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Deuxième séance du jeudi 9 décembre 2004

96e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Jean-Claude Sandrier. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, la presse s'est fait l'écho, ces derniers jours, de l'initiative du sénateur Philippe Marini tendant à exonérer d'impôt les plus-values réalisées par les entreprises cédant leurs titres de participation. Le ministre délégué au budget, Jean-François Copé, a demandé un délai pour étudier cette proposition, qui reviendra en discussion au Sénat le 20 décembre. Nous aurions pu le comprendre si l'amendement de M. Marini n'avait pas été, comme nous croyons le savoir, négocié pendant de longs mois avec l'équipe de Nicolas Sarkozy. Le Gouvernement doit donc avoir déjà une vue claire de ses conséquences. La réforme proposée apparaît donc clairement comme le fruit d'une négociation, d'un arrangement amiable entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale, qui laisse de fait l'Assemblée nationale en dehors du débat. Il est inacceptable d'escamoter ainsi le débat !

Sur le fond, la mesure est d'importance. Rappelons que l'actif des banques françaises est aujourd'hui constitué à 47 % par des titres contre seulement 5 % en 1980. Actuellement, les plus-values à long terme réalisées par la vente de cette catégorie d'actifs sont taxées, au niveau de l'impôt sur les sociétés, à 33, 3 %, si elles sont distribuées et à un taux réduit de 19,9 % lorsqu'elles sont stockées dans une réserve spéciale, l'entreprise s'acquittant du reliquat en cas de distribution ultérieure de ses bénéfices. La mesure proposée par M. Marini ne laissera plus subsister qu'un prélèvement libératoire dérisoire de 2,5 %. Cela représente un avantage fiscal considérable, dont le coût est évalué à un milliard d'euros par an pour l'État, ce dont s'inquiète d'ailleurs la direction du budget.

À l'heure où le Gouvernement demande aux Français de se serrer la ceinture, ce cadeau supplémentaire accordé aux gros portefeuilles et au secteur bancaire est intolérable. En outre, cette mesure confortera une logique d'accroissement de la fluidité des marchés de capitaux et favorisera encore davantage les stratégies spéculatives qui sont un facteur de déstabilisation aux effets ravageurs pour les entreprises, comme on a pu le voir pour France Télécom, Vivendi ou Alstom.

Aujourd'hui, la part de financement par actions des entreprises françaises est de 52,5 % alors que l'endettement bancaire ne représente plus que 28 %. Nous touchons donc un domaine particulièrement sensible. Nous pourrions agréer une baisse du taux des impôts libératoires sur les plus-values à long terme, mais à la condition expresse que ces plus-values servent l'investissement en matière de développement industriel, de recherche, de formation et d'emploi. La mesure proposée ne répond pas à cet objectif. Elle contribue, au contraire, à livrer notre économie aux intérêts prédateurs d'actionnaires peu scrupuleux. Sa portée est telle qu'elle exige d'être débattue à l'Assemblée nationale. Nous demandons donc au Gouvernement de prendre clairement position sur cette question devant la représentation nationale avant la fin de nos débats, car il est incompréhensible que le Sénat puisse discuter de cette disposition et pas l'Assemblée nationale.

M. le président. Votre intervention s'éloignait un peu du concept du rappel au règlement,...

M. Didier Migaud. Pas tant que cela !

M. le président. ...qui est lié à l'organisation de nos travaux. Comme nous amorcions le débat, le Gouvernement pourra, s'il le souhaite bien entendu, répondre à la question que vous lui avez posée.

    2

SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

M. le président. J'informe l'Assemblée que la commission de la défense nationale et des forces armées a décidé de se saisir pour avis du projet de loi relatif à l'ouverture du capital de DCN et à la création par celle-ci de filiales (n° 1977).

    3

LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2004

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2004 (nos 1921, 1976).

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, ce n'est pas dans les fonctions habituelles de ministre de l'économie que de présenter devant votre assemblée le projet de loi de finances rectificative. Je laisserai, d'ailleurs, à Jean-François Copé, que je suis particulièrement heureux d'avoir à mes côtés comme ministre délégué au budget, le soin de vous présenter en détail la philosophie et le contenu de ce collectif budgétaire, qui s'inscrit dans la continuité de la gestion saine et responsable des finances publiques menée, sous l'impulsion de Jean-Pierre Raffarin, par nos prédécesseurs, Francis Mer et Alain Lambert, puis Nicolas Sarkozy et Dominique Bussereau, dont je salue l'action. Mais j'ai voulu saisir cette première occasion de venir, une semaine après notre nomination, partager avec vous à la fois notre appréciation de la situation économique et le cadre dans lequel, avec Jean-François Copé, François Loos et Patrick Devedjian, j'entends inscrire mon action.

Nous le savons, la bataille de l'emploi se gagnera par la croissance. Cette croissance, nous l'avons retrouvée en 2004 et nous avons de vraies raisons de garder confiance dans les perspectives économiques en 2005. C'est le premier message que je veux partager avec vous.

Le présent collectif budgétaire s'inscrit dans un contexte économique qui reste favorable. En 2004, en effet, nous avons vu les moteurs de la croissance redémarrer : la consommation, qui devrait croître d'au moins 2 % en France, soit deux fois plus que dans le reste de l'Europe en moyenne ; les investissements, qui progressent très nettement de 5 % en valeur dans l'industrie, selon les derniers chiffres fournis par l'INSEE. La reprise est là, avec un niveau de croissance d'ores et déjà acquis de 2 % pour cette année, après les trois premiers trimestres. Nous avons, certes, connu cet été un ralentissement économique d'une ampleur inattendue, mais tout laisse présager un rebond de l'activité au quatrième trimestre. Compte tenu de cette perspective et du grand nombre de jours travaillés cette année, la croissance devrait avoisiner 2,5 % sur l'ensemble de l'année 2004, soit un demi-point de plus que la performance moyenne de la zone euro, comme le Gouvernement l'avait anticipé en septembre en présentant le projet de loi de finances pour 2005. Cet acquis de l'année 2004, c'est la première dynamique qui fonde notre confiance pour l'année qui vient.

Pour autant, je ne mésestime pas les risques extérieurs qui pèsent sur l'économie de notre pays. Aujourd'hui, le risque numéro un, c'est le dollar. Alors que l'euro valait 1,22 dollar en septembre, il a dépassé 1,34 dollar ces derniers jours, soit une dépréciation de la monnaie américaine de près de 10 % depuis la rentrée. Ce risque lié au dollar, nous devons le gérer collectivement avec nos partenaires européens pour agir plus efficacement à l'échelle mondiale. C'est le constat que j'ai partagé lundi soir, avec mes collègues européens, dans le cadre de l'Eurogroupe. À l'issue de cette réunion, une position commune et claire de l'Europe sur le dollar a été rendue publique. C'est une étape importante dans la gestion de cette situation difficile, ne nous y trompons pas. Nos concitoyens ont ainsi pu constater que l'Europe peut parler d'une seule voix. Et notre unité sur des sujets aussi essentiels est un signal positif et fort à la veille d'un rendez-vous politique majeur pour l'Union européenne. Car 2005, ne l'oublions pas, est l'année où la France a rendez-vous avec l'Europe.

Deuxième sujet de vigilance : le prix du pétrole. Son repli des derniers jours montre d'abord que le pire n'est jamais sûr et qu'en matière de prévision et d'anticipation, il faut toujours faire preuve d'humilité. Ainsi, quand, en octobre, il atteignait des sommets à plus de 50 dollars le baril, certains le voyaient atteindre 60 ou 70 dollars, voire plus, et s'y maintenir durablement. Le repli montre aussi qu'il ne faut pas surestimer les risques. Aujourd'hui, à un peu plus de 37 dollars le baril, le prix du pétrole est revenu globalement en ligne avec les prévisions inscrites dans le projet de loi de finances initiale, c'est-à-dire 36,50 dollars. Mais pas plus que les mouvements spéculatifs ne doivent nous conduire à surréagir, l'accalmie récente ne doit nous conduire à l'inaction. Nous devons donc relancer activement les économies d'énergie et, parallèlement, le développement des énergies renouvelables, comme le Gouvernement s'y est déjà engagé, à travers notamment les biocarburants - l'ancien ministre de l'agriculture qui vous parle le sait bien.

Pour résumer, la prévision de croissance de 2,5 % en 2005, établie, je le rappelle, en septembre 2004, reste un objectif réaliste, pourvu que les tensions récentes sur le dollar et le pétrole ne s'aggravent pas et que nous sachions les gérer collectivement en Europe. Mais si nous sommes confiants pour 2005, c'est aussi parce que le Gouvernement n'est pas resté inactif. La croissance n'est pas seulement une donnée exogène, elle est aussi en nous-mêmes. Comme l'a dit le Président de la République, il faut aller la chercher ! Depuis deux ans, nous avons pris les mesures nécessaires pour soutenir la consommation et l'investissement : forte revalorisation du SMIC - plus 5,8 % en juillet 2004 pour le SMIC horaire, après une augmentation de 5,3 % en juillet 2003 ; mesures en faveur des donations et du déblocage des fonds d'épargne salariale prises par Nicolas Sarkozy ; dégrèvement de taxe professionnelle décidé en début d'année. Ces mesures ont déjà commencé à porter leurs fruits en 2004. Avec les nouvelles dispositions que vous venez d'adopter dans le cadre du projet de loi de finances pour 2005, comme la réforme des droits de succession et la baisse programmée de l'impôt sur les sociétés, elles donneront leur plein effet dans les mois à venir.

Au-delà de ces mesures économiques ciblées, le Gouvernement aura aussi obtenu la confiance restaurée de nos concitoyens dans la volonté et la capacité de l'État à mener les réformes de fond, trop longtemps différées, dont notre pays a besoin. Je pense ici, bien sûr, à la réforme des retraites et à celle de l'assurance maladie, qui assurent à nos concitoyens la pérennité de notre système de protection sociale. Vous pouvez compter sur moi pour appuyer pleinement mes collègues dans la mise en œuvre de ces réformes décisives et pour continuer à faire toutes propositions propres à en assurer pleinement l'efficacité.

Au-delà de ce panorama rapide de la conjoncture économique dans lequel s'inscrit le projet de loi de finances rectificative, je souhaite profiter de cette discussion pour vous présenter brièvement le cadre général qui guidera notre action au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et qui fondera les mesures que nous vous proposerons dans quelques semaines.

Ce que nous voulons pour notre pays, c'est une croissance durable et riche en emplois.

Au-delà des chiffres, ce qui importe c'est bien le nombre de nos concitoyens qui auront trouvé ou retrouvé du travail dans les mois à venir.

Et c'est bien l'objectif que le Premier ministre a fixé au Gouvernement dans le cadre du contrat 2005 qu'il a présenté ce matin.

Au-delà du devoir d'action, nous avons collectivement un devoir de pédagogie et d'explication. Je le fais pleinement mien. Pour ce qui me concerne, il est évident que la politique économique du Gouvernement est d'abord au service de l'emploi.

Nous le savons. Nous devons impérativement traiter le mal français du marché de l'emploi qui exclut de l'activité les seniors, les jeunes et nos concitoyens les moins qualifiés.

C'est pourquoi, au sein du Gouvernement, j'engagerai toute mon énergie pour préparer notre économie à relever les nouveaux défis que constituent le vieillissement démographique, la mondialisation des échanges et des modes de production ou encore les révolutions technologiques.

Je souhaite donc que la stratégie économique sur laquelle je vais engager mon action dans les prochaines semaines repose sur trois piliers.

Le premier pilier consiste à concilier le soutien à la croissance et l'assainissement de nos finances publiques ; le deuxième pilier, à mobiliser tous nos moyens pour libérer l'emploi, avec pragmatisme et détermination, au profit notamment des plus fragiles ; et le troisième pilier, à jeter les bases d'une nouvelle ambition dans le domaine de la stratégie industrielle, de la recherche et de la formation.

Le premier pilier, d'abord : concilier le soutien à la croissance et l'assainissement des finances publiques.

Vous le savez tous, malgré les efforts du Gouvernement depuis deux ans et demi, et l'appui signalé de votre commission des finances, dont je salue le président, la situation de nos finances publiques requiert toujours notre entière mobilisation. C'est un combat de chaque jour.

Les chiffres ne sont que trop connus : 1 000 milliards d'euros de dette publique, soit près de 16 000 euros pour chaque Français, soit plus d'un an de SMIC !

Les charges d'intérêt payées chaque année par l'État atteignent 40 milliards d'euros, soit plus que l'ensemble des crédits consacrés à la politique de l'emploi.

Réduire les déficits et la dette publique, c'est donc d'abord un impératif de responsabilité vis-à-vis de nos enfants, sur lesquels nous devons cesser de tirer des traites.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Tout à fait !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est aussi le moyen de retrouver des marges budgétaires et de reconstituer l'indispensable capacité d'action et d'initiative pour investir au service de l'avenir du pays.

Réduire la dette et les déficits, ce n'est pas une obsession purement comptable. C'est la condition première pour rétablir la confiance de nos concitoyens dans leur avenir et dans celui de leur nation.

Le désendettement doit donc être une priorité.

Je continuerai à cette fin les opérations de cession d'actifs de l'État. Et nous utiliserons les produits de ces cessions pour désendetter l'État.

Comme vous le savez, j'ai engagé cette nuit, avec l'accord du Premier ministre, une nouvelle phase de cession du capital d'Air France. Le produit de cette cession, soit environ 700 millions d'euros, sera affecté au désendettement de l'État et des administrations publiques.

D'une façon plus générale, il faut une gestion active du patrimoine de l'État, notamment immobilier. (« Ah oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Ouf !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Jean-François Copé et moi-même travaillerons sur ce sujet capital.

Assainir durablement nos finances, c'est aussi et avant tout maîtriser la dépense publique.

Elle représente en effet 54 points de PIB,...

M. Michel Bouvard. Eh oui !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...un niveau très supérieur aux 48 points de PIB pour l'Union européenne. Chaque année, nous dépensons ainsi près de 100 milliards d'euros de plus que la moyenne des pays européens !

La réduction des déficits et des prélèvements obligatoires qui brident notre potentiel de croissance passe donc par cette maîtrise des dépenses publiques.

C'est vrai d'abord au niveau des dépenses de l'État, dont la stabilisation en volume se poursuivra ces prochaines années - dans le cadre des deux règles fixées par le Gouvernement en matière de politique budgétaire.

Première règle : les dépenses de l'État n'augmenteront pas d'un euro de plus que l'inflation.

Deuxième règle : il n'y aura pas un euro de plus dépensé en exécution que ce qui a été voté par le Parlement en loi de finances initiale.

On ne peut pas non plus faire l'économie de réformes ambitieuses dans le domaine social : alors que les dépenses d'assurance maladie ont connu une forte dérive ces dernières années, les économies attendues de la réforme votée cet été devraient faciliter le ralentissement des dépenses et la réduction du déficit au cours des prochaines années. Il en va de même de la réforme des retraites.

Dès l'année prochaine, nous nous sommes engagés à ramener le déficit des comptes publics sous la barre des 3 % du PIB, conformément au pacte de stabilité et de croissance.

Nous ne transigerons pas sur cet impératif.

Dès lundi, d'ailleurs, au conseil ECOFIN, la Commission a indiqué qu'elle proposerait bientôt au Collège des commissaires de suspendre la procédure pour « déficit excessif » engagée à rencontre de la France.

Et nous prendrons toutes les mesures qui s'imposeront pour que la France soit fidèle à ses engagements vis-à-vis de l'Europe, certes, mais aussi à sa propre stratégie.

Cela m'amène à la nécessité de poursuivre et d'accélérer la réforme de l'État.

Dans ce domaine, la mise en œuvre de la LOLF en 2006 nous offre l'opportunité de réexaminer la pertinence des grandes politiques publiques au regard des résultats qu'elles produisent.

Mais il n'y a pas que les grandes politiques à réformer.

Je suis frappé de voir qu'on parle beaucoup de LA réforme de l'État et pas assez DES réformes indispensables DANS l'État.

La réforme des politiques publiques suscite, c'est souhaitable et légitime, des débats de société, des débats publics, en particulier devant le Parlement. Mais ces débats sur les missions de service public ne doivent pas constituer un préalable obligé aux centaines de réformes qui sont à mener à l'intérieur de l'administration. Elles sont parfois modestes, techniques, mais toujours essentielles, parce qu'elles constituent un réservoir énorme de productivité pour l'État.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il y a des révolutions minuscules que l'on fait et qui ont plus d'effet que la révolution majuscule qu'on ne fait jamais.

Ce processus est d'ailleurs bien engagé. Les stratégies ministérielles de réforme sont un acquis méthodologique précieux, dans lequel, avec Jean-François Copé, nous nous engagerons pleinement aux côtés du ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État, Renaud Dutreil, et du secrétaire d'État à la réforme de l'État, Éric Woerth.

Deuxième pilier : mobiliser tous nos efforts pour l'emploi, notamment pour nos concitoyens les plus fragiles.

Depuis 2002, le Gouvernement a beaucoup œuvré pour lever les contraintes inutiles et revaloriser le travail : d'abord, en assouplissant rapidement les 35 heures, notamment pour les PME, en accroissant les baisses de charges et en facilitant la création d'entreprises - plus de 220 000 créations d'entreprises sur les douze derniers mois, contre une moyenne de 170 000 seulement au cours des années passées - ; ensuite, en faisant converger vers le haut les Smic hérités des 35 heures, en baissant l'impôt sur le revenu et en revalorisant la prime pour l'emploi.

Le Premier ministre a, ce matin, engagé, dans le prolongement du plan de cohésion sociale et des mesures inscrites dans le projet de loi de finances, une nouvelle étape dans cette lutte pour l'emploi dans le cadre du « contrat 2005 ».

Ce contrat vise à développer les services à la personne, promouvoir l'emploi des seniors et l'apprentissage, renforcer la participation des salariés dans les résultats des entreprises, faciliter la transmission et le développement des petites entreprises ou encore moderniser la législation et les relations commerciales.

Un des éléments clés de la croissance de demain, c'est bien de libérer les énergies des Français et de permettre à ceux qui le souhaitent d'innover, de prendre des risques, de travailler plus et de pouvoir ainsi gagner davantage.

Le Premier ministre l'a annoncé ce matin : « les entreprises pourront désormais signer des accords pour le temps choisi ».

Pour ma part, je vais mobiliser les services du ministère dans les toutes prochaines semaines pour identifier les leviers, proposer les réformes, avancer les idées qui contribueront à dynamiser notre économie et à mobiliser les gisements d'emploi.

On nous dit : « Trop d'impôt tue l'impôt », et c'est vrai. Mais je vous le dis : « Trop d'impôt tue l'emploi ».

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. C'est vrai !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est pour cela que nous devons poursuivre la baisse des impôts et des charges, dans le respect de nos grands équilibres financiers.

Troisième pilier, enfin : insérer notre économie dans une compétition internationale de l'intelligence.

Il y a trente ans, Alain Peyrefitte prédisait « Quand la Chine s'éveillera ». Aujourd'hui, c'est une réalité et d'autres jeunes économies dans le monde, bouillonnantes d'idées, de projets, affichent d'insolentes performances de croissance. C'est un vrai défi pour d'anciennes nations industrielles comme les nôtres que de tenir leur rang dans la compétition internationale de l'intelligence.

Mais le privilège d'avoir une longue histoire industrielle derrière nous, c'est d'avoir accumulé des atouts, des actifs, des capitaux dont il nous faut, aujourd'hui plus que jamais, tirer le meilleur parti : d'abord, un extraordinaire capital humain, ensuite, des infrastructures et des services publics de qualité, des formations d'excellence, des laboratoires de recherche.

Notre responsabilité, avec les partenaires sociaux, avec les entreprises, avec le Parlement, c'est donc que ce gisement de matière grise constitué au fil des décennies soit mobilisé au mieux, avec nos voisins européens.

Nous ne pouvons plus tolérer les gâchis, les cloisonnements, les blocages stériles. Notre responsabilité commune, c'est que cette richesse, trop souvent sous-employée, soit mieux valorisée.

Nous devons concevoir une stratégie industrielle renouvelée, capable de créer durablement des emplois et de relever le défi des délocalisations ainsi que de la mutation du paysage productif international. Je m'en suis entretenu, dès mon arrivée, avec M. Jean-Louis Beffa, qui doit remettre dans les semaines à venir un rapport en ce sens au Président de la République.

Nous avons besoin de donner une ambition à notre recherche publique, de dynamiser la recherche privée, trop faible en France, de permettre à la recherche publique et à la recherche privée de mieux travailler ensemble, de se mobiliser pour répondre aux défis de demain, qu'il s'agisse de mieux comprendre et soigner les maladies liées au vieillissement ou de préparer la relève énergétique nécessaire à un développement économique durable. Nous serons, Jean-François Copé et moi, particulièrement attentifs à travailler avec François Fillon et François d'Aubert sur la loi d'orientation et de programmation de la recherche.

Songeons qu'en France la dépense intérieure de recherche et développement ne représente en 2003 que 2,2 % du PIB, ce qui place notre pays beaucoup trop loin derrière les États-Unis, le Japon, la Chine et, en Europe, derrière l'Allemagne !

Et si la France consacre aujourd'hui environ 0,95 % de son PIB pour la recherche publique, seulement 1,25 % du PIB irrigue la recherche privée, là où la stratégie définie à Lisbonne préconise 2 %.

C'est donc un effort particulier que le Gouvernement doit mener pour promouvoir le financement privé de la recherche.

Nous devons constituer des pôles de compétitivité et des réseaux d'excellence fondés sur des logiques de territoires, nous devons reconquérir une vision stratégique pour notre développement économique.

Comme vous, j'ai confiance dans notre pays.

Cessons les jérémiades et les incantations. Sortons de la dépression nerveuse et des atermoiements. Allons de l'avant.

Ce n'est pas dans dix ou vingt ans qu'il faut agir. C'est maintenant.

C'est pourquoi Jean-François Copé et moi-même avons engagé sans tarder ce travail pour élaborer dans les semaines qui viennent les bases d'une nouvelle dynamique pour notre économie, que je souhaite inscrire dans un programme d'action stratégique pour les mois et les années à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi d'abord de vous dire à quel point je suis heureux de venir présenter devant vous ce collectif budgétaire, comme nouveau ministre délégué au budget de ce gouvernement auprès d'Hervé Gaymard.

Je n'en fais pas mystère : le budget et les finances publiques me passionnent depuis toujours.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. C'est vrai !

M.  le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est pour moi un très grand honneur de me trouver devant vous aujourd'hui.

Bien sûr, cette première prise de contact se fait dans des conditions un peu atypiques. Le plus souvent, les ministres qui prennent leurs fonctions disposent généralement d'un premier mois pour s'installer, pour rencontrer, au calme, leurs différents interlocuteurs. Je suis, de ce point de vue, dans une situation originale puisque mon premier mois d'activité est entièrement dédié à terminer le projet de loi de finances pour 2005, à soumettre une loi organique, qui est actuellement au Sénat, et enfin à vous présenter un collectif budgétaire que Hervé Gaymard et moi-même assumons mais que nous n'avons pas préparé !

Je voudrais saluer d'emblée le travail de mon prédécesseur Dominique Bussereau, qui a eu la charge auprès de Nicolas Sarkozy de mener à bien la préparation de ce collectif. C'est donc une situation un peu particulière, et j'espère que vous le comprendrez et saurez faire œuvre d'indulgence à mon égard.

Mais, en même temps, c'est aussi une formidable opportunité, pour moi, d'entrer de plain-pied dans le sujet et de débuter mes fonctions par ce contact très direct avec vous, car je ne conçois pas cette fonction autrement que nourrie d'échanges permanents et étroits.

C'est dans cet état d'esprit que je viens vous présenter aujourd'hui ce collectif budgétaire. Je voudrais aussi saisir cette opportunité pour vous dire quelques mots sur la méthode qu'avec Hervé Gaymard nous entendons mettre en œuvre durant l'année qui vient pour notre budget et nos finances, m'inscrivant ainsi dans les pas d'Hervé Gaymard.

L'année qui s'ouvre va être une grande année sur le plan budgétaire, une de celles qui comptent, et où l'on aura le sentiment d'avoir vraiment fait bouger les choses, ensemble. Ce sera d'abord l'année de la remise en ordre de nos finances publiques. Nous allons récolter les fruits de deux années de réforme et de gestion vertueuse, avec d'abord une réduction sans précédent de notre déficit public : moins 10 milliards d'euros, ce qui est évidemment un effort très important !

En plus de cela, nous allons tenir notre engagement de ne pas laisser filer les dépenses. Pour la troisième année consécutive, les dépenses ne progresseront pas plus vite que l'inflation. Là encore, c'est un choix difficile, exigeant, mais que nous assumons pleinement.

Et puis 2005, c'est aussi l'année où des réformes absolument capitales pour notre pays vont porter leurs fruits - Hervé Gaymard y a fait allusion tout à l'heure. La réforme des retraites, celle de l'assurance maladie : autant de réformes courageuses, systématiquement reportées à plus tard par le gouvernement précédent, qui vont nous permettre de préserver notre modèle de protection sociale, après des années d'immobilisme.

Autant de réformes qui ouvrent la voie à la mise en œuvre du contrat 2005, présenté ce matin par le Premier ministre.

Mais l'année 2005, c'est aussi l'année d'un grand rendez-vous, puisque ce sera, avec l'entrée en vigueur de la LOLF, la première année de la modernisation de la gestion de l'État. Et ça, c'est une véritable révolution !

Une révolution qui doit beaucoup aux parlementaires déterminés et courageux, issus de tous les bancs de cet hémicycle, qui ont largement inspiré cette réforme, auxquels je veux naturellement rendre hommage.

Pour la première fois, on va cesser de reconduire des services votés et on va regarder le budget dès le premier euro. Et cela en s'appuyant sur des mots clés, des formules magiques, pourrait-on dire, pour les amateurs de gestion budgétaire sérieuse : culture du résultat, objectifs à respecter, indicateurs de performance, évaluation. Autant de sujets que nous examinerons sous l'œil attentif de l'Assemblée nationale et du Sénat, et notamment de votre commission des finances. Vous trouverez là une source d'information et des moyens très significatifs pour exercer l'ensemble de vos droits.

Les perspectives qui nous attendent, vous le voyez, sont passionnantes, et le Gouvernement aura en permanence besoin de vous, députés de la majorité comme de l'opposition, pour répondre « présent » à tous ces rendez-vous. ( « Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le collectif que je viens vous présenter aujourd'hui n'est pas un simple ajustement des dotations budgétaires en fin d'exercice. Dans un contexte général de reprise de la croissance, il est clairement l'expression de choix politiques significatifs pour notre pays.

Il traduit d'abord notre obsession d'une gestion saine de nos finances publiques. L'année 2004 - Hervé Gaymard vous l'a dit il y a quelques instants -, c'est l'année de la reprise de la croissance. Et ce projet de loi de finances rectificative en est la preuve, puisqu'il permet de confirmer les 6 milliards de recettes supplémentaires déjà prises en compte lors de la présentation du budget 2005 : 1 milliard au titre de la réduction du prélèvement au profit des Communautés européennes, auquel s'ajoutent 5 milliards de plus-values de recettes fiscales.

Par ailleurs, le collectif constate 1,5 milliard de recettes supplémentaires, liées à deux facteurs nouveaux.

D'abord, le coût du contentieux relatif à la taxe sur les achats de viande. Il avait été provisionné à hauteur de l,4 milliard, mais l'analyse précise de la décision du Conseil d'État conduit à revoir à la baisse d'un milliard cette estimation, ce qui est une bonne nouvelle et rappelle que les réserves de précaution sont une prime à la sagesse.

Puis, l'intégration au collectif de 560 millions d'euros au titre du reversement par la SOFARIS d'excédents de subventions.

Ainsi, au total, ce sont 7,5 milliards de recettes supplémentaires par rapport à ce qu'avait prévu la loi de finances initiales.

C'est bien ! Mais encore faut-il savoir ce que l'on compte faire de ces 7,5 milliards. Nous avons fait le choix d'une gestion exemplaire de ces recettes conjoncturelles. C'est la raison pour laquelle il nous a paru indispensable de trancher avec ce qui se passait autrefois. Rappelez-vous : c'était en 1999. Cette année-là, les recettes de l'État s'étaient révélées très supérieures aux prévisions. Et c'est sur cette « cagnotte » de plus de 7 milliards que moins de la moitié seulement avait été affectée à la réduction du déficit public ! Le reste avait servi à des dépenses nouvelles, dans l'opacité la plus totale. Le Président de la République avait lui-même informé les Français de cette fameuse cagnotte - qui était déjà bradée en dépenses publiques - lors de son intervention télévisée du 14 juillet !

Autant dire que nous avons voulu prendre le contre-pied de cette démarche.

D'abord en consacrant ces recettes supplémentaires à la réduction du déficit ; ensuite en travaillant dans la transparence la plus totale : les plus-values anticipées ont été annoncées en temps réel, au fur et à mesure que le Gouvernement prenait lui-même connaissance des résultats de l'exécution.

Nous avons pérennisé cette démarche de responsabilité et de vérité, pour que les erreurs du passé ne puissent pas se répéter. C'est donc dans ce but que nous avons souhaité inscrire dans la LOLF l'obligation pour tout Gouvernement d'annoncer à l'avance, devant le Parlement, ce qu'il fera d'éventuelles plus-values fiscales.

Un deuxième principe guide notre démarche pour ce collectif : l'esprit de responsabilité et peut-être aussi le courage politique.

Le courage, c'est de savoir faire face à la réalité. Et c'est ce que nous faisons, en ouvrant des crédits pour les dépenses qui sont aujourd'hui nécessaires à notre pays ? Je citerai quelques exemples.

D'abord celui de la défense nationale, dont on parle beaucoup. Nous sommes là face à un vrai choix politique, au sens le plus noble du terme. Qui peut sérieusement contester, au moins dans la majorité, qu'il y ait bien exigence de poursuivre l'effort indispensable de remise à niveau de notre outil militaire, compte tenu du retard considérable accumulé ces dernières années ? C'est la raison pour laquelle nous ouvrons des crédits à hauteur de 870 millions d'euros.

C'est aussi un milliard d'euros supplémentaire pour les interventions sociales. Il s'agit là de dépenses inéluctables, car la situation de l'emploi pèse encore lourdement sur les dépenses d'aide personnelle au logement ou sur celles de la CMU. Mais, là encore, qui pourrait critiquer ce choix ?

C'est enfin la volonté assumée de relancer l'investissement public. J'ai été en charge des collectivités locales auprès de Dominique de Villepin. Je suis donc particulièrement à l'aise pour dire que la décision prise par le Premier ministre de relancer les contrats de plan est essentielle, notamment pour le financement du volet routier, dont vous trouverez ici la traduction financière.

Ces choix, vous le voyez, sont pleinement justifiés. Hervé Gaymard, comme moi-même, les assumons dans leur totalité. Il nous appartient maintenant de faire face à ces réalités, tout en maintenant le cap sur la maîtrise de nos comptes publics. Comme le dit le président de la commission des finances, tout est dans l'art d'exécution. (Sourires.) Je veux être très clair : le principe de réalité qui nous amène à ouvrir des crédits ne nous empêche en rien de préserver les grands équilibres de nos finances.

Pour la troisième année consécutive, il ne sera effectivement pas dépensé un euro de plus que le plafond de dépenses autorisé par le Parlement en loi de finances initiale, soit 283,7 milliards d'euros. En effet, l'essentiel de la dépense supplémentaire de 1,7 milliard qui vous est soumise correspond à de l'investissement et ne pourra donc pas matériellement être dépensé avant le 31 décembre 2004. J'ajoute qu'il s'agit là d'un montant minime au regard de la masse globale des dépenses de l'État. C'était l'engagement du Gouvernement, et nous le tenons !

Nous poursuivons, sans faille, la réduction du déficit budgétaire par rapport à ce qui était initialement prévu. Il sera en diminution de 6 milliards. Concrètement, cela veut dire qu'il s'établit à 49,3 milliards dans le collectif, au lieu des 55,1 milliards de la loi de finances initiale. Cet effort, vous le savez, est indispensable, pour revenir en 2005 sous la barre des 3% de déficit et restaurer notre crédibilité, notamment auprès de nos partenaires européens.

Voilà nos ambitions : un Gouvernement qui tient ses engagements, qui réduit son déficit public, qui maîtrise ses dépenses, tout en faisant face aux nécessités du moment. Cela résume assez bien la philosophie qui nous anime.

Ce collectif budgétaire traduit enfin notre volonté de simplifier la vie des Français. Il comporte toute une série de mesures fiscales, qui répondent à trois grands objectifs.

Premièrement, améliorer concrètement les relations entre les contribuables et l'administration fiscale.

Deuxièmement, poursuivre un travail de simplification de notre environnement fiscal, devenu beaucoup trop complexe.

Troisièmement, la mise en conformité avec le droit communautaire.

Votre commission des finances a beaucoup travaillé sur ces trois objectifs, que le Gouvernement a entendu très largement reprendre. J'entends poursuivre et amplifier les mesures d'amélioration entre le contribuable et l'administration fiscale, avec votre concours, et proposer en 2005 un certain nombre de mesures concrètes susceptibles d'améliorer cette relation, qui doit être de confiance entre l'État et les contribuables.

Voilà pour l'essentiel de ce collectif. Je voudrais, pour terminer, tracer quelques perspectives d'avenir, et vous indiquer quelle sera ma méthode et quelles seront mes priorités pour l'année à venir, ainsi que la façon de travailler ensemble que Hervé Gaymard et moi-même souhaitons vous proposer.

Nous avons trois priorités. La première de ces priorités, je veux le dire clairement devant l'Assemblée nationale , c'est que nous tiendrons la dépense publique. C'est pour moi un impératif absolu.

En 2005, comme en 2004, nous ne dépenserons pas un euro de plus que le plafond de dépenses que vous avez autorisé. C'est un enjeu majeur : nous devons, vis-à-vis de tous les Français, vis-à-vis de tous les contribuables, citoyens ou entreprises, faire la démonstration de notre capacité à tenir les dépenses de l'État. Personne ne comprendrait que cela ne soit pas le cas, alors que la Commission s'apprête à lever la procédure pour déficit excessif qui frappait notre pays. Vous pouvez compter sur ma détermination totale et absolue à ce sujet. C'est un point sur lequel je veux solennellement engager devant vous ma parole et mon crédit.

M. Gilles Carrez, rapporteur général, et M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Très concrètement, cela signifie que nous devrons mettre en réserve des crédits au début de 2005. La mise en réserve, c'est l'inverse du gel. Le gel, c'est ce que le gouvernement précédent faisait chaque été dans la panique des dérapages constatés, pour cacher ce qui se traduisait neuf fois sur dix par des annulations de crédits totalement opaques. La mise en réserve, c'est pour faire face aux aléas et aux besoins nouveaux qui pourraient apparaître au cours de l'année. Naturellement, le Parlement sera associé, en totale transparence, à cette démarche de précaution.

C'est aussi cela l'esprit de responsabilité. À la différence de Lionel Jospin, qui le faisait dans l'urgence durant l'été, nous le ferons dans le calme, en associant pleinement votre commission des finances à notre démarche, afin de conduire les finances de notre pays en bon père de famille, c'est-à-dire en étant capables d'anticiper très en amont les aléas de la vie.

Deuxième priorité : la dépense publique se doit d'être efficace.

M. Jean-Jacques Descamps. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nos dépenses se feront selon une orientation très simple et très claire : nous financerons d'abord les priorités du Président de la République et du Premier ministre - celles-ci guideront évidemment nos choix -, et cela dans le cadre de la révolution budgétaire introduite par la LOLF. C'est une mutation absolument radicale, puisque l'on passera enfin à une logique de résultats, en s'appuyant sur des mots-clés totalement nouveaux, tels que la responsabilité, puisque, désormais, les crédits seront examinés dès le premier euro et que chaque dépense devra être justifiée au regard du service qu'elle procure, la fongibilité des crédits - les gestionnaires publics auront plus de liberté dans l'utilisation de leurs crédits - et, enfin, l'évaluation et la performance.

Autant de principes révolutionnaires, qui vont enfin permettre la réforme de l'État que les Français attendent depuis des décennies. Et nous allons faire en sorte que les Français en aient pour leurs impôts !

Notre procédure budgétaire, nous allons donc la moderniser en profondeur, en travaillant plus tôt - et je crois indispensable de travailler plus en amont avec les différents ministères.

Et de façon plus collégiale : la maîtrise des comptes doit devenir l'affaire de tous, et pas seulement le fardeau ou l'obsession du ministre des finances ou du budget, afin que chaque ministre soit porteur de la réforme de notre gestion publique, que chaque ministre soit son propre ministre des finances ! Vous voyez à quel point nous sommes partageux. (Sourires.)

On pourra ainsi sortir du jeu de rôle, peu digne d'une démocratie moderne, qui consiste pour chaque ministre à réclamer plus de crédits, et pour le ministre du budget à expliquer que c'est impossible. Avec Hervé Gaymard, nous avons acquis la conviction, y compris dans l'exercice de nos fonctions ministérielles précédentes, que Bercy ne doit pas être une machine à dire non, mais doit plutôt accompagner les réformes dans une logique de modernité.

M. Jean-Jacques Descamps. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est dans cet esprit que nous allons travailler.

Que l'on ne s'y trompe pas : l'enjeu est de restaurer la capacité d'action de l'État dans un contexte où la somme des charges de la dette et des dépenses de personnels représentent plus de 55 % de ses dépenses. À nous de dégager les marges de manœuvre nécessaires dont le Président de la République et le Premier ministre ont besoin pour mettre en œuvre les réformes de structure que les Français attendent de nous.

Dernier grand axe : notre politique fiscale. Je veux en fixer deux grands principes aujourd'hui devant vous.

D'abord, je veux vous dire que nous allons bien sûr poursuivre les baisses d'impôt. Mais à une condition : elles seront intégralement gagées sur des économies et n'aggraveront en rien le déficit de l'État.

M. Michel Bouvard. Très bien ! Chiche !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ces baisses auront toutes un point commun : accompagner les orientations et les priorités fixées par le Président de la République et le Premier ministre. Elles seront donc d'abord ciblées sur tout ce qui favorise l'emploi, le soutien du pouvoir d'achat des Français, l'attractivité du territoire. Ce sera très clairement notre feuille de route parce que nous voulons aller ensemble, au service des Français, à la conquête de chaque dixième de croissance, avec les dents !

Ensuite, je veux restaurer la loi de finances comme le lieu où se conçoit notre politique fiscale. Cessons de disperser des mesures fiscales dans tous les projets de loi. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Auberger. Tout à fait !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous avons besoin de lisibilité, de clarté : c'est absolument décisif pour la cohérence de notre politique fiscale.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Cette approbation me laisse penser qu'il y a essentiellement dans cet hémicycle des membres de la commission des finances ! (Sourires.)

Je crois qu'en la matière, votre commission a un rôle spécial à jouer dans ce domaine comme gardienne des grands équilibres budgétaires et de la cohérence de notre code général des impôts. Vous pourrez compter sur moi pour que ces règles de bonne conduite soient mises en œuvre lors du débat fiscal au Parlement.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mesdames et messieurs les députés, le collectif que vous présente aujourd'hui le Gouvernement s'inscrit résolument dans la droite ligne de l'action engagée depuis deux ans et demi pour favoriser le retour de la croissance, maîtriser fermement et avec détermination la dépense publique, réduire notre déficit budgétaire.

Dans ce contexte, vous pouvez compter sur notre détermination totale à agir le plus clairement possible sur la base des principes que je viens de vous présenter.

Sachez aussi que notre disponibilité à votre égard est aussi grande que notre enthousiasme, et ce n'est pas peu dire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Messieurs les ministres, je voudrais d'abord dire, au nom de la majorité, combien nous sommes heureux de travailler avec vous sur les questions financières et budgétaires de l'État.

M. Marc Laffineur. C'est vrai !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons d'ores et déjà commencé à le faire dans la plus grande confiance. Nous n'oublions pas que vous avez été, l'un et l'autre, des membres actifs de notre commission des finances.

Le plaisir de vous retrouver est accru par le fait que ce collectif est un bon cru. C'est même un très bon cru parce que, et c'est le point essentiel, par rapport à la prévision inscrite au budget primitif, le déficit est inférieur de six milliards d'euros, soit plus de quarante milliards de francs !

M. Hervé Mariton. Et en centimes ? (Sourires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est du jamais vu ! En 1999-2000, monsieur Migaud, quand les recettes coulaient à flots,...

M. Didier Migaud. J'y reviendrai.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...vous aviez réduit, je le reconnais, le déficit, mais pas dans de telles proportions.

M. Michel Bouvard. Et cela n'a pas duré !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons bénéficié du retour de la croissance avec des plus-values de recettes fiscales de plus de cinq milliards d'euros, notamment grâce à la TVA sur la consommation et à l'impôt sur les sociétés, dont la compétitivité a été restaurée. Cela est bien sûr lié à la reprise économique que nous avons connue en 2004, et que M. Gaymard vient de confirmer.

Au troisième trimestre, si nous avons connu ce qu'on appelle un trou d'air, le premier semestre a été excellent, et tout laisse à penser compte tenu des résultats disponibles actuellement que nous allons terminer l'année 2004 avec une croissance sensiblement supérieure à deux points, alors que, je le rappelle, nous avions bâti le budget 2004 sur une hypothèse de croissance de seulement 1,7 %.

Anticipant la révision de la loi organique, la totalité des recettes supplémentaires est affectée à la réduction du déficit.

M. Augustin Bonrepaux. Pas la totalité !

M. Hervé Mariton. Presque la totalité !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La Commission de Bruxelles ne s'y est pas trompée. Le commissaire européen aux affaires monétaires, M. Almunia, a confirmé hier à M. Gaymard que la commission clôturerait, dès la semaine prochaine, la procédure qui était engagée contre la France pour déficit excessif.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Elle la suspendra.

M. Didier Migaud. Provisoirement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons cependant un regret, même si vous venez de nous rassurer, messieurs les ministres.

Nous regrettons que ce collectif comporte un supplément de dépenses de 1,7 milliard d'euros, soit le solde de 3,8 milliards d'euros d'ouverture de crédits et de 2,1 milliards d'euros d'annulation, ce qui porte un coup de canif à l'alpha et l'oméga de notre politique budgétaire que vous venez de rappeler, à savoir la stabilité en volume de la dépense de l'État.

Jean-François Copé vient de nous indiquer qu'il s'agissait de dépenses régaliennes, militaires, obligatoires, et des dépenses sociales. Et je constate que, sur ces dépenses supplémentaires, il n'y a que 5 % de dépenses d'investissement.

M. Michel Bouvard. Hélas !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La moitié de cette somme concerne des dépenses militaires, alors que, je le rappelle, le secteur militaire est d'ores et déjà couvert par une loi de programmation.

Nous serons donc, messieurs les ministres, extrêmement vigilants sur ce que vous venez de dire, à savoir que ce 1,7 milliard, qui sera reporté pour ne pas peser sur l'exécution 2004, fera l'objet de mesures de compensation au titre de l'exercice 2005, pour que, sur les trois années 2003, 2004 et 2005, la règle de stabilité en volume de la dépense d'État soit strictement respectée.

M. Jean-Jacques Descamps. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En effet, c'est grâce à cette règle, inscrite dans le temps, que nous parviendrons à restaurer l'équilibre de nos finances publiques. Il faut le dire et le répéter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

J'ai apprécié, monsieur le ministre délégué au budget, le fait que vous évoquiez la dépense fiscale. Méfiez-vous de la dépense fiscale, qui est éparpillée dans divers textes qui n'ont rien à voir avec des lois de finances,...

M. Hervé Mariton. En effet !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...engagée sans aucune évaluation préalable, jamais consolidée. Nous aurons l'occasion d'en parler à propos d'un amendement du Gouvernement.

Les principales mesures de ce collectif, en dehors des aspects budgétaires, sont extrêmement intéressantes. Il y a d'abord un ensemble d'engagements financiers de l'État « hors bilan », car la loi organique nous oblige à faire approuver dans le cadre d'une loi de finances tous les engagements de l'État.

Le premier engagement concerne l'entreprise Alstom. Le Gouvernement a eu parfaitement raison d'organiser le sauvetage de cette superbe entreprise et de le réussir. Aujourd'hui, où nous allons approuver des contre-garanties au titre des cautions qui sont nécessaires pour les contrats de long terme de cette entreprise, il faut que nous ayons une vision claire, complète des engagements de l'État envers Alstom, qu'il s'agisse des engagements en capital ou des engagements en garanties et contre-garanties.

Deuxièmement, le Gouvernement va nous proposer par amendement de garantir l'emprunt que l'UNEDIC va devoir émettre. La situation de l'UNEDIC est très préoccupante. À la fin de 2004, l'UNEDIC sera confrontée à un déficit de l'ordre de 10 milliards d'euros. Ce déficit n'est couvert en moyens fermes qu'à hauteur de 6 milliards. Il faut donc que l'UNEDIC puisse émettre un emprunt. Pour cela, il faut mettre en place une garantie de l'État, à hauteur de 2,2 milliards d'euros. Or l'histoire récente de l'UNEDIC est préoccupante. Souvenons-nous que ce type de garantie a joué de façon unilatérale en 1999. Souvenons-nous aussi qu'un montant de 1,2 milliard reporté en recette de budget en budget a finalement été abandonné.

Ce collectif comporte aussi des mesures très intéressantes concernant l'amélioration des relations entre l'administration fiscale et le contribuable, notamment pour les entreprises ; elles amélioreront l'attractivité de nos entreprises et favoriseront donc les investissements étrangers avec le recours aux accords préalables ou au rescrit fiscal, pour des problèmes de fiscalisation qui préoccupent toujours les entreprises étrangères lorsqu'elles veulent s'installer en France.

Le collectif comprend aussi des dispositions découlant d'obligations communautaires. La commission des finances vous proposera des amendements dont le but est de sauvegarder l'emploi, en particulier l'emploi industriel face aux évolutions de la réglementation bruxelloise. Il comporte aussi des mesures diverses - et je m'adresse à nos collègues de l'opposition - qui concernent les collectivités locales. Une, en particulier, doit attirer votre attention : celle qui consiste à opérer une régularisation de 59 millions d'euros supplémentaires en faveur des départements au titre de compensation pour le transfert du RMI.

M. Augustin Bonrepaux. Quel aveu ! Voilà la preuve que ce transfert du RMI n'était pas compensé !

M. Michel Bouvard. Cela n'a rien à voir !

M. Didier Migaud. On n'est pas « à l'euro près » !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Non seulement, chers collègues, nous allons être conduits à régulariser une première fois, mais, l'an prochain, lorsque nous connaîtrons les comptes administratifs définitifs des départements pour 2004, il y aura une seconde régularisation ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Ce sera pire ! Il s'agit de 300 millions.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si, dans le cadre des lois Defferre, il y a vingt ans, nous avions pu bénéficier de procédures aussi honnêtes et transparentes, prenant en compte la réalité des dépenses dans leur ensemble, nous en aurions tous été heureux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. Vous avez bénéficié de la progressivité de la DGF !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le procès d'intention que vous nous faites est d'une partialité certaine.

Pour finir, j'évoquerai les conditions de travail de la commission et ses propositions.

Soulignons d'abord que nous sommes confrontés à une avalanche d'amendements du Gouvernement. Mais, comme vous venez de prendre vos fonctions, messieurs les ministres, vous bénéficierez de notre indulgence. Reste que les conditions de travail sont très difficiles, et pour vous, et pour nous. En effet, ces amendements entendent régler des problèmes accumulés au cours des deux dernières années faute de DDOEF, ce qui nous conduit à travailler dans l'urgence, sans avoir toujours le temps nécessaire pour apprécier les dispositifs proposés.

Nous aurons à nous pencher sur des questions aussi importantes que la réforme de la redevance ou de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, les procédures de simplification ou l'amélioration des dispositifs d'exonération en faveur des biocarburants. Nos débats seront donc très fournis. Mais, pour examiner les soixante articles du collectif, dont certains sont particulièrement complexes, nous travaillerons de manière constructive, dans un climat de confiance, car ce projet de loi de finances rectificative est de bonne tenue. Aussi la commission des finances vous propose-t-elle de l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. Philippe Vitel, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative pour 2004 ouvre 870,3 millions d'euros de crédits de paiement pour le budget de la défense, dont 209,8 millions d'euros au titre III et 660,5 millions d'euros aux titres V et VI. Toutefois, ces dispositions ne peuvent s'analyser qu'en prenant en considération deux décrets publiés le 28 octobre dernier : le premier ouvre 692,2 millions d'euros de crédits de titre III, principalement afin de couvrir les surcoûts résultant des opérations extérieures, tandis que le second permet de gager le premier par l'annulation d'un montant identique de crédits de titres V et VI. Dans le cadre de ce dispositif, similaire dans son principe à celui retenu en 2003, l'ouverture de crédits d'équipement en collectif budgétaire vient donc rétablir, dans leur quasi-intégralité, les crédits annulés par décret. Dès lors, les surcoûts résultant des opérations extérieures ne sont pas financés, comme c'était l'usage jusqu'en 2001, par des annulations à due concurrence de crédits de titres V et VI et l'on ne peut que saluer la reconduite de cette bonne pratique pour l'année 2004.

M. Didier Migaud. Bonne ?

M. Philippe Vitel, rapporteur pour avis. Les dépenses occasionnées par les opérations extérieures sont estimées pour 2004 à 649,4 millions d'euros. Elles sont donc d'un niveau comparable à celui de 2002 et 2003 - respectivement 678 millions et 658 millions d'euros - et se répartissent comme suit : 384,4 millions d'euros en rémunérations et charges sociales, 192,3 millions d'euros en fonctionnement et 72,7 millions d'euros en crédits d'équipement. Les dispositions du décret d'avance permettent de couvrir les surcoûts en rémunérations et charges sociales, de même que la quasi-intégralité des dépenses de fonctionnement. En revanche, subsiste le principe du non-remboursement des surcoûts de titre V, lesquels ne font l'objet d'aucune ouverture de crédits.

Au total, ces dispositions apparaissent satisfaisantes, seulement 76 millions d'euros environ restant à la charge du ministère de la défense. Toutefois, ce constat ne doit pas masquer le caractère peu adapté de la procédure de financement des opérations extérieures. La commission de la défense a déjà souligné à plusieurs reprises la nécessité de prévoir l'inscription de crédits pour ces dépenses dès la loi de finances initiale. L'abondement de crédits en fin d'exercice pose en effet des difficultés de gestion au ministère de la défense, contraint de procéder à des avances de trésorerie tout au long de l'année. À cet égard, l'inscription dans le projet de loi de finances pour 2005 d'une provision de 100 millions d'euros à ce titre constitue une véritable avancée. À l'avenir, l'effort ainsi engagé devra être amplifié, en prévoyant une somme plus proche des montants effectivement déboursés.

S'agissant de la conduite des opérations extérieures, 13 950 militaires français étaient déployés sur des théâtres extérieurs au 1er juin 2004, contre 14 086 un an plus tôt. Comme en 2003, l'Afrique se trouve au cœur de l'action militaire de la France à l'étranger, essentiellement du fait de l'opération Licorne menée en Côte d'Ivoire. Celle-ci a été significativement renforcée à la suite des événements dramatiques survenus au début du mois de novembre et les surcoûts estimés pour l'année 2004 pour cette opération atteignent plus de 186 millions d'euros. Les Balkans constituent le deuxième théâtre d'intervention de notre pays, avec environ un tiers des effectifs déployés et des surcoûts. Si l'amélioration de la situation dans cette région a permis de réduire le nombre d'hommes qui y sont mobilisés, plus de 4 000 militaires français participaient à la KFOR au Kosovo et à la SFOR en Bosnie-Herzégovine, au 1er juin 2004. Enfin, les forces françaises restent fortement engagées en Afghanistan, avec 1 530 hommes.

Je souhaiterais maintenant présenter les autres dispositions prévues par le projet de loi et par le décret d'avance.

S'agissant des crédits de titre III, 152,1 millions d'euros sont ouverts par le décret d'avance afin de permettre le versement de loyers de gendarmerie et d'accroître les dotations de rémunérations et charges sociales, d'alimentation et de carburant. Il s'agit là de répondre à des besoins du ministère, compte tenu notamment de la forte hausse du baril de pétrole. Le collectif budgétaire ouvre d'ailleurs des crédits destinés au carburant et abonde également divers chapitres du titre III, en particulier afin de permettre le remboursement de dettes auprès de l'OTAN et de couvrir des besoins de financement en matière de frais de contentieux.

S'agissant des crédits d'équipement, l'intervention successive du décret d'annulation et du projet de loi permet au ministère de la défense de procéder à un redéploiement de moyens entre différents chapitres, afin de mettre en adéquation ses ressources avec ses besoins. Les annulations de crédits de paiement réalisées par décret ont concerné pour l'essentiel les chapitres relatifs aux équipements communs et des armées, à l'espace et au soutien des forces. Par ailleurs, sur les 660,5 millions d'euros de crédits de paiement rétablis dans le cadre du collectif, 85 millions d'euros sont destinés à compléter le financement du volet fiscal de la réforme de DCN pour 2005. Les chapitres consacrés à l'entretien programmé des matériels et aux forces nucléaires bénéficient d'un abondement significatif, en raison du dynamisme continu des dépenses de maintenance et de l'ajustement des dotations du programme de missiles balistiques M 51. Enfin, 95 millions d'euros sont destinés aux études amont, ce qui illustre toute l'importance accordée à la recherche et développement.

En outre, le projet de loi prévoit l'annulation de 471 millions d'euros d'autorisations de programme et l'ouverture de 575,5 millions d'euros : 233,5 millions d'euros d'autorisations de programme sont inscrits sur divers chapitres des titres V et VI, en cohérence avec les inscriptions de crédits de paiement, tandis que 342 millions d'euros sont destinés à assurer le financement de la neutralité fiscale de DCN pour 2005, les autorisations de programme nécessaires n'ayant pas été inscrites en projet de loi de finances. Au total, le financement de la neutralité fiscale de la réforme de DCN pour la marine est donc assuré pour 2005. Pour autant, il est indispensable de trouver un mécanisme qui permette de régler la situation pour les années à venir.

En conclusion, je souhaiterais saluer l'équilibre du présent projet de loi, qui permet de répondre aux besoins du ministère de la défense tout en préservant ses crédits d'équipement. Pour ces raisons, la commission de la défense a émis un avis favorable à son adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le ministre, depuis le début de l'année, vous êtes le troisième titulaire du portefeuille du ministère du budget, tout comme M. Gaymard pour le ministère de l'économie et des finances. Vous nous présentez tous deux un projet de loi préparé par vos prédécesseurs, qui, eux-mêmes, ont dû exécuter pour partie un budget préparé par leurs prédécesseurs. Aux critiques que nous vous adresserons, vous serez donc peut-être tenté de répondre que vous n'y êtes pour rien. Toutefois, je connais votre esprit de solidarité à l'égard d'une équipe gouvernementale, dont vous faisiez déjà partie.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Avec enthousiasme !

M. Didier Migaud. ...oui, mais un enthousiasme à géométrie variable.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Non, toujours très développé !

M. Louis Giscard d'Estaing. D'une grande constance !

M. Didier Migaud. Je veux saluer votre arrivée et celle de M. Gaymard et vous souhaiter bonne chance. J'espère votre réussite car elle serait synonyme d'une évolution positive pour notre pays, même si je suis convaincu qu'elle impliquerait un changement radical de politique - nous aurons l'occasion d'en débattre -, pour lequel vous n'êtes pas prêts. Vos discours, que j'ai écoutés attentivement, ne me rendent pas particulièrement optimiste car vous semblez vouloir conforter une politique économique qui risque de conduire notre pays dans le mur et qui renforce considérablement les inégalités - nous en avons déjà la preuve.

Ce défilé surréaliste de ministres a en tout cas de quoi rendre la représentation nationale dubitative. Je crois d'ailleurs savoir qu'elle l'est, même si sa composante majoritaire se garde bien de le dire publiquement, se réservant la possibilité d'en parler dans les couloirs. Faut-il y voir la manifestation de l'embarras qu'éprouvent, sous les gouvernements Raffarin, tous les titulaires de ce poste, devant le caractère à la fois injuste, inefficace et dangereux de la politique économique, fiscale et budgétaire menée, contre toute évidence et avec entêtement, sous l'autorité du Président de la République ? D'aussi mauvais résultats sont, il est vrai, bien difficiles à assumer.

Si c'est toujours avec enthousiasme que l'antienne libérale est proférée par les membres du Gouvernement, le ton manque souvent d'assurance lorsqu'il faut confronter ce discours aux résultats. Dans ces circonstances, le Gouvernement en est réduit, trente mois après l'alternance, à invoquer régulièrement le prétendu héritage socialiste pour tenter de justifier son échec. Vous l'avez vous-même fait, monsieur le ministre,...

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il est vrai que c'est une rente !

M. Didier Migaud. ...ne résistant pas à votre envie de polémiquer.

Il suffit de constater votre réaction pour comprendre que la simple mention de cet héritage suffit au Gouvernement pour s'assurer le soutien inconditionnel des membres de l'UMP. Ceux-ci éprouvent en effet beaucoup plus de difficultés à manifester bruyamment leur soutien à une politique dont ils peuvent constater quotidiennement les ravages sur le terrain. Je suis d'ailleurs souvent surpris du décalage entre les propos qu'ils expriment dans leur circonscription et les discours qu'ils tiennent dans cet hémicycle. À cet égard, il serait intéressant que des copies en soient adressées à leurs électeurs.

Pour mieux comprendre les raisons de cette situation, je reviendrai d'abord sur le bilan de trente mois de politique libérale, avant d'analyser dans un deuxième temps les conditions de l'exécution du budget pour 2004.

Pour apprécier l'inefficacité et la dangerosité de la politique injuste que vous menez, il peut être utile de dresser un bilan comparé - vous vous y êtes d'ailleurs essayé, monsieur le ministre, et je suis prêt à vous suivre dans cet exercice. À cet égard, les deux années 1999 et 2004 sont éloquentes. J'avais commencé cette comparaison à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances et fourni quelques chiffres intéressants. Poursuivons la démarche.

En 1999, le rythme de croissance de l'économie française était de 2,7 %, chiffre proche de celui constaté aujourd'hui, même si M. le ministre de l'économie l'a tempéré en annonçant un taux de 2,5 %. Les résultats macroéconomiques sont donc comparables, eux aussi. En 1999, la hausse des prix se limitait à 0,5 % ; fin octobre 2004, elle était de 2,1 %, et même de 2,3 % selon l'indice européen IPCH. Pour masquer son échec à lutter contre l'inflation, outre quelques initiatives d'affichage voulues par l'ancien ministre des finances, le Gouvernement a inventé un nouvel indice, l'indice « Danone » qui mesure l'évolution des prix des yaourts dans les centres Leclerc... Miracle ! Il fait apparaître une forte baisse en septembre. L'honneur est sauf. Cela prêterait à sourire si cette effervescence médiatique ne cachait une triste réalité pour les Français : la flambée des prix des produits pétroliers ou l'augmentation très forte des tarifs EDF et du prix des cigarettes.

Ce regain d'inflation, que ne parviendra pas à tempérer le nouvel indice « Danone », intervient dans un contexte de blocage des rémunérations tout d'abord dans le secteur public en raison de l'idéologie souvent antifonctionnaires qui anime le Gouvernement. Il en résulte, depuis le 1er décembre 2002, une quasi-stagnation de la rémunération des agents publics puisque, selon l'INSEE, l'indice d'ensemble des traitements de la fonction publique n'a progressé que de 0,5 % depuis cette date. La même tendance s'observe dans le secteur privé, qui fait peser sur ses salariés la menace des délocalisations pour obtenir d'eux qu'ils renoncent à toute revendication salariale. Dès lors, il n'est guère étonnant de constater la stagnation du pouvoir d'achat et de la consommation des ménages.

Là encore, comparons 1999 et 2004. En 1999, le pouvoir d'achat et la consommation des ménages ont progressé respectivement de 2,8 % et 3,2 %. Entre 1998 et 2002, le pouvoir d'achat a augmenté en moyenne de 2,8 % par an pendant cinq ans : c'est la période pendant laquelle il a enregistré la plus forte et la plus longue hausse sur les vingt-cinq dernières années. Qu'en est-il en 2004 ? Après une stagnation en 2003, la consommation des ménages n'a progressé que de 2,4 % et le pouvoir d'achat de 1,5 %. Encore faut-il préciser que ce sont des moyennes et un examen plus attentif des chiffres de l'INSEE montre que, pris individuellement, le pouvoir d'achat a plutôt baissé pour une grande majorité des Français. Au total, depuis 2002, les dépenses de consommation des ménages contribuent deux fois moins à la croissance du PIB qu'entre 1998 et 2001. La consommation des ménages étant le principal moteur de la croissance en France, on mesure le risque pris et l'erreur économique commise par le Gouvernement, qui se prive du meilleur levier de croissance en amputant, ou en contribuant à amputer le pouvoir d'achat par une politique qui déprime la consommation.

Si, au moins, l'autre composante de la croissance, celle que le Gouvernement revendique de stimuler, à savoir l'investissement, était dynamique, on serait enclin à moins de sévérité à son encontre. Mais les titres de la presse se succèdent. Ainsi, dans son édition du 3 décembre dernier, un quotidien titrait : « L'investissement des entreprises françaises en panne. Le 29 novembre, un autre se demandait : « Pourquoi l'économie française patine-t-elle ? » Il suffit de comparer les taux de croissance de l'investissement sur les deux périodes : 8,2 % en 1999, 10,2 % en 2000, contre seulement 2,5 % en 2004. Monsieur le ministre, si vous aviez été à notre place, vous auriez sûrement fait preuve d'un enthousiasme encore plus grand !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Impossible !

M. Didier Migaud. Pire, l'INSEE annonce un recul de l'investissement de 3 % en 2005, en décalage par rapport à ce que vient d'annoncer le ministre de l'économie et des finances.

Après l'inflation, le pouvoir d'achat, la consommation, venons-en au taux de chômage. Passé de 11,2 % de la population active à la fin du premier trimestre 1999 à 9,8 % au premier trimestre 2000, il a enregistré une baisse de 13 %, tandis que, parallèlement, le chômage des jeunes diminuait de près de 20 %. À l'inverse, le taux de chômage ne diminue pas depuis un an ; il reste à un niveau proche de 10 %, 9,9 % exactement en octobre 2004. Pire, le chômage des jeunes a augmenté de 2,4 % sur un an, apportant ainsi la preuve que, si le Gouvernement a malheureusement démantelé tous les dispositifs d'insertion professionnelle des jeunes, les gadgets de substitution qu'il a mis en place n'ont aucune efficacité réelle. D'ailleurs, il commence à l'admettre, - on l'a vu lors de l'examen du projet de loi sur la cohésion sociale. Il est vrai qu'en la matière, comme dans beaucoup d'autres domaines, le discours du Gouvernement est pris en défaut par l'absence de vrais moyens financiers mis en regard des objectifs.

Les statistiques de l'exclusion sont, elles aussi, révélatrices et cruelles pour l'actuel gouvernement. Ainsi, alors qu'à partir de 1999, et pour la première fois depuis la création du RMI, le nombre d'allocataires avait diminué, il a augmenté de 5 % en 2003, pour atteindre à nouveau le chiffre de 1 million. Selon l'étude récente du ministère de l'emploi, de juin 2002 à juin 2004, l'augmentation a été supérieure à 10 % ! Tel est le résultat objectif de votre politique. Et ce sont les chiffres officiels tirés de vos propres documents, et non pas ceux du parti socialiste. Il est difficile de leur faire dire que votre politique est positive pour la France et les Français !

Le pire, et nous aurons sûrement l'occasion d'y revenir, c'est la pseudo-décentralisation du Gouvernement, prétendument compensée à l'euro près,...

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. En tout cas, c'est mieux qu'hier !

M. Didier Migaud. ...pour reprendre la formule qui a valu le sobriquet de « M. À-l'euro-près » au précédent ministre des finances.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ça ne risquait pas de vous arriver !

M. Didier Migaud. Malheureusement, entre le discours et la réalité, il y a plus qu'un fossé. Si l'on s'en tient aux départements, exemple sur lequel Augustin Bonrepaux reviendra, il leur manque, rien qu'en trésorerie, près de 300 millions d'euros. Cette impasse les oblige à assumer financièrement une partie de l'échec du Gouvernement et à faire face financièrement et socialement à cette explosion.

Les mauvais résultats économiques se traduisent malheureusement dans nos comptes publics, qui ont tous viré au rouge depuis juin 2002. Le rapporteur général nous expliquait tout à l'heure avec enthousiasme que la Commission européenne allait mettre un terme aux procédures pour déficit excessif. Mais le ministre, pourtant tout aussi enthousiaste, l'a gentiment repris, annonçant quant à lui une « suspension ». La Commission est en effet tout à fait consciente que les résultats affichés risquent de ne pas correspondre tout à fait à la réalité, tant en 2004 qu'en 2005.

Dans ce domaine aussi, les comparaisons parlent d'elles-mêmes. En 1999, pour la première fois depuis vingt ans, l'équilibre primaire des comptes publics avait été atteint, permettant la réduction du poids de la dette publique.

Vous avez évoqué tout à l'heure l'affaire de la « cagnotte », reprenant une expression du Président de la République dont tout le monde reconnaît aujourd'hui qu'elle était au mieux malheureuse, au pire irresponsable. Le terme est impropre, reconnaissez-le, quand on connaît le niveau du déficit public.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous masquez mal vos remords !

M. Didier Migaud. Le Président de la République, qui se faisait communiquer une situation hebdomadaire des comptes publics, ne pouvait l'ignorer. Il a donc délibérément trompé les Français. Et, pour paraphraser le ministre de l'économie, qui déclarait : « Trop d'impôt tue l'emploi », je dirai que trop de caricature peut tuer le débat politique.

M. Hervé Mariton. Je ne vous le fais pas dire ! Voilà une parole d'expert ! Pour une fois, il sait de quoi il parle.

M. le président. Monsieur Mariton,...

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Il faut savoir comparer les bilans !

M. Didier Migaud. Je suis prêt à en débattre de façon approfondie avec vous, monsieur le président de la commission, et avec le ministre du budget. Tous mes chiffres sont objectifs, ils sont puisés dans les documents officiels de Bercy et de l'INSEE.

M. Hervé Mariton. C'est de l'humour ?

M. Didier Migaud. J'attends vos démentis. Vous dites qu'il faut savoir comparer les bilans. Faisons-le ! Nous en tirerons des leçons.

Grâce à une gestion rigoureuse des finances publiques, la dette était passée de 59,3 % du PIB en 1997 à 56,8 % en 2001. Au contraire, après avoir terminé l'année 2002 à 58,8 %, très au-delà des prévisions les plus pessimistes de l'audit que vous aviez commandé, vous allez allégrement franchir la barre des 65 % en 2005, soit huit points de PIB de plus qu'en 2002 ! Pour des gens qui se targuent de rigueur...

Ces considérations m'amènent à évoquer l'exécution du budget 2004, que retrace ce projet de loi de finances rectificative. Il y a un paradoxe. L'année 2004 sera bien meilleure que ce qui était prévu dans le projet de loi de finances initiale.

M. Ghislain Bray. Grâce au Gouvernement !

M. Didier Migaud. Pourtant, la croissance ne profite à personne. Pourquoi ?

M. Hervé Mariton. Cela ressemble à un mystère !

M. Didier Migaud. En prenant certaines mesures qui se sont révélées vaines, notamment dans le collectif pour 2002, vous avez gaspillé les marges de manœuvre et pesé sur le déficit public. Et le collectif pour 2004 montre bien que le Gouvernement n'a pas su tirer parti du retour, réel bien que tardif, de la croissance. Ce projet de loi n'apporte aucun infléchissement à la politique économique et fiscale malgré des résultats qui devraient vous inciter à revoir votre copie.

La rhétorique du Gouvernement n'empêche pas de s'étonner du retard pris par la France pour retrouver la croissance et du décalage de cycle que connaît notre pays par rapport aux économies américaine et asiatiques. Comment expliquer un tel retard ? Selon le Gouvernement, il suffisait de baisser l'imposition des plus aisés pour libérer les énergies comprimées, disait-il, par le précédent gouvernement, qui, en réalité, a permis au pays de connaître une période de très forte croissance.

En réalité, le big bang espéré a fait « pschitt » ! On l'a vu, la baisse ciblée des impôts des plus aisés n'a pas eu les effets escomptés sur la consommation. Elle n'a pas non plus permis de masquer les fortes hausses de prélèvements obligatoires et de tarifs publics subies par l'ensemble des ménages et plus durement ressenties par les plus modestes. Au total, si les prélèvements obligatoires doivent, selon le Gouvernement, diminuer très légèrement en 2004, passant de 43,8 à 43,6 % du PIB, c'est seulement en raison d'une croissance plus élevée que prévue. Les mesures prises ont fait augmenter le taux de prélèvements obligatoires : la tendance spontanée aurait dû donner une baisse de 0,3 point, contrecarrée en partie par les hausses de prélèvements décidées par le Gouvernement à hauteur de 0,1 point.

Le même phénomène se reproduira en 2005, mais, cette fois-ci, la hausse des prélèvements décidée ou provoquée par le Gouvernement sera supérieure à la baisse spontanée et s'accroîtra encore. Monsieur le ministre, sans doute serez-vous toujours à votre poste lors de l'examen du projet de loi de finances initial pour 2006 - je vous le souhaite du moins -, rompant ainsi avec la tradition des gouvernements Raffarin. Nous pouvons donc vous y donner rendez-vous : la réalité ne démentira pas les propos que je tiens aujourd'hui.

La croissance sera en 2004 légèrement supérieure à ce qu'avait prévu le projet de loi de finances. Toutefois, son évolution est inquiétante, car elle est très erratique : soutenue en début d'année, elle a été très faible lors du troisième trimestre - le ministre l'a rappelé - en raison, selon moi, de la politique économique menée. Plutôt que de soutenir les capacités endogènes de la croissance, essentiellement la demande intérieure, le Gouvernement a fait le pari que la croissance mondiale tirerait la croissance française et a préféré consacrer plusieurs milliards d'euros aux baisses ciblées de l'impôt sur le revenu et de l'impôt de solidarité sur la fortune. Ce pari a été malheureusement perdu, au détriment des Français.

Le retour d'une croissance molle est sans effet positif pour les Français qui ne voient pas leur situation s'améliorer. L'effet sur les comptes publics est, quant à lui, quasi inexistant. Si le déficit du budget de l'État se réduit, passant de 3,7 % à 3,2 % du PIB, grâce aux rentrées fiscales supplémentaires, le déficit public, quant à lui - M. le président de la commission des finances le sait bien -, demeure stable, à 3,6 % du PIB, compte tenu de la dégradation importante des comptes sociaux.

M. le rapporteur général, lors de son intervention, est revenu au franc, afin que nous puissions mesurer toute l'étendue de l'effort fourni par le Gouvernement, s'agissant notamment de la réduction du déficit. Or, s'agissant du déficit public, en francs comme en euros, le résultat est le même : un chiffre égal à zéro, puisque, malheureusement, le déficit public ne baissera pas en 2004. Comme M. Sarkozy, vous passez allégrement du déficit du budget de l'État au déficit des comptes publics, afin d'embrouiller tout le monde ! Plus personne ne peut ainsi juger de la réalité. Mais, s'il est vrai que le déficit budgétaire baisse en 2004, il n'en est pas de même du déficit des comptes publics, sauf, monsieur le ministre, à prétendre le contraire ! En dépit de votre enthousiasme, la dégradation des comptes sociaux ne vous le permettra pas.

N'en déplaise au Gouvernement, qui préfère centrer sa communication sur la diminution du déficit budgétaire, c'est le déficit public qui est le juge de paix de la gestion d'un gouvernement, ce que la Commission européenne n'oublie pas. Telle est la raison pour laquelle elle n'a pas arrêté la procédure pour déficit excessif à l'encontre de notre pays, ne faisant que la suspendre.

Quitte à faire souffrir nos collègues de l'UMP, rappelons à cet égard quelques chiffres objectifs. Le déficit de la sécurité sociale, affiché à 0,5 % du PIB, s'élèvera en fait à 0,8 % du PIB, tandis que le déficit du régime général se dégrade encore de 11,5 milliards d'euros par rapport à 2003 - la conversion en francs ne ferait qu'alourdir qu'en apparence un chiffre déjà élevé -, « soit plus du triple de celui de 2002 - 3,4 milliards d'euros », comme l'a constaté la Cour des comptes, pour laquelle « il s'agit de la plus forte dégradation financière de l'histoire de la sécurité sociale ». Ce n'est pas le groupe socialiste qui l'affirme, c'est la Cour des comptes ! Enfin, les collectivités locales voient leur situation financière se dégrader de 0,2 point de PIB, conséquence de l'impasse financière dans laquelle le Gouvernement les place en imposant une décentralisation dévoyée, synonyme, malheureusement, de décentralisation des déficits. La contribution des collectivités locales au solde public devient nulle, alors qu'elle était jusqu'à présent positive - signe supplémentaire de la dégradation de la situation.

La concomitance, pour l'année 2004, d'une amélioration de la croissance, d'une diminution du déficit de l'État, d'une dégradation du déficit des administrations de sécurité sociale et d'une stabilisation par rapport à l'estimation initiale du déficit public attire l'attention. Comme l'a signalé lui-même M. Marini, rapporteur général de la commission des finances du Sénat et membre de l'UMP - ce n'est pas, là encore, monsieur le ministre, le groupe socialiste qui l'affirme -, les prévisions initiales de déficit pour 2004 ont été volontairement sous-estimées. Je le cite : « Il était paradoxal que le Gouvernement prévoie une croissance du PIB de 1,7 % en 2004, égale au consensus, alors que sa prévision de déficit public était de 3,6 % du PIB, contre 4 % selon le même consensus. » Cherchez l'erreur ! À l'époque, les hypothèses de croissance avaient été calculées assez raisonnablement, mais tout ce qui devait normalement en découler a malheureusement été faussé, ce qui permet de mieux comprendre la raison pour laquelle le déficit public n'a pas été révisé à la baisse : cela tient à l'insincérité initiale des perspectives de maîtrise des dépenses, notamment sociales.

Il convient encore de souligner que l'exécution 2004 a été, de nouveau, marquée par un plan de régulation budgétaire. La répétition coutumière de telles pratiques n'altère pas notre indignation, tant le principe et la manière avec laquelle sont opérées ces régulations budgétaires ne manquent pas de choquer.

La méthode insincère de gestion de l'autorisation parlementaire devient en effet une habitude. Depuis deux ans, le Gouvernement gèle un montant considérable de crédits budgétaires, pour mieux les annuler ensuite. Cette année, 5,4 milliards d'euros ont été rendus indisponibles, soit 2,4 milliards d'euros de dépenses annulées et 3 milliards d'euros de crédits de reports gelés.

Concernant ces 3 milliards d'euros de crédits reportés et gelés, près de 50 % représentent des dépenses d'investissements, soit environ 1,3 milliard d'euros - 46 % des crédits gelés exactement. M. le président de la commission des finances n'y est malheureusement sensible qu'en paroles. Le reste des crédits recouvre une part très importante de crédits d'interventions, notamment en matière d'emploi. Les moyens de fonctionnement ne sont concernés que marginalement par la régulation budgétaire.

Les ministères les plus durement touchés par ce gel ont été les ministères du travail - 634 millions d'euros -, de l'intérieur - 507 millions d'euros - et des transports - 313 millions d'euros. Le traitement réservé à ces ministères vient donc contredire frontalement le discours du Président de la République sur les prétendues priorités du Gouvernement en 2004. Mais qui s'en souvient ?

Même la recherche n'est pas épargnée ! Si, à première vue, le budget de la recherche a bien été tenu à l'écart des gels de crédits, au moins 25 millions d'euros de crédits ont été gelés sur des chapitres budgétaires qui sont inclus dans le budget civil de recherche et développement - le BCRD !

S'agissant des annulations de crédits inscrits en 2004, la Cour des comptes - dont nous avons lu avec intérêt le rapport - a relevé à leur sujet un nombre important d'irrégularités formelles et de cas d'inobservation des règles de la part du Gouvernement. De nombreux crédits ont été annulés, alors que l'urgence ou leur indisponibilité n'était pas avérée, en violation flagrante avec la loi organique relative aux lois de finances. C'est le cas pour le ministère de l'intérieur, qui se trouve être l'une des principales victimes de l'annulation des crédits de report. Faut-il y voir la conséquence du transfert, comme on dit au football, de Nicolas Sarkozy de la place Beauvau à Bercy ?

De même, alors que la loi organique prévoit que le Parlement doit être informé, au niveau des chapitres budgétaires, de la répartition des crédits sur lesquels porte la régulation budgétaire et de toute décision rendant indisponibles les crédits, il n'a reçu en avril 2004 qu'un simple catalogue de chapitres « potentiellement mobilisables », pour reprendre l'euphémisme du Gouvernement. Faut-il comprendre que le Gouvernement a cherché à noyer le poisson afin d'éviter une trop grande exposition médiatique sur un sujet désagréable, notamment en certaine période ? Sans doute, mais il l'a fait au mépris de la nécessaire transparence budgétaire et en violation de la loi organique relative aux lois de finances. Il est regrettable que la commission des finances n'ait rien trouvé à y redire.

Je souhaiterais qu'à l'avenir de telles violations des textes budgétaires ne puissent être renouvelées, et je ne doute pas, monsieur le ministre, après ce que j'ai entendu, que vous aurez à cœur de vous démarquer, sur ce plan-là du moins, de vos prédécesseurs.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Surtout socialistes !

M. Didier Migaud. Je parle du présent, monsieur le ministre. Il ne s'agit pas, en la matière, d'invoquer l'héritage !

Je ne souhaite d'ailleurs entamer aucune polémique relative à la loi organique, laquelle avait été adoptée dans un tout autre esprit. Mais vous avez beau dénoncer, avec l'enthousiasme que l'on vous connaît, l'inefficacité et la paralysie sous la précédente législature,...

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'était terrible !

M. Didier Migaud. ...il vous faut bien reconnaître l'esprit d'initiative qu'elle a montré en la matière : la LOLF a été initiée sous la législature précédente.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je l'ai dit.

M. Didier Migaud. Je suis heureux d'en partager la paternité avec Alain Lambert - c'est réciproque, je crois. Nous étions alors tout à fait conscients de la nécessité de réformer un certain nombre de procédures. De même, nous sommes aujourd'hui conscients qu'il convient de responsabiliser davantage les gestionnaires publics et de rendre plus efficace la dépense publique - plus que nous ne le faisons actuellement. Je suis, par ailleurs, le premier convaincu qu'il nous appartient d'acquérir une culture d'évaluation et de contrôle, laquelle fait défaut à l'Assemblée nationale. Le Parlement doit s'affirmer davantage en se mettant en situation d'éviter les deuxièmes délibérations humiliantes, telles que celle que nous avons connue lors de l'examen de la dernière loi de finances, alors que la commission des finances avait utilement proposé des économies et avait protesté, monsieur le ministre, contre la création d'institutions sur l'utilité et la pertinence desquelles on peut s'interroger - je pense à tous ces comités Théodule qui ne servent à rien mais qui coûtent toujours malheureusement quelque argent !

M. Georges Tron. C'est ce que vous aviez dit pour la MEC !

M. Didier Migaud. Nous avions soutenu les propositions formulées par le président de la commission des finances et le rapporteur général, en contradiction totale avec le discours du Gouvernement, lequel a infligé à l'Assemblée nationale une deuxième délibération humiliante, qui n'a supprimé que ces seules économies.

Oui, monsieur le ministre, essayons de travailler ensemble à rendre l'action publique plus efficace et plus responsable, et employons-nous à ce que le Parlement soit davantage entendu. Il y va de l'intérêt de nos compatriotes.

J'en reviens aux annulations de crédits et aux régulations budgétaires. Rien ne justifiait, en 2004, un tel plan d'austérité, et surtout pas les « aléas » invoqués en début de gestion par le Gouvernement. À partir du moment où l'hypothèse de croissance de 1,7 % pour 2004 n'était pas surévaluée, on est bien en peine de discerner à quoi correspondent ces aléas qui pèseraient sur le budget de l'État à hauteur de 5,4 milliards d'euros ! La croissance étant même plus élevée que prévu, pourquoi se mettre dans l'obligation d'annuler ou de geler plusieurs crédits budgétaires ? Seules l'idéologie qui anime le Gouvernement et son incapacité à maîtriser la progression des dépenses de santé expliquent ce plan de régulation budgétaire.

En focalisant l'attention de l'opinion sur le respect absolu du plafond de dépenses budgétaires - qui ne sera d'ailleurs pas respecté, même optiquement, en 2004 -, le Gouvernement occulte le fait que, sous sa gestion et sous sa responsabilité, le déficit budgétaire a pratiquement doublé en deux ans. Là encore, on ne peut invoquer la législature précédente ! Malgré cette rigueur budgétaire appliquée aux dépenses, le déficit de l'État est en effet passé de 34,4 milliards d'euros en 2001 à 61,6 milliards en 2003. La véritable cause de l'explosion du déficit, ce n'est pas la dépense publique, que vous considérez comme mauvaise a priori, mais plutôt, pour partie, l'effondrement des recettes provoqué par l'atonie de la croissance...

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Les deux choses sont très liées !

M. Didier Migaud. Je suis prêt à en débattre, monsieur Méhaignerie. Il serait bon, d'ailleurs, que cela se passe en commission des finances, avec la participation d'économistes ou de conjoncturistes.

Cet effondrement des recettes dû à l'atonie de la croissance, donc, s'est trouvé aggravé par les baisses ciblées, injustes et inefficaces de l'impôt sur le revenu et de l'ISF. Et vous-même, monsieur le ministre, répondant à certains collègues de l'UMP qui s'émouvaient de constater que le plafond de dépenses allait augmenter en 2004, vous avez déclaré que ce n'était pas grave, car on pouvait toujours inscrire les dépenses pour les reporter en 2005. Mais si, en 2005, vous tenez à respecter votre nouveau plafond de dépenses, il vous faut d'ores et déjà prévoir un gel ou des annulations de crédits correspondant aux dépenses que vous autorisez dans ce collectif budgétaire. Tout ceci montre que vous vous souciez plus de l'affichage que de la réalité !

Vous avez décidé de faire baisser coûte que coûte l'imposition des plus aisés et de le faire payer à l'ensemble des Français, non seulement par des augmentations des prélèvements supportés par tous - cotisations chômage, TIPP, impôts locaux ou prélèvements sociaux -, mais également par des coupes franches dans les dépenses budgétaires. La remise en cause des investissements publics a un coût économique considérable : plus de la moitié des dépenses annulées en 2003 étaient des dépenses d'investissement, et le retrait de l'État entraîne souvent, comme pour les contrats de plan État-régions, celui des collectivités locales. S'ajoute à cela le risque de fragiliser encore plus la situation de beaucoup de Françaises et de Français en remettant en cause des politiques publiques qui contribuent à la lutte contre la pauvreté et la précarité.

Le Président de la République lui-même s'est ému des « dommages difficilement réversibles » causés par cette régulation - il avait notamment à l'esprit l'appareil diplomatique français. En certaines circonstances, ses appels devraient être davantage entendus par le Gouvernement.

Ce dernier s'obstine, en effet, dans cette remise en cause systématique des crédits budgétaires, dont la presse vient encore récemment de montrer les dégâts qu'elle produit sur le terrain, en termes d'emploi notamment. À cet égard, tous les députés, quelle que soit leur sensibilité, peuvent témoigner des conséquences de certaines annulations pour le mouvement associatif.

Cette obstination, pas plus qu'elle n'a empêché l'explosion du déficit budgétaire, n'a limité l'explosion du poids de la dépense publique dans le PIB depuis 2001. Celle-ci, après avoir été maîtrisée sans préjudice pour les politiques publiques pendant cinq ans, représentait 52,6 % du PIB en 2001 contre 55,5 % en 1996. Le poids de la dépense publique a donc été réduit lors de la législature précédente. À la fin de 2003, ce poids est de 54,6 %, soit deux points de PIB de plus en deux ans, alors même que beaucoup de politiques publiques sont remises en cause et que la capacité à agir de l'État est gravement menacée. Une fois encore, les chiffres montrent combien vos discours sont en décalage par rapport à la réalité.

Mon dernier développement sera consacré à la question des surplus de recettes fiscales constatés en exécution du budget pour 2004. Notez que si j'emploie ces termes neutres, c'est pour ne pas tomber dans la caricature comme l'avait fait en son temps le Président de la République en parlant de « cagnotte ».

Ces surplus que vous avez évoqués, monsieur le ministre, atteignaient 3,4 milliards d'euros en 1999. Le Président de la République avait qualifié de « cagnotte » une telle somme : quel est le terme qu'il emploierait aujourd'hui, s'il était toujours dans le même état d'esprit, pour désigner le surplus de 7,5 milliards d'euros constaté en 2004 ?

Nous ne tombons pas dans ces facilités, mais cela ne nous empêche pas d'avoir certaines exigences à formuler. À propos de la TIPP, j'ai recensé plusieurs déclarations de vos prédécesseurs. Vous qui affirmez inscrire votre action dans la continuité de la leur, monsieur le ministre, je vous rappelle qu'ils s'étaient engagés à restituer les surplus de TVA encaissés en raison de l'augmentation du prix des produits pétroliers.

Je vois que cela fait sourire M. Mariton, qui aime mieux tenir des raisonnements compliqués pour faire perdre le fil à ses collègues...

M. Georges Tron. Pour ce qui est des raisonnements simples, il est servi !

M. Didier Migaud. Selon les termes du communiqué de presse de Bercy daté du 15 novembre dernier, il est clairement question de « restituer aux Français les suppléments de recette fiscale découlant de la hausse du prix des carburants », laquelle résulte la flambée des prix du pétrole.

M. Hervé Mariton. Donc il ne s'agit pas uniquement de la TVA !

M. Didier Migaud. Si, à l'époque, nous nous sommes permis d'ironiser sur la création d'une commission « pirouette cacahouète »...

M. Jérôme Rivière. Croyez-vous que c'est plus fin que la « cagnotte » ?

M. Didier Migaud. Si nous avons moqué, donc, cette belle pirouette de la part du ministre, qui n'avait rien à distribuer, c'est parce que l'on percevait aisément que l'objet de cette création était de botter en touche...

M. Hervé Mariton. Non : il s'agissait de démontrer l'inanité de la TIPP flottante !

M. le président. Vous aurez la parole tout à l'heure, monsieur Mariton !

M. Didier Migaud. ...pour conserver ces surplus de recettes que le Gouvernement, déjà peu enclin à reconnaître leur existence, refuse de toute façon de rendre aux Français.

Pendant dix-huit mois, pourtant, le Gouvernement avait la possibilité d'éviter de faire subir une ponction supplémentaire aux Français : la réactivation de la TIPP flottante aurait en effet atténué l'impact de l'augmentation des prix du pétrole sur le pouvoir d'achat. Le 18 mars 2003, le ministre délégué au budget déclarait : « Une TIPP flottante pourra être rétablie si cela se révèle nécessaire. À ce jour, elle ne l'est pas. » Le 11 mai 2004, le secrétaire d'État au budget persistait dans le refus en invoquant le coût de la mesure - en cela, il reconnaissait implicitement l'existence d'un prélèvement supplémentaire -, et en affirmant qu'« une TIPP flottante serait inadaptée et très coûteuse ». C'est bien là la démonstration que cette mesure représenterait une diminution substantielle de la ponction sur le revenu des ménages : si cela coûte à l'État, c'est bien que d'autres en bénéficient.

Le même secrétaire d'État déclarait le 1er juin 2004, en réponse à une nouvelle demande : « Nous n'en voulons pas, et les Français ne la souhaitent pas ! » Enfin, le 5 octobre 2004, il était contraint de reconnaître que « les recettes de TVA augmentent, c'est vrai, d'une quarantaine de millions par mois ». À la faveur de cet élan de sincérité, M. Bussereau s'est rapproché de la réalité.

L'aveu est corroboré par les données fournies à la commission mise en place par Nicolas Sarkozy : 412 millions d'euros de surplus de recettes de TVA encaissées par l'État du fait de l'augmentation des prix du pétrole. Mais on s'est employé à tenir des raisonnements faisant intervenir beaucoup d'autres facteurs pour éviter d'avoir à rendre ces surplus aux Français, dont le pouvoir d'achat se trouverait pourtant renforcé. Pour ne pas se priver de recettes, le Gouvernement a cherché à embrouiller tout le monde, invoquant des « effets base », des « effets volume », des « effets limite de vitesse », des « effets prévision » - j'en passe et des meilleurs.

Sur nos instances, la commission s'est réunie une nouvelle fois, tandis que les médias, un peu trop crédules vis-à-vis du Gouvernement et de sa majorité, titraient hâtivement que la commission avait déjà conclu à l'absence de plus-values, ce qui est faux.

M. Hervé Mariton. Mais non ! C'est bien ce à quoi elle a conclu !

M. Didier Migaud. Vous l'avez peut-être affirmé, monsieur Mariton, mais pas la commission, dont j'étais membre.

Quoi qu'il en soit, une chose apparaît clairement : il y a bien des recettes supplémentaires à hauteur de 412 millions d'euros.

J'ajoute que les recettes de TIPP en 2004 sont supérieures à celles de 2003 de 3,2 % exactement à la fin du mois d'octobre. Mais le Gouvernement s'est retranché derrière l'argument que les recettes de TIPP étaient inférieures aux prévisions. Il est pourtant notoire que ces prévisions ont été délibérément surestimées, notamment parce qu'elles étaient fondées sur les prévisions de 2003, dont chacun se souvient de l'insincérité.

M. Georges Tron. Qu'en était-il dans le collectif budgétaire pour 2002 ?

M. Didier Migaud. C'est un peu comme si le Gouvernement cherchait à tirer parti de son insincérité et de ses turpitudes passées pour mieux s'exonérer des actuelles !

Puisque l'existence de plus-values est établie, nous demandons que le Gouvernement tienne sa promesse et amende le projet de loi de finances rectificative en ce sens. Nous prenons acte de son refus de rétablir la TIPP flottante et lui proposons donc d'affecter les 412 millions d'euros de surplus à la prime pour l'emploi, ce qui reviendrait à doubler l'effort prévu par le Gouvernement pour 2005. Cette solution est techniquement et juridiquement très simple, elle est eurocompatible, elle est socialement juste et immédiate dans ses effets. Seraient ainsi restitués des prélèvements supplémentaires aux ménages les plus modestes, ceux qui ont été les plus durement touchés par l'augmentation du prix des produits pétroliers, comme l'a reconnu le Gouvernement.

Votre enthousiasme aidant, monsieur le ministre, nous espérons que vous voudrez bien accepter cette mesure de justice.

En un mot, c'est l'insincérité de l'équilibre de la loi de finances qui motive cette exception d'irrecevabilité. Vous avez déclaré, monsieur le ministre, dans le journal La Croix du 8 décembre - vous voyez que nous vous lisons avec attention, dans vos nouvelles fonctions comme dans les précédentes -...

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est réciproque, monsieur Migaud. (Sourires.)

M. Didier Migaud. ...: « S'il y a un petit bout de solde positif entre les plus-values de recettes fiscales constatées en cours d'année et la réduction du déficit, il sera consacré à l'investissement, et donc reporté en 2005. » Je n'insiste pas sur l'imprécision de la formule, qui témoigne sans doute du fait que vous ne vous êtes pas encore totalement départi du lyrisme dont vous faisiez usage dans vos précédentes fonctions pour vanter la pseudo-décentralisation imposée aux collectivités locales par le Gouvernement - vous ne cessiez alors de nous assurer que tous les transferts de charges seraient compensés « à l'euro près » : désormais ministre délégué au budget, vous pouvez constater que ce n'est pas le cas !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous vous faites plaisir, monsieur Migaud !

M. Didier Migaud. Certainement pas ! Vous n'aurez qu'à écouter tout à l'heure l'intervention d'Augustin Bonrepaux sur la question des collectivités locales et le retard qu'a pris l'État pour effectuer les transferts de recettes correspondant aux transferts de charges. M. Bonrepaux sait de quoi il parle. Il fait même autorité en la matière !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ça !

M. Didier Migaud. Que cache cette formule alambiquée, en réalité ? Tout simplement, que vous connaissez la situation réelle et actuelle des recettes fiscales. Vous savez d'ores et déjà qu'elles seront d'un niveau supérieur à celui inscrit dans ce collectif. C'est, là aussi, l'aveu de l'insincérité du Gouvernement.

Mauvais résultats, insincérité, politique injuste et dangereuse : pour toutes ces raisons, je vous invite, chers collègues, à voter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe UMP.

M. Hervé Mariton. Notre collègue Migaud a vraiment une vision ésotérique des finances publiques et du débat budgétaire. Cela ne nous surprend pas : c'est à peu près à chaque fois la même. C'était celle qui nous était proposée à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2005.

Mais j'ai eu l'impression, en écoutant Didier Migaud, que, s'agissant de l'explication de l'économie et des finances à nos concitoyens, nous faisions allégrement quelques pas en arrière.

L'idée s'était répandue dans notre pays, à tort ou à raison, que les socialistes avaient fait quelques progrès, au fil des temps, et que, sur les questions économiques et financières, ils étaient gens aussi sérieux que d'autres. Ce que nous venons d'entendre montre que, à supposer que ce progrès ait été réel, il est clair qu'en tout cas, avec M. Migaud, un sérieux recul a été effectué.

Je ne reviens pas sur votre défense, désespérée, de la TIPP flottante. Je ne crois pas être spécialement adepte des choses compliquées et, en tout cas, le calcul est à la portée de tous nos compatriotes : il y a, du fait de l'augmentation des prix du pétrole, un surplus de recettes de TVA et une moins-value, nettement plus importante, de TIPP, si bien que le solde fiscal est très clairement négatif.

M. Didier Migaud. Ce n'est pas le sujet !

M. Hervé Mariton. C'est le sujet que vous avez abordé à la fin de votre propos. On s'y est repris à deux réunions, parce que nous avons voulu travailler de manière tout à fait sérieuse, et aussi bien le magistrat présidant la commission que l'ensemble des autres collègues, à votre seule exception, ont partagé ce constat. Alors, quand les choses sont aussi simples et nettes que cela, il faut le dire. Sauf à faire croire à nos compatriotes que les phénomènes budgétaires, fiscaux, relèveraient d'une sorte de mystère,...

M. Didier Migaud. Il n'y a pas de mystère !

M. Hervé Mariton. ...qu'au fond, on pourrait faire dire tout et n'importe quoi aux chiffres. Tel n'est pas le cas ! Et cela préserve la marge des choix politiques, dont nous pouvons en effet discuter. Mais la discussion gagne à être établie sur quelques données quantitatives très simples. Vous, vous avez envie de présenter cela comme un mystère.

M. Didier Migaud. Non !

M. Hervé Mariton. C'est une vision que nous ne pouvons pas partager.

Dans la première partie de votre propos, nous avons entendu de grandes leçons de vertu. Leçons de vertu dispensées par un donneur de leçons.

M. Didier Migaud. Non, ce n'est pas vrai !

M. Hervé Mariton. D'ailleurs, vous nous y avez habitués. Je n'ai cependant, dans toutes ces leçons, pas appris quelle serait aujourd'hui votre stratégie budgétaire.

M. Didier Migaud. Proposez une dissolution ! (Sourires.)

M. Hervé Mariton. Vous nous avez, à la fin de votre intervention, fait partager votre mystère, mais pas votre stratégie. D'ailleurs, en matière de vertu, il faut toujours être prudent, il vaut mieux être modeste. Et chacun s'accordera à dire que lorsqu'il s'est agi de préparer le budget de 2002 et d'engager son exécution, vous n'avez pas témoigné d'une pratique extraordinaire qui vous légitimerait aujourd'hui pour donner la moindre leçon.

M. Didier Migaud. Vous avez fait pire en 2003 !

M. Hervé Mariton. Ceci dit, cher collègue, en énonçant cela, j'ai le sentiment qu'à l'UMP, nous nous répétons sans doute un peu parce que vous-même, dans votre exception d'irrecevabilité, on ne peut pas dire que vous ayez fait preuve d'une grande originalité, que vous ayez mobilisé une capacité d'analyse fulgurante des propositions qui nous sont faites dans le projet de loi de finances rectificative pour 2004. D'exception d'irrecevabilité en exception d'irrecevabilité, à peu de mots près, vous nous dites exactement la même chose. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Parce que vous persistez dans vos erreurs !

M. Hervé Mariton. Vous témoignez des mêmes lacunes. Et vous suscitez chez nous, mais surtout chez nos compatriotes, les mêmes inquiétudes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Ça, c'est un peu fort !

M. Hervé Mariton. Écoutez, vous en saurez plus ! Vous avez une culture constante de la dépense. Je vous ai rappelé 2002 ; vous nous avez rappelé les années antérieures. Mais, cher collègue, vous savez combien, sous d'autres gouvernements socialistes, vous avez gaspillé les ressources que des périodes plus fastes de notre économie avaient apportées. J'ai parlé de la culture de la dépense.

M. Didier Migaud. C'est vous qui la faites exploser ! Le poids de la dépense est aujourd'hui plus important qu'hier !

M. Hervé Mariton. Vous avez aussi une culture de l'impôt. Vous-même et certains de vos amis au parti socialiste l'avez rappelé, alors que nous croyions que vous vous étiez modernisés là-dessus. Mais probablement que, quand l'UMP croit que le parti socialiste s'est modernisé, a-t-elle quelque espérance sur des progrès qui, en réalité, ne sont pas durables.

Pas un instant vous n'avez apporté de critiques solides sur ce projet de loi de finances rectificative. Vous avez simplement confirmé de vieilles lunes, qui ont le mérite de la constance, mais qui ont le défaut à la fois d'entretenir et d'encourager une approximation dans les chiffres, de dire à nos compatriotes qu'au fond, les données budgétaires, on n'a pas besoin d'y regarder de trop près...

M. Didier Migaud. Je n'ai jamais dit ça ! Ce n'est pas vrai !

M. Hervé Mariton. ...que tout ça s'évalue avec les additions caricaturales que vous avez faites. Or, il s'agit de dire à nos compatriotes que l'action d'un gouvernement et d'une majorité ne se résume pas aux finances publiques, mais que des finances publiques solides sont une condition nécessaire de l'action. Tout cela, nous y reviendrons tout à l'heure.

Comme vous étiez passablement hors du sujet et que votre propos lui-même a confirmé que vous restez dans les stratégies budgétaires néfastes que vous avez conduites il y a quelques années, le groupe UMP rejettera évidemment votre exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Nous venons d'entendre la leçon donnée par M. Mariton. Mais Il serait bien avisé tout de même de regarder les comptes et, surtout, le rapport de notre rapporteur général, Gilles Carrez. Parce qu'il constaterait - s'il ne s'en est pas encore rendu compte - que les crédits votés par le Parlement vont augmenter après l'adoption du présent projet : ils seront supérieurs de 1,7 milliard d'euros au montant ouvert par la loi de finances initiale. Il constatera qu'on a ainsi, apparemment, la norme de progression des dépenses. Rien que cela justifierait tout à fait cette exception d'irrecevabilité puisqu'on nous annonce que la dépense sera tenue, et on dépasse déjà les prévisions. Alors, ou bien le ministre vient d'arriver à son poste et il ne sait pas où il en est ;...

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Oh !

M. Augustin Bonrepaux. ...ou bien il manque de prévisions fiables ; ou encore il inscrit des crédits qui seront annulés à la fin de l'année. Est-ce de l'affichage ? Sinon, qu'est-ce que c'est ? Parce qu'enfin, si le Gouvernement inscrit 1,7 milliard d'euros de crédits supplémentaires, c'est qu'ils sont nécessaires et donc que la dépense ne sera pas tenue ! Vous nous dites que vous tenez la dépense prévue et, déjà, vous la dépassez de 1,7 milliard ! Et avec ça, vous venez nous donner des leçons !

Ensuite, vous nous expliquez, monsieur le ministre, qu'il faut baisser les impôts. Pour ça, vous vous y entendez, mais vous baissez surtout les impôts des privilégiés, notamment l'impôt sur le revenu. D'ailleurs, M. Raffarin, en trépignant, vient de dire qu'il voulait continuer à baisser l'impôt sur le revenu - sans savoir d'ailleurs s'il aura les moyens, si la croissance sera suffisante. Mais il est vrai qu'en 2003, il ne s'en est pas privé alors que la croissance n'était pas au rendez-vous, ce qui a accru tout de même les difficultés de notre pays. Vous nous dites que vous baissez les prélèvements obligatoires... Et les prélèvements obligatoires augmentent ! Alors, d'un côté, il y a la baisse. Pour qui ? Pour les privilégiés. Mais, de l'autre côté, il y a les augmentations, qui frappent surtout les plus modestes. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Marc Laffineur. Menteur !

M. Augustin Bonrepaux. Par exemple, bien sûr, il y a l'escalade des impôts locaux que vous provoquez. Alors, vous pouvez nous donner des leçons. Mais, monsieur le ministre, il y a tout de même un manque de préparation et de réflexion. Parce qu'il n'est pas acceptable que le Gouvernement nous présente à la dernière minute, comme ce matin en commission, une dizaine d'amendements, et non des moindres, puisque l'Assemblé va supprimer cette nuit, ou la nuit prochaine, le Fonds national pour le développement des adductions d'eau ! Ça n'est pas rien ! Il va falloir l'expliquer aux élus ruraux. De quels moyens disposeront-ils pour faire tous les travaux d'adduction d'eau et d'assainissement ?

M. Marc Laffineur. On en est aux explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, pas à la discussion générale !

M. Augustin Bonrepaux. On nous dit que tout cela est bien réglé, que c'est prévu. Mais nous constatons que c'est de l'impréparation, dont j'admets bien volontiers qu'elle est due au remaniement du Gouvernement. Néanmoins, vous comprenez tout de même qu'il est impossible d'examiner aussi rapidement des amendements de cette importance. Un autre amendement propose de déduire la CSG de l'impôt sur le revenu - pour les retraités, pas pour les autres. Mais c'est une dépense supplémentaire.

M. Hervé Mariton. Êtes-vous contre ?

M. Augustin Bonrepaux. En connaissons-nous le coût ? Ce ne sera donc pas 1,7 milliard de dépenses supplémentaires, mais un peu plus.

Enfin, je rappelle que nous faisons une proposition réaliste : ...

M. Hervé Mariton. Laquelle ?

M. Augustin Bonrepaux. ...rendre aux plus modestes les recettes supplémentaires que vous avez faites avec le pétrole.

M. Hervé Mariton. Il n'y en n'a pas !

M. Augustin Bonrepaux. En tout cas, monsieur Mariton,...

M. Hervé Mariton. Arrêtez de vous moquer des gens ! Respectez les Français !

M. Augustin Bonrepaux. ...s'il y a aujourd'hui une inquiétude dans le pays, c'est celle suscitée par toutes les promesses, par les plans, par les re-plans, que l'on nous propose. Des plans qui tombent à plat d'ailleurs. Et encore ce matin, un nouveau plan ! C'est la succession et l'échec de ces plans qui suscitent l'inquiétude. Les Français sont surtout inquiets de la façon dont vous conduisez cette politique irréfléchie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Claude Sandrier. Nous voterons cette exception d'irrecevabilité, pour une bonne et simple raison : les actes ne suivent pas les intentions, même si on peut considérer par certains aspects - je vais en prendre deux - que les intentions peuvent être bonnes. Mais si les actes ne suivent pas...

Première bonne intention : le discours sur la croissance. Il est vrai qu'il est difficile de créer des emplois et de la richesse s'il n'y a pas de croissance. Je pense que c'est une évidence partagée par tout le monde. Mais là où il y a problème, c'est que la croissance a été en partie retrouvée et qu'il n'y a toujours pas de baisse du chômage.

M. Marc Laffineur. Si ! Il faut lire le journal !

M. Jean-Claude Sandrier. Vous êtes là depuis trois ans et, en 2003, il y a eu plus d'emplois supprimés que d'emplois créés. Il en a été de même dans l'Union européenne des Quinze, sur les quatre dernières années.

Tout cela a été expliqué par un économiste américain, qui s'est penché sur ce qui se passait aux États-Unis. Il a vu que la croissance, infiniment plus forte que chez nous, servait à restaurer les marges des entreprises, et non pas à créer des emplois. Voilà ce qui se passe aussi chez nous. Il précise que, quand il y a création d'emplois, il faut voir de quels emplois il s'agit. Et nous sommes également bien placés pour le savoir. On crée ce que l'on appelle des « salariés pauvres ». Cela ne risque pas de s'arranger si le pouvoir d'achat baisse. Vous pouvez dire que c'est une impression des Français, mais quand 65 % d'entre eux, d'après un sondage CSA-Les Echos - ce n'est pas L'Humanité -, estiment que leur pouvoir d'achat baisse, il faudrait tout de même s'interroger.

Seconde bonne intention : vous voulez mobiliser l'énergie des Français. Très bien ! Je ne vois pas pourquoi on serait contre. Mais il y a un petit problème : vous pourrez le faire le jour où la croissance profitera à la majorité des Français. Or, ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Quand le produit intérieur brut, l'inflation et les salaires augmentent grosso modo de 2 % tandis que les dividendes des actions de Michelin - pour prendre un exemple dans mon département - progressent de 102 %, et que le PDG s'augmente de 146 %, comment voulez-vous mobiliser l'énergie des Français ? Et quand on n'a aucun avantage à travailler - on en a discuté la semaine dernière -, parce qu'on vous propose du travail à temps partiel, sous-payé, et que cela coûte plus cher de payer le transport et la garde des enfants, est-ce ainsi que l'on valorise le travail ?

Enfin, j'ai été choqué d'entendre le ministre parler de « dépression nerveuse ». Les personnes qui, de plus en plus nombreuses, ont recours au Secours catholique, au Secours populaire ou aux Restaurants du cœur, ce n'est pas seulement de cela qu'elles souffrent !

Nous voterons donc l'exception d'irrecevabilité.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je souhaite répondre à M. Migaud, par courtoisie, d'abord, mais aussi parce que je ne résiste pas à l'envie de me livrer, comme lui, à un petit rappel historique et que je voudrais, par là même, m'efforcer de convaincre l'Assemblée nationale de ne pas voter l'exception d'irrecevabilité.

Vous avez, monsieur Migaud, clairement dit que vous considériez que la politique économique et budgétaire du Gouvernement n'était pas bonne. Elle a, en tout cas, la particularité d'être l'inverse de celle qu'a conduite M. Jospin ! Ainsi, nous faisons tout pour retrouver le chemin de la croissance, et le taux de 2,5 % auquel nous l'avions estimée pour 2004 sera probablement avéré. Pourquoi avons-nous pu ainsi regagner le peloton de tête de la zone euro ? Cela mérite qu'on s'y arrête.

D'abord, nous avons fait preuve de volontarisme en matière de pouvoir d'achat, de consommation et d'encouragement de l'investissement. C'est depuis que nous sommes de nouveau aux affaires qu'a été augmenté le SMIC, qu'a été largement réévaluée la prime pour l'emploi et qu'a été engagé un très gros travail de baisse de l'impôt sur le revenu pour réhabiliter le travail.

Nous avons mené, en outre, une politique de redressement des finances publiques. Au cours des trois années qui ont précédé notre arrivée en 2002, les dépenses publiques avaient explosé, car durant toute la période où M. Jospin a dirigé le gouvernement, personne, chez vous, n'a pensé que la croissance pouvait servir à financer des réformes de structures, à maîtriser les dépenses publiques et à moderniser la France.

Nous avons donc trouvé un pays dont la dépense publique avait augmenté de façon délirante, et qui n'avait consacré les réserves de croissance ni à une baisse ambitieuse d'impôt, ni à une réduction du déficit.

M. Didier Migaud. Ce n'est pas vrai !

M. Marc Laffineur. Hélas, si !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ce n'est pas parce que vous protestez, monsieur Migaud, que ce n'est pas exact !

M. Didier Migaud. Reprenez vos propres chiffres !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'ai même pris les vôtres et j'y ai constaté des inexactitudes !

M. Didier Migaud. Faites-nous en la démonstration !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je n'aurai aucune difficulté à le faire !

Revenons sur les chiffres que nous a donnés le rapporteur général. Sur la période 1998-2001, la majorité précédente a bénéficié de 70 milliards de plus-values de recettes,...

M. Hervé Mariton. Gaspillés !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ...dont 54 % ont nourri des dépenses nouvelles,  32 % des baisses d'impôts et seulement 14 %, c'est-à-dire à peine 10 milliards, la réduction du déficit.

Pour ce qui concerne l'équation du projet de loi de finances pour 2005, sur une marge de 17 milliards d'euros, nous consacrons 10 milliards à la réduction du déficit. C'est une première différence, majeure, entre nous. Et vous verrez que nous pourrons en dire un peu plus sur le sujet, dans les mois qui viennent.

Quant aux ouvertures et aux reports de crédits en collectif, vous en avez dit beaucoup de mal,...

M. Didier Migaud. La Cour des comptes aussi !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ...mais ce ne fut pas toujours le cas. À une époque où vous étiez un peu le « théoricien de la régulation budgétaire », et où vous auriez mérité, d'ailleurs, d'être ministre du budget (Sourires), n'expliquiez-vous pas, au cours de la deuxième lecture de la LOLF, le 21 juin 2001 : « L'une des principales motivations de la régulation budgétaire est la préservation de l'équilibre budgétaire. Il ne sert à rien de nier cette réalité. » Je vous invite à venir avec nous reconnaître cette réalité aujourd'hui, car elle n'a pas tant changé !

M. Didier Migaud. Je ne vois pas la contradiction ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Enfin, si, elle a un peu changé, quand même !

Puisque vous aimez les chiffres, écoutez donc ceux-ci : les ouvertures de crédits, dans le collectif 2004, sont de 1,7 milliard d'euros ; elles s'élevaient, dans le collectif de 1998, à 2,8 milliards et, dans celui de 2000, à 2 milliards d'euros. Vous nous avez reproché l'ampleur de nos reports, mais vous, en 2002, vous êtes allés jusqu'à 14 milliards d'euros de reports !

M. Didier Migaud. En 2002, bien sûr ! Auriez-vous oublié qu'il y a eu une alternance ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je parle des reports de 2001 sur 2002 !

Monsieur Migaud, vous êtes suffisamment expert en ces matières pour ne pas considérer toujours que ce que je dis est faux, alors que vous seriez génial ! Sans quoi, nos relations qui ont toujours été courtoises jusqu'à présent, risqueraient de se dégrader, ce qui serait dommage.

Vous avez apprécié que j'annonce que nous financerions la décentralisation à l'euro près. Vous pourrez bientôt constater que je dispose de beaucoup d'autres formules de ce genre pour vous convaincre que notre action est bien au cœur d'une démarche de réforme et de modernisation de la France.

Je ne pourrai pas être exhaustif. Je me contenterai donc de terminer sur deux points sur lesquels j'ai trouvé que vous aviez un peu forcé la dose.

Vous avez déploré que nous présentions des comptes publics globaux en déséquilibre. Comme je vous connais bien, je sais que, si vous dites cela, c'est que, au fond de vous-même, vous pensez que ce gouvernement, que pourtant vous combattez, fait un gros effort pour réduire son déficit ; vous vous détournez donc de la critique de l'État pour attaquer la sécurité sociale. Et je suis bien obligé de le reconnaître, dans ce domaine, la spirale du déficit est puissante.

Mais si les dépenses sociales augmentent fortement, c'est en grande partie parce que, après 1997, dans l'euphorie et l'enthousiasme de la victoire, vous avez abandonné toutes les mesures qu'avait engagées le gouvernement de M. Juppé pour organiser une maîtrise médicalisée des dépenses. Moyennant quoi, la période de croissance économique entre 1997 et 2002 s'est traduite par un accroissement des dépenses de maladie, puisqu'il n'y avait plus aucun élément de régulation, qui a été masqué par un surcroît de cotisations sociales liées à la croissance économique, de sorte que vous vous êtes exonérés de cette réforme, pourtant indispensable, de l'assurance maladie.

S'il est une différence - il y en a bien d'autres - sur laquelle je veux insister entre nos manières respectives de conduire le pays, c'est que nous, avec nos défauts, qui sont, à vos yeux, énormes, mais avec nos efforts, qui ne le sont pas moins, je vous l'affirme, nous mettons en œuvre des réformes de structures que vous n'avez pas voulu faire : les réformes de l'assurance maladie, des retraites et de l'État sont destinées à nous permettre de gérer les finances publiques de notre pays en bons pères de famille, avec la volonté de faire en sorte que l'avenir de nos enfants ne soit pas hypothéqué par des décisions irresponsables.

Mon dernier mot sera pour les 35 heures.

M. Didier Migaud. Je me doutais que ça allait venir !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous vous dites las de nous entendre sans cesse parler de « l'héritage », il n'empêche que c'est nous qui supportons celui des 35 heures et ses incidences sur les finances publiques ! De ce point de vue, la mesure annoncée par le Premier ministre, ce matin, est majeure puisque, tout en maintenant la durée légale - il n'est pas question de chambouler à nouveau le pays, comme vous l'aviez fait -, il s'agit d'offrir le libre choix aux salariés. C'est une manière de sortir par le haut d'une situation délicate, qui a eu des conséquences psychologiques si graves qu'il nous faut à présent remettre en haut du podium la valeur du travail.

Comme l'ensemble de l'équipe gouvernementale, j'ai la conviction que c'est bien par la réhabilitation du travail que nous allons, dixième après dixième, reconquérir la croissance économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

M. le président. Je vais suspendre la séance quelques instants avant d'ouvrir la discussion générale.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, ce projet de loi de finances rectificative semble à première vue enregistrer une amélioration de la situation globale de notre pays, avec une croissance qui devrait atteindre 2,5 % en 2004, au lieu du 1,7 % prévu. Cependant, son évolution erratique ne permet pas de garantir qu'elle se maintiendra à ce niveau, surtout avec votre politique économique mal définie et irréfléchie.

Si le déficit du budget de l'État se réduit, passant de 3,7 % à 3,2 % du PIB grâce aux rentrées fiscales supplémentaires, le déficit reste stable, à 3,6 %, compte tenu de la dégradation importante des comptes sociaux. Les ouvertures nettes de crédits sont en progression de 1,7 milliard d'euros. La règle du « zéro volume » tant vantée par le Gouvernement n'est donc pas respectée.

Monsieur le ministre, que faites-vous donc de la croissance ?

Permettez-moi de poursuivre la comparaison que vous avez faite avec la majorité précédente. En 1999, par exemple, la croissance a été de 2,7 %. Or c'est à peu près le rythme de croissance de l'économie française depuis maintenant un an. La hausse des prix, de 0,5 %, était l'une des plus faibles en Europe, générant une augmentation de pouvoir d'achat des ménages. En août 2004, la hausse des prix était en rythme annuel de 2,4 %. Le pouvoir d'achat des ménages et leur consommation progressaient en 1999 respectivement de 2,8 % et de 3,2 %. La progression de la consommation n'a été que de 2,4 % en 2004 et le pouvoir d'achat du revenu disponible brut n'a progressé que de 1,5 %.

Les déficits publics atteignaient en exécution 1,8 % en 1999 pour l'ensemble des administrations publiques. Fin 2004, le Gouvernement prévoit un déficit public de 3,6 % du PIB, alors que l'évaluation de l'audit de juillet 2002 le situait à 2,6 %. Le déficit de 1 % relève donc de votre responsabilité, monsieur le ministre.

La réduction du déficit public avait atteint 0,9 point par rapport aux 2,7 % atteints en 1998, soit bien plus que la réduction de 0,5 point réalisée entre 2003 et 2004, qui maintient le déficit au-dessus de ce que permettent les règles européennes pour la troisième année consécutive.

En 1999, pour la première fois depuis vingt ans, le poids de la dette publique diminuait, et son montant baissait d'un point pour atteindre 58,5 %. En 2004, la dette augmente, passant de 63,7 % à 64,8 %.

Le taux de chômage passait en 1999 de 11,2 % de la population active à 9,8 % au premier trimestre 2000. L'emploi total avait progressé de 2 % sur l'année - 2,7 % pour l'emploi salarié. À l'inverse, le taux de chômage a progressé de 0,1 point en un an pour atteindre 9,9 % en août 2004. Le chômage touche ainsi 2 690 000 personnes. Ce taux est resté stable pendant un an. Le chômage touchait 2 685 000 de personnes en janvier 2004, et il n'a pas diminué malgré une année de croissance. Il a même augmenté de façon notable pour les moins de vingt-cinq ans. C'est votre impuissance à résorber le chômage qui explique la dégradation des comptes sociaux.

La politique fiscale visait en 1999, dans le cadre de l'amélioration des comptes publics que j'ai évoquée, à accompagner une politique de retour à l'emploi, à son tour génératrice de croissance. Les recettes ont connu au total un surplus de 4,7 milliards d'euros, ce qui équivaut aux 5 milliards d'euros annoncés aujourd'hui.

Mais la politique fiscale visait des impositions touchant l'ensemble des ménages et une augmentation du contenu de la croissance en emploi. La suppression de la part salaires de la taxe professionnelle, la baisse de la TVA sur les abonnements d'électricité et la réduction des droits d'enregistrement avaient notamment été prévues. Se sont ajoutées en cours d'année la baisse de la TVA sur les travaux de rénovation et d'entretien des logements et la baisse des droits de mutation sur les fonds de commerce. En outre, 0,54 milliard d'euros avaient été attribués aux bénéficiaires du RMI dans le cadre d'une revalorisation exceptionnelle de 3 %, décidée fin 1998 pour 1999.

En ce qui concerne 2004, la loi de finances initiale a alourdi les prélèvements pesant sur le pouvoir d'achat afin de financer les cadeaux fiscaux accordés aux plus aisés : alourdissement de plus de 800 millions d'euros de la fiscalité pétrolière, soit près du double des 480 millions consacrés à l'indexation de la prime pour l'emploi ; baisse de 3 % de l'impôt sur le revenu, soit 1,8 milliard d'euros pour les ménages les plus aisés ; relèvement du plafond des dépenses prises en compte pour la réduction d'impôt pour l'emploi à domicile, allégements de l'ISF, multiplication des niches fiscales avec le retour de la loi Pons en outre-mer et les incitations fiscales à la retraite par capitalisation.

Au total, les prélèvements obligatoires auraient dû, au mieux, diminuer très légèrement, passant de 43,8 % à 43,6 % du PIB, mais les mesures prises par le Gouvernement les fait augmenter : la tendance « spontanée » serait une baisse de 0,3 point, mais les hausses de prélèvements décidées font remonter de 0,1 point le taux des prélèvements obligatoires.

La décentralisation se traduit par une augmentation des impôts locaux de 4 % entre 2003 et 2004, et ce n'est pas fini, car la réforme envisagée pour transférer de nouvelles compétences sans transférer les moyens va encore aggraver cette hausse des impôts locaux, comme le reconnaît le Gouvernement dans sa présentation du PLF pour 2005.

À compter du 1er janvier 2005, les fonctionnaires paieront une nouvelle cotisation sur leurs primes, les retraités imposables subiront une hausse de la contribution sociale généralisée et les salariés seront assujettis à la CSG sur 97 % de leur revenu imposable, contre 95 % aujourd'hui, soit un prélèvement supplémentaire de 0,1 point sur la masse salariale. S'ajoutent à cela le prélèvement d'un euro sur chaque acte médical, avant la hausse des cotisations vieillesse début 2006, et la hausse du prix des carburants qui entraîne une recette supplémentaire de 412 millions d'euros pour l'État alors que la TIPP flottante mise en place par Didier Migaud en 2000 aurait fait économiser 575 millions d'euros aux consommateurs. En outre, vous refusez de rendre ces 412 millions aux personnes les plus défavorisées. Mais peut-être accepterez-vous notre amendement tout à l'heure.

Globalement, l'indice des prix à la consommation a progressé de 2,1 %. Le 1er octobre 2004, l'INSEE faisait ce commentaire : « Après une forte progression au premier semestre, la consommation des ménages est revenue depuis l'été vers des rythmes plus modérés, plus en ligne avec les évolutions récentes du pouvoir d'achat. Ce dernier a été limité par la modestie de la croissance de l'emploi salarié, et par le maintien de l'inflation au-dessus de 2 % en raison des effets directs de la hausse des prix du pétrole dans un contexte de hausses de salaires stabilisées. » Cela veut tout dire !

Aujourd'hui, le Gouvernement n'a que les mots « cohésion sociale » à la bouche. Malheureusement, il n'y a pas de politique sociale. La progression du SMIC, par exemple, se limite depuis 2002 à la convergence des différentes garanties mensuelles - d'ailleurs prévue et enclenchée pendant la précédente législature -, de sorte que seulement 1,2 million de salariés ont constaté une revalorisation de leur traitement. Voilà qui relativise votre annonce d'une augmentation de 11,4 % du SMIC entre juillet 2002 et juillet 2005 ! En réalité, cette progression mécanique ne touche qu'une partie des personnes concernées, puisque la progression maximale ne concerne que 56 % des salariés rémunérés au SMIC. Les gains de pouvoir d'achat sont nuls pour la majorité des salariés, notamment pour ceux dont l'entreprise a signé un accord de réduction du temps de travail à compter du 1er juillet 2002. On peut surtout craindre qu'à l'avenir le SMIC ne progresse qu'à hauteur de l'inflation. Au contraire, entre 1997 et 2002, la revalorisation du SMIC et de la prime pour l'emploi a représenté pour les familles modestes l'équivalent d'un treizième et d'un quatorzième mois.

La prime pour l'emploi a bénéficié dès sa création en 2001 à 8 millions de foyers, et sa montée en charge progressive devait conduire au doublement de son montant en 2002 par rapport à celui qu'elle atteignait en 2001, puis à une nouvelle hausse de 50 % en 2003, dans le cadre du plan d'allégement et de réforme de la fiscalité du gouvernement Jospin. Votre gouvernement a, pour sa part, refusé de la mettre en œuvre, se contentant de mesures d'ajustement et d'indexation et de « coups de pouce » très limités. Ce refus de revaloriser une prime qui concerne plus de 8 millions de personnes est à mettre en regard d'une revalorisation du SMIC qui n'a bénéficié qu'à 1,2 million de nos concitoyens.

Les plans stratégiques préparés par deux grands ministres laissent planer de nombreux doutes. S'agissant du premier, M. Sarkozy, ils tendent à se dissiper, il est vrai, l'intéressé ayant lui-même reconnu son échec : à peine 2 % de baisse des prix dans les grandes surfaces, quand il promettait 5 %. M. Christian Jacob, ministre délégué aux PME, a d'ailleurs confirmé ce résultat en déclarant, le 6 novembre dernier, qu'il n'y avait eu aucune reprise de la consommation à la suite de la baisse des prix. Comment, dès lors, ajouter foi aux promesses dispensées par M. Raffarin en ce domaine ?

Quant au virage social qu'est censé incarner le plan Borloo, il fait paradoxalement courir un véritable danger pour la cohésion sociale. Il n'est en effet pas de politique efficace de lutte contre les exclusions sans une politique favorisant le retour durable à l'emploi et sans un projet global d'insertion prenant en compte les questions d'accès aux soins, à la formation, à la citoyenneté et au logement. Le projet de loi pour la cohésion sociale est bien éloigné de cette ambition. Il ne modifie en rien les choix opérés depuis juin 2002. Derrière les effets d'annonce du ministre se profile, en réalité, une aggravation de la précarité.

Alors que Jean-Pierre Raffarin annonce chaque semaine une baisse du chômage de 10 % en 2005, aucune mesure d'envergure n'est prise pour lutter contre le chômage et le traitement statistique de celui-ci continue d'être privilégié. À cet égard, le « Contrat France 2005 », présenté ce matin par le Premier ministre, nous laisse perplexe : on ne voit pas, en effet, de quelle façon la banalisation du recours aux heures supplémentaires pourrait améliorer la situation de l'emploi.

En outre, sans même connaître l'ampleur de la croissance en 2006, le Premier ministre envisage déjà une baisse de l'impôt sur le revenu. S'agit-il d'améliorer le pouvoir d'achat de ceux qui en ont le moins besoin, comme vous le faites depuis deux ans ? Est-ce une façon de réaliser le rêve de la CGPME : obliger le salarié à négocier son temps de travail en tête-à-tête avec l'employeur, selon un rapport de force que l'on peut facilement imaginer et avec, à la clé, un chantage à l'emploi ? S'agit-il de promouvoir par une simple opération de communication l'Arlésienne de la baisse des prix à la consommation ?

Permettez-nous de douter, et de nous inquiéter de nouveau face à ce genre de grande parade de la communication.

Le plan Borloo engage aussi l'ouverture au privé du service public de l'emploi, au risque de mettre en place un système à deux vitesses dans lequel les personnes les plus en difficulté seront pénalisées. À ce propos, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si le transfert vers les départements des agents de l'ANPE chargés de l'insertion sera compensé à l'euro près ?

Mais c'est surtout l'absence de moyens qui caractérise ce plan. Il transfère la responsabilité de la cohésion sociale et de la solidarité nationale sur les collectivités, les associations et autres acteurs locaux. Ces transferts supplémentaires se traduiront encore par un accroissement des impôts locaux, d'autant que les associations privées de moyens et d'emplois ne pourront se tourner que vers les collectivités locales. Mon collègue Nayrou le montrera tout à l'heure.

Bref, voilà ce que fait le Gouvernement de la croissance.

Disons également un mot de la situation alarmante dans laquelle se trouvent certains budgets : emploi, aménagement du territoire, équipement et transports, éducation, recherche. Nous constatons jour après jour l'abandon des politiques publiques, dont la charge est progressivement mise sur le dos des collectivités locales. C'est le cas pour l'éducation ou l'équipement, domaines dans lesquels des emplois disparaissent au moment où de nouvelles compétences sont attribuées aux départements. S'agissant des contrats de plan État-régions, je suppose que vous avez déjà pris connaissance du rapport que j'ai rédigé pour la commission des finances, puisque vous inscrivez 300 millions d'euros pour leur exécution. Mais, outre qu'il aurait été préférable de ne pas supprimer les anciens crédits, on peut se demander à quel moment les nouveaux seront délégués, et surtout si leur montant suffira à honorer les factures en souffrance. Quant aux autorisations de programme, elles ne pourront mettre fin à la paralysie qui frappe de nombreux chantiers depuis plusieurs mois.

L'article 2 du projet de loi vient confirmer ce désengagement de l'État que nous dénoncions déjà l'an dernier lors du débat sur le transfert du RMI : en ajustant la fraction de TIPP affectée aux départements en compensation du transfert de la compétence en matière de RMI-RMA, il apporte en effet la preuve que la compensation a été faite au détriment des départements. Pour tenir compte du véritable coût de ce transfert et de la consommation de carburants réellement observée en 2003, cette fraction est révisée à la hausse, ce qui conduit à attribuer aux départements une recette supplémentaire de 59 millions d'euros en 2004. Une telle somme donne la mesure de l'avance de trésorerie qu'ils ont ainsi consentie sur l'année 2003.

Le phénomène va être encore aggravé en 2004, d'abord parce que l'augmentation du chômage et de la pauvreté fait croître de 10 % le nombre de bénéficiaires du RMI, et ensuite parce que les recettes de TIPP sont en recul par rapport aux estimations de la loi de finances initiale.

Les départements subissent un décalage financier entre les recettes qu'ils perçoivent au titre de la TIPP et les acomptes dus aux caisses d'allocations familiales. Sur les huit premiers mois de l'année, les premières s'élevaient au total à 3,332 milliards d'euros, et les seconds à 3,534 milliards d'euros, ce qui représente un différentiel de 202 millions d'euros et, pour l'année entière, c'est un décalage de 300 millions d'euros qui est attendu.

Non seulement la part de TIPP attribuée est insuffisante, mais, plus inquiétant, cette taxe n'est pas aussi dynamique qu'on nous le prétendait l'année dernière - comme le confirme d'ailleurs la commission mise en place par Nicolas Sarkozy. À force de contrevérités, le Gouvernement finit donc par se contredire lui-même. Nous pouvons craindre le pire pour les finances des départements !

Les recouvrements de TIPP se sont élevés à 23,96 milliards d'euros en 2002. En raison d'une croissance atone de la consommation de produits pétroliers, ils devaient atteindre 24,3 milliards en 2003, soit une hausse d'à peine 1,4 %. Cette année, c'est la limitation de la vitesse de conduite et la hausse du prix du pétrole qui expliquent sa faible augmentation. Ainsi, sur trois ans, la progression de la TIPP aura été largement inférieure à la croissance nominale. En conséquence, son poids diminue chaque année en euros constants.

Si les prix du pétrole sont amenés à augmenter durablement, ainsi que l'affirmait Nicolas Sarkozy, l'adaptation du comportement des consommateurs se confirmera et la TIPP verra son produit progresser de moins en moins rapidement. Or, les départements depuis 2003, et les régions à compter de 2005 se voient attribuer une part du produit de cette taxe en compensation des charges nouvelles qui leur sont transférées. Cette compensation connaîtra donc une croissance bien inférieure à celle de la DGF que vous avez tant critiquée autrefois. Ainsi, votre promesse de garantir l'autonomie des collectivités locales n'était qu'une duperie destinée à tromper les élus. Aujourd'hui, ces derniers constatent que ce fameux principe inscrit dans la Constitution ne leur garantit aucune liberté de décision sur les bases ou le taux de la TIPP, pas même une progression au niveau de l'inflation.

Même si une dernière possibilité de rattrapage se présente en 2004 sur la base des comptes administratifs, la compensation ne se fera qu'à la fin de 2005, voire en 2006. En attendant, les collectivités locales auront assuré à l'État une avance de trésorerie à hauteur de 300 millions d'euros. Comme malheureusement rien n'est prévu pour la suite, les inquiétudes des élus ne font que s'aggraver. C'est en effet avec les impôts locaux qu'il faudra payer la différence, et ils le savent.

Ainsi, l'article 2 confirme la catastrophe que constitue, pour les contribuables locaux, la décentralisation Raffarin. Ce problème de compensation liée au RMI-RMA augure en effet de se qui se passera avec les autres transferts de compétences. La réforme des dotations aux collectivités qui les accompagne reflète votre conception de l'autonomie financière des collectivités locales : il s'agit d'une véritable escroquerie ! Certes, vous avez inscrit la notion de péréquation dans la Constitution. Mais jugez-vous vraiment, monsieur le ministre, une telle notion compatible avec l'amendement que M. Balkany a déposé, avec le soutien du Gouvernement, pendant la discussion du projet de loi de finances pour 2005 ?

Remplacer le potentiel fiscal par le potentiel financier conduit à atténuer les disparités et fait apparaître les départements plus aisés qu'ils ne le sont. Le meilleur exemple est donné par ceux de la Corse qui, de pauvres, sont passés ainsi parmi les plus riches, mais tous les autres départements voient se réduire l'écart qui les sépare des plus aisés. Et voilà comment, en changeant un seul critère, vous êtes en mesure d'appliquer votre conception toute personnelle de la péréquation !

Quant à la nouvelle dotation de fonctionnement minimale, elle ne tient même pas compte de ce nouveau critère, puisque ce sont les départements les plus aisés et disposant du potentiel financier le plus élevé qui verront leur dotation connaître la meilleure progression - jusqu'à 20 % de plus ! S'agissant des départements les plus pauvres, ceux qui bénéficiaient jusqu'à présent de la dotation minimale, ils devront se contenter d'une dotation de garantie bien inférieure. Vous vous comportez donc avec les collectivités comme avec les Français, avantageant les riches et pénalisant les pauvres.

Les mêmes critiques ont d'ailleurs été formulées au Sénat, le président de la délégation à l'aménagement du territoire allant même jusqu'à s'interroger sur la conformité de cette réforme avec l'article 72 de la Constitution.

Une surprise très désagréable attend la plupart des élus locaux dont les communes bénéficiaient d'une péréquation dans le cadre de la dotation forfaitaire : c'est notamment le cas des plus défavorisées d'entre elles, mais aussi des communes touristiques, qui vont apparaître beaucoup plus riches qu'elles ne le sont, la dotation touristique étant incluse dans la dotation forfaitaire.

M. Michel Bouvard. Sur ce dernier point, M. Bonrepaux a raison !

M. Augustin Bonrepaux. C'est dire, monsieur le ministre, à quel point votre conception de la péréquation est à l'inverse de ce qu'elle devrait être : c'est de l'anti-péréquation !

Enfin, ce collectif ne contient aucune proposition d'amélioration de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, un problème pourtant d'actualité, puisque les crédits de l'ADEME qui permettait d'alléger les charges des collectivités locales en ce domaine sont réduits. Vous vous étiez engagés, monsieur le ministre, à nous faire des propositions. Les remaniements ministériels n'ont pas permis, il est vrai, au groupe de travail de se réunir dans de bonnes conditions. À la veille d'une augmentation sans précédent de la TEOM, une telle réforme est toutefois urgente, et c'est pourquoi nous présenterons des amendements sur ce thème.

Je ne peux, pour conclure, que répéter les remarques qu'appelait déjà de ma part le projet de loi de finances pour 2005. Il n'y a aucune stratégie en termes de politique économique pour donner des perspectives à notre pays. La situation sociale est alarmante. Les politiques publiques sont asséchées par le désengagement financier de l'État désargenté. Obligation est faite aux collectivités locales de remplacer l'État au pied levé, si elles veulent offrir à leurs habitants des services publics à la hauteur de leurs besoins. La solidarité nationale est abandonnée et transférée aux collectivités locales. Ajoutons à cela l'injustice fiscale avec, d'un côté, l'allégement des impôts les plus justes - l'impôt sur le revenu, l'ISF - toujours en faveur des privilégiés et, de l'autre, l'escalade de la fiscalité locale.

Cela nous conduit, bien sûr, à nous opposer à votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le président, mesdames, messieurs, je souhaite tout d'abord adresser, chose rare, les félicitations du groupe UDF aux deux ministres récemment promus au ministère de l'économie et des finances.

M.  le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il est vrai que c'est chose rare !

M. Pierre-Christophe Baguet. À titre personnel, je vous renouvelle, monsieur Copé, toute mon amitié.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Elle est réciproque !

M. Pierre-Christophe Baguet. Vous êtes face au défi immense du redressement des finances publiques. Le groupe UDF n'a cessé de tirer la sonnette d'alarme à ce sujet depuis le début de cette législature. Nos finances publiques sont dans un état dramatique : la dette explose et, loi de finances après loi de finances, le Gouvernement ne parvient pas à supprimer le déficit de fonctionnement. Tel est l'immense défi que vous devez relever.

Face à cet immense défi, le groupe UDF est attaché à un chemin : celui de la réforme combinée à une action européenne déterminée. Dès lors que vous mènerez les véritables réformes dont notre pays a besoin et que vous mettrez en place une politique européenne ambitieuse en matière économique, vous pourrez compter sur le soutien de notre groupe. En revanche, lorsque les réformes se feront moins précises, moins transparentes et surtout moins justes, le groupe UDF usera de sa liberté de parole pour avancer ses propositions et dire la vérité aux citoyens.

J'en viens maintenant au sujet d'aujourd'hui : le traditionnel collectif budgétaire de fin d'année qui doit prendre en compte la réalité des dépenses et des recettes au cours de l'exécution.

Le projet de loi de finances rectificative que le Gouvernement nous présente cette année est principalement marqué par deux éléments : des recettes très supérieures aux prévisions de la loi de finances initiale et un niveau de dépenses supérieur de 1,7 milliard d'euros à ces mêmes prévisions. Les hausses de recettes ont permis de réduire le déficit général de l'État de 6 milliards d'euros, à 49 milliards. Cela démontre, par ailleurs, que la réduction du déficit présentée lors de la loi de finances initiale pour 2005 n'était pas de 10 milliards d'euros, mais seulement de 4 milliards, ce qui est tout à fait insuffisant.

Quant à la croissance des dépenses, elle est en soi problématique. Une des règles d'or de la gestion budgétaire - ce n'est pas notre rapporteur général qui me contredira sur ce point - consiste à refuser de financer des dépenses pérennes par des ressources exceptionnelles. Or l'ouverture de dépenses nouvelles pour 1,7 milliard d'euros pose précisément cette question. Le Gouvernement a pris l'engagement d'annuler des crédits en 2005 à hauteur de ces ouvertures. En un mot, il repousse à demain les solutions aux problèmes qui se posent aujourd'hui.

Au-delà du problème de méthode, cela pose la question de la gestion du projet de loi de finances pour 2005. En effet, comme nous l'avons démontré lors de la discussion de ce texte, le projet de loi de finances initiale présentait déjà de nombreuses sous-dotations à hauteur de 3 milliards d'euros. Il manque 600 millions pour les opérations extérieures du budget de la défense. Il manque de 400 à 800 millions d'euros pour faire face à la revalorisation de l'indice des traitements de la fonction publique, confirmée récemment par le Gouvernement. Il manque de 220 à 280 millions pour l'aide médicale d'État. Il manque 1,4 milliard sur le FFIPSA, fonds alimentant le régime de protection sociale des agriculteurs. À cela, s'ajoute 1,7 milliard d'euros de dépenses nouvelles en 2004.

À ce dépassement très préoccupant des plafonds de dépense vient s'ajouter une incertitude croissante sur les recettes en 2005. L'économie française ne trouve pas de relais de croissance interne, faute d'une politique économique plus claire et plus lisible, mais aussi en raison d'une conjoncture internationale moins favorable que prévu. Cette carence fondamentale de notre économie a pu, par le passé, être compensée par une croissance importante des exportations, mais celle-ci est sérieusement remise en cause par la hausse du taux de change de l'euro. Tout cela sera, bien sûr, accentué par les cours du pétrole qui ne pourront qu'accélérer le ralentissement de notre croissance.

On peut donc qualifier notre situation économique de délicate. Aussi, nous devons nous interroger sur les conséquences pour nos finances publiques dès l'année prochaine. Pour nous, le budget de 2005 sera très difficile à exécuter et l'assainissement des finances publiques est largement insuffisant. Nous souhaitons que le Gouvernement présente une loi d'orientation des finances publiques prévoyant, d'ici à la loi de finances pour 2008, la suppression du déficit de fonctionnement. L'application de cette règle d'or est la condition sine qua non d'un retour durable à une situation acceptable pour les générations futures. J'espère que le Gouvernement reprendra cette idée à son compte.

Je souhaite maintenant en venir aux mesures contenues dans le projet de loi de finances rectificative. Je ferai tout d'abord une remarque sur le déroulement de nos travaux. Le Gouvernement a déposé ce matin un grand nombre d'amendements, de surcroît complexes, qui touchent à des sujets importants.

M. Augustin Bonrepaux. Eh oui !

M. Pierre-Christophe Baguet. Il me semble que de telles procédures pourraient aisément être évitées et que ni le Gouvernement, ni notre assemblée, ne gagne à ces dépôts tardifs.

J'évoquerai maintenant les amendements du groupe UDF déposés, eux, dans les délais. L'un d'eux concerne un sujet qui nous tient particulièrement à cœur : les emplois à domicile.

Le Premier ministre a annoncé ce matin que le Gouvernement acceptait enfin ce que le groupe UDF demande depuis deux ans : la transformation de la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile en crédit d'impôt. Grâce à cette mesure, tous les Français, imposables ou non, pourront enfin bénéficier de la même incitation. Un million de foyers est directement concerné - il s'agit le plus souvent de familles modestes qui ont particulièrement besoin du soutien de l'État. Nous nous félicitons de cette annonce même si nous regrettons que le Gouvernement ait tant tardé. Lors de l'examen de la loi de finances, nous avions obtenu que la réduction pour la garde d'enfants soit transformée en crédit d'impôt. Il était donc naturel de faire de même avec la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile et non l'inverse, comme vous le préconisiez, monsieur Mariton !

M. Hervé Mariton. Mais vous avez tort !

M. Pierre-Christophe Baguet. Or nous sommes inquiets, car, à plusieurs reprises une partie du groupe UMP s'est opposée, par principe, à notre amendement.

M. Hervé Mariton. En effet !

M. Pierre-Christophe Baguet. L'adoption du crédit d'impôt pour la garde d'enfants a, en effet, été repoussée dans un premier temps par une partie de l'UMP...

M. Hervé Mariton. À bon droit !

M. Pierre-Christophe Baguet. ...avant de lui être imposée grâce à un vote bloqué demandé par le Gouvernement.

M. Hervé Mariton. Hélas !

M. Pierre-Christophe Baguet. Serez-vous prêt, monsieur le ministre, au même effort pour faire adopter ce crédit d'impôt ? Afin que les propos du Premier ministre trouvent leur application immédiatement, nous avons déposé un amendement qui propose cette transformation. Nous espérons que nous pourrons avancer dès aujourd'hui pour confirmer ce signal fort adressé aux Français.

Je souhaite aussi revenir sur la chaîne internationale d'information. Le Gouvernement a annoncé un amendement de financement de 30 millions d'euros dès 2004. Le groupe UDF, qui suit très précisément cette question, grâce notamment au travail de François Rochebloine, trouve pour le moins curieux que le Gouvernement choisisse cette méthode, après que le Sénat s'est opposé, le 30 novembre, à l'adoption d'un tel amendement. Nous souhaitons une clarification sur les intentions du Gouvernement. Comptez-vous déposer un amendement au collectif ? Si tel est le cas, pouvez-vous répondre sur le fond à nos interrogations qui portent notamment sur l'architecture ? Comment sera-t-elle réellement constituée ? Quelle sera la répartition des rôles entre TF1 et France Télévisions si cette option est retenue ? Quel sera le rôle du CSA ? Il nous paraît aussi nécessaire, avec un tel financement public, qu'une convention soit signée et rendue publique avant toute affectation de crédits.

Monsieur le ministre, vous savez que ce sujet tient à cœur à l'Assemblée nationale. Une mission parlementaire a adopté à l'unanimité des propositions que le Gouvernement a balayées d'un revers de main, ce dont nous sommes tous fort marris.

Autre sujet qui m'est particulièrement cher : le soutien à notre presse moribonde et pourtant garante de notre démocratie et de notre lien social. Le groupe UDF se réjouit de la mesure proposée ce matin par le Gouvernement pour venir en aide aux diffuseurs de presse. Nous n'avons cessé, depuis deux ans, de demander des mesures en ce sens. Nous avions fait adopter une réduction de la taxe professionnelle pour les kiosquiers à discrétion des collectivités territoriales. Deux ans plus tard, malheureusement, 25 % seulement de celles-ci ont appliqué cette bonne mesure. Cette année, j'ai déposé, lors de l'examen du projet de loi de finances, un amendement rendant obligatoire la première tranche de réductions fiscales. J'ai été battu. Trois semaines plus tard, le Premier ministre reprend cette idée, ce dont je me félicite. La mesure proposée par le Gouvernement complète utilement ce dispositif et nous évaluerons son impact dans un an.

Sur la chasse, je salue l'amendement du Gouvernement qui permet de restituer une partie du droit de timbre, à hauteur de 4 euros, aux fédérations départementales de chasseurs qui ont mis en place le « guichet unique de validation du permis de chasser », conformément, là encore, à une demande du groupe UDF. C'est une mesure très positive qui va dans le sens de la simplification des procédures administratives et qui encouragera très fortement la création de guichets uniques dans les fédérations.

Concernant l'UGAP, le Gouvernement a déposé un amendement technique sur la gestion du parc automobile des véhicules des administrations civiles de l'État tout en reconnaissant qu'il faut engager une gestion plus dynamique de ce type de marché. Notre groupe estime qu'il faut ouvrir ce dossier avec plus d'ambition. Nous proposons une réforme de fond de la gestion des marchés publics par l'UGAP. Il s'agirait d'abord de transformer cet établissement public en société anonyme tout en garantissant à l'État la propriété de la majorité du capital - 67 % - et aux personnels le maintien de leur statut.

M. Michel Bouvard. Oh !

M. Pierre-Christophe Baguet. En effet, ce n'est pas le rôle d'un établissement public d'être un acteur de centrale d'achats dans une économie de marché. Ensuite, nous souhaitons encourager la concurrence saine et loyale entre entreprises du secteur privé et mettre un terme à la situation de quasi-monopole de l'UGAP, issue d'une interprétation abusive de l'article 32 du nouveau code des marchés publics qui l'exonère de l'appel d'offres préalable pour fournir l'ensemble des acheteurs publics : casernes, hôpitaux, collectivités territoriales. Ces propositions ont été considérées par la commission comme des cavaliers, ce qui est d'autant plus contestable dans la mesure où le nouveau code des marchés publics aboutit, avec la création de marchés types et la procédure d'appels d'offres centralisés, à un renchérissement des coûts pour les collectivités territoriales qui ne peuvent plus bénéficier directement des efforts de compétitivité des PME.

Enfin, le groupe UDF se réjouit de l'adoption en commission de deux de ses amendements. L'un concerne la revalorisation des tickets restaurant à 5 euros.

M. Michel Bouvard et M. Hervé Mariton. C'est un amendement de M. Louis Giscard d'Estaing !

M. Pierre-Christophe Baguet. Cela concerne plusieurs millions de salariés et, si le Gouvernement l'accepte, cette mesure aura un impact non négligeable sur le dynamisme de la restauration.

Nous nous félicitons aussi que la commission ait adopté notre amendement de réduction de 60 % de la TICGN - taxe intérieure sur les consommations de gaz naturel. Cette mesure avait été décidée par le Gouvernement en faveur des agriculteurs acquittant cette taxe pour compenser la hausse des tarifs du gaz naturel. Elle doit être rétroactive au 15 novembre 2004, date de l'augmentation des tarifs du gaz. Le ministre d'État, Nicolas Sarkozy, s'était engagé à faire adopter cette mesure en loi de finances rectificative pour que les serristes puissent bénéficier d'une stabilité de leurs coûts énergétiques. Je suis persuadé que le nouveau ministre des finances, ancien ministre de l'agriculture, ne s'opposera pas à cette mesure !

En conclusion, lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2004, la hausse du gazole supportée par tous les Français pour alléger l'impôt sur le revenu, ainsi que la mauvaise réforme de l'allocation des chômeurs en fin de droits nous avaient conduits à nous abstenir. Nous avons, depuis, constaté que nos propositions d'alors étaient tout à fait pertinentes.

Quant à la loi de finances pour 2005, après nous être abstenus sur la partie recettes pour marquer notre désapprobation devant l'assainissement insuffisant des finances publiques, nous avons voté l'ensemble du projet de loi, car le Gouvernement a tenu compte de nos propositions.

Aujourd'hui, monsieur le ministre, les mesures annoncées par M. le Premier ministre, ce matin, et le vote de nos amendements par la commission des finances nous conduisent à un a priori favorable à ce projet de loi de finances rectificative. Je suis, de plus, persuadé, monsieur le ministre, que vous aurez à cœur, dans le débat, de confirmer votre attachement au groupe UDF et à ses propositions constructives.

M. Philippe Auberger. Ah !

M. Pierre-Christophe Baguet. Dans cette attente, je vous remercie de votre écoute.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Très beau discours !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, mesdames, messieurs, je voudrais, au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains, saluer le nouveau ministre de l'économie et des finances et le nouveau ministre délégué au budget. Je ne les félicite pas : il est largement trop tôt. Sera-t-il temps d'ailleurs un jour ? Je leur souhaite en tout cas beaucoup de courage, tant il est vrai que l'héritage laissé par leurs prédécesseurs pourrait apparaître comme un cadeau empoisonné.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Soyez généreux !

M. Jean-Claude Sandrier. Je le suis !

Ce n'est pas que nous entretenions beaucoup d'illusions sur votre envie de changer de politique, monsieur le ministre, et, à vous entendre, elles sont déjà dissipées. Ce serait pourtant plus que nécessaire, car il est évident que nombre de dispositifs promis ou prévus frapperont les ménages et la part sociale du budget de l'État en 2005 et sans doute plus encore en 2006.

Ce projet de loi de finances rectificative est dans la droite ligne de ces budgets qui aggravent les transferts de richesses des moins aisés vers les plus aisés.

Après ceux du Secours catholique et du Secours populaire, ce sont les responsables des Restos du cœur qui expriment leur inquiétude devant la progression de la pauvreté. L'UNICEF vient pour sa part de confirmer que, si la pauvreté grandit dans le monde, elle s'accroît aussi dans les pays industrialisés, précisant que la « proportion d'enfants vivant dans les ménages à faible revenu a augmenté ces dix dernières années ».

Chacun sait aujourd'hui que ce ne sont plus seulement ceux que l'on appelait les « marginaux » qui s'adressent à ces structures d'accueil, mais des centaines de milliers de familles, parmi lesquelles de jeunes mères célibataires qui ne peuvent pas s'en sortir et qui doivent choisir entre se nourrir, se loger et faire garder leurs enfants, ou ces travailleurs pauvres apparus avec la généralisation de la précarité, des petits boulots, que leurs salaires placent au-dessous du seuil de pauvreté.

Nous aurons d'ailleurs l'occasion, dans le cadre de la discussion, de faire une proposition précise afin que ces associations caritatives ne soient pas ponctionnées par l'État par le biais de la TVA lorsqu'elles réalisent des travaux pour l'exercice de leur mission, ce qui est tout de même anormal.

S'il n'y a pas de fatalité, il y a bien un choix de société qui, petit à petit, gagne la France, comme elle a envahi le monde anglo-saxon, puis le monde entier.

Au total, l'ordre capitaliste, ce capitalisme fou dont parle l'américain Stiglitz, prix Nobel d'économie, s'est imposé au monde, générant, comme le dit Serge Halimi, « un grand bond en arrière ».

Partout, les classes populaires ont été contraintes à faire des efforts, au nom d'une sorte de loi divine appelée compétitivité, pour se couler dans le moule de la mondialisation, terme impropre pour qualifier en fait une guerre économique.

À défaut de profiter aux peuples vivant dans la misère ou dans des difficultés grandissantes, l'ordre libéral a livré la plupart des secteurs clés de l'économie à des entreprises multinationales ou à des fonds de pension, ce qui a favorisé la flexibilité du marché du travail et la casse des acquis sociaux, en généralisant la menace des délocalisations et le chantage à l'emploi, donné le discours sur l'obsolescence de la nation, poussé à diaboliser l'État et donc à stigmatiser son intervention.

Pourtant, « nous savons depuis longtemps », dit Joseph Stiglitz, « que les marchés sont incapables de s'autoréguler ».

Cet ordre libéral a réussi à introduire la confusion entre ouverture des marchés et ouverture sur le monde, entre mondialisation et privatisations du monde.

Ce modèle ne sert que les sociétés transnationales, les acteurs financiers qui poussent à la destruction des services publics, les taux de rendement de 15 à 20 % des dividendes alors que croissance et inflation augmentent de 2 %, les promoteurs de textes constitutionnels intégrant la concurrence comme règle suprême. Du jamais vu !

Celles et ceux qui considèrent que l'on peut déconnecter ce texte, écrit sous la responsabilité de M. Giscard d'Estaing et applaudi à tout rompre par le baron Antoine Seillière, des processus actuels d'amoindrissement de La Poste, de la SNCF, d'EDF-GDF, en clair de la solidarité, cachent la vérité aux Français, car cela s'apparente à changer les priorités dans notre pays.

Une nouvelle ère de l'opposition entre les tenants d'une Europe libérale privatisée et ceux d'une Europe sociale, d'une Europe de solidarité, s'ouvre. Nos concitoyens choisiront !

Le projet de loi de finances rectificative s'inscrit bien entendu dans cette fuite en avant d'une guerre économique meurtrière.

Vous amusez nos concitoyens en mettant en avant un déficit totalement illusoire, oubliant que, dans les pays de l'OCDE, les actifs financiers des seuls investisseurs institutionnels représentent 140 % du PIB. Le gros avantage de cette mystification, c'est que cela permet d'exercer une pression sur les salariés, sur les revendications salariales et sociales de nos concitoyens.

C'est sous la bannière de la modernité que le Gouvernement fait opérer un recul social de plusieurs décennies à notre pays !

Sous couvert d'aménagements techniques, certaines dispositions en faveur des entreprises portent témoignage de l'aggravation des logiques de financiarisation à l'œuvre dans l'espace européen. C'est le cas de l'extension de l'exonération de retenue à la source sur des dividendes versés à des sociétés d'États membres de la Communauté européenne, ou de l'assouplissement des règles de transfert des déficits lors d'opérations de fusion.

Les entreprises, notamment transnationales, qui ont été servies lors des dernières lois de finances et particulièrement en 2004, ne cessent de réclamer allégements et exonérations, sans pour autant assumer leur responsabilité sociale et territoriale.

Face à cette réalité, vous avez été contraint de présenter en urgence un plan dit de cohésion sociale, mais, mardi dernier, le journal économique La Tribune révélait l'écran de fumée qui entoure ce plan. Les financements de l'État n'y sont pas, et notre groupe l'avait dit, ni pour 2005, ni pour 2006. Ils sont pour la plupart repoussés à 2007 et 2008. Un hasard sans doute.

Les seuls crédits prévus concernent la mise en œuvre des contrats aidés, qui, nous le voyons bien, ont le double effet de donner individuellement une bouffée d'oxygène, et de pousser collectivement à la casse du code du travail, de toutes les protections collectives, pour généraliser la précarité.

Deux exemples supplémentaires viennent apporter la preuve de votre obsession à vouloir enrichir les riches et à vous cantonner au service minimum pour les plus démunis.

Votre majorité a passé des heures à l'Assemblée nationale et au Sénat pour tenter de vider de sa substance l'impôt sur la fortune. Vous prenez notamment en compte l'effet de l'inflation pour en réduire la portée, alors que vous n'en tenez aucun compte pour la prime de Noël, qui reste la même que l'an dernier, qu'il s'agisse de son montant ou du nombre de bénéficiaires.

Cet exemple est symbolique de vos choix politiques : d'un côté, une multiplication d'efforts pour alléger la charge des plus riches mais, de l'autre, aucun effort pour les plus déshérités.

Comme si vos choix lors des budgets de 2003, de 2004 et de 2005 ne suffisaient pas, voilà que vous proposez d'exonérer d'impôt les plus-values réalisées par les entreprises à l'occasion de la cession de leurs titres de participation. Ce nouveau cadeau évalué à 1 milliard d'euros, s'ajoutant à tous les autres, émeut même la direction du budget à Bercy. Vous traitez d'ailleurs avec le Sénat en ignorant l'Assemblée nationale, ce qui a été l'objet de mon rappel au règlement tout à l'heure.

On pourrait certes s'interroger sur une telle mesure, mais à condition qu'elle crée des emplois et qu'elle soit assortie d'un contrôle de l'utilisation de ces cadeaux dans le sens de l'intérêt général.

Alors que la croissance annoncée pour 2005 bute déjà sur un retournement de conjoncture et que les principaux instituts ont revu à la baisse leurs prévisions, notamment pour la zone euro, le refus de redonner du pouvoir d'achat aux familles les plus modestes est un non-sens économique et social.

Pendant ce temps, les dirigeants des entreprises du CAC 40 s'octroient des augmentations en hausse de 12 à 20 % chacune de ces trois dernières années, et je ne parle pas de l'explosion des dividendes.

Les orientations gouvernementales actuelles sont bonnes pour quelques privilégiés. Pendant que les uns s'enrichissent, d'autres tombent dans la pauvreté. Il est temps, comme l'écrit le Secours catholique, d'arrêter la spirale des emplois qui produisent de la pauvreté, conséquence d'une société de plus en plus libérale et américanisée.

Aussi notre groupe demande-t-il, dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative, que la ponction effectuée sur l'allocation personnalisée au logement soit supprimée.

Au motif que le montant mensualisé des sommes versées était trop faible au regard du coût de gestion, vous avez en effet privé 200 000 familles de prestations auxquelles elles avaient droit. L'argument du Gouvernement ne tient pas si l'on organise le versement en une fois dans l'année. C'est ce que le groupe des député-e-s communistes et républicains demandera au cours de la discussion des articles. Sachez que ces droits acquis mais non versés peuvent atteindre jusqu'à 280 euros pour les familles à la limite du seuil, ce qui représente pour les bénéficiaires un manque à gagner qui les met souvent dans de grandes difficultés.

Notre amendement empêchera donc le Gouvernement de continuer de s'abriter derrière des arguties techniques pour réaliser une économie de 170 millions d'euros sur le dos des allocataires, soit moins de 1 % du total des exonérations accordées aux entreprises, exonérations et allégements dont le quotidien nous montre le peu de résultats.

Pourtant, les crédits existent : prenez sur les 7,6 milliards d'euros de recettes supplémentaires !

Vous pourriez m'objecter que des crédits sont dégagés pour assumer une petite part des volets infrastructures de transport des contrats de plan État-régions.

Permettez-moi de souligner que nous sommes là dans l'annonce tant il est vrai qu'il faudrait rapprocher ce chiffre de 300 millions d'euros du retard accumulé dans l'exécution des contrats de plan.

Ces 300 millions, dont la moitié seulement sont des crédits de paiement, serviront d'abord à payer la part de l'État pour des travaux déjà réalisés et dont les financements ont été avancés par les collectivités territoriales. De plus, vu le désengagement de l'État sur de nombreux programmes et le marché de dupes qu'il compte passer avec les départements sur les routes nationales, il était bien naturel que vous fassiez un petit geste.

Ce petit geste, vous le faites en n'oubliant pas votre stratégie de casse du ferroviaire. Seuls 23 millions sont prévus pour les infrastructures de transport ferroviaire, en dépit des besoins affirmés, de l'endettement de Réseau ferré de France et des grands discours sur la nécessité de protéger l'environnement.

Délaisser le transport par rail, que ce soit pour les voyageurs ou le fret, est un non-sens pour l'avenir, pour l'environnement et pour la sécurité.

Élu d'une circonscription où il existe un établissement ferroviaire important et des potentialités de développement, je peux vous dire que les populations, les salariés, les élus ressentent avec inquiétude cette volonté de casse du ferroviaire. Ils se rassemblent pour mettre en échec des orientations contraires au service du public, à l'emploi et à l'aménagement du territoire.

Enfin, je voudrais dire un mot sur les mouvements de crédits qui touchent le budget de la défense.

Les choix stratégiques de notre pays, collés pour l'essentiel sur des concepts américains de sécurité, mériteraient une autre approche, notamment budgétaire, y compris dans la répartition interne des crédits. Mme la ministre de la défense a d'ailleurs reconnu ne pas avoir obtenu les crédits demandés en termes de moyens humains.

Comment ne pas souligner la suppression de 250 millions d'euros sur les crédits d'entretien et de maintenance des matériels, alors que des emplois sont supprimés dans les BSMAT et à GIAT et que le niveau de disponibilité de certains matériels de l'armée de terre est inférieur à celui de 2000 ? Pourtant, les élus UMP n'avaient pas de mots assez durs envers le gouvernement précédent, accusé d'avoir laissé les matériels se détériorer.

Enfin, même si cela ne figure pas dans le projet de loi de finances rectificative après avoir été envisagé, la privatisation partielle de DCN fait partie des enjeux stratégiques. Il est clair que la France, en liquidant son pôle public, se met sous la coupe de grands groupes transnationaux, sans garantie qu'un jour ils ne soient pas à dominante américaine.

Le groupe des député-e-s communistes et républicains estime que DCN doit rester publique, que cette entreprise doit travailler à des coopérations européennes, ce que son statut n'interdit pas, à moins d'instituer en dogme universel et intangible la gestion privée. C'est la seule façon que les intérêts financiers ne soient pas les pilotes de cette opération.

Vous aurez compris en écoutant mes propos que ce projet de loi de finances rectificative ne reçoit pas l'assentiment de notre groupe, tant il est vrai qu'il s'inscrit dans la droite ligne des budgets préparés par le Gouvernement depuis deux ans et demi et qui signent la capitulation de l'État devant les marchés financiers.

Vous pensez créer de l'emploi en faisant des cadeaux fiscaux aux plus aisés, au détriment des salariés, de leurs salaires, des besoins sociaux, éducatifs et de santé. L'expérience, malheureusement, démontre que c'est un mauvais calcul.

Je ne doute pas que cette société que l'on nous impose comme modèle intangible, qui sera codifiée par le futur traité constitutionnel européen, sera rejetée par nos concitoyens. En tout cas, il faudra compter avec les élus communistes et républicains, qui porteront dans ce débat le drapeau d'une Europe sociale, d'une Europe de la solidarité.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons une obligation de résultat : tel est le fil conducteur de la politique du Gouvernement, que nous soutenons et que l'on retrouve dans le projet de loi de finances rectificative pour 2004.

Cette obligation de résultat concerne évidemment, en tout premier lieu, l'emploi. Les ministres ont rappelé l'objectif de croissance pour 2005, tel qu'il a été annoncé, et assumé, avec ce qu'il comporte à la fois de raisonnable mais aussi de stimulant, dans une conjoncture qui n'est jamais certaine, mais dont il faut tirer le meilleur pour la croissance et pour l'emploi.

Mais la croissance, il ne suffit pas de la constater, il faut la construire et aussi faire en sorte que son impact sur l'emploi soit le meilleur possible. C'est tout l'objectif de la nécessaire réforme des 35 heures annoncée ce matin par le Premier ministre et que nous soutenons volontiers : elle est absolument nécessaire à la reprise de l'emploi et, au-delà du concept économique, elle aura un impact concret pour nos compatriotes.

Le projet de loi de finances rectificative comporte aussi des mesures de simplification fiscales qui seront utiles aux entreprises, et donc à l'emploi. Il aide également à un meilleur financement de l'effort de mobilisation et de responsabilité sociale. La cohésion sociale - dont nous avons voté le projet de loi au début de cette semaine - ne repose pas uniquement sur des moyens budgétaires, mais ceux-ci peuvent être utiles lorsqu'ils sont bien employés. C'est le sens des mesures que vous nous proposez, monsieur le ministre, dans le projet de loi de finances rectificative.

Il est aussi nécessaire pour l'emploi que nos compatriotes comprennent mieux les phénomènes économiques du monde actuel. La vie de l'entreprise et la structure du budget de l'État ne sont pas, contrairement à ce que vient de dire Didier Migaud, un mystère, une présentation ésotérique.

M. Didier Migaud. Je n'ai pas dit cela !

M. Hervé Mariton. Elles sont faites de contraintes et d'opportunités, de chiffres et de choix dont il est difficile de s'échapper. On peut vouloir guider le choix, on ne doit pas masquer la réalité.

Aujourd'hui, la réalité première, c'est le mauvais état structurel, ancien, des finances publiques de la France. Comme je l'évoquais lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, la plus élémentaire pédagogie, mais aussi la plus utile, est de répéter à nos compatriotes combien la situation de nos finances publiques est difficile et combien, si l'on veut développer l'emploi et encourager une croissance durable, nous avons besoin de les assainir. L'assainissement des finances publiques n'est ni un dogme, ni une croyance : c'est tout simplement une nécessité qui doit être reconnue par tous.

On peut parfois défendre un choix idéologique - ce débat a sa valeur - mais aujourd'hui c'est tout simplement une nécessité ! Les choix opérés dans le projet de loi de finances rectificative sont opportuns et ils sont le résultat d'une gestion avisée : les 7,5 milliards d'euros de plus-values de recettes permettent notamment de ramener le déficit du budget de l'État de 55,1 milliards à 49,3 milliards, soit une baisse de 5,8 milliards d'euros.

Le choix de consacrer l'essentiel - mais malheureusement pas la totalité - des plus-values de recettes à une baisse du déficit de l'État est un choix heureux...

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Hervé Mariton. ...qui répond à une absolue nécessité. Mais il vaut mieux cela que de se lancer dans les choix qui ont été, de manière implicite et un peu mystérieuse, évoqués tout à l'heure ....

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Tout à fait.

M. Jean-Claude Sandrier. Vous essayez de vous convaincre !

M. Hervé Mariton. C'est vous que j'essaye de convaincre !

Le Gouvernement a évoqué tout à l'heure la nécessité de poursuivre, lorsque le marché le permet, les cessions d'actifs et d'affecter ces recettes à la baisse des déficits publics et de la dette. Nous devons approuver cette stratégie et dire au Gouvernement de céder autant d'actifs que la gestion publique et l'opportunité des marchés le justifient, mais de manière avisée, sans brader et sans pusillanimité. La cession d'actifs, lorsque la nécessité le commande, est justifiée. C'est un choix de pensée que l'on peut exprimer et chercher à faire partager, mais c'est aussi une absolue nécessité.

Mais si l'assainissement des finances publiques est un impératif pour l'État, c'en est un aussi - et nous devons rester vigilants - pour les finances sociales et les collectivités locales.

Didier Migaud et Augustin Bonrepaux, en évoquant cette question, ont avoué leur culture indéracinable pour la dépense publique. Ils choisissent de réduire les excédents des collectivités locales et d'en augmenter les impôts, mais c'est seulement leur choix. Il nous paraît, à nous, nécessaire de rappeler à nos compatriotes que l'assainissement des finances publiques suppose l'engagement de tous : il s'agit des choix de l'État, des choix sociaux, des choix des collectivités locales.

M. Jean-Claude Sandrier. Ce n'est pas le cas !

M. Hervé Mariton. Et ce n'est pas simple ! Sur cette question, le Gouvernement n'est pas tout à fait au-dessus de toutes critiques. Il faut corriger la culture de la dépense publique qui prévaut encore dans notre pays.

M. Michel Bouvard. Eh oui !

M. Hervé Mariton. Monsieur le ministre, vous avez expliqué comment l'augmentation des dépenses de 1,7 milliard, au-delà du 0 % en volume sur le budget pour 2004, ne mettrait pas en péril, au final, cet engagement de maintien de la dépense en volume. Nous entendons vos explications, que nous évaluerons à mesure de l'exécution budgétaire, mais vous avez notre confiance. Chacun mesure bien que tenir l'engagement de 0 % d'évolution de la dépense en volume est facile sur une année, mais beaucoup plus difficile la deuxième ou la troisième année...

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Pourtant nous le faisons !

M. Hervé Mariton. La qualité de la gestion du Gouvernement s'apprécie nécessairement dans le temps. Monsieur le ministre, l'effort avec le temps est plus difficile à tenir mais il n'est pas moins indispensable. Nous vous appelons donc à rester ferme sur un choix raisonnable qui n'est autre, compte tenu de l'état de nos finances, qu'un choix de bon sens.

Lors de l'élaboration du budget pour 2005 la question s'était posée de savoir s'il fallait rester absolument sur cette ligne. Heureusement, le Gouvernement a fait ce choix : pas d'augmentation des dépenses en volume. Dans l'exécution de 2004, et en dehors de la petite entorse de 1,7 milliard, il conviendra de rester sur cette ligne.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Très juste !

M. Hervé Mariton. C'est tout à fait essentiel à la lisibilité et à la cohérence de notre politique budgétaire.

Je disais tout à l'heure combien il était nécessaire de faire œuvre de pédagogie auprès de nos compatriotes. Pour que chacun comprenne et se repère, il faut des signes forts, un certain nombre de constances, il faut expliquer et éclairer le chemin. La cohérence et la constance d'une stratégie aident à la faire comprendre.

Le Premier ministre a rappelé ce matin des orientations, dans le domaine fiscal, qui sont sympathiques à nos oreilles. En effet, le groupe UMP, et il ne le cache pas, n'a pas la culture de l'impôt. Tout ce qui peut aller dans le sens d'une réduction de la dépense publique, pour autant que l'état de nos finances publiques et la réduction des déficits le permettent, est tout à fait bienvenu.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je l'ai précisé !

M. Hervé Mariton. Et je vous en remercie, monsieur le ministre. Vous m'autoriserez alors à vous dire - car ce point a fait l'objet de débats lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2005 - que notre groupe n'a guère la culture de la transformation des réductions d'impôt en crédits d'impôt.

M. Pierre-Christophe Baguet. Eh oui !

M. Hervé Mariton. Il nous semble que l'allégement de l'impôt ne passe pas par des mesures qui concernent ceux qui ne le payent pas.

Les mesures de politique sociale sont indispensables, elles ont leur place. Je ne suis pas sûr qu'il faille toujours les mêler avec l'évolution d'une politique fiscale. Des choix ont été effectués à l'occasion de la seconde délibération, mais c'était après que notre groupe eut voté de manière éclairée sur ce point. Je vous le dis aimablement et clairement : nous tenons à la logique des réductions d'impôt - surtout dans un pays où l'impôt sur le revenu est aussi concentré qu'en France - et nous en reparlerons.

Enfin, l'assainissement des finances publiques est évidemment indispensable dans le contexte européen. Vous l'avez très bien dit, monsieur le ministre. Le rapporteur général l'a également évoqué.

Notre obligation de résultat pour l'emploi passe par cet assainissement des finances publiques, qui requiert un effort dans la durée. Pourtant la durée lui est nécessaire, et ce n'est pas simple à mesure que les années passent. Cela ne peut fonctionner que dans le cadre d'une réforme de l'État toujours plus audacieuse. La réforme de l'État est la condition nécessaire de l'assainissement des finances publiques, donc du crédit public, de la croissance, de l'emploi.

La réforme de l'État, elle aussi, se pratique dans la durée, Des outils pourront être mobilisés en 2006 pour nous aider, en particulier la mise en œuvre de la LOLF. Mais l'outil ne suffit : il ne peut pas remplacer une volonté dont, heureusement, le Gouvernement n'est pas dépourvu, ni le groupe UMP.

La LOLF, ce sera les indicateurs que le Gouvernement nous proposera, mais peut-être aussi ceux dont nous pourrons avoir l'initiative pour stimuler la réforme de l'État, qui peut toujours être plus audacieuse et aller plus vite.

Les stratégies ministérielles de réforme sont, chacun le sait, d'inégale qualité : l'exercice en est encore à ses débuts ! Il y a d'excellentes propositions ; d'autres sont un peu en deçà de la mise. Nous ne doutons pas que l'émulation collective dans l'équipe gouvernementale permette aux moins bonnes de rattraper les meilleurs.

Votre volonté, monsieur le ministre délégué au budget, pour inciter et encourager vos collègues, est indispensable. Mais il faut aussi celle du Gouvernement, et nous savons pouvoir compter sur elle.

Emploi, finances publiques, réforme de l'État : tout cela est lié. Même s'il ne s'agit aujourd'hui que de l'examen d'un projet de loi de finances rectificative, nous mesurons que ce texte est un traceur, un révélateur, une démonstration de la constance et de la cohérence de la politique gouvernementale pour atteindre son objectif principal : l'emploi. C'est très volontiers, monsieur le ministre, que le groupe UMP le soutiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Merci, monsieur Mariton.

M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. Monsieur le ministre, est-il besoin de rappeler que l'esprit du collectif budgétaire dont nous débattons cet après-midi est de corriger, dans un sens ou dans un autre, les choix opérés pour le budget initial ?

À cet égard, ce projet de loi de finances rectificative est la parfaite illustration de ce que nous dénonçons depuis 2002 : en dépit de nos mises en garde répétées, le Gouvernement s'est entêté à faire croire aux citoyens, aux acteurs de l'économie et aux observateurs que l'alpha et l'oméga de la stratégie économique pouvait être la multiplication des baisses d'impôt pour les plus aisés - ou, si l'on préfère, au détriment des moins favorisés, qui paient les factures finales par la hausse des prélèvements qui pèsent sur les plus nombreux.

La croissance aura beau être plus importante que prévu en cette fin 2004, son évolution est très erratique : forte en début d'année et très faible au troisième trimestre - ce qui tendrait à prouver que ces variations relèvent plus de la conjoncture que de votre volontarisme et de votre expertise en la matière. En d'autres termes, les faits jettent une lumière crue sur le manque flagrant d'impact de la politique économique que vous menez depuis le début de la législature et qui, du reste, a été sanctionnée par les électeurs au printemps dernier.

En fait, ce collectif budgétaire n'apporte aucun infléchissement notable par rapport à la loi de finances initiale, malgré des marges de manœuvre inespérées.

Il me semble donc utile de souligner plusieurs points. D'abord, la dégradation des comptes sociaux. J'attire votre attention sur un élément majeur : si le déficit du budget de l'État se réduit, passant de 3,7 % à 3,2 % du PIB grâce aux rentrées fiscales supplémentaires, le déficit public reste stable à 3,6 % du PIB, compte tenu de la dégradation importante des comptes sociaux. Comment pouvez-vous, alors, vous gargariser de ce que le rapporteur général qualifie de « belle performance » lorsque tous les comptes sociaux sont dans le rouge. Jamais depuis plus de quinze ans un gouvernement n'aura présenté une situation aussi dégradée de ses comptes sociaux.

En 2005, ce ne sont plus seulement les comptes de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, qui sont calamiteux - tant, d'ailleurs, pour l'assurance maladie que pour les accidents du travail -, mais bien ceux de tous les risques et de tous les systèmes de protection sociale : ce sera le cas pour la Caisse nationale d'assurance vieillesse, ou CNAV, la Caisse nationale d'allocations familiales, ou CNAF, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, ou CNRACL, la Caisse nationale d'assurance maladie des professions indépendantes, ou CANAM, le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, ou FFIPSA - ex-BAPSA - et le Fonds de solidarité vieillesse, ou FSV, pour un solde négatif total de 12 milliards d'euros pour cette seule année.

Serait-ce un choix délibéré de ce gouvernement que de « charger la barque » des comptes sociaux afin de mieux justifier des mesures radicales de désengagement de l'État des régimes de solidarité nationale ?

J'évoquerai, en deuxième lieu, la dégradation de la situation des associations. Celles-ci, et notamment celles qui œuvrent dans le domaine social, sont durement touchées par vos choix budgétaires. Elles ne craignent rien de moins que de devoir renoncer à œuvrer dans le sens de l'intérêt collectif, souvent d'ailleurs en lieu et place des pouvoirs publics qui - quel cynisme ! - les incitent à travailler sur le terrain qu'ils ont déserté, puis leur coupent les vivres. Comble de toupet, l'État les renvoie vers les collectivités locales, qu'il s'applique à étrangler dans d'autres domaines ! Dans son numéro du 7 décembre, Le Monde relevait d'ailleurs une situation aux limites du réel : « En 2004, les associations ont en effet vécu une année noire. De la culture à l'environnement, en passant par le social et le sport, le milieu a pâti du gel ou des restrictions des crédits de l'État, via ses différents ministères, alors que la fin du financement public des 100 000 emplois-jeunes de ce secteur est programmée pour 2007. Le tout dans un contexte de progression de la pauvreté et de la précarité. On recense, officiellement, en France, près de 1 million d'associations, fortes de 12 millions de bénévoles et de 1,5 million de salariés, souvent dans le cadre d'emplois aidés, d'où leur vulnérabilité. »

Où est l'infléchissement maintes fois annoncé de votre politique vers le champ social ?

En troisième lieu, pour ce qui concerne les ajustements de la fraction de tarif de la taxe intérieure sur les produits pétroliers - la TIPP - affectée aux départements en compensation du transfert de compétence en matière de RMI-RMA, l'évaluation du montant de la charge par le Gouvernement était passablement insuffisante et, d'autre part, la TIPP n'est pas la « recette dynamique » qu'elle était censée être. Il appartient au Gouvernement de préciser quelle est la part de chacun de ces phénomènes - ce qui constituera une indication intéressante de la situation financière, à terme, des départements.

Il nous semble en effet primordial de veiller à ce que les transferts de charges de l'État aux collectivités locales soient strictement compensés. Nous avons, d'ailleurs, déposé des amendements en ce sens. Grâce à la vigilance de l'opposition, l'article 59 de la loi de finances initiale pour 2004 a prévu un mécanisme d'ajustement des ressources de TIPP attribuées aux départements en 2004 et 2005 aux dépenses effectives au titre du RMI-RMA constatées en 2003 et 2004. D'ailleurs, comme le montrent les recouvrements de TIPP constatés en 2004, qui devraient s'inscrire en net repli par rapport aux prévisions initiales, l'argument, avancé alors par le Gouvernement, selon lequel la TIPP est par nature une ressource dynamique, ne tient pas. Il faut donc aller plus loin et de prévoir une procédure garantissant l'ajustement permanent des ressources transférées aux charges décentralisées.

En quatrième lieu, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères - je préférerais que l'on parle de « déchets ménagers » - doit faire l'objet, dans les plus brefs délais, d'une réforme d'ensemble. Aujourd'hui, le paiement de cette taxe représente parfois une charge très lourde, notamment pour les ménages modestes. Si le Gouvernement mène une réflexion sur le sujet, nous aimerions connaître l'étendue de la réforme prévue, afin que les parlementaires aient les moyens de se prononcer dans de bonnes conditions sur les dispositifs envisagés. Aussi proposons-nous des amendements visant à favoriser la redevance d'enlèvement des ordures ménagères et le développement de la redevance spéciale due par les entreprises et les administrations.

Nous souhaiterions, enfin, que soit donnée une véritable impulsion aux réseaux de chaleur, avec une baisse de la TVA applicable et la prise en compte des évolutions liées à la libéralisation du marché de l'énergie pour les collectivités locales. Il faut que le Gouvernement accepte de favoriser un mode de chauffage respectueux de l'environnement.

M. Philippe Auberger. Et les cheminées qui crachent des saletés ?

M. Henri Nayrou. Ces modestes pistes de réflexion ont manifestement échappé à votre analyse, soit au nom du dogme UMP, soit par entêtement - en tout cas, au détriment du plus grand nombre de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre, les règles fixées par le Président de la République et le remaniement qui a suivi vous conduisent à présenter aujourd'hui devant l'Assemblée nationale le projet de collectif budgétaire qui, s'il n'a pas été préparé par vous, est bien celui du Gouvernement tout entier, sous l'autorité du chef de l'État, qui décide, et du Premier ministre.

Je m'associe aux félicitations qui vous ont été adressées...

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Merci.

M. Michel Bouvard. ...et me réjouis de la volonté que vous avez affirmée à plusieurs reprises, depuis quarante-huit heures, d'un travail étroit avec notre commission des finances.

Ce collectif fourni poursuit la mise en œuvre de la loi organique sur les lois de finances, en même temps qu'il propose des mesures nouvelles.

Avant d'en venir à ces dernières, je voudrais saluer le travail accompli pour la mise en œuvre de la loi organique, le collectif étant l'occasion d'apporter une transparence sur plusieurs points, notamment les garanties apportées par l'État, conformément à l'article 61 de la LOLF. Au regard des enjeux, l'information et l'accord du Parlement pour les garanties sont indispensables. Les opérations recensées à l'article 50 du projet de loi, et notamment l'opération de garantie et de contre-garantie pour Alstom, comme l'amendement relatif à la garantie de l'emprunt UNEDIC qui nous a été annoncé par le rapporteur général, obligent à cette consolidation. De même, l'article 54 fixe les modalités de fonctionnement du compte de commerce, qui retracera les opérations budgétaires de gestion de la dette et de la trésorerie de l'État, conformément à l'article 22 de la loi organique.

Au-delà de ces deux dispositions spécifiques, je tiens, au moment où vous prenez vos fonctions, à rappeler notre attachement à la mise en œuvre de cette loi, outil d'un meilleur contrôle du Parlement sur les finances publiques, complété d'ailleurs, lors de la première lecture de la loi organique ayant trait à l'affectation d'éventuels excédents budgétaires, par la possibilité de tenir des débats sur les rapports de la Cour des comptes et un renforcement du pouvoir de contrôle de l'opposition, mesures adoptées à la quasi-unanimité.

Ce dernier texte a aussi été l'occasion de préciser la prise en compte du périmètre de référence des emplois publics, singulièrement pour les opérateurs publics, établissements publics ou associations, dont nous avons constaté, comme cela a notamment été le cas pour le ministère de la culture, qu'ils pouvaient être le cadre d'un contournement de la règle des plafonds d'autorisations d'emplois appliquée dans le cadre de la fongibilité asymétrique des crédits de fonctionnement.

La maîtrise de la dépense, et singulièrement de la dépense de personnel, est plus que jamais un enjeu pour l'équilibre à long terme de nos finances. Je sais que vous en êtes conscient, et vous venez de le réaffirmer. Aussi dois-je vous dire ma préoccupation de trouver parmi les crédits ouverts dans ce collectif pour 1,7 milliard d'euros, des dépenses de personnel du ministère de la défense dépassant le seul coût des OPEX et liées, semble-t-il, à la politique de recrutement du ministère. Cette inscription conforte la demande, formulée par la MILOLF et approuvée par la commission des finances, que soit identifié un programme « recrutement et formation des personnels » dans la mission « défense » de la nouvelle maquette budgétaire, par découpage du programme « préparation et emploi des forces ».

De la même manière, il apparaît plus que jamais nécessaire d'envisager un programme « OPEX » ou, à tout le moins, de procéder dans la loi de finances initiale à la dotation financière des OPEX, dans la mesure où 90 % des crédits nécessaires sont connus dès le début de l'exercice, et cela depuis plusieurs années, comme cela nous a été confirmé lors de toutes les auditions auxquelles nous avons procédé dans le cadre de la mise en œuvre de la loi organique. Il s'agit là d'un vrai problème de transparence dans la gestion des crédits du ministère de la défense. Une opération vérité est nécessaire pour nous éviter de nous trouver chaque année dans la situation que nous connaissons cette année encore dans le cadre de ce collectif budgétaire, et qui perdure depuis de nombreux gouvernements. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Nous n'avons pas autant augmenté les crédits de la défense !

M. Michel Bouvard. La maîtrise de la dépense, qui est bien l'objectif prioritaire, doit nous conduire à restaurer les marges de manœuvre de l'État qui, comme le souligne à juste titre le rapport du groupe de travail sur la croissance présidé par Michel Camdessus, ont diminué de 25 % en vingt ans, alors que le PIB s'accroissait chaque année.

Pour ce qui est des programmes et de leur pilotage, il conviendra aussi, comme l'ont souligné tout à l'heure les ministres, de faire évoluer un certain nombre de structures administratives, le pilotage de plusieurs programmes par une même personne devant être limité si l'on veut pouvoir identifier clairement les responsabilités.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je suis d'accord avec vous !

M. Michel Bouvard. La maîtrise de la dépense doit se doubler de son efficacité. Conformément à ce qui nous a été demandé et selon la bonne pratique instaurée pour la définition de la maquette budgétaire, la commission des finances travaillera dès les prochaines semaines, à partir des propositions formulées par les ministères dans le cadre de la présentation de la loi de finances pour 2005, sur les indicateurs de performance. Il conviendra notamment de veiller à ce que les indicateurs financiers ne soient pas oubliés. Dans les premières propositions, on observe en effet une faiblesse de ces indicateurs - par exemple, pour le ministère des affaires étrangères. Or l'absence de ces indicateurs empêcherait d'évaluer à leur juste coût le fonctionnement des services et des structures et d'élaborer des comparaisons. Des propositions seront formulées par notre commission d'ici à la fin du mois de février, afin de permettre de déterminer l'efficacité des politiques publiques.

En effet - je vous le dis en toute amitié, monsieur le ministre délégué au budget, et avec tout le respect qui est le mien pour le chef de l'État et pour le Premier ministre -, toute politique définie par le chef de l'État ou le Premier ministre n'est pas nécessairement une politique efficace, aux résultats tangibles et quantifiables, une politique de bonne gestion de l'argent public ; pour la juger telle, il est nécessaire que nous puissions évaluer cette efficacité. Je ne doute pas que le Président de la République comme le Premier ministre puissent proposer une dépense publique efficace ; mais notre jugement en la matière dépendra de l'évaluation que nous en ferons.

J'en viens maintenant aux mesures proposées dans le collectif, pour saluer, après le rapporteur général, la remarquable réduction du déficit, qui a été rendue possible par la croissance et les recettes nouvelles que celle-ci génère, bien que certaines soient exceptionnelles : il en va ainsi des taxes sur les achats de viande, que l'État remboursera à un niveau moindre que prévu, ou la reprise des provisions sur SOFARIS.

En affectant l'essentiel de ces ressources à la réduction du déficit, ainsi ramené à 49,3 milliards d'euros, notre majorité rompt avec une pratique ancienne : même si des diminutions de déficit sont déjà intervenues à ce stade dans le passé, cette pratique ancienne consistait à laisser filer la dépense, voire à faire de nouvelles dépenses, malheureusement durables, en période de croissance.

M. Jérôme Rivière. C'est très vrai !

M. Michel Bouvard. Si je me réjouis du surplus de ressources affecté aux contrats de plan, qui permettra un rattrapage partiel du décalage enregistré, comme l'a fort justement démontré notre collègue Louis Giscard d'Estaing dans son rapport pour le compte de la commission des finances, force est de constater un surcroît de dépenses de 1,7 milliard d'euros correspondant au solde entre les 3,8 milliards d'ouverture de crédits et les 2,1 milliards d'annulation. Certes, ces dépenses n'auront pas d'incidence en exécution 2004, et la règle de la progression zéro en volume sera respectée. Mais, comme vous le savez, monsieur le ministre, elles peuvent alimenter des reports qui devront impérativement respecter la règle des 3 % fixée par la LOLF ; et nous savons que la réduction progressive des reports a déjà été un exercice difficile, engagé avec courage par Alain Lambert dès sa prise de fonctions. Il ne faudrait pas qu'on reparte dans un processus inverse, à quelques mois du passage à l'application intégrale de la LOLF. Vous vous êtes engagé à y veiller, et même à gager ces dépenses nouvelles. Sachez que vous avez notre soutien pour cela.

Le projet de loi de finances rectificative comporte enfin des mesures de compensation et de régulation pour les collectivités territoriales. Je veux dire ma satisfaction à ce sujet. En effet si certains de nos collègues en sont aujourd'hui à réclamer des intérêts pour l'avance de trésorerie partielle que devront consentir, par exemple, les conseils généraux pour financer le RMI-RMA, je ne peux pas, pour ma part, oublier qu'en ce qui concerne les charges nouvelles créées par la loi sous le gouvernement Jospin, notamment l'allocation personnalisée d'autonomie, nous n'avons même pas eu à nous poser la question des avances de trésorerie et des intérêts qu'elles auraient pu nous valoir.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est sûr !

M. Michel Bouvard. En effet, ces dépenses nouvelles étaient supportées pour l'essentiel par les conseils généraux que nous dirigions. Or j'ai le souvenir, pour ma part, que seul un quart à peu près des charges supportées par le département de la Savoie à la suite du transfert de l'APA a été compensé.

M. Philippe Auberger. Et encore !

M. Michel Bouvard. Cela signifie que 75 % restaient à la charge du contribuable local.

En conclusion, parce qu'il poursuit la mise en œuvre de la loi organique, parce qu'il contribue à la réduction du déficit et qu'il constitue donc une étape sur la voie de l'assainissement de nos finances publiques ; parce qu'il simplifie aussi les relations entre contribuables et administrations, dans le prolongement notamment du travail accompli par notre collègue Jean-Yves Cousin ; parce qu'enfin il met en œuvre les engagements du Gouvernement vis-à-vis des collectivités territoriales, ce projet de loi mérite notre soutien, en souhaitant, monsieur le ministre, que ces orientations s'inscrivent dans la durée. Nous y veillerons à vos côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je vous en remercie, monsieur le député.

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, trois mois après la présentation du projet de loi de finances pour 2005, nous pouvons d'ores et déjà faire un point de conjoncture. Force est malheureusement de constater que celle-ci n'est plus exactement aussi favorable qu'elle l'était au mois de septembre. En effet, nous avons subi une très forte hausse du prix du pétrole, même s'il a baissé tout dernièrement. Surtout, nous avons dû faire face à la chute du cours du dollar, qui a eu de graves incidences sur la compétitivité de notre économie et de nos exportations.

Les enquêtes d'opinion révèlent malheureusement que, depuis quelques mois, la confiance des ménages et des entreprises s'est légèrement effritée. La consommation a faibli et les investissements privés ne sont plus aussi soutenus qu'au début de cette année. De ce fait, si les prévisions de croissance pour l'année 2004 seront sans doute respectées, en revanche l'exécution du budget pour 2005 s'avérera sans doute plus difficile qu'on ne pouvait l'escompter au mois d'octobre. Ceci nous incite - et j'ai bien compris, monsieur le ministre, que vous partagiez cette opinion - à faire preuve d'une extrême rigueur dans l'exécution du budget de 2005, à défaut d'avoir pu le faire pour le budget de 2004.

Nous avons parallèlement pris connaissance du rapport extrêmement intéressant de M. Camdessus, voire décapant, au dire de certains, notamment par ses analyses touchant l'emploi et l'insuffisance de l'activité en France, la gestion de l'État, les efforts faits en matière d'innovation, d'épargne à risque, ou encore l'Europe.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Philippe Auberger. Je pense que le Gouvernement doit maintenant nous faire des propositions qui en tiennent compte, afin que nous bénéficiions d'orientations fermes pour les années à venir. Je ne doute pas que vous ferez le meilleur usage de ces analyses, notamment à l'occasion de la conférence que vous envisagez, si je vous ai bien compris, de tenir au mois de janvier dans le but d'indiquer les orientations de vos deux ministères.

Cela étant dit, le projet de loi de finances rectificative nous permet de constater le redressement marqué des finances publiques en 2004. Les recettes dépassent les prévisions de 7,5 milliards, ce qui est sans précédent. Cela a même permis au Gouvernement de réviser ces prévisions de recettes par rapport à celles qui avaient été inscrites dans la loi de finances pour 2005.

Le déficit est réduit de 5,7 milliards, et le montant net des dépenses nouvelles est de 1,7 milliard, ce qui est très faible. On peut donc considérer que dans le cadre de cette loi de finances rectificative la feuille de route a été respectée.

Comme de coutume, cette loi de finances rectificative comporte par ailleurs des dispositions fiscales. Ainsi, quatorze articles concernent les relations avec les contribuables. Je veux souligner l'effort fait en ce domaine, notamment en ce qui concerne le renforcement des garanties en matière de prix de transfert ou l'instauration d'un contrôle fiscal préventif. Je souhaite cependant que cette faculté soit limitée dans le temps, pour éviter une trop grande incertitude qui rendrait la mesure inopérante. J'approuve également la suppression de l'obligation de souscrire une déclaration provisoire de revenus en cas de transfert du domicile fiscal hors de France, car cette disposition était tout à fait inutile.

Ce texte introduit par ailleurs une innovation importante, bien qu'elle n'ait pas toujours été remarquée : il s'agit du crédit d'impôt prévu par l'article 36 au profit des petites et moyennes entreprises qui exposent des dépenses d'équipement dans les technologies de l'information. Il s'agit d'une innovation très heureuse comme l'avait été le crédit d'impôt recherche en son temps.

Ce projet de loi de finances rectificative reste néanmoins, comme d'habitude, une sorte de « bric-à-brac » fiscal, si vous me permettez cette expression, monsieur le ministre. Je souhaiterais donc d'abord que le Gouvernement ne nous submerge pas d'amendements et d'innovations de dernière minute.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est mal parti !

M. Philippe Auberger. Je souhaite ensuite qu'on ne réforme pas substantiellement la taxe sur les ordures ménagères : s'agissant d'une charge aussi importante pour nos concitoyens, notamment pour les plus modestes d'entre eux, il faut éviter toute précipitation dans ce domaine.

Le Gouvernement devrait également nous informer au plus tôt de ses choix en ce qui concerne les nécessaires adaptations de la taxe professionnelle.

En ce qui concerne les dons aux œuvres, l'Assemblée a eu une attitude, notamment dans le cadre de l'examen du projet de loi de cohésion sociale, qui n'était pas exactement celle que nous escomptions.

Je voudrais aussi souligner que les innovations du Sénat sont parfois marquées du sceau de la précipitation : en ce qui concerne notamment le régime des plus-values mobilières des entreprises, je ne saurais trop recommander la plus grande prudence. Ce genre de mesures est très lourd de conséquences, notamment pour les compagnies d'assurances, qui ont beaucoup investi dans ce domaine. Je rappelle qu'on vient déjà de leur demander un effort d'investissement dans les entreprises non cotées, ce qui est tout à fait essentiel pour le développement de notre économie.

En bref, ce projet de loi de finances rectificative, poursuit, dans la ligne de la loi de finances pour 2004, l'effort de redressement des finances publiques. Dans ces conditions, nous ne pouvons que l'approuver. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, dernier orateur inscrit.

M. Marc Le Fur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me contenterai d'évoquer deux lignes particulières de ce collectif, et d'abord celle qui a trait au financement du référendum qui permettra aux Français de trancher le débat majeur de la Constitution européenne. Je me limiterai à cette tribune à l'aspect financier de cette question. Mais, comme on le verra, on aborde à travers ce prisme des enjeux essentiels, politiques au sens le plus noble du terme.

Une campagne référendaire est l'occasion d'informer les Français d'une manière exhaustive et pluraliste. Le collectif a prévu un crédit de 39,3 millions euros, qui s'ajoutent aux 25 millions d'euros prévus en loi de finances initiale. Ce sont donc au total 64,3 millions d'euros qui sont prévus au titre de la campagne officielle, qui relève du ministère de l'intérieur.

À quoi va servir cet argent, telle est la question. L'essentiel de la dépense doit servir à financer ce qu'on a improprement appelé la « propagande officielle » - il vaudrait mieux parler d'information électorale - adressée aux électeurs : il s'agit d'envoyer 42 millions de plis. Ces documents doivent comporter, outre les bulletins de vote, cela va de soi, le texte de la Constitution. Se pose alors la question du format, sachant que le format « Journal officiel », qui fut retenu pour le traité de Maastricht, est répétitif et à peu près illisible.

Le deuxième problème, plus complexe, concerne les protocoles annexés au traité, qui sont extrêmement nombreux.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Marc Le Fur. Certains ont peu d'intérêt pour nous - le statut du Groenland, par exemple. D'autres en revanche sont essentiels : ainsi le protocole n° 1, qui traite du rôle des parlements nationaux ; le protocole n° 2, concernant le principe de subsidiarité ; le protocole n° 6, qui a trait au siège des instances européennes. Je vous rappelle qu'en droit international les protocoles ont la valeur du traité.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Marc Le Fur. C'est dire combien est essentielle la question de savoir si ces protocoles doivent être adressés au décideur, le citoyen en l'occurrence. Le problème est que ces protocoles représentent 430 pages, au vu du document que nous a préparé notre collègue Pierre Lequiller. Soit nous respectons la logique juridique et nous les joignons aux autres documents ; soit nous ne le faisons pas, et nous risquons de réduire abusivement l'information du décideur ultime, qui est le citoyen.

La deuxième question qui se pose à propos du contenu de ces plis est celle de savoir s'ils doivent contenir des commentaires, notamment des partis politiques, comme les professions de foi des candidats à une élection. Je vous rappelle, mes chers collègues, que, selon l'article 4 de la Constitution, les partis concourent à l'expression du suffrage. Leur rôle dans cette affaire a été reconnu par le Président de la République lui-même, qui a salué la récente décision du parti socialiste.

Comment permettre cette expression des partis politiques ? Il semblerait logique que figurent dans le document les opinions diverses de plusieurs partis, et pas seulement de ceux qui sont représentés dans cette assemblée. Il faudrait élargir le champ à ceux qui siègent au Parlement européen. 

On pourrait me rétorquer qu'aucun commentaire n'avait été joint aux documents concernant le référendum sur Maastricht et celui sur le quinquennat, mais ce dernier n'avait pas eu la portée populaire que l'on pressent pour celui de l'année prochaine. Pour Maastricht, la situation était totalement différente : en 1992, il n'y avait pas de règle de financement des partis politiques ; ce n'est arrivé qu'en 1993. Nous avons maintenant un corpus de règles, qui présente parfois des avantages, mais qui condamne les partis politiques à ne vivre que de fonds publics. Sans fonds publics, comment pourraient-ils concourir à l'expression du suffrage sur ce référendum ? Il faut que les opinions diverses, le oui comme le non, puissent s'exprimer. Peut-on, pour cela, imaginer un autre vecteur que les partis ?

La question qui est posée est donc celle du financement de la vie politique. Nous avons un système parfaitement prévu pour la démocratie représentative : les candidats et les élus génèrent de la dépense, mais aussi de la recette. En revanche, rien n'est prévu pour financer la démocratie directe. Ce référendum est l'occasion de fixer les règles d'un tel financement. L'attachement de nombre d'entre nous à la démocratie directe doit nous inciter à répondre clairement à ces questions.

Autre poste de dépense : l'envoi des documents. Le poids de chaque pli dépassant cent grammes, nous ne sommes plus dans le cadre du monopole de La Poste. Un appel d'offres européen a donc été lancé, en toute logique, d'ailleurs. Comment solliciter les électeurs sur une affaire européenne sans respecter les règles européennes ? Lancé le 2 décembre, cet appel d'offres suit son cours. Paradoxalement, la Bundespost pourrait parfaitement y répondre,...

M. Hervé Mariton. C'est ce qui s'appelle trouver des problèmes aux solutions !

M. Marc Le Fur. ...mais La Poste sera certainement la mieux placée. En tout état de cause, cet appel d'offres conditionne le calendrier puisqu'il ne sera définitivement clos que début mai au plus tôt. Comme l'a dit un très haut fonctionnaire, le code des marchés publics tient la démocratie en l'état !

Pour envoyer à chacun des Français un document identique, il ne sera pas nécessaire de passer par les préfectures, comme on le fait d'habitude pour les élections. C'est un routeur qui diffusera ce même document, ce qui permettra de réaliser des économies. Mais cela posera un problème de principe puisque, pour faire un envoi unique, il faut un fichier électoral unique, que nous devrons constituer puisqu'il n'existe pas.

M. Hervé Mariton. Nous sommes anxieux de connaître la solution !

M. Marc Le Fur. Outre la campagne officielle, une information civique devra être diffusée. À cet égard, 10 millions d'euros figurent au budget du ministère des affaires étrangères, dont 5 millions au titre du collectif, pour les supports d'information : brochures ou numéro vert. Cette information doit être pédagogique mais neutre, comme l'a récemment rappelé le président Mazeaud. Elle doit permettre d'éclairer nos concitoyens sans devenir une campagne en faveur d'une option du référendum.

Sur ces questions relatives au référendum, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous puissiez nous éclairer.

Le deuxième point que je souhaite soulever s'agissant de ce collectif est l'argent des radars, qui intéresse grandement nos concitoyens et alimente les conversations.

M. Michel Bouvard. C'est très intéressant !

M. Marc Le Fur. Notre pays a décidé, à l'initiative du Président de la République, de s'engager dans un formidable combat pour la sécurité routière. Nous sommes en train de le gagner : le mois dernier encore, 10 % de vies humaines sauvées, 4 000 depuis le début de la campagne. Cela a été rendu possible grâce à la prévention, à l'information, mais aussi à la répression, même si elle prend parfois des tours désagréables que nous pouvons réprouver. Cette répression, c'est l'argent provenant des mille radars mis en place. Depuis la fin de l'année 2003, ce sont 91 millions qui ont été engagés pour les installer. Au 6 décembre, ils avaient déjà rapporté 92,742 millions d'euros. Nous arrivons donc déjà à l'équilibre.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est une affaire qui tourne !

M. Marc Le Fur. En 2005, ce seront 60,48 millions d'euros qui seront affectés à l'investissement en radars au titre du collectif. Au terme du dispositif, le coût d'investissement sera de 200 millions d'euros, la recette annuelle d'environ 375 millions d'euros et le coût de fonctionnement, recouvrant en particulier les envois en recommandé et les moyens informatiques, de 20 millions d'euros. En tout état de cause, les radars vont rapporter.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. À qui ?

M. Marc Le Fur. À quoi doit servir l'argent ? D'abord, à payer les radars. Mais, dès le début de 2005, un surplus se dégagera. Où ira-t-il ?

M. Michel Bouvard. Au fonds des amendes de police des collectivités locales !

M. Marc Le Fur. La seule chose clairement décidée est que l'argent restera à l'État en 2005 et en 2006. Comment l'utilisera-t-il ? Il convient de tordre le cou à l'idée largement répandue que cet argent irait aux forces de police ou de gendarmerie. C'est évidemment faux.

M. Jérôme Rivière. C'est bien dommage !

M. Marc Le Fur. Mais cette recette singulière ne doit pas être assimilée à une recette banale ni être traitée comme un impôt. Elle ne doit pas tomber dans le grand trou du budget de l'État. L'argent pris aux automobilistes doit, d'une manière ou d'une autre, leur revenir par le biais de la sécurité routière. L'adéquation entre la recette et son utilisation est la condition pour rendre la sanction tolérable. Nos concitoyens ne l'accepteront que s'ils savent que cet argent sera utilisé pour leur sécurité. Ce lien indiscutable entre la recette et la dépense devrait recueillir l'unanimité parmi nous.

Parmi les dépenses envisageables, notre collègue Jean-Michel Bertrand travaille sur la possibilité de financer la formation et le permis de conduire, extrêmement coûteux pour les familles modestes, ce qui aurait un impact direct sur la sécurité. En matière routière, un certain nombre de points noirs pourraient être éliminés. On pourrait aussi financer les services d'urgences des hôpitaux qui accueillent les grands blessés de la route ou encore les services qui traitent, souvent pendant de longues années, les grands traumatisés de la route.

Sans prétendre avoir la solution, je tenais à vous livrer ces quelques pistes de réflexion. Permettez-moi d'insister sur la nécessité d'établir un lien entre la recette et la dépense. Il en va de la crédibilité du dispositif.

M. Hervé Mariton. Il faut créer un compte d'affectation spéciale !

M. Marc Le Fur. M. Mariton vient de le dire, il faut un compte d'affectation spéciale. Qu'on ne me dise pas que c'est impossible : l'article 21 de la LOLF le prévoit expressément. Du reste, ce point est traité dans La réforme du budget de l'État, document paru à LGDJ qui fait autorité.

M. Michel Bouvard. De quel auteur ?

M. Marc Le Fur. C'est dire si nous avons les moyens de prendre cette décision, qui n'est pas simplement financière mais éminemment politique.

Chacun ici en conviendra, pour que notre politique de sécurité routière porte ses fruits, nous devons convaincre les automobilistes que l'argent qui leur est pris de façon si désagréable leur revient, d'une manière ou d'une autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Tous les propos des différents intervenants étaient intéressants, même si je ne les partage pas en totalité. Par exemple, j'aurais pu comprendre, monsieur Bonrepaux, que vous vous montriez très sévère à l'égard de notre politique de dépense publique en nous reprochant de dépenser encore trop.

M. Marc Laffineur. Qui aime bien châtie bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous trouvez, au contraire, que nous ne dépensons pas assez. C'est sans doute là une différence philosophique majeure entre nous. Mais le problème n'est pas de dépenser beaucoup ou pas assez. Ce qui compte, c'est la manière de dépenser ; ce qui importe, c'est une dépense publique efficace.

M. Michel Bouvard et M. Marc Lafffineur. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Voilà pourquoi je dis bien souvent que les Français doivent en avoir pour leurs impôts. Ils ne supportent plus de voir des gouvernements qui se croient efficaces parce qu'ils présentent des budgets en augmentation sans que personne ne se soucie des résultats. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) S'agissant, par exemple, des effectifs dans la fonction publique, je ne considère pas que leur augmentation soit l'alpha et l'oméga d'une politique efficace en matière de service public, au contraire. Ce qui compte, c'est d'avoir des fonctionnaires bien dans leur peau...

M. Augustin Bonrepaux. Il faudrait qu'ils le soient !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ...et qui assument pleinement leurs fonctions au service de l'intérêt général.

M. Augustin Bonrepaux. Ils disparaissent !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. De ce point de vue, il est indispensable de mesurer la situation : quand les dépenses de personnels plus la dette excèdent 55 % du budget,...

M. Augustin Bonrepaux. Abracadabrantesque !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ...une vraie question se pose. Le moment est venu de conduire une politique de la fonction publique efficace. Elle pourra se traduire de manière pragmatique par des augmentations dans certains secteurs en tant que de besoin et par des diminutions dans d'autres secteurs.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Et s'il y a finalement une diminution nette, nous en tirerons les conséquences et en assumerons la responsabilité politique.

M. Michel Bouvard. Excellent !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. M. Baguet a insisté sur notre devoir de relever collectivement le défi de la maîtrise des dépenses publiques. Il a bien raison. J'ai été très sensible aux paroles d'encouragement très positives qu'il a tenues au nom du groupe UDF. Ce sont des petits moments de bonheur dont on ne se lasse jamais ! (Sourires.)

Monsieur Sandrier, sans surprise, vous nous avez permis de constater que nous ne sommes d'accord sur quasiment rien. Ainsi, nous considérons comme essentielle la promotion de la valeur du travail, alors que vous êtes bien souvent dans la logique de l'assistanat, dérive que nous refusons.

M. Jean-Claude Sandrier. Pas du tout ! Vous faites une erreur d'interprétation !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. S'agissant de la création des richesses et de leur redistribution, il y a encore des différences majeures entre nous. Il nous faudrait rouvrir Le Capital et les ouvrages des disciples de l'auteur de ce livre terrible. Ce serait trop long ce soir, mais nous aurons d'autres occasions. Sachez que, sur ce sujet, je serai aussi inlassable que vous.

Monsieur Mariton, vous avez mille fois raison d'évoquer la nécessité pour notre pays de tenir la maîtrise inflexible des dépenses de l'État. Sur ce point, je suis tout aussi déterminé que vous à tenir notre objectif.

M. Hervé Mariton. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je sais que c'est un combat que vous menez depuis longtemps. Et, sur la même ligne que vous, nous veillerons scrupuleusement à ce que les dépenses de l'État soient stabilisées en volume en 2005, comme en 2004. Sur ce point, j'aurai des comptes à vous rendre et ce sera pour moi un honneur que de le faire.

M. Philippe Auberger. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Nayrou, vous avez été, me semble-t-il, quelque peu imprudent en évoquant notre impuissance à réformer la sphère sociale alors même que nous venons d'achever une réforme très ambitieuse de l'assurance maladie,...

M. Henri Nayrou. On voit le résultat !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ...réforme que nous aurions bien aimé vous voir faire il y a quelques années. Cela nous aurait fait gagner beaucoup de temps. J'ai eu l'occasion de répondre sur ce point à M. Migaud.

M. Augustin Bonrepaux. À l'époque, les comptes étaient en équilibre !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ils étaient en équilibre grâce à des recettes financières formidables dues à une croissance considérable,...

M. Augustin Bonrepaux. Nous avions réduit le chômage ! Il n'y a pas de miracle !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ...et nullement à la maîtrise des dépenses de l'assurance maladie.

Monsieur Bouvard, je voudrais saluer tout particulièrement votre action. Vous savez l'estime que je vous porte. Vous êtes l'un des commissaires de la commission des finances les plus actifs et vous avez, dans le domaine de la réforme budgétaire et de la mise en œuvre de la LOLF, au même titre que M. Migaud, M. Carrez, M. Méhaignerie et beaucoup d'autres, joué un rôle tout à fait remarquable. Il m'apparaît fondamental que nous puissions continuer à travailler ensemble. Dans ce chantier majeur, comme dans tout ce qui concerne la mesure de la performance, je souhaite que vous puissiez poursuivre, avec mon équipe et moi-même, un travail de collaboration étroit, comme nous en avons eu l'occasion lorsque nous avons parlé ensemble de la montagne, ces dernières semaines.

M. Michel Bouvard. Dans la fraîcheur !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Dans la fraîcheur, mais aussi dans l'efficacité budgétaire pour les communes de montagne ! (Sourires.)

Comme vous l'avez souligné, monsieur Auberger, le Gouvernement a tenu ses engagements : les plus-values de recettes ont été affectées à la réduction du déficit et nous avons veillé à ne pas répéter les erreurs du passé. Oui, la dépense publique sera tenue. J'en prends l'engagement, tout particulièrement devant vous qui avez exercé les fonctions importantes de rapporteur général, alors que j'étais moi-même jeune député. C'est tout le sens de l'action que je vais conduire avec Hervé Gaymard.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. La dépense publique sera également rendue de plus en plus efficace. C'est notre objectif et l'année 2005 sera, à cet égard, historique puisqu'elle portera sur les fonts baptismaux la modernisation de l'État. Et Dieu sait si les Français l'attendent !

Nous veillerons aussi à ce que les baisses d'impôts soient toujours gagées sur des économies, en aucun cas sur du déficit, et à ce qu'elles accompagnent les priorités économiques fixées par le Président de la République et le Premier ministre : l'emploi, le soutien à la croissance et l'attractivité du territoire.

M. Le Fur a, comme à son habitude, posé des questions très pertinentes et très pointues sur des sujets importants du collectif, en particulier sur l'organisation du référendum. J'ai eu l'occasion de travailler sur ces questions dans mes fonctions antérieures auprès de Dominique de Villepin - puisque j'ai eu la chance d'en occuper plusieurs cette année (Sourires) - mais vous comprendrez, monsieur Le Fur, que je ne puisse répondre à toutes celles que vous avez évoquées. Elles sont bien trop nombreuses. Je puis néanmoins vous indiquer que le Gouvernement a ouvert plus de 70 millions d'euros pour le financement des opérations électorales : 64 millions sur le budget de l'intérieur - 25 millions en PLF, 39 au collectif - et 7 millions sur le budget des affaires étrangères pour le financement de la campagne d'information. Tout a été débloqué, y compris pour le remboursement des campagnes électorales régionales et européennes. Il s'agit maintenant de passer à l'exécution dans des délais rapides. J'ai demandé à mon administration d'y procéder, en liaison étroite avec le ministère de l'intérieur afin que les dépenses engagées par les candidats puissent être remboursées dans le cadre de la loi.

L'affectation des recettes des radars est un sujet sur lequel nous aurons sans doute encore plusieurs fois l'occasion de discuter. Ce que je peux dire, c'est que la logique est que le produit des amendes couvre progressivement le coût des installations. Mais si le succès de notre politique de prévention de l'insécurité routière se confirme, les recettes diminueront. Difficile, dans ces conditions, de considérer les radars comme un investissement financier. Nous devrons toujours avoir cela à l'esprit quand nous débattrons de cette question.

Il paraît sensé, dans l'immédiat, d'affecter ces recettes à l'État, puisque c'est lui qui investit. Nous verrons par la suite. Comme a dit un très grand économiste que nous avons parfois l'occasion de citer, à long terme nous serons tous morts mais, à court terme, comme nous avons vocation à respecter les limites de vitesse, nous serons en bonne santé et pourrons donc reparler de l'avenir des radars. Il faudra en tout état de cause veiller scrupuleusement à ce que lesdites recettes soient affectées au plus juste service de l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, je voudrais rappeler que la commission des finances doit se réunir maintenant...

M. le président. Je m'apprêtais à l'annoncer !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ...et que nous souhaitons pouvoir siéger demain matin.

M. le président. C'est une discussion que vous aurez ce soir avec le président de séance.

La suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2004 est renvoyée à la prochaine séance.

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ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2004, n° 1921 :

Rapport, n° 1976, de M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan ;

Avis, n° 1970, de M. Philippe Vitel, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot