Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2004-2005)

 

Deuxième séance du vendredi 3 décembre 2004

87e séance de la session ordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures trente.)

    1

COHÉSION SOCIALE

Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, de programmation pour la cohésion sociale (nos 1911, 1930).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'article 37-8.

Je vous rappelle qu'à la demande du Gouvernement, nous examinerons les articles 60 à 66, relatifs à l'accueil et à l'intégration des personnes issues de l'immigration, après l'examen de l'article 38 bis. Nous reprendrons ensuite le cours normal des articles.

Article 37-8

M. le président. Le premier amendement n° 852, vise à supprimer l'article 37-8.

La parole est à M. Jean-Yves le Bouillonnec, pour le défendre.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il s'agit d'un amendement de cohérence avec les positions que nous avons prises jusqu'à présent.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission.

M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La commission a rejeté cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail, pour donner l'avis du Gouvernement.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 852.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous, pour soutenir l'amendement n° 204.

M. Jean-Michel Fourgous. Pour les entreprises qui ne proposeraient pas de convention de reclassement personnalisé à leurs salariés licenciés, le texte prévoit des sanctions financières équivalant à six mois de salaire. Mon amendement est destiné, dans un souci d'équité et de réalisme, à éviter de pénaliser les entreprises qui ont engagé des procédures avant la promulgation de la présente loi.

Monsieur le président, puis-je défendre en même temps l'amendement n° 205 qui concerne également les conventions de reclassement ?

M. le président. Volontiers.

M. Jean-Michel Fourgous. En toute logique, les conventions de reclassement devront être conclues une fois leurs modalités connues, et non pas dès la promulgation de la loi. C'est ce que propose cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Monsieur Fourgous, l'article 37-8 concerne uniquement les dispositions qui seront immédiatement applicables aux procédures engagées après la promulgation de la loi. L'article 37-4 n'est pas mentionné dans cet article car il ne pourra entrer en vigueur en l'absence d'accord ou de décret de carence précisant les conditions de mise en œuvre de la convention de reclassement personnalisé.

Autrement dit, et ce point est important compte tenu de votre préoccupation, le bénéfice des conventions de reclassement personnalisé sera subordonné soit à la conclusion d'un accord entre les partenaires sociaux soit, sinon, à un décret portant constat de carence. Dans ces conditions, ajouter l'article 37-4 aux références citées dans l'article risquerait d'être contre-productif, d'autant que ma réponse vous apporte les assurances que vous recherchiez.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.

M. Jean-Michel Fourgous. Je retire mes deux amendements.

M. le président. Les amendements nos 204 et 205 sont retirés.

Nous en venons à l'amendement n° 146 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Dominique Dord, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 146 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 37-8, modifié par l'amendement n° 146 rectifié.

(L'article 37-8, ainsi modifié, est adopté.)

Article 37-9

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 147.

M. Dominique Dord, rapporteur. Cet amendement propose une nouvelle rédaction de l'article. Le rapport d'évaluation dont le Sénat a demandé le dépôt doit être étendu à l'ensemble des domaines couverts par la loi, en particulier le développement du dialogue social que devrait permettre l'article 37-2. Il s'agit donc d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Il est favorable. Loin d'être purement rédactionnel, cet amendement enrichit le texte en élargissant le champ couvert par le rapport.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 147.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 37-9 est ainsi rédigé.

Après l'article 37-9

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 37-9.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour présenter l'amendement n° 484.

M. Francis Vercamer. Cet amendement revêt, à mes yeux, une grande importance. En effet, la jurisprudence en matière de licenciement est constante pour sanctionner une erreur de forme, c'est-à-dire le non-respect de la procédure par l'employeur, le licenciement étant alors considéré comme abusif. Cet amendement tend donc à obliger le juge à se prononcer au fond et pas seulement sur la forme car ce n'est pas parce qu'un employeur ne se conforme pas exactement aux règles de procédure que le licenciement ne se justifie pas.

L'objectif poursuivi est de rectifier la jurisprudence qui crée une inégalité flagrante entre l'employeur qui a respecté la procédure, mais sans avoir un motif réel et sérieux pour licencier, et celui qui n'a pas respecté les règles - souvent par ignorance, quand il s'agit d'une PME - mais dont la décision est légitime. De fait, les grandes entreprises, celles qui ont des services juridiques compétents, même en l'absence de motif légitime de licenciement économique, s'en tirent mieux que les petites qui sont moins habiles, mais plus fondées à agir. Cela est pour le moins paradoxal.

Je propose donc de modifier le code du travail pour préciser qu'une erreur de forme ne signifie pas automatiquement que le licenciement engagé est abusif.

On m'objectera que la procédure fait partie des droits de la défense. Certes, mais, dans les autres domaines, en matière pénale notamment, une erreur de procédure entraîne l'abandon des poursuites, mais pas une indemnisation du prévenu pour défaut de procédure. On peut donc concevoir que le non-respect de la procédure ne soit pas indemnisé si le licenciement n'est pas abusif.

Mon amendement permettrait de rétablir l'équité entre les entreprises.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement qui soulève pourtant un vrai problème. Comme l'a expliqué M. Vercamer, la jurisprudence tire argument de la faute de procédure pour refuser de reconnaître le caractère économique d'un licenciement.

Cela étant, la loi est déjà très claire de sorte que l'amendement n'est que redondant. Je ne vois donc pas ce que la jurisprudence tirera de plus de cette précision supplémentaire.

Par ailleurs, l'amendement ne vise que les licenciements économiques, alors que le problème est plus général.

Sans avoir d'objection de fond à cet amendement, bien au contraire, je considère qu'il n'a aucune portée juridique réelle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Monsieur Vercamer, fort de votre expérience dont vous nous avez déjà apporté la preuve, notamment en ce qui concerne les prud'hommes, vous soulevez un vrai problème. En effet, aujourd'hui, une lettre de licenciement mal rédigée peut, même si le licenciement est fondé, conduire le juge à considérer que la procédure est abusive, autrement dit qu'il s'agit d'un vice de fond.

L'article L. 122-14-4 du code du travail précise déjà que, lorsque le licenciement survient pour une cause réelle et sérieuse, mais sans que la procédure ait été suivie, le tribunal accorde au salarié « une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ». Le juge devrait donc s'en tenir là. Il n'est pas certain que la rédaction que vous proposez puisse changer la pratique. Or c'est bien la question de fond. Le Gouvernement partage votre préoccupation mais l'application stricte du code devrait suffire. Nos débats apporteront peut-être des éléments nouveaux mais, malgré un texte clair, la jurisprudence ne se conforme pas à l'intention du législateur.

Je suis donc tenté, monsieur Vercamer, de vous demander de retirer votre amendement, même si la question qu'il soulève reste posée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce matin nous avons déjà modifié - à mauvais escient selon moi ! - les dispositions de l'article L. 122-14-4 du code du travail qui concernent les deux cas pouvant donner lieu à la réintégration du salarié. Compte tenu de ce que vous allez décider, la presse se fera certainement davantage l'écho de ces modifications que de celles qui ont été adoptées jusqu'à présent.

La première phrase de l'article L. 122-14-4 est destinée à protéger le salarié en obligeant l'employeur qui veut licencier à suivre une procédure. En cas de licenciement « pour une cause réelle et sérieuse », l'irrégularité de la procédure oblige tout de même le salarié à aller devant les prud'hommes pour en juger. C'est la raison d'être de la première phrase de l'article L. 122-14-4 qui prévoit une indemnisation : le salarié doit se tourner vers un tribunal qui, seul, peut trancher. Le verdict du juge sert de base à la discussion entre les parties.

Au contraire, si la procédure a été respectée, on passe immédiatement à la deuxième étape et le débat porte sur le bien-fondé du licenciement.

En fait le respect de la procédure permet de préserver les droits de chacun, y compris ceux de l'employeur, car ce dernier peut trouver intérêt à respecter la procédure, notamment la disposition relative à l'entretien préalable avec le salarié assisté d'un membre du personnel. En ce cas, par exemple, le respect de la procédure protége l'employeur de toute allégation fallacieuse ultérieure.

Dans le cas présent, la procédure a un intérêt supplémentaire : elle permet de faire évoquer le caractère réel et sérieux du licenciement, alors que l'amendement proposé vise à faire consacrer par les prud'hommes une erreur matérielle involontaire, au prix d'un an et demi de procédure et d'une assistance juridique. L'article que vous visez par votre amendement offre l'intérêt de rendre vigilant sur la procédure l'employeur qui est à l'origine du licenciement, ce qui le protège autant que le salarié, d'où la nécessité de maintenir les dispositions actuelles.

En droit pénal, en cas de faute de procédure, c'est la procédure elle-même avec tous les procès-verbaux qui est annulée. La sanction est donc plus importante que celle que vous craignez, monsieur Vercamer, à moins évidemment qu'on ne supprime toutes les règles de procédure, auquel cas il n'existera plus aucun cadre juridique !

Il est nécessaire de sanctionner tout non-respect de la procédure, sous peine de voir disparaître tout respect de la procédure.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. J'entre en béotien dans un débat qui a manifestement commencé ce matin. Je m'interroge donc : veut-on encore d'un cadre juridique pour les licenciements ? Dans le cas contraire, monsieur le ministre, il convient de le reconnaître sans détour. L'employeur pourra alors faire ce qu'il veut en matière de licenciement.

La protection du salarié est liée au respect de la procédure. Le cadre juridique est nécessaire. Cet amendement n'est donc pas recevable.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Mon amendement a pour objectif non pas de supprimer la procédure, mais simplement de demander au juge de distinguer la forme du fond. Aujourd'hui, si la forme n'est pas respectée, le juge décide que le licenciement est abusif et il n'examine même pas la question au fond. Telle est la jurisprudence.

Les dix ans que j'ai passés à la section industrie du conseil de prud'hommes de Roubaix m'ont permis de vérifier que c'était systématiquement le cas, au moins pour les licenciements économiques. Or il est anormal qu'une erreur sur la forme entraîne une condamnation sur le fond.

Généralement, les entreprises qui commettent une erreur sur la forme sont les petites ou les moyennes entreprises, qui ne disposent pas de conseils juridiques. Le plus souvent elles n'ont recours au licenciement économique que lorsqu'elles y sont acculées. Elles entament alors une procédure rapide et inadéquate, sur l'avis d'un expert-comptable qui, bien souvent, ne connaît rien au droit du travail et qui confond licenciement classique et licenciement économique. Elles sont donc ensuite condamnées. En revanche, ce ne sont jamais les grosses entreprises - celles qui intéressent le MEDEF - qui sont condamnées, parce qu'elles disposent d'une armée de conseils qui préparent les procédures.

M. Jean-Michel Fourgous. Absolument !

M. Francis Vercamer. Ainsi, la petite entreprise est condamnée à la fois sur la forme et sur le fond - pour licenciement abusif -, et doit verser des indemnités à ce double titre, sans compter les frais de procédure. La grosse entreprise, elle, n'est condamnée que sur le fond, puisqu'elle a respecté la procédure.

Il existe donc deux poids deux mesures : la grosse entreprise, qui a les moyens de recourir à des conseils, est la moins lourdement condamnée, tandis que la petite entreprise, qui ne bénéficie par des mêmes moyens, est plus durement frappée. Cela n'est pas normal, alors que le problème de fond - la réalité du motif économique - n'a même pas été examiné !

M. le président. Retirez-vous votre amendement ?

M. Francis Vercamer. Non, monsieur le président, je le maintiens.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 484.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements n° 544 rectifié, 540 rectifié et 311 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

Mes chers collègues je vous indique d'ores et déjà que, sur le vote de l'amendement n° 544 rectifié, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour soutenir cet amendement.

Mme Muguette Jacquaint. L'amendement de M. Desallangre a pour objectif, par-delà les mécanismes d'indemnisation du préjudice subi, de faire de la réintégration du salarié la réelle sanction de l'illégalité du licenciement. Il rejoint le débat que nous avons eu ce matin sur la réintégration.

La décision de l'imposer respecte les principes généraux du droit et conforte les intérêts du salarié injustement licencié. En dépit de la nullité des procédures ou des motifs de licenciement, laquelle suppose, d'après le droit commun des contrats, de revenir à la situation juridique précédant l'acte déclaré nul, les juges rechignent cependant à imposer systématiquement la réintégration.

Lorsque le juge reconnaît le caractère illégal du licenciement, le salarié devrait logiquement retrouver son emploi. Si tel n'était pas le cas, cela signifierait que l'employeur peut s'exonérer de la loi, puisque sa volonté de se séparer de son salarié serait respectée en dépit des illégalités qu'il a commises à cette fin.

L'existence même du droit suppose que tout comportement illicite soit rectifié ou tout contrevenant sanctionné.

Néanmoins, compte tenu de la réalité des relations de travail, l'amendement accorde au salarié la possibilité de refuser la réintégration et de préférer une indemnisation spécifique ; cette question a été évoquée ce matin. Les tensions humaines provoquées par le licenciement abusif peuvent en effet rendre la poursuite du contrat de travail intenable pour le salarié. M. Dord a évoqué ce matin ce cas de figure. Il nous paraît donc souhaitable de permettre au salarié de renoncer à son droit de réintégration, laquelle, en tout état de cause, doit lui être proposée, hormis les situations déjà évoquées et dans lesquelles les relations à l'intérieur de l'entreprise sont à ce point devenues conflictuelles que l'intérêt du salarié lui-même est de la refuser.

Par ailleurs le droit à réintégration doit pouvoir s'exercer au sein de l'entreprise ou, à défaut, au sein du groupe. Le droit économique moderne reconnaissant l'existence des groupes, le salarié victime du licenciement abusif doit pouvoir bénéficier de la réintégration, même si l'employeur a détruit ou délocalisé l'entreprise.

L'amendement vise donc à donner au salarié injustement licencié, s'il le souhaite, le droit à sa réintégration au sein de l'entreprise ou, à défaut de pérennité de celle-ci, au sein du groupe.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Défavorable.

Compte tenu du débat de ce matin, l'avis de la commission est d'autant plus légitime. Il serait un comble que le licenciement abusif soit plus sanctionné que le licenciement nul !

Mme Muguette Jacquaint. Ce n'est tout de même pas un comble de sanctionner le licenciement abusif !

M. Dominique Dord, rapporteur. Cet amendement, vous l'avez justement rappelé, madame Jacquaint, illustre parfaitement le débat de ce matin : certains de nos collègues souhaitaient qu'en cas de nullité du licenciement, la sanction ne puisse être la réintégration. Vous voulez au contraire étendre la réintégration au licenciement abusif. C'est la démonstration que le texte est parvenu à un équilibre entre deux visions contraires au bénéfice d'une vision pragmatique, celle du Gouvernement.

M. Denis Jacquat. Très juste !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous soutenons cet amendement qui est dans la droite ligne de ce que nous contestons depuis ce matin, à savoir la taille sévère que subit l'article L.122-14-4 du code du travail.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 544 rectifié.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 28

                    Nombre de suffrages exprimés 28

                    Majorité absolue 15

        Pour l'adoption 7

        Contre 21

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

La parole est à M. Jean-Michel Fourgous, pour défendre l'amendement n° 540 rectifié.

M. Jean-Michel Fourgous. J'ai été quelque peu surpris d'entendre M. Le Bouillonnec prétendre qu'il convient de protéger les salariés contre l'entreprise. On entend également parler de l'équilibre qu'il faudrait maintenir entre ce que l'on accorde à l'entreprise et ce que l'on donne au salarié. Il s'agit d'expressions peu compréhensibles pour une personne issue du monde de l'entreprise.

Mme Muguette Jacquaint. Vous avez fort bien compris ce que nous entendions par là !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous pourrions d'ailleurs vous renvoyer l'argument !

M. Jean-Michel Fourgous. Il ne s'agit pas de protéger le salarié contre un ennemi. L'entreprise n'est pas le mal !

M. Serge Blisko. Vous faites allusion au combat du bien et du mal ?

M. Jean-Michel Fourgous. Certains de mes collègues devraient faire évoluer leur vocabulaire, car il surprend la plupart des oreilles qui nous écoutent. Tel est le message que je souhaite leur faire passer

Par ailleurs, M. Vercamer a eu raison de rappeler que les entreprises du CAC 40 n'ont pas les mêmes contraintes que celles de moins de 150 salariés : les premières ont envoyé hors de France plus de la moitié de leurs personnels ; nous dirons, pour nous montrer positifs, qu'ils sont partis à l'exportation. On ne peut parler de ces deux catégories d'entreprises sur le même ton haineux...

M. Serge Blisko. Je connais bien M. Le Bouillonnec : il n'est jamais haineux !

M. Jean-Michel Fourgous. ...ou en recourant aux mêmes propos désagréables, voire blessants. Une telle façon de traiter l'entreprise est surprenante !

De plus, le code du travail - je tiens à le rappeler - n'a pas pour objet de paralyser le mal que serait l'entreprise, comme certains manifestement le pensent ici, mais de créer de l'emploi, dans des normes qui sont aujourd'hui européennes et où la concurrence entre les marchés européens, voire avec les marchés mondiaux, joue à plein. Faites preuve, dans un débat qui est suivi par un grand nombre de Français, d'un peu moins d'idéologie et d'un peu plus de réalisme.

M. Jacques Brunhes. La réalité au travail, ce sont les contraintes qui pèsent sur les ouvriers !

M. le président. Monsieur Brunhes, veuillez laisser M. Fourgous poursuivre. Vous êtes plus calme d'habitude !

M. Jean-Michel Fourgous. Lors d'un déjeuner récent, on m'a affirmé que la gauche française se démarquait beaucoup de la gauche européenne qui n'utilise plus ce type de vocabulaire et qui a annoncé officiellement son ralliement à l'économie de marché. Si l'on en croit certains des discours tenus dans l'hémicycle, tel n'est manifestement pas encore le cas de la gauche française.

M. Jacques Brunhes. La gauche est un terme générique qu'il vous faut préciser !

M. Jean-Michel Fourgous. Certains considèrent qu'embaucher est un acte normal. Dans ces conditions, qu'ils le fassent. Nous en parlerons ainsi tous en connaissance de cause. Débaucher n'est pas davantage un acte de délinquance, contrairement à ce que certains ont l'air de penser ici.

M. Jacques Brunhes. Pas de leçon de morale, s'il vous plaît, monsieur Fourgous !

M. Jean-Michel Fourgous. Une petite entreprise peut licencier à cause de la perte d'un gros client.

Revenons à un débat plus serein et plus respectueux du travail des salariés,...

M. Jacques Brunhes. Les salariés versent leur sueur dans l'entreprise !

M. le président. M. Brunhes, laissez M. Fourgous terminer son propos !

M. Jean-Michel Fourgous. ...du travail des cadres, des cadres supérieurs et des dirigeants, lesquels risquent leurs capitaux dans les entreprises. Élevons le niveau du débat !

Cela étant, monsieur le président, il me semble que l'amendement n° 540 rectifié est devenu sans objet.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà une bonne nouvelle !

M. Jean-Michel Fourgous. Sa présentation m'aura néanmoins donné l'occasion de dire ces quelques mots.

M. le président. L'amendement n° 540 rectifié est effectivement tombé.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Oui, à la suite de l'adoption de l'amendement n° 1003.

M. le président. Je donne cependant la parole à Mme Muguette Jacquaint, puisqu'elle l'avait demandée auparavant.

Mme Muguette Jacquaint. L'amendement est peut-être tombé, monsieur le président, mais les propos que vient de tenir M. Fourgous, eux, ne sont pas tombés !

M. Serge Blisko. Tout à fait !

M. Philippe Vitel. Ils resteront gravés dans le marbre !

Mme Muguette Jacquaint. À aucun moment depuis ce matin, au cours du débat sur l'emploi et la situation des entreprises, nous n'avons prononcé un mot contre l'entreprise.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est exact et il faut que cela apparaisse clairement au Journal officiel !

Tout au long de la séance de ce matin, j'ai souligné que nous étions également soucieux du sort des entreprises, en particulier des PME. En revanche, certaines ne se préoccupent pas de l'emploi et ne respectent pas les PME : ce sont les grandes entreprises à propos desquelles M. Chirac lui-même a parlé de patrons voyous.

M. Serge Blisko. Bien sûr !

Mme Muguette Jacquaint. Vous voyez bien que le mot n'est pas de nous !

M. Francis Vercamer. En effet !

Mme Muguette Jacquaint. Force est de constater que certains chefs d'entreprise se comportent comme tels, mais cessez de nous faire dire ce que nous n'avons pas dit, monsieur Fourgous !

M. le président. Mes chers collègues, il nous reste à examiner plus de 350 amendements. La présidence tient à ce que le débat soit éclairé, bien entendu, mais elle souhaite aussi qu'il soit concis. Je vous propose donc que nous accélérions quelque peu le rythme de nos débats.

M. Serge Blisko. Dialectique subtile !

M. le président. Je ne sais pas si cela est dialectique, mais c'est tout au moins pratique. (Sourires.)

L'amendement n° 540 rectifié est donc tombé.

L'amendement n° 311 rectifié de M. Vanneste est-il défendu ?

M. Jean-Michel Fourgous. Oui, monsieur le président !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Elle a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Il me semble que cet amendement aurait également dû tomber, mais, si tel n'est pas le cas, j'émets un avis défavorable.

M. le président. En effet, l'amendement n° 540 rectifié tombe.

Nous en venons donc à l'amendement n° 71 rectifié.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le soutenir.

Mme Muguette Jacquaint. Le code du travail précise que, lorsqu'un licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le tribunal, à défaut d'une réintégration du salarié acceptée par les deux parties, ordonne l'attribution d'une indemnité qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois.

Pour lutter efficacement contre les licenciements abusifs, la sanction doit être dissuasive. Nous proposons donc de porter l'indemnité plancher au salaire des douze derniers mois. Il ne s'agit que de réactualiser un seuil qui n'a pas été révisé depuis la loi du 13 juillet 1973. À cette époque, la France comptait trois fois moins de chômeurs qu'aujourd'hui et les entreprises n'avaient pas encore fait des suppressions d'emplois une méthode de gestion banalisée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Elle a repoussé cet amendement. Je suis surpris que des sujets dont nous avons débattu ce matin reviennent en discussion. Madame Jacquaint, vous venez ainsi de présenter un amendement qui proposait que la réintégration soit obligatoire.

Selon nous, je le répète, le texte a trouvé un point d'équilibre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. De part et d'autre, les positions sont claires sur ces sujets. Je reconnais la cohérence des vôtres, madame Jacquaint, mais vous comprendrez que nous n'y soyons pas favorables, par constance et par parallélisme avec nos propos de ce matin.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour défendre l'amendement n° 72 rectifié.

Mme Muguette Jacquaint. Une fois de plus, monsieur le ministre, vous allez m'objecter que notre position ne varie pas depuis le début de la discussion.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Eh oui !

Mme Muguette Jacquaint. C'est exact : nous voulons préserver les moyens de défense des salariés que comporte le droit du travail. À l'évidence, nous ne partageons pas la même philosophie dans ce domaine.

Les différents ministres qui sont venus défendre le texte n'ont eu que le mot « souplesse » à la bouche : de la souplesse, de la souplesse, de la souplesse ! Or nous savons bien qu'à force d'être souple on devient flexible et l'on plie. Avec ce projet, vous voulez que les salariés n'aient d'autre solution que de se plier aux exigences du patronat et du MEDEF.

M. Dominique Dord, rapporteur. Allons donc !

Mme Muguette Jacquaint. Bien sûr que si, monsieur le rapporteur !

La plupart des amendements de la majorité en matière de licenciement économique et de code du travail proviennent de la liasse des amendements rédigés par le MEDEF lui-même. Certains parlementaires les ont même brillamment défendus à plusieurs reprises. C'est pourquoi j'ai dit ce matin que M. Fourgous et M. Novelli, tout comme M. le ministre et le Gouvernement dans son ensemble, menaient le même combat que le MEDEF.

M. Jacques Brunhes. Ce ne sont que des porte-parole du MEDEF !

Mme Muguette Jacquaint. Je ne suis donc pas étonnée que vous refusiez des amendements qui vont dans un sens contraire.

M. le président. Sans vouloir intervenir sur le fond, je crois, madame Jacquaint, qu'aucun groupe, si ce n'est parlementaire, ne rédige les amendements qui sont examinés en séance.

Mme Janine Jambu. Non ! Il y a des amendements signés du MEDEF. Nous les avons même examinés en commission !

Mme Muguette Jacquaint. Nous pouvons vous les apporter !

M. le président. Ce sont les parlementaires qui déposent les amendements, et non tel ou tel organisme professionnel. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est vrai à l'Assemblée, mais au Sénat...

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Comme rapporteur de ce texte, j'ai mené de nombreuses auditions et je puis témoigner qu'il n'y a pas que le MEDEF qui prérédige des amendements. C'est d'ailleurs heureux car cela permet de clarifier les positions. Ainsi la CGT nous a aussi remis des amendements tout prêts.

Vraiment, il s'agit d'un faux sujet de polémique !

Quant à l'amendement n° 72 rectifié, son adoption aboutirait à une incohérence totale par rapport à ce que nous venons de décider : en cas de licenciement abusif, des salariés ayant vingt ans d'ancienneté toucheraient une indemnité équivalant au minimum à six mois de salaire, tandis qu'un salarié en poste depuis deux ans toucherait l'équivalent d'un an !

Mme Muguette Jacquaint. Faisons donc en sorte qu'il n'y ait plus de licenciements abusifs !

M. Jean-Michel Fourgous. Il faut nationaliser ! (Sourires.)

M. Dominique Dord, rapporteur. Je reconnais la cohérence philosophique de votre position, mais cet amendement est encore moins recevable que lorsque nous l'avons examiné en commission il y a quelques semaines.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable, toujours par parallélisme. Je parlais hier de l'au-delà : on peut toujours rêver d'une société parfaite qui n'aurait pas à subir de contrecoups économiques. Néanmoins ce sont le principe de réalité, le pragmatisme et les réalités économiques qui nous guident, au-delà de toute idéologie. Telle est la position du Gouvernement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Souplesse, parallélisme et éternité ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. J'appelle maintenant l'amendement n° 282.

La parole est à M. Denis Jacquat, pour le soutenir.

M. Denis Jacquat. Bien qu'aucun représentant de la Moselle n'ait été sollicité pour signer cet amendement, je vais le défendre par solidarité régionale.

Dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, le droit des associations coopératives de production et de consommation est régi par la loi du 1er mai 1889, modifiée par celle du 20 mai 1898. Ces organismes contribuent fortement à l'économie sociale dans les secteurs bancaire, de l'achat en commun de produits, du logement, du bâtiment, ou encore de l'alimentation en gros. Ils participent à la mobilisation pour remploi et, plus généralement, à la cohésion sociale.

Afin de rendre le droit des associations coopératives plus attractif, le présent article additionnel a pour objet de simplifier leur création et leur développement en assouplissant les règles d'acquisition et de perte de la qualité de sociétaire, ainsi qu'en abrogeant une série de dispositions devenues obsolètes. Cette abrogation participe d'une meilleure lisibilité de la loi et, partant, renforcerait la sécurité juridique.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si ce n'est pas un cavalier, il n'y a plus qu'à retourner à Reichshoffen !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Elle a repoussé cet amendement, qui lui a semblé être un cavalier.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà !

M. Dominique Dord, rapporteur. J'avoue que je connais fort mal la loi du 1er mai 1889 modifiée par celle du 20 mai 1898, concernant les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Les modifications proposées par l'amendement sont sûrement très utiles, mon cher collègue, mais la commission a, dans le doute, rejeté un amendement qui pouvait passer pour un cavalier.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Ce n'est pas un cavalier, ni même saint Nicolas, qui, conformément à la tradition de ces départements, n'arrivera que dans trois jours. (Sourires.) En tout cas le sujet nécessite une expertise approfondie. Nous savons que les associations coopératives en structure de droit local rencontrent des problèmes. Je vous propose donc que nous menions cette expertise d'ici à l'examen du texte sur les entreprises qu'a annoncé Jean-Louis Borloo. Si le sujet arrive aujourd'hui un peu comme les cuirassiers, il mérite toutefois d'être approfondi.

Je demande donc le retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur Jacquat, accédez-vous à cette demande ?

M. Denis Jacquat. Au bénéfice des explications très claires de M. le ministre, qui a promis de mener une étude, je retire l'amendement n° 282, non sans signaler à Dominique Dord, qui est un remarquable rapporteur, qu'il existe un droit local dans notre pays, compensation de deux périodes d'annexion. Les élus d'Alsace-Moselle y tiennent beaucoup.

M. le président. L'amendement n° 282 est retiré.

Avant l'article 38

M. le président. Je suis saisi d'un amendement, n° 14 rectifié de la commission des finances de l'économie générale et du Plan, portant article additionnel avant l'article 38.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour le soutenir.

M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Par cet amendement que la commission des finances a adopté à l'unanimité, nous proposons, pour accélérer la réduction du chômage, de permettre aux entreprises de substituer aux cotisations patronales d'assurance chômage l'embauche d'employés supplémentaires eux-mêmes indemnisés par les ASSEDIC. Afin d'éviter un effet d'aubaine, c'est-à-dire d'empêcher les entreprises de se servir de ce système pour recruter des salariés qu'elles auraient de toute façon embauchés, nous limitons la mesure aux chômeurs de plus de six mois déjà indemnisés, ce qui a l'avantage de ne pas provoquer de perte pour les ASSEDIC : leurs recettes, sur la base de la cotisation patronale de 4 %, diminueraient, certes, mais leurs charges seraient abaissées d'un montant à peu près équivalent, celui de l'indemnisation qu'elles versaient au personnes avant que celles-ci ne soient embauchées.

Il s'agit en fait d'appliquer au secteur privé ce que nous avons voté hier pour le secteur public avec les contrats d'avenir. Selon ce nouveau dispositif, les entreprises publiques que sont nos collectivités toucheront, en contrepartie de l'engagement d'un Rmiste, le montant du RMI.

De même, nous proposons que, si une entreprise embauche des salariés supplémentaires auparavant indemnisés par les ASSEDIC, elle ne paiera plus de cotisations d'assurance chômage à concurrence de ce qu'elle versera à ces nouveaux salariés.

A titre d'exemple, une PMI ou une PME qui emploierait quatorze salariés pourrait embaucher un salarié supplémentaire : un pour quatorze, c'est beaucoup ! Il n'en coûterait rien à l'entreprise dans la mesure où les cotisations ASSEDIC seraient remplacées par des salaires, et rien aux ASSEDIC qui réaliseraient une opération blanche. Le processus de mise en relation de l'entrepreneur, qui paie des cotisations ASSEDIC, et du salarié, qui est indemnisé mais ne trouve pas d'emploi, serait accéléré.

Nous répondrions ainsi aux objectifs fixés par le Premier ministre.

Cette mesure serait limitée dans le temps et un décret en déterminerait les modalités de mise en œuvre.

Monsieur le ministre, voilà l'idée que nous vous soumettons par cet amendement, qui, je le répète, a été adopté à l'unanimité par la commission des finances.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Certes, l'idée de cet amendement est intéressante, voire séduisante. La commission s'est toutefois demandé si la mesure proposée ne relevait pas plutôt de la négociation entre les partenaires sociaux. Voilà pourquoi elle a préféré rejeter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Le Gouvernement partage l'objectif exprimé par M. Joyandet et la commission des finances. Cela dit, plusieurs problèmes se posent.

D'abord, il existe une convention UNEDIC mise en place en 2001, qui a institué un dispositif assez comparable : l'aide dégressive à l'employeur, qui permet de transformer les droits restant à l'allocation en une aide à l'employeur en cas d'embauche. Une dotation de 100 millions d'euros a été inscrite à cette fin dans le budget de l'UNEDIC pour 2005.

Ensuite, comme l'a souligné Mme la rapporteure, il appartient aux gestionnaires du régime de l'assurance chômage de définir les taux de contribution et d'allocation, de manière à maintenir l'équilibre financier du régime.

Enfin, le mode de financement que vous proposez fait apparaître une augmentation de la contribution Delalande. Or cette dernière a eu un effet pervers dans l'embauche des seniors, alors que le Gouvernement considère qu'ils ne doivent pas devenir une variable d'ajustement et que leur taux d'emploi doit augmenter.

Une négociation interprofessionnelle a été lancée sur l'avenir, le rôle et la place des seniors, notamment sur le marché du travail.

Je vous propose, monsieur Joyandet, de retirer votre amendement, compte tenu de ces explications et en vous assurant que nous soumettrons cette idée aux partenaires sociaux à l'occasion de la négociation interprofessionnelle sur les seniors.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. Le Gouvernement peut lever le gage.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Certes !

M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. Cette mesure ne coûterait rien ni aux ASSEDIC ni au budget de l'État. Nous n'en sommes évidemment pas là, mais il fallait bien que je prévoie un gage.

Sur le fond, je souhaite vraiment que cette idée soit étudiée.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Ce sera le cas.

M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. La politique actuellement appliquée ne réussit pas. Seules les mesures les plus simples aboutissent.

Ainsi lorsque l'on proposera à un patron de PME qui paie 1 400 euros de cotisations patronales aux ASSEDIC par mois de ne plus les payer mais, à la place, d'embaucher une personne supplémentaire. Il sera facile de le convaincre et cela marchera. En revanche tout ce qui est compliqué ne marche pas.

Monsieur le ministre, j'ai bien entendu que vous alliez suggérer cette idée aux partenaires sociaux pour que les propositions de la commission des finances puissent être prises en compte. Je suis satisfait de cette réponse d'autant que l'amendement n° 14 rectifié était un amendement d'appel.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Je l'avais entendu ainsi !

M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. Moi qui suis plus attaché au contrat qu'à la loi, je n'avais pas espéré que nous ferions aujourd'hui le travail à la place des partenaires sociaux. Quoi qu'il en soit, merci d'avoir entendu le message et de soumettre une telle idée. Je vous assure que, dans les PMI-PME, elle ferait mouche !

Je retire donc cet amendement, monsieur le président.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Merci, monsieur Joyandet. L'appel est entendu.

M. le président. L'amendement n° 14 rectifié est retiré.

Article 38

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, inscrit sur l'article.

M. Francis Vercamer. Monsieur le président, je rappelle que l'UDF avait déposé un certain nombre d'amendements du même type que l'amendement n° 14 rectifié et je suis content que M. le ministre ait apporté la même réponse à M. Joyandet que celle qu'il avait faite à l'UDF.

A propos de l'article 38, qui regroupe les engagements de programmation concernant la mobilisation pour l'emploi, je me bornerai, monsieur le ministre, à vous poser une question, chère à mon collègue Gilles Artigues, qui n'a pas pu être présent aujourd'hui.

Lors de l'examen de ce texte en première lecture au Sénat, un amendement a été déposé par MM. Seillier, Pelletier, de Montesquiou et Mouly, qui prévoyait une programmation pluriannuelle pour le travail d'accompagnement effectué par les groupements d'employeurs. Cet amendement a été retiré par M. Seillier qui avait auparavant souligné l'utilité d'une telle programmation pour les groupements accomplissant un travail d'accompagnement auprès des publics en difficulté.

M. Gournac, rapporteur, avait estimé judicieux l'examen de cette question dans le cadre du débat budgétaire. De votre côté, monsieur le ministre, vous aviez émis deux réserves, dont l'une reposait sur l'augmentation de la charge publique qui en aurait résulté. C'est ce qui motiva le retrait de l'amendement.

Aujourd'hui, les groupements nous redemandent cette programmation, dont chacun semble reconnaître l'utilité. Pouvez-vous me préciser si ce sujet est bien à l'étude ?

J'en profite enfin pour rappeler l'intervention que j'avais faite à l'article 34 sur l'expérimentation en région, car vous ne m'avez pas répondu.

M. le président. Nous en venons aux amendements.

La parole est à M Alain Joyandet, pour présenter l'amendement n° 602 rectifié.

M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 602 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, pour défendre l'amendement n° 317.

M. Denis Jacquat. Il est défendu, monsieur le président !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable. Cet amendement vise à réduire les crédits des maisons de l'emploi et nous nous sommes déjà expliqués sur ce sujet important.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 317.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour soutenir l'amendement n° 606.

M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. Rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 606.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole et à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 21.

M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. Je le retire, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 21 est retiré.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Je peux vous rassurer sur la question qu'il abordait !

M. le président. J'en viens donc à l'amendement n° 603 rectifié.

La parole est à M. Alain Joyandet, pour le soutenir.

M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. Amendement rédactionnel, monsieur le président. Et je vous demande d'apprécier la rapidité de la commission des finances ! (Sourires.)

M. le président. Je l'ai bien noté !

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Accepté.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 603 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat pour présenter l'amendement n° 777 rectifié.

M. Denis Jacquat. Cet amendement, proposé par Bernard Accoyer et les membres du groupe UMP, vise à favoriser une meilleure connaissance du travail d'accompagnement à l'insertion économique réalisé par le réseau national des groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification, le GEIQ.

L'an dernier, 3 300 entreprises étaient adhérentes à un GEIQ. Ces GEIQ ont embauché en 2003 plus de 1 800 jeunes et 1 100 adultes sans qualification, avec un taux de sortie positive vers l'emploi à l'issue du parcours s'élevant à 70 %.

Souvent portés par des fédérations patronales, telle la fédération française du bâtiment, ou plusieurs conseils généraux, les GEIQ constituent des outils d'insertion professionnelle performants et méritent d'être mieux reconnus.

L'efficacité de ce dispositif plaide donc pour qu'il bénéficie d'un soutien accru de la part de l'État. Il mériterait de faire l'objet d'une campagne de promotion en direction des organismes professionnels et des entreprises.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Accepté.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Favorable.

Cela répond à la préoccupation exprimée par M. Vercamer. C'est un sujet sur lequel nous avons réfléchi et évolué. M. Accoyer apporte à nos débats un élément positif.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 777.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de l'amendement n° 891.

La parole est à Mme de Panafieu, pour le défendre.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. C'est un amendement rédactionnel et de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Cet amendement me donne l'occasion de remercier, devant le président Jean-Michel Dubernard, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, ses rapporteurs, Françoise de Panafieu et Dominique Dord, ainsi que toutes celles et tous ceux qui nous accompagnent, heure après heure, au cours de ce débat. Nous avons pu travailler dans des conditions qui nous ont permis l'échange.

J'associe évidemment la commission des finances à ces remerciements.

M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. Vous avez eu chaud ! (Sourires.)

M. le ministre délégué aux relations du travail. Une nouvelle définition des ateliers et chantiers d'insertion a été introduite lors du débat du Sénat. Il est préférable de retenir une définition précise de cette catégorie de structures d'insertion par l'activité économique. Cet amendement lève toute ambiguïté. Nous y sommes donc favorables.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 891.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous en venons à l'amendement n° 604.

La parole est à M. Alain Joyandet, pour le présenter.

M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. Amendement rédactionnel et de coordination.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Positif.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 604.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour défendre l'amendement n° 148.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Il s'agit d'un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 148.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour soutenir l'amendement n° 149.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Il s'agit encore d'un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. L'article 38 institue un fonds départemental d'insertion géré par le représentant de l'État dans chaque département.

Nous partageons le souci de Mme la rapporteure, qui désire indiquer, par le pluriel proposé, que chaque département dispose bien d'une enveloppe budgétaire au titre du fonds départemental d'insertion.

Toutefois, ce FDI n'étant pas constitué physiquement au niveau départemental, c'est bien la dotation nationale du FDI qui est ventilée entre les différents départements et qui est augmentée par le projet de loi.

Nous souhaiterions, madame la rapporteure, que, à la lumière de ces explications, vous retiriez votre amendement. J'aurais été ravi de m'en remetre à la sagesse de l'Assemblée, mais je crois qu'il est important de clarifier les choses.

M. Serge Blisko. La confiance ne règnerait-elle pas ?

M. le président. Madame la rapporteure, maintenez-vous votre amendement ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 149 est retiré.

Je mets aux voix l'article 38, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 38, ainsi modifié, est adopté.)


Après l'article 38

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement n° 864 portant article additionnel après l'article 38.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement prévoit que le Gouvernement présentera au Parlement, tous les deux ans, un rapport d'évaluation des effets de l'application de la loi en s'appuyant notamment sur les travaux de l'observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale.

M. le président. Cet amendement tombe du fait de l'adoption de l'amendement n° 147.

Article 38 bis

M. le président. Je mets aux voix l'article 38 bis.

(L'article 38 bis est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, avant de passer, à la demande du Gouvernement, à l'examen des article 60 et suivants, je vous propose une courte suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Les articles 39 à 59 septies ayant été réservés, nous en venons au titre du chapitre IV, avant l'article 60.

Avant l'article 60

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour soutenir l'amendement n° 197 rectifié.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Cet amendement rédactionnel tend à compléter le titre du chapitre IV.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion, pour donner l'avis du Gouvernement.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 197 rectifié.

L'amendement n'est pas adopté. (Murmures.)

Article 60

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 60.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Nous venons de voir que l'intitulé de ce volet du projet de loi n'est pas encore très précis. (Rires.) Nous savons qu'il concerne l'égalité des chances, à tout le moins le traitement de certaines inégalités inacceptables, selon les propos tenus par M. le ministre mardi dernier. L'imprécision n'est donc pas seulement sémantique ; elle porte également sur le fond.

En effet, comme l'a fait remarquer Mme Billard en commission, on ne sait pas très bien qui est concerné par les dispositions de l'article 60 et des suivants. A priori, ce sont des personnes entrées et séjournant régulièrement dans notre pays, non françaises et non ressortissantes de l'Union européenne, qu'il s'agit d'inscrire dans un processus d'intégration. Je ne mets nullement en cause la volonté du Gouvernement de favoriser l'intégration de ces étrangers, mais, je regrette de vous le dire, je suis déçu.

Vous créez l'agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations en fusionnant l'office des migrations internationales et le service social d'aide aux émigrants. J'ai la chance d'abriter, dans le 13e arrondissement de Paris, le siège national et parisien du SSAE. J'ai rencontré à plusieurs reprises ses dirigeants, dont les inquiétudes ont été, il est vrai, apaisées au cours de l'année qu'a duré la préparation de cette fusion. Nous allons vivre une grande première qu'il convient de saluer : 400 salariés d'une vieille association, certes déclarée d'utilité publique depuis 1924 et qui fait du bon travail, vont être intégrés dans le secteur public. C'est bien la première fois que le Gouvernement crée des emplois publics !

Cela est d'autant plus incroyable que, pour ce faire, il s'appuie sur l'article L. 122-12 du code du travail. Or je ne crois pas que celui-ci puisse s'appliquer à cette situation précise d'employés d'association devenant agents du secteur public par leur intégration dans une agence nationale, qui plus est dans des conditions fixées par décret. Je ne suis pas certain que l'article L. 122-12 soit opposable à l'État lui-même et je rappelle que, constitutionnellement, c'est à la loi qu'il revient de fixer les règles relatives à la création de catégories d'établissements publics. Vous créez donc l'ANAEM dans des conditions juridiques peu sécurisées, me semble-t-il.

Le personnel du SSAE relève du droit privé. Il est composé de diverses catégories, cadres et non cadres, cotisant à des caisses complémentaires différentes. Toutes ces personnes vont être transférées dans la fonction publique où, nous le savons, les règles statutaires sont extrêmement différentes. Les conditions de leur intégration seront donc quelque peu acrobatiques : il faudra jongler avec l'ancienneté, les primes. Les deux syndicats majoritaires du SSAE, la CGT et Sud, se sont d'ailleurs transformés en bureaux de conseil juridique aux salariés. Ainsi, telle assistante sociale ayant trente-deux ans d'ancienneté veut savoir si les règles de retraite de la fonction publique lui seraient favorables par rapport au régime actuel. Il est vrai que l'affaire est compliquée.

L'opération aboutira également à une dénonciation de convention collective relevant de l'article L. 132-8 du code du travail qui est très précis à cet égard.

Néanmoins tout cela ne concerne que des problèmes de forme. Sur le fond, l'OMI et le SSAE sont deux entités distinctes. La création d'un service social d'aide aux émigrants n'est pas due à un hasard de l'histoire. Elle répondait à la nécessité d'avoir un service différent d'un service purement administratif. D'ailleurs, dans le secteur social, le SSAE jouit d'un certain prestige : dans les écoles d'assistantes sociales, il est la première orientation choisie parce qu'il couvre de multiples domaines tels que l'enfance, les collectivités locales, le droit des étrangers. Il est donc très intéressant.

M. Pierre Cardo. C'est la polyvalence intégrale !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Blisko.

M. Serge Blisko. Sa disparition au profit de l'ANAEM ne m'apparaît pas très positive. De surcroît, il est nécessaire de maintenir un travail social distinct des procédures administratives.

L'action sociale est importante car elle met en jeu des relations de confiance tout en garantissant le secret, garanties qui ne sont pas toujours respectées dans le cadre du travail administratif.

La situation à Paris et en Ile-de-France est différente de celle qui prévaut en province. On ne trouvera pas de structures ANAEM dans toutes les petites préfectures. Les personnes qui auront des démarches à faire se verront contraintes à de nombreux déplacements, ce qui peut entraîner des difficultés.

M. le président. Il vous faut conclure maintenant, monsieur Blisko.

M. Serge Blisko. J'aimerais, madame la ministre, que vous puissiez répondre à toutes ces interrogations.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Un vaste mouvement de relance de la politique d'intégration des migrants dans notre pays était nécessaire. L'année dernière, j'ai rédigé un rapport sur l'accueil des demandeurs d'asile, qui est cité par notre excellente rapporteure, Mme de Panafieu, à la page 564 de son rapport. J'y indiquais qu'il fallait que, à terme, un véritable service public de l'accueil couvre tout le territoire. Je fais d'ailleurs remarquer à mon collègue du 13è arrondissement de Paris que les conclusions de mon rapport ont été adoptées à l'unanimité par la commission des affaires culturelles.

Tout le monde les ayant trouvées excellentes, le Gouvernement les a reprises et voilà pourquoi est proposée, dans ce projet de loi de cohésion sociale, la création d'une agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations. Tout le monde demandait à voir se concrétiser une évolution annoncée de longue date et je trouve tout à fait logique que cette disposition figure dans le texte que nous examinons.

Mme de Panafieu avait déposé un amendement qui distinguait entre « personnes immigrées » et « personnes issues de l'immigration » mais il n'a malheureusement pas été retenu il y a quelques instants. Il avait pourtant le mérite de reconnaître l'existence de deux catégories de personnes, chacune avec ses problèmes particuliers, que nous devons essayer de résoudre.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Comme mon collègue, je ferai une intervention globale, ce qui me permettra d'être plus brève par la suite.

M. le président. Nous pourrons donc considérer que vos amendements ont été défendus...

Mme Martine Billard. Non, je parlais de mes interventions sur les articles. Je m'exprimerai sur les amendements, mais très brièvement.

Dans les trois articles 60, 61 et 62, j'observe une fluctuation dans le vocabulaire qui ne me parait pas le fruit du hasard, si bien que je me demande quels sont leurs objectifs.

Le titre du chapitre - Accueil et intégration des personnes issues de l'immigration - pose déjà un problème. Faut-il inclure dans les « personnes issues de l'immigration », celles d'origine italienne ou espagnole ? Je ne pense pas que ce soit ce qu'avaient en tête les rédacteurs du texte.

M. Pierre Cardo. Il existe déjà des textes concernant les Européens !

Mme Martine Billard. Dans la dénomination de l'agence, il est question d'étrangers et de migrations.

Suit l'énumération des six thèmes sur lesquels portera l'action de l'ANAEM et la liste des personnes placées dans la catégorie des étrangers et des migrants me paraît un peu bizarre.

Il y a, d'abord, les étrangers qui viennent dans notre pays pour une durée inférieure à trois mois et que l'on appelle communément les touristes. Je ne vois pas très bien pourquoi l'agence s'occuperait des touristes ni en quoi leur intégration pourrait poser des problèmes puisqu'ils sont censés partir au maximum au bout des trois mois autorisés.

Première question : que font les touristes dans les publics visés par la nouvelle agence ?

M. Pierre Cardo. Parce qu'ils ne sont pas tous que des touristes !

Mme Martine Billard. Est mentionné ensuite l'accueil des demandeurs d'asile, alors qu'ils relèvent de l'OFPRA. Est-ce dire que la nouvelle agence va se substituer à l'office ? Les demandeurs d'asile n'ont pas non plus vocation à rester. Ils demeurent en France tant que leur vie est en danger dans leur pays puis certains font le choix de s'intégrer, d'autres de repartir chez eux. L'histoire de la France, qui est un grand pays d'accueil, nous en fournit maints exemples. Nombre de députés et même de ministres font partie de la première catégorie.

Il est, d'ailleurs, une catégorie d'étrangers qui est oubliée : les cadres de multinationales, qui restent pourtant un certain temps chez nous, ce qui est heureux à la fois pour les entreprises qui ont besoin d'eux et pour eux-mêmes. Je ne vois donc pas pourquoi ils seraient moins concernés par l'accueil et l'intégration que les étrangers qui viennent pour au plus trois mois.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Ce n'est pas la même chose !

M. Denis Jacquat. C'est totalement différent !

Mme Martine Billard. Mon persiflage sur le contenu de ces trois articles n'a d'autre but que de souligner notre incapacité à avoir un débat clair sur ces questions.

À qui pense-t-on quand on parle d'intégration ? Est-ce, comme j'ai déjà posé la question, aux personnes issues de l'immigration italienne ou espagnole ? Assez peu !

Il faudra bien un jour avoir le courage d'affronter la réalité - difficultés sociales, racisme, discrimination - plutôt que d'inventer des catégories tellement difficiles à discerner et tellement fluctuantes que cela rejaillit sur le vocabulaire employé dans nos textes de loi.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. L'article 60 crée une agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations - l'ANAEM -, établissement public administratif qui se substitue à l'OMI après la fusion de celui-ci avec le service social d'aide aux émigrants, le SSAE.

Le principe d'une fusion entre un organe d'observation et de gestion des populations migrant en France - l'OMI - et un service social - le SSAE - n'est pas sans susciter des inquiétudes. Nous nous interrogeons notamment sur la compatibilité de leurs deux missions, de leurs deux cultures, qui nous paraissent vraiment antinomiques. Quid de la protection des données concernant les personnes et du respect des règles de déontologie inhérentes au travail social - secret professionnel, non-discrimination...-,même dans une structure sous tutelle directe de l'État ?

Notre préoccupation est d'autant plus grande que le projet de loi dispose que « l'agence peut, par voie de convention, associer à ce service public tout organisme privé ou public, notamment les collectivités territoriales ».

L'un des articles du projet fait d'ailleurs explicitement référence à la place des régions dans la nouvelle architecture administrative. Là encore des questions se posent. Quelle autonomie sera accordée aux régions et, partant, comment sera garantie l'égalité de traitement des étrangers primo-migrants sur l'ensemble du territoire ? Les régions auront-elles des obligations minimales en matière d'accueil et lesquelles ? Ces dispositions sont-elles un premier pas vers un désengagement de l'État du service public de l'accueil des immigrés ?

Nous avons d'autant plus de raisons de nous inquiéter que le Gouvernement n'a cessé, depuis deux ans, d'aggraver la précarité des étrangers résidant en France, avec les lois restrictives sur l'entrée et le séjour des étrangers et sur l'asile qui multiplient les cartes et statuts temporaires et fabriquent toujours plus, malheureusement, de sans-papiers.

Au travers des amendements que nous défendrons, nous proposerons une vision tout à fait opposée de ce qu'il est convenu d'appeler l'intégration. L'égalité des droits - civils, sociaux et également politiques - demeure à nos yeux une condition indispensable pour bien vivre ensemble. Nous souhaitons réaffirmer ici que le droit de vote constitue un puissant levier, capable de renouveler le sentiment d'appartenance à la société, aujourd'hui mis à mal.

Placer les principes de l'égale dignité des hommes au-dessus des contingences n'est pas faire preuve d'angélisme ; c'est créer les conditions d'un véritable État de droit. Ce dernier ne saurait exister tant que subsistent des discriminations entre nationaux et étrangers, en matière sociale, pénale, civile et politique. Si la loi ne peut décréter la fraternité, elle doit garantir les conditions d'un « mieux vivre ensemble ». Nous concevons l'égalité des droits sans considération de nationalité. Tel est le préalable d'un nouveau contrat social entre habitants de toutes origines, suscitant l'adhésion et l'appartenance. Les droits politiques de l'ensemble des résidents et non des seuls Européens font partie intégrante de ce contrat.

Ce n'est pas d'une agence de contrôle dont nous avons besoin mais d'une refondation du contrat social liant tous les habitants de France. Cela aurait toute sa place dans ce projet de cohésion sociale.

M. le président. Nous en venons aux amendements.

Je suis d'abord saisi de deux amendements identiques, nos 391 et 759, tendant à la suppression de l'article.

Madame Billard, l'amendement n° 391 est-il défendu ?

Mme Martine Billard. Oui, monsieur le président, mais je veux cependant poser une question à Mme la ministre.

La nouvelle agence va s'occuper des flux migratoires. Est-ce que, dans les statistiques, seront intégrés tous les publics dont l'agence doit s'occuper : étrangers présents en France pour moins de trois mois, étudiants, demandeurs d'asile ... ?

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour soutenir l'amendement n° 759.

Mme Muguette Jacquaint. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Les deux amendements de suppression de l'article ont été rejetés par la commission.

M. Jacquat a eu raison de rappeler que c'est à l'unanimité de la commission des affaires culturelles qu'a été voté le souhait de voir enfin notre pays doté d'une agence...

M. Denis Jacquat. De service public !

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. ...de service public pour l'accueil des étrangers. La manière dont ils sont traités encore aujourd'hui les oblige, en effet, à suivre un véritable parcours du combattant, qui empêche d'ailleurs une vraie lisibilité.

La création d'une agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations est l'aboutissement d'un processus qui était déjà engagé. L'idée en avait été lancée dès 1998 puis avait été reprise en 2001 dans son rapport par le haut conseil à l'intégration. Cette agence va enfin permettre la constitution du grand service public de l'accueil des étrangers prôné par M. Jacquat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Je répondrai d'abord aux interventions sur l'article puis je donnerai l'avis du Gouvernement sur les amendements.

Le défi que nous avons à relever nécessite une mutation tant qualitative - et j'insiste sur cet aspect - que quantitative. Seule une agence peut répondre aux attentes des personnes qui se trouvent dans des situations difficiles, parfois dramatiques. À ce propos, je vous confirme que le texte ne concerne que les étrangers entrés régulièrement en France et engagés dans un parcours d'intégration.

Si nous voulons fusionner l'OMI et le SSAE en une agence placée sous le régime de l'article L. 122-12 du code du travail, c'est que la jurisprudence de la Cour de cassation nous l'impose. Nous donnons donc ici une base légale au transfert des personnels de cette association qui, il est vrai, passeront d'un statut privé à un statut public. mais ce dernier leur sera bien plus favorable que celui dont ils bénéficient aujourd'hui, car, comme chacun le sait, le statut associatif est soumis à bien des aléas.

Vous avez affirmé, monsieur Blisko, que le SSAE était un service prestigieux. Vous avez parfaitement raison et je lui rends hommage, tout comme aux personnels de l'OMI, qui accomplissent un travail remarquable.

C'est la raison pour laquelle nous allons confier l'ambitieux service public de l'accueil, que nous créons, à des personnels extrêmement compétents. Il s'agira désormais d'un service public, d'un organisme public. Appartenant à l'agence ces personnels seront donc placés sous statut public.

Monsieur Jacquat, je partage votre opinion sur un vrai service public répondant à une attente réelle. Je salue d'ailleurs le travail que vous avez accompli en la matière.

Madame Billard, l'objet du texte est clair, même si vous semblez - je le souligne très gentiment - ne pas vouloir l'appréhender totalement. Nous visons, à titre principal, les étrangers qui viennent s'installer durablement en France. C'est important. Il est vrai néanmoins que l'agence reprendra les missions assumées aujourd'hui par l'OMI envers les étrangers entrant en France sous le régime du court séjour et les demandeurs d'asile.

Par ailleurs, le service public de l'accueil ne prendra en charge que les étrangers venant s'installer durablement en France. Les étudiants ne relèveront donc pas de sa compétence.

La mission de l'agence sera très limitée quant aux demandeurs d'asile. Elle aura un rôle de coordination générale, déjà assumée aujourd'hui par l'OMI.

Madame Jacquaint, je sais parfaitement que la fusion de l'OMI et du SSAE suscite des inquiétudes. C'est pour cela - je tiens à le rappeler - que des discussions ont été engagées avec les organisations représentatives du personnel.

Quant à l'association des collectivités territoriales, notamment les régions, je voudrais vous rassurer : il s'agit non de leur donner des compétences et des charges nouvelles, mais d'articuler tout simplement le service public que nous créons avec les compétences de droit commun de ces collectivités.

Cela étant le Gouvernement émet un avis défavorable aux amendements de suppression de l'article.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 391 et 759.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques nos 274 et 392.

La parole est à M. Serge Blisko, pour défendre l'amendement n° 274.

M. Serge Blisko. Les députés socialistes ne sont pas a priori contre ce regroupement de services car, comme l'a rappelé M. Jacquat, leur multiplicité impose actuellement à certaines familles un véritable parcours du combattant. Nous souhaitons surtout que l'action de cette nouvelle ANAEM soit mieux centrée.

Nous pensons notamment qu'il ne devrait pas lui appartenir de s'occuper des réfugiés statutaires, ceux qui relèvent de l'OFPRA et de la convention de Genève. Il s'agit d'une autre catégorie, car ils ne constituent pas des émigrants, même si l'on ne peut que regretter la confusion faite à cet égard dans le langage courant. Ces hommes et ces femmes viennent en effet de certains pays du monde, comme le Chili ou l'Afghanistan, où ils étaient soumis à des menaces graves.

Nous avons eu l'occasion, il y a environ un an, de discuter de la refonte du droit d'asile. M. de Villepin était encore ministre des affaires étrangères. Il a alors été confirmé ici que la France attachait une grande importance - ce qui est rare en Europe - à la convention de Genève de 1952 qui leur réserve une place particulière. A cet égard l'engagement de notre pays est total.

Je ne vois donc pas bien ce que l'ANAEM a à voir avec ces personnes. Les CADA, les grandes associations comme France-Terre d'asile et d'autres sont là pour s'occuper d'elles car elles sont souvent en grande difficulté. Je ne vois aucune raison pour qu'elles soient prises en compte dans le nouveau dispositif de l'ANAEM.

Cet amendement vise donc à supprimer le troisième alinéa (b) du texte proposé par l'article 60 pour l'article L. 341-9 du code du travail.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre l'amendement n° 392.

Mme Martine Billard. Cet amendement vise à supprimer certaines des missions que le projet veut confier à cette agence nationale pour l'accueil des demandeurs d'asile.

En la matière risquent en effet de se produire des conflits d'intérêts et de compétences. Les demandeurs d'asile continueront-ils à être accueillis par l'OFPRA, qui les aidera dans leurs démarches administratives ou la nouvelle agence s'en occupera-t-elle dorénavant ? Je ne vois d'ailleurs pas très bien comment cela pourrait être possible, car les demandeurs d'asile relèvent de la convention de Genève et de l'OFPRA.

La rédaction proposée risque donc d'entraîner des situations inextricables et des recours contentieux. Il faudrait trouver une autre formule pour que les demandeurs d'asile soient pris en compte, sinon de nombreux problèmes se poseront.

M. Pierre Cardo. Il serait préférable de parler d'orientation plutôt que d'accueil.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. La commission a repoussé ces amendements.

Il serait en effet paradoxal de supprimer la compétence de l'agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations en matière d'accueil des demandeurs d'asile dans la mesure où l'office des migrations internationales, auquel la nouvelle agence a vocation à se substituer, exerce d'ores et déjà cette compétence.

Lorsqu'on lit l'article 60, la réponse est claire. On voit que cette agence a pour vocation de recevoir immédiatement la personne quand elle arrive. L'agence ne se substitue en rien à l'OFPRA. Il ne saurait en être question.

Une partie des démarches sont regroupées. Pour autant, l'OFPRA conservera son champ de compétences.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Le Gouvernement est défavorable aux amendements.

Monsieur Blisko, l'OFPRA, d'un côté, et l'ANAEM, de l'autre, auront des missions différentes, même si elles seront complémentaires.

Si l'OFRPA est chargée de la protection juridique, ce qui le conduit à examiner le bien-fondé de la demande d'asile, l'ANAEM participera à la prise en charge sociale des demandeurs d'asile, par une mission de coordination des différents organismes intervenant sur le terrain. Elle ne fera que reprendre une mission confiée depuis le 1er janvier 2003 à l'office des migrations internationales.

Madame Billard, les demandeurs d'asile ne relèvent pas de l'OFPRA pour leur prise en charge sociale. Dans ce domaine, l'OMI, aujourd'hui, l'ANAEM, demain, assurent une mission de coordination du dispositif national d'accueil.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je préfère votre réponse, madame la ministre, à celle de la commission.

Il faut qu'il soit bien clair que, pour les demandeurs d'asile, cette agence ne s'occupera pas de la partie administrative, alors que le texte semble indiquer que tel sera le cas pour l'ensemble de catégories visées. La précision est importante. Sinon, on aboutirait à une contradiction.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 274 et 392.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, pour défendre l'amendement n° 275.

M. Serge Blisko. Il s'agit en quelque sorte d'un amendement de précaution.

La nouvelle agence va recueillir des données sensibles. Nous voulons donc nous assurer que la loi fondatrice du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés sera respectée par l'ANAEM.

C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement visant à compléter le dernier alinéa du texte proposé dans l'article 60 pour l'article L. 341-9 du code du travail par la phrase suivante : « Les organismes privés associés aux missions de l'agence sont tenus au respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. »

Cela est très important, surtout si des dossiers vont de l'OFPRA à l'ANAEM. Il faut absolument protéger ces données sensibles.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Cet amendement a été repoussé par la commission.

Il ne s'agit pas pour autant de traiter les propos tenus par M. Blisko à la légère. La loi Informatique et libertés est là pour nous le rappeler. Toutefois, la précision apportée par l'amendement n° 275, qui n'est pas contestable sur le fond, est superflue puisqu'elle figure déjà dans le cahier des charges relatif aux marchés passés entre l'État et les organismes de formation linguistique ou civique.

Pourquoi répéter indéfiniment ce qui existe déjà dans la loi, à moins de vouloir rendre les textes complètement illisibles, à force de répétitions ?

M. Pierre Cardo. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Je partage l'analyse de Mme la rapporteure.

Le Gouvernement émet un avis défavorable, sans pour autant considérer que M. le député avait tort dans son intervention.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n°275.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l'amendement n° 276.

M. Serge Blisko. En vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe « les règles concernant la création de catégories d'établissements publics ».

Cette nouvelle agence se verra confier une grande mission. On ne peut que lui souhaiter d'avoir les moyens matériels et humains en qualité et en quantité, afin de pouvoir sortir de ce débat empoisonné de l'intégration des personnes immigrées. Souvent, en effet, les meilleures intentions échouent à cause du manque de moyens.

Nous voudrions, pour plus de solennité, que cette agence soit rattachée au ministère des affaires sociales ou l'équivalent et que son directeur général soit nommé par décret, pour une durée de trois ans, par le ministre des affaires sociales, afin qu'une politique puisse être mise en route.

Il peut paraître étonnant que l'on ne se borne pas à évoquer uniquement les principes, mais des choses très précises. On donnerait, madame la ministre, du coffre à cette nouvelle ANAEM en la considérant comme un grand organisme d'État.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Monsieur Blisko n'a décidément pas de chance. La commission est encore défavorable à son amendement. Pourtant, Dieu sait si j'aimerais lui plaire ! (Sourires.)

Je répète encore une fois que certaines dispositions relèvent de la loi alors que d'autres sont du domaine règlementaire. Nous devons respecter cette règle si nous voulons éviter que les textes ne s'allongent au point de devenir illisibles.

La disposition proposée par cet amendement ne revêt pas de valeur législative. Elle ressortit au domaine règlementaire.

S'agissant de l'ANAEM, un décret est d'ailleurs en cours d'élaboration.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Même avis que Mme la rapporteure : défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n°276.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko pour présenter l'amendement n° 277.

M. Serge Blisko. J'espère, madame la rapporteure, que vous n'allez pas encore, sur cet amendement, me dire non ! (Sourires.)

Nous essayons de rehausser le rôle du Parlement puisque nous demandons que deux parlementaires figurent dans le conseil d'administration de l'ANAEM, désignés l'un par l'Assemblée nationale, l'autre par le Sénat. Nous dressons également établi la liste des ministères qui pourraient y être représentés.

A propos du débat sur les domaines respectifs de la loi et du règlement, je conviens qu'il ne faut pas mettre trop de précisions dans la loi. Cependant il est indispensable de donner un certain imperium à nos décisions afin de laisser l'impression que cette affaire est prise très au sérieux par le Gouvernement, ce dont je ne doute pas un instant, madame la ministre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Madame la ministre me souffle de ne pas commencer mon propos en disant que je voudrais vous plaire, monsieur Blisko ! (Sourires.) Hélas, une fois de plus, je suis dans l'obligation de vous faire savoir que votre amendement a été repoussé par la commission, car la disposition que vous proposez relève du domaine réglementaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Avis défavorable.

Monsieur Blisko, je vous précise que le ministère des affaires sociales est le pivot et le responsable de la politique d'accueil et d'intégration. Je pense que cet élément d'information est important pour vous.

M. Serge Blisko. Tout à fait, madame la ministre.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Blisko ?

M. Serge Blisko. Je le retire volontiers, monsieur le président, compte tenu de la précision apportée par Mme la ministre, qui a rappelé que le ministère des affaires sociales resterait le pivot en la matière. Je regrette cependant que les parlementaires ne soient pas représentés au sein du conseil d'administration.

M. le président. L'amendement n° 277 est retiré et l'amendement n° 278 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 60.

(L'article 60 est adopté.)

Article 60 bis

M. le président. Je rappelle que M. Blisko a renoncé à intervenir sur cet article.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Il en ira de même pour moi, monsieur le président, pour les articles suivants.

M. le président. Merci.

Je mets aux voix l'article 60 bis.

(L'article 60 bis est adopté.)

Article 60 ter

M. le président. M. Blisko et M. Jacquat ont donc déjà traité de cet article dans leurs interventions précédentes.

Je mets aux voix l'article 60 ter.

(L'article 60 ter est adopté.)

Après l'article 60 ter

M. le président. Nous en venons à trois amendements portant article additionnel après l'article 60 ter.

La parole est à M. Jacques Brunhes, pour soutenir l'amendement n° 760.

M. Jacques Brunhes. Les auteurs de cet amendement souhaitent supprimer l'article 8 de la loi du 26 novembre 2003 qui, pour la première fois, subordonne, dans la majorité des cas, la délivrance d'une première carte de résident valable dix ans à une « intégration républicaine  de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de sa connaissance suffisante de la langue française et des principes qui régissent la République française. »

La stabilité du séjour est en effet indispensable à une bonne insertion sociale et professionnelle des intéressés. Or la multiplication des cartes d'un an en lieu et place de la carte de dix ans précarise des milliers de familles et de personnes.

Notre amendement souligne la contradiction criante d'un Gouvernement qui, dans ce projet, parle d'intégration, alors que la loi du 26 novembre 2003 relative à l'entrée et au séjour des étrangers, adoptée voilà tout juste un an, a, de fait, aggravé la précarité de milliers de familles en multipliant les catégories ayant droit à la carte d'un an et non plus à celle de dix ans, et en allongeant de trois à cinq ans la durée nécessaire pour pouvoir demander la carte de dix ans, sans garantie de l'obtenir.

Les déclarations du Gouvernement ou du ministre de la cohésion sociale ne pèsent pas lourds et sont contredites par la politique mise en œuvre par le ministère de l'intérieur. En outre, la loi de novembre 2003 a également augmenté le nombre de cartes d'un an nécessaire pour demander la carte de dix ans. Le délai est passé de trois ans à cinq ans. Il est conditionné « à l'intégration satisfaisante de l'étranger dans la société française ». Cette notion d'intégration satisfaisante est particulièrement floue et subjective. Elle laisse le champ libre à l'arbitraire. On ne sait qui en déterminera les critères ni qui les vérifiera, et aucun recours n'est prévu.

La carte valable dix ans ne doit pas être transformée en sanction de cette fameuse intégration, mais devenir l'outil qui la favorise.

C'est la raison pour laquelle nous proposons d'insérer dans le projet l'article suivant :

« Les cinquième et sixième alinéas de l'article 6 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France sont supprimés. »

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. L'avis de la commission est défavorable. Ce projet vise à faire du contrat d'accueil et d'intégration l'un des éléments qui permet l'appréciation des dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relatives aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.

A cet égard ce que je viens d'entendre m'a surpris. Si vous voulez vous intégrer dans un pays étranger, il vous faudra bien posséder les rudiments de la langue et savoir un tant soit peu quels y sont les droits civiques !

M. Charles Cova. Et les devoirs !

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Il y a aujourd'hui des femmes étrangères sur notre territoire national qui, parce qu'elles ne maîtrisent pas les rudiments de notre langue et ne connaissent pas leurs droits, échappent complètement au fonctionnement de notre société.

M. Denis Jacquat. Très juste !

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Est-ce vraiment ce que nous souhaitons ? Je pense que nous le déplorons tous. C'est la raison pour laquelle, loin de moi l'idée de m'insurger lorsque la connaissance rudimentaire de la langue et des droits civiques devient une condition. Au contraire, j'applaudis des deux mains.

M. Charles Cova. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Il est évident que le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car il n'entend pas revenir, à l'occasion de l'examen du projet de loi de cohésion sociale, sur des dispositions qui ont été adoptées dans le cadre de la loi toute récente, comme vous l'avez rappelé, monsieur le député, de novembre 2003.

Au surplus, le Gouvernement considère que les motifs qui avaient présidé à l'adoption de ces dispositions n'ont rien perdu de leur validité. Il est en effet légitime et utile comme l'a souligné Mme la rapporteure, de lier l'accès à un statut aussi protecteur que celui de résident à une condition d'intégration républicaine destinée à vérifier la réalité de l'intégration de l'intéressé.

En outre, ces dispositions sont conformes au projet de directive européenne sur le statut des résidents de longue durée.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Le Gouvernement a intérêt à réfléchir à un autre aspect du contrat.

Mme la rapporteure a, à juste titre, rappelé que des femmes entrent en France, dans le cadre des regroupements familiaux, sans savoir le moins du monde, ce qui les attend. Elles sont mises en situation de totale dépendance par l'homme, ce qui peut aller jusqu'au retrait de leurs papiers et à l'interdiction de tout contact avec l'extérieur. Cela peut même aboutir à les empêcher d'obtenir ce que nous souhaitons dans le contrat d'intégration, à savoir l'acquisition de notre langue et d'un minimum de bases afin de s'ouvrir sur l'extérieur, donc de s'intégrer. On parle souvent de communautarisme. En l'occurrence, il se réduit ici à un appartement fermé à clé. Il faudra bien, un jour se demander si l'on accepte que cela continue !

Au-delà du contrat d'intégration tel qu'il a été conçu, il est un peu tôt pour remettre en cause ces principes. Cela dit, il ne me semble pas très opérant de prétendre protéger une femme qui ne connaît rien au droit, rien à ses droits, par un contrat signé par un autre, celui qui la fait entrer sur notre territoire par le biais du regroupement familial. C'est à lui qu'incombe la responsabilité de veiller à ce qu'elle devienne une citoyenne à part entière et soit en mesure de connaître ses droits.

Nous avons une réelle obligation morale envers ces femmes et ces enfants qui sont mis en situation de dépendance. Au-delà de ce texte, il y aura une réflexion à mener afin d'éviter que ces personnes - même si le contrat actuel est censé les protéger - ne soient en réalité dépendantes de la personne qui les a fait entrer et qui dispose, elle, de tous les droits et d'une connaissance de nos textes, mais qui, par principe, ne leur permet pas de s'ouvrir sur notre société, ce qui est très dangereux et facteur de violences famiales.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. J'ai beaucoup apprécié l'intervention de M. Cardo, qui, je le sais, vit ce genre de réalités dans sa circonscription, comme un certain nombre d'entre nous.

Madame la rapporteure, la loi du 26 novembre 2003 subordonne pour la première fois la délivrance d'une première carte de résident valable dix ans à cette fameuse intégration républicaine, avec l'obligation d'une connaissance suffisante de la langue française. Le problème que nous avons à résoudre est le suivant : est-ce que cette mesure favorise l'intégration ? Je ne le crois pas !

Nous estimons au contraire que, sous couvert d'intégration, le Gouvernement va aggraver la précarité. En effet la carte de dix ans a été instaurée à l'unanimité, dans cette assemblée, en 1984, pour favoriser l'insertion des résidents au moyen d'un séjour stable et encourager la maîtrise de la langue française, car il faut du temps pour l'acquérir. Or précariser les résidents au motif de les intégrer est proprement illogique et grave du point de vue des conséquences sociales.

La carte d'un an constitue de fait un handicap très lourd pour l'insertion sociale et professionnelle. Vous connaissez bien ce type de problèmes, monsieur le ministre de la cohésion sociale ; je m'adresse à vous parce que vous venez de nous rejoindre. La carte d'un an suscite la défiance des employeurs en cas de recherche d'un emploi, des banquiers, lors de la demande d'un prêt immobilier, et des bailleurs. Le phénomène, tout le monde le sait, s'aggrave lorsque l'on s'approche de la date d'expiration, le titulaire pouvant être perçu comme quelqu'un ayant un titre de résident temporaire.

Elle nuit non seulement à la mobilité sociale, mais aussi à la mobilité géographique.

A ce propos je vous renvoie au rapport de la Cour des comptes qui fait apparaître une véritable ségrégation spatiale dans notre organisation sociale. Cela est vrai en région parisienne, mais c'est sans doute vrai aussi dans votre région du Nord, monsieur le ministre. Or avec la carte d'un an, il est très compliqué de changer de département. Le transfert des dossiers est long, les sources de complication administrative sont multiples. Dans les faits, il faut se présenter trois fois par an à la préfecture pour des démarches nécessitant au minimum une demi-journée : une première fois, pour renouveler le titre, une deuxième fois, pour obtenir un récépissé de trois mois, et une troisième fois, pour retirer la carte, qui n'est donc plus valable que neuf mois !

La mesure que nous proposons est de bon sens, monsieur le ministre, car élargir l'accès à la carte de dix ans vise à conforter l'insertion sociale et professionnelle. La multiplication des cartes d'un an, en lieu et place de la carte de dix ans, précarise, qu'on le veuille ou non, les détenteurs et handicape leur accès, notamment à l'emploi et au logement. Elle constitue une déstabilisation des étrangers régulièrement installés en France. Elle est nuisible aux intéressés comme à l'ensemble de la société d'accueil !


M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n°760.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, pour défendre l'amendement n° 784.

M. Jacques Brunhes. Il importe que les parents d'un enfant né et/ou scolarisé en France puissent subvenir à ses besoins et à son éducation par un travail régulier, ce qui suppose la régularité du séjour. Cet amendement propose donc que leur soit délivrée de plein droit une carte de séjour temporaire.

Son rejet signifierait soit que le Gouvernement entend expulser les enfants mineurs accompagnés de leurs parents, ce dont on ne peut le soupçonner - cela ne s'est d'ailleurs jamais produit jusqu'ici - soit que la majorité souhaite maintenir ces familles pendant des années dans la clandestinité.

Les mères d'enfants nés et/ou scolarisés en France ne sont expulsées qu'à de rares exceptions. En revanche, une violence considérable s'exerce avec l'expulsion des pères et la séparation dramatique des familles. Cet amendement permettrait de mettre fin aux cas aussi absurdes qu'intolérables de familles entières de sans-papiers durablement installées en France, élevant un ou plusieurs enfants mineurs. Or de telles situations, nées de la dérive répressive de la législation et de l'affaiblissement du droit du sol, ont tendance à se multiplier.

J'ajoute que cette proposition s'inscrit dans une logique de lutte contre la précarité. Elle faciliterait l'insertion des familles au travers d'un emploi et d'un logement décent ; elle favoriserait la réussite scolaire des enfants ayant vocation à résider en France ainsi que l'obtention de la nationalité française, dès l'adolescence, pour tous ceux qui sont nés en France. À ce titre, elle relève à l'évidence de la cohésion sociale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. La commission a rejeté cet amendement : il reviendrait à instaurer une quasi-automaticité de la délivrance des titres de séjour, puisque la scolarité est une obligation pour tous les enfants vivant sur notre territoire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Le Gouvernement est défavorable pour les mêmes raisons que celles qu'il a invoquées au sujet de l'amendement n° 760.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Madame la ministre, il est nécessaire de régulariser, car il s'agit d'un vrai problème de cohésion sociale. Dans un éclair de lucidité, M. Pasqua lui-même l'a admis. Il faut sortir de la confusion entretenue pendant des années entre, d'une part, la régularisation de sans-papiers vivant et travaillant en France et, d'autre part, l'entrée d'étrangers sur le territoire national. La régularisation ne consiste pas à introduire en France des personnes demeurant à l'étranger, mais bien à diminuer le nombre de personnes privées de tout droit au sein de notre société. Or la politique actuelle consiste à ne pas faire figurer dans les statistiques officielles ces habitants, qui sont et seront là, tout simplement parce que, dans un État de droit comme le nôtre, il est impossible d'exécuter dans des proportions significatives les mesures d'éloignement ou d'expulsion. Expulsables en droit, ces familles ne le sont pas dans les faits.

Tous ceux qui sont, comme moi, élus d'une circonscription populaire connaissent les effets néfastes de cette politique restrictive, irréaliste, inefficace, qui n'ont fait que s'aggraver depuis vingt ans, tant pour les intéressés que pour les quartiers qui les accueillent. Dans les quartiers populaires, des milliers d'hommes et de femmes déboutés du droit d'asile et leurs enfants nés ou scolarisés en France vivent ainsi privés de tout droit en matière de logement, de protection sociale ou de travail. De fait, ces quartiers sont les seuls à supporter les conséquences de l'hypocrisie sans nom de la non-politique d'immigration de notre pays. Il y a là matière à réflexion pour le ministère de la cohésion sociale.

M. Charles Cova. Avec l'immigration, il est certain qu'on a de quoi faire !

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Moi qui suis élu d'un département frontalier, je comprends la logique de M. Brunhes, pour qui le refus de la régularisation systématique constitue une erreur. Je me souviens des efforts consentis par M. Stoléru avant 1981 et après cette date, ainsi que des commissions mises en place pour régulariser les « personnes entrées irrégulièrement en France », selon la terminologie alors employée. J'y ai moi-même siégé et je peux vous assurer que si elles ont eu certes à examiner le cas de personnes entrées irrégulièrement sur notre territoire et y séjournant, elles ont également été saisies de cas de personnes résidant à l'étranger, qui ont profité de l'appel d'air ainsi créé pour venir dans notre pays en produisant de faux certificats.

Le problème est là. Nous sommes une terre d'accueil mais il nous faut aussi édicter des règles précises pour prendre en compte les personnes étrangères qui habitent notre pays, qui y sont venues régulièrement pour des motifs divers, économiques ou politiques. La France ne doit pas apparaître aux yeux du monde comme un pays où un accueil immédiat serait garanti. Nous avons des problèmes internes à résoudre et nous devons le faire tout en gardant un cœur.

M. Charles Cova. Très juste !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 784.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, pour présenter l'amendement n° 783.

M. Jacques Brunhes. Cet amendement vise à conforter l'insertion sociale et professionnelle grâce à un accès facilité à la carte de dix ans.

Pour revenir à l'intervention de M. Jacquat, je veux souligner que ses propos me paraissent irréalistes. Il appelle de ses vœux des règles précises alors que, par définition, les sans-papiers sont confrontés à une absence de règles. Ils sont dans une situation de non-droit. Les dispositions que nous préconisons sont destinées aux étrangers qui séjournent sur notre territoire et pas à ceux qui seraient susceptibles d'y venir.

Par hypocrisie, en haut lieu, on tente de masquer la situation de centaines de milliers de personnes sans droits. Il est certain que ce ne sont pas les élus de Neuilly qui ont à supporter ce type de problèmes, mais bien ceux de territoires marqués par la ségrégation sociale et spatiale. C'est toujours la même chose en France : la question de la cohésion sociale n'est pas traitée jusqu'au bout car on ne veut pas résoudre le problème des sans-papiers.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Monsieur Brunhes, je ne peux pas vous laisser tenir de tels propos sans réagir.

Un travail humain important est accompli en direction des personnes qui arrivent sur le territoire français. Il se fait dans des conditions difficiles car, en ce domaine, l'héritage est lourd à assumer. Et je parle des vingt dernières années car je ne veux pas me lancer dans une polémique sur ce sujet.

M. Jacques Brunhes. J'ai moi-même dit : « depuis vingt ans ».

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Aujourd'hui, tous les moyens sont mis en œuvre, ne serait-ce qu'en termes de délais de traitement des dossiers. Vous n'êtes pas sans savoir que, grâce aux personnels que nous avons mis à la disposition de l'OFPRA, les délais se situent désormais entre deux mois et demi à quatre mois. Le Gouvernement vient également d'accorder d'importants moyens en personnel à la commission de recours des réfugiés et nous estimons que, en ramenant les délais de traitement de dix-huit ou vingt-deux mois à trois mois, nous réglerons mieux les problèmes humains, ce qui évitera de pérenniser des situations de non-droit sur notre territoire.

M. le président. Vous êtes donc défavorable à l'amendement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'avis de la commission est également défavorable ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Absolument.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Monsieur le président, on ne peut pas continuer comme ça !

M. le président. Madame la rapporteure, vous êtes chargée de représenter la commission, moi, de présider la séance. D'après le règlement, le président a la faculté de donner la parole à un orateur pour répondre au ministre comme au rapporteur, avec une intervention pour et une intervention contre.

En toute courtoisie, je vous fais d'ailleurs remarquer que, depuis le début de la journée, les dépassements de temps de parole ont été plutôt le fait d'orateurs de la majorité que de l'opposition.

Vous avez la parole, monsieur Brunhes.

Mme Christiane Taubira. Voilà qui est faire preuve d'équité !

M. Jacques Brunhes. Madame la ministre, la régularisation d'un habitant est une mesure d'intérêt général. Pourquoi nos voisins espagnols s'engagent-ils dans une régularisation massive ? Pourquoi l'Italie et la Belgique, y ont-elles déjà procédé ?

M. Denis Jacquat. La Belgique vient de modifier sa position.

M. Jacques Brunhes. Nous avons pris du retard. Réfléchissons à une solution d'intérêt général.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 783.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 61

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscxrits sur l'article 61.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Avec la création du contrat d'accueil et d'intégration, le Gouvernement fait une tentative importante. Toutefois j'ai l'impression qu'il existe une ligne de fracture en son sein : d'un côté, les réalistes et les pragmatistes, qui souhaitent mettre en place des outils de maîtrise et d'intégration comme le CAI ; de l'autre, les idéologues, plus extrémistes, qui voient dans chaque étranger un fraudeur en puissance ou un profiteur de toutes nos prestations sociales.

M. Charles Cova. Il faut reconnaître que c'est souvent le cas.

M. Serge Blisko. L'immigration renvoie à un problème humain avec toutes les familles étrangères ou d'origine étrangère en difficulté mais aussi à un problème économique. Nous avons besoin de main-d'œuvre étrangère. On le voit bien avec les infirmières espagnoles dans les hôpitaux. Certains secteurs, du fait des évolutions démographiques et du système éducatif, sont confrontés à de véritables pénuries.

M. Charles Cova. Les étrangers qui viennent en France ne sont pas forcément diplômés.

M. le président. Ne ralentissez pas le débat, monsieur Cova !

M. Serge Blisko. Cher collègue, ce sont les organisations patronales elles-mêmes qui tirent la sonnette d'alarme.

En tant que parlementaires, nous devons faire en sorte que l'intégration de ceux qui viennent dans notre pays se fasse dans les meilleures conditions. Élu de la région parisienne, comme Pierre Cardo, je reconnais avec lui que nous ne maîtrisons plus rien dans certains domaines et notre maîtrise doit être humaniste. Le contrat d'accueil et d'intégration doit être absolument propulsé. Encore faut-il l'améliorer. Pour ce faire, j'espère que vous écouterez les conseils de l'opposition.

On ne peut pas proposer un CAI à tout le monde. Peut-être aurait-il fallu tout mettre à plat et commencer à rebâtir le droit concernant les étrangers, car on a beaucoup de mal aujourd'hui, chaque gouvernement ajoutant quelque chose, à lire des textes qui s'empilent.

Les catégories d'étrangers qui bénéficient de plein droit d'une carte de résident ne peuvent pas bénéficier d'un CAI qui lui-même conditionne l'obtention de la carte. Il s'agit, selon l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, de « l'étranger marié depuis au moins deux ans avec un ressortissant de nationalité française » - on pourrait lui proposer un CAI facultatif, mais ce serait paradoxal -, de « l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française » - le cas de figure est moins fréquent que le précédent, mais il peut exister - ou encore de « l'étranger qui a servi dans la Légion étrangère ». Vous n'allez pas demander à un étranger qui a passé quinze ans au moins à défendre la France et qui a donné un bras ou une jambe pour la France de bien parler le français. D'ailleurs, souvent, il le parle de façon épouvantable.

Il s'agit encore de « l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié ainsi que son conjoint et ses enfants mineurs ». Il y a des réfugiés qui sont en France depuis trente ans et qui savent se débrouiller pour demander comment prendre le bus mais qui espèrent retourner dans leur pays dès qu'il sera redevenu libre et démocratique.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Blisko !

M. Serge Blisko. En conclusion, le CAI doit être repensé, et je ferai des propositions pour qu'il ait une valeur solennelle. La Constitution reconnaît la convention de Genève. Il serait donc grave d'obliger un réfugié à partir parce qu'il ne parle pas bien le français.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Mon intervention ira quelque peu dans le même sens que celle de M. Blisko.

On aurait pu espérer que le xxie siècle soit un siècle sans guerres, sans famines et sans dictatures. Malheureusement, il n'a pas commencé sous ce signe-là et on ne peut qu'être inquiet pour la suite.

Les flux migratoires existeront toujours. Il y aura toujours des personnes qui viendront demander l'asile politique parce que ce sera pour elles la seule solution pour parvenir à une vie meilleure. Du reste, ceux qui viennent chercher du travail et une vie meilleure sont souvent les plus dynamiques...

M. Serge Blisko. Eh oui !

Mme Martine Billard. ...ce qui, du coup, appauvrit leur pays d'origine.

On pourra toujours essayer de dresser des murailles autour de notre pays ou de l'Europe, il y aura toujours des portes qui s'ouvriront.

Comment faire pour accueillir au mieux ces populations et les intégrer ? Je maintiens que ce texte comporte une ambiguïté puisqu'il n'opère pas de distinction entre les primo-arrivants et les étrangers qui sont déjà sur le territoire.

Il faut certes développer la connaissance de la langue française car cela leur permet de s'insérer dans notre pays. Mais, on ne le propose que dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration. Rien n'est prévu pour ceux qui sont déjà en France, alors que les crédits d'alphabétisation ont été réduits de manière drastique depuis deux ans. Il faut donc continuer à alphabétiser les populations qui en ont besoin, et pas uniquement les primo arrivants.

Ensuite, je considère que la notion de « tout étranger » est floue.

Par ailleurs, madame la ministre, nous aurions souhaité avoir un bilan de l'expérience des CAI qui semble soulever de nombreux problèmes. D'abord, les différences linguistiques et culturelles ne sont pas prises en compte car une personne déjà alphabétisée dans sa langue apprendra peut-être plus facilement le français qu'une personne analphabète dans sa langue et qui s'exprime, qui plus est, dans une langue mineure par rapport à la langue officielle du pays d'origine. Le besoin en termes de formation ne sera donc pas le même. Or la durée de formation est standard, ce qui est déjà en soi une absurdité, et la formation elle-même tend à le devenir puisque le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations passe dorénavant des marchés. Auparavant, les associations avaient une très grande expérience de l'enseignement du français à des populations immigrées et tentaient de leur apprendre, outre le b a ba, la façon de vivre en France.

Faut-il absolument apprendre le français pour travailler en France ? Je rappelle que des centaines de milliers d'immigrés sont venus travailler dans nos usines, ont construit nos maisons, nos palais et nos automobiles sans parler le français. À l'époque, on avait absolument besoin de travailleurs et on ne s'est pas posé la question. Il serait donc bon de faire preuve d'un peu de souplesse sur ce sujet, d'autant qu'on est en train d'assimiler les conditions à remplir pour venir travailler en France ou pour un premier accueil en France aux conditions d'acquisition de la nationalité. Ce sont pourtant deux choses différentes. Autant, pour être français, il faut parler le français, ou en tout cas en avoir une maîtrise suffisante, autant la nécessité de compréhension de la langue peut être différente selon l'emploi.

Enfin, du point de vue de la cohésion sociale, nous avons surtout besoin que les populations déjà présentes en France maîtrisent le français. Je rejoins M. Cardo sur le problème des femmes qui sont souvent opprimées. On parle de « respect des lois et des valeurs fondamentales de la République française », mais quand on commence à glisser sur « l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française », je me demande pourquoi on a modifié la première formule qui me convenait très bien.

M. le président. Veuillez conclure, madame Billard.

Mme Martine Billard. Je conclus, monsieur le président.

Il faudrait aussi, monsieur le ministre, régler le problème des stages d'apprentissage auxquels ne peuvent accéder les jeunes qui n'ont pas la carte de séjour de dix ans.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements suppression, nos 393 et 761.

Madame Billard, puis-je considérer que vous avez défendu l'amendement n° 393 ?

Mme Martine Billard. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M.  Jacques Brunhes, pour soutenir l'amendement n° 761.

M. Jacques Brunhes. J'ai déjà indiqué à plusieurs reprises que la carte de séjour de dix ans est le facteur déterminant de la bonne insertion et je n'y reviendrai pas.

Conditionner la stabilité du séjour aux résultats obtenus en termes d'insertion revient à déstabiliser des milliers d'étrangers et leurs familles en situation régulière.

On a évoqué les problèmes de la langue. J'ai assuré, pendant de nombreuses années, des cours du soir de français aux travailleurs immigrés des usines Chausson, General Motors ou Thomson de Gennevilliers. Je connais donc les difficultés d'apprentissage de la langue quand on fait les trois-huit et que l'on vit dans un gourbi. Alors que des efforts sont accomplis par ces immigrés eux-mêmes, ce n'est pas une bonne chose que de conditionner les résultats de l'insertion à la stabilité de leur situation en France.

Par ailleurs, nous sommes opposés à l'élaboration d'un programme régional d'intégration des étrangers qui soulève nombre de questions. Quelle autonomie doit être accordée aux régions ? Quid de l'égalité de traitement des étrangers sur l'ensemble du territoire ? S'agit-il, madame la ministre, d'un premier pas vers le désengagement de l'État du service public de l'accueil des étrangers ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. La commission a repoussé ces amendements.

Le contrat d'accueil et d'intégration vise à offrir des facilités aux étrangers venant sur notre territoire national, pour s'insérer par la connaissance de notre langue et l'apprentissage d'éléments d'instruction civique.

À celles et ceux qui se sont plaints de ne pas avoir de statistiques, je répondrai que les CAI ont été lancés dans douze départements. En 2003 déjà, plus de 8 000 contrats étaient signés. La généralisation a été entreprise en 2004 avec un passage à 45 000 nouveaux contrats. En 2005, tous les nouveaux arrivants bénéficieront d'un CAI, soit 100 000 personnes.

J'indique à celles et ceux qui souhaiteraient disposer d'un premier bilan qu'il leur suffit de se rapprocher de l'Office des migrations internationales.

En outre, je rappelle qu'il est rare qu'on émigre de gaîté de cœur. Certes, le cas peut se produire, mais le plus souvent ces populations arrivent parce qu'elles ont été privées, sur leur territoire, de liberté, de travail, de soins, ou encore chassées.

Notre modèle d'intégration républicaine exige un minimum de connaissance de nos rouages, tant dans le domaine de la langue que de l'éducation civique.

Mieux vaut, pour un instituteur, un professeur ou un directeur d'école, avoir affaire à des parents qui parlent un tant soit peu le français que de devoir apprendre les rudiments d'une langue étrangère. C'est pourtant ce qui se produit, du côté du boulevard Bessières, dans le xviie arrondissement où une directrice d'école apprend les rudiments d'une langue étrangère pour pouvoir communiquer avec les parents d'un enfant scolarisé.

M. Jacques Brunhes. Dans le xviie arrondissement, ce sont les enfants des diplomates !

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Je vous emmènerai boulevard Bessières qui se trouve entre la Porte de Clichy et la Porte de Saint-Ouen et vous verrez !

Si l'on veut voir l'enfant s'intégrer correctement dans notre société, ce que l'on souhaite, il faut pouvoir proposer à ses parents de s'intégrer.

M. Denis Jacquat et M. Alain Joyandet. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. En tant qu'ancien maire et désormais premier adjoint au maire d'une commune du Val d'Oise, je souscris tout à fait au propos de Mme la rapporteure, car je suis confrontée moi aussi à ces difficultés, comme vous-même, monsieur le député.

Nous devons en tous les cas insister sur le fait qu'un apprentissage minimal de la langue française est essentiel.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous sommes d'accord !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Nous n'aurons donc plus a débattre sur ce sujet au moins !

J'observe, monsieur le député Blisko - mais j'en étais déjà convaincu - que vous reconnaissez tout l'intérêt du CAI. Nous apprécierons au fur et à mesure de leur examen l'intérêt de chaque amendement, et ce que nous pourrons en retenir.

Je reconnais que ce dispositif aurait dû être décidé depuis longtemps, quelles que soient les majorités, car il est nécessaire. Aujourd'hui, nous devons être d'autant plus fiers de cette initiative qu'elle suscite chez nos voisins européens un vif intérêt.

En ce qui concerne l'accueil des étrangers au titre du travail, notre proposition est, vous le savez, prudente et pragmatique, car notre pays offre une ressource de travail particulièrement importante.

Nous ne pouvons qu'accueillir favorablement toute amélioration du dispositif, mais on ne l'améliorera pas en en excluant des étrangers qui ont vocation à s'installer durablement dans notre pays. Je citerai l'exemple des réfugiés : pourquoi ne leur offrirait-on pas à eux aussi une formation linguistique ?

Mme Martine Billard. C'est déjà le cas !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Je crois, madame Billard, que personne ne peut défendre la situation que nous avons connue pendant des décennies, à savoir le recours massif dans nos entreprises à la main-d'œuvre étrangère, sans se préoccuper de l'acquisition de notre langue. Sans vouloir reprendre le débat, je répète que la langue constitue à l'évidence la base de l'intégration. Je considère pour ma part toute autre position comme insoutenable.

Je voudrais, si vous me le permettez, monsieur le président, répondre plus précisément aux amendements, et d'abord à l'amendement n° 393. Le risque de confusion que vous évoquez, madame Billard, prévalait surtout dans l'état du droit antérieur, lorsque l'accueil avait pour seul objet la délivrance du titre de séjour, sans qu'il n'y ait d'approche sociale systématique. Ce n'est plus le cas aujourd'hui grâce à la création de l'ANAEM : elle met fin à cette confusion, en permettant une articulation claire entre la délivrance des titres de séjour et la mise en place d'un accueil social individualisé, ce qui est le premier temps d'un parcours d'intégration.

Je n'irai pas jusqu'à qualifier votre « accusation » de procès d'intention ; je pense du moins que chacun reconnaît le travail remarquable accompli par les équipes sociales sur le terrain, en tous les domaines, notamment en matière d'accueil et de soutien aux étrangers primo- arrivants.

J'ajoute que le rapport de novembre 2001 du Haut Conseil à l'intégration - où j'ai siégé longtemps - préconisait la création d'un contrat individuel d'intégration. En outre la Cour des comptes a recommandé le mois dernier, dans un rapport spécifique, de donner des effets juridiques à ce contrat, notamment en ce qui concerne l'attribution de la carte de résident. C'est ce que propose aujourd'hui le Gouvernement.

Nous ne voulons pas, monsieur Brunhes, pour les raisons déjà énoncées, revenir sur les dispositions opportunes de la loi du 26 novembre 2003 quant aux conditions d'attribution de la carte de résident. La liaison faite entre les conditions d'intégration républicaine, qui figurent dans cette loi, et le contrat d'accueil et d'intégration que nous créons aujourd'hui n'a pas pour effet de déstabiliser les étrangers qui sont dans un projet d'installation durable ; au contraire, cette disposition les incitera à souscrire au contrat, dans leur intérêt, pour les introduire au plus tôt et au plus près dans un parcours d'intégration.

J'ai déjà dit pourquoi l'élaboration des PRIPI n'a rien à voir avec un désengagement de l'État, mais vise au contraire à garantir que la politique d'intégration refondée aujourd'hui par l'État sera effectivement déclinée sur tous les territoires.

Pour ces raisons, monsieur le président, le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.

M. le président. Par indulgence spéciale, et sur intervention du président de l'Assemblée, je vous donne la parole quelques instants, monsieur Cardo, mais pas davantage !

M. Pierre Cardo. On est en droit d'attendre certaines choses de ceux qui souhaitent s'intégrer, notamment un minimum de connaissances. Il s'agit d'inscrire dans la loi une obligation de moyens, plutôt que de de résultats. Si je peux me permettre de donner un petit conseil au Gouvernement, le troisième paragraphe de l'article devrait prévoir une application modulée de la loi en ce qui concerne le niveau de connaissance attendu, notamment en français. On sait en effet que certains arrivent dans notre pays à un âge et avec un niveau de culture d'origine tels qu'ils ne peuvent plus acquérir le français. Afin que l'application de cette loi traduise effectivement notre volonté d'apporter quelque chose, nous devons prendre en compte aussi les capacités qui sont connues, ou plus exactement les incapacités physiologiques, qui font qu'il y a des personnalités, en fonction de leurs origines, de leur âge et de leur niveau de culture de base, qui ne peuvent plus acquérir une nouvelle langue. Voilà pourquoi le Gouvernement doit prendre des précautions lors de l'application de cette loi s'il veut éviter de créer des injustices au détriment de populations déjà en difficulté.

M. le président. Nous en venons au vote sur les amendements.

M. Jacques Brunhes. Le Gouvernement doit répondre à M. Cardo ! C'est une question de fond !

M. le président. Non, monsieur Bruhnes ! Sinon je me fais gronder par la majorité, par le rapporteur, par le Gouvernement, par tout le monde !

M. Serge Blisko. Pas par nous !

Mme Christiane Taubira. On vous soutiendra !

M. le président. Pardonnez-moi, mais il vous arrive de me gronder vous aussi ! Et je pense que tout le monde a pu raisonnablement s'exprimer.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 393 et 761.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1023.

La parole est à Mme la ministre pour le soutenir.

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Il s'agit de tenir compte du fait que cette nouvelle politique d'intégration s'adresse aux primo- arrivants et aux résidents.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission, mais j'y suis favorable à titre personnel.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. J'aimerais qu'on m'explique ce qu'est une personne « issue de l'immigration ». Cette formule désigne-t-elle une personne qui n'est pas née en France, ou quelqu'un dont les parents ne sont pas nés en France ? S'agira-t-il de quelqu'un issu de l'immigration en provenance de pays voisins qui ne sont pas membres de l'Union européenne, comme la Suisse ?

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oui !

Mme Martine Billard. J'aimerais qu'on m'explique si, en tant que petite-fille de Polonais, je suis issue de l'immigration ?

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oui !

Mme Martine Billard. Dans ce cas, il faudra s'occuper de l'intégration de toutes ces personnes : ça va représenter un travail considérable !

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Sans vouloir allonger nos débats, madame et monsieur le ministre, je regrette que vous n'ayez pas écouté M. Cardo, car il posait une vraie question.

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Mais si je l'ai écouté !

M. Jacques Brunhes. Il voulait en effet préciser que la loi ne devait pas imposer une obligation de résultat, mais qu'il s'agissait d'être attentif aux moyens de faciliter l'apprentissage de la langue. Ce problème est vieux comme...

M. le président. Hérode, qui était issu de l'immigration !

M. Jacques Brunhes.... l'immigration en France. Ainsi certains citoyens issus de l'immigration italienne, qui travaillaient dans les houillères de l'Est, parlaient à peine le français.

Si je reviens sur ce débat, monsieur le président, c'est que vous ne m'avez pas donné la parole tout à l'heure. Mais il faut bien que nous réglions ce type de problème.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1023.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 729.

La parole est à M. Alain Joyander, pour le soutenir.

M. Alain Joyandet. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Il est défavorable, l'amendement étant satisfait par l'amendement n° 1024 du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 729.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 937.

La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.

M. Serge Blisko. La loi doit préciser que les étrangers bénéficiant de plein droit de la carte de résident sont exclus du contrat d'accueil et d'intégration. En effet ces personnes sont déjà dans un processus d'intégration « administratif », comme dirait M. Brunhes. Et on voudrait tout à coup interrompre ce processus en lui imposant le CAI !

Je pense que le CAI doit s'adresser d'abord aux primo arrivants réguliers, et ensuite à certaines catégories, sur la base du volontariat éventuellement, mais avec une incitation forte : je pense notamment aux personnes arrivées en France dans le cadre du regroupement familial.

Vous n'avez pas répondu à ma question à propos du légionnaire, mais je reviens à ce que disait M. Cardo : cela n'a pas de sens de proposer un tel contrat à quelqu'un qui bénéficie déjà de la carte de résident, ou à un réfugié statutaire - ce dernier cas poserait en plus un problème constitutionnel : va-t-on lui dire que s'il ne s'intègre pas, il n'est plus protégé par la convention de Genève ?

C'est pourquoi, madame la ministre, je vous demande de réexaminer les conditions dans lesquelles ce CAI sera proposé, et je vous mets en garde contre le risque de contentieux qu'ouvrirait un tel texte, s'il était adopté en l'état. Personne ne souhaite une explosion du contentieux du droit des étrangers, alors qu'il mobilise déjà les tribunaux par son extrême complexité, tant du point de vue du droit administratif que du droit civil, voire du droit pénal en cas d'infraction à la législation sur les étrangers. Or ce nouvel outil, qui devrait être positif, risque d'aggraver encore l'engorgement actuel des tribunaux, dans une sorte de course folle vers le contentieux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Défavorable. C'est justement toute la philosophie de ce contrat que de le généraliser progressivement à tous les étrangers.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. C'est un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 937.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 279.

La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.

M. Serge Blisko. J'espère que cet amendement, qui traite d'une question beaucoup moins grave, contribuera à détendre l'atmosphère !

M. le président. Je vous remercie, monsieur Blisko.

M. Serge Blisko. Puisque le CAI est destiné à des gens qui ne parlent pas le français, il faudrait le proposer dans une langue qu'ils comprennent ! On ne voit pas sinon comment ces personnes pourraient signer un tel contrat. Cet amendement propose donc qu'on prévoie une traduction de ce CAI, afin de le rendre compréhensible.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. La commission avait émis un avis défavorable. J'entends bien cependant votre préoccupation, monsieur Blisko et, à titre personnel, je suis pour une fois bien d'accord avec vous.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Nous sommes favorables à cette suggestion de bon sens, d'autant que nous y avions nous-même pensé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 279.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 281.

La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.

M. Serge Blisko. Je serai rapide là encore, car il me semble que Mme Olin a déjà répondu par avance à cet amendement. Mais nous n'avons pas bien compris - mais ça peut s'améliorer ! - si les PRIPI permettront une égalité de traitement dans le cadre du CAI. Ne croyez pas que mes propos visent quelque grande île méditerranéenne qui fait encore partie de notre territoire ! Je voudrais simplement être sûr que ces programmes d'action ne varient pas selon chaque région.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. À partir du moment où il y a un service public de l'accueil, le principe d'égalité de traitement est garanti. Voilà pourquoi la commission a repoussé cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Je retire mon amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Je reprends l'amendement n° 281, car vous n'avez pas répondu à la question de fond qu'il pose ! Allons-nous avoir des programmes régionaux, ou y aura-t-il une politique nationale avec des applications régionales ? Nous avons besoin d'une réponse, qui doit venir du ministre, et non du rapporteur.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Monsieur le député, vous m'avez mal compris : c'est un programme national décliné région par région.

M. Jacques Brunhes. D'accord.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 281.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1024.

La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Il est proposé d'introduire dans la loi le principe d'une sanction de la formation linguistique par une certification nationale. Il est utile de consacrer dans la loi cette certification nationale, garantie pour les étrangers de la reconnaissance d'une compétence essentielle.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. Mais, à titre personnel, j'émets un avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Mieux vaudrait utiliser la validation des acquis plutôt qu'une certification nationale. Je suis inquiète parce que, entre une personne qui n'a pas été scolarisée dans son pays, et une autre qui y a fait des études supérieures, le niveau est tellement différent à leur arrivée en France que, bien évidemment, le résultat ne sera pas le même. Si, en plus, la certification nationale comporte de l'écrit, pour des personnes analphabètes au départ et à qui on propose en tout et pour tout 600 heures, c'est infaisable ! Je préférerais que le Gouvernement retire son amendement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Le retirer, c'est non. Par contre, changer la certification nationale par la validation des acquis nous mettrait d'accord, madame Billard.

M. Jacques Brunhes et Mme Martine Billard. Amendement ainsi rectifié : « validation des acquis » !

M. le président. Madame la ministre, rectifiez-vous votre amendement ou prenez-vous un engagement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Nous rectifions notre amendement et proposons de remplacer les mots : « certification nationale » par « validation des acquis ».

M. le président. L'amendement est ainsi rectifié. Il a été approuvé par Mme la rapporteure.

M. Jacques Brunhes et Mme Martine Billard. Très bien !

M. Jacques Brunhes. Bravo, madame Billard !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1024 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 280.

La parole est M. Serge Blisko, pour le soutenir.

M. Serge Blisko. Quand j'ai rédigé cet amendement avec mes collègues Caresche et Gorce, nous avons procédé par analogie avec la fameuse journée APD - appel de préparation à la défense - qui remplace le service militaire pour les jeunes. Dans ce contrat d'accueil et d'intégration, vous avez prévu une journée dite de « formation civique ». C'est très bien. Chacun voit qu'il n'y a pas à prendre en compte que la maîtrise de la langue, mais également la connaissance de nos institutions : non seulement le fonctionnement des pouvoirs publics, mais aussi, comme le disait M. Cardo, les organismes d'aide et les associations - je pense, par exemple, à celles qui aident les femmes en difficulté. Il faut accorder à cela une très grande valeur. Et je suis conscient des difficultés dont a parlé Mme Billard. Nous devons travailler vraiment sur cette journée de formation civique. Il faut lui donner une solennité et une grande neutralité.

L'amendement propose que seul l'État ou un de ses établissements publics administratifs puisse assurer une action visant à faire connaître aux nouveaux arrivants les valeurs et les principes fondamentaux de la République française en les informant sur le fonctionnement institutionnel et administratif de la France. Cela peut passer par les mairies, par les préfectures - c'est à discuter -, mais il est nécessaire de donner à cette journée un cadre solennel et égal dans tous les départements, pour qu'elle soit la plus utile possible. Je suis prêt à y participer en tant qu'élu d'une mairie d'arrondissement. Peut-être que ça peut passer également par les tribunaux d'instance, mais ceux-ci sont souvent débordés par les tâches quotidiennes. Cette journée ne doit pas simplement consister en un cours ou quelques fiches à réviser, mais être un moment fort de l'intégration républicaine.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Cet amendement a été repoussé par la commission. L'État a, d'ores et déjà, passer, avec des organismes de formation, des marchés avec un cahier des charges et un guide très précis, qui présentent toutes les garanties. Il est normal que ces tâches soient confiées à des spécialistes de la formation. Et l'adoption de cet amendement irait à l'encontre des conventions qui ont été passées.

Par ailleurs, il ne faut pas craindre une remise en cause des prérogatives de l'État dans ce domaine. En tout état de cause, il convient de donner toute son importance à cette journée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 280.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 394.

Mme Martine Billard. Défendu !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 394.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 947 rectifié.

La parole est à M. Pierre Cardo, pour le soutenir.

M. Pierre Cardo. La loi n'a pas à préciser les éléments d'appréciation que doit prendre en compte l'autorité qu'elle a habilitée à évaluer, mais elle a pour objet de préciser l'obligation de moyens. La rédaction actuelle du projet de loi ne donne pas l'impression que l'intégration est conditionnée au fait que la personne va effectivement signer et respecter le contrat. Pour moi, signer et respecter le contrat signifie qu'il y a une obligation de rentrer dans la dynamique d'intégration en tentant d'apprendre le français. Par contre, il serait dangereux de préciser qu'il y a un résultat au bout et que la personne concernée devra parfaitement maîtriser le français à l'arrivée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. La commission a donné un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Je suis un peu ennuyée, car si je partage, bien sûr, l'analyse et les objectifs de M. Cardo, je souligne cependant que le contrat d'accueil et d'intégration va connaître une montée en charge extrêmement importante pour pouvoir être proposé à l'ensemble des nouveaux immigrés arrivant en France à compter de 2006. Il serait donc prématuré de prévoir, dès à présent, son caractère obligatoire pour la délivrance de la carte de résident. Pour cette seule et unique raison, je vous saurais gré de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Cardo.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Je suis d'accord pour retirer mon amendement. Mais je tiens à rappeler notre rôle dans cet hémicycle. Le Gouvernement a pris le temps qu'il lui fallait pour exposer sa position sur ce texte complexe et, pour le moins, hétérogène.

Mme Martine Billard et M. Serge Blisko. Là, on est d'accord !

M. Pierre Cardo. L'opposition a eu le temps de s'exprimer largement sur ce texte, pour éviter qu'elle adopte une attitude de blocage systématique. Je pense que ça ne se passe pas trop mal. La majorité, quant à elle, a évité d'intervenir systématiquement sur chaque article, sur chaque amendement, pour ne pas encombrer le débat. Je souhaite simplement que l'on respecte le rôle de chaque député. Si je suis là et si je compte rester jusqu'au bout alors que je n'y suis pas obligé, c'est parce que ce projet m'intéresse et que j'estime qu'il peut être amélioré sur certains points.

Mme Christiane Taubira. C'est notre rôle !

M. Pierre Cardo. Et je n'accepte pas qu'on m'explique à longueur de temps qu'il faut que je raccourcisse mes interventions, voire que j'y renonce. Je le dis après des remarques qui m'ont été faites depuis le début de l'examen de ce texte, et qui me rappellent notre débat de l'année dernière, sur un texte similaire, monsieur le président. Rappelez-vous comment cela s'était terminé : vous aviez été obligé d'interrompre la séance en pleine nuit, pour calmer le débat. Je suis prêt à éviter qu'on perde du temps, à une condition : qu'on nous respecte tous.

Mme Christiane Taubira. C'est une belle défense du Parlement, monsieur Cardo !

M. Pierre Cardo. J'insiste en tout cas pour que l'on distingue bien l'obligation de moyens de l'obligation de résultat. Sinon, il y a des gens qui ne pourront pas rentrer dans le cadre du CAI.

M. Jacques Brunhes. Ça, c'est vrai !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Monsieur Cardo, je prends acte de ce que vous venez de demander et le Gouvernement s'y engage.

M. le président. L'amendement n° 947 rectifié est retiré.

Monsieur Cardo, depuis le début de l'examen de ce texte, les présidents de séance ont eu à cœur que chacun puisse s'exprimer et que même des amendements retirés puissent être défendus.

M. Pierre Cardo. Je ne vous adressais pas de reproche !

M. le président. Le président de séance applique le règlement. Il lui arrive quelquefois d'être critiqué, d'un côté parce qu'on le trouve partial et, de l'autre, parce qu'on le trouve laxiste.

M. Serge Blisko. C'est bon signe !

M. le président. Au total, cela veut dire que la ligne suivie est médiane.

Je suis saisi d'un amendement n° 730.

La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. Le souci de M. Jego, dans ses amendements 729, 730 et 731, était que l'on puisse aller plus loin que le certificat d'autonomie linguistique, en y ajoutant la notion de citoyenneté. Il se réjouit de l'initiative prise par le Gouvernement.

Je retire donc l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 730 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 430.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 430.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, et j'en suis désolé, les amendements n°s 929 de Mme de Panafieu, 431 de Mme Billard et 198 de la commission tombent.

Mme Muguette Jacquaint. N'en soyez pas désolé, monsieur le président !

M. le président. Ce qui me désole, ce n'est pas le résultat du vote, c'est que les parlementaires de la majorité ne fassent pas leur travail - lever la main - quand je fais le mien en leur demandant de voter !

Je mets aux voix l'article 61, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 61, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 61

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 948 rectifié, tendant à insérer un article additionnel après l'article 61.

La parole est à M. Pierre Cardo, pour le soutenir.

M. Pierre Cardo. Je retire l'amendement n° 948 rectifié, compte tenu de ce qui a été dit à propos de celui que j'ai défendu précédemment.

M. le président. L'amendement n° 948 rectifié est retiré.

Article 62

M. le président. Sur l'article 62, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. J'y renonce, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Nous souhaitons que les personnes qui viennent dans notre pays puissent avoir une activité salariée durable. Or nous estimons que, pour cela, on doit les aider à avoir une connaissance suffisante de la langue française, ce qui est l'objet, précisément de l'article 62.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. J'y renonce, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je défendrai en même temps mon amendement de suppression.

L'article 62, qui porte sur le code du travail, est en contradiction avec les traités internationaux ratifiés par la France, qui n'obligent pas à parler le français pour être salarié. En outre, il crée une discrimination entre les travailleurs en provenance des pays de l'Union et les autres, ainsi qu'une discrimination entre les catégories de travailleurs, puisque ne sont visés que les salariés relevant du code du travail et que ne seront pas soumis à cette obligation les professions libérales, les professions indépendantes, les chefs d'entreprise, les agriculteurs, etc.

Cet article est donc, à mes yeux, irrecevable.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 395 et 762, tendant à supprimer l'article 62.

Mme Billard a défendu l'amendement n° 395.

La parole est à M. Jacques Bruhnes, pour soutenir l'amendement n° 762.

M. Jacques Brunhes. Nous avons déjà débattu plusieurs fois de ce problème. Je me demande, madame la ministre, ce qui motive cette nouvelle exigence, d'autant que le projet de loi ne prévoit pas que cette condition soit opposable aux employeurs étrangers, aux travailleurs indépendants, ni aux ressortissants communautaires.

Par ailleurs, Mme Billard a raison, en tout état de cause, les discriminations dans l'accès au travail en raison de la langue sont expressément prohibées par les traités internationaux ratifiés par la France, notamment la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen, en ses articles 2 et 23, et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, conclu sous l'égide de l'ONU, en ses articles 2-2 et 6.

Enfin, on notera que, jusqu'à présent, la maîtrise de la langue française n'était une condition que pour la naturalisation. Avec ce projet, la voici promue au rang de critère d'éligibilité à la résidence en France et au droit d'occuper un emploi salarié dans notre pays.

Je le répète encore une fois : sous couvert d'intégration, on exclut et on précarise !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements de suppression ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Pour toutes les raisons déjà invoquées, la commission a rejeté ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Le Gouvernement est, bien sûr, défavorable à ces amendements.

Les auteurs des amendements ont mal lu l'article, qui prévoit que l'étranger qui ne pourrait attester d'une connaissance suffisante de la langue française doit prendre l'engagement de l'acquérir après son installation en France. L'obtention du permis de travail n'est donc pas subordonnée à la justification d'une connaissance de notre langue.

En outre, cette exigence doit être appréciée au regard des nouvelles dispositions qui sont introduites dans le code du travail par la loi du 4 mai 2004, aux termes de laquelle l'apprentissage de la langue figure désormais parmi les types d'action de formation entrant dans le champ de la formation continue. Il doit être, à ce titre, pris en compte par les plans de formation des entreprises et par les organismes paritaires collecteurs agréés des branches professionnelles.

Au surplus, cette situation traduit la volonté du Gouvernement de ne pas reproduire la situation dont nous avons hérité depuis des années avec l'arrivée en nombre de travailleurs ne maîtrisant pas la langue française et dont la capacité et l'autonomie d'action, indispensables dans le travail comme dans la vie quotidienne, ont ainsi été durablement limitées.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 395 et 762.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 731 et 1025 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Alain Joyandet, pour soutenir l'amendement n° 731.

M. Alain Joyandet. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour défendre l'amendement n° 1025 rectifié, et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 731.

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Cette nouvelle rédaction est cohérente avec l'amendement précédent du Gouvernement, étant entendu qu'il a été rectifié de la même manière : la connaissance de la langue est « sanctionnée par une validation des acquis ».

Quant à l'amendement n° 731, il est satisfait par l'amendement du Gouvernement. Donc, avis défavorable.

M. Alain Joyandet. Je le retire.

M. le président. L'amendement n° 731 est retiré.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 1025 rectifié ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. L'amendement n° 1025 rectifié n'a pas été examiné par la commission. J'y suis favorable à titre personnel.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1025 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 62, modifié par l'amendement n° 1025 rectifié.

(L'article 62, ainsi modifié, est adopté.)

Article 63

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 63.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Nous ne pouvons être satisfaits de la façon dont le FASILD, fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, a évolué ces dernières années. Le code des marchés publics l'a obligé à changer de prestataires en particulier pour la formation linguistique. Je suis plutôt sceptique, et même mécontent, comme beaucoup d'autres élus, quand je vois que sont évincées beaucoup d'associations qui avaient pignon sur rue, qui travaillaient bien, n'étaient ni de gauche, ni de droite, et surtout obtenaient de bons résultats. Elles n'ont pas pu s'adapter au code des marchés publics, dont nous savons tous combien il est complexe, mais les compétences des organismes de formation avec lesquels le FASILD passe des marchés mériteraient un examen plus attentif. On commande des modules linguistiques de 90 heures à 500 heures, tout « emballés ». Peu importent les résultats ! Et le FASILD paye !

Or il ne s'agit pas là d'un marché ordinaire. Il touche à quelque chose qui relève des fonctions régaliennes : l'accueil des étrangers et leur intégration à la France ne peuvent pas être traités comme des travaux publics ou la commande d'une carte de vœux par une mairie ! C'est d'une tout autre nature.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Il s'agit d'un article de cohérence sur lequel je n'ai pas de plus amples commentaires à faire.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira.

Mme Christiane Taubira. Ce chapitre consacré à l'accueil et à l'intégration des personnes issues de l'immigration est extrêmement ambivalent, ce dont atteste le fait que nos demandes répétées n'obtiennent pas de réponses.

J'ai effectué mon premier mandat législatif dans l'opposition, entre 1993 et 1997. J'avais alors déjà été frappée par le climat passionnel, voire la moiteur glauque, dans lequel baignaient les débats consacrés à l'entrée et au séjour des étrangers en France, M. Pasqua n'ayant pas les pudeurs de la majorité d'aujourd'hui.

Lors de l'alternance de 1997, le même sujet a encore fait l'objet d'une réforme législative. Je me souviens des guérillas parfois nocturnes auxquelles elle a donné lieu : demande de renvoi en commission et autres motions de procédure, suspensions et incidents de séances, rappels aux règlements.

Aujourd'hui, nous en débattons dans le cadre d'un projet relatif à la cohésion sociale. Le climat est plus serein. Il n'empêche que la présente législature a commencé, elle aussi, par l'examen de textes sur l'intérieur et la justice, en touchant aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers. C'est donc un vrai sujet de société et de clivage politique.

Aujourd'hui, nous créons plusieurs structures : l'ANAEM, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, la Haute autorité de lutte contre les discriminations, sur laquelle nous débattrons en deuxième lecture la semaine prochaine, même si, la semaine dernière, son budget a failli diminuer de moitié. De fait, la multiplication des structures entraîne, en général, une division des moyens.

Pour en revenir au FASILD, nous nous demandons si sa mise en cause la semaine dernière dans un quotidien relève seulement du hasard. Quand on veut tuer son chien, on l'accuse d'avoir la rage !

Le personnel du FASILD a fait un travail considérable et s'est montré très combatif. En outre, cet organisme est parfois le seul à assumer certaines missions : je pense à l'aide aux foyers de travailleurs migrants, à l'apprentissage du français, au soutien et à l'accompagnement scolaires ainsi qu'à la lutte contre les discriminations indirectes, s'agissant notamment des relations entre les administrations et ces personnes que nous semblons avoir tant de mal à nommer.

Mais surtout, derrière le FASILD, se cache une constellation d'associations de quartiers qui accomplissent un travail colossal de prévention auquel je ne veux pas croire que vous êtes insensibles. Or, depuis au moins deux ans, ces associations connaissent un fort taux de « mortalité ».

Il importe donc de poser la question des missions du FASILD, d'entendre les propositions des personnels et de comprendre leur inquiétude, notamment en raison du gel de crédits de 2003 qui leur a fait craindre une remise en question. Il faut garantir que leur statut sera maintenu, comme c'est le cas à l'article 63, mais surtout que leurs moyens de fonctionnement resteront les mêmes, en les adaptant si nécessaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Je partage en partie le sentiment de Mme Taubira. Toutefois, la disparition de ces associations n'est pas liée seulement à la réduction des crédits, mais également à la complexité des procédures. Le Gouvernement devrait contrôler la façon dont elles sont régulièrement modifiées et allongées, mettant ainsi en difficulté de trésorerie la plupart des acteurs locaux.

M. Serge Blisko. Tout à fait !

M. Pierre Cardo. Les objectifs changent fréquemment, comme si le mouvement associatif pouvait, du jour au lendemain, adapter ses personnels et ses moyens. Le problème est sérieux, car le FASILD relève de la responsabilité de l'État et celui-ci devrait s'en souvenir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Nous en venons à un amendement, n° 758, tendant à supprimer l'article 63.

La parole est à M. Jacques Brunhes, pour le soutenir.

M. Jacques Brunhes. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Nul ne conteste le travail des personnels du FASILD. Mais celui-ci, comme tous les organismes publics, est soumis au code des marchés publics.

Chacun s'accorde à reconnaître que le FASILD a manqué de moyens. Il est vrai que nous devons analyser de près le budget dont il dispose, mais en 2005, toutes actions confondues, ce sont 17 millions d'euros supplémentaires qui lui seront affectés.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 758.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 63.

(L'article 63 est adopté.)

Article 64

M. le président. Sur l'article 64, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Je me suis déjà exprimé sur les conditions de reprise du personnel du SSAE par l'ANAEM. Comme je l'ai dit à mon collègue Le Bouillonnec qui connaît le code du travail bien mieux que moi, il faut éviter les contentieux et l'application de l'article 122-12 du code du travail me semble en l'occurrence quelque peu scabreuse. Mais je n'en dirai pas davantage, n'étant pas un spécialiste de la question.

J'attire simplement l'attention du Gouvernement sur le fait que nous innovons. Je me réjouis que le Gouvernement crée des emplois publics, ce qui n'était pas arrivé depuis longtemps. Nous devrons toutefois être attentifs au transfert des personnels du SSAE.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. L'article 64 est de conséquence.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L'article L. 122-12 du code du travail. Je rappelle que cet article fait obligation, lorsqu'il y a fusion, cession ou reprise d'une activité, de faire suivre l'ensemble du personnel dans cette translation.

Comment cet article peut-il engager les pouvoirs publics, qui seront l'organisme repreneur ? Le transfert va créer une situation nouvelle, puisque les personnels d'une association passeront à un statut public.

M. le président. Je mets aux voix l'article 64.

(L'article 64 est adopté.)

Article 64 bis

M. le président. Sur l'article 64 bis, deux orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. J'y renonce.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. L'article 64 bis est de conséquence.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement, n° 199, tendant à supprimer l'article 64 bis.

La parole est à Mme la rapporteure, pour le soutenir.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Il s'agit d'une précision rédactionnelle visant à supprimer l'article 64 bis, celui-ci étant déjà satisfait par l'article 60 bis.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 199.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 64 bis est supprimé.

Article 65

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, inscrit sur l'article 65.

M. Serge Blisko. J'y renonce.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Il s'agit d'un article de conséquence.

M. le président. Je mets aux voix l'article 65.

(L'article 65 est adopté.)

M. le président. Nous en venons à une série d'amendements portant articles additionnels après l'article 65.

Après l'article 65

M. le président. Les amendements, nos 292, 294, 293 de M. Perruchot et 404 de Mme Kosciusko-Morizet ne sont pas défendus.

Je suis saisi d'un amendement n° 495.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le soutenir.

M. Francis Vercamer. Cet amendement permettrait aux maires de prendre en charge les demandes de renouvellement des cartes de résidence de dix ans des étrangers au même titre que les cartes d'identité, de façon à alléger les services des préfectures.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Défavorable. Il convient de réserver cette responsabilité aux services de l'État.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 495.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 792.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le soutenir.

M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à ce que le Gouvernement présente chaque année au Parlement un rapport sur l'exécution de la présente loi. Nous sommes des spécialistes du rapport, comme Mme la rapporteure !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. C'est vrai, comme M. Vercamer, je suis une amoureuse des rapports !

Cela étant, le Gouvernement s'est d'ores et déjà engagé à procéder tous les six mois à un bilan de la mise en œuvre du plan de cohésion sociale et les questions plus ponctuelles sont déjà prévues dans la discussion.

C'est la raison pour laquelle la commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Compte tenu de l'assurance que Mme la rapporteure vient de vous donner, je souhaite, monsieur Vercamer, que vous retiriez votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, pourriez-vous transmettre à la conférence des présidents notre souhait d'avoir un bilan exact du nombre de rapports demandés et réellement présentés ? À qui sont-ils présentés et quelles conclusions pouvons-nous en tirer ?

M. le président. Dans ce domaine comme dans d'autres, nous sommes sans doute les champions du monde ! (Rires.) Votre demande sera transmise, monsieur Brunhes.

La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je retire mon amendement.

M. Serge Blisko. Il est repris !

M. le président. L'amendement n° 792 est repris par M. Blisko, qui a la parole.

M. le président. Ce n'est pas parce que les rapports qui doivent être remis au bout d'un an le sont rarement qu'on ne doit pas en demander ! En tant que parlementaires, ce serait faire preuve d'une timidité mal placée !

Nous souhaitons donc avoir un rapport au moins tous les deux ans. On ne peut piloter à vue une politique aussi fondamentale que celle de l'immigration.

Mme Christiane Taubira. Absolument !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 792.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous en venons à des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 66.

Avant l'article 66

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 930 et 1013 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 930.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Il s'agit d'un amendement de précision.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement n° 1013 rectifié et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 930.

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. L'amendement n° 1013 rectifié tend à rédiger ainsi l'intitulé du titre IV du projet de loi : « Dispositions diverses et transitoires ». Cette rédaction me semble meilleure que celle de l'amendement n° 930, sur lequel le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 930 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 1013 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Article 66

M. le président. Sur l'article 66, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Nous avons tenté d'éclaircir les conditions dans lesquelles les étrangers arrivés régulièrement sur notre territoire pourront avoir droit au CAI, dans le cadre d'une ANAEM renouvelée et d'un FASILD « recapitalisé », mais la représentation nationale devrait faire un geste supplémentaire. Les étrangers extracommunautaires entrent dans une phase nouvelle et ils vont avoir des droits et des devoirs. Pourquoi n'aurions-nous pas, nous aussi, certains devoirs envers eux ?

C'est pourquoi j'estime le moment venu d'aborder à nouveau la question du droit de vote des étrangers extracommunautaires aux élections locales. Nous leur demandons de signer un CAI, nous leur donnons l'occasion d'apprendre le Français ou de parfaire leur connaissance, nous organisons une journée civique... Tout cela dénote un nouvel état d'esprit : on ne subit plus les mouvements migratoires, on ne cherche plus à les arrêter par la répression policière ; au contraire, on tente d'adopter la politique d'intégration la plus ouverte et la plus généreuse possible. C'est pourquoi je suis partisan d'envoyer un signe en liant le droit de vote aux élections locales à la signature d'un CAI. Les étrangers communautaires - mais peut-on encore parler d'étrangers au sujet de nos amis européens ? - ont déjà ce droit. Il me semble, au bout de vingt ans de débats et de faux-fuyants, qu'on peut l'accorder aussi à ceux qui ne viennent pas de l'Union, dès lors qu'ils ont fait la preuve de leur intégration.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. J'y renonce.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 827.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. L'article 66 doit être complété par une disposition qui diffère l'exercice des missions de la nouvelle agence à la date où ses instances seront en place pour en exercer la responsabilité, à défaut de quoi ces missions ne pourraient plus être légalement exercées par l'OMI, car celle-ci n'aurait plus d'existence juridique.

Il est donc proposé de fixer la date de création effective de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations à la date de la première réunion de son conseil d'administration. Une solution équivalente a déjà été retenue lors de la création d'organismes se substituant à des organismes existants - par exemple l'Autorité des marchés financiers, qui s'est substituée à la Commission des opérations de bourse.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 827.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 66, modifié par l'amendement n° 827.

(L'article 66, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 66

M. le président. Nous en venons à plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 66.

Je suis saisi d'un amendement n° 442.

La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.

M. Serge Blisko. Jacques Brunhes évoquait à juste titre la précarité, l'insécurité juridique dont souffrent un certain nombre d'étrangers. Rien ne justifie de les maintenir dans cette précarité s'ils fournissent un effort significatif d'intégration.

Nous proposons donc de permettre à nouveau la délivrance d'une carte de séjour au bout de trois ans. La loi du 26 novembre 2003, modifiant l'article 14 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, a en effet porté ce délai à cinq ans. Or il vaut mieux se situer dans une démarche d'intégration que de refus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je voudrais soutenir, au nom des Verts, cet amendement qui me paraît de bon sens. Nous ne pouvons pas demander constamment aux étrangers de fournir des preuves supplémentaires de leur intégration. En effet, si la loi dispose désormais que la signature d'un CAI figure parmi les critères d'appréciation de l'intégration d'un étranger en vue de l'attribution d'une carte de séjour, dans les faits, nous le savons bien, il s'agira d'une condition sine qua non. Nous devons en tirer les conséquences.

Notre collègue du groupe communiste l'a rappelé : le fait d'être titulaire d'une carte temporaire constitue un obstacle à l'intégration et à la cohésion sociale, notamment quand il s'agit d'obtenir un logement ou un emploi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 442.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jacques Brunhes. Comment cela, il n'est pas adopté ? Vous n'avez pas bien compté !

M. le président. Par huit voix contre sept, monsieur Brunhes - et même par neuf voix contre sept.

Mme Christiane Taubira. Nous ne devons pas avoir le même système décimal !

M. le président. C'est ce que vous dites. Le président a voté, et M. Le Bouillonnec était sorti, vous privant d'une voix.

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Rappel au règlement, monsieur le président ! Je remarque que la voix du président, par sa prépondérance, a permis à plusieurs reprises de faire pencher la balance.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Pas du tout, il y avait deux voix d'écart !

M. Jacques Brunhes. Alors que nous examinons un texte important, le groupe majoritaire, qui compte dans ses rangs plus de 350 membres, ...

M. Jean-Pierre Blazy. Beaucoup trop, en tout cas !

M. Jacques Brunhes. ...n'est représenté en séance que par sept ou huit députés. Cela me paraît poser problème pour la démocratie parlementaire.

M. Philippe Vitel. Les socialistes ne sont que quatre ! Sur 150 !

M. le président. Monsieur Brunhes, la voix du président n'est pas prépondérante, mais rien ne lui interdit de prendre part aux scrutins.

Par ailleurs - et ne voyez aucun caractère partisan dans mes propos -, je vous rappelle qu'au début de l'examen de ce projet de loi, il est arrivé parfois qu'un parlementaire de votre groupe parvienne, de rappels au règlement en suspensions de séance, à retarder le débat d'une heure, voire d'une heure et demie.

Mme Martine Lignières-Cassou. Cela n'a rien à voir !

M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, je m'exprime en vertu d'un article du règlement que vous connaissez bien...

M. le président. L'article 58, alinéa 1.

M. Jacques Brunhes. Je constate que vous avez une longue pratique de notre règlement.

Vous ne pouvez pas me faire une telle réponse, monsieur le président. Vous n'êtes pas dans votre rôle. Je n'ai fait qu'exposer un constat : sur une série d'amendements, c'est la voix du président qui a pesé dans la balance. Elle devient par conséquent prépondérante. Et que soient presque vides les bancs d'un groupe qui, avec 350 députés, dispose à lui seul de la majorité, pose un problème sur lequel vous pourriez attirer l'attention du président de l'Assemblée nationale, qui évoque souvent la question de l'absentéisme parlementaire.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Monsieur le président, il est étonnant que l'on vous interdise presque de vous exprimer !

Je voudrais juste dire à quel point j'ai été vexé, lorsque j'ai fait mon discours, de m'exprimer devant des bancs de gauche désertés... Je croyais pourtant avoir des choses intelligentes à dire.

M. Jacques Brunhes. Monsieur Cardo, vous êtes 350 !

M. Pierre Cardo. Vous êtes vous-mêmes assez nombreux, ...

Mme Christiane Taubira. Infiniment moins !

Mme Martine Billard. Hélas !

M. Pierre Cardo. ...en tout cas suffisamment pour ne pas être absents !

J'ajoute qu'il y a, dans notre groupe, des gens extrêmement attachés au travail de terrain, ce qui explique sans doute qu'ils soient restés dans leur circonscription.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. C'est par simple courtoisie, monsieur Brunhes, que les députés de l'UMP se refusent à écraser numériquement leurs collègues. (Sourires.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1012.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. La tarification spéciale de l'électricité, instituée par l'article 4 de la loi du 10 février 2000, constitue l'un des éléments fondamentaux du dispositif d'aide aux personnes en situation de précarité pour leur permettre d'accéder à l'électricité et de maintenir leur fourniture.

La mise en œuvre de cette disposition, dans les conditions fixées par décret, a rendu nécessaire la création d'un fichier des ayants droit, ces derniers étant en effet définis comme les bénéficiaires de la CMU, sous une condition de ressources particulière fixée à l'annexe du décret. Ce fichier des ayants droit est constitué à partir des fichiers des organismes d'assurance maladie.

Le présent amendement a pour objet de répondre aux demandes de la CNIL, qui a jugé nécessaire d'assurer une base légale à la constitution de ce fichier et à son transfert à l'organisme chargé de gérer le dispositif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. L'amendement n'a pas été examiné par la commission. À titre personnel, avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1012.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°752.

Sur le vote de cet amendement, le groupe socialiste demande un scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l'amendement n° 752.

La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.

M. Serge Blisko. Nous arrivons à l'issue du volet sur l'intégration. Je regrette de passer après un amendement sur l'électricité - non que le sujet ne soit important, mais nous n'avons pas eu l'occasion de l'examiner, ce qui explique que nous n'ayons pas pris part au vote.

En adoptant le contrat d'accueil et d'intégration, l'Assemblée a décidé de réclamer aux personnes immigrées un effort d'intégration : maîtrise de la langue française, participation à une journée d'instruction civique, etc. Nous avons déjà exprimé nos doutes sur ce dispositif.

Reste qu'il leur est demandé beaucoup d'efforts : des efforts financiers à des gens qui, en général, n'ont pas de gros moyens ; des efforts intellectuels à des personnes qui ne sont parfois plus toutes jeunes et pourraient éprouver des difficultés à apprendre la langue française. Alors, donnant-donnant : c'est le moment de leur proposer quelque chose en échange et d'accorder à ceux qui se seront conformés aux exigences du CAI le droit de vote pour l'élection des conseils des collectivités territoriales. Ce serait une façon de montrer que nous avons vraiment une volonté d'intégration, que nous ne pratiquons pas le double langage, ce qui serait le cas si le CAI n'est qu'un parcours administratif de plus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Je souhaite simplement rappeler que notre groupe est, depuis toujours, favorable au droit de vote et d'éligibilité des étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France pour l'élection des conseils des collectivités territoriales.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais mettre aux voix l'amendement n° 752.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 38

                    Nombre de suffrages exprimés 38

                    Majorité absolue 20

        Pour l'adoption 13

        Contre 25

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Avant d'en revenir aux articles précédemment réservés, je vais suspendre la séance pendant quelques instants.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous en revenons aux articles 39 à 59 septies précédemment réservés. Je vous indique, mes chers collègues, qu'il nous reste 286 amendements à examiner.

Avant l'article 39
(amendements précédemment réservés)

M. le président. Je suis saisi d'une série d'amendements portant articles additionnels avant l'article 39.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement n° 973.

Mme la ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Le projet de loi adopté par le Sénat disjoint les maisons relais de l'article 39 pour y consacrer un article spécifique, l'article 39 bis. Par conséquent, ne sont plus prises en compte à l'article 39 que les capacités d'hébergement. L'amendement tient compte de ces modifications.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 973.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement n° 789.

M. Francis Vercamer. Cet amendement aborde le sujet fondamental de la crise du logement. Le groupe UDF se réjouit que ce projet comporte des dispositions en faveur du logement, qui font l'objet du titre II.

La crise du logement continue de frapper des millions de Français, soit parce qu'ils sont mal logés, soit parce qu'ils n'arrivent pas à trouver durablement un logement correspondant à leurs besoins et à leurs ressources.

La partie programmation du titre II prévoit la construction de 100 000 logements locatifs sociaux par an sur la période 2005-2009 hors programme national de rénovation urbaine. Cet objectif très ambitieux nécessitera une mobilisation et un accompagnement de tous les acteurs sur le terrain. Mais il ne faut pas oublier le rôle central des élus locaux et particulièrement des maires dans ce domaine. En général, les maires qui ont des projets de construction sont confrontés à un triple problème : la complexité administrative, la réticence des habitants - il est bien évident qu'un maire qui bâtit passe, au mieux pour un « bétonneur » et au pire pour un « vendu » aux promoteurs -, enfin le coût avec un paradoxe issu de la loi SRU qui a considérablement réduit la taxe locale d'équipement pour les communes. Concernant les coûts, Marc Pigeon, président de la Fédération nationale des promoteurs constructeurs, écrivait récemment dans Les Échos que « L'attitude malthusienne de nombreux élus locaux, réductrice d'espaces constructibles et de densité urbaine, combinée à l'attentisme lié à la conception des nouveaux PLU, a sans doute renchéri le prix du terrain. »

La solution à la crise du logement passe par une réponse à ces trois points.

Premièrement, depuis la loi « urbanisme et habitat » des progrès ont été accomplis, mais nous attendons la simplification du permis de construire engagée par Gilles de Robien.

Deuxièmement, changer l'opinion publique représente une difficulté. Or, devant la crise du logement, le discours sur la nécessité et le devoir de construire reste la réponse la plus efficace aux appels répétés des associations à la mise en œuvre du droit au logement.

Enfin, troisièmement - et nous avons besoin de vous, monsieur le ministre de l'emploi, - il faut impérativement donner aux communes les moyens d'absorber le coût lié à l'arrivée d'habitants. Ce n'est pas un problème de logement social, mais de logement en général. C'est pourquoi nous vous proposons une majoration de la dotation globale de fonctionnement pour les communes qui construisent plus. Vous me répondrez que cela relève de la loi de finances, mais je vous ferai remarquer que ce projet de loi aborde dans le détail à l'article 59 la question de la DSU. Il faut donc adresser un signal fort à tous les élus locaux en leur expliquant que leur effort en matière de construction sera récompensé par une DGF plus généreuse dont la majoration sera laissée à l'appréciation du comité des finances locales.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. M. Daubresse s'est engagé, lors des débats au Sénat, à trouver un dispositif plus incitatif pour les communes qui construisent des logements locatifs sociaux et plus contraignant pour celles qui s'y refusent. Toutefois, l'article 55 de la loi SRU ne peut pas être révisé ainsi, au détour d'un amendement. Je sais, par ailleurs, que des réflexions et une concertation sont en cours et devraient pouvoir aboutir dans le cadre du projet de loi « habitat pour tous ».

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 789.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Monsieur Vercamer, sur le fond, nous souscrivons à votre analyse tant pour les logements sociaux que pour l'ensemble de la chaîne du logement. Nous rencontrons néanmoins un problème. En effet, nous sommes dans une logique d'équilibre. Nous avons mené un combat spécifique en matière de DSU, qui venait postérieurement à la DGF.

Vous proposez ici une réforme de fond de la dotation forfaitaire. Nous devons débattre de cette question avec la DGCL et avec le comité des finances locales. Néanmoins, il est d'ores et déjà tenu compte dans le projet de loi de finances des variations de population, donc du logement à 100 % et non à 50 %.

Comme je l'ai fait lors de l'examen de la loi de rénovation urbaine, voici dix-huit mois, je prends l'engagement d'essayer de trouver un mécanisme pour que cette logique de taxe d'habitation et de répartition de la dotation forfaitaire suive la construction de logements. En effet, c'est indéniablement un facteur crucial de développement.

Au nom de l'équilibre général que nous avons obtenu grâce à notre force de conviction, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, car je ne souhaiterais pas qu'il soit repoussé.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Vercamer ?

M. Francis Vercamer. Je retire mon amendement, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 789 est retiré.


Je suis saisi d'un amendement n° 654.

La parole est à Mme Janine Jambu, pour le défendre.

Mme Janine Jambu. C'est par millions que se comptent les mal-logés, ceux qui demandent un logement et ceux qui aspirent simplement à avoir un parcours résidentiel correspondant à l'évolution de leur vie. C'est aussi en centaines de milliers que se chiffre le manque de logements sociaux nécessaires pour répondre à la demande.

Une telle situation appelle la mise en œuvre à un haut niveau d'un engagement national et solidaire, de choix politiques et financiers permettant la concrétisation d'un véritable droit au logement, garanti et protégé pour chacune et chacun des citoyens de ce pays.

Or votre politique conduit au contraire à l'abandon de toute responsabilité nationale publique, à l'emprise accélérée des critères marchands sur l'activité du logement avec, comme cibles, le logement social, les organismes publics, les circuits de collecte publique et leur contrôle. Tout doit être soumis à la loi du marché. Le rôle de l'Etat garant n'est plus alors qu'un affichage et le budget du logement une variable d'ajustement.

Le projet de loi à venir, si mal intitulé « habitat pour tous », vise à en finir avec le statut public des offices HLM et celui des personnels. Il est aussi question dans ce texte d'abroger la loi de 1948, ce qui porte un coup fatal au secteur social de fait et aux fondements de détermination des loyers. II est encore et surtout question de pousser les feux de la vente et de l'accession à la propriété. Là encore, ne faut-il pas s'interroger sur cet acharnement à casser ce qui relève des règles et fondements du service public, car, s'il s'agissait de s'inscrire dans une réflexion sur la modernisation, sur les évolutions nécessaires, pourquoi ne pourrait-elle être menée dans le cadre des statuts publics ?

Le Conseil économique et social, dans son rapport Accès au logement, droits et réalités, se prononce lui aussi pour la mise en place d'un service public de l'habitat afin de rendre effectif le droit de se loger.

L'État doit être le garant d'une politique de solidarité nationale par un fort engagement financier permettant aux collectivités territoriales et aux organismes HLM de réaliser leur vocation et leur mission sociale, et ainsi répondre efficacement aux enjeux de notre société.

Le service public est la garantie pour que chacun puisse vivre quels que soient ses moyens dans un logement de qualité, facteur de protection sociale. Il est l'outil indispensable à une gestion démocratisée et à la participation des locataires aux décisions.

Nous l'articulons autour de quelques idées-forces : l'affirmation de la responsabilité publique nationale, garantissant la solidarité, la cohérence territoriale et l'égalité d'accès à ce service ; l'implication de tous les organismes publics et privés, bailleurs sociaux, associations, établissements publics, associations de locataires, collectivités territoriales, dans la mise en œuvre des objectifs et missions du service public dans tous les points du territoire national ; la démocratie participative, qui place ce service public sous le contrôle et la décision citoyenne ; le financement par la mutualisation des crédits d'Etat, des fonds issus de la collecte du livret A, de la contribution logement des entreprises, des fonds de la CDC et du réseau des caisses d'épargne,...

M. le président. Veuillez conclure, madame Jambu.

Mme Janine Jambu. ...de la contribution du secteur bancaire et financier et de la taxation des profits des majors du BTP et de la promotion immobilière.

Ces propositions sont versées au débat, nous voulons, avec toutes celles et tous ceux qui le souhaitent, les préciser, les conforter et construire les rassemblements dont notre peuple a besoin pour sortir de cette intolérable situation de « mal-logement » indigne des possibilités de notre pays en ce XXIe siècle.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. Défavorable.

Cet amendement pose d'abord de nombreux problèmes de rédaction. Comment un service public décentralisé peut-il relever de la responsabilité de l'État ? Qu'est-ce que la responsabilité publique de l'État ?

Si l'opposabilité du droit au logement est évidemment un objectif à atteindre, l'affirmer de façon incantatoire ne résoudra pas la crise du logement. Le Gouvernement a choisi une solution pragmatique. Il se donne les moyens de construire des logements locatifs sociaux. Nous espérons qu'à terme nous arriverons à l'opposabilité mais, pour l'instant, compte tenu du retard, il vaut mieux favoriser la solution pragmatique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. La crise de l'habitat que nous connaissons est probablement la plus grave depuis 1954. L'année historiquement noire de la construction de logements sociaux en France, avec 39 000 logements construits, est 1999. Le véritable problème, c'est de relancer toute la chaîne du logement, de l'accession à la propriété, de l'hébergement d'urgence de qualité, au logement conventionné, et de récupérer des logements vacants en centre-ville. On en prévoit 200 000 dans le programme, l'équivalent de sept ans de production au rythme de 1999.

Le Gouvernement a proposé aux partenaires sociaux et aux acteurs du logement social un grand accord-cadre en leur demandant quelles étaient les conditions nécessaires pour permettre un triplement de la production dans un délai relativement rapide et un doublement extrêmement rapidement. Cet accord-cadre a été établi après des heures et des heures de travail. Il prévoit un certain nombre de conditions nécessaires pour que les acteurs du logement social s'engagent à réaliser un programme de rattrapage d'un logement conventionné de qualité. C'est urgent.

Si le Parlement vote ce texte, compte tenu des engagements déjà pris sur la TFPB sur vingt-cinq ans, de la convention que nous avons d'ores et déjà signée avec les partenaires sociaux, avec 210 millions d'euros de plus par an, de la loi de programmation et d'un certain nombre d'autres mesures que vous connaissez, les acteurs du logement social pourront opérer ce rattrapage, et ils s'y sont engagés. C'est la meilleure réponse que l'on peut apporter à l'augmentation invraisemblable du coût du logement. L'origine de la crise, c'est clairement la faiblesse des moyens réservés à la construction de logements conventionnés de qualité.

À la demande des collectivités locales, nous avons introduit de la souplesse dans le dispositif pour qu'il puisse être géré au plus près dans le cadre des PLH. Par ailleurs, la loi d'août 2003 permet désormais aux collectivités locales d'intervenir dans les SA d'HLM, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Les SA d'HLM pouvaient faire absolument ce qu'elles voulaient sur les territoires communaux.

Tout ne sera pas simple pour autant. Il y a des contraintes foncières, dans les Alpes-Maritimes, dans certaines parties de l'Île-de-France ou dans l'ouest lyonnais. Nous avons prévu des outils spécifiques, la possibilité de créer des établissements publics fonciers d'État, des aides interstitielles.

Enfin, nous avons discuté de manière approfondie avec les différentes associations qui vivent sur le terrain cette situation inadmissible, pour avancer vers un droit opposable. À partir du moment où, localement, les partenaires sont d'accord pour s'engager, il est logique qu'on avance vers ce droit. La priorité, c'est la relance des logements, nous nous en donnons les moyens. Il faut ensuite répondre à des questions simples : opposable à qui, efficace par rapport à qui, quelle en est la conséquence ? La loi « habitat pour tous » y répondra.

Cet amendement nous paraît donc largement prématuré, c'est la raison pour laquelle nous y sommes défavorables.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 654.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 406 et 384, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour défendre l'amendement n° 406.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous commençons le débat sur le dispositif concernant le logement intégré dans le plan de cohésion sociale. C'est donc le moment de rappeler quelques principes, comme vous venez d'ailleurs de le faire, monsieur le ministre.

Nous sommes tous convaincus de la nécessité d'apporter les meilleures solutions à la crise du logement. Nous n'allons donc pas revenir sur les responsabilités des uns ou des autres, sauf si l'on travestit, comme c'est souvent le cas, les procédures mises en œuvre par les gouvernements antérieurs et notamment celui de Lionel Jospin.

Plus le Gouvernement avance dans la mise en place de dispositifs, plus nous pensons qu'il faut au moins se donner comme objectif d'aboutir à une opposabilité du droit au logement, avec évidemment des processus de sanction sans lesquels la loi n'a pas de sens. L'opposabilité du droit au logement est devenue essentielle. Le dispositif mis en œuvre l'année dernière avec la loi qui porte votre nom, monsieur le ministre, et la loi sur les responsabilités locales, qui a notamment prévu la délégation des compétences de l'aide à la pierre et le transfert du FSL, n'a fait qu'accentuer le phénomène que je qualifierai familièrement de patates chaudes, ces demandes de logements qu'on se repasse de main en main et que personne ne sait traiter.

La formule que nous proposons tient compte de toutes les objections juridiques et techniques qui pourraient être soulevées. Nous demandons que, dans les deux ans qui suivent la promulgation de la loi de cohésion sociale, il y ait un état d'avancement de sa mise en œuvre, et que le Gouvernement présente un projet de loi visant à rendre le droit au logement opposable au plus tard le 1er janvier 2009. Arrêtons quelques instants l'horloge pour la faire repartir. Il faut avoir la volonté de parvenir à l'opposabilité du droit au logement. Nous allons y réfléchir avec tous les partenaires qui interviennent dans les processus que vous mettez en œuvre.


Si nous le faisons, alors nous pourrons nous inscrire dans cette démarche. Si nous ne le faisons pas, vous allez vous heurter à la mise en place des dispositifs de transfert de compétences, et le nombre des partenaires rendra impossible le débat.

Je sais que notre proposition est difficile, techniquement complexe parce qu'elle met œuvre des responsabilités, mais plus on attend, plus ce sera difficile.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir amendement n° 384.

Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, nous sommes tous d'accord : il faut relancer la chaîne de production de logements. La crise actuelle touche une population très large. Elle est due au manque de construction des dernières années, mais aussi à une spéculation immobilière effrénée de la part des fonds de pension. Cette spéculation, personne, à droite comme à gauche, ne l'avait anticipé. Elle touche particulièrement Lyon, Marseille, Paris. Cela ajoute à la situation existante et a pour effet de toucher d'autres couches sociales que celles qui bénéficient des logements sociaux. On en est arrivé à cette situation absurde où l'on dépense des millions pour payer des nuits d'hôtel à des familles à la rue, parce qu'on est dans l'incapacité de leur proposer des logements.

On est en situation de crise. Il est évident qu'il faut passer par une période de construction et nous espérons tous que le plan proposé sera appliqué et que les moyens prévus ne seront pas réduits au fil des ans. Cette crise ne nous a pas pris par surprise, nous l'avons vu arriver et le moins que l'on puisse dire c'est que les pouvoirs publics ont mis un certain temps avant de réagir. De plus, certaines collectivités ne respectent pas l'obligation de la loi SRU de construire 20 % de logements sociaux.

Dans ce contexte, cet amendement ne prévoit pas que le droit sera opposable au 1er janvier 2005, car ce serait incantatoire. Il propose que, dans les deux ans suivant la promulgation de la loi, le Gouvernement rende compte de sa mise en œuvre et présente un projet de loi visant à rendre le droit au logement opposable au plus tard le 1er janvier 2009.

Toutes les associations qui œuvrent dans le champ du logement social craignent sinon que l'on repousse les échéances, comme cela a trop souvent été le cas. Ils pensent - et c'est également le point de vue des Verts - qu'inscrire dans la loi l'opposabilité de ce droit au 1er janvier 2009 contraindrait les gouvernements futurs, de droite ou de gauche, à opérer les constructions de logements nécessaires. Ainsi, lors de l'entrée en vigueur du droit, peu de personnes auraient besoin de s'y référer parce que la situation de crise aurait été surmontée.

Alors que l'on sait que les derniers bidonvilles ont disparu au début des années soixante-dix, il surprenant de revoir apparaître des quasi-bidonvilles, même s'ils ne prennent pas, heureusement pour l'instant, l'ampleur de ceux des années soixante-dix.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure. La commission a émis un avis défavorable.

Un million de ménages attendent un logement social. Ce n'est pas étonnant quand on sait le retard accumulé depuis une dizaine d'années. On a construit 40 000 logements par an, et même seulement 38 000 entre 1998 et 2000 alors qu'il faut 80 000 logements par an pour satisfaire la demande.

Plutôt que des formules incantatoires, je préfère la solution pragmatique du Gouvernement qui débloque l'argent. Nous avons les moyens de construire 120 000 logements par an et on verra ensuite sur le terrain ce qu'il est possible de construire. À moyen terme, cela permettra non seulement de satisfaire la demande actuelle mais aussi de répondre à la demande future qu'aujourd'hui nous ne connaissons pas.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Marc-Philippe Daubresse, Nelly Olin et moi-même avons rencontré, à de nombreuses reprises, les principaux acteurs du logement.

Nous sommes convaincus - comme vous, je pense - qu'au-delà des financements, il faut que tout le monde se mette vraiment en mouvement. Mobilisez-vous parce qu'un jour vous risquez d'être confronté au problème ! C'est moins d'exécution judiciaire qu'il s'agit que de mettre chacun face à ses responsabilités. C'est pour cela que nous voulons un texte complet et précis. Tant qu'on propose dans un texte un droit au logement sans dire à qui il est opposable, cela n'a strictement aucune espèce d'intérêt, sauf à se donner bonne conscience.

C'est un dossier compliqué. Nous prenons l'engagement d'avancer de manière précise, après une bonne concertation, soit dans la loi « Habitat pour tous », soit un texte complémentaire.

En ce qui concerne l'évaluation, monsieur le Bouillonnec, je vous suis. Sur la rénovation urbaine, nous tenons l'engagement que nous avons pris. Par ailleurs, nous publierons tous les mois les indicateurs du plan de cohésion sociale et nous organiserons chaque année un débat au Parlement sur l'ensemble du plan, et sans attendre deux ans.

Pour des raisons d'intérêt et d'efficacité, nous sommes très défavorables à votre proposition.

M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Monsieur le ministre, je serais assez d'accord avec vous. Dire qu'un droit est opposable sans dire à qui n'a pas grand sens. Les incantations ne servent à rien. Il faut que nous trouvions la solution ensemble.

Comme vous, nous avons rencontré beaucoup de gens, dans le cadre de la préparation de ce texte. L'opposabilité du droit au logement est une proposition portée par le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, soutenue par de nombreuses associations caritatives, familiales, sociales, telles qu'Emmaüs, CGL, CSF, DAL, Familles de France, la FAPIL, la Fondation Abbé Pierre, ATD Quart-monde, Entraide protestante, le Secours catholique, Médecins du monde, et même le Syndicat de la magistrature. Cette proposition a aussi recueilli l'avis favorable du Conseil économique et social.

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Et du Conseil national de lutte contre l'exclusion.

Mme Janine Jambu. L'opposabilité, nous le savons, supposerait la désignation d'une autorité politique responsable, auprès de laquelle former des recours.

L'intérêt apparemment bienveillant que portent le Premier ministre, vous-même et certains membres de cette majorité ne cache-t-il pas simplement le fait que les finances de l'État ne seraient pas affectées par un tel dispositif, que le dispositif pourrait être intégré au processus de décentralisation à marche forcée, aujourd'hui imposé aux collectivités sans leur donner les moyens de financement correspondant à leurs nouvelles responsabilités ?

La responsabilité de l'État serait ainsi escamotée et, dans le contexte d'une politique très inégalitaire en matière de logement social, on est obligé de constater les résultats de la loi SRU. Pour être maire d'une ville entouré d'autres qui ne font aucun effort pour construire des logements sociaux - je pense à Sceaux, Bourg-la-Reine, Antony - je crains, avec cette politique très inégalitaire, que les collectivités qui font du logement social soient en première ligne, sur la base d'une priorité exclusive aux plus démunis. Ce dispositif constituerait alors un facteur aggravant des inégalités et du processus de concentration en ghetto des populations les plus défavorisées.

Si donc nous sommes favorables à l'opposabilité du droit au logement, nous sommes par contre opposés à ce qu'il soit mis en place hors de la définition préalable d'une responsabilité publique nationale. Nous le situons ainsi pour notre part, et ce n'est pas incompréhensible, dans une démarche de service public.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce préalable est fondamental. Aussi bien lors du débat sur le renouvellement urbain que sur les responsabilités locales, lorsque nous avons contesté - et le Gouvernement l'a fait également - la délégation de la réservation du contingent du préfet, nous avons toujours dit que l'État était le garant de la mise en œuvre du droit au logement. Aucune personne, investie dans le domaine du logement, ne conteste que l'État, quoi qu'il arrive, restera toujours garant de la mise en œuvre du droit au logement.

Dès lors, les dispositifs mis en place diluent les responsabilités, l'État déléguant l'aide à la pierre, transférant le FSV dans les départements, le préfet de région faisant les répartitions... Très vite tout va être éclaté.

Le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, descendant les marches d'un des deux perrons les plus prestigieux de la République et relayant ce que l'hôte des lieux venait de dire, a bien confirmé que c'était un objectif républicain.

Le Gouvernement, dit le Haut comité, a choisi de faire partager les objectifs de programmation par une double contractualisation, d'un côté avec les collectivités territoriales - EPCI, départements - dans le cadre de la délégation des aides à la pierre. De l'autre, avec les maîtres d'ouvrage sociaux, comme l'USH. Ce dispositif contractuel n'établit pas de véritable responsabilité. La non-réalisation des objectifs ou l'allongement des délais de réalisations ne pénalisera que les demandeurs de logement. Le Haut comité dit bien dans ces conditions qu'il faut aboutir très vite.

Qu'il faille en discuter, que ce soit compliqué, tout le monde en est d'accord, mais si vous ne vous donnez pas d'objectif ...

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Nous avons des objectifs !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... nous allons noyer les choses.

L'article 55 de la loi SRU est le seul instrument qui puisse nous permettre de faire aboutir les réflexions que nous avons commencées ici.


La position du Gouvernement semble avoir évolué sur ce point. Après avoir été confrontés pendant deux ans - peut-être encore plus au Sénat qu'au sein de cette assemblée - aux velléités de la majorité parlementaire de supprimer l'article 55, nous nous sommes réjouis d'entendre de la bouche du ministre du logement qu'il fallait avancer sur l'application de cet article et mettre en œuvre, voire faciliter, les mesures coercitives qu'il prévoit.

Je souscris à l'analyse de Mme Jambu, qui est, comme moi, élue de la région parisienne : il est injuste que certaines communes n'aient pas de logements sociaux. Je sais que M. Borloo partage cet avis. Viendra bien un moment où l'État, les collectivités et les EPCI, responsables du logement, devront se donner les instruments nécessaires pour suppléer à la défaillance républicaine des auteurs de ces manquements.

Nous donner un objectif est une manière de ne plus reculer. Le droit au logement devra être élaboré avec ceux à qui vous avez délégué des compétences, notamment avec les partenaires des conventions. Si vous ne changez rien de votre texte, à quoi bon invoquer la cohésion sociale ?

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, veuillez conclure, je vous prie.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En effet, placer le logement le logement avant l'emploi, l'éducation et la santé signifie bien qu'il est un des fondements de la cohésion sociale.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Demander que le droit au logement soit opposable ne doit pas masquer la réalité des faits : il faut avant tout construire du logement, faute de quoi ce droit ne sera, tout simplement, pas applicable. Le groupe UDF a donc déposé plusieurs amendements - nous en avons déjà examiné un, relatif à la DGF, qui avait pour objet de pousser les communes, premier maillon de la chaîne, à traiter ce problème.

Pour ce qui est de l'opposabilité même du droit au logement, la situation est complexe et il faut faire preuve à la fois de prudence et d'audace. Le droit au logement n'est pas un droit formel, mais plutôt un droit réel. Il serait sans intérêt de l'inscrire dans un texte s'il ne s'agissait là que de se faire plaisir. Nous devons trouver des solutions durables pour les familles défavorisées - je rejoins, à cet égard, M. Le Bouillonnec pour faire du logement un élément fondamental de la cohésion sociale.

Mais la prudence s'impose aussi. Le ministre a raison de demander à qui le droit au logement serait opposable. L'adoption de cette mesure susciterait de nombreux problèmes pour l'État et, plus encore, pour les collectivités territoriales. En tant que maire, je puis vous dire que les logements ne se trouvent pas sous les pas d'un cheval !

Je salue, au nom du groupe UDF, les travaux conduits par le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées. De nombreuses propositions ont déjà été faites et certaines figurent déjà dans le texte. Pour avancer concrètement, je propose la création d'une mission d'information dont les conclusions pourraient être reprises de manière consensuelle lors de la discussion du projet de loi « Habitat pour tous ».

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 406.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 384.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, n° 1911, de programmation pour la cohésion sociale :

Rapport, n° 1930, de Mme Françoise de Panafieu et M. Dominique Dord, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,

Avis, n° 1920, de M. Alain Joyandet, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan,

Avis, n° 1928, de M. Georges Mothron, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot