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Deuxième séance du lundi 7 février 2005

139e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à M. Gaétan Gorce, pour un rappel au règlement.

M. Gaëtan Gorce. Merci, monsieur le président, de me donner la parole pour un rappel au règlement. Il me revient en effet la tâche difficile mais nécessaire d'essayer d'obtenir du Gouvernement une réponse à la question que nous lui posons depuis le début de ce débat. C'est important pour la suite de notre discussion parce que cela a une incidence directe sur l'examen des articles qui n'ont pas encore été adoptés, grâce à l'opposition qui a bataillé la semaine dernière.

Comment le Gouvernement entend-il répondre à la demande que lui ont adressée l'ensemble des organisations syndicales à l'issue des manifestations de samedi d'ouvrir les négociations qui n'ont pas eu lieu avant l'examen de ce texte, lequel n'a d'ailleurs fait l'objet d'aucune concertation avec les partenaires sociaux ? Le secrétaire général de la CFDT notamment a posé des conditions qui paraissent parfaitement raisonnables : ne pas contourner la négociation sociale, ne pas remettre en cause des dispositions qui n'ont rien à voir avec les 35 heures, favoriser la négociation dans les petites entreprises. Elles n'ont reçu aucune réponse de la part du Gouvernement. J'aimerais que M. Larcher, dont la connaissance du sujet est évidente, puisse nous dire aujourd'hui ce qu'il entend faire. On nous parle de dialogue social. Le Gouvernement a-t-il l'intention de répondre à cette demande ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre délégué aux relations du travail, si nous ne voulons pas que notre assemblée ressemble à un théâtre d'ombres, il faut que nos débats soient en phase avec la réalité du pays. Depuis près de trois ans que vous êtes aux affaires - et je vous assure que nous ne sommes pas les seuls à trouver le temps long, nos compatriotes aussi le trouvent de plus en plus long -, il se passe des choses. Vous avez fait voter la loi sur les retraites, la loi sur la sécurité sociale, dont les effets atteignent même le Gouvernement.

M. le président. Monsieur Brard, je croyais que vous vouliez faire un rappel au règlement !

M. Jean-Pierre Brard. Vous allez voir où je veux atterrir, mais je vous remercie de m'avoir interrompu parce que cela va solliciter davantage l'attention du ministre.

Les effets de la réforme de la sécurité sociale se font déjà sentir sur les membres du Gouvernement. La preuve, c'est qu'ils n'ont pas les moyens de s'appareiller pour entendre le mouvement social !

L'année dernière, monsieur le ministre, vous avez pris un coup de pied aux fesses (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. Pierre Lellouche. On ne parle pas comme ça dans l'hémicycle !

M. Jean-Pierre Brard. ... à l'occasion des élections du mois de mars. Samedi, vous avez reçu un très fort avertissement.

M. Patrick Braouezec. Carton jaune !

M. Jean-Pierre Brard. Voulez-vous que le pays continue à s'enfoncer dans la crise et la morosité ou allez-vous enfin entendre ? Cela concerne directement le déroulement de nos débats, monsieur le président. Cet autisme est destructeur pour la cohésion sociale. Évidemment, monsieur le ministre, selon que vous entendrez ou pas, nous nous comporterons différemment.

M. le président. Mes chers collègues, je donne encore la parole à M. Le Garrec pour un rappel au règlement, mais je souhaite que nous puissions ensuite poursuivre nos travaux. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - « Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Le Garrec. Monsieur le président, vous connaissez mon souci de la rigueur et vous savez quel respect j'ai pour le débat, qui est d'ailleurs de grande qualité. C'est la raison pour laquelle je voudrais corriger une erreur que j'ai commise.

M. Hervé Novelli. Quel aveu !

M. Jean Le Garrec. J'ai parlé de l'honorable parlementaire Lestiboudois. Je me suis aperçu après vérification qu'il ne s'appelait pas Népomucène mais Thémistocle, et qu'il n'était pas filateur à Elbeuf mais biologiste. Je pense que, pour le Journal officiel, il était important de le préciser.

M. Jean-Pierre Gorges. Si pour le reste, c'est la même chose...

M. Patrick Ollier. À qui se fier ?

M. Jean Le Garrec. Cet après-midi, M. Soisson a fait une intervention clé sur la nécessaire individualisation des rapports entre le salarié et le chef d'entreprise.

Notre rapporteur, dont je ne mets pas en doute la compétence,...

M. Pierre Morange, rapporteur. Merci !

M. Jean Le Garrec. ...parle bien mais parle vite, et moi, j'ai un peu l'esprit d'escalier, comme Rousseau, dirais-je, tout en restant modeste, vous vous en doutez.

M. Jean-Pierre Brard. J'espère ! N'est pas Jean-Jacques qui veut !

M. Jean Le Garrec. Il a fait référence à l'article 212-15-3 du code du travail.

M. le président. Monsieur Le Garrec, brièvement, s'il vous plaît !

M. Jean Le Garrec. Je termine, monsieur le président, mais c'est important.

Or cet article concerne les cadres et organise le régime de fixation de leur durée de travail par des conventions individuelles de forfait. Enfin, il évoque la nécessité d'un accord collectif ou d'un accord de branche étendu.

M. Patrick Ollier. M. le Garrec entre dans le détail. Ça n'a rien à voir avec le règlement !

M. Jean Le Garrec. Je vous fais remarquer au passage, monsieur Soisson, que la référence à l'accord de branche étendu, qui figurait dans l'article en première phase, a disparu. Or c'était une garantie pour les salariés puisque ça nécessitait un passage devant la commission nationale des conventions collectives et une approbation du ministre.

M. Jean-Pierre Soisson. On a déjà eu ce débat !

M. Jean Le Garrec. Je pense, monsieur le rapporteur, que vous avez interprété de façon excessive cet article du code du travail, et qu'il serait utile que vous vous vous expliquiez plus longuement sur ce point.

    2

RÉFORME DE L'ORGANISATION
DU TEMPS DE TRAVAIL DANS L'ENTREPRISE

Suite de la discussion d'une proposition de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise (nos 2030, 2040).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 87 à l'article 3.

Article 3 (suite)

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin, pour défendre l'amendement n° 87.

M. Hervé Morin. C'est un amendement extrêmement important, monsieur le ministre délégué aux relations du travail, dans la mesure où il met fin à une injustice que j'ai déjà signalée lors des débats en commission.

Le parti socialiste, lors des lois Aubry, a introduit cette injustice, que le parti communiste avait d'ailleurs combattue à l'époque, entre les salariés des entreprises de moins de vingt salariés et ceux des entreprises de plus de vingt salariés. Dans les entreprises de moins de vingt salariés, en effet, les salariés ont un niveau de bonification pour les heures supplémentaires nettement inférieur à celui qui prévaut dans les entreprises de plus de vingt salariés. Comme, en général, ils ne bénéficient pas des avantages liés à l'existence d'un comité d'entreprise ou d'avantages complémentaires au salaire comme un régime de prévoyance, la prorogation jusqu'en 2008 de ce régime dérogatoire nous semble une injustice qui ne motive pas celles et ceux qui ont envie de faire des heures supplémentaires.


Nous souhaitons que le Gouvernement réfléchisse aux moyens de mettre fin à cette injustice, d'autant que ce sont les petites entreprises - je pense aux menuisiers, aux maçons, aux ébénistes, aux plombiers - qui ont le plus besoin de faire effectuer des heures supplémentaires. Pour cela, il faut un régime d'heures supplémentaires motivant.

Proroger le niveau d'heures supplémentaires de 10 % jusqu'en 2008 nuit de toute évidence à la production et à la création de valeur ajoutée et de richesse.

La question de fond est de savoir si les 35 heures empêchent la France de produire davantage. Je ne suis pas convaincu, comme j'ai eu l'occasion de le dire à de nombreuses reprises, que les dispositifs prévus à l'article 1er et à l'article 2 de la proposition de loi soient à même de répondre à cette question : le compte épargne temps est peu utilisé, il est soumis à des accords sur lesquels ni les entreprises, ni les syndicats de salariés n'auront envie de revenir. Le régime des heures choisies correspond peu à la pratique des heures supplémentaires.

Avec cet amendement, nous revenons à un dispositif que nous avons eu l'occasion de défendre à de nombreuses reprises et qui aurait simplifié définitivement la question des 35 heures. Notre proposition est exactement celle de François Bayrou lors de la campagne présidentielle...

Monsieur le président, je vois que vous m'invitez du geste à conclure, mais c'est amendement est important.

M. le président. Ce n'est pas parce qu'il est important que vous disposez de davantage de temps pour le défendre. Concentrez vos idées dans le temps imparti par le règlement.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous pouvons aussi en discuter pendant une suspension de séance !

M. Hervé Morin. Monsieur le président, nous pouvons faire durer les débats...

M. le président. Je vous ai simplement fait un signe aimable.

M. Hervé Morin. Monsieur le président, jusqu'à présent, nous n'avons pas abusé de notre temps de parole.

M. Jean-Paul Charié. Vous n'étiez pas là !

M. Hervé Morin. Contrairement au groupe socialiste, nous ne défendons pas d'amendements superfétatoires.

M. le président. Venez-en au fond : ne perdons pas de temps !

M. Hervé Morin. Comme en 2002, nous défendons le maintien de la durée légale à 35 heures, avec majoration de 25 % des heures supplémentaires de la trente-cinquième à la trente-neuvième heure, pour tous les salariés, quelle que soit la taille de l'entreprise, afin que le travail soit récompensé et que celles et ceux qui ont envie d'augmenter leur pouvoir d'achat le puissent, et suggérons une réduction à due proportion des cotisations sociales de façon que cela ne coûte pas plus cher à l'entreprise.

Nous aurions donc un système équilibré qui mettrait fin à l'inégalité entre entreprises de moins et de plus de vingt salariés.

Vous allez me répondre, monsieur le ministre, qu'un tel dispositif coûterait cher en cotisations sociales. Mais plutôt que de distribuer des milliards d'euros aux grands groupes en réduction de cotisations sociales, si l'on veut vraiment créer des emplois et de la richesse, c'est avant tout les petites entreprises qu'il faut aider. Le dispositif que nous vous proposons permet d'encourager le travail dans les petites entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 87.

M. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 87, qui revient sur les mesures préconisées à l'article 3. Il est important de préciser que le système de majoration des heures supplémentaires qu'il institue par le biais d'une nouvelle exonération de cotisations sociales paraît malaisé à réaliser et ce pour deux raisons.

En effet, comme vous l'avez évoqué, ce dispositif coûterait au moins plusieurs centaines de millions d'euros.

M. Hervé Morin. Ce n'est pas grand-chose !

M. Pierre Morange, rapporteur. C'est un élément qu'il importe de prendre en compte, ne serait-ce que pour l'équilibre des régimes sociaux et de la dette publique, pour laquelle vous réclamez à juste titre qu'il n'y ait aucun dérapage.

De surcroît, le dispositif que vous prônez s'étend à toutes les heures supplémentaires, quelle que soit la taille de l'entreprise. Son périmètre est donc particulièrement vaste puisqu'il concerne tous les salariés et pas seulement ceux des entreprises de moins vingt salariés.

En outre, ce système serait complexe à mettre en œuvre. Certains salariés n'étant pas soumis à un décompte horaire, mais forfaitaire, de leur temps de travail, il risquerait d'y avoir une différence de traitement entre les salariés. La mise en place d'un tel mécanisme nécessiterait certaines adaptations.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail, pour donner l'avis du Gouvernement sur amendement n° 87.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Monsieur Morin, j'ai eu l'occasion, en fin d'après-midi, répondant aux amendements de suppression de l'article 3, de rappeler que le Gouvernement n'était pas, par principe, favorable à une différenciation des règles applicables en matière de droit du travail selon la taille de l'entreprise. C'est d'ailleurs pourquoi a été prévue une date butoir pour le régime transitoire actuel.

Vous proposez une solution alternative à la prolongation du régime transitoire pour les TPE. Vous avez raison de dire que l'essentiel des emplois se crée aujourd'hui dans les petites et les moyennes entreprises. Le Gouvernement est en accord avec la proposition de loi, dont le principal objectif est de se tourner vers les petites et moyennes entreprises. Cette réalité se retrouve dans un certain nombre de dispositions de la loi Aubry, qui avait d'abord été utilisée par les grandes entreprises et elles seules.

Je partage volontiers vos préoccupations, mais votre proposition ne coûterait pas moins de 500 millions d'euros pour les entreprises de vingt salariés et moins et, en introduisant une différence de traitement des cotisations sociales entre grandes et petites entreprises, irait à l'encontre du mouvement de simplification des dispositifs d'exonération de charges recherché par la loi Fillon, qui a notamment déconnecté les allégements de charges de la durée du travail.

Enfin, nous souhaitons faire de cette période transitoire un levier pour le dialogue social, en permettant aux partenaires sociaux de négocier non seulement le régime d'heures supplémentaires, mais aussi les modes d'organisation du travail, les clauses salariales et d'autres éléments des rapports sociaux à l'intérieur de l'entreprise. Le dialogue social ne s'est jamais limité au niveau de rémunération des heures supplémentaires. Avec votre amendement, nous préempterions en quelque sorte la négociation, ce qui n'est pas dans la logique du texte.

C'est la raison pour laquelle nous souhaiterions le retrait de cet amendement, tout en reconnaissant l'opportunité d'une réflexion sur le ciblage de ces exonérations. Cela peut faire l'objet d'une réflexion à l'occasion de la préparation budgétaire, mais il ne nous semble pas que ce soit le moment d'un tel débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Cet amendement permet de prolonger un débat extrêmement intéressant ; à chacun de se positionner. Il en sera tenu compte...

M. Jean-Pierre Brard. Au jour du jugement dernier !

M. Alain Vidalies. Je vous laisse vos références.

La question de fond n'est pas le débat qui vient de s'ouvrir entre le Gouvernement et le groupe UDF. Elle est de savoir qui, pour la première fois dans l'histoire de notre droit social, serait favorable, dans cet hémicycle, au fait de déroger individuellement aux dispositions légales ou conventionnelles. Or j'observe que l'UDF s'inscrit dans cette démarche.

M. Hervé Novelli. Non !

M. Alain Vidalies. Le cadre est exactement le même si les modalités ne le sont pas. L'UDF est aujourd'hui d'accord avec l'UMP sur cette évolution et nous sommes tous d'accord pour reconnaître que ce n'est pas étonnant.

À la question de savoir qui est d'accord pour emprunter les concepts du droit social anglo-saxon, vous avez déjà répondu, et l'UDF est prête à s'inscrire dans cette démarche.

De la même manière, à la fin du premier paragraphe de l'amendement, lorsque vous proposez des mesures dérogatoires, il s'agit d'heures supplémentaires qui ne s'imputent pas sur le contingent légal ou conventionnel. Ce sont des systèmes dérogatoires qui élargissent encore le champ d'application des 220 heures que vous avez modifiées par décret juste avant l'ouverture de ce débat. Et - c'est la cerise sur le gâteau ! - vous expliquez, sous couvert d'argument social, qu'il faut majorer la rémunération des heures supplémentaires - ce que ne faisait pas l'UMP dans sa rédaction d'origine - en mettant cela à la charge de la collectivité. Cela coûtera un peu cher, mais ce sera à l'État de payer !

Sous couvert d'une approche prétendument sociale, vous vous coulez, ni plus, ni moins, dans le moule ultra-libéral que M. Novelli, assume, lui, avec courage. Ses partenaires de l'UMP, quant à eux, font preuve, me semble-t-il, de beaucoup moins d'enthousiasme.

Cet amendement me paraît suffisamment important pour que le groupe socialiste demande un scrutin public

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 87, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, vous venez de nous dire que le Gouvernement n'était pas favorable aux différences de traitement. Je vous connais assez pour savoir que vous n'êtes pas sujet aux trous de mémoire. Rappelez-vous la dernière loi de finances, où ont été votés 7 milliards d'euros d'augmentations d'impôts pour les plus modestes et 6 milliards de baisse pour les plus riches. N'est-ce pas une différence de traitement ?

M. Jean-Pierre Gorges. C'est faux !

M. Jean-Pierre Brard. Quant à vous, monsieur Morin, je vous adresserai une remarque de forme et une remarque de fond.

Sur la forme, vous vous opposez désormais aux grands groupes, au grand capital, comme nous aurions dit dans le passé. Pourquoi ? C'est qu'en réalité, avec votre groupe, vous ramez comme des galériens pour faire croire que vous avez une alternative à proposer à l'UMP. Mais, comme le disait à l'instant M. Vidalies, M. Novelli, lui au moins, assume avec courage ses positions - avec témérité et inconscience, dirai-je. Elles vont si loin que les Français commencent à voir combien elles sont dangereuses.

M. Morin, allant certainement plus loin que ce qu'il voulait dire, a fait référence à François Bayrou, non pas à son esprit, mais à ses ambitions présidentielles. Certes, il évoquait la dernière campagne. Mais ses intentions pour la prochaine sont un secret de Polichinelle.

J'en viens à l'amendement lui-même. Vous pensez qu'il n'y a pas suffisamment d'heures supplémentaires. Or chacun sait que plus on autorise le volume des heures supplémentaires, moins il y a d'embauches et plus on favorise le développement du chômage.


Je me rappelle la position soutenue par l'UDF. La semaine dernière, lors de l'examen d'un amendement que nous proposions pour empêcher le licenciement des salariés qui refusent les heures supplémentaires, votre défense, monsieur le ministre, était très embarrassée, mais on remarquait surtout l'absence totale de l'UDF. Quand il s'agit de protéger les salariés, l'UDF, malgré des circonlocutions destinées à amuser la galerie, ne dit rien. Mais quand il s'agit de charger encore le baudet, l'UDF en rajoute, tout en jouant le Saint-Bernard qui vient au secours des PME.

Le discours de notre collègue Hervé Morin...

M. Philippe Folliot. Très bon discours !

M. Jean-Pierre Brard. ...était tout à fait intéressant, dans un registre parfaitement paternaliste. En effet, M. Morin ne parlait pas de rémunération des salariés, mais de « récompense ». Cela me fait penser aux dauphins que j'ai vus l'été dernier, à qui on donne du poisson pour les encourager - les récompenser ! - lorsqu'ils se sont donnés en spectacle. Voilà donc ce que propose notre collègue Morin : récompenser les salariés qui accepteraient d'entamer davantage leurs droits, les sacrifiant sur l'autel du profit, même dans les petites entreprises.

M. Hervé Morin. Quelle image !

M. Michel Piron. Puisque vous parlez du baudet, ce serait plutôt la carotte que le poisson !

M. Jean-Pierre Brard. Il y a certes la carotte, monsieur Piron, mais on sait bien que la trique n'est jamais loin !

M. Patrick Ollier. C'est un souvenir du stalinisme ?

M. Jean-Pierre Brard. Rappelez-vous l'histoire de notre pays : quand on est passé de l'écartèlement à la guillotine, il s'agissait d'un progrès, car la souffrance était moindre ; mais le résultat était le même. Notre collègue Morin nous propose la même chose pour le droit du travail : le résultat sera pire, mais avec un peu de pommade autour, pour que la douleur ne soit pas trop grande.

M. Pierre Lellouche. C'est son côté démocrate-chrétien : on ne se refait pas !

M. Jean-Pierre Brard. Nous ne pouvons donc pas soutenir l'amendement de nos collègues de l'UDF et il est important de démasquer ce qu'il signifie au fond.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Nous assumons une idée que, depuis 2002, nous demandons au Gouvernement d'avoir le courage de considérer : les 35 heures sont une erreur historique pour notre pays. (Approbations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous considérons qu'il est du rôle du législateur et de la représentation nationale de remettre en cause un système qui interdit à nos concitoyens d'être mieux rémunérés en les faisant travailler moins que les autres pays occidentaux, à niveau de développement équivalent.

M. Pierre Lellouche. Tout à fait !

M. Hervé Morin. Nous assumons l'idée qu'on ne peut travailler moins de 1 600 heures par an dans notre pays, alors qu'on travaille 1 800 à 1 900 heures dans l'ensemble des pays occidentaux. Nous regrettons que le Gouvernement n'ait pas eu le courage de le dire et que nous devions avoir ce débat qui donne à certains de nos compatriotes l'impression qu'on est en train de remettre en cause les 35 heures, alors qu'en réalité, ce n'est pas le cas ; il suffit de lire un article paru ce week-end, dans lequel des responsables des ressources humaines de plusieurs entreprises déclaraient que le compte épargne-temps ne changerait pas grand-chose, pour se convaincre que ce n'est pas ce qui permettra au pays de produire plus.

Nous assumons sans hésiter l'idée que notre pays doit travailler plus s'il veut créer plus de valeur ajoutée, développer des régimes de solidarité et permettre à nos compatriotes de mieux gagner leur vie. Nous n'avons aucun souci à cet égard.

M. Jean-Pierre Brard. Et aucun scrupule !

M. Hervé Morin. Nous n'hésitons pas à dire qu'un salarié doit être traité de la même manière dans une entreprise de moins et de plus de vingt salariés.

M. Philippe Folliot. C'est la justice !

M. Hervé Morin. Nous n'hésitons pas à dire que les lois Aubry ont consacré 6 milliards d'euros de cotisations sociales, payées par le contribuable, pour payer le non-travail et le loisir. Nous n'hésitons pas à dire que les 35 heures ont coûté entre 15 et 20 milliards d'euros par an au pays, en comptant l'ensemble de leur coût pour les collectivités locales, et que cet argent aurait pu être consacré à bien d'autres choses - aux universités, à la recherche, à la préparation de l'avenir ou à des politiques sociales comme celle du handicap.

J'assume donc l'idée que les 35 heures sont une erreur historique pour le pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Que le Parlement se saisisse de la question : celles et ceux qui veulent continuer à travailler 35 heures doivent certes pouvoir le faire, mais notre pays doit aussi pouvoir continuer à produire.

M. Jean-Jacques Guillet. Bravo !

M. Hervé Morin. Ce n'est pas comme ça qu'il pourra progresser et cesser d'être le dernier pays européen en termes de taux de chômage et de taux d'activité des moins de vingt-cinq ans et des plus de cinquante ans.

Comment, enfin, M. Brard peut-il dire que les heures supplémentaires sont un facteur de chômage supplémentaire, comme si les hommes étaient interchangeables ? Quand un maçon est en train de monter un mur de silex et qu'il a travaillé trente-cinq heures dans la semaine, on ne peut pas le remplacer pour quatre heures par n'importe quel autre salarié, car il a une compétence et un savoir-faire. L'idée que tous les hommes sont tous interchangeables est une idée folle, que seule les marxistes peuvent avoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) - Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Les compétences des uns et des autres sont différentes, et on ne remplace pas indéfiniment les hommes par d'autres hommes, à moins de considérer que nous sommes tous les mêmes. Pour reprendre un propos philosophique : puisqu'ils sont tous les mêmes, ils ne valent rien !

M. Patrick Braouezec. N'importe quoi !

M. Hervé Morin. Nous aurions aimé que, depuis 2002, le Gouvernement assume aussi cette position. En 2002, en effet, nous avons tous fait campagne contre les 35 heures.

M. Jean-Jacques Guillet. C'est pour ça que nous avons gagné !

M. Hervé Morin. Nous avons tenu des centaines de réunions, et jamais aucun de nos électeurs ne s'est dit satisfait des 35 heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Pierre Brard. Ça fait longtemps que M. Morin n'a pas tenu une truelle !

M. Hervé Morin. Je l'ai fait plus longtemps que vous ! J'ai travaillé dans une entreprise de maçonnerie.

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, dernier intervenant sur l'amendement n° 87.

M. Hervé Novelli. Hervé Morin a tout à fait raison : nous avons toujours pensé que les 35 heures sont une erreur historique.

M. Alain Vidalies. Alors, il fallait les supprimer !

M. Hervé Novelli. En effet, la réduction du temps de travail n'est justifiée que par les progrès de productivité d'une économie, et vouloir violer les lois de l'économie est toujours une erreur.

M. Alain Vidalies. Mais vous n'osez pas supprimer les 35 heures !

M. Hervé Novelli. Au-delà du jugement concordant de la mission d'information présidée par Patrick Ollier, l'amendement déposé par Hervé Morin a encore le mérite de montrer que la division entre entreprises de plus et de moins de vingt salariés, révélée dans le rapport, n'est pas bonne. C'est du reste la raison pour laquelle nous avions proposé, dans ce rapport, qu'un tel système puisse être mis en œuvre. Mais nous l'avons chiffré, et M. le ministre a eu raison de révéler le prix de l'allègement destiné à permettre de payer les heures supplémentaires des salariés des entreprises employant moins de vingt personnes comme celles des salariés des grandes entreprises ou des entreprises employant plus de vingt personnes, à 125 % du salaire de base : 500 millions d'euros.

M. Hervé Morin. Et alors ? Vous avez bien trouvé un milliard pour les restaurateurs !

M. Jean Le Garrec. Eh oui ! Un milliard pour les restaurateurs !

M. Hervé Novelli. Quand on connaît les déficits de notre pays, il faut savoir raison garder ! Nous avons tenu, par esprit de responsabilité, à chiffrer le coût de cette mesure. Sachant que le coût brut des 35 heures sera de 15 milliards d'euros en 2005, il me semble qu'il faut laisser la parole au Gouvernement. Or celui-ci exclut de consacrer 500 millions d'euros à la mesure que vous proposez, compte tenu de la dégradation des finances de notre pays, où le coût des 35 heures représente un point de PIB. Je comprends donc le sens de votre amendement, monsieur Morin, mais je souhaiterais que vous le retiriez. À défaut, le groupe UMP ne pourrait pas le voter.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais mettre aux voix l'amendement n° 87.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 70

                    Nombre de suffrages exprimés 70

                    Majorité absolue 36

        Pour l'adoption 8

        Contre 62

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement - un vrai, cette fois-ci, j'espère.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, le respect que j'ai pour la présidence, et tout particulièrement lorsque c'est vous qui l'exercez, m'interdit de détourner le règlement. Je tiens au contraire à ce qu'il soit mieux observé.

M. le président. Monsieur Gorce, sur quel article vous fondez-vous ?

M. Gaëtan Gorce. L'article 58, 1er alinéa, monsieur le président.

Le Gouvernement n'ayant pas répondu à la question que j'ai posée tout à l'heure pour savoir s'il avait l'intention de donner suite à la demande exprimée fortement ce week-end par les partenaires sociaux, peut-être les auteurs du texte, dont plusieurs sont présents dans l'hémicycle - au premier chef desquels le rapporteur -, et qui pourraient se sentir une certaine responsabilité, voudraient-ils répondre.

M. Jean-Jacques Guillet. Ce n'est pas un rappel au règlement !

M. Gaëtan Gorce. Je demande donc à M. Morange, à M. Novelli ou à M. Ollier, voire à M. Dubernard, s'il est là : êtes-vous prêts, dans l'esprit de dialogue social dont vous vous prétendez animés, à suspendre ce débat pour ouvrir avec les syndicats une discussion que tous réclament et à propos de laquelle je n'ai toujours pas eu de réponse.

M. Hervé Novelli. C'est le Parlement qui légifère !

M. Gaëtan Gorce. Si vous voulez dire non aux partenaires sociaux, dites-le clairement, et dites-le maintenant, sans laisser le Gouvernement parler à votre place, puisque ce texte est le vôtre !

M. le président. Monsieur Gorce, je vais procéder, à titre pédagogique, à la lecture des 1er et 2e alinéas de l'article 58 du règlement de l'Assemblée nationale : « Les rappels au règlement et les demandes touchant au déroulement de la séance ont toujours priorité sur la question principale ; ils en suspendent la discussion. La parole est accordée à tout député qui la demande à cet effet soit sur-le-champ, soit, si un orateur a la parole, à la fin de son intervention.

« Si, manifestement, son intervention n'a aucun rapport avec le règlement ou le déroulement de la séance, (« C'est le cas ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ou si elle tend à remettre en question l'ordre du jour fixé, le président lui retire la parole. » Ayant eu, monsieur Gorce, le privilège de vous écouter au cours de plusieurs séances, je constate que, comme vos précédents rappels au règlement, celui-ci répond à ces trois critères.

M. Jean-Pierre Brard. C'est une interprétation !

M. le président. Il conviendrait donc, en vous appuyant sur l'article du règlement que vous invoquez, de vous pénétrer aussi de son esprit.

Je suis saisi d'un amendement n° 64.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.

M. Gaëtan Gorce. Je n'ai fait ce rappel au règlement, à l'intention du Gouvernement et du rapporteur, que parce que c'est nécessaire à la clarté de nos débats. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je regrette que certains se permettent de porter des jugements de valeur.

M. Jean-Marie Le Guen. Voilà comment ils interprètent les propos du président : de façon partisane !

M. Hervé Novelli. Monsieur Le Guen, nous ne sommes pas au théâtre !

M. Patrick Ollier. Vous avez bien fait de venir ce soir, monsieur Le Guen, pour la première fois dans ce débat !

M. Gaëtan Gorce. Le rappel au règlement que j'ai fait cherche à éclairer un point politique très important : comment le Gouvernement et la majorité - et notamment les auteurs de ce texte, qui disent qu'ils ne sont pas des faux-nez -...

M. Jean-Pierre Brard. Ce ne sont pas des faux-nez : ce sont des faux-culs !

M. Gaëtan Gorce. ...entendent-ils répondre aux partenaires sociaux ? La question n'est pas sans conséquences.

M. le président. Veuillez maintenant soutenir l'amendement n° 64.

M. Gaëtan Gorce. Cet amendement vient précisément en discussion parce que nous n'avons pas de réponse du Gouvernement et de la majorité. Comme beaucoup de nos collègues, je suis très inquiet de la conception qu'a la majorité de la concertation et du dialogue social. Des centaines de milliers de gens défilent, une ouverture est faite à la discussion, et vous n'en tirez aucune conséquence. Vous voulez passer, faire voter ce texte, dont vous discutez d'ailleurs tantôt l'impartialité, tantôt l'efficacité, et le petit débat auquel nous venons d'assister était à cet égard très intéressant. Mais, sur le fond, si les partenaires sociaux sont unanimes pour contester vos propositions, c'est parce qu'elles auront pour conséquence de pérenniser un dispositif de discrimination - qu'on ne peut pas dire positive - entre les salariés, selon qu'ils appartiennent à une petite ou à une grande entreprise.


Le dispositif consistant à calculer de manière différente la rémunération des heures supplémentaires pour les petites entreprises et pour les grandes ou à modifier le seuil d'imputation du contingent n'avait été imaginé, entre 2000 et 2002 - date à laquelle il devait prendre fin -, que pour permettre la transition et laisser aux petites entreprises le temps de s'adapter à la nouvelle législation par la négociation, en fonction de leur situation particulière.

Mais aujourd'hui, après avoir prolongé le délai une première, puis une deuxième fois, vous proposez en fait d'installer définitivement cette discrimination. Un amendement laisse d'ailleurs penser que c'est ainsi que les choses se passeront pour la rémunération des heures supplémentaires.

C'est socialement très grave, car on sait bien que c'est dans les petites entreprises que les problèmes sociaux se posent de la manière la plus vive, que, bien souvent, les conditions de travail sont les plus délicates et que les garanties collectives font le plus défaut. Or vous proposez d'installer définitivement un système à deux vitesses.

M. Jean-Pierre Soisson. Mais non !

M. Gaëtan Gorce. Considérez pourtant les chiffres de l'application des 35 heures, monsieur Soisson : aujourd'hui les deux tiers ou les trois quarts des salariés, selon les références que l'on adopte, sont passés à 35 heures. Mais si la proportion atteint 70 ou 80 % dans les grandes entreprises, elle n'est que d'un sur cinq ou un sur quatre dans les entreprises de moins de vingt salariés.

En prolongeant comme vous le préconisez le dispositif relatif aux heures supplémentaires et en minorant le taux de leur rémunération, vous encouragez ces entreprises à ne jamais passer aux 35 heures. Assumez-le ! Dites aux 6 millions de salariés que vous prétendez défendre qu'ils n'auront pas droit aux 35 heures, car coexisteront deux législations de la durée du travail, l'une pour les grandes entreprises...

M. Hervé Novelli. Il n'y a rien de tout cela dans l'article 3, qui fixe la fin du dispositif au 31 décembre 2008.

M. Gaëtan Gorce. C'est pourtant incontestable, monsieur Novelli. C'est la situation que vous instaurez.

M. Hervé Novelli. Cette situation, c'est vous qui l'avez créée !

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, je suis sans cesse interrompu par M. Novelli ! Il n'arrive pas à attendre son tour pour prendre la parole.

M. le président. Poursuivez, monsieur Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Je comprends que mes arguments puissent vous gêner, monsieur Novelli. Dans le système que vous êtes en train de mettre en place, vous encouragez les entreprises de moins de vingt salariés qui ne sont pas passées aux 35 heures, c'est-à-dire les trois quarts, à continuer sur leur lancée. En plus de conséquences sociales considérables, cela aura des incidences juridiques sur lesquelles je reviendrai.

Peut-être rencontrez-vous beaucoup de chefs d'entreprise qui vous disent que les 35 heures sont insupportables, mais nous, nous rencontrons beaucoup de salariés qui ne comprennent pas l'injustice qui leur est faite et nous demandent pourquoi ils ne peuvent pas bénéficier des mêmes droits que ceux qui appartiennent à des entreprises plus importantes.

M. Hervé Morin. C'est sans doute pour cette raison que vous avez institué ce double régime !

M. Hervé Novelli. Très juste ! C'est vous qui avez introduit cette injustice, monsieur Gorce !

M. Gaëtan Gorce. Je sais bien que M. Morin, emporté par son enthousiasme anti-35 heures, trouve que vous n'en faites pas assez, monsieur Novelli. Mais l'injustice est déjà considérable !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Permettez-moi seulement d'aller au bout de mon argumentation. Nous sommes là sur un point important.

M. le président. Tout est important : c'est pourquoi il faut respecter les temps de parole ; et vous avez dépassé le vôtre.

M. Gaëtan Gorce. Je conclus.

Par cette proposition de loi, la majorité établit, consacre, formalise, institutionnalise une injustice : les employés des entreprises de moins de vingt salariés ne bénéficieront pas des mêmes droits que ceux des grandes entreprises. Je le répète : c'est extrêmement grave, tant sur le plan social que sur le plan juridique. Nous ne pouvons donc l'accepter.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 64 ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable, pour des raisons identiques à celles qui ont été développées lors de l'examen des amendements visant à supprimer l'article 3.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Il partage l'avis de la commission.

Mais puisque l'on m'a interrogé à plusieurs reprises sur les intentions du Gouvernement, permettez-moi de rappeler les propos du Premier ministre ce matin... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bruno Le Roux. C'est une provocation ! Depuis ce matin, nous demandons qu'il vienne s'expliquer ici ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Mansour Kamardine. Ce n'est pas une provocation, c'est une excellente référence !

M. Patrick Ollier. Le Premier ministre n'est pas aux ordres du groupe socialiste !

M. Hervé Novelli. Ce n'est pas votre domestique !

M. le président. Laissez M. le ministre s'exprimer, monsieur Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Nous n'avons cessé de rappeler ce qu'a dit le Premier ministre !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Nous sommes en démocratie, monsieur Le Roux. Je ne méprise évidemment pas les manifestations, mais ce sont l'Assemblée nationale et le Sénat qui votent la loi. Par conséquent, le débat se poursuit selon le calendrier prévu. (M. Le Roux proteste.)

M. le président. Ne m'obligez pas à vous rappeler à l'ordre, monsieur Le Roux !

M. Bruno Le Roux. Dans ce cas, que l'on cesse de nous provoquer !

M. Gaëtan Gorce. Le Gouvernement ne répond pas !

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Étant de ceux qui ont participé à la discussion depuis le début, je constate que celle-ci prend un tour quelque peu étonnant. La semaine dernière, nos échanges se sont souvent révélés très pointus et très intéressants. Mais comme d'habitude, hélas ! ce n'est pas la teneur de notre débat qui a été rapportée à l'extérieur. Si tel avait été le cas, je suis persuadé que la manifestation de samedi aurait réuni trois fois plus de monde, car on aurait vraiment compris le sens de ce texte ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Très juste !

M. Hervé Morin. Tu parles !

M. Michel Piron. Quelle modestie, monsieur Le Bouillonnec !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous avions tous compris, vendredi matin à 6 heures 30, que rendez-vous était pris pour après la manifestation. Nous avons entendu le Premier ministre invoquer le débat parlementaire, au mépris, diront certains, de ce qui s'est passé samedi après-midi : nous attendions donc qu'il vienne s'exprimer devant nous. S'il considère que le temps est au débat parlementaire, il appartient bien au chef du Gouvernement de venir parler du texte.

Il y a en effet provocation quand le ministre délégué nous relit une déclaration que nous avons tous entendue ce matin et selon laquelle c'est au Parlement que les choses se passent. Que le Premier ministre vienne ici nous dire comment il répond aux 500 000 hommes et femmes qui sont descendus dans la rue pour exprimer leur opposition à la réforme !

Je sais, monsieur Novelli, que votre position ne changera pas. Si vous voulez jouer la montre en essayant de boucler le débat ce soir pour passer au vote solennel demain, comptez sur nous pour dire aux gens qui ont défilé que le Gouvernement leur répond par le mépris, comme il le fait d'ailleurs avec le Parlement !

M. Jean-Pierre Gorges. C'est ça, allez leur dire !

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Je voudrais dire au ministre qu'on ne peut pas confondre provisoire et indéfini. M. Morin a évoqué après moi l'inégalité de traitement entre les entreprises. J'en ai toujours eu conscience. Considérant qu'il fallait un certain délai, s'agissant des petites entreprises, avant d'aller plus loin, nous avions fixé le terme à 2002. La loi Fillon l'a repoussé à 2005, et le présent texte propose de le reporter à 2008, c'est-à-dire à je ne sais quand !

M. Hervé Novelli. Non : à 2008, précisément !

M. Jean-Marie Le Guen. À cette date, vous ne serez plus là !

M. Jean Le Garrec. J'espère en effet, monsieur Novelli, que vous ne serez pas en situation de repousser l'échéance une troisième fois !

Cet article est truffé de problèmes. Par exemple, le décompte se fait à partir de la trente-sixième heure, ce qui permettra de grappiller 47 heures de travail. C'est inacceptable !

M. Hervé Novelli. Ça ne date pourtant pas d'aujourd'hui !

M. Jean Le Garrec. De plus, comme le ministre l'a reconnu, ce sont les petites entreprises qui créent des emplois. Or si le texte est adopté, les salariés de ces entreprises pourront travailler 44 heures pendant douze semaines et 41 heures pendant trente-cinq semaines. Laissons de côté les conséquences sur la santé qu'aura cette aggravation des conditions de travail : pourquoi voulez-vous que des entreprises auxquelles on offre cette possibilité embauchent quand, au surplus, le coût de l'heure supplémentaire n'est majoré que de 10 % ?

M. Hervé Morin. Parce que !

M. Jean Le Garrec. Nous aurions souhaité la venue du Premier ministre car sa déclaration comporte de lourdes erreurs, que le ministre n'a d'ailleurs pas rectifiées jeudi soir. Ainsi, il faudrait, nous dit-on, le double accord du salarié et du chef d'entreprise : c'est faux ! Le double accord n'est prévu que pour le temps choisi, c'est-à-dire au-delà des 220 heures, auxquelles s'ajoutent les 7 heures de travail obligatoire gratuit pour le lundi de Pentecôte. Ou bien le Premier ministre ne connaît pas suffisamment le texte, ce qui peut arriver, ou bien il commet délibérément une erreur pour tromper les salariés, ce qui ne serait pas acceptable.

Quand vous parlez des abattements sur les cotisations, monsieur Novelli, n'oubliez pas que les 17 milliards incluent les abattements Juppé et les abattements Balladur.

M. Patrick Ollier. C'est 15 milliards !

M. Jean Le Garrec. Soit, mais il faut y ajouter le milliard pour l'hôtellerie-restauration.

M. Hervé Morin. On oublie le coût que cela représente pour les collectivités locales !

M. Jean Le Garrec. Les abattements pour l'application des 35 heures étaient liés à des contreparties : discussions sur l'emploi, l'organisation du travail, les salaires. Vous les avez fait disparaître. Alors, de grâce, monsieur Novelli, arrêtez de nous donner des leçons ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Reprise de la discussion

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 64, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. M. Morin a parlé d'erreur historique : tout cet argent, a-t-il affirmé, aurait pu servir à autre chose. Mais les erreurs historiques sont ailleurs. Les sommes gaspillées du fait de la baisse de l'ISF et de l'impôt sur le revenu auraient pu servir pour l'école, l'université ou la santé. Ç'aurait été bien plus utile à la société.

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !

M. Hervé Novelli. Cela n'a rien à voir !

Mme Martine Billard. Les 35 heures ont été bénéfiques à la santé des salariés. En outre, ceux-ci ont pu consacrer le temps libéré à d'autres activités tout aussi productives pour la société. Quand on dispose de plus de temps pour travailler à son jardin ou pour bricoler...

M. Hervé Morin. Pour faire pousser des carottes...

Mme Martine Billard. Eh oui, monsieur Morin ! Ces productions supplémentaires créent aussi des emplois dans les secteurs concernés. Je sais bien que, dans les rangs de la majorité, on admet difficilement qu'il puisse y avoir de l'emploi ailleurs que de dans le secteur marchand. C'est oublier que le secteur non marchand représente plusieurs millions de salariés !

Permettez-moi de vous citer la partie XIII du traité de Versailles, consacrée au travail, qui énonce en son article 427 le principe de réformes sociales précises : journée de travail de huit heures, repos hebdomadaire, suppression du travail des enfants, égalité des sexes, « car le travail ne doit pas être considéré simplement comme une marchandise ou un article de commerce ».

M. Jean-Pierre Soisson. Nous sommes tous d'accord là-dessus !

Mme Martine Billard. Je l'extrais, non pas d'un document de la CGT, mais d'un livre de M. Ernest-Antoine Seillière intitulé Qu'est-ce que le MEDEF ?

Ceux qui prétendent revenir à la négociation individuelle entre le salarié et son employeur sont donc particulièrement en retard : leur référence doit être la loi Le Chapelier de 1791. Comme innovation, il y a mieux !


Rien ne nous garantit que vous n'allez pas continuer, de trois ans en trois ans, à proroger cette dérogation. Or voilà huit ans que les salariés de ces entreprises perdent du pouvoir d'achat !

M. Hervé Novelli. C'est vous qui avez commencé !

Mme Martine Billard. Vous pouvez toujours imputer deux années de cette perte de pouvoir d'achat au gouvernement précédent, mais les six autres années sont dues à votre faute.

M. Hervé Novelli. On a suivi !

Mme Martine Billard. Six années pendant lesquelles les salariés de ces entreprises ont perdu de leur pouvoir d'achat, et cela à cause de vos lois !

M. Hervé Morin. En tout cas pas pendant trois ans : 2000, 2001 et 2002 !

Mme Martine Billard. Il reste au moins cinq ans à votre « crédit » !

Les salariés pouvaient comprendre qu'au moment de la négociation des 35 heures, les salaires aient été quelque peu stabilisés. Mais de là à accepter qu'ils stagnent pendant cinq ans sans aucune contrepartie ...

Vous pouvez toujours nous dire que certains salariés sont favorables à la suppression des 35 heures. J'ai bien peur qu'en 2007 vous ayez du mal à les retrouver lorsque vous en aurez besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais mettre aux voix l'amendement n° 64.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 92

                    Nombre de suffrages exprimés 92

                    Majorité absolue 47

        Pour l'adoption 26

        Contre 66

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je salue la présence du président Ayrault, auquel je donne la parole.

M. Jean-Marc Ayrault. Il serait souhaitable que le groupe socialiste puisse se réunir afin de faire le point. Voilà pourquoi je vous demande, monsieur le président, une suspension de séance d'une demi-heure. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il ne faut pas prendre cette demande à la légère. Je viens juste d'arriver, et je prends connaissance de ce qui se passe.

M. Hervé Morin. Modestement !

M. Jean-Marc Ayrault. Je suis modeste comme vous, monsieur Morin, qui étions investis de la même mission en Turquie, avec le président de l'Assemblée nationale.

Je tiens à rendre hommage à tous les députés qui ont siégé très tard dans la nuit de jeudi à vendredi, jusqu'à six heures du matin.

M. Hervé Novelli. Merci !

M. Jean-Marc Ayrault. Je le dis pour tous ceux qui étaient sur ces bancs, même si je m'adresse d'abord à mes collègues du groupe socialiste. (« Merci ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

A ce propos, monsieur le président, je ne trouve pas très digne d'avoir prolongé à marche forcée les travaux de l'Assemblée nationale jusqu'à une heure aussi matinale, et ce au détriment de leur qualité. Et je pense que ce sentiment est partagé bien au-delà des bancs du groupe socialiste.

Sur un texte aussi important, monsieur Larcher, le Gouvernement aurait pu prendre le temps de la réflexion.

Certains s'étonnent de la détermination du groupe socialiste. Mais songez, entre autres, aux propos tenus ce matin par le Premier ministre sur France Inter et évoqués par mes collègues cet après-midi. Ils dénotent une contradiction avec la loi de cohésion sociale que vous avez vous-mêmes fait voter.

Vous aviez dit qu'avant toute législation il fallait négocier. Pour notre part, nous ne demandons qu'une chose : c'est qu'après les manifestations de samedi, du secteur public comme du secteur privé, les organisations soient reçues - comme elles le demandent unanimement - avant que nous ne poursuivions nos travaux sur ce texte.

Si vous nous imposez la poursuite de ces travaux, alors laissez-nous faire le point au sein de notre groupe.

Voilà pourquoi je vous demande une suspension de séance, raisonnable, d'une demi-heure.

M. le président. Monsieur Ayrault, la suspension est de droit. Et votre qualité de président de groupe donne encore plus de poids à cette demande.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d'un amendement n° 154.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Il s'agit d'un amendement de clarification.

En effet, le maintien du 1° du paragraphe I de l'article 3 n'est pas nécessaire dès lors que le 2° introduit par la commission définit avec suffisamment de précision le contenu du régime transitoire applicable aux entreprises de moins de vingt salariés encore non couvertes par un accord de branche en matière d'heures supplémentaires, régime qui donne aux partenaires sociaux le temps nécessaire pour conclure des accords de branche ou d'entreprise appropriés aux caractéristiques des entités de petite taille.

Nous nous sommes déjà longuement expliqué au cours du débat sur ce point.

M. le président. Sur l'amendement n° 154, je suis saisi de trente-six sous-amendements.

Les sous-amendements n°s 2075 à 2083 sont identiques.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour défendre le sous-amendement n° 2075.

M. Gaëtan Gorce. Ce sous-amendement tend à préciser la rédaction de l'amendement présenté par le Gouvernement, qui est manifestement trop large par rapport à son objet. Nous entendons par là manifester notre opposition à la volonté du Gouvernement et de la majorité de maintenir en permanence une discrimination entre les salariés des petites entreprises et ceux des grandes.

Ce qu'il faut que chacun comprenne, c'est que ce qui est proposé dans l'amendement du Gouvernement et dans le 3-I de la proposition de loi, c'est que les salariés des petites entreprises n'aient jamais droit aux 35 heures. Cette disposition va à l'encontre de ce que réclament les partenaires sociaux, lesquels ont encore réclamé ce week-end l'établissement d'un vrai calendrier du passage aux 35 heures des salariés des petites entreprises.

La majorité invoque la liberté. Je considère pour ma part qu'elle prend beaucoup de libertés avec la liberté.

Ce que réclament les salariés des petites entreprises, c'est de bénéficier des mêmes avantages et des mêmes progrès sociaux que ceux des entreprises plus grandes.

Si vous êtes hostiles à cette idée, si vous ne voulez pas que ces salariés bénéficient des 35 heures, eh bien, il faut le dire ! Je rappelle que trois salariés sur quatre sont privés de la réduction du temps de travail.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 2075 à 2083 ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Ces sous-amendements n'ont pas été examinés par la commission.

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez le droit d'avoir une opinion !

M. Pierre Morange, rapporteur. Absolument, monsieur Brard, mais je me devais, à la fois par souci de précision et pour éclairer la représentation nationale, d'indiquer que la commission n'avait pas statué sur le point soulevé par ces sous-amendements.

En tant que rapporteur, j'émets un avis défavorable sur le sous-amendement n° 2059 pour les raisons que j'ai déjà fournies lorsqu'il a été question d'accord de branche étendu dans des amendements identiques déposés sur les articles précédents.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Brard. C'est un peu court, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Je rappelle qu'un long débat a eu lieu dans la nuit de jeudi à vendredi dernier sur l'accord de branche étendu et que la question a été tranchée sur le plan juridique.

Quant à l'amendement du Gouvernement, il répond à une demande des députés socialistes qui, estimant l'expression « dans l'attente de » figurant dans l'article 3 trop imprécise, ont réclamé une autre rédaction. Le Gouvernement ayant répondu à leur attente, j'espère qu'ils voteront cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous avons effectivement déjà eu un débat sur l'accord de branche étendu mais le contexte est ici différent puisque le sous-amendement n° 2059 tend à réintroduire cette notion à l'article 3, lequel concerne le dispositif que vous entendez mettre en place pour les entreprises de moins de vingt salariés.

Au nombre des tours de passe-passe que nous avons déjà dénoncés figure en effet celui de supprimer, par le dispositif que vous introduisez, une référence à laquelle même M. Fillon n'avait pas voulu toucher. Le retrait de la notion d'extension n'est pas un simple exercice de style, elle a des conséquences de fond. M. Novelli en a parlé tout à l'heure mais cela fait longtemps que la majorité a entrepris de casser les instruments de négociation salariale et sociale.

La notion d'extension présente pourtant un double intérêt : premièrement, l'examen de la convention par la commission nationale évite des détournements de procédure de la part des acteurs de proximité, quels qu'ils soient ; deuxièmement, la validation ministérielle garantit le respect de la notion d'ordre public social.

Quoique bien entamée par les dispositifs que vous mettez en place, cette dernière notion a encore une réalité : elle rappelle qu'il existe une limite en deçà de laquelle on ne peut pas aller sous peine d'enlever tout sens au dialogue social et au débat collectif tels qu'ils figurent dans le préambule de la Constitution de 1946 après y avoir introduit le processus de représentation salariale.

La question ne relève donc pas de l'anecdote mais est, au contraire, fondamentale. Toutes ces modifications ne peuvent être imposées de par la seule volonté du Gouvernement, volonté à la fois non partagée et mal débattue. Il faut un processus de validation.

La référence à un accord de branche étendu est la garantie la plus sûre de la protection de toutes les parties au dialogue social. Je dis bien toutes les parties et pas seulement, même si je pense d'abord à eux, les salariés !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Nos sous-amendements sont loin de n'être que des textes de rédaction ou des anecdotes. Ils abordent des questions de fond.

Les avatars du texte de la majorité sont assez cocasses puisque nos sous-amendements tendent en fait à le rétablir dans sa version d'origine en faisant référence à des conventions de branche étendues.

Vous ne vous êtes pas rendu compte des dégâts causés par la mise en cohérence des textes successifs que vous avez adoptés. Votre œuvre législative consiste non pas à construire mais à détruire puisque vous vous employez à démolir le code du travail, et, en deux ans, le bilan est assez étonnant !

Dans la loi sur la cohésion sociale ou, plus exactement, sur la démocratie sociale, profitant de l'accord sur la formation professionnelle, vous avez osé remettre en cause la hiérarchie des normes entre la loi, le règlement, l'accord de branche et l'accord d'entreprise. Ce n'est pas rien !

Dans la rédaction initiale de votre texte figurait encore la notion d'accord de branche étendu. Mais l'œuvre n'était pas achevée. Pour parvenir à votre but, à savoir passer successivement de la protection de la loi à la convention puis, comme nous l'avons vu à l'article précédent, à l'individualisation - en référence, comme l'a dit M. Soisson, au droit anglo-saxon -, il fallait que disparaisse cette vieille et belle notion appartenant à l'histoire sociale de la République qui permettait aux pouvoirs publics de labelliser à un moment donné des accords pour leur donner une dimension normative, elle-même issue de l'accord des partenaires sociaux.


Vous n'avez aucun respect pour cette histoire collective. Vous n'avez aucun respect pour l'histoire de ceux qui ont inscrit dans notre République cette dimension. Elle était jusqu'à présent partagée sur nos bancs mais aussi sur ceux des plus conservateurs. Mais évidemment, dans le grand vent du libéralisme qui souffle, dans cette folie qui vous amène aujourd'hui vers des concepts étrangers à notre histoire, vous avez décidé d'oublier tout cela. Par ce sous-amendement, qui est loin d'être rédactionnel, nous essayons de vous ramener à la raison et, dans tous les cas, de vous rappeler à des réalités historiques qui n'auraient pas dû vous échapper.

M. le président. Je suis saisi de neuf sous-amendements identiques, nos 2059 à 2067.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Ces sous-amendements procèdent de la même logique. Mais nous apportons des précisions concernant le niveau conventionnel, c'est-à-dire la référence à l'accord de branche étendu ou à l'accord d'entreprise ou d'établissement.

La démonstration est identique. Je voudrais rappeler l'histoire assez étonnante, dans notre droit, de la façon dont toutes les exceptions et toutes les dérogations possibles au niveau de l'accord de branche ont été portées au niveau de l'accord d'entreprise et d'établissement. Cette extension, qui concernait plus de 150 articles du code du travail, n'a jamais été débattue par l'Assemblée nationale, car le Gouvernement n'avait déposé qu'un seul article, qui précisait que toutes les dérogations prévues au niveau de la branche étaient possibles au niveau de l'entreprise et de l'établissement. Nous avons découvert à la lecture du rapport que cela concernait des matières aussi importantes que les heures supplémentaires, le travail du dimanche, le travail de nuit et l'égalité hommes-femmes - bref toute une série de dispositions majeures du code du travail sur lesquelles il existait parfois des dérogations possibles au niveau de la branche, décidées par le législateur, que vous avez étendues à toutes les entreprises et à tous les établissements.

Le Sénat a craint que cette démarche ne soit déclarée inconstitutionnelle et il a déposé 100 amendements pour que la dérogation soit valable texte par texte. Nous avons donc eu ainsi connaissance complètement du contenu de ces extensions.

Ensuite, la commission mixte est parvenue à un accord.

De ce fait, l'Assemblée nationale n'a jamais débattu point par point des conséquences de ces extensions de dérogations, qui touchent, ô combien ! à la vie des Français au travail.

Nous souhaitons, par ces sous-amendements, rappeler notre opposition systématique. Pour mesurer les conséquences de cette affaire, il suffit de regarder le code du travail : un article sur trois ou quatre est touché par ces dispositions.

Ces extensions de dérogations sont aujourd'hui au cœur de nos préoccupations et aggravent singulièrement les assouplissements prévus dans cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Le Gouvernement ne cache guère sa volonté de démanteler le système.

M. Jean-Pierre Brard. Il se tait, surtout !

M. Jean Le Garrec. Le principe de clarification annoncée dans l'amendement du Gouvernement me semble extraordinaire. C'est un aveu. Il considère que l'accord d'entreprise ou l'accord de branche, et a fortiori, comme vient de le dire M. Vidalies, l'accord de branche étendu, qui protège réellement le salarié, seront extrêmement difficiles à obtenir. Il laisse aux entreprises jusqu'à 2008 pour les réaliser

On se dirige clairement vers l'individualisation des rapports entre l'entreprise et le salarié. La clarification exprimée par M. le ministre est tout compte fait - mais cela arrive même aux meilleurs esprits - l'aveu que l'on passe très clairement de la hiérarchie des normes, qui fait partie du droit public social et d'une longue histoire ouvrière, à l'individualisation des rapports, telle que l'a défendue M. Soisson.

On vous prend là, monsieur le ministre,...

M. Jean-Pierre Brard. La main dans le sac !

M. Jean Le Garrec. Comme je suis très correct, je n'ose pas employer vis-à-vis d'un ministre une expression aussi triviale. Mais vous avez compris le sens de ma pensée. On vous prend - je préfère cette expression - en flagrant délit de faire prévaloir l'accord individuel. Cette formule est remarquable : « Tant que l'accord n'aura pas été possible... »

M. Jean-Pierre Soisson. Vous l'avez demandé tout à l'heure !

M. Jean Le Garrec. Monsieur Soisson, vous cherchez à convaincre M. le ministre qu'il faut aller vers l'individualisation.

Au nom de ce qu'est l'histoire de notre droit, nous repoussons cette idée et la combattons.

M. le président. Sur le vote des sous-amendements identiques nos 2059 à 2067, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission sur ces sous-amendements ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour répondre au Gouvernement.

M. Gaëtan Gorce. Je déplore la défaveur que le Gouvernement a opposée à nos différents amendements depuis le début de ce débat.

Nous cherchons, par ces sous-amendements, à souligner le danger que représente le dispositif présenté. Je m'étonne qu'une fois de plus la commission défende si peu le texte qu'elle prétend être le sien - du moins est-ce ce qu'affirment ses auteurs.

On nous a expliqué depuis le début de ce débat que le Parlement devait se flatter d'avoir présenté un tel texte. En réalité, on entend en permanence le Gouvernement s'exprimer. D'une certaine façon, on ne peut que le déplorer. Nous aurions pu espérer avoir un véritable débat entre nous sur ces sujets, mais ce n'est pas le cas.

Il faut voir dans l'attitude de l'opposition le souci d'éclairer les débats à travers ses propositions. Les explications de M. Vidalies, marquées par le sens de la pédagogie, la connaissance du code du travail et la volonté d'aller jusqu'au bout du texte, méritent d'être saluées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Et j'aurais pu dire la même chose pour M. Le Bouillonnec, M. Le Garrec et l'ensemble de mes collègues du groupe socialiste.

Nous agissons ainsi pour signaler les dangers, peut-être pour retarder le moment où vous commettrez l'irréparable, celui où vous voterez un texte que vous regretterez par la suite - en tout cas que les salariés, en particulier ceux des plus petites entreprises, seront appelés à regretter.

Je veux également saluer la sagesse des propos de M. Le Garrec, qui n'est pas suffisamment écouté. En effet, sa connaissance de l'entreprise et du droit du travail aurait pu justifier, de la part de la majorité et de l'ensemble de l'Assemblée, une plus grande attention que celle que vous avez réservée aux excellents amendements qu'il a défendus. Ils n'avaient qu'un souci : réintroduire des garanties et des protections dans un texte qui a au contraire pour effet de les retirer.

M. le président. Je suis saisi de neuf sous-amendements identiques, nos 2050 à 2058

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Il s'agit de sous-amendements de nature rédactionnelle. Ils tendent à remplacer les mots : « l'accord ou la convention fixant » par les mots : « la convention ou l'accord de branche étendu fixant ».

M. Patrick Ollier. Quel est l'intérêt ?

M. Alain Vidalies. La question qui vient de surgir spontanément des rangs de la majorité montre qu'il faut reprendre le débat et que ces quatre jours de discussion n'ont malheureusement servi à rien.

Quelles que soient les qualités pédagogiques des explications de M. Gorce, qui a un remarquable esprit de synthèse, cela n'a pas fonctionné. Il nous faut donc reprendre nos explications.

La différence est considérable entre un accord de branche, auquel vous faites référence - ou un accord d'établissement dans la formulation que vous avez imposée dans le code du travail -, et les dispositions antérieures à janvier 2003, qui faisaient référence à des accords de branche étendus. Là réside toute la question de la transformation par le pouvoir politique d'un accord contractuel signé au niveau de la branche, ou au niveau interprofessionnel, en norme.

M. Jean Le Garrec. Eh oui !

M. Alain Vidalies. Ce n'est pas une petite affaire. Jusqu'à présent, et sous des ministres du travail de gauche comme de droite, la possibilité d'extension des accords était une des activités principales, voire régalienne,...

M. Hervé Novelli. Le régalien n'a rien à voir là-dedans !

M. Alain Vidalies. ...puisque la démarche normative se faisait à partir de cette décision.


Mais là, vous supprimez l'opportunité même de la décision, et vous n'envisagez pas un seul instant que l'accord de branche puisse être étendu.

M. Hervé Novelli. Faites confiance à la convention !

M. Alain Vidalies. Vous écartez même la nécessité d'une appréciation des pouvoirs publics - qui serait une garantie - pour que les dérogations au droit conventionnel puissent s'appliquer. Votre formulation est du reste étonnante : qu'est-ce qu'un accord de branche non étendu ? Vous créez là un OVNI juridique !

Mais j'en termine, car mes explications ne semblent pas vous atteindre, puisque vous ne suivez pas mon raisonnement...(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Christine Boutin. Quel superbe numéro !

M. le président. Monsieur Vidalies !

M. Alain Vidalies. Force est de constater, monsieur le président, que la majorité ne suit pas, et ce depuis quatre jours ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Dans la mesure où les auteurs de la proposition ne précisent pas qu'il s'agit d'un accord de branche étendu, il ne reste plus dans le code que des accords de branche applicables aux seuls adhérents à ces dispositions relevant de l'ancien droit, ce qui finalement sied bien à cette majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Le silence de notre rapporteur est sidérant ! Il s'agit pourtant d'un texte émanant de parlementaires. Je dirais, pour rester dans Cyrano de Bergerac, abondamment cité ces jours derniers, que nous venons d'entendre la tirade des faux-nez. (Sourires.)

M. Hervé Novelli. C'est mieux que d'être faux-cul !

Mme Christine Boutin. Vous parlez du nez de Pinocchio ?

M. Alain Vidalies. Et je serais tenté de dire à M. Morange : « C'est un peu court, jeune homme ! » Nous étions en droit d'attendre plus de brio dans la défense de vos arguments. Malheureusement, ils n'ont convaincu personne, ni dans cet hémicycle, ni dans le pays !

M. le président. Nous en arrivons aux sous-amendements n°s 2068 à 2074.

M. Alain Vidalies. Ces amendements sont rédactionnels.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Soucieux de donner raison à M. Gorce, je m'en tiens à une réponse laconique : avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Même avis que la commission.

M. le président. Sur le vote des sous-amendements n°s 2050 à 2058, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2075 à 2083.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais mettre aux voix les sous-amendements nos 2059 à 2067.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 104

                    Nombre de suffrages exprimés 104

                    Majorité absolue 53

        Pour l'adoption 30

        Contre 74

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais mettre aux voix les sous-amendements nos 2050 à 2058.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 104

                    Nombre de suffrages exprimés 104

                    Majorité absolue 53

        Pour l'adoption 30

        Contre 74

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

M. Hervé Novelli. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2068 à 2074.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 154.

(L'amendement est adopté.)

Demande de vérification du quorum

M. Jean-Marc Ayrault. Sur le prochain vote, je demande la vérification du quorum.

M. le président. Je suis saisi par le président du groupe socialiste d'une demande faite en application de l'article 61 du règlement, tendant à vérifier le quorum avant de procéder au vote sur les amendements identiques n°s 47 et 65.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 47.

Mme Martine Billard. Nous proposons de supprimer le II de l'article 3, qui permet aux chefs d'entreprise de faire renoncer les salariés « à une partie » de leur RTT, ce qui est abusif, car il s'agit en fait de la totalité des jours de repos, les accords prévoyant en général neuf à dix jours annuels. Cet article introduit aussi des heures supplémentaires au forfait jours. Le principe du forfait suppose le non-paiement des heures supplémentaires. Avec la convention de forfait jours, les salariés peuvent effectuer jusqu'à soixante-dix heures par semaine. Si on y ajoute le nombre d'heures supplémentaires que vous proposez, on arrive à quatre-vingts heures par semaine, soit deux semaines de quarante heures en une ! Quel progrès pour le salarié ! Nous ne sommes plus dans la logique du « travailler plus pour gagner plus », mais dans celle de On achève bien les chevaux !

Je vous rappelle que 65 % des cadres veulent conserver leurs jours de RTT, et, chiffre très révélateur, 87 % des cadres de moins de trente-quatre ans ! C'est à croire que vous voulez désespérer cette jeunesse qui est consciente de la nécessité de partager le travail, et qu'il y a une vie après la journée de bureau : la famille, les loisirs, les amis.

Quant aux femmes cadres, 95 % d'entre elles veulent conserver le système de la RTT, et ne pas se voir imposer des heures supplémentaires. À cet égard, je profite de l'occasion pour faire remarquer que nous sommes loin de la parité en matière de salaires et de responsabilités, et que les femmes ont bien du mal à faire voler en éclat le fameux « plafond de verre » qui les empêche d'accéder aux postes de direction. Elles estiment à bon droit qu'il n'y a pas lieu de se ruiner la santé, avec des horaires plus lourds, pour 10 % de rémunération supplémentaire.

Comment pouvez-vous concevoir que la « liberté » de travailler plus donnée à 5 % d'entre elles remette en cause les droits acquis par toutes les autres ?

Il y a loin du discours aux actes : il y a un gouffre ! D'un côté, vous annoncez un plan « santé au travail », et, de l'autre, des mesures tendant à instaurer l'égalité hommes-femmes ; mais, dans les faits, vous proposez des dispositions dangereuses pour la santé des travailleurs, et aggravant les conditions de travail des salariés. Pour les femmes salariées, les conséquences sont claires : leurs conditions de travail seront pires qu'auparavant. On pouvait penser qu'au XXIe siècle, nous n'en serions plus là !

M. Jean-Pierre Soisson. Rappel au règlement ! Mme Billard a évoqué le sort de ces « pauvres femmes » et j'estime ce terme attentatoire à la dignité des femmes. Je lui demande de retirer ce propos ! (Exclamations sur divers bancs.)

M. Jean-Pierre Brard. M. Soisson est un féministe averti !

Mme Martine Billard. Notre collègue devrait être plus attentif car jamais je n'ai employé cette expression.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce pour présenter l'amendement n° 65.

M. Gaëtan Gorce. Notre amendement, comme celui de Mme Billard, vise à supprimer le II de l'article 3, car il induit des risques majeurs en matière de droit du travail. Il vise, dans une relation bilatérale entre l'employeur et les salariés, à remettre en question des accords collectifs.

M. Jean-Pierre Gorges. C'est le but !

M. Gaëtan Gorce. Ce qui aurait été négocié par les partenaires sociaux dans la branche ou l'entreprise en matière de jours de congé, de convention de forfait horaire ou en jours de repos pourrait être remis en question dans une entreprise de moins de vingt salariés, parce que l'employeur l'aura demandé aux salariés, ces derniers se trouvant dans un rapport inégal.

Au-delà de ces déséquilibres, c'est la remise en cause d'un principe de notre droit public et de notre droit du travail qui veut que l'on ne puisse déroger par une simple décision individuelle à un accord collectif, qui comporte des protections. Cette disposition est d'autant plus dangereuse que le salarié peut renoncer à une partie de la RTT dans l'attente d'une convention de branche ou d'un accord d'entreprise, ce qui, en droit, ne signifie absolument rien.

Par conséquent, cette disposition doit être combattue, car elle comporte des risques considérables et qu'elle ouvre une brèche dans le droit du travail, ce qui n'est pas acceptable. Nous sommes là dans une dérive à l'anglo-saxonne, dans la logique inacceptable de l'opting out, avec la possibilité de se mettre d'accord par-delà la loi, par-delà les accords collectifs.

Pour achever cette soirée particulière en empruntant une fois encore à Edmond Rostand, je décourage par avance ceux qui feraient à M. Vidalies le reproche de Roxane à Cyrano : « Mais pourquoi parlez-vous de façon peu hâtive ? Auriez-vous donc la goutte à l'imaginative ? » S'il s'exprime parfois avec lenteur, Alain Vidalies ne manque jamais d'imagination, ni d'esprit d'à propos !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?


M. Pierre Morange
,
rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable : nous nous sommes déjà exprimés sur le sujet.

M. Jean-Pierre Brard. Mais pas sur Cyrano !

M. le président. Je rappelle que j'ai été saisi par le président du groupe socialiste d'une demande faite en application de l'article 61 du règlement, tendant à vérifier le quorum avant de procéder au vote sur les amendements identiques nos 47 et 65.

Je constate que le quorum n'est pas atteint.

Le vote sur ces amendements est reporté à demain, 16 heures 15.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

    3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Mardi 8 février, à neuf heures trente, première séance publique :

Questions orales sans débat ;

Fixation de l'ordre du jour.

A quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion de la proposition de loi, n° 2030, de M. Patrick Ollier et plusieurs de ses collègues portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise :

Rapport, n° 2040, de M. Pierre Morange, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 1623, relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux :

Rapport, n° 1663, de Mme Muriel Marland-Militello, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

A vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures quarante-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot