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Première séance du mercredi 19 janvier 2005

117e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions seront réservées à des thèmes européens.

Nous commençons par une question du groupe socialiste.

AIDE PERSONNALISÉE AU LOGEMENT

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué au logement et à la ville.

Monsieur le ministre, la France traverse une grave crise du logement. La hausse sans précédent des prix de l'immobilier et le manque de logements sociaux rendent de plus en plus difficile l'accession au logement des familles modestes. Bon nombre de nos concitoyens sont obligés de quitter les centres-villes, devenus beaucoup trop chers, et de s'éloigner de leur lieu de travail. Face à cela, l'aide personnalisée au logement, instituée pour aider les familles modestes et indexée pour partie sur l'indice de la consommation, a augmenté en 2004 d'environ 2 %.

M. Jean-Marc Lefranc. Le sujet est très européen !

M. Philippe Vuilque. Quant aux loyers, qui sont indexés sur l'indice de la construction , ils ont progressé de 4,58 %, taux d'augmentation record ! Ainsi, une personne modeste louant un studio 500 euros par mois à Paris verra son loyer augmenter de près de 23 euros, alors que son APL ne progressera que de 2 euros. Cela représentera, pour elle, une dépense supplémentaire annuelle de 252 euros. Cela n'est pas acceptable.

Une fois encore, ce sont les titulaires des revenus les plus faibles - étudiants, demandeurs d'emploi, familles monoparentales - qui seront frappés de plein fouet et qui verront leur pouvoir d'achat amputé. Dans les villes où la demande de logements est supérieure à l'offre, les propriétaires n'hésitent pas à augmenter les loyers, ce qui ne fait qu'aggraver la situation des familles modestes. (« Cela n'a rien à voir avec l'Europe ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le ministre, ma question est donc simple : allez-vous prendre les mesures nécessaires pour un calcul de l'APL prenant en compte la réelle augmentation des loyers et des charges ? Je vous remercie de me donner une réponse précise. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.- « Ce n'est pas une question européenne ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au logement et à la ville.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville. Monsieur Vuilque, je vous remercie de votre question dont chacun a pu constater le caractère éminemment européen.

En juillet 2000, M. Lionel Jospin, alors Premier ministre, confiait une mission au rapporteur du budget du logement, M. Alain Cacheux, député socialiste, pour essayer de trouver les raisons de la crise du logement qui était déjà en germe. M. Cacheux, dans le rapport qu'il a remis au Premier ministre de l'époque, indiquait que la politique d'aide à la personne que vous aviez pratiquée, en particulier avec le secrétaire d'État M. Besson, avait abouti à une grave crise du logement , 40 000 logements par an seulement ayant été en moyenne construits sur la période. Et c'est bien parce que vous avez provoqué cette crise que nous nous retrouvons aujourd'hui dans une situation paradoxale, le secteur de la construction étant en plein dynamisme et celui du logement social connaissant de graves difficultés. La politique que vous avez pratiquée hier,...

M. Jean Glavany. C'est de la vôtre qu'il est question !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. ...uniquement fondée sur les aides à la personne, a provoqué la crise. Dans huit jours, j'annoncerai les chiffres de financement des logements pour 2004 et vous constaterez que nous , nous avons tenu nos objectifs en ce domaine.

Pour autant, il ne faut bien sûr pas se désintéresser des aides à la personne. C'est la raison pour laquelle des sommes significatives sont prévues à ce titre dans le budget de l'État. Conformément aux engagements que j'ai pris, je rencontrerai avant la fin du mois les associations de locataires et le Conseil national de l'habitat. Les aides à la personnes seront revalorisées, mais, ne vous trompez pas, ce n'est pas par une politique exclusivement tournée vers ces aides que nous résoudrons la crise, c'est par les aides à la pierre ! Le plan de cohésion sociale sera le garant de la solution de cette crise, que vous n'avez pas su résoudre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

MALAISE DES AGRICULTEURS

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. François Sauvadet. Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation de la pêche et de la ruralité, vous le savez, l'agriculture française connaît actuellement un profond malaise qui va d'ailleurs s'exprimer dès aujourd'hui et pendant les dix jours qui viennent lors de manifestations organisées dans de nombreux départements. L'application de la nouvelle politique agricole commune suscite aussi beaucoup d'inquiétudes.

Dans ce contexte, les agriculteurs ont le sentiment que l'on a encore renforcé au niveau national les contraintes qui leur sont imposées par Bruxelles, et ils voudraient être sûrs que cela ne correspond pas à une volonté du Gouvernement. Je pense en particulier à la « conditionnalité » qui subordonne le versement des aides aux agriculteurs au respect de règles environnementales et sanitaires tellement détaillées qu'elles en sont devenues inapplicables pour bon nombre d'entre eux.

J'ai là en main, monsieur le ministre, les trente-deux pages rédigées par vos services (M. Sauvadet brandit un document) qui précisent ce qui sera exigé de nos agriculteurs. Quand on les lit, on comprend leurs réactions ! Il sera tout simplement insupportable de remplir les dossiers. Par exemple, il faudra signaler tout mouvement d'animal dans les sept jours, tout animal ayant perdu sa boucle d'identification devra se la voir remplacée dans les deux jours ; bref, je vous laisse imaginer les détails ! Ce sera très difficile à vivre au quotidien et ceux qui seront de bonne foi pourront se retrouver avec des pénalités extrêmement lourdes. En outre, les contrôles se multiplient et sont effectués par des vacataires qui ne sont pas suffisamment formés à leur tâche. Tout cela contribue à ce climat d'incertitude et au désespoir des agriculteurs.

Monsieur le ministre, je vous poserai deux questions. D'abord, si nous continuons dans cette direction, jusqu'où ira-t-on pour notre agriculture ? (« Dans le mur ! » sur les bancs du groupe socialiste.) C'est une question que se pose le monde rural tout entier. Ensuite, avions-nous vraiment besoin de tout cela pour répondre aux normes, légitimes, imposées en matière de protection de l'environnement et de sécurité sanitaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Monsieur Sauvadet, vous avez complètement raison, ce petit livre d'une trentaine de pages n'est pas le cadeau de Noël le plus agréable à recevoir pour un exploitant. Il faut néanmoins replacer les choses dans leur contexte.

Le Président de la République et le gouvernement français ont obtenu la poursuite de la PAC, soit 8 milliards d'euros par an au bénéfice de « la ferme France », ce qui représente 20 % des aides communautaires. En contrepartie, nous avons deux obligations : ce que l'on appelle d'un mot un peu technocratique - je le reconnais, mais ce n'est pas nous qui l'avons inventé -, « l'éco-conditionnalité » et la mise en route des droits de paiement unique. Le document auquel vous avez fait allusion détaille les contrôles imposés pour s'assurer du respect de cette éco-conditionnalité.

Nous avons fait savoir aux préfets, aux directeurs départementaux de l'agriculture et à l'ensemble des responsables agricoles que 2005 serait une année de transition où, comme l'a dit le Président de la République à Tulle samedi dernier, ces mesures seraient appliquées avec discernement et intelligence sur le terrain. Les anomalies mineures ne seront pas sanctionnées ; les problèmes de boucle, entre autres , seront réglés de manière simple et nous procéderons à une application souple. Au cours de l'année, nous ferons un bilan avec les agriculteurs, exploitation par exploitation, puis au niveau européen. C'est donc une année de transition.

Nous allons essayer de simplifier au maximum l'application de ces règles et nous procèderons de la même manière pour le dossier suivant concernant les droits de paiement unique. Malgré les inconvénients qu'elles présentent, ces mesures sont la contrepartie d'une forte contribution de l'Europe à l'agriculture française et nous pouvons ensemble rassurer les agriculteurs : elles seront appliquées intelligemment et humainement sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

CATASTROPHES NATURELLES ET DETTE DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Bernard Accoyer. Avec Chassaigne, ça saigne !

M. André Chassaigne. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'écologie et du développement durable.

En ce moment même se tient à Kobé une conférence mondiale sur la prévention des catastrophes naturelles. La commotion internationale suscitée par les raz de marée géants qui ont causé la mort de plus de 175 000 personnes et ruiné des régions entières en sera légitimement un élément fondateur par respect pour les victimes et les peuples qui ont souffert, ainsi que pour tirer les leçons de ce qui s'est passé et mettre en place les politiques qui doivent structurer dans la durée les réponses préventives aux catastrophes naturelles. La conférence de Kobé doit impérativement être suivie d'effets décisifs et durables. En effet, l'élan exceptionnel de solidarité mondiale s'accompagne d'une attente de réaction à la hauteur des enjeux à l'échelle de la planète.

La tragédie d'Asie du Sud soulève aussi la question de la lutte contre la grande pauvreté qui constitue un facteur aggravant dans les catastrophes. La conférence de Kobé devra insister solennellement sur ce point et anticiper le sommet de l'ONU prévu en septembre 2005 pour relancer la réalisation des objectifs dits « du millénaire » décidée par l'ensemble des États de l'ONU. Rappelons qu'il s'agit de réduire de moitié, d'ici à 2015, la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour et de porter l'aide publique au développement à 0,7 % du produit national brut. Mais cette catastrophe appelle aussi à refonder les relations internationales autour des valeurs de coopération, notamment autour d'une décision forte : l'annulation de la dette des pays en développement.

Au moment où l'actualité appelle des solidarités nouvelles entre les peuples, l'Europe est étonnamment silencieuse et ne parlera pas d'une seule voix à Kobé. Dans ce contexte, la France envisage-t-elle d'impulser une politique commune ambitieuse de coopération ? Plus précisément, quel est le mandat de la délégation française à la conférence de Kobé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Les événements tragiques de décembre donnent encore plus de relief à cette conférence de Kobé sur la prévention des catastrophe naturelle et nous devons effectivement réfléchir à des mesures concrètes. Serge Lepeltier conduit la délégation française à Kobé et ne peut donc vous répondre lui-même.

Il s'agit d'abord de travailler à la mise en place d'un système d'alerte dans l'océan Indien puis dans d'autres lieux de la planète. Les Caraïbes, le Pacifique Sud, la Méditerranée sont des lieux où nous devons également nous mobiliser dans le cadre d'une coordination par les Nations unies, mais en utilisant l'expertise française reconnue dans le système existant au niveau du Pacifique. L'Union européenne a coordonné sa position et la Commission est présente. L'Europe fera des propositions pour participer au financement et à la mise en place de ce système d'alerte.

Vous mentionnez la dette. La France a pris l'initiative, dans le cadre du Club de Paris, de proposer un moratoire sur la dette des pays frappés par la catastrophe du tsunami. Pour le prochain sommet de l'ONU de septembre 2005, la France et l'Union européenne, dont la contribution représente la moitié de l'aide mondiale au développement, sont à la pointe de la réflexion. Le Président de la République a relayé une idée ambitieuse de taxation internationale pour aider de façon pérenne au développement des pays pauvres.

Enfin, le traité constitutionnel nous permettra de mieux coordonner l'aide au développement et l'aide humanitaire. Il sera ainsi plus aisé de faire avancer l'idée du Président de la République et de Michel Barnier de mettre en place une capacité européenne de protection civile qui nous permette d'être encore plus efficaces. La France et l'Union européenne sont donc très déterminées à agir dans ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)


CONTRAINTES ADMINISTRATIVES
PESANT SUR LES AGRICULTEURS

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Marie Sermier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

Une nouvelle fois, il s'agit de conditionnalité des aides PAC.

M. François Sauvadet. C'est un bon sujet !

M. Jean-Marie Sermier. Si j'y reviens, c'est que cette question nécessite peut-être une réponse encore plus forte de la part du ministre de l'agriculture que celle que vous venez de faire à M. Sauvadet.

M. François Sauvadet. C'est vrai !

M. Jean-Marie Sermier. Monsieur le ministre, vous avez envoyé dernièrement un courrier à l'ensemble des agriculteurs de la France, que j'ai reçu, moi aussi, en tant qu'agriculteur. Vous y écrivez : « Nous devons à la fois appliquer l'accord, tout en vous permettant d'exercer votre métier sans d'inutiles formalités administratives, dont je sais combien elles pèsent lourdement sur votre travail quotidien. » Et vous ajoutez : « Le Gouvernement a le souci de vous faciliter la tâche. »

De fait, comme l'a démontré votre collègue Renaud Dutreil, le Gouvernement entend bien faire de la simplification une de ses priorités et nous ne pouvons que l'en féliciter. Mais je crains que la détermination du ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État n'ait pas encore passé les portes du ministère de l'agriculture. (Sourires sur certains bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

En effet, à votre courrier étaient joints deux livrets, de trente pages au total, que je tiens, comme François Sauvadet, à votre disposition.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. Jean-Marie Sermier. Trente pages indigestes où l'on parle 140 fois du contrôle sans jamais évoquer l'encouragement et où l'on évoque des réductions du montant total des aides pouvant aller jusqu'à 100 %. Ainsi un agriculteur sera-t-il pénalisé lorsqu'une vache arrache dans un buisson sa boucle d'identification,...

M. François Sauvadet. C'est exact !

M. Jean-Marie Sermier. ...lorsqu'il cultive à moins de cinq mètres d'un ruisseau virtuel, parfois sec depuis des décennies, lorsqu'il ne broie pas ses pailles de maïs en « résidus de moins de dix centimètres » ou lorsqu'il les incorpore à plus de cinq centimètres dans le sol. (Sourires.) Et la liste pourrait être longue.

Monsieur le ministre, toutes ces mesures qui semblent anodines vont mettre nos agriculteurs dans une position très inconfortable. Dans le département du Jura, les organisations professionnelles craignent des réductions de primes pouvant aller jusqu'à 30 % et un risque de faillite pour les exploitations.

Pouvez-vous nous confirmer, comme vous l'avez annoncé à l'assemblée générale de la CGB, la confédération générale des planteurs de betteraves, que 2005 sera une année blanche pour les contrôles ? Envisagez-vous de mettre en place une commission regroupant des professionnels de l'agriculture et des parlementaires pour évaluer la mise en œuvre de la PAC ? Les paysans de France ont besoin de vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Monsieur le député, je vous remercie de cette question que nous avons d'ailleurs évoquée ensemble dans votre département, il y a dix jours. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Je l'ai dit tout à l'heure en réponse à la question pertinente de François Sauvadet : nous allons appliquer les mesures que l'Europe a exigées de la France en contrepartie de la poursuite de la politique agricole commune, mais nous allons le faire avec modération et discernement. Ces deux mots ne sont d'ailleurs pas de moi. Ce sont ceux que le Président de la République a prononcés samedi dernier à Tulle.

Cela veut dire, pour être encore plus précis que dans ma réponse à M. Sauvadet, que nous allons coordonner les contrôles dans les exploitations pour que tous ne surviennent pas en même temps. Vous savez d'ailleurs que le taux annuel de contrôle des exploitations ne dépasse pas 1 %.

M. Henri Emmanuelli. Quelle réponse pitoyable !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Par ailleurs, 2005 sera une année de transition, au cours de laquelle nous ferons en sorte que les choses se passent convenablement, c'est-à-dire que des dysfonctionnements mineurs n'entraînent pas de désagréments pour les agriculteurs. En particulier, pour répondre au problème que vous avez soulevé, la perte d'une boucle d'identification ne constituera pas une faute si on la constate sur une exploitation.

M. François Lamy. Quel revirement ! (Sourires.)

M. Jean Glavany. « Modération et discernement » ? En effet !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Pour pouvoir faire le point en permanence avec les agriculteurs et les directions départementales de l'agriculture, nous allons créer une instance de concertation dans chaque département. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Que ceux qui ont laissé l'agriculture dans l'état que l'on sait se taisent (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), parce que, messieurs et mesdames les députés de l'opposition, si le Président de la République a dû se battre pour la PAC, c'est parce que vous n'aviez pas été capables de mener à bien sa réforme et de sauver notre agriculture. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous n'avez donc pas de leçons à nous donner ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Julien Dray. Ces propos sont scandaleux !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Ainsi, nous allons agir dans l'esprit que vous souhaitez, monsieur Sermier. Je demande d'ailleurs à la représentation nationale de nous indiquer les difficultés qui pourraient surgir dans les départements. Nous répondrons à chaque parlementaire, qu'il appartienne à l'opposition ou à la majorité.

Enfin, il y aura un horizon, comme nous le demandait tout à l'heure M. Sauvadet. Ce sera la loi d'orientation agricole, qui sera le grand travail de cette année pour la représentation nationale et le Gouvernement, afin de donner un espoir à nos agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

MISE EN œUVRE DU PLAN
DE COHÉSION SOCIALE

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Geveaux, pour le groupe de l'UMP.

M. Jean-Marie Geveaux. Monsieur le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, nous avons adopté en décembre la loi de programmation pour la cohésion sociale.

Votre plan, qui comporte un ensemble de mesures concrètes en matière d'emploi, d'insertion des jeunes, d'égalité des chances et de logement, est doté - faut-il le rappeler ? - de 12,7 milliards d'euros pour les cinq prochaines années.

Il procède d'une démarche inédite et ambitieuse consistant à traiter ensemble les grands problèmes qui mettent en péril la cohésion de notre pays. En effet, un certain nombre de nos concitoyens, des jeunes, mais aussi des familles, qui habitent des quartiers dits sensibles, cumulent des handicaps qui se nourrissent les uns les autres. Le Gouvernement a donc décidé d'agir simultanément sur tous les leviers afin de rendre une véritable cohésion à notre société.

Aujourd'hui, cette loi est définitivement adoptée. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire part du calendrier que vous comptez suivre pour la mise en œuvre de ce plan de cohésion sociale, et nous confirmer votre volonté de rendre rapidement concrètes et effectives les mesures qu'il prévoit, très attendues par nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur Geveaux, il est vrai que la cohésion sociale nécessitait dans notre pays un plan massif, un plan urgent et un plan d'ensemble.

M. François Loncle. C'est le moins qu'on puisse dire !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Présenté au Conseil des ministres le 30 juin, il a été voté définitivement par les assemblées le 20 décembre, dans le cadre d'une procédure d'urgence. Le Conseil constitutionnel l'a validé le 13 janvier. Les décrets en Conseil d'État seront transmis avant la fin du mois et je pense que l'ensemble des décrets seront signés pour le 16 février.

M. René Couanau. Très bien !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Un certain nombre de choses ont déjà été faites. Les conventions passées, le 21 décembre et hier encore, avec le monde HLM pour 500 000 logements, c'est fait. Les 210 000 millions pour le logement, c'est fait. Les 1 600 euros par apprenti, cela a été fait dans la loi de finances. Le doublement de l'aide à l'accession à la propriété familiale et sociale, c'est fait. Enfin, l'aide aux villes pauvres, à ces villes qui supportaient toutes les charges socio-urbaines, c'est fait, avec 120 premiers millions, qui permettront d'atteindre la somme totale de 600 millions dans cinq ans.

M. Julien Dray. Tout est fait ! Il peut partir en vacances !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. D'autres étapes sont encore devant nous.

M. Maxime Gremetz. Oh là là !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Quel est notre calendrier ? Nous sommes en état de marche. La loi est promulguée. Les décrets paraîtront sous trente jours. Le comité de pilotage des maisons de l'emploi a été installé hier et les premiers prototypes seront opérationnels avant un mois.

M. Jean Glavany. Donc tout va bien !

M. Julien Dray. Et il n'y a plus de pauvreté !

M. Jean Glavany. On a gagné !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Pour ce qui est des contrats d'avenir, qui intéressent les personnes au RMI et à l'ASS, nous espérons signer le premier aux alentours du 20 février. Enfin, le 24 février, à la date anniversaire du plan Marshall pour les banlieues, ce programme considérable de respect républicain, nous ferons à son sujet un point d'étape dont vous ne serez pas déçus.

M. Julien Dray. Nous en reparlerons !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. La Haute Autorité de lutte contre les discriminations sera installée fin février. Les conventions de reclassement personnalisées pour les entreprises de moins de mille personnes entreront également en vigueur fin février. Le plan des services à la personne, si indispensable, de 500 000 emplois sera présenté également dans la semaine du 20 au 27 février. Les cartes d'étudiant et les plateformes d'accueil, sous la responsabilité de Laurent Hénart, seront prêtes début mars.

M. André Chassaigne. N'en jetez plus, la cour est pleine !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Enfin, pour que la France puisse suivre ce programme car, dans ce domaine, nous n'avons pas le droit de nous contenter de faire de l'émotion, les résultats seront présentés à la fin du mois. Il y aura des indicateurs publics pour chacun des programmes du plan de cohésion sociale. Ces sujets, qui relèvent de l'urgence, exigent en effet de la transparence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

RECONNAISSANCE DE
L'ÉTAT DE CATASTROPHE NATURELLE
APRÈS LA SÉCHERESSE DE 2003

M. le président. La parole est à M. Guy Drut, pour le groupe de l'UMP.

M. Guy Drut. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, je sais que nombre de mes collègues, notamment Chantal Brunel, ont déjà appelé votre attention sur la sécheresse de l'été 2003. Celle-ci a eu des conséquences dramatiques sur de nombreuses habitations et occasionné des travaux qui se chiffrent parfois à plusieurs milliers d'euros par foyer.

Malgré la réactivité du Gouvernement, qui s'est efforcé d'engager rapidement la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle,...

M. Alain Néri. C'est une question ou un satisfecit ? C'est scandaleux !

M. Guy Drut. ...la commission interministérielle réunie le 24 juin 2004 a refusé d'inscrire l'ensemble des communes touchées, notamment celles de Seine-et-Marne, dans l'arrêté qui constatait cette procédure.

M. Jérôme Lambert. La situation est pourtant la même partout !

M. Guy Drut. Dès lors, force est de constater que l'arrêté ministériel publié au Journal officiel du 25 août laisse de nombreuses familles dans la détresse. Dans la région Ile-de-France, par exemple, cet arrêté ne satisfait que 66 des 500 communes qui l'avaient demandé, malgré votre volonté de répondre au mieux aux attentes légitimes de nos administrés.

Ma question est simple : pourquoi telle commune et pas telle autre, alors qu'elles sont voisines et donc soumises au même climat ? Envisagez-vous, monsieur le ministre, de procéder à un réexamen des demandes des communes qui ne sont toujours pas reconnues aujourd'hui comme en état de catastrophe naturelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, vous avez eu raison de rappeler l'ampleur exceptionnelle de la sécheresse de 2003.

M. Julien Dray. C'est encore de la faute de Jospin ?

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Nous avons tous en mémoire les drames familiaux, matériels et financiers qui en ont été la conséquence. Je salue d'ailleurs la mobilisation des parlementaires sur ce sujet, et particulièrement la vôtre, monsieur Guy Drut, comme celle de Mme Chantal Brunel.

Face à cette situation, nous avons, vous le savez, deux contraintes financières : respecter l'équilibre financier du régime des catastrophes naturelles et éviter les détournements. Mais nous avons surtout un impératif de justice : prendre en compte la réalité de chacune des situations. C'est pour cela que nous avons voulu élargir les critères.

Un premier arrêté a permis de prendre en compte la situation de 1 400 communes. Un deuxième permettra de répondre à l'attente de 830 nouvelles communes et d'élargir le périmètre régional, ce qui, au total, donnera satisfaction à plus de 3 000 communes.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Mais cela ne suffit pas. L'analyse par zone ne rend pas compte de la situation et des drames que j'ai évoqués. Il faut donc passer à l'examen des situations individuelles. Je l'ai proposé au Premier ministre, qui a accepté. Nous allons définir les nouveaux critères avant le 15 février. En effet, nous sommes là pour répondre aux problèmes des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)


DIMINUTION DU POUVOIR D'ACHAT

M. le président. La parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe socialiste.

M. Jean Glavany. Je souhaite tout d'abord répondre à M. Bussereau, qui s'est énervé de manière un peu surprenante tout à l'heure (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

M. le président. Je vous en prie. Écoutez M. Glavany !

M. Jean Glavany. ...que ce n'est pas moi qui lui ai laissé l'agriculture française dans l'état où il l'a trouvée, mais son prédécesseur, qui a décidé, l'année dernière, une réforme qu'il faut mettre en œuvre cette année. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Par ailleurs, comme nous sommes chargés collectivement de faire la loi, j'aimerais que le garde des sceaux et le ministre de l'intérieur nous expliquent, ainsi qu'à nos concitoyens, ce que signifie « appliquer la loi avec modération et discernement », dans ce domaine et dans bien d'autres.

J'en viens à ma question, monsieur le Premier ministre. Elle porte sur un sujet concret, qui intéresse la vie quotidienne de nos concitoyens : le pouvoir d'achat. Il y a quelques jours, lors de la cérémonie des vœux, la machine à faire des promesses s'est un peu emballée, rive droite, et le Président de la République a affirmé que la progression du pouvoir d'achat serait une priorité du Gouvernement en 2005. Quelques années plus tôt, il avait employé cette formule superbe : « la feuille de paie n'est pas l'ennemie de l'emploi. » Ce théorème économique est tout à fait juste, à une seule condition : que la feuille de paie et le pouvoir d'achat augmentent. (« Et le SMIC ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Or, en ce début d'année, la réalité du pouvoir d'achat dément formellement la promesse du Président, car les décisions que vous avez prises concernant la CSG, la CRDS et le régime de retraite additionnel pour la fonction publique (« Et le SMIC ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) se traduiront au mois de janvier 2005, pour des millions de Français, par une feuille de paie inférieure à celle du mois de décembre 2004. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est incontestable !

Si vous ne me croyez pas, je peux vous montrer celles de nos employés municipaux - je les remettrai d'ailleurs dans un instant au Premier ministre. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous qui êtes souvent maires ou présidents d'organismes publics, vous feriez bien de vous intéresser aux feuilles de paie de ceux qui sont sous votre responsabilité : vous vous apercevriez que c'est la réalité. Ainsi, la feuille de paie de janvier 2005 de cet employé de l'agglomération du Grand Tarbes sera, à cause des décisions prises par ce gouvernement, de 17 euros inférieure à celle de décembre 2004.

Monsieur le Premier ministre, à défaut de vous demander comment vous tiendrez la promesse du Président de la République, j'aimerais savoir si vous pensez vraiment que la croissance et l'emploi peuvent être soutenus par ce qu'il faut bien appeler une déflation salariale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - « Et les 35 heures ? Et le SMIC ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Henri Emmanuelli. Il était ministre de l'agriculture en 2003 !

M. Hervé Gaymard, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Glavany, je comprends votre long remords. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Avec les 35 heures, vous vouliez partager le travail et vous avez partagé les salaires. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) La baisse du pouvoir d'achat n'a jamais été aussi importante qu'avec les 35 heures, monsieur Glavany ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Si vous voulez parler de chiffres, je peux vous en citer quelques-uns.

M. Jean Glavany. Parlez-nous de la feuille de paie !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Sous votre quinquennat, le SMIC a augmenté en moyenne de 3 % par an. Depuis 2002, il a progressé en moyenne de 5 % par an. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

C'est notre gouvernement qui met en œuvre une politique de soutien au pouvoir d'achat. La preuve : la consommation est deux fois plus élevée en France que dans le reste de la zone euro et, dans le secteur du logement, qui est un autre indicateur, les mises en chantier - Marc-Philippe Daubresse le dirait mieux que moi - ont augmenté de 20 %.

M. Jean Glavany. Répondez à ma question !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous voulons, sous l'autorité du Premier ministre, tout mettre en œuvre pour la progession du pouvoir d'achat. C'est d'abord la lutte pour l'emploi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...

M. Henri Emmanuelli. C'est ça !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...en débridant l'activité dans notre pays ; c'est ensuite une politique de concurrence plus forte, en agissant sur les tarifs des services publics, afin que les citoyens voient leurs factures augmenter le moins possible ; c'est enfin la réforme de la loi Galland - dont Christian Jacob sera chargé -, afin d'améliorer l'équilibre dans les relations de concurrence.

De grâce, monsieur Glavany, assez de démagogie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. Répondez-moi !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est votre gouvernement qui a augmenté la CSG pour les retraités qui, il y a trois ou quatre ans, venaient se plaindre dans nos permanences.

M. Jean Glavany. C'était il y a trois ans !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je vous en prie, monsieur Glavany, pas de confusion ! Le Gouvernement a une politique constante en faveur du pouvoir d'achat - plus 0,5 % en 2003, plus 1,6 % en 2004 - et, quoi que vous disiez, quoi que vous fassiez, nous continuerons cette politique pour tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

ÉGALITÉ DES SALAIRES
ENTRE HOMMES ET FEMMES

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Roubaud, pour le groupe de l'UMP.

M. Jean-Marc Roubaud. Madame la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, la différence de salaire entre les hommes et les femmes se situe aux alentours de 19 %. Cette inégalité, cette discrimination est insupportable au XXIe siècle.

Aussi, je me réjouis que, la semaine dernière, le Président de la République ait demandé au Gouvernement de légiférer pour que, d'ici à cinq ans, l'égalité des salaires entre hommes et femmes devienne une réalité dans notre pays. Je me félicite également que, pour la première fois, un gouvernement comprenne un ministère de la parité et de l'égalité professionnelle. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est un sujet important, mes chers collègues. J'ajoute que les inégalités sont les plus fortes en début de carrière et pour les salaires les plus élevés.

Quelles sont vos intentions dans ce domaine, madame la ministre, et par quels moyens comptez-vous parvenir, dans les délais fixés par le Président de la République, à l'égalité de salaire entre hommes et femmes qui est attendue par des millions de salariées françaises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle.

Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Monsieur le député, nous tiendrons la promesse de l'égalité. (« Ce serait bien la première ! » sur les bancs du groupe socialiste). Là où d'autres ont échoué, nous réussirons, et ce pour trois raisons.

La première, c'est que nous avons une méthode, la concertation et la négociation, qui, depuis deux ans, porte ses fruits et a permis d'envisager l'élaboration d'un projet de loi. Je rappelle que les partenaires sociaux ne s'étaient pas réunis sur ce sujet depuis 1989.

La deuxième raison, c'est la volonté du Président de la république et du Premier ministre (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) de faire en sorte que, d'ici à cinq ans, un objectif clair soit fixé qui permette aux entreprises de reconsidérer d'un point de vue qualitatif et quantitatif leur gestion des ressources humaines.

La troisième raison, c'est le contexte, qui est grave. En effet, un revirement démographique privera la France de centaines de milliers de compétences, mais il est une chance pour les femmes, qui peuvent envisager de meilleures perspectives de carrière.

Le projet de loi, qui sera présenté au Parlement dans les meilleurs délais, confortera le modèle social français, qui est équilibré entre natalité et emploi des femmes. Celles-ci veulent travailler et le fait d'avoir des perspectives de carrière professionnelle intéressantes les incite à faire des enfants.

Enfin, je vous remercie, monsieur le député, ainsi que tous les parlementaires qui s'associent à cette démarche, car il est très important que nous puissions faire en sorte que l'égalité soit enfin à la convergence de l'équité, de la justice sociale, de l'exigence de cohésion et de la dynamique de croissance. L'économie moderne a besoin de tous les talents et l'égalité professionnelle est une exigence démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

ACTION DES DOUANES
DANS LA LUTTE CONTRE LE TRAFIC DE DROGUE

M. le président. La parole est à M. François Calvet, pour le groupe de l'UMP.

M. François Calvet. Monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, la drogue représente un véritable fléau pour notre société. Depuis 2002, le Gouvernement s'est attaqué aux deux aspects de ce problème, d'une part, en se donnant les moyens juridiques et policiers de lutter contre les trafiquants qui vendent des stupéfiants sur notre territoire, d'autre part, en concentrant ses efforts contre l'importation de drogue.

Ainsi, ces dernières années, les saisies ont augmenté, grâce à la volonté et à l'efficacité des services de l'État. Mais ce phénomène s'explique aussi par le fait que la France, pays d'importation, est devenue également un pays de transit. À titre d'exemple, le 3 janvier dernier, les douaniers français ont intercepté au Perthus un camion-citerne irlandais qui transportait 4 000 kg de drogue. Quelques jours après, à Hendaye, plus de 3 200 kg de résine de cannabis, représentant une valeur de 6,5 millions d'euros, ont été saisis. Ces importantes saisies de produits stupéfiants démontrent à la fois l'efficacité de l'action des douanes et la permanence des trafics de drogue à destination de la France ou en transit sur notre territoire.

Dans un contexte de libéralisation des déplacements des personnes et des biens, pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, les orientations que vous allez donner aux services douaniers pour lutter encore plus efficacement contre ce terrible fléau qu'est le trafic de drogue ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, vous avez tout à fait raison de rappeler que nos services douaniers sont aujourd'hui en première ligne dans la lutte déterminée que nous menons contre les trafics, qu'il s'agisse de la contrefaçon ou de la drogue. Dans ce domaine, la contribution de ces services est considérable, puisqu'ils sont à l'origine de 70 % des saisies de drogue réalisées en 2004.

Pour ce qui est du cannabis, les saisies ont augmenté de 50 % au cours des neuf premiers mois de 2004, pour atteindre 60 tonnes. Nous devons renforcer nos moyens et notre détermination pour lutter contre cette drogue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il est hors de question de laisser perdurer dans notre pays ces distinctions folles entre drogues réputées douces et drogues dites dures. C'est le même combat et la même détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous avons l'intention, avec Hervé Gaymard, d'amplifier le mouvement de modernisation de la direction des douanes et de promouvoir une culture du résultat dans le domaine des saisies douanières car, là aussi, nous devons démontrer aux Français que nous sommes très efficaces. Pour y parvenir, nous agissons en collaboration avec Dominique de Villepin et, sur le terrain, la coopération entre les services de police et ceux des douanes est totale.

Nous amplifierons la lutte contre la drogue dans les zones transfrontalières et au niveau européen. Dans ce domaine, l'Office central de répression des trafics de stupéfiants est un outil majeur.

Je vous rassure, monsieur le député : sur le terrain, comme à Paris, la détermination est totale et nous obtiendrons ensemble des résultats. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)


RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le ministre des solidarités, de la santé et de la famille, votre pseudo-réforme de l'assurance maladie n'est qu'un dix-neuvième plan de replâtrage, qui s'accompagne d'une augmentation des cotisations et des forfaits hospitaliers, d'une hausse de la CSG pour les retraités et les salariés et d'une prolongation du remboursement de la dette (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Vous n'avez rien fait du tout !

M. Jean-Paul Bacquet. ...ainsi que d'une baisse des prestations, avec le forfait d'un euro pour chaque acte de consultation, et d'une diminution de l'ALD. Nous l'avions dénoncé en juillet dernier mais, aujourd'hui, la nouvelle convention médicale que vous venez d'agréer constitue une véritable atteinte au droit d'accès aux soins et confirme votre choix d'une médecine à deux vitesses. Oui, le médecin généraliste doit être le pivot du système de santé, mais il est inacceptable que la nouvelle convention se traduise par l'humiliation du médecin traitant (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) devenu médecin sous-traitant par la reconnaissance d'un droit à dépassement d'honoraires pour les spécialistes, conventionnés ou non. Cédant aux pressions corporatistes, vous instaurez le libre accès aux spécialistes réservé à ceux qui peuvent payer de leur poche, et vous réduisez le rôle du médecin généraliste jusqu'à en faire un simple régulateur de la consommation médicale pour les plus démunis.

Certes, vous allez nous répondre que vous avez fait une réforme, mais laquelle ? Une réforme qui suscite la colère des médecins généralistes, qui suscite l'incompréhension et l'inquiétude des assurés sociaux. Vous arguerez peut-être du respect de l'ONDAM en 2004, alors que chacun sait que les dérapages ont repris dès la fin 2004, et que l'on ne jugera des effets de votre réforme qu'en 2005. Monsieur le ministre, de l'avis de tous les experts, aucune réforme n'est crédible si elle ne place le généraliste au centre du système de soins. Quand vous déciderez-vous à prendre cette évidence en considération ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Monsieur le député, cela fait dix ans qu'il n'y avait pas eu un contrat entre les médecins - généralistes et spécialistes - et l'assurance maladie. C'est chose faite depuis quelques jours autour d'une idée simple, celle que le médecin traitant, c'est-à-dire le médecin de famille - la plupart du temps un généraliste - celui qui connaît vos antécédents personnels et familiaux, vos allergies, les traitements qui vous ont ou non réussi, est celui qui vous soignera le mieux. L'objectif n'est pas de faire des économies, mais de mieux soigner.

En outre, cette convention a été signée par les trois quarts des syndicats médicaux, en tout cas par le plus grand des syndicats de généralistes et le plus grand des syndicats de spécialistes.

M. Jean-Paul Bacquet. Surtout les spécialistes !

M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Les généralistes également, car l'UNOF est le plus grand syndicat de généralistes.

Ma deuxième remarque est relative à l'expression « médecine à deux vitesses » que vous avez employée. Je vous rappelle que c'est vous qui avez instauré les secteurs 1 et 2.

M. Jean-Paul Bacquet. C'est faux ! C'est Raymond Barre en 1979 !

M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Nous, nous proposons de rembourser les médecins du secteur 2 au tarif du secteur 1 dans la mesure où ils accomplissent un acte de coordination des soins. Les élus ruraux savent particulièrement ce qu'est la médecine à deux vitesses et c'est nous qui proposons une aide aux médecins qui accepteront d'exercer en secteur rural. Ce faisant, nous œuvrons en faveur de la permanence des soins, contrairement à vous qui avez contribué à la désertification des campagnes françaises (Protestations sur les bancs du groupe socialiste - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Bacquet. Vous allez financer le régime général avec les dépassements d'honoraires des spécialistes ?

M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Enfin, comment osez-vous donner des leçons alors que, depuis cinq ans, il n'y avait plus de relations entre les médecins, l'assurance maladie et l'État, alors que vous avez financé les 35 heures avec l'assurance maladie (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et que vous avez refusé toute réforme pour stopper la folle augmentation des dépenses d'assurance maladie qui était de 7,2 % en 2002 et que nous avons ramenée à 4,5 % en 2004 ? Si certains sont mal placés pour donner de leçons, c'est bien vous, les socialistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

CONTRATS DE TRAVAIL DES SALARIÉS ASSOCIATIFS EN LANGUEDOC-ROUSSILLON

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, pour le groupe de l'UMP.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Monsieur le président, mes chers collègues, j'associe à ma question l'ensemble de mes collègues de l'UMP du Languedoc-Roussillon, ainsi que M. Yvan Lachaud, député UDF.

Monsieur le ministre délégué aux relations du travail, c'est avec une certaine gravité que je m'adresse à vous aujourd'hui devant la représentation nationale. Ma question concerne le devenir d'hommes et de femmes dans l'angoisse du lendemain. Je veux parler, sans aucune polémique politicienne, de ce qui se passe depuis dix mois en Languedoc-Roussillon, où tout ce qui a été fait par l'ancienne majorité régionale est systématiquement détruit. On assiste à une véritable casse sociale, avec près de 200 salariés licenciés ou menacés de l'être (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) J'en veux pour preuve la disparition du Centre régional des Lettres, accusé de « collaboration », de l'Agence méditerranéenne de l'environnement, du syndicat mixte de préfiguration du parc naturel régional Pyrénées catalanes, du renvoi de trente contractuels de la région Languedoc-Roussillon, et aujourd'hui de soixante salariés de la LEF, association au service des demandeurs d'emploi (« Honteux ! Scandaleux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est faux !

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Or cette association vient d'obtenir la condamnation de la région Languedoc-Roussillon à assurer la continuité des contrats de travail sur le fondement de l'article L.122-12 du code du travail.

Monsieur le ministre, vous devez savoir que cette disposition de droit privé d'ordre public, transposition de la directive européenne du 12 mars 2001 sur le droit au travail, a fait l'objet ces dernières années d'importantes évolutions jurisprudentielles à la suite d'un arrêt de la cour de justice des communautés européennes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Aujourd'hui, la Cour de cassation et le Conseil d'État s'accordent à considérer que cet article s'applique à tous les salariés et à tous les employeurs, du secteur privé comme du secteur public. Le débat juridique est donc clos.

Pouvez-vous indiquer à la représentation nationale de quelle manière le Gouvernement entend assurer la mise en œuvre effective de cette disposition protectrice du droit des salariés sur l'ensemble du territoire français ? Votre réponse, attendue par tous les spécialistes de droit social, apportera une lueur d'espoir aux salariés d'organismes satellitaires des collectivités locales qui ne sont coupables d'aucune faute personnelle, mais victimes d'une véritable discrimination politique (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Après s'en être pris à la culture et à la recherche, le conseil régional de Languedoc-Roussillon a pris la décision de suspendre les activités d'une association qui s'est occupée de 48 000 demandeurs d'emploi, l'association Liaison Entreprise Formation. Il a, ce faisant, négligé d'appliquer le code du travail, selon lequel il aurait dû reprendre les soixante salariés de l'association.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est scandaleux !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Le conseil des prud'hommes de Montpellier a confirmé que l'article L.122-12 du code du travail s'appliquait à cette structure. Plus généralement, la jurisprudence paraît aujourd'hui stabilisée. La Cour de cassation et le Conseil d'État, en application d'une directive du 12 mars 2001, ont rappelé que la continuité du contrat de travail en cas de reprise s'appliquait tant aux personnes de droit privé qu'aux personnes morales de droit public. L'application de l'article L.122-12 est donc de droit.

Au moment où l'on parle du code du travail à tort et à travers (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), je vous le dis : les services du ministère du travail et l'inspection du travail veilleront à ce qu'il soit respecté dans tout le pays, y compris chez M. Frêche ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) .)

POLITIQUE DU LOGEMENT

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier, pour le groupe de l'UMP.

M. Martial Saddier. Monsieur le ministre délégué au logement et à la ville, la loi de programmation pour la cohésion sociale vient d'être promulguée. Je me félicite de l'entrée en vigueur de ce texte qui permet à l'État d'apporter des réponses concrètes aux difficultés rencontrées par nombre de nos concitoyens, notamment dans le domaine du logement. Nous constatons en effet que de plus en plus de personnes éprouvent des difficultés à se loger. En Haute-Savoie par exemple, où les logements sociaux sont en nombre insuffisant, les salariés - en particulier les jeunes ménages - sont contraints d'habiter de plus en plus loin de leur lieu de travail. Vous avez choisi d'accroître fortement l'offre de logement accessible aux ménages disposant de ressources modestes et pour cela, vous mettez en œuvre des moyens permettant non seulement de relancer la production de logements sociaux, mais également de mobiliser le parc locatif privé. Derrière les objectifs quantitatifs ambitieux de la loi de programmation, se manifeste la volonté de donner un contenu concret au droit au logement.

Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quelles sont les premières actions que vous avez menées pour atteindre ces objectifs, et quelle mobilisation vous attendez des partenaires du logement et des services ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au logement et à la ville.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville. Monsieur le député, vous insistez à juste titre sur la crise du logement qui frappe l'ensemble de notre pays, en particulier le territoire frontalier de la Savoie et de la Haute-Savoie. À l'initiative d'Hervé Gaymard, du président Accoyer, de vous-même et de tous les députés de ces deux départements, nous mettons en place un plan spécifique en faveur des travailleurs frontaliers et saisonniers, impliquant un changement de zonage.

Plus généralement, la France est confrontée à une situation qui se joue à quitte ou double. Le Gouvernement a choisi de doubler en appliquant le plan de cohésion sociale. Nous avons fixé des objectifs qui seront tenus. J'avais annoncé des financements avant la fin décembre, et ils ont été votés avec la loi de programmation. J'avais promis que nous signerions une convention avec l'ensemble des organismes HLM, et cela a été fait le 23 décembre ; une autre avec les organismes de CIL, cela a été fait fin octobre ; avec l'ensemble des sociétés d'économie mixte, cela a été fait hier. J'ai dit que nous allions doubler le nombre de primo-accédants à la propriété qui allaient être aidés, ce sera le cas à la mi-février. J'ai dit que nous allions multiplier par deux le nombre de logements locatifs privés conventionnés : les premiers effets de la mobilisation de l'Agence pour l'amélioration de l'habitat pourront être constatés dans le courant du premier trimestre 2005.

J'annoncerai la semaine prochaine les chiffres du logement pour 2004, et vous verrez que par rapport aux années 2000, il n'y aura pas photo ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il en ira de même en matière de rénovation urbaine : cent quartiers financés au moyen de la somme record de 8 milliards d'euros mobilisés...

Il est fini, le temps des incantations : le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin préfère l'action (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

    2

SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

M. le président. J'informe l'Assemblée que la commission des finances, de l'économie générale et du Plan a décidé de se saisir pour avis du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux aéroports (n° 1914).

    3

RÉGULATION DES ACTIVITÉS POSTALES

Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la régulation des activités postales (n°s 1384, 1988).

Hier soir, l'Assemblée a entendu les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Je vais répondre aux différents intervenants. Je me réjouis, monsieur Brottes, mesdames, messieurs, de vous voir sur ces bancs. Compte tenu de l'heure tardive à laquelle nous avons achevé nos travaux hier soir, j'espère que vous n'êtes pas trop fatigués.

M. François Brottes. Non !

M. le ministre délégué à l'industrie. Tant mieux, car nous avons encore beaucoup à jouer ensemble...

M. François Brottes. À jouer ?

M. le ministre délégué à l'industrie. On peut en effet parler de jeu quand on sait que vous avez déposé 14 500 amendements !

Je commencerai par répondre aux critiques de l'opposition qui ont porté sur trois axes essentiels. S'agissant de la présence postale, je rappellerai à MM. Gouriou, Chassaigne, Zuccarelli, Nayrou et à Mme Gautier, que la France a le réseau le plus dense d'Europe avec 3 530 habitants pour un point poste. Ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire à Mme Lebranchu, c'est deux fois mieux que l'Allemagne.

S'agissant des agences communales, je rappellerai qu'elles ont été prévues et organisées par la loi Voynet. Comme l'a souligné fort justement hier soir M. Auclair, il est paradoxal d'entendre l'opposition critiquer les effets de la loi Voynet. Je croyais qu'elle avait voulu cette loi, qu'elle a d'ailleurs mise en œuvre puisque 1 709 agences communales ont été créées sous le gouvernement de M. Jospin. Alors que dire de ces discours sur la décentralisation, le transfert des charges, les budgets des communes qui seraient ainsi grevés ?

M. François Brottes. Nous n'avons fait que légaliser ce qui existait !

M. le ministre délégué à l'industrie. Puisque cela ne posait pas de problème sous le gouvernement précédent, pourquoi cela en soulèverait-il aujourd'hui ? Nous proposons la même procédure. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Et cela correspondra sans doute aux mêmes charges.

En outre, et comme sous le gouvernement précédent, cela ne se fera que sur la base du volontariat. Il n'y aura donc aucune contrainte.

Monsieur Chassaigne, lorsque le dispositif a été voté dans le cadre de la loi Voynet, cela ne vous avait pas beaucoup choqué.

M. André Chassaigne. Si ! Et nous pouvons parler en connaissance de cause !

M. le ministre délégué à l'industrie. M. Montebourg a par ailleurs considéré que le « libéralisme » induit par la directive européenne a été accru par notre loi de transposition. Là encore, je ne peux que répéter ce que j'ai dit hier : vous avez eu, mesdames et messieurs de l'opposition, toute latitude pour transposer vous-mêmes cette directive du 31 décembre 1997.

M. Daniel Paul. Nous n'en voulions pas !

M. le ministre délégué à l'industrie. Eh oui ! Et en raison de votre carence, la France est aujourd'hui poursuivie. Elle se retrouve devant la juridiction européenne et risque d'être condamnée. Nous sommes bien obligés, quant à nous, de procéder à la transposition.

M. André Chassaigne. Vous allez au-delà de la directive !

M. le ministre délégué à l'industrie. Il fallait prévoir une transposition qui vous convienne ! Nous aurions gagné du temps et vous auriez rendu service à notre pays qui, ainsi, n'aurait pas été poursuivi.

M. André Chassaigne. Vous introduisez encore plus de libéralisme !

M. le ministre délégué à l'industrie. Votre objection est particulièrement malvenue, messieurs.

Le troisième argument de l'opposition porte sur la banque postale. Mmes Gautier et Robin-Rodrigo, notamment, souhaitent que la Poste détienne 100% de sa filiale, et non pas 51%, par crainte d'une privatisation. Je rappelle à cet égard que la privatisation ne peut intervenir que par la loi. Dès lors, peu importe que le seuil soit à 51 % ou à 100 %. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) La garantie juridique apportée par notre projet de loi est exactement la même.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Non !

M. le ministre délégué à l'industrie. En fait, vous ne voulez même pas de l'ouverture du capital à laquelle vous avez pourtant largement procédé lorsque vous étiez au pouvoir.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Tout cela n'est pas sérieux, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué à l'industrie. Vous n'autorisez pas vos adversaires politiques à utiliser les latitudes que vous vous octroyez. Voilà qui est pour le moins singulier !

S'agissant du présent dispositif, la garantie juridique est en tout cas rigoureusement la même que le seuil soit à 100 % ou à 51 % car, pour privatiser, il faut modifier la loi.

M. André Chassaigne. Non, ce n'est pas la même chose !

M. le ministre délégué à l'industrie. Nous préférons, quant à nous, en rester à 51 % car nous voulons le bien de la Poste. Nous voulons lui donner les moyens de se développer et de nouer en Europe et partout ailleurs des partenariats financiers chaque fois que cela lui sera utile. Nous considérons donc que vos objections ne sont pas recevables.

Enfin, vous nous avez également reproché, madame Robin-Rodrigo, de limiter les offres de la banque postale au crédit immobilier sans épargne préalable. Vous auriez souhaité qu'elle puisse faire aussi du crédit à la consommation.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Oui !

M. le ministre délégué à l'industrie. Mais, la création de la banque postale a été tellement décriée ! On nous a tellement dit, y compris sur vos bancs, que cela présentait des risques - certains, au sein du patronat bancaire, ont même parlé de risques systémiques - que nous avons décidé de procéder avec prudence et par étapes. Pour l'heure, nous faisons entrer dans le droit commun la banque postale, qui sera soumise à toutes les contraintes qui s'imposent aux autres banques. Nous allons commencer par faire l'expérience du crédit immobilier sans épargne préalable. Si cela marche bien, nous irons plus loin. C'est l'attitude qui me paraît la plus raisonnable.

Voilà pour les objections de l'opposition.

J'en viens à la majorité, que je n'oublie pas, bien au contraire. Je me suis réjoui du soutien, parfois interrogatif, mais toujours ferme, qu'elle m'a apporté. J'ai bien entendu que M. Bobe sera très attentif à la présence postale. J'ai bien compris également que la poste avait un caractère structurant dans le département de M. Warsmann.

Monsieur Dionis du Séjour, et vous avez été assez original à cet égard, vous avez soulevé, quant à vous, la question de la qualité du service rendu par la Poste. On a pu constater ces dernières années une amélioration de celui-ci.

M. Jean Dionis du Séjour. C'est particulièrement important en milieu rural.

M. le ministre délégué à l'industrie. Ainsi, lorsque le point de contact est transféré à un commerçant ou à une agence communale, la plage des horaires d'ouverture est beaucoup plus importante. Parfois, elle peut même dépasser les huit heures, à la grande satisfaction du public.


M. André Chassaigne
. Les services rendus ne sont pas les mêmes !

M. le ministre délégué à l'industrie. Par ailleurs, le taux des courriers qui parviennent à leur destinataire le lendemain du jour où ils sont postés, le « j + 1 », est en progression constante. La Poste, je le rappelle, est passée de 65 % de « j + 1 » à 80 % pour le dernier trimestre de l'année 2004. Ce chiffre avait été contesté, mais nous avons réellement atteint 80 % au cours du dernier trimestre de l'année dernière.

J'ajoute que les relations sociales ont beaucoup progressé à l'intérieur de l'entreprise. Cela aussi fait partie de la qualité !

M. André Chassaigne. Comme la précarité des emplois !

M. le ministre délégué à l'industrie. Je vais en parler ! Les gains de productivité très importants qui ont été réalisés ont été partagés entre La Poste et son personnel, en particulier dans le service courrier, allant jusqu'à des primes de 300 euros.

M. Daniel Paul. Ce n'est pas ce que disent ces personnels !

M. le ministre délégué à l'industrie. C'est pourtant le résultat de l'accord social qui a été signé par les syndicats, dont la CGT !

M. Daniel Paul. Cela concerne 10 000 salariés sur 150 000 !

M. le ministre délégué à l'industrie. Cette prime concerne précisément 10 000 salariés sous contrat précaire que nous a laissés la gauche. La Poste s'est engagée à transformer ces contrats précaires en CDI. C'est une véritable amélioration dont nous pouvons la féliciter...

Mme Chantal Robin-Rodrigo. C'est une très bonne chose, en effet !

M. le ministre délégué à l'industrie. ...ainsi que l'ensemble de son personnel, car une telle avancée est due, d'une part, à l'amélioration de la productivité de l'entreprise, et, d'autre part, à la volonté du président Bailly, que je félicite.

M. Dionis du Séjour a eu raison d'insister sur l'aspect qualitatif du service rendu, et la qualité est au rendez-vous.

J'ai été très sensible à la grande honnêteté intellectuelle de M. Lassalle, soucieux de la présence de l'État dans les petits villages des Pyrénées qui, s'ils ne sont pas toujours facilement accessibles, constituent l'âme de cette région mais aussi l'identité de la France. M. Lassalle, qui s'est exprimé avec beaucoup d'authenticité, a admis que les problèmes étaient complexes. Il a indiqué, comme M. Bobe, qu'il resterait vigilant sur la présence postale. Il comprend les difficultés que pose la présence de l'État et soutient l'action du Gouvernement.

Je remercie la majorité d'avoir apporté son soutien au Gouvernement, sans hypocrisie ni dissimulation des enjeux.

Motion de renvoi en commission

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, mes chers collègues, c'est à la fois un plaisir et un privilège que de défendre une motion de procédure, parce que cela nous donne le droit, notamment, de répondre au ministre. J'apporterai donc deux ou trois précisions après ce que vous venez de nous dire, monsieur le ministre, si vous me le permettez. Si tel n'était pas le cas, d'ailleurs, je le ferais quand même. Ne m'en veuillez pas ! (Sourires.)

La défense d'une motion de procédure dure toujours un peu trop longtemps, et c'est un moment de souffrance pour le ministre, mais c'est l'exercice qui veut cela. Je m'en excuse par avance.

M. Jean Dionis du Séjour. Quelle compassion !

M. François Brottes. Je voudrais pour commencer mon propos vous rappeler quelques informations. Cela permettra à ceux qui ne lisent, dans le Journal officiel, que le début des interventions, de les retenir !

J'aborderai tout d'abord la question des agences postales. La loi Voynet n'a fait que régulariser et légaliser une situation qui existait et dont nous avions hérité. Le soutien des communes existait, mais en l'absence de tout cadre légal. Pour ne pas mettre en péril les collectivités qui, sous le gouvernement précédent, avaient effectué ce type de soutien, nous avons dû les protéger avec une loi. C'est ce que nous avons fait.

M. le ministre délégué à l'industrie. Sous le gouvernement précédent, dites-vous ?

M. François Brottes. Nous avons sécurisé un dispositif qui, avant que M. Jospin ne soit Premier ministre, était parfaitement illégal.

Concernant la précarité des emplois à La Poste, je me souviens d'un précédent contrat de plan entre l'État et La Poste. Ce contrat de plan affichait des objectifs en matière de service public, comme l'engagement de ne pas augmenter le prix du timbre, le maintien des emplois à La Poste - ce qui a été honoré, notamment dans le cadre de la réduction du temps de travail - et la diminution significative du taux des emplois précaires. Tous ces éléments figuraient dans le contrat de plan, auquel La Poste a fait écho, ce qui est normal.

Pour autant, monsieur le ministre, je vous l'accorde, le précédent contrat de plan entre l'État et La Poste n'a pas suffi pour supprimer la totalité des emplois précaires. Il en reste encore beaucoup trop. Vous avez annoncé que vous alliez les supprimer. Or, je le sais, La Poste ne remplace pas les départs à la retraite. Je ne vous fais pas de procès d'intention, mais je crois pouvoir dire que vous n'avez pas l'intention de supprimer totalement le nombre d'employés non titulaires. Mais peut-être avez-vous des propositions à nous faire sur ce point, par exemple le recours aux contrats à durée indéterminée. Si cette information se confirme, il s'agit d'une mesure intéressante. Il faudra simplement en connaître l'ampleur, car pour l'instant, le nombre des emplois dans les entreprises publiques est en baisse.

Il faut que nos concitoyens sachent qu'il y a plusieurs façons de négocier une directive avec les autres pays européens et qu'il y a plusieurs façons de transposer une directive en droit français. À force de dire : « C'est la faute à l'Europe ou à la mondialisation », on fait croire aux Français, ce qui les désespère, que le Parlement ne sert à rien ! En réalité, tout le monde fait de la politique et tout le monde doit prendre ses responsabilités !

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. François Brottes. Quand la droite négocie une directive, elle ne la négocie pas comme le ferait la gauche, et quand la droite transpose une directive, elle ne la transpose pas comme le ferait la gauche.

Quelques rappels s'imposent en matière de négociation. C'est M. Borotra qui a négocié l'ouverture à la concurrence pour les industriels et Mme Fontaine, votre illustre prédécesseur, monsieur le ministre, qui, avec zèle et empressement, a tenu à ouvrir à la concurrence la fourniture d'énergie pour les ménages. Il est certain que dans les communes rurales, dans les zones de montagne, les concurrents vont se battre pour fournir de l'électricité aux usagers. C'est ridicule ! Enfin, M. Sarkozy et vous-même avez porté le coup de grâce en privatisant EDF et GDF et en ouvrant leur capital. Tous ces ministres, célèbres et compétents, n'appartiennent pas aux majorités que j'ai soutenues.

En 1996, c'est M. Fillon qui a décidé l'ouverture du capital de France Télécom et M. Francis Mer qui a décidé d'instaurer dans la loi, monsieur le ministre, au lieu d'un taux de 51 % garanti, un taux de moins de 50 %.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Eh oui !

M. François Brottes. La loi peut le faire, mais c'est un problème d'engagement politique : la gauche, qui s'était toujours engagée à ne pas descendre sous la barre des 50 %, ne l'a pas fait.

Vous, vous avez dû faire voter une loi, parce que d'autres avant vous n'avaient pas voulu le faire. Après M. Fillon et M. Mer, c'est M. Juppé qui a négocié la directive de décembre 1997 dont nous parlons aujourd'hui, et le Gouvernement l'a suivi, sous l'autorité du Président de la République, dont vous savez combien il est attaché à ses prérogatives en matière de traités internationaux - j'ai cru le comprendre dans le débat qui nous occupe actuellement avec le président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale.

M. le président. Le Président de la République est très attaché au respect de la Constitution !

M. François Brottes. J'en reviens à ces quelques informations que je souhaite vous livrer. Comment les choses se sont-elles passées dans tous les secteurs où le capital a été ouvert à la concurrence de façon irresponsable et ultralibérale ? C'est très simple, il suffit d'observer nos voisins européens. D'abord, on supprime des emplois ; ensuite, on diminue les services, c'est-à-dire que l'on divise par deux ou trois le nombre de bureaux de poste, par exemple ; enfin, on augmente les tarifs publics. Où sont les avantages pour les usagers, où est l'intérêt du pays ? Aucun exemple ne démontre le contraire, qu'il s'agisse des télécommunications, avec la question de l'abonnement, qu'il s'agisse de l'énergie, avec le prix du kilowatt, ou qu'il s'agisse du timbre.

Nos concitoyens ont raison d'être inquiets. En effet, ils se demandent dans quelle direction ils vont et quel est l'intérêt d'entrer dans un tel processus.

En matière de transposition et de négociation, il y a trois choses qu'il ne faut pas confondre. Il y a, d'une part, l'ouverture des réseaux : il est naturellement nécessaire d'interconnecter les réseaux de télécommunications, les réseaux de diffusion postale et les réseaux d'électricité. Nous n'y sommes naturellement pas opposés, dans un souci d'harmonisation européenne. Mais il y a aussi l'ouverture du marché à la concurrence et, dans ce domaine-là, un pays peut ouvrir plus ou moins. Par exemple, dans notre pays, une partie du courrier reste sous monopole, alors que d'autres pays européens ont souhaité ne pas maintenir de monopole sur le courrier. On voit bien qu'en matière d'ouverture à la concurrence, l'interprétation d'une directive peut être différente selon la volonté politique du pays.

Il y a, d'autre part, le statut des entreprises. Dans le cadre du débat sur l'ouverture du capital d'EDF et GDF, vous avez voulu nous faire croire, monsieur le ministre, avec votre collègue M. Sarkozy, que c'est l'Europe qui vous contraignait à changer le statut de cette entreprise. Le commissaire responsable de ces questions a toujours affirmé la liberté de chaque État européen de maintenir une entreprise publique pour accomplir les missions de distribution de l'énergie, tout en veillant à ce que la concurrence puisse s'exercer. La question du statut est indépendante de celle de l'ouverture du marché. Évitons les amalgames : cela permettra à nos concitoyens de mieux comprendre le fonctionnement de l'Union européenne.

Enfin, et cet aspect des choses n'est pas le moindre, il faut se demander quelle activité de service public est garantie à nos concitoyens. Et c'est là que votre gouvernement commet des fautes, en tout cas fait des choix qui nous confirment que nous pouvons être inquiets.

Selon la loi relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom, tous les opérateurs de télécommunications devraient se mêler de service public. La directive ne vous y obligeait pas, car elle indiquait que seul France Télécom serait tenu d'accomplir la mission de service public. Mais vous avez préféré l'accorder à d'autres opérateurs. Le résultat est le suivant : France Télécom est aujourd'hui une entreprise privée, puisque le public y est minoritaire, et vous n'avez toujours pas désigné le prestataire du service universel des télécommunications, alors que la loi vous faisait obligation de le désigner avant le 31 décembre dernier. On voit bien que votre priorité était de privatiser. Quant à l'aspect service public, vous le réglerez plus tard !

Il nous faut dénoncer cette attitude, parce qu'on ne peut à la fois dire : « Ne vous inquiétez pas, on s'occupe de tout » à ceux que l'évolution du service public inquiètent, et ne pas respecter cet engagement, comme cela s'est passé pour le secteur des télécommunications.

Pour EDF, vous avez décidé que les missions de service public seront précisées dans le contrat entre l'État et l'entreprise. Nous, nous souhaitions les voir figurer dans la loi car c'est une meilleure garantie pour nos concitoyens. Là encore, votre majorité vous a signé un chèque en blanc. Nous attendons les décrets.

Pour La Poste, vous procédez de la même façon, en renvoyant à un décret la définition précise des missions de service public. Cela n'est pas acceptable. Mais il est clair, que ce soit pour l'ouverture du marché, le statut des entreprises ou la définition de la mission de service public, qu'il existe deux pratiques différentes : une pratique de gauche et une pratique de droite.

J'avoue que ces questions sont un peu complexes pour nos concitoyens, mais j'espère que mon exposé leur paraîtra assez clair car je souhaite enrichir le débat sur l'Union européenne. C'est un sujet que nous abordons régulièrement et il est important que chacun puisse se référer aux explications des uns et des autres, sans avoir recours à des débats strictement technocratiques.

J'en viens à la motion de renvoi en commission.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque fois que nous délibérons sur un texte qui concerne directement la vie quotidienne de nos concitoyens, nous devons expliquer clairement ce que seront les conséquences, pour eux, de la loi qui se prépare.

Trop souvent, en effet, on se contente de parler des principes, des objectifs, en se disant que cela passera « comme une lettre à la poste », et avouez que si la formule est de circonstance, il peut s'agir, pour le texte que je vous propose de renvoyer en commission, d'un « colis piégé ».

Avec ce projet de loi, ce qui est en cause, c'est l'abandon du prix unique du timbre sur l'ensemble du territoire. Personne ne s'en doute encore, mais nous le découvrirons dans quelques années. Est-ce le retour au décime rural pour taxer la distribution du courrier dans les communes les plus reculées, monsieur le ministre ?

M. Édouard Jacque. Non !

M. François Brottes. C'est aussi l'augmentation des tarifs postaux, comme ceux de l'électricité ou du téléphone. C'est aussi la réduction du réseau de présence postale territoriale. Vous avez implicitement annoncé la fermeture de 3 000 bureaux, car vous citez le chiffre de 14 000, alors qu' ils sont 17 000 aujourd'hui. Qui sait faire une soustraction l'a bien compris. Or la soustraction est une chose qu'on apprend à l'école et qui fait partie des acquis fondamentaux.

M. le ministre délégué à l'industrie. C'est vraiment malhonnête !

M. Jean Proriol, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Et totalement faux !

M. François Brottes. La dégradation du service de distribution du courrier, elle aussi, est à attendre de ce texte avec la baisse de la fréquence : allons-nous pouvoir conserver le fameux « six jours sur sept » ? Il se trouve que je suis l'auteur, avec le groupe socialiste, de cette disposition. La directive n'imposait que cinq jours sur sept. Notre assemblée a préféré six jours sur sept. Ce sont des points comme celui-là que les États peuvent améliorer dans le cadre de préconisations européennes. Sur ce point également, nous nous sommes montrés volontaristes. Mais nous sommes en droit de nous inquiéter quant au maintien de cette disposition. L'amateur de cinéma vous demandera : « Le facteur sonnera-t-il toujours deux fois ? »


Sur ces deux aspects, le projet ne donne pas de garantie.

Le facteur devra-t-il rechausser ses bottes de sept lieux pour parcourir les vingt-huit kilomètres qui séparaient les relais de poste, à l'époque, de Louis XI ?

Ce qui est en cause, c'est la diminution des emplois à La Poste, constituant ainsi la variable d'ajustement, avec un climat social de plus en plus délétère qui force La Poste - et elle n'y est pour rien, ce sont des contraintes qu'on lui impose - à être le premier abonné des prud'hommes !

C'est aussi la mise en péril durable de l'entreprise publique « La Poste ».

Sur ce dernier point, force est de constater que les tergiversations de votre gouvernement, pour en arriver là aujourd'hui, sont suspectes et nous inquiètent. Je les passe en revue.

Prendre plus de deux ans de retard pour signer un nouveau contrat de Plan entre l'État et La Poste.

Proposer au dernier moment au Sénat, presque à la sauvette, un amendement lourd pour élargir la compétence bancaire de La Poste.

Reporter à moult reprises l'examen de ce texte à l'Assemblée nationale, pour des raisons souvent éloignées de l'intérêt général et de celui de La Poste en particulier.

Laisser par conséquent s'installer une concurrence beaucoup plus féroce, le plus souvent déloyale, opaque à l'égard de La Poste.

Continuer à lui faire supporter sur son budget propre le soutien à la distribution de la presse, alors que sa part de monopole sur le courrier se réduit à la portion congrue.

Lui demander de ne pas remplacer les départs à la retraite.

Laisser se dégrader la situation de la présence postale territoriale dans les territoires les plus fragiles, avec des annonces catastrophiques du Gouvernement et notamment du président de notre commission il y a quelques moins, voire de Mme Fontaine dans Le Parisien - j'ai gardé la coupure de presse - sur le nombre de fermetures de bureaux de poste. Certes, monsieur Devedjian, c'est vous qui êtes aujourd'hui en responsabilité, et vous avez le droit, le pouvoir et peut-être même le devoir de corriger certaines inexactitudes ou erreur qu'étaient en passe de commettre certains de vos prédécesseurs.

Faire enfin l'apologie des solutions « privatisées » du service public postal en donnant des exemples ici ou là, alors que chacun sait bien que, quelle que soit la qualité du commerçant devenu « point Poste », il n'aura pas la possibilité de rendre le même service qu'un bureau de poste. Lors de notre échange d'hier, monsieur le ministre, je vous ai dit : ne faites pas croire aux Français que vous allez rouvrir tous les hôpitaux de campagne. Car en fait, vous n'allez pas y mettre un seul médecin ! Il en sera de même avec les points de contact : ce ne sera pas le même service qui sera rendu et le commerçant ne sera pas contraint au même devoir éthique en matière de confidentialité, par exemple. Il ne faut pas confondre : le nouveau service au public n'offre pas les mêmes garanties que le service public. Nous avons évoqué hier la notion indispensable de confidentialité, notamment en matière d'argent - « Combien me reste-t-il sur mon compte ? », « quelles difficultés je rencontre pour payer mes factures ? ». Marylise Lebranchu en a exposé hier les difficultés dans une démonstration sur l'inconstitutionnalité de votre texte tout à fait époustouflante.

M. le ministre délégué à l'industrie et M. Jean Proriol, rapporteur. Oh !

M. François Brottes. Sa démonstration était tout à fait sérieuse et plus que pertinente. On n'a pas envie que notre boulanger apprenne, même si l'on aime beaucoup son pain, qu'on a reçu une lettre recommandée du tribunal, ou de l'un de ses fournisseurs ou clients, nous a-t-elle expliqué.

Il ne s'agit pas, monsieur le ministre, comme on nous le dit souvent sur ces bancs, de nostalgie du service public : il s'agit du service public de la République, de la liberté d'avoir une vie privée, de la garantie de confidentialité et de l'égalité dans l'accès au service. Quant à la fraternité, chacun sait qu'elle est tout à fait inconciliable avec la notion de profit.

Votre absence de confiance dans l'État et la chose publique tourne à l'obsession après la privatisation réalisée, ou à venir, de France Télécom - c'est fait -, d'EDF - c'est en passe de l'être -, de GDF et d'Air France - c'est fait. Le démantèlement du secteur public tient lieu, pour vous, de politique industrielle. Dois-je vous rappeler une formule célèbre de l'administration allemande : « critiquer l'État, c'est ton droit, mais n'oublie pas que l'État, c'est toi ». Chacun d'entre nous devrait toujours s'en souvenir.

Or c'est oublier que La Poste en France est très liée à l'idée républicaine. À tel point d'ailleurs que l'ancrage républicain des agents de La Poste a favorisé le rattachement du personnel du télégraphe, trop proche des bonapartistes.

Ce renvoi, monsieur le ministre, est pour les socialistes l'occasion de revenir sur des points importants qui mettent en évidence une vision différente de La Poste.

Cette différence est flagrante dans la transposition libérale des directives postales et dans la conception du rôle de La Poste dans des secteurs de plus en plus concurrentiels.

Monsieur le ministre, vous avez fait le choix délibéré d'une transposition zélée, très libérale des textes communautaires, et ce au détriment, là encore, de l'opérateur historique.

Le présent projet de loi vise à traduire en droit interne certaines dispositions communautaires régissant les activités postales. Il a essentiellement un double objectif. Il s'agit tout d'abord de restreindre le périmètre des activités postales réservées à La Poste, et donc sous monopole, comme le prévoit la directive du 10 juin 2002. Il s'agit ensuite d'organiser la « régulation » - autrement dit l'organisation du secteur, l'organisation du marché - des activités postales ; c'est la directive du 15 décembre 1997, négociée en 1996.

La France est, depuis le 17 décembre 2003, traduite devant la Cour de justice des communautés européennes par la Commission européenne, afin qu'elle transcrive complètement ces deux directives. Vous aimez à nous le rappeler, monsieur le ministre. La Commission considère effectivement, à juste titre, que la France n'a pas ouvert son marché postal à la concurrence en temps et en heure selon les obligations fixées par la directive de 2002, à savoir au 1er janvier 2003. Elle estime par ailleurs que la France n'a pas mis en place une régulation postale répondant aux exigences de la directive de 1997 - même si nous avons mis en place, j'y reviendrai, un médiateur postal.

Le Gouvernement a fait le choix de mettre en place une transposition très libérale de ces textes, guidé par le seul souci de favoriser l'entrée de nouveaux acteurs et non celui de préserver les missions de service public de La Poste.

Il a tout d'abord décidé de confier - c'est extraordinaire ! - à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, telle sera sa dénomination, autrement dit à l'ART, la régulation du secteur postal, lui donnant pratiquement les pleins pouvoirs, dépouillant de ce fait le politique de ses compétences, sans en changer, ou seulement à la marge, la composition. Désigner l'ART comme l'autorité en charge de la régulation postale est une provocation pour les défenseurs du service public : en matière de télécommunications, l'ART n'a eu de cesse que de veiller au respect du droit de la concurrence, s'opposant souvent aux décisions des gouvernements successifs et des opérateurs qui permettaient d'améliorer le service public. Je pense aux tarifs préférentiels pour les écoles pour l'accès à Internet à haut débit, par exemple, ou à la nécessité d'intégrer la recherche dans le fonds de compensation des charges de service public.

C'est aussi un non-sens économique dans la mesure où l'économie des télécommunications n'a pas grand-chose à voir avec celle de La Poste - ou alors il faudra que vous m'expliquiez quels parallèles on peut faire ! La première est marquée par une concurrence vive entre opérateurs fortement capitalistiques, opérant sur des marchés nouveaux de prestations à forte valeur ajoutée et bénéficiant de taux de croissance élevés. La seconde se caractérise par le déclin de son activité historique, le courrier ; son économie se rapproche plutôt de celle des transports ; la plus grande partie de son chiffre d'affaires est réalisée avec un petit nombre de grandes entreprises ; c'est enfin, à la différence des télécommunications où il s'agit de technologie, une forte activité de main-d'œuvre.

L'ART, devenue l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, donc ARCEP, reçoit les pleins pouvoirs tant en matière de droit de la concurrence que de contrôle du service public : c'est ainsi que le politique perd la maîtrise de l'approbation des tarifs des services sous monopole.

S'il le fait, c'est à sa demande, monsieur le ministre, par refus d'assumer sa responsabilité, par refus de considérer que les tarifs publics ont un rôle majeur dans le pouvoir d'achat des Français. Pendant que vous y êtes, pourquoi ne pas confier à l'Autorité de régulation le soin de fixer le montant de l'augmentation du SMIC ou le taux du livret A ? Où va-t-on dans cette démission du politique à l'égard d'autorités qui n'ont d'« indépendante » que le mot ?

Le Gouvernement n'a enfin pas pleinement utilisé les possibilités offertes par la directive pour préserver le service universel.

Il n'a pas mis en place un système d'autorisations aussi large que possible, comme le permet la directive de 1997, afin de permettre la sauvegarde du service universel et le respect des exigences essentielles. Il n'a notamment pas soumis les concurrents de La Poste à des exigences de couverture de l'ensemble du territoire - chère aux Pyrénéens, aux Béarnais et à beaucoup d'autres élus de cette assemblée -,...

M. Jean Proriol, rapporteur. Et aux Auvergnats !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Et aux autres aussi !

M. François Brottes. ...pour pouvoir offrir des services : ceux-ci pourront donc capter les marchés juteux !

M. Jean Proriol, rapporteur. Il y a un amendement à ce sujet, monsieur Brottes ! Vous le voterez !

M. François Brottes. Mais il exclut volontairement - dans la loi ! - 10 % de la population, ce qui est proprement scandaleux, monsieur le rapporteur !

Il a autorisé le Gouvernement, et c'est très grave - quelle mesure d'impact avez-vous fait pour les mettre en œuvre ? -, des dérogations aux services pouvant rester sous monopole : des entreprises dont l'activité courrier est importante, je pense par exemple à la vente par correspondance, pourront se passer de La Poste si elles assurent elles-mêmes ces services ou créent une filiale à cet effet. Toutes les lettres recommandées ne relèveront pas des services sous monopole, ce qui ne manquera pas de fragiliser la sécurité juridique des actes. Par exemple, si, pour donner congé à un locataire, on n'est pas obligé d'envoyer le recommandé par La Poste, on verra le nid à contentieux que cela va générer.

Le Gouvernement n'a pas créé de fonds de compensation, alimenté par les acteurs postaux, qui pourtant aurait pu être utile pour maintenir le réseau postal, le financement et l'équilibre du service public.

M. Jean Proriol, rapporteur. Il est prévu !

M. François Brottes. Il est prévu dans un rapport ! Monsieur le rapporteur, à chaque fois qu'on a fait une proposition de rapport dans cet hémicycle, combien de fois m'a-t-on répondu, comme à d'autres, que c'était une proposition de trop ! Je note que le Gouvernement lui-même, le rapporteur et le président de la commission proposent de faire un rapport sur ce fonds de compensation. Eh bien, mettez-le en place !

M. Augustin Bonrepaux. Oui, il faut le faire tout de suite !

M. François Brottes. Faisons en sorte que l'ensemble des opérateurs contribuent aux charges de service public. Ne faisons pas simplement une annonce...

M. Gérard Charasse. Chiche !

M. François Brottes. ...en disant qu'on va s'en occuper demain. Demain ce sera trop tard, on aura réduit à la portion congrue le service universel, il ne coûtera plus rien et l'on dira que, finalement, ce n'est pas la peine de le mettre en place car il n'y a plus grand-chose à payer.

Il faut être sérieux. C'est une démission à l'égard du financement du service universel.

M. Jean Proriol, rapporteur. Monsieur Brottes, savez-vous d'ores et déjà combien il y aura d'entrants ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Non, il ne le sait pas !

M. François Brottes. Compte tenu de la manière dont vous avez procédé pour réfléchir et mettre en œuvre ce texte de loi, il y a déjà beaucoup d'entreprises qui sont entrées sur ce marché...

M. Daniel Paul. Bien sûr !

M. François Brottes. ...et qui pillent même le secteur réservé !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Tout à fait !

M. François Brottes. Que fait le Gouvernement pour lutter contre ce banditisme organisé à l'échelle internationale ? Car la notion de repostage, et j'y reviendrai tout à l'heure, est quelque chose qui enlève des marchés à La Poste, auxquels celle-ci a normalement un accès privilégié puisqu'elle en a le devoir et le monopole. Pour répondre à votre question, monsieur le rapporteur, il y a donc déjà trop d'entrants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Arnaud Montebourg. Que fait l'Autorité de régulation ?

M. Jean Proriol, rapporteur. Si c'est du banditisme, il faut les poursuivre !

M. François Brottes. Pour mieux percevoir le zèle libéral du Gouvernement dans les textes, revenons plus précisément sur ces dispositions.

Considérant que les services postaux participent à la réalisation du marché intérieur, qu'ils sont un instrument essentiel de communication et d'échange, qu'ils sont vitaux pour beaucoup d'activités économiques, qu'ils concourent à la cohésion économique et sociale de la Communauté - notre pays et l'Europe - et constatant enfin que la qualité de ces services était très variable d'un pays à l'autre, les États membres et les institutions communautaires ont jugé nécessaire, dès 1989, d'établir des règles communes. Un livre vert fut publié en juin 1992. Il fut suivi d'une large consultation, mais pas forcément d'une vraie étude d'impact pays par pays. C'est d'ailleurs un des reproches qu'on peut adresser à l'Union européenne : lorsqu'elle réfléchit à une directive, elle fait souvent des analyses globales sans entrer dans le détail de l'impact de telle ou telle disposition dans les différents pays. Nos villes et nos campagnes ne sont pas identiques dans toute l'Europe. Certains pays ont des montagnes, d'autres pas. Certains ont des îles, d'autres pas. Nous devons apprendre à mieux gérer l'impact de ces différences qui font aussi notre richesse commune.

Il s'est agi tout d'abord de garantir l'existence, dans chaque État membre, d'un service postal offrant un ensemble de services de qualité tant en termes de prestations que de présence territoriale, et à un prix abordable. C'est ce qu'on appelle le « service universel » - et dont vous nous signalez l'existence à longueur de temps, monsieur le ministre, et vous avez raison, mais je vais en préciser un peu les contours. Ce fut l'objet d'une première proposition de directive faite par la Commission en juillet 1995. Il s'est agi enfin, surtout pour la Commission, d'ouvrir à la concurrence le secteur postal, au nom de la réalisation du marché intérieur. Si le premier objectif a pu être consensuel, le second l'a beaucoup moins été, les tenants de l'ouverture étant cependant plus nombreux. Et notons qu'avec la complicité de ce Gouvernement, le nombre des tenants de l'ouverture à la concurrence augmente.

Une précision : le service universel, ce n'est pas exactement le service public tel que nous l'entendons. Néanmoins, c'est mieux que rien : il donne une garantie à l'ensemble des Européens car les politiques des différents pays leur doivent un certain nombre de services. Mais ce que cela ne garantit pas - il n'y a pas d'obligation - c'est, par exemple, un prix unique, un tarif unique.

M. Daniel Paul. Bien sûr !

M. François Brottes. Le service universel, c'est simplement « un prix abordable orienté vers les coûts ». Je décrypte. « Prix abordable » : faites un service pas trop cher. « Orienté vers les coûts » : vous ne pouvez pas facturer moins que ce que cela coûte en réalité. Son application peut nous amener à considérer que cela coûte beaucoup plus cher d'apporter une lettre à quelqu'un habitant dans un hameau à dix kilomètres du point de distribution le plus proche que de l'amener à une entreprise située dans l'immeuble à côté du centre de tri de telle ou telle grande ville. En se contentant d'un prix abordable orienté vers les coûts - mais, encore une fois, c'est mieux que rien -, le risque est que l'on ne facture pas le service du même montant d'un côté et de l'autre. Vous me rétorquerez que c'est normal, car cela ne coûte pas le même prix. Sauf que cela signifie qu'on renonce au prix unique du timbre sur l'ensemble du territoire.

M. Michel Piron. C'est de l'exégèse !

M. François Brottes. C'est pourquoi on ne peut pas affirmer que le service universel apporte toutes les garanties : il n'apporte pas toutes les garanties en matière de prix unique, et il faut avoir l'honnêteté de le reconnaître et de l'expliquer.


Si, comme vous l'avez rappelé hier, monsieur le ministre, je me suis réjoui que le service universel ait été institué à l'occasion de la première étape de transposition de la directive de 1997 dans le cadre de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, c'est parce que, avant cela, aucune garantie n'était apportée en la matière aux Européens. Toutefois, cette avancée était insuffisante et trop en retrait par rapport à la façon dont les Français exercent les missions de service public.

Finalement, en décembre 1996, un accord politique est intervenu entre les chefs d'État. La directive du 15 décembre 1997 est donc le fruit d'un compromis élaboré, lors du Conseil européen de Dublin, sur la base d'une proposition des chefs d'État français et allemands, M. Chirac et M. Helmut Kohl, entre les tenants d'une ouverture totale des marchés − la Commission, les Pays-Bas − et ceux, minoritaires, d'une ouverture progressive − dont, à l'époque, faisaient partie la France, le Luxembourg et la Belgique, même si, depuis, certains ont changé d'avis.

Sans doute ce compromis comporte-t-il des aspects positifs, mais il n'en marque pas moins la première étape vers une plus grande, voire une totale ouverture à la concurrence, inscrite dans le cœur même de la directive. Or, contrairement à ce que prétendent certains d'entre nous − par exemple Jean Dionis du Séjour −, ce mouvement n'est pas inéluctable.

C'est donc au gouvernement Jospin qu'il est revenu − la continuité de l'État le veut ainsi − de négocier avec ses partenaires européens la seconde étape de l'ouverture à la concurrence du secteur postal. L'accord politique intervenu lors du conseil des ministres des postes et des télécommunications du 15 octobre 2001 a donc trouvé sa traduction dans la directive du 10 juin 2002. À l'époque, j'étais rapporteur du budget des postes et Christian Pierret était ministre délégué à l'industrie, chargé des postes. Marylise Lebranchu a rappelé combien celui-ci était isolé et le combat féroce qu'il avait dû livrer pour obtenir, nuitamment, à l'arraché, le maintien, dans la directive, d'une part de secteur réservé sous monopole pour les opérateurs historiques postaux. Il avait également obtenu que les services spéciaux − ce qui permet au service de base d'évoluer − restent dans le secteur réservé. Ne faisons donc pas un mauvais procès au gouvernement Jospin et à son ministre de l'époque qui, en la circonstance, ont limité la casse. Sachons leur rendre hommage et vous inviter, monsieur le ministre, à faire preuve de la même pugnacité dans la négociation qui va s'ouvrir, pour garantir les missions de service public dans notre pays.

L'article 19 de la loi du 25 juin 1999, dite « loi Voynet », a transposé pour l'essentiel la directive de 1997 : nous n'avons donc pas complètement négligé de prendre nos responsabilités en ce domaine. La Poste y est désignée comme prestataire du service universel. Comme vous ne revenez pas sur cette notion, on est en droit de se méfier, car on se souvient que vous avez fait le contraire pour les télécoms, considérant qu'il ne convenait pas que France Télécom reste le prestataire du service universel. Par parenthèse, on se demande encore qui sera chargé de cette mission : la loi vous obligeait à prendre une décision avant le 31 décembre 2004 ; avec ce retard, vous vous êtes mis hors la loi, et c'est le rôle du Parlement, qui contrôle l'action du Gouvernement, de vous rappeler à vos devoirs, puisque, en l'occurrence, il ne s'agit pas de transposer une directive européenne, mais simplement de signer des décrets.

À l'époque, la loi avait reconnu l'existence de services réservés les plus larges possibles, et il faut s'en féliciter. Pour les autres dispositions − régime d'autorisation pour les opérateurs entrants, régime de sanction et de contrôle des services réservés −, la transposition aurait dû se faire par ordonnance. C'était en tout cas l'intention du gouvernement Jospin, un projet de loi habilitant le gouvernement à le faire ayant été déposé au Parlement. À l'initiative du Sénat − M. Larcher avait encore frappé −, le législateur a préféré retirer le volet postal du champ d'habilitation de la loi du 3 janvier 2001. Il ne faut pas réécrire l'histoire, mais simplement la rappeler.

Il n'a pas alors été jugé utile de créer un fonds de compensation. Il est vrai que, à l'époque, La Poste n'avait pas de concurrents de taille pour l'abonder et elle avait encore sous monopole un périmètre confortable, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.

Enfin, en ce qui concerne la régulation, le Gouvernement Jospin n'a pas souhaité créer une autorité indépendante, sur le modèle de l'ART, mais a confié cette mission à « une autorité publique », le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, considérant que celui-ci était bien juridiquement, fonctionnellement et structurellement indépendant de La Poste depuis 1991, date à laquelle elle est devenue un EPIC doté de la personnalité morale, et donc juridiquement indépendant. Vous le voyez, certains ministres ne craignent pas de prendre leurs responsabilités pour préserver le service public.

Par ailleurs, le décret 2001-1335 du 28 décembre 2001 a créé le médiateur postal, instance indépendante et irrévocable, nommé pour cinq ans, par le ministre des postes, par décret du Président de la République, sur proposition de la commission supérieure du service public des postes et télécommunications − dans laquelle siègent des parlementaires. Ce médiateur dispose de moyens budgétaires pour traiter des réclamations relatives à des prestations du service universel. Les clients professionnels, leurs organisations et toute partie intéressée peuvent le saisir au sujet de l'élaboration, l'application et la révision de leur contrat. À l'issue d'une procédure contradictoire, le médiateur émet un avis motivé et publié, transmis aux parties et au ministre des postes qui décide des suites à lui donner. La création de cette fonction institue donc pour les professionnels un véritable droit de recours, qui permet de vérifier si La Poste exerce ses activités dans le respect des règles de la concurrence, et donne au ministre des postes une possibilité d'initiative en cas de non-respect de ces règles, le ministre étant le garant de l'intérêt général.

Enfin, en 2002, La Poste s'est dotée d'outils de comptabilité analytique pour répondre aux exigences de la directive. On sait désormais ce que coûte chaque secteur et ce que rapporte chaque service. À ce propos, je veux saluer l'initiative du président de La Poste, M. Bailly, qui a considéré que, désormais, le réseau postal était un secteur à part entière, à l'égal des courriers, des colis et des services financiers, que c'était un atout pour La Poste plutôt qu'une charge pour ses activités sectorielles.

La directive 2002/39/CE du 10 juin 2002 modifie la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté. L'accord prévoit une ouverture « progressive et contrôlée » du marché postal, et, pour le moment, aucune libéralisation totale n'a été programmée, contrairement à ce qui se dit, s'entend et s'écrit partout. Le périmètre des services réservés évolue en deux temps : depuis le 1er janvier 2003, le courrier ordinaire, le publipostage et le courrier transfrontière entrant d'un poids inférieur à 100 grammes et d'un tarif inférieur à trois fois le tarif de base ont pu être maintenus sous monopole ; au 1er janvier 2006, ces niveaux seront portés respectivement à 50 grammes et à 2,5 fois le tarif de base, jusqu'au 31 décembre 2008. Le courrier transfrontière sortant est totalement ouvert à la concurrence depuis le 1er janvier 2003. Des exceptions sont possibles pour assurer les prestations de service universel en ce domaine : elles ne viseraient que certains pays, comme le Luxembourg, l'Espagne, le Portugal, la Grèce ou l'Irlande.

L'accord du 15 octobre assure un cadre réglementaire européen stable à La Poste jusqu'en 2009, ce qui n'était pas gagné d'avance. Certains États − l'Allemagne, l'Autriche, la Finlande, les Pays-Bas et la Suède − souhaitaient fixer dans la directive une date limite − 2009 − pour l'ouverture totale du marché. C'est grâce à l'action du gouvernement Jospin et de Christian Pierret qu'elle a été repoussée. Aussi les Pays-Bas − qui font toujours de la surenchère en ce domaine et voulaient la libéralisation sans attendre − ont-ils voté contre l'accord, tandis que la Finlande s'est abstenue. C'est encore le gouvernement Jospin qui, à Barcelone, s'est arc-bouté pour que l'on n'ouvre pas à la concurrence le marché de l'électricité pour les ménages. Il est toujours utile de rappeler les faits.

Les limites retenues − 50 grammes en 2006 − peuvent paraître assez basses : mais la Commission espérait qu'elles s'appliqueraient dès 2003. L'ouverture du secteur n'aurait dès lors plus pu être qualifiée de « progressive et maîtrisée », d'autant que les services spéciaux ne pouvaient pas être réservés. Le gouvernement Jospin a donc obtenu que la Commission recule sur un point important.

La majorité des courriers pèse moins de 20 grammes. La Poste devrait donc conserver la plupart des courriers de facture, 50 grammes équivalant à 5 feuillets.

Avec cette ouverture, 8 % du chiffre d'affaires de La Poste seront mis en concurrence jusqu'en 2009. En 2002, cette part était de 58 % ; en 2003, de 61 % ; en 2006, elle sera de 65 %. Si l'on s'en tient au chiffre d'affaires courrier, la part en concurrence représentait 28 % en 2002, 36 % en 2003 et représentera 43 % en 2006. Mais cela ne signifie pas que La Poste va perdre l'intégralité de cette part de marché − et c'est là que le contrat de plan a un rôle primordial à jouer. Soit on lui permet de maintenir ses parts de marché et son activité, soit on fait tout pour lui mettre des bâtons dans les roues.

Il a fallu du temps pour élaborer et signer le contrat pour la période 2003-2007 : tel quel, il n'est pas à la hauteur des enjeux. Le Gouvernement s'est en effet contenté d'élargir les services financiers de la Poste aux seuls prêts immobiliers sans épargne préalable, lui refusant le droit de délivrer des crédits à la consommation, qui lui auraient permis de capter une clientèle jeune, indispensable pour son avenir. Pour la commercialisation des crédits logement, le Gouvernement a prévu la création d'un établissement de crédit en 2005, ce qui − soyons lucides − ouvre la porte à une vente de La Poste par appartements. Il a décidé de renvoyer à plus tard − c'est-à-dire à 2006 - le traitement des questions les plus importantes : les exonérations de charges sociales sur les bas salaires − en application de la loi Fillon − et la très importante question des pensions − le taux de cotisation « employeur » passerait de 46 % en 2003 à 55 % en 2010, soit un taux bien plus élevé que celui des concurrents de La Poste.

La question du surcoût de l'aide à la presse − 480 millions d'euros par an − attend les conclusions de la mission Paul − ce n'est pas notre collègue Daniel Paul, parfait connaisseur de ce dossier, qui en a été chargé.

Mme Marylise Lebranchu. Dommage !

M. François Brottes. M. Paul ayant été appelé à d'autres fonctions, ses conclusions ne sont pas arrivées.

La question de la présence postale, dont le coût est évalué à 600 millions d'euros, est de même renvoyée aux élus locaux et à l'éventuelle création, en 2007, d'un fonds postal national de péréquation territoriale, alimenté par l'actuel abattement sur la taxe professionnelle dont bénéficie La Poste. Vous avez tous assisté à la bronca des élus locaux lors du congrès des maires, en présence du Premier ministre. Ce fut un moment exceptionnel, car, en règle générale, les élus de la République n'aiment pas se départir de la courtoisie qui s'impose, mais leur ras-le-bol était tel qu'ils n'ont pu faire autrement que de le manifester.

M. Arnaud Montebourg. Et ça s'est vu aux sénatoriales !

M. François Brottes. Ce n'est pas un élu de la Creuse comme Michel Vergnier qui me démentira. Face à leur exaspération, on s'est empressé de proposer un espace de concertation. On semble dire : « Ne vous inquiétez pas, on ne vous fera pas de mal sans en parler d'abord avec vous, et, pour ce qui est des moyens manquant, on va créer un fonds de péréquation. » Le mot de « péréquation » plaît aux élus, parce qu'il leur donne l'impression que les riches vont payer ce que les pauvres ne peuvent s'offrir. Les élus ont donc pensé que c'était une bonne nouvelle, dans la mesure où les lois sur les territoires ruraux, qui sont en débat, accordent aux communes rurales le pouvoir de faire plein de choses, à condition qu'elles se les paient elles-mêmes...

M. Augustin Bonrepaux. C'est vrai !

M. François Brottes. ...comme de faciliter l'implantation d'un médecin, d'un vétérinaire, ou d'installer les télécommunications.

M. Michel Vergnier. Même M. Proriol est d'accord !

M. François Brottes. Ils se sont dit que, enfin, le Gouvernement changeait de posture et d'attitude et ils vous savent gré, monsieur le ministre, d'afficher, à cet égard, une volonté nouvelle.

Ils se demandent toutefois − et j'imagine que le rapporteur nous donnera la réponse − comment ce fonds national de péréquation postal sera alimenté.

M. Augustin Bonrepaux. C'est un fonds sans fonds !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le débat permettra de le dire ! Si vous voulez connaître les réponses du rapporteur, il faut que le débat ait lieu !

M. François Brottes. On nous explique que, depuis longtemps, La Poste ne paie pas la taxe professionnelle. Compte tenu de ce que lui coûte sa mission d'aménagement du territoire, cette exonération paraît normale. Cependant, le Gouvernement annonce que, désormais, La Poste paiera la taxe professionnelle. On peut trouver cela bizarre : on croyait qu'elle avait du mal à boucler ses comptes, et voilà qu'on lui demande d'assumer une dépense nouvelle, comme si, déjà, elle n'avait pas assez de charges. Peut-être M. le ministre et M. le rapporteur me contrediront-ils, mais nous sommes là pour débattre.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Non ! Vous, vous ne voulez pas qu'on débatte !

M. François Brottes. Cette ressource est une charge nouvelle pour La Poste, et l'on ne sait pas comment cette péréquation sera mise en œuvre. Qui distribuera quoi, et pour quoi faire ? Le texte est muet sur ce point, et c'est pourquoi nous avons déposé de nombreux amendements. Il faut que, territoire par territoire, vous puissiez nous donner des informations concrètes, et vous aurez, monsieur le rapporteur, lorsque nous examinerons nos quelque 14 000 amendements, tout loisir d'apporter des réponses aux élus qui sont inquiets et veulent savoir comment vous mettrez en œuvre cette péréquation nationale.

M. Jean Proriol, rapporteur. Comme une part commune !


M. François Brottes
.
J'en reviens à la directive pour souligner à nouveau qu'elle n'impose pas l'ouverture totale du marché à l'horizon 2009. Il a simplement été décidé qu'en 2006 - et l'on verra bien ce que fera le Gouvernement français s'il négocie, ce que je ne peux réellement lui souhaiter car l'exercice est difficile - la Commission remettrait au Parlement et au Conseil un rapport évaluant les incidences que pourrait avoir « l'achèvement » du marché intérieur des services postaux à l'horizon 2009 - s'il annonce la fin du service universel et donc de notre service public, peut-être renoncera-t-on alors à achever la mise en place de ce marché intérieur où tout ne serait que concurrence ?

Au vu de cette étude, la Commission fera de nouvelles propositions qui pourront préconiser soit l'ouverture totale du marché soit une nouvelle étape. C'est la première fois dans l'histoire de la Commission, ce dont il faut la féliciter, qu'une étude est ainsi proposée en vue de mesurer l'impact de l'ouverture à la concurrence des services postaux sur le service universel pays par pays et sur notre service public.

Une véritable bataille politique s'engagera donc en 2006. J'ose espérer que, d'ici là, une directive sur les services d'intérêt général sera votée, comme on nous le promet. Je souhaite vivement que cet engagement soit tenu car c'est le seul moyen de sécuriser le dispositif actuel.

Le vrai danger pour La Poste, c'est en effet l'ouverture totale du marché, avec le risque de perdre les grands comptes détenus par les réseaux de vente à distance, les banques et les assurances : les quatre-vingts premiers grands comptes clients de La Poste représentent 30 % du chiffre d'affaires du courrier, ce qui n'est pas rien.

La directive maintient le publipostage dans le périmètre des services réservés de même que le courrier transfrontières entrant, que certains de nos partenaires voulaient libéraliser. Elle reconnaît ainsi que le publipostage est un marché porteur qui doit pouvoir être maintenu sous monopole pour financer le service universel. Elle évite également que du courrier national, et notamment du courrier en nombre, ne soit détourné artificiellement en étant posté de l'étranger, un simple changement d'avion sur une plate-forme aéroportuaire pouvant suffire à donner le sentiment que les sacs postaux viennent d'ailleurs.

M. Michel Vergnier. Quand ils ne sont pas perdus !

M. François Brottes. L'accord maintient également les services spéciaux dans le périmètre des services réservés. Il faut s'en réjouir car cela évite que le service public ne soit réduit à un service minimum, incapable d'évoluer, archaïque. Nous sommes en effet par trop modernes pour ne pas souhaiter que le service public évolue sans cesse et s'adapte aux besoins et aux technologies nouvelles. L'accord confirme cette capacité du service public, si moderne, à s'adapter.

Enfin, la directive reconnaît expressément, dans sa partie déclarative, le rôle du réseau postal dans l'aménagement du territoire, plus particulièrement dans les zones rurales et de montagne afin d'assurer le maintien de la cohésion sociale, de l'emploi et de l'accès aux technologies de l'information - ce petit rappel, qui s'adresse au Gouvernement, me semblait utile.

Ce nouveau cadre juridique et le développement de la concurrence nous obligent à repenser le rôle de La Poste. Là aussi, notre conception est différente.

Dressons, tout d'abord, un état des lieux de l'entreprise, ce qui sera une révision pour certains et peut-être une source d'informations pour d'autres.

Le chiffre d'affaires du groupe La Poste, pendant les six premiers mois de l'année 2004, s'est élevé à 9 449 millions d'euros, soit une augmentation de 6,3 % par rapport au premier semestre 2003 - je parle sous le contrôle du rapporteur qui connaît ces chiffres bien mieux que moi. Par ailleurs, 64,1 % de l'activité en 2003 ont été réalisés sur des marchés en totale concurrence, contre 57,5 % en 2002 et 56 % en 2001, et ce pourcentage approchera 70 % en 2006.

M. Jean Proriol, rapporteur. C'est exact !

M. François Brottes. Cette évolution porte la concurrence au cœur de la maison mère : déjà, plus de la moitié de son chiffre d'affaires - 57 % exactement - est ouvert à la concurrence en 2003, et ce mouvement va s'amplifier dans les prochaines années.

L'ouverture à la concurrence du marché des plis de plus de 100 grammes et du courrier export, depuis le 1er janvier 2003, a fait passer la part du courrier en concurrence de 24 % à 33 %. Dans ce contexte de dématérialisation du courrier - le fax et le courrier électronique tendent en effet à le remplacer, ce qui ne peut malheureusement que lui faire perdre de son charme et frustrer les poètes (Sourires) -, La Poste prévoit une baisse de trafic de 10 % à l'horizon 2007.

Il s'agit d'une tendance lourde pour l'activité courrier. À titre d'exemple, le paiement par carte vitale représente pour La Poste un manque à gagner estimé, en termes de chiffre d'affaires, à 170 millions d'euros aujourd'hui contre 200 millions d'euros en 2003 et 2004. Il est à noter que, contrairement à ce que l'on entend parfois, l'endettement de La Poste, est relativement limité, puisqu'il est de l'ordre de 4 milliards d'euros.

La Poste déploie ses activités dans trois métiers : le courrier, le colis et les services financiers - encore que l'on pourrait y ajouter le réseau puisqu'il s'agit d'un métier aujourd'hui reconnu à part entière.

Le secteur du courrier représente 59 % du chiffre d'affaires du groupe La Poste, soit un peu plus de 10 milliards d'euros en 2003. C'est un marché qui s'ouvre à la concurrence mais qui est en décroissance, contrairement au secteur des télécommunications.

Telle est bien d'ailleurs la raison pour laquelle on ne peut confier la régulation de ce secteur à l'actuelle ART, qui n'a cherché jusqu'à présent qu'à neutraliser l'avancée de l'opérateur historique au prétexte que ses concurrents devaient trouver - pardonnez-moi cette image - un lit plus grand pour s'allonger. Elle n'a eu, en tout état de cause, à intervenir que sur un marché en croissance considérable, contrairement à celui du courrier. C'est pourquoi elle n'est ni la mieux placée ni la plus compétente pour accomplir la régulation de ce dernier secteur, laquelle devrait plutôt relever d'un collège dédié.

L'image du facteur en uniforme transportant des lettres pour les remettre à des particuliers, ce rôle de lien social joué avec beaucoup d'engagement et de dévouement, ne doit pas cacher que 90 % de cette activité a pour destinataire des entreprises. Je le répète, les quatre-vingts premiers grands comptes clients de La Poste représentent 30 % du chiffre d'affaires du courrier. C'est le seul segment dynamique actuel, dans l'activité globalement déclinante du courrier, avec une progression de 4,6 % de son chiffre d'affaires en 2003, ce qui montre que La Poste répond parfaitement avec cette prestation aux besoins des entreprises.

Le secteur du colis représente, pour sa part, 18 % du chiffre d'affaires en 2003 avec, pour l'essentiel, une clientèle d'entreprises - lesquelles représentent même la quasi-totalité des clients en matière d'envois express. Pour les colis provenant d'au-delà des frontières, La Poste subit une concurrence de la part des opérateurs internationaux. C'est ainsi que plus de la moitié des colis d'entreprise au consommateur est déjà distribuée par d'autres opérateurs.

En Europe, La Poste occupe la troisième position avec une part de marché de 10 %, juste derrière le hollandais TPG qui en détient 11 %, mais loin derrière la Deutsch Post qui en possède 22 %. Toujours dans le secteur du colis, l'entreprise a regroupé ses activités internationales au sein de sa holding GeoPost, qui a réalisé près de 2,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2003. GeoPost dispose d'une couverture mondiale depuis son alliance avec l'opérateur américain FedEx en 2001. J'ai tout à l'heure rendu hommage au président Bailly. Je tiens à saluer la vision stratégique, sur ce plan-là comme sur d'autres, de son prédécesseur, M. Vial.

En France, le groupe intervient par l'intermédiaire de sa filiale ColiPoste, qui a réalisé un peu plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2003.

Dans les deux cas, la progression par rapport à 2002 a été d'environ 5 %, ce qui illustre le succès de la stratégie de développement sur ce métier, inscrite dans le contrat de plan depuis 1998.

Le secteur des services financiers, enfin, représente 23 % du chiffre d'affaires. Le produit net bancaire atteint 2 127 millions d'euros, en croissance de 4,5 %. Cette progression s'inscrit dans le contexte très concurrentiel de la banque de détail en France, du moins dans les territoires très peuplés puisque le secteur rural offre moins de chalandise.

La Poste exerce déjà la fonction de banquier avec des parts de marché en encours de 9,5 % pour les dépôts à vue, 20,5 % pour l'épargne ordinaire, 11,6 % pour l'épargne logement, et 8 % pour l'assurance-vie.

Au regard de cette situation concurrentielle, quels sont les enjeux pour La Poste ?

La distribution du courrier, qui est ce que le public attend principalement d'elle, a beaucoup évolué sous l'influence des exigences communautaires.

Le secteur réservé, comme le prévoit le projet de loi relatif à la régulation postale, sera constitué à compter du 1er janvier 2006, des services portant sur les envois de correspondance d'un poids ne dépassant pas 50 grammes et d'un prix inférieur à 2,5 fois le tarif de base. Ainsi que je l'ai déjà indiqué, la directive de 2002 a prévu une clause de rendez-vous en 2009, date à laquelle devra être prise, après une étude d'impact, la décision de généraliser ou non la concurrence dès le premier gramme.

Pour nous socialistes - et j'espère, monsieur le ministre, qu'il en va de même pour vous - la préservation d'un secteur réservé est indispensable au maintien du service public du courrier et aux principes y afférents tels que l'égalité d'accès et de traitement des usagers, la continuité et l'adaptabilité du service, sans oublier le tarif unique grâce à la péréquation.

La discussion du projet de loi est par conséquent l'occasion, pour nous, de revendiquer un secteur réservé suffisant pour assurer la pérennité de La Poste et pour financer sa modernisation. En effet, le texte prévoit des dérogations importantes au monopole, que nous avons déjà dénoncées, en disposant que « la personne qui est à l'origine des envois de correspondance ou une personne agissant exclusivement en son nom peut assurer le service de ses propres envois », consacrant ainsi l'absence de continuité territoriale. Cette mesure proposée à l'article 1er est extrêmement dangereuse pour La Poste. Nous la dénoncerons à nouveau au cours du débat, et peut-être changerez-vous alors d'avis, monsieur le ministre.

La justification du maintien d'un service réservé repose aussi en partie sur la capacité à tenir les délais de distribution du courrier. Or, il faut bien constater une nette rupture à partir de 2002 - elle était de moins 7 points, soit 69,5 % de taux d'arrivée de la lettre urgente en « J +1 » - qui commence seulement à se résorber.

Il est vrai que l'évolution du taux d'arrivée pose le problème de l'organisation tant de la distribution, c'est-à-dire de la fréquence et des points de distribution, que de la collecte, sans oublier celui de la compatibilité avec des contraintes externes à La Poste, telles que les interdictions des vols de nuit.

Il faut savoir, mes chers collègues, que si nous interdisons, même pour de bonnes raisons, les vols de nuit voire le déplacement des trains la nuit pour l'entretien des rails, le courrier prend du retard. Or, dès l'instant où La Poste ne dispose plus des mêmes moyens qu'auparavant pour acheminer le courrier, on ne peut lui imposer le même rythme, au risque de ne pas être tout à fait honnêtes avec nous-mêmes. Une telle situation nécessite d'arbitrer entre les différentes exigences des usagers, lesquelles ne sont pas forcément compatibles alors qu'elles ont toujours un coût.

À titre personnel, je me demande donc s'il ne vaudrait pas mieux garantir pour tous une vraie distribution à « J +2 » avec une levée du courrier tard dans la journée...

M. Jean Proriol, rapporteur. Non !

M. François Brottes. ...plutôt qu'un faux « J +1 » qui aboutit à ce qu'un courrier qui n'est pas ramassé le matin avant onze heures ne peut être acheminé pour le lendemain.

M. Jean Proriol, rapporteur. C'est La Poste au rabais ! Que n'entendrait-on si c'est nous qui tenions ce discours !

M. François Brottes. Pour bien connaître le monde de l'entreprise, comme un certain nombre d'entre vous ici, je puis témoigner que le courrier n'est généralement pas prêt avant seize ou dix-sept heures. Si la levée a lieu à onze heures, le service rendu ne pourra donc être bon. Peut-être conviendrait-il de réfléchir afin d'éviter de grands écarts que l'on ne pourrait tenir.

La question des missions d'intérêt général de La Poste se pose avec de plus en plus d'acuité du fait de la présence de l'opérateur dans des secteurs de plus en plus concurrentiels.

L'entreprise reste soumise à de lourdes contraintes d'intérêt général, qui ne sont compensées que très partiellement par l'État. Il en va ainsi du surcoût des tarifs postaux préférentiels à la presse, de la présence postale en milieu rural, de la charge de la gestion des petits livrets A.

L'acheminement et la distribution de la presse font partie du service public des envois postaux, et nous ne sommes pas opposés à une aide publique au pluralisme de la presse, même si, monsieur le ministre, vous nous avez indiqué en commission que ce pluralisme était réduit à la portion congrue, seuls quasiment un ou deux groupes de presse ayant encore pignon sur rue. Certes, là n'est pas le débat, sauf qu'il nous semble que c'est au budget de l'État et non à celui de La Poste d'assumer cette mission.

La charge de la diffusion de la presse par voie postale a un coût global qui avoisine 1,2 milliard d'euros par an. Dans la logique des accords Galmot conclus le 4 juillet 1996, la part des éditeurs de presse s'élève à 430 millions d'euros environ par le biais de la rémunération du tarif préférentiel qui leur est accordé. L'État, pour sa part, prend à sa charge la même somme fixe de 290 millions d'euros depuis l'année 2000. La Poste est donc directement mise à contribution sur son propre budget pour le reste, soit environ 480 millions d'euros cette année, ce qui représente près de 40 % de la charge !

On nous cite en exemple la poste allemande et d'autres encore, dont les résultats avoisineraient les 300 millions d'euros. Mais ces concurrents de La Poste n'ont pas à assumer une pareille charge ! Si l'État l'assumait, La Poste disposerait, elle aussi, de marges de manœuvre considérables !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Bien sûr !

M. François Brottes. Il ne s'agit pas ici d'être pour ou contre l'aide à la presse, mais de s'élever contre le fait que La Poste doive l'assumer sur son budget.

M. Michel Vergnier. Ce n'est pas la première fois que l'on dénonce ce fait !

M. François Brottes. À l'issue d'une mission de négociation confiée à M. Henri Paul, conseiller maître à la Cour des comptes, un protocole d'accord a été signé, le jeudi 22 juillet 2004, pour la période de quatre ans allant de 2005 à 2008, par les syndicats de presse, La Poste, le ministre de la culture et vous-même, monsieur le ministre délégué à l'industrie, afin de mieux répartir l'effort financier.

Toutefois, le passage au « dispositif Paul » coûtera encore, en 2005, 415 millions d'euros à La Poste. C'est déjà une diminution qui va dans le bon sens, mais il n'en reste pas moins qu'une telle somme, ce n'est pas rien !


Cette aide à la presse va continuer de peser lourdement sur les comptes de La Poste. Il est donc nécessaire de revoir le financement de ce service et de replacer l'État au centre du dispositif.

La Poste apporte aussi une contribution primordiale à l'aménagement du territoire par le maintien d'un réseau postal en milieu rural, dans les banlieues et dans les quartiers des villes. Or le projet de loi risque de favoriser l'écrémage de la distribution. En effet, les secteurs géographiques les plus rentables verront s'installer les concurrents de La Poste, tandis que les moins rentables reviendront à La Poste au nom de l'aménagement du territoire et de l'égalité d'accès au service.

M. Michel Vergnier. Voilà !

M. François Brottes. En clair, on prend la crème et on laisse à l'autre le boulot le plus difficile, le plus ingrat.

M. Gérard Larcher,...

M. Michel Piron. Il n'est pas ingrat, lui !

M. François Brottes. ... le fossoyeur des 35 heures, que chacun connaît bien (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - « C'est vrai ! » sur plusieurs les bancs du groupe socialiste),...

M. Michel Piron. Quel goût morbide !

M. François Brottes. ...estimait, dans son rapport publié avant qu'il ne soit ministre et intitulé « La Poste, le temps de la dernière chance », à 750 millions d'euros le surcoût annuel du réseau, chiffre que nous n'avons jamais contesté, en comparaison de la charge qu'il représenterait s'il était configuré selon les critères d'optimisation économique et commerciale - c'est-à-dire si on le réduisait à la portion congrue, qu'on abaissait le nombre des emplois et qu'on diminuait le service rendu. Compte tenu de l'existence du domaine réservé et de l'abattement fiscal sur les taxes locales, la taxe professionnelle que j'évoquais tout à l'heure, accordé par la loi du 2 juillet 1990, le solde restant à la charge de La Poste s'élèverait à 350 millions d'euros. Mais cette enveloppe devrait être plus importante. En effet, si La Poste doit payer maintenant de la taxe professionnelle, le chiffre sera, au final, supérieur.

Si on rapproche cette somme du coût de la distribution de la presse, il est évident que la définition d'une solution alternative de financement pour cette dernière apporterait une souplesse financière à La Poste pour réorganiser son réseau dans le cadre d'une réflexion globale sur ses missions, sans surcoût particulier. Vous l'aurez compris (« Non ! sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), si c'est l'État qui assume le paiement de l'aide à la presse, cela dégage une somme un peu supérieure à ce que coûte la présence postale territoriale.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Eh oui !

M. François Brottes. À ce moment-là,...

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Il n'y a plus de problème !

M. François Brottes. ... il n'y a plus de raison de s'affoler et de fermer des bureaux dans nos campagnes.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Voilà ! on donne des solutions !

M. François Brottes. Cette question n'est pas extérieure au débat que nous avons sur l'avenir du service public et sur l'aménagement du territoire. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

La Poste assure aussi, au travers de ses services financiers, une mission de guichet social qui a largement dispensé le système bancaire de prendre sa part, reconnaissons-le, dans la lutte contre les mécanismes d'exclusion sociale.

M. Jean-Marie Geveaux. Votre temps de parole est peut-être dépassé ?

M. François Brottes. Si cela ne vous intéresse pas, cher collègue, vous pouvez vaquer à d'autres occupations, je ne m'en offusquerai pas. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce propos n'est pas correct !

M. François Brottes. M. Geveaux me fait part de son impatience. Je lui réponds.

M. le président. Bien, la récréation est terminée. Continuez, monsieur Brottes.

M. François Brottes. Nous avons le droit - je parle sous votre contrôle, monsieur le président - de nous exprimer pendant quatre-vingt-dix minutes.

M. le président. Je ne vous ai pas empêché de parler.

M. François Brottes. Mais vous n'étiez pas concerné par ma remarque, monsieur le président. Je ne saurais me permettre. D'ailleurs, vous ne m'en donneriez jamais l'occasion.

Seule base légale en la matière, l'article L. 221-10 du code monétaire et financier indique que « La Poste ouvre un compte sur livret à toute personne par laquelle ou au nom de laquelle des fonds sont versés, à titre d'épargne, dans un de ses établissements. » C'est très important parce que c'est le seul endroit où finalement la loi renvoie à une exigence de service public en matière de services financiers.

Bien que relative au livret A, cette disposition est spécifique à La Poste. Interprétée d'une manière généreuse, convenons-en, elle pose de fait le principe d'une obligation d'accueil de tous sans filtrage, ce que La Poste fait. La Poste accueille ainsi une forte proportion de clients dont les revenus sont modestes, voire très modestes. Cette clientèle défavorisée se tourne en partie vers les CCP mais surtout vers le livret A. La Poste accepte en effet de gérer les très petits comptes sur ses CCP, même s'ils font l'objet de très nombreux mouvements. Au 30 juin 2002, 60 % des livrets A de La Poste avaient un avoir inférieur à 200 euros. Il est important d'avoir ces chiffres en mémoire.

M. Arnaud Montebourg. C'est très intéressant en effet !

M. François Brottes. On oublie parfois qu'il existe des gens qui essaient de vivre avec un minimum qui est en dessous du minimum. Or les comptes dont l'avoir est inférieur à 200 euros, qui constituent 1 % de l'encours et par voie de conséquence des produits, représentent 45 % des opérations, donc des coûts. Le nombre d'opérations réalisées sur les comptes dont l'avoir est compris entre 200 et 3 000 euros est en outre très élevé. Globalement, les comptes dont l'avoir est inférieur à 3 000 euros représentent 12 % des encours et 81 % des opérations. Les Français les plus modestes sont à La Poste, parce que très souvent ils ont un peu de mal à se faire entendre et à se faire accueillir dans les autres organismes bancaires.

La Poste estime actuellement la contribution négative du livret A à ses résultats à un peu plus de 50 millions d'euros. Toutefois, a contrario, on peut s'interroger sur les risques pour La Poste et pour les usagers d'une banalisation du livret A, comme le souhaitent certaines banques et comme peut le laisser entendre une partie du projet de loi.

M. Jean Proriol, rapporteur. Oh !

M. François Brottes. Seuls les services financiers élargis et renforcés peuvent apporter à La Poste et aux usagers les moyens réels d'assumer ce guichet social.

C'est pourquoi l'examen du projet de loi postal doit permettre de mener une réflexion approfondie sur l'évolution des services financiers assurés par La Poste qui aille au-delà d'un simple amendement adopté par le Sénat.

Le Gouvernement a fait le choix de la création d'un établissement de crédit dédié pour assurer les services financiers de La Poste. Mais votre approche reste modeste, monsieur le ministre, et prouve qu'en la matière, vous voulez, disons-le, plutôt vous acheter une conduite, comme les facteurs les plus anciens peuvent « acheter une tournée ».

M. Jean Proriol, rapporteur. Pardon ?

M. François Brottes. Cette expression peut choquer, je le conçois, ceux qui ne connaîtraient pas La Poste, permettez-moi de l'expliquer. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Houdouin. Parce que vous la connaissez, vous ?

M. François Brottes. Il y a plein de choses que je ne connais pas, mais ça, je sais ce que cela veut dire.

M. Jean Proriol, rapporteur. C'est La Poste marchande ?

M. François Brottes. Lorsqu'une tournée est vacante, parce qu'un facteur part à la retraite, elle est soumise à proposition et ce sont généralement les plus anciens qui sont en capacité de pouvoir la revendiquer : dans le jargon postal, on dit « acheter une tournée ». Il n'y a pas d'argent qui circule, c'est une formule.

M. Jean-Marie Geveaux. Vous nous rassurez !

M. Michel Piron. Nous, on paie des tournées, c'est différent.

M. François Brottes. La prochaine fois que le facteur vous proposera un calendrier, vous saurez sur quoi repose l'accès à ce calendrier des postes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Proriol, rapporteur. Ils achètent sans payer ?

M. le ministre délégué à l'industrie. C'est votre tournée, monsieur Brottes !

M. Jean-Marie Geveaux. Il a fait avancer le schmilblick, c'est sûr !

M. François Brottes. La création d'une banque postale était prévue par le nouveau contrat de plan 2003-2007, signé le 13 janvier 2004 : « La Poste et l'État conviennent du principe de la création, en 2005, dans des conditions de droit commun, d'un établissement de crédit. »

Il est ainsi prévu que la banque postale puisse distribuer dès juillet 2005 des crédits immobiliers sans épargne constituée préalable et, éventuellement, après évaluation en 2006, aux dires du ministre, des crédits à la consommation classiques. La date de juillet 2005 sera sans doute reculée, on peut le comprendre, parce qu'il faut que le texte arrive au bout du parcours parlementaire et que la loi soit promulguée.

Malheureusement, sous la pression du lobby bancaire, à l'image de la résistance des milieux financiers à la création des CCP au début du xxe siècle, c'est une banque au rabais qui sera créée.

Quant à la position supposée des banques, qui est toujours invoquée, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt le rapport d'information de M. Gérard Larcher - encore lui, grand spécialiste, beaucoup plus que moi, j'en conviens.

M. Jean Proriol, rapporteur. En tout cas, il dit plus de vérités !

M. François Brottes. Même si mon appréciation sur ses conclusions et sa manière de prendre en considération l'intérêt général peut être différente, je lui reconnais cette compétence sur les chiffres et sur l'analyse des problèmes.

Page 61 de son rapport, M. Larcher cite M. Jean Peyrelevade, président du Crédit lyonnais : « les banquiers ne peuvent à la fois se plaindre du fait que le marché bancaire est déjà concentré au point que le rapprochement entre le Crédit Agricole et le Lyonnais fait peser des menaces sur la concurrence, et en même temps s'opposer à une extension des activités de La Poste qui aurait pour premier effet d'accroître ce niveau de concurrence ». Ces propos, qui émanent du dirigeant d'une banque importante de notre pays, sont de bon sens. Mais je laisse à ces personnalités le soin de se donner des leçons entre eux parce que, là encore, je ne suis pas un spécialiste, je l'avoue humblement.

Je me permets également de rappeler la conclusion de M. Larcher - finalement, avant d'être ministre, M. Larcher était assez perspicace. À la suite de cette citation du banquier, il écrivait : « Bien plus qu'un long discours sur l'évolution de l'attitude des banquiers à l'égard de La Poste financière, de telles déclarations soulignent la logique économique de l'extension des compétences financières de cette dernière. Elles traduisent également une forme de "mûrissement politique" du dossier ». Monsieur le ministre, puisque le dossier est « politiquement mûr », il faut avancer et vite.

Le dispositif retenu, si modeste soit-il, a le mérite de faire tomber la plupart des critiques de la Fédération bancaire française, il faut le reconnaître. Vous voyez, j'essaie, moi aussi, d'être objectif, comme M. Larcher.

M. Michel Piron. C'est difficile !

M. François Brottes. Peut-être de votre point de vue, monsieur Piron, mais vous vous rendrez compte ultérieurement qu'un certain nombre de cris d'alerte que je pousse aujourd'hui étaient justifiés.

Les atteintes à la concurrence potentielles citées par la Fédération bancaire française concernaient par exemple le fait que La Poste échappait à la réglementation bancaire et assurancielle de droit commun pour son activité financière. Vous essayez d'y remédier. Autre critique, les avantages « indus » retirés de la mise à disposition des personnels et du réseau. Plus largement, cette capillarité des moyens conduisait à l'impossibilité, du fait de l'insuffisance de la comptabilité, d'identifier les coûts propres à chaque activité. Aujourd'hui, on le sait bien, on arrive parfaitement à identifier les coûts.

Bref, de nombreuses avancées sont faites qui donnent acte aux exigences posées par les banquiers, qui donc vont dans le bon sens. Malgré tout, j'entends toujours leurs réticences.

Le dispositif adopté repose, en contrepartie d'une ouverture progressive à de nouveaux produits, sur une soumission de l'activité aux règles bancaires, prudentielles notamment, de droit commun et sur des conventions passées entre la banque postale et l'établissement public. Toutefois, cette évolution de La Poste en matière bancaire doit se faire en lui reconnaissant son rôle de guichet social. Et nous vous ferons des propositions à ce sujet car si nous ne contestons pas la nécessité préalablement décrite, notre point de vue diverge pour parvenir à un résultat. Si elle ne doit pas être que la banque des pauvres, La Poste doit aussi être la banque des plus pauvres, au nom de sa contribution légale à la cohésion sociale.

Par ailleurs, il apparaît que les services financiers sont souvent la principale fonction remplie par les petits bureaux : plus un bureau de poste est petit, plus la part des services financiers dans son chiffre d'affaires est importante : 92 % pour les guichets de bureaux dont le chiffre d'affaires est inférieur à 150 000 euros. Monsieur le ministre, donnez de nouvelles compétences à ces petits bureaux de poste, ils auront plus de clients et la question de leur fréquentation, parfois en effet ridicule, ne se posera plus. Il vaut mieux essayer d'apporter des solutions avant de déclarer qu'il faut euthanasier le malade.

M. Arnaud Montebourg. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce n'est pas sérieux, monsieur Brottes ! cela m'étonne de vous !

M. François Brottes. Nous vous invitons fortement à revoir votre analyse. C'est pour cela qu'il faut retourner en commission.

Jean-Paul Bailly lui-même, dans La Tribune du 10 mai 2004, indique que La Poste « joue un rôle significatif contre l'exclusion bancaire. La Poste est d'abord la banque de tous et cette vocation que nous revendiquons et que nous sommes les seuls à porter est au cœur du développement de l'établissement de crédit postal ». J'imagine, monsieur le ministre, que vous soutenez ce propos ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Oui.

M. François Brottes. Pourtant, aucune mission de service public n'est reconnue par la loi pour la banque postale. Or, comme le souligne la commission des finances du Sénat elle-même, « Une banque postale évoluant dans des conditions de marché, pratiquant une tarification des opérations proportionnées à leurs coûts et veillant à la rentabilité des comptes qu'elle gère pourra se trouver en porte-à-faux avec ce rôle social - cette alerte est importante - qui, s'il correspond à une mission d'intérêt général reconnue par l'État, devra trouver une prise en charge financière ». Vous le constatez, j'ai essayé de trouver des références chez des gens de la majorité parce que cela permet d'éviter les partis pris et d'avoir un débat serein, ouvert et objectif.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Merci.

M. Léonce Deprez. Nous y sommes très sensibles !

M. François Brottes. En réalité, une banque soumise aux mêmes critères de rentabilité et dont la mission n'évoque pas de sujétions particulières de service public abandonnera rapidement ces pratiques. C'est évident et cela nous inquiète.

Comme le souligne toujours le Sénat, la volonté d'une politique tarifaire avantageuse, liée à la vocation tacite d'assurer une sorte de service bancaire universel ou au moins une fonction sociale, contribue à fragiliser la situation financière de l'activité bancaire.

Ce contexte pérennise un « effet de ciseaux » que la Cour des comptes résume ainsi dans le rapport public : « malgré des coûts globalement plus élevés que la concurrence, La Poste maintient des tarifs plus bas que les autres organismes bancaires », ce dont les usagers ne se plaignent pas. Elle poursuit ainsi : « Ce positionnement ne semble pas pouvoir évoluer de façon notable à court terme même si un certain rattrapage tarifaire a été effectué depuis plusieurs années. En effet, il est étroitement lié à l'image de l'opérateur public et constitue un choix stratégique. »

La Cour des comptes constate, elle ne dément pas, elle donne des indications importantes : tout dépendra de ce qu'on demandera aux services financiers de La Poste. Je crois qu'il faut qu'on soit tous vigilants. Si, comme on l'a fait pour les Télécoms, on distribue cette mission du service bancaire pour tous à toutes les banques, plus personne ne s'en occupera sérieusement et le nombre d'exclus augmentera.

La définition d'obligations législatives en matière de service public doit permettre de préserver et d'étendre ces missions de service public.

Le Conseil de la concurrence, dans un avis de 1996, notait que « le bon fonctionnement de la concurrence implique aussi que les services financiers de La Poste puissent exercer leur activité dans des conditions qui ne les pénalisent pas face à leurs concurrents. C'est pourquoi i1 paraîtrait normal que l'ensemble des charges particulières que l'État impose à La Poste d'assumer soient reconnues en tant que telles et fassent l'objet d'une juste compensation financière lorsque leur maintien est jugé nécessaire ». Cela fait deux fois que de tels propos vous sont adressés et ils ne proviennent pas d'hommes politiques, ils sont le fait du Conseil de la concurrence et de la Cour des comptes.


Ce débat est totalement évacué par la majorité et le Gouvernement. Or, ne pas reconnaître ces charges, ne pas en prévoir la compensation, c'est condamner implicitement ces missions à l'abandon, au risque d'accroître le nombre des laissés pour compte. Encore une fois, il ne s'agit pas de transformer La Poste en banque des pauvres, mais de conserver, voire d'étendre en partie les pratiques actuelles. Faute de les évoquer et d'en assurer par la contractualisation, donc la prise en compte des conditions financières de leur exécution, elles disparaîtront.

Il faut assortir la transformation d'un cahier des charges précis, qui couvrirait les services bancaires de base. L'une de nos propositions d'amendement en ce sens a été refusée en commission. J'espère que le rapporteur se ressaisira. La Poste pourrait se voir tenue par la loi d'assurer certaines prestations complémentaires qui, j'en suis sûr, ne sont contestées par personne sur ces bancs : délivrance et traitement gratuit des chèques ;...

Plusieurs députés du groupe socialiste. Oui !

M. François Brottes. ...obligation de gratuité des retraits, quel que soit le distributeur automatique de billets utilisé ;...

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Oui !

M. François Brottes. ...obligation de proposer un contrat de base pour un coût modique, dans des conditions fixées par décret, avec notamment la gratuité de la banque à distance - accès internet ou téléphonique à la gestion du compte ;...

Plusieurs députés du groupe socialiste. Bien sûr !

M. François Brottes. ...obligation de mise en place d'une convention de compte sur un modèle fixé par décret. N'ayant entendu aucune critique sur tous ces points, monsieur le rapporteur, je ne doute pas que cet amendement pourra être adopté à l'unanimité.

Les difficultés d'accès au crédit des PME et des très petites entreprises sont souvent évoquées. Il pourrait être envisageable, pour éviter de cantonner La Poste aux clients particuliers et modestes, de prévoir dans la loi un rôle dans le financement du tissu économique local.

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

M. François Brottes. Cette vision globale du rôle bancaire de La Poste permet de dénoncer le plan d'évolution du réseau de La Poste, qui fait de la fameuse banque postale une banque classique supplémentaire et non également un outil de lutte contre l'exclusion d'un nombre croissant de nos concitoyens des services bancaires de base et de couverture de l'ensemble du territoire pour tous les acteurs sociaux et économiques.

Sur ce point, la rédaction actuelle issue du Sénat est très ambiguë : n'est évoquée qu'une participation majoritaire de La Poste dans la nouvelle entité - 51 % a dit le ministre. Le Sénat est plus clair quand il indique que l'ouverture prévisible à des segments plus larges que le marché du crédit immobilier supposera des partenariats, donc des entrées dans le capital. Pour nous, il va de soi que la banque postale, qui doit répondre aux critères évoqués tout à l'heure, sur lesquels nous sommes d'accord, n'a de sens que si elle est confirmée par la loi comme publique à 100 %, détenue par La Poste à 100 %.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Exactement !

M. François Brottes. Si, demain, un autre gouvernement souhaitait revenir sur cette exigence, il devrait assumer ce choix politiquement. En tout cas, la loi offrirait une sécurité importante en garantissant que cela ne sera pas fait en catimini par tel ministre ou tel président du conseil d'administration. Nous avons déposé un amendement en ce sens et nous vous donnons rendez-vous pour voir si nos objectifs et les moyens à mettre en œuvre sont bien les mêmes, comme vous le prétendez.

La réduction du monopole postal pose aussi le problème du financement du service public. L'écrémage du territoire, sous-tendu par l'extension de la concurrence dans le secteur de la distribution du courrier, renforce notre volonté d'assurer un prix unique du timbre. Ne nous dites pas que ce n'est pas à l'ordre du jour, car c'est une des menaces qui pèsent sur nos concitoyens dans le corps même du texte qui nous est proposé. Cette péréquation tarifaire doit constituer le cœur de la solidarité entre les territoires et les personnes. Depuis le passage d'une logique fiscale de la tarification liée au rattachement de La Poste au ministère des finances à une logique de tarif d'acheminement au XIXe siècle, le tarif unique a été le socle du développement de l'activité postale. À ceux qui nous traitent parfois d'archaïques lorsque nous défendons le service public républicain, je rappelle qu'avant celui-ci d'autres pratiques avaient cours, auxquelles il ne faudrait pas revenir. Ne devenez pas, vous, des archaïques !

De 1792 à 1848, la taxe postale fut calculée en fonction du poids et de la distance. Depuis la réforme de 1848, celle-ci n'est plus calculée qu'en fonction du poids. Cette réforme est d'une importance majeure pour l'histoire postale française, car elle consacre la finalité sociale du service et participe à l'évolution du service public postal.

II faut reconnaître qu'historiquement La Poste a longtemps ignoré la campagne. Ce n'est, par exemple, qu'à partir de 1830 que furent mis en place 5 000 facteurs ruraux, avec paiement, pour les lettres distribuées ou recueillies par le facteur, du « décime rural », qui sera supprimé quinze ans plus tard en raison de son caractère inégalitaire. Peut-être voulez-vous revenir aujourd'hui à ce décime rural, monsieur le ministre ? C'est ce à quoi nous risquons d'aboutir si nous ne nous donnons pas les moyens de financer la péréquation des tarifs.

Ce n'est que le 30 août 1848 que l'Assemblée accepte la proposition généreuse et fraternelle du nouveau directeur général des Postes, Etienne Arago, d'établir un tarif unique de 20 centimes pour une lettre simple, quel que soit le trajet parcouru. On peut admettre qu'il ait un peu augmenté depuis. (Sourires.) Cette réforme s'accompagnera, le 1er janvier 1849, de la mise en vente des timbres ou cachets dont l'apposition sur une lettre suffira pour en opérer l'affranchissement sur toute l'étendue de la République.

Aujourd'hui, le prix du timbre est toujours administré. Toutefois, les choix commerciaux de l'opérateur ont tendance à se traduire par des tarifs tirés vers le bas pour les grands comptes soumis à forte concurrence et tirés vers le haut et la vérité des coûts pour les particuliers. Cet effet de ciseaux est renforcé par le projet de loi, qui banalise les tarifs spéciaux de La Poste.

Méfions-nous, car selon les dispositions du nouveau contrat de plan, « La politique tarifaire des offres de service universel est fondée sur une exigence de prix abordables et orientés vers les coûts, dans l'intérêt des clients. Dans le respect de l'objectif tarifaire global pluriannuel, La Poste procède aux ajustements tarifaires rendus nécessaires par l'ouverture du marché des envois postaux et par l'adaptation de sa structure tarifaire à ses coûts. La structure tarifaire pourra, le cas échéant, refléter les surcoûts inhérents à l'acheminement du courrier international. Les tarifs du service universel évoluent conformément à un objectif pluriannuel en fonction de l'évolution globale des prix, du trafic courrier et des coûts de La Poste ». Jamais il n'est fait mention de tarif unique ! La notion de prix abordables prévue au contrat de plan ne répond pas à notre exigence de prix unique, dont le niveau ne doit pas provoquer la recherche de solution de substitution, comme internet, même si La Poste est aussi présente sur ce secteur.

À cela s'ajoute ce que j'appelle « l'effet Gaymard » de renoncement à la politisation des tarifs du service public. Vous-même, monsieur le ministre, avez relayé hier les déclarations de votre collègue en disant qu'il fallait dépolitiser les tarifs publics, laisser à des autorités indépendantes la responsabilité de les baisser ou, le plus souvent, de les augmenter. Mon cri d'alarme résonne plus fort encore. Si on abandonne à d'autres le soin de définir l'inégalité des tarifs en leur laissant toute latitude pour le faire, on imagine bien ce que cela va donner : augmentations et inégalités seraient dès lors inscrites dans le marbre de la loi.

Le contrat de plan prévoit également la mise en place d'un fonds de péréquation, qui serait financé sur les 150 millions d'euros d'abattement des bases fiscales de La Poste sur la taxe professionnelle. Le projet de loi de régulation postale prévoit que ce fonds sera différencié dans les comptes de La Poste et géré de façon transparente avec les élus. Or, non seulement ce fonds risque de grever une nouvelle fois le budget de La Poste, mais il risque d'être insuffisant. Dès lors, il est probable que le financement de la compensation de la présence territoriale de La Poste repose, encore une fois, sur les collectivités locales.

M. Alain Gouriou. Évidemment !

M. François Brottes. Dans le contexte du débat initié par le Président de la République pour changer les contours de la taxe professionnelle,...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous ne devons pas parler du même texte !

M. François Brottes. ...dire aux maires que la taxe professionnelle - que La Poste ne paie pas encore - participera à la péréquation est de nature à installer un fort climat d'insécurité. Chacun sait bien que les promesses n'engagent que ceux qui les croient !

M. Michel Vergnier. Aucune confiance !

M. François Brottes. L'ouverture à la concurrence pose aussi la question du régulateur. L'exigence européenne d'indépendance fonctionnelle entre le régulateur et les opérateurs postaux oblige la France à définir un opérateur du secteur. Le Gouvernement a fait le choix d'étendre le champ d'intervention de l'autorité de régulation des communications électroniques. D'autres solutions étaient possibles : une autorité dédiée au secteur postal ou un collège spécifique au sein de l'ARCEP. On peut craindre ce calage sur le secteur des télécommunications, compte tenu de la jurisprudence de l'ART, souvent favorable à la concurrence au détriment de l'opérateur historique et du service public. Elle se comportera de la même façon à l'égard de La Poste qu'elle s'est comportée vis-à-vis de France Télécom.

M. Arnaud Montebourg. Très juste !

M. François Brottes. C'est un non-sens économique dans la mesure où l'économie des télécommunications n'a pas grand-chose à voir avec celle de La Poste : la première est marquée par une concurrence vive entre des opérateurs fortement capitalistiques opérant sur des marchés nouveaux de prestations à forte valeur ajoutée et bénéficiant de taux de croissance élevés ; la seconde se caractérise par le déclin de son activité historique - le courrier - et par son caractère d'activité de main-d'œuvre. On ne peut pas comparer technologies et ressources humaines.

Nous devons encore nous interroger sur la prise en compte des contraintes financières importantes qui pèsent sur La Poste au bénéfice de ses concurrents. Comment le régulateur les prendra-t-il en compte ? Qu'en sera-t-il, par exemple, de la charge des retraites, dont on sait que le montant est actualisé chaque année en fonction de l'évolution de l'indice des prix à la consommation, hors tabac, en moyenne annuelle constatée par l'INSEE ? En 2003, la Poste versait 2 451 millions d'euros pour les retraites des postiers, l'État prenant à sa charge 217 millions d'euros, soit 8 % du total des dépenses. Lors de l'examen de la loi de finances pour 2005, M. Jean-Paul Bailly, le président de La Poste, a confirmé que le total de la charge des retraites des postiers s'élève à 57 milliards d'euro, avec inscription de cette somme en dette dans le bilan de l'entreprise pour 2005. Conformément au contrat de plan, une solution devra être trouvée en 2005 pour un financement pérenne de ces retraites.

M. Michel Vergnier. C'est sûr, mais ce n'est pas le cas !

M. François Brottes. Cette question est déterminante pour l'avenir de La Poste et sa capacité de poursuivre son évolution.

De même, on peut évoquer l'exonération des charges sur les bas salaires.

M. Michel Vergnier. La variable d'ajustement, ce serait l'emploi !

M. François Brottes. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait, me direz-vous ? J'en conviens. J'étais de ceux qui avaient souhaité, lors de la mise en place de la réduction du temps de travail, que La Poste bénéficie des mêmes réductions de charges que ses concurrents.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Tout à fait !

M. François Brottes. La réponse qui avait été fournie à l'époque n'était pas totalement dénuée d'intérêt ni de fondement : une forte majorité du chiffre d'affaires de La Poste étant sous monopole, cela risquait de lui donner un avantage concurrentiel sur des opérateurs qui n'étaient pas encore sur ces marchés. Si, à l'époque, cela pouvait se discuter, de mon point de vue, ce n'est plus le cas aujourd'hui parce que la majorité du chiffre d'affaires de La Poste est sous monopole. S'il aurait peut-être fallu le faire avant, il est impérieusement nécessaire de le faire aujourd'hui. Contrairement au discours, souvent convenu, sur la position privilégiée de La Poste, il est important de comprendre que ces deux derniers points - retraites et charges sociales - placent les concurrents directs de La Poste dans des situations très avantageuses.

Un syndicat a qualifié ce texte de « loi posticide ». C'est, en fait, l'ensemble de l'action gouvernementale en matière postale qui constitue une sorte d'attaque du train postal, qui pourrait conduire à la mort plus ou moins lente de La Poste si l'on n'y prend pas garde.

En conclusion, je vois deux bonnes raisons de ne pas renvoyer ce texte en commission, et je les expose pour éviter au président de la commission, au rapporteur ou à vous-même, monsieur le ministre, d'avoir à me les répéter.

La première raison, c'est qu'on a déjà perdu trop de temps pour organiser une concurrence loyale dans le secteur postal et pour organiser une régulation du secteur qui ne mette pas l'opérateur historique dans une situation impossible à tenir.

La seconde, c'est que la clientèle de La Poste doit s'élargir rapidement, notamment aux plus jeunes, rendant impérieuse la nécessité de l'agrandissement du périmètre de l'offre de services financiers de La Poste. Sur ce point aussi il y a urgence.

Alors, me direz-vous, pourquoi retarder les choses et demander un renvoi en commission de ce texte ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Enfin, l'essentiel !

M. François Brottes. Tout simplement parce que, n'en déplaise à Jacques Tati et aux usagers, aujourd'hui, ce n'est pas « jour de fête » pour La Poste. Non seulement votre texte va à l'encontre des deux objectifs que je viens de citer, mais il fait l'impasse sur d'autres questions majeures, que nous avons essayé de traiter en commission sans réussir à les régler, notamment celle de la responsabilité des opérateurs postaux. D'autres sujets encore mériteraient qu'on en rediscute pour trouver la bonne formule.

Votre texte, c'est d'abord « un nid » à prédateurs pour La Poste. N'importe qui ou presque pourra devenir opérateur postal sur la partie du territoire qui lui convient, et en particulier là où ce sera le plus rentable. C'est une forme de prédation qui s'appelle « l'écrémage » : on récupère la crème et on laisse le reste à l'opérateur historique. Les plus gros clients de La Poste - ce n'est pas la moindre de nos inquiétudes -, notamment les acteurs de la vente par correspondance ou les organismes qui ont un réseau dense de correspondants, pourront devenir leur propre distributeur de courrier. Vous encouragez les gros clients à quitter La Poste et vous facilitez la vie de ses concurrents en les autorisant à ne s'intéresser qu'aux marchés les plus rentables. Comment voulez-vous, dans ces conditions, que nous acceptions un texte aussi dérégulateur, qui met en péril l'avenir de La Poste ?

M. Michel Vergnier. Très juste !

M. François Brottes. Ne me dites pas que c'est la faute de la directive européenne, car elle ne vous oblige pas à faire preuve d'un tel intégrisme libéral.

M. Michel Vergnier. Tout à fait !

M. François Brottes. Votre texte, c'est ensuite la porte ouverte à une privatisation « par appartements ». Personne n'est dupe : si vous avez laissé pourrir la situation, c'est pour mieux tirer argument de la nécessité économique de privatiser La Poste.

M. Michel Roumegoux. Procès d'intention !

M. François Brottes. Si vous nous proposez une banque postale dont le capital pourra être détenu, d'abord partiellement, mais ensuite plus largement - et on sait où cela mène -, par des intérêts privés, qui n'auront que faire des missions de service public, se réjouissant même de la banalisation de produits comme le livret A, et qui excluront progressivement les clients et les territoires non rentables. Si vous avez laissé planer une contradiction flagrante entre le texte de loi proposé et le contrat de plan en matière d'ouverture du périmètre des services financiers, c'est bien que vous avez l'intention de ménager toutes les marges de manœuvre pour détacher de La Poste son activité financière.


Votre texte, c'est la mort annoncée des missions de service public parce que votre gouvernement refuse de prendre position sur la nécessité de conserver « un secteur réservé » sous monopole pour La Poste au-delà de l'échéance de 2009, parce que vous inventez un fonds de péréquation territoriale financé par une taxe professionnelle que La Poste ne paie pas pour le moment et qui a vocation à disparaître et, également, parce que vous bradez l'éthique et la déontologie des fonctionnaires de La Poste et les jetez en pâture en laissant entendre, pour défausser l'État de ses responsabilités, que le service peut être rendu par n'importe quel autre acteur privé.

Enfin, ce renvoi est motivé par l'absence d'évaluation par notre commission des affaires économiques des expériences de nos voisins européens, si souvent invoquées pour légitimer l'ouverture à la concurrence, et l'absence d'audition sur l'avenir du service postal au regard de celles-ci.

Même si les différences de densité de population rendent les comparaisons difficiles, il est intéressant de constater que nos partenaires européens ont tous supprimé des emplois et des services et augmenté les tarifs.

M. Arnaud Montebourg. Voilà la vérité !

M. François Brottes. Monsieur le ministre, pour reprendre les propos d'un de nos collègues en 1996, avec ce texte, « le Gouvernement va doit dans le mur et, en plus, il klaxonne » !

La mort du service public postal n'est pas inéluctable, la privatisation par « appartements » n'est pas indispensable et la régulation du secteur postal peut être beaucoup plus vertueuse que ce que vous nous proposez. C'est la raison pour laquelle, sans plus attendre, parce que, en effet, il y a urgence, je vous propose, au nom de mon groupe, de renvoyer ce texte en commission pour sauver le service public postal et garantir à tous et partout un droit d'accès égal aux services de La Poste. C'est d'ailleurs le sens de nos milliers d'amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Michel Vergnier. Belle démonstration !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Je ne veux pas engager de polémique, mais, en tant que président de la commission qui a examiné ce texte, je tiens à apporter quelques rectifications.

Monsieur Brottes, j'ai le sentiment que vous avez parlé d'un autre texte que celui qui nous est présenté par le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Vous ne l'avez pas lu !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. De confusions en amalgames, deux procédés que vous avez, d'ailleurs, maniés avec beaucoup d'art, monsieur Brottes, vous avez tricoté un texte qui ne ressemble pas à la réalité. Vous refaites l'histoire à votre manière. C'est votre droit le plus absolu, mais vous me permettrez, s'agissant d'une motion de renvoi en commission, de vous apporter quelques réponses.

Vous avez évoqué les directives européennes. Pour la première, je vous rends ce qui vous appartient, puisqu'elle a été adoptée le 15 décembre 1997, donc sous le gouvernement de M. Jospin.

M. François Brottes. C'est la transposition qui est en cause !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est bien le gouvernement de celui-ci qui a ouvert le marché. Je ne lui en fais pas le reproche puisque nous aurions fait la même chose,...

M. François Brottes. Et même pire !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ...mais n'essayez pas de nous faire croire le contraire.

La seconde directive date du 10 juin 2002, et c'est encore le gouvernement Jospin qui était aux affaires. (Dénégations et rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Menteur ! Le 10 juin, ce n'était plus lui !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. En tout cas, c'est vous qui avez concocté, préparé, cette directive, et elle a confirmé l'ouverture du marché.

Mme Marylise Lebranchu. Non !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mais il est vrai que deux conceptions s'affrontent, et ce n'est pas un renvoi en commission qui permettra de les rapprocher.

Nous pensons que les missions de service public et l'adaptation aux normes européennes sont parfaitement compatibles. Nous l'avons prouvé en commission, mais il ne semble pas y avoir, sur ce plan-là, moyen de rapprocher nos points de vue.

J'ai, personnellement, totalement confiance en l'avenir puisque, dans le projet de Constitution européenne qui nous est proposé, est mentionnée la notion de service public. Il vous revient donc, pour être rassurés sur l'avenir des services publics dans le cadre européen, de faire ardemment campagne pour que ce projet de Constitution soit adopté ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Avant de donner des conseils, commencez par mettre de l'ordre chez vous !

M. Arnaud Montebourg. M. Sarkozy n'est pas du même avis que vous !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je ferai moi-même campagne en faveur de ce projet.

Deuxième point : on ne peut accepter, monsieur Brottes, que vous essayiez d'agiter les peurs pour tenter de démontrer que ce texte n'est pas efficace.

M. Augustin Bonrepaux. Mais c'est la réalité !

M. Arnaud Montebourg. Même sur le plan européen !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous le faites en ce qui concerne les tarifs, notamment le prix unique du timbre. Je vous rappelle, monsieur Brottes, que nous avons voté, après une réunion en commission, à laquelle vous avez participé, contrairement à M. Montebourg, un amendement, présenté par la majorité dans le cadre du texte de loi relatif aux territoires ruraux, - amendement que vous avez soutenu - garantissant le prix unique du timbre sur tout le territoire.

M. François Brottes. Tant qu'il y a un secteur réservé !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous agitez aussi les peurs concernant les points de contact. Je ne vais pas refaire toute l'économie du texte. Je rappellerai simplement qu'il y a 17 000 points de contact et, aujourd'hui, 13 815 bureaux de poste. Vous dites que j'ai annoncé à la tribune la fermeture de ces derniers.

M. Augustin Bonrepaux. C'est vrai !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je n'ai fait qu'énoncer une vérité, à savoir que, entre 17 000 et 13 815, ce sont environ 3 200 bureaux transformés en agences postales ou en points poste, pour la plus grande satisfaction des usagers qui, au lieu d'avoir des bureaux de poste ouverts deux jours pendant deux heures, trouveront là des services ouverts jusqu'à huit heures par jour toute la semaine. Et ce qui compte, c'est la satisfaction des usagers. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Blazy. Et quand il n'y aura plus de commerçants ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous agitez également les peurs sur l'abandon du territoire.

M. Augustin Bonrepaux. C'est une réalité !

M. Arnaud Montebourg. Nous en avons de multiples témoignages !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Grâce à la règle des cinq kilomètres proposée par notre rapporteur, M. Proriol,...

M. Arnaud Montebourg. Comment se fait-il qu'on n'entende pas le rapporteur ? C'est à lui de s'exprimer.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Permettez, monsieur Montebourg, que je réponde à une demande de renvoi en commission, comme le prévoit l'article 91 de notre règlement !

M. Arnaud Montebourg. Que le rapporteur donne également sa position. Serait-il devenu muet ?

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le président.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Pour préserver la présence postale dans les territoires, le rapporteur a présenté un amendement, adopté en commission hier, posant une règle des cinq kilomètres qui sécurise totalement le dispositif...

M. François Brottes. Pas du tout !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ...puisque La Poste s'est engagée à ne pas diminuer le nombre de bureaux de poste, ni à l'échelon national, ni département par département.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Vous les transformez, cela revient au même !

M. Jean-Pierre Blazy. C'est une tromperie !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La règle des cinq kilomètres est un verrou supplémentaire qui sécurise totalement les points de contact de poste.

M. Pierre Ducout. Cette règle n'est pas dans la loi !

M. Arnaud Montebourg. Vous êtes un provocateur, monsieur le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Enfin, si M. Proriol ou moi-même avions annoncé du haut de cette tribune que le délai de livraison du courrier allait être porté à « J+2 », nous aurions soulevé un tollé général dans cette assemblée ! Or c'est ce que vous venez de proposer.

M. Jean-Pierre Blazy. C'est déjà la réalité !

M. Michel Vergnier. Le délai est déjà de « J+2 », voire « J+3 », quand ce n'est pas « J+4 » !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ne comptez pas sur nous pour revenir en commission pour cela. C'est totalement inacceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Enfin, vous interrogez le rapporteur...

M. Arnaud Montebourg. C'est à lui de s'exprimer !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Montebourg, le président de la commission a le droit de s'exprimer sur un texte examiné par sa commission.

M. Arnaud Montebourg. Pas dans des termes aussi polémiques !

M. Michel Piron. Parole d'expert !

M. le président. Monsieur le président, ne vous laissez pas interrompre !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous vous attendons dans le débat, monsieur Montebourg !

Vous demandez au rapporteur d'apporter des réponses sur le fonds de péréquation. Pour cela, il faut bien qu'il y ait débat ! Raison de plus pour rester dans l'hémicycle.

La commission a tenu six réunions. Elle a auditionné le ministre et le président de La Poste et vous avez pu poser toutes les questions que vous souhaitiez.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Mais nous n'avons pas eu les réponses !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous avons passé près de sept heures sur ce texte et étudié 14 400 amendements. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Marylise Lebranchu. Non !

M. Pierre Ducout. En combien de temps ?

M. Arnaud Montebourg. Nous n'en trouvons aucune trace dans le rapport Proriol !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je rends hommage au travail du rapporteur, qui a procédé à plus de vingt auditions et reçu près de quatre-vingts personnes.

M. Arnaud Montebourg. Il n'y a rien dans le rapport !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Tout le monde dans la majorité le considère comme de grande qualité et je l'en félicite au nom de tous mes collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le vrai danger pour La Poste serait que ce texte ne soit pas voté rapidement, ...

M. Pierre-Louis Fagniez. Tout à fait !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ...que l'adaptation à l'évolution européenne soit retardée, comme vous le proposez, ...

M. Alain Gest. Absolument !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ...et que son développement soit compromis.

Les postiers sont de cet avis : 15 % de grévistes hier,...

M. Michel Vergnier. Attendez !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ...cela ne dénote pas une forte volonté de freiner le vote de ce texte !

M. François Brottes. Ne jouez pas avec ça !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Voilà pourquoi je demande à la majorité de rejeter la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour le groupe socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Arnaud Montebourg. Le rapporteur n'a-t-il pas un mot à dire ?

M. Augustin Bonrepaux. Il est muet !

M. Jean Proriol, rapporteur. J'ai parlé hier ...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Si vous étiez plus souvent en séance, monsieur Montebourg, vous le sauriez !

M. Jean Proriol, rapporteur. ...et je reparlerai tout à l'heure !

M. le président. Vous avez la parole, madame Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Je conçois que, sur les 14 000 amendements que vous avez évoqués, monsieur le président, ceux qui énumérent les bureaux de poste aient pu vous paraître répétitifs. Mais il y en avait beaucoup d'autres, notamment des amendements présentés par le rapporteur sur lesquels nous aurions souhaité avoir quelques explications. Or ils ont été examinés dans le temps record de quarante-six secondes ! Moi, je suis incapable de comprendre les tenants et les aboutissants d'une proposition dans un laps de temps aussi court.

Nous sommes, certes, dans une civilisation de l'image et des nouvelles brèves, mais un parlementaire sérieux ne peut se contenter d'un travail de ce type.

M. François Brottes. C'est une commission TGV !

Mme Marylise Lebranchu. Il est vrai que nous avons pu prendre notre temps lors des auditions du ministre et du président de La Poste, mais nous n'avons pas eu ensuite de réelles possibilités d'échanges. Ce n'était pas du débat, mais du dépotage d'amendements !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Rien ne vous empêchait d'intervenir !

Mme Marylise Lebranchu. Monsieur le président, j'avais à peine levé le doigt que vous aviez déjà passé quatre amendements, et ce n'est que parce que j'ai fait valoir que j'avais été citée personnellement que vous m'avez enfin donné la parole !

M. Jean-Pierre Blazy. Quel mépris pour le Parlement !

Mme Marylise Lebranchu. Il y a bien là de quoi demander une nouvelle discussion !

M. Brottes a démontré, avec des arguments sérieux et approfondis, qu'il est impossible pour La Poste d'appliquer le texte, et même l'amendement de M. Proriol sur les cinq kilomètres, qui, je le précise, concerne les points de contacts et non les bureaux de poste.

M. Jean Proriol, rapporteur. Il concerne l'ensemble !

M. Jean-Pierre Blazy. Quand il n'y aura plus d'épiciers, il n'y aura plus de points de contact !

M. Arnaud Montebourg. Sans doute prévoira-t-on des installations sous les arbres !

Mme Marylise Lebranchu. Si le Gouvernement ne prend pas en compte les arguments financiers développés par François Brottes, tant en ce qui concerne l'aménagement du territoire que la presse, ce texte de loi ne pourra pas être opérationnel. Voter un texte dans ces conditions, c'est porter atteinte à la confiance dans le Parlement !

Nous demandons à retourner en commission car, si l'on veut pouvoir appliquer ce texte, le Gouvernement devra compenser plus de 200 millions d'euros pour l'aménagement du territoire et 200 millions pour la distribution de la presse. Sans cela, M. Proriol ne peut pas défendre son amendement sur les cinq kilomètres parce qu'il sera inapplicable, à moins de mettre La Poste à genoux.

M. Michel Vergnier. Absolument !

Mme Marylise Lebranchu. Le travail parlementaire est un travail sérieux et nous vous demandons de le faire sérieusement.

Nous admettrions que vous disiez que La Poste n'aura pas les moyens nécessaires et qu'il faudra opérer des coupes drastiques. Nous en débattrions, nous échangerions nos arguments et, in fine, nous voterions. Mais, ce n'est pas le cas puisque vous ne nous dites pas la réalité.


Reprenez l'aspect postal. Qui peut croire, ici, qu'avec les règles prévues dans ce texte et la concurrence postale existant dans ce pays, nous aurons une banque dite « des pauvres » qui fonctionne et permette à La Poste de s'en sortir honorablement sur le plan financier, en rendant le service tel qu'il est décrit, alors même qu'elle ne pourra disposer d'aucun élément de régulation ?

Quand on parle des comptes-chèques distribués, des comptes avec des systèmes de rémunération de base représentant une sorte de service minimal accepté mais financé, tout est simple. Cela signifie que cette banque peut fonctionner. Or, avec le texte que vous nous proposez, elle ne peut pas fonctionner, donc réguler les autres activités.

Ce service universel, auquel nous tenons tous beaucoup, ne tiendra pas. En effet, les obligations prévues dans le projet de loi ne sont pas financées, ne sont pas prises en compte et ne seront pas susceptibles d'être régularisées par d'autres activités. Cela ne pourra donc pas fonctionner.

Si la théorie sociale ou sociologique ne vous intéresse pas, comprenez au moins que cela ne tient pas sur le plan économique !

Un débat entre une stratégie libérale et une stratégie régulatrice aurait pu avoir lieu dans cette assemblée, mais tout est flou parce que tout n'est pas dit. C'est ce qui est le plus grave dans ce texte, comme l'a démontré François Brottes.

Monsieur le président de la commission, j'aurais souhaité rester au Gouvernement jusqu'au 10 juin 2002, mais, le 8 mai, on m'avait déjà demandé de partir. Nous étions un certain nombre dans ce cas.

Lors des discussions sur la seconde directive, Christian Pierret et François Huwarth, aidés par l'excellent travail réalisé par François Brottes, s'étaient opposés à la rédaction de la nouvelle directive, compte tenu des problèmes posés en termes de service public.

Si, à l'intérieur de nos formations politiques de gauche - tous partis confondus ici -, nous ne sommes pas forcément d'accord sur notre avenir immédiat en ce qui concerne l'Europe, nous sommes en revanche tous d'accord pour dire que l'Europe ne sera l'Europe des citoyens que si le service public existe. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Certains espèrent la loi sur le service d'intérêt général, qui sera votée à la majorité qualifiée si le traité constitutionnel est accepté.

M. Arnaud Montebourg. C'est évident !

Mme Marylise Lebranchu. D'autres pensent que, si le traité constitutionnel n'est pas voté, cette loi-là doit être préparée auparavant.

Dans tous les cas et quelle que soit l'opinion de chacun, je redis aujourd'hui que la distanciation des citoyens par rapport à la politique s'explique par le fait qu'on ne leur dit pas tout et qu'on essaie de faire porter à l'Europe ce qui est de notre responsabilité. Cela aurait « valu le coup » d'en rediscuter sereinement, ce soir en commission, parce que le Parlement est un lieu honorable, monsieur le président, et il aurait été tout à notre honneur de réexaminer ces arguments. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, vous ne cessez, depuis hier après-midi, de nous dire qu'il y a urgence à délibérer, que l'on a déjà perdu trop de temps, que la France est accusée par la Cour de justice. Et que sais-je encore ? Mais ce n'est pas parce que nous aurions perdu du temps et que nous serions menacés que les représentants des citoyens que nous sommes devraient laisser passer ce texte, dont tout montre qu'il ne vise qu'à remettre en cause l'opérateur public au profit du privé, qu'il « imbibe » littéralement La Poste d'objectifs de rentabilité, qu'il réduit ses sources de financement en poussant même à faire du chantage auprès des collectivités locales et à créer des points Poste dans des zones urbaines denses.

Vous nous dites qu'il vaut mieux qu'il puisse y avoir un accès postal - un point Poste - chez un épicier, plutôt qu'un bureau de poste qui n'ouvre qu'une ou deux heures par jour. Dans ma bonne ville du Havre, une agence postale située dans un quartier dense vient d'être remplacée à la fin du mois de décembre par un point poste dans un bureau de tabac. Pourtant, l'agence postale était ouverte en permanence, et non deux heures par jour. Il s'agit bien ici de remplacer une structure fonctionnant de façon permanente par une structure fonctionnant également de façon permanente. Mais les services rendus ne seront pas les mêmes.

M. Arnaud Montebourg. C'est une dégradation du service public !

M. Daniel Paul. Il s'agit effectivement d'une dégradation du service public, et ce non dans une zone rurale, en Saône-et-Loire ou en Haute-Loire, ou ailleurs encore - avec tout le respect que je dois aux citoyens qui habitent dans ces départements -,...

M. Jean Proriol, rapporteur. Les points Poste marchent bien en Haute-Loire.

M. Daniel Paul. ...mais dans une ville où l'on a besoin, comme ailleurs, du fonctionnement normal des bureaux de poste.

L'exemple que je viens de citer fait l'objet d'un petit article dans l'édition de janvier 2005 du journal de La Poste - Jour-Poste 76 -, laquelle s'en vante. C'est sans doute la preuve qu'il faut faire attention dans les autres zones urbaines, où la même chose se prépare.

Derrière votre texte, pointe aussi la fin du rôle de La Poste dans l'aménagement du territoire, avec une réduction des moyens destinés à assurer la présence postale. Je ne peux m'empêcher de citer un communiqué du 17 janvier 2005 de l'Association des maires ruraux de France, qui réitère son refus de ce qui est proposé. L'Association des maires ruraux de France « entend participer à l'élaboration de solutions - cela figure en gras dans le texte - et non cautionner une opération qui viserait seulement à justifier aux yeux de Bruxelles l'exonération fiscale dont La Poste bénéficie, sans apporter aucun moyen nouveau de financement de la présence postale dans les territoires ruraux. »

M. André Chassaigne. Eh oui !

M. Daniel Paul. L'AMRF poursuit ainsi : « De deux choses l'une, ou La Poste peut avec ses seuls moyens assurer la mission de service public territorial que lui impose la loi, et elle trompe les élus quand elle dit ne pas pouvoir le faire, ou elle ne le peut pas, et il faut bien mettre à sa disposition des financements extérieurs. » L'AMRF, soutenue par 6 200 conseils municipaux, propose donc de créer un fonds dont ce serait l'objet.

Derrière votre texte, monsieur le ministre, pointe également le risque de la fin de l'égalité tarifaire - je n'insisterai pas sur ce point car M. Brottes l'a évoqué tout à l'heure -, avec des risques réels compte tenu que 43 % des recettes liées au courrier pourraient être perdues en 2006.

Derrière votre texte pointe aussi, vous l'avez reconnu, l'ouverture du capital de la filiale bancaire. Pour vous, 100 % du capital est équivalent à 51 %. Pour moi, 100 %, ce n'est pas égal à 51 %. Détenir 100 % du capital d'une filiale, ce n'est pas la même chose que d'en posséder 51 %. Je ne suis même pas favorable à ce que la filiale soit détenue à 100 %. Je suis pour l'intégration totale. La séparation en filiales du groupe La Poste porte en germe le risque du démantèlement de La Poste. On a vu avec vous ce que donnait le fait de n'avoir que la majorité : France Télécom n'est plus une entreprise publique, mais une entreprise privée, dans laquelle le privé est aujourd'hui totalement majoritaire.

Derrière votre texte, il y a aussi le risque que font courir tous ces décrets que vous annoncez, faute d'indiquer dans le texte qui nous est proposé les modalités précises des transformations que vous allez imposer. Vous faites régner le flou le plus complet pour vous permettre de mieux adapter le service public aux exigences libérales.

Derrière votre texte, c'est l'inconnu. Il aurait été nécessaire d'examiner les conséquences de votre projet.

On sait, depuis 1993, ce qu'a donné la libéralisation du secteur postal dans un certain nombre de pays. On ne s'avance donc pas dans l'inconnu. Ce n'est pas la France qui a défriché le chemin. La Suède l'a fait avant nous ; depuis elle en est revenue. L'Allemagne aussi l'a fait avant nous, avec les conséquences que nous connaissons : nombre d'emplois supprimés et de bureaux de postes fermés. Il en ira de même chez nous.

Malgré tout, vous avez décidé de vous engager dans cette voie en toute connaissance de cause. Nous avons, nous une autre conception de l'Europe - je l'ai indiqué hier, lors des explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité défendue par Mme Lebranchu. Pour nous, les services publics doivent être un moteur et non ce qui reste une fois que le privé a rempli son escarcelle. Nous ne voulons pas d'une telle Europe. Lorsque nous disons non à la Constitution européenne, il ne s'agit pas d'un « non » à l'Europe, mais d'un « non » à l'Europe que vous voulez, avec d'autres, construire. Nous refusons cette Europe-là, car nous voulons une autre Europe dans laquelle les services publics occupent une place importante.

Nous voterons donc la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous ne voterons pas la motion de renvoi en commission : je lève donc tout de suite ce suspense insoutenable. (Sourires.)

J'ai écouté François Brottes. Il a raison sur un point important : une transposition peut être différente selon les intentions politiques du législateur.

Mais, ensuite, la démonstration de François Brottes fut laborieuse. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

En son temps, la gauche a voulu enterrer un certain nombre de directives, et elle y est arrivée - le rapporteur de la loi sur l'économie numérique que je fus peut en témoigner - qu'il s'agisse du « paquet Télécom » ou de la directive relative au commerce électronique. C'était l'époque où l'on rêvait d'une grande loi sur la société de l'information ! La gauche est alors parvenue à enterrer un certain nombre de directives avec succès.

En revanche, je constate que, en matière postale, malgré les « combats acharnés menés par Christian Pierret » - comme le remarquait avec un certain lyrisme François Brottes -, vous avez transposé, et non enterré, la directive. Donc assumez vos positions !

De 1997 à 2002, vous avez beaucoup privatisé - vous détenez, je crois, le record des privatisations (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - « Ils ont oublié ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) -...

M. Jean-Marie Geveaux. Ils sont amnésiques !

M. Jean Dionis du Séjour. ...et beaucoup transposé. Lorsque vous avez voulu enterrer, vous y êtes arrivés. Mais, comme par hasard, en matière postale, vous n'avez pas enterré la directive.

Nous ne voterons pas cette motion de renvoi en commission pour deux raisons.

Il y a d'abord urgence à débattre. Nous serons offensifs sur le problème du service rendu aux usagers, notamment en milieu rural et dans les quartiers sensibles. Nous voulons que ce débat se déroule maintenant. Nous n'avons pas envie qu'il soit reporté. Le statu quo n'est donc pas souhaitable.

Vous sacralisez aujourd'hui les bureaux de poste. Mais 3 600 bureaux de poste ne sont ouverts que deux heures par jour ! Et il ne faudrait pas bouger, ne rien faire !


Il est urgent de débattre de l'avenir de La Poste et des postiers. La création de la banque postale est vitale pour eux et pour un nouveau modèle économique.

Hier, Arnaud Montebourg a donné rendez-vous en 2007 : « A bon entendeur salut », a-t-il ajouté.

Votre position est, certes, habile électoralement, mais répond-elle à l'intérêt général ?

M. Pierre Ducout. Oui !

M. Jean Dionis du Séjour. Vous nous traitez d'ultralibéraux, mais ne seriez-vous pas « molletistes », sociaux-libéraux quand vous êtes au gouvernement et sociaux-populistes quand vous êtes dans l'opposition ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste - Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

M. le président. Nous allons maintenant étudier les différents articles et amendements de ce projet de loi. Je signale que sur 14 765 amendements déposés, 14 586 le sont sous la forme d'articles additionnels après l'article 1er, énumérant chacun des points de contact du réseau actuel de La Poste pour spécifier qu'il concourt à l'exécution du service postal universel.

Lors de la Conférence des présidents d'hier, j'ai proposé que ces amendements soient défendus pendant une durée totale d'une heure et demie. Cette suggestion n'ayant pas, semble-t-il, été retenue par les auteurs des amendements en cause, je suis conduit, ainsi que je l'avais également indiqué en Conférence des présidents et en application de l'article 95, alinéa 5 du règlement, à décider la réserve de leur discussion jusqu'après celle des amendements portant articles additionnels après l'article 19.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. le président. Ces amendements dont le caractère législatif ne m'a pas sauté aux yeux, seront réservés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Brottes. On vous expliquera en quoi ils relèvent du domaine législatif !

M. le président. Avant de passer à l'examen des articles du projet de loi, je vous propose de suspendre la séance pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante, sous la présidence de M. Éric Raoult.)

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Ce n'est pas sans surprise que nous avons entendu le président Debré renvoyer l'examen de nos 14 586 amendements à la fin de l'examen de ce projet de loi, ce qui rend, vous le reconnaîtrez avec nous, le travail des parlementaires beaucoup plus difficile. Beaucoup de nos collègues avaient pris des dispositions pour être présents ce soir et demain pour défendre les amendements que nous avons déposés. Ceux-ci ont, certes, un caractère symbolique puisqu'ils concernent tous les points de service de La Poste sur l'ensemble du territoire, mais c'était pour nous l'occasion de prendre le relais, devant la représentation nationale, de la très grande préoccupation de nos concitoyens, notamment des maires et des élus des régions rurales, qui sont particulièrement inquiets de la disparition de ces points de service.

Le dernier congrès des maires, M. le Premier ministre s'en souvient certainement, a marqué un temps fort dans ce mouvement de protestation pour la défense du service public sur le territoire national et en particulier dans les secteurs les plus éloignés et les moins peuplés de notre pays. Nous nous sentions le devoir d'être leurs porte-parole : tel est le sens des 14 586 amendements symboliques que nous avons déposés.

Nous attendions de vraies réponses. Or, à la brillante intervention de François Brottes, le président de la commission des affaires économiques a répondu avec une sorte de sectarisme.

M. Alain Cousin. C'est un expert qui parle !

M. Jean-Marc Ayrault. Il ne faut pas, et je m'adresse aussi bien au Gouvernement qu'à la majorité, prendre la préoccupation des élus à la légère. Vous avez tort de traiter cette question si sensible de cette façon. Vous vous souvenez tous de la « grève » des élus de la Creuse. Le Premier ministre s'est même cru obligé d'aller, sinon les convaincre - sans y parvenir -, du moins se justifier devant eux.

J'émets, monsieur le président, une très vive protestation devant le report de l'examen de ces amendements. Certes, vous ne les avez pas écartés, mais vous créez des conditions de travail qui ne sont pas favorables. Je vous demande donc une suspension de séance pour réunir mon groupe.

M. le président. Les alinéas 4 et 5 de l'article 95 du règlement disposent que la réserve peut toujours être demandée, qu'elle est de droit à la demande du Gouvernement ou de la commission et que, dans les autres cas, le Président décide.

Parmi ces autres cas, il y a celui où la demande émane du Président lui-même qui décide spontanément la réserve, dans l'intérêt de la discussion.

Je rappelle, en effet, que, selon l'article 52, alinéa premier, du règlement, « le Président dirige les délibérations » et « fait appliquer le règlement ». Dans ce cadre, il lui appartient de mettre en œuvre les procédures destinées à assurer le bon déroulement du débat.

Or, la discussion successive de 14 586 amendements largement répétitifs dans leur formulation entre les articles 1er et 2 du projet de loi ne peut que nuire à la continuité de la discussion du texte et à la prévisibilité du moment où ses autres dispositions seront appelées.

Le bon déroulement de notre délibération, dont la responsabilité incombe à la présidence, me paraît donc imposer la réserve de ces amendements jusqu'à la fin de l'examen des articles, faute d'avoir pu en organiser la discussion dans une durée raisonnable et prévisible.

Avant de suspendre la séance, je vous redonne la parole, monsieur Ayrault.


M. Jean-Marc Ayrault
.
Il ne s'agit pas pour moi d'engager un débat mais simplement de compléter vos propos, monsieur le président. Nous ne contestons pas le règlement ni les droits de la présidence. Le président de notre assemblée ne nous a d'ailleurs pas pris par surprise car il a abordé cette question lors de la Conférence des présidents en émettant plusieurs hypothèses quant à l'examen de ces amendements.

Toutefois, je précise, pour éviter tout malentendu, que nous n'avions pas l'intention de défendre l'intégralité des 14 500 amendements - c'est pourquoi je les ai qualifiés de « symboliques » - mais seulement un certain nombre, en particulier avec les députés qui représentent les cantons où sont implantés les points services.

M. Jérôme Lambert. Nous sommes là pour ça !

M. Jean-Marc Ayrault. À cet égard, des députés de la majorité sont aussi susceptibles d'être concernés.

Nous aurions donc pu parfaitement entamer dès maintenant la discussion de cette série d'amendements et faire ensuite le point pour savoir si l'on continuait à les examiner tous. Mais la possibilité de procéder ainsi ne nous a pas été donnée, monsieur le président. C'est pourquoi j'ai besoin de réunir mon groupe pour aviser à la suite de nos travaux.

M. le président. La suspension de séance est de droit. La séance est suspendue pour quinze minutes.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-neuf heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, compte tenu de l'heure et de l'importance du débat, je me demande s'il est bien sérieux de commencer la discussion des articles maintenant, alors qu'il est prévu de lever la séance à dix-neuf heures trente. (« C'est de l'obstruction ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C'est pourquoi je vous prie, au nom de la commission, de lever la séance, monsieur le président, pour reprendre le débat ce soir dans de bonnes conditions.

M. Augustin Bonrepaux et M. Jérôme Lambert. Vous justifiez ainsi notre motion de renvoi en commission ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous saurons alors quelle décision a prise le groupe socialiste au cours de la réunion qui a motivé sa demande de suspension de séance.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Surprise, surprise !

M. Jean-Louis Dumont. Où est la majorité ?

M. le président. Si le groupe socialiste avait demandé une suspension de séance de trente minutes - ce qu'il aurait pu très bien faire -, la séance aurait repris à dix-neuf heures quinze. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) J'accède donc à votre demande, monsieur le président de la commission, afin que chaque groupe puisse se réunir. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SĖANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 1384, relatif à la régulation des activités postales :

Rapport, n° 1988, de M. Jean Proriol au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures dix.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot