, l'alternative n'étant plus entre le tout ou rien, puisque l'on peut graduer la sanction. Il s'agit donc essentiellement de rendre la sanction effective et de s'inscrire dans une optique toujours plus coercitive.

Vous ignorez ce que vivent la plupart des familles les plus en difficulté. Il n'est pas si facile de remonter la pente quand on est en pleine détresse. Et bien souvent la volonté ne suffit pas : la spirale de l'échec est vite enclenchée, qui amène invariablement à l'abattement, au fatalisme, au renoncement.

Cet article montre aussi à quel point vous voudriez obliger les demandeurs d'emploi à renoncer à toute exigence qualitative, à accepter la précarité comme une fatalité, au nom d'une exigence à courte vue de retour à l'activité, ce qui est bien différent d'un retour à l'emploi.

Vous les forcez, sous peine de sanctions, à accepter la première proposition plus ou moins compatible avec leur qualification - et encore s'agit-il trop souvent de sous-emplois, dans tous les sens du terme : précaires, sous-payés, à temps partiel... Des sous-emplois parfois moins avantageux financièrement que le chômage et les minima sociaux. De quoi faire réfléchir tout esprit sensé. La seule réponse que vous opposez à ce bon sens élémentaire, c'est la coercition, la stigmatisation plutôt que la recherche d'une amélioration qualitative des emplois proposés.

Il faut que le travail soit valorisé. Il faut que travailler permette de mieux vivre qu'en ne travaillant pas. Oui, au lieu de valoriser les dividendes, valorisez donc le travail pour inverser la tendance du chômage !

Une telle disposition est pour le moins contestable, car elle revient à conditionner le versement des allocations chômage - qui sont le fruit de cotisations antérieures, donc un droit - à l'accomplissement de démarches de recherche d'emploi.

J'observe, par ailleurs, que personne n'a repris ma proposition consistant à nous appliquer à nous-mêmes ce que vous voulez imposer aux chômeurs. Y aurait-il deux lois dans ce pays ? Une loi pour ceux qui ont de bons revenus et une loi pour les chômeurs qui eux, sont montrés du doigt et qui, s'ils n'acceptent pas n'importe quoi, seront sanctionnés ?

J'espère que le Gouvernement m'a bien entendu. Nous pouvons montrer l'exemple : à chaque fois que nous sommes absents, il faut diminuer nos indemnités de parlementaire. Ces indemnités, nous ne les avons pas toujours méritées, c'est le moins que l'on puisse dire ! Et nous ne cotisons pas pour nos indemnités, c'est de l'argent public. Il y a des tas de députés qui ne viennent jamais à l'Assemblée et qui empochent 12 millions d'anciens francs par mois, si l'on additionne toutes les indemnités et le crédit pour l'emploi de collaborateurs. Ça fait 12 millions d'anciens francs par mois, il faut le dire !

M. Édouard Jacque. Vous êtes mieux payés que nous !

M. Maxime Gremetz. Aucun de vous ne dit qu'il va en laisser un peu parce qu'il ne fait pas son travail. Vous êtes en quelque sorte des chômeurs grassement payés ! Montrons l'exemple, si vous le voulez bien. C'est par la force de l'exemple que nous gagnerons.

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Nous fêtons un anniversaire : celui des déclarations de Jacques Chirac, il y a une dizaine d'années, sur la fin de la fracture sociale ! Après deux ans et demi de remise en cause de l'ensemble des dispositifs destinés à permettre aux chômeurs de vivre dans des conditions correctes, l'annonce du présent projet de loi avait allumé en nous une lueur d'espoir : il s'agissait de faire du social. La lueur fut malheureusement très brève.

M. Christian Paul. Fugace même !

M. Michel Liebgott. Elle s'est éteinte avant même que nous ayons pu l'alimenter. Car, en vérité, une fois que ce texte aura été adopté - parce que je pense que la majorité l'adoptera - il faudra qu'il soit suivi de beaucoup de dispositifs d'accompagnement à l'emploi, de réintégration des personnes en difficulté.

Cet article consacre une diminution considérable des droits des demandeurs d'emploi qui, en plus d'être stigmatisés, se verront évacués du dispositif d'indemnisation. Et ils le seront non pas par des agents publics - il nous paraissait important que le service public de l'emploi soit garant de la neutralité - mais par des instances qui seront quelquefois juge et partie : personne n'ignore aujourd'hui que l'UNEDIC est présidée par le MEDEF.

On peut s'interroger sérieusement sur les intentions du Gouvernement : s'agit-il d'un projet de loi libéral ou d'un projet de loi social ? La réponse est sans ambiguïté : il est plus libéral que jamais et plus que jamais les chômeurs seront stigmatisés.

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

M. Michel Liebgott. C'est un paradoxe extraordinaire, et je crois que personne ne prend véritablement la mesure de l'événement que nous sommes en train de vivre, sauf peut-être Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est une véritable révolution libérale, qui ne dit pas son nom.

Comment peut-on à ce point stigmatiser les chômeurs ? Je suis maire d'une ville où les neuf dixièmes des chômeurs sont regroupés dans une zone urbaine sensible. Ils sont nombreux, plusieurs, parfois, dans la même famille. À qui fera-t-on croire qu'ils ont fait le choix d'être chômeurs ? Ils sont victimes d'absence de formation, de discrimination, voire malheureusement de licenciements abusifs, mais en aucun cas ils ne sont responsables de leur chômage. Ils ne demandent qu'à travailler. Il est paradoxal qu'une loi dite de cohésion sociale s'intéresse surtout à la manière de les évacuer le plus rapidement possible, peut-être pas de manière définitive, mais de manière progressive : la mort sera plus lente, elle n'en sera pas moins effective.

Ces dispositifs me paraissent complètement inadaptés à la réalité des quartiers. Nous y reviendrons lors de l'examen d'autres articles de ce projet. Le chômage augmente, il ne diminue pas ! Et il augmente encore plus vite pour ceux qui habitent les quartiers les plus en difficulté.

Nous examinerons plus tard les dispositifs en faveur des chômeurs de longue durée. Mais pourquoi fabriquer des chômeurs pour ensuite les aider ? Parce que c'est ce que nous allons faire ! Ces chômeurs de longue durée, privés de protection, notamment de celle qu'offrait le dispositif public, se retrouveront à la merci de formateurs privés.

En plus de perdre leur emploi, les personnes visées par cet article perdront le bénéfice des cotisations qu'elles ont versées pendant des années ; elles se retrouveront dans une situation de précarité dramatique, et avec elles leur famille, car derrière un chômeur, on l'oublie parfois, il y a une famille. C'est à elle, c'est aux enfants que nous devons penser.

Alors, bien sûr, les dispositifs sociaux fonctionneront, mais ce sont les départements, à travers l'aide sociale à l'enfance, qui prendront le relais. Mais pensez-vous qu'une famille n'a rien de mieux à espérer que la prise en charge de ses enfants par l'aide sociale, alors que le but du chef de famille est de travailler et non d'être assisté ? Nous devons nous attendre à une explosion des budgets sociaux dans les départements.

Seul point positif : les statistiques du chômage enregistreront sans doute une diminution du nombre des demandeurs d'emploi. On pourra peut-être s'en réjouir, mais le recours aux dispositifs de prise en charge augmentera malheureusement d'autant.

Certains se plaindront qu'il y a de plus en plus d'assistés sociaux. En effet, puisqu'on les aura tous sortis des dispositifs d'indemnisation du chômage ! Et la droite libérale de nous ressortir son antienne : de plus en plus de gens sont assistés, ils ne veulent pas travailler, il faut encore renforcer les dispositifs anti-chômeurs.

Ce projet est dangereux socialement parce qu'il va également créer des tensions dans nos quartiers. Les chômeurs n'avaient déjà plus guère d'espoir, ils en auront encore moins : les quelques-uns qui étaient dans des dispositifs ANPE ne seront plus protégés par le service public et seront seuls face aux entreprises qui ne veulent pas les employer.

Face à la confusion des genres qui fait que l'UNEDIC attribuera les indemnisations, les contrôlera, les suspendra, déclenchera le processus de radiation, aura finalement tous les pouvoirs, quelques contre-feux ont été allumés au Sénat : le demandeur d'emploi pourra être accompagné de la personne de son choix dans le cadre d'une procédure contradictoire. Mais ce sera un peu comme la dernière cigarette avant la mise à mort ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ne nous faisons aucune illusion, ce débat contradictoire ne remet pas en cause le dispositif de fond, qui est une erreur politique. Une fois ce texte adopté, vous pourrez mettre en place tous les dispositifs de contrôle a posteriori, il n'empêche que le droit à l'emploi ne sera plus ce qu'il était.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Anciaux.

M. Jean-Paul Anciaux. J'ai écouté avec attention M. Liebgott. Une chose n'a pas été dite et qui est pourtant fondamentale : tout demandeur d'emploi doit être l'acteur principal de sa propre réinsertion. Il y a ensuite une échelle, une graduation dans l'engagement de chaque demandeur d'emploi.

Il n'est pas un seul élu dans cet hémicycle, qui fréquente l'ANPE, les missions locales ou les missions d'information sur la formation, qui ne sache qu'indépendamment de la volonté de chaque demandeur d'emploi de rechercher un emploi, il faut l'informer, mettre à sa disposition tous les moyens possibles...

M. Maxime Gremetz. Encore heureux !

M. Jean-Paul Anciaux. ... à condition qu'il veuille bien être acteur de sa réinsertion. Pour ceux - et ils sont minoritaires - qui le refusent, il faut se donner les moyens que cette exigence soit prise en considération. C'est ce que prévoit l'article 8.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements de suppression de l'article, nos 221, 308 et 704.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour soutenir l'amendement n° 221.

Mme Muguette Jacquaint. Après ce qui vient d'être dit tant par mes collègues socialistes que par Martine Billard ou par mon ami Maxime Gremetz sur la situation des chômeurs, je ne comprendrais pas que l'on n'accepte pas mon amendement.

Depuis quelques mois on stigmatise les chômeurs. Nous avons eu exactement le même débat pour la sécurité sociale. Le malade y faisait figure d'un goinfre de médicaments (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), les salariés en arrêt de travail de fraudeurs, les médecins de complices ! Et nous voilà maintenant dans le chômage de complaisance !

Lorsque j'ai prononcé le nom de M. Sarkozy,...

M. Jean-Paul Anciaux. Vous le regrettez déjà ?

Mme Muguette Jacquaint. Oh ! Il ne me manque pas !

Plusieurs députés du groupe de l'UMP. Il va bientôt revenir !

Mme Muguette Jacquaint. Les médias lui ont donné assez de place pour qu'on se souvienne de ce qu'il a dit. Pour le Gouvernement, c'en est assez de ces chômeurs, de ces RMIstes, de ces gens assistés, de ces personnes qui ne veulent pas travailler ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Anciaux. Personne n'a dit ça !

Mme Muguette Jacquaint. N'est-ce pas ce dont il est question ici ce soir, à l'occasion de l'examen de ce texte ? Comprenez donc que nous réagissions avec passion ! Vous ignorez ce qui se passe dans certains quartiers où les gens ont des difficultés à trouver du travail, ou alors même qu'ils en ont trouvé. J'ai déjà cité l'exemple d'une femme qui, pour ne pas être assistée, a accepté trois heures de travail qui lui font passer six heures hors de chez elle et qui ne touche même pas de quoi payer la garde de son enfant !

M. Édouard Jacque. Ces personnes-là, il faut les aider !

M. Jean-Paul Anciaux. Il faut améliorer leur situation !

Mme Muguette Jacquaint. Est-ce que ce ne sont pas précisément ces méthodes et les bas salaires qui encouragent le travail au noir - voire, parfois, les fraudes que vous évoquez ?

M. Jean-Paul Anciaux. Si !

Mme Muguette Jacquaint. Voilà ce dont nous voulons discuter.

J'ai entendu que le chômage aurait diminué de 0,1 %, mais un expert économique faisait observer...

M. Jean-Paul Anciaux. Il faut se méfier des experts !

M. André Schneider. C'est eux qui ont inventé la retraite à cinquante-cinq ans ! Grâce à eux, on est vieux à cinquante ans !

Mme Muguette Jacquaint. ...qu'avec les licenciements et les délocalisations à grande échelle, les salariées et salariés de cinquante ans sont au chômage.

Son analyse était la même à propos du financement de la sécurité sociale : comment se fait-il qu'on nous dise qu'il faut travailler plus et que des femmes et des hommes qualifiés, qui ont un savoir-faire et veulent travailler, se voient refuser tout travail. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je ne suis peut-être pas une experte, mais je vois cela tous les jours, même chez des gens qui ont des qualifications.

Les chômeurs et les chômeuses ont de la dignité !

M. Jean-Paul Anciaux. C'est vrai !

Mme Muguette Jacquaint. Ils ne veulent pas être des assistés.

M. Jean-Paul Anciaux. C'est vrai !

Mme Muguette Jacquaint. Quand vous parlez des valeurs humaines, quelle idée peuvent-ils s'en faire ? Ces valeurs humaines sont précisément ce que je veux défendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 368.

Mme Martine Billard. Dans notre débat, j'ai beaucoup entendu parler de « faute », ensuite seulement de « réinsertion ». Selon votre conception, le chômage serait, semble-t-il, de la faute du chômeur.

M. Denis Jacquat et M. Jean-Paul Anciaux. Non !

Mme Muguette Jacquaint. Peut-être certains demandeurs d'emploi ont-ils baissé les bras,...

M. Jean-Paul Anciaux. Il y en a !

Mme Martine Billard. ...mais il s'agit d'une minorité et, d'ailleurs, les conditions qu'on leur impose expliquent qu'ils s'épuisent à chercher du travail.

De plus, un demandeur d'emploi n'est pas « désinséré » ! Il faut faire attention au vocabulaire :...

Mme Muguette Jacquaint. Il est privé d'emploi !

Mme Martine Billard. ...il est momentanément hors de l'emploi. Il peut, certes, être désinséré mais, pour l'immense majorité des demandeurs d'emploi, ce n'est pas le cas.

De même, n'oublions pas que 25 % des sans domicile fixe sont des salariés : ils ne sont pas désinsérés, mais sans logement, du fait de la crise du logement actuelle. Il ne faut donc pas nous en tenir aux schémas du passé.

Il est indéniable que la modification apportée à l'article 8 depuis le dépôt de mon amendement de suppression améliore quelque peu le texte, mais celui-ci reste très critiquable.

D'abord le revenu de remplacement peut être supprimé ou réduit après consultation, « le cas échéant », d'une commission : il n'y a donc pas d'obligation de collégialité.

Ensuite, il peut être fait appel aux services fiscaux, mais est-ce que ce sera seulement dans le cas de fraude et de fausse déclaration - ce qui peut se concevoir, et entraînerait à juste titre la suppression des prestations - ou dans tous les cas ? Il serait incompréhensible d'aller vérifier les déclarations d'impôt des demandeurs d'emploi pour une réduction du revenu de remplacement, car ce dernier est lié aux cotisations et non aux autres revenus : ce n'est pas un droit différentiel, et il n'y a pas de raison d'aller consulter les services fiscaux hormis en cas de fraude.

En troisième lieu, les revenus des demandeurs d'emploi et de leur famille vont diminuer, de telle sorte qu'ils seront en droit de demander que soit recalculé le montant de toutes les aides associées - entre autres, l'aide au logement, les aides de la CAF ou les aides au transport lorsque la région, le département ou la municipalité en proposent.

Je ne suis pas convaincue des vertus de votre pédagogie, qui consiste à appauvrir les gens. Il n'est pas certain que les finances de notre pays aient à gagner à cet alourdissement causé par un nouveau calcul de toutes les autres aides. Il n'est pas certain non plus que, lorsqu'ils passeront leur temps à se rendre à la CAF, puis au service du logement, et ailleurs encore, pour demander que soient recalculées les aides auxquelles ils ont droit par suite de la baisse de leurs revenus, les chômeurs soient très disponibles pour chercher un emploi. Vous-mêmes commencez d'ailleurs à vous poser des questions sur votre fausse bonne idée.

Monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu précisément à ma question : qu'est-ce qui sera pris en compte pour la réduction de ces allocations de remplacement ? En effet, tenir des discours sur la pédagogie est une chose mais, dans la réalité, prendra-t-on en compte le refus précis d'une formation ou d'un emploi ou le temps d'absence pour un contrôle ? Dans quelles conditions précises et comment sera graduée la réduction de ces allocations entre 0 % et 100 % ?

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour défendre l'amendement n° 704, qui vise également à supprimer l'article 8.

M. Gaëtan Gorce. Je ferai trois observations.

D'abord, l'article 8 a pour inconvénient d'élargir la responsabilité du contrôle au-delà du service public qu'est l'ANPE, pour la confier à l'ASSEDIC. Certes, des pratiques existaient déjà en ce sens, auxquelles vous donnez une base juridique, notamment en matière de suspension, mais est-il légitime que l'ASSEDIC puisse effectuer des missions de contrôle alors qu'elle est directement intéressée à l'obtention de résultats, dans une perspective qui n'est pas directement sociale ni tournée vers la lutte contre l'exclusion ? C'est, selon moi, un problème de principe.

Ensuite, des neuf articles de ce texte consacrés à la « mobilisation pour l'emploi », deux au moins portent sur le contrôle des chômeurs. Nous avons voté en 1999 une loi de lutte contre les exclusions, qui renforçait les droits des chômeurs : la différence de philosophie est patente. Le texte que nous examinons aujourd'hui est consacré à la cohésion sociale, et donc à la lutte contre l'exclusion, mais sa préoccupation est le contrôle : cela donne à réfléchir !

En troisième lieu, on parle de contrôle des chômeurs et de renforcement des contrôles au moment où l'emploi est plus rare et où le chômage augmente. On pourrait imaginer de faire de la mobilisation et du contrôle un argument majeur d'une politique si le marché du travail était confronté à des pénuries de main-d'œuvre et justifiait un effort particulier. On pourrait alors supposer, devant de nombreuses offres disponibles, que les demandeurs d'emploi ne font pas d'efforts suffisants. Mais telle n'est pas la situation, puisque le chômage ne cesse d'augmenter et qu'on supprime même de l'emploi salarié marchand. En accordant une telle importance à la question du contrôle, vous prenez le sujet à l'envers, et cela pour des raisons politiques. Au lieu de vous mobiliser autour d'un texte de cohésion sociale, vous faites de l'idéologie en faisant peser sur les demandeurs d'emploi une responsabilité qui incombe d'abord à ce gouvernement, qui n'est pas fichu de soutenir la croissance et de favoriser la création d'emplois.

Quand je vous entends rattacher, comme par principe, toutes vos critiques au bilan de la législature précédente - sous laquelle deux millions d'emplois ont été créés en cinq ans ! -, il me semble qu'il y a deux poids et deux mesures, deux philosophies, deux politiques et, surtout, deux types de résultats : la réussite et l'échec. Malheureusement, c'est vous qui échouez, et vous voulez faire porter le poids de l'échec aux demandeurs d'emploi. Le tour de passe-passe est un peu gros, et il est normal que nous le dénoncions.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements de suppression ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. On ne peut pas empêcher les orateurs de se caricaturer eux-mêmes, mais ils pourraient, à tout le moins, se garder de caricaturer les demandeurs d'emploi. Dans deux des interventions que j'ai entendues, certaines formes de caricature et de récupération n'étaient pas du niveau du débat.

Monsieur Gorce, il n'est pas possible de dire que ce projet de loi n'est que contrôle : sur les trente-huit articles qu'il consacre à l'emploi, deux seulement traitent du contrôle. Il ne faut donc pas caricaturer ce texte, qui vise à proposer des réponses à celles et ceux qui souffrent du chômage. Alors que nous consacrons le tiers de notre richesse nationale au social, trois millions des nôtres souffrent - car, dans leur grande majorité, il ne s'agit pas de fraudeurs, mais de gens qui souffrent et que nous devons aider.

S'il y a, parmi eux, quelques fraudeurs, ils doivent être sanctionnés, car ils détournent l'argent destiné à être redistribué à la grande majorité, à ceux qui souffrent. Nous sommes, je n'en doute pas, tous d'accord sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Si, comme le proposent ces amendements, l'article 8 était supprimé, les dispositions actuelles demeureraient en vigueur. Il n'y aurait plus, alors, de procédure contradictoire, qui est pourtant le droit élémentaire de quiconque encourt une sanction. Il n'y aurait pas, non plus, de gradation des sanctions, et l'on reviendrait au « tout ou rien » : la politique du pire, qui est la plus stupide qui soit, dans le domaine de l'éducation comme dans celui du travail. C'en serait fait aussi de la collégialité introduite par cet article, qui permet un regard plus juste et plus impartial que dans le cas d'une décision unilatérale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Monsieur Gremetz, il ne s'agit pas de jeter les demandeurs d'emploi dans l'inconnu : nous avons évoqué la semaine dernière les mesures de formation et d'accompagnement qui leur sont destinées.

Monsieur Liebgott, vos propos sur l'UNEDIC m'ont étonné. Je vous rappelle que nous proposons l'extension d'un accord sur le contrôle du chômage conclu par Mme Guigou en 2001, qui a fondé une disposition de bon sens que nous conservons. Je vous rappelle également que l'UNEDIC est alternativement présidée par le représentant des organisations de salariés et celui des entreprises.

M. Maxime Gremetz. Du MEDEF, donc !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Ou d'une autre organisation !

M. Maxime Gremetz. C'est souvent le MEDEF !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Aujourd'hui peut-être, mais il pourrait en être autrement.

Il est de tradition d'ailleurs de s'adresser par écrit à la fois au président, au vice-président et au directeur général de l'UNEDIC, afin que l'information soit clairement partagée par les partenaires et la direction. Pardonnez-moi, mais je trouve que vous faites preuve d'une défiance singulière à l'égard du paritarisme, qui reste pourtant, à mes yeux comme à ceux d'une large majorité, la référence de notre système d'assurance chômage. Alors que nous allons, dans quelques mois, engager la révision de la convention d'assurance chômage, qui sera sans doute l'occasion de réfléchir autour du plan de cohésion sociale, comment imaginer que l'on puisse laisser les acteurs de l'assurance chômage en dehors de ce dispositif ? Il faut que nous soyons un peu plus attentifs au rôle et à la place de l'UNEDIC.

Pour répondre à Mme Jacquaint, je souligne que, depuis le moi de mai, nous observons pour la première fois, alors même que nous n'avons pas encore entamé la négociation interprofessionnelle sur l'emploi des seniors, une certaine baisse du chômage - moins 1,01 % - chez les plus de cinquante ans. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ce sont les chiffres de la DARES, publiés ce matin, qui font apparaître également une baisse de 1,3 % du chômage des jeunes. Les licenciements économiques ont reculé de 9,3 % en octobre. Les entrées pour fin de CDD et fin de mission d'intérim ont diminué respectivement de 4,4 et 4,6 % en octobre.

L'année dernière, qui fut particulièrement difficile pour cause de panne de croissance, le secteur salarié marchand avait perdu 81 000 emplois. Depuis le mois d'avril, il a gagné 31 000 emplois : ce sont les chiffres au 1er octobre.

Naturellement, il faudra conforter ces chiffres par la croissance, mais aussi par la mise en place du plan de cohésion sociale et des pôles de compétitivité. Il n'en est pas moins vrai que nous assistons aujourd'hui à une inversion de tendance qui est un phénomène de fond. La reprise de l'intérim, même si cette forme d'emploi est peu appréciée par certains, est souvent un signe annonciateur d'une reprise de la création d'emplois.

M. Maxime Gremetz. Vous voulez dire que cela prouve qu'on ne crée plus de vrais emplois !

M. le ministre délégué aux relations du travail. C'est au contraire un signal positif, au dire de tous les statisticiens.

Je partage les préoccupations de Mme Jacquaint à propos des seniors. Je considère qu'ils ne doivent plus être, comme ils l'ont été sous tous les gouvernements et pour tous les partenaires sociaux, une variable d'ajustement des plans de sauvegarde de l'emploi ou des plans sociaux. C'est une des préoccupations essentielles du plan de cohésion sociale : s'il s'occupe beaucoup des jeunes - Laurent Hénart aura l'occasion d'y revenir -, il n'oublie pas la question des seniors. Il ne faut pas sous-estimer l'importance de l'idée d'un pacte intergénérationnel entre les jeunes et les aînés, une initiative que nous devrions faire partager demain à l'Europe sociale. Nous ne pouvons pas nous résigner à être le pays où on entre dans l'activité le plus tard et où en sort le plus tôt, surtout au moment où nous devons relever le défi du retournement démographique.

Madame Billard, je ne reviendrai pas à la question du décret, car nous avons déjà eu des échanges à ce propos, même si je n'ai pas pu vous apporter tous les éléments que vous auriez souhaités. Je voudrais en revanche vous éclairer au sujet des renseignements fiscaux, que vous avez abordé. Selon le droit commun, le représentant de l'État peut solliciter des renseignements de l'administration fiscale dans le cas de suspicion de fraude : ce n'est donc pas une procédure d'un emploi quotidien, et j'ai cru comprendre que personne, sur ces bancs, ne défendait les fraudeurs ! Nous ne devons donc pas écarter cette faculté fort utile.

Il me paraît important de vous rappeler, monsieur Gorce, les principes qui fondent notre assurance chômage.

M. Maxime Gremetz. Et rappeler qui paie !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Ce régime est fondé sur la solidarité réciproque de la collectivité des salariés et de leurs employeurs. Un revenu de remplacement est garanti à toute personne qui perd son emploi involontairement pendant un certain temps, le temps pour elle de retrouver un emploi, et donc un revenu. Tel est le principe qui fonde l'assurance chômage.

M. Maxime Gremetz. Il s'agit d'un salaire différé !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Mais l'assurance chômage n'est pas un droit de tirage inconditionnel qu'acquerrait chaque individu du seul fait de ses cotisations. Nous pourrions à ce propos établir une comparaison avec le système du bonus-malus. Il ne s'agit pas en effet d'une assurance comme les autres. Autrement dit, il ne faudrait pas accréditer l'idée, défendue par certains, selon laquelle les périodes d'indemnisation devraient être impérativement consommées. Ce serait rendre un très mauvais service aux personnes concernées. Je ne voulais pas, à ce moment de nos débats, laisser passer une simplification hâtive, qui ferait de l'assurance chômage une assurance comme les autres, avec un droit à consommation : il y a un droit à solidarité, ce qui est différent.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable à ces trois amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Il faudrait quand même veiller à ne pas gonfler des baudruches ! Le système français est le seul en Europe à ne prévoir ni contrôle après le rejet d'un nombre donné de propositions d'emploi, ni véritable dégressivité. Le texte qui nous est soumis s'inscrit tout à fait dans la tradition française du contrôle, qui est un contrôle de l'effectivité de la recherche d'emploi. Il s'agit simplement de remplacer des dispositions creuses - M. Gorce l'a lui-même reconnu - par une véritable faculté de contrôle. Alors n'essayons pas de lancer des ballons de baudruche ou d'allumer des contre-feux destinés à détourner l'attention du but véritable de ce texte, qui est d'assurer un tant soit peu l'effectivité du contrôle. C'est aussi une exigence de justice : on ne peut pas traiter de la même façon la personne qui part tous les matins à la recherche d'un emploi et celle qui se contente d'aller chercher tous les trois mois une attestation de recherche d'emploi dans une entreprise. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Martine Lignières-Cassou. Comment peut-on parler ainsi ?

M. Maxime Gremetz. Il suffit de naître avec une cuillère d'argent dans la bouche !

M. Laurent Wauquiez. Bref, il ne s'agit pas d'une révolution au regard de la tradition française.

M. Maxime Gremetz. Vous ne savez pas de quoi vous parlez ! Vous êtes jeune mais déjà vieux dans votre tête !

M. le président. Monsieur Gremetz ...

M. Maxime Gremetz. Il tient des propos scandaleux, monsieur le président !

M. le président. Les vôtres sont inadmissibles !

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Ah ! monsieur le président, comme notre collègue Gremetz est resté jeune !

Nous sommes nombreux ici à affronter régulièrement dans nos circonscriptions les problèmes dont nous parlons. Je n'ai jamais considéré que le fait de ne pas contrôler l'attribution des indemnités soit une marque de respect envers la totalité des chômeurs, notamment envers ceux qui essaient de s'en sortir à tout prix. Ils apprécient assez peu notre manque de rigueur à l'égard de la minorité qui ne remplit pas les obligations que la société est en droit de leur imposer.

Certes, on ne choisit pas d'ordinaire d'être au chômage. Beaucoup de facteurs sont à prendre en compte, et les dispositifs créés par les gouvernements successifs sont là pour jouer le rôle de filets de sécurité. Mais comprendre les situations particulières ne signifie pas tout admettre.

Ce n'est pas non plus valoriser le nécessaire travail social dont doivent bénéficier les demandeurs d'emploi que d'accepter qu'il n'y ait quasiment jamais de sanction. Il est étonnant que vous soyez d'accord pour qu'on supprime le revenu de remplacement dans certaines circonstances, mais en aucun cas pour qu'on le réduise. C'est que vous savez bien que la suppression totale du revenu est une sanction si exorbitante qu'elle n'est jamais mise en œuvre et que, dans les faits, il n'y a pratiquement pas de sanction.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n'est pas vrai !

M. Pierre Cardo. Il y en a très peu, vous le savez bien : moins de 1 % selon les statistiques. Et je comprends très bien qu'on hésite à prendre une sanction aussi radicale, aux effets dramatiques pour une famille.

Il faut donc se donner les moyens de réduire de façon modérée les allocations versées à certaines personnes dont on sait pertinemment que cela constituera pour elles le déclic pour redémarrer un processus de retour vers l'emploi, par le biais notamment d'une formation. Combien de fois avons-nous rencontré des difficultés à faire suivre à certaines personnes des trajectoires d'insertion. Pourquoi, dans ces conditions, supprimer l'étape de mesures intermédiaires, qui sont nécessaires si on veut avancer un peu sur ce dossier ?

Vous voudriez, madame Billard, limiter la faculté de consulter l'administration fiscale à certains cas. Cela signifierait qu'il faudrait savoir, avant même de consulter les documents fiscaux, qu'il s'agit bien d'un cas de suppression ou de réduction des allocations. Or c'est justement parce que la question se pose qu'on doit pouvoir les consulter. Votre opposition ne me paraît donc pas recevable.

Je ne considère pas, pour ma part, que la rédaction de l'article 8 constitue un affront pour les chômeurs, et j'y suis favorable à quelques réserves près, dont on discutera à l'occasion de l'examen d'autres amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La difficulté vient du fait que vous posez la question du contrôle dans le cadre d'un texte sur la cohésion sociale. Vous nous dites, madame de Panafieu, au-delà des accusations de caricature, qu'il s'agit d'améliorer le contrôle en lui donnant un caractère contradictoire et en dépassant le « tout ou rien ». Un tel argument pourrait en effet justifier une évolution de la législation.

Mais je veux d'abord vous faire remarquer que ce caractère contradictoire existait a posteriori, puisque toutes les décisions administratives peuvent faire l'objet d'un recours contentieux. Je rappelle en particulier que les restitutions d'ASSEDIC donnent lieu à des contentieux judiciaires.

En outre, force est de constater que la rédaction actuelle de l'article L. 351-17 du code du travail détaille bien plus précisément l'ensemble des éléments qui sont au cœur de la problématique. Je l'ai déjà dit, mais vous n'étiez pas encore arrivé, monsieur Cardo. C'est pourquoi je voudrais vous le rappeler, à vous qui êtes un homme attentif à ce genre de considérations. Cet article dispose en effet : « Le droit au revenu de remplacement s'éteint lorsque, sans motif légitime, le bénéficiaire de ce revenu refuse d'accepter un emploi, quelle que soit la durée du contrat de travail offert, compatible avec sa spécialité ou sa formation antérieure, ses possibilités de mobilité géographique compte tenu de sa situation personnelle et familiale, et rétribué à un taux de salaire normalement pratiqué dans la profession et la région. »

On voit que ce texte, issu de la loi du 20 décembre 1993, dite « loi quinquennale pour l'emploi », due à une autre majorité, définit un certain nombre de critères qui s'imposent à l'administration et qui sont autant d'instruments du contrôle juridictionnel. Je vous rappelle que celui-ci a une existence effective : à l'occasion des recours exercés contre ces décisions, les juridictions, soit les confirmaient, quand la sanction s'appuyait sur des éléments factuels, soit les réformaient, lorsqu'il apparaissait qu'il y avait eu une mauvaise application des critères définis par la loi.

Le problème n'est donc pas celui de l'absence d'une procédure contradictoire ; le problème, c'est que vous avez voulu toucher à ce dispositif de contrôle dans le cadre de dispositions de cohésion sociale. Admettez que c'est choquant !

M. Jean-Paul Anciaux. Non !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. D'autant que je continue à penser, en dépit des arguments de Mme de Panafieu, que vous n'avez pas amélioré la loi. Vous avez réduit à quasiment rien l'ensemble des hypothèses prévues par le législateur pour encadrer les conditions de la sanction. En effet, elles ne seront plus définies par le législateur, mais par décret pris en Conseil d'État : on ne peut pas dire, mes chers collègues, que cela reflète la volonté du législateur.

Je veux souligner ensuite, monsieur Larcher, un deuxième aspect qui est sous-entendu dans la présentation que vous avez faite du texte. Vous nous mettez en garde contre le risque de considérer que la cotisation crée un droit de tirage, qui permettrait à chacun d'user de l'intégralité de ses droits. Personne ne pense cela, bien entendu. Mais admettez qu'en lançant cet avertissement, vous êtes au bord de considérer que le droit est indépendant de la cotisation. Pourtant, quand on a travaillé depuis l'âge de vingt ans et qu'on se retrouve au chômage à cinquante ans, on s'est bien créé un droit ! D'ailleurs, les organisations syndicales refusent de considérer que la cotisation ne crée pas un droit. Cela n'empêche pas bien entendu qu'il soit assorti d'obligations. Mais sur le fond, qui peut refuser à un salarié involontairement privé d'emploi la possibilité d'invoquer ses années de cotisation pour revendiquer la plénitude de ses droits sur ce qui est, je le rappelle, un revenu de remplacement ?

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Le Bouillonnec.

Mme Martine Lignières-Cassou. C'est important !

M. le président. Certes, mais le règlement aussi a son importance !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je termine, monsieur le président.

C'est un revenu de remplacement, ce n'est pas une aumône. Nous n'acceptons pas qu'on donne une dimension caritative à ce qui est la restitution d'un droit acquis sous la forme d'un revenu de remplacement : c'est un revenu qui est dû. Et c'est toute la difficulté. D'où la question que je maintiens : pourquoi avoir introduit des dispositifs de contrôle qui n'ont aucun intérêt puisque la législation existante, construite par les gouvernements successifs - je rappelle que c'est une ordonnance prise sous le gouvernement Jospin qui a prévu le cas de fraude - ne nécessitait nul ajout. Il est vrai que vous n'avez pas ajouté, mais vous avez fait des coupes claires qui, demain, poseront d'énormes problèmes.

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Une remarque générale : à l'orateur qui a dénoncé, là encore, une exception française, je répondrai que toutes les exceptions ne sont pas forcément mauvaises, surtout quand elles ont nom retraite par répartition, sécurité sociale, système d'indemnisation du chômage.

De façon plus spécifique, madame la rapporteure, si, comme vous le dites - et je suis prêt à partager votre sentiment -, les fraudeurs ne sont qu'une infime minorité et que la grande majorité des chômeurs sont de bonne foi, pourquoi alors inventer un nouveau dispositif ? Le système en lui-même est bon. Laissons-le tel qu'il est puisque, les fraudeurs étant si rares, il existe de quoi les écarter du système d'indemnisation. Il n'était pas besoin de mettre en place une nouvelle architecture. Ne nous leurrons pas : avec la progression de la précarisation des emplois, évidente depuis quelques années maintenant - de moins en moins de CDI, de plus en plus de CDD et de recours au travail temporaire -, nous allons tout simplement vers une précarisation de l'indemnisation du chômage. C'est cohérent. Cela va de soi. C'est un système libéral qui, d'un côté, précarise l'emploi et, de l'autre, l'indemnisation des demandeurs d'emploi.

Monsieur le ministre, c'est par alternance, bien sûr, que le MEDEF préside l'UNEDIC. Mais ce n'est pas fait pour me rassurer parce qu'il le préside tout de même.

M. le ministre délégué aux relations du travail. C'est le propre du paritarisme !

M. Jean-Paul Anciaux. Vous remettez en cause le paritarisme, monsieur Liebgott !

M. Michel Liebgott. Il est de notre devoir, de notre responsabilité, de proclamer que la loi peut protéger le citoyen, le salarié, le demandeur d'emploi. C'est notre fierté. Et nous devons le faire car nous représentons peut-être le dernier rempart contre les excès du libéralisme.

L'appel aux services fiscaux a été évoqué. Mais faites appel au service public de l'emploi pour sanctionner les chômeurs. Pourquoi vous en remettre à d'autres organismes ? Il doit pouvoir, lui seul, sanctionner ceux qui fraudent, surtout s'ils sont peu nombreux. Après tout, ce ne serait pas une catastrophe de conserver le dispositif actuel.

M. le président. Veuillez conclure.

M. Michel Liebgott. Je terminerai par une réflexion personnelle, liée à ma pratique du terrain. J'ai vécu le drame de la fermeture de l'usine de Daewoo. Croyez-moi, beaucoup de ceux, en particulier les femmes, qui étaient salariés de cette entreprise, ne demandaient qu'à travailler. Certaines de ces femmes ont été jusqu'à aller chercher un emploi au Luxembourg, à cinquante ou soixante kilomètres. Il arrive néanmoins un moment où, le salaire étant si faible, les frais de garde des enfants et les frais de déplacement si élevés, elles travaillent pour rien. Il faut voir de près les emplois que l'on propose aux gens, en prenant en compte la mobilité, la proximité et, bien entendu, le salaire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. D'abord, j'ai l'impression qu'il y a une confusion entre les allocations versées par les ASSEDIC, d'une part, l'ASS et le RMI, d'autre part. Les premières sont de courte durée, d'autant qu'il faut tout de même avoir travaillé un certain nombre d'années pour y avoir droit. La majorité des chômeurs indemnisés par les ASSEDIC ne le sont donc pas pendant la durée maximum de dix-huit mois. Même les salariés âgés peuvent ainsi se retrouver avec l'ASS. S'agissant des allocations de chômage, nous sommes dans le temps court.

Ensuite, quand on nous dit qu'il n'y a pas de contrôle, que des entreprises font des attestations bidons tous les trimestres, je rappelle que c'est une fraude ! Et même une fraude partagée parce que l'entreprise y participe. Parfois, ce n'est pas parce qu'une loi est mal appliquée qu'il faut carrément en inventer une autre. Il faut faire appliquer la loi qui existe.

M. Pierre Cardo. Il faut donc un contrôle pour cela !

Mme Martine Billard. Enfin, s'agissant des preuves de recherche d'emploi, je souligne que nous sommes dans une société qui évolue de plus en plus vite : l'ANPE ne traite plus que 30 % des demandes et des offres d'emploi, de plus en plus d'offres passent par Internet. Comment voulez-vous prouver que vous avez fait des recherches d'emploi sur Internet ? Ce n'est pas très facile. Si un chômeur n'arrive pas à le prouver - et il y a des professions très fermées où c'est pratiquement le seul mode de recherche -, verra-t-il en ce cas son allocation réduite ? Monsieur le ministre, à aucun moment, vous n'avez répondu précisément à nos interrogations sur les critères de réduction.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 221, 368 et 704.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 705.

M. Gaëtan Gorce. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. La commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Avis défavorable.

Premièrement, je tiens à rappeler que c'est depuis 1992 que l'assurance chômage, au travers de ses organismes gestionnaires, participe aux opérations de contrôle.

Deuxièmement, monsieur Le Bouillonnec, il y a eu un changement fondamental par rapport à la loi Giraud de 1993 : la convention sur l'assurance chômage de 2000, qui a créé le PARE. Cette convention met l'accent sur les engagements réciproques du demandeur d'emploi et de l'assurance chômage. Il ne faut pas oublier que le demandeur d'emploi a été cotisant. Son retour rapide dans une activité, avec un meilleur accompagnement, c'est du gagnant-gagnant pour tout le monde. C'est l'esprit du PARE, que nous reprenons. Je n'ai pas peur de dire que cela peut être un rapport contractuel, ce qui nous renvoie aux droits et devoirs que j'évoquais tout à l'heure.

C'est pourquoi on ne peut pas comparer la situation actuelle, née de la négociation collective, à celle de 1993. À cet égard, la position commune des partenaires sociaux de juillet 2001 précise quel est le domaine de la négociation et quel est le domaine - naturellement fondamental et essentiel - de la loi, donc de la démocratie politique.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 705.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 38, qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 971.

La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Il vise à instaurer la collégialité dans la prise de décision de l'ASSEDIC, de l'ANPE et du préfet, lorsqu'il s'agit d'une sanction très lourde comme la radiation ou la suspension totale des allocations de chômage. Bien sûr, on peut toujours se dire qu'à partir du moment ou quelqu'un, après une procédure contradictoire, est reconnu avoir commis une faute, il doit être radié. Mais il se trouve que la décision n'est jamais facile à prendre. Elle peut être lourde de conséquences. Il peut y avoir, en arrière-plan, une famille, des enfants. Et si on se met un instant à la place d'une personne qui doit prendre seule la décision, on se rend bien compte que c'est presque impossible pour elle. J'ai noté que, s'il s'agit de sujets qui touchent vraiment à la personne et à son avenir, la collégialité dans la prise de décision finale est souvent demandée. Les hommes - ou les femmes - répugnent à prendre une décision seuls, parce qu'ils ne sont pas sûrs d'avoir raison au bout du compte. C'est vraiment devenu trop compliqué, compte tenu du monde dans lequel nous vivons.

C'est pourquoi j'ai proposé à la commission que la décision soit prise en collégialité par un responsable de l'ANPE, un responsable des ASSEDIC et le représentant du préfet, en l'occurrence le directeur du travail.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir le sous-amendement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mme de Panafieu approuve l'introduction du débat contradictoire. Il s'agit en effet d'un pas en avant. La difficulté, c'est que la notion de débat contradictoire, en droit, recouvre des formes totalement différentes. Un simple échange de correspondance peut être considéré comme une procédure contradictoire. Notre sous-amendement vise à apporter une série de précisions, de telle sorte qu'il n'y ait pas d'ambiguïtés sur les conditions dans lesquelles la procédure contradictoire sera appliquée :

« Le revenu de remplacement est supprimé ou réduit [...] par le représentant de l'État. Le demandeur d'emploi intéressé est convoqué à l'entretien préalable par le représentant de l'État par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge en lui indiquant l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. Au cours de l'entretien, le représentant de l'État est tenu d'indiquer les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du demandeur d'emploi. Lors de cette audition, le demandeur d'emploi peut se faire assister par une personne de son choix. »

Le problème, bien entendu, est d'assurer l'effectivité de la procédure contradictoire, au-delà de la théorie juridique. L'amendement de Mme la rapporteure est positif, mais il faut cadrer la procédure. Monsieur le ministre, vous allez nous dire que le décret le prévoira. Mais je pense que le législateur doit toujours se saisir des modalités d'exercice du débat contradictoire. Faute de précisions suffisantes, les décisions seraient susceptibles de recours dans des conditions extrêmement pénibles pour les personnes concernées.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 971 ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. J'ai bien écouté les préoccupations qui viennent d'être exprimées. Mais ce sous-amendement n'a pas pu être examiné en commission.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous avions d'abord déposé un amendement équivalent, n° 706.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Qui avait été repoussé.

Sur le fond, vous déclinez, en fait, des règles qui sont applicables dans le cadre du licenciement économique, par exemple la convocation par lettre recommandée. Or le licenciement économique ne se fait pas dans les mêmes conditions. La situation est alors très conflictuelle, ce qui justifie des garanties précises. Si les règles ne sont pas respectées, un processus de sanction se met en place. La démarche est tout autre. En l'occurrence, la décision est prise par le représentant de l'État.

Sur la forme, ce que vous proposez dans votre sous-amendement, et qui peut être intéressant, relève d'un décret en Conseil d'État.

Pour toutes ces raisons, je demande le rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 38 et sur le sous-amendement n° 971 ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Je vais d'abord répondre sur le sous-amendement, comme m'y conduit la logique du vote : les dispositions qu'il propose sont du niveau du décret.

Par son amendement, la commission, après l'apport du contradictoire par le Sénat, enrichit le texte en introduisant l'exigence de la collégialité, s'agissant d'un sujet sensible. Je voudrais l'en remercier ainsi que sa rapporteure.

Depuis quelques mois, j'ai eu à connaître de cas douloureux de radiations, parfois accompagnées d'agressions des radiés contre nos agents. J'ai demandé à voir les dossiers pour essayer de comprendre. Eh bien, je n'ai jamais vu, même en cas de fraudes manifestes, de dossier mal construit ou approximatif. Faites donc confiance aux hommes et aux femmes du service public de l'emploi, de l'ANPE et des ASSEDIC ! Je peux vous assurer qu'ils ne traitent pas les intéressés de manière expéditive.

La procédure contradictoire est un enrichissement et celle de la collégialité sera un moment important du partage de la décision et de l'éclairage mutuel.

Voilà pourquoi je suis très sincèrement favorable à cet amendement de la commission, que je remercie pour son apport.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je ne voulais pas verser dans la polémique. Cela dit, monsieur le ministre, j'ai bien compris que vous n'étiez pas à l'origine de l'introduction du contradictoire, qui est due au Sénat. Dans le projet initial, cette garantie supplémentaire n'existait pas. De même, c'est la commission qui a introduit cet autre progrès que représente la collégialité ; elle ne figurait pas non plus dans le texte initial. Cela signifie que le Gouvernement avait donné à ce nouveau dispositif une dimension politique que seuls le Sénat et l'Assemblée vont atténuer.

Je l'ai dit tout à l'heure, le dispositif proposé par le sous-amendement pourrait très bien figurer dans un décret. Je précise cependant qu'il n'y a pas que dans les cas de licenciement qu'on notifie la convocation par lettre recommandée. C'est prévu dans tous les dispositifs du contradictoire, notamment pour permettre une assistance. Un problème va en effet se présenter, madame la rapporteure. Qui va accompagner le demandeur d'emploi si le rendez-vous est improvisé ou si la lettre arrive deux jours avant le rendez-vous ?

Même si cela peut figurer très précisément dans le décret, il me paraît très important de prévoir la faculté, pour le demandeur d'emploi, d'être assisté par toute personne de son choix, qu'il s'agisse d'un professionnel, d'un syndicaliste ou d'un délégué syndical. L'ennui, c'est que le contradictoire risque de se heurter aux modalités pratiques.

Nous allons retirer notre sous-amendement, mais il faudra tout de même garantir une procédure vraiment contradictoire. Sinon, on risque la supercherie, même si telle n'est pas votre intention. Je rappelle que les contentieux naissent le plus souvent du fait que la lettre de convocation n'est pas arrivée ou que la personne était absente, etc.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Je tiens à rappeler que le principe du contradictoire est un apport dû au Sénat, mais qu'il figure de toute façon dans la Constitution. Le Gouvernement ne l'a pas oublié !

M. le président. Le sous-amendement n° 971 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements n°s 369, 706, 222 et 516 tombent.

Je suis saisi d'un amendement n° 39.

La parole est à Mme la rapporteure, pour le soutenir.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Il s'agit d'un amendement de coordination avec le précédent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 8, ainsi modifié, est adopté.)

Avant l'article 9

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 289 et 707, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement n° 289.

M. Francis Vercamer. Il vise à faire déposer par le Gouvernement un rapport sur le bilan du contrat d'insertion des jeunes dans la vie sociale, le CIVIS.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon, pour soutenir l'amendement n° 707.

Mme Hélène Mignon. Le 3 novembre de l'année dernière, M. Fillon nous annonçait que le programme TRACE allait disparaître au profit du CIVIS d'ici à 2006-2007. Nous le voyons aujourd'hui réapparaître. Il serait intéressant de disposer d'un bilan aussi complet que possible de son application, pour savoir si des améliorations peuvent lui être apportées et lesquelles, si les filles et les garçons sont toujours à égalité, ou encore si les bénéficiaires de ce programme restent des jeunes en très grande difficulté. Cela nécessite, en effet, avant de leur proposer un stage de formation ou une activité en entreprise, qu'on s'occupe d'eux au niveau social, voire familial, dans les domaines de la santé, du logement, de leur environnement quotidien.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. À la page 173 du rapport écrit par Dominique Dord et moi-même, figurent les statistiques qui nous ont été transmises ; elles permettent de tirer un bilan précis du programme TRACE : le nombre de jeunes concernés, le pourcentage de ceux qui ont pu retrouver un emploi dans l'année qui a suivi ce programme, etc.

Vous nous demandez un rapport. Je ne prétends pas que tout le monde a lu le mien...

M. Francis Vercamer. Si, si ! (Sourires.)

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Certes, vous le connaissez par cœur. Mais plutôt que de réclamer des rapports, si on s'intéresse à un sujet, il vaut mieux s'adresser directement aux ministères qui, quelle que soit la tendance politique du gouvernement en place, peuvent mettre à la disposition des élus toutes les données leur permettant de se faire une idée précise.

Voilà pourquoi la commission a rejeté ces amendements. Quoi qu'il en soit, je vous encourage tous vivement à lire mon rapport, qui est absolument passionnant, notamment sa page 173. (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon. Madame la rapporteure, vous écrivez dans votre rapport que toutes les missions locales n'effectuent pas le travail statistique qui leur est demandé. Vous reconnaissez ainsi vous-même qu'on ne dispose pas forcément des bons résultats et des bons chiffres.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Laurent Hénart, secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes. Je souhaiterais apporter deux éléments de réponse à propos de l'amendement prévoyant un rapport sur le programme TRACE.

Premièrement, la loi de lutte contre les exclusions prévoyait l'évaluation des différents programmes portés par cette loi, dont le programme TRACE. Cette évaluation a été faite par les services du ministère, au-delà de l'alternance de 2002. Chaque année, le CEREC et d'autres organismes associés, dont la DARES pour le ministère des affaires sociales, ont publié les éléments nécessaires.

Deuxièmement, les entrées ont été interrompues au 31 décembre 2003 et un rapport récapitulatif de l'inspection générale des affaires sociales de mai dernier fait une synthèse complète de l'ensemble du dispositif TRACE. Mes services le tiennent bien sûr à votre disposition, madame la députée. Il n'est nul besoin d'un article de loi pour que ce rapport soit disponible et pour que, ensemble, nous l'étudiions.

S'agissant de l'amendement prévoyant un rapport d'évaluation du CIVIS, je souhaiterais rappeler trois points.

Premièrement, avec la LOLF, vous aurez de bons indicateurs sans avoir besoin d'un rapport dédié.

Deuxièmement, comme l'a très bien dit Mme la rapporteure, vous pouvez obtenir des éléments par le biais de la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances ou par d'autres biais.

Enfin, à la demande du chef de l'État, Jean-Louis Borloo s'est engagé à rapporter semestriellement en conseil des ministres l'état d'avancement du plan de cohésion sociale et de ses vingt programmes, dont le programme CIVIS d'accompagnement des jeunes sans qualification dans l'emploi. Cela signifie que ces éléments semestriels seront à votre disposition.

Voilà pourquoi je demande le retrait de ces deux amendements.

Mme Hélène Mignon. Je retire l'amendement n° 707.

M. Francis Vercamer. Et moi l'amendement n° 289.

M. le président. Les amendements nos 289 et 707 sont retirés.

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. On a arrêté le suivi des jeunes en programme TRACE. Les missions locales n'ont plus les financements liés à ce dispositif. Maintenant, il existe le CIVIS.

Des rapports ne me semblent pas absolument nécessaires. Le problème, c'est que les dispositifs changent assez régulièrement, tous les deux ou trois ans, ce qui oblige à s'adapter à chaque fois sur le terrain. On connaissait les mesures d'accompagnement des jeunes en difficulté dans le cadre du programme TRACE ; les financements étaient clairs. Mais l'année prochaine, comment les missions locales vont-elles faire pour suivre ces jeunes ? Elles n'ont pas de moyens financiers à engager dans ce suivi. Or les missions locales sont des acteurs importants, par exemple au sein des maisons de l'emploi.

Il nous faudra réfléchir à ce problème. Nous sommes bientôt en 2005. Les jeunes en difficulté n'ont pas forcément la possibilité de suivre une formation ou de prendre un emploi. Pour le moment, sur le terrain, on se demande un peu quoi faire. Le CIVIS, c'est bien, mais comment le mettre en œuvre dans certains cas ?

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SEANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, n° 1911, de programmation pour la cohésion sociale :

Rapport, n° 1930, de Mme Françoise de Panafieu et M. Dominique Dord, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Avis, n° 1920, de M. Alain Joyandet, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan ;

Avis, n° 1928, de M. Georges Mothron, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot