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Deuxième séance du lundi 20 décembre 2004

106e séance de la session ordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

DROITS DES PERSONNES HANDICAPĖES

Suite de la discussion, en deuxième lecture,
d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (nos 1880, 1991).

Question préalable

M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État aux personnes handicapées, mes chers collègues, la loi d'orientation du 30 juin 1975 est considérée comme fondatrice en matière de solidarité nationale à l'égard des personnes en situation de handicap. Dans un esprit empreint d'humanisme, cette loi a créé des droits, des services, des prestations et des institutions concernant divers aspects de la vie de ces personnes.

Mais les diverses évaluations de cette loi d'orientation ont montré que l'effort de la collectivité restait orienté davantage vers la protection et l'assistance que vers l'intégration professionnelle et sociale. On a aussi remarqué que le dispositif administratif et financier était gravement déficient et ne répondait pas d'une manière adéquate aux intentions du législateur.

En cohérence avec les recommandations internationales, plusieurs grandes mesures devraient permettre de promouvoir l'intégration réelle des personnes en situation de handicap. Pourtant, il existe toujours, et aujourd'hui encore plus qu'hier, un décalage important entre les principes ambitieux affichés dans l'exposé des motifs du projet de loi et leur traduction concrète, article par article.

D'ailleurs, les associations, les personnes handicapées, les instances consultatives et les organismes de protection sociale continuent avec ténacité de nous faire part de leur grande déception devant le manque d'envergure du texte. Ils clament même au cours de leurs manifestations - cela a encore été le cas il y a quelques jours - le slogan saisissant d'une « loi en péril » après les trop nombreux retours en arrière imposés par la majorité UMP du Sénat.

La définition archaïque du handicap retenue dès le premier article, avec pour référence prééminente la « déficience », formule euphémique de l'infirmité, demeure inacceptable. Cette définition du handicap repose sur une conception médicale scientifiquement obsolète, et nous ne comprenons pas votre obstination sur ce point essentiel.

Vous vous affranchissez arbitrairement de la classification de l'Organisation mondiale de la santé, qui mentionne que le handicap est le résultat d'une interaction entre les déficiences physiques, sensorielles, mentales ou psychiques entraînant des incapacités plus ou moins importantes et un environnement inadapté ou inaccessible qui a pour conséquence le renforcement de ces déficiences. Le texte devrait absolument faire mention du concept de l'OMC et de cette interaction entre la déficience et l'environnement, afin de sortir de la logique de la catégorisation, de la logique de l'aide sociale dont les effets pervers sont la stigmatisation et la marginalisation. Seules cette conception et cette acceptation universelles permettraient d'éviter les effets de seuil liés à la prise en compte du taux d'invalidité, de l'âge ou des conditions de ressources.

Je suis désolé de le dire, madame la secrétaire d'État, le texte que vous nous proposez, et plus encore après son passage au Sénat, ne permettra pas de restaurer la dignité et d'assurer la participation des personnes en situation de handicap vivant dans la pauvreté, la dépendance, voire, pour un certain nombre d'entre elles, la réclusion.

Comment accepter en effet qu'une personne qui ne peut travailler du fait de son handicap vive avec une allocation de 578 euros par mois, soit seulement 45,7 % du SMIC, c'est-à-dire en dessous du seuil de pauvreté ? Je vous rappelle que l'AAH correspondait, il y a quinze ans, à 60,2 % du SMIC. Le complément de ressources que vous avez annoncé ne permettra même pas de rattraper la perte de pouvoir d'achat de l'AAH. Nous sommes donc loin d'un véritable revenu d'existence.

Si le respect de la dignité a, entre autres, pour corollaire le libre choix, en particulier dans la définition d'un projet individuel de vie, l'absence d'autonomie financière ne permettra jamais de réaliser ce projet et les plus pauvres et les plus démunis seront toujours plus marginalisés. Cela non plus n'est pas acceptable.

Nous défendons l'introduction dans le texte du principe du cinquième risque, comme nous l'avons défendue en matière de sécurité sociale pour les personnes âgées, afin que les entreprises participent au financement à travers leurs cotisations. Ce n'est pas ce que vous nous proposez puisque, ainsi que vous l'avez indiqué ce matin, l'effort reposera quasi exclusivement sur les seuls salariés.

Ce texte, madame la secrétaire d'État, ne permettra pas non plus d'assurer l'accessibilité aux lieux essentiels ni la participation à la vie sociale et économique. Or, ne l'oubliez pas, il y a discrimination lorsqu'une personne handicapée est traitée sans justification moins favorablement que quelqu'un d'autre pour un motif lié à son handicap. Un traitement moins favorable consiste à ne pas prendre les mesures auxquelles on aurait pu raisonnablement s'attendre pour surmonter les obstacles ou désavantages créés par le handicap considéré. C'est bien, hélas ! ce qui se produira si le texte reste en l'état.

Le droit à compensation doit être universel. Pour exercer la pleine citoyenneté qui lui est reconnue explicitement dans l'exposé des motifs, toute personne en situation de handicap doit pouvoir compenser les déficiences et les limitations de ses capacités.

Ce principe a de nombreux corollaires. Il implique en effet le droit à l'aménagement, afin de le rendre accessible, de l'environnement quotidien, domestique, scolaire, professionnel, urbain, etc. ; le droit d'aller et venir avec la possibilité d'utiliser les moyens de transport et de communication ordinaires ; le droit d'accéder aux aides techniques nécessaires en termes de mobilité, de manipulation ou de communication ; le droit enfin de disposer des aides humaines indispensables, mais aussi la prise en compte des besoins et charges des familles et des aidants.

Certes, dans quelques domaines particuliers, le projet impose une obligation plus stricte d'accessibilité pour les transports, les constructions neuves et les travaux dans les bâtiments et les établissements recevant du public déjà existants. Cependant, aucune date butoir n'est fixée, alors que le délai ne devrait pas excéder dix ans pour la mise en accessibilité de tous les lieux ouverts au public, qu'ils relèvent du secteur marchand ou non marchand, et des dérogations peuvent être accordées pour des motifs techniques, architecturaux, voire économiques. Dans ces conditions, nous craignons que cette prescription ne devienne qu'une simple faculté ou, pire, que ce texte donne une base légale à une non-mise en accessibilité.

Certes, la loi renforce la responsabilité de l'État et des collectivités territoriales en matière d'insertion professionnelle des travailleurs handicapés. Il s'agit là d'une véritable avancée. Toutefois, le texte n'est toujours pas conforme à la directive européenne relative à l'emploi et il n'est pas suffisamment coercitif. Ne pas prévoir un aménagement raisonnable du poste de travail en fonction des besoins concrets de la personne n'est toujours pas expressément considéré comme une discrimination indirecte. Pourtant, il s'agit bien d'une discrimination de fait.

L'éducation est un autre point fondamental. L'évolution de la réflexion de la commission le confirme, et cela a été précisé par le rapporteur ce matin, la double inscription scolaire, à la fois dans l'école du quartier et dans un établissement spécialisé, dévoie le droit à la scolarisation pour tous en milieu ordinaire, mais il est vrai que l'école est passablement étrillée par les restrictions budgétaires, ceci expliquant peut-être cela.

Je tiens également à évoquer, car il s'agit d'un exemple révélateur du manque d'ambition et de projection du Gouvernement et de ce texte dans le domaine qui nous occupe aujourd'hui, la situation particulièrement difficile dans laquelle vont se trouver dans les prochaines semaines les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux privés à but non lucratif. Pour préserver la qualité des soins et des services à la suite du passage aux 35 heures, ces établissements ont embauché dans la France entière 9 000 salariés dont la rémunération a été payée pour moitié par des allégements de charges de droit commun et pour moitié par un blocage des salaires des personnels. Malheureusement, en 2005, les allégements seront supprimés, ce qui devrait entraîner la disparition immédiate du financement de 4 500 postes. De plus, les personnels et les organisations syndicales demandent vigoureusement, et en toute légitimité, la remise à niveau de leurs salaires au motif que leurs collègues de la fonction publique hospitalière n'ont subi, eux, fort heureusement, aucune retenue salariale au moment du passage aux 35 heures. Plus de 4 000 emplois supplémentaires sont ainsi menacés. Sans les 218 millions d'euros nécessaires à la compensation de ces charges, la plupart de ces 9 000 emplois risquent donc de disparaître. Est-il opportun de délibérer sur un texte qui n'aborde pas du tout ou insuffisamment cet aspect alors que la pérennité de ces emplois et le fonctionnement même de ces établissements sont menacés ? Je me permets d'en douter.

Enfin, l'amendement présenté par le Gouvernement et adopté par le Sénat visant à faire réaliser des actes médicaux de manière habituelle par des non-professionnels n'est pas acceptable. Ces dispositions ne peuvent relever que du domaine réglementaire après concertation avec les professionnels et les acteurs de la santé. En effet, il n'appartient pas au législateur de cautionner des pratiques à risques, surtout quand elles concernent des personnes fragilisées.

Une définition du handicap conforme aux recommandations de l'OMS, un principe d'accessibilité généralisée, puis de compensation universelle, des modalités de mise en œuvre et de programmation des actions efficaces, et notamment la création d'un véritable revenu d'existence d'un montant minimum équivalant au SMIC, ainsi qu'une revalorisation significative du revenu des personnes en établissement, voilà les points forts qui auraient dû constituer les bases d'un projet cohérent.

Vous avez tous dit ce matin qu'il fallait exclure ce texte du champ du débat politicien et je partage cet avis. La loi Veil a été votée en 1975 à l'unanimité, parce que c'était une grande loi d'orientation. Le Président de la République ayant défini, le 14 juillet 2002, l'insertion des personnes en situation de handicap comme l'un des trois grands chantiers de son mandat - c'est d'ailleurs tout à son honneur et il aurait pu le faire aussi bien sous la précédente législature -, aux côtés de la sécurité routière et de la lutte contre le cancer, on aurait pu penser que le présent texte marquerait une deuxième étape et serait, lui aussi, une grande loi de progrès. Malheureusement au regard de tous les arguments invoqués, de tous les amendements proposés par le monde du handicap mais qui n'ont pas été pris en considération, ce texte n'est pas digne d'un grand chantier. Pis encore, son application sera renvoyée à nombre de décrets, alors même, je le rappelle, que de nombreux décrets d'application de la loi Veil de 1975 n'ont jamais été publiés, ce qui a rendu quelque peu inefficace cette grande loi d'orientation. Quant au budget prévu, il reste aléatoire et insuffisant.

Au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains, j'en appelle donc à la sagesse de notre assemblée pour voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Marie Geveaux, pour le groupe UMP.

M. Jean-Marie Geveaux. En écoutant M. Liberti, je me demandais si nous avions bien lu le même texte ! Dire qu'il est en décalage avec la réalité ...

M. François Liberti. Posez la question aux associations de handicapés et vous verrez ce qu'elles vous répondront !

M. Jean-Marie Geveaux. ...et qu'il manque d'envergure, c'est tout simplement se moquer du monde !

Je pense, quant à moi, que ce sera une grande loi. Pour avoir participé au débat en première lecture et avoir reçu, avec M. le rapporteur, des délégations et associations, je sais que les handicapés attendent aujourd'hui avec impatience que nous votions ce texte.

Vous avez évoqué l'inquiétude légitime manifestée ces dernières semaines par les associations après l'adoption de certaines dispositions par le Sénat. Nous allons les rassurer dans les heures qui viennent en recadrant les choses.

La définition du handicap est bonne, car elle englobe toutes les formes de handicap, le polyhandicap et l'autisme notamment. En tout cas, elle répond à l'attente du monde associatif.

Quant au droit à compensation, c'est l'un des éléments essentiels de ce projet de loi, monsieur Liberti. La compensation, qui peut être à la fois humaine, matérielle et financière, est en effet un problème fondamental, et je suis désolé que nous ne puissions trouver un accord sur ce point. Mme la secrétaire d'État a évoqué la création d'une compensation ressources qui représente une avancée considérable, de même que le reste-à-vivre des handicapés placés en établissement.

La retraite à taux plein à partir de cinquante-cinq ans est aussi un acquis très important, qui a été confirmé ce matin par Mme la secrétaire d'État. Enfin, les droits sociaux des handicapés en établissement, dans les CAT en particulier, sont notablement renforcés.

On ne peut donc pas dire que rien n'a été fait, que tout reste en suspens, que ce texte est flou !

Il est vrai que l'accessibilité a été largement écornée par le Sénat, mais nous avons adopté en commission des amendements qui rétablissent notamment la date butoir de dix ans pour l'accessibilité non seulement des lieux qui reçoivent du public, mais aussi des transports. Sur ce plan aussi nous avons rétabli les choses, monsieur Liberti. Votre propos n'est donc pas opportun.

Le milieu associatif attend beaucoup de ce texte et on peut le comprendre. On ne peut pas imaginer vraiment ce qu'est le handicap tant que l'on n'y est pas confronté soi-même. Nous avons tous rencontré des personnes connaissant ces difficultés et je sais pour en avoir parlé avec elles que les avancées réalisées par ce texte leur donnent entière satisfaction, contrairement à ce que vous avez pu dire. Elles attendent avec impatience que nous votions ce projet de loi, car il y a trop longtemps qu'elles réclament ces mesures.

M. Ghislain Bray. Très bien !

M. Jean-Marie Geveaux. C'est un grand chantier qui a été ouvert par le Président de la République, et le groupe UMP sera fier de voter ce beau texte en faveur des handicapés. Voilà pourquoi il ne votera pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon, pour le groupe socialiste.

Mme Hélène Mignon. Je n'irai certainement pas jusqu'à dire que rien n'a été fait dans ce texte - il contient des dispositions importantes -, mais l'on peut comprendre que M. Liberti parle de « flou » étant donné le nombre de décrets auquel il fait référence.

S'agissant de la définition du handicap, je rejoins tout à fait ses propos. Il est vrai que nous avons, vous et nous, rencontré de très nombreuses associations, mais je me demande parfois si ce sont bien les mêmes et si nous comprenons les mêmes choses ! C'est un problème auquel nous allons être confrontés tout au long de nos débats.

Le droit à compensation est en effet fondamental , mais nous nous posons des questions sur ce qu'il recouvre exactement. Nous ne pouvons qu'être favorables au reste à vivre, mais nous estimons que cette caisse pour laquelle on s'est glorifié de supprimer un jour férié aux salariés ne répond pas aux attentes. Nous aurons le loisir d'en discuter au moment de l'examen des articles. Mais le groupe socialiste votera la question préalable.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe communiste.

M. André Chassaigne. J'ai été choqué d'entendre le porte-parole du groupe UMP dire que François Liberti se moquait du monde. Utiliser une telle formule, c'est montrer que l'on s'en tient à une approche politicienne ! En soutenant sa question préalable, François Liberti n'a fait qu'exposer des interrogations que vous-mêmes avez d'ailleurs bien dû percevoir en rencontrant les associations. Il n'a fait que souligner les insuffisances de ce texte, tranquillement et honnêtement. Il faut donc éviter les raccourcis.

Ce n'est pas se moquer du monde que de dire qu'il y a un décalage entre ce texte et les attentes des associations ! Ce n'est pas se moquer du monde que de dire que nous envisageons autrement le rôle de l'environnement pour sortir de la logique de la catégorisation ! Ce n'est pas se moquer du monde que de dire que la question du revenu ne sera pas résolue par ce texte et qu'il faudra réaliser de réelles avancées pour que les handicapés aient une vie digne ! Et il en va de même pour le droit à compensation, la scolarisation, l'accessibilité.

L'objet de cette question préalable est de souligner les insuffisances du projet, de montrer qu'il ne correspond pas aux attentes. Telle est la raison pour laquelle le groupe des député-e-s communistes et républicains la votera.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux personnes handicapées. Mesdames, messieurs les députés, je vous ai écoutés avec beaucoup d'attention et je voudrais reprendre certains points.

S'agissant de la définition du handicap, il est clair que nous ne partageons pas la même analyse, monsieur Liberti, et je vais vous rappeler celle qui explique la position du Gouvernement et de la majorité. Il nous est apparu , après en avoir discuté avec les associations et avec les représentants de la société civile, qu'en l'état de la conscience de nos concitoyens, il était important non seulement de mentionner le rôle de l'environnement , mais aussi d'énumérer les différentes formes de handicap, en y ajoutant le handicap cognitif et le handicap psychique.

Le handicap cognitif renvoie bien sûr à l'autisme. Notre société est singulièrement en retard s'agissant de la compréhension de ce handicap tellement déroutant que, même éclairés par les récentes avancées de l'INSERM, nous sommes encore bien hésitants sur la façon de le prendre en charge. Lorsque l'on évoque l'arrivée dans une école maternelle ou primaire d'un enfant porteur d'un syndrome autistique, les parents s'interrogent. Nous avons encore peur, dans notre société, du handicap, ou en tout cas de certaines de ses formes. Les nommer dans la loi, c'est adopter une attitude offensive pour démystifier la question. Vous le voyez, ma réponse n'a rien de politicien ; j'entre dans la logique que vous me proposez d'adopter !

Quant au handicap psychique, vous savez à quel point le sujet est grave. Je ne veux pas me servir de récents faits d'actualité, à propos desquels nous n'avons pas d'informations, pour souligner le dénuement de notre société face à ce type de handicap. Nous devons inventer des prises en charge spécifiques, car nous sommes pour l'instant complètement démunis pour traiter cette question. Je prétends qu'il est important de nommer ce handicap dans la loi pour faire évoluer notre culture collective .

Sur plusieurs autres points que vous avez évoqués, monsieur Liberti, je serais tentée de dire que vous n'avez pas tort. Lorsque vous soutenez que l'AAH, pour les personnes qui ne peuvent pas travailler, est un revenu insuffisant, je vous donne raison. C'est d'ailleurs pourquoi je crée une garantie de ressources pour les personnes handicapées. C'est ensuite que nous divergeons : vous militez pour une AAH au niveau du SMIC , alors que je préfère le principe de la compensation. En effet, nous ne devons pas renvoyer nos concitoyens handicapés aux revenus de l'exclusion et aux minima sociaux. Il nous faut assumer le fait que leur incapacité à travailler provient du handicap , et non pas de je ne sais quelle circonstance sociale qui peut être prise en compte ailleurs et pour d'autres publics. Cela étant, nous sommes bien d'accord : 587,74 euros quand on n'a que ça pour vivre, ce n'est pas suffisant !

Pour l'accessibilité non plus, vous n'avez pas tort. Lorsqu'on observe la difficulté que peut avoir quelqu'un d'ordinaire à se mouvoir dès qu'il est un peu encombré ou un peu empêché, on imagine ce que cela peut être en cas de handicap ! C'est bien pourquoi le Gouvernement, soutenu par la commission, souhaite réintroduire le délai de dix ans, ce qui devrait vous satisfaire.

Je suis heureuse qu'à l'occasion de ce débat, nous prenions le temps d'un échange, sans adopter, comme vous le souhaitez vous-même, une approche politicienne, car je sais que les associations qui suivent ce débat ne nous le pardonneraient pas. Ce qu'elles attendent, en effet, c'est l'amélioration de la situation des personnes handicapées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

M. le président. Nous abordons la discussion générale.

Le premier orateur inscrit est M. Claude Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, j'aborde ce débat en seconde lecture avec confiance, mais aussi avec, en tête, beaucoup d'interrogations.

Je suis confiant parce que les travaux de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ont montré un large consensus pour tenter d'améliorer ce projet de loi. À cet égard, je tiens à remercier tout particulièrement son rapporteur, Jean-François Chossy, qui a su mettre son expérience et son savoir-faire au service de tous.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Il a en effet accompli un excellent travail !

M. Claude Leteurtre. Je remercie également le président de la commission, l'honorable professeur Dubernard, qui a été le garant de la qualité de nos travaux.

Cependant, de nombreuses interrogations subsistent, bien des demandes n'ont pas été satisfaites, beaucoup de points restent en suspens.

J'avais, lors de la première lecture à l'Assemblée, regretté que le texte présenté par le Gouvernement ne soit ni une loi d'orientation ni une loi de programmation. Je le regrette d'autant plus aujourd'hui que cela a permis au Sénat d'effectuer un véritable détricotage d'une partie des avancées acquises par notre assemblée. Le projet que nous allons examiner est devenu, madame la secrétaire d'État, une espèce de catalogue où s'empilent des mesures sans véritable cohérence. Chacun y trouvera peut-être satisfaction à ses revendications particulières. Mais tous seront également déçus par son manque évident d'ambition.

Une loi d'orientation, à l'image de celle de 1975, aurait permis d'affirmer les grands principes que la République entend appliquer à l'exercice des droits des personnes en situation de handicap, qui demandent fort justement à être reconnues comme des citoyens à part entière. À partir de là, d'autres textes auraient pu venir traduire concrètement l'exercice de ces droits.

Une loi de programmation aurait autorisé la sanctuarisation des financements de cette politique et montré quels moyens nous sommes concrètement prêts à mettre en face des principes affichés. Il est trop facile de les affirmer sans préciser leur financement. D'autant que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie est maintenant en place, même si de nombreuses questions se posent encore sur ses attributions et ses modalités de fonctionnement. Enfin, les départements sont en droit d'attendre de l'État qu'il leur donne l'exacte mesure des conséquences financières des responsabilités qui leur sont transférées à ce titre, mais nous y reviendrons.

Nous devons aux personnes en situation de handicap et à leurs familles de construire un texte cohérent. Or, en l'état, la multiplication des exceptions aux bonnes intentions affichées rend celles-ci caduques. Prenons l'exemple de la prestation de compensation. À plusieurs reprises, le Gouvernement a affirmé qu'elle serait intégrale et universelle. Elle n'est malheureusement ni l'une ni l'autre.

Elle n'est pas intégrale puisque, pour leur remboursement, les aides techniques nécessitées par les situations de handicap ne seront prises en charge que sur la base de la LPPR, la liste des produits et prestations remboursés, au tarif de la sécurité sociale. En clair, cela veut dire que seulement un tiers des aides demandées serait remboursé. Est-ce pour cela que le Sénat a introduit dans le texte un fonds départemental auprès des futures maisons du handicap ? Que ce soit ou non le cas ne change rien au problème : il n'est pas acceptable d'introduire des prestations extralégales dans une prestation de compensation qui se veut intégrale. Cela revient à ouvrir la porte à un glissement des prestations sociales vers l'aide sociale, ce qui est - nous en conviendrons tous - l'exact contraire de la volonté affichée par le Gouvernement.

D'autre part, les barrières d'âge, de vingt et soixante ans, n'ont toujours pas été levées. Le Gouvernement nous explique qu'il a besoin de temps pour régler ce problème et qu'il réunit des groupes d'étude technique à cette fin. Ce sont assurément de bonnes excuses, mais sûrement pas des explications convaincantes. Franchement, les personnes en situation de handicap, et en particulier les plus vulnérables d'entre elles que sont les enfants, peuvent-elles encore attendre ? Ce n'est pas parce que le dévouement de leurs parents, en particulier de leurs mères, est exemplaire qu'il faudrait remettre à demain ce que, à l'évidence, on peut faire aujourd'hui. C'est affaire de volonté politique et nous en faisons une question de principe.

On pourrait à l'envi multiplier les exemples comme celui-là : de bonnes intentions affichées sont grevées par de multiples dérogations. C'est le cas notamment en ce qui concerne l'accessibilité et la scolarisation. Dans ces deux domaines, le texte qui nous revient du Sénat n'est pas acceptable en l'état. Il comporte beaucoup trop de dérogations aux règles que nous avions adoptées en première lecture, qui ne constituaient pourtant que le minimum. Il est impératif, à tout le moins, d'y revenir, si nous voulons que ces deux principes soient enfin une réalité.

L'article 1er ter A, introduit par le Sénat, mérite toute notre attention. Il vise à faire afficher sur les unités de conditionnement des boissons alcooliques un message à caractère sanitaire préconisant l'absence de consommation alcoolique par les femmes enceintes. Cette demande, même si elle est à l'évidence empreinte de bonne volonté, est peut-être hypocrite ; elle est surtout stigmatisante.

Elle peut paraître hypocrite parce qu'elle a été introduite quelques jours après que notre assemblée fut venue écorner la loi Évin. Les ravages causés par l'alcool ne se limitent malheureusement pas au SAF, le syndrome d'alcoolisation fœtal. Y a-t-il moins de risque à boire avant de prendre le volant ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Que voulez-vous dire ?

M. Claude Leteurtre. De deux choses l'une : ou l'alcool est dangereux pour la santé et alors il faut l'afficher pour tous les cas, ou bien il ne l'est que pour les femmes enceintes, comme le laisse supposer le texte du Sénat. Nous connaissons tous la réponse.

Il s'agit, en tout cas, d'une disposition stigmatisante parce qu'elle montre du doigt une catégorie particulière de personnes en situation de handicap. A-t-on réfléchi au regard que l'on va faire porter sur les mères d'enfants atteints à la naissance de malformations et de troubles neurologiques ? Faut-il vraiment que les mamans d'enfants handicapés mentaux se voient montrer du doigt et que, dans leur dos, elles entendent dire que leur enfant est ainsi parce qu'elles auraient abusé de l'alcool durant leur grossesse ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. On ne peut pas parler ainsi. C'est trop grave !

M. Jean-François Chossy, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Ce n'est pas le problème !

M. Claude Leteurtre. Toutes les malformations neurologiques du nouveau-né ne sont pas assimilables au SAF.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Précisément ! Personne ne dit le contraire !

M. Claude Leteurtre. Certes, l'alcoolisation chez la femme enceinte est d'une extrême dangerosité pour le développement neurologique du fœtus. La neurotoxicité de l'alcool ne fait aucun doute.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Je suis heureuse de vous l'entendre dire !

M. Claude Leteurtre. Cependant, prenons garde aux assimilations toujours faciles qu'autorise cet article : tous les handicapés mentaux ne sont pas des enfants de mère alcoolique !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Bien entendu ! Personne n'a jamais envisagé les choses sous cet angle !

M. Claude Leteurtre. Nous y reviendrons lors de la discussion de cet article.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Oui ! Il le faut !

M. Claude Leteurtre. Ce qui est malheureux, c'est que cette disposition aurait pu trouver place dans le texte que nous avons adopté sur la santé publique, mais sûrement pas dans une loi relative à l'exercice de la citoyenneté des personnes en situation de handicap.

Je ne parle pas sous l'amicale pression d'un quelconque lobby viticole, même si je suis un élu du département du Calvados. J'ai suffisamment protesté contre l'absence d'un véritable volet de lutte contre l'alcoolisme dans la loi sur la santé publique. J'avais d'ailleurs, avec mes collègues de l'UDF, déposé plusieurs amendements, refusés par le Gouvernement, réclamant la mise en place d'un Institut national de prévention de l'alcoolisme. Il ne faut tout de même pas oublier qu'on estime à 5 millions le nombre de personnes que l'usage abusif d'alcool expose à des difficultés d'ordre médical, psychologique et social, et que 2 à 3 millions de nos concitoyens sont sous la dépendance de l'alcool !

Arrêtons-nous à présent aux modalités concrètes d'application de ce texte, et tout d'abord aux responsabilités qu'il confie aux départements dans le cadre des politiques du handicap. Au prétexte d'un nécessaire alignement des dispositions prises dans ce domaine sur tout le territoire, on fait des conseils généraux de simples services déconcentrés de l'État. Leur marge de manœuvre est réduite à zéro. Plus grave, la façon de distribuer les financements par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie risque de provoquer des reculs dans les départements actuellement en pointe dans le domaine du handicap. À l'évidence, ce n'est pas du tout le sens du rapport Briet-Jamet qui préconise une véritable décentralisation des politiques liées à la dépendance, quelle qu'en soit l'origine, ce qui était, à mes yeux, la bonne voie.

Puisque nous parlons de financement, permettez-moi de m'interroger à nouveau sur l'incapacité du Gouvernement de nous donner les chiffres précis du coût des politiques du handicap. En 2001, le Sénat a estimé entre 35 et 40 milliards d'euros le budget social du handicap au sens large. Les prestations sociales, toutes catégories de financeurs confondues, s'élevaient à 25,6 milliards d'euros. En quinze ans, l'effort consenti par la nation en faveur des personnes en situation de handicap est passé de 2,7 % du PIB à 1,7 %, ce qui représente un manque à gagner de 6 milliards d'euros.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. En effet.

M. Claude Leteurtre. Serait-il déraisonnable de se fixer pour objectif de combler ce décrochage ou, à tout le moins, de l'enrayer ?

Nous ne savons pas quelle sera l'incidence financière des nouvelles dispositions introduites par le projet de loi ni qui les paiera. On ne me fera pas croire, malheureusement, que les 800 millions supplémentaires prélevés sur les recettes de la journée de solidarité suffiront à les financer. Si on les compare au décrochage de 6 milliards dont je parlais tout à l'heure, le compte n'y est manifestement pas. Or il serait inacceptable que les dispositions que nous allons adopter ne soient pas plus avantageuses pour les personnes en situation de handicap que celles dont elles bénéficient aujourd'hui.

Je souhaiterais donc de véritables réponses sur ce point. Et que l'on cesse de prétendre que les recettes sont prévues, alors que l'on ne sait même pas nous dire le volume des dépenses ! J'avais demandé un « jaune » budgétaire sur le sujet. L'engagement en avait été pris mais, malheureusement, il n'a pas été tenu.

Permettez-moi également un mot sur la méthode retenue pour cette seconde lecture. Elle est manifestement précipitée alors que beaucoup trop de questions font encore débat. Quel impératif nous amène à engager cette discussion à la veille des vacances de Noël ?

Mme Claude Greff. Pourquoi aurait-il fallu attendre janvier ?

M. Claude Leteurtre. De toute façon, ce texte ne sera pas voté avant la deuxième quinzaine de janvier. Je comprends bien qu'il faille que le dispositif se mette rapidement en route, maintenant que la CNSA est en place. Mais trois semaines de réflexion supplémentaires n'eussent pas été de trop. Je le dis d'autant plus volontiers que les travaux de notre commission ont bien montré qu'il était possible d'aller vers un consensus. Je crois que nous devons cette unanimité aux personnes en situation de handicap.

Enfin, alors que le Gouvernement sait très bien que nombre d'entre nous souhaitent que l'on fixe le revenu minimum d'existence des personnes en situation de handicap au niveau du SMIC, vous venez d'annoncer qu'il n'en représenterait pas plus de 80 %. Sincèrement, madame la secrétaire d'État, est-ce une bonne façon de traiter la représentation parlementaire que de faire cette annonce avant le début de notre discussion en séance publique ? Cela veut-il dire que le Gouvernement refuse toute discussion sur le sujet ?

Tels sont les sentiments qui m'animent au début de cette deuxième lecture. J'espère être dans de meilleures dispositions et sûrement moins critique lorsque s'achèvera notre discussion. Mais le groupe UDF portera la plus grande attention au sort qui sera réservé à ses amendements, en particulier sur les dossiers que je viens d'évoquer.

Derrière les articles de ce projet de loi, il y a des milliers d'enfants et d'adultes, ainsi que des familles entières, en souffrance dans leur chair et leur esprit. Nul ne demande que les personnes en situation de handicap soient des citoyens plus égaux que les autres. Elles veulent simplement avoir la possibilité d'exercer les mêmes droits. C'est de leur dignité qu'il s'agit. Un de mes amis handicapés me disait un jour qu'il suffirait d'un seul article de loi pour lui rendre sa dignité : « Les personnes handicapées sont des citoyens au même titre que tous les membres de la communauté nationale. » Ne le décevons pas.

Pendant quarante ans, j'ai travaillé dans le domaine de la santé et j'ai rencontré beaucoup de handicapés, puis je me suis préoccupé de social et, depuis deux ans, je suis parlementaire. C'est pourquoi je vous convie à cultiver les graines d'espoir qu'a semées le Président de la République, afin d'offrir aux handicapés une moisson fructueuse, et je vous souhaite, madame, d'attacher votre nom à une belle loi.

Mme Claude Greff et M. Jean-Marie Geveaux. Belle conclusion !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons en deuxième lecture un texte qui avait suscité de grands espoirs chez les personnes handicapées et leurs proches ainsi que chez tous ceux qui sont soucieux de lutter contre l'exclusion. En effet, trente ans après la loi fondatrice de 1975, il était temps d'améliorer le statut et les conditions de vie des personnes en situation de handicap, et de développer les dispositifs ponctuels qui ont vu le jour entre-temps. L'espoir suscité par ce texte s'est révélé d'autant plus vif que le contexte politique était apparemment porteur. Le Président de la République n'avait-il pas annoncé la lutte contre le handicap comme l'un des trois grands chantiers de son mandat ? Et l'Union Européenne proclamé 2004 « année européenne du handicap » ?

Si les députés communistes et républicains n'ont pas manqué de saluer l'initiative d'une nouvelle loi, la première lecture a provoqué chez eux une réelle déception, car le texte ne répondait pas aux attentes qu'il avait suscitées. Les associations ont d'ailleurs unanimement exprimé leur mécontentement et c'est grâce aux actions qu'elles ont menées, notamment dans la rue, et aux interventions que nous avons faites avec d'autres dans l'hémicycle, que plusieurs points négatifs ont été supprimés et quelques dispositions positives intégrées.

Cependant, après les nombreux reculs enregistrés lors de la seconde lecture au Sénat, c'est de nouveau la déception qui prime. L'altération du droit à la compensation, la suspension du délai fixé pour rendre les lieux publics accessibles et la mise en cause de la scolarisation en milieu ordinaire, ont suscité une protestation légitime des personnes handicapées. Leurs associations n'ont d'ailleurs pas manqué de faire part de leur colère. Le voile de sagesse dont prétend se parer le Sénat ne cacherait-il pas une philosophie profondément réactionnaire, qui ne peut envisager le soutien aux handicapés que par la charité et qui empêche les individus de vivre de façon autonome et digne ?

Madame la secrétaire d'État, en répondant à une question au Gouvernement que mon collègue Daniel Paul a posée le 8 décembre, vous avez pris des engagements pour améliorer les ressources des handicapés et leur accès à l'éducation. Nous veillerons dans ce débat à ce qu'ils soient respectés.

Vous avez confirmé ce matin votre volonté de faire progresser qualitativement le texte en prenant partiellement en compte les revendications souvent unanimes des associations, outrées du décalage entre les attentes et la réalité du texte qui nous est soumis aujourd'hui.

Il en est ainsi de la réintroduction dans la loi des délais au terme desquels le dispositif d'accessibilité devra être mis en œuvre. Mais, finalement, quelle échéance fixera la loi ? S'agira-t-il d'une simple évaluation ou d'un dispositif à caractère coercitif ? Vous ne parlez en effet que de mesurer son efficacité.

Nous avons aussi entendu que sera désormais confiée à l'éducation nationale, et sans condition, la responsabilité et le suivi de la scolarisation des jeunes handicapés. Mais de quels moyens disposeront les établissements scolaires, alors que les prévisions pour la rentrée 2005 font d'ores et déjà apparaître des milliers de suppressions de postes en école, collège et lycée ? Dans la seule académie de Clermont-Ferrand, que je connais bien, 135 suppressions de postes sont annoncées.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Pas pour l'encadrement des enfants handicapés, au contraire, monsieur Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je vous remercie de cette information, madame la secrétaire d'État, mais je vous répondrai ultérieurement, car je crains de dépasser mon temps de parole, et vous savez que le président est très sévère...

M. le président. Ne criez pas avant d'avoir mal, monsieur Chassaigne ! (Sourires.)

M. André Chassaigne. Au-delà même de ces promesses d'amélioration, de graves insuffisances persistent, que je rappelle après François Liberti.

La question des ressources des personnes handicapées reste au cœur de nos préoccupations. Selon l'enquête nationale de l'Association des Paralysés de France réalisée en juillet 2004, 60 % des personnes handicapées disposent de moins de 1 000 euros par mois et 55 % d'entre elles n'ont pas d'autres ressources que l'allocation adulte handicapé. Votre proposition remédiera partiellement à ces situations de précarité mais, vous l'avez vous-même reconnu, elle reste en deçà des revendications des associations.

En effet, on est encore loin d'une compensation intégrale du handicap, qui permettrait des conditions de vie dignes pour tous. Selon nous, la compensation doit permettre d'assurer l'aide tant humaine que technique dont les personnes handicapées ont besoin. Ainsi, pour une personne handicapée mentale, la « prothèse », j'ose cette image, c'est l'indispensable accompagnement humain dans tous les actes de la vie. Hier, un responsable de l'Association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés du Puy-de-Dôme me disait qu'il ne s'agissait pas seulement de « mécanique ».

Nous défendons aussi une compensation financière inaliénable, incessible, et indépendante de la situation financière, personnelle ou familiale, de la personne. Bref, nous considérons que la compensation est un droit universel pour toutes les personnes handicapées.

Or, en l'état, votre texte ne répond pas aux besoins. Il reste même en deçà de la loi de modernisation sociale de janvier 2002 qui conférait à la personne handicapée « le droit à la compensation des conséquences de son handicap, quels que soient l'origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie, et la garantie d'un minimum de ressources lui permettant de couvrir la totalité des besoins essentiels de la vie courante ».

En ce qui concerne la revalorisation de l'AAH, votre décision de créer une garantie de ressources pour les personnes handicapées dans l'incapacité durable de travailler, intégralement cumulable avec l'AAH, et qui atteindrait 80 % du SMIC, reste en deçà des attentes exprimées par les associations. Cette décision, arrachée de haute lutte par les personnes handicapées et leurs associations, n'entend que partiellement la détresse des personnes concernées et leur exigence de dignité. La revendication de porter l'AAH au niveau du SMIC demeure donc entière.

L'insuffisante revalorisation de l'AAH comme de la prestation d'autonomie sera lourde de conséquences sur la participation des personnes handicapées à la vie sociale. L'enquête de l'Association des paralysés de France souligne pourtant combien la vie sociale d'une grande partie d'entre elles est déjà réduite.

Dans ce contexte, une question me brûle la langue, mais je la pose sans esprit de polémique : quand les grandes déclarations généreuses sur la participation et l'égalité des chances cesseront-elles de se limiter à des demi-mesures qui ne répondent pas à la gravité de la situation d'un grand nombre de personnes handicapées dans notre pays ? Vous nous avez dit vous-même ce matin, madame la secrétaire d'État, que « ce projet est un texte de compromis ». Mais, contrairement à ce que vous avez affirmé, il ne réunit pas de consensus après son passage en commission.

Déception supplémentaire pour nous : vous ne remplissez pas vos objectifs en termes de citoyenneté et de participation à la vie sociale, économique et culturelle.

Les députés avaient obtenu en première lecture d'introduire dans la loi l'obligation pour les collectivités territoriales d'équiper, dans un délai de dix ans, les lieux publics et les transports des moyens techniques pour rendre ceux-ci accessibles aux personnes handicapées. Cette disposition avait été supprimée par un amendement du Sénat sur lequel vous êtes revenue.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. C'est vrai.

M. André Chassaigne. Certes, l'amendement de la commission des affaires sociales de l'Assemblée devrait rétablir le délai, mais nous voulons des précisions, en particulier sur la nature coercitive du dispositif qui sera adopté.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Je vais vous les donner.

M. Jean-Marie Geveaux. C'est l'esprit de la loi !

M. André Chassaigne. On ne peut se contenter d'une simple évaluation ou d'un simple contrôle.

Nous restons en revanche sur notre faim en ce qui concerne les questions d'habitat. Pourquoi, en effet, ne pas aller au-delà de ce que vous proposez, et profiter des plans de réhabilitation des logements sociaux pour rendre progressivement tous les logements adaptables à des personnes handicapées ? L'accessibilité est une condition essentielle pour éviter que le maintien des handicapés à domicile ne reste synonyme d'un « enfermement à domicile ». Votre absence de décision forte dans ce domaine est d'autant plus problématique que le nombre de personnes handicapées ira croissant dans les années à venir et que, d'après les témoignages que j'ai recueillis sur le terrain, les textes actuels donnent lieu à une application bien élastique. Au-delà de la loi, il serait donc indispensable de prendre des mesures réglementaires pour que les logements d'ores et déjà adaptés soient effectivement attribués aux personnes pour lesquels ils ont été conçus. Ce n'est pas toujours le cas. Là encore, votre projet, s'il parle beaucoup de participation et de citoyenneté, ne donne guère aux personnes concernées les moyens réels de les exercer.

De telles insuffisances nous semblent révéler deux erreurs majeures de conception, sur lesquelles les associations n'ont pourtant pas manqué d'attirer votre attention.

Comme nous l'avions déjà souligné lors de l'examen en première lecture, votre projet de loi repose sur une conception étriquée, car individuelle, du handicap. Elle ignore le lien entre la déficience et l'environnement - je reconnais que vous en avez parlé dans votre réponse à François Liberti -, au mépris des concepts européens et internationaux. Permettez-moi, au passage, de déplorer votre refus de respecter la recommandation du comité des ministres du Conseil de l'Europe de 1992. C'est pour le moins paradoxal de la part d'un Gouvernement qui déplore souvent les retards de transposition des directives de l'Union européenne, lorsqu'il s'agit d'autres politiques sectorielles. L'Europe ne serait-elle donc une référence valable que lorsqu'elle s'intéresse au marché ? Quoi qu'il en soit, une définition dynamique du handicap permettrait de mieux prendre en compte les interactions entre les facteurs personnels et les réalités environnementales. Elle donnerait le souffle qui manque à votre texte et aiderait les personnes handicapées dans leur revendication d'autonomie et de dignité.

La définition du handicap n'est toutefois pas le seul talon d'Achille de votre texte. Comment ne pas voir le cruel manque de moyens ? Une fois de plus, toute dépense publique est considérée avec suspicion. L'idéologie de la baisse de la dépense publique vous conduit à transformer vos déclarations généreuses en mesures au rabais. Les chômeurs, les assurés de la sécurité sociale en ont déjà fait les frais. Est-ce maintenant au tour des handicapés, c'est-à-dire pas moins de 6 millions de personnes en France ?

Les bons sentiments ne suffisent pas pour leur permettre de devenir des citoyens dignes et responsables. Faire entrer de plein droit ces personnes dans tous les aspects de la vie économique, sociale et culturelle suppose des moyens financiers à la hauteur de telles ambitions.

Comme vous l'aurez compris, nous sommes déçus et insatisfaits. Promouvoir l'autonomie et la dignité pour toutes les personnes handicapées, œuvrer pour une société plus solidaire, suppose un texte législatif autrement plus ambitieux, soucieux de considérer dans tous les domaines de la vie les conditions d'une pleine insertion.

Nous persistons aussi à défendre l'entière prise en charge des personnes handicapées par la sécurité sociale. Celle-ci a selon nous vocation à prendre en charge tous les aléas de la vie des individus, de la naissance à la mort. Nous comprenons toutefois la position des associations qui n'ont pas bataillé contre la CNSA, dans le souci essentiel de trouver des réponses aux besoins des handicapés. En tout état de cause, nous réclamons que l'intégralité des moyens de la CNSA soit affectée aux besoins des personnes handicapées et des personnes âgées. La Caisse nationale ne saurait financer de façon pérenne les maisons départementales, sauf à duper les salariés qui financent ce dispositif.

Dans le domaine de l'emploi, nous revendiquons des avancées plus fortes en faveur de l'insertion professionnelle des personnes handicapées. Une transposition complète de la directive européenne de novembre 2000 sur l'emploi permettrait notamment d'inscrire l'obligation d'aménagement raisonnable du poste de travail dans le code du travail. De même, en matière d'embauche, une politique plus incitative à l'égard des entreprises et des administrations devrait être mise en œuvre. Les parlementaires sont fréquemment interpellés par des personnes handicapées qui ne trouvent pas de travail - ni dans le secteur privé, ni dans le secteur public - parce que notre pays n'est pas assez volontariste en la matière. Nous ne pouvons rester indifférents à cet état de fait. Nous devons donc nous montrer beaucoup plus fermes en matière d'embauche des travailleurs handicapés.

Nous aimerions pouvoir voter ce texte, mais son état actuel ne nous permet pas de nous y associer. Nous restons aux côtés des personnes handicapées et de leurs associations pour dénoncer ses lacunes. Comme je l'ai dit au début de mon propos, votre texte est plombé par une logique d'assistance, en décalage avec les aspirations à une véritable justice sociale exprimées par les personnes en situation de handicap ; votre texte ne parvient pas à se dégager des lourdes réalités de votre politique économique et sociale et, il faut bien le dire, du libéralisme qui la caractérise.

Notre logique est autre. Nous refusons une société à deux vitesses, où les personnes en difficulté sociale, en difficulté physique, en difficulté d'adaptation, n'ont d'autre choix que celui de l'isolement et de l'exclusion. L'égalité des chances ne se décrète pas, elle se construit. C'est une question de volontarisme politique, de dispositions juridiques, mais aussi de moyens financiers pour les accompagner. Elle pose comme principe l'égalité de toutes les personnes à se déterminer librement, et à exercer l'ensemble de leurs droits.

Nous souhaitons que le débat qui s'ouvre permette d'avancer dans ce sens et, pour notre part, nous restons à l'écoute des revendications des personnes en situation de handicap et de leurs associations.

M. François Liberti et M. Patrick Roy. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, comment ne pas évoquer le calendrier relatif à l'examen de cette loi ? Après l'examen précipité du texte avant l'été, quelques jours à peine après votre nomination au Gouvernement, madame la secrétaire d'État, voilà qu'il revient en deuxième lecture lors de la semaine de Noël, clôturant le travail parlementaire avant les fêtes de fin d'année. Ce texte, me dira-t-on, est attendu avec impatience par les personnes concernées, mais ce qu'elles attendent avant tout, c'est que leurs besoins soient pris en considération et qu'une réponse concrète puisse y être apportée.

De votre intervention de ce matin, j'ai, entre autres, retenu votre volonté de revenir sur des amendements choquants adoptés au Sénat. Mais pourquoi avoir accepté - voire suscité, comme le pensent certains - ces amendements ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. C'est totalement faux ! Je ne les ai pas acceptés, encore moins suscités !

Mme Hélène Mignon. C'est pourtant ce que j'ai cru lire dans le compte rendu des débats au Sénat. Si je me suis trompée, je vous prie de m'en excuser.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Volontiers.

Mme Hélène Mignon. Les avis favorables ou de sagesse émis par le Gouvernement me paraissent tout de même difficilement explicables. Alors que vous évoquez la concertation avec les associations, vous pouviez anticiper le tollé général - parfois au-delà du monde du handicap - qu'allaient provoquer certains de ces amendements, comme celui sur l'école.

Vous nous avez aussi annoncé une amélioration des conditions de vie des personnes en situation de handicap. Nous vous demanderons des éclaircissements lors de l'examen des amendements, puisque nous n'avons pas eu la possibilité de les examiner en commission.

Contre l'avis de beaucoup, vous vous obstinez - mais vous vous êtes expliquée tout à l'heure sur ce point - à donner une définition du handicap qui ne permettra pas de conduire avec efficacité les politiques publiques nécessaires à la mise en accessibilité de notre société. Pour nous, les situations de handicap sont le résultat de l'interaction entre les facteurs individuels et contextuels de la personne et les facteurs environnementaux, qu'ils soient de nature culturelle, sociale ou architecturale.

À ce sujet, madame la secrétaire d'État, je me demande pourquoi nous n'abordons pas aujourd'hui le problème de la culture. Nous avons pourtant abordé la formation professionnelle des personnes handicapées dans d'autres textes de loi. Pourquoi ne pas avoir tout réuni dans ce projet de loi ?

Cette définition est pourtant nécessaire puisqu'au-delà des réponses qu'il convient d'apporter à la personne - tel le droit à compensation - il importe que les pouvoirs publics engagent une véritable politique volontariste de mise en accessibilité de la société. Cette politique doit viser à supprimer ou à défaut réduire les obstacles environnementaux. C'est cette accessibilité de la société dans son ensemble qui permettra l'accès à la citoyenneté de tous, y compris des personnes handicapées.

Comme vous l'aurez remarqué, je parle de « personnes handicapées ». En effet, mon propos n'est pas d'engager une querelle sémantique, ni de trouver une expression politiquement correcte, comme « personnes en situation de handicap » pour l'inscrire dans le marbre de la loi. Il s'agit d'apprécier les situations de handicap et de lutter contre elles.

M. Jean Le Garrec. Très bien !

Mme Hélène Mignon. Vous avez fait le choix d'une loi sur les personnes. Je le regrette. Nous aurions fait le choix d'une loi contre les situations de handicap, sans toutefois ignorer les personnes handicapées dans leur diversité douloureuse. Et contrairement à ce que vous me répondiez en première lecture, une loi contre les situations de handicap ne conduirait pas à exclure la compensation. Au contraire, elle lui donnerait tout son sens.

Que vous dénonciez les différents types de handicap me semble tout à fait logique. Nous devons nous responsabiliser et, par la pédagogie, convaincre nos concitoyens. Pour autant, la définition que vous proposez est-elle de nature à satisfaire tout le monde ? Je ne le crois pas. Au-delà de ce texte, c'est une véritable transformation sociale qui serait nécessaire pour que les personnes handicapées soient vraiment intégrées dans notre société.

Vous avez parlé ce matin de concepts nouveaux, de politiques nouvelles, de « changer les mots pour changer les regards ». Dans ces conditions, quels sont les freins qui vous obligent à préférer le statu quo alors que votre définition est en contradiction avec les recommandations de l'OMS et de l'ONU ? En contradiction également avec celles du comité des ministres européens, avec la loi de santé publique d'août dernier et, enfin, avec l'exposé des motifs de votre projet de loi ?

Certes, vous avez introduit le mot « environnement » dans la définition. Mais ce n'est que le constat que la personne vit dans un environnement défavorable ; vous n'acceptez toujours pas que le handicap résulte de l'interaction entre la déficience de la personne et les facteurs environnementaux.

Le cadre restrictif que vous imposez à cette loi contribue, comme la loi de 1975, à faire des personnes handicapées une catégorie à part de la société, bien que ce ne soit pas votre but. C'est dommage. Cette loi sera une occasion manquée de répondre aux besoins essentiels des personnes concernées, et ne changera pas de manière radicale l'approche des situations de handicap par la société.

Le texte initial n'était pas particulièrement ambitieux et il faut reconnaître qu'au-delà de cette erreur fondamentale d'appréciation sur la définition, l'Assemblée a contribué, lors de la première lecture en juin, à en améliorer le contenu sur quelques points précis. Cependant, si nous étions tous d'accord sur la nécessité de dépasser le texte initial - vous avez annoncé du reste annoncé d'autres avancées ce matin - nous ne plaçons apparemment pas le curseur au même endroit. Dans les jours qui viennent, nous aurons donc une double mission. D'une part, revenir sur ces reculs intolérables ; d'autre part, aller plus loin - nous sommes, semble-t-il, d'accord sur ce point - mais jusqu'où ?

M. le président de la commission des affaires sociales a rappelé que nous étions en deuxième lecture, et s'est étonné, comme il l'avait déjà fait en commission, du grand nombre d'amendements déposés. Il connaît pourtant la réalité : les nombreuses demandes émanant des associations avec lesquelles vous avez eu des échanges, madame la secrétaire d'État, et qui ont sollicité les parlementaires de tous les rangs de l'Assemblée, sont bien la preuve que ce texte n'est pas satisfaisant. Je le redis, il s'agit d'une fausse deuxième lecture, tant les éléments nouveaux sont nombreux et tant le débat s'est rouvert sur de nouvelles questions. La deuxième lecture doit donc être l'occasion d'analyses et de débats approfondis sur tous les amendements, en particulier sur ceux dont nous n'avons pas eu connaissance la semaine dernière. Chacun est bien conscient que nous n'allons pas refaire une loi du même genre - ni même la remettre sur le métier - tous les ans. Il convient donc d'aller le plus loin possible dès maintenant, et en tout cas de répondre aux besoins qui nous ont été signalés par les associations, par les parents et par les personnes handicapées elles-mêmes.

Ainsi, la question de la représentativité des associations appelées à participer aux différents processus qui concernent les personnes en situation de handicap fait l'objet d'un débat. Après avoir retiré, lors de la première lecture, un amendement qui visait carrément à empêcher les associations dites gestionnaires de participer aux instances représentatives, le sénateur About est revenu à la charge en proposant une stricte parité entre les associations dites gestionnaires et les associations représentatives. Le Sénat l'a suivi. Il me semble qu'il est sans doute prématuré de répondre ainsi, sans s'informer davantage et sans se donner le temps de la réflexion, à cette question délicate.

C'est effectivement méconnaître la réalité de la vie associative française. Bon nombre d'associations, face à l'absence de réponse de l'État, ont choisi de prendre leurs responsabilités et de se donner les moyens des projets auxquels elles aspiraient pour les personnes handicapées qu'elles représentaient - souvent des enfants. Plusieurs dizaines d'années plus tard, on ne peut que les remercier et les féliciter d'avoir su le faire. Mais si ces associations sont devenues gestionnaires, cela ne signifie pas pour autant qu'elles ne sont plus représentatives du public qu'elles couvrent et de ses besoins.

Nous devons veiller à ce que cette représentativité soit la plus juste possible. Mais je ne pense pas que ce soit en instaurant une parité - qui ne correspond en aucun cas à la réalité - que nous répondrons à la question. Je ne crois d'ailleurs pas que ce soit votre volonté. Je ne pense pas non plus que l'organisation d'élections de personnes handicapées par des personnes handicapées - hors du cadre associatif - pour les représenter au sein des instances consultatives, à l'instar des organisations syndicales, répondra à la question.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Qui a eu cette idée ?

Mme Hélène Mignon. On nous l'a soumise, et je vous la transmets.

Cette idée est même dangereuse puisqu'elle revient à faire du handicap ou de la déficience la définition de la citoyenneté de la personne concernée et peut contribuer à l'émergence de nouvelles formes de communautarisme.

Reconnaissons qu'aujourd'hui une sorte de hiérarchie entre les différents handicaps s'est instaurée et que certaines familles de handicaps ont plus de mal que d'autres à faire entendre et connaître leurs besoins et à y trouver les réponses adéquates. Cette question mérite donc de ne pas être traitée dans l'urgence. L'enjeu de l'organisation de cette représentativité est considérable, puisqu'il s'agit de s'assurer d'une bonne connaissance de la situation réelle du handicap en France et d'une bonne connaissance des besoins pour y répondre de façon juste et équitable.

En matière d'accessibilité du cadre bâti, le Sénat a adopté des reculs incroyables et en contradiction avec les objectifs de cette loi - souvent, à ce qu'il paraît, avec l'avis favorable du Gouvernement, mais je me garderai d'insister sur ce point, madame la secrétaire d'État, afin de ne pas créer un contentieux inutile.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Ah !

Mme Hélène Mignon. Que ce soit sur la suppression des délais, sur les possibilités nouvelles de dérogation, sur la notion d'« effectif du public admis », s'est manifestée - sous couvert de pragmatisme et de réalisme - une profonde méconnaissance des situations de handicap rencontrées au quotidien par des millions de personnes. La volonté systématique de certains acteurs de chercher à se dédouaner de toute responsabilité en la matière traduit parfois une réelle indifférence, voire un mépris pour ces situations de handicap. Certes, le coût des investissements peut effrayer les élus locaux, dont le budget n'est pas extensible, mais c'est le rôle de chaque élu de faire des choix et d'établir des priorités.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Sans doute.

Mme Hélène Mignon. Cela dit, on comprend mieux l'entêtement de certains à ne pas vouloir définir dans la loi le handicap au regard de l'environnement.

En ce qui concerne la scolarisation, oublions l'amendement du Sénat, auquel vous avez vous-même signalé votre opposition, mais reconnaissons ensemble qu'il est choquant. D'une façon plus générale, la loi doit confirmer que l'enfant est scolarisé dans le cadre du droit commun, sous la responsabilité pleine et entière de l'éducation nationale, qui devra mettre en place tous les moyens nécessaires à l'adaptation et à l'accompagnement souvent nécessaires, en tenant compte de la spécificité de chaque handicap.

En ce qui concerne le financement, je redis ici notre hostilité au choix qui a été fait de supprimer un jour férié. Ce mode de financement inégalitaire, qui de plus pèsera sur les collectivités locales, aurait très bien pu faire l'objet d'autres solutions. On aurait également pu procéder à des simulations de dépenses et recettes pour le handicap avant de prendre cette décision.

Quant à la future Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, tout laisse à penser qu'elle deviendra vite une usine à gaz, tant ses contours sont mal définis et la répartition des responsabilités y est hasardeuse. Des concurrences entre le département et l'État risquent ainsi d'apparaître ici et là.

Par ailleurs, le choix du Gouvernement d'utiliser les fonds déjà récoltés par la suppression du jour férié à d'autres fins que le seul droit à compensation est, vous en conviendrez, assez surprenant. Même si vous nous annoncez que cela permettra de financer des places de CAT, qui assurera ensuite le fonctionnement de ces établissements, madame la secrétaire d'État ?

Ce chantier législatif est réellement vaste. M. Leteurtre a évoqué certains amendements qui relèvent plus de la santé publique que du cadre de cette loi. Je rejoins tout à fait ses analyses, qu'il s'agisse de l'alcoolisme ou des enfants prématurés.

Nous discuterons également des soins qui exigent l'intervention de professionnels à domicile et de ceux que l'on peut apprendre à faire soi-même comme les piqûres dans les cas de diabète. Il faudra avancer sur ce dossier sans choquer personne. Les infirmières, le corps médical ont droit au respect, mais la personne handicapée a aussi le droit être reconnue comme une personne à part entière.

M. Jean Le Garrec. Très bien !

Mme Hélène Mignon. Voilà, madame la secrétaire d'État, ce que je tenais à vous dire. Il est évident que ce texte ne nous satisfait pas en l'état. On nous a reproché de ne rien avoir fait avant, ce que je conteste. En tout état de cause, je souhaiterais qu'aujourd'hui nous allions le plus loin possible, sans quoi nous serons obligés de reprendre le chantier dans quelques années. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Ghislain Bray.

M. Ghislain Bray. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voici donc en deuxième lecture du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Permettez-moi tout d'abord de revenir aux propos assez singuliers que tenaient nos collègues de l'opposition lors du premier passage de ce texte au sein de notre hémicycle. Ainsi, et cette expression m'avait laissé interloqué, l'opposition avait taxé de « simple toilettage » cette révision de la loi de 1975, prétendant, sans aucun scrupule, que ce projet manquait d'ambition et de souffle, qu'il y avait un décalage entre les ambitions affichées et les moyens réellement dégagés.

On vous reprochait même, madame la secrétaire d'État, d'avoir manqué de courage pour répondre aux fortes attentes des personnes handicapées. Ce matin encore, on vous a reproché d'avoir piétiné je ne sais plus qui ou je ne sais plus quoi dans une intervention totalement hors de propos.

Toilettage, l'accès à la prestation de compensation ? Toilettage, l'amélioration de l'AAH ? Toilettage, la scolarisation en milieu ordinaire, l'insertion des travailleurs handicapés en milieu ordinaire et la mise en place du nouveau guichet unique figuré par la maison départementale des personnes handicapées ? N'y a-t-il là, vraiment, que des mesures de toilettage ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Bien sûr que non ! Ce sont des avancées !

M. Ghislain Bray. Suivant cette logique, faut-il croire également que notre groupe aurait déposé un nombre aussi important d'amendements en première lecture juste pour le plaisir de « dépoussiérer » un peu le texte de 1975 ? Ce débat mérite beaucoup mieux.

Vous l'aurez compris, je veux montrer que notre souhait était de revoir en profondeur la loi sur le handicap. Il était plus qu'urgent, en effet, d'améliorer la vie quotidienne des personnes handicapées et de rendre plus aisées leurs démarches au jour le jour afin qu'elles aient pleinement conscience de vivre comme tout citoyen au sein d'une société équipée pour les accueillir et ayant toutes les possibilités de les intégrer totalement dans son fonctionnement.

Mme Claude Greff. Très bien !

M. Ghislain Bray. La tâche était grande. Nous nous sentions investis d'une véritable mission, celle de faire entendre clairement la voix des personnes handicapées, et je crois que ce texte vient aujourd'hui répondre au mieux à leurs très justes revendications.

Mme Claude Greff. Tout à fait !

M. Ghislain Bray. Je tiens donc, madame la secrétaire d'État, à vous féliciter pour l'écoute dont vous avez témoigné tout au long des derniers mois afin de parfaire ce texte. Vous avez ajouté le cœur au courage.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. C'est vrai !

M. Ghislain Bray. C'est ainsi que, revoyant ce projet de loi, vous avez pris l'engagement de compenser l'absence de ressources des personnes handicapées dans l'incapacité durable de travailler, une garantie qui sera cumulable avec une AAH à taux plein.

S'agissant de la compensation du handicap, permettez-moi de défendre à nouveau un amendement qui me tient particulièrement à cœur et que j'avais déjà déposé en première lecture. Cet amendement concerne la TVA sur les aides techniques. Comme je l'avais expliqué il y a quelques mois, il est intolérable que des produits indispensables à la vie et aux soins des personnes handicapées soient soumis à une TVA exorbitante de 19,6 % ! À côté des fauteuils, il y a aussi tous les produits de soins onéreux qui doivent souvent être renouvelés quotidiennement. Là, malheureusement, il faut dénoncer une terrible pénalisation des personnes handicapées, pénalisation qui va totalement à l'encontre de l'esprit de ce projet de loi.

Madame la secrétaire d'État, je sais que vous aviez entendu mon intervention en première lecture. Vous aviez alors souligné qu'il était indispensable de disposer d'une évaluation chiffrée pour répondre à cette requête. Aussi, je renouvelle ma demande, me faisant une fois encore, comme je le fais constamment depuis 2002, le porte-parole de toutes les personnes handicapées, en espérant qu'aujourd'hui vous pourrez leur répondre favorablement.

Vous avez décidé, par le biais des maisons départementales, de privilégier une uniformisation des choix de gestion des multiples problèmes rencontrés par les personnes handicapées sur l'ensemble de notre territoire. Nos concitoyens handicapés avaient plus que jamais besoin de ce guichet unique afin d'être accueillis et orientés aussi rapidement qu'il se doit, notamment lors de leurs démarches administratives. En effet, combien de personnes handicapées en plein désarroi face au manque de réponses précises sur des problèmes administratifs rencontrons-nous chaque mois dans nos permanences ?

J'illustrerai mon propos par les problèmes de logement et les cas trop nombreux de personnes handicapées cherchant désespérément un domicile adapté à leur handicap, alors même que ces logements existent ! Je note à cet égard une très bonne avancée introduite en deuxième lecture par le Sénat. L'article 24 bis stipule que sera désormais créée, dans les communes de 5 000 habitants et plus, une commission pour l'accessibilité aux personnes handicapées. Cette commission sera notamment chargée de mettre en place un système de recensement de l'offre aux logements accessibles aux personnes handicapées.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. C'est très important !

M. Ghislain Bray. Pour être confronté, dans ma circonscription, à de nombreuses demandes de personnes handicapées recherchant un logement adapté, je ne peux que me réjouir d'une telle initiative qui permettra d'avoir enfin une vision précise du nombre de logements adaptés disponibles et de réduire considérablement des délais d'attente parfois honteusement longs.

Par votre persévérance, madame la secrétaire d'État, vous avez su porter ce projet de loi et mettre en place, avec d'autres ministères, une politique cohérente et dynamique en faveur des personnes handicapées.

Mme Claude Greff. C'est vrai !

M. Ghislain Bray. C'est ainsi que la loi de solidarité sur l'autonomie a créé une journée de solidarité en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées. L'argent dégagé permettra de financer de nouvelles actions.

Le ministère de la culture, de son côté, s'est engagé, lors de la commission nationale culture-handicap à favoriser l'accès à la culture des personnes handicapées.

Par là même, le Gouvernement agit pour que notre société soit bien consciente des réels problèmes rencontrés par les personnes handicapées. Ne doutons pas que cette prise de conscience collective et ce travail de solidarité déboucheront sur une ouverture encore plus grande aux personnes handicapées.

Je tiens ici à saluer le travail du rapporteur, Jean-François Chossy, travail d'autant plus remarquable que fondé sur une écoute constante des personnes handicapées elles-mêmes et de leurs représentants.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. C'est un excellent rapporteur !

M. Ghislain Bray. Sur un texte aussi fondamental pour notre société, le rapporteur a su en outre faire régner au sein de notre commission la concertation et la remise en question permanente nécessaires au perfectionnement du texte.

Ce projet de loi répond bien aux exigences du Président de la République qui avait fait de l'insertion des personnes handicapées au sein de notre société l'une des trois priorités de son quinquennat.

La plus belle conclusion qui pouvait être donnée à ce projet de loi, c'est bien sûr l'article 50, qui stipule pour la première fois que les décrets d'application seront publiés dans les six mois suivant la publication de la loi. En effet, respecter les personnes handicapées, c'est d'abord cela : ne pas leur faire attendre pendant des années les améliorations de leur vie quotidienne auxquelles elles ont plus que droit.

Madame la secrétaire d'État, vous pouvez compter sur mon soutien et sur celui du groupe UMP pour vous suivre et voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Merci.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous commençons aujourd'hui l'examen en deuxième lecture du projet de loi sur l'égalité des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situation de handicap. L'enjeu de ce texte était de moderniser la loi de 1975 devenue obsolète. Le Président de la République voulait faire de cette loi un moment fort du quinquennat. L'année européenne du handicap en 2003 est venue également nous rappeler la nécessité de moderniser la loi.

Pourtant, les différentes associations représentant les personnes rencontrant des handicaps nous font part de leur profonde déception devant ce qu'elles perçoivent comme une occasion manquée. À cela je vois plusieurs causes.

Tout d'abord, je regrette vraiment les conditions dans lesquelles se sera déroulé l'examen de ce texte, notamment cette deuxième lecture, qui aura été coupée par les dernières navettes parlementaires et se sera prêtée à l'introduction de divers cavaliers législatifs.

Sur le fond, force est de reconnaître que le projet de loi voté par notre assemblée à l'issue de la première lecture a été quelque peu malmené au Sénat par plusieurs amendements qui ont soulevé l'incompréhension sur l'ensemble de ces bancs.

Ainsi, à peine trois jours après les Chantiers de l'accessibilité, qui avaient dénoncé l'inaccessibilité des lieux publics, nos collègues de la Chambre haute supprimaient le délai de dix ans pour la mise en accessibilité des transports, et tout délai pour celle des établissements recevant du public, tandis qu'ils réintroduisaient des dérogations économiques, notamment pour la plus grande partie des commerces de proximité. Ils opposaient ainsi aux personnes en situation de handicap un prétendu « intérêt social supérieur ».

Les Verts se retrouvent avec tous ceux pour lesquels il ne peut y avoir qu'égalité des droits entre tous les citoyens, comme l'indique d'ailleurs le titre de ce projet. La loi doit prévoir des aménagements pour assurer cette égalité, avec des échéances précises - j'espère donc que celle de dix ans sera rétablie - car sinon les différentes déclarations relèveront du vœu pieux.

Nos collègues sénateurs ont également adopté un amendement sur le volet scolaire, qui inscrit dans la loi, sous couvert de « prévention des troubles », la discrimination envers certains enfants en situation de handicap et autorise leur exclusion de l'école. Nous étions pourtant censés consacrer ici la primauté de la scolarisation en milieu ordinaire.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. J'en ai parlé tout à l'heure !

Mme Martine Billard. Comment espérer ensuite changer le regard des enfants et des adultes envers la différence ? Je me félicite que la commission et le Gouvernement reprennent les amendements de plusieurs d'entre nous visant à supprimer cet ajout sénatorial.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Tout est donc pour le mieux !

Mme Martine Billard. Le respect du choix des parents en faveur du milieu scolaire ordinaire de proximité doit être notre priorité. Cela nécessite bien sûr de prévoir les mises en accessibilité, mais aussi de créer des centres ressources tant pour les enfants que pour mettre en confiance les enseignants du milieu scolaire ordinaire.

S'agissant des aspects financiers, la commission propose de porter le niveau de l'AAH à 80 % du SMIC. C'est plus que l'existant, mais moins que le niveau du SMIC demandé par les associations. Nous verrons lors du débat quelles sont les catégories de personnes concernées puisqu'il semble que celles ayant une pension d'invalidité liée à une situation de handicap après un accident restent à l'écart.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Non, c'est réglé !

Mme Martine Billard. En ce qui concerne la question de l'aide au travail, nous passons à côté de la nécessaire réforme des CAT, avec l'élargissement des droits des personnes qui sont amenées à y travailler.

Parmi les grands manques de ce projet de loi, il y a le refus de passer de la notion de « personne handicapée » à celle de « situation de handicap ». Pourtant, il est évident que cette seconde définition, qui fait l'unanimité des grandes associations réunies au sein du Comité d'entente, serait moins stigmatisante. Inspirée des recommandations de l'OMS, de l'ONU et du Conseil des ministres européens, elle montre mieux comment le handicap doit se comprendre dans l'interaction entre une personne qui souffre de l'altération d'une fonction et son environnement. Elle appelle tous les efforts de la collectivité pour adapter l'environnement aux personnes, pour garantir l'égalité des chances.

S'agissant de la citoyenneté proprement dite, ce texte est encore loin de la reconnaissance du droit des personnes en situation de handicap à prendre entièrement leur destin en main. Il ne s'agit pas de distinguer associations gestionnaires et associations non gestionnaires.

La région Île-de-France vient de créer un conseil consultatif des citoyens et citoyennes handicapés, qui prévoit un collège élu par des personnes handicapées reconnues par la COTOREP. Ne peut-on aller dans cette voie pour toutes les instances représentatives, qu'elles soient nationales ou départementales : des membres élus, après un débat pluraliste, travaillant à côté des représentants des associations ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Je ne le crois pas. Ce serait catastrophique !

Mme Martine Billard. La question reste posée.

Je conclurai en soulignant que les personnes en situation de handicap attendent de nous des dispositifs concrets de compensation, tant en ce qui concerne la scolarisation des enfants que l'accessibilité des lieux publics. Mais elles attendent autre chose : qu'à travers les mots que nous employons, nous prenions en considération ce qu'elles vivent. Sur ce point, notre commission a permis quelques avancées.

Les députés Verts attendent la fin de nos débats pour décider de leur vote, car ce projet, tel qu'il nous est présenté en seconde lecture, revient sur de nombreuses dispositions de fond. En l'état actuel du texte, il nous est difficile de vous dire quelle sera notre position.

M. Jean-Marie Geveaux. C'est la sagesse même ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Madame la secrétaire d'État, à l'issue de son examen en première lecture dans cet hémicycle, votre projet de loi, vous ne l'ignorez pas, n'a pas recueilli l'assentiment du groupe socialiste. Nous sommes profondément attachés à la mise en œuvre de l'égalité des droits et des chances pour tous nos concitoyens et je vous le dis sincèrement, nous aurions souhaité réserver un meilleur accueil à votre texte. Malheureusement, cette nouvelle mouture ne peut nous satisfaire.

Dois-je vous rappeler qu'elle ne suscite guère plus d'enthousiasme auprès des associations de personnes handicapées ? Leur déception est à la mesure de leurs attentes. Votre majorité a même provoqué leur colère la plus vive en raison des nombreux reculs enregistrés par le texte au Sénat en seconde lecture, par rapport au texte initial voire au droit positif actuel, ce qui remet en cause des avancées réputées acquises.

Le projet de loi sans garanties ni financement que vous nous présentiez il y a quelques mois s'est métamorphosé en un texte régressif sur plusieurs points, et dont le titre paraît désormais désuet.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Un peu de sérieux, monsieur Roy !

M. Patrick Roy. Je pense aux dérogations économiques apportées par les sénateurs au principe d'accessibilité, mais aussi au refus constant de la majorité de consacrer un véritable droit à compensation, universel et intégral. Votre gouvernement ne devrait pas autoriser de telles entraves à la solidarité et à l'égalité.

Comment prétendez-vous assumer cette violente contradiction entre, d'une part, les objectifs louables, affirmés à plusieurs reprises par le Président de la République lui-même, et, d'autre part, ces mesures particulièrement regrettables qui violent la dignité d'une des catégories les plus fragiles de notre société ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Vous n'y allez pas un peu fort ?...

M. Patrick Roy. J'insiste, madame la secrétaire d'État, sur l'ampleur des enjeux. Ce projet de loi n'a pas vocation à apporter une réponse à court terme, car il s'adresse à plusieurs générations de personnes en situation de handicap et concerne les adultes autant que les enfants. C'est pourquoi il aurait été légitime de votre part d'élaborer un dispositif ambitieux de scolarisation des enfants handicapés. Malheureusement, il n'en est rien.

Je note tout d'abord que votre gouvernement ne semble pas disposé à y consacrer les moyens adéquats. Pour l'année venant de s'écouler, les crédits du budget de l'enseignement scolaire consacrés au handicap ont diminué de plus de 5 % ! Pour l'année 2005, vous prévoyez la création de 800 postes supplémentaires d'auxiliaires de vie scolaire ayant le statut d'assistant d'éducation. Mais les établissements scolaires en verront-ils la couleur, quand on sait que l'objectif de création de 6 000 postes similaires, fixé pour la rentrée 2003, n'a toujours pas été atteint ? Quant aux mesures destinées à favoriser l'accueil des élèves handicapés, leurs effets seront neutralisés par l'imprécision de votre texte, ou par ses lacunes.

Votre projet de loi est aussi très insuffisant en ce qui concerne l'accessibilité des bâtiments scolaires. De plus, il n'évoque pas la question de la formation initiale des enseignants spécialisés.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Si, bien sûr !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Vous n'avez sans doute pas lu le paragraphe consacré à cette question.

M. Patrick Roy. Il n'impose aucune obligation de résultat au service public de l'éducation, alors que seule l'obtention d'un diplôme consacre l'aboutissement de l'intégration scolaire d'un élève handicapé.

Votre texte ne traite pas davantage de la situation des enfants poly-handicapés...

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Mais si !

Mme Muriel Marland-Militello. Bien entendu !

M. Patrick Roy. ...ni de l'accompagnement des étudiants handicapés dans l'enseignement supérieur.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. C'est faux !

Mme Muriel Marland-Militello. Tout cela est dans la loi !

M. Patrick Roy. Enfin, vous avez fait le choix, tout à fait inopportun, de freiner la mise en œuvre du plan Handiscol, présenté en 1999 par le gouvernement Jospin.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Pas du tout !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est de la désinformation !

M. Patrick Roy. Plus grave, votre dispositif d'intégration risque d'être réduit à néant par les amendements votés par les sénateurs de la majorité - mais peut-être allez-vous les refuser, nous le saurons bientôt. Les sénateurs ont notamment instauré la possibilité d'exclure des élèves handicapés du milieu scolaire ordinaire lorsque leur présence « provoque des troubles qui perturbent, de manière avérée, la communauté des élèves ». Cette évolution est tout simplement inacceptable. Selon quels critères la notion de « trouble perturbant la communauté des élèves » sera-t-elle décidée et imposée aux parents ? Il nous faudra en convenir ensemble.

En instaurant le handicap comme une cause légale d'exclusion d'un établissement scolaire, l'article 8 revient sur le principe d'intégration défini par la loi de 1975. Dans sa rédaction actuelle, votre projet de loi rend donc illusoire la scolarisation effective des enfants et adolescents handicapés.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Non ! Pas plus que l'obligation éducative prévue par la loi de 1989 !

M. Patrick Roy. Madame la secrétaire d'État, votre action engage pour l'avenir la crédibilité de l'État en matière de reconnaissance des personnes handicapées dans notre société. Les enfants d'aujourd'hui sont les adultes de demain et leur sort ne peut donc souffrir de la désinvolture que votre projet manifeste à leur égard. Ce texte, très attendu, devrait apporter un réel progrès. Madame la secrétaire d'État, il est encore temps d'agir.

M. le président. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello.

Mme Muriel Marland-Militello. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je m'adresse en particulier à toutes les personnes qui nous regardent, nous écoutent, et qui peut-être, dans le silence de leur cœur, nous entendent, pour leur dire comment j'ai vécu l'aventure que représente ce projet de loi. Je n'aborderai pas les articles, ni les amendements qui ont été déposés, mais je voudrais, mes chers amis, vous dire certaines vérités qui me tiennent à cœur.

La première vérité, dont nous sommes la vivante illustration, est la suivante : tant qu'une personne ne vit pas un handicap personnellement, dans sa chair, elle ne peut savoir ce que c'est. Le handicap est une chose indicible, physiquement, psychologiquement et moralement.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Tout à fait !

Mme Muriel Marland-Militello. Nous en sommes ici tous conscients, tout au moins mes collègues de la majorité, avec lesquels j'ai travaillé.

La deuxième vérité est que nous n'allons pas aussi loin que nous l'aurions voulu. Pourquoi le nier ? Ce qui est important, c'est de dire la vérité, et la vérité est que notre pays souffre d'un très grand retard, je le dis sans esprit polémique. Nous vivons dans une démocratie pluraliste et les gouvernements, depuis un certain nombre d'années, se succèdent. Nous sommes donc tous responsables de ces manques et de ce retard. C'est une culture que nous avons mis du temps à adopter.

Et l'on voudrait, dans une situation budgétaire extrêmement difficile, que le Gouvernement fasse des miracles ? Nous ne sommes pas dans un pays utopique, mais dans un pays responsable. Il y a des choix à faire et je crois, madame la secrétaire d'État, que vous êtes allée, financièrement, aussi loin que vous le pouviez.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Oui, et il faut du courage pour dire cela !

Mme Muriel Marland-Militello. Je voudrais maintenant dire quelques mots à notre rapporteur. Je sais combien il s'est investi au service de cette cause. Je sais avec quelle conscience il a travaillé. Je sais qu'il a reçu tous ceux qui souhaitaient s'exprimer. Je lui rends hommage, car nous l'avons tous harcelé, moi la première. Si nous avons agi ainsi, monsieur le rapporteur, c'est que cette cause nous tient à cœur !

J'en viens à la troisième vérité. On ne peut pas le nier : ce texte, tel qu'il nous est présenté en deuxième lecture, est un progrès par rapport à la première lecture et par rapport aux amendements introduits par le Sénat. Je ne m'attarde pas sur ces amendements, puisque nous allons les aborder en détail. Mais reconnaissez que nous sommes revenus sur toutes les régressions introduites par le Sénat tant en ce qui concerne la scolarisation que l'accessibilité des bâtiments. On ne peut tout de même pas nous reprocher ce que nous avons combattu et allons à nouveau combattre avec succès !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. C'est juste !

Mme Muriel Marland-Militello. Je ne vois vraiment pas pourquoi on ressasse en permanence des amendements dont nous ne sommes pas responsables !

M. Ghislain Bray. C'est exact !

Mme Muriel Marland-Militello. Je voudrais également, madame la secrétaire d'État, attirer votre attention sur un point très important. Sachez qu'il y a toujours une très grande différence entre la portée d'une règle écrite, le sens que l'on veut lui donner, et son application pratique sur le terrain. Il y a toujours une part de mauvaise volonté pour freiner l'application d'une loi. C'est pourquoi nous n'allons jamais assez loin lorsque nous votons une loi, car une loi n'est jamais appliquée dans sa totalité. J'ajouterai une chose : malgré les millions d'euros qui sont consacrés à telle ou telle cause, ils ne représentent pour chaque individu concerné que quelques centimes d'euros. Tout cela est très difficile, mais je souhaitais attirer votre attention sur ce point, parce que notre vécu pourrait nous faire oublier la grande avancée que constitue votre budget. C'est une terrible réalité, mais chacun se réfère à ce qu'il vit au quotidien.

J'en viens à la question de l'accessibilité des locaux. J'ai une filleule qui, souffrant d'un handicap, se déplace en fauteuil roulant. Malgré toutes les lois sur l'accessibilité et les normes affichées partout, dans le RER comme à la bibliothèque François Mitterrand, vous n'imaginez pas les contraintes auxquelles cette jeune fille doit faire face quotidiennement : les ascenseurs qui ne fonctionnent pas, les escaliers roulants en panne, la distance entre le quai et le train : tous ces détails, madame la secrétaire d'État, font de sa vie un enfer ! Or, ces problèmes-là, la loi ne peut pas les régler. Seule une loi sévère, coercitive, pourrait empêcher la mauvaise volonté, ou tout simplement le manque d'attention.

Je me permets d'insister, encore une fois, sur la chose qui me tient le plus à cœur, car toutes les personnes qui nous regardent, et auxquelles je m'adresse, souffrent d'une chose bien plus grave que les difficultés liées à l'accessibilité et à la scolarisation : elles souffrent du regard des autres. Ce regard, qu'il soit de compassion, de sollicitude, de pitié ou encore - pourquoi ne pas le dire ? - de dégoût ou de rejet, est de toute façon un regard différent de celui que l'on porte sur les autres.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Absolument !

Mme Muriel Marland-Militello. Rien n'est pire que cette différence qui s'exprime dans le silence d'un regard ! Et ce regard persistera tant que nous n'aurons pas intégré dans nos rues, dans nos cinémas, dans nos écoles, dans nos entreprises, toutes les personnes capables d'avoir une vie sociale, toutes les personnes aptes à suivre une scolarité et à exercer une profession.

Cela, madame la secrétaire d'État, m'amène à vous parler du symbole. Vous n'avez pas accepté que l'on fasse état de cette différence à laquelle je tiens beaucoup. Cela n'enlève pas de valeur aux acquis de votre loi : cela enlève ce petit quelque chose qui est le symbole, qui transcende le reste uniquement matériel. Ce quelque chose, c'est reconnaître l'humanité en toute personne, c'est distinguer l'essence même de tout être humain d'une de ses caractéristiques qui est son ou ses handicaps. Cela est essentiel. Et le dire, c'est s'exprimer sur le fond. D'ailleurs, dans notre pays, l'expression verbale conditionne, on le sait, la psychologie des êtres.

Si j'ai abandonné l'expression « personne en situation de handicap » c'est que, justement, les personnes ayant un handicap m'ont dit qu'on ne pouvait pas résumer celui-ci à une situation sociale - car c'est dans leur chair, c'est dans leur esprit qu'elles le vivent - et qu'on ne pouvait donc pas employer le mot « situation » car il est réducteur de ce qu'elles vivent et de leurs souffrances ! (« Très bien » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. C'est très vrai !

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Exactement !

Mme Muriel Marland-Militello. J'ai donc pensé préférable de parler de « personnes qui ont un handicap ». Un handicap, c'est une chose ; la personne, c'est l'humanité tout entière. À cet égard, j'apprécie beaucoup les expressions M. Chossy, personnalisant toutes les dimensions du handicap : il a parlé de « scolarisation », d'« accompagnement ».

Voilà pourquoi j'aimerais voir adopter cet amendement qui propose de substituer les termes « projet personnalisé » à ceux de « projet individualisé ». La personne, c'est effectivement quelqu'un qui a conscience d'elle-même et de ses projets.

Pour conclure, madame la secrétaire d'État, je dirai, au nom de tous les députés ayant travaillé à vos côtés, et aux vôtres également, monsieur le rapporteur, qu'il est formidable de voir des gens s'investir comme ça, mais qu'il est très triste, aussi, au moment où nous accomplissons un effort colossal, qu'on nous insulte malgré notre bonne volonté. Cela m'a beaucoup chagrinée. Et Dieu sait si cela a de la valeur dans ma bouche ! Car moi, j'étais une opposante à beaucoup de choses, mais j'ai constaté votre effort, madame, et j'en ai pris conscience. Alors acceptez certaines de mes propositions. Je vous remercie de votre écoute. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux personnes handicapées. Mesdames et messieurs les députés, je vais vous apporter quelques éléments de réponse.

Monsieur Chassaigne, vous m'avez posé une question sur la coercition à propos des délais : fixer des délais, c'est bien, avez-vous dit, mais que se passe-t-il ensuite, comment contrôle-t-on et qu'arrive-t-il en cas de manquement ? S'agissant des sanctions, le texte est clair : il prévoit une amende de 45 000 euros et, en cas de récidive, de 75 000 euros plus des peines de prison. Nos concitoyens n'ont pas conscience de ce que provoqueront les manquements au principe d'accessibilité tel que la loi le pose, mais les délais rendront les choses mesurables.

Vous avez souligné la nécessité, pour accompagner l'arrivée de l'enfant handicapé à l'école, d'un investissement tout particulier de l'éducation nationale. Nous partons de loin, bien sûr, et il faut augmenter le nombre des auxiliaires de vie, mais leur contingent augmente déjà à chaque rentrée scolaire. Vous avez évoqué le cas de Clermont : je m'y suis rendue il y a très peu de jours et j'y ai trouvé l'exemple d'une académie où un effort sans précédent a été réalisé. Avec quarante-cinq structures dédiées aux élèves handicapés, CLIS ou UPI, j'ai vu à Clermont des choses remarquables, en particulier le collège Gérard-Philippe où je suis littéralement tombée en admiration devant l'intelligence de l'équipe pédagogique, à laquelle je tiens absolument à rendre hommage.

Vous avez évoqué également la question des ressources. La garantie de ressources sera un complément important de l'AAH. Mais n'oublions jamais qu'avec la compensation technique et humaine, nous éviterons dorénavant à la personne handicapée de puiser dans ses ressources d'existence pour financer sa compensation. Car aujourd'hui, que se passe-t-il quand le remboursement sécurité sociale est intervenu ? Le reste est à la charge de la personne. Que se passe-t-il quand le nombre de forfaits d'auxiliaire de vie n'est pas suffisant ? C'est dans ses ressources que la personne puise. La question des ressources doit donc s'entendre en tant que telle, nous en sommes d'accord, d'où la création de la garantie ; mais ne perdons pas de vue le supplément de revenus disponibles que la compensation va également apporter à la personne handicapée.

Vous avez évoqué la loi de mars 2002 qui a posé le principe du droit à compensation. C'était bien de poser le principe, je le reconnais, mais encore fallait-il nourrir ce droit et lui donner un contenu : c'est ce que fait le présent texte.

Je considère comme vous que nous manquons de logements adaptés pour les personnes handicapées. Le parc social sera systématiquement soumis à l'obligation de mise en accessibilité et les commissions d'accessibilité des communes de plus de 5 000 habitants permettront de recenser les besoins. Il faudra veiller, par des dispositions réglementaires, à ce que le dispositif soit appliqué ; cela ne relève évidemment pas du domaine de la loi.

Enfin, monsieur Chassaigne, avec la consolidation financière que permet la CNSA, nous serons à même, demain, de mesurer la réalité de l'effort demandé aux Français. Et lorsque nous débattrons avec la représentation nationale de la hauteur des budgets publics en faveur des personnes handicapées, cette consolidation sera très éclairante pour apprécier la pertinence de cet investissement.

J'ai bien entendu, monsieur Leteurtre, les conditions que vous mettez à votre soutien, et cela me paraît d'autant plus normal que je connais votre investissement personnel. Pour autant, nous n'aurions pas pu nous satisfaire d'une loi d'orientation, car la volonté du Gouvernement était d'agir immédiatement et de prendre des engagements précis. Les associations, à ce stade, trente ans plus tard, ne se seraient pas satisfaites d'une simple loi-cadre. Il nous a fallu qualifier sur des registres extrêmement précis l'effort collectif que nous devions accomplir.

Vous reprochez à cette loi d'être un catalogue. Elle est effectivement très large parce que la question du handicap couvre un champ immense. C'est la complexité même du handicap qui nous conduit à prendre en compte toutes ses nuances, toutes ses dimensions.

Je vous répondrai, comme à M. Chassaigne, que je vois tout l'intérêt d'une mesure précise de l'investissement public. Vous avez évoqué le rôle de la Cour des comptes, la définition d'un périmètre. Convenez avec moi, monsieur le député, que nous avons aujourd'hui les plus grandes difficultés à prendre une vision consolidée de l'effort national en matière de handicap. Mais cela doit changer : grâce à la LOLF et à son programme « Dépendance et handicap », grâce aussi à la CNSA, qui nous permettra d'avoir une vision précise des crédits publics consacrés à ces politiques.

Quant aux délais de mise en œuvre, il faut aller vite, en effet, car les associations de personnes handicapées nous disent à quel point elles sont pressées de voir l'application effective du texte. L'attente a été extrêmement longue. C'est la raison pour laquelle j'ai fait le choix, je l'avoue, de ce calendrier de fin d'année, avant les fêtes, mais rien ne justifiait que nous partions un peu plus tôt en congés.

M. Ghislain Bray. Très bien !

Mme Claude Greff. Le travail d'abord !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Nous devions une réponse aux associations et aux personnes handicapées avant la fin de l'année. Nous la leur avions promise : c'est fait.

Madame Billard, vous avez évoqué assez longuement la position du Sénat. Mais les aller et retour entre les deux assemblées font partie du jeu démocratique naturel de nos institutions, et je n'en suis pas effarouchée. Ils permettent de nourrir et d'enrichir le débat.

Vous m'avez interrogée sur un sujet très important, celui des CAT. Ne nous y trompons pas : le texte confirme leur statut médico-social, ce qui renforce la protection des travailleurs handicapés. Le CAT est un modèle très original du système français et permet à la personne handicapée d'exercer une activité professionnelle dans un contexte protégé qui lui offre un accompagnement précisément défini en termes de soins et de prise en charge de l'ensemble des besoins de la personne.

Mme Claude Greff. C'est très important !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. J'ai été particulièrement attentive aux observations de l'UNAPEI, car cette association, nous le savons, est très présente dans les CAT.

Madame Mignon, si je comprends vos arguments sur la définition du handicap, j'ai été étonnée que vous fassiez le choix, dans la discussion générale, de centrer la quasi-intégralité de votre propos sur ce point. Mais peut-être n'ai-je pas été moi-même assez convaincante quand je l'ai évoqué.

Outre la nécessité d'éviter le politiquement correct, d'être offensif sur la définition du handicap, il faut aussi circonscrire le champ du handicap pour éviter le glissement vers le handicap social, ce que les associations nous reprocheraient. Je ne reprendrai pas ici les arguments des associations car je ne veux pas donner l'impression que nous pouvons, d'une certaine manière, les prendre en otages dans ce débat ; cela ne serait pas de bonne pratique.

Pour autant, contrairement à ce que vous pourriez croire, je n'ai pas entendu que les associations étaient choquées par la définition que retient ce texte. Au contraire, elles éprouvaient, je crois, le besoin de voir confirmer que toutes les formes de handicap étaient bien présentes dans les préoccupations du législateur.

Enfin, madame Mignon, ne disons pas que la loi va clore le débat. Décider, dès le texte voté, d'abandonner le sujet du handicap pour se donner rendez-vous dans dix ans serait catastrophique. Nous allons devoir continuer à travailler ensemble au moyen de nombreux plans d'action, et de multiples rendez-vous nous attendent car ce texte ouvre des questions sur lesquelles nous nous engageons à poursuivre la réflexion : je pense notamment à la représentativité des associations et à toute la dimension de l'accès aux pratiques culturelles. Si nous ne le faisions pas, il y a fort à parier qu'un décalage s'instaurerait entre l'esprit de la loi et son application effective.

Monsieur Bray, je vous remercie car vous avez su, avec beaucoup de pertinence et d'intelligence, souligner les avancées du texte, notamment la compensation. Je salue votre assiduité et votre contribution éclairante à ce débat.

Quant à vous, madame Marland-Militello, je relève la justesse de vos propos et le courage avec lequel vous avez mis l'accent sur les vérités essentielles. Vous avez su nous faire prendre conscience de ce qu'est la réalité du handicap pour la personne handicapée. Il est vrai que je n'ai pas toujours suivi vos préconisations concernant l'appellation et la définition, mais je vous donne rendez-vous en 2005, année pendant laquelle nous allons devoir travailler à ce fameux changement de regard pour que la loi soit effective, et donc réfléchir aux diverses appellations. Nous en avons pointé quelques-unes, mais croyez-vous que le terme « handicap » soit encore pertinent dans notre société ? Récemment, plusieurs personnes handicapées m'ont fait part de leur souhait de trouver un autre terme. Pourquoi n'aurions-nous pas l'ambition de changer les mots pour le dire, plutôt que de chercher des périphrases ou de simples moyens d'améliorer les appellations traditionnelles ? Je vous donne ce rendez-vous, madame la députée, en espérant que vous apporterez votre contribution éclairée à ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi qui nous revient en deuxième lecture devait être la concrétisation du troisième des grands chantiers du quinquennat du Président de la République, celui qui concernait la place des personnes handicapées dans notre société.

Malgré les évolutions législatives de 1987 et de 2002, une révision de la loi fondatrice de 1975 s'imposait. Les personnes en situation de handicap et les associations qui les représentent n'ont jamais cessé d'appeler notre attention sur les difficultés qu'elles continuent d'affronter au quotidien. Mais l'enthousiasme a été de courte durée et a cessé dès que nous avons pris connaissance du texte.

Dès lors, la quasi-totalité des associations œuvrant dans le champ du handicap s'est employée à faire au Gouvernement des propositions par voie de manifestes, d'études, d'amendements, afin que le « chantier présidentiel » ne se trouve pas réduit à une addition de petits ajustements, mais réponde bien aux enjeux et aux défis des années à venir pour les personnes en situation de handicap. Cette réaction a été d'autant plus vive qu'il y a aujourd'hui consensus pour réformer la loi de 1975 et engager une dynamique d'intégration et d'appartenance.

Malgré la qualité de ces contributions, il a fallu insister beaucoup pour obtenir quelques avancées en première lecture. Hélas, loin de les conforter, la majorité sénatoriale a adopté des modifications dont certaines marquent un recul intolérable sur le fond.

C'est d'autant plus dommageable qu'un grand nombre de pays européens ont engagé des politiques audacieuses, ou tout simplement équitables, en faveur des personnes touchées par le handicap. C'est l'honneur des législateurs que nous sommes d'agir afin de faire évoluer la conscience nationale car, vous le savez, notre pays accuse encore un retard important dans ce domaine.

L'opération lancée récemment par la SNCF a été, à cet égard, très éclairante. Le président de son conseil d'administration, Louis Gallois, a pu constater en personne les difficultés quotidiennes que rencontrent les voyageurs handicapés, qui sont d'autant plus inadmissibles dans le cadre d'un service public, mais qui montrent bien tout le chemin qu'il reste à parcourir pour que notre pays rattrape son retard.

Malgré les évolutions du texte, vous vous refusez toujours à prendre en compte la « situation de handicap ». Loin d'être une simple querelle sémantique, cette notion revêt une importance capitale, car l'ensemble des actions politiques menées ou à venir, et la perception même que notre société a du handicap, dépendent d'un tel choix. C'est la raison pour laquelle nous insistons sur ce point.

Nous l'avons déjà dit, notamment lors de la première lecture, une situation de handicap est le produit de deux facteurs : d'une part, la déficience, qu'elle soit physique, sensorielle ou mentale ; d'autre part, des barrières environnementales, culturelles, sociales, voire réglementaires, qui créent un obstacle que la personne ne peut franchir en raison de ses particularités. L'existence de telles situations empêche une personne handicapée de vaquer aux activités de la vie quotidienne auxquelles tout citoyen peut normalement accéder. Elle crée une discrimination de fait. Il est évident que la suppression des obstacles ne gommera pas la déficience de la personne, mais lui permettra, si certaines conditions sont réunies, de circuler librement à travers la cité, de se rendre à l'école, au travail, à ses lieux de culture et de loisir.

Loin de prendre en considération l'ensemble de cette définition, le texte privilégie une approche « personnaliste », qui révèle une conception du handicap bien plus tournée vers l'assistanat que vers la reconnaissance de droits pleins et entiers. Cette conception est tout simplement à l'opposé de celle que demandent aujourd'hui les personnes en situation de handicap.

Pourtant, supprimer, réduire ou compenser − chaque fois que de besoin − les situations de handicap doit constituer l'objectif central de toute politique visant à permettre à une personne dite handicapée de bénéficier d'une citoyenneté réelle.

Ce matin, vous avez rappelé votre souci d'affirmer une politique et des concepts nouveaux. Le texte que vous nous proposez vous donnait l'occasion d'aller plus loin dans la définition, en établissant plus nettement le lien entre la déficience et l'environnement, constitutif de la situation de handicap. Cela imposait notamment d'adapter la législation actuelle en matière de voirie et de cadre bâti. Or votre texte ne propose aucune avancée en ce domaine. Vous nous avez dit ce matin que les délais seraient fixés et des contrôles exercés. Nous prenons acte de votre souci de résister aux pressions de vos collègues sénateurs, en particulier en matière de dérogations.

Mme Claude Greff. De vos collègues, aussi ! Il n'y avait pas que les nôtres !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. En ce qui concerne le droit à compensation, le projet de loi poursuit les avancées mises en œuvre dans le cadre de la loi de modernisation sociale de janvier 2002, qui reconnaissait à la personne handicapée le droit à la compensation des conséquences de son handicap, quelles que soient son origine et sa nature, et quels que soient l'âge et le mode de vie de la personne.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Mais elle ne disait pas comment faire !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Elle garantissait un minimum de moyens pour couvrir les besoins de la vie courante. C'était une étape importante dans la reconnaissance du droit à compensation. Mais, arguant de la création de cette prestation de compensation, vous prétendez que le montant de l'AAH disponible pour les dépenses de la vie courante se trouve automatiquement majoré. Sur cette question primordiale des ressources, votre réponse a consisté à ouvrir la possibilité de compléter cette allocation avec un revenu d'activité. C'est déjà une avancée.

Mme Claude Greff. Une grande avancée !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Mais, en ce qui concerne le revenu d'existence des personnes en situation de handicap et qui, en raison de leurs déficiences, ne peuvent accéder à l'emploi, nous espérons obtenir des réponses concrètes. Qu'entendez-vous, ainsi, par « AAH disponible substantiellement majorée pour les personnes accueillies en établissement » ?

D'autre part, nombre d'associations nous ont fait part de leur volonté de remplacer l'AAH par un SMIC associé à une fiscalisation « de droit commun ». Il aurait été intéressant de disposer d'une étude précise d'un tel dispositif, et il aurait été utile d'engager la discussion afin de déterminer la formule la mieux adaptée pour garantir réellement à ces personnes le revenu minimum accordé à l'ensemble de nos concitoyens. Vous venez d'annoncer des évolutions sur ce sujet, mais cette approche des revenus, qui aurait permis de dépasser les situations de handicap, doit faire l'objet d'un examen approfondi.

Si l'on note aussi des avancées en matière de scolarisation, elles ne concernent malheureusement que le champ des principes. Parallèlement, on constate aussi des reculs fort inquiétants. Je n'insisterai pas sur l'amendement adopté au Sénat : il marquait une importante régression, que vous avez admise au moment de la discussion. Cet épisode démontre en tout cas qu'il reste en France des barrières à abattre, alors même qu'à nos portes, certains pays d'Europe ont fait le choix d'une scolarisation en milieu ordinaire en bannissant toute notion de déficience et en prenant en considération les besoins spécifiques des personnes handicapées. Pour en arriver là, il faut mobiliser les énergies et les moyens financiers. Pour se concrétiser, vos intentions restent tributaires de la bonne volonté du ministère de l'éducation nationale. Or les suppressions de postes que l'on nous annonce n'augurent rien de bon.

M. Jean Le Garrec. Hélas !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Vous auriez dû au contraire profiter de la baisse globale du nombre d'élèves scolarisés pour maintenir des effectifs d'encadrement susceptibles d'assurer, dans de bonnes conditions, l'accueil des enfants en situation de handicap.

M. Jean Le Garrec. C'est vrai !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. De plus, le sort réservé au plan Handiscol laisse présager un désintérêt progressif pour cette question...

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Vous faites erreur : c'est tout l'inverse !

M. Jean-François Chossy, rapporteur. On note au contraire une implication plus forte !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. ...alors qu'il aurait fallu redonner à ce plan, qui a démontré son utilité, tous les moyens nécessaires pour le faire réellement fonctionner. Le renforcement et le développement de la formation initiale des enseignants à tous les niveaux, l'augmentation du nombre d'enseignants spécialisés, la prise en compte dans le calcul des effectifs de la classe de la présence d'un enfant handicapé nécessitant un soutien particulier, l'ouverture de classes adaptées − aujourd'hui en nombre insuffisant −, l'aménagement des locaux, sont autant de points qui auraient dû être abordés dans le cadre de ce projet de loi. Ce n'est malheureusement pas le cas, alors que l'accès à l'éducation revêt pour chaque enfant une importance vitale, a fortiori s'il est handicapé.

Et puis, madame la secrétaire d'État, il y a le financement des mesures que vous proposez. Vous connaissez notre position à ce sujet : nous voyons, dans la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, une volonté de rompre avec le principe de solidarité nationale en reléguant le handicap dans le domaine de l'assistance.

Toutes les associations œuvrant en direction des personnes en situation de handicap vous ont pourtant maintes fois rappelé leur souhait de voir la perte d'autonomie et le handicap inscrits dans le champ de la sécurité sociale. C'est la reconnaissance naturelle de l'universalité des droits.

Pour financer cette nouvelle caisse, vous supprimez un jour férié. Là encore, vous connaissez notre opposition. Sans revenir à tous les arguments qui nous ont conduits à adopter cette position, il aurait été souhaitable que nous nous attardions sur les financements de cette caisse. La suppression du jour férié est censée rapporter, en année pleine, entre 1,7 et 2 milliards d'euros. Sur cette somme totale, 850 millions d'euros devraient être attribués aux personnes en situation de handicap, dont 550 millions d'euros pour le financement de la seule prestation de compensation. Ce montant de 550 millions ne pourra suffire à financer la totalité de la compensation universelle du handicap. Qui financera le complément ?

Seuls 850 millions d'euros seront consacrés à la mise en œuvre de votre loi. Mais, là encore, les explications demeurent floues. Vous avez déclaré que, sur ces 850 millions, « 200 millions seront affectés à une meilleure prise en charge des aides techniques, de l'aménagement du logement et de différentes aides, et 350 millions à l'élément "aides humaines" de la prestation de compensation ». Qu'allez-vous faire des 300 millions restants ?

Mme Claude Greff. Une cagnotte !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. De plus, la suppression du jour férié va intervenir dès l'année 2005. Des recettes nouvelles vont donc apparaître alors même que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ne sera opérationnelle qu'au 1er juillet 2006. À quelles destinations précises réservez-vous ces recettes que vous aurez perçues en 2005 ?

Encore faut-il que ces recettes nouvelles soient bien à la hauteur des prévisions. De nombreuses études économiques indiquent qu'il n'est pas sûr que l'on produise, lors de cette journée de solidarité, la richesse supplémentaire que vous escomptez. De plus, il existe un sérieux risque de détruire des emplois.

Mme Claude Greff. Mais non, au contraire !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Le financement que vous avez prévu pour les personnes en situation de handicap est donc bien aléatoire. D'ailleurs, le rapport du Conseil économique et social ayant trait à la prise en charge des personnes en situation de handicap analyse très précisément les limites de ce financement.

M. Jean Le Garrec. Il est sans ambiguïtés à ce sujet !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Cette étude de qualité aurait mérité un examen approfondi et nous aurait permis de nous engager sur une autre voie. Tel n'est pas le cas et nous pouvons le regretter.

Mme Claude Greff. Arrêtez de regretter ! Il faut travailler, maintenant !

Mme Hélène Mignon. Je vous en prie !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Une définition du handicap qui reste en deçà de celle qui est reconnue par les instances internationales, européennes et associatives depuis près de vingt ans, un droit à compensation qui fait uniquement référence aux conséquences du handicap pour répondre aux besoins de la vie quotidienne, des ressources insuffisantes pour les personnes en situation de handicap, un financement insuffisant et injuste, qui rompt avec le principe de solidarité nationale : telle est, en quelques mots, l'analyse que nous faisons du projet de loi qui nous est soumis.

Pourtant, madame la secrétaire d'État, traiter de ce sujet est tout à votre honneur car il s'agit bien d'un défi majeur pour les décennies à venir. Légiférer pour une meilleure intégration des personnes en situation de handicap est un devoir, car, loin de toucher quelques cas isolés, ce problème revêt aujourd'hui un caractère sociétal. Comme je l'ai souligné en première lecture, il nous appartient donc de tout faire pour supprimer, réduire ou compenser les situations de handicap. Le désir de vie doit pouvoir s'exprimer à tout âge.

Mme Claude Greff. Là, nous sommes d'accord !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Ce débat est capital puisque ce qui est en jeu, derrière cette refonte de la loi de 1975, c'est la place qui, dans les prochaines décennies, sera réservée dans notre société aux personnes touchées par le handicap.

Il faut du temps pour faire évoluer les mentalités. Une loi est écrite pour très longtemps Chaque gouvernement y apporte sa contribution et, en 2002, nous avons apporté la nôtre. Aujourd'hui, nous devons relever de nouveaux défis.

Mme Claude Greff. Et apporter des solutions !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Le projet de loi n'atteint pas cet objectif.

Des avancées, j'en conviens, ont vu le jour lors de nos débats précédents...

M. Jean-Paul Garraud. Ah ! Tout de même !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. ... mais elles demeurent largement insuffisantes. Même le Président de la République semble souhaiter que l'on aille plus loin.

Toutes les préoccupations que je viens d'évoquer sont largement partagées par les personnes en situation de handicap et par leurs associations. Je vous demande donc, mes chers collègues, de renvoyer ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne puis dire à quel point je regrette que Mme Martine Carrillon-Couvreur, l'une des personnalités les plus mesurées de notre commission, ait été conduite à défendre cette motion de renvoi. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Claude Greff. C'est une vraie surprise !

M. Ghislain Bray. Cela ne lui correspond pas !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Rappelons-nous le long parcours suivi par ce texte. Après une première lecture au Sénat en février et mars 2004, il a été procédé par notre rapporteur, dans le cadre soit de son groupe d'études, soit de la préparation de son rapport, à 150 auditions en préalable à la première lecture devant notre assemblée en juin 2004 ; 500 amendements ont alors été examinés en commission. Après la deuxième lecture au Sénat en octobre 2004, notre commission a tenu trois réunions d'une durée de six heures, sans compter celle qui aura lieu ce soir ; préalablement à la deuxième lecture à l'Assemblée, le rapporteur a encore auditionné soixante-dix associations, dont vingt dans le cadre de la préparation de son rapport et cinquante à titre personnel, à Paris et sur le terrain ; enfin, 584 amendements ont été examinés par notre commission, ce qui est considérable. De ma vie de parlementaire, je n'avais jamais vu le dépôt d'autant d'amendements pour une deuxième lecture : j'en prends à témoin M. Le Garrec, mon prédécesseur.

M. Gérard Bapt. Mais avait-on jamais vu autant de personnes handicapées manifester devant l'Assemblée nationale ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je suis donc surpris que le groupe socialiste utilise toutes les ficelles de la procédure parlementaire pour retarder l'examen de ce projet de loi. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Ghislain Bray. Eh oui !

M. Jean-Paul Garraud. C'est la vérité !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Il s'agit d'un texte refondateur après la loi de 1975, et il est très attendu par les personnes handicapées et par leurs familles. Examinons et votons sans plus tarder ce beau texte afin qu'il s'applique le plus vite possible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Madame Carrillon-Couvreur, je ne reviendrai pas sur les différents points que vous avez développés et que j'ai déjà abordés. En revanche, je répondrai à quelques questions que vous avez posées.

Vous vous êtes d'abord interrogée sur la destination des 300 millions d'euros restant à mobiliser au-delà de la prestation de compensation. Sachez, madame la députée, qu'en raison de l'ampleur du retard pris en matière de création de places en établissement, il nous faut consacrer un effort exceptionnel à ce rattrapage. L'urgence est telle qu'il nous faut accélérer, plus encore que nous ne l'avions imaginé, le programme de création de places.

S'agissant des recettes de la CNSA en 2005 et de leur emploi, 180 millions d'euros seront mobilisés en faveur des personnes les plus lourdement handicapées car, là encore, il y a urgence. Il nous faut agir vite afin de leur permettre de bénéficier d'un accompagnement permanent en multipliant à leur profit les forfaits d'auxiliaire de vie afin qu'elles conservent un certain niveau d'autonomie quand elles souhaitent rester à leur domicile.

D'autres ressources iront à la mise en place de clubs d'entraide destinés aux personnes handicapées psychiques, dont la situation est extrêmement fragile et nécessite également des mesures d'urgence.

Les sommes restantes seront consacrées à la création de places, à l'aide à la mise en accessibilité et au financement de la compensation dans le cadre du dispositif actuel de l'ACTP. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.

Pour le groupe UMP, la parole est à Mme Muriel Marland-Militello.

Mme Muriel Marland-Militello. Très sincèrement, mes chers collègues, si nous voulons défendre la cause des personnes qui présentent un handicap, le moment est venu de travailler sur chaque article. Peut-on croire vraiment que les personnes qui attendent ce texte depuis si longtemps aient envie de le voir renvoyer en commission ?

Personne ne peut le nier : nous avons fait le maximum tant en quantité qu'en qualité de travail. Des améliorations sont encore nécessaires ? Eh bien, apportons-les en séance publique ! Retourner en commission n'apporterait rien de plus. Nous y avons déjà examiné de très nombreux amendements, et il n'est que temps de passer aux actes !

Cette demande de renvoi nous paraît donc inutile et même néfaste pour la cause que nous défendons.

Mme Claude Greff. Tout à fait !

Mme Muriel Marland-Militello. Il nous faut, au contraire, agir vite si l'on veut améliorer la condition des personnes qui ont un handicap. Or celles-ci n'attendent qu'une chose : que l'on débatte de ce texte en séance publique plutôt que de perdre son temps en vaines discussions sur des arguments cent fois entendus et qui ne font que retarder le débat sans l'enrichir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gérard Bapt. C'est vous qui le dites !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. André Chassaigne. Notre groupe s'associe bien entendu à la demande de renvoi en commission, mais je vous prie d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Daniel Paul. Mon collègue, qui a participé très activement à tous les travaux en commission, se trouve en effet retenu cet après-midi par la réunion du conseil municipal du Havre.

À notre avis, plusieurs points mériteraient d'être discutés de façon plus approfondie. L'un des plus importants parmi ceux qui pourraient justifier un renvoi en commission concerne la garantie de ressources donnée aux personnes handicapées. Pourquoi, madame la secrétaire d'État, avoir choisi de créer un complément spécifique de l'allocation aux adultes handicapés plutôt que d'augmenter celle-ci, comme le demandaient de nombreuses associations ? Cette question mériterait, je le répète, d'être approfondie en commission à la lumière des informations données ce matin même par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Je remarque d'abord que notre collègue de l'UDF a posé tout à l'heure des questions qui n'ont pas trouvé de réponse. Mais j'en reviens, après le groupe communiste, au cœur de notre débat.

Notre collègue de l'UMP semble considérer que le retour en commission ne permettrait pas d'enrichir le texte. Pourtant, le débat est loin d'être clos en matière de définitions.

Le politiquement correct n'est pas tout et moi-même, dans les conversations informelles, je parle comme d'autres des handicapés. Mais si l'on veut vraiment être précis, les mots, comme le rapporteur l'a souligné, ont leur importance. À cet égard, vous avez eu raison, madame la secrétaire d'État, de souligner qu'une personne handicapée ne se réduisait pas à son handicap. C'était un premier pas très important. Cependant, il est encore insuffisant. Le handicap et sa gravité se révèlent en effet selon la situation. C'est d'ailleurs pourquoi de nombreux pays prennent en compte l'interaction entre une certaine déficience et un environnement, et parlent de « situation de handicap ».

Prenons le cas, le plus douloureux peut-être, d'une personne handicapée mentale très lourde dont on pourrait penser - j'emploie volontairement le conditionnel - qu'elle n'a aucune conscience de son handicap. Comment agir vis-à-vis de cette personne sinon en essayant de créer une communication ? Ne fait-elle pas partie de la communauté humaine ? N'a-t-elle pas droit à une part de dignité ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Bien sûr !

M. Philippe Tourtelier. C'est bien la communication avec le reste de la communauté humaine qui crée la dignité de la personne, et ce rapport entre les deux est indissoluble.

Parler d'une « personne en situation de handicap », ne serait pas nier ses difficultés. Vous avez d'ailleurs eu raison, madame la secrétaire d'État, de faire référence, par rapport à l'autisme, à la déficience cognitive. Cette mention était très attendue.

Vous craignez une dérive qui consisterait à entériner la notion de handicap social. Mais il n'y a aucun risque. Parler de « personne en situation de handicap », traduit l'interaction - que Martine Carrillon-Couvreur a fort bien définie - entre l'environnement, notamment culturel, et la déficience physique, sensorielle ou mentale. Le champ est donc circonscrit et il y a là une occasion de faire évoluer les mentalités de nos contemporains.

Parler simplement de « personne handicapée », c'est prendre le risque de stigmatiser la personne - on l'a bien senti à propos de l'éventuelle stigmatisation de la mère qui serait responsable du handicap de son enfant. Au contraire, se référer à la « situation de handicap », c'est mettre en jeu notre responsabilité collective. On l'a bien vu à propos de l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées : la personne âgée n'a pas de raison de relever de la CNSA, sauf lorsqu'elle devient dépendante. Mais elle devient alors une personne âgée handicapée, car c'est bien la situation de dépendance qui la fait passer du statut de personne âgée à celui de personne handicapée.

On le voit, ne serait-ce que sur ce seul sujet, le débat n'est pas clos, et c'est pourquoi nous souhaitons le renvoi de ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

M. le président. Nous allons maintenant marquer une pause dans nos travaux.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion des articles

M. le président. J'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

Article 1er A

M. le président. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello, inscrite sur l'article.

Mme Muriel Marland-Militello. Monsieur le président, je comptais revenir à la question de la nouvelle appellation des personnes qui ont un handicap, mais comme Mme la secrétaire d'État m'a donné rendez-vous en 2005 pour y travailler, je suis d'accord pour renvoyer ce débat à l'année prochaine.

M. le président. Les amendements identiques, nos 240, 312, 428, 557 et 652, de suppression de l'article, ne sont pas défendus.

Je suis saisi de quatre amendements, nos 29, 433, 356 et 630, pouvant faire l'objet d'une discussion commune.

La parole est à M. Jean-François Chossy, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour soutenir l'amendement n° 29.

M. Jean-François Chossy, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Le Sénat a introduit l'article 1er A afin d'instaurer une parité dans la représentation des associations. Or cette mesure pose un problème quant à la représentativité.

Cet amendement vise à ce qu'un décret en Conseil d'État définisse les critères de représentativité des associations de personnes handicapées et de leurs familles, après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées. La commission a en effet considéré que ce dernier était le mieux à même de réfléchir à la question et de faire des propositions susceptibles d'éclairer utilement les rédacteurs des décrets.

Voté à l'unanimité par la commission, il n'affecte en rien la décision prise au Sénat. Il vient simplement la compléter et la rendre plus réaliste.

M. le président. L'amendement n° 433 est-il défendu ?

M. Ghislain Bray. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. François Liberti, pour soutenir l'amendement n° 356.

M. François Liberti. Le Sénat a souhaité distinguer les associations gestionnaires d'établissements médico-sociaux des associations non gestionnaires quant à la représentativité des personnes en situation de handicap et de leurs familles dans les instances qui émettent un avis ou adoptent des décisions concernant la politique en faveur des personnes handicapées. Or une telle mesure aurait des conséquences majeures à la fois pour l'organisation du mouvement associatif des personnes en situation de handicap et pour les instances concernées.

Nous souhaitons attirer l'attention sur le fait que certaines associations représentatives sont bien souvent, du fait de leur histoire et des politiques publiques, gestionnaires d'établissements et de services médico-sociaux, sans que cela remette en cause leur mission première de représentativité des personnes en situation de handicap.

Par ailleurs, l'expression « toutes les instances nationales ou territoriales qui émettent un avis ou adoptent des décisions concernant la politique en faveur des personnes handicapées » est, à notre sens, trop générale ; elle peut renvoyer à des instances plus larges, en dehors du domaine spécifique du handicap : CCAS, commissions d'accessibilité.

Aussi proposons-nous la rédaction suivante : « Les critères de représentativité des associations de personnes handicapées et de leurs familles, au sens de la présente loi, sont définis par décret. ». Notre préoccupation rejoint celle de la commission, dont nous soutenons l'amendement.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement n° 630.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Par cet amendement, le Gouvernement entend revenir sur la disposition adoptée par le Sénat car elle pose un problème de principe quant à la représentation des associations de personnes handicapées. On peut en effet s'interroger sur la nécessité d'opérer une distinction si radicale entre celles qui gèrent les établissements et les services et celles qui représenteraient exclusivement les intérêts des personnes handicapées et de leurs familles.

Cet article a suscité une vive émotion parmi les associations et je tiens à remercier M. le rapporteur d'y avoir été aussi attentif. Elles ne comprennent pas que soit ainsi gommée l'action qu'elles mènent depuis des décennies et qui caractérise le modèle français. C'est en effet un véritable bouleversement du paysage associatif qui résulterait de la mise en œuvre de cette disposition. En outre, elle ne pourrait que difficilement être appliquée dans un délai proche. La diversité des activités d'une association a plus d'une fois, par l'étendue des sujets couverts, permis des innovations en matière de prise en charge des personnes handicapées et de réponses à leur apporter.

C'est la raison pour laquelle je vous propose de modifier la disposition introduite par cet article ainsi que d'autres dispositions allant dans le même sens, à d'autres articles. Sans doute faut-il ménager un partage entre associations gestionnaires et autres associations, mais sans jamais exiger une stricte parité, ce qui irait à l'encontre de certains objectifs visés par le Sénat.

Afin de préparer le texte d'application, j'ai décidé de mettre en place un groupe de réflexion qui réunira les principaux partenaires associatifs, les représentants des ministères concernés et des personnalités qualifiées pour examiner les difficultés rencontrées, poser les principes à respecter et envisager des solutions, éventuellement à la lumière d'exemples étrangers.

C'est la raison pour laquelle je souhaiterais que le rapporteur accepte de retirer son amendement au profit de celui du Gouvernement, tout en soulignant la convergence de nos vues sur la question.

M. le président. Acceptez-vous de retirer l'amendement de la commission, monsieur le rapporteur ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Le rapporteur ne veut pas faire preuve d'entêtement, mais l'ensemble des membres de la commission a réfléchi, y compris au cours des auditions, à la meilleure solution pour éviter les malentendus ou le sentiment de défiance qu'a suscités l'amendement du Sénat. Il nous semble que renvoyer au décret la définition de la représentativité est une bonne formule.

Il nous paraît également opportun que ce décret soit pris après avis du CNCPH. Si vous nous dites, madame la secrétaire d'État, qu'une réflexion va s'engager, celle-ci ne pourra pas faire l'économie de la question de la représentativité.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. C'est fondamental.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. En l'état actuel des choses, la situation me paraît inextricable d'un point de vue mathématique. J'espère que le groupe de travail que vous allez mettre en place et au sein duquel je souhaite que la commission soit représentée permettra d'avancer dans le bon sens. À cette condition, je retire l'amendement, mais je le fais douloureusement, car je suis rapporteur d'une commission qui s'est prononcée unanimement.

M. le président. L'amendement n° 29 est retiré.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je préfère la rédaction adoptée par la commission à celle que propose le Gouvernement, qui me gêne un peu. Il est important d'insister sur la nécessaire présence d'associations non gestionnaires, mais le Sénat l'a fait en opposant les deux types d'association, ce qui risque d'engendrer une situation un peu hypocrite, les associations gestionnaires étant poussées à créer de pseudo associations non gestionnaires.

En tout état de cause, les deux amendements de la commission me semblent plus clairs que celui du Gouvernement, car ils supposent un consensus plus large entre les associations, qu'elles soient gestionnaires ou non gestionnaires, pour désigner leurs représentants.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon. Ce qui me gêne, madame la secrétaire d'État, dans l'amendement du Gouvernement, c'est l'expression : « le cas échéant, sur désignation du conseil départemental ». Pourquoi ce dernier ne serait-il pas consulté systématiquement ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Je souhaiterais, madame la secrétaire d'État, que vous nous apportiez des éclaircissements et que vous reformuliez peut-être l'amendement du Gouvernement. En effet, celui-ci dispose : « Les représentants des personnes handicapées sont nommés sur proposition [...] ou, le cas échéant, sur désignation [...] ». Or il me paraît difficile d'être à la fois nommé et désigné. C'est un détail, mais il a son importance.

Mme Muriel Marland-Militello. Vous avez raison !

M. le président. Je comprends que la réflexion de chacun puisse évoluer au cours du débat, mais je souhaite, pour la qualité de nos travaux, que les positions des uns et des autres soient claires.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. J'entends votre remarque, monsieur le président, et je la prends en compte, mais l'amendement dont nous discutons a suscité dans le monde associatif une réaction dont nous devons absolument tenir compte. Des ajustements sont encore nécessaires car le débat sur la représentativité des associations est très important.

Madame Mignon, si nous avons précisé que les représentants des personnes handicapées étaient nommés, « le cas échéant », sur désignation par le conseil départemental consultatif des personnes handicapées, c'est parce qu'il existe deux cas de figure : celui où l'association désigne elle-même ses représentants selon sa logique et celui où le CDCPH peut être amené à procéder à cette désignation si - pour une raison qui tient au fait que nous n'avons pas encore entamé notre réflexion sur la représentativité - cette désignation n'émane pas spontanément de l'association. Je souhaite donc que l'on maintienne « le cas échéant ».

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, je souscris à votre proposition. Il me paraît en effet préférable de remplacer le mot : « désignés » par le mot : « nommés ».

M. le président. Il me semble qu'il s'agit plutôt de remplacer « nommés » par « désignés », madame la secrétaire d'État.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Je crois avoir démontré que j'étais pleinement d'accord avec vous, madame la secrétaire d'État, mais si l'on remplace « nommés » par « désignés », la formulation sera redondante. Je souhaite donc que vous nous proposiez une autre rédaction.

M. le président. Monsieur le rapporteur, vous avez accepté de retirer l'amendement n° 29 au profit de l'amendement n° 630 du Gouvernement. Restons-en là. Il y a 800 amendements à examiner.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je tiens à préciser que le rapporteur découvre l'amendement du Gouvernement, qui n'a pas été examiné par la commission.

M. le président. Je comprends la difficulté de la tâche, mais ce texte important doit faire l'objet d'un travail de qualité. L'heure est venue de trancher.

Je rappelle que l'amendement n° 29 a été retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 356.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 630.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 30 rectifié de la commission.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Comme Mme la secrétaire d'État nous a assuré que nous serions plus largement associés à la réflexion, je retire l'amendement n° 30 rectifié. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. L'amendement n° 30 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er A, modifié par l'amendement n° 630.

(L'article 1er A, ainsi modifié, est adopté.)

M. François Liberti. Si c'est comme ça qu'on entend améliorer le texte, ça commence mal !

Après l'article 1er A

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 31 de la commission.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Cet amendement vise à codifier une disposition concernant le Conseil national consultatif des personnes handicapées. Nous savons dans quelles conditions travaille ce conseil, qui a le mérite d'éclairer nos débats et, souvent, les orientations du Gouvernement. Il convient donc de lui donner davantage de consistance et de moyens, afin qu'il puisse travailler plus et mieux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Il est tout à fait légitime d'insister sur le rôle du CNCPH et sur la nécessité de renforcer ses moyens. Depuis plusieurs mois, j'ai pu constater, à l'occasion de consultations régulières, la qualité et la densité de son travail, ainsi que ses besoins matériels. Des moyens doivent donc absolument être fournis à ce conseil si nous voulons qu'il puisse continuer dans cette voie. Je sais combien vous êtes attentif à cette question, monsieur le rapporteur et, sur ce point, vous avez été entendu.

J'aurai en effet l'occasion, en 2005, d'apporter au CNCPH des moyens supplémentaires dans le cadre d'une nouvelle organisation, qui est déjà largement présente dans nos réflexions puisque le conseil a informé mon secrétariat d'État de ces problèmes techniques incontournables. Mais le dispositif est déjà inséré dans le présent projet de loi à l'article 26, qui a été adopté par les deux assemblées, en particulier au I bis, qui introduit les dispositions du III de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. C'est la raison pour laquelle je vous demande de retirer cet amendement, qui est satisfait tant dans son esprit, compte tenu de l'article 26, qu'en ce qui concerne les moyens qui seront accordés au CNCPH.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Une fois encore, je me range à l'avis de Mme la secrétaire d'État, mais je ne voudrais pas être amené à retirer chacun des amendements qui ont été étudiés par la commission, laquelle a réfléchi et tenté de trouver des solutions, notamment pour que le Conseil national consultatif des personnes handicapées fonctionne mieux. Cela dit, compte tenu des engagements que vous avez pris, madame la secrétaire d'État, et dont je sais que vous les tiendrez, je retire cet amendement, ainsi que le suivant, qui allait de pair avec l'amendement n° 31.

M. le président. L'amendement n° 31 est retiré, ainsi que l'amendement n° 32.

Je suis saisi d'un amendement n° 533.

La parole est à Mme Hélène Mignon, pour le soutenir.

Mme Hélène Mignon. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 533.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er bis A

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, inscrit sur l'article.

M. André Chassaigne. Je tiens à défendre une fois encore une définition du handicap conforme aux recommandations internationales. Limiter le handicap à la seule déficience, autrement dit à l'altération d'une fonction physique, mentale, sensorielle ou psychique, est une conception archaïque et non fondée sur le plan scientifique.

En reprenant a minima la définition de la classification internationale du handicap, le Gouvernement veut faire admettre que le handicap est consubstantiel à la personne. Or, et le titre du projet de loi le prouve, le regard s'est déplacé vers les difficultés que rencontrent les personnes handicapées dans leur participation à la vie sociale et vers le rôle que l'environnement peut jouer dans l'aggravation ou l'atténuation de ces difficultés. Si l'on admet que, au-delà des personnes dites handicapées en raison de leur déficience, c'est la société qui est foncièrement handicapante, il apparaît absolument essentiel d'éliminer les facteurs sociaux et environnementaux qui s'opposent à la pleine participation des personnes handicapées, ou alors on risque d'échouer. C'est pourquoi l'expression « personnes en situation de handicap », qui exprime plus nettement l'interaction entre les facteurs individuels et les facteurs sociaux, culturels et environnementaux, apparaît préférable à celle de « personnes handicapées ».

En défendant avec véhémence cette définition opérationnelle, nous ne jouons pas avec les mots, madame la secrétaire d'État : le handicap n'est pas un état, c'est un résultat.

M. le président. L'amendement n° 558 n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 33 de la commission.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Cet amendement nous permet de resserrer le texte. En effet, l'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté trois dispositifs qui ont le même objet. L'article 1er bis met en place une conférence triennale sur la politique concernant les personnes handicapées. L'article 51 impose au Gouvernement de remettre tous les trois ans un rapport sur la politique concernant le handicap. Enfin, l'article 1er ter crée l'observatoire national sur la formation, la recherche et l'innovation, qui établit également un rapport triennal.

Il s'agit donc de relier le rapport triennal prévu à l'article 51 à l'organisation de la conférence nationale triennale prévue à l'article 1er bis. Les rapports seront remis tous les trois ans à compter du 1er janvier 2006. Cette explication vaut pour les amendements suivants.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Favorable.

Une telle harmonisation entre la date de la conférence nationale du handicap et celle du rapport que le Gouvernement rendra au Parlement est judicieuse.

Il sera toutefois utile, monsieur le rapporteur, de travailler sur les conséquences en termes de méthode que ce rapprochement induira, afin de permettre à la dynamique ainsi mise en place de développer tous ses effets.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 34 a été défendu.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 474.

La parole est à Mme Marie-Renée Oget, pour le soutenir.

Mme Marie-Renée Oget. Il s'agit d'un amendement de précision par lequel nous demandons que la conférence nationale du handicap traite des questions d'emploi et de ressources des personnes en situation de handicap. L'amendement n° 473 que je défendrai par la même occasion, si vous le permettez, monsieur le président, ajoute les questions liées au polyhandicap.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 474 et 473 ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Défavorable pour les deux amendements.

Ces précisions sont inutiles. L'article évoque la politique en général. On ne peut énumérer tous les domaines d'application sans courir le risque d'en omettre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Défavorable pour les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 474.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 473.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 35.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. L'amendement n° 35 vise à compléter les amendements nos 33 et 34. Il prévoit qu'« à l'issue des travaux de la conférence nationale du handicap, le Gouvernement dépose sur les bureaux des assemblées parlementaires, après avoir recueilli l'avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées, un rapport [...] ».

Il s'agit, là encore, de regrouper les articles 51 et 1er bis A.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Favorable.

Il conviendra - je le répète - de veiller à la méthode de travail, compte tenu de l'évolution induite par l'adoption de ces dispositions.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis A, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er bis A, ainsi modifié, est adopté.)

Article 1er bis

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 772.

La parole est à M. Jean-Marie Geveaux, pour le soutenir.

M. Jean-Marie Geveaux. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 772.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 793.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 793.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 36.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 37.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Cet amendement vise à compléter par une nouvelle disposition l'énumération, déjà assez longue, je le reconnais, relative à la recherche. Il convient de se préoccuper de l'esthétique et de l'ergonomie de l'environnement des personnes handicapées. À ce titre, la politique de prévention du handicap doit comporter des actions apportant aux personnes concernées le meilleur confort de vie, au travers de la définition d'un «design pour tous ».

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Favorable.

M. le rapporteur vient d'ajouter une notion réellement importante.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 454 n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 38.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 794.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 794.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er bis, ainsi modifié, est adopté.)

Article 1er ter A

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à M. Jean-Paul Garraud.

M. Jean-Paul Garraud. L'article 1er ter A, qui a été introduit par le Sénat - il ne fait pas partie de la rédaction initiale du projet de loi -, a été rejeté par la commission.

Cet article vise à faire figurer sur les bouteilles d'alcool des messages d'alerte à l'adresse des femmes enceintes. Une telle disposition n'a évidemment pas sa place dans le projet de loi qui nous occupe aujourd'hui. Je tiens d'ailleurs à saluer l'action de Mme la ministre en faveur des droits des personnes handicapées. Je sais combien celles qui nous écoutent actuellement sont sensibilisées sur ce sujet et c'est pourquoi je me sens un peu gêné d'avoir à évoquer une disposition visant à faire figurer des étiquettes sur des bouteilles !

Nous aurions pu aborder ce sujet à d'autres occasions, notamment lors de l'examen de la loi sur la santé publique ou lors du débat sur la modification de la loi Évin. Nous ne l'avons pas fait et nous voici contraints, au détour d'un amendement sénatorial, d'évoquer cette disposition alors même que, comme l'a récemment rappelé le Premier ministre, un conseil de la modération, qui réunira des sages sur la question de l'alcoolisme, doit se mettre en place courant janvier. Il serait opportun d'attendre la décision des sages avant de trancher sur une mesure qui reste très controversée, puisque, je le répète, la commission a repoussé cet article.

Il est compréhensible que l'on cherche à prévenir les femmes enceintes contre une consommation excessive d'alcool. Mais s'il convient de faire figurer des messages d'alerte sur des produits dont la consommation excessive peut entraîner des répercussions sur la santé des femmes enceintes, on pourra le faire également sur bien d'autres, puisque l'excès en toute chose est mauvais : une consommation excessive de sel, de beurre, voire de lait, comme j'ai pu le lire récemment,...

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Il ne faut pas exagérer !

M. Jean-Paul Garraud. ...est dangereuse pour la santé publique, a fortiori pour les femmes enceintes.

C'est la raison pour laquelle je tenais à intervenir sur ce sujet : non seulement, je le répète, cet article n'a pas sa place dans le présent projet de loi mais, de plus, sur le plan médical, la question n'est pas encore tranchée. Des médecins soutiennent qu'une consommation modérée de vin n'est pas nocive. Il serait d'ailleurs souhaitable de ne pas faire l'amalgame entre l'alcool et le vin. Évoquer l'histoire du vin à travers les siècles, c'est évoquer non seulement l'histoire de la France, mais également celle d'un grand nombre de pays. Le vin était même prôné à la Libération par les instances médicales et la viticulture a largement contribué à la reconstruction du pays. Et ce n'est pas la présence d'une étiquette qui modifiera le comportement des femmes enceintes qui font un usage immodéré de l'alcool.

Pensons également aux vignerons, qui sont passionnés par leur métier - et qui sont également des gens passionnants. Ce qui leur fait le plus de mal, au-delà de difficultés économiques réelles, c'est l'incompréhension qu'ils rencontrent de la part des pouvoirs publics. Les viticulteurs sont aujourd'hui suspectés de fabriquer un produit toxique pour la santé publique. Une telle déconsidération les fait d'autant plus souffrir qu'elle n'est pas justifiée : lors des derniers entretiens de Bichat, un grand nombre d'éminents professeurs ont souligné qu'une consommation modérée de vin pouvait être bonne pour la santé. Ce n'est pas le moment de prendre la défense du vin, monsieur le ministre, mais c'est l'amendement sénatorial, qui a créé l'article en discussion, qui m'y contraint.

Pour trancher la question, attendons un autre débat et surtout les conclusions des sages que le Premier ministre réunira bientôt au sein du conseil de la modération.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je souhaiterais lever une ambiguïté. En commission, j'ai présenté un amendement de suppression de cet article, bien que je sois en accord sur le fond avec nos collègues sénateurs, contrairement à l'orateur précédent.

Je me suis déjà battue dans cet hémicycle sur la question de la lutte contre l'alcoolisme, sans pour autant remettre en cause le travail fantastique fourni par les vignerons. Mais l'alcool peut avoir des conséquences préjudiciables à la santé, notamment des femmes enceintes. Toutes les études le montrent et nul ne saurait prétendre le contraire. Il convient de le reconnaître et de prendre les dispositions nécessaires en vue d'inciter les femmes enceintes à limiter leur consommation d'alcool.

Je regrette que ni la loi de santé publique ni celle portant réforme de l'assurance maladie n'aient abordé ce sujet. Le Gouvernement devrait faire preuve de plus de fermeté à cet égard et ne pas donner l'impression d'un flottement. Si je me retrouve cosignataire d'amendements dont je désapprouve l'exposé des motifs, c'est non seulement parce que je n'ai pas suffisamment fait attention - je le reconnais volontiers -, mais également parce que j'ai été choquée qu'on utilise ce projet de loi pour adopter des amendements qui auraient dû être discutés dans un autre cadre. Il en est de même d'un amendement sur le temps de travail, qui viendra plus tard en discussion.

Il est choquant de prétendre que la consommation d'alcool n'a aucune conséquence sur la santé des femmes enceintes et de défendre la place du vin dans la culture nationale pour mieux se pencher sur les seules difficultés économiques des vignerons.

M. Jean-Paul Garraud. Ce n'est pas ce que j'ai dit ! Vous caricaturez mes propos !

Mme Martine Billard. Il y a des limites à ne pas dépasser ! À ce compte-là, il faudrait également supprimer les messages d'alerte sur les paquets de cigarettes. Je me retrouve donc en porte-à-faux : favorable sur le fond à l'amendement sénatorial, je m'opposais à ce qu'une telle disposition soit adoptée à l'occasion de ce projet de loi.

Mais puisque nous voici de nouveau confrontés au lobby de ceux qui entendent lutter contre les mesures de santé publique relatives à l'alcool, je me trouve dans l'obligation de soutenir la mesure adoptée au Sénat au travers de l'article 1er ter A, même si - je le répète, monsieur le ministre - je continue de regretter que vous n'ayez pas eu le courage de l'inscrire dans l'une des lois précédentes.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon. Quand cet article est venu en discussion, j'avoue ne pas y avoir été favorable, pensant qu'il n'avait pas sa place dans ce projet de loi. C'est toujours mon opinion mais, étant donné que cette mesure n'a été abordée et acceptée nulle part ailleurs, et sachant les dégâts que l'alcoolisme peut provoquer, non pas forcément sur la femme enceinte, mais sur l'enfant à venir, il serait coupable et irresponsable de ne pas voter un article qui s'avère indispensable. Je reconnais avoir commis une erreur d'appréciation en commission, croyant retrouver cette mesure ailleurs. Le problème n'est pas de savoir s'il faut ou non faire l'apologie des viticulteurs : nous posons ici une question fondamentale, celle des enfants à venir.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Il eût été en effet préférable que le Sénat adoptât cette disposition lors de la discussion du projet de loi relatif à la politique de santé publique : une sénatrice l'avait alors proposée, mais elle avait essuyé un refus du Gouvernement. Depuis, des études incontestables sont parues, montrant que certains handicaps à la naissance sont dus à l'imprégnation alcoolique in utero. Ces faits ne sauraient être mêlés à des considérations économiques sur tel ou tel secteur d'activité. J'ai le plus grand respect pour le secteur viticole, qui a fait de gros efforts pour la qualité et qui inscrit partout, au demeurant, qu'il faut consommer ses produits avec modération. Nonobstant cet aspect, donc, je pense que le danger que représente l'imprégnation alcoolique pendant la grossesse doit être mis en exergue, et M. le ministre de la santé lui-même s'en est inquiété récemment.

Dans l'exposé sommaire de l'amendement de suppression présenté par M. le rapporteur, il est affirmé que « l'information sur les comportements à risque au cours de la grossesse est déjà diffusée par tous les acteurs de la santé ». C'est faux. Le risque est encore méconnu par trop d'acteurs de la santé, et il est de toute façon largement ignoré par la population. J'ai apporté ici une brochure très bien argumentée visant à « l'information sur les drogues pour mieux en connaître les dangers », élaborée par l'association France sans drogue. La page consacrée à l'alcool énumère un certain nombre de dangers, mais à aucun moment n'apparaît le risque que présente la consommation pendant la grossesse. J'ai aussi apporté un petit papillon publicitaire diffusé par une grande marque de champagne...

M. François Vannson. Laquelle ?

M. Gérard Bapt. Je ne puis le dire publiquement, mon cher collègue, je vous livrerai l'information à l'occasion d'une suspension de séance.

Ce papillon indique que la consommation d'alcool présente des risques certains pour la femme enceinte et doit être évitée. Mais un tel support ne peut toucher un large public. On ne pourra le trouver qu'en assistant aux réunions des associations de prévention, ce qui suppose que l'on est déjà largement informé.

Dès lors, pourquoi ne pas vouloir que l'information soit portée sur les étiquettes ? On pourra objecter qu'elle ne figurerait pas sur les autres alcools, mais c'est la consommation de vin qui est la plus courante, et c'est donc par ce moyen qu'on obtiendra la plus large diffusion.

Pour conclure, je souhaiterais élargir la question : ne pas adopter cet article reviendrait à contester l'indication « Fumer tue » sur les paquets de cigarettes, voire à se refuser à toute diffusion de messages d'alerte sur des consommations à risque. La mesure aurait pu s'inscrire dans d'autres textes mieux adaptés mais, comme il est prouvé que certain handicaps chez le nouveau-né sont provoqués par ce comportement à risque, il me semble opportun, monsieur le ministre, que vous rejetiez l'amendement de suppression.

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de renforcer l'information sur les comportements à risque au cours de la grossesse. Les acteurs de la santé, médecins, infirmières, sages-femmes, gynécologues, centres de soin, etc., s'y emploient déjà. Faut-il inscrire cette mesure dans un projet de loi consacré aux personnes handicapées ? Je suis très sceptique. Reportons-nous à ce qui est dit dans l'article : « Toutes les unités de conditionnement des boissons alcoolisées portent, dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la santé, un message à caractère sanitaire préconisant l'absence de consommation d'alcool par les femmes enceintes. » Mais toutes les femmes enceintes ne sont pas censées avoir une bouteille d'alcool à la main pour y lire un tel message...

Au fond, en essaie d'introduire dans ce texte une disposition qu'on a voulu faire figurer, en vain, dans un autre texte. Il y a vraiment lieu de s'interroger sur cette méthode et sur son efficacité !

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. Le débat est difficile. Nous avons un certain nombre de certitudes, dont celle de la neurotoxicité de l'alcool, en particulier chez la femme. À l'instar de Mme Billard, je suis favorable au principe d'un conseil fort adressé à la femme enceinte. Si j'ai cosigné l'amendement de suppression de l'article, c'était pour signifier qu'il est impératif de développer une vraie politique de prévention de l'alcoolisme. En ciblant une catégorie de la population, on a l'air de dire que l'alcool n'est dangereux que pour la femme enceinte ; il serait d'ailleurs plus précis d'affirmer que c'est le fœtus qui est exposé. Il y a en outre un risque de stigmatisation : si cet enfant est handicapé, peut-être est-ce parce que sa mère a bu... Nous sommes alors renvoyés au problème du regard de l'autre, développé par Mme Marland-Militello.

Cet article n'est pas dérangeant sur le fond, mais il l'est dans le cadre de cette loi. Mettra-t-on un jour en œuvre une vraie politique de prévention de l'alcoolisme, monsieur le ministre ? Vous savez comme nous tous que la loi relative à la politique de santé publique ne le permet pas vraiment. Cependant, à défaut d'un engagement fort de votre part, il est préférable de maintenir cet article.

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff.

Mme Claude Greff. Le débat est important. Il est de notre devoir de préserver la santé de la femme enceinte et de son bébé. C'est là un impératif de santé publique.

Cependant, en tant qu'infirmière, je ne trouve pas opportun de placer un message d'éducation à la santé sur un support tel qu'une étiquette.

M. Gérard Bapt. « En tant qu'infirmière », dites-vous ? Il fallait oser !

Mme Claude Greff. Une étiquette n'est pas une notice de médicament ! En outre, il faudra bien cesser un jour de vouloir tout réglementer et tout inscrire. Mieux vaut faire appel, tout simplement, à la responsabilité et au bon sens de chacun.

M. Gérard Bapt. Allons donc !

Mme Hélène Mignon. Le bon sens n'est malheureusement pas la chose du monde la mieux partagée !

Mme Claude Greff. Sur une étiquette, un message de cette sorte sera vu souvent, et l'on finira par ne plus y prêter attention, comme c'est le cas pour tout ce que l'on a régulièrement sous les yeux.

Mme Martine Billard. Avec un tel raisonnement, il faut supprimer l'inscription « Fumer tue » !

Mme Claude Greff. De plus, nous sommes tous à même de parler, d'éduquer et d'informer. Au message écrit, je préfère un message oral, un message humain. De nombreuses choses sont réalisées aujourd'hui en matière de prévention et d'éducation, et ce par tous les acteurs de la société.

Mme Marie-Renée Oget. Ce n'est pas suffisant !

Mme Claude Greff. C'est d'abord à la famille qu'il appartient de dire que l'on ne doit pas boire d'alcool lorsque l'on est enceinte. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Bapt. Ce que vous dites est déshonorant !

Mme Claude Greff. Et ce qui est du devoir des parents, des grands-parents, du conjoint, l'est aussi des collègues et, plus généralement, de la société. J'ai eu la chance d'être infirmière scolaire et sais tout le travail que ces personnels accomplissent pour délivrer un message d'éducation et de prévention aux enfants. Si l'on veut que le message soit compris par les adultes, c'est dès le début de la vie qu'il faut commencer à informer. Il ne faut pas attendre que la femme soit déjà enceinte !

M. Gérard Bapt. Quel prêchi-prêcha !

Mme Claude Greff. Du reste, chacun sait que ce message de bon sens est aujourd'hui fort bien diffusé par l'ensemble du corps médical et paramédical. Je pense aux centres de soins et aux maternités, où les sages-femmes et l'ensemble du personnel sont à même d'expliquer que la consommation d'alcool est néfaste pendant la période de gestation. Les services sociaux accomplissent le même travail. Enfin, les moyens de communication actuels permettent aux pouvoirs publics, dont le rôle est essentiel, de diffuser ce message d'éducation et de prévention. Songeons aussi aux livres ou aux revues que consultent régulièrement les femmes enceintes.

En apposant le message sur une étiquette de bouteille de vin, on ne fait que délivrer une information, sans donner la connaissance du problème. Une information sur une bouteille ne sera jamais complète, ce qui ne manquera pas de provoquer deux comportements : celles qui ne se sentent pas concernées vont s'en moquer, et d'autres, au contraire, risquent d'en être culpabilisées. Mieux vaut donc développer la prise de conscience des risques et faire comprendre que, dans cette période transitoire de la vie que l'on appelle la grossesse, il ne faut pas boire d'alcool.

N'oublions pas qu'être enceinte est un état temporaire dans la vie d'une femme, et nullement une maladie. Aujourd'hui, ce message doit être clair et précis.

J'irai même plus loin, monsieur le ministre : d'autres aliments peuvent être nocifs pour une femme enceinte. Je pense au risque de toxoplasmose que peut faire courir la consommation de charcuterie. Ne faudrait-il pas, dès lors, en avertir les femmes enceintes en étiquetant toute charcuterie ?

M. Jean-Paul Garraud. Tout à fait !

Mme Claude Greff. Appliquant le même principe, il faudrait prévoir également un message à l'intention des diabétiques, des cardiaques ou de ceux qui ont du cholestérol. Le message risque du coup de ne pas être clair. Or ce qu'il faut, c'est être très clair...

Mme Hélène Mignon. Vous, vous ne l'êtes pas !

Mme Claude Greff. ...et pour cela, il faut insister sur la prévention et l'éducation.

Il faut également responsabiliser les gens. Or vouloir tout écrire aboutit à l'inverse : on pense qu'ils ne sont pas capables de comprendre. Ce message sur les bouteilles ne touchera pas ceux qui consomment au verre dans un bar ou qui achètent du vin par cubitainers. L'alcool est aussi vendu sous ces formes.

Il faut que nous réitérions notre objectif qui est d'informer, sensibiliser les personnes concernant la consommation d'alcool et, surtout, toucher et protéger celles et ceux qui ont une consommation excessive et inopportune, comme c'est le cas des femmes enceintes.

Préservons avant tout le message humain, les relations soignants-soignés et l'éducation du bon sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello.

Mme Muriel Marland-Militello. J'avais cosigné l'amendement de suppression de l'article introduit par le Sénat parce que, tout en étant d'accord, en conscience, avec l'esprit de ce dernier, j'avais le sentiment qu'il n'avait pas sa place dans un projet de loi sur le handicap. Finalement, le fait de le trouver dérangeant dans ce texte m'apparaît un peu sophistiqué et même relever de l'artifice de procédure étant donné que nous sommes tout d'accord sur sa finalité, qui est de mettre en garde contre les dangers de l'alcool.

J'ajoute à l'intention de mon amie Claude Greff que les personnes en danger d'alcoolisme sont celles qui achètent un litre de rouge pour le boire chez elles ; elles ne le boivent pas au verre dans un bar.

Je me suis renseignée auprès de médecins : il existe incontestablement un lien entre la naissance d'enfants porteurs de handicaps et l'abus de consommation d'alcool. D'ailleurs, il m'aurait paru approprié de faire figurer le mot « abus » dans l'article et je soumets donc cette proposition à la commission et au Gouvernement.

Il n'y a pas lieu d'opposer les différentes sources d'information entre elles. Toute information, tout message, toute publicité, si je puis dire, sur les dangers de l'alcool est utile. Aux concepteurs des affiches de les faire moins disgracieuses car, finalement, là est peut-être tout le problème.

Si je suis revenue sur ma décision de cosigner l'amendement de suppression, c'est parce que je pense que, avec cet article, nous allons toucher une population plus large, englobant, notamment, celle qui consomme bouteille sur bouteille, qui ne va pas forcément chez le médecin ou chez l'infirmière et n'a pas d'autres modes d'information.

À quoi sert la loi sinon à protéger les gens qui, faute d'éducation, ne savent pas se protéger eux-mêmes ni même leurs proches et leurs enfants ?

M. Gérard Bapt. Très bien !

Mme Muriel Marland-Militello. Voilà pourquoi je demande le maintien de cet article.

M. le président. La parole est à M. Philippe-Armand Martin.

M. Philippe-Armand Martin. Nous sommes tous conscients des problèmes liés à l'alcool, qu'il soit pris en excès ou, pour certaines personnes comme les femmes enceintes, en quantités limitées. Nous sommes tous conscients également de la nécessité de prendre des mesures. Mais elles doivent l'être dans un texte de loi qui ne se trompe pas de cible.

Tel qu'il est proposé, cet article aura pour effet de nuire à toute une profession, et même à toute la société en s'attaquant à l'image d'un produit qui fait la fierté de la France,...

Plusieurs députés socialistes. Scandaleux !

M. Philippe-Armand Martin. ...sans pour autant régler les problèmes liés à l'alcool.

C'est pourquoi nous avions préconisé, dans le Livre blanc que nous avons rédigé à la demande du Premier ministre, de créer un conseil de la modération, un conseil dit des sages, afin de nous doter des moyens de sensibiliser et d'informer sur les dangers d'une consommation excessive d'alcool, ou même limitée dans le cas des femmes enceintes. Comme l'a indiqué M. Garraud, ce conseil doit voir le jour en janvier. Il nous permettra de trouver des solutions dans un cadre qui nous satisfasse tous, afin de respecter l'équilibre indispensable entre les impératifs de la santé publique et la place du vin dans la société.

M. Gérard Bapt. Nous en sommes à la troisième tentative, après le texte sur la santé publique et le projet de loi de financement de la sécurité sociale !

M. Philippe-Armand Martin. De grâce, n'essayons pas aujourd'hui de nous donner une fausse bonne conscience en maintenant un article qui sera source de nombreuses nuisances. C'est la porte ouverte à tout, sans pour autant régler les problèmes de santé.

Je dis oui à des mesures contre l'alcoolisme, mais non au moyen proposé ici.

M. Philippe Tourtelier. C'est se rendre coupable de non-assistance à personne en danger !

M. Gérard Bapt. Il y a 7 000 enfants par an qui naissent handicapés à cause de l'alcool !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Après avoir entendu les positions des uns et des autres, je tiens à rappeler quelques points techniques.

Premièrement, nous avons assisté en commission à un mouvement d'humeur des députés - je parle sous le contrôle de M. le rapporteur - qui trouvaient que l'article ajouté par le Sénat n'avait pas sa place dans un projet sur le handicap, mais plutôt dans la loi de santé publique ou celle de financement de la sécurité sociale.

Mme Claude Greff. Tout à fait !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je fais toutefois observer que les amendements sur le sujet ne sont pas passés lorsqu'ils ont été présentés dans le cadre de ces deux textes.

M. Gérard Bapt. Eh oui !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je fais également remarquer que nous ne parlons pas ici d'adultes ou d'adolescents exposés à un risque mais de fœtus, par définition incapables de prendre une décision par eux-mêmes, que leurs mères, en buvant, imbibent d'alcool, ce qui nous ramène au texte sur le handicap.

Deuxièmement, relisons l'article 1er ter A : « Toutes les unités de conditionnement des boissons alcoolisées portent, dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la santé, un message à caractère sanitaire préconisant l'absence de consommation d'alcool par les femmes enceintes. »

Le fait que le message soit rédigé « dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la santé » signifie, dans mon esprit, qu'il peut être discret.

Mme Hélène Mignon. Pas trop quand même !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Ciblé sur la femme enceinte mais discret sur les autres aspects de l'alcool !

De plus, le verbe « préconiser » est employé dans le sens de « suggérer ».

Troisièmement, Claude Leteurtre et Gérard Bapt ont avancé des arguments médicaux. J'ai moi-même approfondi la question ces derniers jours.

Je me suis tout d'abord demandé pourquoi un amendement avait été déposé au Sénat pour introduire cet article. La réponse est claire : le grand public, comme bon nombre d'entre nous d'ailleurs, ne connaît pas les effets de l'alcool sur le fœtus.

M. Gérard Bapt et Mme Hélène Mignon. Tout à fait !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Or l'absorption d'alcool durant la grossesse entraîne des séquelles neurologiques et comportementales définitives chez l'enfant à naître !

Mme Claude Greff. Il faut le dire !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Étant moi-même médecin, j'ai cherché des informations sur le sujet. J'en ai trouvé très peu : des articles étrangers, une relation de l'Académie nationale de médecine et quelques articles de spécialistes sur le syndrome d'alcoolisation fœtale - le SAF - que je ne connaissais pas il y a peu encore. Je me suis renseigné sur sa fréquence. Les chiffres sont très surprenants puisqu'ils indiquent une fourchette de 1 000 à 7 000 naissances par an d'enfants handicapés définitivement du fait de l'absorption d'alcool par leur mère pendant la grossesse, que la consommation soit exceptionnelle ou régulière.

Autre information importante : le SAF est un handicap beaucoup plus fréquent que la trisomie 21. Or, à la différence de celle-ci, il est évitable si la mère ne consomme pas d'alcool.

J'ai poussé un peu plus loin mes investigations pour essayer de comprendre le processus. Sans entrer dans le détail, j'indiquerai simplement que l'alcool est une petite molécule qui franchit facilement la barrière placentaire. Sa concentration dans les tissus fœtaux et dans le liquide amniotique est alors la même que dans les tissus de la mère. Mais, le foie du fœtus ne métabolisant pas l'alcool, c'est de l'alcool à forte concentration qui est mis en contact des tissus neurologiques en pleine maturation du fœtus. Je ne cherche pas à faire un exposé scientifique complet, je ne fais que schématiser. Mais quand on connaît le nombre de grammes d'alcool contenus dans un litre de vin à 12°, on imagine sans peine la toxicité de celui-ci pour les cellules neurologiques du fœtus. Quels sont les résultats ? Souvent un accouchement prématuré, des troubles du développement se manifestant par un retard de croissance et de prise de poids, un aspect chétif, des malformations typiques de la boîte crânienne. On note également des malformations cardiaques, rénales ou osseuses qui, elles aussi, sont définitives. Enfin, il en résulte surtout des troubles neuro-comportementaux ainsi que des troubles de l'attention et de l'apprentissage, dont les conséquences sont l'échec scolaire et des problèmes d'insertion à tous les niveaux.

Il me semble donc que cet article a bien sa place dans un texte sur le handicap et qu'il l'a d'autant plus que ce handicap peut être prévenu si la mère ne consomme pas d'alcool pendant la grossesse, que la consommation soit, je le répète, exceptionnelle ou régulière. La santé de 4 000 enfants en moyenne par an est en jeu. C'est pourquoi nous devons, en tant que représentants de la nation, prendre nos responsabilités. Il importe que les femmes enceintes soient informées.

Je comprends les réticences de Claude Greff quant au mode d'information proposé et à son impact. Je précise que ce moyen viendra en complément. Il touchera une catégorie de population qui ne connaît rien des risques encourus. Interpellée par ce signe, elle pourra être incitée à se renseigner et à se documenter.

Je le répète : il ne s'agit pas ici de nuire à la viticulture mais d'éviter que des enfants naissent avec un handicap qui peut être évité.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Bravo !

M. Claude Leteurtre. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. En tant que rapporteur, j'assume l'adoption par la commission de l'amendement de suppression mais, à titre personnel, je suis tout à fait opposé à la suppression de cet article pour les raisons exposées par le président de la commission : il a fourni tous les éléments nécessaires à notre réflexion. Ne perdons pas de temps pour agir. Il faut donner des signes et donc maintenir l'article introduit par le Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff.

Mme Claude Greff. J'ai bien compris toutes les explications qui ont été données et je suis pleinement consciente du problème puisque ce message, je le diffuse chaque fois que je le peux. Mais je suis convaincue que l'information que vous voulez donner sous la forme d'une étiquette sur les bouteilles ne sera pas suffisante. J'ai peur que la population n'aille pas au-delà et ne cherche pas à avoir plus d'explications.

J'ai bien compris, monsieur le président de la commission, que vous souhaitiez que d'autres éléments viennent s'ajouter à cette information mais j'aurais aimé avoir des assurances à ce sujet.

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le sujet est d'une extrême importance.

À ceux qui considèrent que cette mesure n'a pas sa place dans ce texte, j'indique que le SAF est la première cause de handicap non génétique : sur 150 000 naissances annuelles, entre 3 000 et 4 000 enfants naissent handicapés de ce fait.

Le problème qui se pose, madame Greff, c'est que, au moment où nous parlons, des femmes enceintes ne le savent pas. Nous devons les informer.

Mme Claude Greff. Je suis d'accord avec vous !

M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Je précise, parce que cela forme un ensemble, que la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique que vous avez adoptée cet été rend déjà obligatoire au collège et au lycée une information sur les risques sanitaires de la consommation d'alcool pendant la grossesse. Cette loi prévoit également l'information de tous les professionnels de santé et des professionnels du secteur médico-social quant aux effets de l'alcool sur le fœtus.

Je fais ce rappel pour bien montrer, en réponse à une question majeure posée par nombre d'intervenants, que la politique du Gouvernement en la matière est globale.

Par ailleurs, j'attire votre attention sur le fait qu'un élément nouveau est intervenu depuis notre dernière discussion : trois femmes dont les enfants sont atteints du SAF ont porté plainte devant les tribunaux pour n'avoir pas été suffisamment informées. Nous ne connaissons pas encore les jugements. Nous allons assister à une judiciarisation extrême de la santé et je ne pense pas que ce soit un bien. Si l'information est mentionnée sur les étiquettes des bouteilles, ces personnes ne pourront plus dire qu'elles ne savaient pas. C'est très important sur le plan juridique. Cela n'existait pas auparavant.

Enfin, l'information est donnée systématiquement dans le carnet de maternité et figure dans une certaine presse féminine.

Mme Claude Greff. C'est ce que je disais !

M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Tout à fait !

Il ne faut pas présenter les vini-viticulteurs comme insouciants de la santé publique alors que d'autres seraient parés de toutes les vertus. Je ne veux pas entrer dans un tel débat. Il faut des mesures économiques favorables à ce secteur, et chacun voit d'ailleurs, dans le métro ou ailleurs, de grandes affiches qui vantent du whisky ou du champagne ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cela étant - et c'est le ministre de la santé qui s'adresse à vous avec ses tripes -, des enfants naissent handicapés parce que leur mère ne savait pas ! Nous débattons d'un projet de loi sur le handicap. Nous devons essayer d'en éviter un !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs, je vais, ce qui un peu inhabituel, intervenir moins comme secrétaire d'État que comme femme et mère de famille. Je suis mère de quatre enfants. Jamais je n'ai eu la moindre information sur le syndrome d'alcoolisation fœtale pendant mes grossesses. Je le dis avec quelque émotion car nous sommes en train, à travers un titre Ier décisif, d'essayer de lutter contre ce risque de handicap. Or vous savez que, malgré toute notre volonté, rien ni aucune loi ne permettra jamais de revenir sur ce fait irréductible qu'est le handicap d'une personne.

Mesdames, messieurs les députés, il est temps de faire en nous la lumière sur ces questions et de dire aux producteurs viticoles qu'ils peuvent disposer d'un avantage concurrentiel, courageux et offensif, en vendant un produit de qualité remarquable tout en assumant une question de santé publique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Il me semble que l'Assemblée, après ce débat, est pleinement informée sur cette question importante.

Je vais demander aux auteurs des amendements identiques n°s 39, 313, 432, 457 et 585 de bien vouloir les défendre très brièvement.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 39.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. À titre personnel, je suis défavorable à l'amendement n° 39 de la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Ghislain Bray, pour défendre l'amendement n° 313.

M. Ghislain Bray. Je retire cet amendement car je suis cosignataire de l'amendement n° 457.

M. le président. L'amendement n° 313 est retiré.

La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour défendre l'amendement n° 432.

M. Jean-Paul Garraud. Je suis très sensible à tout ce qui vient d'être dit sur la santé des enfants, et même s'il n'y avait qu'un cas à envisager, on pourrait comprendre votre préoccupation. Mais je reste persuadé qu'une information sur l'étiquette ne changera rien pour la femme qui boit des litres de vin rouge. Et il sera très difficile d'expliquer aux viticulteurs que, malgré toute la qualité de leur produit, il pourrait être la première cause de handicap mental non génétique.

Pour toutes ces raisons, je souhaite que le débat ait lieu à un autre moment. Il faut attendre que le conseil des sages statue sur cette question.

M. le président. La parole est à M. Philippe-Armand Martin, pour défendre l'amendement n° 457.

M. Philippe-Armand Martin. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre, pour défendre l'amendement n° 585.

M. Claude Leteurtre. Je vois trop bien la manœuvre ! Je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 585 est retiré.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 39, 432 et 457.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er ter A.

(L'article 1er ter A est adopté.)

Article 1er ter

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 40.

La parole est M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. L'amendement tend à rétablir la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture afin que les programmes de recherche sur le handicap puissent associer, en tant que de besoin, des professionnels de grande compétence dont la qualité des travaux est reconnue.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. La liste des acteurs qu'il convient d'associer aux programmes pluridisciplinaires de recherche sur le handicap n'a pas un caractère limitatif. Elle cite les organismes qui exercent nécessairement une mission de recherche. Il n'est donc pas juridiquement indispensable de la compléter avec des professionnels, terme qui recouvre un champ bien vaste.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement mais il tenait à indiquer qu'il fallait éviter de vouloir trop préciser dans des amendements qui, par ailleurs, sont satisfaits.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 795.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 795.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er ter, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er ter, ainsi modifié, est adopté.)

Article 1er quater

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 41 et 357.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 41.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. L'amendement vise à étendre aux personnels médico-sociaux qui n'ont pas le statut de professionnel de santé l'obligation d'une formation spécifique sur les handicaps au cours de leur formation initiale ou continue.

Nous connaissons l'importance de la formation à tous les niveaux. Il est important de l'affirmer dans cet article, comme dans d'autres d'ailleurs.

M. le président. La parole est à M. François Liberti, pour défendre l'amendement n° 357.

M. François Liberti. Notre amendement procède du même souci. Nous proposons d'élargir le champ d'application de cet article à l'ensemble des professionnels médico-sociaux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 41 et 357.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 42.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. L'amendement complète le champ de la formation initiale et continue compte tenu de l'extension du dispositif aux personnels médico-sociaux proposée par l'amendement précédent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 43.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Avec votre permission, monsieur le président, je défendrai un peu plus longuement cet amendement.

Comme je l'ai indiqué, chaque fois que cela est possible, j'aimerais remplacer l'expression « prise en charge » par le mot « accompagnement ». La prise en charge s'adresse plus à un objet qu'à une personne. Lorsqu'on s'intéresse à une personne handicapée, on l'accompagne tout au long de sa vie, en prenant en compte son projet de vie ; on ne la prend pas en charge ! Tout cela est symbolique, mais ce projet de loi s'intéresse aux personnes en tant que telles, et il me semble utile, pour changer les mentalités, de changer les mots.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Le Gouvernement est favorable à l'amendement à cet endroit du projet de loi mais demande de vérifier, dans la suite de l'examen des articles, que le terme d'accompagnement reste le plus approprié dans toutes les situations.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er quater, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er quater, ainsi modifié, est adopté.)

Article 1er quinquies

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 44 et 360, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 44.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. L'amendement n° 44 vise à permettre aux équipes pluridisciplinaires d'évaluation de faire appel à toutes les expertises nécessaires, notamment à celles qui existent dans le secteur médico-social, pour l'évaluation des besoins et l'élaboration du plan de compensation.

M. le président. La parole est à M. François Liberti, pour défendre l'amendement n° 360.

M. François Liberti. Cet amendement, qui répond au même souci, se justifie par les mêmes arguments

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Favorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Je précise que l'amendement n° 360 a été rejeté par la commission, car il vise les « personnes en situation de handicap ».

L'amendement n° 44, pour sa part, indique : « Les équipes médico-sociales pluridisciplinaires spécialisées dans l'accompagnement des personnes handicapées et les équipes médicales expertes... » La commission préfère cette rédaction.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 360 tombe.

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er quinquies, modifié par l'amendement n° 44.

(L'article 1er quinquies, ainsi modifié, est adopté.)

Article 1er sexies

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Briot, inscrite sur l'article.

Mme Maryvonne Briot. L'article 1er sexies adopté par le Sénat en deuxième lecture permet à une personne lourdement handicapée de désigner une ou plusieurs personnes pour réaliser des soins à sa place.

Cet article a le mérite de mettre en lumière des situations bien réelles. Des aidants familiaux exécutent quotidiennement des gestes de soins, non pour remplacer des infirmières, mais simplement pour aider une personne handicapée ou lui assurer un peu plus d'autonomie.

Ces gestes accomplis par un aidant familial peuvent être vitaux, notamment pour des personnes handicapées qui ont subi une trachéotomie. Dans certains cas d'urgence, l'aidant familial peut, s'il n'accomplit pas les gestes nécessaires, être poursuivi pour non-assistance à personne en danger. Mais, s'il les accomplit, il risque une condamnation pour exercice illégal de la médecine ou de la profession d'infirmier. Il convient de combler ce vide juridique.

Nous devons rassurer les aidants familiaux, les proches des personnes handicapées, qui vivent ces difficultés au quotidien.

Mais l'article 1er sexies, tel qu'il est rédigé, pose un problème de responsabilité. Les décrets régissant la profession d'infirmier interdisent que des soins prescrits par un médecin soient délégués à quelqu'un d'autre qu'à une infirmière diplômée d'État. Il serait, dans ces conditions, interdit aux aidants familiaux d'assurer ce type de soins.

L'amendement n° 757 que j'ai déposé propose une nouvelle rédaction de l'article 1er sexies afin de préciser la nature de l'aidant - familial ou professionnel - et d'indiquer que l'on se situe non au niveau d'une formation mais sur le plan de l'accompagnement de l'apprentissage. Il s'agit d'apprendre un geste technique et non de dispenser un acte de soins. L'adoption de cet amendement résoudrait certains problèmes et rassurerait les proches des personnes handicapées.

Je souhaite, madame la secrétaire d'État, que l'ensemble des associations de personnes handicapées et l'ensemble des associations de professionnels soient contactées et participent à la rédaction d'un décret d'application qui fasse l'objet d'un consensus.

La personne handicapée est au centre de nos préoccupations. Il importe de trouver un terrain d'entente où chacun ait sa place.

Dans le projet de soins de la personne handicapée, l'infirmière placée auprès d'elle intègre les aidants familiaux. C'est une réalité qu'il faut donc inscrire dans la loi. Non seulement cela rassurera les aidants familiaux, mais cela offrira une garantie aux infirmières quant à l'exercice de leur métier. Celles-ci auront ainsi le sentiment qu'elles doivent aider les personnes handicapées à parvenir à une meilleure autonomie.

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Le Sénat semble considérer qu'il n'est pas souhaitable de faire réaliser de manière habituelle des actes médicaux par des non-professionnels.

De telles dispositions relèvent, me semble-t-il, du domaine réglementaire. Les professionnels et les acteurs de santé eux-mêmes réclament qu'elles fassent l'objet d'un décret, pris après concertation. Cela me semble plus sage.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. L'amendement de Mme Briot va dans le bon sens.

Nous voudrions aller plus loin en ce qui concerne les conditions d'élaboration du décret d'application. J'aimerais savoir, pour la clarté du débat, si le Gouvernement entend déposer un amendement qui réécrive l'article 1er sexies, auquel cas il serait inutile de travailler sur l'amendement n° 757 et sur nos sous-amendements nos 823 et 824.

L'article 1er sexies adopté par le Sénat a suscité des inquiétudes chez les professionnels, infirmiers et médecins généralistes ; le communiqué de l'UNOF est à cet égard très clair.

Le médecin prescrivait des soins qui étaient réalisés par des personnes de l'entourage des handicapés n'ayant a priori aucune compétence médicale. L'amendement de Mme Briot tend à répondre à cette inquiétude.

Le rapport du professeur Berland évoquait des transferts de compétences entre diverses catégories de professionnels médicaux et paramédicaux. Mais, là, il s'agit de personnes n'ayant aucune qualification médicale ou paramédicale.

M. le président. L'amendement n° 453 visant à supprimer l'article 1er sexies n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 757, qui fait l'objet de deux sous-amendements, nos 823 et 824.

La parole est à Mme Maryvonne Briot, pour défendre l'amendement n° 757.

Mme Maryvonne Briot. Cet amendement vise à rédiger ainsi le texte proposé pour l'article L. 1111-6-1 du code de la santé publique :

« Une personne durablement empêchée, du fait de limitations fonctionnelles des membres supérieurs en lien avec un handicap physique, d'accomplir elle-même des gestes liés à des soins prescrits par un médecin, peut désigner, pour favoriser son autonomie, un aidant naturel pour les réaliser.

« La personne handicapée et les personnes désignées reçoivent préalablement, de la part d'un professionnel de santé, une éducation et un apprentissage adaptés leur permettant d'acquérir les connaissances et la capacité nécessaire à la pratique de chacun des actes pour la personne concernée. Lorsqu'il s'agit de soins infirmiers, cette éducation et cet apprentissage sont réalisés par un médecin ou un infirmier.

« Les conditions d'application du présent article sont définies, le cas échéant, par décret. »

En permettant à des aidants professionnels d'accomplir des gestes liés à des actes de soins, cet amendement répond à une demande forte d'associations représentant des personnes très lourdement handicapées qui veulent ainsi favoriser l'autonomie des personnes concernées. Pour toutes les pathologies, par exemple pour les diabétiques, la tendance est d'informer et d'apprendre aux personnes concernées à réaliser elles-mêmes leurs soins.

Mais nous nous situons dans le cas où la personne est lourdement handicapée et subit une limitation fonctionnelle des membres supérieurs qui la prive de la possibilité de réaliser elle-même ses soins. Il ne s'agit pas de dispenser une formation lourde pour l'accomplissement d'un véritable soin, mais d'apprendre à réaliser un geste technique. On doit différencier un geste technique et un acte de soins.

L'acte de soins recouvre un ensemble de gestes techniques et de réflexions. Le geste technique est précis et il est défini avec la personne handicapée, le professionnel de santé - ou le médecin - et la tierce personne : l'aidant qui accomplira ce geste à sa place.

L'éducation et l'apprentissage sont assurés par des médecins ou des infirmiers. Les conditions d'application seront définies par décret. Je réitère ma demande afin que les professionnels de santé et les associations de handicapés participent conjointement à l'élaboration de ce décret, « après avis d'une conférence du consensus » - comme le propose le sous-amendement n° 823 de M. Bapt, que je trouve intéressant.

Il convient en effet de rassurer tous ceux qui interviennent dans ces situations complexes.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour défendre le sous-amendement n° 823.

M. Gérard Bapt. L'amendement n° 757 commence ainsi : « Une personne durablement empêchée, du fait de limitations fonctionnelles des membres supérieurs en lien avec un handicap physique... » Les mots « membres supérieurs » sont-ils bien nécessaires ? Ne risque-t-on pas d'aboutir à une certaine confusion ? En effet, il peut y avoir une incapacité qui ne soit pas due à une altération motrice des membres supérieurs mais à un autre handicap physique.

Je propose donc de modifier l'amendement n° 757 et d'écrire : « Une personne durablement empêchée, du fait de limitations fonctionnelles en lien avec un handicap physique... »

Le sous-amendement n° 823 tend à renforcer les garanties que Mme Briot vient d'exposer en ce qui concerne les conditions d'application de l'article qui seront précisées par décret.

Nous proposons de rédiger ainsi le dernier alinéa de l'amendement de Mme Briot : « Lorsqu'il s'agit de soins infirmiers, ses conditions d'application sont définies par un décret en Conseil d'État après avis d'une conférence du consensus - réclamée par les professionnels médicaux ou paramédicaux - avec les professionnels concernés définissant, en particulier, les actes concernés et les conditions d'élaboration dans le cadre des bonnes pratiques établies par la Haute autorité de santé. »

La réforme de l'assurance maladie, dans laquelle tout n'est pas à jeter, a insisté sur les questions d'évaluation, de qualification et la mise en place de référentiels de bonnes pratiques. Autant en tirer parti ici, d'autant que les médecins sont inquiets des conséquences judiciaires que pourraient entraîner des actes prescrits à des personnes de l'entourage qui n'auraient pas reçu une information ou une formation suffisantes.

Notre sous-amendement va dans le sens de l'amendement de Mme Briot et répond à l'objectif général de la réforme de l'assurance maladie, à savoir l'amélioration de la qualité des soins.

M. le président. Puis-je considérer que vous avez également défendu votre sous-amendement n° 824 ?

M. Gérard Bapt. Oui, monsieur le président. Il s'agit du bilan de l'application de cet article dans un délai de deux ans après la publication de la loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission d'abord sur les deux sous-amendements de M. Bapt, puis sur l'amendement de Mme Briot ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. La rédaction du sous-amendement n° 823 me paraît lourde et le dispositif proposé d'application difficile, avec le recours à une conférence du consensus, à un décret en Conseil d'État et à la Haute autorité de santé.

À titre personnel, car ce sous-amendement n'a pas été examiné en commission, j'émets un avis défavorable. Je suis également défavorable au sous-amendement suivant, n° 824, puisque le Gouvernement fera au Parlement une présentation globale de la politique du handicap. La préoccupation de M. Bapt est donc prise en compte.

S'agissant de l'amendement n° 757 de Mme Briot, qui n'a pas non plus été examiné en commission, je rappellerai l'historique. Lorsque la commission a eu à étudier l'article 1er sexies, elle a jugé, à l'issue d'un assez long débat, ses contours un peu flous. La commission a en quelque sorte mandaté Mme Briot pour proposer une autre rédaction de cet article.

M. Ghislain Bray. Tout à fait !

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Elle vient de le faire de façon très compétente. Elle a eu raison de dire qu'il y a des cas douloureux dont il faut se préoccuper, qu'il y a des gestes qu'il faut apprendre et qu'il y a des responsabilités à prendre.

À titre personnel, je suis donc favorable à son amendement.

M. Ghislain Bray. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Comme le rapporteur, je suis défavorable aux deux sous-amendements de M. Bapt et favorable à l'amendement de Mme Briot.

La question qui nous est posée par le biais de cet article est extrêmement sensible. En l'introduisant par amendement au Sénat, le Gouvernement a voulu répondre à une demande pressante de certaines personnes porteuses d'un handicap physique lourd, qui pouvaient dans une première période assurer par elles-mêmes les soins dont elles ont besoin et qui, du fait de l'évolution de la gravité de leur handicap, se trouvent dans l'impossibilité de le faire.

Ces personnes sont contraintes à renoncer à exercer elles-mêmes un certain nombre de gestes liés à des actes de soins répétitifs. Ces gestes, les autres personnes valides, celles dont le handicap ne les prive pas de l'usage de leurs bras, par exemple, peuvent les réaliser elles-mêmes dans le cadre d'un suivi médical.

Faire appel à un professionnel de santé pour réaliser ces gestes est une garantie de qualité. Nul ne pense à le contester mais cela impose des contraintes supplémentaires dans un emploi du temps déjà chargé, et qui parfois, nécessitent une intervention tellement rapide qu'elle devient quasiment irréalisable, car tout se joue dans certains cas en quelques minutes.

En souhaitant pouvoir désigner l'aidant familial de leur entourage pour les réaliser à leur place, ces personnes veulent continuer à diriger leur vie, et compenser leur handicap en recourant au bras d'un autre.

Le Gouvernement a entendu la très grande émotion que cette disposition a provoquée chez les professionnels de santé. Certains y ont vu le début d'un transfert de compétences vers d'autres types de professionnels. En aucun cas cela n'a été l'intention du Gouvernement. Nous nous inscrivions dans le cadre d'une relation entre la personne et son aidant et dans ce que l'on appelle l'éducation thérapeutique.

Néanmoins, plusieurs questions restent à régler, parmi lesquelles la responsabilité par rapport aux gestes ainsi réalisés. Les professionnels de santé demandent à être exonérés et de renvoyer la personne à sa propre responsabilité. La jurisprudence de la législation relative aux droits des malades ne semble pas pouvoir le garantir totalement.

Une autre question est celle de l'articulation entre les interventions sanitaires et médicosociales autour des personnes lourdement handicapées. La perspective de mise en place d'un plan de compensation va nous occuper dans les mois qui viennent. Nous devons nous pencher sur son périmètre et sur son articulation avec l'intervention des professionnels de santé. Une réflexion doit être ouverte de toute urgence sur ce point.

C'est pourquoi le Gouvernement, après avoir travaillé avec les associations de personnes handicapées, et particulièrement avec l'APF, l'AFM, mais aussi avec les syndicaux d'infirmiers libéraux, l'ANAES, le conseil de l'Ordre des médecins, a accepté de restreindre son dispositif aux « aidants naturels », ainsi nommés dans la législation canadienne, et qui paraît être une formule appropriée.

La reconnaissance du rôle de ces bénévoles, familiaux ou non, est très importante. Ce sont des acteurs incontournables des soins et les professionnels, notamment les infirmiers, les associent à leur action.

Nous ne pouvons tolérer qu'ils agissent dans le cadre d'un exercice illégal de la médecine, même si personne sans doute n'aurait intérêt à agir contre eux. L'article 1er sexies ainsi rédigé permet également d'insister sur leur droit à bénéficier d'une éducation thérapeutique adaptée, ce qui est tout à fait fondamental.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je comprends bien la nécessité de modifier le texte du Sénat.

Je vous ferai part cependant de deux inquiétudes. J'ai l'impression qu'en précisant qu'il s'agit de « limitations fonctionnelles des membres supérieurs en lien avec un handicap physique », on risque d'exclure du dispositif les personnes frappées d'un autre handicap, par exemple le maintien en position allongée ou la cécité. C'est ma première inquiétude.

Deuxième inquiétude : si la personne a désigné un « aidant naturel », et qu'un autre intervient, cela posera un autre problème.

Je suis gênée par la rédaction de cet amendement, même si sur le fond, je n'ai pas de désaccord.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Mme Billard vient d'exprimer une de mes inquiétudes quant à la formulation de l'amendement de Mme Briot. Comme le Gouvernement y adhère, il conviendrait qu'il réponde sur la question de la limitation fonctionnelle des membres supérieurs, d'autres handicaps pouvant être concernés, position allongée ou malvoyance.

Le rapporteur a écarté mes deux sous-amendements. Le second prévoyait un rapport à établir dans un délai de deux ans. Si le Gouvernement se propose de le faire, je peux retirer mon sous-amendement, car il est satisfait.

Quant au premier sous-amendement, vous auriez pu, madame la secrétaire d'État, au lieu d'émettre un avis défavorable, dire qu'il était, au moins pour partie, satisfait puisque vous venez de dire que l'amendement de Mme Briot a été le fruit d'une longue concertation ; le ministère a donc été partie prenante.

Peut-être cette concertation a-t-elle pris la forme d'une conférence du consensus, et, au ministère de la santé, il s'en réunit sur une multitude de sujets.

Mme Maryvonne Briot. Ce n'est pas ce qu'on veut !

M. Gérard Bapt. Il ne s'agit pas d'un colloque international, mais d'un colloque comme il s'en fait régulièrement sur les certifications et les référentiels de bonnes pratiques.

S'agissant de la Haute autorité de santé, vous eussiez pu aussi, madame la secrétaire d'État, m'indiquer que mon amendement était satisfait, puisque la réforme que vous avez fait voter au Parlement a intégré l'ANAES dans cette Haute autorité. Cela revenait au même de dire que cela s'est fait sous la surveillance de l'ANAES.

Sous réserve que l'ensemble de ces considérations puisse recueillir un avis positif du Gouvernement, là encore je pourrais retirer mon sous-amendement.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Si je souhaite que nous en restions à la formulation précise de l'amendement déposé par Mme Briot, c'est parce que la concertation que j'ai évoquée permet d'aboutir à une position stabilisée, équilibrée entre les associations d'un côté, et les organisations d'infirmiers de l'autre.

Mais j'ai conscience qu'il va falloir engager la réflexion. Je tiens à vous dire, et singulièrement à vous, monsieur Bapt, que le Gouvernement poursuivra dans cette voie en prévoyant l'organisation d'états généraux, ou d'une autre structure, chargés de s'interroger sur la complémentarité entre le sanitaire et le médicosocial autour des personnes lourdement handicapées. Il va falloir que nous agissions vite sur ce sujet, car c'est une question brûlante, et qui nécessite que le Gouvernement demande à la Haute autorité de santé de lui proposer une méthodologie adaptée, ce qui n'était évidemment pas le cas au moment où nous avons cherché à régler les questions traitées par cet amendement. Dans ce cadre, des expérimentations relatives au champ et au mode d'intervention des différents professionnels devront pouvoir être mises en œuvre, et leurs résultats être évalués.

Mais en l'état, à l'heure où nous parlons, il m'apparaît que nous avons abouti à la meilleure formulation possible, compte tenu des échanges que j'ai pu avoir avec l'ensemble des parties sur ce dossier.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Je retire mes deux sous-amendements.

M. le président. Les sous-amendements n°s 823 et 824 sont retirés.

Je mets aux voix l'amendement n° 757.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 734 tombe.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 722.

Mme Hélène Mignon. Il est retiré.

M. le président. L'article 1er sexies est rédigé conformément à l'amendement n° 757.

Article 1er septies

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 45, tendant à supprimer l'article.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Cet amendement de suppression de l'article, présenté notamment par Mme Mignon, avait été adopté par la commission parce que nous jugions que cette disposition n'avait pas sa place dans ce texte et que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 contenait un dispositif identique. Mais, entre-temps, nous avons appris que l'article du PLFSS en question avait été retoqué par le Conseil constitutionnel.

Si aujourd'hui nous supprimions l'article 1er septies, les mamans qui accouchent prématurément et qui doivent rester au chevet de leur enfant pour l'accompagner, le réconforter, lui donner les premiers soins maternels, ne pourraient pas bénéficier de la prolongation de la suspension du contrat de travail que nous voulons leur octroyer.

J'ai donc déposé à la dernière minute un amendement qui précise que, dans le quatrième alinéa de l'article L. 122-26 du code du travail, les mots : « à due concurrence de la différence entre la date de l'accouchement et la date réelle » sont remplacés par les mots : « du nombre de jours courant de la date prévue à la date effective », le reste du texte retenu au Sénat demeurant inchangé.

M. le président. Je précise que l'amendement dont vous venez de parler, monsieur le rapporteur, est l'amendement n° 825.

La parole est à Mme Marie-Renée Oget.

Mme Marie-Renée Oget. Nous avions cosigné l'amendement du rapporteur parce que nous considérions que le projet de loi sur le handicap n'était pas le support législatif idéal pour cette mesure. Comme le rapporteur vient de le préciser, aujourd'hui la donne est différente. Si ce texte est le seul moyen de permettre l'allongement du congé de maternité post-natal en cas de naissance prématurée, nous nous associons à l'amendement du rapporteur et nous abandonnons l'amendement de suppression.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 45 et 825 ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 45 et favorable à l'amendement n° 825.

M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 45.

Mme Marie-Renée Oget. Il a été retiré, monsieur le président.

M. le président. Non, il n'a pas été retiré. Le rapporteur ne peut pas, vis-à-vis des membres de la commission, s'arroger le droit de retirer un amendement. Il a émis un avis personnel sur l'amendement déposé par la commission.

Je mets donc aux voix l'amendement n° 45.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 825.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'article 1er septies est rédigé conformément à l'amendement n° 825.

Après l'article 1er septies

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 548.

Cet amendement est-il défendu ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Il ne paraît pas équitable d'accorder un droit automatique à la CMU à certains bénéficiaires de l'AAH alors que continueraient à en être exclus les autres titulaires de l'AAH comme d'ailleurs d'autres bénéficiaires de minima, sociaux ou non, disposant du même montant de revenus. Le Gouvernement n'est donc pas favorable à l'adoption de cet amendement. Il privilégie les mesures traitant de façon égale sur l'ensemble du territoire les personnes disposant des mêmes revenus.

J'ajoute que, comme vous le savez, mesdames, messieurs les députés, le Premier ministre vient d'annoncer une extension du bénéfice de la CMU complémentaire à 300 000 enfants supplémentaires et à leurs familles. C'est une mesure de très grande ampleur, qui témoigne de la volonté du Gouvernement d'améliorer la couverture complémentaire de nos concitoyens qui ne peuvent actuellement y accéder pour des raisons financières.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 548.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 2 A

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, inscrit sur l'article.

M. André Chassaigne. Je souhaite intervenir sur cet article car les amendements que nous avions déposés ont tous été rejetés au titre de l'article 40 de la Constitution.

La définition donnée par cet article du droit à compensation et à ressources des personnes en situation de handicap est trop limitative à nos yeux. Seul un contenu plus impératif serait conforme à l'objectif d'égalisation des droits et des chances qui préside au présent projet de loi. Aussi nous paraît-il souhaitable de défendre le principe d'une compensation intégrale des déficiences, et des incapacités qui en découlent, et non pas d'une compensation parmi d'autres, dont on ne saurait pas vraiment ce qu'elle couvre.

Par ailleurs, nous aimerions être sûrs que l'origine du handicap est bien exclue des conditions d'attribution de cette prestation, puisqu'il a été question de « droit universel ». Nous souhaiterions que ce soit écrit noir sur blanc. Nous ne savons que trop, et les personnes en situation de handicap plus encore, que les imprécisions de la loi, qui se retrouvent ensuite dans les décrets et les mesures opérationnelles, peuvent conduire à de véritables catastrophes sur le plan humain.

M. le président. Dans la mesure où nous n'aurons pas le temps d'examiner ce soir la totalité des amendements sur cet article, je vous propose, pour garder au débat toute sa cohérence et à notre réflexion sa fluidité, de lever la séance.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2005 :

Rapport, n° 1992, de M. Gilles Carrez, rapporteur général ;

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 1880, pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées :

Rapport, n° 1991, de M. Jean-François Chossy au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot