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Deuxième séance du mardi 21 décembre 2004

109e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Mes chers collègues, il a été convenu ce matin en Conférence des présidents que l'ensemble des questions qui vont être posées aujourd'hui porteraient sur les négociations avec la Turquie.

Les différents orateurs seront appelés successivement à raison d'un temps maximum de dix minutes par groupe. M. le Premier ministre m'a fait savoir qu'il répondrait personnellement aux questions posées par les représentants des différents groupes.

NÉGOCIATIONS ENTRE L'UNION EUROPÉENNE
ET LA TURQUIE

M. le président. La première question est posée par M. François Bayrou, au nom du groupe UDF.

La parole est à M. François Bayrou.

M. François Bayrou. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, c'est un bilan triste et révélateur que celui que le Gouvernement présentera tout à l'heure en réponse aux interventions des quatre groupes de l'Assemblée. (« Qu'est ce qu'il en sait ? » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Bilan triste et révélateur pour la démocratie française ; bilan triste et révélateur pour le projet européen ; bilan triste et révélateur pour la place de la France en Europe.

C'est un sujet difficile que celui de l'adhésion de la Turquie et nul ne dira le contraire ici. C'est un sujet difficile, mais personne ne pourra nier qu'il s'agisse d'un sujet historique.

Eh bien ! sur ce sujet historique, vous avez interdit au Parlement de la République de s'exprimer. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Au nom d'une conception dépassée d'un prétendu domaine réservé, il a été décidé par vous que les députés du peuple n'auraient pas le droit le plus élémentaire, le droit de vote, même de manière indicative. Quant aux sénateurs, ils n'ont eu ni le droit de vote, ni le droit à la parole.

On a prétendu que nos institutions ne s'accommoderaient pas d'un Parlement qui se mêlerait de la politique étrangère de la France.

D'abord, nous sommes nombreux à récuser cette vision : la politique étrangère, cela regarde au premier chef le peuple, et nous le représentons.

De surcroît, la politique européenne, ce n'est pas de la politique étrangère. C'est éminemment, au premier chef, la plus importante des politiques intérieures.

Eh bien ! ce débat à la va-vite, sans vote, ces minutes si comptées de temps de parole disent la réalité de la démocratie française, concentrée, verrouillée, sans contre-pouvoirs, sans équilibre, sans que la voix du peuple, telle qu'elle est ici représentée ait une enceinte pour se faire entendre et peser sur l'avenir. (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Applaudissement sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur divers bancs. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous venez d'écrire un chapitre de plus de l'histoire d'une République où la démocratie représentative est vidée de son sens, tenue seulement pour une forme, où les représentants du peuple sont écartés des sujets essentiels, comme ils le sont en réalité des votes des lois, du vote du budget et de leur ordre du jour lui-même. (« Rien que çà ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

577 députés, 340 sénateurs, épisodiquement autorisés aux paroles verbales, symboliquement respectés, mais en réalité interdits d'expression et d'engagement sur les sujets lourds, interdits d'histoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Bouvard. Bayrou va réécrire Le Coup d'État permanent !

M. François Bayrou. C'est un triste bilan sur le sujet européen.

Voyez-vous, monsieur le Premier ministre, un gouvernant français en Europe, ce n'est pas n'importe qui. C'est le chef d'un grand État ou son représentant, certes, comme d'autres. Mais c'est aussi l'héritier des fondateurs de l'Europe : ceux qui, envers et contre tous, ont voulu l'Europe unitaire, l'Europe des peuples, les institutions, la Commission, la monnaie, la souveraineté européenne et la démocratie européenne. Et que l'on soit pour ou contre l'entrée de la Turquie en Europe, on ne peut pas contester que cette entrée change profondément le projet européen que portait la France.

Il suffit de mesurer l'engagement des États-Unis, engagement de tous les instants, engagement à la limite de l'ingérence, directement ou par des relais autorisés, pour comprendre que la grande victime est le projet d'une puissance européenne unitaire, démocratique, autonome et libre.

Un grand homme politique américain, ancien secrétaire d'État, le plus célèbre d'entre eux, M. Kissinger, était en visite chez nous cette semaine. Interrogé en privé sur ce sujet, il a eu cette réponse qui dit tout : « L'entrée de la Turquie, si j'étais européen, je serais contre, mais je suis américain, alors je suis pour. » (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Nous, militants de l'Europe unie, nous savions depuis le début que ce projet d'Europe unitaire, politique et démocratique, avait des adversaires, nous savions qu'il avait des ennemis. Mais il avait un ami, un défenseur, qui ne lui avait jamais manqué : c'était la France. Toujours, dans les moments difficiles, la France avait été là, la France de Robert Schuman pour l'inventer, la France du général de Gaulle lui-même pour le sauvegarder, quoi qu'il en eût, (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), la France de Valéry Giscard d'Estaing pour lui donner un Parlement élu et un Conseil, la France de François Mitterrand pour le conduire à sa monnaie. Contre tous ceux qui disaient non, nous, la France, nous maintenions, nous disions oui, et nous l'emportions.

M. Jean-Pierre Soisson. Non à l'Europe fédérale !

M. François Bayrou. Cette fois, nous avons regardé ailleurs et nous nous sommes tus. Nous avons renoncé à introduire un élément de liberté pour l'Europe, avec le partenariat privilégié, pourtant explicitement promis dans cet hémicycle. Nous avons renoncé à introduire un élément de mémoire avec la reconnaissance du génocide arménien (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste), nous avons renoncé même au bon sens, à la solidarité élémentaire envers l'un des pays membres en acceptant que la décision du 17 décembre soit prise sans reconnaissance préalable de Chypre, occupée militairement par la Turquie. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Les Vingt-cinq, divisés, souvent sous influence, n'ont pas été forts dans la négociation. La France aurait dû être forte à leur place, forte pour eux.

Celui qui a été fort, c'est M. Erdogan. Nous voulions le partenariat privilégié, la reconnaissance du génocide arménien et la reconnaissance de Chypre. M. Erdogan a dit : « Je ne veux pas de partenariat privilégié, je ne veux pas évoquer le génocide arménien, je ne veux pas de la reconnaissance de Chypre. »

Nous n'avons rien obtenu de ce que nous voulions, et, comme les événements nous échappaient, nous avons seulement feint de les organiser. Et nous avons renoncé au droit de veto que nous donnaient les institutions parce que nous avions renoncé à porter un projet européen différent.

Mais, au bout du compte, ce renoncement implique un recul de l'influence française en Europe. Car on n'abandonne pas impunément le projet que l'on portait depuis des décennies. Abandonner le projet, c'est s'abandonner soi-même, s'effacer discrètement, mais réellement, de l'histoire.

Du coup, la politique, qui est cruelle, en tire les conséquences. Je vais vous lire une dépêche du 17 décembre à quatorze heures six : « Pour dénouer l'imbroglio autour de la reconnaissance de Chypre par la Turquie, qui bloque le sommet, le président en exercice, M. Balkenende, a commencé un ultime entretien avec M. Erdogan. Il a demandé que se joignent à eux pour ce round ultime, M. Jose Manuel Barroso, président de la Commission européenne, le Chancelier allemand, M. Gerhard Schröder, et le Premier ministre britannique, Tony Blair. »

Pour de bonnes et de mauvaises raisons, la France, qui avait abandonné son projet, il était symbolique et logique qu'elle attende à la porte. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Maurice Leroy. Hélas !

M. François Bayrou. Voyez-vous, monsieur le Premier ministre, s'il n'y avait pas la discipline du parti - le vôtre - et le verrouillage des institutions, ce serait une majorité, dans cette assemblée, qui vous dirait non. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe socialiste. - Protestations sur plusieurs bancs de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous avez décidé de ne rien entendre de ses craintes et de ses espérances. Vous allez nous expliquer à cette tribune que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, que, dans dix ans, ou dans quinze ans, le peuple français sera convoqué pour dire ce que vous n'avez pas eu le courage de dire aujourd'hui. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Naturellement, il n'en sera rien. Après dix ou quinze ans de négociations, il n'en sera rien, et les Français le savent.

Mais, au-delà des dénégations, des vœux pieux et des déclarations d'intention, il y a désormais une vérité qui s'impose : nous ne voulons pas la même Europe. Et ce débat-là, il ne sera pas au pouvoir du Gouvernement de l'interdire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Alain Bocquet. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, le 14 octobre dernier, dans le débat ouvert ici même sur la candidature de la Turquie à l'Union européenne, j'avais mis l'accent, au nom des député-e-s communistes et républicains, sur trois exigences essentielles à prendre en compte pour que les conditions de son adhésion soient remplies : être attentif à l'évolution du contexte démocratique et social de l'autre côté du Bosphore, aider les forces démocratiques qui œuvrent en Turquie en ce sens et opérer dans l'Union européenne une rupture avec le système libéral que vous défendez bec et ongles et qui compromet l'avenir de solidarité et de paix en Europe.

Depuis, les vingt-cinq Chefs d'État et de Gouvernement ont décidé de proposer à la Turquie l'ouverture de négociations dès le 3 octobre 2005.

Aujourd'hui, l'essentiel des interrogations que j'avais évoquées demeurent.

C'est vrai des droits des minorités en Turquie, à commencer par ceux du peuple kurde.

C'est vrai de la question chypriote, le récent engagement d'Ankara n'étant qu'une simple étape sur le chemin de la reconnaissance pleine et entière de cet État.

C'est vrai encore du génocide du peuple arménien - un million et demi de victimes. Notre Parlement l'a reconnu unanimement en 2000. Le texte de Bruxelles ne le mentionne pas. La Turquie semble camper sur ses positions. Un devoir de mémoire s'impose pourtant.

Sans oublier l'insuffisance des protections sociales, les atteintes aux droits de l'homme, et aux droits des femmes, et le type de développement économique adopté par la Turquie, qui creuse les inégalités entre ses habitants et fait dire à son ministre des finances que son pays est « une alternative particulièrement séduisante pour les candidats à la délocalisation ».

Cela dit, n'oublions pas les évolutions indéniables et les progrès accomplis par cet État. Des réformes juridiques et constitutionnelles vont dans le sens d'un renforcement de la protection des droits fondamentaux des citoyens turcs. La reconnaissance des langues et cultures minoritaires, l'abolition des cours de sûreté de l'État et la suppression de la peine de mort en témoignent.

Surtout, il nous faut aussi entendre la conviction exprimée voici quelques jours en France par Leyla Zana, députée kurde arrêtée le jour de sa prestation de serment au Parlement turc en 1994 et emprisonnée pour dix longues années, pour qui la perspective d'adhésion de la Turquie à l'Union est « un immense espoir » pour son peuple.

Reste pourtant que la décision de l'Union européenne d'ouvrir les négociations est assortie de conditions draconiennes.

Reste également que ces discussions, qui dureront dix à quinze ans, pourront être stoppées à tout moment par le veto de n'importe lequel des États membres.

En saluant « les progrès décisifs réalisés par Ankara dans son processus ambitieux de réforme », le Conseil européen n'hésite pas à ajouter que « ces négociations sont un processus ouvert dont l'issue ne peut être garantie à l'avance ». Cette clause est totalement inédite. Il n'en a jamais été ainsi lors des élargissements précédents. Sera-t-elle imposée demain à l'entrée éventuelle d'autres pays ?

C'est donc un oui d'opérette qui est concédé à la Turquie, un oui frileux, prononcé du bout des lèvres, tandis que les conditions sont d'ores et déjà largement créées pour décourager sa candidature et l'inciter à se contenter d'un partenariat privilégié avec l'Union.

En conséquence, ne comptez pas sur les député-e-s communistes et républicains pour tomber dans votre piège,...

M. Charles Cova. On s'en moque !

M. Alain Bocquet. ...celui d'une polémique fiévreuse, brusquement, et opportunément rallumée pour faire de cette question celle dont, soudain, tout dépend. Comme si la Turquie pouvait changer sans que change l'Europe à laquelle son peuple souhaite adhérer !

À la vérité, vous souhaitez parasiter la question essentielle, celle du référendum sur la constitution Chirac-Giscard, la constitution Seillière (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), la constitution ultra-libérale qui enferme tous les peuples d'Europe pour trente ou cinquante ans dans le carcan du libéralisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Richard Mallié. C'est vous qui parasitez !

M. Alain Bocquet. Car c'est là que le bât blesse. Chaque jour, la résistance est plus grande à cette Europe de la haute finance, des marchands, du chômage et de la misère.

M. Richard Mallié. N'oubliez pas le MEDEF !

M. Alain Bocquet. Le jeu des partisans du oui à l'Europe du capitalisme mondialisé est donc de focaliser et de crisper l'opinion française sur une présentation biaisée de la question turque, de fausser la réflexion du monde du travail en réduisant les enjeux à une hypothétique entrée de la Turquie dans l'Union européenne, qui ne se posera dans les faits que dans quinze ans.

Une fois encore, c'est un mépris pour nos concitoyens, un mépris pour les peuples d'Europe, un mépris pour le peuple turc ! Et tout cela pour préserver et étendre des dominations qui font au moins vingt millions de chômeurs et cinquante-six millions de pauvres dans l'Europe élargie. Voilà le vrai visage de l'Union européenne que vous bâtissez !

M. André Gerin. Tout à fait !

M. Alain Bocquet. Si votre Constitution triomphe, ce sont les politiques que vous appliquez dans notre pays qui s'étendront à l'Europe, s'abattront sur tous les peuples, redoubleront leurs difficultés et accentueront les inégalités qui minent d'ores et déjà l'Europe de demain.

M. Claude Goasguen. Mais non !

M. Alain Bocquet. L'enjeu immédiat est celui du référendum sur le projet de Constitution européenne que vous prévoyez d'avancer en toute hâte au printemps prochain. L'adhésion de la Turquie représente, quant à elle, quinze ans de négociations aléatoires entre États au sein des institutions. Permettez-moi de le dire : il s'agit là d'une manipulation d'opinion qui trouble le débat sur les véritables enjeux.

Nous appelons donc nos concitoyens à se détourner du piège ainsi tendu, pour faire de la victoire d'un non populaire et progressiste à cette constitution leur objectif ! Un non porteur d'espoir, pour l'ensemble des peuples d'Europe, du peuple français au peuple turc. Un non qui offrira la perspective généreuse d'une Europe des peuples s'ouvrant demain à une Turquie respectueuse des valeurs de progrès social et démocratique que nous voulons mettre en œuvre.

Nous sommes pour une Europe respectueuse des peuples, celle qui est la véritable alternative à vos projets ! Une Europe de quelque 500 millions d'hommes et de femmes qui, au-delà de leurs particularismes culturels et religieux, partagent la volonté de bâtir une Europe de paix, une Europe sociale, une Europe solidaire.

M. André Gerin. Très bien !

M. Alain Bocquet. Il faut que le non l'emporte pour garantir la construction d'une Europe fraternelle « de l'Atlantique à l'Oural » en passant par la Méditerranée. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe UMP.

M. Bernard Accoyer. Mesdames, messieurs, je remercie le Président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, d'avoir pris l'initiative de ce débat (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe socialiste) et je remercie le Gouvernement de l'avoir accepté. (Mêmes mouvements.)

La position de l'UMP sur l'éventuelle adhésion de la Turquie à l'Union européenne est connue et claire. (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Union pour la démocratie française.) Elle a été adoptée par notre conseil national du 9 mai 2004, et j'ai eu l'occasion de l'exprimer ici même le 14 octobre : nous sommes favorables à la mise en œuvre d'un partenariat privilégié avec la Turquie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Liberti. Que dit Sarko ?

M. Bernard Accoyer. Pour la majorité d'entre nous, une éventuelle adhésion de la Turquie soulève, en effet, toute une série de questions - géographiques, politiques, institutionnelles, économiques -, qui font d'ailleurs l'objet de débats sur tous les bancs de notre hémicycle.

M. Jérôme Lambert. Il faut le dire à Chirac !

M. Bernard Accoyer. Ces questions doivent être examinées au regard du projet européen qui est le nôtre : celui de bâtir une Europe puissance politique fortement intégrée, assez homogène pour parler clairement et d'une seule voix sur la scène internationale.

M. Henri Emmanuelli. Schizophrène !

M. Bernard Accoyer. C'est pour cette raison que l'adoption du traité constitutionnel européen est désormais pour nous une ardente priorité.

M. Henri Emmanuelli. Schizophrène !

M. Bernard Accoyer. Fallait-il, dès lors, ouvrir les négociations entre l'Union européenne et la Turquie, qui, aujourd'hui, personne ne le conteste, ne remplit pas les conditions d'adhésion ? (Murmures sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Oui, mes chers collègues, il fallait bien ouvrir ces négociations, afin de prolonger un dialogue ouvert en 1959 entre l'Union européenne et la Turquie, un dialogue riche avec un pays de culture musulmane, mais un État laïc, une démocratie ancrée dans la société et ouverte à l'alternance.

M. Jean-Christophe Lagarde. Drôle de conception de la démocratie !

M. Bernard Accoyer. Oui, il fallait ouvrir ces négociations parce que c'est l'intérêt de la France et de l'Union européenne de ne fermer aucune porte dans un contexte géopolitique international et régional instable.

Oui, il fallait ouvrir ces négociations parce que la Turquie a engagé une véritable révolution silencieuse, une révolution européenne, pour se conformer aux conditions fixées par l'Union.

M. Jean Dionis du Séjour. Alors, c'est oui ou non ?

M. Bernard Accoyer. Certes, chacun peut comprendre que ces négociations soient, à leur ouverture, présentées avec pour objectif final l'adhésion. Néanmoins, il est clair qu'elles pourraient déboucher sur l'hypothèse qui nous paraît la plus probable, hypothèse qui est inscrite dans les conclusions du sommet de Bruxelles, celle d'un lien fort et approfondi entre l'Union et la Turquie.

M. Jean-Christophe Lagarde. Pourquoi avoir refusé de l'écrire ?

M. Bernard Accoyer. Le chemin de ces négociations a été clairement balisé dans les conclusions du sommet, qui stipulent que « négociation ne vaut pas adhésion ». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maurice Leroy. C'est géant comme slalom !

M. Bernard Accoyer. Jamais jusqu'ici, des négociations n'avaient été ouvertes avec des conditions aussi nombreuses.

M. Henri Emmanuelli. N'importe quoi !

M. Bernard Accoyer. Bien sûr, en cas de violation des droits de l'homme ou des libertés fondamentales, ce que nous ne voulons et ne pouvons imaginer, il est évident que le Conseil déciderait immédiatement de suspendre les négociations.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ben voyons !

M. Bernard Accoyer. En outre, comme il s'agit d'une négociation intergouvernementale, chaque État membre pourra interrompre celle-ci à tout moment s'il l'estime nécessaire.

Comme pour toute conférence intergouvernementale, il faudra à chaque fois l'unanimité pour ouvrir et fermer chacun des trente chapitres de la négociation,...

M. Édouard Landrain. Eh oui !

M. Bernard Accoyer. ...c'est-à-dire l'unanimité dans tous les domaines, pris un par un, de l'acquis communautaire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. André Gerin. Hypocrisie !

M. Henri Emmanuelli. Ce n'est pas sérieux !

M. Bernard Accoyer. Ainsi, pour qu'une éventuelle adhésion de la Turquie puisse être soumise à l'accord, nécessairement unanime, du Conseil européen et à la ratification, également unanime, de chacun des États membres, la Turquie devra satisfaire aux dispositions des quelque 88 000 pages de l'acquis communautaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les engagements pris par la Turquie devront être effectivement introduits dans sa législation, concrètement mis en œuvre et dûment évalués par l'Union européenne.

Des périodes transitoires pouvant être longues et des clauses de sauvegarde permanentes sont prévues.

La Turquie devra faire sien l'idéal européen, fondé sur la réconciliation et le respect entre les peuples. La question chypriote doit trouver une solution négociée sous l'égide de l'ONU, laquelle passe obligatoirement par la reconnaissance de Chypre, État membre de l'Union, par la Turquie.

M. Henri Emmanuelli. Rattachez-la à la Corse !

M. Bernard Accoyer. Les droits de la minorité kurde devront être respectés. La Turquie devra satisfaire aux exigences du devoir de mémoire. Je pense, bien sûr, en particulier au génocide arménien, que notre assemblée a reconnu par la loi du 29 janvier 2001 adoptée à l'unanimité. Les Français, qui auront le dernier mot par la voie référendaire, seront vigilants sur cette question essentielle.

Le chemin qui reste à parcourir par la Turquie est donc considérable.

M. Henri Emmanuelli. Par vous aussi !

M. Bernard Accoyer. C'est pourquoi le Conseil a prévu l'échec des négociations, quelle qu'en soit la cause.

Sous l'impulsion de notre diplomatie et sous l'impulsion de notre Président de la République, Jacques Chirac, le Conseil a fait preuve de réalisme et de bon sens en précisant que « si l'État candidat n'est pas en mesure d'assumer intégralement toutes les obligations liées à la qualité de membre, il convient de veiller à ce que l'État candidat concerné soit pleinement ancré dans les structures européennes par le lien le plus fort possible ».

L'alternative ne sera donc pas, à l'issue des négociations, entre une adhésion quasi-automatique et le rejet pur et simple du pays candidat. Ce sera aux États membres et aux peuples de décider alors la nature du lien qui unira la Turquie à l'Union européenne : adhésion ou lien le plus fort ?

M. Henri Emmanuelli. Paradis ou purgatoire !

M. Bernard Accoyer. En ce sens, l'article 57 du projet de traité constitutionnel européen, consacré aux accords que l'Union peut conclure avec ses voisins proches, apporte un cadre à ce partenariat privilégié que nous défendons.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. Bernard Accoyer. Ce qui souligne encore toute l'importance de dire oui au projet de traité constitutionnel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Exactement !

M. Bernard Accoyer. Un long débat va s'ouvrir dans les parlements nationaux et les opinions publiques européennes. Un débat dont les enjeux pourraient se trouver largement bouleversés au cours des quinze prochaines années, durée probable de ces négociations. En tout état de cause, ce sont les Français eux-mêmes qui auront le dernier mot par un vote référendaire, comme l'a voulu le Président de la République.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. Bernard Accoyer. Monsieur le Premier ministre, au nom du groupe UMP, très attaché aux valeurs sur lesquelles s'est bâtie l'Europe, valeurs inscrites dans les décisions du sommet du 17 décembre, je vous demande quel sera le calendrier des négociations et comment vous comptez associer le Parlement à ce débat, comme l'a souhaité le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, l'accord signé à Bruxelles par vingt-cinq gouvernements est un acte majeur. L'Europe démontre une nouvelle fois sa capacité à dépasser les fractures de l'histoire et à unifier le continent. En acceptant de négocier l'entrée de la Turquie, elle fait plus que tenir un engagement vieux de quarante ans. Elle est fidèle à son essence : celle de fédérer des peuples, des cultures, des confessions différentes ; celle de se définir, non par une culture dominante, mais dans une construction politique fondée sur des valeurs laïques, pluralistes et démocratiques. Bien plus qu'une identité, l'Europe est une idée politique. Que la Turquie veuille y adhérer avec le consentement unanime de vingt-cinq nations...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Pas des peuples !

M. Jean-Marc Ayrault. ...témoigne de sa force d'entraînement mais aussi, et c'est un facteur positif, de la volonté de modernisation de la Turquie elle-même.

Au-delà de cette dimension historique, la réussite de l'accord de Bruxelles dépendra de la capacité des États à entraîner leurs peuples dans ce nouveau défi. Or, sur ce plan, le Conseil européen a quelque chose d'inachevé.

La première interrogation concerne le risque de voir le projet européen se diluer au fil d'élargissements aussi précipités que mal maîtrisés. (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Union pour la démocratie française.) Le Conseil européen a eu la sagesse d'y répondre en introduisant un certain nombre de garde-fous. Comme nous le souhaitions, l'ouverture des négociations ne comporte pas de date butoir, ce qui constitue une première. Rien ne laisse préjuger de leurs résultats : adhésion, association, statu quo. Tout dépendra de la volonté turque de faire sienne les valeurs et les règles de l'Union.

M. Jean-Christophe Lagarde. Elle commence bien !

M. Jean-Marc Ayrault. Malgré des efforts d'adaptation considérables, qu'il est de notre devoir de reconnaître, la Turquie accuse encore de nombreux retards dans le fonctionnement de sa démocratie. (« Sans blague ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Je pense aux violences policières, à la liberté religieuse, qui n'est pas garantie partout, aux normes sociales, aux droits des femmes et à l'acceptation des minorités. De même doit-elle procéder à un examen lucide de son histoire, notamment par la reconnaissance du génocide arménien. À cet égard, je rappelle que la France en a fait un engagement, par une loi votée à l'initiative des députés socialistes, approuvée par le gouvernement Jospin,...

M. François Rochebloine. Vous oubliez la contribution du groupe UDF !

M. Jean-Marc Ayrault. ...rejoint ensuite par la majorité du Sénat, malgré l'opposition de Jacques Chirac. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Pour autant, je ne voudrais pas sous-estimer que la démarche est compliquée par le refus de M. Erdogan de reconnaître officiellement la République de Chypre.

M. Maurice Leroy. Rien de grave ! (Sourires sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Marc Ayrault. Je l'ai dit au début de mon propos, l'Union tire sa force du dépassement des conflits de l'histoire. Si chaque État candidat avait le loisir de refuser certains partenaires, il n'y aurait plus d'Union. Imagine-t-on que l'Angleterre soit entrée dans la Communauté européenne en refusant de reconnaître la République d'Irlande à cause de l'Ulster ? Comme les valeurs fondamentales de l'Union, la reconnaissance mutuelle entre États membres n'est pas négociable. Et sur ce point, je diverge avec M. Accoyer.

M. Jean-Paul Charié. Il n'a jamais rien dit de tel !

M. Jean-Marc Ayrault. Il est regrettable que le Conseil européen ne l'ait pas clairement signifié au gouvernement turc.

Cette faiblesse est d'autant plus coupable qu'elle a permis au département d'État américain de s'immiscer dans la négociation en élaborant la formule de compromis finalement adoptée. Il est invraisemblable qu'aucun État membre, à commencer par la France, et particulièrement le Président de la République, n'ait réagi à une telle interférence. Cela témoigne de la timidité politique des gouvernements et de la Commission, incapables de s'assumer pleinement par eux-mêmes.

M. Daniel Vaillant. Très juste !

M. Jean-Marc Ayrault. Ma deuxième question porte sur la volonté de l'Union d'adapter ses politiques à ce nouvel élargissement. Comment assurera-t-elle le développement de territoires déshérités une fois et demi plus grands que le nôtre en continuant de plafonner les fonds structurels ? Comment réussira-t-elle la mise à niveau économique et sociale de la Turquie en diminuant, contre toute raison, le budget européen, comme le Président de la République française l'a demandé à Bruxelles ? Comment ira-t-elle vers une harmonisation sociale et fiscale par le haut ? En fait, tant que l'Europe ne se dotera pas des armes pour supporter la charge de ces élargissements, il ne faudra pas s'étonner qu'elle récolte le scepticisme de ses peuples.

Dès lors, et c'est la troisième question, monsieur le Premier ministre, comment remonter le courant ? Comment convaincre les Français de l'importance de cette ouverture à la Turquie ?

J'entends le Président de la République promettre que le Parlement serait associé à chaque étape des négociations.

M. Maurice Leroy. C'est le cas aujourd'hui. Enfin, en quelque sorte !

M. Jean-Marc Ayrault. Mais votre gouvernement commence par organiser un ersatz de débat sans que les députés puissent se prononcer par un vote. Il s'agit là pour moi d'une pratique indigne de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Union pour la démocratie française.)

Vous restez rivé à cette conception archaïque de la Ve République qui considère les questions européennes comme un domaine réservé de l'Élysée, dans lequel le Parlement n'aurait pratiquement pas son mot à dire.

M. Henri Emmanuelli. Rien de tel ne figure pas dans la Constitution !

M. Jean-Marc Ayrault. À l'évidence, sur ce sujet comme sur d'autres, il faudra réformer la défaillance démocratique de nos institutions. Mais, aujourd'hui, force est de constater qu'elle a pour vous l'avantage de masquer votre plus grande faiblesse : je veux parler, mesdames et messieurs les députés de la majorité, des divisions de l'UMP. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Sylvia Bassot. Et les vôtres ?

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et Fabius !

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, ne parlons pas de divisions !

M. Jean-Marc Ayrault. Le président du groupe UMP lui-même a eu l'honnêteté de le reconnaître et je comprends d'ailleurs fort bien qu'il puisse y avoir des débats au sein des partis politiques. Cela ne me choque en rien. Nul ne peut ignorer toutefois le décalage abyssal entre les propos du Président de la République et ceux du président de l'UMP.

M. Bernard Deflesselles. Que dire du décalage entre Fabius et Hollande ?

M. Jean-Marc Ayrault. Quand Jacques Chirac parle de l'« intérêt » pour la France et l'Europe d'une intégration de la Turquie, Nicolas Sarkozy souligne aussitôt la « difficulté incontestable » qu'elle représente.

M. Richard Mallié. Mais quel culot ! Vous ne voyez pas la poutre qu'il y a dans votre œil !

M. Jean-Marc Ayrault. Quand Jacques Chirac met en évidence les liens historiques qui unissent la Turquie et l'Europe « depuis Byzance », Nicolas Sarkozy le contredit sans ménagement : « Si la Turquie était européenne, ça se saurait. » Et quand le président de l'UMP revendique un simple « partenariat » avec les Turcs, le Président de la République souligne que « ceux-ci n'en veulent pas ».

M. Henri Emmanuelli. Monsieur le président, mettez aux voix !

M. Jean-Marc Ayrault. Après cela, mes chers collègues, je suis bien obligé de demander : y a-t-il un pilote dans l'avion ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est nul !

M. Jean-Marc Ayrault. C'est le grand concert de la discorde, c'est la polyphonie des peurs. L'UMP et l'UDF font assaut de simplisme pour expliquer que la Turquie et l'Europe sont incompatibles. On convoque l'histoire, la géographie, la démographie, le PIB, la religion. On rejoue le siège de Vienne, la bataille de Lépante. On évoque le déferlement migratoire, l'instabilité frontalière de l'Irak, l'Iran ou la Syrie. On invoque même « les différences culturelles ». Sans jamais le dire précisément, MM. Sarkozy et Bayrou suggèrent, insinuent l'impossibilité d'intégrer 70 millions de musulmans dans une Europe de plus de 400 millions d'habitants.

M. Jean-Christophe Lagarde. Quel argument minable vous avancez là !

M. Jean-Marc Ayrault. Mais qu'ils le disent franchement !

En attisant ainsi les peurs et les fantasmes, ils prennent la responsabilité de brouiller les enjeux et de conduire leurs électeurs à exprimer immédiatement leur refus de la Turquie en s'opposant à la Constitution européenne. Voilà comment, d'une pierre, on peut provoquer deux catastrophes. Faut-il donc encore une fois rappeler, et c'est la position des socialistes, ...(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. « La » position ?

M. Jean-Marc Ayrault. Quand les socialistes ont des débats sur une question, ils les tranchent par un vote et adoptent ensuite une position commune. Nous attendons que vous en fassiez autant : nous verrons bien ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Emmanuelli. Votez, mesdames, messieurs de l'UMP !

M. Jean-Marc Ayrault. Je rappelle la position des socialistes : le processus de négociations avec la Turquie sera long - dix ans, quinze ans, peut-être plus - et il devra être tranché souverainement par chacun des États membres. Voilà la vérité ! Il faut la dire, au lieu de jouer avec les peurs !

J'ai eu l'occasion de le dire dans un autre débat : le courage en politique n'est pas de chevaucher les peurs ; il n'est pas de désigner des boucs émissaires trop commodes - « les bureaux anonymes de Bruxelles », comme l'a dit le Premier ministre, en donnant le mauvais exemple, la Constitution européenne e,t maintenant, la Turquie - pour justifier nos renoncements ou nos impuissances.

La France se perd à se recroqueviller sur elle-même, à vivre dans l'esprit d'une forteresse assiégée. Elle abandonne la capacité de peser sur la marche de l'histoire et d'influencer le cours de l'Europe. Elle renvoie l'image d'une nation déboussolée, sans repères, en crise de confiance. C'est ce découragement, cette tentation du repli qui sont aujourd'hui notre ennemi, et non pas la Turquie.

Alors, arrêtons de faire croire que l'Europe en tant que puissance se bâtira par rejet ou par décret. Elle émergera de notre capacité à entraîner nos partenaires et nos peuples dans une Europe de projets : le gouvernement économique pour la croissance et l'emploi, l'harmonisation sociale, la défense commune, la recherche et l'innovation. Là est la vraie grandeur du politique : dire la vérité, expliquer les enjeux, montrer des chemins. En d'autres termes, il faut agir plutôt que subir.

Monsieur le Premier ministre, j'en arrive à ma dernière question : où est la grande politique européenne de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, messieurs les présidents de groupe, mesdames et messieurs les députés, pour l'ouverture des négociations européennes en vue d'une éventuelle adhésion de la Turquie, le Président de la République française a fixé la position de la France : oui à l'entrée de la Turquie à terme si elle remplit les critères d'adhésion à l'Union européenne. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pourquoi ? Parce que, si les conditions sont réunies, ce sera l'intérêt de la France et de l'Europe.

En répondant aujourd'hui à vos questions, comme vous l'avez souhaité, mesdames et messieurs les députés, nous engageons avec le Parlement un dialogue que nous voulons régulier, transparent et conforme à la Constitution.

Mme Martine David. Arrêtez !

M. le Premier ministre. Ce dialogue durera tout au long de négociations qui peuvent s'échelonner jusqu'en 2020.

M. François Hollande. Vous ne serez plus là !

M. le Premier ministre. J'engage donc mes successeurs (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.), mais aussi les vôtres.

M. François Hollande. Il a compris que c'est nous qui le ferons !

M. Henri Emmanuelli. Qu'est-ce qu'on fait là aujourd'hui, alors ?

M. le Premier ministre. Jusqu'à présent, vous n'avez pas été très bons en matière de pronostics ! Vous ne pouvez pas être très fiers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

À chaque étape, le ministre des affaires étrangères, Michel Barnier, se tiendra à la disposition de votre assemblée.

M. Henri Emmanuelli. On lui souhaite du courage !

M. le Premier ministre. La France propose une vision courageuse de l'histoire.

Depuis 1963, la question de l'entrée de la Turquie en Europe est clairement posée. Aucun président, aucun chef de gouvernement, aucun ministre sur ces bancs n'a répondu à ce jour par la négative.

En 1999, l'ensemble des États membres a reconnu la vocation européenne de la Turquie.

M. François Hollande. C'est vrai !

M. le Premier ministre. Le 6 octobre, la Commission a donné un avis positif sur l'ouverture des négociations, que le Conseil européen a autorisée le 17 décembre. Ce choix, mesdames et messieurs les députés, nous engage. Ce n'est pas un choix d'opportunité, comme je l'ai entendu tout à l'heure, c'est un choix qui s'appuie sur une vision de la France, sur une vision de l'Europe.

Nous proposons à la Turquie de faire sa véritable révolution européenne.

Notre projet européen est à la fois un projet de paix et de stabilité, un projet pour la démocratie, les libertés et les droits de l'homme, et un projet de développement économique et social. C'est notre projet européen. C'est sur ces valeurs que la Turquie devra se prononcer. C'est à elle de rejoindre notre projet. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

L'ancrage de la Turquie peut renforcer l'Europe si elle réunit les conditions requises.

L'ancrage de la Turquie dans l'Union consolidera la paix et renforcera la sécurité.

L'ancrage de la Turquie rendra irréversibles la démocratisation de ce pays et la défense des libertés.

L'ancrage de la Turquie dans l'Union assurera son développement économique tout en contribuant à sa prospérité.

La Turquie doit donc faire sa révolution européenne. Laissons l'Europe exercer sa force d'attraction démocratique, car c'est là qu'en fait réside sa puissance.

Rien ne condamne la Turquie à l'exclusion éternelle de l'Europe.

La géographie ? Quelle part d'Europe la Turquie porte-elle en elle ? C'est une question qu'elle se pose depuis des siècles. Aujourd'hui, nous voulons résolument qu'elle penche du côté européen. C'est notre intérêt. C'est l'intérêt de l'Europe. N'ouvrons pas à nos portes un foyer d'instabilité tourné contre une Europe qui aurait refusé l'espoir.

La religion ? Les dirigeants turcs nous disent vouloir construire un État laïc. La France, pays de la laïcité, et le Parlement, qui a voté à l'unanimité une loi d'avant-garde sur ce sujet, doivent-ils décourager les dirigeants turcs de s'engager dans cette voie  ?

M. Marc Laffineur. Très bien !

M. le Premier ministre. Nombreux sont les musulmans qui, en Turquie, ne veulent pas faire de la religion un projet politique.

Retrouvons-nous sur l'essentiel, sur les valeurs fondamentales et construisons un vivre ensemble européen qui sera d'autant plus fort qu'il rassemblera des Européens de toutes confessions.

L'immigration, enfin ? Souvenez-vous que, à chaque élargissement, la question s'est posée et que la réponse fut toujours la même.

L'entrée dans l'Union permet de fixer les populations parce que c'est un choix d'identité, parce que c'est un choix de prospérité, parce que c'est un choix de liberté. Le développement est toujours plus humain à la maison.

Mesdames, messieurs les députés, la négociation n'est pas l'adhésion. Je le dis clairement, il n'y a pas, contrairement aux caricatures que j'ai entendues tout à l'heure, automaticité de la négociation à l'adhésion. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le processus va être long et durer plusieurs années - dix ans, quinze ans peut-être -, pour une raison simple, que la lucidité nous impose : ni l'Europe ni la Turquie ne sont prêtes aujourd'hui à une adhésion.

En Europe d'abord et en France en particulier, il faudra du temps pour faire partager à tous les acteurs concernés l'intérêt de la candidature turque. Évidemment !

La Turquie doit elle-même consolider sa démocratie, progresser en matière de respect des droits de l'homme et des minorités, avec, notamment, les tragiques questions arménienne et kurde.

Plusieurs députés du groupe socialiste. On appelle cela un génocide !

M. le Premier ministre. Il n'y a aucun problème à parler du génocide arménien de 1915. C'est la loi, le Parlement l'a votée : je ne fais que vous citer, avec conviction ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je le dis clairement.

J'ajoute que, derrière ce mot, il y a une stratégie, une volonté claire d'affirmer cette reconnaissance : c'est pour tous les pays de l'Union européenne un devoir de mémoire que nous devons assumer tous ensemble, comme l'a fait le Parlement français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La Turquie devra confirmer le processus de réconciliation régionale qui a été engagé avec la Grèce et régler la question de Chypre dans l'esprit de réconciliation qui caractérise lui aussi le projet européen.

Des progrès socio-économiques majeurs devront également être établis.

Enfin, un considérable travail d'intégration de l'acquis communautaire doit être évidemment poursuivi.

Des périodes transitoires longues et des clauses de sauvegarde pourront, si c'est nécessaire, être prévues et engagées.

Les négociations vont donc s'ouvrir. Il va de soi que, s'il s'avérait que la Turquie ne veut pas ou ne peut pas adhérer à l'ensemble des réformes que l'Union européenne lui propose, l'Union devra lui proposer un lien partenarial en lieu et place de l'adhésion.

M. Christian Estrosi. Très bien !

M. le Premier ministre. Nous souhaitons que cette proposition soit faite si la Turquie ne peut ni ne veut réunir les conditions d'adhésion au projet européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Pendant toute la période des négociations, chaque État, chaque nation, chacun des vingt-cinq États membres de l'Union européenne pourra utiliser son veto pour bloquer la totalité des négociations s'il considère que ces dernières ne sont pas conformes au projet européen.

Je le dis à M. Bayrou avec gravité : la France n'a pas abandonné son droit de veto. Elle le conserve, parce que ce n'est pas un calcul léger mais un choix d'une extrême gravité qu'elle exercera le moment venu si le projet turc n'est pas conforme au projet européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Dans quelques semaines, une réforme constitutionnelle va vous être proposée avant que le nouveau traité constitutionnel soit soumis au référendum.

M. Jean-Pierre Blazy. Quand ?

M. le Premier ministre. Et dans cette réforme, comme le Président de la République l'a souhaité, il est prévu qu'après la Roumanie, la Bulgarie et la Croatie, toute nouvelle adhésion fera l'objet d'un traité qui sera obligatoirement soumis, pour sa ratification, à un référendum. Ainsi, chaque Française et chaque Français conservera son droit d'expression personnelle.

Vous avez exprimé le souhait d'un débat. Ce débat peut avoir lieu, et nous serons toujours disponibles.

Mais ne comptez pas sur moi ni sur mon gouvernement pour mettre à mal les principes de la ve République (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qui ont fait leurs preuves et qui donnent au Chef de l'État la mission essentielle de négocier les traités et donnent au Parlement et au peuple la possibilité de les ratifier.

M. Henri Emmanuelli. C'est faux !

M. le Premier ministre. Le peuple souverain aura le dernier mot : telle est la conception que j'ai de la ve République ! (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

M. Henri Emmanuelli. Merci pour le vote !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Yves Bur.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

    2

DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES

Suite de la discussion, en deuxième lecture,
d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (nos 1880, 1991).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s'arrêtant à l'article 6.

Rappel au règlement

M. Daniel Paul. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour un rappel au règlement.

M. Daniel Paul. Madame la secrétaire d'État aux personnes handicapées, hier soir, l'Assemblée a voté un complément de ressources pour les personnes handicapées touchant l'allocation pour adulte handicapé, dont vous avez dit qu'il se montait à 140 euros.

Je conteste formellement cette affirmation. Lors de la première lecture, nous avons supprimé le complément d'AAH institué en 1994, destiné à favoriser leur autonomie. Il concernait 155 000 allocataires, qui recevaient à ce titre environ 94 euros par mois. Le complément que vous lui substituez se monte, dites-vous, à 140 euros. En réalité, l'augmentation ne sera donc que de 46 euros. Quand je pense qu'on a voté des exonérations et une diminution de l'impôt sur les grandes fortunes au profit de personnes favorisées (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et qu'on en est à discuter de quelques dizaines d'euros, j'en suis malade !

M. François Liberti. C'est désolant !

M. le président. Monsieur Paul, il ne s'agit pas vraiment d'un rappel au règlement.

M. Daniel Paul. Je termine, monsieur le président.

Dans le document que vous nous avez distribué hier, madame la secrétaire d'Etat, il est précisé qu'en aucun cas il ne serait possible de cumuler le complément de ressources des 140 euros et la prestation de vie autonome qui constitue le troisième étage de la fusée.

J'aimerais que vous nous expliquiez si, oui ou non, les bénéficiaires de l'allocation de ressources de 140 euros toucheront réellement 140 euros de plus, ou 46 euros seulement, par rapport à ce qu'elles touchaient avant la première lecture de ce projet de loi. Il y a des cas, hélas ! où 100 euros, ça compte.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux personnes handicapées. Contrairement à ce que vous avez déclaré hier soir, monsieur Paul, nos décisions n'ont pas été prises sous l'effet de la colère de la rue.

M. Daniel Paul. Ma remarque vous a piquée, n'est-ce pas ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Je veux seulement que vous compreniez la méthode que nous avons suivie. La question des ressources des personnes handicapées est trop importante pour être traitée en trois jours, sous la pression de récriminations. Nous avons mené un travail de longue haleine, que j'ai engagé dès mon arrivée au Gouvernement. J'ai d'ailleurs déjà eu l'occasion de dire devant vous que des groupes de travail avaient été créés. C'est donc en accord avec les associations, dans le cadre d'une négociation permanente, que le sujet a été étudié. Il a fallu décider d'autant plus vite que le complément d'AAH - vous l'avez souligné à juste titre - avait été supprimé par l'Assemblée.

Plusieurs questions restaient en suspens. D'abord, le sort des personnes qui se voyaient privées du complément d'AAH. Il a été décidé de maintenir le dispositif. Quant aux nouveaux entrants qui pouvaient prétendre au complément d'AAH, je me suis engagée auprès des associations à ce qu'ils ne perdent pas ce qu'ils auraient pu avoir. Très clairement, nous avons prévu une disposition particulière, la majoration pour vie autonome, qui permet à toute personne entrant dans le dispositif de bénéficier d'une somme supérieure à celle du complément d'AAH. Personne n'y perd.

Ensuite, pour les personnes qui ne peuvent pas travailler, nous avons créé la garantie de ressources, fixée à 140 euros, et qui sera versée dès 2005. Votre assemblée doit y voir un signe de la volonté du Gouvernement d'agir immédiatement.

Nous estimons à 160 000 environ le nombre de personnes concernées par cette mesure, soit 30 000 de plus qu'actuellement.

Pour résumer, les personnes qui bénéficiaient du complément d'AAH continueront à le toucher, comme nous nous y étions engagés. Les nouveaux entrants en bénéficieront aussi, mais sous une forme améliorée, à savoir la majoration pour vie autonome, de l'ordre de 100 euros. La garantie de ressources pour les personnes handicapées - 140 euros - sera servie à 30 000 personnes de plus.

Je termine en rappelant que 2005 sera consacrée à un travail de fond sur le système d'information dont nous disposons. Aujourd'hui, il ne permet pas d'identifier les personnes qui pourraient prétendre à une augmentation de ressources. Les mailles du filet de la Caisse d'allocations familiales sont tellement larges et les critères tellement généraux que nous ne pouvons pas connaître les situations individuelles. Il faut donc commencer par explorer le terrain pour identifier les publics auxquels s'adressent ces mesures, afin de pouvoir, en 2006, si la représentation nationale le décide, améliorer le dispositif.

Je souligne une nouvelle fois que, depuis des décennies, les ressources des personnes handicapées relevaient d'un minimum social qui a peu évolué depuis dix ans. Quand je suis arrivée au Gouvernement, j'ai parfaitement compris les attentes des personnes handicapées, qui m'ont expliqué qu'une AAH, et rien d'autre, ne suffisait pas pour vivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en venons à l'article 6.

Article 6

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.

La parole est à M. Jacques Domergue.

M. Jacques Domergue. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, selon le vœu du Président de la République, qui en a fait un des grands chantiers de son second mandat, la parfaite intégration des personnes handicapées dans notre société doit dépasser le stade des souhaits pour devenir une réalité.

Si la prestation de compensation constitue l'un des piliers du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le droit à l'enseignement énoncé dans le chapitre Ier du titre III en est l'autre pilier.

L'article 6 a précisément pour objet de rappeler le principe de l'obligation scolaire des enfants et des adolescents handicapés et d'en préciser les modalités d'adaptation. Inscrit à l'alinéa 13 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, et faisant partie à ce titre de ce que les juristes appellent le bloc de constitutionnalité, le principe de l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction publique doit être garanti par la nation. Ce principe constitutionnel est aujourd'hui amplement utilisé par les juridictions nationales, et la Cour européenne des droits de l'homme a fait de l'instruction de l'enfant un droit fondamental.

En effet, quoi de plus important que l'éducation ? Quoi de plus essentiel que l'instruction et la transmission de génération en génération d'un bagage commun de connaissances permettant à nos enfants d'acquérir une certaine autonomie dans leurs choix et dans l'orientation de leur vie ?

Qui pourra affirmer que l'enfant handicapé n'est pas un enfant comme un autre ou qu'un adulte handicapé n'est pas un adulte comme un autre et que le droit fondamental à l'éducation n'a pas à leur être offert et garanti ? Personne ! À l'heure où les progrès de la médecine et les avancées fulgurantes de la science offrent aux personnes handicapées la possibilité de vivre de plus en plus normalement, il n'est pas concevable d'en faire des laissés-pour-compte de droits qui sont les attributs de tout citoyen. C'est bien là que le bât blesse ! En serions-nous aujourd'hui à réaffirmer ce principe dans la loi si nous ne sentions pas au fond de nous que ce droit n'est pas si bien respecté que cela ? C'est l'objet de l'article 6 que de le réaffirmer et de le préciser pour mieux l'appliquer. C'est aux législateurs que nous sommes qu'il appartient de prendre en compte la réalité, qui peut être dérangeante ou, du moins, s'avérer insatisfaisante lorsqu'on évalue à 35 000, voire à 45 000, le nombre d'enfants handicapés échappant peu ou prou à toute forme de scolarisation.

Le présent article a donc pour objet, en renforçant les dispositions qui s'appliquent à la scolarisation - le mot est important - des jeunes handicapés, d'en permettre une application plus effective. C'est ainsi que le principe de l'inscription de l'enfant handicapé dans l'établissement le plus proche du domicile et la qualification de cet établissement comme établissement de référence vont dans le sens d'une véritable scolarisation de l'enfant handicapé, comme l'avait suggéré, il y a un an, notre collègue Yvan Lachaud dans son rapport consécutif à la mission de réflexion et de proposition sur l'intégration scolaire des élèves en situation de handicap. Cette obligation d'inscription permettra de renforcer la scolarisation et le suivi de l'enfant handicapé et elle lui offrira les conditions d'une intégration maximale dans sa ville de résidence. Le principe de l'évaluation personnalisée des compétences est, quant à lui, la voie d'une plus grande humanisation de la prise en charge du handicap et d'une plus grande personnalisation des attentions dont il doit faire l'objet.

D'autres dispositions de ce texte visent à prendre en compte la particularité des personnes handicapées - et je m'en félicite. L'utilisation du mot « particularité » n'est la marque d'aucune discrimination, mais se veut simplement la traduction de notre volonté, comme de celle du Gouvernement, de redoubler d'efforts pour permettre aux personnes handicapées, en dépit de leur handicap, d'être des citoyens comme les autres, partageant les mêmes devoirs et, surtout, les mêmes droits. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l'article 6 est un moment important de l'examen en deuxième lecture du projet de loi sur le handicap. Nous abordons cette notion essentielle que recouvre l'accès à l'éducation, à la scolarisation et à la formation. La loi de 1975 avait fondé l'obligation nationale en matière d'éducation et de formation pour les enfants et les jeunes personnes handicapés. Le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui requiert un réel engagement en la matière.

Comme l'a souligné le précédent orateur, alors que cette notion paraît aujourd'hui acquise, si bien qu'il semblerait superflu de la rappeler, nous connaissons tous dans notre environnement des situations qui nous confirment régulièrement que des enfants handicapés n'ont pas aujourd'hui encore accès à l'éducation. L'État, et lui seul, doit garantir les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation des enfants. L'accueil dans le service public de l'éducation est un droit pour tous les enfants en situation de handicap. L'éducation des enfants handicapés doit être assurée dans le cadre du droit commun du service public de l'éducation, et, à ce titre, il est important de rappeler que chaque enfant doit pouvoir bénéficier en priorité de la scolarisation la plus proche de son domicile.

Pour certains enfants, nous le savons, cette scolarisation s'accompagnera d'un soutien individuel dans le cadre d'un dispositif adapté. Pour d'autres, il s'agira de périodes de scolarisation interrompues par des périodes de soins. Dans tous les cas, l'enfant ou le jeune doit pouvoir bénéficier de temps aménagé ou d'allers-retours entre l'école et l'établissement ou les services de soins. Le lien entre l'établissement scolaire de référence et l'établissement de soins doit être garanti par l'instituteur référent et/ou l'éducateur qui l'accompagne. Il est important aujourd'hui de tenir bon sur ces dispositions. La Convention internationale des droits de l'enfant stipule que tous les enfants handicapés ont droit à l'éducation et qu'ils doivent bénéficier, en tant que tels, de soutiens adaptés.

S'il est une disposition essentielle sur laquelle nous devons nous montrer à la hauteur de l'enjeu car elle conditionne l'avenir des personnes handicapées en matière d'égalité des chances et d'accès à la citoyenneté, c'est bien celle relative à la scolarisation des enfants handicapés. C'est au sein de cet article qu'il nous faut poser et affirmer les obligations qui transformeront le regard sur le handicap, car c'est dans ce premier lieu de socialisation qu'est l'école que se joue le devenir de l'enfant-sujet.

J'ai durant de longues années exercé des fonctions dans plusieurs établissements spécialisés accueillant des enfants en situation de handicap. Il y a encore une vingtaine d'années, un grand nombre de ces enfants n'étaient absolument pas accueillis à l'école. Depuis, les choses ont changé, et les principales difficultés sont derrière nous : désormais, les écoles maternelles accueillent les enfants en situation de handicap. Les choses deviennent plus difficiles lors de l'entrée à l'école élémentaire et dans les premiers cycles d'apprentissage. Nous devons nous mobiliser pour que les enfants soient inscrits à l'école de leur quartier, car cette inscription peut encore soulever des inquiétudes. Il est de notre devoir de les lever et de permettre à tous les enfants de s'inscrire, charge restant à la collectivité scolaire et éducative de garantir les conditions nécessaires pour que les familles et l'enfant trouvent la solution la mieux adaptée à leur cas. Nous faillirions à notre devoir si nous reculions sur la question de l'inscription obligatoire à l'école. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Madame la secrétaire d'État, avant d'intervenir sur l'article 6, je souhaiterais vous faire part d'une interrogation sur les compléments de ressources liés à l'AAH que vous venez d'évoquer. Hier, dans le cours de la discussion, j'avais cru comprendre à la lecture de l'exposé des motifs de l'amendement du Gouvernement - vous n'avez pas démenti mon interprétation - que la majoration pour vie autonome se situerait au même niveau que la garantie de ressources proprement dite, soit à 140 euros.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. C'est autre chose.

Mme Martine Billard. Or il ressort de votre dernière intervention que la majoration pour la vie autonome ne dépasserait finalement pas 100 euros, d'où ma surprise. Qu'en est-il exactement ? Pourriez-vous préciser ce point ?

S'agissant de l'article 6, je rappellerai que, la loi générale imposant l'obligation scolaire jusqu'à seize ans, il n'y a aucune raison pour que des enfants qui, bien que souffrant d'un handicap, peuvent néanmoins suivre une scolarité, au besoin aménagée soient exclus de cette obligation. Il appartient aux pouvoirs publics de tout mettre en œuvre pour adapter les structures scolaires aux besoins de ces enfants et leur attribuer les moyens humains nécessaires.

M. Marc Le Fur. Que ne l'avez-vous fait !

Mme Martine Billard. L'exclusion des enfants handicapés du milieu scolaire ordinaire n'est plus tolérable aujourd'hui. Elle est d'ailleurs le plus souvent totalement injustifiée. De même, il n'est plus tolérable que les parents vivent chaque rentrée scolaire dans l'angoisse d'un possible refus de l'établissement scolaire d'accueillir leur enfant.

Il est fondamental pour l'enfant handicapé d'être mêlé aux autres enfants de son âge et d'étudier ou de pouvoir jouer avec eux ; bref, d'être un enfant. Il n'est plus possible de considérer que ces enfants sont extérieurs à l'institution scolaire, ce que traduisait l'expression « intégration scolaire ». Je me félicite que la commission, en renonçant à cette expression, ait reconnu le principe de la scolarisation pleine et entière : les mots ont aussi un sens.

Mais il convient également de garantir leur scolarisation dans la durée, notamment au travers des aménagements d'accessibilité et des moyens humains mis à disposition. Les parents ne doivent plus avoir à se demander à chaque rentrée si les postes d'auxiliaire de vie scolaire seront ou non reconduits. Une telle situation est invivable.

Les craintes ou les préjugés, de la part des autres parents d'élèves ou de la communauté éducative, ont déjà sensiblement reculé ces dernières années, et je souhaiterais rendre hommage, à cet égard, à tous ceux qui, parents, enseignants ou élus, ont fait évoluer les mentalités. Nous leur devons beaucoup. Néanmoins, il s'agit de lutter contre les dernières réticences.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. C'est vrai.

Mme Martine Billard. L'adoption de l'article 6 et des articles suivants permettra d'inscrire dans la loi le droit à la scolarisation en milieu ordinaire. Il nous restera à lever la restriction introduite par le Sénat, laquelle, me semble-t-il, soulèvera un débat au sein de l'hémicycle puisque le Gouvernement a déposé un amendement sur le sujet. L'adoption de ces articles constituera néanmoins une avancée significative. Il nous appartiendra de rester aux côtés des familles pour nous assurer de la mise en œuvre effective de la loi, qui ne doit faire l'objet d'aucune tentative de contournement, résultat le plus souvent non tant de la mauvaise volonté que de la peur. À ce titre, il est important de mener auprès des parents et de l'ensemble de la communauté éducative une campagne d'éducation qui, reposant sur des exemples précis, permettra de démontrer que l'accueil des enfants handicapés et le soutien extérieur en liaison avec des institutions de référence sont possibles. Tous nos enfants, handicapés ou non, doivent aujourd'hui être considérés comme des enfants à part entière jouissant des mêmes droits.

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. L'article 6 précise le contenu de l'obligation scolaire qui s'exerce à l'égard des enfants et des adolescents en situation de handicap, et il détermine les voies et les moyens de cette obligation. La façon dont le système éducatif intègre les enfants handicapés constitue un bon repère pour évaluer les capacités de celui-ci à s'adapter à la diversité des publics. Malheureusement, la réalité est loin de répondre aux attentes des familles et des jeunes. Le principal obstacle est constitué par les ruptures entre les différents niveaux d'enseignement. Si 76 000 élèves handicapés relevant du primaire sont scolarisés en milieu ordinaire, ils ne sont plus que 20 000 pour le secondaire et 7 500 pour le supérieur. Un rapport de l'IGAS, remis à la fin du mois de mars 1999, a pourtant clairement établi le bénéfice que pouvaient retirer les enfants et les adolescents handicapés de leur intégration en milieu scolaire ordinaire dès lors que celle-ci était soutenue et accompagnée à la mesure des besoins de l'élève, notamment grâce à l'intervention des services de l'éducation spécialisée et des soins à domicile.

L'élève handicapé intégré améliore considérablement ses chances de développer des apprentissages et de réussir son insertion sociale et professionnelle ultérieure, tandis que tous les élèves font l'apprentissage de la solidarité et de la citoyenneté.

L'accueil en établissement spécialisé reste cependant indispensable pour certains jeunes, selon des modalités définies et pour des durées variables. Cela dit, il doit devenir l'exception, la règle étant l'accueil en milieu ordinaire. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner lorsque j'ai défendu la question préalable, la double inscription dévoie pour le moins l'inscription de l'enfant en milieu ordinaire. Les moyens et les effectifs de l'éducation nationale ayant subi, dans le cadre de la loi de finances pour 2005, des coupes non négligeables, tout particulièrement dans le secondaire, on est en droit de s'inquiéter des conditions de mise en application des dispositions qui sont prévues dans le texte.

Dans un contexte de désengagement financier de l'État vis-à-vis du service public de l'éducation, nous serons particulièrement attentifs à l'application effective des dispositions de ce projet de loi. Nous ne voudrions pas que le dispositif paraisse fondé sur une belle argumentation dépourvue de moyens. Sans moyens, en effet, la règle ne pourra s'inscrire dans la réalité quotidienne.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Mes chers collègues, il semble que nous allons tous voter cet article : on ne peut pas ne pas être favorable à l'accueil de tous les enfants handicapés dans ce qu'on appelle le « milieu ordinaire ». À cet égard, je m'associe à l'hommage rendu aux équipes éducatives qui rendent possible cette intégration, ainsi qu'aux maires et aux élus locaux, qui, pour la plupart, ont fait un effort tout particulier pour adapter les écoles.

M. Jean-Marie Geveaux. Les conseils généraux aussi !

M. Yves Durand. De toutes les interventions sur l'article ressort une convergence de vues bien naturelle. Reste la question des moyens, à laquelle M. Liberti vient de faire allusion. De quels moyens allez-vous bénéficier, madame la secrétaire d'État, pour mettre en place cette disposition ? Nous venons de prendre connaissance des mesures de carte scolaire pour l'année prochaine : elles sont absolument catastrophiques. Plusieurs académies voient le nombre de leurs enseignants et de leur personnel d'encadrement diminuer d'une façon inacceptable. Dans l'académie de Lille, je me demande comment nous allons pouvoir assurer la rentrée 2005 !

Qui plus est, pour les enfants handicapés, le budget pour 2005 ne prévoit que 800 postes supplémentaires d'auxiliaires de vie scolaire : comme nous l'avons déjà dit lors de l'examen des crédits de l'enseignement scolaire, c'est notoirement insuffisant, surtout si l'on veut mettre en application le principe qui recueille aujourd'hui notre consensus. Et la réalisation du budget pour 2004 fait apparaître que certains crédits destinés à l'intégration des enfants handicapés ont été gelés en cours d'année.

Dès lors, au-delà de l'accord unanime sur l'intégration - même si je n'aime guère le terme -,...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La scolarisation !

M. Yves Durand. ...sur l'accueil de tous les élèves, handicapés ou non, pour suivre une scolarité commune, comment allez-vous faire pour mettre réellement cette mesure en application ?

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 335 et 542.

L'amendement n° 335 est-il défendu ?

M. Philippe Armand Martin. Oui, monsieur le président.

M. le président. Et l'amendement n° 542 ?

Mme Martine Billard. Défendu !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Chossy, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements.

M. Jean-François Chossy, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Avis défavorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Défavorable également. La rédaction proposée n'a pas de portée normative. Elle n'ajoute rien au droit, qui, en l'occurrence, précise la mission incombant au service public de l'éducation. En d'autres termes, ces amendements me semblent quelque peu superflus.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Superflus peut-être, madame la secrétaire d'État, mais, comme nous l'avons dit en d'autres occasions, il est important de faire coïncider le vocabulaire avec les actes. Si nous proposons de préciser que la scolarisation se fait dans le cadre du droit commun, c'est pour marquer la rupture avec la situation qui a prévalu jusqu'ici.

M. le président. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello.

Mme Muriel Marland-Militello. Insister sur le droit commun, c'est en fait contribuer à l'exclusion de l'enfant, car la précision implique a contrario que la règle n'est pas commune. De ce qui va de soi, il est inutile de parler. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Yves Durand. Quelle dialectique !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 335 et 542.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 84.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Je retire cet amendement rédactionnel, dont l'adoption nous contraindrait à procéder à un balayage de tout le texte. L'ajustement sera fait en commission mixte paritaire.

M. le président. L'amendement n° 84 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements, nos 85 rectifié et 463, pouvant être soumis à une discussion commune.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 85 rectifié.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Je laisse le soin de le défendre à Mme Marland-Militello, qui en a eu l'initiative.

M. le président. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello.

Mme Muriel Marland-Militello. La scolarisation des enfants, indépendamment des problèmes d'accessibilité, nécessite des moyens humains et financiers particuliers. Cet amendement vise à le spécifier, afin que cet aspect soit pris en compte d'une façon générale.

M. le président. Sauf erreur de ma part, madame, vous avez donc défendu l'amendement de la commission, que vous avez cosigné, et vous retirez l'amendement n° 463.

Mme Muriel Marland-Militello. En effet !

M. le président. L'amendement n° 463 est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 85 rectifié ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Je suis embarrassée, car cette disposition ignore le rôle des collectivités locales aux côtés de l'État en matière d'enseignement, et notamment leur responsabilité quant aux locaux scolaires. Paradoxalement, cela revient presque à remettre en cause le fait que l'État met en œuvre les moyens pour ce qui le concerne.

M. le président. Pourriez-vous préciser l'avis du Gouvernement, madame la secrétaire d'État ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Là encore, madame la secrétaire d'État, vous commettez une erreur fondamentale - une erreur juridique, qui plus est, dans cette maison où le droit est si important ! Vous faites implicitement allusion aux dispositions des articles L. 111-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation. Ni les régions, pour les lycées, ni les départements, pour les collèges, ni les communes, pour les écoles primaires, ne rencontrent de difficultés en ce qui concerne la constructibilité. Seul demeure le problème des universités. Mais la question soulevée par Mme Marland-Militello et par la commission dépasse le code de la construction : elle concerne aussi les moyens humains. On s'accorde à dire que l'intégration pleine et totale en milieu ordinaire est un élément fondamental, mais les moyens humains doivent suivre, et vous ne pouvez vous en décharger sur les collectivités territoriales, qui n'auront pas les moyens de mener à bien cette politique, qui n'est pas de leur compétence. En l'occurrence, la commission et son rapporteur ont fait preuve de beaucoup de lucidité en adoptant cet amendement, qui permettra de rassurer, au moins en partie, les élus locaux que nous sommes.

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. Je soutiens cet amendement, que j'ai d'ailleurs cosigné, pour les mêmes raisons que M. Terrasse. Il revient essentiellement à l'État d'assurer la solidarité dans ce domaine. Cela n'exclut pas que les collectivités territoriales prennent des mesures, mais en complément.

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. L'expérience montre bien que la difficulté ne vient pas des collectivités locales, que ce soit la mairie, le conseil général ou le conseil régional. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mises devant leurs responsabilités, elles font toujours leur devoir. C'est à l'éducation nationale qu'il faut rappeler qu'il y a désormais un droit acquis et incontestable, et qu'elle doit donner aux enseignants les moyens de l'appliquer. À cet égard, l'amendement est très important.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Au fond, nous disons la même chose. Mais gardons-nous de reprendre dans ce texte tous les principes fondamentaux ! (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ne créons pas dans le droit commun une enclave pour le handicap : chaque collectivité territoriale, à son niveau, doit continuer d'assumer ses responsabilités.

M. Pascal Terrasse. C'est ce que font les collectivités !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Bien entendu, tout comme l'État le fait de son côté !

M. Pascal Terrasse. Elles respectent le code de la construction.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Veuillez me laisser conclure, monsieur Terrasse !

Prenons l'exemple des auxiliaires de vie scolaire, sur lesquelles vous m'interrogiez tout à l'heure : l'éducation nationale a prévu une ligne budgétaire spécifique pour la création de postes supplémentaires. Il s'agit bien là d'une obligation qui incombe à l'État et que celui-ci assume. En revanche, l'amendement introduirait une forme de dérogation à ce qui, précisément, relève du droit commun. Permettez-moi de vous alerter, mesdames et messieurs les députés : ne recréons pas une enclave juridique destinée aux personnes handicapées, car celles-ci revendiquent au contraire le droit commun.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 336.

Est-il défendu ?

M. Philippe Armand Martin. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 336.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 619.

La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le soutenir.

M. Claude Leteurtre. Cet amendement vise à préciser que l'inscription de l'enfant à l'école est faite par la mairie, afin d'assurer un réel suivi de l'élève et d'établir un état statistique fiable de tous les enfants handicapés scolarisés, qu'ils le soient en milieu ordinaire ou en milieu spécialisé. Un parent me racontait ce matin que son enfant handicapé, qui n'était pas inscrit, n'avait pas droit à l'arbre de Noël...

M. le président. Je vous prie de m'excuser, monsieur Leteurtre, mais l'amendement n° 619 n'a plus d'objet, non plus que l'amendement n° 543 de Mme Billard.

Je suis saisi d'un amendement n° 510.

La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, pour le défendre.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. L'inscription de l'enfant handicapé est obligatoire dans l'école la plus proche de son domicile. Il convient également de prévoir une étroite collaboration et une complémentarité entre l'éducation nationale et les services médico-éducatifs. Les enfants y reçoivent une formation, au besoin dans le cadre de dispositifs adaptés.

Nous venons d'évoquer comment l'intégration et l'accueil des enfants se font dans les établissements scolaires. Pour que toutes les conditions de réussite soient réunies, il est indispensable de favoriser cette complémentarité et de permettre à l'équipe enseignante d'avoir à ses côtés une autre équipe à même d'accompagner l'enfant à certains moments un peu plus difficiles.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Cet amendement prévoit de recourir, avec l'accord des parents, à un autre établissement en milieu ordinaire si celui-ci offre les dispositifs adaptés répondant aux besoins de l'élève.

Le Gouvernement, considérant que cela n'apporterait rien au droit existant, préférerait que cet amendement soit retiré.

M. le président. L'amendement est-il maintenu ?

Mme Hélène Mignon. Nous retirons l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 510 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 610.

La parole est à Mme Muriel Marland-Millitello, pour le soutenir.

Mme Muriel Marland-Militello. Je tiens beaucoup à cet amendement dans la mesure où il spécifie qu'il s'agit, pour l'enfant et sa famille, d'un projet « personnalisé », et non plus « individualisé ».

Le terme « individu » fait référence à l'être humain de manière anonyme, et possède une connotation péjorative, puisqu'on parle d' « individu » en matière pénale.

Le terme « personnalisé » fait référence à la personne et donne sa dimension morale à l'enfant ou à l'adulte. La personne est un individu qui a une conscience claire de lui-même.

L'emploi du terme « personnalisé » marque la volonté d'exprimer le respect que l'on doit aux personnes handicapées et à leurs représentants.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. En effet, à ce stade de l'article, la notion dont vous parlez n'a pas encore été introduite. On la retrouvera un peu plus loin, à l'article L. 112-2. Peut-être alors pourra-t-on la remplacer par celle de « projet personnalisé ».

Pour autant, au niveau des principes, je serais, à titre personnel, tout à fait d'accord.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Je suis contente qu'on puisse aborder cette question, qui se trouve au cœur de l'article 6. La notion de projet personnalisé est bien dans l'esprit de la loi.

Comme le rapporteur, je ne suis pas persuadée que ce soit l'endroit de plus judicieux du texte pour l'introduire. Néanmoins, le faire rapidement et le pointer me semblerait tout à fait essentiel. Avis favorable, donc.

M. le président. La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Je voudrais en profiter, madame la secrétaire d'État, pour vous interroger sur deux ou trois points.

Premièrement, on a parlé de complémentarité entre établissements spécialisés et milieu ordinaire. J'aimerais avoir quelques précisions sur le devenir des équipes spécialisées qui, jusqu'ici, dépendaient des établissements médico-sociaux et qui intervenaient en milieu ordinaire.

Le projet de loi prévoit que les personnels enseignants relèvent exclusivement du ministère chargé de l'éducation nationale.

Ces équipes spécialisées, qui sont absolument nécessaires pour allier efficacité et proximité et qui intervenaient d'ailleurs dans le milieu ordinaire, s'interrogent sur leur devenir. Vous m'avez précisé, en réponse à une question écrite que je vous avais posée, que ce point serait réglé par voie réglementaire. Je souhaiterais avoir d'autres précisions.

Deuxièmement, je voudrais vous interroger sur les AVS, et notamment les AVS-CO. Dans l'enseignement privé, qui est soumis aux mêmes règles d'intégration des enfants handicapés, les AVS-CO doivent être embauchés directement par l'établissement privé. Dans les établissements publics, les AVS-CO sont payés directement par l'État. Or, au cours de la discussion sur les retraites, nous avons admis que les maîtres de l'enseignement privés étaient des agents publics contractuels de l'État. En conséquence, les AVS-CO de l'enseignement privé ne pourraient-ils pas avoir un statut parallèle et être payés par l'État ? Cela permettrait aux établissements privés d'assurer leurs obligations d'intégration des enfants handicapés.

Troisièmement, ni la circulaire de juin 2003, ni votre projet de loi ne font référence aux AVS à l'université. La scolarisation s'arrêterait-elle aux portes de l'université ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 610.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 86, qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 827 deuxième rectification.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 86.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Je tiens à m'arrêter un instant sur cet amendement.

Tel qu'il est rédigé, il met un terme définitif à cette notion floue, mal comprise d'ailleurs, de double inscription.

Il s'agit d'inscrire l'enfant dans l'école la plus proche du domicile et de faire en sorte que l'école la plus proche, devenant l'école de référence, puisse assurer le suivi scolaire de cet enfant tout au long de sa scolarité, même si ce doit être dans le cadre d'un système adapté. Nous verrons comment y parvenir par le biais du sous-amendement présenté par le Gouvernement.

Par l'amendement n° 86, nous souhaitons que l'éducation nationale assume ses responsabilités, notamment celle de l'éducation de cet enfant tout au long de sa scolarité.

Pour que le parcours soit le plus bref et le plus simple possible, l'établissement d'inscription deviendrait l'établissement référent.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 86 et soutenir le sous-amendement n° 827 deuxième rectification.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Je me dois de remercier le rapporteur d'avoir tenu à préciser que l'inscription n'était pas à la charge des parents, mais bien à celle du service public de l'éducation ou de la collectivité publique compétente. En effet, les procédures sont variables selon le degré d'enseignement - mairie pour les écoles, chefs d'établissement pour le second degré. Bien entendu, l'inscription de l'élève doit être faite avec l'accord des parents.

La précision apportée par le rapporteur répond bien aux intentions du Gouvernement et met fin au malentendu.

Toutefois, il m'a paru souhaitable d'apporter à l'autorité compétente le soutien de l'équipe départementale de suivi de l'intégration scolaire, qui a précisément pour mission de proposer à la commission des droits et de l'autonomie toute révision de l'orientation d'un enfant ou d'un adolescent, dans la mesure où elle le jugerait utile.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Tout à fait favorable !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 827 deuxième rectification.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86, modifié par le sous-amendement n° 827 deuxième rectification.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 87.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. C'est un amendement de coordination rédactionnelle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 87.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 88.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. C'est également un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 89 et 613.

La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon. Nous accordons de l'importance au fait que l'élève soit inscrit dans l'établissement de référence le plus proche de chez lui. Il pourra, à certains moments, être orienté vers une structure médico-sociale ou vers tout dispositif adapté, mais il doit être bien précisé qu'il pourra revenir dans son établissement de référence lorsque son état le lui permettra.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 89 et 613.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 90 rectifié et 513, pouvant faire l'objet d'une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 90 rectifié.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Je laisse à Mme Carrillon-Couvreur le soin de le défendre.

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Tout enfant handicapé doit pouvoir suivre sa scolarité dans l'établissement scolaire de son secteur. Lorsque, exceptionnellement ou de façon transitoire, l'état de l'enfant nécessite une admission dans un établissement spécialisé, une scolarité doit lui être assurée par l'éducation nationale. Cette dernière doit donc garantir à tous les enfants et adolescents présentant un handicap ou un problème de santé un suivi scolaire dans un établissement médico-social ou un service de santé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. La commission a adopté l'amendement n° 90 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 513 n'a plus d'objet.

Je suis saisi d'un amendement n° 337.

Est-il défendu ?

Mme Geneviève Levy. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 337.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 544.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Un enfant peut, momentanément, être accueilli dans un établissement autre que l'établissement le plus proche de son domicile en raison des difficultés d'adaptation de ce dernier. Si la scolarisation de cet enfant se poursuit sur plusieurs années - en pratique s'il débute un cycle d'enseignement -, l'établissement le plus proche qui aurait dû normalement accueillir cet enfant doit prévoir d'effectuer les travaux nécessaires.

Les établissements ne doivent pas se défausser les uns sur les autres. Les collectivités concernées doivent prendre leurs responsabilités et engager les travaux dans l'établissement qui est censé accueillir l'enfant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Défavorable. Les délais imposés par cet amendement sont trop courts, ce qui pourrait s'avérer trop coûteux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Défavorable également. J'insiste sur le fait que les dispositions qui s'appliquent aux établissements recevant du public, prévues à l'article 21, concernent pleinement les établissements d'enseignement et permettent ainsi de répondre aux préoccupations de Mme Billard. Cet article concerne en effet les établissements recevant du public et la mise en accessibilité systématique.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon. Ce ne sont pas des problèmes matériels ou financiers qui m'amènent à m'interroger sur cet amendement. Mais je pense que, lorsqu'un enfant présentant un handicap a été intégré dans un milieu, dans une équipe scolaires, il serait dommage de l'en déplacer parce que les travaux ont été effectués dans l'école d'à côté et de le séparer de ses camarades. Il a commencé sa scolarité dans une école ; qu'il y termine cette scolarité.

Mme Martine Billard. Je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 544 est retiré.

L'amendement nos 338 n'est pas soutenu, non plus que l'amendement n° 339.

Je suis saisi d'un amendement n° 511.

La parole est à Mme Marie-Renée Oget, pour le soutenir.

Mme Marie-Renée Oget. Cet amendement met l'accent sur l'accompagnement scolaire de l'enfant handicapé. Il convient de tenir compte de la spécificité de chaque type de handicap. Des compétences précises doivent être mobilisées. Par exemple, la maîtrise des moyens de communication destinées aux personnes sourdes et malentendantes est nécessaire pour l'accompagnement de l'enfant sourd et implique une formation et une qualification spécifiques.

J'en profite, monsieur le président, pour signaler que les personnes malentendantes qui nous regardent salle Lamartine nous entendent très mal, car celle-ci n'a pas été équipée de boucles magnétiques.

M. le président. Nous en prenons bonne note.

Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. La commission a rejeté l'amendement, le texte rendant cette précision inutile. Mme la secrétaire d'État pourra le confirmer.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Je le confirme, en effet. L'accompagnement intervient dans le cadre du plan de compensation, à l'issue de l'évaluation de la situation de l'enfant. Il est formalisé en fonction du projet individualisé, qui tient évidemment compte des spécificités de chaque personne et des besoins liés à son handicap.

Ne surchargeons pas le texte en répétant sans cesse ce qu'il porte déjà, puisqu'il est défini pour couvrir a priori toutes les formes de handicap.

C'est la raison pour laquelle je suggère le retrait de cet amendement, qui est totalement satisfait.

M. Jean-Marie Geveaux. Cela paraît sage, en effet !

M. le président. L'amendement est-il maintenu ?

Mme Hélène Mignon. Nous le maintenons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 511.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 91 et 620

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 91.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. La commission a considéré que passer un ou deux jours par semaine dans son école ou son établissement de référence est profitable, non seulement pour le développement de l'enfant handicapé, mais aussi pour les autres enfants, qui font ainsi l'apprentissage, voire la découverte, de la différence.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Je suis extrêmement intéressée par cet amendement, dont l'esprit me paraît très positif. Toutefois, je ne voudrais pas qu'il aboutisse à créer un automatisme en imposant à l'enfant de retourner dans l'établissement de référence. Cette réserve me conduit à m'en remettre à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Je rejoins Mme la secrétaire d'État : l'amendement part, en effet, d'un bon sentiment en visant à établir davantage de passerelles entre le milieu ordinaire et le secteur protégé médico-social. Nous y sommes, bien évidemment, très favorables. Toutefois, le cadre de l'amendement même risquerait de ne pas pousser les équipes pédagogiques et accompagnantes à établir ces passerelles, à travers notamment les contrats d'intégration. Pourquoi un ou deux jours plutôt que trois ou quatre ? Il me paraîtrait pertinent de modifier cet amendement pour donner une forme plus souple à cette relation entre milieu ordinaire et milieu protégé. Car, s'il était adopté en l'état, il rigidifierait la disposition et ne laisserait aucune possibilité aux équipes en charge des enfants de prendre des initiatives.

M. Patrice Martin-Lalande. Cette question n'est pas du domaine de la loi. Elle requiert de la souplesse !

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Je suis également gêné par cet aspect de l'amendement, qui consiste à inscrire dans la loi ce qui doit être le résultat du projet pédagogique individualisé. Pourquoi faire de ce qui relève de la pédagogie une obligation légale pour le bien de l'enfant ? Laissons un peu de liberté aux équipes !

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. Je comprends bien que le côté normatif et rigoureux de cet amendement puisse gêner et je suis prêt à le modifier sous la forme que le rapporteur jugera utile.

Au-delà des bonnes intentions, cet amendement est nourri par la pratique. J'y vois deux avantages. Comme l'a dit le rapporteur, cette démarche est bénéfique pour le jeune enfant handicapé comme pour les enfants en milieu ordinaire. C'est également important pour des personnes qu'il ne faut pas oublier : les parents, qui doivent eux-mêmes faire leur chemin dans la définition du projet personnalisé, que ce lien de continuité peut contribuer à faire avancer. La forme n'est peut-être pas la bonne, mais il faut sûrement établir ce lien.

M. le président. Monsieur le rapporteur, souhaitez-vous apporter une conclusion à cette discussion ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Nous pourrions écrire « un ou deux jours par semaine, ou plus si nécessaire ». (« Non ! » sur divers bancs.) Je n'irai donc pas plus loin.

Je veux tout de même faire miens les propos de M. Leteurtre. Je participe beaucoup à cette démarche qui consiste à faire en sorte que les autres élèves fassent l'apprentissage de la différence de l'autre, rencontrent le handicap, puissent comprendre ce qui fait la différence et l'admettent.

Voilà pourquoi j'insiste sur cet amendement, qui me paraît tout à fait utile.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Sur l'esprit, nous sommes bien d'accord. Il faut de la fluidité, il faut que l'enfant handicapé et sa famille ne se heurtent plus à des parois étanches dont ils ont trop souffert par le passé. Pour autant, attention à ce que notre texte ne devienne pas normatif, ne devienne pas rigide !

M. Pascal Terrasse. Tout à fait !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Je me réjouis que nous ayons ce débat : c'est le cœur même du projet de loi, et singulièrement de cet article. Mais prenons garde à ne pas transformer l'esprit de la loi. Ne nous trompons pas : l'intention de ce texte est de donner un sens, non de créer un carcan.

M. Yves Durand. Tout à fait !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 91 et 620.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 826.

La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour le soutenir.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. La disposition visée, introduite par amendement du Sénat en deuxième lecture, répond au souci légitime de voir chaque collectivité territoriale assumer ses propres responsabilités.

Elle reprend l'obligation de mise en accessibilité de tous les établissements recevant du public prévue à l'article 21 du projet de loi.

Elle risque cependant de soulever des difficultés d'application et d'être source de complexités, notamment en termes de valorisation des coûts de transport et de transferts de charges entre collectivités territoriales, et de mobiliser des ressources, en particulier le temps des agents affectés au fonctionnement des maisons départementales, pour le service de la prestation de compensation, alors même que l'objet de leur action est d'être totalement au service de la personne handicapée.

Aussi le Gouvernement propose-t-il de supprimer le dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 112-1 du code de l'éducation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement.

À titre personnel, j'attire l'attention de Mme la secrétaire d'État sur les surcoûts qu'entraîne un déplacement tel que celui qui est imposé à l'enfant. Si l'on admettait que ces surcoûts soient pris en charge, au titre de la prestation de compensation, par la collectivité territoriale, il ne faudrait pas pour autant exonérer celle-ci de ses obligations de mise en accessibilité.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Tout à fait !

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Si nous supprimions cet alinéa, nous remettrions en question les conditions d'intégration et d'accueil des enfants handicapés. Or il est très important que chaque collectivité puisse assumer ses propres responsabilités en matière d'accueil et de mise en conformité des lieux d'accueil pour les enfants.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 826.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 265 de M. Jean-Yves Cousin, 663 de M. Wauquiez, 405 de M. Decool, 476 de Mme Billard, 244 de M. Jean-Yves Cousin, 621 de M. Lachaud, 92 rectifié et 93 de la commission n'ont plus d'objet.

Je suis saisi d'un amendement n° 626.

La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le défendre.

M. Claude Leteurtre. L'amendement est défendu !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Autant que mes souvenirs soient exacts, la commission a émis des réserves sur cet amendement, voire un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Je pense qu'il vaudrait mieux le retirer, parce qu'il introduirait un effet de « catégorisation » dans le texte, alors même que la définition englobe toutes les formes de handicap. Sur le fond, je le comprends, mais, sur la forme, il conduirait à compartimenter le texte, à contresens même de son esprit.

M. le président. Retirez-vous l'amendement, monsieur Leteurtre ?

M. Claude Leteurtre. Non, je le maintiens.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Madame la secrétaire d'État, on ne peut pas considérer que l'enseignement en milieu ordinaire puisse apporter une réponse adaptée à la surdité. Je défendrai plus tard des amendements en faveur de la langue des signes comme moyen d'accès pour les sourds à l'enseignement, de la maternelle aux études supérieures. Or seuls des enseignants qui possèdent cette langue des signes peuvent s'en charger. C'est pourquoi je soutiens cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. La question que je vous avais posée sur la complémentarité, madame la secrétaire d'État, m'avait été suggérée par des équipes intervenant auprès des sourds.

À une question écrite que je vous avais adressée, vous aviez répondu : « Toutefois, le projet de loi prévoit que les personnels enseignants relèvent systématiquement du ministère chargé de l'éducation nationale. Or, dans un certain nombre de situations, les enseignants intervenant auprès des jeunes déficients sensoriels ont suivi un cursus de formation particulier et ne relèvent pas de ce ministère. À ce titre, il est prévu de fixer par voie réglementaire les conditions dans lesquelles ils exercent leur mission auprès des jeunes déficients sensoriels en leur reconnaissant une place pleine et entière au sein de l'équipe pédagogique. » Nous voudrions savoir quelles sont ces conditions.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Les questions que vous posez relevant de l'article 8, je vous propose de les examiner au moment où nous aborderons cet article.

M. Philippe Tourtelier. D'accord !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 626.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 352 rectifié.

La parole est à M. François Liberti, pour le soutenir.

M. François Liberti. Cet amendement vise à affirmer le droit à l'évaluation.

Afin de conférer au dispositif tout le dynamisme souhaité, il est important, s'agissant en particulier des compensations techniques ou humaines, que les projets personnalisés soient actualisés en permanence ou au moins une fois par an. Cette nécessité s'impose plus encore pour ce qui est de la scolarité.

Il est également important que les parents ou représentants légaux soient obligatoirement entendus afin d'éviter que cette évaluation ne se déroule dans une sorte d'anonymat administratif. Ce serait d'ailleurs contraire à l'esprit d'une loi par laquelle on cherche à ce que les usagers participent à l'élaboration du plan destiné à leur venir en aide.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Son adoption ferait disparaître la notion de projet individualisé - ou personnalisé, comme préfère le dire Mme Marland-Militello - de scolarisation et tomber l'amendement de la commission tendant à prévoir des allers et retours entre le milieu scolaire ordinaire et l'établissement adapté.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. S'agissant de l'évaluation du jeune handicapé, le fait qu'elle soit prévue « selon une périodicité adaptée » à sa situation me paraît suffisant. Je vous confirme toutefois, comme je l'ai déjà fait au Sénat, que des dispositions réglementaires seront prises afin que le délai entre deux évaluations ne puisse pas excéder trois ans. En deçà de ces trois ans, la fréquence minimale du réexamen sera fixée au cas par cas pour chaque enfant en fonction de ses besoins.

La périodicité de l'évaluation fait partie quasi intégrante du projet personnalisé de l'enfant. On ne peut disjoindre ces deux notions ni figer la première.

Quant à l'audition des parents lors de l'évaluation, la formulation actuelle selon laquelle « les parents ou le représentant légal de l'enfant sont entendus à cette occasion » me paraît garantir largement les droits de ceux-ci et surtout la prise en compte - puisque c'est cela le but - de leurs vues et de leurs choix pour leur enfant.

M. le président. Maintenez-vous l'amendement, monsieur Liberti ?

M. François Liberti. Un délai de trois ans me paraît bien long s'agissant d'un enfant.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. C'est un cycle !

M. François Liberti. Je maintiens donc l'amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 352 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 266, 622, 94 et 464, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n°s 266 et 622 sont identiques. Il en est de même des amendements n°s 94 et 464.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Ces amendements tendent tous à prévoir une évaluation « au moins une fois par an ».

La commission a rejeté les amendements n°s 266 et 622 qui visent à insérer cette mention après le mot « évaluation ».

Quant à l'amendement n° 464, il est identique à l'amendement n° 94 qu'a adopté la commission et qui tend à substituer cette mention aux mots : « selon une périodicité adaptée à sa situation ».

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces quatre amendements ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements pour les raisons que j'ai déjà exposées.

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Le parcours de formation adapté au sein des structures éducatives est un élément essentiel et je souscris totalement au projet individualisé - ou personnalisé - de scolarisation. Dès lors, il faut que l'équipe pluridisciplinaire qui intervient dans les choix et les orientations de ce parcours de formation puisse évaluer correctement le travail qui est fait.

Je serais d'avis, moi aussi, que cette évaluation soit permanente. En tout état de cause, il est des moments, comme le passage d'une classe à une autre, où elle est indispensable, d'autant qu'elle fait intervenir d'autres acteurs essentiels, comme l'entourage et la famille.

Si vous refusez ces amendements, il conviendrait à tout le moins, madame la secrétaire d'État, que, dans les textes réglementaires qui seront rédigés après le vote du texte, vous reconsidériez l'architecture des contrats d'intégration. S'ils sont une réalité dans certains établissements scolaires, ils se réduisent, dans d'autres, à l'inscription de deux ou trois mois sur une feuille blanche, ce qui n'est pas sérieux. Les parents qui ont un enfant en situation de handicap souhaitent une meilleure réglementation en la matière car la situation actuelle suscite beaucoup d'incompréhension de part et d'autre. L'évaluation serait à cet égard utile.

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. J'ai la culture du résultat plus que celle des règles ou du protocole. Je trouve, en effet, qu'il est toujours difficile d'imposer une règle. Néanmoins, l'expérience prouve qu'il faut en avoir et, dans le domaine qui nous occupe, c'est très important, à la fois pour informer les parents et pour faire des comparaisons. Un bilan est toujours proposé en fin d'année dans le milieu scolaire ordinaire. Pourquoi ne pas en faire bénéficier l'enfant qui a un handicap ?

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Pour compléter ce qui vient d'être dit par les deux orateurs précédents, j'indique que, dans les établissements médico-sociaux, les enfants bénéficient d'un projet individuel qui est évalué tous les ans. La même règle devrait s'imposer dans le cadre de la scolarité. Profitons des expériences qui existent ainsi que du travail remarquable réalisé dans certains établissements et mettons toutes les règles en concordance.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Le sujet, là encore, est extrêmement important.

Si je comprends l'esprit des amendements proposés, il faut distinguer plusieurs niveaux d'évaluation. À côté de l'évaluation du parcours de l'enfant handicapé que la commission des droits et de l'autonomie va progressivement mettre en place et qui permettra de décider de l'orientation et, peut-être, d'envisager une diversification des solutions, il y a une évaluation permanente, à laquelle M. Terrasse et M. Leteurtre ont fait allusion, du projet pédagogique individualisé de l'enfant, et rien ne dit que ce n'est pas tous les six mois, voire tous les trois mois, que celle-ci doit être envisagée.

Je propose donc de procéder par voie réglementaire.

Vous avez raison de le souligner, madame Carrillon-Couvreur, l'expérience des établissements médico-sociaux peut être très enrichissante car ils ont une manière très fine d'évaluer les projets individuels. Nous avons beaucoup à apprendre d'eux. Mais ne procédons pas trop finement dans le cadre de la loi car cela rigidifierait le texte.

M. le président. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello.

Mme Muriel Marland-Militello. Je précise qu'il est proposé d'insérer les mots : « au moins une fois par an ». Cela fixe un minimum et n'exclut nullement des évaluations plus fréquentes.

Pour éviter que des erreurs ne se prolongent trop longtemps, il me paraît très important de fixer cette règle.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 266 et 622.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 94 et 464.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de sept amendements, nos 340, 752 rectifié, 477, 406, 95, 243 et 623, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 340 et 752 rectifié sont identiques. Il en est de même des amendements nos 95, 243 et 623.

La parole est à Mme Muriel Marland-Militello, pour défendre les amendements nos 340 et 752 rectifié.

Mme Muriel Marland-Militello. Dans ces amendements, nous demandons que les parents soient « associés au processus », plutôt qu' « entendus à cette occasion ».

Il me paraît très important d'associer très étroitement les parents au processus car ils apportent une dimension humaine, psychologique et subjective que n'ont pas les spécialistes, qu'il s'agisse des médecins ou des éducateurs.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 477.

Mme Martine Billard. Cet amendement va dans le même sens. Les parents peuvent être entendus sans qu'il soit tenu compte de leur avis. Cela laisse planer un doute sur leur place réelle tandis que le fait de les associer suppose un travail en commun.

Je propose une formulation un peu différente de celle des deux précédents amendements, mais je suis tout à fait prête à me rallier à la rédaction qui fera l'objet d'un consensus.

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l'amendement n° 406.

M. Antoine Herth. Je veux insister sur la nécessité d'associer les parents à l'évaluation des compétences de leur enfant handicapé. J'en ai moi-même rencontré qui souhaitent vraiment accompagner l'équipe des enseignants dans le travail qu'ils font pour l'intégration de leur enfant handicapé dans la vie scolaire. Il faut absolument rendre cette association obligatoire.

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre, pour soutenir les amendements identiques nos 95, 243 et 623.

M. Claude Leteurtre. Afin de conférer au dispositif tout le dynamisme souhaité, il est important, notamment en matière de compensations techniques et/ou humaines, que les projets personnalisés soient actualisés en permanence. N'oublions pas que, lorsque l'enfant est en période de croissance, il est extrêmement important d'adapter l'appareillage. Et lorsque l'on approche de l'adolescence, ce n'est pas simple.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion ?...

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Pardonnez-moi, monsieur le président, mais j'étais un peu distrait, parce qu'ému par une nouvelle qu'on vient de m'annoncer, et que peut-être vous confirmerez.

La commission est bien entendu favorable à l'introduction du terme « obligatoirement ». Les parents doivent être « entendus » et non « convoqués », comme certains le proposent. « Convoqués » est un terme un peu dur, mais que les parents soient entendus nous paraît tout à fait naturel, et qu'ils le soient « obligatoirement » est tout à fait judicieux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. L'obligation d'entendre les parents me paraît absolument indispensable. C'est l'esprit même de la loi. Le projet de l'enfant, c'est l'enfant, ce sont les professionnels associés et c'est évidemment la famille de l'enfant. Pour autant, veillons à ne pas faire entrer les parents dans un processus d'évaluation de leur enfant. Nous avons besoin ici de l'appui et du regard spécifique, neutre, du professionnel qui doit faire le choix.

Je partage donc l'avis du rapporteur : entendre obligatoirement les parents, me paraît très important. En revanche, on ne peut pas les associer au processus d'évaluation. Sinon, nous serions hors de ce que la loi cherche à porter.

M. le président. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello.

Mme Muriel Marland-Militello. Je suis d'accord avec Mme la secrétaire d'État. Je retire les deux premiers amendements.

M. le président. Les amendements nos 340 et 752 rectifié sont retirés.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je maintiens mon amendement n° 477.

J'avais été sensible à la remarque et j'avais donc pris soin de préciser que les parents étaient « associés à une partie de cette évaluation ». On ne doit pas se contenter d'écouter les parents : il faut qu'il y ait vraiment un échange, une discussion. Vous savez ce que peut signifier le mot « entendus » : au cours de certaines négociations, on entend, mais il ne se passe rien.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 477.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Herth, maintenez-vous l'amendement n° 406 ?

M. Antoine Herth. Non, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 406 est retiré.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 95, 243 et 623.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, j'ai l'immense plaisir de vous informer que nos deux compatriotes Christian Chesnot et Georges Malbrunot ont été libérés. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Votre enthousiasme est à l'image du soulagement que ressentiront tous les Français à l'annonce de cette bonne nouvelle. Je vous propose de suspendre la séance pour quelques instants. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l'examen des amendements à l'article 6.

Je suis saisi d'un amendement n° 611.

La parole est à Mme Muriel Marland-Militello, pour le soutenir.

Mme Muriel Marland-Militello. L'amendement n° 611 est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Favorable à cet amendement efficace.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 611.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 801.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Je retire l'amendement n° 801, qui est presque identique au précédent.

M. le président. L'amendement n° 801 est retiré.

Je suis saisi de six amendements, nos 96, 512, 407, 269, 624 et 662, pouvant être soumis à une discussion commune, malgré la place.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 96.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Lors de l'admission d'un enfant ou d'un adolescent handicapé dans une école ou un établissement scolaire ordinaire, comme tout au long de sa scolarité, il est essentiel que lui-même et l'ensemble des enseignants qui assurent sa formation scolaire soient suivis et aidés par un enseignant dit « référent », qui joue un rôle fondamental pour la réussite du projet individualisé de scolarisation. La suppression de cet enseignant référent serait très préjudiciable tant aux enfants handicapés qu'au personnel de l'éducation nationale.

L'amendement prévoit donc de rétablir les deux derniers alinéas de l'article L. 112-2 adoptés en première lecture par l'Assemblée nationale. Ces dispositions permettent d'organiser les transitions entre les établissements adaptés et le milieu scolaire ordinaire. L'amendement précise en outre que l'enseignant référent assure également les relations avec les familles.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon, pour défendre l'amendement n° 512.

Mme Hélène Mignon. Cet amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour défendre l'amendement n° 407.

M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement est lui aussi défendu.

M. le président. L'amendement n° 269 est-il défendu ?

Mme Geneviève Levy. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre, pour défendre l'amendement n° 624.

M. Claude Leteurtre. Défendu !

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour défendre l'amendement n° 662.

M. Laurent Wauquiez. Défendu !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 512, 407, 269, 624 et 662 ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Ces amendements sont satisfaits par l'amendement n° 96.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. La question est assez complexe, et comporte deux aspects.

Tout d'abord, la disposition relative aux transitions entre établissements médico-sociaux, le milieu adapté et le milieu scolaire ordinaire, qui fait l'objet de la première partie de l'amendement n° 96, est déjà satisfaite par le second alinéa du texte proposé pour l'article L. 112-2 du code de l'éducation, qui prévoit des passerelles avec le milieu scolaire adapté et les structures médico-sociales chaque fois que c'est possible, tout en privilégiant la formation en milieu scolaire ordinaire. Pour cet aspect de la question, l'amendement proposé n'est donc pas utile.

L'institution d'un « enseignant référent », qui fait notamment l'objet de la seconde partie de l'amendement n° 96, exige une grande attention. Il ne s'agit pas, en effet, de créer un statut spécifique d'enseignant référent, qui serait complexe et difficile à gérer, mais de trouver dans le milieu enseignant ordinaire une référence pédagogique fluide. En cas, par exemple, de mutation de l'enseignant référent, il faudrait en effet assurer son remplacement. Or nous voulons précisément privilégier la continuité. Il serait fâcheux de rigidifier l'un des très bons principes du texte.

Je vous suggère donc de retirer tous ces amendements, afin que nous puissions travailler ensemble à affiner la question de l'enseignant référent et obtenir l'effet positif de cette mesure sans en subir les contreparties négatives.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Madame la ministre a très bien expliqué une situation quelque peu complexe : malgré son intérêt, la mesure proposée par les amendements peut poser des problèmes pratiques et se révéler très difficile à appliquer.

Je suggère donc que ces amendements soient retirés, et que nous réexaminions la question lors de l'examen du projet de loi sur l'école, à la mi-février 2005 : nous pourrons alors définir un dispositif plus clair, plus structuré et plus applicable dans la pratique.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Sur le fondement des arguments de Mme la secrétaire d'État et de ceux du président de la commission, je retire l'amendement n° 96, mais à la condition que le Gouvernement s'engage à ce que la disposition proposée soit soumise à discussion dans le cadre de l'examen du projet de loi sur l'école. Il nous faut être conscients que, si les amendements concernés sont retirés maintenant, ils ne pourront plus être examinés en CMP.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Le Gouvernement s'engage à ce que cette discussion ait lieu. Je tiens à rappeler que le secrétariat d'État aux personnes handicapées travaille en permanence avec l'éducation nationale, et que je suis moi-même en contact permanent avec mon collègue François Fillon. Nous ne pouvons, en effet, aborder ces questions séparément. Il est donc de très bon augure que la question de la scolarisation de l'enfant handicapé se pose naturellement dans le cadre de la loi sur l'école.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Merci, madame la ministre.

M. le président. L'amendement n° 96 est retiré.

Madame Mignon, maintenez-vous l'amendement n° 512 ?

Mme Hélène Mignon. Je le retire.

M. le président. L'amendement n° 512 est retiré.

Monsieur Decool, retirez-vous l'amendement n° 407 ?

M. Jean-Pierre Decool. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 407 est retiré.

L'amendement n° 269 est-il maintenu ?

Mme Geneviève Levy. Il est retiré.

M. le président. L'amendement n° 269 est retiré.

Et l''amendement n° 624 ?

M. Claude Leteurtre. Je le retire.

M. le président. L'amendement n° 624 est également retiré.

La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Madame la secrétaire d'Etat, les propositions formulées dans ces amendements ne visent aucunement à créer un statut de l'enseignant référent, mais à désigner un enseignant qui assurera la fonction de suivi de la personne handicapée au cours de sa scolarité. Il est évident qu'en cas de mutation de cet enseignant, un autre le remplacera.

J'ai bien noté que le Gouvernement s'engage à examiner la question lors du débat sur le projet de loi de programmation pour l'école. Les députés pourraient certes craindre que cette disposition, qui relève pourtant du projet de loi sur l'égalité des droits des personnes handicapées, soit repoussée aux calendes grecques. Mais, bien évidemment, nous vous faisons confiance.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Je comprends votre préoccupation, monsieur Wauquiez, et ma réponse ne vise aucunement à éluder la question, qui doit être reprise dans l'esprit général de la loi sur l'école. Il importe de ne pas enfermer les personnes handicapées dans un statut spécifique qu'elles ne souhaitent pas.

J'ajoute que cette question du référent est absolument centrale. Il va falloir trouver la formule qui, comme vous venez de le dire, lui donne toute la souplesse et la continuité requises, quels que soient les aléas du parcours de tel ou tel enseignant. En cela, je vous rejoins, et je vous confirme que nous nous engageons à porter cette question dans le cadre du projet de loi sur l'école, en accord avec François Fillon.

M. le président. L'amendement n° 662 est-il retiré, monsieur Wauquiez ?

M. Laurent Wauquiez. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 662 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 275.

La parole est à Mme  Geneviève Levy, pour le défendre.

Mme Geneviève Levy. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 275.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 97 rectifié et 625, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 97 rectifié.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Je souhaite laisser M. Leteurtre défendre cet amendement.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. Comme le rapport de notre collègue Yvan Lachaud, que M. le rapporteur a déjà évoqué à maintes reprises, cet amendement exprime la volonté d'inscrire dans la loi la notion de scolarisation de manière définitive.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Il est évidemment favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 625 n'a plus d'objet.

Je suis saisi d'un amendement n° 98 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Cet amendement vise à permettre un suivi de la scolarisation des enfants handicapés à l'échelon départemental. Il précise en effet que « les équipes de suivi remettent chaque année à la maison départementale des personnes handicapées et au comité départemental consultatif des personnes handicapées les informations concernant les conditions de scolarisation des enfants handicapés dans le département ».

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Là encore, monsieur le rapporteur, je comprends l'esprit et l'intérêt de l'amendement, même si je n'y suis pas favorable. Il faut en effet prendre garde à ne pas enfreindre les règles extrêmement strictes qui doivent encadrer la transmission de ces données, afin que l'anonymat et le caractère confidentiel de ces informations soient absolument garantis. Or je ne trouve, dans l'amendement tel qu'il est rédigé, aucune trace de cette confidentialité. Il faut se rendre compte de l'effet que risque d'avoir le fléchage de situations particulières à destination d'une instance dont le mode de fonctionnement ne prévoit pas la protection des informations.

Pour ces raisons, monsieur le rapporteur, je préférerais que vous retiriez l'amendement.

M. le président. Accédez-vous, monsieur le rapporteur, à la demande de Mme la secrétaire d'État ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 98 rectifié est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 514.

La parole est à M. Pierre Cohen, pour le soutenir.

M. Pierre Cohen. Cet amendement, que je défends avec Mme Mignon et M. Terrasse, vise à compléter l'article L. 112-2-2 du code de l'éducation en affirmant que tout jeune sourd, dans son parcours scolaire, dispose de droit de la liberté de choix entre une communication bilingue - langue des signes et français - et une communication orale.

Ce rappel est d'autant plus important que notre tradition éducative a longtemps privilégié la communication orale. La langue des signes commence cependant à être de plus en plus reconnue comme une langue à part entière : ainsi, elle a été retenue comme option possible au baccalauréat.

Il reste que, à la différence de la communication orale, la langue des signes ne dispose pas d'une filière complète d'enseignement. Cet amendement vise à reconnaître officiellement toutes les filières mises en place - ô combien difficilement - depuis une quinzaine d'années. Elles sont pour le moment très peu reconnues et, bien que l'éducation nationale accepte petit à petit de passer des conventions en la matière, leur intégration demande encore un énorme travail. Dans ma commune, par exemple, une expérience complète d'intégration est conduite depuis quinze ans depuis les écoles élémentaires, au collège et jusqu'au lycée, qui permet à des jeunes sourds de poursuivre jusqu'à l'enseignement supérieur une scolarité en langue des signes.

Il ne s'agit pas pour moi de défendre un système plus que l'autre. Mais j'ai pu me rendre compte que la langue des signes permettait non seulement une communication et une socialisation, mais aussi un accès au français dès le plus jeune âge.

C'est pourquoi cet amendement vise à permettre un enseignement en langue des signes dans toutes les matières du programme de l'éducation nationale durant tout le parcours scolaire, afin de permettre au jeune sourd qui aurait fait le choix de la langue des signes d'effectuer la totalité de ce parcours, jusqu'à l'enseignement supérieur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, faute d'avoir obtenu un consensus.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Là encore, je dois reconnaître que le sujet que vous évoquez est extrêmement intéressant, monsieur le député. Je ne suis cependant pas favorable à votre amendement, et je lui préfère l'amendement n° 99 du rapporteur, qui doit être examiné un peu plus loin.

Ce qui me gêne dans votre amendement, c'est que, tel qu'il est rédigé, il donne une forme de prévalence à la langue française des signes. Or, comme vous le savez, plusieurs modes d'expression sont envisageables pour les jeunes sourds et malentendants, tels que le langage parlé complété, ou d'autres modes d'apprentissage de la langue pour ceux qui sont implantés cochléaires.

Encore une fois, si je comprends parfaitement l'intention qui sous-tend cet amendement, sa rédaction suppose une forme de discrimination en faveur de la LSF, alors même que par ailleurs notre texte fait tout pour en assurer véritablement la diffusion, la promotion et l'apprentissage.

Voilà pourquoi je préférerais que vous le retiriez au profit de celui du rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Je voudrais d'abord vous répondre, monsieur le rapporteur : si vous lisez bien l'amendement, vous verrez que, loin d'imposer la langue des signes, il vise à permettre la liberté du choix. Il prévoit en effet que « la langue des signes étant reconnue comme une langue à part entière » - il s'agit là d'une constatation factuelle - «  tout élève sourd, qui fait le choix de la langue des signes, reçoit un enseignement en langue des signes ». Il n'y a donc pas d'obligation, et ce texte ne contrevient pas au texte que prévoit le projet de loi.

Deuxièmement, madame la ministre, il faut quand même être lucide. Il est vrai que la possibilité théorique d'un tel choix existe, mais vous savez très bien que, dans les faits, c'est la communication orale qui prédomine dans notre pays. L'objet de cet amendement n'est pas d'opposer entre eux ces deux modes de communication. Mais l'expérience de ma commune, où nous essayons depuis quinze ans de mettre en place des filières d'enseignement en langue des signes dans des établissements ordinaires de l'éducation nationale, m'a convaincu de la nécessité de faire mieux reconnaître un choix qui existe déjà dans certains pays depuis de très nombreuses années. Nous ne ferions qu'officialiser, par une forme de reconnaissance, des expériences qui existent déjà, mais qui se font dans une quasi-clandestinité, faute de bénéficier de conventions avec l'éducation nationale. Rien ne vous permet donc de dire que notre pays permet déjà une égalité de choix : la communication orale est dans notre pays le mode de communication dominant. Si la faculté de choisir la langue des signes est reconnue par la loi, il s'agit maintenant de nous donner les moyens de cette reconnaissance.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. J'entends vos arguments, monsieur le député. Dans la mesure où la rédaction de cet amendement ouvre effectivement une faculté, il me paraît intéressant de permettre à l'enfant qui a choisi la langue des signes comme mode de communication d'inscrire ce choix dans la continuité.

Mes remarques gardent cependant tout leur poids, même si je suis prête à me ranger à votre avis : il faut faire attention à ne pas faire de discrimination au détriment des autres modes de communication. Il ne faut pas non plus perdre de vue que l'accès à la langue écrite constitue l'une des difficultés majeures pour les jeunes sourds et malentendants. Nous souffrons en la matière de carences très importantes, auxquelles il va nous falloir remédier.

M. Pierre Cohen. Tout à fait !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Cela étant dit, je suis prête à vous suivre sur la lettre de votre amendement, et sur les conditions qu'il prévoit.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 514.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 628 de Mme Paix, 99 et 100 de la commission, 554 de Mme Martinez, 101 de la commission, 723 de Mme Mignon, 629 de Mme Paix et 279 rectifié de M. Chatel n'ont plus d'objet.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 102 et 465.

La parole est à Mme Muriel Marland-Militello, pour les soutenir.

Mme Muriel Marland-Militello. Ces amendements sont importants car ils visent à rétablir, autant que faire se peut, l'égalité des chances entre les candidats aux épreuves des examens et concours. Nous proposons en effet d'insérer, dans la dernière phrase du texte proposé pour l'article L. 112-4 du code de l'éducation, après le mot « supplémentaire », les mots « et sa prise en compte dans le déroulement des épreuves ». Il s'agit d'éviter que le temps supplémentaire soit pris sur le temps de pause nécessaire au repos entre chaque épreuve. Tout enfant doit pouvoir bénéficier d'un temps de repos minimum entre les épreuves. Or, actuellement, les enfants qui bénéficient de 30 % de temps supplémentaire doivent le prendre sur le temps de repos, ce qui rompt l'égalité des chances entre les candidats.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 102 et 465.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 280, 515 et 669.

L'amendement n° 280 est-il défendu ?

Mme Geneviève Levy. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen, pour soutenir l'amendement n° 515.

M. Pierre Cohen. Le texte que vous proposez, madame la secrétaire d'État, pour l'article L. 112-4 du code de l'éducation explicite tous les aménagements aux conditions des épreuves ayant pour objet de garantir l'égalité des chances entre les candidats : l'octroi d'un temps supplémentaire, la présence d'un assistant, un dispositif de communication adaptée ou la mise à disposition d'un équipement adapté. Je vous propose donc d'ajouter à cette liste la faculté de disposer d'un interprète en langue des signes, conformément aux dispositions que nous venons de voter en faveur de ceux qui ont fait le choix de la langue des signes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Ces amendements ont été repoussés par la commission, au motif que cette exigence supposait une lourdeur excessive pour sa mise en application.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Également défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Il y là un manque de cohérence, même si je comprends bien que ce problème s'inscrit dans le temps.

On vient en effet de voter la faculté pour un enfant sourd qui a fait le choix de la langue des signes française de suivre tout son cursus scolaire dans cette langue. Il me semble évident qu'à partir du moment où on lui a ouvert cette faculté, il est nécessaire de prévoir le recours à un interprète en langue des signes si on veut qu'il puisse passer les épreuves. Sinon, on parviendrait à une solution d'une incohérence extrême, qui lui donnerait la possibilité théorique d'effectuer un cursus scolaire tout en lui interdisant dans la pratique de passer les examens et concours. Cela serait absolument ridicule ! Voilà pourquoi il me semble qu'il vaut mieux inscrire cette possibilité dans la loi.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. J'ai bien voulu, monsieur Cohen, me rendre aux arguments que vous avez exposés au soutien de l'amendement n° 514. Ces amendements-ci, en revanche, nous amènent à entrer dans une énumération inutilement détaillée des aménagements, étant donné que l'esprit même de la loi les suppose déjà. Il va de soi que tous les aménagements rendus nécessaires en raison d'un handicap - qu'il s'agisse en l'occurrence d'un interprétariat en LSF ou d'une autre forme d'interprétariat - devront être prévus dans la réglementation des examens et concours. De telles stipulations ne relèvent pas de la loi : c'est typiquement l'hypothèse d'une application réglementaire.

Nous devons là encore être en phase avec l'esprit du texte, sans nous égarer dans des énumérations détaillées, qui manqueront toujours leur but : nous oublierons toujours, à un moment ou à un autre, de prévoir tel ou tel cas de figure, ce qui pénalisera une forme de handicap ou un choix de l'élève. C'est la raison pour laquelle je ne vous suis pas.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen, pour une brève réponse.

M. Pierre Cohen. C'est votre projet de loi, madame la secrétaire d'État, qui prévoit une liste. Si vous vous étiez contentée de prévoir l'ensemble des aménagements aux conditions de passation des épreuves rendus nécessaires en raison d'un handicap, je n'aurais pas mentionné cette possibilité d'interprétariat en langue des signes. Mais vous avez commencé à détailler ces aménagements : votre texte prévoit « l'octroi d'un temps supplémentaire » - je présume qu'il s'agit de pallier la difficulté d'écrire dans les temps à cause d'un handicap -, « la présence d'un assistant » - je suppose que cette précision vise les candidats qui sont dans l'impossibilité d'écrire -, « un dispositif de communication adaptée » - c'est un aménagement matériel.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Pas nécessairement.

M. Pierre Cohen. Enfin, le texte prévoit « la mise à disposition d'un équipement adapté » : cette disposition est prévue, entre autres, pour ceux qui ont fait le choix d'un mode de communication orale. Il faut donc inscrire dans la loi la possibilité pour les candidats qui ont fait le choix de la langue des signes de disposer d'un interprète, faute de quoi ils ne pourront pas passer les épreuves.

On nous dit que cela se fera dans les faits : je l'espère. Mais autant que la loi le prévoie et, puisque vous avez commencé l'énumération des aménagements possibles, autant aller jusqu'au bout.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 280, 515 et 669.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 553.

La parole est à M. Patrick Beaudouin, pour le soutenir.

M. Patrick Beaudouin. C'est un amendement de bon sens. En effet, on n'impose pas aux élèves sans handicap de prendre telle ou telle calculatrice lorsqu'ils passent, par exemple, le baccalauréat. Il m'a donc paru normal de permettre aux élèves handicapés d'utiliser leur propre matériel lors des épreuves afin qu'ils ne soient pas perturbés par la mise à disposition d'un matériel inconnu d'eux.

Je propose donc de rédiger ainsi la fin de la dernière phrase du texte proposé pour l'article L. 112-4 du code de l'éducation : « ou l'utilisation, par le candidat, de son équipement personnel. »

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Tout à fait favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 553.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 103.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Cet amendement complète celui de M. Beaudouin en prévoyant que le dispositif de communication adapté soit fourni sur demande présentée par le candidat lors de son inscription.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Monsieur le rapporteur, je préférerais que vous retiriez votre amendement, parce qu'il introduirait une distorsion entre les catégories de handicap puisque l'obligation qui découle du décret prévu au même article ne s'appliquerait que pour le dispositif de communication adapté. Les aménagements prévus devront tenir compte de l'ensemble des situations des candidats et, bien entendu, être effectifs.

M. le président. Monsieur le rapporteur, retirez-vous l'amendement ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 103 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 289.

La parole est à M. Alain Marty, pour le soutenir.

M. Alain Marty. La scolarisation de l'enfant présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant doit être possible dès l'âge de trois ans, comme pour tous les enfants. Nombreux sont ceux qui se voient refuser l'entrée en maternelle alors que leur intégration à cet âge ne doit pas poser de problèmes sauf, bien sûr, décision contraire de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Cette proposition fait l'objet d'amendements, dont un de la commission, présentés au VII. C'est pourquoi l'amendement n° 289 a été rejeté.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Même avis.

M. le président. Monsieur Marty, maintenez-vous votre amendement ?

M. Alain Marty. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 289 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 104 et 627.

La parole est à M. Claude Leteurtre, pour les soutenir.

M. Claude Leteurtre. C'est une avancée que la formation initiale et continue des enseignants réserve une place à la sensibilisation aux spécificités des enfants handicapés, mais cette disposition doit s'étendre également aux enseignants de l'enseignement supérieur, dans un souci de continuité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 104 et 627.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 105 et 517, pouvant être soumis à une discussion commune.

Mme Hélène Mignon. L'amendement n° 517 est défendu.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 105.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Cet amendement vise à faire appel à l'expérience des associations représentatives des personnes handicapées pour la conception ou la réalisation de formations spécifiques. Ces associations sont capables d'aider à la conception de ces modules de formation parce qu'elles connaissent mieux que personne les problèmes liés au handicap.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements en discussion ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Je suis évidemment d'accord avec l'esprit de ce qui est proposé, mais ce serait inopérant à ce stade, du fait de l'absence de définition d'« associations reconnues représentatives ». C'est la raison pour laquelle il serait préférable de retirer les amendements. Demain, nous serons mieux outillés pour aborder un tel sujet.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon. Je retire l'amendement n° 517.

M. le président. L'amendement n° 517 est retiré.

Monsieur le rapporteur, faites-vous de même ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Je retire mon amendement, en faisant la réflexion suivante : l'association représentative pourrait être le conseil départemental consultatif des personnes handicapées - le CDCPH - qui, lui, est institutionnel.

Mme Muriel Marland-Militello. En effet !

M. le président. L'amendement n° 105 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements, nos 281, 516 et 670, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 281 est-il défendu ?

M. Philippe Feneuil. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen, pour soutenir l'amendement n° 516.

M. Pierre Cohen. J'observe d'abord qu'il est dommage de prévoir une disposition pour les calculatrices mais pas pour les interprètes en langue des signes.

Cet amendement complète la décision qui a été prise tout à l'heure. Et je tiens vraiment à vous féliciter, madame la secrétaire d'État, parce que celle-ci marquera un grand progrès pour les sourds, en particulier pour ceux qui font le choix de la langue des signes. Pour que l'enseignement qui leur est dispensé soit de qualité, il faut évidemment une double compétence : celle réclamé par l'enseignement ordinaire et celle de la langue des signes. Mon amendement prévoit que cette double compétence soit exigée pour enseigner correctement à ce type d'élèves.

M. le président. L'amendement n° 670 est-il défendu ?

Mme Corinne Marchal-Tarnus. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Ces amendements ont été repoussés par la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Même avis parce que la formation en langue des signes existe déjà pour les enseignants. Il s'agit du CAPSAIS option A qui, comme vous le savez, a récemment été réformé. Il prévoit notamment une formation initiale et continue de 270 heures en LSF. De ce fait, les amendements sont satisfaits.

M. le président. Maintenez-vous vos amendements, compte tenu de la réponse de Mme la secrétaire d'État ?

M. Pierre Cohen. Je maintiens l'amendement n° 516 car je ne suis pas certain que nous parlions de la même chose.

M. Philippe Feneuil. Je retire l'amendement n° 281.

Mme Corinne Marchal-Tarnus. Je retire également l'amendement n° 670.

M. le président. Les amendements nos 281 et 670 sont retirés.

Je mets aux voix l'amendement n° 516.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 106 rectifié, 677, 288 et 509, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 106 rectifié.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Cet amendement traite d'un sujet important, puisqu'il a intéressé tous les bancs de la commission. Il rétablit le paragraphe VII de l'article 6 introduit en première lecture par l'Assemblée nationale, en y ajoutant une précision sur les motifs de l'avis contraire de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées.

Le dispositif est très utile pour les personnes ayant vécu dans leur enfance ou dans leur adolescence des troubles du développement. Leur évolution intellectuelle s'est souvent trouvée retardée sans que l'on puisse dire qu'il s'agit là d'une limitation de leur potentiel. Ce dispositif permettrait donc de retenir leur âge de développement intellectuel et pas seulement leur âge physique, ce qui est essentiel pour leur laisser des chances d'insertion sociale et d'autonomie optimale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. L'article L. 122-2 du code de l'éducation dispose déjà que : « Tout élève qui, à l'issue de la scolarité obligatoire, n'a pas atteint un niveau de formation reconnu doit pouvoir poursuivre des études afin d'atteindre un tel niveau. L'État prévoit les moyens nécessaires, dans l'exercice de ses compétences, à la prolongation de scolarité qui en découle. »

La rédaction qui est proposée aboutirait à créer un régime spécifique, voire, et c'est ce qui me gêne, discriminatoire, puisque la poursuite des études pourrait être subordonnée à l'avis d'une commission.

En outre, je précise au rapporteur qu'une erreur s'est glissée dans l'article de référence de l'amendement de la commission. Il s'agit en fait de l'article L. 146 -5.

Cela étant, il faut faire attention à ne pas créer sans cesse des voies de dérivation pour les personnes handicapées. Ce serait tout l'inverse de l'esprit de la loi.

M. le président. Les amendements sont-ils maintenus ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. L'amendement n° 106 rectifié est retiré.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Je vous remercie, monsieur le rapporteur.

M. le président. L'amendement n° 106 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon. Je retire l'amendement n° 509, mais je considère tout de même que les éclaircissements donnés par Mme la secrétaire d'État ne sont pas suffisants, parce que nous connaissons, tous les ans, des cas d'enfants dont les parents vont d'école en école pour savoir où on va les garder, qui voudra bien les accepter. Et il est vrai qu'aux alentours de onze, douze, treize ans, le problème reste entier.

M. le président. L'amendement n° 509 est retiré.

Je considère que les amendements nos 677 et 288 sont également retirés.

Je mets aux voix l'article 6, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)

Article 8

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, inscrite sur l'article 8.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Nous voici arrivés à l'article 8, qui a soulevé beaucoup d'émotion au cours des dernières semaines. Il est important que nous puissions nous ressaisir et revenir à ce qu'il était lors de la première lecture, en posant les conditions de l'accueil de l'enfant à l'école.

Nous ne pouvons pas accepter les propos qui ont été tenus ni la rédaction issue des débats au Sénat, même si certains nous disent que les intentions étaient bonnes. Je tiens à m'associer à l'émotion qu'a suscitée cet article. Il est, bien sûr, profondément discriminatoire, pénalisant et injuste de retirer de la communauté des élèves, au nom de la sécurité physique et psychique de l'enfant handicapé, ou au motif de troubles perturbateurs, l'enfant qui pourrait provoquer un trouble à cette communauté. Nous devons revenir au texte de la première lecture et renoncer à ce type de restriction.

Toutes les familles qui scolarisent leur enfant ont envie qu'il soit en sécurité. Il faut donc que nous apportions à cet article une écriture digne de la réflexion que nous avions conduite en première lecture.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. La façon dont le Sénat a réécrit cet article me gêne beaucoup, pour ne pas en dire plus. C'est même choquant.

Nous avons le sentiment de revenir cinquante ans en arrière, lorsque des enfants handicapés n'étaient pas admis dans les écoles parce qu'ils faisaient peur. Depuis, la loi de 1975 est passée par là et a fait en sorte que les enfants en situation de handicap puissent sortir de leur isolement. Quant à celle dont nous discutons aujourd'hui, elle devrait avoir pour objectif de leur offrir une vie plus normale, tout simplement.

Or un amendement du Sénat a modifié l'article 8 que nous avions adopté en première lecture, en indiquant que l'inscription ne peut avoir lieu « lorsque ce choix provoque des troubles qui perturbent de manière avérée la communauté des élèves ». Les mots, parce qu'ils sont bien choisis, expriment bien ce qu'ils veulent dire. Selon moi, il va de soi qu'il faut supprimer ces mots. Nous devrons donc, tout à l'heure, faire en sorte de revenir à la rédaction initiale.

Je prends connaissance d'un amendement du Gouvernement, mais on ne saurait non plus l'accepter. Il évoque la « sécurité de leur enfant ou des autres élèves ». Je peux admettre que la scolarisation d'un enfant en situation de handicap dans un établissement ordinaire puisse poser des problèmes pour sa propre sécurité, surtout en cas de handicap physique lourd et contraignant, mais que signifie celle « des autres élèves » ? Vous faisiez le reproche à un amendement précédent, madame la secrétaire d'État, de ne pas être suffisamment précis. C'est pourtant aussi le cas du vôtre. En invoquant la sécurité des autres élèves, on ouvre la boîte de Pandore : sait-on bien ce qu'elle contient ?

Votre amendement, pas plus que celui du Sénat, ne règle le problème et n'est acceptable.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. J'aimerais comprendre quel est le choix du Gouvernement. Si l'on relit le compte rendu des débats au Sénat, on constate que, lorsque la présidente a demandé au Gouvernement son avis sur l'amendement présenté par la commission et le sous-amendement qui a tant choqué - « ou lorsque ce choix provoque des troubles qui perturbent de manière avérée la communauté des élèves » -, la réponse a été : favorable. Or vous l'avez nié, hier, madame la secrétaire d'État. Peut-être étiez-vous fatiguée, ou bien les choses allaient-elles trop vite.

En commission, nous avons été plusieurs à proposer des amendements supprimant cet ajout, en totalité ou en partie. Après en avoir discuté, la commission a voté la suppression de la totalité de l'ajout, amendement et sous-amendement. Lundi, nous avons examiné un amendement du Gouvernement, qui tendait à réintroduire l'idée de la « sécurité de leur enfant ». Aujourd'hui, cet amendement, rectifié, tend à introduire la formule : « sécurité de leur enfant ou des autres élèves ». Mais qui se cache donc derrière cet amendement qui, après être sorti par la porte, réapparaît par la fenêtre ?

Il est déjà étrange d'envisager que des parents puissent mettre en cause la sécurité de leur enfant. Et, comme M. Paul, je m'indigne que l'on puisse dire que la scolarisation d'un enfant porteur de handicap mettrait en cause la sécurité des autres élèves. Si l'on poursuivait dans la même logique, on pourrait considérer qu'un enfant extrêmement turbulent met aussi en cause la sécurité des autres enfants. On sait qu'il existe des enfants perturbateurs, mais l'obligation scolaire s'applique à eux et ils doivent être accueillis, quitte à prévoir des mesures destinées à prendre en charge, par exemple, d'éventuels troubles du comportement. En tout état de cause, on n'exclut pas un enfant qui n'est pas porteur de handicap sous prétexte qu'il trouble le déroulement de la journée scolaire !

Madame la secrétaire d'État, que cherche le Gouvernement, en réintroduisant, morceau par morceau, même si c'est d'une manière un peu moins choquante, l'idée que la scolarisation d'un enfant porteur de handicap pourrait mettre en cause la sécurité de cet enfant, mais aussi celle des autres ?

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy.

Mme Geneviève Levy. Je suis, moi aussi, extrêmement gênée par ce texte. S'agissant de l'amendement n° 637 du Gouvernement, j'étais presque convaincue qu'il s'agissait là d'une avancée intéressante. Mais, à la lecture de sa version rectifiée, je vous avoue mon trouble, madame la secrétaire d'État, et je ne suis certainement pas la seule à en ressentir un.

Certes, l'éducation est un droit et l'on doit garder l'équilibre entre le respect du choix des parents et sa vocation, qui est de donner un enseignement à tous les enfants. Même si votre amendement nous renvoie à des cas dont nous avons tous eu connaissance dans nos circonscriptions, je ne peux plus vous suivre dans cette voie. Il faut que nous réfléchissions à une formulation plus appropriée à ce que nous pensons les uns et les autres.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous abordons, c'est vrai, avec l'article 8, un sujet sensible, et mes collègues l'ont dit. Pour notre part, nous souhaitons la suppression de la rédaction résultant de l'amendement du Sénat. La scolarisation des enfants handicapés doit être, selon nous, un principe fondamental, et même la règle, et l'avancée considérable que représentaient les dispositions de l'article 6 du projet ne doit pas être remise en cause par l'article 8.

Il est, en outre, contraire aux droits des familles de retirer aux parents leur droit de décision sur la scolarité de leur enfant. Ce que l'on n'accepterait pas pour les parents d'enfants non handicapés, pourquoi l'accepterait-on pour les parents d'enfants handicapés ?

L'inscription systématique de l'enfant handicapé dans l'école du quartier est un réel profit pour lui dans un objectif d'intégration sociale. Mais la formulation qu'a retenue le Sénat pour cet article nous semble beaucoup trop floue, laissant une imprécision regrettable sur la nature des troubles et leur caractère avéré. Un enfant handicapé, par définition, « perturbe » toujours son environnement. Je le répète, la rédaction adoptée par nos collègues sénateurs ouvre la porte à une exclusion quasi systématique.

Comme Mme Billard, je me demande d'où viennent cette initiative du Sénat, et maintenant celle du Gouvernement. Que pouvons-nous en faire ? Il ne faut pas se cacher que, notamment dans le milieu enseignant, certains ont fait remarquer qu'il pouvait y avoir des cas limites et qu'il fallait pouvoir les traiter.

Si nous ne nous mettions pas d'accord sur la suppression pure et simple de l'amendement sénatorial, je serais pour ma part assez favorable à la position que traduit un amendement de M. Daniel Paul. En dernier recours, il serait fait appel à un médiateur, puisqu'il y aura forcément deux parties en présence : d'un côté, les familles des enfants handicapés et, de l'autre, osons le dire, le milieu enseignant. Il faut que ce médiateur soit extérieur aux deux parties pour pouvoir rendre une décision qui privilégie l'intérêt général.

Nous allons réaffirmer un principe fondamental, à savoir que la décision appartient aux familles. Si mon interprétation de la position du Sénat et du Gouvernement est la bonne, c'est-à-dire qu'elle s'explique par l'existence de cas limites et de craintes à cet égard dans le milieu éducatif, alors, qu'on le dise et qu'on instaure une médiation, évidemment non contrôlée par l'éducation nationale, car sinon celle-ci aurait sans doute tendance à arbitrer trop souvent dans le sens de l'exclusion des enfants handicapés.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Mesdames et messieurs les députés, sur ce sujet difficile, je vais vous demander d'accepter que je vous parle avec beaucoup de liberté et d'admettre l'honnêteté de mon analyse de la situation.

Vous vous interrogez sur l'évolution de l'amendement, je vais donc m'en expliquer. Les choses ne sont ni simples ni linéaires et je vous remercie, monsieur Dionis du Séjour, d'avoir osé dire que, dans notre pays, tout le monde n'a pas, à l'instant où nous parlons, la même analyse des faits.

Moi-même, j'avoue que je n'ai pas compris les dispositions sénatoriales. J'ai donc fait le choix d'une autre version afin d'ôter du texte ce qui ne peut qu'aboutir à une discrimination à l'encontre de l'enfant handicapé, à savoir l'évocation du trouble qu'il pourrait éventuellement provoquer.

Comme vous, mesdames et messieurs les députés, je milite pour l'entrée de l'enfant handicapé à l'école ordinaire, tant notre pays, sur ce point, s'est montré frileux et tant il est en retard. Tel est le fondement de mon raisonnement. Ensuite, on a assisté à des allers et retours et des réflexions se sont fait jour car, au fil du temps, les associations et les professionnels nous ont parlé. N'oublions pas non plus ce qui s'est passé, ici, pour la délégation de soins : il en a fallu de la concertation ! Devons-nous nous en étonner ? C'est normal. Assumons, ensemble, ces multiples hésitations qui enrichissent le débat et nous permettent de parler à nos concitoyens.

Je sais que, dans des salles voisines de l'hémicycle, des associations de personnes handicapées écoutent nos débats et y réagissent. Hors de cette enceinte, des professionnels, des parents d'élèves, mais aussi mes collègues du Gouvernement, devront demain mettre en œuvre, avec nous, ces politiques. Ils vont devoir convaincre nos concitoyens.

Voilà qui explique que, sur ce sujet sensible et complexe, il y ait tant d'allers et retours et que nous en débattions encore en cet instant. Trouvez-vous que c'est de mauvaise pratique ? Alors, je ne vous suivrai pas. Car je n'ai aucune gêne à parler de ces allers et retours et à reconnaître cette itération de notre débat. Je suis persuadée que, d'ici à la fin de l'examen du projet, d'autres sujets donneront lieu encore à de telles hésitations.

En tout cas, je vais, monsieur Paul, proposer que l'on en revienne à la version non rectifiée de l'amendement du Gouvernement, c'est-à-dire à celle qui prévoit la rédaction suivante : « sauf incompatibilité de leur choix avec la sécurité de leur enfant ». Cette notion extrêmement large devrait nous permettre de traiter nombre de cas intéressants. La sécurité, c'est l'accès aux soins mais c'est également le confort psychologique de l'enfant handicapé, sans référence aux conséquences que peut avoir, effectivement, sa présence dans la classe. Par cette petite fenêtre, nous introduisons la notion de qualité de vie de l'enfant dans la classe, et l'idée que cette préoccupation doit intervenir dans le choix et la décision : à un moment, on s'interrogera sur le bien-être de l'enfant et on se demandera s'il peut développer un projet éducatif et y accéder dans de bonnes conditions.

Il importe que nous soyons attentifs à cela. Pour autant, je partage votre préoccupation qui nécessitait ces allers et retours du texte.

Telle est, mesdames et messieurs les députés, ma position. Je vous propose donc de revenir à la version initiale de l'amendement n° 637.

M. le président. À ce stade, je ne sais pas si nous devons ouvrir un nouveau débat, alors que nous avons l'intention de terminer l'examen de ce texte. À la suite de l'intervention de Mme la secrétaire d'État, je vous demande, chers collègues, de bien vouloir abréger vos interventions.

La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Qui décidera de la sécurité de l'enfant ? La question est fondamentale.

Le présent débat reprend celui que nous avons eu hier sur la relation entre la personne handicapée et son environnement. Si des associations ont déclaré que le débat était mal fondé, cette discussion en est l'exemple même.

Trop centrer la démarche sur la personne handicapée crée des normes qui risquent d'avoir des effets pervers. Je prendrai un exemple très précis : que se passe-t-il dans nos écoles ? Certains enfants sont turbulents, voire très turbulents. À quel moment basculent-ils dans les troubles du comportement et sont-ils considérés comme handicapés ? En attendant, on fait appel au soutien médico-psycho-pédagogique et, comme ils sont scolarisés en milieu ordinaire et qu'ils n'ont pas été jugés handicapés, ils bénéficient du maintien maximum en milieu ordinaire. À l'inverse, l'enfant classé handicapé, étiqueté comme tel dès le départ, ne dispose pas de la même chance.

Vous l'avez dit, madame la secrétaire d'État, il y a un parcours personnalisé qui est le fruit d'une collaboration entre les professionnels et les parents. Faisons-leur confiance pour apprécier au mieux l'intérêt de l'enfant et supprimons la disposition introduite par le Sénat.

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Je souhaite simplement faire part de ma réaction à la proposition de Mme la secrétaire d'État.

Il est compréhensible que, sur un tel sujet, il y ait des allers et retours, et je vous remercie, madame la secrétaire d'État, pour l'honnêteté de votre approche. Vous avez eu l'élégance de nous expliquer votre position, vos doutes et la façon dont vous avez évolué.

Votre proposition nous paraît tout à fait acceptable, car la sécurité de l'enfant est une notion que nous devons prendre en compte. L'insertion scolaire de l'enfant ne doit pas être opérée à son propre risque.

Nous aurons éventuellement l'occasion d'y revenir lors de l'examen des amendements, mais la référence au projet personnalisé de l'enfant ne permettrait-elle pas de lever les craintes de mon collègue, puisque ce projet est défini dans le cadre d'une concertation entre l'enfant lui-même, les professionnels et les parents ? Cela peut toutefois être renvoyé à un décret.

L'essentiel de mon message consistait à vous remercier, madame la secrétaire d'État, d'avoir accepté d'en venir à une rédaction qui, pour nous, est tout à fait acceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Comme vous tous, le rapporteur a mal ressenti l'amendement du Sénat lorsqu'il l'a lu. Comme les parents d'enfants handicapés, je l'ai considéré comme une mesure discriminatoire et une insulte envers l'enfant : comment peut-on affirmer qu'en étant porteur d'un handicap, celui-ci perturberait forcément sa classe ? J'en étais bouleversé et j'ai consulté le monde associatif et mes collègues, pour conclure qu'il était inconcevable de le penser et d'écrire ce que nous avons lu.

C'est pourquoi j'éprouve aujourd'hui une double satisfaction. D'abord, nous pouvons poursuivre le débat dans cet hémicycle et le faire progresser. Ensuite, je retrouve dans votre proposition, madame la secrétaire d'État, celle que le rapporteur a suggérée à la commission, laquelle consiste à tenir compte du cas où un élève handicapé se trouve mal à l'aise dans la communauté scolaire ou expose sa sécurité personnelle.

J'évoquerai tout à l'heure la position de la commission par rapport à cette proposition du rapporteur mais, je le répète, votre nouvelle prise de position me satisfait. Cela étant, on ne doit pas admettre qu'un enfant, au motif qu'il est handicapé, perturbe de ce fait les autres élèves.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le président. Nous allons aborder l'examen des amendements à l'article 8.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 245 et 353 rectifié.

L'amendement n° 245 n'est pas défendu.

La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l'amendement n° 353 rectifié.

M. Daniel Paul. Je vais faire une explication de texte pour démontrer, madame la secrétaire d'État, que même votre amendement rectifié pose problème.

Vous permettrez à un homme qui a été, durant dix-huit ans, chargé de ces questions dans une grande ville, administrateur d'un établissement et parent d'un enfant scolarisé d'abord en milieu normal, puis en établissement adapté, d'exprimer son avis sur la question.

« Les parents sont étroitement associés à la décision d'orientation » : c'est une avancée. Rappelons-nous le titre du projet de loi : « Égalité des droits et des chances », « participation » et « citoyenneté » des personnes handicapées. Ce sont donc les parents ou les représentants légaux des enfants qui décident de leur orientation. Cela va de soi. Décrocher de l'objectif de citoyenneté marquerait un inacceptable retour en arrière.

« En cas de désaccord, la décision finale revient aux parents ou au représentant légal qui peuvent se faire accompagner d'une personne de leur choix » : certains handicaps ou déficiences peuvent en effet poser problème et il est préférable, avant d'envoyer l'enfant dans une école ordinaire, de prendre conseil aussi bien auprès des professionnels que des associations. Il peut alors se produire un décalage d'appréciation, même pour des enfants qui ne sont pas atteints de déficience.

« Lorsque la décision finale semble en décalage trop important... » - ne cherchons pas à en détailler les raisons, sous peine de figer les choses - « ...avec les préconisations de la commission, un médiateur sera chargé de négocier l'orientation finale » : cela me semble être la sagesse même, et c'est aussi le fruit de mon expérience d'élu, de père et de professionnel - j'ai en effet enseigné dans des établissements pour personnes handicapées. La sécurité de l'enfant ne nécessite pas d'être précisée dans un texte de loi : quels que soient la nature de l'enfant et l'endroit où il se trouve, il faut prendre en compte sa sécurité. Mais trouver des solutions humaines, négociées, et tenant compte des aspirations des uns et des autres, c'est la sagesse qui devrait sous-tendre cet article, ô combien important.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 353 rectifié ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, car elle a estimé que celui-ci mettait en place, s'agissant du médiateur, une procédure plus complexe que celle prévue dans le projet de loi. Il a paru difficile à la commission d'apprécier le caractère « trop important » du décalage, car on n'en mesure pas les contours. En outre, le médiateur, toujours selon la commission, n'a pas sa place dans le choix de l'orientation scolaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Même avis que celui de la commission.

J'ajoute, à l'intention de M. Paul, que la question de la sécurité de l'enfant présente deux intérêts.

Le premier est d'élargir le champ du projet éducatif de l'enfant pour prendre en considération d'autres aspects qui ne sont pas intégralement pris en compte. Le second est d'amener à l'école ordinaire, dans de bonnes conditions, des enfants différents, présentant des formes de handicap très variées, alors qu'aujourd'hui elle intègre toujours les mêmes profils. L'école doit s'ouvrir à toutes les formes de handicaps.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 353 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de dix amendements, nos 719, 107, 250, 408, 423, 466, 471, 478, 559 et 653, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 107, 250, 408, 423, 466, 471, 478, 559 et 653 sont identiques.

La parole est à Mme Marland-Militello, pour soutenir l'amendement n° 719.

Mme Muriel Marland-Militello. Je ne suis pas intervenue jusqu'à présent, quel que soit le trouble personnel qu'a suscité chez moi la disposition adoptée par le Sénat, mais je tiens à apporter un témoignage important.

Il faut savoir que les enfants handicapés qui ont été scolarisés sont ceux qui ont été considérés comme aptes à suivre une scolarité ordinaire. Or ces enfants n'ont qu'un seul but, s'intégrer, et ils posent peu de problèmes.

Dans nos écoles, nombreux sont les enfants qui perturbent la scolarité des autres, mais comme ils n'ont pas de handicap, on ne se soucie pas de leur sécurité ni des troubles qu'ils peuvent occasionner. Je ne conçois pas cette discrimination qui est fondée sur un a priori selon lequel ces enfants, parce qu'ils sont handicapés, occasionneraient plus de troubles que les autres, alors que leur volonté profonde est de s'intégrer et de bien travailler. Croyez-vous que des enfants tchétchènes, qui ne parlent pas un mot de français et que l'on intègre automatiquement dans une classe, ne créent aucun trouble ? Et ce n'est qu'un exemple parmi les nombreux cas d'enfants de réfugiés politiques.

Cette exigence de sécurité de l'enfant part d'une bonne intention. En tant que législateur, les dispositions que nous prenons visent d'ailleurs à sa protection. Mais qui nous dit que la moindre restriction ne pourrait pas être invoquée pour justifier le refus d'accepter la différence ?

M. Philippe Tourtelier et M. Daniel Paul. Très juste !

Mme Muriel Marland-Militello. Voilà ce qui me gène profondément : la possibilité de fournir un alibi à des gens de mauvaise volonté.

Je propose donc, par l'amendement n° 719, de supprimer les dispositions introduites par le Sénat, en particulier la phrase : « Dans tous les cas et lorsque leurs besoins le justifient, les élèves bénéficient des aides et accompagnements complémentaires nécessaires. » Je me méfie toujours de ce genre de précisions. En effet, qui appréciera si les besoins justifient ou non ces accompagnements ?

La loi est générale. Elle ne peut pas s'occuper des cas particuliers. Il peut se trouver des cas dans lesquels ces dispositions se révéleraient utiles, mais nous, nous devons nous en tenir au principe général que vous nous avez rappelé, madame la secrétaire d'État, et éviter toute restriction susceptible de servir d'alibi, au moins tant qu'une révolution culturelle ne sera pas survenue, modifiant le regard porté sur ces enfants. La loi est d'ailleurs aussi là pour cela : pour forcer les gens à changer ce regard.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 107.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Je me suis tout à l'heure exprimé à titre personnel ; je le fais maintenant au nom de la commission. Celle-ci a jugé nécessaire de supprimer les mots : « sauf incompatibilité de leur choix avec la sécurité physique et psychique de l'enfant ou lorsque ce choix provoque des troubles qui perturbent, de manière avérée, la communauté des élèves ». Après que chacun se fut exprimé, sur la forme comme sur le fond, le rapporteur et le président ont obtenu, au moment du vote, l'unanimité en faveur de cette suppression.

Toutefois - et je m'exprime maintenant de nouveau à titre personnel -, je pense, après avoir entendu Mme la secrétaire d'État, qu'il faut maintenir l'exigence de sécurité pour l'enfant et n'écarter que les mots « ou lorsque ce choix provoque des troubles qui perturbent, de manière avérée, la communauté des élèves ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 719 ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Il a été adopté par la commission contre l'avis du rapporteur, qui souhaitait une rédaction conforme à celle proposée par Mme la secrétaire d'État.

M. le président. La parole est à M. Michel Heinrich, pour défendre l'amendement n° 423.

M. Michel Heinrich. J'ai écouté Mme la secrétaire d'État avec beaucoup d'attention, et je la remercie pour l'honnêteté de ses propos.

Mon expérience est celle d'un maire qui a tout fait pour intégrer le maximum d'élèves handicapés dans les classes de sa commune, et sa proposition ne me convainc pas, car elle laisse la porte ouverte au refus. Il suffit d'une petite ouverture pour que les mauvaises volontés s'y engouffrent. C'est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement, qui ne laisse place à aucun refus.

Quant à la sécurité de l'enfant, elle doit de toute façon être assurée, que celui-ci soit handicapé ou non.

M. le président. La parole est à M. Philippe Feneuil, pour soutenir l'amendement n° 250.

M. Philippe Feneuil. J'ai bien compris votre position, madame la secrétaire d'État. Mais qui va juger de la sécurité de l'enfant ? Si nous pouvons avoir des précisions sur ce point, je suis prêt à vous rejoindre. Toutefois, en l'état, je ne vois que peu de différence entre votre position et celle du rapporteur. Dans l'immédiat, je préfère maintenir mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 408 n'est pas défendu.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Je retire l'amendement n° 107.

M. le président. L'amendement n° 107 est retiré.

La parole est à Mme Muriel Marland-Militello, pour soutenir l'amendement n° 466.

Mme Muriel Marland-Militello. Je le retire, pour ne maintenir que l'amendement n° 719.

M. le président. L'amendement n° 466 est retiré.

La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, pour défendre l'amendement n° 471.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Nous ne pouvons accepter la rédaction actuelle de l'article. Ouvrir la possibilité d'exclure l'enfant de l'école, au nom d'une exigence de sécurité dont on ne sait qui l'appréciera, n'est pas acceptable. Nous attendons autre chose de cette loi. Nous maintenons donc l'amendement n° 471, en espérant être entendus.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre l'amendement n° 478.

Mme Martine Billard. Il n'y a pas si longtemps, à Paris, la mère d'un enfant trisomique léger a dû faire une grève de la faim pour obtenir qu'il soit scolarisé. J'ai peur, si nous adoptons l'amendement du Gouvernement, que l'on continue à s'opposer à la scolarisation de certains enfants. Il faut donc supprimer totalement les dispositions introduites au Sénat, et c'est pourquoi je maintiens mon amendement.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy, pour soutenir l'amendement n° 559.

Mme Geneviève Levy. Convaincue par Mme la secrétaire d'État, je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 559 est retiré.

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour défendre l'amendement n° 653.

M. Laurent Wauquiez. Je suis plutôt convaincu par la proposition de Mme la secrétaire d'État, mais afin d'offrir une alternative à laquelle tout le monde pourrait se rallier, je proposerai plutôt de substituer à la fin de l'avant-dernière phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 351-1 du code de l'éducation les mots suivants : « sauf incompatibilité avec le projet personnalisé de l'enfant ».

M. le président. Nous reviendrons à cet amendement n° 653 rectifié après le vote sur les autres amendements en discussion.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. Cette discussion est fort intéressante, et je remercie Mme la secrétaire d'État pour la sincérité de ses propos. Ils m'ont un moment convaincue, mais, réflexion faite, ce n'est plus le cas.

Nous avons tous l'expérience, soit en tant qu'élus, soit à titre personnel, des difficultés que rencontrent les familles pour scolariser leurs enfants handicapés. C'est pourquoi il ne faut laisser aucune possibilité de leur opposer un refus. Je souhaite donc que nous revenions à la rédaction initiale de l'article, et je soutiens l'amendement n° 719 de Mme Marland-Militello dont je suis, du reste, cosignataire.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Il est à l'honneur de notre assemblée de réfléchir ainsi, point par point, sur cette question essentielle. Certes, l'adoption de ces amendements nous mettrait en difficulté pour aborder celui du Gouvernement, dans toute la portée qui lui a été donnée à l'instant par Mme la secrétaire d'État.

Mais il me semble qu'au bout d'une demi-heure de discussion, nous disposons maintenant d'un acquis : nous nous accordons pour refuser l'idée qu'un enfant handicapé scolarisé en milieu ordinaire puisse, parce qu'il est handicapé, perturber une classe ou, pis, représenter pour celle-ci un risque quelconque.

M. Philippe Feneuil. Tout à fait !

M. Guy Geoffroy. C'est ce que nous devons acter.

Mme Christine Boutin. C'est la moindre des choses !

M. Guy Geoffroy. Peut-être, mais cela ne va pas de soi dans le texte du Sénat. Et c'est tout l'honneur de notre assemblée que de se montrer parfaitement claire sur cette question.

Reste à prendre en compte l'intérêt profond de l'enfant scolarisé. En tant que professionnel de l'enseignement, je sus très sensible à la proposition de M. Wauquiez. Ce qui doit nous guider, ce qui doit être inscrit dans le texte de la loi, c'est la conformité de la décision finale à l'intérêt profond de l'enfant, tel qu'il se manifeste au travers de son projet personnel. C'est ce qu'il nous faut rechercher. Peut-être qu'une suspension de séance nous permettrait de nous mettre d'accord sur un texte définitif. En tout état de cause, ce souci de préserver l'intérêt de l'enfant doit impérativement apparaître.

Notre objectif, je le rappelle, est d'intégrer, tels qu'ils sont, nos enfants au sein de l'école. Les inquiétudes exprimées par les professionnels sont d'ordre technique : elles n'ont rien à voir avec notre propos ni avec la philosophie de ce texte, qui sont d'une autre portée.

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. La politique est faite de symboles et l'amendement voté au Sénat est un symbole extrêmement négatif. À partir de là, les choses se sont bloquées. Comme mon collègue maire le soulignait tout à l'heure, on sait très bien qu'il suffit d'ouvrir une toute petite porte pour que tout le monde s'y engouffre.

Nous comprenons la position du Gouvernement. La sécurité figure, en quelque sorte, dans les droits et les obligations de l'enfant. Ne nous contentons pas de demi-mesure et supprimons totalement cet alinéa scélérat, symbole insupportable !

Mme Martine Billard. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements en discussion ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Il ne sera pas dit que, ce soir, nous ne faisons pas œuvre législative ensemble puisque nous construisons ce texte pas à pas. J'ai entendu vos arguments.

Je rappelle la position du Gouvernement. Nous examinons un projet de loi qui définit, contrairement aux lois antérieures, le handicap sous toutes ses formes. Vous vous référez, mesdames Boutin et Marland-Militello, aux difficultés que nous rencontrons aujourd'hui. Or n'oublions pas que les textes en vigueur obéissent actuellement à une vision restrictive de la notion de handicap, lorsqu'on la compare à celle vers laquelle nous nous orientons.

M. Guy Geoffroy. Absolument !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Notre devoir est de permettre aux enfants souffrant de handicaps extrêmement divers de s'intégrer en milieu scolaire ordinaire ; nous devons donc être attentifs à leur bien-être. C'est pourquoi le Gouvernement est prêt à suivre M. Wauquiez, qui propose une rédaction supprimant le mot « sécurité » qui, j'en conviens, peut revêtir une connotation péjorative.

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Cette proposition permet d'insister sur ce qui est positif : la notion de projet de l'enfant. En effet, dans ce débat, notre objectif est d'assurer la réussite de l'enfant dans sa classe, pour lui-même, mais aussi pour l'ensemble de la communauté éducative et de la classe.

Mme Muriel Marland-Militello. Très bien !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Comme vous, j'entends que les enseignants qui ont choisi d'accueillir un enfant handicapé ne fassent pas le chemin inverse, alors que cet apport s'est révélé majeur pour la communauté éducative et pour la classe. J'ai entendu tout cela.

Nous avons parcouru un long chemin. Je me réjouis que nous ayons pu avoir ce débat ce soir. J'espère que nous pourrons, à partir de là, construire quelque chose de solide et que nous pourrons, en dernier lieu, nous retrouver sur la formule proposée par M. Wauquiez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. Je partage avec modération le grand enthousiasme de tous mes collègues. Je suis prête à me rallier à la position de Mme la secrétaire d'État, mais je déplore que l'on soit obligé d'inscrire cette précision dans la loi. Il est en effet dommage de préciser dans le texte que le projet ne peut pas ne pas être cohérent avec le projet personnel de l'enfant.

M. le président. Maintenez-vous l'amendement n° 719, madame Marland-Militello ?

Mme Muriel Marland-Militello. Je me rangerai à l'avis de mon ami Laurent Wauquiez, dès lors que l'on prend en considération le projet personnel de l'enfant et que l'on supprime le mot « sécurité ».

Je retire donc l'amendement n° 719 au profit de celui de M. Wauquiez.

M. le président. L'amendement n° 719 est retiré.

M. le président. Maintenez-vous l'amendement n° 250, monsieur Feneuil ?

M. Philippe Feneuil. Je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 250 est retiré.

Maintenez-vous l'amendement n° 423, monsieur Heinrich ?

M. Michel Heinrich. Je le maintiens, monsieur le président !

M. le président. Maintenez-vous l'amendement n° 471, madame Mignon ?

Mme Hélène Mignon. Oui, monsieur le président.

M. le président. Maintenez-vous l'amendement n° 478, madame Billard ?

Mme Martine Billard. Cet amendement est également maintenu, monsieur le président !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 423, 471 et 478.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, n°s 653 rectifié, 671 rectifié, 637 rectifié et 606, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 653 rectifié de M. Wauquiez a été soutenu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Je ne peux qu'approuver la contribution tout à fait positive de M. Wauquiez à notre réflexion. Dans un souci de précision, je lui demande de compléter sa proposition. Il conviendrait, en effet, après les mots : « représentant légal », de rédiger ainsi l'avant-dernière phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 351-1 du code de l'éducation : « sauf incompatibilité avec le projet personnalisé de scolarisation de l'enfant.»

M. Laurent Wauquiez. Soit !

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Il s'agit, en effet, de la scolarité de l'enfant.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 653 deuxième rectification ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Favorable.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Au nom des Verts, je m'abstiendrai sur cet amendement. Il est en effet précisé : « En cas de désaccord avec la commission mentionnée à l'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles, la décision finale revient aux parents ou au représentant légal, sauf incompatibilité avec le projet personnalisé de scolarisation de l'enfant. » Ainsi, le projet personnalisé de scolarisation de l'enfant pourrait être incompatible avec la décision des parents. Comme notre collègue Mme Boutin l'a précédemment précisé, c'est assez peu réaliste. Je comprends bien qu'il faut sauver le « soldat ministre » ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas digne du débat !

Mme Martine Billard. C'est exactement cela, chers collègues ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous cherchez une sortie honorable, mais nous ne sommes pas obligés de vous suivre sur la méthode !

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. Je m'interroge beaucoup sur cette précision. La mention « sauf incompatibilité avec le projet personnalisé de l'enfant » va au-delà du simple problème scolaire. D'autres incompatibilités peuvent être invoquées pour refuser l'enfant.

M. le président. La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Nous ne pouvons au mieux que nous abstenir. Comme l'a dit Mme Boutin, nous tombons de Charybde en Scylla. Vous n'avez pas voulu prendre vos responsabilités. Vous avez employé des arguments extrêmement forts. Nous étions prêts à voter le premier amendement qui était d'une clarté totale.

Je me suis exprimé tout à l'heure sur les fondements et l'esprit de cette loi. Nous sommes là au cœur du sujet. Renvoyer au projet personnalisé de l'enfant, c'est renvoyer à la personne handicapée en éludant la question du milieu dans lequel elle vit.

M. Claude Leteurtre. Bien sûr !

M. Philippe Tourtelier. Nous parlons des interactions entre la personne et le milieu. Or, depuis le début, vous refusez d'agir sur le milieu !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Ce n'est absolument pas sérieux !

M. le président. Les termes employés ont leur importance et nous devons y voir clair dans la rédaction de l'amendement, qui ne doit pas prêter à confusion. Je vous propose de suspendre la séance cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à dix-neuf heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Nous sommes parvenus à un stade important dans l'examen de ce projet de loi. Je ferai trois observations.

Tout d'abord, et cela a été dit mais il convient de le rappeler, l'amendement du Sénat a fait des dégâts parmi les personnes en situation de handicap, chez leurs parents, dans les associations, dans les instances éducatives et, à l'évidence, dans notre hémicycle.

Le seul moyen de surmonter ces dégâts, c'est de faire table rase et de supprimer totalement la référence à la disposition incriminée. Tout ajout qui pourrait laisser penser que nous avons compris un tant soit peu la préoccupation de nos collègues du Sénat serait catastrophique.

Par ailleurs, que peut être le « projet personnalisé » d'un enfant handicapé de six ans ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. C'est d'être bien dans sa classe !

M. Daniel Paul. Bien sûr, mais c'est le projet personnalisé de tous les enfants.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. La marche est plus haute !

M. Daniel Paul. J'ajoute que le projet personnalisé dépendra aussi du milieu social de l'enfant. Il faut donc relativiser.

Les personnes responsables de l'enfant doivent décider pour lui, en concertation. Le projet personnalisé, à dix-huit ans, oui, mais à six ans, non, et je crains qu'on n'arrive à des catastrophes.

M. le président. La parole est M. Claude Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. Comme je l'ai dit au cours de la discussion générale, je souhaite que l'on fasse une belle loi et que le monde du handicap récolte les fruits de l'espoir qu'a semé le Président de la République et que nous cultivons aujourd'hui.

En raison de sa portée symbolique, l'amendement du Sénat a eu un effet catastrophique. N'ayons donc pas une attitude byzantine : supprimons-le clairement. Je souhaiterais que le rapporteur suive cette logique. Il est connu dans le monde du handicap, on connaît son honnêteté et son souci permanent.

Bref, ne gâchons pas cette loi ! Nous sommes en train de bâtir quelque chose de fort, qui doit marquer les vingt ou trente années qui viennent. Ne gâchons pas cette chance, évitons des demi-mesures qui auront peut-être le même résultat mais qui n'ont pas la même portée symbolique ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Nous ne prendrons pas part au vote sur cet amendement. Nous attendons des décisions à la hauteur des espérances. La loi de 1975 avait permis la scolarisation des enfants handicapés. J'ai pu mesurer tout au long des dernières années quel progrès elle a représenté. Faisons en sorte que, dans vingt ans, nous puissions mesurer le chemin qu'auront parcouru les enfants qui attendent de pouvoir aller à l'école comme les autres sans restriction.

M. le président. Je viens d'être saisi par M. Chossy d'un sous-amendement à l'amendement n° 653 deuxième rectification, qui tend à substituer aux mots « le projet personnalisé de scolarisation de l'enfant » les mots « l'intérêt de l'enfant ».

La parole est à M. Jean-François Chossy, pour soutenir ce sous-amendement.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Monsieur le président, il n'est pas dans mon intention, et vous le savez, d'allonger les débats, qui sont déjà compliqués, mais nous mettons le doigt sur quelque chose de grave.

Le plus important, c'est l'intérêt de l'enfant, il ne faut pas l'oublier. C'est son intérêt qui doit primer dans toutes les décisions que nous avons à prendre, d'où mon sous-amendement. Pour simplifier le débat, je le retire, mais nous en reparlerons en commission mixte paritaire.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous voterons contre l'amendement. Si nous suivons nos collègues de l'UMP, la loi de la République disposera que la décision revient aux parents ou au représentant légal, sauf incompatibilité avec le projet personnalisé de scolarisation de l'enfant. La contradiction crève les yeux !

C'est important, et il faut avoir le courage d'aller jusqu'au bout et de faire le saut symbolique. On est en train d'écrire n'importe quoi. Au nom de quoi jugera-t-on le projet personnalisé ? Qui jugera ? Imaginez un peu les parents à qui vous expliquerez qu'un projet personnalisé est incompatible avec leur décision. Vous imaginez un petit peu ce que vous êtes en train de faire ? C'est de la nitroglycérine !

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 653 deuxième rectification, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Je voudrais juste, avec beaucoup de sérénité, répondre aux arguments de M. Paul et de M. Dionis du Séjour.

Quelle est l'alternative ? Prétendre que scolariser un enfant handicapé présente un risque pour la classe et pour les autres élèves est inacceptable, et le plus important, c'est de refuser la rédaction du Sénat. Mais, à l'inverse, des parents risquent de pousser jusqu'au bout la logique de la scolarisation, y compris au détriment de l'intérêt de l'enfant, et c'est un écueil qu'il faut également éviter.

Le gros avantage de la référence au projet personnalisé de scolarisation est qu'elle permet d'objectiver et de sortir d'une logique du tout ou rien. C'est la raison pour laquelle il faut maintenir cette toute petite nuance.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Je vous remercie de la passion que vous avez mise à traiter de ce point important.

Nous sommes parvenus à clarifier la situation. Il n'y a aucune incompatibilité dans l'amendement dans la mesure où le projet personnalisé de l'enfant n'est pas défini par la famille ou par la communauté éducative mais par la commission des droits et de l'autonomie, qui va remplacer la CDES, laquelle définit d'ores et déjà un projet personnalisé. C'est à partir de ce projet que l'enfant est orienté vers le milieu ordinaire, accompagné d'un SESSAD ou pas, ou vers le milieu spécialisé.

Vous avez réussi à supprimer une notion qu'il n'était pas envisageable de retenir dans la loi, et la communauté éducative pourra accueillir avec bonheur l'enfant handicapé.

Je souhaite que la discussion se poursuive dans le même esprit démocratique. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 653 deuxième rectification.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 48

                    Nombre de suffrages exprimés 45

                    Majorité absolue 23

        Pour l'adoption 27

        Contre 18

L'Assemblée nationale a adopté.

En conséquence, les amendements nos 671 rectifié, 637 rectifié et 606 n'ont plus d'objet, non plus que l'amendement n° 607 de M. Lachaud.

Je suis saisi d'un amendement n° 518.

La parole est à Mme Hélène Mignon, pour le défendre.

Mme Hélène Mignon. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 518.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 108.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir une disposition votée par l'Assemblée nationale en première lecture : « Un décret fixe les conditions dans lesquelles les enseignants titulaires de titres ou diplômes délivrés par l'État autres que ceux délivrés par le ministère de l'éducation nationale et le ministère chargé des personnes handicapées sont associés à la mission de l'éducation nationale tant au sein des établissements médico-sociaux que dans le cadre des services d'aide à l'acquisition de l'autonomie et à l'intégration scolaire. »

Il peut y avoir autour des jeunes handicapés des intervenants qui ne sont pas issus de l'éducation nationale mais qui ont des diplômes reconnus.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. C'est un sujet compliqué, monsieur le rapporteur.

Le projet de loi dispose que les enseignants qui exercent dans les établissements de santé ou médico-sociaux relèvent du ministère de l'éducation nationale, afin de permettre l'égalité des droits et des chances et de favoriser les passages entre le milieu ordinaire et le milieu spécialisé. Ce sont soit des enseignants mis à disposition par l'éducation nationale, soit des enseignants sous contrat. Depuis la loi de 1975 et son application en 1978, cela concerne la majorité des établissements spécialisés. Cette disposition ne fait absolument pas obstacle à ce que des enseignants ayant d'autres titres ou d'autres diplômes interviennent.

Le troisième alinéa du texte proposé pour l'article L. 351-1 du code de l'éducation concerne en fait les personnes enseignant à des déficients sensoriels qui, pour des raisons différentes, compte tenu de leur spécificité, de leur formation, n'ont pas été pris en charge par l'éducation nationale à la suite de la loi de 1975. Il renvoie à un décret en Conseil d'État, afin de garantir qu'il sera tenu compte de leur situation spécifique.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 108 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 354.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le défendre.

M. Daniel Paul. Nous savons que des familles ne trouvent pas toujours un lieu d'accueil pour leur enfant, malgré l'intervention de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées.

Afin de mieux évaluer les besoins dans le département, nous proposons que la commission établisse un constat de carence et en rende compte au Conseil national consultatif des personnes handicapées, dans le cadre du rapport remis par l'État au président du conseil général et au CDCPH.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Même avis : défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 354.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 664.

La parole est Mme Geneviève Levy, pour le défendre.

Mme Geneviève Levy. L'amendement n° 664 est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Son propre amendement lui semble préférable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Je me range à l'avis du rapporteur.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy.

Mme Geneviève Levy. Je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 664 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 109.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. L'amendement n° 109 concerne les accompagnants du jeune enfant handicapé.

Cette notion a été introduite judicieusement par le Sénat, qui indique : « Si l'aide individuelle à l'enfant handicapé ne comporte pas de soutien pédagogique, ces assistants peuvent être recrutés sans condition de diplôme ou de durée minimale d'expérience. »

L'absence de condition de diplôme me convient. Il n'est probablement pas nécessaire d'avoir un « bac ++... » pour accomplir cette mission - certes importante -, mais il me semble utile d'avoir un minimum d'expérience ou de formation.

Tel est l'objet de l'amendement n° 109.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 109.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 8, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 8

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 290, portant article additionnel après l'article 8.

La parole est à M. Alain Marty, pour défendre cet amendement.

M. Alain Marty. L'amendement n° 290 est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Marty.

M. Alain Marty. Je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 290 est retiré.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 1880, pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées :

Rapport, n° 1991, de M. Jean-François Chossy, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot